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1
p. 206-209
Vers de M le Marquis de la R. à Mademoiselle D. [titre d'après la table]
Début :
Le nom d'un fameux Autheur suffit pour augmenter le / Fille d'une Aigle, Aigle vous-même, [...]
Mots clefs :
Aigle, Auteur
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texteReconnaissance textuelle : Vers de M le Marquis de la R. à Mademoiselle D. [titre d'après la table]
Le nomd'unfameux Authcur
suffit pour augmenter
le prix d'un Ouvrage:que le
merite y soitounon,cela
n'est d'aucuneconsequence
pour le Publicqui sesatisfait,
oudu moins, qui seprévient
sur l'étiquettedu sac:ils'enfuitdelàque
les plushabilesi
gens ont quelquefoisleprivilegede
ne rienfaire quivaille&
d'entendretraiter denégligencesheureuses,
des fautes
qu'on ne pardonneroit pas
à des Autheurs subalternes.
Voicypar exemple , me
dira-t-on, des vers que vous
estesobligez de trouver admirables.
Ils font de RacanJ
de Malhetbe, ou de Pavillon:
donc ils font bons. Si celaest,
comme je n'ose pointen douter
, lesdeux Pieces qu'on va
lire sontexcellentes.-. La premiere
est un rendre éloge que
Mr leMarquis devlaR.1
addresse à Mlle desH. &
la seconde est une obligeante
réponsede Mlledts'H.A'
àMr de laR. l
Fille d'une Aigle, Aigle uousmême,
Qui n'avez point degeneré ,
Dont par tout le mente extrême
Estsijustement reveré,
Qu'on s'honore quand on vous
aime , -
AimableInterprete des Dieux,
Qui parlezsibien leur langage,
Etquiporte dansvos beauxyeux
Etleurdouceur g7* leur image , Recevez le petitdommage
Que je vous offretous lesAN.
C'est un tribut desentimens,
Qui neconvientplusàmonâge :
Mes bienséances me l'ont dit.
Les Amours & les Vers font
faits pour la jeunesse, 1
Maislefeu de mon courquisoûtient
tient mon esprit,
Amuse & trompe mavieillesse.
Faites-moyseulementcrédit
D'agrémens & de gentillesse,
Contentezvous dufond de ma
tendresse;
Il en estde ce que je sens,
Comme des Tableaux d'ungrand
Maître,
Dont la beauténefait que croître
Et briller davantage à la longueur
du temps.
Vostrevertu n'estpas commune,
Vous aimez à faire du bien:
Donnez mes yeux à la Fortune
, Il ne vousmanqueraplus rien.
suffit pour augmenter
le prix d'un Ouvrage:que le
merite y soitounon,cela
n'est d'aucuneconsequence
pour le Publicqui sesatisfait,
oudu moins, qui seprévient
sur l'étiquettedu sac:ils'enfuitdelàque
les plushabilesi
gens ont quelquefoisleprivilegede
ne rienfaire quivaille&
d'entendretraiter denégligencesheureuses,
des fautes
qu'on ne pardonneroit pas
à des Autheurs subalternes.
Voicypar exemple , me
dira-t-on, des vers que vous
estesobligez de trouver admirables.
Ils font de RacanJ
de Malhetbe, ou de Pavillon:
donc ils font bons. Si celaest,
comme je n'ose pointen douter
, lesdeux Pieces qu'on va
lire sontexcellentes.-. La premiere
est un rendre éloge que
Mr leMarquis devlaR.1
addresse à Mlle desH. &
la seconde est une obligeante
réponsede Mlledts'H.A'
àMr de laR. l
Fille d'une Aigle, Aigle uousmême,
Qui n'avez point degeneré ,
Dont par tout le mente extrême
Estsijustement reveré,
Qu'on s'honore quand on vous
aime , -
AimableInterprete des Dieux,
Qui parlezsibien leur langage,
Etquiporte dansvos beauxyeux
Etleurdouceur g7* leur image , Recevez le petitdommage
Que je vous offretous lesAN.
C'est un tribut desentimens,
Qui neconvientplusàmonâge :
Mes bienséances me l'ont dit.
Les Amours & les Vers font
faits pour la jeunesse, 1
Maislefeu de mon courquisoûtient
tient mon esprit,
Amuse & trompe mavieillesse.
Faites-moyseulementcrédit
D'agrémens & de gentillesse,
Contentezvous dufond de ma
tendresse;
Il en estde ce que je sens,
Comme des Tableaux d'ungrand
Maître,
Dont la beauténefait que croître
Et briller davantage à la longueur
du temps.
Vostrevertu n'estpas commune,
Vous aimez à faire du bien:
Donnez mes yeux à la Fortune
, Il ne vousmanqueraplus rien.
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Résumé : Vers de M le Marquis de la R. à Mademoiselle D. [titre d'après la table]
Le texte explore l'influence du nom d'un auteur célèbre sur la perception du public, qui privilégie souvent la réputation à la qualité intrinsèque de l'œuvre. Les auteurs renommés peuvent être pardonnés pour des négligences ou des fautes que d'autres ne le seraient pas. Le texte présente ensuite deux poèmes. Le premier, adressé par le Marquis de la R. à Mlle des H., la compare à un aigle, soulignant sa renommée et la dignité qu'elle inspire. Le poète, bien que conscient que les amours et la poésie conviennent mieux à la jeunesse, avoue que son cœur et son esprit sont encore animés par ces sentiments. Il exprime son admiration pour la vertu et la générosité de Mlle des H., comparant ses sentiments à des tableaux d'un grand maître qui gagnent en beauté avec le temps. Il conclut en offrant ses yeux à la Fortune, suggérant que cela compléterait la perfection de Mlle des H.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1028-1032
ELOGE de l'Humeur Capricieuse, par M...
Début :
Peut-être trouverez-vous étonnant, Monsieur, que j'entreprenne de [...]
Mots clefs :
Humeur capricieuse, Femme, Plaisirs, Caractère
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texteReconnaissance textuelle : ELOGE de l'Humeur Capricieuse, par M...
LOGE de l'Humeur Capricieuse,
par M....
Eut-être trouverez- vous étonnant,
Monsieur , que j'entreprenne de fairol'éloge de l'humeur capricieuse. Ceprojet vous paroîtra nouveau,et ne manquera
pas de Critiques ; mais après plusieurs réAlexions sur les différens effets du caprice
dans toutes les actions de la vie , j'ai.reconnu qué cette humeur pouvoit former un
caractere qui se soutient également lors
qu'on l'a dans sa perfection. C'est aussi
de l'humeur parfaitement capricieuse
que je veux parler, non d'une humeur
foujours bourue , toujours brutale mais
de l'humeur inégale , tantôt gaye , tantôt
triste , quelquefois gracieuse et prévenante , quelquefois fiere et impolie.
