Auteur du texte (12)
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Auteur probable (1)
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Destinataire du texte (39)
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Détail
Liste
Résultats : 12 texte(s)
1
p. 563-564
VERS de M. de Boissy, à la Dlle Sallé, en lui envoyant sa Piece.
Début :
La Bagatelle au jour vient de paroître, [...]
Mots clefs :
Bagatelle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS de M. de Boissy, à la Dlle Sallé, en lui envoyant sa Piece.
VERS de M. de Boissy , à la Dlle Sallė ,
en lui envoyant sa Piece .
LA Bagatelle au jour vient de paroître,
Et son Auteur ose te l'envoyer.
G vj Vers
364 MERCURE DE FRANCE
Vertueuse Sallé , par le titre peut- être ,
Que l'Ouvrage va t'effrayer !
Rassure-toi , l'enjoûment l'a fait naître ,
Mais j'y respecte la vertu.
Je t'y rends sous son nom l'hommage qui t'es dû.
Pâris avec plaisir a sçû t'y reconnoître ;
Je n'eus jamais que le vrai seul pour Maître;
J'y fais ton Portrait d'après lui ;
J'en demande un Prix aujourd'hui :
C'est le bonheur de te connoître.
en lui envoyant sa Piece .
LA Bagatelle au jour vient de paroître,
Et son Auteur ose te l'envoyer.
G vj Vers
364 MERCURE DE FRANCE
Vertueuse Sallé , par le titre peut- être ,
Que l'Ouvrage va t'effrayer !
Rassure-toi , l'enjoûment l'a fait naître ,
Mais j'y respecte la vertu.
Je t'y rends sous son nom l'hommage qui t'es dû.
Pâris avec plaisir a sçû t'y reconnoître ;
Je n'eus jamais que le vrai seul pour Maître;
J'y fais ton Portrait d'après lui ;
J'en demande un Prix aujourd'hui :
C'est le bonheur de te connoître.
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Résumé : VERS de M. de Boissy, à la Dlle Sallé, en lui envoyant sa Piece.
M. de Boissy adresse un poème et son œuvre 'La Bagatelle' à Mademoiselle Sallé. Il assure la vertu de son contenu, inspiré par l'enjouement tout en respectant la vertu. Il la nomme Pâris dans son œuvre, affirmant suivre la vérité pour la décrire. Il souhaite que son prix soit la connaissance et le bonheur de connaître Mademoiselle Sallé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. iii-xii
AVANT-PROPOS.
Début :
De tous les ouvrages périodiques, le Mercure de France est [...]
Mots clefs :
Mercure de France, Public, Donneau de Visé, Charles-Antoine Leclerc de la Bruère, Articles, Arrangement, Diversité
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVANT-PROPOS.
AVANT- PROPOS.
E tous les ouvrages périodiques
, le Mercure de France eft
le plus difficile ; on lui impoſe les
loix les plus rigoureuſes. Il embraffe
tout , mais il ne peut rien traiter , ni
rien approfondir . On lui fait un crime
de penfer ; à peine lui permeton
de donner un précis des écrits
qui paroiffent. S'il approuve , il n'eft
qu'un louangeur fade & banal ; s'il
ofe critiquer , il bleffe l'amour propre
délicat des Auteurs. Le Public
lui- même le trouve mauvais , & dit
que le Mercure fort de fa fphere ;
qu'il doit fe borner à marquer fimplement
le jour qu'une piece dramatique
a été jouée pour la premiere
fois , avec le nombre de fes repréfentations
; ou s'il paroît un livre nouveau
, qu'il doit fe contenter d'annoncer
modeftement fon titre & le
nom du Libraire qui le vend. On le
A ij
iv AVANT-PROPOS.
condamne non feulement à ne
qu'un froid Journaliſte , mais on veut
le reftreindre encore à la féchereffe
d'un faifeur d'affiches. Ses privileges
néanmoins font les mieux fondés
& doivent être les plus étendus. Le
Journal des Sçavans eft le feul qui
puiffe lui difputer le droit d'ancienneté
tous les autres lui font poftérieurs
cependant tout leur devient
permis . Ils font toujours les premiers
à fe faifir des matieres qui font de
fon reffort , & à crier en même tems
que c'eft lui qui entreprend fur les
autres , & qu'il paffe les limites qu'on
lui a prefcrites. Cette plainte eft d'autant
plus injufte , que ces Journaux ,
fous différens titres , fe multiplient
tous les jours à fes dépens , & que fon
droit exclufif eft de n'avoir point de
bornes . Les Belles-Lettres , les Sciences
& les Arts , tous les genres font
de fon domaine : il doit en prendre la
fleur ; elle conftitue fon effence , &
la diverfité forme fon caractere . Voilà
pourquoi je choisis l'une pour
AVANT-PROPOS.
régle , & l'autre pour deviſe.
Comme il n'eft qu'une collection
ou qu'un ouvrage de découpures, il ŋe
peut être riche que du bien des autres.
Son plus grand mérite dépend
du choix : mais pour le bien faire ,
il faut avoir de quoi choifir . Mal→
heureuſement pour moi , mes prédéceffeurs
ont épuifé les premieres
fources: je fuis dans l'obligation d'inviter
tous les gens de lettres à m'ouvrir
de nouveaux tréfors . Je prie furtout
ceux qui font les plus intéreſſés
à rendre mon livre meilleur , à les enrichir
de morceaux qui puiffent le
faire lire de mon côté , je leur
promets
d'appliquer tous mes foins à les
mettre en bonne compagnie. Je fçai
que plufieurs ont de la répugnance
à fe voir imprimés dans un ouvrage
dégradé par la Bruyere , auteur des
caracteres ; mais depuis que les Voltaire
& les Fontenelle n'ont pas dédaigné
d'y tenir un rang , aucun de
leurs confreres ne doit plus rougir
d'y paroître. La pudeur d'un Ecrivain
A iij
vj AVANTPROPOS.
doit confifter à ne pas donner de mauvaifes
productions : qu'elles foient
marquées au bon coin , la place n'y
fait rien ; elles lui feront toujours honneur
, dans quelque endroit qu'elles
foient mifes. J'ai fouvent remarqué
que les nouveaux nobles craignent
plus de fe compromettre que les
vrais Gentilshommes. Fondé fur ce
principe , j'efpere que les meilleurs
Auteurs feront les plus hardis à décorer
mon recueil , fans avoir peur de
déroger. Je me ferai d'ailleurs une loi
très rigide de ne pas les nommer
quand ils voudront être anonymes.
-
A l'égard de ceux qui n'ont compofé
que des piéces fugitives , c'eft
une obligation pour eux de vuider
leur porte-feuille en ma faveur. Tous
les écrits détachés , qui n'ont pas
affez d'étendue pour faire un Cuvre
en forme , & devenir un livre ,
appartiennent de droit au Mercure
c'eft un bien qu'on lui retient ; ils
doivent y être dépofés comme dans
les archives de la littérature ; s'il
AVANT-PROPOS.
vij
ne leur affure pas une gloire immortelle
, il les tire du moins de l'obfcurité
, & leur donne une célébrité paffagere
. Il eſt même du devoir d'un
bon citoyen de rendre publics fes
amuſemens , quand ils peuvent tourner
au profit ou au plaifir de la fociété.
De Vifé avoit fait du Mercure
un ouvrage purement agréable. Ses
fucceffeurs , par degrés , font parvenus
au point d'en faire un livre éga
lement utile. M. de la Bruere y a le
plus contribué.
Qu'on me permette ici de quitter
un inftant mon fujet pour rendre
juftice à fon mérite , c'eft le moins
que je dois à la mémoire d'un Auteur
eſtimable , à qui je fuccéde ; je
puis dire fans bleffer la vérité , qu'il
étoit fait pour perfectionner tout ce
qu'il dirigeoit . La folidité de fon efprit
, & la jufteffe de fon goût égaloient
la douceur de fon caractere.
Il réuniffoit même les talens oppofés
, & n'a pas moins réuffi dans l'art
A iiig
viij
AVANT-PROPOS.
de négocier que dans l'art d'écrire.
En France , il a fait honneur aux
Belles Lettres par les différens écrits
qu'il a mis au jour. A Rome , il s'eft
diftingué dans les affaires dont il a
été chargé , par la maniere fage dont
il les a conduites. La confidération
qu'il s'étoit juſtement acquife dans
une Cour auffi difficile , eft le plus
beau trait de louange que je puiffe lui
donner. La confiance pleine d'eftime
M. le Duc de Nivernois a touque
jours eue pour lui pendant fa vie , &
les regrets finceres dont il l'honore
après la mort mettent le comble à
fon éloge.
Pour revenir à l'ouvrage qu'il a
augmenté par fes foins , ou par le travail
de ceux qui l'ont conduit en fon
abfence , je ne me fuis point écarté
de la forme qu'ils lui ont donnée.
J'ai fait feulement quelques additions
particulieres , pour mettre plus
d'ordre dans les matieres qui le compofent.
Je le divife en fix articles . !
201
1
AVANT-PROPOS. ix
Le premier contient les Piéces fugitives
en vers & en profe . Je n'y fais
entrer que les morceaux d'imagination
& de pur agrément : Poëĥies ,
Contes , Fables , Romans , Hiftorietes
, Chanſons , Enigmes & Logogryphes
.
Le fecond renferme les Nouvelles
Littéraires, où je place les féances publiques
des Académies de Paris & de ,
Province. J'annonce dans ce même ·
article tous les livres nouveaux , dont
je donne un précis , c'eſt-à- dire un
précis des ouvrages fçavans ; car je
donnerai un extrait en forme des
Romans qui auront quelque célébrité
; l'amuſant & le frivole étant à
moi fans reſtriction .
Le troifieme concerne les Sciences
& Belles- Lettres. On y mettra alternativement
différens morceaux*fur
* Je dois avertir ici le public que c'est moins un
ngagement que je prens avec lui , qu'une invita
A v
AVANT PROPOS.
la Phyfique , la Géométrie , la Jurif
prudence , la Politique , la Guerre ,
le Commerce , la Finance , la Médecine
, fur la Chronologie , l'Hiftoire
& les Medailles. Je porterai fouvent
à la fin de cet article les Séances publiques
des Académies des Sciences
& des Belles - Lettres , ainfi que de
celle de Chirurgie , avec un extrait
des mémoires qu'on y aura lûs , quand
l'article des Nouvelles littéraires fera
trop abondant.
Le quatrieme eft réſervé pour les
Beaux Arts , que je partage en Arts
agréables , tels que la Peinture , la
Sculpture , la Gravure , la Mufique ,
laDanfe ; & en Arts utiles , tels que
tion que je fais aux Sçavans de me faire part de
leurs productions de tout genre. Je les prie en même
tems de réduire les morceaux qu'ils m'enverront à
une extrême préciſion ; elle est un devoir pour moi ,
il faut que je m'y foumette , d'autant plus que la
multiplicité des matieres laiffe à chacune trop pess
de place pour les pouvoir mettre dans toute leur
étendue.
AVANT-PROPOS.
xj
l'Architecture , les Manufactures
l'Horlogerie , &c.
Le cinquieme article regarde les
Spectacles , où feront les extraits des
piéces de théatre , & tout ce qui
concerne les deux Comédies, les deux
Opéra , le Concert fpirituel , & les
Drames de Collége, Je ferai également
fobre fur la louange & fur la
cenfure. Je tâcherai fur-tout de ne
mettre jamais mon fentiment particulier
à la place de celui du public , &
de ne rien dire qui puiffe humilier ou
décourager les Auteurs . Des critiques
qu'on m'enverra fur les nouveautés
qui réuffiront , je n'admettrai que
celles qui feront juftes & ménagées ,
où il n'entrera rien de perfonnel. Les
traits de la critique doivent toujours
porter fur l'ouvrage , & ne bleffer
jamais l'Ecrivain.
Le fixieme & dernier article raffemble
à l'ordinaire les Nouvelles
Etrangeres & celles de France , les
A vj
xij AAVVAANNTTPPRROOPPOOSS..
Naiffances , les Morts , les Edits ,
les Déclarations , & Arrêts , avec les
Avis . Par cet arrangement , auquel
je ferai toujours fidele , chacun trou
vera d'abord la partie qu'il préfe
re, ou le morceau qui l'intéreffe .
E tous les ouvrages périodiques
, le Mercure de France eft
le plus difficile ; on lui impoſe les
loix les plus rigoureuſes. Il embraffe
tout , mais il ne peut rien traiter , ni
rien approfondir . On lui fait un crime
de penfer ; à peine lui permeton
de donner un précis des écrits
qui paroiffent. S'il approuve , il n'eft
qu'un louangeur fade & banal ; s'il
ofe critiquer , il bleffe l'amour propre
délicat des Auteurs. Le Public
lui- même le trouve mauvais , & dit
que le Mercure fort de fa fphere ;
qu'il doit fe borner à marquer fimplement
le jour qu'une piece dramatique
a été jouée pour la premiere
fois , avec le nombre de fes repréfentations
; ou s'il paroît un livre nouveau
, qu'il doit fe contenter d'annoncer
modeftement fon titre & le
nom du Libraire qui le vend. On le
A ij
iv AVANT-PROPOS.
condamne non feulement à ne
qu'un froid Journaliſte , mais on veut
le reftreindre encore à la féchereffe
d'un faifeur d'affiches. Ses privileges
néanmoins font les mieux fondés
& doivent être les plus étendus. Le
Journal des Sçavans eft le feul qui
puiffe lui difputer le droit d'ancienneté
tous les autres lui font poftérieurs
cependant tout leur devient
permis . Ils font toujours les premiers
à fe faifir des matieres qui font de
fon reffort , & à crier en même tems
que c'eft lui qui entreprend fur les
autres , & qu'il paffe les limites qu'on
lui a prefcrites. Cette plainte eft d'autant
plus injufte , que ces Journaux ,
fous différens titres , fe multiplient
tous les jours à fes dépens , & que fon
droit exclufif eft de n'avoir point de
bornes . Les Belles-Lettres , les Sciences
& les Arts , tous les genres font
de fon domaine : il doit en prendre la
fleur ; elle conftitue fon effence , &
la diverfité forme fon caractere . Voilà
pourquoi je choisis l'une pour
AVANT-PROPOS.
régle , & l'autre pour deviſe.
Comme il n'eft qu'une collection
ou qu'un ouvrage de découpures, il ŋe
peut être riche que du bien des autres.
Son plus grand mérite dépend
du choix : mais pour le bien faire ,
il faut avoir de quoi choifir . Mal→
heureuſement pour moi , mes prédéceffeurs
ont épuifé les premieres
fources: je fuis dans l'obligation d'inviter
tous les gens de lettres à m'ouvrir
de nouveaux tréfors . Je prie furtout
ceux qui font les plus intéreſſés
à rendre mon livre meilleur , à les enrichir
de morceaux qui puiffent le
faire lire de mon côté , je leur
promets
d'appliquer tous mes foins à les
mettre en bonne compagnie. Je fçai
que plufieurs ont de la répugnance
à fe voir imprimés dans un ouvrage
dégradé par la Bruyere , auteur des
caracteres ; mais depuis que les Voltaire
& les Fontenelle n'ont pas dédaigné
d'y tenir un rang , aucun de
leurs confreres ne doit plus rougir
d'y paroître. La pudeur d'un Ecrivain
A iij
vj AVANTPROPOS.
doit confifter à ne pas donner de mauvaifes
productions : qu'elles foient
marquées au bon coin , la place n'y
fait rien ; elles lui feront toujours honneur
, dans quelque endroit qu'elles
foient mifes. J'ai fouvent remarqué
que les nouveaux nobles craignent
plus de fe compromettre que les
vrais Gentilshommes. Fondé fur ce
principe , j'efpere que les meilleurs
Auteurs feront les plus hardis à décorer
mon recueil , fans avoir peur de
déroger. Je me ferai d'ailleurs une loi
très rigide de ne pas les nommer
quand ils voudront être anonymes.
-
A l'égard de ceux qui n'ont compofé
que des piéces fugitives , c'eft
une obligation pour eux de vuider
leur porte-feuille en ma faveur. Tous
les écrits détachés , qui n'ont pas
affez d'étendue pour faire un Cuvre
en forme , & devenir un livre ,
appartiennent de droit au Mercure
c'eft un bien qu'on lui retient ; ils
doivent y être dépofés comme dans
les archives de la littérature ; s'il
AVANT-PROPOS.
vij
ne leur affure pas une gloire immortelle
, il les tire du moins de l'obfcurité
, & leur donne une célébrité paffagere
. Il eſt même du devoir d'un
bon citoyen de rendre publics fes
amuſemens , quand ils peuvent tourner
au profit ou au plaifir de la fociété.
De Vifé avoit fait du Mercure
un ouvrage purement agréable. Ses
fucceffeurs , par degrés , font parvenus
au point d'en faire un livre éga
lement utile. M. de la Bruere y a le
plus contribué.
Qu'on me permette ici de quitter
un inftant mon fujet pour rendre
juftice à fon mérite , c'eft le moins
que je dois à la mémoire d'un Auteur
eſtimable , à qui je fuccéde ; je
puis dire fans bleffer la vérité , qu'il
étoit fait pour perfectionner tout ce
qu'il dirigeoit . La folidité de fon efprit
, & la jufteffe de fon goût égaloient
la douceur de fon caractere.
Il réuniffoit même les talens oppofés
, & n'a pas moins réuffi dans l'art
A iiig
viij
AVANT-PROPOS.
de négocier que dans l'art d'écrire.
En France , il a fait honneur aux
Belles Lettres par les différens écrits
qu'il a mis au jour. A Rome , il s'eft
diftingué dans les affaires dont il a
été chargé , par la maniere fage dont
il les a conduites. La confidération
qu'il s'étoit juſtement acquife dans
une Cour auffi difficile , eft le plus
beau trait de louange que je puiffe lui
donner. La confiance pleine d'eftime
M. le Duc de Nivernois a touque
jours eue pour lui pendant fa vie , &
les regrets finceres dont il l'honore
après la mort mettent le comble à
fon éloge.
Pour revenir à l'ouvrage qu'il a
augmenté par fes foins , ou par le travail
de ceux qui l'ont conduit en fon
abfence , je ne me fuis point écarté
de la forme qu'ils lui ont donnée.
J'ai fait feulement quelques additions
particulieres , pour mettre plus
d'ordre dans les matieres qui le compofent.
Je le divife en fix articles . !
201
1
AVANT-PROPOS. ix
Le premier contient les Piéces fugitives
en vers & en profe . Je n'y fais
entrer que les morceaux d'imagination
& de pur agrément : Poëĥies ,
Contes , Fables , Romans , Hiftorietes
, Chanſons , Enigmes & Logogryphes
.
Le fecond renferme les Nouvelles
Littéraires, où je place les féances publiques
des Académies de Paris & de ,
Province. J'annonce dans ce même ·
article tous les livres nouveaux , dont
je donne un précis , c'eſt-à- dire un
précis des ouvrages fçavans ; car je
donnerai un extrait en forme des
Romans qui auront quelque célébrité
; l'amuſant & le frivole étant à
moi fans reſtriction .
Le troifieme concerne les Sciences
& Belles- Lettres. On y mettra alternativement
différens morceaux*fur
* Je dois avertir ici le public que c'est moins un
ngagement que je prens avec lui , qu'une invita
A v
AVANT PROPOS.
la Phyfique , la Géométrie , la Jurif
prudence , la Politique , la Guerre ,
le Commerce , la Finance , la Médecine
, fur la Chronologie , l'Hiftoire
& les Medailles. Je porterai fouvent
à la fin de cet article les Séances publiques
des Académies des Sciences
& des Belles - Lettres , ainfi que de
celle de Chirurgie , avec un extrait
des mémoires qu'on y aura lûs , quand
l'article des Nouvelles littéraires fera
trop abondant.
Le quatrieme eft réſervé pour les
Beaux Arts , que je partage en Arts
agréables , tels que la Peinture , la
Sculpture , la Gravure , la Mufique ,
laDanfe ; & en Arts utiles , tels que
tion que je fais aux Sçavans de me faire part de
leurs productions de tout genre. Je les prie en même
tems de réduire les morceaux qu'ils m'enverront à
une extrême préciſion ; elle est un devoir pour moi ,
il faut que je m'y foumette , d'autant plus que la
multiplicité des matieres laiffe à chacune trop pess
de place pour les pouvoir mettre dans toute leur
étendue.
AVANT-PROPOS.
xj
l'Architecture , les Manufactures
l'Horlogerie , &c.
Le cinquieme article regarde les
Spectacles , où feront les extraits des
piéces de théatre , & tout ce qui
concerne les deux Comédies, les deux
Opéra , le Concert fpirituel , & les
Drames de Collége, Je ferai également
fobre fur la louange & fur la
cenfure. Je tâcherai fur-tout de ne
mettre jamais mon fentiment particulier
à la place de celui du public , &
de ne rien dire qui puiffe humilier ou
décourager les Auteurs . Des critiques
qu'on m'enverra fur les nouveautés
qui réuffiront , je n'admettrai que
celles qui feront juftes & ménagées ,
où il n'entrera rien de perfonnel. Les
traits de la critique doivent toujours
porter fur l'ouvrage , & ne bleffer
jamais l'Ecrivain.
Le fixieme & dernier article raffemble
à l'ordinaire les Nouvelles
Etrangeres & celles de France , les
A vj
xij AAVVAANNTTPPRROOPPOOSS..
Naiffances , les Morts , les Edits ,
les Déclarations , & Arrêts , avec les
Avis . Par cet arrangement , auquel
je ferai toujours fidele , chacun trou
vera d'abord la partie qu'il préfe
re, ou le morceau qui l'intéreffe .
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Résumé : AVANT-PROPOS.
Le Mercure de France est un périodique littéraire et scientifique soumis à diverses contraintes et critiques. Il doit éviter de critiquer ou d'approuver les œuvres, se limitant souvent à annoncer les publications et les représentations théâtrales. Malgré ces limitations, le Mercure possède des privilèges bien établis et doit couvrir un large éventail de sujets, allant des Belles-Lettres aux Sciences et aux Arts. L'auteur reconnaît que le Mercure est une collection de découpures, dépendant du choix des meilleurs morceaux. Il invite les gens de lettres à contribuer, promettant de bien les présenter. Des auteurs prestigieux comme Voltaire et Fontenelle ont déjà contribué, ce qui devrait encourager d'autres écrivains à participer. Le périodique est structuré en six articles : pièces fugitives, nouvelles littéraires, sciences et Belles-Lettres, Beaux-Arts, spectacles, et nouvelles étrangères et françaises. Chaque article est conçu pour offrir une variété de contenus, allant des poèmes aux extraits de livres, en passant par les comptes rendus des académies et les critiques théâtrales. L'auteur s'engage à maintenir un ton équilibré, évitant de blesser les auteurs tout en fournissant des critiques justes et constructives.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 82
Avis de l'Auteur du Mercure.
Début :
Je réitere ici la priere que j'ai déja faite à tous nos bons écrivains, de vouloir bien [...]
Mots clefs :
Bons écrivains, Recueil
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Avis de l'Auteur du Mercure.
Avis de l'Auteur du Mercure.
JE réitere ici la priere que j'ai déja faite
à tous nos bons écrivains , de vouloir bien
enrichir mon recueil de quelques unes de
leurs productions. M M. de Montefquien
de Marivaux & Duclos viennent fucceffivement
de leur montrer l'exemple , que
MM . de Fontenelle & de Voltaire avoient
donné les premiers. Ils font tous faits pour
être fuivis.
JE réitere ici la priere que j'ai déja faite
à tous nos bons écrivains , de vouloir bien
enrichir mon recueil de quelques unes de
leurs productions. M M. de Montefquien
de Marivaux & Duclos viennent fucceffivement
de leur montrer l'exemple , que
MM . de Fontenelle & de Voltaire avoient
donné les premiers. Ils font tous faits pour
être fuivis.
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4
p. 215
AVERTISSEMENT.
Début :
Ceux qui voudront voir leurs ouvrages insérés dans le Mercure du mois où ils les [...]
Mots clefs :
Mercure, Article
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVERTISSEMENT.
AVERTISSEMENT.
CEuxqui voudront voir leurs ouvrages
inférés dans le Mercure du mois où ils les
enverront , font priés de les adreffer à M.
Lutton avant le 10 ; paffé ce jour , je ferai
obligé de les remettre au mois fuivant ,
quelque envie que j'aie de répondre à leur
impatience. Le premier article fera alors
rempli , & le nouvel ordre que je me fuis
impofé ne me permet pas de placer ces
écrits ailleurs .
CEuxqui voudront voir leurs ouvrages
inférés dans le Mercure du mois où ils les
enverront , font priés de les adreffer à M.
Lutton avant le 10 ; paffé ce jour , je ferai
obligé de les remettre au mois fuivant ,
quelque envie que j'aie de répondre à leur
impatience. Le premier article fera alors
rempli , & le nouvel ordre que je me fuis
impofé ne me permet pas de placer ces
écrits ailleurs .
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5
s. p.
AVERTISSEMENT NOUVEAU.
Début :
Depuis que le Roi m'a donné le Mercure de France que je compose, je me [...]
Mots clefs :
Prix du Mercure, Journal, Abonnés
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVERTISSEMENT NOUVEAU.
AVERTISSEMENT
NOUVEAU.
DEpuis que le Roi m'a donné le Mercure
de France que je compofe , je me·
fuis occupé & je m'occupe fans ceffe à le·
rendre plus digne de l'attention du Public ;
j'ai porté mes foins jufques fur la manutention
& la régie de mon ouvrage. Le
compte que je m'en fuis fait rendre m'a
mis à portée de faire plufieurs réflexions ,
dont voici le réfultat.
Que le tems , ainfi qu'il eft ordinaire
avoit introduit différens abus dans le prix
de ce Journal , qu'il m'étoit important de
réformer.
Que par une efpece d'injuftice les Abonnés
, qui payent d'avance , & dont les nouveaux
engagemens qu'ils ont pris avec moi
me feront toujours facrés , n'avoient pas
plus d'avantage que ceux qui payent chaque
fois , ou même à qui l'on fait crédit.
Qu'au contraire , la néceffité , l'abondance
des matieres & le defir de fatisfaire
l'empreffement des perfonnes qui
envoient des pieces , avoient quelquefois
forcé de donner un quinzieme volume , &
de le faire payer aux Abonnés , qui , en
A ij
1
s'acquittant d'avance , n'avoient compté que
fur quatorze volumes , ce qui avoit caufe
leurjufte murmure.
Pour me mettre en état de répondre à
P'impatience des Auteurs , en donnant plus
d'étendue à chacun des articles qui partagent
mon Journal, je ne le bornerai plus à neuf
feuilles , j'y mettrai tout le papier dont
j'aurai befoin fuivant l'abondance des matieres
& l'exigence des cas. Je n'ai rien
épargné pour que le Public fût content de
la forme & de l'arrangement de l'impref
fion , ainfi que de la qualité & blancheur
du papier j'aurois voulu faire davantage
mais j'ai craint avec raifon de me charger
d'une dépenfe trop confidérable , ayant tou
jours en vue mes engagemens.
Je me trouve donc forcé d'augmenter le
prix du Mercure , & de le mettre à trentefix
fols pour ceux qui ne s'abonneront point
pour l'année, &ne payeront point d'avan
ce; car , je le repéte , je refpecte trop les
engagemens que j'ai pris avec mes Abonnés
, en recevant leurs foufcriptions & leurs
paiemens d'avance , pour rien changer par
rapport à eux au contraire , le volume
de chaque Mercure fera plus étendu
je redoublerai d'ardeur pour le rendre plus
intéreffant , & il ne leur en coûtera pas
davantage. Il est bien jufte que je leur
donne la préférence, puifque c'eft avec leurs
- fonds que j'ai fourni jufqu'à préfent à la
dépenfe de mon Journal ; je le déclare
leur en marquer ma reconnoiffance.
pour
Le Bureau fera toujours chez M.
LUTTON , Avocat & Greffier-Commis
au Greffe civil du Parlement , Commis qu
recouvrement du Mercure , rue Ste Anne ,
Butte S. Roch , entre deux Selliers , du
côté de la rue S. Honoré.
C'est à lui que je prie d'adreffer , francs
de port , les paquets & lettres pour m'être
remis , quant à la partie littéraire.
Le prix fera de trente-fix fols pour ceux
qui ne s'abonneront pas au Bureau , & de
trente fols pour ceux qui s'y abonneront ,
& paieront d'avance vingt-une livres pour
une année , àraifon de quatorze volumes ,
commencer par le mois qu'ils defireront.
Les perfonnes de province aufquelles on
l'enverra par la pofte , paieront trenteune
livres dix fols d'avance en s'abonnant
& elles le recevront franc de port.
Celles qui auront des occafions pour le
faire venir ou qui prendront les frais du
port fur leur compte , ne paieront que
vingt-une livres d'avance pour une année .
Les perfonnes qui enverront leurs abonnemenspar
lapofte , en donneront avis , en
affranchiffant leurs lettres .
Les Libraires des provinces ou des pays
A iij
trangers qui voudront faire venir le Mercure,
écriront à l'adreffe ci-deffus.
Les paquets qui ne feront point affranchis
refteront au rebut.
L'on trouvera toujours quelqu'un en état
de répondre au Bureau , & le Sr LUTTON
obfervera d'y refter les Mardi , Mercredi
& Jeudi de chaque femaine après- midi.
On peut fe procurer par la voie du
Mercure les autres Journaux les livres
qu'ils annoncent , & tous autres générale-
~ment.
NOUVEAU.
DEpuis que le Roi m'a donné le Mercure
de France que je compofe , je me·
fuis occupé & je m'occupe fans ceffe à le·
rendre plus digne de l'attention du Public ;
j'ai porté mes foins jufques fur la manutention
& la régie de mon ouvrage. Le
compte que je m'en fuis fait rendre m'a
mis à portée de faire plufieurs réflexions ,
dont voici le réfultat.
Que le tems , ainfi qu'il eft ordinaire
avoit introduit différens abus dans le prix
de ce Journal , qu'il m'étoit important de
réformer.
Que par une efpece d'injuftice les Abonnés
, qui payent d'avance , & dont les nouveaux
engagemens qu'ils ont pris avec moi
me feront toujours facrés , n'avoient pas
plus d'avantage que ceux qui payent chaque
fois , ou même à qui l'on fait crédit.
Qu'au contraire , la néceffité , l'abondance
des matieres & le defir de fatisfaire
l'empreffement des perfonnes qui
envoient des pieces , avoient quelquefois
forcé de donner un quinzieme volume , &
de le faire payer aux Abonnés , qui , en
A ij
1
s'acquittant d'avance , n'avoient compté que
fur quatorze volumes , ce qui avoit caufe
leurjufte murmure.
Pour me mettre en état de répondre à
P'impatience des Auteurs , en donnant plus
d'étendue à chacun des articles qui partagent
mon Journal, je ne le bornerai plus à neuf
feuilles , j'y mettrai tout le papier dont
j'aurai befoin fuivant l'abondance des matieres
& l'exigence des cas. Je n'ai rien
épargné pour que le Public fût content de
la forme & de l'arrangement de l'impref
fion , ainfi que de la qualité & blancheur
du papier j'aurois voulu faire davantage
mais j'ai craint avec raifon de me charger
d'une dépenfe trop confidérable , ayant tou
jours en vue mes engagemens.
Je me trouve donc forcé d'augmenter le
prix du Mercure , & de le mettre à trentefix
fols pour ceux qui ne s'abonneront point
pour l'année, &ne payeront point d'avan
ce; car , je le repéte , je refpecte trop les
engagemens que j'ai pris avec mes Abonnés
, en recevant leurs foufcriptions & leurs
paiemens d'avance , pour rien changer par
rapport à eux au contraire , le volume
de chaque Mercure fera plus étendu
je redoublerai d'ardeur pour le rendre plus
intéreffant , & il ne leur en coûtera pas
davantage. Il est bien jufte que je leur
donne la préférence, puifque c'eft avec leurs
- fonds que j'ai fourni jufqu'à préfent à la
dépenfe de mon Journal ; je le déclare
leur en marquer ma reconnoiffance.
pour
Le Bureau fera toujours chez M.
LUTTON , Avocat & Greffier-Commis
au Greffe civil du Parlement , Commis qu
recouvrement du Mercure , rue Ste Anne ,
Butte S. Roch , entre deux Selliers , du
côté de la rue S. Honoré.
C'est à lui que je prie d'adreffer , francs
de port , les paquets & lettres pour m'être
remis , quant à la partie littéraire.
Le prix fera de trente-fix fols pour ceux
qui ne s'abonneront pas au Bureau , & de
trente fols pour ceux qui s'y abonneront ,
& paieront d'avance vingt-une livres pour
une année , àraifon de quatorze volumes ,
commencer par le mois qu'ils defireront.
Les perfonnes de province aufquelles on
l'enverra par la pofte , paieront trenteune
livres dix fols d'avance en s'abonnant
& elles le recevront franc de port.
Celles qui auront des occafions pour le
faire venir ou qui prendront les frais du
port fur leur compte , ne paieront que
vingt-une livres d'avance pour une année .
Les perfonnes qui enverront leurs abonnemenspar
lapofte , en donneront avis , en
affranchiffant leurs lettres .
Les Libraires des provinces ou des pays
A iij
trangers qui voudront faire venir le Mercure,
écriront à l'adreffe ci-deffus.
Les paquets qui ne feront point affranchis
refteront au rebut.
L'on trouvera toujours quelqu'un en état
de répondre au Bureau , & le Sr LUTTON
obfervera d'y refter les Mardi , Mercredi
& Jeudi de chaque femaine après- midi.
On peut fe procurer par la voie du
Mercure les autres Journaux les livres
qu'ils annoncent , & tous autres générale-
~ment.
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Résumé : AVERTISSEMENT NOUVEAU.
L'auteur du Mercure de France annonce des réformes pour améliorer la qualité et la gestion du journal. Il dénonce des abus dans le prix du journal et une injustice envers les abonnés payant d'avance, qui ne bénéficiaient pas plus d'avantages que ceux payant à la livraison. Parfois, un quinzième volume était ajouté et facturé aux abonnés, provoquant des réactions négatives. Pour répondre à l'impatience des auteurs et offrir plus d'espace aux articles, le journal ne sera plus limité à neuf feuilles. L'auteur a également amélioré la forme, l'arrangement de l'impression et la qualité du papier, tout en évitant des dépenses excessives. Le prix du Mercure sera augmenté à trente-six sols pour les non-abonnés. Les abonnés respectant leurs engagements ne verront pas leur prix augmenter et bénéficieront d'un volume plus étendu et d'un contenu plus intéressant. Le bureau du journal reste chez M. LUTTON, avocat et greffier-commis, avec des instructions pour l'envoi des paquets et lettres littéraires. Les tarifs pour les abonnements et les envois par la poste sont détaillés, ainsi que les modalités pour les libraires des provinces et des pays étrangers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
s. p.
AVIS DE L'AUTEUR DU MERCURE.
Début :
Je prie les Auteurs de recevoir ici mes excuses si je ne fais point de réponse uax [...]
Mots clefs :
Auteur du Mercure, Poésie, Lettres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVIS DE L'AUTEUR DU MERCURE.
AVIS
DE L'AUTEUR DU MERCURE.
JE prie les Auteurs de recevoir ici mes
S
excufes fi je ne fais point de réponſe aux
lettres qu'ils m'écrivent ; la multitude des
ouvrages , jointe à la néceffité de faire une
collection tous les mois ne me laiffe pas
ce loifir , & m'oblige d'être impoli malgré
moi : hors les cas preffés , ils doivent avoir
la patience d'attendre que leur tour vienne.
Je mets dans mon recueil chaque piece par
ordre de date : fi elle n'y paroît pas à fon
rang , on doit penfer que c'eft moins ma
faute que celle de l'ouvrage. Je reçois tous
les jours des vers , où la mesure eft auffipeu
refpectée que la rime ; n'ayant pas le tems
de les corriger , je fuis contraint de n'en
point faire ufage.
Les écrits fur lefquels je dois être le'
plus difficile , font particulierement ceux
qu'on adreffe aux grands & aux perſonnes
en place : c'eft leur manquer véritablement
que de les mal louer un Miniftre
l'eft mieux par la voix publique que par
des vers médiocres. Quand ils n'ont pas
mérite d'être bons , il faut du moins qu'ils
le
A iij
ayent celui d'être courts ; avec cette derniere
qualité , on peut les inférer en faveur du
zele.
Comme l'année eftfertile en poësie , j'invite
nos jeunes écrivains à ne pas négliger
la profe : qu'ils l'emploient fur quelque
point de littérature légere , ou qu'ils choififfent
quelque trait de morale , cachéfous
le voile d'une fiction agréable ; pour peu
que ces morceaux foient bien traités , je
leur donnerai la préférence.
DE L'AUTEUR DU MERCURE.
JE prie les Auteurs de recevoir ici mes
S
excufes fi je ne fais point de réponſe aux
lettres qu'ils m'écrivent ; la multitude des
ouvrages , jointe à la néceffité de faire une
collection tous les mois ne me laiffe pas
ce loifir , & m'oblige d'être impoli malgré
moi : hors les cas preffés , ils doivent avoir
la patience d'attendre que leur tour vienne.
Je mets dans mon recueil chaque piece par
ordre de date : fi elle n'y paroît pas à fon
rang , on doit penfer que c'eft moins ma
faute que celle de l'ouvrage. Je reçois tous
les jours des vers , où la mesure eft auffipeu
refpectée que la rime ; n'ayant pas le tems
de les corriger , je fuis contraint de n'en
point faire ufage.
Les écrits fur lefquels je dois être le'
plus difficile , font particulierement ceux
qu'on adreffe aux grands & aux perſonnes
en place : c'eft leur manquer véritablement
que de les mal louer un Miniftre
l'eft mieux par la voix publique que par
des vers médiocres. Quand ils n'ont pas
mérite d'être bons , il faut du moins qu'ils
le
A iij
ayent celui d'être courts ; avec cette derniere
qualité , on peut les inférer en faveur du
zele.
Comme l'année eftfertile en poësie , j'invite
nos jeunes écrivains à ne pas négliger
la profe : qu'ils l'emploient fur quelque
point de littérature légere , ou qu'ils choififfent
quelque trait de morale , cachéfous
le voile d'une fiction agréable ; pour peu
que ces morceaux foient bien traités , je
leur donnerai la préférence.
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Résumé : AVIS DE L'AUTEUR DU MERCURE.
L'auteur du Mercure s'excuse de ne pas répondre aux lettres des auteurs en raison de la multitude des ouvrages à traiter et de la nécessité de publier une collection mensuelle. Les pièces sont publiées par ordre de date, et l'absence d'une pièce à son rang prévu est imputable à l'ouvrage lui-même. L'auteur reçoit quotidiennement des vers non conformes aux règles de mesure et de rime, qu'il ne peut corriger faute de temps. Il est particulièrement exigeant envers les écrits adressés aux grands, préférant les louanges publiques aux vers médiocres. Si ces écrits ne sont pas bons, ils doivent au moins être courts. L'année étant riche en poésie, l'auteur encourage les jeunes écrivains à ne pas négliger la prose, qu'elle soit utilisée pour des sujets légers ou pour des leçons de morale sous une fiction agréable. Les morceaux bien traités dans ces domaines seront privilégiés pour la publication.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 48-52
LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE,
Début :
Vous aurez vû, Monsieur, dans le Journal étranger, du mois d'Août, [...]
Mots clefs :
Abbé Prévost, Adversaire, Italie, Honneur, Patrie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE,
LETTRE
A L'AUTEUR DU MERCURE ,
Ous aurez vù , Monfieur , dans le
Journal étranger , du mois d'Août ,
une réponſe de M. l'Abbé Prévôt à la lettre
que j'avois eu l'honneur de lui écrire
dans votre Mercure de Juillet . L'éducation
que j'ai eue, & la bonté de ma cauſe m'empêcheront
toujours de répondre fur le même
ton aux petites invectives qu'il lui a
plû de m'adreffer . Je pafferai même de
tout mon coeur condamnation fur l'article
de mon ignorance de la Logique & de la
Grammaire.
J'aurois fouhaité que M. l'Abbé Prévôt,
pour établir une vérité que j'avoue , &
qu'il croit fi conftante , ne fût point forti
lui- même du vrai ;; c'eſt une chofe aiſée à
démontrer.
Pour bien établir ( dit- il ) que l'Italie fe
reſſemble encore , il cite plufieurs noms du
· tems auquelje me plains , qu'elle ne ressemble
plus. Etrange forte de raifonnement ! qui me
difpenfe
OCTOBRE . 1755. 49
difpenfe en vérité d'une plus longue réponſe.
De cette exclamation on paffe à la conclufion
contre ma Logique.
Eft- il poffible , Monfieur , que M. l'Abbé
Prévôt ait pû faire une telle bévûc ?
Quels font les noms que je lui nomme ?
Si c'eft en fait d'architecture , c'eft M. le
Comte Alfieri , très - vivant & Architecte de
S. M. le Roi de Sardaigne ; fur la peinture
, je cite Trévifan , Sebaftien Concha ,
Tiepolo , Piazzetta , Pannini , & Solimene
, tous gens de ce fiécle , la plûpart vivans
, ou morts depuis 1740. Pour la phi
lofophie & la médecine , Molinelli , Morgagni
, le Botaniste Pontedera , tous en
vie , de même que Mefdames Baffi &
Agnefi . Parmi les Mathématiciens , Zacchieri
& le Marquis Poleni . Comment M.
l'Abbé Prévôt a - t- il voulu dérouter à ce
point tout un public ?
Il est un feul article fur lequel je conviens
que j'ai cité des noms des ficcles paffés
, c'eft celui de l'hiftoire ; mais que mon
illuftre adverfaire examine , fi la vivacité
de fon génie le lui permet , à quelles phrafes
des fiennes je répondois , & qu'il tâche
de fe reffembler à lui-même.
Il s'enfaut beaucoup ( difoit- il dans le
Journal de Janvier ) que l'Italie moderne
ait des modeles à nous offrir , ni qu'elle ap-
C
50
MERCURE
DE FRANCE
.
proche de ceux qu'elle a reçus comme nous de
l'Italie Latine. Je voudrois fçavoir fi , en
répondant à cet article , je n'étois pas dans
le cas de citer pour juftifier ma patrie , de.
fa prétendue ignorance , tous les auteurs
qui ont paru en Italie , depuis que pour
m'exprimer comme lui , elle a ceffé d'être
Latine. C'est pourquoi j'ai nommé Guicciardin
, Davila , & c. auxquels j'en ai ajouté
de ce fiécle , tels que Giannoni , Muratori
& Buonamici .
Vous pouvez , Monfieur , juger par cet
échantillon , de la juftice de ma caufe ,
le défaut de vérité n'eft ordinairement
que le dernier argument des mauvaiſes.
La plaifanterie du proverbe ne m'a pas
femblé meilleure par le fond que par le
ton proverbial , qui paroit banni de la
bonne compagnie. Que faifoit l'Italie à
M. l'Abbé Prévôt , pour l'attaquer comme
il a fait ? avoit-il befoin de l'abaiffer , pour
faire briller la France ? Cette belle & vafte
Monarchie où les fciences & les beaux arts
fleuriffent de plus en plus , n'eft affurement
pas réduite à une fi miférable reffource ; le
foleil refplendiffant de fa propre lumiere
n'a pas befoin que la lune s'éclipfe pour
répandre le jour fur la terre , & faire mûrir
nos moiffons .
C'est donc mon adverfaire qui attaque
OCTOBRE. 1755. St
fans raifon ma patrie . Je fuis Italien , je
tâche de la défendre. Qui ne fait que repouffer
les coups qu'on lui porte , peut- il
paffer pour querelleur ? c'est donc M. l'Abbé
Prévôt qui veut faire changer le proverbe
.
Je vous prie , Monfieur , d'inférer ma
lettre dans votre Mercure. Je me flate que
mon adverfaire voudra bien ne plus écrire
contre ma patrie ni contre moi . Si j'avois
le bonheur d'être connu de lui , je fuis
perfuadé qu'il m'accorderoit fon eftime ,
comme je ne puis refufer mon admiration
à fes écrits.
Pour vous , Monfieur , dont les talens
me font connus , je vous prends pour arbitre
, & vous affure que je m'en rappor
terai toujours à vos décifions .
J'ai l'honneur d'être , &c .
A Paris , ce 10 Août
1755.
N.N.
L'auteur de cette lettre me fait trop
d'honneur. Je fuis Journaliste. Le filence
doit être mon partage ; fi j'ofois pourtant
le rompre , je dirois qu'une jufte modération
eft fur ce point le feul parti convé
nable . Malheureufement nous fommes
toujours en deçà ou en delà . Où nous élevons
trop les autres nations au préjudice
Cij
52
MERCURE DE
FRANCE.
de la nôtre , où nous les
rabaillons trop
pour la faire valoir à leurs dépens . Ce
dernier excès me paroît le plus
choquant.
Nous avons la fureur du
parallele. Je
penfe qu'il
vaudroit mieux l'éviter . Nous
devons être
d'autant plus
circonfpects ,
qu'étant juges & parties dans cette cauſe ,
nous ne fommes
pas faits
crus fur notre décifion. Nous bleffons l'a- pour en être
mour propre des
étrangers , fans mieux
établir par là notre
fupériorité fur eux.
Nos arrêts n'ont de la force tout au plus
que dans le
Royaume . On les caffe même
fouvent fur la
frontiere.
A L'AUTEUR DU MERCURE ,
Ous aurez vù , Monfieur , dans le
Journal étranger , du mois d'Août ,
une réponſe de M. l'Abbé Prévôt à la lettre
que j'avois eu l'honneur de lui écrire
dans votre Mercure de Juillet . L'éducation
que j'ai eue, & la bonté de ma cauſe m'empêcheront
toujours de répondre fur le même
ton aux petites invectives qu'il lui a
plû de m'adreffer . Je pafferai même de
tout mon coeur condamnation fur l'article
de mon ignorance de la Logique & de la
Grammaire.
J'aurois fouhaité que M. l'Abbé Prévôt,
pour établir une vérité que j'avoue , &
qu'il croit fi conftante , ne fût point forti
lui- même du vrai ;; c'eſt une chofe aiſée à
démontrer.
Pour bien établir ( dit- il ) que l'Italie fe
reſſemble encore , il cite plufieurs noms du
· tems auquelje me plains , qu'elle ne ressemble
plus. Etrange forte de raifonnement ! qui me
difpenfe
OCTOBRE . 1755. 49
difpenfe en vérité d'une plus longue réponſe.
De cette exclamation on paffe à la conclufion
contre ma Logique.
Eft- il poffible , Monfieur , que M. l'Abbé
Prévôt ait pû faire une telle bévûc ?
Quels font les noms que je lui nomme ?
Si c'eft en fait d'architecture , c'eft M. le
Comte Alfieri , très - vivant & Architecte de
S. M. le Roi de Sardaigne ; fur la peinture
, je cite Trévifan , Sebaftien Concha ,
Tiepolo , Piazzetta , Pannini , & Solimene
, tous gens de ce fiécle , la plûpart vivans
, ou morts depuis 1740. Pour la phi
lofophie & la médecine , Molinelli , Morgagni
, le Botaniste Pontedera , tous en
vie , de même que Mefdames Baffi &
Agnefi . Parmi les Mathématiciens , Zacchieri
& le Marquis Poleni . Comment M.
l'Abbé Prévôt a - t- il voulu dérouter à ce
point tout un public ?
Il est un feul article fur lequel je conviens
que j'ai cité des noms des ficcles paffés
, c'eft celui de l'hiftoire ; mais que mon
illuftre adverfaire examine , fi la vivacité
de fon génie le lui permet , à quelles phrafes
des fiennes je répondois , & qu'il tâche
de fe reffembler à lui-même.
Il s'enfaut beaucoup ( difoit- il dans le
Journal de Janvier ) que l'Italie moderne
ait des modeles à nous offrir , ni qu'elle ap-
C
50
MERCURE
DE FRANCE
.
proche de ceux qu'elle a reçus comme nous de
l'Italie Latine. Je voudrois fçavoir fi , en
répondant à cet article , je n'étois pas dans
le cas de citer pour juftifier ma patrie , de.
fa prétendue ignorance , tous les auteurs
qui ont paru en Italie , depuis que pour
m'exprimer comme lui , elle a ceffé d'être
Latine. C'est pourquoi j'ai nommé Guicciardin
, Davila , & c. auxquels j'en ai ajouté
de ce fiécle , tels que Giannoni , Muratori
& Buonamici .
Vous pouvez , Monfieur , juger par cet
échantillon , de la juftice de ma caufe ,
le défaut de vérité n'eft ordinairement
que le dernier argument des mauvaiſes.
La plaifanterie du proverbe ne m'a pas
femblé meilleure par le fond que par le
ton proverbial , qui paroit banni de la
bonne compagnie. Que faifoit l'Italie à
M. l'Abbé Prévôt , pour l'attaquer comme
il a fait ? avoit-il befoin de l'abaiffer , pour
faire briller la France ? Cette belle & vafte
Monarchie où les fciences & les beaux arts
fleuriffent de plus en plus , n'eft affurement
pas réduite à une fi miférable reffource ; le
foleil refplendiffant de fa propre lumiere
n'a pas befoin que la lune s'éclipfe pour
répandre le jour fur la terre , & faire mûrir
nos moiffons .
C'est donc mon adverfaire qui attaque
OCTOBRE. 1755. St
fans raifon ma patrie . Je fuis Italien , je
tâche de la défendre. Qui ne fait que repouffer
les coups qu'on lui porte , peut- il
paffer pour querelleur ? c'est donc M. l'Abbé
Prévôt qui veut faire changer le proverbe
.
Je vous prie , Monfieur , d'inférer ma
lettre dans votre Mercure. Je me flate que
mon adverfaire voudra bien ne plus écrire
contre ma patrie ni contre moi . Si j'avois
le bonheur d'être connu de lui , je fuis
perfuadé qu'il m'accorderoit fon eftime ,
comme je ne puis refufer mon admiration
à fes écrits.
Pour vous , Monfieur , dont les talens
me font connus , je vous prends pour arbitre
, & vous affure que je m'en rappor
terai toujours à vos décifions .
J'ai l'honneur d'être , &c .
A Paris , ce 10 Août
1755.
N.N.
L'auteur de cette lettre me fait trop
d'honneur. Je fuis Journaliste. Le filence
doit être mon partage ; fi j'ofois pourtant
le rompre , je dirois qu'une jufte modération
eft fur ce point le feul parti convé
nable . Malheureufement nous fommes
toujours en deçà ou en delà . Où nous élevons
trop les autres nations au préjudice
Cij
52
MERCURE DE
FRANCE.
de la nôtre , où nous les
rabaillons trop
pour la faire valoir à leurs dépens . Ce
dernier excès me paroît le plus
choquant.
Nous avons la fureur du
parallele. Je
penfe qu'il
vaudroit mieux l'éviter . Nous
devons être
d'autant plus
circonfpects ,
qu'étant juges & parties dans cette cauſe ,
nous ne fommes
pas faits
crus fur notre décifion. Nous bleffons l'a- pour en être
mour propre des
étrangers , fans mieux
établir par là notre
fupériorité fur eux.
Nos arrêts n'ont de la force tout au plus
que dans le
Royaume . On les caffe même
fouvent fur la
frontiere.
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Résumé : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE,
Dans une lettre adressée à l'auteur du Mercure, l'expéditeur réagit à une réponse de l'abbé Prévôt publiée dans le Mercure de Juillet. Il refuse de répondre sur le même ton aux invectives de l'abbé Prévôt et condamne un article qui critiquait son ignorance de la logique et de la grammaire. L'expéditeur regrette que l'abbé Prévôt n'ait pas utilisé des arguments plus solides pour établir ses points. Pour prouver que l'Italie reste vivante culturellement, contrairement à ce que l'abbé Prévôt affirme, l'expéditeur cite plusieurs noms contemporains dans divers domaines artistiques et scientifiques. Il reconnaît avoir mentionné des historiens des siècles passés en réponse à une critique spécifique de l'abbé Prévôt. L'expéditeur déplore l'attaque injustifiée de l'abbé Prévôt contre l'Italie et affirme défendre sa patrie sans chercher la querelle. Il conclut en espérant que l'abbé Prévôt cessera d'écrire contre lui et son pays, et exprime son admiration pour les écrits de son adversaire. En réponse, le journaliste du Mercure prône une juste modération et critique la tendance à dévaloriser les autres nations pour valoriser la France, soulignant que cette attitude est choquante et inefficace.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 250
AVERTISSEMENT De l'Auteur du Mercure sur la réponse de M. Rousseau à la Lettre de M. de Voltaire.
Début :
Nous avons inséré dans le Mercure de Novembre, page 63, [...]
Mots clefs :
Rousseau, Voltaire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVERTISSEMENT De l'Auteur du Mercure sur la réponse de M. Rousseau à la Lettre de M. de Voltaire.
AVERTISSEMENT
De l'Auteur du Mercure fur la réponse de
M. Rouffeau à la Lettre de M. de
Voltaire.
Ous avons inféré dans le Mercure de
N
Novembre , page 63 , la réponſe de
M. Rouffeau à M. de Voltaire , fur une
Copie qui nous eft parvenue très- imparfaite
, & fans fon aveu . M. Rouffeau à
défiré que nos Lecteurs en fuffent inftruits.
Nous l'avons fatisfait fur ce point avec
d'autant moins de peine que les égards
que nous devons à tous les Auteurs , notre
eftime particuliere pour lui , l'amour que
nous avons pour la vérité , & notre refpect
pour le Public , nous en ont fait une loi.
Nous aurions cru fur-tout , manquer à ce
dernier , après lui avoir donné un écrit
défectueux , de ne pas l'en avertir , dès
qu'on nous a fait connoître notre erreur.
De l'Auteur du Mercure fur la réponse de
M. Rouffeau à la Lettre de M. de
Voltaire.
Ous avons inféré dans le Mercure de
N
Novembre , page 63 , la réponſe de
M. Rouffeau à M. de Voltaire , fur une
Copie qui nous eft parvenue très- imparfaite
, & fans fon aveu . M. Rouffeau à
défiré que nos Lecteurs en fuffent inftruits.
Nous l'avons fatisfait fur ce point avec
d'autant moins de peine que les égards
que nous devons à tous les Auteurs , notre
eftime particuliere pour lui , l'amour que
nous avons pour la vérité , & notre refpect
pour le Public , nous en ont fait une loi.
Nous aurions cru fur-tout , manquer à ce
dernier , après lui avoir donné un écrit
défectueux , de ne pas l'en avertir , dès
qu'on nous a fait connoître notre erreur.
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Résumé : AVERTISSEMENT De l'Auteur du Mercure sur la réponse de M. Rousseau à la Lettre de M. de Voltaire.
L'auteur du Mercure avertit les lecteurs qu'une réponse de M. Rouffeau à une lettre de M. de Voltaire a été publiée en novembre à partir d'une copie imparfaite et non autorisée. M. Rouffeau a demandé à informer les lecteurs de cette situation. L'auteur du Mercure a accepté par respect pour les auteurs, estime pour M. Rouffeau, amour de la vérité et respect du public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 235
Avis de l'Auteur du Mercure.
Début :
Nous recevons tous les jours des Pieces dont l'orthographe est si [...]
Mots clefs :
Orthographe, Soins de l'écriture, Pièces
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texteReconnaissance textuelle : Avis de l'Auteur du Mercure.
Avis de l'Auteur du Mercure.
Nous recevons tous les jours des Pieces
dont l'ortographe eft fi défectueuse , l'écri
ture fi informe & le papier fi mauvais
qu'on ne peut les déchiffrer , & qu'on les
prendroit plutôt pour une affignation des
Confuls, que pour une production d'efprit .
Les Auteurs qui nous les adreffent fe montrent
cependant les plus impatiens de paroître.
Nous les prions très - inftamment
d'avoir foin à l'avenir que les copies de
leurs ouvrages foient plus lifibles , mieux
ortographiées , & qu'elles n'ayent point
l'air d'avoir fervi chez l'Epicier , où nous
ferons forcés de les y renvoier , quelque
confidération que nous ayons pour eux.
Nous recevons tous les jours des Pieces
dont l'ortographe eft fi défectueuse , l'écri
ture fi informe & le papier fi mauvais
qu'on ne peut les déchiffrer , & qu'on les
prendroit plutôt pour une affignation des
Confuls, que pour une production d'efprit .
Les Auteurs qui nous les adreffent fe montrent
cependant les plus impatiens de paroître.
Nous les prions très - inftamment
d'avoir foin à l'avenir que les copies de
leurs ouvrages foient plus lifibles , mieux
ortographiées , & qu'elles n'ayent point
l'air d'avoir fervi chez l'Epicier , où nous
ferons forcés de les y renvoier , quelque
confidération que nous ayons pour eux.
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Résumé : Avis de l'Auteur du Mercure.
L'auteur du Mercure déplore la mauvaise qualité des textes reçus, marqués par des fautes d'orthographe, une écriture illisible et un papier médiocre. Il exprime son impatience face à la demande de publication rapide des auteurs. Il les invite à améliorer la présentation et l'orthographe de leurs copies pour éviter le renvoi des textes.
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10
p. 212-214
Avis de l'Auteur du Mercure.
Début :
Nous donnons avis à nos Abonnées que nous commencerons à publier au [...]
Mots clefs :
Recueil, Pièces en vers et en prose, Mercure de France, Parution mensuelle, Auteurs
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texteReconnaissance textuelle : Avis de l'Auteur du Mercure.
Avis de l'Auteur du Mercure .
ous donnons avis à nos Abonnés que nous
commencerons à publier au premier d'Août , au
JUIN. 1757 . 213
I
plus tard , un choix , en forme de Recueil , de tous
les morceaux de Vers & de Profe qui ont été inférés
dans le Mercure depuis fon origine. Nous
ne nous bornerons point aux matieres de belefprit
; tout ce qui nous paroîtra offrir du piquant
ou de l'utile , dans quelque genre que ce foit ,
trouvera place dans notre Recueil , qui fera diftribué
tous les mois comme le Mercure de France ,
& aura le même nombre de pages. Ces divers
morceaux feront relevés par le plus d'anecdotes
intéreffantes que nous pourrons raffembler fur
les Auteurs qui les ont autrefois publiés , lorf
qu'ils fe feront fait connoître ; & pour ceux qui
ont voulu garder l'incognite , nous ferons nos
efforts pour découvrir leur nom. Nous aurons
foin d'y joindre les critiques auxquelles ils auront
donné lieu , & nous hazarderons de donner quelquefois
nos réflexions , lorfque nous jugerons
que cela pourra ajouter au plaifir des Lecteurs ,
& piquer leur curiofité & leur goût. L'on fçait
affez que le Mercure a été le berceau de la gloire
des plus célebres Auteurs , qui aient exifté depuis
près de cent ans. Bien des perfonnes n'étant pas
difpofées à acheter les Ouvrages multipliés de
tant d'Ecrivains illuftres , il s'en trouvera peut-être
plufieurs qui feront bien - aifes de pouvoir promener
leurs regards fur ces premieres productions
de leur efprit , & fur ces premiers rayons de
leur gloire. Il y a d'ailleurs des chofes trèslagréables
, très- piquantes & très - utiles , qui ne fe
trouvent que dans les Mercures , & qui auroient
été perdues pour jamais ; fi nous n'avions pas
fongé à faire le Recueil que nous annonçons . Il y a
près de 1200 volumes du Mercure , à compter depuis
fon origine en 1672 , jufqu'en l'année 1754 ,
que nous en avons obtenu le Privilege . La Collee
A
214 MERCURE DE FRANCE.
:
tion en eft prefque impoffible à faire, & fetoit d'ail
leurs d'une très -grande dépenfe ; celle que nous
Avons entrepriſe épargnera des foins inutiles , ou
des frais confidérables. Nous nous engageons à
faire tous nos efforts pour réparer la privation de
l'une , par la poffeffion de l'autre, Nous répétons
que nous n'exclurons aucun genre , & nous promettons
la plus grande attention pour le choix .
Ce qu'on fera en droit de nous demander lorſque
l'Ouvrage fera arrivé à fon terme , n'aura certainement
pas dépendu de nos foins & de notre
zele. La diftribution fe fera tous les premiers du
mois on donnera douze volumes par année.
Les perfonnes qui voudront s'abonner , payeront
d'avance 18 liv . à raifon de 30. fols par volume,
Les autres payeront 36 fols. Celles de Province
auxquelles on l'enverra par la pofte , payeront
24 liv. en tout. Il faudra s'adreffer au Bureau du
Mercure à l'ordinaire , chez M. Lutton ; c'eſt à
lui que nous prions nos Abonnés d'adreffer
franche de port , la lettre d'avis par laquelle ils
voudront bien notifier leurs intentions. Par ce
moyen en prenant cette collection , ils pofféderont
tous les Mercures depuis l'origine , dans l'espace
de quatre ou cinq ans , qui fera le temps qu'on
mettra à la faire. On y joindra un extrait de
l'ancien Mercure François , qui renferme une partie
effentielle & confidérable de l'historique de
l'Europe depuis 1604 jufqu'en 1644. Nous en
inférerons quarante pages dans chaque volume. Il
tiendra lieu d'article des nouvelles , & nous ofons
dire que ce ne fera pas l'endroit , du livre , le
moins intéreffant , tant par les événemens extraordinaires
qu'il renferme , que par la difficulté
qu'il y a de fe procurer l'original plus cher en-
Core que rare.
ous donnons avis à nos Abonnés que nous
commencerons à publier au premier d'Août , au
JUIN. 1757 . 213
I
plus tard , un choix , en forme de Recueil , de tous
les morceaux de Vers & de Profe qui ont été inférés
dans le Mercure depuis fon origine. Nous
ne nous bornerons point aux matieres de belefprit
; tout ce qui nous paroîtra offrir du piquant
ou de l'utile , dans quelque genre que ce foit ,
trouvera place dans notre Recueil , qui fera diftribué
tous les mois comme le Mercure de France ,
& aura le même nombre de pages. Ces divers
morceaux feront relevés par le plus d'anecdotes
intéreffantes que nous pourrons raffembler fur
les Auteurs qui les ont autrefois publiés , lorf
qu'ils fe feront fait connoître ; & pour ceux qui
ont voulu garder l'incognite , nous ferons nos
efforts pour découvrir leur nom. Nous aurons
foin d'y joindre les critiques auxquelles ils auront
donné lieu , & nous hazarderons de donner quelquefois
nos réflexions , lorfque nous jugerons
que cela pourra ajouter au plaifir des Lecteurs ,
& piquer leur curiofité & leur goût. L'on fçait
affez que le Mercure a été le berceau de la gloire
des plus célebres Auteurs , qui aient exifté depuis
près de cent ans. Bien des perfonnes n'étant pas
difpofées à acheter les Ouvrages multipliés de
tant d'Ecrivains illuftres , il s'en trouvera peut-être
plufieurs qui feront bien - aifes de pouvoir promener
leurs regards fur ces premieres productions
de leur efprit , & fur ces premiers rayons de
leur gloire. Il y a d'ailleurs des chofes trèslagréables
, très- piquantes & très - utiles , qui ne fe
trouvent que dans les Mercures , & qui auroient
été perdues pour jamais ; fi nous n'avions pas
fongé à faire le Recueil que nous annonçons . Il y a
près de 1200 volumes du Mercure , à compter depuis
fon origine en 1672 , jufqu'en l'année 1754 ,
que nous en avons obtenu le Privilege . La Collee
A
214 MERCURE DE FRANCE.
:
tion en eft prefque impoffible à faire, & fetoit d'ail
leurs d'une très -grande dépenfe ; celle que nous
Avons entrepriſe épargnera des foins inutiles , ou
des frais confidérables. Nous nous engageons à
faire tous nos efforts pour réparer la privation de
l'une , par la poffeffion de l'autre, Nous répétons
que nous n'exclurons aucun genre , & nous promettons
la plus grande attention pour le choix .
Ce qu'on fera en droit de nous demander lorſque
l'Ouvrage fera arrivé à fon terme , n'aura certainement
pas dépendu de nos foins & de notre
zele. La diftribution fe fera tous les premiers du
mois on donnera douze volumes par année.
Les perfonnes qui voudront s'abonner , payeront
d'avance 18 liv . à raifon de 30. fols par volume,
Les autres payeront 36 fols. Celles de Province
auxquelles on l'enverra par la pofte , payeront
24 liv. en tout. Il faudra s'adreffer au Bureau du
Mercure à l'ordinaire , chez M. Lutton ; c'eſt à
lui que nous prions nos Abonnés d'adreffer
franche de port , la lettre d'avis par laquelle ils
voudront bien notifier leurs intentions. Par ce
moyen en prenant cette collection , ils pofféderont
tous les Mercures depuis l'origine , dans l'espace
de quatre ou cinq ans , qui fera le temps qu'on
mettra à la faire. On y joindra un extrait de
l'ancien Mercure François , qui renferme une partie
effentielle & confidérable de l'historique de
l'Europe depuis 1604 jufqu'en 1644. Nous en
inférerons quarante pages dans chaque volume. Il
tiendra lieu d'article des nouvelles , & nous ofons
dire que ce ne fera pas l'endroit , du livre , le
moins intéreffant , tant par les événemens extraordinaires
qu'il renferme , que par la difficulté
qu'il y a de fe procurer l'original plus cher en-
Core que rare.
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Résumé : Avis de l'Auteur du Mercure.
À partir du 1er août 1757, le Mercure publiera un recueil mensuel regroupant des poèmes et des proses parus depuis sa création. Ce recueil inclura des œuvres de belle-lettres, des éléments jugés piquants ou utiles, ainsi que des anecdotes sur les auteurs et des critiques. L'objectif est de rendre hommage aux auteurs célèbres et de préserver des œuvres rares issues des 1200 volumes du Mercure, publiés entre 1672 et 1754. Chaque volume contiendra un extrait de l'ancien Mercure François, couvrant l'histoire de l'Europe de 1604 à 1644. Les abonnements sont disponibles auprès de M. Lutton au bureau du Mercure. Les abonnés paieront 18 livres à l'avance pour 12 volumes par an, tandis que les autres paieront 36 sols par volume. Les personnes en province paieront 24 livres.
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11
p. 212-213
Avis de l'Auteur du Mercure.
Début :
Dans l'article Chirurgie du Mercure de Décembre, page 140, par [...]
Mots clefs :
Article, Chirurgie, Erreur, Censeur, Publication
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texteReconnaissance textuelle : Avis de l'Auteur du Mercure.
Avis de l'Auteur du Mercure.
DANS
ANS l'article Chirurgie du Mercure
de Décembre, page 140 , par l'imprudence
du Compofiteur & du Prote , il a été inféré
fans l'approbation du Cenfeur , une piece
intitulée , Lettre à M. *** , Chirurgien
demonftrateur , &c. par M. Cambor ,
Chirurgien-Major , & c . fur les tailles faites
l'Hôtel- Dieu de Paris , le 20 Juin 175,7-
JANVIER. 1758. 213
L'ayant reçue de la part du Frere Côme,
& cet écrit étant d'ailleurs imprimé, je l'envoyai
fur le champ , avec confiance , à M.
l'Abbé Guiroy , pour être approuvé . Comme
il m'étoit parvenu tard, & que mon recueil
eft un ouvrage qui ne fouffre pas de
délai , la lettre fut compofée , imprimée , tirée,
& le volume qui la renferme, diſtribué ,
avant qu'elle fût revenue de chez le Cenfeur
qui l'avoit refufée comme offenfante
pour unChirurgien célebre. Je n'appris que
trois jours après la diftribution du Mercure
, l'étourderie du Prote & du Compofiteur
qui n'avoient pas attendu l'approbation
contre mes ordres . Par malheur il n'étoit
plus temps d'y remédier. Voilà l'exacte
vérité. Nous avons cru devoir en inftruire
le Public pour la juftification du
Cenfeur , & par confidération pour M.
Moreau . Nous n'examinons point le
fonds de l'écrit en queftion. Il fuffic
qu'il attaque la gloire d'un homme auffi
illuftre dans fon art , pour n'avoir pas
notre aven.
DANS
ANS l'article Chirurgie du Mercure
de Décembre, page 140 , par l'imprudence
du Compofiteur & du Prote , il a été inféré
fans l'approbation du Cenfeur , une piece
intitulée , Lettre à M. *** , Chirurgien
demonftrateur , &c. par M. Cambor ,
Chirurgien-Major , & c . fur les tailles faites
l'Hôtel- Dieu de Paris , le 20 Juin 175,7-
JANVIER. 1758. 213
L'ayant reçue de la part du Frere Côme,
& cet écrit étant d'ailleurs imprimé, je l'envoyai
fur le champ , avec confiance , à M.
l'Abbé Guiroy , pour être approuvé . Comme
il m'étoit parvenu tard, & que mon recueil
eft un ouvrage qui ne fouffre pas de
délai , la lettre fut compofée , imprimée , tirée,
& le volume qui la renferme, diſtribué ,
avant qu'elle fût revenue de chez le Cenfeur
qui l'avoit refufée comme offenfante
pour unChirurgien célebre. Je n'appris que
trois jours après la diftribution du Mercure
, l'étourderie du Prote & du Compofiteur
qui n'avoient pas attendu l'approbation
contre mes ordres . Par malheur il n'étoit
plus temps d'y remédier. Voilà l'exacte
vérité. Nous avons cru devoir en inftruire
le Public pour la juftification du
Cenfeur , & par confidération pour M.
Moreau . Nous n'examinons point le
fonds de l'écrit en queftion. Il fuffic
qu'il attaque la gloire d'un homme auffi
illuftre dans fon art , pour n'avoir pas
notre aven.
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Résumé : Avis de l'Auteur du Mercure.
L'auteur du Mercure publie un avis rectificatif concernant une erreur dans l'article 'Chirurgie' du numéro de décembre, page 140. Une lettre intitulée 'Lettre à M. ***, Chirurgien démonstrateur, etc.' par M. Cambor, Chirurgien-Major, a été imprimée sans l'approbation du censeur. Cette lettre, reçue du Frère Côme, a été envoyée à l'Abbé Guiroy pour approbation, mais en raison de délais, elle a été composée, imprimée et distribuée avant de revenir du censeur, qui l'avait refusée pour offense à un chirurgien célèbre. L'auteur a découvert l'erreur trois jours après la distribution et regrette l'impossibilité de remédier à la situation. L'avis vise à justifier le censeur et à montrer considération pour M. Moreau. L'auteur ne commente pas le contenu de la lettre, soulignant seulement qu'elle attaque la réputation d'un chirurgien illustre.
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12
p. 214
AVIS de l'Auteur du Mercure au sujet du Choix des Anciens Mercures.
Début :
Nous ne pouvons plus cacher à nos Lecteurs que les neuf volumes [...]
Mots clefs :
Choix des anciens Mercures, Volumes, Auteur véritable, M. de Bastide
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texteReconnaissance textuelle : AVIS de l'Auteur du Mercure au sujet du Choix des Anciens Mercures.
AVIS de l'Auteur du Mercure au fujet du
Choix des Anciens Mercures.
Nous ne pouvons plus cacher à nos
Lecteurs que les neuf volumes du Choix
des meilleures pieces tirées des anciens Mer
cures , avec un extrait du Mercure François,
qui ont paru , ne font pas notre ouvrage
M. de Baftide en eft lui feul l'Auteur , &
va continuer cette collection avec des augmentations
telles qu'elles font annoncées
dans l'Avis qu'il a publié par la voie des
petites Affiches , & auquel nous foufcrivons.
Il n'y a qu'un feul article à corriger,
c'eft le dernier où il eft dit que le nouveau
Choix fe délivrera chez M. de Baftide. Il
continuera toujours à être diſtribué au
Bureau du Mercure de France , chez M.
Lutton.
Choix des Anciens Mercures.
Nous ne pouvons plus cacher à nos
Lecteurs que les neuf volumes du Choix
des meilleures pieces tirées des anciens Mer
cures , avec un extrait du Mercure François,
qui ont paru , ne font pas notre ouvrage
M. de Baftide en eft lui feul l'Auteur , &
va continuer cette collection avec des augmentations
telles qu'elles font annoncées
dans l'Avis qu'il a publié par la voie des
petites Affiches , & auquel nous foufcrivons.
Il n'y a qu'un feul article à corriger,
c'eft le dernier où il eft dit que le nouveau
Choix fe délivrera chez M. de Baftide. Il
continuera toujours à être diſtribué au
Bureau du Mercure de France , chez M.
Lutton.
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Résumé : AVIS de l'Auteur du Mercure au sujet du Choix des Anciens Mercures.
L'auteur du Mercure précise que les neuf volumes du 'Choix des meilleures pièces tirées des anciens Mercures' ne sont pas de sa plume, mais de M. de Baftide. Ce dernier prévoit de continuer la collection avec des augmentations annoncées dans les petites affiches. L'auteur approuve cet avis et corrige la distribution du nouveau 'Choix', disponible chez M. Lutton au Bureau du Mercure de France.
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1
p. 207-208
REPONSE.
Début :
Les quatre questions de l'intérêt public sont étrangeres au plan [...]
Mots clefs :
Loterie
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texteReconnaissance textuelle : REPONSE.
REPONSE.
Les quatre queftions de l'intérêt public font
étrangeres au plan de la lotterie , & par conféquent
aux remarques qu'on y a faites. "Le plan &
les remarques dépendent de différentes combinaifons
pures & fimples , & les remarques étoient les
mêmes pour Bruxelles que pour Paris , au lieu
que les réponſes que l'intérêt public demande ,
dépendent de la connoiffance actuelle du change.
qui varie felon les tems & les lieux ; c'eft une
affaire de banque & de change ; ainfi , après les
tirages ceux qui auront des lots à retirer
s'adrefferont à quelque Banquier , Maîtres ou
Agens de change , qui leur diront ce qui leur
revient. Quant à ce que les billets de cette lotterie
fe font vendus 26 , 27 & 28 livres , cela peut
venir , ou du ridicule empreffement avec lequel
on y couroit , ou du peu de fidélité de la part de
ceux qui les livroient , & de ce qu'on ne fçavoir
pas quel étoit le rapport entre les monnoies.
L'auteur des remarques n'a eu & n'a dû avoir
en vue que de faire voir qu'on dupoit le public
>
208 MERCURE DE FRANCE .
& ce qui doit fûrement le fâcher , c'eſt de n'avoir
pas vú le plan de la lotterie deux mois plutôt
, il y auroit eu fans doute bien moins de
billets diftribués dans Paris . Mais fi ces remarques
n'ont pas eu dans cette occaſion tout l'effet
qu'elles auroient vraisemblablement eu fi on les
avoit connues plutôt , il faut efperer qu'elles mettront
en garde contre celles qu'on pourroit nous
envoyer l'avenir.
Les quatre queftions de l'intérêt public font
étrangeres au plan de la lotterie , & par conféquent
aux remarques qu'on y a faites. "Le plan &
les remarques dépendent de différentes combinaifons
pures & fimples , & les remarques étoient les
mêmes pour Bruxelles que pour Paris , au lieu
que les réponſes que l'intérêt public demande ,
dépendent de la connoiffance actuelle du change.
qui varie felon les tems & les lieux ; c'eft une
affaire de banque & de change ; ainfi , après les
tirages ceux qui auront des lots à retirer
s'adrefferont à quelque Banquier , Maîtres ou
Agens de change , qui leur diront ce qui leur
revient. Quant à ce que les billets de cette lotterie
fe font vendus 26 , 27 & 28 livres , cela peut
venir , ou du ridicule empreffement avec lequel
on y couroit , ou du peu de fidélité de la part de
ceux qui les livroient , & de ce qu'on ne fçavoir
pas quel étoit le rapport entre les monnoies.
L'auteur des remarques n'a eu & n'a dû avoir
en vue que de faire voir qu'on dupoit le public
>
208 MERCURE DE FRANCE .
& ce qui doit fûrement le fâcher , c'eſt de n'avoir
pas vú le plan de la lotterie deux mois plutôt
, il y auroit eu fans doute bien moins de
billets diftribués dans Paris . Mais fi ces remarques
n'ont pas eu dans cette occaſion tout l'effet
qu'elles auroient vraisemblablement eu fi on les
avoit connues plutôt , il faut efperer qu'elles mettront
en garde contre celles qu'on pourroit nous
envoyer l'avenir.
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Résumé : REPONSE.
Le texte aborde les questions liées à une lotterie et aux remarques associées. Il différencie les remarques basées sur des combinaisons mathématiques des questions d'intérêt public, qui dépendent du taux de change actuel et varient selon les lieux et les époques. Ces dernières sont considérées comme des affaires de banque et de change. Après les tirages, les gagnants doivent consulter des banquiers ou agents de change pour connaître la valeur de leurs lots. Le prix de vente des billets, fixé à 26, 27 et 28 livres, pourrait résulter d'un engouement excessif, d'une mauvaise gestion des vendeurs ou d'une méconnaissance des rapports entre les monnaies. L'auteur des remarques visait à révéler la tromperie du public et regrette de n'avoir pas pu publier son plan plus tôt pour limiter la distribution des billets. Bien que les remarques n'aient pas eu l'impact escompté cette fois-ci, elles servent de mise en garde pour l'avenir.
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1
p. 118
LETTRE DE M. DE CHEVRIER à l'Auteur du Mercure.
Début :
Je viens de parcourir , Monsieur , un ouvrage périodique , imprimé en Hollande [...]
Mots clefs :
Ouvrage périodique, Anti-feuilles
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE DE M. DE CHEVRIER à l'Auteur du Mercure.
LETTRE DE M. DE CHEVRIER
à l'Auteur du Mercure.
E viens de parcourir , Monfieur , un
ouvrage périodique , imprimé en Hollande
, dans lequel on lit ces mots : Les
Anti-feuilles publiées depuis trois ſemaines à
Paris , font de M. de Chevrier.
J'ignore qui a pu donner lieu à cette
apoftille ; mais je puis vous protefter que
je n'ai aucune part à cette production . Je
n'ai que trop de mes propres écrits , fans
qu'on m'en attribue que je ne connois
point.
J'ofe vous prier de rendre ma lettre publique
dans votre premier Mercure.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Paris , ce 16 Janvier 1755 .
à l'Auteur du Mercure.
E viens de parcourir , Monfieur , un
ouvrage périodique , imprimé en Hollande
, dans lequel on lit ces mots : Les
Anti-feuilles publiées depuis trois ſemaines à
Paris , font de M. de Chevrier.
J'ignore qui a pu donner lieu à cette
apoftille ; mais je puis vous protefter que
je n'ai aucune part à cette production . Je
n'ai que trop de mes propres écrits , fans
qu'on m'en attribue que je ne connois
point.
J'ofe vous prier de rendre ma lettre publique
dans votre premier Mercure.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Paris , ce 16 Janvier 1755 .
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Résumé : LETTRE DE M. DE CHEVRIER à l'Auteur du Mercure.
M. de Chevrier conteste dans une lettre du 16 janvier 1755 une information du Mercure, qui l'associe aux 'Anti-feuilles' publiées à Paris. Il nie toute implication et demande la publication de sa lettre pour clarifier sa position.
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2
p. 200
Lettre à l'Auteur du Mercure de France.
Début :
En parcourant, Monsieur, * le Magasin anglois, j'y trouve dans l'article [...]
Mots clefs :
Angleterre, Prisons de Chelmsford, Médée, Infanticide, Le Magasin anglais
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texteReconnaissance textuelle : Lettre à l'Auteur du Mercure de France.
Lettre à l'Auteur du Mercure de France.
EN
N parcourant , Monfieur , le Magaſin anglois
, j'y trouve dans l'article des Chroniques
hiftoriques une relation qui m'a rempli d'horreur,
& qui fait voir qu'il refte encore dans le monde
de la race d'Atrée ou de Médée , comme vous allez ,
le voir.
Le 8 Juillet 1754 ( Angleterre , province d'Effex
, près de Blachwater ) la femme d'un Fermier ,
pour fe venger de fon mari avec qui elle avoit
eu un violent démêlé , étouffa fa propre fille au
berceau , en pendit une feconde , âgée de quatre
ans , à un crochet , & fe difpofoit à égorger fon
fils mais ce dernier plus : heureux ou plus fort ,fe
débarraffa des mains fanglantes de cette Médée
angloife , & fe fauva par la fuite . Elle eft actuellement
dans les prifons de Chelmsford , & ne paroît
pas avoir l'efprit aliéné.
* Journal qui s'imprime à Londres.
EN
N parcourant , Monfieur , le Magaſin anglois
, j'y trouve dans l'article des Chroniques
hiftoriques une relation qui m'a rempli d'horreur,
& qui fait voir qu'il refte encore dans le monde
de la race d'Atrée ou de Médée , comme vous allez ,
le voir.
Le 8 Juillet 1754 ( Angleterre , province d'Effex
, près de Blachwater ) la femme d'un Fermier ,
pour fe venger de fon mari avec qui elle avoit
eu un violent démêlé , étouffa fa propre fille au
berceau , en pendit une feconde , âgée de quatre
ans , à un crochet , & fe difpofoit à égorger fon
fils mais ce dernier plus : heureux ou plus fort ,fe
débarraffa des mains fanglantes de cette Médée
angloife , & fe fauva par la fuite . Elle eft actuellement
dans les prifons de Chelmsford , & ne paroît
pas avoir l'efprit aliéné.
* Journal qui s'imprime à Londres.
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Résumé : Lettre à l'Auteur du Mercure de France.
Le 8 juillet 1754, en Angleterre, une fermière a étouffé sa fille au berceau et pendu sa seconde fille, âgée de quatre ans, après une dispute avec son mari. Son fils a réussi à s'enfuir. La femme est incarcérée à Chelmsford et semble saine d'esprit.
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3
p. 206-207
A Rouen, le 18 Mars 1755.
Début :
Monsieur, j'ai lû dans le Mercure de ce mois les remarques [...]
Mots clefs :
Loterie, Monnaie de Brabant, Bruxelles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A Rouen, le 18 Mars 1755.
A Rouen , le 18 Mars 1755.
Monfieur, j'ai lú dans le Mercure de ce mois les remarques que vous y avez inférées au
fujet de la lotterie de Bruxelles. Il auroit été à
fouhaiter que l'auteur , en faifant connoître le
piege auquel on s'eft livré , eût prévenu celui auquel
on peut être de nouveau expofé .
On defireroit pour cela que l'auteur de ces re
marques inftruisît de ce qui fuit.
1. Pourquoi les billets de cette lotterie n'ontils
pas eu un prix fixe , ( s'en étant délivré depuis
vingt-fix jufqu'à vingt- huit livres ? )
2°. Quelle eft la différence de l'argent courant
de Brabant à l'argent de change
3º. Si l'évaluation des billets n'auroit pas dû
AVRIL. 175.5. 207
être faitee fur la parité des monnoies de Brabant
fur France ; en tout cas la jufte valeur deſdits billets
?
4°. Si les lots ne doivent pas être payés argent
Courant , pareillement fur la parité , fans aucune
déduction en France par les Collecteurs
Je me fate , Monfieur , qu'en ma confidération
vous voudrez bien inférer la préfente dans
votre Mercure prochain , fans faute : c'eft ce qu'a
lieu d'efperer celui qui à l'honneur d'être , & c.
L'Intérêt public.
Monfieur, j'ai lú dans le Mercure de ce mois les remarques que vous y avez inférées au
fujet de la lotterie de Bruxelles. Il auroit été à
fouhaiter que l'auteur , en faifant connoître le
piege auquel on s'eft livré , eût prévenu celui auquel
on peut être de nouveau expofé .
On defireroit pour cela que l'auteur de ces re
marques inftruisît de ce qui fuit.
1. Pourquoi les billets de cette lotterie n'ontils
pas eu un prix fixe , ( s'en étant délivré depuis
vingt-fix jufqu'à vingt- huit livres ? )
2°. Quelle eft la différence de l'argent courant
de Brabant à l'argent de change
3º. Si l'évaluation des billets n'auroit pas dû
AVRIL. 175.5. 207
être faitee fur la parité des monnoies de Brabant
fur France ; en tout cas la jufte valeur deſdits billets
?
4°. Si les lots ne doivent pas être payés argent
Courant , pareillement fur la parité , fans aucune
déduction en France par les Collecteurs
Je me fate , Monfieur , qu'en ma confidération
vous voudrez bien inférer la préfente dans
votre Mercure prochain , fans faute : c'eft ce qu'a
lieu d'efperer celui qui à l'honneur d'être , & c.
L'Intérêt public.
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Résumé : A Rouen, le 18 Mars 1755.
Le 18 mars 1755, un individu à Rouen adresse une lettre à un destinataire non nommé concernant la lotterie de Bruxelles. L'auteur a lu des remarques dans le Mercure de mars et souhaite alerter le public sur un potentiel piège. Il pose quatre questions spécifiques : pourquoi les billets de la lotterie n'avaient-ils pas un prix fixe variant de vingt-six à vingt-huit livres ? Quelle est la différence entre l'argent courant de Brabant et l'argent de change ? L'évaluation des billets aurait-elle dû être faite sur la parité des monnaies de Brabant et de France, et quelle est la juste valeur des billets ? Les lots doivent-ils être payés en argent courant, également sur la parité, sans déduction en France par les collecteurs ? L'auteur demande à son destinataire d'insérer ces questions dans le prochain Mercure pour informer le public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 94-98
Lettre à l'Auteur du Mercure.
Début :
Monsieur, quoique peu Physicien, & encore moins naturaliste, j'ai cependant [...]
Mots clefs :
Coquilles fossiles, Coquilles, Couleurs, Fines substances, Décoloration, Fossiles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre à l'Auteur du Mercure.
HISTOIRE NATURELLE.
Lettre à l'Auteur du Mercure.
Onfieur , quoique peu Phyficien ;
& encore moins naturaliſte , j'ai cependant
fort goûté le fentiment de M.
Muffard fur la décoloration des coquilles
foffiles , expliquée dans fa lettre du 29°
Juin dernier , & inférée à la page 148 -
155 ° de votre Mercure du mois d'Août
fuivant. Je comprends très - bien comme
lui , que les fines fubftances qui compoſent
ces couleurs ont pû fe détacher des corps
durs & groffiers qui forment les coquilles
par
la corrofion des différens acides répandus
dans les terres où ils font dans une
fermentation continuelle. Je comprends
de plus comment ces fines fubftances peuvent
paffer du regne animal au regne minéral
; car il paroît très- probable que la
plupart des bancs de coquilles foffiles fe
trouvant dans une très - grande profon
MA I.. 1755.
95
ces ,
deur , ces fines fubftances ainfi détachées ,
font entraînées vers le centre de la terre pår
les eaux qui y coulent naturellement , ou
par celles qui peuvent y filtrer après des
pluies abondantes ; & rien n'empêche qu'elles
ne fervent à colorer d'autres fubftantelles
que les pierres précieuſes , &c.
en fe dépofant dans leurs matrices , s'atrachant
à leurs embrions , & s'incorporant
avec les fucs qui leur donnent l'accroiffement
, & les conduifent à leur perfection
; mais je ne crois pas que la conjecture
qu'il hazarde dans le Poftfcriptum de
cette lettre , faffe fortune. Le paffage de
ces mêmes fines fubftances dans le tegne
végétal , où elles formerpient ce magnifique
émail des fleurs & des fruits que
nous admirons , me paroît impoffible.
Ne peut-on pas en effet lui objecter
1 °. que les coquilles fofiles ne fe trouvant
que dans les terreins que la mer
quitte pour fe creufer de nouveaux abîmes
par fon mouvement d'orient en occident
, les fleurs qui croiffent fur ceux qui
n'ont jamais été fubmergés , ou qui l'ont
été depuis filong- tems qu'on peut foutenir
avec M. Muffard , que toute la partie colorante
de leurs coquilles a été diffoute &
entraînée vers le centre de la terre ; que
ces fleurs, dis-je , ou ne doivent avoir au
96 MERCURE DE FRANCE.
> cune couleur ou n'en peuvent avoir
qu'une uniforme, à quelques nuances près ?
or l'expérience étant contradictoire à cette
fuppofition , il faut avouer au moins que
les coquilles ne font pas l'unique palette
d'où le peintre de la nature tire fes couleurs
pour embellir les fleurs .
2°. Que les fines fubftances qui compofent
les couleurs des coquilles foffiles n'étant
ni inépuiſables , ni immuables dans
leurs nuances , les fleurs doivent retomber
dans le même inconvénient de n'avoir
plus de couleur , ou d'être réduites à une
uniformité de couleur infipide & faſtidieufe
, lorfque ces fines ſubſtances feront
réduites à rien par leur longue circulation.
3°. Que ces bancs de coquilles foffiles
ne font point univerfels ; qu'il y a des
endroits très-vaftes où il n'y en a jamais
eu , & que cependant les fleurs font partout
parées des mêmes couleurs , fans autres
altérations que celles qui vienent de
la différence des températures & des climats.
4°. Que ces bancs étant pour la plupart
dans une très-grande profondeur ,
il eft impoffible que ces fines fubftances pénetrent
d'immenfes épaifleurs de marbre ,
de pierre , de tuf , & d'autres minéraux ,
peutMA
I. 1755. 97
peut- être moins durs , mais auffi plus embarraffans
, tels que la terre glaife , pour
de là paffer dans la terre végétale , d'ou
les plantes les puiffent pomper.
50. Ne pourroit -on pas demander à M.
Muffard fi les fels contenus dans les végétaux
ne fervent qu'à volatilifer , pour
ainfi dire , ces fubftances colorantes qu'ils
ont diffous ? Tout le monde fçait combien
ils influent dans la nature fur la production
des couleurs quand ils font com
binés diverſement avec le phogiſtique ; fait
que M. Geoffroy le jeune a fi bien prouvé
dans fon travail fur l'huile de lin.
D'ailleurs fans aller recourir à des corps
étrangers , ne feroit- il pas plus naturel de
penfer que les fines fubftances qui fervent
de bafe aux couleurs des végétaux , fe
confervent dans la terre après la décompofition
de ces mêmes végétaux , & qu'elles
fervent à compofer l'émail des plantes
nouvelles qui croiffent dans le même endroit
, fi tant eft qu'elles y fervent ?
Au refte , Monfieur , ce n'eft point l'envie
de critiquer qui m'a fait prendre la
plume; je refpecte la ſcience & les travaux
de M. Muffard , mais je propofe quelques
objections pour engager ce naturalifte
à développer fon fentiment , & à
travailler fur un point d'hiftoire naturelle ,
E
98 MERCURE DE FRANCE.
qui eft encore bien obfcur , & fur lequel
nous n'avons gueres d'ouvrages fatisfai
fans. Je fuis , &c.
P. L. F. P. D. W. P.
De Paris , ce premier Mars 1755 .
Lettre à l'Auteur du Mercure.
Onfieur , quoique peu Phyficien ;
& encore moins naturaliſte , j'ai cependant
fort goûté le fentiment de M.
Muffard fur la décoloration des coquilles
foffiles , expliquée dans fa lettre du 29°
Juin dernier , & inférée à la page 148 -
155 ° de votre Mercure du mois d'Août
fuivant. Je comprends très - bien comme
lui , que les fines fubftances qui compoſent
ces couleurs ont pû fe détacher des corps
durs & groffiers qui forment les coquilles
par
la corrofion des différens acides répandus
dans les terres où ils font dans une
fermentation continuelle. Je comprends
de plus comment ces fines fubftances peuvent
paffer du regne animal au regne minéral
; car il paroît très- probable que la
plupart des bancs de coquilles foffiles fe
trouvant dans une très - grande profon
MA I.. 1755.
95
ces ,
deur , ces fines fubftances ainfi détachées ,
font entraînées vers le centre de la terre pår
les eaux qui y coulent naturellement , ou
par celles qui peuvent y filtrer après des
pluies abondantes ; & rien n'empêche qu'elles
ne fervent à colorer d'autres fubftantelles
que les pierres précieuſes , &c.
en fe dépofant dans leurs matrices , s'atrachant
à leurs embrions , & s'incorporant
avec les fucs qui leur donnent l'accroiffement
, & les conduifent à leur perfection
; mais je ne crois pas que la conjecture
qu'il hazarde dans le Poftfcriptum de
cette lettre , faffe fortune. Le paffage de
ces mêmes fines fubftances dans le tegne
végétal , où elles formerpient ce magnifique
émail des fleurs & des fruits que
nous admirons , me paroît impoffible.
Ne peut-on pas en effet lui objecter
1 °. que les coquilles fofiles ne fe trouvant
que dans les terreins que la mer
quitte pour fe creufer de nouveaux abîmes
par fon mouvement d'orient en occident
, les fleurs qui croiffent fur ceux qui
n'ont jamais été fubmergés , ou qui l'ont
été depuis filong- tems qu'on peut foutenir
avec M. Muffard , que toute la partie colorante
de leurs coquilles a été diffoute &
entraînée vers le centre de la terre ; que
ces fleurs, dis-je , ou ne doivent avoir au
96 MERCURE DE FRANCE.
> cune couleur ou n'en peuvent avoir
qu'une uniforme, à quelques nuances près ?
or l'expérience étant contradictoire à cette
fuppofition , il faut avouer au moins que
les coquilles ne font pas l'unique palette
d'où le peintre de la nature tire fes couleurs
pour embellir les fleurs .
2°. Que les fines fubftances qui compofent
les couleurs des coquilles foffiles n'étant
ni inépuiſables , ni immuables dans
leurs nuances , les fleurs doivent retomber
dans le même inconvénient de n'avoir
plus de couleur , ou d'être réduites à une
uniformité de couleur infipide & faſtidieufe
, lorfque ces fines ſubſtances feront
réduites à rien par leur longue circulation.
3°. Que ces bancs de coquilles foffiles
ne font point univerfels ; qu'il y a des
endroits très-vaftes où il n'y en a jamais
eu , & que cependant les fleurs font partout
parées des mêmes couleurs , fans autres
altérations que celles qui vienent de
la différence des températures & des climats.
4°. Que ces bancs étant pour la plupart
dans une très-grande profondeur ,
il eft impoffible que ces fines fubftances pénetrent
d'immenfes épaifleurs de marbre ,
de pierre , de tuf , & d'autres minéraux ,
peutMA
I. 1755. 97
peut- être moins durs , mais auffi plus embarraffans
, tels que la terre glaife , pour
de là paffer dans la terre végétale , d'ou
les plantes les puiffent pomper.
50. Ne pourroit -on pas demander à M.
Muffard fi les fels contenus dans les végétaux
ne fervent qu'à volatilifer , pour
ainfi dire , ces fubftances colorantes qu'ils
ont diffous ? Tout le monde fçait combien
ils influent dans la nature fur la production
des couleurs quand ils font com
binés diverſement avec le phogiſtique ; fait
que M. Geoffroy le jeune a fi bien prouvé
dans fon travail fur l'huile de lin.
D'ailleurs fans aller recourir à des corps
étrangers , ne feroit- il pas plus naturel de
penfer que les fines fubftances qui fervent
de bafe aux couleurs des végétaux , fe
confervent dans la terre après la décompofition
de ces mêmes végétaux , & qu'elles
fervent à compofer l'émail des plantes
nouvelles qui croiffent dans le même endroit
, fi tant eft qu'elles y fervent ?
Au refte , Monfieur , ce n'eft point l'envie
de critiquer qui m'a fait prendre la
plume; je refpecte la ſcience & les travaux
de M. Muffard , mais je propofe quelques
objections pour engager ce naturalifte
à développer fon fentiment , & à
travailler fur un point d'hiftoire naturelle ,
E
98 MERCURE DE FRANCE.
qui eft encore bien obfcur , & fur lequel
nous n'avons gueres d'ouvrages fatisfai
fans. Je fuis , &c.
P. L. F. P. D. W. P.
De Paris , ce premier Mars 1755 .
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Résumé : Lettre à l'Auteur du Mercure.
Dans une lettre adressée à l'auteur du Mercure, l'auteur exprime son admiration pour les explications de M. Mussard concernant la décoloration des coquilles fossiles. Il approuve la théorie selon laquelle les substances fines composant les couleurs des coquilles peuvent se détacher et passer du règne animal au règne minéral, étant entraînées par les eaux vers le centre de la terre. Cependant, il conteste l'idée de M. Mussard que ces substances pourraient également passer au règne végétal pour former les couleurs des fleurs et des fruits. L'auteur présente plusieurs objections : les coquilles fossiles ne se trouvent que dans certains terrains, les substances colorantes ne sont pas inépuisables, les bancs de coquilles ne sont pas universels, et leur grande profondeur rend improbable leur pénétration dans la terre végétale. Il suggère également que les sels contenus dans les végétaux pourraient volatiliser ces substances colorantes. Enfin, il propose que les substances colorantes se conservent dans la terre après la décomposition des végétaux pour servir aux nouvelles plantes. La lettre se conclut par un respect pour les travaux de M. Mussard et une invitation à approfondir ce sujet d'histoire naturelle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 131-134
GRAVURE. Lettre à l'Auteur du Mercure.
Début :
Je vous adresse, Monsieur, la justification de M. Duflos, attaqué dans l'article [...]
Mots clefs :
Gravure, Estampe, Claude-Augustin Duflos
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : GRAVURE. Lettre à l'Auteur du Mercure.
GRAVURE.
Lettre à l'Auteur du Mercure.
E vous adreffe , Monfieur , la juftifica-
Jinus ad. Duños , attaqué dans l'article
quatrieme du Mercure de Mars : je
vous crois trop équitable pour ne pas
l'inférer
dans celui de Mai ; vous le devez
d'autant plus volontiers qu'elle y tiendra
peu de place ; elle eft auffi courte que fim- eſt
ple.
Un ancien éleve de M. Boucher , &
qu'il ne defavoueroit pas , a remis gratuitement
des deffeins de fon Maître au fieur
Duflos , dont il eft l'ami ; ce Graveur en a
fait l'ufage que tous fes confreres en euffent
fait à fa place. Les deffeins de M. Boucher
plaifent , on fe les arrache ; ils tombent
dans fes mains , il les grave ; affuré du
débit , il les recherche avec plus de foin .
Mais je veux qu'il les eut acquis par des
voies illégitimes ; la mauvaiſe humeur ne
laiffoit- elle à notre fçavant artifte d'autre
reffource que de rendre le larcin public ?:
C'eftun moyen ignoré jufqu'ici de fes con
E vj
132 MERCURE DE FRANCE.
Freres , & qui plus d'une fois dans le cas
de fe plaindre auffi hautement , n'en ont
rien fait ; la réputation étant , au jugement
des hommes , le plus précieux de tous les
biens , demande des égards infinis . Celle
de notre illuftre Académicien eft fi folidement
établie , que des gravûres qu'il ne
veut pas reconnoître , n'étoient pas faites
pour y porter atteinte : que ne laiffoit- il
juger le public ? Il eût vu clair , & il eût
rendu autant de juftice à fa modération
qu'il en rend à fes ouvrages.
Mais tout grand homme a fa manie ;
celle de M. Boucher eft de n'être point
gravé occupé de beaucoup d'ouvrages
qui plaifent , les momens lui échappent
>
n'a pas toujours le tems d'être neuf ; fes
rableaux répandus chez des particuliers ,
ne font pas connus de tout le monde ; fi
la province lui en demande, quelques coups .
de crayon
, quelques traits habilement
ajoûtés ou changés , en font des portraits
nouveaux , & donnent aux Peintres le tems
de refpirer la gravûre y perd , & le public
auffi , mais l'Académicien
y gagne.
:
Inconnu à M. Boucher & à M. Duflos ,
je n'ai d'autre but , Monfieur , que de défendre
un artifte , dont la bonne foi méritoit
plus d'indulgence ; je fouhaiterois apprendre
à leurs femblables les égards qu'ils
MAÍ. 1755. 133
fe doivent réciproquement , & faite connoître
à tous les Peintres qu'ils trouveront
toujours les Graveurs prêts à profiter de
leurs inftructions lorfqu'ils voudront bien
fe communiquer avec le ton de politeffe
& d'affabilité , qui jette autant d'éclat fur
les arts , qu'il honore & diftingue les François.
J'ai l'honneur d'être , & c.
Ce 20 Mars 1755.
LE fieur Gaillard , Graveur en tailledouce
, qui a déja mis au jour plufieurs
eftampes dont le public a été fort fatisfait
, lui en préfente encore une nouvelle
qui pourra également mériter fon fuffrage.
Elle eft gravée d'après un tableau du célebre
M. Boucher , & repréſente une jeune
& belle Dame à fa toilette. Une jolie Marchande
de modes eft affife par terre à fes
pieds , & étale à fes yeux tous les brillans
colifichets dont le beau fexe fait aujourd'hui
fa parure.
On trouve cette eftampe chez l'auteur ,
rue S. Jacques , au- deffus des Jacobins
chez un Perruquier.
*
PORTRAIT du P. Rainaud , gravé par Audrand
, d'après Bonnet. La reffemblance y
eft très bien faifie. On lit ce quatrain au
134
MERCURE DE FRANCE.
bas de l'eftampe , qui fe vend chez l'auteur ,
rue S. Jacques , à la ville de Paris .
Aux applaudiffemens dûs à fon éloquence ,
Ce grand Orateur échappé ,
Dans les vertus enveloppé ,
Prêche encore par fon filence .
M. NATTIER , Peintre du Roi , & Profeffeur
en fon Académie , vient de donner au
public l'eftampe qu'il a fait graver d'après
le portrait de la Reine , qui a paru au falon
du Louvre en 1748. La reffemblance & la
délicateffe du burin font honneur à M.
Tardieu , Graveur du Roi , connu depuis.
long - tems par les foins qu'il prend de bienfinir
fes ouvrages
.
Cette eftampe , qui s'imprime fur la demi-
feuille de papier grand aigle , fe diftribue
à Paris , chez M. Tardieu , rue des
Noyers , à côté du Commiffaire ; & chez
Joullain , quai de la Mégifferie , à la ville
de Rome.
Lettre à l'Auteur du Mercure.
E vous adreffe , Monfieur , la juftifica-
Jinus ad. Duños , attaqué dans l'article
quatrieme du Mercure de Mars : je
vous crois trop équitable pour ne pas
l'inférer
dans celui de Mai ; vous le devez
d'autant plus volontiers qu'elle y tiendra
peu de place ; elle eft auffi courte que fim- eſt
ple.
Un ancien éleve de M. Boucher , &
qu'il ne defavoueroit pas , a remis gratuitement
des deffeins de fon Maître au fieur
Duflos , dont il eft l'ami ; ce Graveur en a
fait l'ufage que tous fes confreres en euffent
fait à fa place. Les deffeins de M. Boucher
plaifent , on fe les arrache ; ils tombent
dans fes mains , il les grave ; affuré du
débit , il les recherche avec plus de foin .
Mais je veux qu'il les eut acquis par des
voies illégitimes ; la mauvaiſe humeur ne
laiffoit- elle à notre fçavant artifte d'autre
reffource que de rendre le larcin public ?:
C'eftun moyen ignoré jufqu'ici de fes con
E vj
132 MERCURE DE FRANCE.
Freres , & qui plus d'une fois dans le cas
de fe plaindre auffi hautement , n'en ont
rien fait ; la réputation étant , au jugement
des hommes , le plus précieux de tous les
biens , demande des égards infinis . Celle
de notre illuftre Académicien eft fi folidement
établie , que des gravûres qu'il ne
veut pas reconnoître , n'étoient pas faites
pour y porter atteinte : que ne laiffoit- il
juger le public ? Il eût vu clair , & il eût
rendu autant de juftice à fa modération
qu'il en rend à fes ouvrages.
Mais tout grand homme a fa manie ;
celle de M. Boucher eft de n'être point
gravé occupé de beaucoup d'ouvrages
qui plaifent , les momens lui échappent
>
n'a pas toujours le tems d'être neuf ; fes
rableaux répandus chez des particuliers ,
ne font pas connus de tout le monde ; fi
la province lui en demande, quelques coups .
de crayon
, quelques traits habilement
ajoûtés ou changés , en font des portraits
nouveaux , & donnent aux Peintres le tems
de refpirer la gravûre y perd , & le public
auffi , mais l'Académicien
y gagne.
:
Inconnu à M. Boucher & à M. Duflos ,
je n'ai d'autre but , Monfieur , que de défendre
un artifte , dont la bonne foi méritoit
plus d'indulgence ; je fouhaiterois apprendre
à leurs femblables les égards qu'ils
MAÍ. 1755. 133
fe doivent réciproquement , & faite connoître
à tous les Peintres qu'ils trouveront
toujours les Graveurs prêts à profiter de
leurs inftructions lorfqu'ils voudront bien
fe communiquer avec le ton de politeffe
& d'affabilité , qui jette autant d'éclat fur
les arts , qu'il honore & diftingue les François.
J'ai l'honneur d'être , & c.
Ce 20 Mars 1755.
LE fieur Gaillard , Graveur en tailledouce
, qui a déja mis au jour plufieurs
eftampes dont le public a été fort fatisfait
, lui en préfente encore une nouvelle
qui pourra également mériter fon fuffrage.
Elle eft gravée d'après un tableau du célebre
M. Boucher , & repréſente une jeune
& belle Dame à fa toilette. Une jolie Marchande
de modes eft affife par terre à fes
pieds , & étale à fes yeux tous les brillans
colifichets dont le beau fexe fait aujourd'hui
fa parure.
On trouve cette eftampe chez l'auteur ,
rue S. Jacques , au- deffus des Jacobins
chez un Perruquier.
*
PORTRAIT du P. Rainaud , gravé par Audrand
, d'après Bonnet. La reffemblance y
eft très bien faifie. On lit ce quatrain au
134
MERCURE DE FRANCE.
bas de l'eftampe , qui fe vend chez l'auteur ,
rue S. Jacques , à la ville de Paris .
Aux applaudiffemens dûs à fon éloquence ,
Ce grand Orateur échappé ,
Dans les vertus enveloppé ,
Prêche encore par fon filence .
M. NATTIER , Peintre du Roi , & Profeffeur
en fon Académie , vient de donner au
public l'eftampe qu'il a fait graver d'après
le portrait de la Reine , qui a paru au falon
du Louvre en 1748. La reffemblance & la
délicateffe du burin font honneur à M.
Tardieu , Graveur du Roi , connu depuis.
long - tems par les foins qu'il prend de bienfinir
fes ouvrages
.
Cette eftampe , qui s'imprime fur la demi-
feuille de papier grand aigle , fe diftribue
à Paris , chez M. Tardieu , rue des
Noyers , à côté du Commiffaire ; & chez
Joullain , quai de la Mégifferie , à la ville
de Rome.
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Résumé : GRAVURE. Lettre à l'Auteur du Mercure.
Une lettre adressée à l'auteur du Mercure de France défend un graveur nommé Duflos, accusé dans un article précédent. L'auteur de la lettre, un ancien élève de François Boucher, explique que Duflos a utilisé des dessins de Boucher pour créer des gravures, une pratique courante parmi les graveurs. Il justifie Duflos en précisant que, bien que les dessins aient été obtenus de manière illégitime, Duflos n'a pas cherché à nuire à la réputation de Boucher, dont la renommée est bien établie. La lettre critique également Boucher pour son manque de disponibilité et son désir de contrôler les reproductions de ses œuvres. L'auteur espère que cette affaire servira de leçon sur les égards réciproques entre peintres et graveurs. De plus, le texte mentionne plusieurs gravures récentes, dont une de Gaillard d'après un tableau de Boucher, une de Audrand représentant le Père Rainaud, et une de Tardieu d'après un portrait de la Reine par Nattier.
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6
p. 174-176
HORLOGERIE. Lettre de M. le Paute à M. de Boissy.
Début :
Monsieur, la personne qui a bien voulu se charger à mon insçu de faire annoncer [...]
Mots clefs :
Cadrans
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HORLOGERIE. Lettre de M. le Paute à M. de Boissy.
HORLOGERIE.
Lettre de M. le Paute à M. de Boiffy.
Moni
Onfieur, la perfonne qui a bien voulu
fe charger à mon infçu de faire annoncer
dans le Mercure de Mars dernier
lesnouveaux cadrans que je fubftitue depuis
quelque tems aux cadrans d'émail , ignoroit
probablement que l'on avoit tenté avant
MA I. 1755. 175
moi divers moyens pour remplir le même
objet , ou a négligé d'en faire mention .
Cette omiffion a donné lieu à M. Dupont ,
Horloger de Paris , de croire que c'étoit
d'après lui que j'avois travaillé ; & j'ai
appris que plufieurs perfonnes croyoient
qu'en effer mes cadrans étoient les mêmes
que les fiens. Il eft vrai que depuis quelques
que tems il a employé des cadrans plats
dans lesquels les heures & minutes font
peintes für le verre , & dont le fond eft
une couche de maftic d'un affez beau blanc
appliquée fur le verre ; le prix d'ailleurs
de ces cadrans eft confidérable. Comme
ceux que l'on a vûs chez moi , Monfieur ,
font abfolument différens de ceux -là , qu'ils
n'y ont même aucun rapport , puifque je
n'emploie ni couleurs ni inaftic , ni quoi .
que ce foit qui ait rapport à la peinture
& qu'ils font imprimés , je vous prie de
vouloir bien prévenir l'erreur à cet égard .
Les miens d'ailleurs font d'un blanc plus
éclatant , d'un prix beaucoup moindre
ceux dont je viens de parler , le verre peut
être brifé fans perdre pour cela le cadran ;
chacun peut s'en affurer
foi-même en
les voyant chez moi.
par
J'ai l'honneur d'être , &c.
Ces Avril 1755.
que
LE PAUTE:
>
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
LE S. LE
MAZURIER ,
Horlogeri
eft auteur d'une pendule à fecondes ,
fonnerie & à remontoir , dont le mouvement
n'a qu'une feule roue. Nous donnerons
le mois prochain le rapport de l'Académie
royale des Sciences fur cette piéce.
L'Artiſte , non content de la grande fimplicité
où il a fçu l'amener , a eu l'attention
d'y obferver une forme
extrêmement
gracieufe ; ce qui lui a donné lieu d'y ajuſter
un cadran de glace , au travers duquel
on apperçoit tous les effets.
On pourra la voir chez l'auteur tous les
jours de travail , depuis trois heures après
midi jufqu'à cinq.
Il demeure rue de la Harpe , à la Pendule
, au premier étage , près le College
d'Harcourt.
Lettre de M. le Paute à M. de Boiffy.
Moni
Onfieur, la perfonne qui a bien voulu
fe charger à mon infçu de faire annoncer
dans le Mercure de Mars dernier
lesnouveaux cadrans que je fubftitue depuis
quelque tems aux cadrans d'émail , ignoroit
probablement que l'on avoit tenté avant
MA I. 1755. 175
moi divers moyens pour remplir le même
objet , ou a négligé d'en faire mention .
Cette omiffion a donné lieu à M. Dupont ,
Horloger de Paris , de croire que c'étoit
d'après lui que j'avois travaillé ; & j'ai
appris que plufieurs perfonnes croyoient
qu'en effer mes cadrans étoient les mêmes
que les fiens. Il eft vrai que depuis quelques
que tems il a employé des cadrans plats
dans lesquels les heures & minutes font
peintes für le verre , & dont le fond eft
une couche de maftic d'un affez beau blanc
appliquée fur le verre ; le prix d'ailleurs
de ces cadrans eft confidérable. Comme
ceux que l'on a vûs chez moi , Monfieur ,
font abfolument différens de ceux -là , qu'ils
n'y ont même aucun rapport , puifque je
n'emploie ni couleurs ni inaftic , ni quoi .
que ce foit qui ait rapport à la peinture
& qu'ils font imprimés , je vous prie de
vouloir bien prévenir l'erreur à cet égard .
Les miens d'ailleurs font d'un blanc plus
éclatant , d'un prix beaucoup moindre
ceux dont je viens de parler , le verre peut
être brifé fans perdre pour cela le cadran ;
chacun peut s'en affurer
foi-même en
les voyant chez moi.
par
J'ai l'honneur d'être , &c.
Ces Avril 1755.
que
LE PAUTE:
>
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
LE S. LE
MAZURIER ,
Horlogeri
eft auteur d'une pendule à fecondes ,
fonnerie & à remontoir , dont le mouvement
n'a qu'une feule roue. Nous donnerons
le mois prochain le rapport de l'Académie
royale des Sciences fur cette piéce.
L'Artiſte , non content de la grande fimplicité
où il a fçu l'amener , a eu l'attention
d'y obferver une forme
extrêmement
gracieufe ; ce qui lui a donné lieu d'y ajuſter
un cadran de glace , au travers duquel
on apperçoit tous les effets.
On pourra la voir chez l'auteur tous les
jours de travail , depuis trois heures après
midi jufqu'à cinq.
Il demeure rue de la Harpe , à la Pendule
, au premier étage , près le College
d'Harcourt.
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Résumé : HORLOGERIE. Lettre de M. le Paute à M. de Boissy.
La lettre de M. le Paute à M. de Boiffy clarifie la confusion entourant les nouveaux cadrans d'horlogerie introduits par M. le Paute. Une annonce dans le Mercure de France a omis de mentionner que d'autres méthodes avaient été tentées auparavant, ce qui a conduit M. Dupont, un horloger parisien, à croire que M. le Paute avait utilisé ses idées. Plusieurs personnes pensaient également que les cadrans de M. le Paute étaient identiques à ceux de M. Dupont. Cependant, les cadrans de M. Dupont sont plats, avec des heures et des minutes peintes sur le verre et un fond en mastic blanc, à un prix élevé. En revanche, ceux de M. le Paute sont imprimés sans couleurs ni mastic, d'un blanc plus éclatant et à un prix plus bas. De plus, le verre peut être brisé sans endommager le cadran. M. le Paute demande à M. de Boiffy de corriger cette erreur. Par ailleurs, M. Mazurier a créé une pendule à secondes, sonnerie et remontoir, avec un mouvement simplifié à une seule roue. Cette pendule, d'une forme gracieuse, est équipée d'un cadran en glace permettant de voir tous les effets. Elle est visible chez l'auteur, rue de la Harpe, à la Pendule, au premier étage, près du Collège d'Harcourt, tous les jours de travail de 15h à 17h.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 231-232
Du 13 Mai 1755.
Début :
Monsieur, ayant lû dans vos Mercures de Mars & Avril dernier [...]
Mots clefs :
Loterie de Bruxelles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Du 13 Mai 1755.
Du 13 Mai 1755.
Mde Mars&Avril dernier les remarques fur
ONSIEUR , ayant lû dans vos Mercures
la Lotterie de Bruxelles , la lettre de l'Intérêt public
en conféquence , & la réponſe à cette lettre ,
j'ai été furprife de n'y pas trouver d'avis plus falutaire
à ce fujet. Dans l'intention , Monfieur , de
concourir avec moi au bien général , je vous prie
d'inférer la préfente dans votre Mercure prochains
je fouhaite qu'elle produife l'effet qu'on aura lieu
d'en efpérer. Je m'explique.
Le mal eft fait , il eft vrai : mais doit- on le to
lerer lorfqu'il eft facile de le réparer ?
Le fonds effectif de cette lotterie
eft de
2
Les lots réels ne montent qu'à
Perte confidérable contre la bonnefoi
, la probité & la juftice . . . . .
1
Laquelle à raifon de 150000 billets
2100000 fl.
1500000 fl.
600000 fl.
qui y ont contribué , "fait pour chacun 4 florins
rendre.
Or dans le dernier tirage chaque billet devant
avoir un lot fur lequel on doit d'abord prélever
Io pour cent , & enfuite rabattre les 36 f. de crédit
, la reftitution eft aiſée à faire ;) au lieu de 36 Al
il n'y a qu'à ordonner qu'il n'en fera retenu
que 32.
L'autoritéfurpriſe doit fe rendre à l'évidence , &
accorder juſtice à qui il appartient.
Si quelques partifans de cette lotterie defap→
prouvent mes réflexions très-laconiques , je les.
invite de me communiquer les raifons qu'ils peu212
MERCURE DE FRANCE.
vent avoir de les combattre en les rendant publiques.
J'ai l'honneur d'être , &c.: La Vérité.
Mde Mars&Avril dernier les remarques fur
ONSIEUR , ayant lû dans vos Mercures
la Lotterie de Bruxelles , la lettre de l'Intérêt public
en conféquence , & la réponſe à cette lettre ,
j'ai été furprife de n'y pas trouver d'avis plus falutaire
à ce fujet. Dans l'intention , Monfieur , de
concourir avec moi au bien général , je vous prie
d'inférer la préfente dans votre Mercure prochains
je fouhaite qu'elle produife l'effet qu'on aura lieu
d'en efpérer. Je m'explique.
Le mal eft fait , il eft vrai : mais doit- on le to
lerer lorfqu'il eft facile de le réparer ?
Le fonds effectif de cette lotterie
eft de
2
Les lots réels ne montent qu'à
Perte confidérable contre la bonnefoi
, la probité & la juftice . . . . .
1
Laquelle à raifon de 150000 billets
2100000 fl.
1500000 fl.
600000 fl.
qui y ont contribué , "fait pour chacun 4 florins
rendre.
Or dans le dernier tirage chaque billet devant
avoir un lot fur lequel on doit d'abord prélever
Io pour cent , & enfuite rabattre les 36 f. de crédit
, la reftitution eft aiſée à faire ;) au lieu de 36 Al
il n'y a qu'à ordonner qu'il n'en fera retenu
que 32.
L'autoritéfurpriſe doit fe rendre à l'évidence , &
accorder juſtice à qui il appartient.
Si quelques partifans de cette lotterie defap→
prouvent mes réflexions très-laconiques , je les.
invite de me communiquer les raifons qu'ils peu212
MERCURE DE FRANCE.
vent avoir de les combattre en les rendant publiques.
J'ai l'honneur d'être , &c.: La Vérité.
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Résumé : Du 13 Mai 1755.
Le 13 mai 1755, une lettre critique la gestion de la lotterie de Bruxelles. L'auteur s'étonne de l'absence d'avis éclairés dans les publications précédentes. Il indique que le fonds effectif de la lotterie est de 2 100 000 florins, mais les lots réels ne s'élèvent qu'à 1 500 000 florins, causant une perte significative pour les participants. Chaque billet, vendu 4 florins, devrait théoriquement rapporter un lot après déduction de 10 pour cent et des 36 florins de crédit. L'auteur suggère de réduire cette retenue à 32 florins pour rétablir l'équité. Il invite les défenseurs de la lotterie à lui exposer leurs arguments. La lettre se termine par une demande d'intervention des autorités compétentes pour corriger cette situation.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 11-19
LES DONNEURS D'IDÉES, Badinage instructif adressé à M. de Boissi.
Début :
MONSIEUR, vous paroissez prendre plaisir à remplir votre article [...]
Mots clefs :
Idées, Artiste, Donneurs d'idées, Arts, Éloge, Gloire, Auteur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES DONNEURS D'IDÉES, Badinage instructif adressé à M. de Boissi.
LES DONNEURS D'IDÉES ,
Badinage inftructif adreffé à M. de Boiffi.
M
des
ONSIEUR, vous paroiffez prendre
plaifir à remplir votre article
des Arts. Nous y avons vû fucceffivement
des critiques fur l'architecture faites par
perfonnes qui entendoient bien la matiere
; des injures dites avec beaucoup de politeffe
à M. Boucher , & les efforts que l'on
fait pour trouver des raifons de fon mécon
tentement , qui font cependant bien clairement
imprimées fur les eftampes dont il
eft queſtion ; des éloges qu'un artiſte fait
de fes ouvrages , avec une bonne foi qui ne
lui permet pas de douter que le public
puiffe être d'un autre avis. Il vante de prétendues
nouvelles découvertes en gravûre
qui font auffi anciennes que l'art , & que
perfonne n'ignore; il nous affûre la plus parfaite
exactitude dans une eftampe , quant
à la perfpective & à l'effet de lumiere , où
ni l'une , ni l'autre ne fe trouvent que
d'une maniere défectueufe : fur quoi il eft
à remarquer que celui qui fe donne ces
louanges , a affez de talens pour captiver
l'eftime du public , fans qu'il foit befoin
A vi
12 MERCURE DE FRANCE.
porpour
lui d'avoir recours à cette efpece de
charlatanifme , qui n'eft pardonnable que
lorfqu'il fupplée au défaut d'un mérite
réel. Nous y avons lû la critique du
tail de faint Eustache , qui n'eft peut- être
pas fans raifon , & en même tems l'éloge
d'un projet pour ce même portail , par
l'auteur même. Le malheur eft que ce
projet ne remplit ni la hauteur du pignon
de l'églife , ni les autres fujetions du lieu :
c'eſt dommage , car il paroît qu'il a été
pris dans Vitruve , du moins à en juger
par le bas- relief payen qui fe trouve dans
le fronton ; il eft de plus orné de deux
tours de l'invention de l'auteur , & l'on
s'apperçoit bien qu'il n'en a pas trouvé
d'exemple dans Vitruve. On y ajoûte , des
idées d'églife , que l'auteur voudroit faire
paffer en loi , qui néanmoins pourroient
trouver des oppofans. Quoiqu'il en foit ,
l'auteur ici eft donneur d'avis , ou plutôt
donneur d'idées. Les arts , font à la
mode , il eft de faifon d'en écrire ; mais il
me femble qu'on ne remonte pas aux caufes
premieres qui les rendent floriffans :
une des principales eft la multiplicité des
donneurs d'idées . Je ne parle pas fimplement
de ceux qui font artiftes ; leur état
eft d'imaginer , & il n'eft pas étonnant
qu'ils le faffent avec netteté mais il y a
:
JUIN. 1755. 13
nombre de perſonnes qui embraffent l'état
de donneurs d'idées , fans vocation particuliere
, & qui cependant fe font un grand
nom ; elles enfeignent ce qu'elles n'ont
point appris , & fans fçavoir rien des arts ,
dirigent les artistes les défauts qui fe
rencontrent dans les ouvrages font fur le
compte de l'artiſte , & ce qui s'y trouve de
bon vient d'elles.