,
La Femme me fournira plus aisément
un sujet convenable à mon dessein elle
a seule assez de vivacité assez de ce
feu céleste qui donne de l'élévation à
l'esprit , car il faut nécessairemt un
gérie audessus du commun pour être
capricieux ; il y a dans ce caractere un
merveilleux qui ne se dément jamais ,
et qui surprend toujours ; on peut donc
distinguer dans la femme deux espepeces
MA Y. 1732. 11029
·
6
mary
ces d'humeur capricieuses , l'une dans
le domestique , l'autre dans le monde. La
femme capricieuse dans le domestique est
alternativement en colere pour des bagatelles , tranquille et patiente pour des
choses essentielles ; tantôt elle a pour un
des airs de froideur et de hauteur
tantôt elle est soumise et empressée , et
l'accable de caresses ; elle se moque quelquefois des idées raisonnables qu'il à , et
est ingénieuse à lui déplaire ; quelquefois
elle est gracieuse, attirante;elle le prévient
sur tout un moment après elle le tourne en ridicule , le traite avec mépris , et.
par un changement inesperé elle lui donhe ensuite des marques d'une admiration,
et d'une estime particuliere.. Combien,
l'inconstance naturelle d'un mary n'est-elle point satisfaite avec un tel caractere. II,
a deux femmes dans une. La capricieuse
rend l'autre plus aimable en lui donnant
sans cesse la grace de la nouveauté; le caprice irrite les désirs d'un mary , le tient
entre l'esperance et la crainte , toujours
en suspens , toujours dans cette agitation,
qui empêche de tomber dans la tiedeur et
dans l'indolence; enfin il l'éxcite et le ranimeassez pour lui faireoublier ce qu'il peut
y avoir d'in ipide et d'ennuyeux dans la
longue habitude dumariage. Quel charme
I ÿj pour
1035 MERCURE DE FRANCE
pour un mary de trouver sa femme gaye
quand il craignoit de la trouver en coTere et de mauvaise humeur ! 11 est flaté
d'un bien auquel il ne s'attendoit pas ; il
s'en applaudit , il croit que c'est en sa faveur que s'est fait ce changement , et il
tombenécessairement d'accord en lui-même que les plaisirs ne sont sensibles qu'autant que le caprice en réveille le gout. La
Capricieuse dans le monde esttriste quand
les autres sont gayes , ou elle est gaye
avec tant d'excés qu'elle en déconcerte
les plus enjoüées : elle s'attache à certaines
personnes pendant deux ou trois jours ,
elle les voit d'un air d'amitié la plus sincere , et ne sçauroit les quitter : occupée
ensuite d'un nouvel objet , elle est un
mois sans leur parler , et loin de répondre à leurs honnêtetez et à leurs avances ,
elle les regarde comme si elle ne les avoit
jamais connuës ; elle est douce et flateuse
quelquefois , et quelquefois d'un commerce dur et rebutant : alors vous la verrez
ne pas même regarder ceux qui viennent
chez elle , ne les pas saluer , s'offenser des
politesses qu'on lui fera , prendre du
mauvais côté les choses qui ont deux faees ,se croire insultée quand elle ne l'est
point , et souffrir les choses les plus piquantes, sans s'en plaindre.
t
11
MAY 1732 1031
Il faut donc conclure par les agrémens
d'une femme capricieuse, que rien n'est si
charmant , rien n'est si aimable qu'une
femme parfaitement capricieuse. Pour
moi si le Ciel m'avoit destiné à passer
mes jours avec un aussi rare caractere , je
me croirois des mortels le plus fortunés
rien n'égaleroit la douceur d'une vie dont
les momens seroient si variez , que l'on
n'auroit le tems de s'affliger. pas
Personne n'ignore que ce qui nous tourmente le plus dans le monde , c'est la
Refléxion. On ne fait des reflexions que
quand on tombe dans l'indolence , et que
Poisiveté nous rend à nous- mêmes ; mais
avec une femme capricieuse est- il possible
de rentrer en soi - même? Ne nous occupe t'elle pas tous les instans de notre vie?
tantôt dans la crainte de la voir de mauvaise humeur , tantôt dans l'esperance de
la trouver gaye ; l'amour le plus parfait ,
la tendresse la plus vive pour une femme
"ordinaire , laisse encore du vuide dans le
cœur , et c'est ce vuide qui est trop souvent et si cruellement rempli par mille,
refléxions douloureuses qui naissent tantôt des dégoûts , tantôt des mouvemens.
de jalousie , et toûjours par l'inconstance.
On n'est point exposé à ces chagrins avec
une femme capricieuse ; aussi n'y auraI iij t'il
1032 MERCURE DE FRANCE
t'il jamais que le contraste perpetuel de
son humeur qui puisse remplir le cœur
de l'homme; c'est de cette source que
coule une source inépuisable de plaisirs ,
parce que comme il n'y a point de peines sans refléxions , de- même il n'y a que
des plaisirs où il n'y a point de peines
s'ils est donc vrai que ce soit dans le seul
commerce d'une femme capricieuse que
l'on trouve des plaisirs exempts de refléxions , conséquemment exempts de
peines ; il faut convenir que rien n'égale
le mérite d'une femme capricieuse , puisqu'il n'y a qu'elle qui puisse procurer.
P'homme des plaisirs solides et constans.
par M....
Eut-être trouverez- vous étonnant,
Monsieur , que j'entreprenne de fairol'éloge de l'humeur capricieuse. Ceprojet vous paroîtra nouveau,et ne manquera
pas de Critiques ; mais après plusieurs réAlexions sur les différens effets du caprice
dans toutes les actions de la vie , j'ai.reconnu qué cette humeur pouvoit former un
caractere qui se soutient également lors
qu'on l'a dans sa perfection. C'est aussi
de l'humeur parfaitement capricieuse
que je veux parler, non d'une humeur
foujours bourue , toujours brutale mais
de l'humeur inégale , tantôt gaye , tantôt
triste , quelquefois gracieuse et prévenante , quelquefois fiere et impolie.