Quiconque fe deftine à la profeffion de
donneurs d'idées doit dormir peu ,
& cependant
rêver beaucoup. Quelque confuſes
que puiffent être les imaginations qu'il
combine , il en forme , un tout qui à la
vérité n'eft pas diftinct , mais néanmoins
dans lequel il voit , comme au travers d'un
brouillard, des merveilles difficiles à expliquer
, & plus difficiles encore à rendre.
Il va chez un artifte , lui propofe ces idées ;
vingt objections fe préfentent dont il ne
s'eft pas douté : il n'importe , rien ne le
déconcerte , il revient pourvû de nouvelles
idées. A force de les détruire , l'artiſte
développe quelques- unes de celles qui lui
paroiffent convenables ; notre inventeur
les faifit , y fait quelques nouvelles additions
, qu'on fera vraisemblablement obligé
de fupprimer , mais qui lui donnent le
droit inconteſtable de fe les regarder comme
propres. L'artifte en fait- il quelque
14 MERCURE DE FRANCE .
chofe de beau ? le donneur d'idées triomphe,
fans lui l'artiſte borné n'auroit pû enfanter
une fi belle choſe. Dans le cercle de la focié
té qu'il fréquente , il eft regardé comme
l'homme d'une connoiffance univerfelle ;
bientôt , s'il a un peu de bonheur , il fera le
confeil de la cour & de la ville en fait de
goût . Il restera pour démontré que quand
on réuffira , ce fera lui qui aura merveilleufement
imaginé , & que fi le fuccès n'y
répond pas , ce fera l'artifte qui n'aura pas
eu l'efprit de le comprendre. Il réfulte
mille avantages pour les artiftes , des mouvemens
que fe donnent ces perfonnes uti
les; ils n'ont pas befoin de fortir de chez eux
pour recevoir des complimens , le donneur
d'idées veut bien fe charger de ce lourd
fardeau : ils ne courent point de rifque que
les éloges leur tournent la tête , ils ne font
pas pour eux ; ce danger n'eft que pour le
donneur d'idées , qui peut devenir vain.
Mais comme il faut beaucoup de vanité
pour faire profeffion de cet état , la meſure
n'en eft pas fi bien fixée qu'on puiffe facilement
affirmer quand il y a excès ; d'ailleurs
pour un qui fe rendroit infoutenable ,
il s'en trouveroit mille prêts à le remplacer,
ils ne font pas auffi rares que les excellens
artiftes.
Je ne fçais pourquoi tout le monde ne
JUI N. 1755. IS
s'attache
pas à ce genre de talent qui eft
facile & amufant , je veux vous le prouver
par un exemple. Il m'eft venu plufieurs fois
à l'efprit que Timoleon faifant périr ſon
propre frere pour la patrie , feroit un
beau fujet de tragédie : n'étant nullement
poëte , je ne fçais pas s'il feroit intéreffant
au théâtre , & s'il ne s'y rencontreroit pas
des inconvéniens qui le rendroient impoffible
; mais fi vous le traitiez , vous feriez
obligé de convenir , après ce que je vous
en dis ici , que c'eft moi qui vous en ai
donné l'idée , & que la plus grande partie
du fuccès me devroit être attribuée . Vous
voyez que je n'ai pas fait une grande dépenfe
de génie ; voilà pourtant ce que c'eft
qu'être donneur d'idées.
Monfieur , vous êtes zélé pour la gloire
des arts , je vous conjure d'encourager les
donneurs d'idées ; cela eft plus aifé qu'on
ne le croit ordinairement , & on peut appliquer
ce talent à une infinité de chofes
dans les belles-lettres & dans les arts. Avec
de très-légeres connoiffances , on peut donner
des idées de tragédies , de comédies &
même de poëmes épiques , ce qui eft bien
plus glorieux. M. V. fait un beau tableau
qu'il expofe au fallon : un homme de bien
plus grande imagination que lui , lui prouve
dans une brochure qu'il n'a pas tiré de
16 MERCURE DE FRANCE.
fon fujet tout ce qu'il pouvoit , & lui fournit
de quoi couvrir une toile de vingt toifes
. Cependant cet auteur voit tout cela au
travers d'un brouillard , dans un espace de
quinze pieds ; on pourroit le prier de faire
voir comment il y fait entrer tout cela :
fon excufe eft toute prête ; il ne fçait pas
deffiner , fon état eſt d'être donneur d'idées.
Le bon M. *** dont les écrits font fi remplis
d'aménité , & qui par conféquent ne peut
comprendre pourquoi ils lui ont attiré tant
d'ennemis , fe donne la peine de faire imprimer
quantité d'idées de fujets pour les
peintres ; ils ont l'ingratitude de s'appercevoir
qu'aucun de ces fujets n'eft propre
à faire un bon effet cela n'eft - il pas
malheureux ? fi on l'avoit crû , n'eut- il
eu droit au premier fallon de réclamer
fon bien ? & toute la gloire de l'expofition
n'eût- elle dû être pour
pas lui : Ce qui
lui doit paroître plus inconcevable encore ,
c'eft qu'une autre brochure qui a paru
depuis & qui contenoit des fujets de peina
été tout autrement accueillie .
Pourquoi cela ? eft - ce parce qu'il étoit
évident que celle ci partoit de quelqu'un
au fait de l'art , & qui n'écrivoit que d'après
des idées nettes & déja compofées
dans fon efprit en artifte ? Devroit- on pour fi
peu y mettre tant de différence ? Eft if quefture
,
pas
JUIN. 1755. 17
tion d'une grande fête ? on dit à l'artiſte , il
nous faudroit ici quelque chofe de grand ,
de beau , un temple , un palais , ce que vous
voudrez ; mais que cela foit impofant : voilà
des demandes nettes , claires , & qu'on
peut remplir de mille façons. L'artiſte eft
à fon aife ; s'il eft habile , il fait une belle
chofe ; mais il n'en eft pas moins vrai que
c'eſt M. tel qui lui a donné l'idée . Ce font
les efprits prudens , & ceux qui veulent
une gloire qu'on ne puiffe leur conteſter ,
qui fe renferment dans ces généralités ;
elles fuffifent pour en tirer le plus grand
honneur , & même pour autorifer à mettre
fon nom , comme inventeur , aux eftampes
qui pourront en être gravées. Ceux qui
s'avifent de mettre la main au porte- crayon,
s'en tirent plus difficilement : malgré les
excufes qu'ils apportent de n'avoir jamais
appris , ce qui eft aſſez viſible pour les difpenfer
du foin d'en avertir ; ils hazardent
beaucoup ordinairement , ils ne fçauroient
éviter une bonne dofe de ridicule; mais auffi
s'il arrive, par un heureux hazard , que l'exécution
reffemble à peu près à ce qu'ils ont
confufément ébauché,quel triomphe ! quelle
gloire ! On peut donner des idées pour les
décorations de l'opéra , pourvû qu'on ait
de bons peintres pour les débrouiller &
leur donner de l'existence. L'expérience fait
18 MERCURE DE FRANCE.
voir qu'il n'eft pas néceffaire de fçavoir
deffiner , ni même les premiers élémens de
l'architecture. On peut donner des idées
pour la mufique ; il fuffit pour cela d'en
avoir entendu quelquefois , & d'avoir pris
parti dans la querelle pour ou contre. On
donnera encore facilement des idées pour
les habillemens , il y en a des preuves. On
a vû des perfonnes fe faire une réputation,
feulement pour avoir donné des idées d'attitudes
variées aux acteurs des choeurs de
l'opéra . Il n'y a pas jufqu'à un marchand
qui donne des idées ( ou du moins qui le
fait croire ) aux manufactures d'étoffes .
Lorfqu'il a été queftion de faire une
place pour le Roi , n'a-t-on pas vû éclore
un effain de donneurs d'idées , qui étoient
étonnés eux- mêmes de la beauté des imaginations
qui leur paffoient par la tête ?
quelques-uns n'ont pû réfifter à la tentation
de les publier , quoiqu'en pure perte.
Il ne faut pas en croire les artiftes , qui fe
figurent que tout le monde eft en état de
faire un rêve ; que toute la difficulté confifte
à le réaliſer de maniere qu'il faſſe un
bon effet , & à vaincre les difficultés qui
fe rencontrent dans les idées les plus nettes
& les mieux conçues : la jaloufie leur
fuggere ce fentiment , & la véritable gloire
doit toujours appartenir à celui qui donne
la premiere idée.
JUIN. 1755. 19
Vous même , Monfieur , vous avez les
plus grandes obligations à un donneur d'idées
, & peut- être fans l'avoir jamais fçu .
Nous venons de perdre un auteur , finon
diftingué , du moins récompenfé : il avoit
apparamment fait réflexion , ou avant ou
après vous , que le contraſte d'un Anglois
des plus durs avec un François des plus
petits- maîtres pouvoit produire quelque
chofe de plaifant ; de là il s'étoit érigé dans
fa famille & dans le petit cercle de fes
amis pour le donneur d'idées du François
à Londres. Si vous ne fûtes pas débarraſſé
du foin d'imaginer ce fujet , vous dûtes
l'être d'une partie du fardeau des éloges
qui vous en font revenus , du moins il
cherchoit à vous en foulager autant qu'il
lui étoit poffible. La feule difficulté qui s'y
trouvoit , c'est qu'il n'avoit rien fait avant ,
& qu'il ne fit rien depuis qui donnât lieu
de croire qu'il en eût pû faire une bonne
piece ; cependant il avoit fes croyans . C'en
eft affez pour vous faire voir la très- grande
utilité des donneurs d'idées , & je vous les
recommande comme plus importans encore
que les donneurs d'avis.
Je fuis , &c.
Badinage inftructif adreffé à M. de Boiffi.
M
des
ONSIEUR, vous paroiffez prendre
plaifir à remplir votre article
des Arts. Nous y avons vû fucceffivement
des critiques fur l'architecture faites par
perfonnes qui entendoient bien la matiere
; des injures dites avec beaucoup de politeffe
à M. Boucher , & les efforts que l'on
fait pour trouver des raifons de fon mécon
tentement , qui font cependant bien clairement
imprimées fur les eftampes dont il
eft queſtion ; des éloges qu'un artiſte fait
de fes ouvrages , avec une bonne foi qui ne
lui permet pas de douter que le public
puiffe être d'un autre avis. Il vante de prétendues
nouvelles découvertes en gravûre
qui font auffi anciennes que l'art , & que
perfonne n'ignore; il nous affûre la plus parfaite
exactitude dans une eftampe , quant
à la perfpective & à l'effet de lumiere , où
ni l'une , ni l'autre ne fe trouvent que
d'une maniere défectueufe : fur quoi il eft
à remarquer que celui qui fe donne ces
louanges , a affez de talens pour captiver
l'eftime du public , fans qu'il foit befoin
A vi
12 MERCURE DE FRANCE.
porpour
lui d'avoir recours à cette efpece de
charlatanifme , qui n'eft pardonnable que
lorfqu'il fupplée au défaut d'un mérite
réel. Nous y avons lû la critique du
tail de faint Eustache , qui n'eft peut- être
pas fans raifon , & en même tems l'éloge
d'un projet pour ce même portail , par
l'auteur même. Le malheur eft que ce
projet ne remplit ni la hauteur du pignon
de l'églife , ni les autres fujetions du lieu :
c'eſt dommage , car il paroît qu'il a été
pris dans Vitruve , du moins à en juger
par le bas- relief payen qui fe trouve dans
le fronton ; il eft de plus orné de deux
tours de l'invention de l'auteur , & l'on
s'apperçoit bien qu'il n'en a pas trouvé
d'exemple dans Vitruve. On y ajoûte , des
idées d'églife , que l'auteur voudroit faire
paffer en loi , qui néanmoins pourroient
trouver des oppofans. Quoiqu'il en foit ,
l'auteur ici eft donneur d'avis , ou plutôt
donneur d'idées. Les arts , font à la
mode , il eft de faifon d'en écrire ; mais il
me femble qu'on ne remonte pas aux caufes
premieres qui les rendent floriffans :
une des principales eft la multiplicité des
donneurs d'idées . Je ne parle pas fimplement
de ceux qui font artiftes ; leur état
eft d'imaginer , & il n'eft pas étonnant
qu'ils le faffent avec netteté mais il y a
:
JUIN. 1755. 13
nombre de perſonnes qui embraffent l'état
de donneurs d'idées , fans vocation particuliere
, & qui cependant fe font un grand
nom ; elles enfeignent ce qu'elles n'ont
point appris , & fans fçavoir rien des arts ,
dirigent les artistes les défauts qui fe
rencontrent dans les ouvrages font fur le
compte de l'artiſte , & ce qui s'y trouve de
bon vient d'elles.
Quiconque fe deftine à la profeffion de
donneurs d'idées doit dormir peu ,
& cependant
rêver beaucoup. Quelque confuſes
que puiffent être les imaginations qu'il
combine , il en forme , un tout qui à la
vérité n'eft pas diftinct , mais néanmoins
dans lequel il voit , comme au travers d'un
brouillard, des merveilles difficiles à expliquer
, & plus difficiles encore à rendre.
Il va chez un artifte , lui propofe ces idées ;
vingt objections fe préfentent dont il ne
s'eft pas douté : il n'importe , rien ne le
déconcerte , il revient pourvû de nouvelles
idées. A force de les détruire , l'artiſte
développe quelques- unes de celles qui lui
paroiffent convenables ; notre inventeur
les faifit , y fait quelques nouvelles additions
, qu'on fera vraisemblablement obligé
de fupprimer , mais qui lui donnent le
droit inconteſtable de fe les regarder comme
propres. L'artifte en fait- il quelque
14 MERCURE DE FRANCE .
chofe de beau ? le donneur d'idées triomphe,
fans lui l'artiſte borné n'auroit pû enfanter
une fi belle choſe. Dans le cercle de la focié
té qu'il fréquente , il eft regardé comme
l'homme d'une connoiffance univerfelle ;
bientôt , s'il a un peu de bonheur , il fera le
confeil de la cour & de la ville en fait de
goût . Il restera pour démontré que quand
on réuffira , ce fera lui qui aura merveilleufement
imaginé , & que fi le fuccès n'y
répond pas , ce fera l'artifte qui n'aura pas
eu l'efprit de le comprendre. Il réfulte
mille avantages pour les artiftes , des mouvemens
que fe donnent ces perfonnes uti
les; ils n'ont pas befoin de fortir de chez eux
pour recevoir des complimens , le donneur
d'idées veut bien fe charger de ce lourd
fardeau : ils ne courent point de rifque que
les éloges leur tournent la tête , ils ne font
pas pour eux ; ce danger n'eft que pour le
donneur d'idées , qui peut devenir vain.
Mais comme il faut beaucoup de vanité
pour faire profeffion de cet état , la meſure
n'en eft pas fi bien fixée qu'on puiffe facilement
affirmer quand il y a excès ; d'ailleurs
pour un qui fe rendroit infoutenable ,
il s'en trouveroit mille prêts à le remplacer,
ils ne font pas auffi rares que les excellens
artiftes.
Je ne fçais pourquoi tout le monde ne
JUI N. 1755. IS
s'attache
pas à ce genre de talent qui eft
facile & amufant , je veux vous le prouver
par un exemple. Il m'eft venu plufieurs fois
à l'efprit que Timoleon faifant périr ſon
propre frere pour la patrie , feroit un
beau fujet de tragédie : n'étant nullement
poëte , je ne fçais pas s'il feroit intéreffant
au théâtre , & s'il ne s'y rencontreroit pas
des inconvéniens qui le rendroient impoffible
; mais fi vous le traitiez , vous feriez
obligé de convenir , après ce que je vous
en dis ici , que c'eft moi qui vous en ai
donné l'idée , & que la plus grande partie
du fuccès me devroit être attribuée . Vous
voyez que je n'ai pas fait une grande dépenfe
de génie ; voilà pourtant ce que c'eft
qu'être donneur d'idées.
Monfieur , vous êtes zélé pour la gloire
des arts , je vous conjure d'encourager les
donneurs d'idées ; cela eft plus aifé qu'on
ne le croit ordinairement , & on peut appliquer
ce talent à une infinité de chofes
dans les belles-lettres & dans les arts. Avec
de très-légeres connoiffances , on peut donner
des idées de tragédies , de comédies &
même de poëmes épiques , ce qui eft bien
plus glorieux. M. V. fait un beau tableau
qu'il expofe au fallon : un homme de bien
plus grande imagination que lui , lui prouve
dans une brochure qu'il n'a pas tiré de
16 MERCURE DE FRANCE.
fon fujet tout ce qu'il pouvoit , & lui fournit
de quoi couvrir une toile de vingt toifes
. Cependant cet auteur voit tout cela au
travers d'un brouillard , dans un espace de
quinze pieds ; on pourroit le prier de faire
voir comment il y fait entrer tout cela :
fon excufe eft toute prête ; il ne fçait pas
deffiner , fon état eſt d'être donneur d'idées.
Le bon M. *** dont les écrits font fi remplis
d'aménité , & qui par conféquent ne peut
comprendre pourquoi ils lui ont attiré tant
d'ennemis , fe donne la peine de faire imprimer
quantité d'idées de fujets pour les
peintres ; ils ont l'ingratitude de s'appercevoir
qu'aucun de ces fujets n'eft propre
à faire un bon effet cela n'eft - il pas
malheureux ? fi on l'avoit crû , n'eut- il
eu droit au premier fallon de réclamer
fon bien ? & toute la gloire de l'expofition
n'eût- elle dû être pour
pas lui : Ce qui
lui doit paroître plus inconcevable encore ,
c'eft qu'une autre brochure qui a paru
depuis & qui contenoit des fujets de peina
été tout autrement accueillie .
Pourquoi cela ? eft - ce parce qu'il étoit
évident que celle ci partoit de quelqu'un
au fait de l'art , & qui n'écrivoit que d'après
des idées nettes & déja compofées
dans fon efprit en artifte ? Devroit- on pour fi
peu y mettre tant de différence ? Eft if quefture
,
pas
JUIN. 1755. 17
tion d'une grande fête ? on dit à l'artiſte , il
nous faudroit ici quelque chofe de grand ,
de beau , un temple , un palais , ce que vous
voudrez ; mais que cela foit impofant : voilà
des demandes nettes , claires , & qu'on
peut remplir de mille façons. L'artiſte eft
à fon aife ; s'il eft habile , il fait une belle
chofe ; mais il n'en eft pas moins vrai que
c'eſt M. tel qui lui a donné l'idée . Ce font
les efprits prudens , & ceux qui veulent
une gloire qu'on ne puiffe leur conteſter ,
qui fe renferment dans ces généralités ;
elles fuffifent pour en tirer le plus grand
honneur , & même pour autorifer à mettre
fon nom , comme inventeur , aux eftampes
qui pourront en être gravées. Ceux qui
s'avifent de mettre la main au porte- crayon,
s'en tirent plus difficilement : malgré les
excufes qu'ils apportent de n'avoir jamais
appris , ce qui eft aſſez viſible pour les difpenfer
du foin d'en avertir ; ils hazardent
beaucoup ordinairement , ils ne fçauroient
éviter une bonne dofe de ridicule; mais auffi
s'il arrive, par un heureux hazard , que l'exécution
reffemble à peu près à ce qu'ils ont
confufément ébauché,quel triomphe ! quelle
gloire ! On peut donner des idées pour les
décorations de l'opéra , pourvû qu'on ait
de bons peintres pour les débrouiller &
leur donner de l'existence. L'expérience fait
18 MERCURE DE FRANCE.
voir qu'il n'eft pas néceffaire de fçavoir
deffiner , ni même les premiers élémens de
l'architecture. On peut donner des idées
pour la mufique ; il fuffit pour cela d'en
avoir entendu quelquefois , & d'avoir pris
parti dans la querelle pour ou contre. On
donnera encore facilement des idées pour
les habillemens , il y en a des preuves. On
a vû des perfonnes fe faire une réputation,
feulement pour avoir donné des idées d'attitudes
variées aux acteurs des choeurs de
l'opéra . Il n'y a pas jufqu'à un marchand
qui donne des idées ( ou du moins qui le
fait croire ) aux manufactures d'étoffes .
Lorfqu'il a été queftion de faire une
place pour le Roi , n'a-t-on pas vû éclore
un effain de donneurs d'idées , qui étoient
étonnés eux- mêmes de la beauté des imaginations
qui leur paffoient par la tête ?
quelques-uns n'ont pû réfifter à la tentation
de les publier , quoiqu'en pure perte.
Il ne faut pas en croire les artiftes , qui fe
figurent que tout le monde eft en état de
faire un rêve ; que toute la difficulté confifte
à le réaliſer de maniere qu'il faſſe un
bon effet , & à vaincre les difficultés qui
fe rencontrent dans les idées les plus nettes
& les mieux conçues : la jaloufie leur
fuggere ce fentiment , & la véritable gloire
doit toujours appartenir à celui qui donne
la premiere idée.
JUIN. 1755. 19
Vous même , Monfieur , vous avez les
plus grandes obligations à un donneur d'idées
, & peut- être fans l'avoir jamais fçu .
Nous venons de perdre un auteur , finon
diftingué , du moins récompenfé : il avoit
apparamment fait réflexion , ou avant ou
après vous , que le contraſte d'un Anglois
des plus durs avec un François des plus
petits- maîtres pouvoit produire quelque
chofe de plaifant ; de là il s'étoit érigé dans
fa famille & dans le petit cercle de fes
amis pour le donneur d'idées du François
à Londres. Si vous ne fûtes pas débarraſſé
du foin d'imaginer ce fujet , vous dûtes
l'être d'une partie du fardeau des éloges
qui vous en font revenus , du moins il
cherchoit à vous en foulager autant qu'il
lui étoit poffible. La feule difficulté qui s'y
trouvoit , c'est qu'il n'avoit rien fait avant ,
& qu'il ne fit rien depuis qui donnât lieu
de croire qu'il en eût pû faire une bonne
piece ; cependant il avoit fes croyans . C'en
eft affez pour vous faire voir la très- grande
utilité des donneurs d'idées , & je vous les
recommande comme plus importans encore
que les donneurs d'avis.
Je fuis , &c.
Fermer
Résumé : LES DONNEURS D'IDÉES, Badinage instructif adressé à M. de Boissi.
Dans une lettre adressée à M. de Boiffi, l'auteur critique les articles du Mercure de France, soulignant des éloges excessifs et des critiques injustes dans le domaine des arts. Il note des contradictions dans les appréciations, notamment en architecture et en gravure, et observe que les arts sont à la mode, bien que les raisons de cette popularité ne soient pas toujours bien comprises. L'auteur exprime une méfiance envers les 'donneurs d'idées', des individus sans vocation artistique spécifique qui se permettent de diriger les artistes. Ces donneurs d'idées conçoivent des projets confus qu'ils soumettent aux artistes, s'attribuant par la suite le mérite des succès obtenus. L'auteur illustre ce phénomène par divers exemples, tels que des idées pour des tragédies, des tableaux ou des décorations. Malgré leur manque de compétences réelles, il recommande de les encourager, car ils jouent un rôle crucial dans la reconnaissance des artistes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 9-20
LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE, Sur le projet d'un nouveau Dictionnaire plus utile que tous les autres.
Début :
MONSIEUR, je suis François, mais malheureusement j'arrive de ma [...]
Mots clefs :
Nouveau dictionnaire, Dictionnaire, Mots, Projet, Dictionnaire portatif, Termes nouveaux
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE, Sur le projet d'un nouveau Dictionnaire plus utile que tous les autres.
LET TRE
A L'AUTEUR DU MERCURE,
Sur le projet d'un nouveau Dictionnaire plus
utile que tous les autres.
M
ONSIEUR, je fuis François , mais
malheureufement j'arrive de ma
province. Je m'étois laiffe perfuader qu'avant
de me rendre à la capitale , ce centre
où tout ce qu'il y a de bon & de mauvais
vient aboutir , il m'étoit effentiel de meubler
ma tête de belles connoiffances , & de
tout ce qui peut orner l'efprit d'un jeune
homme , afin de n'être point déplacé parmi
les honnêtes gens : En conféquence
comme je ne me figurois rien de plus agréa
ble que de venir à Paris , & d'y tenir mon
coin dans les compagnies fans avoir l'air
provincial , je prenois avec une ardeur
incroyable des idées un peu plus que fuccintes
de toutes les fciences & de toutes
les parties des belles lettres : Je m'attachois
principalement à l'étude de ma langue , me
doutant bien que ce feroit à cela qu'on feroit
le plus d'attention , & que la maniere
de parler étoit l'étiquette des Provincianx.
Je m'étois même procuré le dictionnaire
Aw
10 MERCURE DE FRANCE.
néologique , afin de n'être pas plus embarrallé
qu'un autre fur les termes nouveaux
& précieux mais croiriez - vous ,
Monfieur , que malgré toutes mes précautions
& tous mes foins je n'en fuis pas plus
avancé. Je fuis précisément dans le cas
d'un répondant qui s'eft long- tems préparé
fur les principaux points de fa thefe , &
qu'on argumente fur toute autre chofe.
En quelque endroit que j'aille , on ne dit
pas un mot de ce que jai étudié , & l'on
parle de chofes qui font tout -à- fait neuves
pour moi. Modes dans les habits modes
dans les ameublemens ; modes dans les
équipages , modes dans la cuifine , modes.
de toute efpece ; voilà avec les nouvelles
du jour ce qui fait l'entretien de tous les
gens comme il faut. Je fuis h neuf fur toutes
ces matieres qu'on me prend tout - à-fait
pour un étranger , on ne me fait pas même
l'honneur de me regarder comme un pro
vincial j'ai beau m'obferver & m'étudier
à parler comme les autres , je fuis tout
auffi embarraffé que le premier jour , non
feulement pour le tour & la conftruction
des phrafes , mais même fur les termes.
Je tache de retenir quelque chofe dans un
cercle pour aller vîte briller en le débitant
dans un autre , comme font la plupart des
gens à la mode , mais je confonds les mots.
JUILLET. 1755 .
& j'ai le chagrin de m'appercevoir que je
fais rire les autres . A table , fi on me demande
d'un plat , je fers d'un autre ; ce
qui me femble être de la viande eft du
poiffon , ce qui me paroît poiffon eft légume
, & je prends de la volaille des
pour
écreviffes , tant on a porté loin l'art de
mafquer tout ce que l'on mange. Les noms
feuls des différens ragoût qui ont déja
frappé mon oreille effrayent ma mémoire.
Les coëffures des Dames & même celle des
hommes , par je ne fçais quel rapport avec
les événemens du fiécle , changent auffi
fouvent de formes & de noms qu'il futvient
de circonftances nouvelles dans les
affaires du tems , ou dans les phénomenes
naturels. Nos meubles , grace aux recherches
des heureux du fiécle & à l'art ingénieux
de nos ouvriers , ne reffemblent plus
à ceux de nos peres. Ces induftrieux Dé
dales , fous prétexte de rendre les chofes
plus commodes , multiplient les inutilités .
Habiles à faire tourner notre légereté à leur
profit & à fe faire un fonds folide de notre
goût pour les futilités , ils femblent
avoir envie d'épuifer toutes les combinaifons
des figures , & chaque nouvelle
forme reçoit un nouveau nom ; mais tout
cela n'est rien en comparaifon du nombre
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
>
immenfe d'équipages de différente efpe
ce , dont Paris voit avec empreffement fes
promenades décorées , & qui nous font
l'honneur de nous éclabouffer ou de nous
faire avaler la pouffiere. Quel plaifir au
fortir de cette belle & agréable promena→
de des Boulevards de s'entretenir dans un
cercle de gens d'efprit & du bon ton de
toutes les jolies chofes qu'on y a vûes
de faire un éloge emphatique des voitures
les plus leftes , des peintures les plus gaies ,
des vernis les plus beaux , enfin des jolis
chevaux , des harnois brillans , des robes.
de goût & afforties aux couleurs du carroffe
, & de s'entr'exciter à faire encore
mieux le Jeudi ou le Dimanche fuivant :
mais auffi quel chagrin de ne pouvoir rendre
un compte exact de tout ce qu'on a
vu , faute de fçavoir les noms de toutes
ces admirables inventions modernes , &
quelle mortification pour un jeune homme
qui veut fe faire une réputation dans
le monde d'être arrêté à chaque inftant ,
de confondre fans ceffe les termes & de
ne fçavoir pas diftinguer les cabriolets ,
les culs- de-finge , les diables , les defobli
geantes , les vis - à- vis , les folo , les foufflets
, les dormenfes , les fabots , les phaëtans ,
les ......
JUILLE T. 1755 13
Ma foi, fur tant de mots ma mémoire chancelle . *
Voilà précisément ce qui me défefpere ,
& ce qui m'oblige , Monfieur , à prendre
la liberté de vous écrire. Vous pourrez ,
en rendant ma lettre publique ,faire naître
à quelque bel efprit verfé dans toutes ces
connoiffances précieufes , & qui n'aura
rien de mieux à faire , une idée que je
m'étonne n'être encore venue à perfonne
dans le tems & dans le pays où nous vivons
:c'eſt le projet d'un dictionnaire qui
expliqueroit tous ces termes de nouvelle
fabrique , & qui nous en fixeroit la juſte
valeur & la vraie fignification . Quoi ! on
a la manie de tout mettre en dictionnaire
, jufqu'aux fciences mathématiques . On
nous donne par ordre alphabétique des
théorêmes , des fermons , des vérités métaphyfiques
, des régles mêmes pour la conduite
des moeurs , & perfonne ne s'eft encore
avifé de travailler à l'explication des
termes nouveaux de cuifine , d'ajuftemens,
d'équipages & de meubles . Voilà pourtant
, fi je ne me trompe , une vraie matiere
à dictionnaire. Le nom feul de ces
fortes d'ouvrages emporte l'idée de l'ex-
* M. Deftouches. Dans la Comed. du Glorieux
Act. S
14 MERCURE DE FRANCE.
plication des mots d'une langue , & affitrement
je ne vois pas qu'il y en ait qui
reviennent plus fouvent dans la converfation
que ceux dont il eft ici queftion . Comme
le befoin que j'ai d'un pareil livre m'en
a fait fentir toute l'importance , & que
j'ai long-tems médité & réfléchi fur ce
projet , je veux bien communiquer me's
idées & tracer le plan felon lequel je conçois
qu'on pourroit l'exécuter. L'ouvra
ge , en imprimant d'un caractere un peu
moins gros que de coutume , & en fupprimant
pour la commodité du lecteur ce
qu'on appelle les reffources de la Librairie
,fauf à le faire payer plus cher , pourra
être réduit à un vome in - 8 °. fous le titre
de Dictionnaire portatif de tous les
>> termes nouveaux & en ufage parmi un
certain monde , concernant la table , les
équipages , les ameublemens , les ajuſte-
» mens , tant d'hommes que de femmes ,
» & les modes de toute efpece , pour fer-
» vir de monument à la conftance & au
» bon goût de la nation ; ouvrage extrê-
» mement utile à tous ceux qui veulent
» fe répandre & paroître bonne compagnie ,
avec des anecdotes , & c.
-39
Vous voyez , Monfieur , que le titre de
l'ouvrage intéreffe & promet beaucoup
mais la maniere de l'exécuter peut encore
JUILLET. 1755. I'S
furpaffer l'attente du lecteur , & je la crois
fufceptible de beaucoup d'agrémens. L'aureur
pourra à chaque article , outre l'étymologie
, la définition & la critique des
termes , donner des anecdotes auffi curieufes
qu'intéreffantes. La matiere eft affez
ample , & la provifion des ridicules n'eft
pas prête à être épuifée. Pour un qui difparoît
il en renaît dix, Combien de jolies
chofes à nous apprendre , combien d'aventures
amufantes à nous raconter , combien
d'apoftilles qu'on peut placer à propos de
chaque efpece de mode différente ? L'origine
& la commodité des vis-à vis , l'hiftoire
& l'étymologie des cabriolets , la
généalogie d'un brillant équipage qu'on a
vû paffer fucceflivement d'une Actrice à
une honnête femme , & d'une honnête
femme à une Actrice ; les différentes fcenes
que nos jeunes éventés nous donnent
tous les jours fur les Boulevards ; leurs
difputes & la fage retenue de quelquesuns
d'entr'eux ; la defcription de cette délicieufe
promenade qui eft bordée d'un
côté par des derrieres de maifon & de l'autre
par les égoûts , la voirie & quelques
fauxbourgs en perfpective ; les embelliffemens
qui s'y font tous les jouts en élevant
à menus frais des cabarers à bierre mal
alignés , mauvaiſes copies d'un joli petis
16 MERCURE DE FRANCE.
caffé gardé par un Suiffe pour empêche
les laquais de boire avec leurs maîtres , &
diverfes baraques pour les géans , les nains,
les marionettes , les danfeurs de corde ,
les finges , & autres curiofités ; ces parades
fi fpirituelles qui amufent également le
petit peuple & les gens à équipages ; ces
parties fines auffi promptement exécutées
que formées , de s'en aller après -minuir
d'un air évaporé faire relever les joueurs
de marionettes pour s'ennuyer , bâiller ,
& feperfuader au fortir de là qu'on s'eft
bien amufé parce qu'on a fait quelque chofe
d'extraordinaire ; ces différentes fortes
de voitures à la file les unes des autres ,
dont les plus maflives écrafent les plus
leftes , les difputes des cochers , les cris
des Dames , le contrafte burlefque du carroffe
d'un grand Seigneur vis- à- vis de celui
d'un Sou -fermier , d'un demi - équipage de
Médecin à côté de la berline d'un conva
lefcent en bonnet fourré , de la voiture
noble & décente d'un Abbé à la faite d'un
vis-à vis lefte & brillant d'une fille à talent
, le tout entrelardé de remifes & de
fiacres poudreux ; la même confufion &
peut - être encore plus bizarre parmi ce
qu'on appelle l'infanterie ; cerse cohue mal
compofée de gens de toute efpece qui fe
condoient , qui fe preffent , & qui s'obfti
JUILLET. 1755. 17
Want à fe promener toujours dans un efpace
très-limité , s'aveuglent & s'étranglent
de pouffiere malgré les attentions du fucceffeur
de M. Jofeph Outrequin ; les beautés
de tout âge étalées fur des chaiſes , &
qui prendroient grand plaifir à voir la
foule & à en être vûes fi on ne leur marchoit
pas fur les pieds , & fi on ne leur faifoit
pas avaler la pouffiere ; les Dames qui
veulent mettre pied à terre pour mieux
refpirer , & qui font obligées de remonter
en leurs carroffes & de s'y enfermer pour
ne pas étouffer ; les bourgeoifes du Marais
en gand panier qui ont la patience de refter
affifes jufqu'à la nuit fermée , malgré
les incommodités de la promenade , pour
ne pas paroître s'en retourner à pied ; des
jeunes filles qui jouent les Agnés & qui
amufent deux hommes à la fois ; fur des
chaiffes un peu plus à l'écart certaines
beautés d'une autre efpece , moins honnêtes
à la vérité , mais peut- être moins fourbes
, qui attendent un fouper ; les honnêtes
gens confondus avec la canaille , parmi
des foldats ivres qui vous infultent ,
des pauvres qui vous demandent l'aumône
, des artiſans qui reviennent de la guinguette
, des marchands de ptifane avec
leurs maudites fontaines , dont le robinet
femble s'alonger tout exprès pour vous
is MERCURE DE FRANCE.
meurtrir les bras ; des nourrices affifes aux
pieds des arbres qui donnent à têter à leurs
enfans , & qui jurent & peftent contre les
cabriolets dont elles appréhendent les reculades
, & encore plus contre les jeunes
fous qui veulent faire le métier de leurs
cochers fans y rien entendre ; enfin tous
ces objets divers forment un tableau bien
varié , dont le détail ne peut manquer de
plaire étant amené à
,
propos.
Au refte , quelque habile que foit l'auil
ne faut pas qu'il fe repofe trop fur
fes propres lumieres , il doit tout voir
tout confulter , & n'épargner aucune démarche
pour perfectionner fes recherches.
Il faudra qu'il fe trouve affidument aux
fpectacles , aux promenades , principalement
fur les cours , qu'il fréquente les
gens de l'art , qu'il fe rende dans les cuifines
des Fermiers Généraux , & même
"des Commis , qu'il aille vifiter les boutiques
des felliers , des marchands de modes
, des bijoutiers & autres marchands de
fuperfluités pour les confulter & pour s'entretenir
avec eux : c'eſt ſouvent avec ces
gens - là qu'on puife les lumieres les plus
folides , & pour peu qu'on fçache les interroger
& les faire parler , on profite plus
avec eux qu'avec les livres : par ce moyen
il fera informé de la premiere main de
JUILLET. 1755. 19
toutes les admirables variations qui font
furvenues dans nos modes , il fera en état
d'en faire l'hiftoire , de fixer le fens de
chaque terme , d'en donner la véritable
étymologie , & d'expofer au jufte la circonftance
de l'événement , foit politique ,
foit phyfique qui y a donné lieu . Il apprendra
aux lecteurs étonnés que ce n'eft
pas toujours aux ouvriers qu'on doit les
belles découvertes dans ce genre , & que
fouvent c'eft à la fagacité & aux réflexions
fages de certaines têtes qu'on croiroit occupées
du bien public que nous fommes
redevables de la tournure d'une manche ,
ou de la forme d'un fiége de cocher : ainſi
il affurera la gloire & l'invention à celui à
qui elle eſt dûc .“
Comme il eft vraisemblable qu'il y aura
des changemens & des augmentations à
faire tous les ans , on pourra donner le
fupplément gratis à ceux qui auront foufcript
, jufqu'à ce que tous les termes qui
font aujourd'hui en ufage étant vieillis &
tout- à-fait tombés après une longue période
, * par exemple , de vingt ans on foit
* On lit dans nos Auteurs comiques qui vivoient
il y a quarante ou cinquante ans , des
termes alors en ufage pour fignifier des mots
tout-à-fait inconnus , la ftinkerque , la malice
l'innocente, lafouris.
20 MERCURE DE FRANCE.
obligé de recommencer un autre vocabu→
laire.
Voilà , Monfieur , le projet que j'ai
conçu , & que j'aurois exécuté fi je m'étois
fenti en état de le faire. Je vous prie d'en
faire part au public , afin que fi quelqu'un
fe fent affez de capacité , de mérite & de
patience , il le mette en exécution ; je puis
répondre d'un grand nombre de foufcripteurs.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A L'AUTEUR DU MERCURE,
Sur le projet d'un nouveau Dictionnaire plus
utile que tous les autres.
M
ONSIEUR, je fuis François , mais
malheureufement j'arrive de ma
province. Je m'étois laiffe perfuader qu'avant
de me rendre à la capitale , ce centre
où tout ce qu'il y a de bon & de mauvais
vient aboutir , il m'étoit effentiel de meubler
ma tête de belles connoiffances , & de
tout ce qui peut orner l'efprit d'un jeune
homme , afin de n'être point déplacé parmi
les honnêtes gens : En conféquence
comme je ne me figurois rien de plus agréa
ble que de venir à Paris , & d'y tenir mon
coin dans les compagnies fans avoir l'air
provincial , je prenois avec une ardeur
incroyable des idées un peu plus que fuccintes
de toutes les fciences & de toutes
les parties des belles lettres : Je m'attachois
principalement à l'étude de ma langue , me
doutant bien que ce feroit à cela qu'on feroit
le plus d'attention , & que la maniere
de parler étoit l'étiquette des Provincianx.
Je m'étois même procuré le dictionnaire
Aw
10 MERCURE DE FRANCE.
néologique , afin de n'être pas plus embarrallé
qu'un autre fur les termes nouveaux
& précieux mais croiriez - vous ,
Monfieur , que malgré toutes mes précautions
& tous mes foins je n'en fuis pas plus
avancé. Je fuis précisément dans le cas
d'un répondant qui s'eft long- tems préparé
fur les principaux points de fa thefe , &
qu'on argumente fur toute autre chofe.
En quelque endroit que j'aille , on ne dit
pas un mot de ce que jai étudié , & l'on
parle de chofes qui font tout -à- fait neuves
pour moi. Modes dans les habits modes
dans les ameublemens ; modes dans les
équipages , modes dans la cuifine , modes.
de toute efpece ; voilà avec les nouvelles
du jour ce qui fait l'entretien de tous les
gens comme il faut. Je fuis h neuf fur toutes
ces matieres qu'on me prend tout - à-fait
pour un étranger , on ne me fait pas même
l'honneur de me regarder comme un pro
vincial j'ai beau m'obferver & m'étudier
à parler comme les autres , je fuis tout
auffi embarraffé que le premier jour , non
feulement pour le tour & la conftruction
des phrafes , mais même fur les termes.
Je tache de retenir quelque chofe dans un
cercle pour aller vîte briller en le débitant
dans un autre , comme font la plupart des
gens à la mode , mais je confonds les mots.
JUILLET. 1755 .
& j'ai le chagrin de m'appercevoir que je
fais rire les autres . A table , fi on me demande
d'un plat , je fers d'un autre ; ce
qui me femble être de la viande eft du
poiffon , ce qui me paroît poiffon eft légume
, & je prends de la volaille des
pour
écreviffes , tant on a porté loin l'art de
mafquer tout ce que l'on mange. Les noms
feuls des différens ragoût qui ont déja
frappé mon oreille effrayent ma mémoire.
Les coëffures des Dames & même celle des
hommes , par je ne fçais quel rapport avec
les événemens du fiécle , changent auffi
fouvent de formes & de noms qu'il futvient
de circonftances nouvelles dans les
affaires du tems , ou dans les phénomenes
naturels. Nos meubles , grace aux recherches
des heureux du fiécle & à l'art ingénieux
de nos ouvriers , ne reffemblent plus
à ceux de nos peres. Ces induftrieux Dé
dales , fous prétexte de rendre les chofes
plus commodes , multiplient les inutilités .
Habiles à faire tourner notre légereté à leur
profit & à fe faire un fonds folide de notre
goût pour les futilités , ils femblent
avoir envie d'épuifer toutes les combinaifons
des figures , & chaque nouvelle
forme reçoit un nouveau nom ; mais tout
cela n'est rien en comparaifon du nombre
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
>
immenfe d'équipages de différente efpe
ce , dont Paris voit avec empreffement fes
promenades décorées , & qui nous font
l'honneur de nous éclabouffer ou de nous
faire avaler la pouffiere. Quel plaifir au
fortir de cette belle & agréable promena→
de des Boulevards de s'entretenir dans un
cercle de gens d'efprit & du bon ton de
toutes les jolies chofes qu'on y a vûes
de faire un éloge emphatique des voitures
les plus leftes , des peintures les plus gaies ,
des vernis les plus beaux , enfin des jolis
chevaux , des harnois brillans , des robes.
de goût & afforties aux couleurs du carroffe
, & de s'entr'exciter à faire encore
mieux le Jeudi ou le Dimanche fuivant :
mais auffi quel chagrin de ne pouvoir rendre
un compte exact de tout ce qu'on a
vu , faute de fçavoir les noms de toutes
ces admirables inventions modernes , &
quelle mortification pour un jeune homme
qui veut fe faire une réputation dans
le monde d'être arrêté à chaque inftant ,
de confondre fans ceffe les termes & de
ne fçavoir pas diftinguer les cabriolets ,
les culs- de-finge , les diables , les defobli
geantes , les vis - à- vis , les folo , les foufflets
, les dormenfes , les fabots , les phaëtans ,
les ......
JUILLE T. 1755 13
Ma foi, fur tant de mots ma mémoire chancelle . *
Voilà précisément ce qui me défefpere ,
& ce qui m'oblige , Monfieur , à prendre
la liberté de vous écrire. Vous pourrez ,
en rendant ma lettre publique ,faire naître
à quelque bel efprit verfé dans toutes ces
connoiffances précieufes , & qui n'aura
rien de mieux à faire , une idée que je
m'étonne n'être encore venue à perfonne
dans le tems & dans le pays où nous vivons
:c'eſt le projet d'un dictionnaire qui
expliqueroit tous ces termes de nouvelle
fabrique , & qui nous en fixeroit la juſte
valeur & la vraie fignification . Quoi ! on
a la manie de tout mettre en dictionnaire
, jufqu'aux fciences mathématiques . On
nous donne par ordre alphabétique des
théorêmes , des fermons , des vérités métaphyfiques
, des régles mêmes pour la conduite
des moeurs , & perfonne ne s'eft encore
avifé de travailler à l'explication des
termes nouveaux de cuifine , d'ajuftemens,
d'équipages & de meubles . Voilà pourtant
, fi je ne me trompe , une vraie matiere
à dictionnaire. Le nom feul de ces
fortes d'ouvrages emporte l'idée de l'ex-
* M. Deftouches. Dans la Comed. du Glorieux
Act. S
14 MERCURE DE FRANCE.
plication des mots d'une langue , & affitrement
je ne vois pas qu'il y en ait qui
reviennent plus fouvent dans la converfation
que ceux dont il eft ici queftion . Comme
le befoin que j'ai d'un pareil livre m'en
a fait fentir toute l'importance , & que
j'ai long-tems médité & réfléchi fur ce
projet , je veux bien communiquer me's
idées & tracer le plan felon lequel je conçois
qu'on pourroit l'exécuter. L'ouvra
ge , en imprimant d'un caractere un peu
moins gros que de coutume , & en fupprimant
pour la commodité du lecteur ce
qu'on appelle les reffources de la Librairie
,fauf à le faire payer plus cher , pourra
être réduit à un vome in - 8 °. fous le titre
de Dictionnaire portatif de tous les
>> termes nouveaux & en ufage parmi un
certain monde , concernant la table , les
équipages , les ameublemens , les ajuſte-
» mens , tant d'hommes que de femmes ,
» & les modes de toute efpece , pour fer-
» vir de monument à la conftance & au
» bon goût de la nation ; ouvrage extrê-
» mement utile à tous ceux qui veulent
» fe répandre & paroître bonne compagnie ,
avec des anecdotes , & c.
-39
Vous voyez , Monfieur , que le titre de
l'ouvrage intéreffe & promet beaucoup
mais la maniere de l'exécuter peut encore
JUILLET. 1755. I'S
furpaffer l'attente du lecteur , & je la crois
fufceptible de beaucoup d'agrémens. L'aureur
pourra à chaque article , outre l'étymologie
, la définition & la critique des
termes , donner des anecdotes auffi curieufes
qu'intéreffantes. La matiere eft affez
ample , & la provifion des ridicules n'eft
pas prête à être épuifée. Pour un qui difparoît
il en renaît dix, Combien de jolies
chofes à nous apprendre , combien d'aventures
amufantes à nous raconter , combien
d'apoftilles qu'on peut placer à propos de
chaque efpece de mode différente ? L'origine
& la commodité des vis-à vis , l'hiftoire
& l'étymologie des cabriolets , la
généalogie d'un brillant équipage qu'on a
vû paffer fucceflivement d'une Actrice à
une honnête femme , & d'une honnête
femme à une Actrice ; les différentes fcenes
que nos jeunes éventés nous donnent
tous les jours fur les Boulevards ; leurs
difputes & la fage retenue de quelquesuns
d'entr'eux ; la defcription de cette délicieufe
promenade qui eft bordée d'un
côté par des derrieres de maifon & de l'autre
par les égoûts , la voirie & quelques
fauxbourgs en perfpective ; les embelliffemens
qui s'y font tous les jouts en élevant
à menus frais des cabarers à bierre mal
alignés , mauvaiſes copies d'un joli petis
16 MERCURE DE FRANCE.
caffé gardé par un Suiffe pour empêche
les laquais de boire avec leurs maîtres , &
diverfes baraques pour les géans , les nains,
les marionettes , les danfeurs de corde ,
les finges , & autres curiofités ; ces parades
fi fpirituelles qui amufent également le
petit peuple & les gens à équipages ; ces
parties fines auffi promptement exécutées
que formées , de s'en aller après -minuir
d'un air évaporé faire relever les joueurs
de marionettes pour s'ennuyer , bâiller ,
& feperfuader au fortir de là qu'on s'eft
bien amufé parce qu'on a fait quelque chofe
d'extraordinaire ; ces différentes fortes
de voitures à la file les unes des autres ,
dont les plus maflives écrafent les plus
leftes , les difputes des cochers , les cris
des Dames , le contrafte burlefque du carroffe
d'un grand Seigneur vis- à- vis de celui
d'un Sou -fermier , d'un demi - équipage de
Médecin à côté de la berline d'un conva
lefcent en bonnet fourré , de la voiture
noble & décente d'un Abbé à la faite d'un
vis-à vis lefte & brillant d'une fille à talent
, le tout entrelardé de remifes & de
fiacres poudreux ; la même confufion &
peut - être encore plus bizarre parmi ce
qu'on appelle l'infanterie ; cerse cohue mal
compofée de gens de toute efpece qui fe
condoient , qui fe preffent , & qui s'obfti
JUILLET. 1755. 17
Want à fe promener toujours dans un efpace
très-limité , s'aveuglent & s'étranglent
de pouffiere malgré les attentions du fucceffeur
de M. Jofeph Outrequin ; les beautés
de tout âge étalées fur des chaiſes , &
qui prendroient grand plaifir à voir la
foule & à en être vûes fi on ne leur marchoit
pas fur les pieds , & fi on ne leur faifoit
pas avaler la pouffiere ; les Dames qui
veulent mettre pied à terre pour mieux
refpirer , & qui font obligées de remonter
en leurs carroffes & de s'y enfermer pour
ne pas étouffer ; les bourgeoifes du Marais
en gand panier qui ont la patience de refter
affifes jufqu'à la nuit fermée , malgré
les incommodités de la promenade , pour
ne pas paroître s'en retourner à pied ; des
jeunes filles qui jouent les Agnés & qui
amufent deux hommes à la fois ; fur des
chaiffes un peu plus à l'écart certaines
beautés d'une autre efpece , moins honnêtes
à la vérité , mais peut- être moins fourbes
, qui attendent un fouper ; les honnêtes
gens confondus avec la canaille , parmi
des foldats ivres qui vous infultent ,
des pauvres qui vous demandent l'aumône
, des artiſans qui reviennent de la guinguette
, des marchands de ptifane avec
leurs maudites fontaines , dont le robinet
femble s'alonger tout exprès pour vous
is MERCURE DE FRANCE.
meurtrir les bras ; des nourrices affifes aux
pieds des arbres qui donnent à têter à leurs
enfans , & qui jurent & peftent contre les
cabriolets dont elles appréhendent les reculades
, & encore plus contre les jeunes
fous qui veulent faire le métier de leurs
cochers fans y rien entendre ; enfin tous
ces objets divers forment un tableau bien
varié , dont le détail ne peut manquer de
plaire étant amené à
,
propos.
Au refte , quelque habile que foit l'auil
ne faut pas qu'il fe repofe trop fur
fes propres lumieres , il doit tout voir
tout confulter , & n'épargner aucune démarche
pour perfectionner fes recherches.
Il faudra qu'il fe trouve affidument aux
fpectacles , aux promenades , principalement
fur les cours , qu'il fréquente les
gens de l'art , qu'il fe rende dans les cuifines
des Fermiers Généraux , & même
"des Commis , qu'il aille vifiter les boutiques
des felliers , des marchands de modes
, des bijoutiers & autres marchands de
fuperfluités pour les confulter & pour s'entretenir
avec eux : c'eſt ſouvent avec ces
gens - là qu'on puife les lumieres les plus
folides , & pour peu qu'on fçache les interroger
& les faire parler , on profite plus
avec eux qu'avec les livres : par ce moyen
il fera informé de la premiere main de
JUILLET. 1755. 19
toutes les admirables variations qui font
furvenues dans nos modes , il fera en état
d'en faire l'hiftoire , de fixer le fens de
chaque terme , d'en donner la véritable
étymologie , & d'expofer au jufte la circonftance
de l'événement , foit politique ,
foit phyfique qui y a donné lieu . Il apprendra
aux lecteurs étonnés que ce n'eft
pas toujours aux ouvriers qu'on doit les
belles découvertes dans ce genre , & que
fouvent c'eft à la fagacité & aux réflexions
fages de certaines têtes qu'on croiroit occupées
du bien public que nous fommes
redevables de la tournure d'une manche ,
ou de la forme d'un fiége de cocher : ainſi
il affurera la gloire & l'invention à celui à
qui elle eſt dûc .“
Comme il eft vraisemblable qu'il y aura
des changemens & des augmentations à
faire tous les ans , on pourra donner le
fupplément gratis à ceux qui auront foufcript
, jufqu'à ce que tous les termes qui
font aujourd'hui en ufage étant vieillis &
tout- à-fait tombés après une longue période
, * par exemple , de vingt ans on foit
* On lit dans nos Auteurs comiques qui vivoient
il y a quarante ou cinquante ans , des
termes alors en ufage pour fignifier des mots
tout-à-fait inconnus , la ftinkerque , la malice
l'innocente, lafouris.
20 MERCURE DE FRANCE.
obligé de recommencer un autre vocabu→
laire.
Voilà , Monfieur , le projet que j'ai
conçu , & que j'aurois exécuté fi je m'étois
fenti en état de le faire. Je vous prie d'en
faire part au public , afin que fi quelqu'un
fe fent affez de capacité , de mérite & de
patience , il le mette en exécution ; je puis
répondre d'un grand nombre de foufcripteurs.
J'ai l'honneur d'être , &c.
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Résumé : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE, Sur le projet d'un nouveau Dictionnaire plus utile que tous les autres.
Un jeune homme de province, nouvellement arrivé à Paris, adresse une lettre à l'auteur du Mercure pour exprimer sa frustration face à la difficulté de comprendre les conversations locales. Malgré ses efforts pour se familiariser avec les sciences et les belles-lettres, il constate que les discussions parisiennes tournent principalement autour des modes, qu'il s'agisse de vêtements, de meubles, de cuisine ou d'équipages. Les termes nouveaux et les modes changeantes le désorientent, le faisant passer pour un étranger même parmi les provinciaux. Pour remédier à cette situation, il propose la création d'un dictionnaire des termes modernes concernant la table, les équipements, les ameublements et les modes. Ce dictionnaire inclurait des étymologies, des définitions, des critiques et des anecdotes sur chaque terme. L'auteur suggère que le compilateur du dictionnaire doit consulter divers experts et fréquenter les lieux à la mode pour recueillir des informations précises et à jour. Le projet prévoit de mettre à jour le dictionnaire chaque année en ajoutant des termes nouveaux et en supprimant ceux devenus obsolètes. Les mises à jour seraient fournies gratuitement aux abonnés jusqu'à ce que les termes actuels soient complètement remplacés. L'auteur cite des exemples de termes anciens, comme 'la ftinkerque,' 'la malice l'innocente,' et 'lafouris,' qui étaient en usage il y a quarante ou cinquante ans mais sont aujourd'hui inconnus. L'auteur exprime son souhait de voir ce projet réalisé par une personne compétente et patiente, assurant qu'il y aura suffisamment d'abonnés pour soutenir cette initiative.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 113-115
Lettre à l'Auteur du Mercure.
Début :
MONSIEUR, il est indifférent de quelle façon l'on enrichit la République [...]
Mots clefs :
Puit, Eau, Histoire naturelle, Pétrifications
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre à l'Auteur du Mercure.
Lettre à l'Auteur du Mercure.
M
quelle
ONSIEUR , il eft indifférent de
quelle façon l'on enrichit la Répu
blique des Lettres , foir par des ouvrages
fuivis , foit par des morceaux détachés
foit même par des Almanachs , nous avons
toujours obligation à ceux qui cherchent
à nous inftruire ; mais dans quelqu'ouvrage
que ce foit , il faut être vrai : c'eft ce qui
manque dans la lettre de M. l'Abbé Jacquîn
fur les pétrifications d'Albert . *
L'eau du puits du fieur de Calogne eft
effectivement à trente- cinq pieds jufques
à fon niveau , mais la carriere n'en a pas
tant ; elle n'a , comme on l'a dit dans l'almanach
d'Amiens , que vingt à vingt- deux
pieds de profondeur. Il y a de la contradiction
dans ce que dit M. l'Abbé Jacquin.
L'eau du puits eft à trente - cinq pieds , & il
donne quarante- huit à cinquante pieds de
profondeur à la carriere ; or comment auroit-
on pû creufer quinze pieds au - deffous
de l'eau fans en être inondé ? cepen-
* Premier Mercure de Juin 1755 , pag. 19
114 MERCURE DE FRANCE.
dant toute la carriere eft totalement féche ,
& ce puits la traverſe dans le milieu ; c'eft
par lui que le fieur de Calogne a monté
les pierres qu'il a tirées.
Il eft à remarquer que les ponts qui ſe
fe
trouvent fur la riviere d'Albert , n'ont pas
à vûe d'oeil plus de dix pieds fous voûte ,
& que cette riviere eft pleine de fources.
Les terres font de différentes nuances→
brunes dans la carriere , ainfi que les pétrifications
, mais il eft vrai qu'elles blanchiffent
à l'air.
Il fembleroit , fuivant M. Jacquin , que
les coquillages qui fe trouvent dans cette
carriere font pétrifiés ; ils ne le font nullement
, ils font au naturel.
M. Jacquin n'a pas bien vifité les marais
; s'il l'avoit fait avec atention , il y
auroit trouvé des fougeres , fur- tout lorfqu'il
y a des arbres , & que le fol eft ſablonneux
.
Il faut fçavoir exagérer pour donner
foixante pieds à la cafcade ; quand M.
Jacquin reviendra dans fa patrie qu'il
prenne la peine de retourner fur les lieux
la toife à la main , qu'il prenne fes mefures
perpendiculaires , alors il pourra
donner des dimenſions juftes .
Comme je crois que ces réflexions peuvent
être de quelque utilité pour les cuJUILLET
. 1755. 115
rieux , je crois auffi devoir vous les envoyer
, Monfieur , pour être inférées dans
votre Mercure du mois prochain.
Je n'ai ici que l'intérêt du vrai , c'eft
pourquoi il eft inntile de me nommer.
J'ai l'honneur d'être , & c.
A Peronne , ce 15 Juin 1753.
M
quelle
ONSIEUR , il eft indifférent de
quelle façon l'on enrichit la Répu
blique des Lettres , foir par des ouvrages
fuivis , foit par des morceaux détachés
foit même par des Almanachs , nous avons
toujours obligation à ceux qui cherchent
à nous inftruire ; mais dans quelqu'ouvrage
que ce foit , il faut être vrai : c'eft ce qui
manque dans la lettre de M. l'Abbé Jacquîn
fur les pétrifications d'Albert . *
L'eau du puits du fieur de Calogne eft
effectivement à trente- cinq pieds jufques
à fon niveau , mais la carriere n'en a pas
tant ; elle n'a , comme on l'a dit dans l'almanach
d'Amiens , que vingt à vingt- deux
pieds de profondeur. Il y a de la contradiction
dans ce que dit M. l'Abbé Jacquin.
L'eau du puits eft à trente - cinq pieds , & il
donne quarante- huit à cinquante pieds de
profondeur à la carriere ; or comment auroit-
on pû creufer quinze pieds au - deffous
de l'eau fans en être inondé ? cepen-
* Premier Mercure de Juin 1755 , pag. 19
114 MERCURE DE FRANCE.
dant toute la carriere eft totalement féche ,
& ce puits la traverſe dans le milieu ; c'eft
par lui que le fieur de Calogne a monté
les pierres qu'il a tirées.
Il eft à remarquer que les ponts qui ſe
fe
trouvent fur la riviere d'Albert , n'ont pas
à vûe d'oeil plus de dix pieds fous voûte ,
& que cette riviere eft pleine de fources.
Les terres font de différentes nuances→
brunes dans la carriere , ainfi que les pétrifications
, mais il eft vrai qu'elles blanchiffent
à l'air.
Il fembleroit , fuivant M. Jacquin , que
les coquillages qui fe trouvent dans cette
carriere font pétrifiés ; ils ne le font nullement
, ils font au naturel.
M. Jacquin n'a pas bien vifité les marais
; s'il l'avoit fait avec atention , il y
auroit trouvé des fougeres , fur- tout lorfqu'il
y a des arbres , & que le fol eft ſablonneux
.
Il faut fçavoir exagérer pour donner
foixante pieds à la cafcade ; quand M.
Jacquin reviendra dans fa patrie qu'il
prenne la peine de retourner fur les lieux
la toife à la main , qu'il prenne fes mefures
perpendiculaires , alors il pourra
donner des dimenſions juftes .
Comme je crois que ces réflexions peuvent
être de quelque utilité pour les cuJUILLET
. 1755. 115
rieux , je crois auffi devoir vous les envoyer
, Monfieur , pour être inférées dans
votre Mercure du mois prochain.
Je n'ai ici que l'intérêt du vrai , c'eft
pourquoi il eft inntile de me nommer.
J'ai l'honneur d'être , & c.
A Peronne , ce 15 Juin 1753.
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Résumé : Lettre à l'Auteur du Mercure.
La lettre critique une publication de l'Abbé Jacquîn sur les pétrifications d'Albert. L'auteur insiste sur l'importance de la vérité dans les ouvrages, qu'ils soient suivis, détachés ou des almanachs. Il conteste plusieurs affirmations de l'Abbé Jacquîn, notamment la profondeur de la carrière et du puits, signalant des contradictions. L'auteur précise que la carrière est sèche et traverse le puits, facilitant ainsi l'extraction des pierres. Il décrit également les caractéristiques des ponts sur la rivière d'Albert et les nuances des terres et des pétrifications. Il affirme que les coquillages trouvés dans la carrière ne sont pas pétrifiés mais naturels. L'auteur critique l'exagération des dimensions de la cascade par l'Abbé Jacquîn et recommande des mesures précises. Il souhaite que ces réflexions soient utiles aux curieux et les envoie pour publication dans le Mercure du mois prochain, sans désirer être nommé.
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11
p. 128-131
Lettre à l'Auteur du Mercure.
Début :
MONSIEUR, j'ai toujours eu des doutes obstinés, sur la possibilité où nous [...]
Mots clefs :
Cadavres, Maladies, Ouverture des cadavres, Abbé Raynal
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texteReconnaissance textuelle : Lettre à l'Auteur du Mercure.
Lettre à l'Auteur du Mercure.
ONSIEUR , j'ai toujours eu des doutes
obftinés , fur la poffibilité où nous
fommes , de reconnoître infailliblement
par l'ouverture des cadavres , les caufes
éloignées & immédiates des maladies du
corps humain. M. l'Abbé Raynal votre prédéceffeur
, affure néanmoins dans le Mercure
de Septembre 1751 , pages 149 & fuivantes
, » que que les avantages qui résultent
» de l'ouverture des cadavres , foumettent
alors à l'examen des fens , la cauſe même
» qui avoit produit la maladie , &c n .
C'eft à l'occafion des obfervations Anatomiques
tirées de l'ouverture d'un grand
nombre de cadavres , propres à découvrir
les caufes des maladies , & leurs remedes ,
par M. Barrere , médecin à Perpignan , & c.
que M. l'Abbé Raynal , nous donne ce
moyen prefque comme certain de nous
inftruire fur cette matiere. J'ai parcouru
avec des yeux avides , & j'ai lu enfuite
avec toute l'application poffible le Livre en
queſtion , Edition de 1753 , mais je n'y ai
point trouvé ce que l'Auteur & M. l'Abbé
Raynal promettent. Si on nous eut promis
de nous montrer par l'ouverture des cadavres
les caufes certaines de la mort , au lieu
JUILLET. 1755- 129
de celles des maladies , on y auroit infiniment
mieux réuffi . En effet , Monfieur ,
qu'apperçoit-on dans la tête d'un homme
mort d'une fievre maligne , d'une phrénéfie
, d'une apoplexie & dans les maladies
caufées par de fortes paffions de l'ame.
Comme dans les fix premieres obfervations
de l'Auteur , on trouvera les vaiffeaux de
la dure-mere & ceux du cerveau , farcis &.
gorgés d'un fang épais & noirâtre , quelque
épanchement de férofités dans l'un ou
l'autre des ventricules , des grumeaux de.
fang caillé dans les finus , qu'on prend pour
des concrétions polipeufes ; il eft aifé de
fentir que ces accidens font plûtôt l'effet de.
la maladie , que fa caufe , & que ces,
mêmes effets font évidemment celle de la
mort. Un empiéme , des dépôts particu
liers dans le poulmon , & les ulcères qu'on
trouve dans l'ouverture des cadavres de
ceux qui font morts d'une de ces maladies.
de poitrine , n'annoncent pas la caufe qui
a produit ces défordres , mais feulement,
leurs effers , en faifant fuccomber le malade
à la force de ces accidens , lorfque la capacité
de la poitrine a été remplie par un
épanchement , qui a fuffoqué le malade ,
ou que fon poulmon a été fondu en partie ,
par d'abondantes fupurations , & c. Voilà
done encore des caufes de mort , & non de
F v
130 MERCURE DE FRANCE.
maladies. Les eaux épanchées dans le ventre
d'un hydropique , font-elles la caufe de
l'hydropifie ; un abcès au foye fe produitil
de lui-même , pour caufer les accidens
qui font périr le malade , non fans doute ;
& quoiqu'on fçache en général que cet
abcès eft la fuite de quelque inflammation
locale ou générale de ce vifcère , on n'eſt
pas plus inftruit , fur ce qui a donné lieu à
cette inflammation , pour être en état de
l'attaquer dans fon principe , & de la prévenir
même afin d'éviter de bonne heure
les fuites funeftes qu'elle peut avoir.
En attendant , Monfieur , le grand ouvrage
que Monfieur Barrere doit publier ,
& dont celui qu'il a donné n'eft que l'efquiffe
, je perfifte toujoujours dans mes
doutes fur l'infuffifance de l'ouverture des
cadavres pour découvrir la caufe des maladies.
Je fouhaite ardemment qu'il réuffiſſe,
mais ce ne fera affurément pas comme il a
déja fait , en prenant les effets d'une maladie
pour fa caufe.
Je vous prie , Monfieur , d'inférer la
préfente dans un de vos Mercures , non
dans la vûe de diminuer en rien le mérite
de l'ouvrage de M. Barrere , mais feulement
pour convaincre de plus en plus le
public , qu'il eft des cauſes infenfibles de
maladies , que toute la fagacité de l'efprit
JUILLET. 1755. 1755 131
humain , ne fçauroit appercevoir , & que
dans bien des cas , l'Aphorifme d'Hippocrate
, fublatâ caufâ tollitur effectus, eft d'une
exécution impoffible.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Toulouſe , ce 25 Avril 1755 .
ONSIEUR , j'ai toujours eu des doutes
obftinés , fur la poffibilité où nous
fommes , de reconnoître infailliblement
par l'ouverture des cadavres , les caufes
éloignées & immédiates des maladies du
corps humain. M. l'Abbé Raynal votre prédéceffeur
, affure néanmoins dans le Mercure
de Septembre 1751 , pages 149 & fuivantes
, » que que les avantages qui résultent
» de l'ouverture des cadavres , foumettent
alors à l'examen des fens , la cauſe même
» qui avoit produit la maladie , &c n .
C'eft à l'occafion des obfervations Anatomiques
tirées de l'ouverture d'un grand
nombre de cadavres , propres à découvrir
les caufes des maladies , & leurs remedes ,
par M. Barrere , médecin à Perpignan , & c.
que M. l'Abbé Raynal , nous donne ce
moyen prefque comme certain de nous
inftruire fur cette matiere. J'ai parcouru
avec des yeux avides , & j'ai lu enfuite
avec toute l'application poffible le Livre en
queſtion , Edition de 1753 , mais je n'y ai
point trouvé ce que l'Auteur & M. l'Abbé
Raynal promettent. Si on nous eut promis
de nous montrer par l'ouverture des cadavres
les caufes certaines de la mort , au lieu
JUILLET. 1755- 129
de celles des maladies , on y auroit infiniment
mieux réuffi . En effet , Monfieur ,
qu'apperçoit-on dans la tête d'un homme
mort d'une fievre maligne , d'une phrénéfie
, d'une apoplexie & dans les maladies
caufées par de fortes paffions de l'ame.
Comme dans les fix premieres obfervations
de l'Auteur , on trouvera les vaiffeaux de
la dure-mere & ceux du cerveau , farcis &.
gorgés d'un fang épais & noirâtre , quelque
épanchement de férofités dans l'un ou
l'autre des ventricules , des grumeaux de.
fang caillé dans les finus , qu'on prend pour
des concrétions polipeufes ; il eft aifé de
fentir que ces accidens font plûtôt l'effet de.
la maladie , que fa caufe , & que ces,
mêmes effets font évidemment celle de la
mort. Un empiéme , des dépôts particu
liers dans le poulmon , & les ulcères qu'on
trouve dans l'ouverture des cadavres de
ceux qui font morts d'une de ces maladies.
de poitrine , n'annoncent pas la caufe qui
a produit ces défordres , mais feulement,
leurs effers , en faifant fuccomber le malade
à la force de ces accidens , lorfque la capacité
de la poitrine a été remplie par un
épanchement , qui a fuffoqué le malade ,
ou que fon poulmon a été fondu en partie ,
par d'abondantes fupurations , & c. Voilà
done encore des caufes de mort , & non de
F v
130 MERCURE DE FRANCE.
maladies. Les eaux épanchées dans le ventre
d'un hydropique , font-elles la caufe de
l'hydropifie ; un abcès au foye fe produitil
de lui-même , pour caufer les accidens
qui font périr le malade , non fans doute ;
& quoiqu'on fçache en général que cet
abcès eft la fuite de quelque inflammation
locale ou générale de ce vifcère , on n'eſt
pas plus inftruit , fur ce qui a donné lieu à
cette inflammation , pour être en état de
l'attaquer dans fon principe , & de la prévenir
même afin d'éviter de bonne heure
les fuites funeftes qu'elle peut avoir.
En attendant , Monfieur , le grand ouvrage
que Monfieur Barrere doit publier ,
& dont celui qu'il a donné n'eft que l'efquiffe
, je perfifte toujoujours dans mes
doutes fur l'infuffifance de l'ouverture des
cadavres pour découvrir la caufe des maladies.
Je fouhaite ardemment qu'il réuffiſſe,
mais ce ne fera affurément pas comme il a
déja fait , en prenant les effets d'une maladie
pour fa caufe.
Je vous prie , Monfieur , d'inférer la
préfente dans un de vos Mercures , non
dans la vûe de diminuer en rien le mérite
de l'ouvrage de M. Barrere , mais feulement
pour convaincre de plus en plus le
public , qu'il eft des cauſes infenfibles de
maladies , que toute la fagacité de l'efprit
JUILLET. 1755. 1755 131
humain , ne fçauroit appercevoir , & que
dans bien des cas , l'Aphorifme d'Hippocrate
, fublatâ caufâ tollitur effectus, eft d'une
exécution impoffible.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Toulouſe , ce 25 Avril 1755 .
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Résumé : Lettre à l'Auteur du Mercure.
L'auteur remet en question la capacité de l'autopsie à déterminer les causes des maladies humaines. Il conteste une affirmation de l'Abbé Raynal, publiée en 1751, selon laquelle l'ouverture des cadavres permet de découvrir les causes des maladies et leurs remèdes. Après avoir examiné le livre du médecin M. Barrere, il n'y a pas trouvé les informations promises. L'auteur soutient que les observations anatomiques révèlent souvent les effets des maladies plutôt que leurs causes. Par exemple, dans les cas de fièvre maligne, de phrénésie ou d'apoplexie, les autopsies montrent des vaisseaux sanguins obstrués ou des épanchements de sérum, qui sont des conséquences de la maladie. De même, les maladies pulmonaires ou les abcès au foie sont des effets plutôt que des causes. L'auteur exprime son scepticisme sur l'efficacité des autopsies pour découvrir les causes des maladies et souhaite que le public soit conscient des limites de cette méthode.
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12
p. 177-183
HORLOGERIE. Lettre du sieur Caron fils, Horloger du Roi, à l'Auteur du Mercure.
Début :
MONSIEUR, je suis un jeune artiste qui n'ai l'honneur d'être connu du [...]
Mots clefs :
Académie des sciences, Horloger du roi
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texteReconnaissance textuelle : HORLOGERIE. Lettre du sieur Caron fils, Horloger du Roi, à l'Auteur du Mercure.
HORLOGERI E.
Lettre du fieur Caron fils , Horloger du Roi ,
à l'Auteur du Mercure.
M
ONSIEUR , je fuis un jeune artiſte
qui n'ai l'honneur d'être connu du
public que par l'invention d'un nouvel
échappement à repos pour les montres , que
l'Académie a honoré de fon approbation
& dont les Journaux ont fait mention l'année
paffée. Ce fuccès me fixe à l'état d'horloger
, & je borne toute mon ambition à
acquerir la fcience de mon art ; je n'ai jamais
porté un oeil d'envie fur les productions
de mes confreres :( cette lettre le
prouve ) mais j'ai le malheur de fouffrir
fort impatiemment qu'on veuille m'enle- ver le peu de terrein que l'étude & le travail
m'ont fait défricher ; c'eſt cette chaleur
de fang dont je crains bien que l'âge
ne me corrige pas , qui m'a fait défendre
avec tant d'ardeur les juftes prétentions
que j'avois fur l'invention de mon échappement
, lorſqu'elle me fut conteſtée il y
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
,
a environ dix-huit mois. L'Académie des
Sciences , non feulement me déclara auteur
de cet échappement , mais elle jugea
qu'il étoit dans fon état actuel le plus parfait
qu'on eut encore adapté aux montres ;
cependant elle fçavoit , & je voyois bien
qu'il étoit fufceptible de quelques perfections
mais la néceffité de conftater
promptement mon titre , à laquelle mon
adverfaire me força en publiant fes fauffes
prétentions , m'empêcha de les y ajouter.
Alors devenu poffeffeur tranquille de mon
échappement , j'ai donné tous mes foins
à le rendre encore fupérieur à lui- même ,
& c'eft l'état où il eft maintenant ; mais
en même-tems trop bon citoyen pour en
faire un myftere , je l'ai rendu public autant
qu'il m'a été poffible. Les divers écrits
que cet échappement a occafionné & le
jugement que l'Académie en a porté , attirant
fur lui l'attention des Horlogers , il
devint l'objet des réflexions & des recherches
de quelques- uns des plus habiles d'entr'eux
: deforte que pendant que j'y ajoutois
les petites perfections qui lui manquoient
, M. de Romilly s'apperçut qu'effectivement
il en étoit fufceptible ; il y travailla
de fon côté , & préfenta à l'Académie
en Décembre 1754 le changement
qu'il y avoit fait ; le ſoir même de ſa préJUILLET.
1755. 179
fentation M. Le Roy m'en ayant apporté la
nouvelle , je demandai fur le champ à
l'Académie , qu'en faveur de ma qualité
d'Auteur , elle voulut bien examiner avant
tout l'état de perfection auquel j'avois moimême
porté mon échappement . Cette perfection
étoit des repos plus près du centre
& des arcs de vibrations plus étendus ,
elle y confentit , & l'examen qu'elle fit
des piéces que nous préfentâmes , l'un &
l'autre lui montra que M. Romilly avoit
atteint le même but que moi en travaillant
fur le même fujet : ainfi l'Académie
toujours équitable dans les jugemens , ne
voulant pas accorder plus d'avantage fur
cette perfection à ma qualité d'Auteur de
l'échappement qu'à l'antériorité de préfentation
de M. de Romilly , qui n'eft
effectivement que d'un feul jour , a dévré
à chacun de nous le certificat fuivant
, que je publie d'autant plus volontiers
que M. de Romilly qui a jugé mon
échappement digne de fes recherches , eft
un très - galant homme , & que j'eftime véritablement
d'ailleurs je ferois fâché que
cette petite concurrence entre lui & mor
pût être envisagée comme une difpute femblable
à la premiere ; l'émulation qui anime
les honnêtes gens mérite un nom plus
honorable. J'ai l'honneur d'être , & c.
Extrait des Regiftres de l'Académie royale
des Sciences , du 11 Juin 1755.
>
MM . de Mairan, de Montigni & Le Roi,
qui avoient été nommés pour examiner une
montre à fecondes , à laquelle eft adapté
l'échappement du fieur Caron fils , perfectionné
par le fieur Romilly , Horloger ,
citoyen de Genêve , & par lui préfentée
à l'Académie , avec un mémoire fur les
échappemens en général , en ayant fait
leur rapport , l'Académie a jugé que le
changement fait à cet échappement , &
qui permet d'en rendre le cylindre auffr
petit qu'on le juge à propos : de rapprocher
les points de repos du centre , & de
donner aux arcs du balancier plus de trois
cens dégrés d'étendue , étoit ingénieux &
utile , mais en même- tems elle ne peut douter
que le fieur Caron n'ait de fon côté
porté fon échappement au même dégré de
perfection ; puifque le jour même que M.
Le Roi , l'un des Commiffaires, lui en donna
connoiffance en Décembre 1754 , cet
Horloger lui fit voir un modele de fon
échappement qu'il avoit perfectionné , auquel
il travailloit alors, & dont la roue d'échappement
avoit les dents fouillées par
derriere , & étoit exactement femblable.
à la conftruction du fieur Romilly , dont
JUILLET. 1755. 181
il n'avoit cependant point eu de communication
; d'ailleurs dans la boîte de preuve
que le fieur Caron dépofa en Septembre
1753 au Secrétariat de l'Académie , &
qui eft jufques à préfent reftée entre les
mains de MM. les Commiffaires , il y a
plufieurs petits cylindres dont les repos
font très- près du centre , mais qu'il n'eut
pas alors le tems de perfectionner.
Ainfi le mérite d'avoir amené cette invention
au point de perfection dont elle
étoit fufceptible , appartient également au
fieur Romilly & au fieur Caron fon auteur
; mais le fieur Romilly en a préſenté
la premiere exécution : en foi de quoi j'ai
figné le préfent certificat . A Paris , ce 14
Juin 1715.
Grandjean de Fouchy , Secrétaire
perpétuel de l'Académie royale
des Sciences .
Je profite de cette occafion pour répondre
à quelques objections qu'on a faites fur
mon échappement dans divers écrits rendus
publics. En fe fervant de cet échappement
, a-t-on dit , on ne peut pas faire des
montres plates , ni même de petites montres.
Ce qui fuppofé vrai , rendroit le meilleur
échappement connu très-incommode , des
182 MERCURE DE FRANCE.
faits feront toute ma réponſe . Plufieurs
expériences m'ayaut démontré que mon
échappement corrigeoit par fa nature les
inégalités du grand reffort fans aucun befoin
d'un autre régulateur , j'ai fupprimé
de mes montres toutes les pièces qui exigeoient
de la hauteur au mouvement ,
comme la fufée , la chaîne , la potence ,
toute roue à couronne , fur- tout celles dont
l'axe eft parallele aux platines dans les
montres ordinaires , & toutes les piéces
que ces principales entraînoient à leur fuite.
Par ce moyen je fais des montres aufſi
plates qu'on le juge à propos , & plus plates
qu'on en ait encore faites , fans que
cette commodité diminue en rien de leur
bonté. La premiere de ces montres fimplifiées
eft entre les mains du Roi. Sa Majefté
la porte depuis un an , & en eft trèscontente.
Si des faits répondent à la premiere
objection , des faits répondent également
à la feconde . J'ai eu l'honneur de
préfenter à Mme de Pompadour ces jours
paffés une montre dans une bague, de cette
nouvelle conftruction fimplifiée , la plus
petite qui ait encore été faite ; elle n'a que
quatre lignes & demie de diametre , &
une ligne moins un tiers de hauteur entre
les platines . Pour rendre cette bague plus
commode , j'ai imaginé en place de clef
JUILLE T. 1755. 183
un cercle autour du cadran , portant un
petit crochet faillant ; en tirant ce crochet
avec l'ongle , environ les deux tiers
du tour du cadran , la bague eft remontée ,
& elle va trente heures. Avant que de la
porter à Mme de Pompadour , j'ai vû cette
bague fuivre exactement pendant cinq
jours ma pendule à fecondes , ainfi en
fe fervant de mon échappement & de ma
conftruction on peut donc faire d'excellentes
montres auffi plates:& auffi petites
qu'on le jugera à propos.
J'ai l'honneur d'être , &c.
CARON fils , Horloger du Roi.
Rue S. Denis , près celle de la Chanvererie.
A Paris , le 16 Juin 1755 .
Lettre du fieur Caron fils , Horloger du Roi ,
à l'Auteur du Mercure.
M
ONSIEUR , je fuis un jeune artiſte
qui n'ai l'honneur d'être connu du
public que par l'invention d'un nouvel
échappement à repos pour les montres , que
l'Académie a honoré de fon approbation
& dont les Journaux ont fait mention l'année
paffée. Ce fuccès me fixe à l'état d'horloger
, & je borne toute mon ambition à
acquerir la fcience de mon art ; je n'ai jamais
porté un oeil d'envie fur les productions
de mes confreres :( cette lettre le
prouve ) mais j'ai le malheur de fouffrir
fort impatiemment qu'on veuille m'enle- ver le peu de terrein que l'étude & le travail
m'ont fait défricher ; c'eſt cette chaleur
de fang dont je crains bien que l'âge
ne me corrige pas , qui m'a fait défendre
avec tant d'ardeur les juftes prétentions
que j'avois fur l'invention de mon échappement
, lorſqu'elle me fut conteſtée il y
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
,
a environ dix-huit mois. L'Académie des
Sciences , non feulement me déclara auteur
de cet échappement , mais elle jugea
qu'il étoit dans fon état actuel le plus parfait
qu'on eut encore adapté aux montres ;
cependant elle fçavoit , & je voyois bien
qu'il étoit fufceptible de quelques perfections
mais la néceffité de conftater
promptement mon titre , à laquelle mon
adverfaire me força en publiant fes fauffes
prétentions , m'empêcha de les y ajouter.
Alors devenu poffeffeur tranquille de mon
échappement , j'ai donné tous mes foins
à le rendre encore fupérieur à lui- même ,
& c'eft l'état où il eft maintenant ; mais
en même-tems trop bon citoyen pour en
faire un myftere , je l'ai rendu public autant
qu'il m'a été poffible. Les divers écrits
que cet échappement a occafionné & le
jugement que l'Académie en a porté , attirant
fur lui l'attention des Horlogers , il
devint l'objet des réflexions & des recherches
de quelques- uns des plus habiles d'entr'eux
: deforte que pendant que j'y ajoutois
les petites perfections qui lui manquoient
, M. de Romilly s'apperçut qu'effectivement
il en étoit fufceptible ; il y travailla
de fon côté , & préfenta à l'Académie
en Décembre 1754 le changement
qu'il y avoit fait ; le ſoir même de ſa préJUILLET.
1755. 179
fentation M. Le Roy m'en ayant apporté la
nouvelle , je demandai fur le champ à
l'Académie , qu'en faveur de ma qualité
d'Auteur , elle voulut bien examiner avant
tout l'état de perfection auquel j'avois moimême
porté mon échappement . Cette perfection
étoit des repos plus près du centre
& des arcs de vibrations plus étendus ,
elle y confentit , & l'examen qu'elle fit
des piéces que nous préfentâmes , l'un &
l'autre lui montra que M. Romilly avoit
atteint le même but que moi en travaillant
fur le même fujet : ainfi l'Académie
toujours équitable dans les jugemens , ne
voulant pas accorder plus d'avantage fur
cette perfection à ma qualité d'Auteur de
l'échappement qu'à l'antériorité de préfentation
de M. de Romilly , qui n'eft
effectivement que d'un feul jour , a dévré
à chacun de nous le certificat fuivant
, que je publie d'autant plus volontiers
que M. de Romilly qui a jugé mon
échappement digne de fes recherches , eft
un très - galant homme , & que j'eftime véritablement
d'ailleurs je ferois fâché que
cette petite concurrence entre lui & mor
pût être envisagée comme une difpute femblable
à la premiere ; l'émulation qui anime
les honnêtes gens mérite un nom plus
honorable. J'ai l'honneur d'être , & c.
Extrait des Regiftres de l'Académie royale
des Sciences , du 11 Juin 1755.
>
MM . de Mairan, de Montigni & Le Roi,
qui avoient été nommés pour examiner une
montre à fecondes , à laquelle eft adapté
l'échappement du fieur Caron fils , perfectionné
par le fieur Romilly , Horloger ,
citoyen de Genêve , & par lui préfentée
à l'Académie , avec un mémoire fur les
échappemens en général , en ayant fait
leur rapport , l'Académie a jugé que le
changement fait à cet échappement , &
qui permet d'en rendre le cylindre auffr
petit qu'on le juge à propos : de rapprocher
les points de repos du centre , & de
donner aux arcs du balancier plus de trois
cens dégrés d'étendue , étoit ingénieux &
utile , mais en même- tems elle ne peut douter
que le fieur Caron n'ait de fon côté
porté fon échappement au même dégré de
perfection ; puifque le jour même que M.
Le Roi , l'un des Commiffaires, lui en donna
connoiffance en Décembre 1754 , cet
Horloger lui fit voir un modele de fon
échappement qu'il avoit perfectionné , auquel
il travailloit alors, & dont la roue d'échappement
avoit les dents fouillées par
derriere , & étoit exactement femblable.
à la conftruction du fieur Romilly , dont
JUILLET. 1755. 181
il n'avoit cependant point eu de communication
; d'ailleurs dans la boîte de preuve
que le fieur Caron dépofa en Septembre
1753 au Secrétariat de l'Académie , &
qui eft jufques à préfent reftée entre les
mains de MM. les Commiffaires , il y a
plufieurs petits cylindres dont les repos
font très- près du centre , mais qu'il n'eut
pas alors le tems de perfectionner.
Ainfi le mérite d'avoir amené cette invention
au point de perfection dont elle
étoit fufceptible , appartient également au
fieur Romilly & au fieur Caron fon auteur
; mais le fieur Romilly en a préſenté
la premiere exécution : en foi de quoi j'ai
figné le préfent certificat . A Paris , ce 14
Juin 1715.
Grandjean de Fouchy , Secrétaire
perpétuel de l'Académie royale
des Sciences .
Je profite de cette occafion pour répondre
à quelques objections qu'on a faites fur
mon échappement dans divers écrits rendus
publics. En fe fervant de cet échappement
, a-t-on dit , on ne peut pas faire des
montres plates , ni même de petites montres.
Ce qui fuppofé vrai , rendroit le meilleur
échappement connu très-incommode , des
182 MERCURE DE FRANCE.
faits feront toute ma réponſe . Plufieurs
expériences m'ayaut démontré que mon
échappement corrigeoit par fa nature les
inégalités du grand reffort fans aucun befoin
d'un autre régulateur , j'ai fupprimé
de mes montres toutes les pièces qui exigeoient
de la hauteur au mouvement ,
comme la fufée , la chaîne , la potence ,
toute roue à couronne , fur- tout celles dont
l'axe eft parallele aux platines dans les
montres ordinaires , & toutes les piéces
que ces principales entraînoient à leur fuite.
Par ce moyen je fais des montres aufſi
plates qu'on le juge à propos , & plus plates
qu'on en ait encore faites , fans que
cette commodité diminue en rien de leur
bonté. La premiere de ces montres fimplifiées
eft entre les mains du Roi. Sa Majefté
la porte depuis un an , & en eft trèscontente.
Si des faits répondent à la premiere
objection , des faits répondent également
à la feconde . J'ai eu l'honneur de
préfenter à Mme de Pompadour ces jours
paffés une montre dans une bague, de cette
nouvelle conftruction fimplifiée , la plus
petite qui ait encore été faite ; elle n'a que
quatre lignes & demie de diametre , &
une ligne moins un tiers de hauteur entre
les platines . Pour rendre cette bague plus
commode , j'ai imaginé en place de clef
JUILLE T. 1755. 183
un cercle autour du cadran , portant un
petit crochet faillant ; en tirant ce crochet
avec l'ongle , environ les deux tiers
du tour du cadran , la bague eft remontée ,
& elle va trente heures. Avant que de la
porter à Mme de Pompadour , j'ai vû cette
bague fuivre exactement pendant cinq
jours ma pendule à fecondes , ainfi en
fe fervant de mon échappement & de ma
conftruction on peut donc faire d'excellentes
montres auffi plates:& auffi petites
qu'on le jugera à propos.
J'ai l'honneur d'être , &c.
CARON fils , Horloger du Roi.
Rue S. Denis , près celle de la Chanvererie.
A Paris , le 16 Juin 1755 .
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Résumé : HORLOGERIE. Lettre du sieur Caron fils, Horloger du Roi, à l'Auteur du Mercure.
Caron fils, horloger du Roi, adresse une lettre à l'auteur du Mercure pour présenter son nouvel échappement à repos pour montres, inventé et approuvé par l'Académie des Sciences. Il exprime son désir de se concentrer sur l'amélioration de son art sans envie envers ses confrères, mais défend ses inventions lorsqu'elles sont contestées. En 1754, l'Académie des Sciences a reconnu Caron fils comme l'auteur de cet échappement, le jugeant le plus parfait à l'époque, bien que susceptible de perfectionnements. Forcé de confirmer rapidement sa paternité, il n'a pas pu ajouter immédiatement ces améliorations. Par la suite, il a continué à perfectionner son échappement et l'a rendu public. L'échappement a attiré l'attention de plusieurs horlogers, dont M. de Romilly, qui a également apporté des améliorations. En décembre 1754, Romilly a présenté ses modifications à l'Académie. Caron fils a alors demandé à l'Académie d'examiner son propre échappement perfectionné. L'Académie a conclu que les deux horlogers avaient atteint un même niveau de perfection, et a délivré un certificat reconnaissant leurs contributions égales, tout en notant que Romilly avait présenté ses modifications en premier. Caron fils répond également à des objections sur son échappement, affirmant qu'il permet de fabriquer des montres plates et petites. Il mentionne que le Roi possède une montre simplifiée selon sa nouvelle construction et que Mme de Pompadour a reçu une montre-bague extrêmement petite et précise.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 42
Lettre à l'Auteur du Mercure.
Début :
MONSIEUR, j'entre dans le monde, & je me suis informé de ce qu'il [...]
Mots clefs :
Auteur du Mercure, Poète
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre à l'Auteur du Mercure.
Lettre à l'Auteur du Mercure.
ONSIEUR , j'entre dans le monde,
& je me fuis informé de ce qu'il
pour s'y avancer rapidement . Quatre
chofes , m'a-t-on répondu. Beaucoup de
talent pour voiler la vérité , prefque autant
de goût pour la galanterie , une pointe
de médifance , & par- deffus tout un petit
air de dévotion. Comme je fuis timide
, je n'ai pas ofé me produire fans effayer
à part moi fi je réuffirois . Mais comment
m'y prendre ? Je n'avois jamais fait de
vers ; j'ai imaginé d'en compofer fur les
quatre genres : Ainfi c'eſt la timidité qui
m'a créé poëte , & c'eft beaucoup ; car je
ne croyois jamais pouvoir faire quelque
chofe de cette timidité là. Ce font ces
effais que je vous envoie. Vous n'en prendrez
pour le Mercure que ce qu'il vous
lè
plaira Mais prenez- y garde , Monfieur ,
la chofe eft plus fériqufe que vous ne penfez.
C'eft du genre que vous choiſirez ,
que dépendra le caractere que j'apporterai
dans le monde.
J'ai l'honneur d'être , &c.
G ***
ONSIEUR , j'entre dans le monde,
& je me fuis informé de ce qu'il
pour s'y avancer rapidement . Quatre
chofes , m'a-t-on répondu. Beaucoup de
talent pour voiler la vérité , prefque autant
de goût pour la galanterie , une pointe
de médifance , & par- deffus tout un petit
air de dévotion. Comme je fuis timide
, je n'ai pas ofé me produire fans effayer
à part moi fi je réuffirois . Mais comment
m'y prendre ? Je n'avois jamais fait de
vers ; j'ai imaginé d'en compofer fur les
quatre genres : Ainfi c'eſt la timidité qui
m'a créé poëte , & c'eft beaucoup ; car je
ne croyois jamais pouvoir faire quelque
chofe de cette timidité là. Ce font ces
effais que je vous envoie. Vous n'en prendrez
pour le Mercure que ce qu'il vous
lè
plaira Mais prenez- y garde , Monfieur ,
la chofe eft plus fériqufe que vous ne penfez.
C'eft du genre que vous choiſirez ,
que dépendra le caractere que j'apporterai
dans le monde.
J'ai l'honneur d'être , &c.
G ***
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Résumé : Lettre à l'Auteur du Mercure.
L'auteur d'une lettre, timide, décrit les qualités nécessaires pour s'intégrer dans le monde : talent pour voiler la vérité, goût pour la galanterie, méfiance et dévotion. Il compose des vers sur quatre genres littéraires, devenant poète. Il envoie ses œuvres à l'auteur du Mercure, lui laissant le choix de publication, tout en précisant que le genre choisi déterminera son caractère.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 184-186
Lettre à l'Auteur du Mercure.
Début :
MONSIEUR, les deux articles que vous avez insérés sous mon nom [...]
Mots clefs :
Public, Histoire naturelle, Artois
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texteReconnaissance textuelle : Lettre à l'Auteur du Mercure.
Leure à l'Auteur du Mercure.
ONSIEUR , les deux articles que
M inférés fous mon nom Vous avez
dans le Mercure du mois de Mai dernier ,
ont furpris certaines perfonnes réellement
fçavantes , ou fimplement curieufes , &
les ont engagées à me demander fi les faits
dont je parle , font auffi réels qu'ils font
intéreffans , & pour quelles raifons j'en
cachois au public les preuves & les détails.
Un particulier de Paris ne s'eft pas contentéde
faire ces demandes générales , il en
a fait de particulieres , & paroît exiger que
je lui communique à lui-même les détails
de mes découvertes dans l'Artois. Je crois
SEPTEMBRE. 1755. 185
devoir répondre en deux mots à ces interrogations.
Je ferois difpenfé de le faire ,
fi on n'avoit pas fouftrait , * fans mon aven ,
dans un de mes deux derniers extraits
quelques termes qui annonçoient mes travaux
& mes projets , & qui auroient prévenu
les demandes qu'on me fait aujourd'hui.
Je travaille depuis plufieurs années
à de mémoires fur l'Hiftoire naturelle &
ancienne de la province d'Artois , que j'ef
pere donner au public , quand j'aurai un
peu plus de tems. Les preuves de détail
qu'on me demande , font des richeffes que
j'ai acquifes , & dont je n'ai point envie
de me dépouiller fi -tôt en faveur de qui
que ce foit , parce qu'elles doivent faire
une partie de mon ouvrage ; je me fuis
contenté d'en indiquer en général quelques-
unes dans un difcours fur l'Hiftoire
naturelle , lû à l'Affemblée publique de la
Société Littéraire d'Arras en 1754 ; mais
je réſerve les détails circonftanciés pour
l'ouvrage que je deftine au public. Il n'eft
pas naturel que je les communique à un
particulier avant le tems. Les faits que j'ai
annoncés ' , font réels. La chauffée romaine
a été découverte. Il en exifte encore une
partie : on ne peut fe tromper aux marques
caracteristiques qu'elle a offertes aux
* C'eſt la Société d'Arras qui a fait cette fuppreffon.
186 MERCURE DE FRANCE .
travailleurs. Les monnoies celtiques , ou
du moins que je crois telles , trouvées dans
l'Artois , ne préfentent pas toutes des caracteres
celtiques; vous fçavez , Monſieur,
qu'il y en a de différentes efpeces ; celle
qui en a de deux côtés , n'en eft pas pour
cela plus lifible. Quand je les aurai fait
graver exactement , je fupplierai Meffieurs
de l'Académie royale des Infcriptions &
Belles - Lettres , de les examiner , & de
m'aider à en donner l'explication . Je me
ferai toujours gloire de foumettre à leurs
lumieres toutes mes découvertes & mes
obfervations.
Les tombeaux trouvés à Dinville ne
peuvent autorifer que des conjectures fur
leur antiquité ; c'eft pourquoi j'ai ajouté ,
quand j'en ai parlé , que peut - être ils
avoient plus de deux mille ans. Leur matiere
& leur forme femblent confirmer ce
que j'ai avancé : au refte ils feront gravés ,
& j'expoferai dans le tems les raifons qui
me paroiffent indiquer la plus haute antiquité.
Si les vafes trouvés dans la fabliere de
Baralle ne font pas Romains , leur forme
paroît l'être , & une gravûre exacte affurera
peut- être qu'ils le font en effet.
J'ai l'honneur d'être , &c.
J.M. Lucas , de la Compagnie de Jefus.
A Arras , ce 22 Juillet 1755.
ONSIEUR , les deux articles que
M inférés fous mon nom Vous avez
dans le Mercure du mois de Mai dernier ,
ont furpris certaines perfonnes réellement
fçavantes , ou fimplement curieufes , &
les ont engagées à me demander fi les faits
dont je parle , font auffi réels qu'ils font
intéreffans , & pour quelles raifons j'en
cachois au public les preuves & les détails.
Un particulier de Paris ne s'eft pas contentéde
faire ces demandes générales , il en
a fait de particulieres , & paroît exiger que
je lui communique à lui-même les détails
de mes découvertes dans l'Artois. Je crois
SEPTEMBRE. 1755. 185
devoir répondre en deux mots à ces interrogations.
Je ferois difpenfé de le faire ,
fi on n'avoit pas fouftrait , * fans mon aven ,
dans un de mes deux derniers extraits
quelques termes qui annonçoient mes travaux
& mes projets , & qui auroient prévenu
les demandes qu'on me fait aujourd'hui.
Je travaille depuis plufieurs années
à de mémoires fur l'Hiftoire naturelle &
ancienne de la province d'Artois , que j'ef
pere donner au public , quand j'aurai un
peu plus de tems. Les preuves de détail
qu'on me demande , font des richeffes que
j'ai acquifes , & dont je n'ai point envie
de me dépouiller fi -tôt en faveur de qui
que ce foit , parce qu'elles doivent faire
une partie de mon ouvrage ; je me fuis
contenté d'en indiquer en général quelques-
unes dans un difcours fur l'Hiftoire
naturelle , lû à l'Affemblée publique de la
Société Littéraire d'Arras en 1754 ; mais
je réſerve les détails circonftanciés pour
l'ouvrage que je deftine au public. Il n'eft
pas naturel que je les communique à un
particulier avant le tems. Les faits que j'ai
annoncés ' , font réels. La chauffée romaine
a été découverte. Il en exifte encore une
partie : on ne peut fe tromper aux marques
caracteristiques qu'elle a offertes aux
* C'eſt la Société d'Arras qui a fait cette fuppreffon.
186 MERCURE DE FRANCE .
travailleurs. Les monnoies celtiques , ou
du moins que je crois telles , trouvées dans
l'Artois , ne préfentent pas toutes des caracteres
celtiques; vous fçavez , Monſieur,
qu'il y en a de différentes efpeces ; celle
qui en a de deux côtés , n'en eft pas pour
cela plus lifible. Quand je les aurai fait
graver exactement , je fupplierai Meffieurs
de l'Académie royale des Infcriptions &
Belles - Lettres , de les examiner , & de
m'aider à en donner l'explication . Je me
ferai toujours gloire de foumettre à leurs
lumieres toutes mes découvertes & mes
obfervations.
Les tombeaux trouvés à Dinville ne
peuvent autorifer que des conjectures fur
leur antiquité ; c'eft pourquoi j'ai ajouté ,
quand j'en ai parlé , que peut - être ils
avoient plus de deux mille ans. Leur matiere
& leur forme femblent confirmer ce
que j'ai avancé : au refte ils feront gravés ,
& j'expoferai dans le tems les raifons qui
me paroiffent indiquer la plus haute antiquité.
Si les vafes trouvés dans la fabliere de
Baralle ne font pas Romains , leur forme
paroît l'être , & une gravûre exacte affurera
peut- être qu'ils le font en effet.
J'ai l'honneur d'être , &c.
J.M. Lucas , de la Compagnie de Jefus.
A Arras , ce 22 Juillet 1755.
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Résumé : Lettre à l'Auteur du Mercure.
J.M. Lucas, membre de la Compagnie de Jésus, répond à des interrogations soulevées par la publication de deux articles dans le Mercure de mai 1755. Il travaille depuis plusieurs années sur des mémoires concernant l'histoire naturelle et ancienne de l'Artois, qu'il prévoit de publier. Lucas ne souhaite pas divulguer les preuves détaillées de ses découvertes avant la publication de son ouvrage, mais il a déjà présenté certaines preuves lors d'un discours à la Société Littéraire d'Arras en 1754. Il confirme la réalité des faits annoncés, notamment la découverte d'une chaussée romaine et de monnaies celtiques. Il prévoit de faire graver ces monnaies pour les soumettre à l'Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres. Concernant les tombeaux trouvés à Dinville, Lucas estime leur antiquité à plus de deux mille ans. Les vases trouvés dans la fablière de Baralle pourraient être d'origine romaine. Lucas exprime son honneur de soumettre ses découvertes à l'examen des experts.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 198
Lettre de M. de la Chapelle, Censeur royal à l'Auteur du Mercure.
Début :
Il vient de paroître, Monsieur, un Examen des dernieres observations de M. de Lalande, de l'Académie [...]
Mots clefs :
Académie royale des sciences
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre de M. de la Chapelle, Censeur royal à l'Auteur du Mercure.
Lettre de M. de la Chapelle , Cenfeur royal , à
l'Auteur du Mercure.
L vient de paroître , Monfieur , un Examen des
dernieres obfervations de M. de Lalande, de l'Académie
royale des Sciences , par M. Jodin , Horloger
, en date du 20 Juillet 1755 , chez Lambert , &
muni de mon approbation , du 4 Août . Au manufcrit
que j'ai paraphé , on en a ſubſtitué un autre
, qui paffe de beaucoup les bornes de la modération
& d'une défenſe légitime . L'honnêteté publique
y eft peu ménagée , & l'on y manque d'égards
pour le corps refpectable de l'Académie des
Sciences. Je n'ai donc aucune part à cette brochure
. L'Auteur en convient ; & c'eft pour cela ,
Monfieur › que je vous prie de rendre cette Lettre
publique. Je fuis , &c.
Nous ajoutons que
que la brochure eft
A Paris , ce 21 Août 1755 .
l'Avertiffement eft aufli faux
mefurée.
l'Auteur du Mercure.
L vient de paroître , Monfieur , un Examen des
dernieres obfervations de M. de Lalande, de l'Académie
royale des Sciences , par M. Jodin , Horloger
, en date du 20 Juillet 1755 , chez Lambert , &
muni de mon approbation , du 4 Août . Au manufcrit
que j'ai paraphé , on en a ſubſtitué un autre
, qui paffe de beaucoup les bornes de la modération
& d'une défenſe légitime . L'honnêteté publique
y eft peu ménagée , & l'on y manque d'égards
pour le corps refpectable de l'Académie des
Sciences. Je n'ai donc aucune part à cette brochure
. L'Auteur en convient ; & c'eft pour cela ,
Monfieur › que je vous prie de rendre cette Lettre
publique. Je fuis , &c.
Nous ajoutons que
que la brochure eft
A Paris , ce 21 Août 1755 .
l'Avertiffement eft aufli faux
mefurée.
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Résumé : Lettre de M. de la Chapelle, Censeur royal à l'Auteur du Mercure.
M. de la Chapelle, Censeur royal, a approuvé un manuscrit de M. Jodin sur les observations de M. de Lalande le 4 août 1755. Un texte substitué, irrespectueux envers l'Académie des Sciences, a été publié. M. de la Chapelle dénie toute responsabilité et demande la publication de sa lettre pour clarifier sa position. La lettre est datée du 21 août 1755 à Paris.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 206-216
MANUFACTURES. RÉFLEXIONS sur la Critique d'un Mémoire sur les Laines, adressées à l'Auteur du Mercure.
Début :
MONSIEUR, le jugement favorable que vous avez porté d'un Mémoire sur les [...]
Mots clefs :
Laines, Mémoire, Année littéraire, Laines d'Angleterre, Laines d'Espagne, Laboureurs, Pâturages, Climat
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MANUFACTURES. RÉFLEXIONS sur la Critique d'un Mémoire sur les Laines, adressées à l'Auteur du Mercure.
MANUFACTURES.
RÉFLEXION S fur la Critique d'un Mémoire
fur les Laines , adreffées à l'Auteur
du Mercure.
MONSIEUR , le jugement favorable
que vous avez porté d'un Mémoire fur les
OCTOBRE. 1755. 207
Laines , m'engage à vous adreffer quelques
réflexions fur une critique dans laquelle
on femble prendre à tâche de le décrier .
La critique que j'examine fe trouve à la
page 289. lettre 13 de l'Année littéraire.
Si le mémoire couronné par l'Académie
d'Amiens , eft dans fa totalité tel qu'on le
repréfente , il falloit , ce femble , omettre
à la tête de la critique & le nom de l'Académie
& le nom du protecteur ; puifque
c'eft fuppofer qu'ils ont autorifé de leurs fuffrages
un écrit qu'on entreprend de fronder .
Pag. 291. Le premier reproche qu'on
fait à cet ouvrage , c'eft qu'on n'y explique
pas comment les laines d'Efpagne & d'Angleterre
, qui du tems des Romains étoient
fi inférieures aux nôtres , ont à la fin pris
le deffus. L'Annalifte n'avoit fûrement pas
lu tout le mémoire quand il a hafardé ce
reproche. On trouve dès le commencement
de la troiſieme partie , l'hiftoire de ce
changement & les détails qu'on fuppofe
l'Auteur. Voyez le mémoire depuis
la pag. 59 jufqu'à la pag. 71 .
omis
par
Ann. litt. p. 292. On avance à la fin de
cette page que la premiere partie de ce
mémoire n'eft que l'abrégé des détails qu'on
lit dans la maifon ruftique & dans le dictionnaire
de Savary. Cet aveu eft un peu
oppofé au jugement que l'on porte ailleurs
208 MERCURE DE FRANCE.
de la totalité de l'ouvrage , en difant qu'il
péche d'un bout à l'autre par un défaut de
précifion. Il faut apparément excepter les
cinquante pages qui forment cet Abrégé
des détails qu'on trouve dans deux livres
eftimés.
Par cette remarque on veut fans doute ,
donner à entendre qu'on s'eft ici paré des
dépouilles d'autrui : c'eft pourtant ce que
n'a point fait l'auteur du mémoire. Il
avertit qu'il s'eft aidé de ces deux ouvrages,
& il auroit pu avancer , fans crainte d'être
dédit , qu'il y a dans cette premiere partie
plufieurs chofes qui viennent de fon fond.
J'ai remarqué entr'autres particularités ce
qu'on trouve pag. 12. touchant la formation
de la laine , pag 15. fur l'abus des
pelades , pag 32. fur la caufe phyfique de
la diverfité des laines , pag. 42. fur la différence
des climats de la France où la laine
croît abondamment.
Ibid. Peut-être eft ce de ma part manque
de jugement ou défaut de critique ;
mais je ne trouve aucune contradiction
dans ce que l'auteur du mémoire expofe
touchant les caufes phyfiques qui influent
fur la mauvaise qualité des laines du Levant
& du Nord . Voici le raifonnement
du critique dans tout fon jour. Le chaud
exceffif deffeche les laines du Levant ; le
T
OCTOBRE 1755 209
froid qu'on éprouve dans les régions feptentrionales
les plus reculées , occafionne
la dureté des laines qui y croiffent : or
l'Eſpagne étant un pays plus chaud que la
France , & l'Angleterre un pays plus froid ,
il fuit que nous devons dépouiller en France
des laines plus parfaites qu'en Angleterre
& qu'en Efpagne qui font deux pays
moins tempérés que le nôtre.
J'entrevois trois réponſes à cette diffité.
1° . L'Auteur du mémoire que l'on combat
, fe fait à lui -même cette objection à
la page 111 de fon écrit , il la nomme un
argument banal qu'il réfute affez bien,
20. Cette difficulté auroit quelque vraifemblance
, fi l'on attribuoit à la feule influence
du climat la perfection des laines
d'Efpagne & d'Angleterre ; mais on affure
encore ici que le dégré de bonté de ces
laines a auffi fa fource dans la qualité des
pâturages & dans l'importation d'une race
étrangere. La page 293 des Feuilles porte
expreflément cette remarque ; on y trouve
d'après le mémoire attaqué , les expreffions
fuivantes : Trois chofes ont concours
à donner aux laines d'Espagne & d'Angleterre
la fupériorité qu'elles ont fur les nôtres
la race , le climat & les pâturages.
3°. Je fuis étonné qu'une perfonne répandue
comme l'auteur des Feuilles ait
210 MERCURE DE FRANCE.
tardé jufqu'ici à fçavoir que le climat en
Angleterre eft beaucoup plus doux & plus
tempéré que le nôtre ; qu'il life Savary au
mot Laine : cet Auteur remarque que l'hyver
en Angleterre n'a point de rigueurs
qui obligent de renfermer les troupeaux
de bêtes blanches. On a fort bien démontré
dans le mémoire que la Caftille n'eſt pas
un pays fi chaud qu'on l'imagine communément
, la pofition de la Caftille étant
à celle de notre Languedoc , à peu près
comme la fituation refpective d'Orléans &
d'Amiens. Je tiens d'un Négociant efpagnol
fort inftruit que dans les montagnes
de Grenade & de Léon , & fur la plupart
des côtaux où l'on mene les bêtes blanches
pour pâturer , les chaleurs les plus vives de
l'été font beaucoup tempérées tant par les
abris que par les exhalaifons des vallées .
Ann. Litt. p. 298. Nous ne trouvons pas
que les préambules contenus dans cet écrit,
foient ou inutiles ou déplacés ; ils font communément
courts & bien écrits . Il est vrai
que celui fur lequel on tâche de jetter un
ridicule auroit pu être abrégé : mais ce
n'eft pas un hors - d'oeuvre diffus , comme
on femble l'infinuer. Il contient environ
trente- cinq lignes. Sur quoi il nous femble
que fi l'Auteur du mémoire vouloit
aller un jour en récriminant , il pourroit
OCTOBRE . 1755 . 211
prendre fon adverfaire en défaut , & le
forcer à reconnoître qu'il eft quelquefois
concis , s'il eft vrai qu'il ait eu le fecret de
faire l'hiſtoire des habits de tout le genre
humain depuis la création jufqu'à préfent
dans l'efpace d'environ trente- cinq lignes .
Ann. Litt . p. 295. Mais le point qui
paroît mériter l'attention de tout bon citoyen
, c'est l'endroit où l'auteur , fans en
apporter de raiſon , taxe d'infuffifans &
d'impoffibles les moyens par lefquels on
démontre qu'il feroit très-avantageux à
notre commerce d'importer en France une
race étrangere. Si l'adverfaire a raiſon ;
nos maîtres les plus habiles font dans le
tort , ou s'il n'entend pas la queftion , pour
quoi s'ingere-t-il à prononcer fans examen
fur une mariere auffi importante ? Voici un
raifonnement qu'on qualifie de fophifme.
Trois chofes ont concouru à l'amélioration
des laines d'Efpagne & d'Angleterre
; l'importation d'une race étrangere ,
le climat , les pâturages choifis : imitons
nos voisins , s'il eft poffible ; mais pour
le
faire avec fruit , quelle race tranfporterons-
nous ? Avons- nous dans quelque lieu
de notre France une température qui favorife
l'importation d'une race plus parfaite ?
avons- nous des pâturages où placer ces bêtes?
On prouve ainfi que nous pouvons imi212
MERCURE DE FRANCE.
.
ter les Efpagnols : car , dit-on , l'exportation
projettée a été heureufement tentée
dans l'une des extrémités méridionales de
notre France. Des bêtes efpagnoles placées
en Languedoc vers la fin du fiecle paffé ,
y portent préfentement des laines plus
fines , & du double plus abondantes que
les laines du pays. L'on ne s'en tient pas à
des témoignages vagues : l'on cite pour
garant l'auteur de la Maiſon ruftique ; on
indique la page & l'édition ; l'on tranfcrit
le texte ; on raifonne fur ce texte , on le
corrige & l'on conclud. Voyez le mém.
pag. 106.
A l'égard de l'exportation des bêtes
blanches hors du Royaume d'Angleterre
pour notre profit , l'on convient ici qu'elle
n'a pas encore eu lieu , mais on croit qu'en
plaçant cette race dans le territoire de Valogne
, & vers le bout de fa prefqu'ifle ,
elle ne peut manquer d'y fructifier ; l'air
& les pâturages y font les mêmes qu'en
Angleterre. Quel rifque peut-on courir en
hafardant ce tranſport ?
Ann. Litt . pag. 297. Je n'ai trouvé en
aucun endroit du mémoire qu'il faut que
nos laboureurs foient des philofophes . On
parle de laboureurs à deux repriſes différentes
. A la pag. 127 du Mémoire , l'on
confeille l'établiſſement d'une Académie
OCTOBRE 1755 213
économique , & l'on dit qu'il feroit à propos
d'agréger à cette compagnie des laboureurs
intelligens. Cet expédient nous paroît
bien imaginé . Pourquoi nos plus beaux
projets manquent- ils le plus fouvent de
réuffite ? c'est qu'on néglige l'artifan , c'eſt
qu'on ne confulte pas affez la nature &
qu'on veut la plupart du tems l'affervir
à des regles imaginées dans le cabinet.
Qu'on place à la tête d'une métairie le plus
célebre Géométre , il s'appercevra bientôt
qu'il eft moins philofophe en fait de culture
que le dernier de fes gens . Sans être
verfé dans la littérature , on peut devenir
philofophe : un métayer qui poffede bien
fon art , peut facilement le devenir dans
fa partie. Il est encore parlé de laboureurs
à la pag. 156. mais on y confidere les chofes
dans l'état préfent & le mot de philofophe
ne fe trouve pas une feule fois dans
tout l'article. On conclud en difant , qu'il
faut laiffer aux plus intelligens le foin de
leurs troupeaux , & éclairer fur leurs propres
intérêts ceux qui ne font pas affez
clairs-voyans ; qu'y a- t- il de répréhenſible
dans cet avis ?
Pag. 298 & 299. Ce qu'on débite en
finiffant , touchant la reffemblance des deux
éditions qu'on a données prefqu'à la fois ,
nous a paru fufceptible de quelque excep-
1
214 MERCURE DE FRANCE.
tion. Dès l'inftant que j'appris qu'il y avoit
à Amiens une édition de ce mémoire , l'envie
ne me vint pas de l'acquérir par la
raifon qu'une édition donnée poftérieurement
par fon auteur est toujours cenfée
preférable à l'autre , n'y eût-il même aucune
différence effective. Mais m'étant avifé
de confronter ce double ouvrage , je me
fuis apperçu que fans parler du ftyle qui eft
plus correct dans l'édition poftérieure , il
y a quant au fond des différences trèsremarquables.
Voici les plus effentielles.
Dans l'édition de Paris , on emploie
trois pages à faire l'hiftoire de l'amélioration
des laines d'Efpagne. On voit avec
plaifir paroître fucceffivement dans ce récit
Columelle , Dom Pedre IV, Ximenès ; rien
de tout cela dans l'édition d'Amiens. Il y
a même ici quelque chofe que l'Auteur a
foigneufement corrigé dans l'édition de
Paris. Il qualifie de vertueux prince Dom
Pedre le cruel , dont le regne fut fignalé
par tant d'inhumanités On ne parle dans
la premiere édition ni des négociations
d'Edouard IV, pour parvenir à avoir en
Angleterre des bêtes blanches pareilles à
celles de Caftille , non plus que des foins
d'Henri VIII & d'Elifabeth , relatifs à cet
objet .
L'Article II eft totalement changé dans
OCTOBRE . 1755. 215
l'édition postérieure , & on infinue dans
celle -ci des points de vue directement
oppofés à ceux qui font exposés dans la
premiere. En voici un exemple : dans l'édition
d'Amiens , on loue l'ordonnance de
1699 comme une loi avantageufe à notre
commerce , & l'on emploie dans l'édition
de Paris deux pages à prouver qu'une telle
loi eft abfolument mal entendue & tout-àfait
deftructive du commerce des laines .
Telles font les différences qui m'ont le
plus frappé.
Tout ceci n'empêche pas que le mémoire
ne fut très- digne du prix , indépendamment
de ces changemens ; mais la réforme
en queſtion ne peut que faire honneur à
l'exactitude & au défintéreſſement de
l'Auteur qui , quoique récompenſé , n'a
pas laiffé de travailler fur nouveaux frais.
Concluons de ce que j'ai dit jufqu'ici ,
que la critique énoncée dans l'Année littéraire
n'eft pas affez fondée. Ce n'est
pas que je veuille attribuer au mémoire
que je défends , un dégré d'irrépréhenfibilité
qu'il n'a pas. Le ftyle quoique
bon en général , pourroit être purgé
de quelques négligences qui font en petit
nombre. Quant au fond , nous jugeons
qu'on pouvoit abréger certains détails ;
mais tout bien examiné , la réforme ne.
216 MERCURE DE FRANCE.
peut aller à guere plus de deux pages fur
la totalité du mémoire. D'ailleurs , comme
on l'a judicieufement remarqué dans
le Journal de Trévoux , Juin. pag. 1432 :
Dans une affaire économique , il vaut mieux
expliquer les chofes en détail que de fe rendre
obfcur par un laconiſme mal entendu . Inférons
encore de tout ceci qu'au lieu de
décourager le zele de l'Auteur , il feroit
à defirer qu'il nous inftruisît un jour plus
à fond fur les détails qui concernent les
Artiſtes .
RÉFLEXION S fur la Critique d'un Mémoire
fur les Laines , adreffées à l'Auteur
du Mercure.
MONSIEUR , le jugement favorable
que vous avez porté d'un Mémoire fur les
OCTOBRE. 1755. 207
Laines , m'engage à vous adreffer quelques
réflexions fur une critique dans laquelle
on femble prendre à tâche de le décrier .
La critique que j'examine fe trouve à la
page 289. lettre 13 de l'Année littéraire.
Si le mémoire couronné par l'Académie
d'Amiens , eft dans fa totalité tel qu'on le
repréfente , il falloit , ce femble , omettre
à la tête de la critique & le nom de l'Académie
& le nom du protecteur ; puifque
c'eft fuppofer qu'ils ont autorifé de leurs fuffrages
un écrit qu'on entreprend de fronder .
Pag. 291. Le premier reproche qu'on
fait à cet ouvrage , c'eft qu'on n'y explique
pas comment les laines d'Efpagne & d'Angleterre
, qui du tems des Romains étoient
fi inférieures aux nôtres , ont à la fin pris
le deffus. L'Annalifte n'avoit fûrement pas
lu tout le mémoire quand il a hafardé ce
reproche. On trouve dès le commencement
de la troiſieme partie , l'hiftoire de ce
changement & les détails qu'on fuppofe
l'Auteur. Voyez le mémoire depuis
la pag. 59 jufqu'à la pag. 71 .
omis
par
Ann. litt. p. 292. On avance à la fin de
cette page que la premiere partie de ce
mémoire n'eft que l'abrégé des détails qu'on
lit dans la maifon ruftique & dans le dictionnaire
de Savary. Cet aveu eft un peu
oppofé au jugement que l'on porte ailleurs
208 MERCURE DE FRANCE.
de la totalité de l'ouvrage , en difant qu'il
péche d'un bout à l'autre par un défaut de
précifion. Il faut apparément excepter les
cinquante pages qui forment cet Abrégé
des détails qu'on trouve dans deux livres
eftimés.
Par cette remarque on veut fans doute ,
donner à entendre qu'on s'eft ici paré des
dépouilles d'autrui : c'eft pourtant ce que
n'a point fait l'auteur du mémoire. Il
avertit qu'il s'eft aidé de ces deux ouvrages,
& il auroit pu avancer , fans crainte d'être
dédit , qu'il y a dans cette premiere partie
plufieurs chofes qui viennent de fon fond.
J'ai remarqué entr'autres particularités ce
qu'on trouve pag. 12. touchant la formation
de la laine , pag 15. fur l'abus des
pelades , pag 32. fur la caufe phyfique de
la diverfité des laines , pag. 42. fur la différence
des climats de la France où la laine
croît abondamment.
Ibid. Peut-être eft ce de ma part manque
de jugement ou défaut de critique ;
mais je ne trouve aucune contradiction
dans ce que l'auteur du mémoire expofe
touchant les caufes phyfiques qui influent
fur la mauvaise qualité des laines du Levant
& du Nord . Voici le raifonnement
du critique dans tout fon jour. Le chaud
exceffif deffeche les laines du Levant ; le
T
OCTOBRE 1755 209
froid qu'on éprouve dans les régions feptentrionales
les plus reculées , occafionne
la dureté des laines qui y croiffent : or
l'Eſpagne étant un pays plus chaud que la
France , & l'Angleterre un pays plus froid ,
il fuit que nous devons dépouiller en France
des laines plus parfaites qu'en Angleterre
& qu'en Efpagne qui font deux pays
moins tempérés que le nôtre.
J'entrevois trois réponſes à cette diffité.
1° . L'Auteur du mémoire que l'on combat
, fe fait à lui -même cette objection à
la page 111 de fon écrit , il la nomme un
argument banal qu'il réfute affez bien,
20. Cette difficulté auroit quelque vraifemblance
, fi l'on attribuoit à la feule influence
du climat la perfection des laines
d'Efpagne & d'Angleterre ; mais on affure
encore ici que le dégré de bonté de ces
laines a auffi fa fource dans la qualité des
pâturages & dans l'importation d'une race
étrangere. La page 293 des Feuilles porte
expreflément cette remarque ; on y trouve
d'après le mémoire attaqué , les expreffions
fuivantes : Trois chofes ont concours
à donner aux laines d'Espagne & d'Angleterre
la fupériorité qu'elles ont fur les nôtres
la race , le climat & les pâturages.