,
La Femme me fournira plus aisément
un sujet convenable à mon dessein elle
a seule assez de vivacité assez de ce
feu céleste qui donne de l'élévation à
l'esprit , car il faut nécessairemt un
gérie audessus du commun pour être
capricieux ; il y a dans ce caractere un
merveilleux qui ne se dément jamais ,
et qui surprend toujours ; on peut donc
distinguer dans la femme deux espepeces
MA Y. 1732. 11029
·
6
mary
ces d'humeur capricieuses , l'une dans
le domestique , l'autre dans le monde. La
femme capricieuse dans le domestique est
alternativement en colere pour des bagatelles , tranquille et patiente pour des
choses essentielles ; tantôt elle a pour un
des airs de froideur et de hauteur
tantôt elle est soumise et empressée , et
l'accable de caresses ; elle se moque quelquefois des idées raisonnables qu'il à , et
est ingénieuse à lui déplaire ; quelquefois
elle est gracieuse, attirante;elle le prévient
sur tout un moment après elle le tourne en ridicule , le traite avec mépris , et.
par un changement inesperé elle lui donhe ensuite des marques d'une admiration,
et d'une estime particuliere.. Combien,
l'inconstance naturelle d'un mary n'est-elle point satisfaite avec un tel caractere. II,
a deux femmes dans une. La capricieuse
rend l'autre plus aimable en lui donnant
sans cesse la grace de la nouveauté; le caprice irrite les désirs d'un mary , le tient
entre l'esperance et la crainte , toujours
en suspens , toujours dans cette agitation,
qui empêche de tomber dans la tiedeur et
dans l'indolence; enfin il l'éxcite et le ranimeassez pour lui faireoublier ce qu'il peut
y avoir d'in ipide et d'ennuyeux dans la
longue habitude dumariage. Quel charme
I ÿj pour
1035 MERCURE DE FRANCE
pour un mary de trouver sa femme gaye
quand il craignoit de la trouver en coTere et de mauvaise humeur ! 11 est flaté
d'un bien auquel il ne s'attendoit pas ; il
s'en applaudit , il croit que c'est en sa faveur que s'est fait ce changement , et il
tombenécessairement d'accord en lui-même que les plaisirs ne sont sensibles qu'autant que le caprice en réveille le gout. La
Capricieuse dans le monde esttriste quand
les autres sont gayes , ou elle est gaye
avec tant d'excés qu'elle en déconcerte
les plus enjoüées : elle s'attache à certaines
personnes pendant deux ou trois jours ,
elle les voit d'un air d'amitié la plus sincere , et ne sçauroit les quitter : occupée
ensuite d'un nouvel objet , elle est un
mois sans leur parler , et loin de répondre à leurs honnêtetez et à leurs avances ,
elle les regarde comme si elle ne les avoit
jamais connuës ; elle est douce et flateuse
quelquefois , et quelquefois d'un commerce dur et rebutant : alors vous la verrez
ne pas même regarder ceux qui viennent
chez elle , ne les pas saluer , s'offenser des
politesses qu'on lui fera , prendre du
mauvais côté les choses qui ont deux faees ,se croire insultée quand elle ne l'est
point , et souffrir les choses les plus piquantes, sans s'en plaindre.
t
11
MAY 1732 1031
Il faut donc conclure par les agrémens
d'une femme capricieuse, que rien n'est si
charmant , rien n'est si aimable qu'une
femme parfaitement capricieuse. Pour
moi si le Ciel m'avoit destiné à passer
mes jours avec un aussi rare caractere , je
me croirois des mortels le plus fortunés
rien n'égaleroit la douceur d'une vie dont
les momens seroient si variez , que l'on
n'auroit le tems de s'affliger. pas
Personne n'ignore que ce qui nous tourmente le plus dans le monde , c'est la
Refléxion. On ne fait des reflexions que
quand on tombe dans l'indolence , et que
Poisiveté nous rend à nous- mêmes ; mais
avec une femme capricieuse est- il possible
de rentrer en soi - même? Ne nous occupe t'elle pas tous les instans de notre vie?
tantôt dans la crainte de la voir de mauvaise humeur , tantôt dans l'esperance de
la trouver gaye ; l'amour le plus parfait ,
la tendresse la plus vive pour une femme
"ordinaire , laisse encore du vuide dans le
cœur , et c'est ce vuide qui est trop souvent et si cruellement rempli par mille,
refléxions douloureuses qui naissent tantôt des dégoûts , tantôt des mouvemens.
de jalousie , et toûjours par l'inconstance.
On n'est point exposé à ces chagrins avec
une femme capricieuse ; aussi n'y auraI iij t'il
1032 MERCURE DE FRANCE
t'il jamais que le contraste perpetuel de
son humeur qui puisse remplir le cœur
de l'homme; c'est de cette source que
coule une source inépuisable de plaisirs ,
parce que comme il n'y a point de peines sans refléxions , de- même il n'y a que
des plaisirs où il n'y a point de peines
s'ils est donc vrai que ce soit dans le seul
commerce d'une femme capricieuse que
l'on trouve des plaisirs exempts de refléxions , conséquemment exempts de
peines ; il faut convenir que rien n'égale
le mérite d'une femme capricieuse , puisqu'il n'y a qu'elle qui puisse procurer.
P'homme des plaisirs solides et constans.
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Résumé : ELOGE de l'Humeur Capricieuse, par M...
Le texte 'Loge de l'Humeur Capricieuse' examine l'éloge de l'humeur capricieuse, un sujet susceptible de critiques. L'auteur distingue l'humeur capricieuse parfaite, qui alterne entre gaieté et tristesse, de l'humeur constamment brutale. Il considère la femme comme le modèle idéal de cette humeur, en raison de sa vivacité et de son esprit élevé. L'auteur identifie deux types de femmes capricieuses : celle du domaine domestique et celle du monde. La femme capricieuse à la maison est imprévisible, passant de la colère à la patience, de la froideur à la soumission. Elle satisfait l'inconstance naturelle de son mari en lui offrant une variété constante, évitant ainsi la monotonie du mariage. Dans le monde, elle est soit triste quand les autres sont gais, soit excessivement gaie, attachante un moment puis indifférente le suivant. L'auteur conclut que les agréments d'une femme capricieuse rendent la vie variée et exemptée de réflexions douloureuses. Une femme capricieuse occupe constamment l'esprit de son partenaire, alternant entre crainte et espoir, et évitant ainsi les chagrins liés à l'indolence et à la jalousie. Ainsi, le commerce avec une femme capricieuse procure des plaisirs solides et constants, exempts de peines.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 3-6
ELOGE DE LA PEINTURE, A M. Soubeyran, très-habile Dessinateur, & fameux Peintre à Geneve ; par un de ses éleves.
Début :
Soubeyran, de tous vos ouvrages [...]
Mots clefs :
Art, Coeur, Dessinateur, Peinture
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ELOGE DE LA PEINTURE, A M. Soubeyran, très-habile Dessinateur, & fameux Peintre à Geneve ; par un de ses éleves.
ELOGE DE LA PEINTURE ;
A M. Soubeyran , très- habile Deffinateur
&fameux Peintre à Geneve ; par un de
fes éleves.
Soubeyran , de tous vos ouvrages
J'admire les traits , la beauté ;
Permettez - vous à mon coeur enchanté ,
De vous rendre ici les hommages
Que confacre la vérité ?
Peignez -vous fous un verd ombrage
1.Vel. A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
Des oiſeaux enrichis des plus belles couleurs ?
Mon oreille entend leur ramage ;
Et fi vous nous tracez des fleurs ,
J'admire leur éclat , leur port , leur affemblage ,
Et je crois fentir leurs odeurs .