3°. Je fuis étonné qu'une perfonne répandue
comme l'auteur des Feuilles ait
210 MERCURE DE FRANCE.
tardé jufqu'ici à fçavoir que le climat en
Angleterre eft beaucoup plus doux & plus
tempéré que le nôtre ; qu'il life Savary au
mot Laine : cet Auteur remarque que l'hyver
en Angleterre n'a point de rigueurs
qui obligent de renfermer les troupeaux
de bêtes blanches. On a fort bien démontré
dans le mémoire que la Caftille n'eſt pas
un pays fi chaud qu'on l'imagine communément
, la pofition de la Caftille étant
à celle de notre Languedoc , à peu près
comme la fituation refpective d'Orléans &
d'Amiens. Je tiens d'un Négociant efpagnol
fort inftruit que dans les montagnes
de Grenade & de Léon , & fur la plupart
des côtaux où l'on mene les bêtes blanches
pour pâturer , les chaleurs les plus vives de
l'été font beaucoup tempérées tant par les
abris que par les exhalaifons des vallées .
Ann. Litt. p. 298. Nous ne trouvons pas
que les préambules contenus dans cet écrit,
foient ou inutiles ou déplacés ; ils font communément
courts & bien écrits . Il est vrai
que celui fur lequel on tâche de jetter un
ridicule auroit pu être abrégé : mais ce
n'eft pas un hors - d'oeuvre diffus , comme
on femble l'infinuer. Il contient environ
trente- cinq lignes. Sur quoi il nous femble
que fi l'Auteur du mémoire vouloit
aller un jour en récriminant , il pourroit
OCTOBRE . 1755 . 211
prendre fon adverfaire en défaut , & le
forcer à reconnoître qu'il eft quelquefois
concis , s'il eft vrai qu'il ait eu le fecret de
faire l'hiſtoire des habits de tout le genre
humain depuis la création jufqu'à préfent
dans l'efpace d'environ trente- cinq lignes .
Ann. Litt . p. 295. Mais le point qui
paroît mériter l'attention de tout bon citoyen
, c'est l'endroit où l'auteur , fans en
apporter de raiſon , taxe d'infuffifans &
d'impoffibles les moyens par lefquels on
démontre qu'il feroit très-avantageux à
notre commerce d'importer en France une
race étrangere. Si l'adverfaire a raiſon ;
nos maîtres les plus habiles font dans le
tort , ou s'il n'entend pas la queftion , pour
quoi s'ingere-t-il à prononcer fans examen
fur une mariere auffi importante ? Voici un
raifonnement qu'on qualifie de fophifme.
Trois chofes ont concouru à l'amélioration
des laines d'Efpagne & d'Angleterre
; l'importation d'une race étrangere ,
le climat , les pâturages choifis : imitons
nos voisins , s'il eft poffible ; mais pour
le
faire avec fruit , quelle race tranfporterons-
nous ? Avons- nous dans quelque lieu
de notre France une température qui favorife
l'importation d'une race plus parfaite ?
avons- nous des pâturages où placer ces bêtes?
On prouve ainfi que nous pouvons imi212
MERCURE DE FRANCE.
.
ter les Efpagnols : car , dit-on , l'exportation
projettée a été heureufement tentée
dans l'une des extrémités méridionales de
notre France. Des bêtes efpagnoles placées
en Languedoc vers la fin du fiecle paffé ,
y portent préfentement des laines plus
fines , & du double plus abondantes que
les laines du pays. L'on ne s'en tient pas à
des témoignages vagues : l'on cite pour
garant l'auteur de la Maiſon ruftique ; on
indique la page & l'édition ; l'on tranfcrit
le texte ; on raifonne fur ce texte , on le
corrige & l'on conclud. Voyez le mém.
pag. 106.
A l'égard de l'exportation des bêtes
blanches hors du Royaume d'Angleterre
pour notre profit , l'on convient ici qu'elle
n'a pas encore eu lieu , mais on croit qu'en
plaçant cette race dans le territoire de Valogne
, & vers le bout de fa prefqu'ifle ,
elle ne peut manquer d'y fructifier ; l'air
& les pâturages y font les mêmes qu'en
Angleterre. Quel rifque peut-on courir en
hafardant ce tranſport ?
Ann. Litt . pag. 297. Je n'ai trouvé en
aucun endroit du mémoire qu'il faut que
nos laboureurs foient des philofophes . On
parle de laboureurs à deux repriſes différentes
. A la pag. 127 du Mémoire , l'on
confeille l'établiſſement d'une Académie
OCTOBRE 1755 213
économique , & l'on dit qu'il feroit à propos
d'agréger à cette compagnie des laboureurs
intelligens. Cet expédient nous paroît
bien imaginé . Pourquoi nos plus beaux
projets manquent- ils le plus fouvent de
réuffite ? c'est qu'on néglige l'artifan , c'eſt
qu'on ne confulte pas affez la nature &
qu'on veut la plupart du tems l'affervir
à des regles imaginées dans le cabinet.
Qu'on place à la tête d'une métairie le plus
célebre Géométre , il s'appercevra bientôt
qu'il eft moins philofophe en fait de culture
que le dernier de fes gens . Sans être
verfé dans la littérature , on peut devenir
philofophe : un métayer qui poffede bien
fon art , peut facilement le devenir dans
fa partie. Il est encore parlé de laboureurs
à la pag. 156. mais on y confidere les chofes
dans l'état préfent & le mot de philofophe
ne fe trouve pas une feule fois dans
tout l'article. On conclud en difant , qu'il
faut laiffer aux plus intelligens le foin de
leurs troupeaux , & éclairer fur leurs propres
intérêts ceux qui ne font pas affez
clairs-voyans ; qu'y a- t- il de répréhenſible
dans cet avis ?
Pag. 298 & 299. Ce qu'on débite en
finiffant , touchant la reffemblance des deux
éditions qu'on a données prefqu'à la fois ,
nous a paru fufceptible de quelque excep-
1
214 MERCURE DE FRANCE.
tion. Dès l'inftant que j'appris qu'il y avoit
à Amiens une édition de ce mémoire , l'envie
ne me vint pas de l'acquérir par la
raifon qu'une édition donnée poftérieurement
par fon auteur est toujours cenfée
preférable à l'autre , n'y eût-il même aucune
différence effective. Mais m'étant avifé
de confronter ce double ouvrage , je me
fuis apperçu que fans parler du ftyle qui eft
plus correct dans l'édition poftérieure , il
y a quant au fond des différences trèsremarquables.
Voici les plus effentielles.
Dans l'édition de Paris , on emploie
trois pages à faire l'hiftoire de l'amélioration
des laines d'Efpagne. On voit avec
plaifir paroître fucceffivement dans ce récit
Columelle , Dom Pedre IV, Ximenès ; rien
de tout cela dans l'édition d'Amiens. Il y
a même ici quelque chofe que l'Auteur a
foigneufement corrigé dans l'édition de
Paris. Il qualifie de vertueux prince Dom
Pedre le cruel , dont le regne fut fignalé
par tant d'inhumanités On ne parle dans
la premiere édition ni des négociations
d'Edouard IV, pour parvenir à avoir en
Angleterre des bêtes blanches pareilles à
celles de Caftille , non plus que des foins
d'Henri VIII & d'Elifabeth , relatifs à cet
objet .
L'Article II eft totalement changé dans
OCTOBRE . 1755. 215
l'édition postérieure , & on infinue dans
celle -ci des points de vue directement
oppofés à ceux qui font exposés dans la
premiere. En voici un exemple : dans l'édition
d'Amiens , on loue l'ordonnance de
1699 comme une loi avantageufe à notre
commerce , & l'on emploie dans l'édition
de Paris deux pages à prouver qu'une telle
loi eft abfolument mal entendue & tout-àfait
deftructive du commerce des laines .
Telles font les différences qui m'ont le
plus frappé.
Tout ceci n'empêche pas que le mémoire
ne fut très- digne du prix , indépendamment
de ces changemens ; mais la réforme
en queſtion ne peut que faire honneur à
l'exactitude & au défintéreſſement de
l'Auteur qui , quoique récompenſé , n'a
pas laiffé de travailler fur nouveaux frais.
Concluons de ce que j'ai dit jufqu'ici ,
que la critique énoncée dans l'Année littéraire
n'eft pas affez fondée. Ce n'est
pas que je veuille attribuer au mémoire
que je défends , un dégré d'irrépréhenfibilité
qu'il n'a pas. Le ftyle quoique
bon en général , pourroit être purgé
de quelques négligences qui font en petit
nombre. Quant au fond , nous jugeons
qu'on pouvoit abréger certains détails ;
mais tout bien examiné , la réforme ne.
216 MERCURE DE FRANCE.
peut aller à guere plus de deux pages fur
la totalité du mémoire. D'ailleurs , comme
on l'a judicieufement remarqué dans
le Journal de Trévoux , Juin. pag. 1432 :
Dans une affaire économique , il vaut mieux
expliquer les chofes en détail que de fe rendre
obfcur par un laconiſme mal entendu . Inférons
encore de tout ceci qu'au lieu de
décourager le zele de l'Auteur , il feroit
à defirer qu'il nous inftruisît un jour plus
à fond fur les détails qui concernent les
Artiſtes .
Fermer
Résumé : MANUFACTURES. RÉFLEXIONS sur la Critique d'un Mémoire sur les Laines, adressées à l'Auteur du Mercure.
Le texte est une critique d'un mémoire sur les laines, adressée à l'auteur du Mercure. L'auteur de la critique conteste une évaluation défavorable publiée dans l'Année littéraire. Plusieurs points de cette critique sont remis en question, notamment l'omission des noms de l'Académie d'Amiens et de son protecteur. De plus, l'accusation selon laquelle le mémoire ne traite pas de l'amélioration des laines d'Espagne et d'Angleterre est réfutée, car l'auteur du mémoire avait expliqué ces changements dès le début de la troisième partie de son ouvrage. La critique reproche également au mémoire de se contenter d'abréger des détails déjà présents dans d'autres ouvrages, comme la Maison rustique et le dictionnaire de Savary. Cependant, l'auteur du mémoire avait explicitement mentionné son utilisation de ces sources et avait ajouté des informations originales. L'auteur de la critique réfute aussi l'argument selon lequel le climat expliquerait la qualité supérieure des laines d'Espagne et d'Angleterre. Il souligne que d'autres facteurs, comme la qualité des pâturages et l'importation de races étrangères, jouent également un rôle crucial. Les préambules du mémoire sont jugés ni inutiles ni déplacés, et les moyens proposés pour améliorer les laines françaises sont considérés comme avantageux. La critique de l'Année littéraire est jugée non fondée, et le mémoire est considéré comme digne du prix qu'il a reçu. Quelques améliorations stylistiques et des abréviations de certains détails sont suggérées, mais l'auteur de la critique conclut que la réforme nécessaire ne dépasse pas deux pages sur l'ensemble du mémoire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 49-54
LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE, Au sujet du projet d'un nouveau Dictionnaire plus utile que tous les autres, inseré dans le Mercure du mois de Juillet de cette année.
Début :
MONSIEUR, il est bien douloureux pour toute la Nation Françoise qui [...]
Mots clefs :
Dictionnaire, Auteur, Goût, Promenade
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE, Au sujet du projet d'un nouveau Dictionnaire plus utile que tous les autres, inseré dans le Mercure du mois de Juillet de cette année.
LETTRE
A L'AUTEUR DU MERCURE,
Au fujet du projet d'un nouveau Dictionnaire
plus utile que tous les autres , inforé dans le
Mercure du mois de Juillet de cette année.
M
ONSIEUR , il eft bien douloureux
pour toute la Nation Françoife qui
fait à votre livre l'accueil le plus flatteur ,
de voir que vous y infériez journellement
une critique de fes moeurs , de fes goûts ,
de fes ufages , & de fes plaifirs ; la reconnoiffance
devroit au moins agir autant fur
vous , Monfieur , que l'amour de la patrie
le fait fur moi , je vais donc attaquer fans
ménagement l'homme de Province qui s'avife
de donner des projets de nouveaux
dictionnaires , & de s'ériger en Ariftarque
de ce qu'il y a de plus aimable dans Paris .
L'Auteur de la Lettre devroit être regardé
comme perturbateur des amufemens publics
, & comme contraire à la circulation
générale des efpeces , d'où naît l'abondance
dans un Etat.
Un Etranger , qui n'auroit pas de Paris
une idée jufte , croiroit avec raifon qu'il
n'y a pas deux perfonnes du monde en
état de parler bon fens ; il eft à croire ,
C
so MERCURE DE FRANCE.
Monfieur , que l'Auteur étoit lui - même
un élégant Provincial auquel il ne manquoit
plus que le poli de Paris , & qui étoit
venu pour le prendre dans les cercles des
géns comme il faut, c'est-à- dire , chez ceux ,
qu'il critique avec tant d'animofité .
paru-
Je conviendrai avec lui que notre maniere
de vivre differe en tout de celle de
nos peres , mais j'obferverai que nos peres
vivoient auffi différemment de nos ayeux ;
ces variations font l'ouvrage du tems, les fiécles
à venir en éprouveront de femblables .
Il me paroît tout fimple qu'une jeune
femme s'occupe de fes diamans, de fa
re , d'une partie de campagne , des fpectacles.
Veut- on que depuis 15 jufqu'à25 ans ,
elle foit occupée des affaires de fa maifon
pour fe donner des ridicules , ou qu'elle
paroille aimer fon mari pour le faire montrer
au doigt ? Non ; il faut fuivre le torrent
, l'ufage eft de s'amufer de ponpons ,
il faut le faire ; le bon ton veut qu'elles
aient des amans , elles font très - bien d'en
avoir ; il eft reçu de faire du jour la nuit ,
& de la nuit le jour , en dépit de la fanté ,
il faut encore en paffer par- là .
L'Auteur de la critique veut- il donc
réformer des chofes que l'ufage cimente encore
tous les jours à imagine-t- il qu'après la
lecture de fa lettre , tout va prendre une
NOVEMBRE. 1755. 51
nouvelle forme veut-il , dis-je , qu'un
jeune abbé fe prive des amuſemens d'un
homme de qualité ? croit- il que le jeune
magiftrat réformera une heure de toilette ,
fuira les fpectacles & les promenades ? a-t- il
pu fe perfuader que le jeune feigneur négligera
la tenue de fes chevaux , l'élégance
de fes habits , la gloire d'en avoir un
d'un goût nouveau , & celle d'enlever une
actrice au meilleur de fes amis en apparence?
Non ; c'eft perdre fon tems que de travailler
à la métamorphofe de tous ces Meffieurs.
On pourroit croire que je m'érige moimême
en critique ; il n'en eft rien . Le
goût changeant du François me paroît auffi
naturel que la conftance du Hollandois à
fumer fa pipe & à boire fa bierre . Je ne
trouve pas plus extraordinaire que l'on
coure une parodie , que de voir tout Londres
s'affembler pour un combat de coas ,
ou pour une courfe de chevaux ; j'aime autant
voir un jeune homme , afficher une
femme en la fuivant partout , qu'un Efpa
gnol paffer toutes les nuits , la guittare à la
main , fous les fenêtres de fa maîtreffe , &
je préfere l'humeur docile des maris François
, à la noire jaloufie des Italiens . * Le
goût changeant de la Nation ne trouble en
Les Italiens fe francifent tous les jours fur ce
-point.
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
fien la tranquillité de l'Etat ; on ne voit
pas les partifans des culs de finges s'affembler
& recourir à l'autorité fuprême pour
demander le banniffement des cabriolets ;
chacun fe fait voiturer fuivant fon goût.
Le Philofophe préfére la défobligeante à la
diligence pour n'être pas dans la néceffité
de placer un ennuyeux à fes côtés : l'homme
à bonnes fortunes fait ufage du vis - àvis
, la voiture feule le caractériſe .
Pourquoi donc faire un crime à l'induftrie
des jolis riens qu'elle met au jour , s'il
fe trouve des gens de goût pour les payer ?
Eft - on en droit de trouver mauvais qu'un
homme fenfé faffe mettre fur fa voiture
un vernis de Martin , pendant qu'une fimple
peinture fuffiroit pour le voiturer auffi
commodément.
Je fuis convaincu , Monfieur , que l'Auteur
que je fronde , a été payé par les habitans
du Palais Royal , par le Suiffe ou la
Cafferiere des Tuilleries , pour tourner les
partifans du boulevard en ridicule , N'y at-
il pas de l'équité à laiffer jouir ceux qui
ont des maifons & des jardins fur cette
promenade , d'un avantage auffi inattendu?
cette même inconftance de la Nation
ne leur caufe-t- elle pas les plus vives allarmes,
parla certitude où ils font d'être délaiffés
avant peu, puifque la nouvelle place que
NOVEMBRE. 1755. 55
l'on fait aujourd'hui , affure au Cours un
regne plus brillant qu'aucun qu'il ait
déja eu ?
C'eft à tort que l'Auteur attaque le boulevard
fur fon irrégularité ; il s'enfuivroit
donc de-là qu'on ne devroit jamais quitter
les Tuilleries ; l'on voit cependant tous
les jours préférer une promenade champêtre
, qui doit tous fes agrémens à la feule
nature , aux jardins délicieux de Verſailles .
Je pourrois , Monfieur , entreprendre
Papologie des bourgeoifes du Marais , en
difant que l'Auteur les connoît mal , s'il
attribue le reproche qu'il leur fait de refter
jufqu'à la nuit fermée , à la vanité de ne
vouloir pas paroître s'en retourner à pied :
il n'eft pas du tout ridicule en province ,
d'aller à la promenade de cette maniere ,
& d'en revenir de même ; & ce n'eft pas
une néceffité que les habitans du Marais
fuivent les ufages , & fe modelent fur
Paris.
L'Auteur paroît avoir d'affez heureuſes
difpofitions pour être nommé controlleur
des modes & ufages , des habits & coëffures
tant d'hommes que de femmes , des voitures
grandes , petites , & de toute espece
tombereaux , & c. Les fonctions de cette
place ne font pas plus difficiles à remplir ,
que celle du Fâcheux de Moliere qui folli-
Ciij
34 MERCURE DE FRANCE.
citoit l'infpection de toutes les enfeignes ,
& le projet de fon nouveau dictionnaire ,
équivaut bien à celui de mettre toutes les
côtes du Royaume en ports de mer.
Je ne crains pas , Monfieur , que vous
refufiez d'inférer cette lettre dans votre
Mercure , c'eſt le moyen de vous diſculper
auprès des gens comme il faut , de faire
connoître la pureté de vos intentions , &
de vous attirer les remerciemens du public
élégant.
Quant à moi , dont la modeftie auroit
trop à fouffrir , fi mon nom étoit connu ,
je veux , en le taifant , m'éviter l'importunité
de la reconnoiffance générale.
J'ai l'honneur d'être , &c.
C. D.
A L'AUTEUR DU MERCURE,
Au fujet du projet d'un nouveau Dictionnaire
plus utile que tous les autres , inforé dans le
Mercure du mois de Juillet de cette année.
M
ONSIEUR , il eft bien douloureux
pour toute la Nation Françoife qui
fait à votre livre l'accueil le plus flatteur ,
de voir que vous y infériez journellement
une critique de fes moeurs , de fes goûts ,
de fes ufages , & de fes plaifirs ; la reconnoiffance
devroit au moins agir autant fur
vous , Monfieur , que l'amour de la patrie
le fait fur moi , je vais donc attaquer fans
ménagement l'homme de Province qui s'avife
de donner des projets de nouveaux
dictionnaires , & de s'ériger en Ariftarque
de ce qu'il y a de plus aimable dans Paris .
L'Auteur de la Lettre devroit être regardé
comme perturbateur des amufemens publics
, & comme contraire à la circulation
générale des efpeces , d'où naît l'abondance
dans un Etat.
Un Etranger , qui n'auroit pas de Paris
une idée jufte , croiroit avec raifon qu'il
n'y a pas deux perfonnes du monde en
état de parler bon fens ; il eft à croire ,
C
so MERCURE DE FRANCE.
Monfieur , que l'Auteur étoit lui - même
un élégant Provincial auquel il ne manquoit
plus que le poli de Paris , & qui étoit
venu pour le prendre dans les cercles des
géns comme il faut, c'est-à- dire , chez ceux ,
qu'il critique avec tant d'animofité .
paru-
Je conviendrai avec lui que notre maniere
de vivre differe en tout de celle de
nos peres , mais j'obferverai que nos peres
vivoient auffi différemment de nos ayeux ;
ces variations font l'ouvrage du tems, les fiécles
à venir en éprouveront de femblables .
Il me paroît tout fimple qu'une jeune
femme s'occupe de fes diamans, de fa
re , d'une partie de campagne , des fpectacles.
Veut- on que depuis 15 jufqu'à25 ans ,
elle foit occupée des affaires de fa maifon
pour fe donner des ridicules , ou qu'elle
paroille aimer fon mari pour le faire montrer
au doigt ? Non ; il faut fuivre le torrent
, l'ufage eft de s'amufer de ponpons ,
il faut le faire ; le bon ton veut qu'elles
aient des amans , elles font très - bien d'en
avoir ; il eft reçu de faire du jour la nuit ,
& de la nuit le jour , en dépit de la fanté ,
il faut encore en paffer par- là .
L'Auteur de la critique veut- il donc
réformer des chofes que l'ufage cimente encore
tous les jours à imagine-t- il qu'après la
lecture de fa lettre , tout va prendre une
NOVEMBRE. 1755. 51
nouvelle forme veut-il , dis-je , qu'un
jeune abbé fe prive des amuſemens d'un
homme de qualité ? croit- il que le jeune
magiftrat réformera une heure de toilette ,
fuira les fpectacles & les promenades ? a-t- il
pu fe perfuader que le jeune feigneur négligera
la tenue de fes chevaux , l'élégance
de fes habits , la gloire d'en avoir un
d'un goût nouveau , & celle d'enlever une
actrice au meilleur de fes amis en apparence?
Non ; c'eft perdre fon tems que de travailler
à la métamorphofe de tous ces Meffieurs.
On pourroit croire que je m'érige moimême
en critique ; il n'en eft rien . Le
goût changeant du François me paroît auffi
naturel que la conftance du Hollandois à
fumer fa pipe & à boire fa bierre . Je ne
trouve pas plus extraordinaire que l'on
coure une parodie , que de voir tout Londres
s'affembler pour un combat de coas ,
ou pour une courfe de chevaux ; j'aime autant
voir un jeune homme , afficher une
femme en la fuivant partout , qu'un Efpa
gnol paffer toutes les nuits , la guittare à la
main , fous les fenêtres de fa maîtreffe , &
je préfere l'humeur docile des maris François
, à la noire jaloufie des Italiens . * Le
goût changeant de la Nation ne trouble en
Les Italiens fe francifent tous les jours fur ce
-point.
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
fien la tranquillité de l'Etat ; on ne voit
pas les partifans des culs de finges s'affembler
& recourir à l'autorité fuprême pour
demander le banniffement des cabriolets ;
chacun fe fait voiturer fuivant fon goût.
Le Philofophe préfére la défobligeante à la
diligence pour n'être pas dans la néceffité
de placer un ennuyeux à fes côtés : l'homme
à bonnes fortunes fait ufage du vis - àvis
, la voiture feule le caractériſe .
Pourquoi donc faire un crime à l'induftrie
des jolis riens qu'elle met au jour , s'il
fe trouve des gens de goût pour les payer ?
Eft - on en droit de trouver mauvais qu'un
homme fenfé faffe mettre fur fa voiture
un vernis de Martin , pendant qu'une fimple
peinture fuffiroit pour le voiturer auffi
commodément.
Je fuis convaincu , Monfieur , que l'Auteur
que je fronde , a été payé par les habitans
du Palais Royal , par le Suiffe ou la
Cafferiere des Tuilleries , pour tourner les
partifans du boulevard en ridicule , N'y at-
il pas de l'équité à laiffer jouir ceux qui
ont des maifons & des jardins fur cette
promenade , d'un avantage auffi inattendu?
cette même inconftance de la Nation
ne leur caufe-t- elle pas les plus vives allarmes,
parla certitude où ils font d'être délaiffés
avant peu, puifque la nouvelle place que
NOVEMBRE. 1755. 55
l'on fait aujourd'hui , affure au Cours un
regne plus brillant qu'aucun qu'il ait
déja eu ?
C'eft à tort que l'Auteur attaque le boulevard
fur fon irrégularité ; il s'enfuivroit
donc de-là qu'on ne devroit jamais quitter
les Tuilleries ; l'on voit cependant tous
les jours préférer une promenade champêtre
, qui doit tous fes agrémens à la feule
nature , aux jardins délicieux de Verſailles .
Je pourrois , Monfieur , entreprendre
Papologie des bourgeoifes du Marais , en
difant que l'Auteur les connoît mal , s'il
attribue le reproche qu'il leur fait de refter
jufqu'à la nuit fermée , à la vanité de ne
vouloir pas paroître s'en retourner à pied :
il n'eft pas du tout ridicule en province ,
d'aller à la promenade de cette maniere ,
& d'en revenir de même ; & ce n'eft pas
une néceffité que les habitans du Marais
fuivent les ufages , & fe modelent fur
Paris.
L'Auteur paroît avoir d'affez heureuſes
difpofitions pour être nommé controlleur
des modes & ufages , des habits & coëffures
tant d'hommes que de femmes , des voitures
grandes , petites , & de toute espece
tombereaux , & c. Les fonctions de cette
place ne font pas plus difficiles à remplir ,
que celle du Fâcheux de Moliere qui folli-
Ciij
34 MERCURE DE FRANCE.
citoit l'infpection de toutes les enfeignes ,
& le projet de fon nouveau dictionnaire ,
équivaut bien à celui de mettre toutes les
côtes du Royaume en ports de mer.
Je ne crains pas , Monfieur , que vous
refufiez d'inférer cette lettre dans votre
Mercure , c'eſt le moyen de vous diſculper
auprès des gens comme il faut , de faire
connoître la pureté de vos intentions , &
de vous attirer les remerciemens du public
élégant.
Quant à moi , dont la modeftie auroit
trop à fouffrir , fi mon nom étoit connu ,
je veux , en le taifant , m'éviter l'importunité
de la reconnoiffance générale.
J'ai l'honneur d'être , &c.
C. D.
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Résumé : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE, Au sujet du projet d'un nouveau Dictionnaire plus utile que tous les autres, inseré dans le Mercure du mois de Juillet de cette année.
Une lettre critique un projet de nouveau dictionnaire présenté dans le Mercure de juillet. L'auteur de la lettre reproche à ce projet de critiquer les mœurs, goûts, usages et plaisirs de la Nation française, et d'entraver les amusements publics ainsi que la circulation des espèces, cruciale pour l'abondance dans un État. L'auteur de la lettre suggère que le critique pourrait être un élégant provincial installé à Paris pour adopter les manières parisiennes. Il reconnaît l'évolution des modes de vie au fil du temps, mais estime que les jeunes femmes doivent se consacrer à leurs loisirs et suivre les usages en vogue, tels que prendre des amants ou fréquenter les spectacles. Il considère que toute tentative de réformer ces habitudes est vaine, car elles sont solidement ancrées par l'usage. Il compare les goûts changeants des Français à la constance des Hollandais et trouve naturel que chaque nation ait ses propres divertissements. Il défend également l'industrie des 'jolis riens' et l'inconstance de la Nation, affirmant que cela ne perturbe pas la tranquillité de l'État. L'auteur accuse le critique d'avoir été rémunéré par les habitants du Palais Royal ou des Tuileries pour tourner en ridicule les partisans du boulevard. Il espère que sa lettre sera publiée dans le Mercure pour disculper l'auteur du projet et attirer les remerciements du public élégant, tout en restant anonyme pour éviter les importunités liées à la reconnaissance générale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 170-176
Lettre à l'Auteur du Mercure.
Début :
Monsieur, si le Public éclairé n'eût sçu depuis longtems apprécier tout [...]
Mots clefs :
Académie, Académie royale de chirurgie, Lambeau, Méthode, Chirurgie, Chirurgien, Henry-François Le Dran, Raimon de Vermale
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre à l'Auteur du Mercure.
Lettre à l'Auteur du Mercure.
Mfçu
depuis
Onfieur , fi le Public éclairé n'eût
fçu depuis longtems apprécier tout
ce qui lui vient de la part d'un Anonyme ,
j'aurois pu le défabufer , & répliquer au
Mémoire inféré dans votre Journal du
mois de Juin ( a ) pour repouffer les traits
de l'impoſture avec le bouclier de la verité
; mais je fçais , comme ce fage public ,
méprifer ce qui eft méprifable. Qui male
agit , odit lucem ; & cela feul m'auroit impofé
filence , fi je ne devois rendre juftice
à M. Ravaton , qu'on pourroit peut -être
foupçonner auteur du memoire.
Mais ce Chirurgien- major regardant la
verité comme un principe de vertu chez
toutes les nations , fouffre toujours de la
voir alterée , & il defapprouve fort la
hardieffe de fon éleve : il affure même
dans une de fes lettres datée du 16 de ce
mois , qu'il n'a en aucune part à ce même
mémoire , & que c'est lui faire un tort infini
que de le penfer. Je crois , Monfieur , que
cet aveu fait par un homme auffi refpec
(a)Second vol.
NOVEMBRE. 1755. 171
table & auffi intereffé à la gloire que lui
attribue le mémoire , ne doit laiffer aucun
doute fur le faux témoignage de l'anonyme
, qui veut contre toute apparence
me rendre témoin de l'amputation à lambeaux
de M. Ravaton , & conftater l'impoffibilité
de la mienne ; mais pour en
prouver la poffibilité & en convaincre les
incrédules , je vous prie de vouloir bien
placer les lettres ci jointes dans quelque
volume de votre Journal ; le bien public
doit vous y exciter.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Le 20 Septembre 1755
Vermale.
Lettre de M. Ledran , membre de l'Académie
royale de Chirurgie , à M. Remon de
Vermale , Confeiller , premier Chirurgien
de l'Electeur Palatin , & aſſocié de cette
même Académie.
MONSIEUR , j'apprends avec plaifir
que vous faites fleurir la Chirurgie françoife
en Allemagne , & que vous foutenez
ainfi l'honneur de la nation . J'efpere que
vous voudrez bien continuer de faire
part
à notre Académie de ce qui vous paffera
par
les mains de curieux ou d'inftructif.
Je vous félicite du fuccès de votre am-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
putation à deux lambeaux ; il faudroitqu'il
y eût des chofes bien extraordinaires
fi elle ne réuffiffoit pas. Mais comme
vous me demandez , Monfieur , mon avisfur
les trois manieres que vous propoſez ,
je crois devoir préferer celle qui porte perpendiculairement
un biftouri long , étroit
& très- pointu jufqu'à l'os , & de le gliffer
à côté de fa
circonférence pour percer audeffous
de la cuiffe les mufcles & la peau
de dedans en dehors , comme il les a d'abord
percés de dehors en dedans , & pour
former enfuite à droite & à gauche les
deux lambeaux projettés.
C'eft du moins comme je l'ai faite fur
les deux cadavres depuis que vous m'avez
fait part de ces perfections , & c'eft ainfi
que je l'enfeigne dans le traité d'opérations
que je vais donner au public, en vous rendant
, Monfieur , tout l'honneur qui vous
eft dû .
L'opération faite de cette maniere eft
très- prompte & praticable à tous les membres.
Le point effentiel eft de bien diriger le
tranchant du biftouri en faifant les lambeaux
, pour déterminer leur figure & leur
longueur relativement au volume du membre.
Je ne fçais fi M. Ravaton fera content
de la préference que je donne publiquement
à votre méthode .
NOVEMBRE. 1755. 173
On imprime actuellement les mémoires
de notre Academie , & M. de Lapeyronie
m'a affuré que vous y feriez à la tête des
Medecins & Chirurgiens célebres que nous
avons agregés.
Aimez - nous toujours un peu , & foyez
perfuadé de l'amitié la plus fincere , avec
laquelle je ferai toute ma vie & fans réferve
, votre , & c.
A Paris , ce 31 Mars 1742.
Ledran.
Lettre de M. Dankers , Médecin de S.A. S.
le Langrave de Darmstad , à M. Remon
de Vermale , &c .
MONSIEUR, le malade en queftion eft
déja très fatisfait des bons confeils que
vous nous avez donnés fur fon état ; mais
il fe flatte que vous voudrez bien prendre
la pofte pour venir ici en juger par
vous-même.
M. le Baron & Madame la Barone de
Scherautenbach efperent que vous voudrez
bien prendre votre quartier chez eux ,
m'ont chargé de vous faire en attendant
mille complimens de leur part. M. le Confeiller
de Schade eft dans un état fi bon
qu'il ne peut affez divulguer les obligations
qu'il vous a. Il dit partout que
H iij
774 MERCURE DE FRANCE.
c'est à tort qu'on taxe les Chirurgiens François
de vouloir toujours couper & fans néceffité
; il fe donne pour exemple avouant
que fans les grandes incifions que vous lui
avez faites , il auroit certainement perdu
fa jambe. Ne communiquerez- vous pas
fon accident à l'Academie?
Mais à propos de vos malades , j'ai vu
ces jours derniers la pauvre Goëling qui a
paffé ici avec fes parens pour aller chercher
fortune à Philadelphie. J'ai examiné
le refte du bras que vous lui aviez amputé
par votre nouvelle méthode , & j'ai admiré
la réunion des deux lambeaux.
On n'y voit aux endroits de la cicatrice
qu'une espece de ride ou de petit fillon
peu profond , & qui s'efface à mesure qu'il
s'approche de l'extrêmité du moignon ,
où on apperçoit à peine une ligne blanche
dans le centre , fort étroite & très-fuperficielle
; la cicatrice inférieure eft la plus
apparente , parce qu'elle eft un peu plus
creufe vers fon milieu . Je ne puis affez
applaudir à la bonté de cette méthode , qui
vous fait un honneur infini.
J'ai l'honneur d'être , & c .
Danskers , D. M.
A Darmstad , le 12 Mai 1744.
1
NOVEMBRE. 1755. 175
Extrait d'une lettre de M. Hoffmann , Chirurgien-
major de la ville & de l'hôpital de
Maftreich , à M. de Vermale , &c.
Il y a long- tems , Monfieur , que je me
fais gloire de me dire votre difciple , en
pratiquant avec fuccès votre méthode
d'amputer à deux lambeaux. J'ai eu plufieurs
fois l'occafion de l'employer depuis
1746 , & même à la jambe fur deux malades
, dont l'un fortit de l'hôpital parfaitement
guéri le vingtieme jour , & l'autre le vingttroifieme
après l'opération. Il paroit que M.
Ravaton n'avoit pas bien refléchi fur votre
méthode , lorfqu'il fit imprimer fon
traité des plaies d'armes à feu ; car je lui
crois trop de droiture dans fon procedé &
trop de zele pour la Chirurgie , pour ne
pas accorder à votre façon d'amputer la
fuperiorité qui lui eft due fur la fienne ,
que j'ai auffi pratiquée avec affez de fuccès.
Je me réſerve , Monfieur , de vous en dire
davantage lorfque vous me permettrez de
vous faire part des changemens que j'y ai
faits . Recevez en attendant les fentimens
de la vénération que m'infpire votre merite
diftingué , & du profond refpect avec
lequel je ne cefferai d'être votre très humble
, & c .
Hoffmann.
T
A Maftreich , le 18 Mai 1753 .
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
Après la lecture de ces lettres , on peut
certainement conclure que fi l'anonyme
doué de lumieres fuperieures à celles
qu'ont les plus refpectables Chirurgiens
de Paris , n'a jamais pu , comme il nous
en affure , former deux lambeaux fur le
cadavre , en fuivant la méthode de M. de
Vermale , ce n'eft qu'à lui feul qu'il doit
s'en prendre.
Mfçu
depuis
Onfieur , fi le Public éclairé n'eût
fçu depuis longtems apprécier tout
ce qui lui vient de la part d'un Anonyme ,
j'aurois pu le défabufer , & répliquer au
Mémoire inféré dans votre Journal du
mois de Juin ( a ) pour repouffer les traits
de l'impoſture avec le bouclier de la verité
; mais je fçais , comme ce fage public ,
méprifer ce qui eft méprifable. Qui male
agit , odit lucem ; & cela feul m'auroit impofé
filence , fi je ne devois rendre juftice
à M. Ravaton , qu'on pourroit peut -être
foupçonner auteur du memoire.
Mais ce Chirurgien- major regardant la
verité comme un principe de vertu chez
toutes les nations , fouffre toujours de la
voir alterée , & il defapprouve fort la
hardieffe de fon éleve : il affure même
dans une de fes lettres datée du 16 de ce
mois , qu'il n'a en aucune part à ce même
mémoire , & que c'est lui faire un tort infini
que de le penfer. Je crois , Monfieur , que
cet aveu fait par un homme auffi refpec
(a)Second vol.
NOVEMBRE. 1755. 171
table & auffi intereffé à la gloire que lui
attribue le mémoire , ne doit laiffer aucun
doute fur le faux témoignage de l'anonyme
, qui veut contre toute apparence
me rendre témoin de l'amputation à lambeaux
de M. Ravaton , & conftater l'impoffibilité
de la mienne ; mais pour en
prouver la poffibilité & en convaincre les
incrédules , je vous prie de vouloir bien
placer les lettres ci jointes dans quelque
volume de votre Journal ; le bien public
doit vous y exciter.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Le 20 Septembre 1755
Vermale.
Lettre de M. Ledran , membre de l'Académie
royale de Chirurgie , à M. Remon de
Vermale , Confeiller , premier Chirurgien
de l'Electeur Palatin , & aſſocié de cette
même Académie.
MONSIEUR , j'apprends avec plaifir
que vous faites fleurir la Chirurgie françoife
en Allemagne , & que vous foutenez
ainfi l'honneur de la nation . J'efpere que
vous voudrez bien continuer de faire
part
à notre Académie de ce qui vous paffera
par
les mains de curieux ou d'inftructif.
Je vous félicite du fuccès de votre am-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
putation à deux lambeaux ; il faudroitqu'il
y eût des chofes bien extraordinaires
fi elle ne réuffiffoit pas. Mais comme
vous me demandez , Monfieur , mon avisfur
les trois manieres que vous propoſez ,
je crois devoir préferer celle qui porte perpendiculairement
un biftouri long , étroit
& très- pointu jufqu'à l'os , & de le gliffer
à côté de fa
circonférence pour percer audeffous
de la cuiffe les mufcles & la peau
de dedans en dehors , comme il les a d'abord
percés de dehors en dedans , & pour
former enfuite à droite & à gauche les
deux lambeaux projettés.
C'eft du moins comme je l'ai faite fur
les deux cadavres depuis que vous m'avez
fait part de ces perfections , & c'eft ainfi
que je l'enfeigne dans le traité d'opérations
que je vais donner au public, en vous rendant
, Monfieur , tout l'honneur qui vous
eft dû .
L'opération faite de cette maniere eft
très- prompte & praticable à tous les membres.
Le point effentiel eft de bien diriger le
tranchant du biftouri en faifant les lambeaux
, pour déterminer leur figure & leur
longueur relativement au volume du membre.
Je ne fçais fi M. Ravaton fera content
de la préference que je donne publiquement
à votre méthode .
NOVEMBRE. 1755. 173
On imprime actuellement les mémoires
de notre Academie , & M. de Lapeyronie
m'a affuré que vous y feriez à la tête des
Medecins & Chirurgiens célebres que nous
avons agregés.
Aimez - nous toujours un peu , & foyez
perfuadé de l'amitié la plus fincere , avec
laquelle je ferai toute ma vie & fans réferve
, votre , & c.
A Paris , ce 31 Mars 1742.
Ledran.
Lettre de M. Dankers , Médecin de S.A. S.
le Langrave de Darmstad , à M. Remon
de Vermale , &c .
MONSIEUR, le malade en queftion eft
déja très fatisfait des bons confeils que
vous nous avez donnés fur fon état ; mais
il fe flatte que vous voudrez bien prendre
la pofte pour venir ici en juger par
vous-même.
M. le Baron & Madame la Barone de
Scherautenbach efperent que vous voudrez
bien prendre votre quartier chez eux ,
m'ont chargé de vous faire en attendant
mille complimens de leur part. M. le Confeiller
de Schade eft dans un état fi bon
qu'il ne peut affez divulguer les obligations
qu'il vous a. Il dit partout que
H iij
774 MERCURE DE FRANCE.
c'est à tort qu'on taxe les Chirurgiens François
de vouloir toujours couper & fans néceffité
; il fe donne pour exemple avouant
que fans les grandes incifions que vous lui
avez faites , il auroit certainement perdu
fa jambe. Ne communiquerez- vous pas
fon accident à l'Academie?
Mais à propos de vos malades , j'ai vu
ces jours derniers la pauvre Goëling qui a
paffé ici avec fes parens pour aller chercher
fortune à Philadelphie. J'ai examiné
le refte du bras que vous lui aviez amputé
par votre nouvelle méthode , & j'ai admiré
la réunion des deux lambeaux.
On n'y voit aux endroits de la cicatrice
qu'une espece de ride ou de petit fillon
peu profond , & qui s'efface à mesure qu'il
s'approche de l'extrêmité du moignon ,
où on apperçoit à peine une ligne blanche
dans le centre , fort étroite & très-fuperficielle
; la cicatrice inférieure eft la plus
apparente , parce qu'elle eft un peu plus
creufe vers fon milieu . Je ne puis affez
applaudir à la bonté de cette méthode , qui
vous fait un honneur infini.
J'ai l'honneur d'être , & c .
Danskers , D. M.
A Darmstad , le 12 Mai 1744.
1
NOVEMBRE. 1755. 175
Extrait d'une lettre de M. Hoffmann , Chirurgien-
major de la ville & de l'hôpital de
Maftreich , à M. de Vermale , &c.
Il y a long- tems , Monfieur , que je me
fais gloire de me dire votre difciple , en
pratiquant avec fuccès votre méthode
d'amputer à deux lambeaux. J'ai eu plufieurs
fois l'occafion de l'employer depuis
1746 , & même à la jambe fur deux malades
, dont l'un fortit de l'hôpital parfaitement
guéri le vingtieme jour , & l'autre le vingttroifieme
après l'opération. Il paroit que M.
Ravaton n'avoit pas bien refléchi fur votre
méthode , lorfqu'il fit imprimer fon
traité des plaies d'armes à feu ; car je lui
crois trop de droiture dans fon procedé &
trop de zele pour la Chirurgie , pour ne
pas accorder à votre façon d'amputer la
fuperiorité qui lui eft due fur la fienne ,
que j'ai auffi pratiquée avec affez de fuccès.
Je me réſerve , Monfieur , de vous en dire
davantage lorfque vous me permettrez de
vous faire part des changemens que j'y ai
faits . Recevez en attendant les fentimens
de la vénération que m'infpire votre merite
diftingué , & du profond refpect avec
lequel je ne cefferai d'être votre très humble
, & c .
Hoffmann.
T
A Maftreich , le 18 Mai 1753 .
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
Après la lecture de ces lettres , on peut
certainement conclure que fi l'anonyme
doué de lumieres fuperieures à celles
qu'ont les plus refpectables Chirurgiens
de Paris , n'a jamais pu , comme il nous
en affure , former deux lambeaux fur le
cadavre , en fuivant la méthode de M. de
Vermale , ce n'eft qu'à lui feul qu'il doit
s'en prendre.
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Résumé : Lettre à l'Auteur du Mercure.
Dans une lettre adressée à l'éditeur du Mercure, un auteur conteste un mémoire anonyme publié en juin 1755, qui critique ses techniques chirurgicales. Il affirme que le public éclairé rejette les impostures et que la vérité doit triompher. L'auteur mentionne M. Ravaton, un chirurgien-major, qui désapprouve le mémoire et nie en être l'auteur. Pour défendre sa méthode d'amputation à deux lambeaux, l'auteur demande à l'éditeur de publier des lettres de soutien. La première lettre provient de M. Ledran, membre de l'Académie royale de Chirurgie, qui félicite M. Vermale pour ses succès en Allemagne et approuve sa méthode d'amputation. Ledran décrit en détail la technique, la recommandant pour sa rapidité et son efficacité. La deuxième lettre est de M. Dankers, médecin du Langrave de Darmstadt, qui témoigne de la satisfaction d'un patient ayant bénéficié de la méthode de M. Vermale. Dankers admire la cicatrisation obtenue et mentionne d'autres cas réussis, ainsi que l'appréciation de la méthode par des patients et des collègues. La troisième lettre, écrite par M. Hoffmann, chirurgien-major de la ville et de l'hôpital de Maestricht, confirme l'efficacité de la méthode de M. Vermale, qu'il pratique avec succès depuis 1746. Hoffmann critique implicitement M. Ravaton pour ne pas avoir reconnu la supériorité de la méthode de M. Vermale. Ces lettres attestent de la reconnaissance et de l'efficacité de la méthode chirurgicale de M. Vermale, contredisant ainsi les accusations du mémoire anonyme.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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19
p. 214-216
CONCERT D'AMIENS. LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
Début :
Monsieur, c'est pour vous rendre un bien qui vous est dû que je vous fais [...]
Mots clefs :
Concert, Opéra
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONCERT D'AMIENS. LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
CONCERT D'AMIENS.
LETTRE
A L'AUTEUR DU MERCURE.
Mbienqui vous eft dû , que je vous fais
part d'un phénomene auffi rare qu'honorable
pour notre patrie : c'eft l'Opera de
Daphnis & d'Amalthée , qu'on a exécuté
dans notre Concert ; Opéra dont la mufique
eft de la compofition d'une Demoifelle
de cette ville, nommée Mlle Guerin . Ce
qui vous paroîtra fans doute furprenant ,
Monfieur , c'eft que cette Demoiſelle n'a
que feize ans , & que ce coup d'effai eſt
un coup de maître . Jugez par là de la no-
Onfieur , c'eft pour vous rendre un
NOVEMBRE. 1755. 215
ble carriere que promet un aftre , dont le
lever eft aufli brillant . Tous les connoiffeurs
en musique , même les moins intéreffés
à louer Mile Guenin , conviennent
que ce morceau eft excellent , & qu'il renferme
en particulier des endroits parfaits :
On y admire fur- tout une chaconne , qu'il
faut avoir entendue pour pouvoir fentir
le deffein , la préciſion & la beauté de fon
harmonie , mais qu'il ne fuffit d'avoir
pas
entendue pour pouvoir exprimer le charme
qu'elle produit fur des ames délicatement
organifées. On ne loue ordinairement
les jeunes perfonnes qui commencent
à fe diftinguer , que pour les encourager
& pour piquer leur émulation ;
il n'en eft pas de même , Monfieur , des
éloges dont notre patrie retentit à la gloire
de la nouvelle Mufe . Ce font des actes de
juſtice dont elle ne pourroit fe difpenfer
que par la plus indigne jaloufie. Mlle
Guenin ne fe borne pas , au refte , au feul
gout pour la mufique . Outre des graces
naturelles , on retrouve en elle mille talens
pour les Belles- Lettres , & en particulier
pour l'Hiftoire & la Poëfie , talens infiniment
eftimables dans une jeune perfonne ,
fur-tout quand une modeftie , fimple & aifée
y met le prix . Je vous prie , Monfieur,
de remarquer que cette Demoiſelle n'a ja216
MERCURE DE FRANCE.
mais quitté la maifon paternelle , & que
les voyages qu'elle a faits à Paris avec fes
parens , lui ont à peine laiffé le tems de
contenter fa curiofité. Vous voyez par là
que la province eft fufceptible d'une éducation
folide & brillante , lorfque des parens
fages & éclairés veulent fe donner
la peine de préfider aux exercices de leurs
enfans : Enfin , Monfieur , ce qui établit
la gloire de Mlle Guenin , en faiſant en
même tems le plus parfait éloge des perfonnes
qui compofent notre Concert ( qui
n'eft qu'une affemblée choifie de nos concitoyens
de l'un & l'autre fexe , diftingués
par le mérite & les talens , & dans laquelle
il n'y a aucun gagifte ) c'eft le zele
avec lequel chaque membre de cette illuftre
compagnie a concouru à faire réuffir
cer Opéra. La jaloufie eft un poifon qui
infecte prefque toutes les provinces . Il n'y
a qu'un mérite fupérieur qui puiffe la forcer
de rendre juftice à la vérité .
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Amiens ce 8 Août 1755 .
LETTRE
A L'AUTEUR DU MERCURE.
Mbienqui vous eft dû , que je vous fais
part d'un phénomene auffi rare qu'honorable
pour notre patrie : c'eft l'Opera de
Daphnis & d'Amalthée , qu'on a exécuté
dans notre Concert ; Opéra dont la mufique
eft de la compofition d'une Demoifelle
de cette ville, nommée Mlle Guerin . Ce
qui vous paroîtra fans doute furprenant ,
Monfieur , c'eft que cette Demoiſelle n'a
que feize ans , & que ce coup d'effai eſt
un coup de maître . Jugez par là de la no-
Onfieur , c'eft pour vous rendre un
NOVEMBRE. 1755. 215
ble carriere que promet un aftre , dont le
lever eft aufli brillant . Tous les connoiffeurs
en musique , même les moins intéreffés
à louer Mile Guenin , conviennent
que ce morceau eft excellent , & qu'il renferme
en particulier des endroits parfaits :
On y admire fur- tout une chaconne , qu'il
faut avoir entendue pour pouvoir fentir
le deffein , la préciſion & la beauté de fon
harmonie , mais qu'il ne fuffit d'avoir
pas
entendue pour pouvoir exprimer le charme
qu'elle produit fur des ames délicatement
organifées. On ne loue ordinairement
les jeunes perfonnes qui commencent
à fe diftinguer , que pour les encourager
& pour piquer leur émulation ;
il n'en eft pas de même , Monfieur , des
éloges dont notre patrie retentit à la gloire
de la nouvelle Mufe . Ce font des actes de
juſtice dont elle ne pourroit fe difpenfer
que par la plus indigne jaloufie. Mlle
Guenin ne fe borne pas , au refte , au feul
gout pour la mufique . Outre des graces
naturelles , on retrouve en elle mille talens
pour les Belles- Lettres , & en particulier
pour l'Hiftoire & la Poëfie , talens infiniment
eftimables dans une jeune perfonne ,
fur-tout quand une modeftie , fimple & aifée
y met le prix . Je vous prie , Monfieur,
de remarquer que cette Demoiſelle n'a ja216
MERCURE DE FRANCE.
mais quitté la maifon paternelle , & que
les voyages qu'elle a faits à Paris avec fes
parens , lui ont à peine laiffé le tems de
contenter fa curiofité. Vous voyez par là
que la province eft fufceptible d'une éducation
folide & brillante , lorfque des parens
fages & éclairés veulent fe donner
la peine de préfider aux exercices de leurs
enfans : Enfin , Monfieur , ce qui établit
la gloire de Mlle Guenin , en faiſant en
même tems le plus parfait éloge des perfonnes
qui compofent notre Concert ( qui
n'eft qu'une affemblée choifie de nos concitoyens
de l'un & l'autre fexe , diftingués
par le mérite & les talens , & dans laquelle
il n'y a aucun gagifte ) c'eft le zele
avec lequel chaque membre de cette illuftre
compagnie a concouru à faire réuffir
cer Opéra. La jaloufie eft un poifon qui
infecte prefque toutes les provinces . Il n'y
a qu'un mérite fupérieur qui puiffe la forcer
de rendre juftice à la vérité .
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Amiens ce 8 Août 1755 .
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Résumé : CONCERT D'AMIENS. LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
Une lettre adressée à l'auteur du Mercure relate un événement musical exceptionnel à Amiens. L'opéra 'Daphnis et Amalthée', composé par Mlle Guerin, une jeune fille de seize ans, a été exécuté lors d'un concert. La musique de l'œuvre a été acclamée par les connaisseurs, notamment pour une chaconne remarquable par son harmonie et son charme. Mlle Guerin est également reconnue pour ses talents en belles-lettres, en histoire et en poésie, ainsi que pour sa modestie. La lettre met en avant la qualité de l'éducation provinciale, grâce à l'engagement des parents. Le concert, organisé par des citoyens distingués par leurs mérites et talents, a vu chaque participant collaborer avec zèle pour le succès de l'opéra, malgré la jalousie souvent présente dans les provinces.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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20
p. 202-204
Lettre à l'Auteur du Mercure.
Début :
MONSIEUR, l'observation, que je vous prie d'insérer dans le Mercure, n'est qu'une [...]
Mots clefs :
Chirurgie, Chirurgien, Amputation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre à l'Auteur du Mercure.
Lettre à l'Auteur du Mercure .
ONSIEUR, l'obfervation , que je vous
prie d'inférer dans le Mercure , n'eft qu'une
confirmation d'une infinité d'autres que
vous trouverez répandues dans nos auteurs.
Ne la croyez pas néanmoins inutile , parce
que ce n'eft point une découverte. Dans
bien des cas , où le progrès de l'art ne nous
permet point de nous conduire à priori
l'expérience doit nous guider ; & furtout
dans les cas chirurgicaux , l'on ne fçauroit
affez accumuler de pareils faits pour affurer
la pratique. C'eft d'ailleurs fervir la
fociété que d'avertir le Chirurgien que la
nature eft toujours capable de ranimer des
parties que l'art lui prefcrivoit d'amputer.
Le 15 du mois de May dernier , je fus
appellé par un Chirurgien de cette ville ,
pour décider s'il falloit féparer totalement
le poignet d'un jeune homme , prefqu'entierement
coupé d'un coup de couteau de
chaffe qu'il venoit de recevoir. Je crus au
premier coup d'oeil , qu'il n'étoit foutenu
que par le tégument du côté du radius , &
DECEMBRE 1755- 203
que tout étoit tranché , arteres , veines ,
nerfs , tendons , tant des fléchiffeurs , que
des extenfeurs propres & communs , de
même que le radius & cubitus dans leurs
extrêmités inférieures ; & qu'ainfi il ne reftoit
d'autres fecours à porter au bleffé , que
de profiter de l'amputation déja faite . En
examinant cependant de plus près fi la
fection de deux os étoit unie , je découvris
l'artere radiale intacte. L'heureux tempérament
du fujet , fon âge d'environ
vingt-cinq ans , joints à cette circonftance ,
me firent naître pour lors l'idée de la
réunion que je fis effayer , me promettant
toujours d'en venir à l'amputation , fi
la nature ne me fecondoit. Le premier appareil
pofé , j'ordonnai les remedes géné
raux , & en attendant qu'on pût le lever ,
j'eus foin de faire examiner foir & matin
l'état de la partie malade , que le Chirurgien
fomentoit plufieurs fois par jour.
Douze heures après le coup reçu , nous
fentîmes que la main avoit repris fa chaleur
naturelle & même au-delà. Quarantehuit
heures après , à la levée du premier
appareil , je trouvai des pulfations au petit
doigt très diftinctes au rameau que lui
fournit la cubitale. Pour lors , je ne dout ai
point que la nature n'eût heureuſement
rencontré quelque anaſtomoſe ; & que
la
I vj
204 MERCURE DE FRANCE
circulation ne fût rétablie partout . Dèslors
je promis une entiere réunion pourvu
que les os ne s'exfoliaffent point , qu'il
n'y eût point de fuppuration interne ; ou
que celle qui commerçoit extérieurement,
quoique légere , ne fusât point. Aucun de
ces malheurs ne nous eft arrivé heureufement.
Dans trente- fept jours la confolidation
a été faite . Le malade en eft quitte par
la perte totale du mouvement , & un
anéantiffement prefque parfait du fentiment.
Après un pareil exemple , qui n'eft
cependant pas unique , vous devez fentir ,
Monfieur , combien il eft effentiel de différer
dans le traitement des bleffures , toute
efpece d'amputation & combien le
public eft intéreffé , que tous ceux qui
exercent cette profeffion en foient inf
truits. Quand on n'éviteroit qu'un coup
de biftouri , c'est toujours faire un bien.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Aurillac , le 28 Juin 1755%
ONSIEUR, l'obfervation , que je vous
prie d'inférer dans le Mercure , n'eft qu'une
confirmation d'une infinité d'autres que
vous trouverez répandues dans nos auteurs.
Ne la croyez pas néanmoins inutile , parce
que ce n'eft point une découverte. Dans
bien des cas , où le progrès de l'art ne nous
permet point de nous conduire à priori
l'expérience doit nous guider ; & furtout
dans les cas chirurgicaux , l'on ne fçauroit
affez accumuler de pareils faits pour affurer
la pratique. C'eft d'ailleurs fervir la
fociété que d'avertir le Chirurgien que la
nature eft toujours capable de ranimer des
parties que l'art lui prefcrivoit d'amputer.
Le 15 du mois de May dernier , je fus
appellé par un Chirurgien de cette ville ,
pour décider s'il falloit féparer totalement
le poignet d'un jeune homme , prefqu'entierement
coupé d'un coup de couteau de
chaffe qu'il venoit de recevoir. Je crus au
premier coup d'oeil , qu'il n'étoit foutenu
que par le tégument du côté du radius , &
DECEMBRE 1755- 203
que tout étoit tranché , arteres , veines ,
nerfs , tendons , tant des fléchiffeurs , que
des extenfeurs propres & communs , de
même que le radius & cubitus dans leurs
extrêmités inférieures ; & qu'ainfi il ne reftoit
d'autres fecours à porter au bleffé , que
de profiter de l'amputation déja faite . En
examinant cependant de plus près fi la
fection de deux os étoit unie , je découvris
l'artere radiale intacte. L'heureux tempérament
du fujet , fon âge d'environ
vingt-cinq ans , joints à cette circonftance ,
me firent naître pour lors l'idée de la
réunion que je fis effayer , me promettant
toujours d'en venir à l'amputation , fi
la nature ne me fecondoit. Le premier appareil
pofé , j'ordonnai les remedes géné
raux , & en attendant qu'on pût le lever ,
j'eus foin de faire examiner foir & matin
l'état de la partie malade , que le Chirurgien
fomentoit plufieurs fois par jour.
Douze heures après le coup reçu , nous
fentîmes que la main avoit repris fa chaleur
naturelle & même au-delà. Quarantehuit
heures après , à la levée du premier
appareil , je trouvai des pulfations au petit
doigt très diftinctes au rameau que lui
fournit la cubitale. Pour lors , je ne dout ai
point que la nature n'eût heureuſement
rencontré quelque anaſtomoſe ; & que
la
I vj
204 MERCURE DE FRANCE
circulation ne fût rétablie partout . Dèslors
je promis une entiere réunion pourvu
que les os ne s'exfoliaffent point , qu'il
n'y eût point de fuppuration interne ; ou
que celle qui commerçoit extérieurement,
quoique légere , ne fusât point. Aucun de
ces malheurs ne nous eft arrivé heureufement.
Dans trente- fept jours la confolidation
a été faite . Le malade en eft quitte par
la perte totale du mouvement , & un
anéantiffement prefque parfait du fentiment.
Après un pareil exemple , qui n'eft
cependant pas unique , vous devez fentir ,
Monfieur , combien il eft effentiel de différer
dans le traitement des bleffures , toute
efpece d'amputation & combien le
public eft intéreffé , que tous ceux qui
exercent cette profeffion en foient inf
truits. Quand on n'éviteroit qu'un coup
de biftouri , c'est toujours faire un bien.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Aurillac , le 28 Juin 1755%
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Résumé : Lettre à l'Auteur du Mercure.
Une lettre discute de l'importance de l'expérience en chirurgie, notamment dans les cas imprévisibles. Un chirurgien relate l'intervention sur un jeune homme dont le poignet était presque sectionné par un coup de couteau. Initialement, toutes les structures vitales semblaient sectionnées, mais l'artère radiale était intacte. Le chirurgien a donc tenté une réparation plutôt qu'une amputation. Douze heures après, la main avait repris sa chaleur naturelle, et après quarante-huit heures, la circulation était rétablie. Trente-sept jours plus tard, la consolidation osseuse était complète, bien que le mouvement et la sensibilité de la main fussent perdus. L'auteur insiste sur l'importance de différer les amputations et d'éviter les interventions chirurgicales inutiles pour mieux servir la société et les patients.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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21
p. 206-209
Lettre à l'Auteur du Mercure.
Début :
MONSIEUR, n'étant point connu de M. Gautier, & ne le connoissant [...]
Mots clefs :
Inventeur, Planches, Imprimer, Peinture, Couleurs, Jacques Gautier d'Agoty
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre à l'Auteur du Mercure.
Lettre à l'Auteur du Mercure.
MONSIEUR, cont
ONSIEUR , n'étant point connu
de M. Gautier , & ne le connoiffant
que par fa grande réputation qu'il appuie
de tout fon crédit auprès du Public , permettez-
moi que par votre moyen je lui
demande l'explication de ce qu'il a avancé
dans le Mercure du mois de Novembre
dernier. Il nous affure qu'il eft l'inventeur
de l'art d'imprimer les tableaux à quatre
Cuivres. Je n'ai jufqu'ici rien revoqué en
doute de tout ce qu'il lui a plu dire.puDECEMBRE.
1755. 207
bliquement , & fur fa parole j'ai cru , lui
voyant écrire fur toutes fortes de matieres
qu'il y étoit très -entendu . J'ai même
porté ma croyance jufqu'à me perfuader
qu'il avoit fait , ainfi qu'il le dit à qui
veut l'entendre , un fyftême meilleur que
celui de Newton , & j'attribuois à une obfl'inattention
tination impardonnable
,
allant jufqu'au mépris qu'ont les Sçavans
pour les découvertes : enfin j'étois
difpofé à croire des chofes encore plus incroyables
, & je fuis extrêmement affligé
de me voir dans la néceffité de lui retirer
cette confiance aveugle. Il fe dit l'inventeur
de ce qu'il appelle l'Art d'imprimer
les eftampes coloriées. Peut - il avoir oublié
qu'il eft de notoriété publique que M.
Le Blond l'avoit trouvé bien des années
avant qu'il fût en âge d'y penfer , & en
avoit donné des preuves connues pendant
long- tems en Angleterre , & dans fa vieilleffe
à Paris : que M. Gautier lui -même ,
entra chez M. Le Blond pour y apprendre
ce talent , auquel il ne s'étoit pas deftiné
d'abord , puifque s'il s'étoit propofé cette
Occupation plufieurs années auparavant ,
il s'y feroit apparemment préparé par une
longue étude du deffein ? La vafte étendue
des connoiffances dont on a vu depuis
les fruits , le tenoit alors dans une espece
zo8 MERCURE DE FRANCE.
d'indécifion , & c'eft maintenant fans
doute ce qui lui caufe ce manque de mémoire
. Je penfe cependant entrevoir quelque
caufe à l'erreur qui lui donne lieu de
fe croire inventeur.
M. Le Blond ne fe fervoit que de trois
planches chargées chacune d'une couleur ,
& plus ou moins travaillées , felon la quantité
dont cette couleur doit entrer dans la
teinte ; M. Gautier en a ajouté une quatrieme.
Seroit- ce là ce qu'il prendroit pour
une invention ? & fe peut-il qu'il ne s'apperçoive
pas que l'invention de cet art ,
affez peu important , confiſte à avoir conçu
le premier qu'on pourroit, par des planches
gravées & imprimées de différentes
couleurs , imiter les tons de la Peinture ?
M. Le Blond n'en mettoit que trois , M.
Gautier , pour ne faire que la même chofe,
en met quatre , un autre en mettra cinq ,
fix , tant que l'on voudra. Compteronsnous
le nombre des inventeurs par le nombre
des planches ? Quand on fuppoferoit
même que cette quatrieme planche auroit
apporté quelque perfection dans les ouvrages
de ce genre, ne devroit- on pas dire ,
pour parler exactement : M. Gautier , ani
moyen d'un privilege exclusif, a feul perfectionné
l'art d'imprimer les eftampes coloriées
à quatre cuivres.
DECEMBRE . 1755 : 209
Je fuis vraiment fâché que M. Gautier
m'ait mis dans le cas de l'incertitude à
l'égard du dégré de croyance qui lui eft
dûe ; & je ne vous cacherai pas que je
ferois curieux de fçavoir quels font ces
Académiciens qui ont approuvé les morceaux
qu'il a préfentés à M. le Marquis de
Marigny. Ces fuffrages font de poids , & je
crois que le Public , ainfi que moi , feroit
charmé de n'avoir là- deffus aucun doute.
J'ai l'honneur d'être , & c.
MONSIEUR, cont
ONSIEUR , n'étant point connu
de M. Gautier , & ne le connoiffant
que par fa grande réputation qu'il appuie
de tout fon crédit auprès du Public , permettez-
moi que par votre moyen je lui
demande l'explication de ce qu'il a avancé
dans le Mercure du mois de Novembre
dernier. Il nous affure qu'il eft l'inventeur
de l'art d'imprimer les tableaux à quatre
Cuivres. Je n'ai jufqu'ici rien revoqué en
doute de tout ce qu'il lui a plu dire.puDECEMBRE.
1755. 207
bliquement , & fur fa parole j'ai cru , lui
voyant écrire fur toutes fortes de matieres
qu'il y étoit très -entendu . J'ai même
porté ma croyance jufqu'à me perfuader
qu'il avoit fait , ainfi qu'il le dit à qui
veut l'entendre , un fyftême meilleur que
celui de Newton , & j'attribuois à une obfl'inattention
tination impardonnable
,
allant jufqu'au mépris qu'ont les Sçavans
pour les découvertes : enfin j'étois
difpofé à croire des chofes encore plus incroyables
, & je fuis extrêmement affligé
de me voir dans la néceffité de lui retirer
cette confiance aveugle. Il fe dit l'inventeur
de ce qu'il appelle l'Art d'imprimer
les eftampes coloriées. Peut - il avoir oublié
qu'il eft de notoriété publique que M.
Le Blond l'avoit trouvé bien des années
avant qu'il fût en âge d'y penfer , & en
avoit donné des preuves connues pendant
long- tems en Angleterre , & dans fa vieilleffe
à Paris : que M. Gautier lui -même ,
entra chez M. Le Blond pour y apprendre
ce talent , auquel il ne s'étoit pas deftiné
d'abord , puifque s'il s'étoit propofé cette
Occupation plufieurs années auparavant ,
il s'y feroit apparemment préparé par une
longue étude du deffein ? La vafte étendue
des connoiffances dont on a vu depuis
les fruits , le tenoit alors dans une espece
zo8 MERCURE DE FRANCE.
d'indécifion , & c'eft maintenant fans
doute ce qui lui caufe ce manque de mémoire
. Je penfe cependant entrevoir quelque
caufe à l'erreur qui lui donne lieu de
fe croire inventeur.
M. Le Blond ne fe fervoit que de trois
planches chargées chacune d'une couleur ,
& plus ou moins travaillées , felon la quantité
dont cette couleur doit entrer dans la
teinte ; M. Gautier en a ajouté une quatrieme.
Seroit- ce là ce qu'il prendroit pour
une invention ? & fe peut-il qu'il ne s'apperçoive
pas que l'invention de cet art ,
affez peu important , confiſte à avoir conçu
le premier qu'on pourroit, par des planches
gravées & imprimées de différentes
couleurs , imiter les tons de la Peinture ?
M. Le Blond n'en mettoit que trois , M.
Gautier , pour ne faire que la même chofe,
en met quatre , un autre en mettra cinq ,
fix , tant que l'on voudra. Compteronsnous
le nombre des inventeurs par le nombre
des planches ? Quand on fuppoferoit
même que cette quatrieme planche auroit
apporté quelque perfection dans les ouvrages
de ce genre, ne devroit- on pas dire ,
pour parler exactement : M. Gautier , ani
moyen d'un privilege exclusif, a feul perfectionné
l'art d'imprimer les eftampes coloriées
à quatre cuivres.
DECEMBRE . 1755 : 209
Je fuis vraiment fâché que M. Gautier
m'ait mis dans le cas de l'incertitude à
l'égard du dégré de croyance qui lui eft
dûe ; & je ne vous cacherai pas que je
ferois curieux de fçavoir quels font ces
Académiciens qui ont approuvé les morceaux
qu'il a préfentés à M. le Marquis de
Marigny. Ces fuffrages font de poids , & je
crois que le Public , ainfi que moi , feroit
charmé de n'avoir là- deffus aucun doute.
J'ai l'honneur d'être , & c.
Fermer
Résumé : Lettre à l'Auteur du Mercure.
L'auteur d'une lettre demande des éclaircissements à un destinataire concernant une affirmation de M. Gautier publiée dans le Mercure de novembre précédent. L'auteur avait initialement cru sans réserve les déclarations de M. Gautier, notamment l'invention de l'art d'imprimer les tableaux à quatre cuivres. Cependant, il remet en question cette affirmation en soulignant que M. Le Blond avait déjà développé cette technique avant M. Gautier. L'auteur précise que M. Gautier avait appris cette technique auprès de M. Le Blond et que l'ajout d'une quatrième planche par M. Gautier ne constitue pas une véritable invention, mais une modification mineure. L'auteur exprime son regret de devoir révoquer sa confiance en M. Gautier et souhaite connaître les académiciens ayant approuvé les travaux de M. Gautier pour lever tout doute.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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22
p. 184-195
Lettre à l'Auteur du Mercure.
Début :
MONSIEUR, les réflexions que M. Cresp, Maître en Chirurgie de [...]
Mots clefs :
Virus, Chien, Hydrophobie, Humeurs, Plaie, Pommade mercurielle, Remède contre la rage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre à l'Auteur du Mercure.
Lettre à l'Auteur du Mercure.
ONSIEUR , les réflexions que M.
Crefp , Maître en Chirurgie de
Graffe , a fait inférer dans le Mercure du
moi de Septembre dernier , ne tendant
rien moins qu'à faire fufpecter ma bonnefoi
, & diminuer le poids des obfervations
authentiques que j'annonce au Public
, je me hâte de vous adreffer ma réponſe
, avec d'autant plus d'affurance que
je connois l'impartialité dont vous faites
profeffion dans votre Mercure , & combien
vous laiſſez un libre champ à ceux
qu'on y attaque , d'oppoſer une légitime
défenfe.
DECEMBRE. 1755. 185
J'adopte volontiers le principe par où
débute M. Crefp ; j'ajoute même que tout
Ecrivain doit prendre non- feulement la
vérité pour guide : mais dès qu'il confacre
fa plume au bien de la fociété , il faut qu'il
publie également les bons & les mauvais
fuccès. L'appas d'une frêle gloire , l'envie
de fe faire un nom , ne doivent jamais tenter
, un obfervateur judicieux , fincere ,
exact à taire les fuites défavorables de fes
travaux . L'hiftoire de nos erreurs fert d'acheminement
au vrai , & c'eft en les expofant
au grand jour , qu'on parvient quelque
fois plus furement à fa découverte . Mais
ce principe-là, M. Crefp l'a- t'il bien fuivi ?
& ne fauroit- on le taxer d'un peu de prévention
? Car à moins de vouloir fe faire
illufion à foi- même , je ne vois pas
que ma fixieme obfervation , qui ne renferme
qu'un fimple & court expofé de fa
manoeuvre , fans annotation , fans détail
des faits & des circonftances , foit le
produit
d'une habileté mal entendue , uniquement
étalée pour farder la vérité avec
art , & le déprimer à ce qu'il dit.
Seroit-ce dans ce que j'avançai , que la
plaie de la jeune Ferrand fut bientôt
cicatrifée par fon fecours , qu'il y trouveroit
fon honneur intéreffé ? Mais de
fon aveu cette morfure étoit fort légere ,
TSG MERCURE DE FRANCE.
à peine paffoit- elle au -delà de la peau ;
& malgré les fcarifications & le doux
fuppuratif qu'il employa , elle fut confolidée
dans huit à dix jours. Voilà ce que
j'ai voulu dire à mon tour , & mes expreffions
ne préfentent à l'efprit aucun
fens équivoque , ni moins encore injurieux.
Je protefte fincérement que je fuis l'ami
des talens dans la perfonne de Meffieurs
les Chirurgiens , que je regarde
uniquement faits pour concourir avec
nous au foulagement des maux attachés
à la nature humaine ; que j'applaudis de
grand coeur aux découvertes laborieuſes ,
& aux fçavantes productions de nos meilleurs
maîtres en ce genre ; que jaime ,
que je recherche même cet heureux accord
qui doit régner entre nous , furtout
lorfque la probité , le dèfintéreffement
, & une noble émulation pour le
progrès de l'art , en font le mobile ; &
que fi jamais M. Crefp me met à portée
de connoître tout fon mérite , j'en
ferai volontiers le panégyrifte , bien loin
d'avoir cherché à le déprimer , lors même
que je n'ai point penté à lui.
Sans nous arrêter aux traits peu judicieux
& exagérés dont il remplit fes réflexions
, réduifons - les à deux ou trois
DECEMBRE. 1755. 187
points principaux . Un chien mord la jeune
Ferrand au métacarpe gauche ce
chien eft-il enragé ou non ? M. Crefp
nous affure qu'après s'être enquis avec
foin de tout ce qu'avoit fait ce chien ,
il n'a pu tirer la moindre induction qu'il
le fût. Mais font- ce là tous les foins qu'un
homme qui cherche à me rendre meilleur
obfervateur devoit fe donner ? &
faut-il dans une matiere auffi intéreffante
pour la vie de cette enfant , nous
laiffer deviner à quoi s'eft borné fa laborieufe
enquête, fans daigner nous apprendre
fur quels fignes exclufifs de la rage ;
il s'eft décidé fi pofitivement ? S'il avoit
bien voulu s'informer un peu mieux ,
ne lui auroit- on pas dit , ainfi que je le
tiens des perfonnes dignes de foi , que
c'étoit ici un chien égaré ; que fa démarche
effarée , fa gueule béante , la fuite
des autres chiens à fon afpect menaçant , &
fur lefquels il fe ruoit indifféremment , quelques-
uns qu'il avoit égorgés la nuit d'auparavant,
l'ayant fait croire enragé, on le pourfuivoit
de part & d'autre , le matin qu'il
mordit fur fon paffage la jeune Ferrand?
A cet expofé que je ne furfais point ,
j'ai pu décider que le chien étoit vraifemblablement
enragé ; & dans ce doute
que la mort des autres chiens mordus
1S8 MERCURE DE FRANCE.
qu'on tua le même jour ne me permit
pas d'éclaircir , j'ai mieux aimé préferver
d'une mort affurée cette jeune enfant
que
les prétendus antidotes de M. Crefp ,
fon eau thériacale & toute fon huile de
fcorpion n'auroient certainement pas garantie
, plutôt que d'en commetre la décifion
à l'évenement . Suis- je blamable par
trop de précaution , & devois- je être expofé
à fes invectives pour m'être montré
plus prudent que lui , prévenu comme
je fuis par des faits avérés , qu'on
ne s'endort que trop fouvent fur les fuites
de pareilles morfures , & qu'un mal
qui fe développe tard , n'en devient pas
moins dangereux , dès qu'on a été fi pcu
foigneux d'y remedier à l'avance ? Ceux
qui ont employé le même préfervatif ,
n'ont-il pas agi quelquefois fur des cas
encore plus équivoques ( 1 ) ?
Mais écoutons M. Crefp ; il va nous
apprendre ce qu'il auroit fallu faire. Convenons
, s'écrie- r'il , que les remedes
euffent été bien infuffifans fi la fille eût
été hydrophobe. D'accord : mais l'ai - je trai-
(1) Voyez les Obfervations de M. James , Dictionnaire
de Médecine , tom. 4 , verbo Hydrophobia
; celles de M. Default , Traité de la Rage,
som. 5 ; M. Lazerme , de Morbis Capitis, pag. 1995
la Differtation de M. Defauvages , fur la fin , &c.
DECEMBRE. 1755. 189
tée comme telle ? & n'admets -je aucune
différence entre une morfure occafionnée
par un chien enragé , & l'hydrophobie ?
entre la caufe & fon effet ? J'annonce
le mercure comme un préfervatif affuré
contre la rage ; je n'ay garde de le donner
encore comme un remede curatif. L'hydrophobie
une fois déclarée exige qu'on
opére différemment. Cette dangereuſe
affection où l'érethifme conftant du genre
nerveux , les contractions convulfives
des muſcles de la gorge , & la tenfion
fpafmodique des folides , amenent fi
promptement des inflammations gangréneufes
dans tous les vifceres , ne demandet'elle
pas qu'on marie fagement le mercure
avec les remedes fédatifs , les ano-'
dins , les calmans , les narcotiques mêmes,
fi l'on veut réuffir à la combattre auffi heureufement
que je le ferai voir , lorfque
cette pratique qu'on vient de tenter
pareillement
avec fuccès en Angleterre , fera
étayée par un nombre de guérifons à
l'épreuve du temps ( 1 ) . Je pense qu'il ne
réfultera jamais de mes expreffions un
fens auffi contraire que celui que veut
en tirer M. Crefp , & qui dénote fa facilité
à prendre le change .
(1 ) Voyez le Journal des Sçavans du mois de
Juillet dernier, pag. 1404.
190 MERCURE DE FRANCE.
La pommade mercurielle , ajoute-t’il ,
étoit en trop petite quantité pour produire
l'effet qu'on s'en promettoit. Ce raiſonnement
feroit concluant , fi l'expérience
& des effais réitérés lui en avoient appris
la jufte dofe. Mais fur quels faits
obfervés de fa part , voudroit- il nous la
régler le ton de maître fied-t'il bien lorfqu'on
ne fçait encore que par oui dice ,
qu'on prévient heureuſement la rage par
les mercuriels ?
Il s'éleve un préjugé bien dangereux à
la fociété , contre lequel on doit s'oppofer
vivement , & qui ne peut avoir pris
naiffance que dans la tête de ces Chirurgiens
frictionneurs, qui ne fe font point
une peine de couvrir impitoyablement de
mercure un malade , au moindre fymptôme
équivoque dont il eft menacé. Le mercure
, dit- on , fait des merveilles contre la
rage , pourquoi ne pas faire effayer ce remede
à plein , fur tous ceux qui font
mordus par quelque animal enragé. Tel
étoit fans doute le raifonnement de M.
Crefp , lorfqu'il propofa aux parens allarmés
fur les fuites de la morfure qu'avoit
reçue leur jeune fille , de la paffer
au plutôt par les grands remedes , fi le
chien étoit tel qu'on le difoit communément
; du moins c'eft ici l'unique fondeDECEMBRE
. 1755. 191
ment de ſes réflexions contre moi , qui ai
fçu la préferver d'un mal dangereux fans
donner dans cet excès : loin de le juger
à la rigueur , convenons que les expreffions
fuivantes , préfentent naturellement
cette conféquence à l'efprit .
Il eft certain , continue - t'il , que dans
quinze jours le virus devoit avoir fait
bien des progrès , & avoir imprégné toute
la maffe des humeurs ; parconféquent
fuffifoit-il de faire quelques legeres frictions
fur la partie offenfée . Oui fans dou
te , cela fuffifoit , & l'expérience qui doit
l'emporter fur le raifonnement nous a
appris que pour prévenir heureuſement
l'hydrophobie , quelques frictions , lorfqu'on
a été mordu aux parties inférieures
, & réitérées tout le temps convenable
, font plus que fuffifantes pour y parvenir
, fans couvrir impétueufement de
mercure ces perfonnes mordues , ni les
affujettir à ce régime fcrupuleux qu'exige
la curation de la vérole. C'eft ainfi qu'on
l'a pratiqué fur la main offenfée & le
bras de cette jeune fille , pendant plus de
quinze jours , à la dofe d'une dragme &
demie de la pommade mercurielle chaque
fois ; & je n'en fis difcontinuer l'ufage
qu'après être moralement certain , par la
cellation de la douleur fous la cicatrice
192 MERCURE DE FRANCE .
de la plaie , qu'il n'y avoit plus rien à
craindre pour les fuites. C'eft ici un fait
dont je prie M. Crefp de vouloir s'informer
un peu mieux , s'il a affez de candeur
& de bonne foi pour reconnoître ,
ainsi que doit faire tout honnête homme
qui s'eft trompé , qu'on peut quelquefois
en impofer au Public faute d'examen.
Ne diroit- on pas , à l'entendre , que le
virus de la rage vicie promptement la
maffe des humeurs ; qu'il jette le fang
dans une diffolution fubite , pour ne
pouvoir le combattre dix à douze jours
après fon infertion dans les chairs. Qu'il
fe donne la peine de lire mes obfervations,
ainfi que celles que j'ai citées d'après
quantité de Médecins célebres , il y verra
qu'on a réuffi après un terme encore plus
fong. Eft- ce là bien pofféder la théorie de
la rage ? Apprenons -lui donc que le virus
hydrophobique , par une action analogue
à quantité d'autres venins , agit moins
fur les Auides que fur les folides ; que
la bave de l'animal enragé , collée contre
les fibres des mufcles dilacérés , peut
y refter des années entieres fous une forme
infenfible , fans donner aucune marque
de fa préfence , fans infecter les
humeurs : ainfi l'obfervons- nous tous les
jours. Mais ce que l'hiſtoire de cette maladie
,
DECEMBRE. 1755. 193
ladie , malgré le grand nombre d'Auteurs ,
.parmi les anciens & les modernes qui
I'ont traitée , ne nous avoit point appris
jufqu'ici , c'est que le virus une fois développé
, cette bave exaltée , annonce fon
action , par une douleur qui fe fait fentir
fous la cicatrice de la partie offenſée ,
d'où s'élévant diftinctement à travers les
muſcles & les chairs qu'elle femble déchirer
en paffant , elle va fe fixer à la gorge
, pour être fuivie d'un étranglement
fubit , des contractions fpafmodiques
des mufcles de la déglutition , & de l'orifice
fupérieur de l'eftomac , de l'hydrophobie
en un mot.
M. Nugent Médecin à Bath ( 1 ) en Angleterre
, vient d'obferver depuis peu ce
fymptôme dans une hydrophobie bien
caractérisée qu'il a guérie. Un coup reçu
fur la cicatrice d'une plaie oblitérée depuis
longtemps , fuffit quelquefois pour
développer le virus amorti . Vainement
contefteroit- on ce cas étonnant . Il eft des
faits dans la nature que nous ne connoiffons
point encore , & l'expérience
reclame toujours contre le raifonnement.
J'ai donc pu quinze jours après l'accident
(1 ) Effai fur l'Hydrophobie , traduit de l'Apglois
de Chriftophe Nugent , à Paris , chez la
veuve Cavelier , 1754.
II. Vol.
4
I
>
194 MERCURE DE FRANCE.
arrivé à cette jeune fille , mettre en oeuvre
la façon prudente que j'ai annoncée ,
fans avoir à craindre une infection générale
des humeurs , contre laquelle j'avoue
qu'il auroit fallu des remedes plus
actifs , fi le virus de la rage agiffoit ainfi
que le penfe M. Crefp.
Les plaies de la bouche & du vifage ,
exigent une curation toute oppofée. Le
virus qui fe développe ordinairement
fur ces parties dans la quarantaine , l'étendue
& la quantité des morfures , le
court trajet de leur fituation jufqu'aux
mufcles de la gorge demandent qu'on
précipite bien fouvent les frictions ; mais
ce n'étoit point ici le cas : on peut employer
alors avec fuccès le turbit minéral.
Son action vive & prompte fur les
glandes fébacées de la gorge , amenant
bientôt la falivation , empêche brufquement
l'action du virus , dont on connoît
l'affinité avec ces humeurs & la ftructure
des organes qui les féparent ; ainfi
que les fels cauftiques des cantharides
agiffent directement fur le vélouté &
l'humeur muqueufe de la veffie.
Les morfures des parties inférieures ,
dans lesquelles on fçait que le virus tarde
beaucoup plus longtemps à donner des
marques de fa préfence , n'exigent pas
DECEMB - R E. 1755. 195
tout cet appareil. C'eft affez de preſcrire
quelques frictions éloignées , en panſant ·
régulierement la plaie avec la pommade
mercurielle & le digeftif ordinaire. Si
l'on emploie le turbit minéral pour plus
grande fureté , ce n'eft jamais qu'en qualité
d'altérant . Tel l'ordonnai - je à cette
jeune fille , & loin que fon ufage foit
dangereux , comme l'infinue M. Crefp, je
n'ai qu'à le renvoyer au traité exprès queM.
James a compofé la deffus ; parallele bien
fingulier au refte, que celui qu'il établit entre
les parens de cette fille, & moi qu'il fuppofe
plus éclairé fur les fuites & l'action
de cette chaux mercurielle. Mais c'eſt
affez de nous arrêter fur un fait qui ne mé
ritoit point d'être improuvé , & que
pourrois appuyer même par des certificats
authentiques , fi tout cela devoit influer
pour quelque chofe à l'inftruction du Public
; motif que l'on doit toujours fe propofer
, ce me femble , dans toute critique ,
fans faire naître ici , comme M. Crefp , une
conteftation à propos de rien ; & de laquelle
il auroit fort bien pu fe paffer ,
s'il avoit eu des meilleurs confeils.
J'ai l'honneur d'être , & c.
DARLUC , Docteur en Médecine.
A Callian 10 Octobre 1755 ..
ONSIEUR , les réflexions que M.
Crefp , Maître en Chirurgie de
Graffe , a fait inférer dans le Mercure du
moi de Septembre dernier , ne tendant
rien moins qu'à faire fufpecter ma bonnefoi
, & diminuer le poids des obfervations
authentiques que j'annonce au Public
, je me hâte de vous adreffer ma réponſe
, avec d'autant plus d'affurance que
je connois l'impartialité dont vous faites
profeffion dans votre Mercure , & combien
vous laiſſez un libre champ à ceux
qu'on y attaque , d'oppoſer une légitime
défenfe.
DECEMBRE. 1755. 185
J'adopte volontiers le principe par où
débute M. Crefp ; j'ajoute même que tout
Ecrivain doit prendre non- feulement la
vérité pour guide : mais dès qu'il confacre
fa plume au bien de la fociété , il faut qu'il
publie également les bons & les mauvais
fuccès. L'appas d'une frêle gloire , l'envie
de fe faire un nom , ne doivent jamais tenter
, un obfervateur judicieux , fincere ,
exact à taire les fuites défavorables de fes
travaux . L'hiftoire de nos erreurs fert d'acheminement
au vrai , & c'eft en les expofant
au grand jour , qu'on parvient quelque
fois plus furement à fa découverte . Mais
ce principe-là, M. Crefp l'a- t'il bien fuivi ?
& ne fauroit- on le taxer d'un peu de prévention
? Car à moins de vouloir fe faire
illufion à foi- même , je ne vois pas
que ma fixieme obfervation , qui ne renferme
qu'un fimple & court expofé de fa
manoeuvre , fans annotation , fans détail
des faits & des circonftances , foit le
produit
d'une habileté mal entendue , uniquement
étalée pour farder la vérité avec
art , & le déprimer à ce qu'il dit.
Seroit-ce dans ce que j'avançai , que la
plaie de la jeune Ferrand fut bientôt
cicatrifée par fon fecours , qu'il y trouveroit
fon honneur intéreffé ? Mais de
fon aveu cette morfure étoit fort légere ,
TSG MERCURE DE FRANCE.
à peine paffoit- elle au -delà de la peau ;
& malgré les fcarifications & le doux
fuppuratif qu'il employa , elle fut confolidée
dans huit à dix jours. Voilà ce que
j'ai voulu dire à mon tour , & mes expreffions
ne préfentent à l'efprit aucun
fens équivoque , ni moins encore injurieux.
Je protefte fincérement que je fuis l'ami
des talens dans la perfonne de Meffieurs
les Chirurgiens , que je regarde
uniquement faits pour concourir avec
nous au foulagement des maux attachés
à la nature humaine ; que j'applaudis de
grand coeur aux découvertes laborieuſes ,
& aux fçavantes productions de nos meilleurs
maîtres en ce genre ; que jaime ,
que je recherche même cet heureux accord
qui doit régner entre nous , furtout
lorfque la probité , le dèfintéreffement
, & une noble émulation pour le
progrès de l'art , en font le mobile ; &
que fi jamais M. Crefp me met à portée
de connoître tout fon mérite , j'en
ferai volontiers le panégyrifte , bien loin
d'avoir cherché à le déprimer , lors même
que je n'ai point penté à lui.
Sans nous arrêter aux traits peu judicieux
& exagérés dont il remplit fes réflexions
, réduifons - les à deux ou trois
DECEMBRE. 1755. 187
points principaux . Un chien mord la jeune
Ferrand au métacarpe gauche ce
chien eft-il enragé ou non ? M. Crefp
nous affure qu'après s'être enquis avec
foin de tout ce qu'avoit fait ce chien ,
il n'a pu tirer la moindre induction qu'il
le fût. Mais font- ce là tous les foins qu'un
homme qui cherche à me rendre meilleur
obfervateur devoit fe donner ? &
faut-il dans une matiere auffi intéreffante
pour la vie de cette enfant , nous
laiffer deviner à quoi s'eft borné fa laborieufe
enquête, fans daigner nous apprendre
fur quels fignes exclufifs de la rage ;
il s'eft décidé fi pofitivement ? S'il avoit
bien voulu s'informer un peu mieux ,
ne lui auroit- on pas dit , ainfi que je le
tiens des perfonnes dignes de foi , que
c'étoit ici un chien égaré ; que fa démarche
effarée , fa gueule béante , la fuite
des autres chiens à fon afpect menaçant , &
fur lefquels il fe ruoit indifféremment , quelques-
uns qu'il avoit égorgés la nuit d'auparavant,
l'ayant fait croire enragé, on le pourfuivoit
de part & d'autre , le matin qu'il
mordit fur fon paffage la jeune Ferrand?
A cet expofé que je ne furfais point ,
j'ai pu décider que le chien étoit vraifemblablement
enragé ; & dans ce doute
que la mort des autres chiens mordus
1S8 MERCURE DE FRANCE.
qu'on tua le même jour ne me permit
pas d'éclaircir , j'ai mieux aimé préferver
d'une mort affurée cette jeune enfant
que
les prétendus antidotes de M. Crefp ,
fon eau thériacale & toute fon huile de
fcorpion n'auroient certainement pas garantie
, plutôt que d'en commetre la décifion
à l'évenement . Suis- je blamable par
trop de précaution , & devois- je être expofé
à fes invectives pour m'être montré
plus prudent que lui , prévenu comme
je fuis par des faits avérés , qu'on
ne s'endort que trop fouvent fur les fuites
de pareilles morfures , & qu'un mal
qui fe développe tard , n'en devient pas
moins dangereux , dès qu'on a été fi pcu
foigneux d'y remedier à l'avance ? Ceux
qui ont employé le même préfervatif ,
n'ont-il pas agi quelquefois fur des cas
encore plus équivoques ( 1 ) ?
Mais écoutons M. Crefp ; il va nous
apprendre ce qu'il auroit fallu faire. Convenons
, s'écrie- r'il , que les remedes
euffent été bien infuffifans fi la fille eût
été hydrophobe. D'accord : mais l'ai - je trai-
(1) Voyez les Obfervations de M. James , Dictionnaire
de Médecine , tom. 4 , verbo Hydrophobia
; celles de M. Default , Traité de la Rage,
som. 5 ; M. Lazerme , de Morbis Capitis, pag. 1995
la Differtation de M. Defauvages , fur la fin , &c.
DECEMBRE. 1755. 189
tée comme telle ? & n'admets -je aucune
différence entre une morfure occafionnée
par un chien enragé , & l'hydrophobie ?
entre la caufe & fon effet ? J'annonce
le mercure comme un préfervatif affuré
contre la rage ; je n'ay garde de le donner
encore comme un remede curatif. L'hydrophobie
une fois déclarée exige qu'on
opére différemment. Cette dangereuſe
affection où l'érethifme conftant du genre
nerveux , les contractions convulfives
des muſcles de la gorge , & la tenfion
fpafmodique des folides , amenent fi
promptement des inflammations gangréneufes
dans tous les vifceres , ne demandet'elle
pas qu'on marie fagement le mercure
avec les remedes fédatifs , les ano-'
dins , les calmans , les narcotiques mêmes,
fi l'on veut réuffir à la combattre auffi heureufement
que je le ferai voir , lorfque
cette pratique qu'on vient de tenter
pareillement
avec fuccès en Angleterre , fera
étayée par un nombre de guérifons à
l'épreuve du temps ( 1 ) . Je pense qu'il ne
réfultera jamais de mes expreffions un
fens auffi contraire que celui que veut
en tirer M. Crefp , & qui dénote fa facilité
à prendre le change .
(1 ) Voyez le Journal des Sçavans du mois de
Juillet dernier, pag. 1404.
190 MERCURE DE FRANCE.
La pommade mercurielle , ajoute-t’il ,
étoit en trop petite quantité pour produire
l'effet qu'on s'en promettoit. Ce raiſonnement
feroit concluant , fi l'expérience
& des effais réitérés lui en avoient appris
la jufte dofe. Mais fur quels faits
obfervés de fa part , voudroit- il nous la
régler le ton de maître fied-t'il bien lorfqu'on
ne fçait encore que par oui dice ,
qu'on prévient heureuſement la rage par
les mercuriels ?
Il s'éleve un préjugé bien dangereux à
la fociété , contre lequel on doit s'oppofer
vivement , & qui ne peut avoir pris
naiffance que dans la tête de ces Chirurgiens
frictionneurs, qui ne fe font point
une peine de couvrir impitoyablement de
mercure un malade , au moindre fymptôme
équivoque dont il eft menacé. Le mercure
, dit- on , fait des merveilles contre la
rage , pourquoi ne pas faire effayer ce remede
à plein , fur tous ceux qui font
mordus par quelque animal enragé. Tel
étoit fans doute le raifonnement de M.
Crefp , lorfqu'il propofa aux parens allarmés
fur les fuites de la morfure qu'avoit
reçue leur jeune fille , de la paffer
au plutôt par les grands remedes , fi le
chien étoit tel qu'on le difoit communément
; du moins c'eft ici l'unique fondeDECEMBRE
. 1755. 191
ment de ſes réflexions contre moi , qui ai
fçu la préferver d'un mal dangereux fans
donner dans cet excès : loin de le juger
à la rigueur , convenons que les expreffions
fuivantes , préfentent naturellement
cette conféquence à l'efprit .
Il eft certain , continue - t'il , que dans
quinze jours le virus devoit avoir fait
bien des progrès , & avoir imprégné toute
la maffe des humeurs ; parconféquent
fuffifoit-il de faire quelques legeres frictions
fur la partie offenfée . Oui fans dou
te , cela fuffifoit , & l'expérience qui doit
l'emporter fur le raifonnement nous a
appris que pour prévenir heureuſement
l'hydrophobie , quelques frictions , lorfqu'on
a été mordu aux parties inférieures
, & réitérées tout le temps convenable
, font plus que fuffifantes pour y parvenir
, fans couvrir impétueufement de
mercure ces perfonnes mordues , ni les
affujettir à ce régime fcrupuleux qu'exige
la curation de la vérole. C'eft ainfi qu'on
l'a pratiqué fur la main offenfée & le
bras de cette jeune fille , pendant plus de
quinze jours , à la dofe d'une dragme &
demie de la pommade mercurielle chaque
fois ; & je n'en fis difcontinuer l'ufage
qu'après être moralement certain , par la
cellation de la douleur fous la cicatrice
192 MERCURE DE FRANCE .
de la plaie , qu'il n'y avoit plus rien à
craindre pour les fuites. C'eft ici un fait
dont je prie M. Crefp de vouloir s'informer
un peu mieux , s'il a affez de candeur
& de bonne foi pour reconnoître ,
ainsi que doit faire tout honnête homme
qui s'eft trompé , qu'on peut quelquefois
en impofer au Public faute d'examen.
Ne diroit- on pas , à l'entendre , que le
virus de la rage vicie promptement la
maffe des humeurs ; qu'il jette le fang
dans une diffolution fubite , pour ne
pouvoir le combattre dix à douze jours
après fon infertion dans les chairs. Qu'il
fe donne la peine de lire mes obfervations,
ainfi que celles que j'ai citées d'après
quantité de Médecins célebres , il y verra
qu'on a réuffi après un terme encore plus
fong. Eft- ce là bien pofféder la théorie de
la rage ? Apprenons -lui donc que le virus
hydrophobique , par une action analogue
à quantité d'autres venins , agit moins
fur les Auides que fur les folides ; que
la bave de l'animal enragé , collée contre
les fibres des mufcles dilacérés , peut
y refter des années entieres fous une forme
infenfible , fans donner aucune marque
de fa préfence , fans infecter les
humeurs : ainfi l'obfervons- nous tous les
jours. Mais ce que l'hiſtoire de cette maladie
,
DECEMBRE. 1755. 193
ladie , malgré le grand nombre d'Auteurs ,
.parmi les anciens & les modernes qui
I'ont traitée , ne nous avoit point appris
jufqu'ici , c'est que le virus une fois développé
, cette bave exaltée , annonce fon
action , par une douleur qui fe fait fentir
fous la cicatrice de la partie offenſée ,
d'où s'élévant diftinctement à travers les
muſcles & les chairs qu'elle femble déchirer
en paffant , elle va fe fixer à la gorge
, pour être fuivie d'un étranglement
fubit , des contractions fpafmodiques
des mufcles de la déglutition , & de l'orifice
fupérieur de l'eftomac , de l'hydrophobie
en un mot.
M. Nugent Médecin à Bath ( 1 ) en Angleterre
, vient d'obferver depuis peu ce
fymptôme dans une hydrophobie bien
caractérisée qu'il a guérie. Un coup reçu
fur la cicatrice d'une plaie oblitérée depuis
longtemps , fuffit quelquefois pour
développer le virus amorti . Vainement
contefteroit- on ce cas étonnant . Il eft des
faits dans la nature que nous ne connoiffons
point encore , & l'expérience
reclame toujours contre le raifonnement.
J'ai donc pu quinze jours après l'accident
(1 ) Effai fur l'Hydrophobie , traduit de l'Apglois
de Chriftophe Nugent , à Paris , chez la
veuve Cavelier , 1754.
II. Vol.
4
I
>
194 MERCURE DE FRANCE.
arrivé à cette jeune fille , mettre en oeuvre
la façon prudente que j'ai annoncée ,
fans avoir à craindre une infection générale
des humeurs , contre laquelle j'avoue
qu'il auroit fallu des remedes plus
actifs , fi le virus de la rage agiffoit ainfi
que le penfe M. Crefp.
Les plaies de la bouche & du vifage ,
exigent une curation toute oppofée. Le
virus qui fe développe ordinairement
fur ces parties dans la quarantaine , l'étendue
& la quantité des morfures , le
court trajet de leur fituation jufqu'aux
mufcles de la gorge demandent qu'on
précipite bien fouvent les frictions ; mais
ce n'étoit point ici le cas : on peut employer
alors avec fuccès le turbit minéral.
Son action vive & prompte fur les
glandes fébacées de la gorge , amenant
bientôt la falivation , empêche brufquement
l'action du virus , dont on connoît
l'affinité avec ces humeurs & la ftructure
des organes qui les féparent ; ainfi
que les fels cauftiques des cantharides
agiffent directement fur le vélouté &
l'humeur muqueufe de la veffie.
Les morfures des parties inférieures ,
dans lesquelles on fçait que le virus tarde
beaucoup plus longtemps à donner des
marques de fa préfence , n'exigent pas
DECEMB - R E. 1755. 195
tout cet appareil. C'eft affez de preſcrire
quelques frictions éloignées , en panſant ·
régulierement la plaie avec la pommade
mercurielle & le digeftif ordinaire. Si
l'on emploie le turbit minéral pour plus
grande fureté , ce n'eft jamais qu'en qualité
d'altérant . Tel l'ordonnai - je à cette
jeune fille , & loin que fon ufage foit
dangereux , comme l'infinue M. Crefp, je
n'ai qu'à le renvoyer au traité exprès queM.
James a compofé la deffus ; parallele bien
fingulier au refte, que celui qu'il établit entre
les parens de cette fille, & moi qu'il fuppofe
plus éclairé fur les fuites & l'action
de cette chaux mercurielle. Mais c'eſt
affez de nous arrêter fur un fait qui ne mé
ritoit point d'être improuvé , & que
pourrois appuyer même par des certificats
authentiques , fi tout cela devoit influer
pour quelque chofe à l'inftruction du Public
; motif que l'on doit toujours fe propofer
, ce me femble , dans toute critique ,
fans faire naître ici , comme M. Crefp , une
conteftation à propos de rien ; & de laquelle
il auroit fort bien pu fe paffer ,
s'il avoit eu des meilleurs confeils.
J'ai l'honneur d'être , & c.
DARLUC , Docteur en Médecine.
A Callian 10 Octobre 1755 ..
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Résumé : Lettre à l'Auteur du Mercure.
Dans une lettre datée du 10 octobre 1755, Darluc, Docteur en Médecine, répond aux critiques de M. Crefp publiées dans le Mercure de septembre 1755. M. Crefp avait remis en question la bonne foi et la validité des observations de Darluc. Darluc affirme qu'il publie ses succès et échecs dans un esprit de vérité et pour le bien de la société. Il conteste les accusations de M. Crefp concernant une observation sur une jeune fille mordue par un chien, précisant que la morsure était légère et rapidement cicatrisée. Darluc insiste sur la prudence nécessaire dans de tels cas, citant des exemples où des morsures similaires ont entraîné des complications tardives. Darluc critique M. Crefp pour ne pas avoir suffisamment enquêté sur les signes de rage du chien et pour avoir proposé des remèdes inefficaces. Il défend l'utilisation du mercure comme préventif contre la rage, soulignant que le virus peut rester latent pendant des années avant de se manifester. Il mentionne des cas où des frictions mercurielles ont été efficaces pour prévenir la rage et critique les pratiques excessives de certains chirurgiens. Dans une autre lettre datée du 10 octobre 1755, Darluc discute de l'utilisation du turbit minéral, un composé mercuriel, pour traiter une jeune fille. Il conteste les accusations de dangerosité formulées par M. Cresp, se référant à un traité de M. James qui compare les effets de cette substance. Darluc souligne que l'usage de ce traitement n'est pas dangereux et qu'il peut être appuyé par des certificats authentiques. Il exprime son regret de devoir aborder ce sujet, estimant que cela n'apporte rien à l'instruction du public. Darluc critique M. Cresp pour avoir provoqué une controverse inutile, suggérant qu'il aurait pu éviter cela en ayant de meilleurs conseils. La lettre se conclut par une formule de politesse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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23
p. 182-186
LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
Début :
Je m'empresse, Monsieur, à vous faire part d'un nouveau phénomène, [...]
Mots clefs :
Prodige, Michelot, Ponsard, Évanouissement, Arrêt de l'alimentation, Perte de parole, Perte de mobilité, Mystère, Remèdes inefficaces, Prières, Survie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
E m'empreffe , Monfieur , à vous faire part
d'un nouveau phénoméne, afin que les Sçavans
en étant inftruits , veuillent bien nous en donner
l'explication.
Plufieurs perfonnes du voisinage , des étrangers
même , & furtout les Médecins du pays , à qui la
confidération en appartient plus particuliérement ,
ont vu ce phénoméne ; ils en ont été étonnés ,
comme les plus ignorans , mais ils n'ont pas voulu
, ou plutôt ils n'ont pu nous en donner aucune
raifon , & nous ont laiffé dans l'étonnement
fans pouvoir nous en tirer .
Voici , Monfieur , quel eft ce phénoméne , on
fi vous voulez , ce prodige . C'eft une fille qui a
vécu plus de trois ans fans manger , près de ſix
mois fans boire , & qui vit encore.
Entrons dans le détail . Pour une plus grande
intelligence , il faut en faire l'hiftoire , & vous
en marquer le commencement , le progrès & la
fin ; en un mot toutes les circonftances qui ont
précédé & accompagné la maladie de cette fille ,
qui n'eft pas entièrement rétablie , puifquelle ne
peut encore marcher qu'avec des potences .
Une nommée Michelot , âgée d'onze ans , néc
JANVIER. 1756. 185
en 1742 à Ponfard , village fitué à une demilieue
de Beaune , au Diocèle d'Autun , fille d'un
Vigneron dudit lieu , fut furprife en 1751 , quelque
tems après la vendange , à laquelle elle avoit
travaillé à couper quelques raifins , autant que
fon âge le permettoit , fut furprife , dis-je , environ
vers la Touffaint , d'un évanouiffement
confidérable , qui dura long-tems . Pour la faire
revenir , quelques-uns du village s'érigeant en
médecins , & donnant leur avis à tout hazard ,
dirent qu'il falloit écorcher un mouton , & envelopper
l'enfant dans fa peau : on le fit , elle revint
de fon évanouiffement ; mais il lui prit des
tremblemens par tout le corps , ' qui lui durerent
près d'un mois , & fi violens , qu'il falloit la tenir
ou l'attacher.
Depuis fa chute jufqu'au commencement du
Carême de 1755 , cette fille n'a rien mangé exactement
, n'a pas même pu prendre du bouillon .
Tout ce qu'on vouloit lui faire avaler par force ,
elle le rejettoit . Dans les fix premiers mois de fa
maladie , elle n'a bu ni eau ni vin ; elle trempoit
feulement de fois à autre fon doigt dans de
Peau , & le fuçoit . La plupart de ceux qui la
voyoient , & fes parens même , crurent que c'étoit
un fort qu'on avoit jetté ſur cet enfant.
Comme ce font des gens de la campagne , il n'eft
pas étonnant qu'ils ayent donné dans cette idée ,
qui eft aflez ordinaire aux villageois , quand ils
ne connoiffent point une maladie , & qu'elle a
quelque chofe de fingulier dans fon principe &
dans les effets. Au bout de fix mois elle a commencé
à boire de l'eau , mais en petite quantité ;
elle a toujours uriné , mais elle n'alloit pas à la
felle.
Elle devint très-maigre, fon ventre étoit appla
184 MERCURE DE FRANCE.
ti , & même enfoncé comme celui d'un levrier ,
cela eft tout fimple ; mais elle avoit toutefois le
vifage affez plein , un beau teint , avec toutes les
couleurs de la jeuneffe : ce qui eft furprenant.
Elle perdit en même tems avec l'appétit & le
befoin de manger , la parole & l'ufage de fes
jambes. Du commencement , pour aller d'un endroit
de la chambre à l'autre , elle fe traînoit fur
fon ventre , à l'aide de fes mains , enfuite fur le
derriere ; & long- tems après elle a marché fur
fes genoux , & enfin avec des potences ; actucllement
même elle ne marche pas autrement.
Ses parens n'oublierent rien pour lui donner.
tous les fecours imaginables , autant que le permettoit
leur petite faculté . On envoya chercher
les Médecins , les Chirurgiens , toute la Pharmacie
fut appellée , mais en vain . Voyant que les
remedes naturels étoient inutiles , & que les Maîtres
de l'Art n'y connoiffoient rien , & l'avoient
abandonnée dix -huit mois après ils,eurent recoursaux
prieres & aux 'remedes furnaturels ; ils implorerent
le fecours du médecin des Médecins,
celui qui d'une feule parole guérit tous les maux.
Touchés du triste état où étoit leur fille , la piété
& la tendreffe paternelle leur fuggéra la penſée
de s'adreffer au Seigneur par l'interceffion de la
Sainte Vierge ; ils la menerent à cet effet en dévotion
à fept ou huit lieues delà , à une Notre-
Dame , qu'on appelle N. D. d'Etang , à deux
lieues de Dijon , où il y a un couvent de Minimes.
Il y firent leurs prieres , & y firent célébrer
une Meffe pour la guérifon de leur fille . Au retour
de leur pélérinage , & pendant le chemin , la
malade recouvra la parole ; & voici comment ..
Les gens qui la conduifoient fur une petite voitre
, comme il faifoit chaud , s'arrêterent fur le
JANVIER. 1756. 183
bord d'un ruiffeau pour étancher leur foif ; quand
le premier eut bu , la fille demanda à boire à fon
pere , qui pleura de joie d'entendre que fa fille
avoit recouvré la parole , & en rendit graces au
Seigneur. Dès ce moment elle a toujours parlé ;
mais toutes les pfieres & les remedes qu'on a
pu faire , n'ont pu lui rendre l'appétit , ni la
faculté de marcher.
Pendant tout le cours de fa maladie , elle n'a
pas eu de fievre. Il y apparence que les jambes
étoient attaquées de paralyfie ; car on les avoit
piquées , fans qu'elle en eût rien fenti : enfin ,
aprés avoir vécu plus de trois ans en cet état ,
elle a commencé à manger au mois de Février
1755-
Quoique bien des perfonnes foient allées voir
cette fille par curiofité , comme j'ai déja eu l'honneur
de vous le dire , perfonne n'a encore pu
jufqu'ici nous expliquer ni la caufe , ni les effets
d'une maladie auffi extraordinaire . Perfonne n'a
pu rendre raison de ce qu'elle a pu vivre filongtems
fans manger , & près de fix mois fans boire.
Il ne paroît pas d'abord à l'efprit que cela puiffe
fe faire fans miracle ; on ne peut cependant pas
dire qu'il y en ait eu , fi ce n'eft peut- être dans
le recouvrement de la parole , car il ne faut pas
multiplier les miracles fans néceffité . Comme la
maladie de cette fille probablement eft venue
naturellement , & non par un fort , comme le
croyoient ces bonnes gens , il y a toutes les apparences
du monde que la guérifon s'eft faite de
même . Mais comment a-t- elle pu fubfifter naturellement
pendant près de quarante mois fans.
Labor eft manger : Hoc opus , lic labor eft
Ce prodige , tout fingulier qu'il eft , n'eft pas
unique en France . La même chofe eft arrivée à
186 MERCURE DE FRANCE.
ne ,
pea-près à une femme de Moify , village de Beauil
y a déja quelques années. La maladie , &
furtout la guérilon de cette femme fit beaucoup
plus de bruit , que celle de notre fille de Pommard.
Là on crioit au miracle , ici perfonne ne dit mot .
On m'a pourtant affuré que M.Piloye , un des plus
accrédités Médecins de Beaune , en avoit écrit à
la Faculté de Médecine de Paris , pour fçavoir làdeffus
fon fentiment ; mais je ne fçais ce qu'elle
a répondu , ni même fielle a répondu.
J'ai l'honneur d'être , & c.
F ..... D ....
A Beaune , ce 24 Juillet 1755.
E m'empreffe , Monfieur , à vous faire part
d'un nouveau phénoméne, afin que les Sçavans
en étant inftruits , veuillent bien nous en donner
l'explication.
Plufieurs perfonnes du voisinage , des étrangers
même , & furtout les Médecins du pays , à qui la
confidération en appartient plus particuliérement ,
ont vu ce phénoméne ; ils en ont été étonnés ,
comme les plus ignorans , mais ils n'ont pas voulu
, ou plutôt ils n'ont pu nous en donner aucune
raifon , & nous ont laiffé dans l'étonnement
fans pouvoir nous en tirer .
Voici , Monfieur , quel eft ce phénoméne , on
fi vous voulez , ce prodige . C'eft une fille qui a
vécu plus de trois ans fans manger , près de ſix
mois fans boire , & qui vit encore.
Entrons dans le détail . Pour une plus grande
intelligence , il faut en faire l'hiftoire , & vous
en marquer le commencement , le progrès & la
fin ; en un mot toutes les circonftances qui ont
précédé & accompagné la maladie de cette fille ,
qui n'eft pas entièrement rétablie , puifquelle ne
peut encore marcher qu'avec des potences .
Une nommée Michelot , âgée d'onze ans , néc
JANVIER. 1756. 185
en 1742 à Ponfard , village fitué à une demilieue
de Beaune , au Diocèle d'Autun , fille d'un
Vigneron dudit lieu , fut furprife en 1751 , quelque
tems après la vendange , à laquelle elle avoit
travaillé à couper quelques raifins , autant que
fon âge le permettoit , fut furprife , dis-je , environ
vers la Touffaint , d'un évanouiffement
confidérable , qui dura long-tems . Pour la faire
revenir , quelques-uns du village s'érigeant en
médecins , & donnant leur avis à tout hazard ,
dirent qu'il falloit écorcher un mouton , & envelopper
l'enfant dans fa peau : on le fit , elle revint
de fon évanouiffement ; mais il lui prit des
tremblemens par tout le corps , ' qui lui durerent
près d'un mois , & fi violens , qu'il falloit la tenir
ou l'attacher.
Depuis fa chute jufqu'au commencement du
Carême de 1755 , cette fille n'a rien mangé exactement
, n'a pas même pu prendre du bouillon .
Tout ce qu'on vouloit lui faire avaler par force ,
elle le rejettoit . Dans les fix premiers mois de fa
maladie , elle n'a bu ni eau ni vin ; elle trempoit
feulement de fois à autre fon doigt dans de
Peau , & le fuçoit . La plupart de ceux qui la
voyoient , & fes parens même , crurent que c'étoit
un fort qu'on avoit jetté ſur cet enfant.
Comme ce font des gens de la campagne , il n'eft
pas étonnant qu'ils ayent donné dans cette idée ,
qui eft aflez ordinaire aux villageois , quand ils
ne connoiffent point une maladie , & qu'elle a
quelque chofe de fingulier dans fon principe &
dans les effets. Au bout de fix mois elle a commencé
à boire de l'eau , mais en petite quantité ;
elle a toujours uriné , mais elle n'alloit pas à la
felle.
Elle devint très-maigre, fon ventre étoit appla
184 MERCURE DE FRANCE.
ti , & même enfoncé comme celui d'un levrier ,
cela eft tout fimple ; mais elle avoit toutefois le
vifage affez plein , un beau teint , avec toutes les
couleurs de la jeuneffe : ce qui eft furprenant.
Elle perdit en même tems avec l'appétit & le
befoin de manger , la parole & l'ufage de fes
jambes. Du commencement , pour aller d'un endroit
de la chambre à l'autre , elle fe traînoit fur
fon ventre , à l'aide de fes mains , enfuite fur le
derriere ; & long- tems après elle a marché fur
fes genoux , & enfin avec des potences ; actucllement
même elle ne marche pas autrement.
Ses parens n'oublierent rien pour lui donner.
tous les fecours imaginables , autant que le permettoit
leur petite faculté . On envoya chercher
les Médecins , les Chirurgiens , toute la Pharmacie
fut appellée , mais en vain . Voyant que les
remedes naturels étoient inutiles , & que les Maîtres
de l'Art n'y connoiffoient rien , & l'avoient
abandonnée dix -huit mois après ils,eurent recoursaux
prieres & aux 'remedes furnaturels ; ils implorerent
le fecours du médecin des Médecins,
celui qui d'une feule parole guérit tous les maux.
Touchés du triste état où étoit leur fille , la piété
& la tendreffe paternelle leur fuggéra la penſée
de s'adreffer au Seigneur par l'interceffion de la
Sainte Vierge ; ils la menerent à cet effet en dévotion
à fept ou huit lieues delà , à une Notre-
Dame , qu'on appelle N. D. d'Etang , à deux
lieues de Dijon , où il y a un couvent de Minimes.
Il y firent leurs prieres , & y firent célébrer
une Meffe pour la guérifon de leur fille . Au retour
de leur pélérinage , & pendant le chemin , la
malade recouvra la parole ; & voici comment ..
Les gens qui la conduifoient fur une petite voitre
, comme il faifoit chaud , s'arrêterent fur le
JANVIER. 1756. 183
bord d'un ruiffeau pour étancher leur foif ; quand
le premier eut bu , la fille demanda à boire à fon
pere , qui pleura de joie d'entendre que fa fille
avoit recouvré la parole , & en rendit graces au
Seigneur. Dès ce moment elle a toujours parlé ;
mais toutes les pfieres & les remedes qu'on a
pu faire , n'ont pu lui rendre l'appétit , ni la
faculté de marcher.
Pendant tout le cours de fa maladie , elle n'a
pas eu de fievre. Il y apparence que les jambes
étoient attaquées de paralyfie ; car on les avoit
piquées , fans qu'elle en eût rien fenti : enfin ,
aprés avoir vécu plus de trois ans en cet état ,
elle a commencé à manger au mois de Février
1755-
Quoique bien des perfonnes foient allées voir
cette fille par curiofité , comme j'ai déja eu l'honneur
de vous le dire , perfonne n'a encore pu
jufqu'ici nous expliquer ni la caufe , ni les effets
d'une maladie auffi extraordinaire . Perfonne n'a
pu rendre raison de ce qu'elle a pu vivre filongtems
fans manger , & près de fix mois fans boire.
Il ne paroît pas d'abord à l'efprit que cela puiffe
fe faire fans miracle ; on ne peut cependant pas
dire qu'il y en ait eu , fi ce n'eft peut- être dans
le recouvrement de la parole , car il ne faut pas
multiplier les miracles fans néceffité . Comme la
maladie de cette fille probablement eft venue
naturellement , & non par un fort , comme le
croyoient ces bonnes gens , il y a toutes les apparences
du monde que la guérifon s'eft faite de
même . Mais comment a-t- elle pu fubfifter naturellement
pendant près de quarante mois fans.
Labor eft manger : Hoc opus , lic labor eft
Ce prodige , tout fingulier qu'il eft , n'eft pas
unique en France . La même chofe eft arrivée à
186 MERCURE DE FRANCE.
ne ,
pea-près à une femme de Moify , village de Beauil
y a déja quelques années. La maladie , &
furtout la guérilon de cette femme fit beaucoup
plus de bruit , que celle de notre fille de Pommard.
Là on crioit au miracle , ici perfonne ne dit mot .
On m'a pourtant affuré que M.Piloye , un des plus
accrédités Médecins de Beaune , en avoit écrit à
la Faculté de Médecine de Paris , pour fçavoir làdeffus
fon fentiment ; mais je ne fçais ce qu'elle
a répondu , ni même fielle a répondu.
J'ai l'honneur d'être , & c.
F ..... D ....
A Beaune , ce 24 Juillet 1755.
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Résumé : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
La lettre décrit un phénomène médical exceptionnel survenu dans le village de Pommard, près de Beaune, en France. Une fille nommée Michelot, âgée de onze ans, a cessé de s'alimenter et de boire pendant plusieurs années. En 1751, après un évanouissement, elle a développé des tremblements violents et a perdu l'appétit, la parole et l'usage de ses jambes. Malgré les interventions des médecins et les remèdes naturels, son état n'a pas montré d'amélioration. Ses parents ont alors eu recours à des prières et à un pèlerinage à Notre-Dame d'Étang, où elle a recouvré la parole. Cependant, elle n'a pas retrouvé l'appétit ni la capacité de marcher. La maladie, bien que mystérieuse, semble naturelle et non due à un sort. Un cas similaire a été observé chez une femme de Mosly, mais sans le même retentissement. Le médecin Piloye de Beaune a consulté la Faculté de Médecine de Paris, mais la réponse n'est pas connue.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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24
p. 214-218
LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
Début :
Vous serez sans doute informé, Monsieur, du malheur que vient [...]
Mots clefs :
Tremblement de terre, Portugal, Effondrements, Incendie, Tsunami, Lisbonne, Dégâts, Morts
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
LETTRE
A L'AUTEUR DU MERCURE .
De Lisbonne , ce 25 Novembre , 1755.
Vous ferez fans doute informé , Monfieur
, du malheur que vient d'effuyer le
Portugal. Le premier de Novembre à neuf
heures quarante- cinq minutes du matin ,
par un temps calme & le ciel le plus ferain
, le mercure étant à vingt- fept pouces
fept lignes , & le termometre de M. de
Réaumur à quatorze degrés , la terre trembla
par trois reprifes. La premiere fecouffe
fut fi foible qu'elle n'épouvanta prefque
perfonne , & dura à peu près une minute :
mais après un intervalle de trente à quarante
fecondes , la terre trembla de nouveau
, mais avec tant de violence que la
plupart des maifons commencerent à crouler.
Cette feconde fecouffe dura à peu près
huit ou dix minutes . Il y eut encore un intervalle
de deux minutes à peu près ; ce que je
préfume , parce que la pouffiere que caufa
l'écroulement des maifons , & qui étoit fi
épaiffe que le foleil en étoit totalement
obfcurci , baiffa peu à peu , & rendit au
jour affez de clarté pour que l'on pût s'envifager
& fe reconnoître.
JANVIE R. 1756. 215
Une troifieme fecouffe reconfondit tout
de nouveau ; les maifons qui avoient réfifté
jufqu'alors , tomberent avec fracas. Le ciel
s'obfurcit , & la terre fembloit vouloir
rentrer dans le cahos . Les gémiffemens des
mourans , les cris de ceux qui étoient expofés
au danger , les fecouffes réitérées de
la terre, l'obfcurité du jour augmentoient le
trouble , la confufion , l'horreur & l'effroi.
Enfin , après dix à douze minutes , tout ſe
calma . Mais notre malheur n'étoit pas
encore à fon comble. A peine commençions-
nous à refpirer , le feu parut dans
différens quartiers de la Ville. Le vent qui
fouffloit avec violence , excitoit la flamme.
Perfonne ne penfa à empêcher fa voracité ,
on ne fongea qu'à fauver fa vie , & à fuir
vers la campagne : les tremblemens de terre
fe fuccédoient toujours foibles à la vérité
, mais trop violens pour des gens qui
avoient échappé à une mort qui fembloit
inévitable. Ainfi Lifbonne devint en peu
de tems une feconde Troie.
On auroit pu fans doute apporter quelque
remede au feu , fi la mer n'eût menacé
de fubmerger la ville ; ou du moins
le peuple effrayé par une fi horrible
cataſtrophe , fe le perfuada , en voyant les
Alots entrer avec fureur dans des lieux ou
il fembloit impoffible que la mer pût
jamais parvenir.