Je vois du papillon les volages ardeurs ;
Et je ris de fon badinage.
Par quel art , de votre pinceau
Ce vallon éloigné vient -il frapper ma vûe ?
Et malgré fa vafte étendue
Se place- t-il dans un tableau ?
Ici l'objet fort de la toile ,
Et femble s'offrir à ma main ;
Là fe dérobant fous un voile ,
Un autre fuit dans le lointain.
A ton art , aimable Peinture ,
Tu foumets toute la nature ,
Tu rapproches de nous , & les lieux & les tems ;
Et par ton adroite impofture ,
De l'hiftoire la plus obfcure
Nous voyons les événemens.
Aux fineffes de l'art i je pouvois atteindre ,
Que mes voeux feroient fatisfaits !
Mufe , tu me verrois au gré de mes fouhaits ,
Faifant des vers , ainfi que tu fçais peindre ,
Chanter tes dons & dire tes bienfaits.
Votre art , cher Soubeyran , donne à tout un langage
,
2
DECEMBRE . 1754 .
S
De la vie & des fentimens.
Sans prodiguer les ornemens ,
Tout plaît & touche en votre ouvrage.
D'un pere , d'un époux exprimez - vous l'image ?
Malgré l'éloignement des lieux ,
Malgré les rigueurs de l'abſence ,
Une parfaite reffemblance
Les fait reparoître à nos yeux,
Et nous rend encor leur préfence.
Des plus infortunés vous calmez les regrets.
Sous vos doigts la toile refpire ;
D'un ami , que la mort retient dans ſon empire ,
Mon oeil peut contempler les traits ,
Et mon trifte coeur qui foupire ,
Erre encore avec lui fous de fombres cyprès.
Mais , dites-nous , par quels preftiges
Vous marquez de nos corps & l'âge & les progrès ?
Apprenez - nous par quels prodiges
Vous peignez de l'efprit les mouvemens fecrets ,
Vous nous montrez les replis de notre ame ,
Ses craintes , fes defirs & l'efprit qui l'enflamme.
Mais que ne pouvez - vous pénétrer dans mon
coeur ?
Vous verriez pour votre art le zéle qui m'anime ,
Vous y liriez pour vous mon reſpect , mon eſtime,
Et mes voeux pour votre bonheur.
Que je me trouve heureux d'avoir pú vous connoître
,
De profiter de vos dons excellens !
A iij
MERCURE DE FRANCE.
Moi , difciple d'un fi grand maître ,
Que ne fuis- je digne de l'être ,
Par mon goût & par mes talens !
A M. Soubeyran , très- habile Deffinateur
&fameux Peintre à Geneve ; par un de
fes éleves.
Soubeyran , de tous vos ouvrages
J'admire les traits , la beauté ;
Permettez - vous à mon coeur enchanté ,
De vous rendre ici les hommages
Que confacre la vérité ?
Peignez -vous fous un verd ombrage
1.Vel. A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
Des oiſeaux enrichis des plus belles couleurs ?
Mon oreille entend leur ramage ;
Et fi vous nous tracez des fleurs ,
J'admire leur éclat , leur port , leur affemblage ,
Et je crois fentir leurs odeurs .
Je vois du papillon les volages ardeurs ;
Et je ris de fon badinage.
Par quel art , de votre pinceau
Ce vallon éloigné vient -il frapper ma vûe ?
Et malgré fa vafte étendue
Se place- t-il dans un tableau ?
Ici l'objet fort de la toile ,
Et femble s'offrir à ma main ;
Là fe dérobant fous un voile ,
Un autre fuit dans le lointain.
A ton art , aimable Peinture ,
Tu foumets toute la nature ,
Tu rapproches de nous , & les lieux & les tems ;
Et par ton adroite impofture ,
De l'hiftoire la plus obfcure
Nous voyons les événemens.
Aux fineffes de l'art i je pouvois atteindre ,
Que mes voeux feroient fatisfaits !
Mufe , tu me verrois au gré de mes fouhaits ,
Faifant des vers , ainfi que tu fçais peindre ,
Chanter tes dons & dire tes bienfaits.
Votre art , cher Soubeyran , donne à tout un langage
,
2
DECEMBRE . 1754 .
S
De la vie & des fentimens.
Sans prodiguer les ornemens ,
Tout plaît & touche en votre ouvrage.
D'un pere , d'un époux exprimez - vous l'image ?
Malgré l'éloignement des lieux ,
Malgré les rigueurs de l'abſence ,
Une parfaite reffemblance
Les fait reparoître à nos yeux,
Et nous rend encor leur préfence.
Des plus infortunés vous calmez les regrets.
Sous vos doigts la toile refpire ;
D'un ami , que la mort retient dans ſon empire ,
Mon oeil peut contempler les traits ,
Et mon trifte coeur qui foupire ,
Erre encore avec lui fous de fombres cyprès.
Mais , dites-nous , par quels preftiges
Vous marquez de nos corps & l'âge & les progrès ?
Apprenez - nous par quels prodiges
Vous peignez de l'efprit les mouvemens fecrets ,
Vous nous montrez les replis de notre ame ,
Ses craintes , fes defirs & l'efprit qui l'enflamme.
Mais que ne pouvez - vous pénétrer dans mon
coeur ?
Vous verriez pour votre art le zéle qui m'anime ,
Vous y liriez pour vous mon reſpect , mon eſtime,
Et mes voeux pour votre bonheur.
Que je me trouve heureux d'avoir pú vous connoître
,
De profiter de vos dons excellens !
A iij
MERCURE DE FRANCE.
Moi , difciple d'un fi grand maître ,
Que ne fuis- je digne de l'être ,
Par mon goût & par mes talens !
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Résumé : ELOGE DE LA PEINTURE, A M. Soubeyran, très-habile Dessinateur, & fameux Peintre à Geneve ; par un de ses éleves.
Le texte est un éloge de la peinture adressé à M. Soubeyran, un peintre renommé de Genève. L'auteur admire les œuvres de Soubeyran, soulignant la beauté et la précision des traits. Les peintures de Soubeyran capturent la nature avec une telle vivacité que l'on peut presque entendre le chant des oiseaux, sentir l'odeur des fleurs et observer les mouvements des papillons. Il s'émerveille de la capacité de Soubeyran à représenter des paysages éloignés et à donner une impression de profondeur dans ses tableaux. La peinture est louée pour sa capacité à rapprocher les lieux et les temps, permettant de voir des événements historiques obscurs. L'auteur exprime son désir de maîtriser l'art de la peinture pour chanter les bienfaits de cet art. Il souligne que l'art de Soubeyran donne vie aux émotions et aux sentiments, rendant présents des êtres chers malgré la distance ou la mort. L'auteur admire également la capacité de Soubeyran à représenter l'âge et les progrès des personnes, ainsi que les mouvements secrets de l'esprit et de l'âme. Il exprime son zèle pour l'art de Soubeyran et son respect pour le peintre, se réjouissant d'avoir pu profiter de ses enseignements. Enfin, il souhaite être digne de son maître par son goût et ses talents.
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4
p. 33-43
ÉLOGE DU MENSONGE. A Damon.
Début :
Vieillirons-nous dans les entraves, [...]
Mots clefs :
Mensonge, Yeux, Amour, Nature, Vérité, Coeurs, Âme, Fleurs, Destin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ÉLOGE DU MENSONGE. A Damon.
ÉLOGE DU MENSONGE.
A Damon.
Vieillirons -nous dans les entraves ,
Martyrs de notre auftérité ?
Cher Damon , de la vérité
Ne verra-t-on que nous d'efclaves ?
De ce perfonnage onéreux
Abjurons la morgue importune ,
Et fans faire les rigoureux ,
Mentons , puifque tout ment , fuivons la loi
commune.
Tu ris : tu prens cette leçon
Pour un frivole badinage ;
Mais je prétens à ce foupçon
Faire fuccéder ton fuffrage.
Raifonnons. Entraîné par une vaine erreur ,
Tu crus la vérité digne de préférence ;
Mais par quel attrait féducteur
Mérite -t-elle ta conftance ?
Eft-ce par un air fec , un ton fouvent grondeur ?
Sans foupleffe , fans complaifance ,
Que fait- elle pour le bonheur ?
B v
34 MERCURE DE FRANCE.
Peut- elle l'emporter fur un rival aimable ?
Le menfonge riant , ce zélé bienfaiteur
Au contraire toujours affable ,
Par de là nos defirs nous comble de faveurs .
C'eft lui dont la main fecourable
Sur un affreux deftin fçait répandre des fleurs ;
Il féduit les efprits , il enchaîne les coeurs :
Nous lui devons enfin l'utile & l'agréable.
Damon , je n'exagere point ;
Sui moi pour éclaircir ce point.
Cet eſpace inconnu d'où nous vient la lumiere ,
Où des foleils fans nombre étincellent fans fin ,
Fut jadis une mer de fubtile matiere ,
Où le noyoit l'efprit humain.
Mon impofteur par fa bonté féconde ,
Dans ce cahos vous fabriqua des cieux ;
Fit mieux encor ; il les peupla de Dieux
Qu'il enfanta pour régir ce bas-monde.
A chacun d'eux il impofa fes loix ;
Son premier-né fut armé du tonnerre ;
L'un fit aimer , l'autre alluma la guerre ;
Ainfi de tous il fixa les emplois.
Il leur bâtit des temples fur la terre ,
Sur leurs autels il fit fumer l'encens ;
Bref , il voulut que de ces Dieux naifans.
L'homme attendît les biens & la mifere.
De tel événement vulgaire
Qu'on croiroit digne de mépris ,
Souvent il fçut faire un mystere ,
JUILLE T. 1755. 35
Lui donnant à propos ce divin caractere ,
Qui du peuple étonné fubjugue les efprits .
Autrefois à fon gré les Vautours , les Corneilles
Prophétifoient dans l'air par d'utiles ébats ;
Le bourdonnement des abeilles
Préfageoit le fort des combats ,
Et cent fois il fixa le deftin des états
Par d'auffi burleſques merveilles .
Combien de conquérans & de héros fameux
Verroient retrancher de leur gloire ,
S'il laiffoit redire à l'hiſtoire
Ce que le fort a fait pour eux ;
S'il ne nous déguifoit leurs honteufes foibleffes ;
Et fi d'un voile généreux ,
Il ne couvroit leurs petiteffes.
Laiffant à part ces hauts objets ;
C'eft dans le commerce ordinaire ,
Que du menfonge néceffaire
Tu vas admirer les bienfaits .
Pour ne point offenſer notre délicateſſe ,
Il s'y montre toujours fous un titre emprunté ;
Gardant l'incognito fous ceux de politeffe ,
D'amitié, d'amour , de tendreffe ,
Souvent même de charité ,
Seul il fait tous les frais de la fociété .
Suppofons un moment que le ciel en colere
Contraignit les mortels par un arrêt févere ,
A peindre dans leurs moeurs & dans tớis lears
discours ,
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Ces fecrets fentimens dont ils gênent le cours ;
Quelle honte pour notre espece !
Paris plus effrayant que les antres des ours
Deviendroit un féjour d'horreur & de triſtelle !
Tu verrois , cher ami , les trois quarts des humains
S'accablant tour à tour de leur indifférence ;
De leur haine , de leurs dédains ,
S'annoncer par leur
arrogance
Qu'ils font prêts d'en venir aux mains.
Tu verrois des enfans , des héritiers avides ,
Sur des biens à venir trop lents
Attacher fans pudeur des regards dévorans
Et par des foupirs homicides
Compter les jours de leurs parens.
Dans les chaînes du mariage
Des captifs inquiets , victimes de P'humeur
Feroient par leur bifarre aigreur
Un enfer de leur esclavage.
Maint ami prétendu , léger , intéreſſé ,
Négligeant de voiler fon ame déteſtable ,
Ne fe montreroit empreffé
Que pour l'amuſement , la fortune & la table.
L'incorrigible protegé .
Dans les yeux du patron , ou glacés ou mauffades
,
Dans d'affligeantes rebuffades.
Liroit clairement fon congé..
Un amant brutal & volage
JUILLET. 1755 3.7 .
Sans prélude , fans petits foins ,
Offriroit à fa belle un infipide hommage
Toujours reglé fur fes befoins .
L'amante fans fard , fans fineffe ,
Soumise à fon vainqueur dès le premier inftant ,
Ne prendroit d'autre avis pour marquer la foibleffe
,
Que celui d'un groffier penchant.
Leurs defirs amortis diffipant toute ivreffe ,
Un prompt & fot dégoût finiroir le roman .
Tel feroit l'homme vrai guidé par ſa nature.
Mais détournons les yeux de ce tableau pervers ,
Et parcourons le bien que l'utile impofture
Fait en réformant l'univers .
L'intérêt , l'envie & la haine
Frémiffent vainement dans l'abîme des coeurs ;
La bienféance les enchaîne
Et dérobe au grand jour leurs perfides noirceurs.
L'homme , bien loin d'être farouche ,
D'un amour fraternel , prend les dehors ' trompeurs
;
Ses yeux font careffans , fes geftes font flateurs ,
Et le miel coule de ſa bouche.
A travers les égards , les doux empreffemens ,
Les foins refpectueux , la tendre inquiétude ;
Les yeux même les plus perçans
Pourroient - ils découvrir l'avide ingratitude
Des héritiers & des enfans ?