216 MERCURE DE FRANCE.
Dans le commencement du tremblement
, quelques perfonnes croyant trouver
un afyle fur les eaux , s'y expoferent ;
mais la mer ne leur fut pas plus favorable
car le flux portoit vaiffeaux ,
barques , batteaux contre le rivage , les
écrafoit les uns contre les autres , &
bientôt les retirant avec violence , fembloit
vouloir les engloutir avec les malheureux
qu'ils portoient.
Ce flux & reflux dura toute la nuit
& fe faifoit fentir plus fortement de cinq
en cinq minutes. L'effroi n'a pas encore
ceffé ; car il n'y a pas de jour que nous
n'ayons fenti deux ou trois fecouffes.
J'ai remarqué que les plus fortes , que
l'on peut comparer à un coup de canon
tiré dans un fouterrein , fe font toujours
fentir à la fortie de la Lune , & vers le
crépuscule du matin.
Le 8. vers les cinq heures & demie du
matin , nons avons fenti une fecouffe de
peu de durée , mais très violente. Le
16. à trois heures & demie après midi ,
la terre bailla & fit le même effet que
le d'un navire à la cape. corps
On affure que la mer a furpaffé de 9 .
pieds le plus grand débordement dont on
fe fouvienne en Portugal.
Le tremblement & le feu ont détruit
1S
JANVIER. 1756. 217
18 paroilles , prefque tous les couvens ,
& les plus beaux Palais de Liſbonne , tels
que le Palais du Roi , celui de Bragance ,
le Tréfor , les Hôtels des Ducs de Cadaval
, de Lafoens & d'Avéiro , ceux des
Marquis de Valence , de Lourical , de
Tavora , de Marialva , de Limiares , de
Frontiere , d'Anjeja , des Comtes de
Vimieiro , d'Atouguia , das Galvéas , de
Saint Jacques , d'Alva , de Coucoulin :
l'Hôtel de l'Ambaffadeur d'Efpagne l'a
enfeveli fous fes ruines. Le chantier ,
toutes les douanes pleines de marchandifes
, les Magafins publics du bled ont
été confumés . Les environs de Lisbonne
ont prefque tous été détruits . Les Bourgs
d'Alverca , Alandra , Villa Franca , Caftanheira
, Povos , Alenquer , Sétuval ,
font prefque entierement ravagés. La
partie baffe de Santarem a beaucoup
fouffert , de même que Peniche & la
fortereffe de Cafcaes . Quelques villes du
Royaume des Algarves ont été détruites
moins le tremblement de terre , que
par la mer qui a inondé une lieue de
Pays. La pointe du Cap de la Boque s'eft
affaiffée. La fameufe bibliotheque de S.
Dominique , celle du Comte de Ericeira
& celle du Comte de Vimieiro , célébres
I. Vol.
par
K
218 MERCURE DE FRANCE.
par leurs manufcrits rares , ont été la
proie des flammes.
On ne fçait pas encore le nombre des
morts. On conjecture qu'il doit monter
de 30. à 40. mille perfonnes. Tout le
monde campe , depuis le Roi jufqu'au
dernier membre de la République.
Pedegache.
A L'AUTEUR DU MERCURE .
De Lisbonne , ce 25 Novembre , 1755.
Vous ferez fans doute informé , Monfieur
, du malheur que vient d'effuyer le
Portugal. Le premier de Novembre à neuf
heures quarante- cinq minutes du matin ,
par un temps calme & le ciel le plus ferain
, le mercure étant à vingt- fept pouces
fept lignes , & le termometre de M. de
Réaumur à quatorze degrés , la terre trembla
par trois reprifes. La premiere fecouffe
fut fi foible qu'elle n'épouvanta prefque
perfonne , & dura à peu près une minute :
mais après un intervalle de trente à quarante
fecondes , la terre trembla de nouveau
, mais avec tant de violence que la
plupart des maifons commencerent à crouler.
Cette feconde fecouffe dura à peu près
huit ou dix minutes . Il y eut encore un intervalle
de deux minutes à peu près ; ce que je
préfume , parce que la pouffiere que caufa
l'écroulement des maifons , & qui étoit fi
épaiffe que le foleil en étoit totalement
obfcurci , baiffa peu à peu , & rendit au
jour affez de clarté pour que l'on pût s'envifager
& fe reconnoître.
JANVIE R. 1756. 215
Une troifieme fecouffe reconfondit tout
de nouveau ; les maifons qui avoient réfifté
jufqu'alors , tomberent avec fracas. Le ciel
s'obfurcit , & la terre fembloit vouloir
rentrer dans le cahos . Les gémiffemens des
mourans , les cris de ceux qui étoient expofés
au danger , les fecouffes réitérées de
la terre, l'obfcurité du jour augmentoient le
trouble , la confufion , l'horreur & l'effroi.
Enfin , après dix à douze minutes , tout ſe
calma . Mais notre malheur n'étoit pas
encore à fon comble. A peine commençions-
nous à refpirer , le feu parut dans
différens quartiers de la Ville. Le vent qui
fouffloit avec violence , excitoit la flamme.
Perfonne ne penfa à empêcher fa voracité ,
on ne fongea qu'à fauver fa vie , & à fuir
vers la campagne : les tremblemens de terre
fe fuccédoient toujours foibles à la vérité
, mais trop violens pour des gens qui
avoient échappé à une mort qui fembloit
inévitable. Ainfi Lifbonne devint en peu
de tems une feconde Troie.
On auroit pu fans doute apporter quelque
remede au feu , fi la mer n'eût menacé
de fubmerger la ville ; ou du moins
le peuple effrayé par une fi horrible
cataſtrophe , fe le perfuada , en voyant les
Alots entrer avec fureur dans des lieux ou
il fembloit impoffible que la mer pût
jamais parvenir.
216 MERCURE DE FRANCE.
Dans le commencement du tremblement
, quelques perfonnes croyant trouver
un afyle fur les eaux , s'y expoferent ;
mais la mer ne leur fut pas plus favorable
car le flux portoit vaiffeaux ,
barques , batteaux contre le rivage , les
écrafoit les uns contre les autres , &
bientôt les retirant avec violence , fembloit
vouloir les engloutir avec les malheureux
qu'ils portoient.
Ce flux & reflux dura toute la nuit
& fe faifoit fentir plus fortement de cinq
en cinq minutes. L'effroi n'a pas encore
ceffé ; car il n'y a pas de jour que nous
n'ayons fenti deux ou trois fecouffes.
J'ai remarqué que les plus fortes , que
l'on peut comparer à un coup de canon
tiré dans un fouterrein , fe font toujours
fentir à la fortie de la Lune , & vers le
crépuscule du matin.
Le 8. vers les cinq heures & demie du
matin , nons avons fenti une fecouffe de
peu de durée , mais très violente. Le
16. à trois heures & demie après midi ,
la terre bailla & fit le même effet que
le d'un navire à la cape. corps
On affure que la mer a furpaffé de 9 .
pieds le plus grand débordement dont on
fe fouvienne en Portugal.
Le tremblement & le feu ont détruit
1S
JANVIER. 1756. 217
18 paroilles , prefque tous les couvens ,
& les plus beaux Palais de Liſbonne , tels
que le Palais du Roi , celui de Bragance ,
le Tréfor , les Hôtels des Ducs de Cadaval
, de Lafoens & d'Avéiro , ceux des
Marquis de Valence , de Lourical , de
Tavora , de Marialva , de Limiares , de
Frontiere , d'Anjeja , des Comtes de
Vimieiro , d'Atouguia , das Galvéas , de
Saint Jacques , d'Alva , de Coucoulin :
l'Hôtel de l'Ambaffadeur d'Efpagne l'a
enfeveli fous fes ruines. Le chantier ,
toutes les douanes pleines de marchandifes
, les Magafins publics du bled ont
été confumés . Les environs de Lisbonne
ont prefque tous été détruits . Les Bourgs
d'Alverca , Alandra , Villa Franca , Caftanheira
, Povos , Alenquer , Sétuval ,
font prefque entierement ravagés. La
partie baffe de Santarem a beaucoup
fouffert , de même que Peniche & la
fortereffe de Cafcaes . Quelques villes du
Royaume des Algarves ont été détruites
moins le tremblement de terre , que
par la mer qui a inondé une lieue de
Pays. La pointe du Cap de la Boque s'eft
affaiffée. La fameufe bibliotheque de S.
Dominique , celle du Comte de Ericeira
& celle du Comte de Vimieiro , célébres
I. Vol.
par
K
218 MERCURE DE FRANCE.
par leurs manufcrits rares , ont été la
proie des flammes.
On ne fçait pas encore le nombre des
morts. On conjecture qu'il doit monter
de 30. à 40. mille perfonnes. Tout le
monde campe , depuis le Roi jufqu'au
dernier membre de la République.
Pedegache.
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Résumé : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
Le 1er novembre 1755, Lisbonne a été frappée par un violent tremblement de terre à 9 heures 45 du matin, par un temps calme et un ciel serein. Le séisme s'est manifesté en trois secousses principales. La première, faible et de courte durée, n'a pas causé de dégâts majeurs. La deuxième, beaucoup plus violente, a duré environ huit à dix minutes et a provoqué l'effondrement de nombreuses maisons. Une troisième secousse a suivi, augmentant la confusion et l'horreur. Après environ dix à douze minutes, le séisme s'est calmé, mais des incendies ont éclaté dans divers quartiers, alimentés par un vent violent. Les habitants, terrifiés, ont fui vers la campagne. La mer, en flux et reflux violents, a également causé des ravages, détruisant des navires et menaçant de submerger la ville. Les secousses se sont poursuivies, avec des pics d'intensité à la sortie de la Lune et au crépuscule du matin. Le 8 novembre et le 16 novembre, des secousses supplémentaires ont été ressenties. Le tremblement de terre et les incendies ont détruit 18 paroisses, de nombreux couvents, palais royaux et privés, ainsi que des infrastructures publiques. Les environs de Lisbonne ont également été ravagés, et plusieurs villes du Royaume des Algarves ont été inondées. La bibliothèque de São Domingos et celles des comtes d'Ériceira et de Vimieiro ont été détruites. Le nombre de morts est estimé entre 30 000 et 40 000 personnes. En raison des destructions, depuis le roi jusqu'au dernier membre de la République, tout le monde a dû camper.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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25
p. 219-222
LETTRE à l'Auteur du Mercure, par M. l'Abbé Moreilhon, Prêtre, Docteur en Théologie, Curé de Portet, Jurvielle, & Pobeau, Diocèse de Commenges.
Début :
Un étrange phénomene, Monsieur, a répandu l'effroi dans ce coin de l'Univers. [...]
Mots clefs :
Tremblement de terre, Jurvielle, Eau rouge, Prodige, Fontaines, Couleur de l'eau, Phénomène mystérieux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE à l'Auteur du Mercure, par M. l'Abbé Moreilhon, Prêtre, Docteur en Théologie, Curé de Portet, Jurvielle, & Pobeau, Diocèse de Commenges.
LETTRE à l'Auteur du Mercure , par M.
l'Abbé Moreilhon , Prêtre , Docteur en
Théologie , Curé de Portet , Jurvielle , &
Pobean , Diocèfe de Commenges.
UN étrange phénomene , Monfieut , a répandu
l'effroi dans ce coin de l'Univers. Il pourra
mériter l'attention du Public , fi vous daignez
P'expofer à fes yeux dans un de vos recueils périodiques.
Le premier de ce mois , un vieux Paſteur con
duifit fes moutons dans la prairie de Jurvielle.
C'est un petit Bourg fitué à l'extrêmité de la vallée
de Larbouft , dans la Généralité d'Auch ,
tout au pied des Pyrenées. Vers les onze heures
du matin , ce Berger s'aflit auprès d'une fontaine
où il avoit accoutumé de faire fes champêtres repas.
Il avoit déja bu de cette eau pure dans le
creux de fa main , lorfqu'il vit tout- à -coup fa
Cource fe troubler , au point qu'il la crut changée
en fots de fang.
Kij
220 MERCURE DE FRANCE.
Effrayé du fpectacle il fuit d'un lieu qui avoit
fait jufqu'alors fes plus cheres délices ; mais à
peine a -t'il fait quelque pas , que le ruiffeau qui
ferpente dans le vallon , lui préfente un femblable
prodige. Il appelle d'autres Paſteurs. Des
cris mêlés de gémiflemens fe font entendre au
loin . Un peuple nombreux accourt au bord du
Ruiffeau. On crie de plus en plus au miracle. La
crainte redouble à chaque inftant , & l'allarme
vint me troubler dans les fonctions du faint miniftere
dont j'étois occupé.
Je voulois me convaincre par moi - même du
fujet de la terreur publique. J'allai fur les lieux
& je vis qu'on ne m'en avoit point impofé. Les
caux du ruiffeau étoient d'une couleur parfaitement
reffemblante à celle d'un fang livide . Je
remontai à la fource , & par la verification exacte
que j'en fis , je trouvai le long du vallon quatre
fontaines qui avoient fouffert le même changement.
Non feulement le cryſtal de leurs eaux ne
préfentoit plus fa tranfparence ordinaire , mais
leur goût & leur odeur étoient aufli changée ;
& dans le courant cette liqueur dépofoit une efpece
de limon , tel que le mar du caffé au
clair.
Ce n'eft pas tout. L'émotion populaire me
rendit témoin d'un autre prodige ; tandis que
les quatre fources dont j'ai parlé , avoient pris
une couleur rouge en coulant. de l'Ouestau Sud,
ily en a deux du côté de ce même vallon , dont
les eaux étoient blanches , comme fi l'on y avoir'
détrempé du plâtre. Je continuai mes obferva-"
tions vis- à- vis de ces fontaines qui coulent duNord
at Sud. Après les avoir examinées je trouvai que
cette cau fentoit la vafe , & que les parties craffes
qu'elle entraînoit , étoient de la véritable argille ,
FEVRIER. 1756. 221
Je m'informai fi l'on n'avoit jamais vu un pareil
changement dans ces fontaines , & des perfonnes
âgées de quatre-vingts ans me certifierent qu'elles
n'avoient point vu , ni même oui dire , que
la diverfité des faifons eût produit dans ces fources
la moindre altération. Le tems étoit affez ferein
, & mes foins ne me mirent point à même
de foupçonner quelque caufe extérieure qui eût
trait à cet événement .
Pendant environ fix heures , le changement de
couleur dans ces différentes fontaines fut toujours
au même dégré , fans qu'il furvînt aucune altération
dans plus de vingt fources qui fe trouvent
au-deffus , au- deffous , & à côté , dans l'efpace
d'environ demi - quart de lieue que, contient le
vallon de Jurvielle. Dans la nuit , le prodige diminua
, & vers les huit heures du lendemain matin
les fontaines furent parfaitement rétablies dans
leur étát naturel.
J'avois auguré qu'un tremblement de terre ou
des feux fouterreins avoient pu occafionner le
prétendu miracle. Mes conjectures fe font , à mon
avis , trouvées plus vraisemblables , lorfque les
nouvelles publiques ont annoncé les ravages arrivés
par le tremblement de terre qui a eu lieu
le même jour , premier Novembre à Sévile , à
Cadix, à Salamanque, à Ségovie, à Carthagene, à
Valence , à Bilbao , & furtout à Liſbonne.
Mais comment les fecouffes de la terre ébranlée
à l'embouchure du Tage & du Guadalquivir ,
ont- elles pu troubler des fontaines fituées à quatre
cens lieues de diftance ? Quand le tremblement
de terre auroit été encore plus violent &
plus étendu dans les provinces voifines du détroit
de Gibraltar , fe feroit-il communiqué jufqu'à
P'extrémité de la Gafcogne : Les Pyrenées ne font
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE.
ils pas une barriere fuffifante pour y mettre obf
tacle ? La communication a - t'elle pu fe faire
dans deux heures de tems, puifque le tremblement
a commencé dans Lifbonne à neuf heures, & qu'ici
les fources ont changé de couleur à onze heures
du matin D'où vient la teinture rouge des quatre
fontaines , & la couleur blanche des deux autres
fources dont j'ai parlé , fi les feux fouterreins,
la crue de la mer , ou l'ébranlement de la terre en
font la véritable cauſe D'où vient que les fontaines
voisines font demeurées dans leur état naturel ?
Ne pourroit-on pas dire , en adoptant l'opinion
commune , fur l'origine des fontaines , que celles-
ci tirent leur fource d'un grand refervoir , où
il s'eft fait quelque éboulement qui a communiqué
à l'eau la différente couleur , felon la différente
qualité du terrein ? Les fonctions rédoutables
dont je fuis furchargé , me rendent depuis
long tems étranger à la Philofophie. Je n'ai donc
garde de prévenir le jugement des Sçavans fur
les queftions propofées. Je me fuis borné à conftater
les faits avec exactitude , & je me contente
de les expofer avec fimplicité .
*
4
J'ai l'honneur d'être , &c.
Ce 20 Novembre 1755.
l'Abbé Moreilhon , Prêtre , Docteur en
Théologie , Curé de Portet , Jurvielle , &
Pobean , Diocèfe de Commenges.
UN étrange phénomene , Monfieut , a répandu
l'effroi dans ce coin de l'Univers. Il pourra
mériter l'attention du Public , fi vous daignez
P'expofer à fes yeux dans un de vos recueils périodiques.
Le premier de ce mois , un vieux Paſteur con
duifit fes moutons dans la prairie de Jurvielle.
C'est un petit Bourg fitué à l'extrêmité de la vallée
de Larbouft , dans la Généralité d'Auch ,
tout au pied des Pyrenées. Vers les onze heures
du matin , ce Berger s'aflit auprès d'une fontaine
où il avoit accoutumé de faire fes champêtres repas.
Il avoit déja bu de cette eau pure dans le
creux de fa main , lorfqu'il vit tout- à -coup fa
Cource fe troubler , au point qu'il la crut changée
en fots de fang.
Kij
220 MERCURE DE FRANCE.
Effrayé du fpectacle il fuit d'un lieu qui avoit
fait jufqu'alors fes plus cheres délices ; mais à
peine a -t'il fait quelque pas , que le ruiffeau qui
ferpente dans le vallon , lui préfente un femblable
prodige. Il appelle d'autres Paſteurs. Des
cris mêlés de gémiflemens fe font entendre au
loin . Un peuple nombreux accourt au bord du
Ruiffeau. On crie de plus en plus au miracle. La
crainte redouble à chaque inftant , & l'allarme
vint me troubler dans les fonctions du faint miniftere
dont j'étois occupé.
Je voulois me convaincre par moi - même du
fujet de la terreur publique. J'allai fur les lieux
& je vis qu'on ne m'en avoit point impofé. Les
caux du ruiffeau étoient d'une couleur parfaitement
reffemblante à celle d'un fang livide . Je
remontai à la fource , & par la verification exacte
que j'en fis , je trouvai le long du vallon quatre
fontaines qui avoient fouffert le même changement.
Non feulement le cryſtal de leurs eaux ne
préfentoit plus fa tranfparence ordinaire , mais
leur goût & leur odeur étoient aufli changée ;
& dans le courant cette liqueur dépofoit une efpece
de limon , tel que le mar du caffé au
clair.
Ce n'eft pas tout. L'émotion populaire me
rendit témoin d'un autre prodige ; tandis que
les quatre fources dont j'ai parlé , avoient pris
une couleur rouge en coulant. de l'Ouestau Sud,
ily en a deux du côté de ce même vallon , dont
les eaux étoient blanches , comme fi l'on y avoir'
détrempé du plâtre. Je continuai mes obferva-"
tions vis- à- vis de ces fontaines qui coulent duNord
at Sud. Après les avoir examinées je trouvai que
cette cau fentoit la vafe , & que les parties craffes
qu'elle entraînoit , étoient de la véritable argille ,
FEVRIER. 1756. 221
Je m'informai fi l'on n'avoit jamais vu un pareil
changement dans ces fontaines , & des perfonnes
âgées de quatre-vingts ans me certifierent qu'elles
n'avoient point vu , ni même oui dire , que
la diverfité des faifons eût produit dans ces fources
la moindre altération. Le tems étoit affez ferein
, & mes foins ne me mirent point à même
de foupçonner quelque caufe extérieure qui eût
trait à cet événement .
Pendant environ fix heures , le changement de
couleur dans ces différentes fontaines fut toujours
au même dégré , fans qu'il furvînt aucune altération
dans plus de vingt fources qui fe trouvent
au-deffus , au- deffous , & à côté , dans l'efpace
d'environ demi - quart de lieue que, contient le
vallon de Jurvielle. Dans la nuit , le prodige diminua
, & vers les huit heures du lendemain matin
les fontaines furent parfaitement rétablies dans
leur étát naturel.
J'avois auguré qu'un tremblement de terre ou
des feux fouterreins avoient pu occafionner le
prétendu miracle. Mes conjectures fe font , à mon
avis , trouvées plus vraisemblables , lorfque les
nouvelles publiques ont annoncé les ravages arrivés
par le tremblement de terre qui a eu lieu
le même jour , premier Novembre à Sévile , à
Cadix, à Salamanque, à Ségovie, à Carthagene, à
Valence , à Bilbao , & furtout à Liſbonne.
Mais comment les fecouffes de la terre ébranlée
à l'embouchure du Tage & du Guadalquivir ,
ont- elles pu troubler des fontaines fituées à quatre
cens lieues de diftance ? Quand le tremblement
de terre auroit été encore plus violent &
plus étendu dans les provinces voifines du détroit
de Gibraltar , fe feroit-il communiqué jufqu'à
P'extrémité de la Gafcogne : Les Pyrenées ne font
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE.
ils pas une barriere fuffifante pour y mettre obf
tacle ? La communication a - t'elle pu fe faire
dans deux heures de tems, puifque le tremblement
a commencé dans Lifbonne à neuf heures, & qu'ici
les fources ont changé de couleur à onze heures
du matin D'où vient la teinture rouge des quatre
fontaines , & la couleur blanche des deux autres
fources dont j'ai parlé , fi les feux fouterreins,
la crue de la mer , ou l'ébranlement de la terre en
font la véritable cauſe D'où vient que les fontaines
voisines font demeurées dans leur état naturel ?
Ne pourroit-on pas dire , en adoptant l'opinion
commune , fur l'origine des fontaines , que celles-
ci tirent leur fource d'un grand refervoir , où
il s'eft fait quelque éboulement qui a communiqué
à l'eau la différente couleur , felon la différente
qualité du terrein ? Les fonctions rédoutables
dont je fuis furchargé , me rendent depuis
long tems étranger à la Philofophie. Je n'ai donc
garde de prévenir le jugement des Sçavans fur
les queftions propofées. Je me fuis borné à conftater
les faits avec exactitude , & je me contente
de les expofer avec fimplicité .
*
4
J'ai l'honneur d'être , &c.
Ce 20 Novembre 1755.
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Résumé : LETTRE à l'Auteur du Mercure, par M. l'Abbé Moreilhon, Prêtre, Docteur en Théologie, Curé de Portet, Jurvielle, & Pobeau, Diocèse de Commenges.
Le 1er novembre 1755, un événement inhabituel s'est produit à Jurvielle, un petit bourg situé à l'extrémité de la vallée de Larbouf, près des Pyrénées. Vers onze heures du matin, un berger a observé que l'eau de la fontaine où il se trouvait avait subitement changé d'apparence, devenant semblable à des flots de sang. Ce phénomène s'est également manifesté dans le ruisseau voisin, provoquant l'effroi des habitants. L'abbé Moreilhon, curé de Portet, Jurvielle et Pobean, s'est rendu sur place et a constaté que quatre fontaines du vallon avaient changé de couleur. Certaines prenaient une teinte rouge, tandis que d'autres devenaient blanches. L'eau avait également un goût et une odeur altérés, et déposait un limon semblable à celui du marc de café. Ce phénomène a duré environ six heures avant de disparaître complètement le lendemain matin. L'abbé Moreilhon a émis plusieurs hypothèses pour expliquer ce phénomène. Il a d'abord envisagé un tremblement de terre ou des feux souterrains, mais les distances et les délais rendaient cette explication improbable. Il a ensuite suggéré que les fontaines pourraient tirer leur eau d'un réservoir souterrain où un éboulement aurait modifié la couleur de l'eau. L'abbé Moreilhon s'est limité à constater les faits avec exactitude et les a exposés simplement, sans interprétation.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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26
p. 225-227
NAISSANCES, MARIAGES ET MORTS. LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
Début :
Monsieur, j'ai vu dans le second volume du Mercure de Janvier, [...]
Mots clefs :
Naissances, Mariages, Morts, François d'Halluin, Maison d'Halluin, Antoine de Courteville, Corrections
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texteReconnaissance textuelle : NAISSANCES, MARIAGES ET MORTS. LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
NAISSANCES , MARIAGES
ET MORTS.
LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
Monfieur , j'ai vu dans le fecond volume du
Mercure de Janvier , pag. 233 ( 1 ) , à l'article de
Marie-Magdeleine de Croi- Havré , que Jofephe-
Barbe d'Halluin , veuve de Ferdinand- François-
Jofeph de Croi étoit la derniere de fa Maifon . Je
ferois bien obligé à ceux qui ont fait inférer cette
particularité s'ils vouloient me trouver l'origine
de Françoife d'Halluin veuve d'Antoine de
Courteville , Chevalier , Seigneur d'Hodicq , mes
pere & mere , laquelle porte pour armes , d'argent
a trois lions de gueules , armés , couronnés & lampallés
d'or , & defcend de Charles d'Halluin & de
Françoile de Braque , lequel étoit fils d'Alexandre
d'Halluin & d'Antoinette Monet lequel étoit
( 1) On auroit pu d'abord le voir dans la Gazette
de France , que le Mercure en cette occafion n'a
fait que répéter. Suppofé que ce qu'elle a avancé
ne foit pas exact il faudroit d'autres preuves
pour le décider ) , c'est fon Auteur qui a été induit
en erreur le premier par les mémoires qui lui ont
été adreffis . On feroit bien obligé à ceux qui fe
chargent du foin d'en envoyer foit pour le Mercure
foit pour la Gazette , d'y mettre un peu plus d'exactitude..
Ky
226 MERCURE DE FRANCE.
fils de Claude d'Halluin & de Marguerite du
Mefghen , lequel étoit fils de Céfar d'Halluin &"
de Marie de Rofe , lequel étoit fils de François
d'Halluin & de Claude de Becourt , lequel étoit
fils de Céfar d'Halluin & de Marie du Hamel ,
lequel étoit fils de Louis d'Halluin & d'Antoinet
te Maillard , lequel étoit fils puîné de Louis d'Hal-
Juin & de Jeanne de Ghiftelle , lequel étoit fils
de Nicolas d'Halluin on ignore quelle fut fa
femme ; lequel étoit fils de Joffe d'Hallain &
de Jeanne de la Trimouille , lequel étoit fils de
Jean d'Halluin & de Jacqueline de Ghiſtelle , lequel
étoit fils de Gautier d'Halluin & de Péronne
de Saint - Omer , lequel étoit fils de Roland d'Hal-
Juin & de Marie de la Gruthufe , lequel étoit fils
de Gautier d'Halluin & d'Alix d'Eftawelle , lequel
étoit fils de Jacques d'Halluin & d'Ifabeau d'Ants-
Berghe , lequel étoit fils de Roger d'Halluin & de
Jeanne de Gavre , lequel étoit fils de Gautier
d'Halluin & de Marie de Haulte-Berg , lequel étoit
fils de Gautier d'Halluin & de Magdeleine de Soif.
fons , lequel étoit fils de Hachet Brunet d'Halluin
dont on ignore qu'elle fut la femme , mais qui eut
pour pere Charles d'Halluin & pour mere Magdeleine
de Lannoi , lequel étoit fils de Meffire
François d'Halluin , Seigneur dudit lieu , Souverain
ou Gouverneur de Flandres & de Jeanne de
Melun.
Non feulement Jofephe - Barbe d'Halluin n'étoit
pas la derniere de fa Maifon , puifque Fran
çoife d'Halluin vit ; mais je dirai ici qu'il y en a
encore une branche en Hollande près de la
Haye ( 1 ).
Je vous prie , Monfieur , d'inférer dans votre
(1 ) Cette branche ne paffe pas pour légitime
JUIN. 1756. 227
Mercure ce que j'ai l'honneur de vous envoyer ;
je fuis furpris que l'on vous ait envoyé une choſe
auffi fauffe que de dire que cette d'Halluin étoit
la derniere de fa Maifon. J'efpere , Monfieur , par
ce que j'ai l'honneur de vous envoyer prouver
tout le contraire ; j'ai tout extrait de pieces authentiques
que j'ai entre les mains.
J'ai l'honneur d'être , & c.
Signé , Courteville d'Hodicq.
ET MORTS.
LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
Monfieur , j'ai vu dans le fecond volume du
Mercure de Janvier , pag. 233 ( 1 ) , à l'article de
Marie-Magdeleine de Croi- Havré , que Jofephe-
Barbe d'Halluin , veuve de Ferdinand- François-
Jofeph de Croi étoit la derniere de fa Maifon . Je
ferois bien obligé à ceux qui ont fait inférer cette
particularité s'ils vouloient me trouver l'origine
de Françoife d'Halluin veuve d'Antoine de
Courteville , Chevalier , Seigneur d'Hodicq , mes
pere & mere , laquelle porte pour armes , d'argent
a trois lions de gueules , armés , couronnés & lampallés
d'or , & defcend de Charles d'Halluin & de
Françoile de Braque , lequel étoit fils d'Alexandre
d'Halluin & d'Antoinette Monet lequel étoit
( 1) On auroit pu d'abord le voir dans la Gazette
de France , que le Mercure en cette occafion n'a
fait que répéter. Suppofé que ce qu'elle a avancé
ne foit pas exact il faudroit d'autres preuves
pour le décider ) , c'est fon Auteur qui a été induit
en erreur le premier par les mémoires qui lui ont
été adreffis . On feroit bien obligé à ceux qui fe
chargent du foin d'en envoyer foit pour le Mercure
foit pour la Gazette , d'y mettre un peu plus d'exactitude..
Ky
226 MERCURE DE FRANCE.
fils de Claude d'Halluin & de Marguerite du
Mefghen , lequel étoit fils de Céfar d'Halluin &"
de Marie de Rofe , lequel étoit fils de François
d'Halluin & de Claude de Becourt , lequel étoit
fils de Céfar d'Halluin & de Marie du Hamel ,
lequel étoit fils de Louis d'Halluin & d'Antoinet
te Maillard , lequel étoit fils puîné de Louis d'Hal-
Juin & de Jeanne de Ghiftelle , lequel étoit fils
de Nicolas d'Halluin on ignore quelle fut fa
femme ; lequel étoit fils de Joffe d'Hallain &
de Jeanne de la Trimouille , lequel étoit fils de
Jean d'Halluin & de Jacqueline de Ghiſtelle , lequel
étoit fils de Gautier d'Halluin & de Péronne
de Saint - Omer , lequel étoit fils de Roland d'Hal-
Juin & de Marie de la Gruthufe , lequel étoit fils
de Gautier d'Halluin & d'Alix d'Eftawelle , lequel
étoit fils de Jacques d'Halluin & d'Ifabeau d'Ants-
Berghe , lequel étoit fils de Roger d'Halluin & de
Jeanne de Gavre , lequel étoit fils de Gautier
d'Halluin & de Marie de Haulte-Berg , lequel étoit
fils de Gautier d'Halluin & de Magdeleine de Soif.
fons , lequel étoit fils de Hachet Brunet d'Halluin
dont on ignore qu'elle fut la femme , mais qui eut
pour pere Charles d'Halluin & pour mere Magdeleine
de Lannoi , lequel étoit fils de Meffire
François d'Halluin , Seigneur dudit lieu , Souverain
ou Gouverneur de Flandres & de Jeanne de
Melun.
Non feulement Jofephe - Barbe d'Halluin n'étoit
pas la derniere de fa Maifon , puifque Fran
çoife d'Halluin vit ; mais je dirai ici qu'il y en a
encore une branche en Hollande près de la
Haye ( 1 ).
Je vous prie , Monfieur , d'inférer dans votre
(1 ) Cette branche ne paffe pas pour légitime
JUIN. 1756. 227
Mercure ce que j'ai l'honneur de vous envoyer ;
je fuis furpris que l'on vous ait envoyé une choſe
auffi fauffe que de dire que cette d'Halluin étoit
la derniere de fa Maifon. J'efpere , Monfieur , par
ce que j'ai l'honneur de vous envoyer prouver
tout le contraire ; j'ai tout extrait de pieces authentiques
que j'ai entre les mains.
J'ai l'honneur d'être , & c.
Signé , Courteville d'Hodicq.
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Résumé : NAISSANCES, MARIAGES ET MORTS. LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
Dans une lettre, l'auteur conteste une information parue dans le Mercure de Janvier, affirmant que Joséphine-Barbe d'Halluin, veuve de Ferdinand-François-Joseph de Croi, serait la dernière de sa maison. Il précise que Françoise d'Halluin, veuve d'Antoine de Courteville, est encore en vie et descend de Charles d'Halluin et Françoise de Braque. L'auteur fournit une généalogie détaillée remontant à Hachet Brunet d'Halluin, seigneur de Flandres. Il souligne que Joséphine-Barbe d'Halluin n'est pas la dernière de sa maison, car une branche de la famille existe encore en Hollande près de La Haye. L'auteur exprime sa surprise face à l'erreur publiée et assure que ses informations proviennent de pièces authentiques. La lettre est signée Courteville d'Hodicq.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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27
p. 205-217
RELATION HISTORIQUE De la Prise de l'Isle de Minorque, & principalement des Port-Mahon & Fort Saint-Philippe; envoyée par un Officier de l'Armée.
Début :
Je crois avant que d'entrer dans le détail du Siege du Fort [...]
Mots clefs :
Ile de Minorque, Port Mahon, Fort Saint-Philippe, Siège, Garnison, Grenadiers, Attaque, Description historique, Description géographique, Anglais
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texteReconnaissance textuelle : RELATION HISTORIQUE De la Prise de l'Isle de Minorque, & principalement des Port-Mahon & Fort Saint-Philippe; envoyée par un Officier de l'Armée.
RELATION HISTORIQUE
De la Prife de l'Iſle de Minorque , & principalement
des Port-Mahon & Fort Saint-
Philippe ; envoyée par un Officier de l'Armée.
Du Fort S. Philippe , le 30 Juin 1756.
JEE crois avant que d'entrer dans le détail du
Siege du Fort Saint- Philippe , devoir donner une
idée fuccincte, géographique & hiftorique de cette
In e.
L'Ile Minorque fituée dans la Méditerrannée ,
placée précisément au quatrieme degré de latitu
de , à foixante- dix lieues de Marfeille , & à quinze
des côtes de l'Afrique , faifoit anciennement partie
des Iles appellées Baléares , du nom d'un
Grec nommé Baléus , qui fut le premier qui en
fit la découverte .
Sa fituation eft oblongue ; elle a dix- huit lieues
de longueur fur- neuf dans fa plus grande largeur.
Son climat eft fort fain , l'air paffablement tempé
ré il y egne cependant des chaleurs infupporta.
bles pendant les mois de Mai , Juin , Juiller
& Août le refte de l'année est un printemps
continuel : rarement y voit - on de la gelée . Son
local n'eft pas montagneux , quoiqu'affez inégal
206 MERCURE DE FRANCE .
Le terrein produit de tout ce qui est néceffaire
à la vie , furtout de très- bon gibier , d'excellent
mufcat : tous les fruits y font délicieux .
L'Ille eft divifée en cinq territoires, dont chacun
porte le nom de la Ville principale ou Chef-lieu.
Le premier eft Ciutadella qui peut avoir aux
environs de 7 à 8 mille Habitans. Anciennement
les Gouverneurs faifoient leur réfidence encerre
Ville , où on compte actuellement juſqu'à 600
maifons. Le fecond territoire eft Ferrorias , qui
a tout au plus douze cens Habitans: Marcadal
eft le troifieme , dont le nombre d'Habitans ne
paffe pas dix-huit cens. Aleyor eft le quatrieme ,
& eft plus confidérable ; auffi peut- il fournir près
de cinq mille Habitans . Mahon eft le cinquieme
& . dernier territoire. La Ville de Mahon eft la
Capitale de toute l'Ifle : c'eft la réfidence du
Gouverneur & des Corps de Juftice : fon beau
Port & le voisinage du Fort Saint- Philippe , la
rendent infiniment plus confidérable : elle peut
compter au nombre de vingt mille Habitans.
Ily a dans l'Ile deux ports capables de recevoir
les plus gros Vaiffeaux le Port Fornelle , & le
Port Mahon ; il y a encore plufieurs Cales où les
Bâtimens Marchands peuvent mouiller.
2
L'entrée du Port Mahon eft défendue à l'Ouest
par le Fort S. Philippe , & à l'Eft par le Fort
Philippet. Je me tais fur le refte de l'ifle , parce
qu'il n'y a rien qui mérite votre attention .
Comme les Habitans de l'Ifle font originaired'Efpagne
, la Religion Catholique s'y eft confervée.
C'étoit le Gouverneur Anglois qui nommoit
aux Bénéfices , fuivant un article du Traité
d'Utrecht.
Les Cartaginois furent anciennement les Maî→
tres des Illes Baléares , dont l'Ile Minorque faifoit.
AOUST. 1756. 207
partie. Après la feconde guerre Punique , les
Romains en devinrent les Poffeffeurs j'ufqu'à
Pinondation des Goths & Vandales , vers l'an
421. Ceux - ci les conferverent jufqu'au huitieme
fiecle , que les Sarrazins en firent la conquête.
Minorque fut foumiſe à ces derniers , jufqu'à l'an
1210 qu'ils perdirent la fameuſe Bataille de Loza ,
où il périt deux cens mille Maures . Les Minorcains
refterent jufqu'en 1287 dans une espece d'indépendance
, en payant feulement un tribut annuel
aux différens Princes d'Efpagne qui les proté
geoient. Les naturels du Pays fe trouvoient dès ce
temps confondus avec un refte de Sarrazins : la
Religion Mahométane y étoit la dominante. Les
Minorcains voulant s'affranchir du tribut qu'ils
payoient à l'Espagne, attirerent dans leur Ifle quantité
de Barbares de l'Afrique , leurs voifins : mais
Alphonfe , Roi d'Arragon , ayant eu vent du complot,
fit une defcente dans l'Ifle, avec une armée qui
mit tout à feu & à fang , contraignit le gros des
Habitans de ferenfermer dans laFortereffe du Mont
Sainte- Agatte , les affiégea , les prit , La plûpart
périrent par les armes : quelques-uns furent envoyés
en Afrique , & d'autres ne fauverent leur vie qu'en
perdant leur liberté , c'est- à- dire , qu'ils devinrentefclaves
des Espagnols , qui s'établirent dans l'Ile
fous la protection des Rois d'Efpagne . Les Princes
d'Efpagne ont confervé une autorité fouveraine
dans l'ifle Minorque , jufqu'en 1708 que les
Anglois formerent le deffein de s'en rendre les
maîtres.
En effet le 14 Décembre , le Général Comte de
Stenhope y débarqua avec trois mille hommes ,
42 pieces de canon & 15 mortiers. Les troupes
qui étoient répandues dans les différens quartiers .
de l'Ile , fe renfermerent dans les Forts Fornelle
208 MERCURE DE FRANCE.
& Saint-Philippe . Les premieres opérations des An
glois furent d'attaquer Fornelle , qu'ils prirent ea
deux jours. Auffi - tôt après cette réduction , ils
dirigerent leurs forces contre le Fort S. Philippe ,
qui ne tint que quinze jours : la Garnifon compofée
de François & d'Elpagnols , fut renvoyée
partie en France , partie en Espagne. Dès ce moment
les Anglois s'établirent dans Minorque , &
la poffeffion leur en a été affurée par le Traité de
Paix conclu à Utrecht , le 13 Juillet 1713. Ils en
ont été les maîtres pendant 48 ans. Ils le feroient
encore , fi leur pyraterie n'eût obligé notre glorieux
Monarque à punir l'infulte que cette Nation
3
ne ceffe de faire depuis deux ans au Pavillon François.
Il vous paroîtra fingulier , Monfieur , que nous
ayons été fi long - teins à nous rendre les maîtres
de cette Place , pendant que des Anglois en
avoient fait la conquête en moins de trois femaines.
Votre furpriſe ceffera quand vous ferez
inftruit des travaux immenfes que cette nation
a fait au Fort S. Philippe , dont la dépenſe ſe
monte à plus de cent millions , c'eſt - à - dire , plus
que toute l'ile ne peut valoir , fi on en excepte
toutefois la grande reffource dont elle étoit pour
le Commerce des Anglois au Levant.
Voici à peu près la defcription du Fort S. Philippe
, & vous conviendrez , avec toute l'Europe
, qu'il n'a pas fallu moins de prudence que de
courage & de fermeté , pour triompher de tous
les obftacles qui fe rencontroient à chaque pas.
Il est conftruit fur une langue de terre qui
avance dans la mer. Quatre baftions , autant de
courtines , environnés d'un large & profond foffé ,
taillés dans le roc vif , font le principal corps
de la Place : les ouvrages extérieurs , qui font ea
A O UST. 1756. 209
très-grand nombre , s'étendent jufqu'aux rivages
des deux côtés de la langue de terre : les mines
y font abondantes & fi bien diftribuées , qu'elles
fe communiquent au moyen de différens fouterreins.
Les fouterreins font immenfes , & fourniffent
des logemens fuffifans pour une garnifon
des plus confidérables , à l'abri des bombes
& du canon , & dont les approches font minées
& contreminées : avant que de parvenir à
pouvoir battre en breche , il faut s'emparer des
forts de Malbourough , de S. Charles , de Strugen
, d'Orgil & de la Reine , qui entourent les
grands ouvrages du Fort , & fe communiquent
aux autres au moyen des chemins couverts taillés
dans le roc ; enfin le Plan qui vient d'en être
levé, & que vous trouverez fans doute à Paris ( 1 ) ,
vous fuffira pour juger par vous - même des
Ouvrages immenfes que les Anglois y ont faits
depuis qu'ils en étoient en poffeffion . Ajoutez
à tous ces ouvrages trois fontaines intariffables ,
& une citerne,contenant de l'eau pour fix mois
à une garnifon de quatre mille hommes , à l'épreuve
de tout accident : ces avantages font
d'une reffource encore au deffus de toutes les
fortifications.
Quoique les Gazettes vous aient pu inftruire
de toutes nos opérations juſqu'au jour de l'atta
que
des Forts , dont nous nous fommes rendus les
maîtres l'épée à la main , vous ne trouverez pas
mauvais que je vous en donne un détail abrégé.
Notre Flotte , aux ordres de M. le Marquis de la
Galiffoniere , partit de Toulon le 8 Avril M. le
Maréchal de Richelieu monta le Foudroyant avec
(1 ) Ilfe trouve chez le fieur Beaurain & chez
Je fieur le Rouge.
210 MERCURE DE FRANCE.
1
M. de la Galiffoniere. Nous arrivâmes â Ciutaš
della le jour de Pâques 18 du mois , après avois
effuyé quelques coups de vent qui retarderent
notre marche , & féparerent quelques vaiffeaux
de l'Efcadre. Le premier foin de M. le Maréchal
fut de faire chanter le Te Deum dans l'Eglife Collégiale
de la Ville , en action de graces de notre
heureux abordage . Les 18 , 19 , & 20 furent employés
au débarquement des troupes & de l'artil
lerie , fans aucune oppofition de la part des Anglois
; ceux- ci s'étant retirés , aux premieres nouvelles
de notre eſcadre , dans le Fort S. Philippe ,
après y avoir fait entrer tout ce qui pouvoit leur
-être néceffaire pour une longue réfiftance , &
avoir commis les hoftilités les plus fâcheufes, tant
fur les habitans que fur les beftiaux qu'ils ne purent
emmener avec eux.
Le 20 notre armée fe mit en marche par deux
chemins pour fe rendre à Mahon . Vingt - quatre
Compagnies de Grenadiers , & la Brigade de
Royal tinrent la gauche fous les ordres de ' MM.
Damefnil & de Monteynard , pendant que le gros
de l'armée marchoit à droite pour former Pinveftiffement
du Fort S. Philippe. Le 22 nous entrames
dans Mahon aux acclamations du Peuple ,
qui commençoit à nous regarder comme fes Libérateurs
.
Il n'eft pas poffible de vous exprimer les peines
& les travaux qu'il a fallu faire pour conduire notre
artillerie de Ciutadella ici , par lá précaution que
les Anglois avoient eue de rendre toutes les avenues
impraticables.
M. le Maréchal de Richelieu fit conftruire les
premieres batteries fur le Mont des Signaux , une
des pieces de canons , une de mortiers pareils en
nombre , qui commencerent à tirer dès le 8 Mai.
A O UST. 1756. 211
Le7, le Fauxbourg de la Ravale ( 1 ) fut occupé par
un détachement de 100 Volontaires , quatre compagnies
de Grenadiers & fix piquets , aux ordres
du Comte de Briqueville , avec 600 Travailleurs
pour y former des épaulemens , & y établir des
batteries.
Le 10 , M. le Marquis de Roquépine fe rendit
avec douze cens hommes , pour occuper les dehors
du Fort Malbourough.
Les 11 & 12 furent employés à conftruire les
batteries de droite , de gauche & du centre du
Fauxbourg de la Ravale la batterie des mortiers
commença à tirer dès la nuit du 12 au 13.
Le 17 ,
12
la batterie de canons de la droite fe
trouva en état de tirer.
Le 18 , M. Dupinay , qui commandoit la batterie
de la gauche , fut tué , & M. le Prince de
Wirtemberg légérement bleffé.
Le 19 , l'Efcadre Angloife ayant paru à la hauteur
de l'Ile pour attaquer la nôtre qui fermoit
l'embouchure du Port- Mahon , notre Général envoya
à M. le Marquis de la Galiffoniere un renfort
de 13 piquets . Notre Chef d'Efcadre fit toules
opérations néceffaires pour empêcher toute
communication avec les Affiégés .
Le 20 , une bombe des ennemis ayant mis le
feu à une de nos batteries , la Garnifon du Fort
S. Philippe animée par la préfence de l'Eſcadre
Angloife , fit une fortie confidérable : mais nos
(1), Ce Fauxbourg doit avoir un autre_nom :
le mot Arrabal fignifie un Fauxbourg , en Langue
Espagnole , & c'eft fans doute par erreur que nos
Officiers, qui les premiers ont entendu nommer aux
Habitans de l'Ifle Minorque ce Fauxbourg Arrabal
Pont écrit la Ravalle.
212 MERCURE DE FRANCE.
Grenadiers l'obligerent de rentrer avec autant de
précipitation que de perte.
Les 21 & 22 furent employés à réparer nos
batteries , que le feu violent des ennemis avoient
prefque démontées.
Le foir même du 22 , notre armée fit des
réjouiffances à l'occafion de l'avantage que
notre Efcadre avoit remporté fur celle des
Anglois. ( Vous avez fans doute vu la Rélation
de ce Combat Naval , dans lequel on ne fçauroit
trop exalter la bonne manovre de M. le Marquis
de la Galiffoniere , qui obligea l'Amiral Byng de
fe retirer avec beaucoup de dommages ) .
Le feu des Ennemis devint fi fort, que nous fûmes
obligés d'abandonner le Fauxbourg de la Ravale`,
dont toutes les maifons ont été renversées par
l'artillerie du Fort , ce qui obligea M. le Maréchal
de Richelieu à changer le plan général de fon attaque
fur le Fort Philippe.
Il fallut employer plufieurs jours pour le tranfport
de terre , pour élever de nouvelles batteries
dont le feu ne put commencer que le s Jain.
Dès ce moment le feu fuccefif de nos batteries
de temps une grande partie des travaux
extérieurs de la Place.
ruina en peu
On commença dès le 15 à déblayer les maifons
où l'on avoit réfolu d'établir une nouvelle batterie
de 12 pieces de canons en avant du Fauxbourg
de la Ravale , afin de détruire entiérement la Redoute
de la Reine & la lunette de Ken , & de bat.
tre la contre-garde de l'ouvrage à cornes ; ce qui
fit des merveilles .
Nous avons eu depuis ce temps là 84 pieces de
canons de 24 livres de balles , & 22 mortiers dif
tribués dans douze batteries . Elles n'ont point dif
continué de battre depuis le 16 Juin. La plupar
A OUST. 1756. 213
ne fervoient qu'à demonter les batteries ennemies.
Il ne falloit pas moins aux Affiégés que les
250 pieces de canons & les 40 mortiers qu'ils
avoient , pour faire la défenfe qu'on a éprouvée
jufqu'à la fin. Ce grand nombre de pieces leur
donnoit la facilité de remplacer celles que nous
leur démontions tous les jours.
Voici le détail de l'attaque qui mit nos En
nemis à la raiſon , & qui fera naître dans le coeur
des bons Francois , la joie qu'une longue réſiſtan
ce avoit fans doute altéréë.
>
M. le Maréchal ayant jugé qu'il étoit indifpenfable
d'accélérer l'attaque des ouvrages exté
rieurs , & voulant la favorifer en occupant
l'Ennemi dans plufieurs points de fa défenſe , ordonna
pour le 27 une attaque qui fut diviſée en
quatre points principaux .
M. le Marquis de Laval , de tranchée , fut
chargé de l'attaque de la gauche , divifée fur les
Forts de Strugen & d'Orgil , fur la Redoute de
la Reine , & fur celle de Ken : il avoit à fes ordres
16 Compagnies de Grenadiers , & quatre
Bataillons pour foutenir l'attaque .
Il avoit fous lui M. le Marquis de Monti &
M. de Briqueville , Colonel , dont le Régiment
étoit Chef de tranchée : Royal-Comtois étoit le
deuxieme Régiment.
M. de Monti fut deftiné à attaquer Strugen &
Orgil , à la tête des Compagnies de Grenadiers
de Royal-Comtois , Vermandois , Nice & Rochefort
, & de deux piquets foutenus par le premier
Bataillon de Royal - Comtois.
M. de Briqueville devoit fe porter fur Ken &
le chemin couvert , entre cet ouvrage & celui de
la Reine , à la tête de cinq Compagnies de Grenadiers
de Briqueville , Medoc & Cambis , & de
deux piquets.
214 MERCURE DE FRANCE:
M. de Sade , Lieutenant-Colonel de Brique
ville , devoit attaquer la Redoute de la Reine à la
tête de quatre Compagnies de Grenadiers d'Haynaut
, Cambis & Soiffonnois.
Il y avoit à la fuite de chacune de ces trois attaques
, deux Ingénieurs & 150 Travailleurs , un
Officier du Corps Royal & dix Canonniers , une
Brigade de Mineurs , & un détachement de 60
Volontaires portant dix échelles.
L'attaque du centre étoit dirigée ſur la Redoute
de l'Ouest & la Lunette Caroline , & commandée
par M. le Prince de Bauveau. Il y avoit à fes ordres
deux Brigadiers avec lefquels il devoit foutenir
la tranchée en cas de befoin.
La premiere attaque de la droite commandée
par M. le Comte de Lannion , é.oit dirigée fur le
Fort de Malboroug Il avoit à fes ordres la Brigade
de Royal & le Régiment de Bretagne , aina
que M. de Roquépine qui , à la tête de 400 Volontaires
& de roo Grenadiers , devoit débarquer
dans la Cale de S. Etienne , pour delà marcher
au Fort de S. Charles . On devoit avoir pour cet
effet 100 Chaloupes de l'Eſcadre : mais comme
elles ne purent arriver à temps , on y fuppléa par
celles qu'on put raffembler dans la journée.
La feconde attaque de la droite , aux ordres de
M. le Marquis de Monteynar , commandant la
Brigade de Royal - la Marine & Talaru , avoit
pour objet de s'emparer de la Lunette de Sud-
Ouest , de longer la Langue de S. Etienne , qui
eft entre la Place & le Fort Malboroug ; de fe
communiquer avec l'attaque du Fort S. Charles ,
& de couper la communication du Fort Malboroug
avec le Fort de S. Philippe.
En même temps que toutes ces attaques ſe faifoient
, M. de Beaumanoir , Lieutenant- Colonel ,
A O UST. 1756. 215
commandant à la Tour des Signaux , devoit avec
fon détachement partir dans les Chaloupes de la
Cale , qui eft entre le Fort Saint- Philippe & la
Tour des Signaux , pour venir favorifer l'attaque
de M. de Monti , & tâcher de fe gliffer dans le
chemin couvert , entre la demi-lune & le Fort
d'Orgil.
M. de Fortouval , Capitaine d'Haynaut , de
voit avec 100 hommes de détachement débarquer
au pied de la grande batterie des Ennemis , du
côté du Pont.
A.dix heures du foir , toutes nos batteries ayant
ceffé , le fignal de l'attaque fut donné par un
coup de canon & quatre bombes tirées de la Tour
des Signaux.
M. de Monti déboucha fur Strugen & Orgil ,
& fucceffivement MM . de Briqueville & de Sade
fe porterent avec vivacité fur leur point d'attaque
de Ken & de la Reine .
Nos troupes marcherent avec la plus grande
valeur , & après un feu très-vif , très-long & trèsmeurtrier
, elles parvinrent à s'emparer de Strugen
, d'Orgil, & du Fort de la Reine. Les Ennenis
firent jouer quatre fourneaux qui nous ont
coûté environ so hommes .
On travailla fur le champ au logement de
cette partie , qui étoit la principale attaque ,
pendant que les autres faifoient leur diverfion.
L'ardeur des Grenadiers que commandoit M.
de Bricqueville les ayant emportés , ils fe jetterent
fur la Redoute de la Reine , au lieu de fe
porter fur Ken qu'ils devoient attaquer .
M. le Prince de Bauveau ayant fait marcher
les Grenadiers de Vermandois & 100 hommes
de chaque Brigade fur la Redoute Caroline , &
les Grenadiers de Royal-Italien , avec 1oo hom216
MERCURE DE FRANCE.
mes de cette Brigade , à la Redoute de l'Oueſt ;
il s'empara du chemin couvert , & y fit enclouer
douze pieces de canon le logement y étant
impraticable , parce que la Redoute de Ken
n'étoit pas prife , & qu'il ne pouvoit dans la
nuit affurer fa communication , il fe contenta
de faire couper les paliffades , de faire brifer
les affûts , & de foutenir quelque temps cette
attaque qui favorifoit la principale.
Elle fut faite avec la plus grande intelligence
& la plus grande valeur.
Les attaques de MM. de Lannion & de Mon
teynard , dépendant prefque du fuccès du For
s. Charles , ils attendoient le fignal que devoir
faire M. de Roquépine ; mais les Ennemis s'étant
apperçus de beaucoup de mouvemens dans
cette partie , par les manoeuvres que les Chaloupes
avoient été obligées de faire , ſe tinrent
fur leurs gardes , & ne permirent pas à M. de
Roquépine de faire le débarquement qu'il avoit
tenté , & qui ne pouvoit réuffir que par une
furpriſe.
>
Pendant ce temps - là M. de Lannion fit inquiéter
le Fort Malborough . La divifion de tous
ces feux & la combinaifon de toutes ces attaques
, donnerent le temps à celles de la gauche
d'aflurer fon fuccés, de facon qu'à la pointe
du jour nous pumes établir 400 hommes dans
le Fort de la Reine , & 200 dans Strugen &
Orgil.
M. le Maréchal s'étoit placé au centre des attaques
de la gauche , & avoit avec lui MM . de Maillebois
, du Mefnil , & le Prince de Wirtemberg.
Il a donné pendant toute l'action les confeils
néceffaires au fuccès de l'attaque , dans lefquels
on n'a pu s'empêcher d'admirer les difpofitions
A O
UST.
1756.
217
tions de notre Général & les prodiges de notre
Infanterie.
M. de Lannion a eu une légere contufion à
' épaule , & M. le Marquis de S. Tropès , Aide
de Camp de M. de Maillebois , a été
légérement
bleffé au visage .
A cinq heures du matin on a demandé réciproquement
une fufpenfion d'armes pour retirer
les morts , & elle a été accordée. Nous
avons eu environ 25 Officiers de tués ou bleffés ,
& 400 Soldats..
· M. de Huetton , le Lieutenant de Vaiffeau
qui
commandoit les Chaloupes de l'attaque du
Fort S. Charles , a été tué.
On doit le fuccès de
l'attaque , de la gau
che furtout , à la bonne
conduite de M. de
Monti , qui a fuivi avec la plus grande valeur
& la plus grande fermeté les
difpofitions qu'avoit
faites M. de Laval.
On a pris beaucoup de mortiers & de canons
dans les Forts de Strugen , d'Orgil & de la Reine.
On a fait quinze
prifonniers , du nombre deſquels
eft le fecond
Commandant des Ennemis qui fai
foit le détail de la défenſe.
Le 28 , à deux heures après-midi , trois Députés
de la Place
demanderent à parler à notre
Général. Le réſultat de cette
conférence étoit
qui leur fut accordé vingt- quatre heures pour
dreffer les articles de
Capitulation : on leur accorda
jufqu'à huit heures du foir. Il en revint
un à l'heure marquée , qui apporta à M. le Maréchal
un projet d'articles ,
auxquels il fut ré
pondu le lendemain matin.
De la Prife de l'Iſle de Minorque , & principalement
des Port-Mahon & Fort Saint-
Philippe ; envoyée par un Officier de l'Armée.
Du Fort S. Philippe , le 30 Juin 1756.
JEE crois avant que d'entrer dans le détail du
Siege du Fort Saint- Philippe , devoir donner une
idée fuccincte, géographique & hiftorique de cette
In e.
L'Ile Minorque fituée dans la Méditerrannée ,
placée précisément au quatrieme degré de latitu
de , à foixante- dix lieues de Marfeille , & à quinze
des côtes de l'Afrique , faifoit anciennement partie
des Iles appellées Baléares , du nom d'un
Grec nommé Baléus , qui fut le premier qui en
fit la découverte .
Sa fituation eft oblongue ; elle a dix- huit lieues
de longueur fur- neuf dans fa plus grande largeur.
Son climat eft fort fain , l'air paffablement tempé
ré il y egne cependant des chaleurs infupporta.
bles pendant les mois de Mai , Juin , Juiller
& Août le refte de l'année est un printemps
continuel : rarement y voit - on de la gelée . Son
local n'eft pas montagneux , quoiqu'affez inégal
206 MERCURE DE FRANCE .
Le terrein produit de tout ce qui est néceffaire
à la vie , furtout de très- bon gibier , d'excellent
mufcat : tous les fruits y font délicieux .
L'Ille eft divifée en cinq territoires, dont chacun
porte le nom de la Ville principale ou Chef-lieu.
Le premier eft Ciutadella qui peut avoir aux
environs de 7 à 8 mille Habitans. Anciennement
les Gouverneurs faifoient leur réfidence encerre
Ville , où on compte actuellement juſqu'à 600
maifons. Le fecond territoire eft Ferrorias , qui
a tout au plus douze cens Habitans: Marcadal
eft le troifieme , dont le nombre d'Habitans ne
paffe pas dix-huit cens. Aleyor eft le quatrieme ,
& eft plus confidérable ; auffi peut- il fournir près
de cinq mille Habitans . Mahon eft le cinquieme
& . dernier territoire. La Ville de Mahon eft la
Capitale de toute l'Ifle : c'eft la réfidence du
Gouverneur & des Corps de Juftice : fon beau
Port & le voisinage du Fort Saint- Philippe , la
rendent infiniment plus confidérable : elle peut
compter au nombre de vingt mille Habitans.
Ily a dans l'Ile deux ports capables de recevoir
les plus gros Vaiffeaux le Port Fornelle , & le
Port Mahon ; il y a encore plufieurs Cales où les
Bâtimens Marchands peuvent mouiller.
2
L'entrée du Port Mahon eft défendue à l'Ouest
par le Fort S. Philippe , & à l'Eft par le Fort
Philippet. Je me tais fur le refte de l'ifle , parce
qu'il n'y a rien qui mérite votre attention .
Comme les Habitans de l'Ifle font originaired'Efpagne
, la Religion Catholique s'y eft confervée.
C'étoit le Gouverneur Anglois qui nommoit
aux Bénéfices , fuivant un article du Traité
d'Utrecht.
Les Cartaginois furent anciennement les Maî→
tres des Illes Baléares , dont l'Ile Minorque faifoit.
AOUST. 1756. 207
partie. Après la feconde guerre Punique , les
Romains en devinrent les Poffeffeurs j'ufqu'à
Pinondation des Goths & Vandales , vers l'an
421. Ceux - ci les conferverent jufqu'au huitieme
fiecle , que les Sarrazins en firent la conquête.