Şi maudire leur joug & perdre patience ,
38 MERCURE DE FRANCE.
Eft le deftin fecret d'une foule d'époux ,
Le fçavoir vivre & la décence
De la tendreffe encor confervent l'apparence ,
Et couvrent au moins les dégoûts.
D'équivoques amis le monde entier foiſonne
Mais le peu de fincérité ,
L'intérêt & la vanité
Dont à bon droit on les foupçonne
S'éclipfent fous l'amenité ,
Sous l'air fagement affecté
De n'en vouloir qu'à la perfonne.
Le moins fenfible protecteur
Sous un mafque riant déguifant fa froideur ,
D'une féduifante fumée
Sçait repaître l'ame affamée
D'un fuppliant perfécuteur .
L'amour ne feroit qu'un fonge ,
Une puérilité ;
Mais l'officieux menfonge ,
L'érige en divinité ;
Redoutable par les armes ,
Ou foumettant à fes charmes
Le coeur le plus indompté ,
Il change en idolâtrie
Notre goût pour la beauté.
L'art de la coquetterie
Fut lui feul inventé ,
par
Et fans la fupercherie
Seroit-il exécuté ?
JUILLET. 39 1755.
*
Pour obtenir douce chance ,
L'amant jure la conftance
Et projette un autre amour :
à fon tour ;
L'amante trompe
Feint une pudeur craintive ,
Et pour s'affurer d'un coeur ,
Cache Pardeur la plus vive
Sous l'air froid & la rigueur.
Friands de tendres premices
Cherchons-nous la nouveauté ?
Malgré leur habileté ,
Nos belles font les novices ;
Un ton de naïveté ,
Mille obligeans artifices
Flattent notre vanité.
Si l'ufage des délices
Eteint leur vivacité ;
Le jeu fçavant des caprices
Rameine la volupté.
C'eſt ainfi qu'une folie
Devient par la tricherie
Le plaifir le plus vanté.
C'eft ainfi que dans la vie
Mutuelle duperie ,
Fait notre, félicité.
Si tu veux ajoûter un dégré d'évidence
Aux preuves de mon fentiment ,
Suivons notre Protée exerçant fa puiffance
Sur ces arts renommés on regne l'agrément..
40 MERCURE DE FRANCE.
Sans lui que feroit l'éloquence
Un infupportable talent .
Prives la de fes fleurs ; elle eft fans véhémence ,
Elle rampe fans ornemens :
Mais ces brillantes fleurs , métaphore , hyperbole
,
Allégorie & parabole ,
Et cent noms qu'à citer je perdrois trop de tems ;
Du menfonge orateur font les noms différens .
En vain fa rare modeftie
Permet qu'on invoque Apollon ;
Je ne m'y méprens point ; il est le feul génie
Qui préfide au facré vallon .
Pere de toute illufion ,
Seul il peut fouffler la manie
De plaire par la fiction.
Vois- tu prendre aux vertus , à chaque paffion ,
Un corps , la parole & la vie ?
C'est lui qui les perfonnifie.
Il déraisonne enfin dans tout égarement
D'une bouillante fantaisie :
Qui , mentir agréablement
Fait tout l'art de la poëfie .
Que vois-je , cher Damon ? que d'objets raviffans
!
Arrêtons - nous à ce ſpectacle ,
Où tout eft chef- d'oeuvre & miracle ,
Où tout enleve l'ame en ſurprenant les fens.
Quel pouvoir divin ou magique
JUILLET. 1755. 41
Fait qu'une e pace fi borné
Paroît vafte à mes yeux , & le plus magnifique
Que jamais nature ait orné ?
Qui fçut y renfermer ces fuperbes montagnes ,
Ces rochers , ces fombres forêts ,
Ces fleuves effrayans , ces riantes campagnes ,
Ces riches temples , ces palais ?
Quel génie ou démon pour enchanter ma vûe ,
A fes ordres audacieux
Fit obéir le ciel , la terre & l'étendue ?
Sans doute , quelqu'il foit , c'eſt l'émule des
Dieux.
Une amufante fymphonie
Des chantres des forêts imite les accens !
Que dis- je ? roffignols , ah ! c'eft vous que j'entens
,
De vos tendres concerts la champêtre harmonie
Me fait goûter ici les charmes du printemps.
Des ruiffeaux , l'aimable murmure
Vient s'unir à vos fons dictés par la nature :
On ne me trompe point , tout eft vrai , je le fens .
Mais grands Dieux ! quel revers étrange !
Le plaifir fuit , la scène change ;
Eole à leur fureur abandonne les vents.
Quels effroyables fifflemens !
L'air mugit , le tonnerre gronde !
Un defordre bruyant , le choc des élémens ,
Tout femble m'annoncer le dernier jour da
monde !
42 MERCURE DE FRANCE .
Fuyons vers quelqu'antre écarté ,
Echappons , s'il fe peut , à ce cruel orage ..
Mais je rougis de ma fimplicité.
J'ai pris pour la réalité
Ce qui n'en étoit que l'image.
Ces murmures , ces bruits , ces champêtres concerts
,
Ne font dus qu'aux accords d'une adroite mufique
;
Et ces payfages divers
Sont les jeux d'un pinceau que dirigea l'optique.
Mais de ces arts ingénieux
Comment s'opperent les merveilles ?
Servandoni ment à nos yeux ,
Et Rameau ment à nos oreilles.
En un mot tout ment ici -bas ;
A cet ordre commun , il n'eft rien de rebelle .
Eh ! pourquoi l'univers ne mentiroit- il pas a
Il imite en ce point le plus parfait modele.
L'or des aftres , l'azur des cieux
Sont une éternelle impofture ;
Toute erreur invincible à nos fens curieux
Eft menfonge de la nature .
Mais tu verrois fans fin les preuves s'amaffer ,
Si j'approfondiffois un fujet fi fertile ;
Pour terminer en omets mille ,
Dans la crainte de te laffer..
Je te laiffe à pourſuivré une route facile ..
Réfléchis à loifir : & , tout bien médité ,
JUILLET. 1755 . 43
Tu diras comme moi que notre utilité
A prefque interdit tout azile
A l'impuiffante vérité.
Où fe reffugira cette illuftre bannie ?
L'abandonnerons-nous à tant d'ignominie ?
Non : retirons la par pitié.
Logeons la dans nos coeurs : que toute notre vie ,
Elle y préfide à l'amitié.
A Damon.
Vieillirons -nous dans les entraves ,
Martyrs de notre auftérité ?
Cher Damon , de la vérité
Ne verra-t-on que nous d'efclaves ?
De ce perfonnage onéreux
Abjurons la morgue importune ,
Et fans faire les rigoureux ,
Mentons , puifque tout ment , fuivons la loi
commune.
Tu ris : tu prens cette leçon
Pour un frivole badinage ;
Mais je prétens à ce foupçon
Faire fuccéder ton fuffrage.
Raifonnons. Entraîné par une vaine erreur ,
Tu crus la vérité digne de préférence ;
Mais par quel attrait féducteur
Mérite -t-elle ta conftance ?
Eft-ce par un air fec , un ton fouvent grondeur ?
Sans foupleffe , fans complaifance ,
Que fait- elle pour le bonheur ?
B v
34 MERCURE DE FRANCE.
Peut- elle l'emporter fur un rival aimable ?
Le menfonge riant , ce zélé bienfaiteur
Au contraire toujours affable ,
Par de là nos defirs nous comble de faveurs .
C'eft lui dont la main fecourable
Sur un affreux deftin fçait répandre des fleurs ;
Il féduit les efprits , il enchaîne les coeurs :
Nous lui devons enfin l'utile & l'agréable.
Damon , je n'exagere point ;
Sui moi pour éclaircir ce point.
Cet eſpace inconnu d'où nous vient la lumiere ,
Où des foleils fans nombre étincellent fans fin ,
Fut jadis une mer de fubtile matiere ,
Où le noyoit l'efprit humain.
Mon impofteur par fa bonté féconde ,
Dans ce cahos vous fabriqua des cieux ;
Fit mieux encor ; il les peupla de Dieux
Qu'il enfanta pour régir ce bas-monde.
A chacun d'eux il impofa fes loix ;
Son premier-né fut armé du tonnerre ;
L'un fit aimer , l'autre alluma la guerre ;
Ainfi de tous il fixa les emplois.
Il leur bâtit des temples fur la terre ,
Sur leurs autels il fit fumer l'encens ;
Bref , il voulut que de ces Dieux naifans.
L'homme attendît les biens & la mifere.
De tel événement vulgaire
Qu'on croiroit digne de mépris ,
Souvent il fçut faire un mystere ,
JUILLE T. 1755. 35
Lui donnant à propos ce divin caractere ,
Qui du peuple étonné fubjugue les efprits .
Autrefois à fon gré les Vautours , les Corneilles
Prophétifoient dans l'air par d'utiles ébats ;
Le bourdonnement des abeilles
Préfageoit le fort des combats ,
Et cent fois il fixa le deftin des états
Par d'auffi burleſques merveilles .
Combien de conquérans & de héros fameux
Verroient retrancher de leur gloire ,
S'il laiffoit redire à l'hiſtoire
Ce que le fort a fait pour eux ;
S'il ne nous déguifoit leurs honteufes foibleffes ;
Et fi d'un voile généreux ,
Il ne couvroit leurs petiteffes.
Laiffant à part ces hauts objets ;
C'eft dans le commerce ordinaire ,
Que du menfonge néceffaire
Tu vas admirer les bienfaits .
Pour ne point offenſer notre délicateſſe ,
Il s'y montre toujours fous un titre emprunté ;
Gardant l'incognito fous ceux de politeffe ,
D'amitié, d'amour , de tendreffe ,
Souvent même de charité ,
Seul il fait tous les frais de la fociété .
Suppofons un moment que le ciel en colere
Contraignit les mortels par un arrêt févere ,
A peindre dans leurs moeurs & dans tớis lears
discours ,
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Ces fecrets fentimens dont ils gênent le cours ;
Quelle honte pour notre espece !
Paris plus effrayant que les antres des ours
Deviendroit un féjour d'horreur & de triſtelle !
Tu verrois , cher ami , les trois quarts des humains
S'accablant tour à tour de leur indifférence ;
De leur haine , de leurs dédains ,
S'annoncer par leur
arrogance
Qu'ils font prêts d'en venir aux mains.
Tu verrois des enfans , des héritiers avides ,
Sur des biens à venir trop lents
Attacher fans pudeur des regards dévorans
Et par des foupirs homicides
Compter les jours de leurs parens.
Dans les chaînes du mariage
Des captifs inquiets , victimes de P'humeur
Feroient par leur bifarre aigreur
Un enfer de leur esclavage.
Maint ami prétendu , léger , intéreſſé ,
Négligeant de voiler fon ame déteſtable ,
Ne fe montreroit empreffé
Que pour l'amuſement , la fortune & la table.
L'incorrigible protegé .
Dans les yeux du patron , ou glacés ou mauffades
,
Dans d'affligeantes rebuffades.
Liroit clairement fon congé..
Un amant brutal & volage
JUILLET. 1755 3.7 .
Sans prélude , fans petits foins ,
Offriroit à fa belle un infipide hommage
Toujours reglé fur fes befoins .
L'amante fans fard , fans fineffe ,
Soumise à fon vainqueur dès le premier inftant ,
Ne prendroit d'autre avis pour marquer la foibleffe
,
Que celui d'un groffier penchant.
Leurs defirs amortis diffipant toute ivreffe ,
Un prompt & fot dégoût finiroir le roman .
Tel feroit l'homme vrai guidé par ſa nature.
Mais détournons les yeux de ce tableau pervers ,
Et parcourons le bien que l'utile impofture
Fait en réformant l'univers .
L'intérêt , l'envie & la haine
Frémiffent vainement dans l'abîme des coeurs ;
La bienféance les enchaîne
Et dérobe au grand jour leurs perfides noirceurs.
L'homme , bien loin d'être farouche ,
D'un amour fraternel , prend les dehors ' trompeurs
;
Ses yeux font careffans , fes geftes font flateurs ,
Et le miel coule de ſa bouche.
A travers les égards , les doux empreffemens ,
Les foins refpectueux , la tendre inquiétude ;
Les yeux même les plus perçans
Pourroient - ils découvrir l'avide ingratitude
Des héritiers & des enfans ?
Şi maudire leur joug & perdre patience ,
38 MERCURE DE FRANCE.
Eft le deftin fecret d'une foule d'époux ,
Le fçavoir vivre & la décence
De la tendreffe encor confervent l'apparence ,
Et couvrent au moins les dégoûts.
D'équivoques amis le monde entier foiſonne
Mais le peu de fincérité ,
L'intérêt & la vanité
Dont à bon droit on les foupçonne
S'éclipfent fous l'amenité ,
Sous l'air fagement affecté
De n'en vouloir qu'à la perfonne.
Le moins fenfible protecteur
Sous un mafque riant déguifant fa froideur ,
D'une féduifante fumée
Sçait repaître l'ame affamée
D'un fuppliant perfécuteur .
L'amour ne feroit qu'un fonge ,
Une puérilité ;
Mais l'officieux menfonge ,
L'érige en divinité ;
Redoutable par les armes ,
Ou foumettant à fes charmes
Le coeur le plus indompté ,
Il change en idolâtrie
Notre goût pour la beauté.
L'art de la coquetterie
Fut lui feul inventé ,
par
Et fans la fupercherie
Seroit-il exécuté ?
JUILLET. 39 1755.
*
Pour obtenir douce chance ,
L'amant jure la conftance
Et projette un autre amour :
à fon tour ;
L'amante trompe
Feint une pudeur craintive ,
Et pour s'affurer d'un coeur ,
Cache Pardeur la plus vive
Sous l'air froid & la rigueur.
Friands de tendres premices
Cherchons-nous la nouveauté ?
Malgré leur habileté ,
Nos belles font les novices ;
Un ton de naïveté ,
Mille obligeans artifices
Flattent notre vanité.
Si l'ufage des délices
Eteint leur vivacité ;
Le jeu fçavant des caprices
Rameine la volupté.
C'eſt ainfi qu'une folie
Devient par la tricherie
Le plaifir le plus vanté.
C'eft ainfi que dans la vie
Mutuelle duperie ,
Fait notre, félicité.
Si tu veux ajoûter un dégré d'évidence
Aux preuves de mon fentiment ,
Suivons notre Protée exerçant fa puiffance
Sur ces arts renommés on regne l'agrément..
40 MERCURE DE FRANCE.
Sans lui que feroit l'éloquence
Un infupportable talent .
Prives la de fes fleurs ; elle eft fans véhémence ,
Elle rampe fans ornemens :
Mais ces brillantes fleurs , métaphore , hyperbole
,
Allégorie & parabole ,
Et cent noms qu'à citer je perdrois trop de tems ;
Du menfonge orateur font les noms différens .
En vain fa rare modeftie
Permet qu'on invoque Apollon ;
Je ne m'y méprens point ; il est le feul génie
Qui préfide au facré vallon .
Pere de toute illufion ,
Seul il peut fouffler la manie
De plaire par la fiction.
Vois- tu prendre aux vertus , à chaque paffion ,
Un corps , la parole & la vie ?
C'est lui qui les perfonnifie.
Il déraisonne enfin dans tout égarement
D'une bouillante fantaisie :
Qui , mentir agréablement
Fait tout l'art de la poëfie .
Que vois-je , cher Damon ? que d'objets raviffans
!
Arrêtons - nous à ce ſpectacle ,
Où tout eft chef- d'oeuvre & miracle ,
Où tout enleve l'ame en ſurprenant les fens.
Quel pouvoir divin ou magique
JUILLET. 1755. 41
Fait qu'une e pace fi borné
Paroît vafte à mes yeux , & le plus magnifique
Que jamais nature ait orné ?
Qui fçut y renfermer ces fuperbes montagnes ,
Ces rochers , ces fombres forêts ,
Ces fleuves effrayans , ces riantes campagnes ,
Ces riches temples , ces palais ?
Quel génie ou démon pour enchanter ma vûe ,
A fes ordres audacieux
Fit obéir le ciel , la terre & l'étendue ?
Sans doute , quelqu'il foit , c'eſt l'émule des
Dieux.
Une amufante fymphonie
Des chantres des forêts imite les accens !
Que dis- je ? roffignols , ah ! c'eft vous que j'entens
,
De vos tendres concerts la champêtre harmonie
Me fait goûter ici les charmes du printemps.
Des ruiffeaux , l'aimable murmure
Vient s'unir à vos fons dictés par la nature :
On ne me trompe point , tout eft vrai , je le fens .
Mais grands Dieux ! quel revers étrange !
Le plaifir fuit , la scène change ;
Eole à leur fureur abandonne les vents.
Quels effroyables fifflemens !
L'air mugit , le tonnerre gronde !
Un defordre bruyant , le choc des élémens ,
Tout femble m'annoncer le dernier jour da
monde !
42 MERCURE DE FRANCE .
Fuyons vers quelqu'antre écarté ,
Echappons , s'il fe peut , à ce cruel orage ..
Mais je rougis de ma fimplicité.
J'ai pris pour la réalité
Ce qui n'en étoit que l'image.
Ces murmures , ces bruits , ces champêtres concerts
,
Ne font dus qu'aux accords d'une adroite mufique
;
Et ces payfages divers
Sont les jeux d'un pinceau que dirigea l'optique.
Mais de ces arts ingénieux
Comment s'opperent les merveilles ?
Servandoni ment à nos yeux ,
Et Rameau ment à nos oreilles.
En un mot tout ment ici -bas ;
A cet ordre commun , il n'eft rien de rebelle .
Eh ! pourquoi l'univers ne mentiroit- il pas a
Il imite en ce point le plus parfait modele.
L'or des aftres , l'azur des cieux
Sont une éternelle impofture ;
Toute erreur invincible à nos fens curieux
Eft menfonge de la nature .
Mais tu verrois fans fin les preuves s'amaffer ,
Si j'approfondiffois un fujet fi fertile ;
Pour terminer en omets mille ,
Dans la crainte de te laffer..
Je te laiffe à pourſuivré une route facile ..
Réfléchis à loifir : & , tout bien médité ,
JUILLET. 1755 . 43
Tu diras comme moi que notre utilité
A prefque interdit tout azile
A l'impuiffante vérité.
Où fe reffugira cette illuftre bannie ?
L'abandonnerons-nous à tant d'ignominie ?
Non : retirons la par pitié.
Logeons la dans nos coeurs : que toute notre vie ,
Elle y préfide à l'amitié.
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Résumé : ÉLOGE DU MENSONGE. A Damon.
Le texte 'Éloge du mensonge' explore la nécessité et les bienfaits du mensonge dans la société. L'auteur s'adresse à Damon pour démontrer que la vérité n'est pas toujours bénéfique et que le mensonge, sous diverses formes, joue un rôle essentiel dans les relations humaines et la vie quotidienne. Il argue que la vérité est souvent austère et intransigeante, tandis que le mensonge, plus aimable et flexible, contribue au bonheur et à l'harmonie sociale. L'auteur illustre son propos en montrant comment le mensonge structure l'univers et les croyances religieuses. Il explique que les dieux et leurs lois ont été créés par le mensonge pour régir le monde et donner un sens aux événements. Il cite également des exemples historiques où le mensonge a été utilisé pour exalter la gloire des conquérants et des héros en dissimulant leurs faiblesses. Dans la vie quotidienne, le mensonge est présenté comme indispensable pour maintenir la politesse, l'amitié, l'amour et la charité. Sans lui, les relations humaines seraient marquées par l'indifférence, la haine et les conflits. L'auteur décrit un scénario où les gens exprimeraient leurs véritables sentiments, conduisant à une société chaotique et hostile. Il conclut en affirmant que le mensonge est omniprésent et nécessaire dans les arts, la littérature et la poésie. Il cite des exemples comme l'éloquence, la coquetterie et les spectacles, où le mensonge enrichit et embellit la réalité. L'auteur invite Damon à reconnaître l'utilité du mensonge et à l'accepter comme une composante essentielle de la vie humaine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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