Minorque fut foumiſe à ces derniers , jufqu'à l'an
1210 qu'ils perdirent la fameuſe Bataille de Loza ,
où il périt deux cens mille Maures . Les Minorcains
refterent jufqu'en 1287 dans une espece d'indépendance
, en payant feulement un tribut annuel
aux différens Princes d'Efpagne qui les proté
geoient. Les naturels du Pays fe trouvoient dès ce
temps confondus avec un refte de Sarrazins : la
Religion Mahométane y étoit la dominante. Les
Minorcains voulant s'affranchir du tribut qu'ils
payoient à l'Espagne, attirerent dans leur Ifle quantité
de Barbares de l'Afrique , leurs voifins : mais
Alphonfe , Roi d'Arragon , ayant eu vent du complot,
fit une defcente dans l'Ifle, avec une armée qui
mit tout à feu & à fang , contraignit le gros des
Habitans de ferenfermer dans laFortereffe du Mont
Sainte- Agatte , les affiégea , les prit , La plûpart
périrent par les armes : quelques-uns furent envoyés
en Afrique , & d'autres ne fauverent leur vie qu'en
perdant leur liberté , c'est- à- dire , qu'ils devinrentefclaves
des Espagnols , qui s'établirent dans l'Ile
fous la protection des Rois d'Efpagne . Les Princes
d'Efpagne ont confervé une autorité fouveraine
dans l'ifle Minorque , jufqu'en 1708 que les
Anglois formerent le deffein de s'en rendre les
maîtres.
En effet le 14 Décembre , le Général Comte de
Stenhope y débarqua avec trois mille hommes ,
42 pieces de canon & 15 mortiers. Les troupes
qui étoient répandues dans les différens quartiers .
de l'Ile , fe renfermerent dans les Forts Fornelle
208 MERCURE DE FRANCE.
& Saint-Philippe . Les premieres opérations des An
glois furent d'attaquer Fornelle , qu'ils prirent ea
deux jours. Auffi - tôt après cette réduction , ils
dirigerent leurs forces contre le Fort S. Philippe ,
qui ne tint que quinze jours : la Garnifon compofée
de François & d'Elpagnols , fut renvoyée
partie en France , partie en Espagne. Dès ce moment
les Anglois s'établirent dans Minorque , &
la poffeffion leur en a été affurée par le Traité de
Paix conclu à Utrecht , le 13 Juillet 1713. Ils en
ont été les maîtres pendant 48 ans. Ils le feroient
encore , fi leur pyraterie n'eût obligé notre glorieux
Monarque à punir l'infulte que cette Nation
3
ne ceffe de faire depuis deux ans au Pavillon François.
Il vous paroîtra fingulier , Monfieur , que nous
ayons été fi long - teins à nous rendre les maîtres
de cette Place , pendant que des Anglois en
avoient fait la conquête en moins de trois femaines.
Votre furpriſe ceffera quand vous ferez
inftruit des travaux immenfes que cette nation
a fait au Fort S. Philippe , dont la dépenſe ſe
monte à plus de cent millions , c'eſt - à - dire , plus
que toute l'ile ne peut valoir , fi on en excepte
toutefois la grande reffource dont elle étoit pour
le Commerce des Anglois au Levant.
Voici à peu près la defcription du Fort S. Philippe
, & vous conviendrez , avec toute l'Europe
, qu'il n'a pas fallu moins de prudence que de
courage & de fermeté , pour triompher de tous
les obftacles qui fe rencontroient à chaque pas.
Il est conftruit fur une langue de terre qui
avance dans la mer. Quatre baftions , autant de
courtines , environnés d'un large & profond foffé ,
taillés dans le roc vif , font le principal corps
de la Place : les ouvrages extérieurs , qui font ea
A O UST. 1756. 209
très-grand nombre , s'étendent jufqu'aux rivages
des deux côtés de la langue de terre : les mines
y font abondantes & fi bien diftribuées , qu'elles
fe communiquent au moyen de différens fouterreins.
Les fouterreins font immenfes , & fourniffent
des logemens fuffifans pour une garnifon
des plus confidérables , à l'abri des bombes
& du canon , & dont les approches font minées
& contreminées : avant que de parvenir à
pouvoir battre en breche , il faut s'emparer des
forts de Malbourough , de S. Charles , de Strugen
, d'Orgil & de la Reine , qui entourent les
grands ouvrages du Fort , & fe communiquent
aux autres au moyen des chemins couverts taillés
dans le roc ; enfin le Plan qui vient d'en être
levé, & que vous trouverez fans doute à Paris ( 1 ) ,
vous fuffira pour juger par vous - même des
Ouvrages immenfes que les Anglois y ont faits
depuis qu'ils en étoient en poffeffion . Ajoutez
à tous ces ouvrages trois fontaines intariffables ,
& une citerne,contenant de l'eau pour fix mois
à une garnifon de quatre mille hommes , à l'épreuve
de tout accident : ces avantages font
d'une reffource encore au deffus de toutes les
fortifications.
Quoique les Gazettes vous aient pu inftruire
de toutes nos opérations juſqu'au jour de l'atta
que
des Forts , dont nous nous fommes rendus les
maîtres l'épée à la main , vous ne trouverez pas
mauvais que je vous en donne un détail abrégé.
Notre Flotte , aux ordres de M. le Marquis de la
Galiffoniere , partit de Toulon le 8 Avril M. le
Maréchal de Richelieu monta le Foudroyant avec
(1 ) Ilfe trouve chez le fieur Beaurain & chez
Je fieur le Rouge.
210 MERCURE DE FRANCE.
1
M. de la Galiffoniere. Nous arrivâmes â Ciutaš
della le jour de Pâques 18 du mois , après avois
effuyé quelques coups de vent qui retarderent
notre marche , & féparerent quelques vaiffeaux
de l'Efcadre. Le premier foin de M. le Maréchal
fut de faire chanter le Te Deum dans l'Eglife Collégiale
de la Ville , en action de graces de notre
heureux abordage . Les 18 , 19 , & 20 furent employés
au débarquement des troupes & de l'artil
lerie , fans aucune oppofition de la part des Anglois
; ceux- ci s'étant retirés , aux premieres nouvelles
de notre eſcadre , dans le Fort S. Philippe ,
après y avoir fait entrer tout ce qui pouvoit leur
-être néceffaire pour une longue réfiftance , &
avoir commis les hoftilités les plus fâcheufes, tant
fur les habitans que fur les beftiaux qu'ils ne purent
emmener avec eux.
Le 20 notre armée fe mit en marche par deux
chemins pour fe rendre à Mahon . Vingt - quatre
Compagnies de Grenadiers , & la Brigade de
Royal tinrent la gauche fous les ordres de ' MM.
Damefnil & de Monteynard , pendant que le gros
de l'armée marchoit à droite pour former Pinveftiffement
du Fort S. Philippe. Le 22 nous entrames
dans Mahon aux acclamations du Peuple ,
qui commençoit à nous regarder comme fes Libérateurs
.
Il n'eft pas poffible de vous exprimer les peines
& les travaux qu'il a fallu faire pour conduire notre
artillerie de Ciutadella ici , par lá précaution que
les Anglois avoient eue de rendre toutes les avenues
impraticables.
M. le Maréchal de Richelieu fit conftruire les
premieres batteries fur le Mont des Signaux , une
des pieces de canons , une de mortiers pareils en
nombre , qui commencerent à tirer dès le 8 Mai.
A O UST. 1756. 211
Le7, le Fauxbourg de la Ravale ( 1 ) fut occupé par
un détachement de 100 Volontaires , quatre compagnies
de Grenadiers & fix piquets , aux ordres
du Comte de Briqueville , avec 600 Travailleurs
pour y former des épaulemens , & y établir des
batteries.
Le 10 , M. le Marquis de Roquépine fe rendit
avec douze cens hommes , pour occuper les dehors
du Fort Malbourough.
Les 11 & 12 furent employés à conftruire les
batteries de droite , de gauche & du centre du
Fauxbourg de la Ravale la batterie des mortiers
commença à tirer dès la nuit du 12 au 13.
Le 17 ,
12
la batterie de canons de la droite fe
trouva en état de tirer.
Le 18 , M. Dupinay , qui commandoit la batterie
de la gauche , fut tué , & M. le Prince de
Wirtemberg légérement bleffé.
Le 19 , l'Efcadre Angloife ayant paru à la hauteur
de l'Ile pour attaquer la nôtre qui fermoit
l'embouchure du Port- Mahon , notre Général envoya
à M. le Marquis de la Galiffoniere un renfort
de 13 piquets . Notre Chef d'Efcadre fit toules
opérations néceffaires pour empêcher toute
communication avec les Affiégés .
Le 20 , une bombe des ennemis ayant mis le
feu à une de nos batteries , la Garnifon du Fort
S. Philippe animée par la préfence de l'Eſcadre
Angloife , fit une fortie confidérable : mais nos
(1), Ce Fauxbourg doit avoir un autre_nom :
le mot Arrabal fignifie un Fauxbourg , en Langue
Espagnole , & c'eft fans doute par erreur que nos
Officiers, qui les premiers ont entendu nommer aux
Habitans de l'Ifle Minorque ce Fauxbourg Arrabal
Pont écrit la Ravalle.
212 MERCURE DE FRANCE.
Grenadiers l'obligerent de rentrer avec autant de
précipitation que de perte.
Les 21 & 22 furent employés à réparer nos
batteries , que le feu violent des ennemis avoient
prefque démontées.
Le foir même du 22 , notre armée fit des
réjouiffances à l'occafion de l'avantage que
notre Efcadre avoit remporté fur celle des
Anglois. ( Vous avez fans doute vu la Rélation
de ce Combat Naval , dans lequel on ne fçauroit
trop exalter la bonne manovre de M. le Marquis
de la Galiffoniere , qui obligea l'Amiral Byng de
fe retirer avec beaucoup de dommages ) .
Le feu des Ennemis devint fi fort, que nous fûmes
obligés d'abandonner le Fauxbourg de la Ravale`,
dont toutes les maifons ont été renversées par
l'artillerie du Fort , ce qui obligea M. le Maréchal
de Richelieu à changer le plan général de fon attaque
fur le Fort Philippe.
Il fallut employer plufieurs jours pour le tranfport
de terre , pour élever de nouvelles batteries
dont le feu ne put commencer que le s Jain.
Dès ce moment le feu fuccefif de nos batteries
de temps une grande partie des travaux
extérieurs de la Place.
ruina en peu
On commença dès le 15 à déblayer les maifons
où l'on avoit réfolu d'établir une nouvelle batterie
de 12 pieces de canons en avant du Fauxbourg
de la Ravale , afin de détruire entiérement la Redoute
de la Reine & la lunette de Ken , & de bat.
tre la contre-garde de l'ouvrage à cornes ; ce qui
fit des merveilles .
Nous avons eu depuis ce temps là 84 pieces de
canons de 24 livres de balles , & 22 mortiers dif
tribués dans douze batteries . Elles n'ont point dif
continué de battre depuis le 16 Juin. La plupar
A OUST. 1756. 213
ne fervoient qu'à demonter les batteries ennemies.
Il ne falloit pas moins aux Affiégés que les
250 pieces de canons & les 40 mortiers qu'ils
avoient , pour faire la défenfe qu'on a éprouvée
jufqu'à la fin. Ce grand nombre de pieces leur
donnoit la facilité de remplacer celles que nous
leur démontions tous les jours.
Voici le détail de l'attaque qui mit nos En
nemis à la raiſon , & qui fera naître dans le coeur
des bons Francois , la joie qu'une longue réſiſtan
ce avoit fans doute altéréë.
>
M. le Maréchal ayant jugé qu'il étoit indifpenfable
d'accélérer l'attaque des ouvrages exté
rieurs , & voulant la favorifer en occupant
l'Ennemi dans plufieurs points de fa défenſe , ordonna
pour le 27 une attaque qui fut diviſée en
quatre points principaux .
M. le Marquis de Laval , de tranchée , fut
chargé de l'attaque de la gauche , divifée fur les
Forts de Strugen & d'Orgil , fur la Redoute de
la Reine , & fur celle de Ken : il avoit à fes ordres
16 Compagnies de Grenadiers , & quatre
Bataillons pour foutenir l'attaque .
Il avoit fous lui M. le Marquis de Monti &
M. de Briqueville , Colonel , dont le Régiment
étoit Chef de tranchée : Royal-Comtois étoit le
deuxieme Régiment.
M. de Monti fut deftiné à attaquer Strugen &
Orgil , à la tête des Compagnies de Grenadiers
de Royal-Comtois , Vermandois , Nice & Rochefort
, & de deux piquets foutenus par le premier
Bataillon de Royal - Comtois.
M. de Briqueville devoit fe porter fur Ken &
le chemin couvert , entre cet ouvrage & celui de
la Reine , à la tête de cinq Compagnies de Grenadiers
de Briqueville , Medoc & Cambis , & de
deux piquets.
214 MERCURE DE FRANCE:
M. de Sade , Lieutenant-Colonel de Brique
ville , devoit attaquer la Redoute de la Reine à la
tête de quatre Compagnies de Grenadiers d'Haynaut
, Cambis & Soiffonnois.
Il y avoit à la fuite de chacune de ces trois attaques
, deux Ingénieurs & 150 Travailleurs , un
Officier du Corps Royal & dix Canonniers , une
Brigade de Mineurs , & un détachement de 60
Volontaires portant dix échelles.
L'attaque du centre étoit dirigée ſur la Redoute
de l'Ouest & la Lunette Caroline , & commandée
par M. le Prince de Bauveau. Il y avoit à fes ordres
deux Brigadiers avec lefquels il devoit foutenir
la tranchée en cas de befoin.
La premiere attaque de la droite commandée
par M. le Comte de Lannion , é.oit dirigée fur le
Fort de Malboroug Il avoit à fes ordres la Brigade
de Royal & le Régiment de Bretagne , aina
que M. de Roquépine qui , à la tête de 400 Volontaires
& de roo Grenadiers , devoit débarquer
dans la Cale de S. Etienne , pour delà marcher
au Fort de S. Charles . On devoit avoir pour cet
effet 100 Chaloupes de l'Eſcadre : mais comme
elles ne purent arriver à temps , on y fuppléa par
celles qu'on put raffembler dans la journée.
La feconde attaque de la droite , aux ordres de
M. le Marquis de Monteynar , commandant la
Brigade de Royal - la Marine & Talaru , avoit
pour objet de s'emparer de la Lunette de Sud-
Ouest , de longer la Langue de S. Etienne , qui
eft entre la Place & le Fort Malboroug ; de fe
communiquer avec l'attaque du Fort S. Charles ,
& de couper la communication du Fort Malboroug
avec le Fort de S. Philippe.
En même temps que toutes ces attaques ſe faifoient
, M. de Beaumanoir , Lieutenant- Colonel ,
A O UST. 1756. 215
commandant à la Tour des Signaux , devoit avec
fon détachement partir dans les Chaloupes de la
Cale , qui eft entre le Fort Saint- Philippe & la
Tour des Signaux , pour venir favorifer l'attaque
de M. de Monti , & tâcher de fe gliffer dans le
chemin couvert , entre la demi-lune & le Fort
d'Orgil.
M. de Fortouval , Capitaine d'Haynaut , de
voit avec 100 hommes de détachement débarquer
au pied de la grande batterie des Ennemis , du
côté du Pont.
A.dix heures du foir , toutes nos batteries ayant
ceffé , le fignal de l'attaque fut donné par un
coup de canon & quatre bombes tirées de la Tour
des Signaux.
M. de Monti déboucha fur Strugen & Orgil ,
& fucceffivement MM . de Briqueville & de Sade
fe porterent avec vivacité fur leur point d'attaque
de Ken & de la Reine .
Nos troupes marcherent avec la plus grande
valeur , & après un feu très-vif , très-long & trèsmeurtrier
, elles parvinrent à s'emparer de Strugen
, d'Orgil, & du Fort de la Reine. Les Ennenis
firent jouer quatre fourneaux qui nous ont
coûté environ so hommes .
On travailla fur le champ au logement de
cette partie , qui étoit la principale attaque ,
pendant que les autres faifoient leur diverfion.
L'ardeur des Grenadiers que commandoit M.
de Bricqueville les ayant emportés , ils fe jetterent
fur la Redoute de la Reine , au lieu de fe
porter fur Ken qu'ils devoient attaquer .
M. le Prince de Bauveau ayant fait marcher
les Grenadiers de Vermandois & 100 hommes
de chaque Brigade fur la Redoute Caroline , &
les Grenadiers de Royal-Italien , avec 1oo hom216
MERCURE DE FRANCE.
mes de cette Brigade , à la Redoute de l'Oueſt ;
il s'empara du chemin couvert , & y fit enclouer
douze pieces de canon le logement y étant
impraticable , parce que la Redoute de Ken
n'étoit pas prife , & qu'il ne pouvoit dans la
nuit affurer fa communication , il fe contenta
de faire couper les paliffades , de faire brifer
les affûts , & de foutenir quelque temps cette
attaque qui favorifoit la principale.
Elle fut faite avec la plus grande intelligence
& la plus grande valeur.
Les attaques de MM. de Lannion & de Mon
teynard , dépendant prefque du fuccès du For
s. Charles , ils attendoient le fignal que devoir
faire M. de Roquépine ; mais les Ennemis s'étant
apperçus de beaucoup de mouvemens dans
cette partie , par les manoeuvres que les Chaloupes
avoient été obligées de faire , ſe tinrent
fur leurs gardes , & ne permirent pas à M. de
Roquépine de faire le débarquement qu'il avoit
tenté , & qui ne pouvoit réuffir que par une
furpriſe.
>
Pendant ce temps - là M. de Lannion fit inquiéter
le Fort Malborough . La divifion de tous
ces feux & la combinaifon de toutes ces attaques
, donnerent le temps à celles de la gauche
d'aflurer fon fuccés, de facon qu'à la pointe
du jour nous pumes établir 400 hommes dans
le Fort de la Reine , & 200 dans Strugen &
Orgil.
M. le Maréchal s'étoit placé au centre des attaques
de la gauche , & avoit avec lui MM . de Maillebois
, du Mefnil , & le Prince de Wirtemberg.
Il a donné pendant toute l'action les confeils
néceffaires au fuccès de l'attaque , dans lefquels
on n'a pu s'empêcher d'admirer les difpofitions
A O
UST.
1756.
217
tions de notre Général & les prodiges de notre
Infanterie.
M. de Lannion a eu une légere contufion à
' épaule , & M. le Marquis de S. Tropès , Aide
de Camp de M. de Maillebois , a été
légérement
bleffé au visage .
A cinq heures du matin on a demandé réciproquement
une fufpenfion d'armes pour retirer
les morts , & elle a été accordée. Nous
avons eu environ 25 Officiers de tués ou bleffés ,
& 400 Soldats..
· M. de Huetton , le Lieutenant de Vaiffeau
qui
commandoit les Chaloupes de l'attaque du
Fort S. Charles , a été tué.
On doit le fuccès de
l'attaque , de la gau
che furtout , à la bonne
conduite de M. de
Monti , qui a fuivi avec la plus grande valeur
& la plus grande fermeté les
difpofitions qu'avoit
faites M. de Laval.
On a pris beaucoup de mortiers & de canons
dans les Forts de Strugen , d'Orgil & de la Reine.
On a fait quinze
prifonniers , du nombre deſquels
eft le fecond
Commandant des Ennemis qui fai
foit le détail de la défenſe.
Le 28 , à deux heures après-midi , trois Députés
de la Place
demanderent à parler à notre
Général. Le réſultat de cette
conférence étoit
qui leur fut accordé vingt- quatre heures pour
dreffer les articles de
Capitulation : on leur accorda
jufqu'à huit heures du foir. Il en revint
un à l'heure marquée , qui apporta à M. le Maréchal
un projet d'articles ,
auxquels il fut ré
pondu le lendemain matin.
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Résumé : RELATION HISTORIQUE De la Prise de l'Isle de Minorque, & principalement des Port-Mahon & Fort Saint-Philippe; envoyée par un Officier de l'Armée.
En 1756, les forces françaises, sous le commandement du maréchal de Richelieu et de M. de La Galissonnière, prirent l'île de Minorque, située en Méditerranée et faisant partie des Baléares. Minorque, dotée d'un climat tempéré avec des chaleurs intenses en été, est divisée en cinq territoires, dont Mahon est la capitale et le principal port. L'île a été sous la domination de diverses civilisations, notamment les Carthaginois, les Romains, les Goths, les Vandales, les Sarrazins, et les Espagnols, avant de passer sous contrôle britannique en 1708. Les Britanniques avaient renforcé le Fort Saint-Philippe après l'avoir pris en 1708. En 1756, les Français débarquèrent à Ciutadella et marchèrent vers Mahon. Après plusieurs semaines de siège et de bombardements intensifs, ils prirent le Fort Saint-Philippe le 30 juin 1756. Le texte détaille les opérations militaires, les mouvements des troupes et les batailles navales qui précédèrent cette prise. L'attaque française, planifiée pour le 27 juin, fut divisée en quatre points principaux. Le Marquis de Laval dirigea l'attaque de la gauche, ciblant plusieurs forts et redoutes avec 16 compagnies de grenadiers et quatre bataillons. Le Prince de Bauveau attaqua la Redoute de l'Ouest et la Lunette Caroline. Le Comte de Lannion et le Marquis de Monteynar dirigèrent les attaques de la droite, ciblant respectivement le Fort de Malborough et la Lunette de Sud-Ouest. L'attaque débuta à dix heures du soir après un signal donné par un coup de canon et des bombes. Les troupes prirent plusieurs forts après un combat intense. Les ennemis firent exploser des fourneaux, causant des pertes. Les attaques de la droite dépendaient de la prise du Fort Saint-Charles, mais les ennemis empêchèrent le débarquement de M. de Roquépine. À la pointe du jour, des hommes furent établis dans les forts conquis. Les pertes françaises inclurent environ 25 officiers tués ou blessés et 400 soldats. Le succès de l'attaque fut attribué à la conduite de M. de Monti. Des mortiers, des canons et quinze prisonniers, dont le second commandant ennemi, furent capturés. Le 28 juin, des députés de la place demandèrent un délai de vingt-quatre heures pour négocier la capitulation, accordé jusqu'à huit heures du soir.
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28
p. 84-87
LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
Début :
Deux choses que j'ai lues, Monsieur, dans votre dernier Mercure d'Août, m'ont [...]
Mots clefs :
Mlle de Car...., Logogriphes, Mercure, Sexe, Grâces
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
LETTRE
A L'AUTEUR DU MERCURE
Deux chofes que j'ai lues , Monfieur
dans votre dernier Mercure d'Août , m'ont
affez piquée pour ne pouvoir me refuſer
à l'envie de vous le dire. Peut-être la
gloire d'occuper un inſtant votre attention
OCTOBRE. 1756. & >
peuty
a-t'elle plus de part que le dépit. La premiere
eft la tromperie de Mlle de Car....
de Toulouſe , pour laquelle je me fentois
une espece de fympathie , qui étoit
être une preuve tacite qu'elle n'étoit pas
fi fille que moi , qui la fuis , Monfieur ,
je vous affure , & la ferai , je crois dans
Tous les fiecles des fiecles ; je fupprime
ainfi foit- il , qui pourroit me faire
foupçonner de ne l'être pas plus que M. le
Riche , à qui je ne pardonne point d'avoir
mafqué fon efprit des graces de mon fexe
& de m'avoir fait prendre peut- être un
grand vifage dans une perruque quarrée
pour un joli minois féminin. Comme
homme vous devez fentir mieux que moi, -
Monfieur , le piquant de la méprife , &
l'inconvénient de ne pouvoir plus même
en Province fe connoître en fille . Celle
qui les taxe , dans ce même Mercure , de
mal adreffe à rimer , ma paru vouloir donner
à fa poéfie un mérite dont elle n'avoit
pas befoin , & en ôter un à mon fexe que
je crois très-capable d'avoir . Si nous en
faifons moins d'ufage , c'eft qu'on nous
donne trop à croire que nous en avons
mille autres . Nous trouvons plus aifé de
plaire par les agrémens de la figure qu'un
pompon augmente , que par ceux de l'ef
prit qui demandent une étude qui vole
S6 MERCURE DE FRANCE.
roit les momens précieux d'une jolie femme.
Je penſe donc que la rareté des rimeufes
procede plutôt de pareffe que de
manque de talens . Ce n'eft point , Monfieur
, pour joindre la force des preuves à
mon raiſonnement que je vous envoie mes
deux Logogryphes , peut-être feroient- ils
celle du contraire ; c'eft pour faire un paſſeport
à ma Lettre. Je n'imagine pas non plus
que mon courroux foit exprimé d'une
façon à mériter le jour. J'avoue que je
ferois trop flattée qu'il valût un mot de
votre critique vous l'habillez ordinairement
d'une jufteffe & d'une légèreté de
ftyle qui peut apprendre à penfer , & qui
fait plus eftimer la louange ou fon contraire
, que ce qui en fait le fujet . Excufez
, Monfieur , la longueur d'un babil
qui peut faire demi- preuve de mon fexe ;
fi mon nom en étoit une de l'eftime que
j'ai pour les gens d'efprit comme vous ,
Monfieur , je ne le fupprimerois pas.
Nous fommes fi fenfibles aux politeffes
des femmes , quelque exagerées qu'elles
foient , que pour y répondre nous inférons
ici un de ces Logogryphes . Nous ne
fçaurions trop les encourager à parer notre
Recueil de leurs productions. Leur
profe a furtout des graces qui nous font
oublier les négligences de leur poéfie , &
OCTOBRE. 17566 8.7
nous engagent même à corriger celles qui
trop fenfiblement les regles .
A L'AUTEUR DU MERCURE
Deux chofes que j'ai lues , Monfieur
dans votre dernier Mercure d'Août , m'ont
affez piquée pour ne pouvoir me refuſer
à l'envie de vous le dire. Peut-être la
gloire d'occuper un inſtant votre attention
OCTOBRE. 1756. & >
peuty
a-t'elle plus de part que le dépit. La premiere
eft la tromperie de Mlle de Car....
de Toulouſe , pour laquelle je me fentois
une espece de fympathie , qui étoit
être une preuve tacite qu'elle n'étoit pas
fi fille que moi , qui la fuis , Monfieur ,
je vous affure , & la ferai , je crois dans
Tous les fiecles des fiecles ; je fupprime
ainfi foit- il , qui pourroit me faire
foupçonner de ne l'être pas plus que M. le
Riche , à qui je ne pardonne point d'avoir
mafqué fon efprit des graces de mon fexe
& de m'avoir fait prendre peut- être un
grand vifage dans une perruque quarrée
pour un joli minois féminin. Comme
homme vous devez fentir mieux que moi, -
Monfieur , le piquant de la méprife , &
l'inconvénient de ne pouvoir plus même
en Province fe connoître en fille . Celle
qui les taxe , dans ce même Mercure , de
mal adreffe à rimer , ma paru vouloir donner
à fa poéfie un mérite dont elle n'avoit
pas befoin , & en ôter un à mon fexe que
je crois très-capable d'avoir . Si nous en
faifons moins d'ufage , c'eft qu'on nous
donne trop à croire que nous en avons
mille autres . Nous trouvons plus aifé de
plaire par les agrémens de la figure qu'un
pompon augmente , que par ceux de l'ef
prit qui demandent une étude qui vole
S6 MERCURE DE FRANCE.
roit les momens précieux d'une jolie femme.
Je penſe donc que la rareté des rimeufes
procede plutôt de pareffe que de
manque de talens . Ce n'eft point , Monfieur
, pour joindre la force des preuves à
mon raiſonnement que je vous envoie mes
deux Logogryphes , peut-être feroient- ils
celle du contraire ; c'eft pour faire un paſſeport
à ma Lettre. Je n'imagine pas non plus
que mon courroux foit exprimé d'une
façon à mériter le jour. J'avoue que je
ferois trop flattée qu'il valût un mot de
votre critique vous l'habillez ordinairement
d'une jufteffe & d'une légèreté de
ftyle qui peut apprendre à penfer , & qui
fait plus eftimer la louange ou fon contraire
, que ce qui en fait le fujet . Excufez
, Monfieur , la longueur d'un babil
qui peut faire demi- preuve de mon fexe ;
fi mon nom en étoit une de l'eftime que
j'ai pour les gens d'efprit comme vous ,
Monfieur , je ne le fupprimerois pas.
Nous fommes fi fenfibles aux politeffes
des femmes , quelque exagerées qu'elles
foient , que pour y répondre nous inférons
ici un de ces Logogryphes . Nous ne
fçaurions trop les encourager à parer notre
Recueil de leurs productions. Leur
profe a furtout des graces qui nous font
oublier les négligences de leur poéfie , &
OCTOBRE. 17566 8.7
nous engagent même à corriger celles qui
trop fenfiblement les regles .
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Résumé : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE.
Dans une lettre, l'auteur exprime son mécontentement après avoir lu deux informations dans le dernier numéro du Mercure d'août 1756. La première concerne la tromperie de Mlle de Car... de Toulouse, envers qui l'auteur ressentait de la sympathie. Cette sympathie est remise en question, et l'auteur affirme que Mlle de Car... n'est pas la fille de M. le Riche, qu'il accuse de manquer d'esprit et de grâce envers les femmes. L'auteur déplore que les femmes soient souvent jugées sur leur apparence plutôt que sur leur esprit, rendant rares les femmes capables de rimer. L'auteur envoie deux logogryphes pour justifier l'envoi de sa lettre, mais doute que son courroux mérite une critique. Elle admire la justice et la légèreté du style de la critique du Mercure, qui valorise la réflexion. Elle s'excuse pour la longueur de sa lettre et encourage les femmes à contribuer au recueil avec leurs productions, malgré les négligences possibles dans leur poésie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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29
p. 234-235
A L'AUTEUR DU MERCURE.
Début :
Monsieur, il arrive tous les jours aux gens de Robe & [...]
Mots clefs :
Finances, Tableau, Arrêts, Déclarations, Édits
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texteReconnaissance textuelle : A L'AUTEUR DU MERCURE.
A L'AUTEUR DU MERCURE.
Monfieur , il arrive tous les jours aux gens
de Robe & de Finance , & à des Particuliers
même , d'avoir befoin dans des opérations , des
EPOQUES des Dixiemes , Cinquantieme , Vingtiemes
des deux fols pour livre en fus du dernier
Dixieme. La difficulté eft de trouver ſous ſa main
dans l'inftant qu'on en a befoin , les différens
Edits , Arrêts & Déclarations qui les ont établis
& fupprimés. Ceux qui n'en ont pas fouvent befoin
, donnent avec peine quatre livres ou cent
fols , pour fe procurer ces pièces chez les Libraires
qui en ont fait la collection , & qui ne les donnent
pas à bon marché : l'épreuve que j'en ai faite
m'a donné l'idée de dreffer le petit tableau que je
vous envoie ; & comme la Société peut y trouver
de l'utilité , j'ai cru qu'il pourroit tenir une
place dans le Mercure .
J'ai l'honneur d'être , & c.
DELAGRAVE , Commiſſaire au Châtelet.
Monfieur , il arrive tous les jours aux gens
de Robe & de Finance , & à des Particuliers
même , d'avoir befoin dans des opérations , des
EPOQUES des Dixiemes , Cinquantieme , Vingtiemes
des deux fols pour livre en fus du dernier
Dixieme. La difficulté eft de trouver ſous ſa main
dans l'inftant qu'on en a befoin , les différens
Edits , Arrêts & Déclarations qui les ont établis
& fupprimés. Ceux qui n'en ont pas fouvent befoin
, donnent avec peine quatre livres ou cent
fols , pour fe procurer ces pièces chez les Libraires
qui en ont fait la collection , & qui ne les donnent
pas à bon marché : l'épreuve que j'en ai faite
m'a donné l'idée de dreffer le petit tableau que je
vous envoie ; & comme la Société peut y trouver
de l'utilité , j'ai cru qu'il pourroit tenir une
place dans le Mercure .
J'ai l'honneur d'être , & c.
DELAGRAVE , Commiſſaire au Châtelet.
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Résumé : A L'AUTEUR DU MERCURE.
Delagrave, Commissaire au Châtelet, souligne la difficulté à accéder rapidement aux édits et arrêts relatifs aux Dixièmes, Cinquantièmes, Vingtièmes et aux deux sols pour livre. Ces documents sont essentiels pour les opérations financières ou juridiques. Delagrave propose un tableau pour faciliter cet accès et suggère sa publication dans le Mercure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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30
p. 207-209
A Caen, ce 17 septembre, 1756.
Début :
Monsieur, le silence que les nouvelles publiques gardent sur un événement qui a fixé, [...]
Mots clefs :
Caen, Duc d'Harcourt, Duc de Montmorenci, Fête, Régiment, Illuminations, Pièce en vers, Banquet, Feux d'artifice
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texteReconnaissance textuelle : A Caen, ce 17 septembre, 1756.
A Caen , ce 17 septembre , 1756.
Monfieur , le filence que les nouvelles publiques
gardent fur un événement qui a fixé , qui a ›
mérité l'attention de tous les Militaires que le Camp du Havre raffembloit fous les ordres de
Monfieur le Duc d'Harcourt , me détermine à vous
le détailler.
J'entends parler d'une Fête que Monfieur le Duc de Montmorenci
a donnée à ce Général , &
à Madame la Comteffe de Lillebonne fa belle-fille ;
Fête digne à la fois , & de qui la donnoit , & de
qui l'a reçue.
M. de Montmorenci l'a imaginée , l'a dirigée
lui-même l'objet fait l'éloge de fon difcerne
ment , l'exécution fait celui de fon goût.
20S MERCURE DE FRANCE.
Donner des preuves d'attachement à M. le Duo
d'Harcourt , c'eft acquitter près de lui les dettes.
de la Nation ; Poffeffeur du droit héréditaire d'ètre
aimé, ce Général s'eft acquis celui de fe faire
adorer.
Cambiner , faire exécuter foi- même en vingtquatre
heures , la fête la plus brillante , lui donner
l'air le plus galant fous l'appareil le plus militaire
, c'eft un chef-d'oeuvre de goût qui n'appartient
qu'à M. de Montmorency. Paffons au
détail.
Lorfque le Général & les Dames arriverent à
la Brigade de Touraine , on y trouva en bataille
devant les faiſceaux , deux cens hommes de ce
Régiment , troupe connue depuis long - temps
fous le nom de Pruffiens de M. de Montmorency ,
qui lui-même l'a inftruite à faire avec grace &
précifion le maniement des armes & les évolutions
ordinaires au refte de l'Infanterie. Il l'a fit
manoeuvrer & tout le monde convint qu'on ne
pouvoit , ni mieux commandet , nt mieux obéir.
L'arrivée des Dames aux tentes du jeune Duc ,
fut annoncée par toute l'artillerie des Forts & des
Lignes.
Il avoit fait élever devant la premiere un Fort ,
dont le front préfentoit un ouvrage à couronne ,
flanqué de deux baftions , avec des places d'armes
retranchées dans le chemin couvert. Du flanc
droit partoient des lignes défendues par des redans
& redoutes , le tout paliffadé & garni d'une
artillerie dont le volume étoit proportionné à la
capacité des ouvrages. Ces lignes entouroient
plufieurs autres tentes également grandes & magnifiques.
L'intervalle des tentes & lignes étoit
occupé par un parterre en gazon découpé , dont
les compartimens étoient pleins des chiffres de
NOVEMBRE . 1756. 209
Montmorency , Harcourt & la Feuillade. Les Ar
moiries des trois Maifons paroiffoient fur les
remparts en cartouches tranfparens . Tous les ouvrages
, les compartimens & chiffres , ou ornemens
du parterre , étoient deffinés par un nombre
infini de lampions.
L'effet de cette illumination dans une nuit
tranquille & obfcure , a furpris même les plus
difficiles en ce genre.
Avant de commencer le jeu , M. de Montmorency
préfenta à Madame de Lillebonne une piece
de vers fous le titre d'ordre : M. Defluile ' , Capitaine
au Régiment de Touraine , en eft l'Auteur,
& je les ai joints à nra Lettre.
Après le jeu , on paffa dans les tentes voisines
où étoient dreffées plufieurs tables fur lesquelles
l'abondance & la délicateffe des mets fe difputoient
l'avantage. Tous les Chefs des Corps
avoient été invités particuliérement à ce fouper,
où furent priés tous les Officiers que ela curiofité
avoient amenés à ce fpectacle. Pendant le repas
une fymphonie de haut-bois , baffons & corps - dechaffe
fe fit entendre : les fantés furent bues au
bruit de toute l'artillerie.
Lorfqu'on eat quitté la table , on tira un feu
d'artifice qui fut allumé par Madame de Lillebonne
. Le bal fut ouvert enfuite par elle & M. de
Montmorency, & fut terminé à fix heures du matin
, par le retour de cette Dame à Harfleur. Il
convenoit que le départ des graces mît fin à leur
fête.
J'ai l'honneur d'être , &c .
LA NEUFVILLE.
Monfieur , le filence que les nouvelles publiques
gardent fur un événement qui a fixé , qui a ›
mérité l'attention de tous les Militaires que le Camp du Havre raffembloit fous les ordres de
Monfieur le Duc d'Harcourt , me détermine à vous
le détailler.
J'entends parler d'une Fête que Monfieur le Duc de Montmorenci
a donnée à ce Général , &
à Madame la Comteffe de Lillebonne fa belle-fille ;
Fête digne à la fois , & de qui la donnoit , & de
qui l'a reçue.
M. de Montmorenci l'a imaginée , l'a dirigée
lui-même l'objet fait l'éloge de fon difcerne
ment , l'exécution fait celui de fon goût.
20S MERCURE DE FRANCE.
Donner des preuves d'attachement à M. le Duo
d'Harcourt , c'eft acquitter près de lui les dettes.
de la Nation ; Poffeffeur du droit héréditaire d'ètre
aimé, ce Général s'eft acquis celui de fe faire
adorer.
Cambiner , faire exécuter foi- même en vingtquatre
heures , la fête la plus brillante , lui donner
l'air le plus galant fous l'appareil le plus militaire
, c'eft un chef-d'oeuvre de goût qui n'appartient
qu'à M. de Montmorency. Paffons au
détail.
Lorfque le Général & les Dames arriverent à
la Brigade de Touraine , on y trouva en bataille
devant les faiſceaux , deux cens hommes de ce
Régiment , troupe connue depuis long - temps
fous le nom de Pruffiens de M. de Montmorency ,
qui lui-même l'a inftruite à faire avec grace &
précifion le maniement des armes & les évolutions
ordinaires au refte de l'Infanterie. Il l'a fit
manoeuvrer & tout le monde convint qu'on ne
pouvoit , ni mieux commandet , nt mieux obéir.
L'arrivée des Dames aux tentes du jeune Duc ,
fut annoncée par toute l'artillerie des Forts & des
Lignes.
Il avoit fait élever devant la premiere un Fort ,
dont le front préfentoit un ouvrage à couronne ,
flanqué de deux baftions , avec des places d'armes
retranchées dans le chemin couvert. Du flanc
droit partoient des lignes défendues par des redans
& redoutes , le tout paliffadé & garni d'une
artillerie dont le volume étoit proportionné à la
capacité des ouvrages. Ces lignes entouroient
plufieurs autres tentes également grandes & magnifiques.
L'intervalle des tentes & lignes étoit
occupé par un parterre en gazon découpé , dont
les compartimens étoient pleins des chiffres de
NOVEMBRE . 1756. 209
Montmorency , Harcourt & la Feuillade. Les Ar
moiries des trois Maifons paroiffoient fur les
remparts en cartouches tranfparens . Tous les ouvrages
, les compartimens & chiffres , ou ornemens
du parterre , étoient deffinés par un nombre
infini de lampions.
L'effet de cette illumination dans une nuit
tranquille & obfcure , a furpris même les plus
difficiles en ce genre.
Avant de commencer le jeu , M. de Montmorency
préfenta à Madame de Lillebonne une piece
de vers fous le titre d'ordre : M. Defluile ' , Capitaine
au Régiment de Touraine , en eft l'Auteur,
& je les ai joints à nra Lettre.
Après le jeu , on paffa dans les tentes voisines
où étoient dreffées plufieurs tables fur lesquelles
l'abondance & la délicateffe des mets fe difputoient
l'avantage. Tous les Chefs des Corps
avoient été invités particuliérement à ce fouper,
où furent priés tous les Officiers que ela curiofité
avoient amenés à ce fpectacle. Pendant le repas
une fymphonie de haut-bois , baffons & corps - dechaffe
fe fit entendre : les fantés furent bues au
bruit de toute l'artillerie.
Lorfqu'on eat quitté la table , on tira un feu
d'artifice qui fut allumé par Madame de Lillebonne
. Le bal fut ouvert enfuite par elle & M. de
Montmorency, & fut terminé à fix heures du matin
, par le retour de cette Dame à Harfleur. Il
convenoit que le départ des graces mît fin à leur
fête.
J'ai l'honneur d'être , &c .
LA NEUFVILLE.
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Résumé : A Caen, ce 17 septembre, 1756.
Le 17 septembre 1756, à Caen, une fête militaire organisée par le Duc de Montmorency en l'honneur du Duc d'Harcourt et de Madame la Comtesse de Lillebonne a attiré l'attention des officiers du camp du Havre. La fête, réputée pour son élégance et son organisation impeccable, a commencé par des manœuvres militaires de 200 hommes du Régiment de Touraine, dirigés par Montmorency. L'arrivée des dames a été annoncée par l'artillerie des forts et des lignes. Des fortifications ornées des armoiries des maisons de Montmorency, Harcourt et La Feuillade ont été construites et illuminées de manière spectaculaire. Montmorency a présenté une pièce de vers à Madame de Lillebonne avant un jeu. Un souper abondant et délicat, accompagné de musique, a suivi. Un feu d'artifice tiré par Madame de Lillebonne a précédé un bal qui s'est terminé à six heures du matin par le retour de Madame de Lillebonne à Harfleur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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31
p. 234-236
AVIS INTÉRESSANT, A L'AUTEUR DU MERCURE.
Début :
Zélé pour le bien de l'humanité, Monsieur ; & desirant de faire connoître à ma [...]
Mots clefs :
Remède, Rage, Campagne, Eau, Cure, Guérison, Saint-Malo, Morsure, Chien
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texteReconnaissance textuelle : AVIS INTÉRESSANT, A L'AUTEUR DU MERCURE.
AVIS INTÉRESSANT ,
A L'AUTEUR DU MERCURE.
ZÉLÉ pour le bien de l'humanité , Monſieur ;
& defirant de faire connoître à ma Patrie un
remede infaillible pour la plus terribles des maladies
, je vous envoie , le détail des effets prodigieux
de ce remede contre la rage. Je ne doute
pas qu'étant inféré dans votre Ouvrage , il ne
piqué la charité de quelque grand , & ne l'engage
MAR S. 1757 : 235
à acheter ce fecret , que le poffeffeur ne veut point
découvrir , quelques inftances qu'on lui faffe, bien
qu'il diftribue ce remede gratis .
Dans la Paroiffe de Gael , Province de Breta
gne , Diocefe de S. Malo , le Recteur du lieu diftribue
une eau qui prévient & guérit les accès de
rage : le fait eft hors de doute ; & comme cette affreufe
maladie n'eft que trop commune à la campagne
, où l'on n'a pas l'attention de tenir les
chiens à la chaîne , les guérifons de cette efpece ,
opérées par l'eau en queftion , font ici très-mul..
tipliées. Il n'eft perfonne à dix lieues à la ronde
de Gaél , qui n'ait vu ou oui parler de ces cures.
M. de la Motte , Comte de Montmurand , de qui
je tiens ce Mémoire , a été témoin oculaire de
celle qui fuit. La nommée Marie Joffe , femme de
Mathurin Guillemer , âgée de dix- neuf ans , &
enceinte , demeurant pour- lors en la Paroiffe des
Iffs , Dioceſe de S. Malo , fut mordue d'un chien
au mois de Décembre 1750 : mais , comme elle
ignoroit que ce chien fût enragé , & que d'ailleurs
la morfure étoit légere ,
elle n'y fit aucune attention
. Peu de jours après paffant un ruiffeau , elle
crut appercevoir dans l'eau ce même chien qui l'avoit
mordue : la même image fe retraçoit à fes
yeux toutes les fois qu'elle regardoit dans l'eau .
Dès le feptieme jour de fa morfure elle reffentit
un accès de rage , caractérisé par l'écume qui fortoit
de fa bouche par l'augmentation de fes forces
, par le defir de mordre , & autres ſymptomes.
Au fecond accès il fallut l'enfermer dans un de ces
lits clos où elle étoit liée : le troifieme & le qua
trieme furent fi violens , qu'elle coupoit les barreaux
de bois avec les dents. Dans ces intervalles
elle demandoit avec inftance qu'on allât à Gaél
mais , comme la diſtance des lieux eft grande ,
236 MERCURE DE FRANCE.
l'eau n'arriva qu'après le quatrieme accès ; dès le
lendemain qu'elle en eut fait ufage , il ne lui
refta que la foibleffe caufée par fes convulfions
violentes : cinq cens perfonnes furent témoins de
ce prodige. Cette femme vit , & ſon fruit eft venu
à bien. Depuis cette cure , cette eau en a opéré
encore nombre d'auffi merveilleuſes , & l'effet n'a
jamais trompé l'attente des malades qui y ont eu
recours. Ce Prêtre a toujours ( je le répéte ) refuſé
de divulguer fon fecret , quoiqu'il diftribue ce remede
gratuitement.
A L'AUTEUR DU MERCURE.
ZÉLÉ pour le bien de l'humanité , Monſieur ;
& defirant de faire connoître à ma Patrie un
remede infaillible pour la plus terribles des maladies
, je vous envoie , le détail des effets prodigieux
de ce remede contre la rage. Je ne doute
pas qu'étant inféré dans votre Ouvrage , il ne
piqué la charité de quelque grand , & ne l'engage
MAR S. 1757 : 235
à acheter ce fecret , que le poffeffeur ne veut point
découvrir , quelques inftances qu'on lui faffe, bien
qu'il diftribue ce remede gratis .
Dans la Paroiffe de Gael , Province de Breta
gne , Diocefe de S. Malo , le Recteur du lieu diftribue
une eau qui prévient & guérit les accès de
rage : le fait eft hors de doute ; & comme cette affreufe
maladie n'eft que trop commune à la campagne
, où l'on n'a pas l'attention de tenir les
chiens à la chaîne , les guérifons de cette efpece ,
opérées par l'eau en queftion , font ici très-mul..
tipliées. Il n'eft perfonne à dix lieues à la ronde
de Gaél , qui n'ait vu ou oui parler de ces cures.
M. de la Motte , Comte de Montmurand , de qui
je tiens ce Mémoire , a été témoin oculaire de
celle qui fuit. La nommée Marie Joffe , femme de
Mathurin Guillemer , âgée de dix- neuf ans , &
enceinte , demeurant pour- lors en la Paroiffe des
Iffs , Dioceſe de S. Malo , fut mordue d'un chien
au mois de Décembre 1750 : mais , comme elle
ignoroit que ce chien fût enragé , & que d'ailleurs
la morfure étoit légere ,
elle n'y fit aucune attention
. Peu de jours après paffant un ruiffeau , elle
crut appercevoir dans l'eau ce même chien qui l'avoit
mordue : la même image fe retraçoit à fes
yeux toutes les fois qu'elle regardoit dans l'eau .
Dès le feptieme jour de fa morfure elle reffentit
un accès de rage , caractérisé par l'écume qui fortoit
de fa bouche par l'augmentation de fes forces
, par le defir de mordre , & autres ſymptomes.
Au fecond accès il fallut l'enfermer dans un de ces
lits clos où elle étoit liée : le troifieme & le qua
trieme furent fi violens , qu'elle coupoit les barreaux
de bois avec les dents. Dans ces intervalles
elle demandoit avec inftance qu'on allât à Gaél
mais , comme la diſtance des lieux eft grande ,
236 MERCURE DE FRANCE.
l'eau n'arriva qu'après le quatrieme accès ; dès le
lendemain qu'elle en eut fait ufage , il ne lui
refta que la foibleffe caufée par fes convulfions
violentes : cinq cens perfonnes furent témoins de
ce prodige. Cette femme vit , & ſon fruit eft venu
à bien. Depuis cette cure , cette eau en a opéré
encore nombre d'auffi merveilleuſes , & l'effet n'a
jamais trompé l'attente des malades qui y ont eu
recours. Ce Prêtre a toujours ( je le répéte ) refuſé
de divulguer fon fecret , quoiqu'il diftribue ce remede
gratuitement.
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Résumé : AVIS INTÉRESSANT, A L'AUTEUR DU MERCURE.
L'auteur d'un avis informe le rédacteur du Mercure de France d'un remède efficace contre la rage, distribué gratuitement par le recteur de la paroisse de Gael en Bretagne. La maladie est fréquente dans les campagnes où les chiens ne sont pas tenus en laisse. Le comte de Montmurand a observé une guérison notable : Marie Joffe, une femme enceinte mordue par un chien enragé en décembre 1750, a été soignée par cette eau miraculeuse après avoir souffert de violents accès de rage. L'eau a été administrée après le quatrième accès et a rapidement apaisé ses symptômes. Depuis, cette eau a guéri de nombreux autres cas de rage sans jamais échouer. Le recteur refuse de révéler la composition de ce remède, malgré les demandes insistantes.
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32
p. 236-237
A M. DE BOISSY.
Début :
Le Beaume de vie de M. le Lievre, Distillateur ordinaire du Roi, [...]
Mots clefs :
Baume de vie, Distillateur, Allaitement maternel, Boutons, Démangeaison, Pue, Maux de tête, Guérison
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texteReconnaissance textuelle : A M. DE BOISSY.
A M. DE BOISS r
E Beaume de vie de M. le Lievre , Diſtillateur
ordinaire du Roi , a produit de fi bons effets fur
moi & fur mes deux jeunes filles , que je ne pourrois
m'en taire fans ingratitude. Daignez donc ,
Monfieur , m'aider à faire connoître ma vive reconnoiffance.
Après une couche , j'avois un lait répandu , qui
me caufoit au bras droit une telle incommodité ,
que je ne pouvois en faire aucun ufage . Au bout
de quatre ans de fouffrances , je pris du Baume
de vie ; & d'abord , comme fi je venois encore
d'accoucher , il fortit , par la voie ordinaire , une
fi grande quantité d'humeurs laiteufes , que je me
trouvai entiérement guérie .
En fecond lieu , une de mes filles , fortant de
nourrice , étoit fi couverte fur tout le corps de
clous & de boutons , qu'on la jugeoit attaquée
d'une très- dangereufe galle. Très- affligée de la
voir dans un fi pitoyable état , je confultai un fçavant
Médecin , qui me dit qu'il ne fçavois rien
de plus fouverain pour la fecourir , que ce Baume.
MARS. 1757. 237
L'enfant qui ne pouvoit fouffrir aucune médecine
, en prit heureuſement , & dès la premiere bouteille
jetta plufieurs vers : cela fat ſuivi d'un dévoiement
qui ne fourniffoit que de l'eau claire ,
mais dont l'odeur étoit infupportable ; alors , au
lieu de deux cueillerées de baume qu'on lui donnoit
chaque jour , on lai en fit prendre quatre :
par ce puiffant remede la inalade rendit à diverſes
fois jufqu'à foixante vers ; les boutons difparurent ,
& le dévoiement fut arrêté. Il eft à remarquer que
pendant environ deux mois que dura ce traitement
, l'enfant ne perdit ni fon fommeil ni ſon appétit
, &
que fon teint conferva toujours les vives
couleurs.
Troifiémement , étant furvenu à mon aînée un
mal fous les aiffelles , & la voyant tourmentée par
de petits boutons , d'où fortoit une eau rouffe , &
qui lui caufoient une cruelle démangeaifon , j'eus
recours au Baume de vie ; j'en employai le marc ,
délayé dans de l'huile d'holive , à frotter les parties
malades ; je fis boire à cette enfant de cette liqueur,
& dès la deuxieme bouteille elle a joui d'une parfaite
fanté.
Je crois devoir , pour l'intérêt public , ajouter
que mon époux étant fujet aux maux de tête les
plus accablans , en a été plufieurs fois délivré , foit
en refpirant de ce Baume par le nez , foit en le
prenant par la bouche,
Je fuis , Monfieur , &c. Femme Chenų.
E Beaume de vie de M. le Lievre , Diſtillateur
ordinaire du Roi , a produit de fi bons effets fur
moi & fur mes deux jeunes filles , que je ne pourrois
m'en taire fans ingratitude. Daignez donc ,
Monfieur , m'aider à faire connoître ma vive reconnoiffance.
Après une couche , j'avois un lait répandu , qui
me caufoit au bras droit une telle incommodité ,
que je ne pouvois en faire aucun ufage . Au bout
de quatre ans de fouffrances , je pris du Baume
de vie ; & d'abord , comme fi je venois encore
d'accoucher , il fortit , par la voie ordinaire , une
fi grande quantité d'humeurs laiteufes , que je me
trouvai entiérement guérie .
En fecond lieu , une de mes filles , fortant de
nourrice , étoit fi couverte fur tout le corps de
clous & de boutons , qu'on la jugeoit attaquée
d'une très- dangereufe galle. Très- affligée de la
voir dans un fi pitoyable état , je confultai un fçavant
Médecin , qui me dit qu'il ne fçavois rien
de plus fouverain pour la fecourir , que ce Baume.
MARS. 1757. 237
L'enfant qui ne pouvoit fouffrir aucune médecine
, en prit heureuſement , & dès la premiere bouteille
jetta plufieurs vers : cela fat ſuivi d'un dévoiement
qui ne fourniffoit que de l'eau claire ,
mais dont l'odeur étoit infupportable ; alors , au
lieu de deux cueillerées de baume qu'on lui donnoit
chaque jour , on lai en fit prendre quatre :
par ce puiffant remede la inalade rendit à diverſes
fois jufqu'à foixante vers ; les boutons difparurent ,
& le dévoiement fut arrêté. Il eft à remarquer que
pendant environ deux mois que dura ce traitement
, l'enfant ne perdit ni fon fommeil ni ſon appétit
, &
que fon teint conferva toujours les vives
couleurs.
Troifiémement , étant furvenu à mon aînée un
mal fous les aiffelles , & la voyant tourmentée par
de petits boutons , d'où fortoit une eau rouffe , &
qui lui caufoient une cruelle démangeaifon , j'eus
recours au Baume de vie ; j'en employai le marc ,
délayé dans de l'huile d'holive , à frotter les parties
malades ; je fis boire à cette enfant de cette liqueur,
& dès la deuxieme bouteille elle a joui d'une parfaite
fanté.
Je crois devoir , pour l'intérêt public , ajouter
que mon époux étant fujet aux maux de tête les
plus accablans , en a été plufieurs fois délivré , foit
en refpirant de ce Baume par le nez , foit en le
prenant par la bouche,
Je fuis , Monfieur , &c. Femme Chenų.
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Résumé : A M. DE BOISSY.
Madame Chenų adresse une lettre à Monsieur de Boiss r pour témoigner des bienfaits du Baume de vie de Monsieur le Lièvre, distillateur du Roi. Après une grossesse, elle souffrait d'une incommodité au bras droit due à un lait répandu. Quatre ans de souffrances plus tard, elle prit du Baume de vie, ce qui provoqua l'expulsion de liquides laiteux et la guérit. Sa fille cadette, atteinte de boutons et de clous sur le corps, fut soignée avec le Baume. L'enfant, qui ne supportait pas les médicaments, prit du Baume et expulsa plusieurs vers, ce qui arrêta la maladie sans perturber son sommeil ou son appétit. Sa fille aînée, souffrant de boutons sous les aisselles, fut également guérie après avoir utilisé le Baume. De plus, son époux fut soulagé de maux de tête en utilisant le Baume par inhalation ou ingestion. Madame Chenų exprime sa reconnaissance et souhaite faire connaître les bienfaits du Baume pour l'intérêt public.
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33
p. 207-209
A L'AUTEUR DU MERCURE.
Début :
Monsieur, je vous prie d'insérer dans votre Mercure de France, l'observation suivante [...]
Mots clefs :
Sieur la Salle, Guérisons, Loupes, Charlatanerie, Incurable, Tumeur, Maladie, Crédulité, Danger
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texteReconnaissance textuelle : A L'AUTEUR DU MERCURE.
A L'AUTEUR DU MERCURE.
MONSIEUR , je vous prie d'inférer dans votre
Mercure de France , Pobfervation fuivante fur
l'Avis au Public donné par le fieur de la Salle, Chirurgien
, dans le Mercure de France du mois de
Juillet dernier , à la page 237.
Je croirois manquer à ce que je dois au Public,
fi je différois plus long- temps à le précautionner
contre le fecret du fieur la Salle , Chirurgien empirique.
Il donne à ce fecret des vertus fingulieres
pour guérir indéfiniment toutes fortes de loupes
vraie charlatanerie , dont le Public n'eft que trop
fouvent la dupe & la victime ! la perte de fon argent
eft le moindre rifque qu'on court : en s'y prê
tant , la fanté en fouffre ; & l'expérience nous apprend
par des accidens , que le fieur la Salle ne
devroit pas fe diffimuler que les maladies empirent
par ces fortes de remedes , & deviennent fouvent
incurables. Cette réflexion ne fuffiroit peut-être
pas pour mettre en garde le Public contre le fecret
dont il s'agit ; en voici d'autres plus frappantes :
falfe le Ciel qu'elles arrêtent ceux qu'une confiance
aveugle pourroit livrer entre les mains du fienr
la Salle . Il est évident que ce Chirurgien ignore la
force & l'étendue du mot de loupe. Qu'est- ce que
loupe ou tumeur enkiftée : S'il étoit tant foit
verfé dans la théorie de fon métier , il fçauroit que
le nom de loupe eft un terme générique qui renferme
plufieurs efpeces , auxquels la fituation & lat
qualité de la matiere font donner différens noms.
mais il n'eft pas néceffaire d'entrer dans ce détail
& de parcourir les différentes parties ou les tumeurs
fe jettent & s'enkiftent. Il me fuffira , pour
peu
2
208 MERCURE DE FRANCE.
démontrer la charlatanerie du fieur la Salle , de
faire obferver que fon fecret , tel qu'il l'annonce ,
doit guérir toute forte de loupes , fans qu'il ait befoin
de fe fervir d'aucuns inftrumens de Chirurgie.
Il a fans doute fes raiſons pour s'en tenir à ſon ſecret.
Il faut , pour en venir aux opérations de la
main,une grande connoiffance de fon fujet; & c'eſt
ce qu'ignorent les Charlatans : mais ce que le fieur
la Salle , en qualité de Chirurgien , devroit fçavoir,
c'eft que l'application de ces prétendus fpécifiques
eft prefque toujours dangereufe. S'il avoit lu les
Mémoires de l'Académie royale de Chirurgie ,
page 347 , il auroit vu que dans cette efpece de
maladie les topiques font pernicieux ; c'eft la remarque
de M. Petit , Auteur de cette obſervation .
Il n'a pas lu fans doute la brochure de M. Louis
contre les perfonnages à fecret ; cette lecture lui
cût ôté l'envie de faire imprimer le fien . Quoi
qu'il en foit , on prie le fieur la Salle de nous dire
comment il pourroit guérir une loupe pefant
plufieurs livres nous en voyons fouvent de femblables.
Son remede ne feroit-il point dans ce caslà
infructueux ? De plus , on a trouvé , à l'ouverture
de ces fortes de tumeurs , plufieurs corps
étrangers de tous genres , jufqu'à des os de différentes
figures , comme l'a remarqué M. de Ruylely,
& nombre d'autres Auteurs qui traitent de cette
efpece de maladie. Or , dans le fecond cas quel
effet doit produire l'application de fon remede
Les gens un peu éclairés doivent en appercevoir
ici l'inutilité & le danger. On n'a garde d'accufer
de malice le fieur la Salle : c'eft l'amour du bien
public qui lui a fait faire toutes les recherches néceffaires
pour la compofition de ſon ſecret . Il a encore
trouvé le moyen de le tranſporter dans tous
les lieux fans la moindre altération voilà ce qu'il
AVRIL. 1757. 209
T
nous affure. Dans quelque autre profeffion que la
fienne , l'application & le travail peuvent mériter
quelques éloges, indépendamment du fuccès : mais
en fait de fecret qui intéreffe la fanté , les feuls
fuccès foutenus font la gloire & le mérite de ceux
qui les ont trouvés . Il faut que les recherches du
fieur la Salle aient été bien longues , ou que le fuccès
ait été bien douteux , puifqu'il a attendu ſeize
ans pour faire encore imprimer cette curieuſe dé-
Couverte. N'y a-t'il pas lieu de douter qu'elle ait
eu aucun fuccès , puiſqu'il ne l'appuie d'aucun fait
de pratique ? Si cependant il trouve dans cette obfervation
quelque chofe à relever , comme on
ne craint point les objections , on ſe fera un vrai
plaifir d'y répondre.
MONSIEUR , je vous prie d'inférer dans votre
Mercure de France , Pobfervation fuivante fur
l'Avis au Public donné par le fieur de la Salle, Chirurgien
, dans le Mercure de France du mois de
Juillet dernier , à la page 237.
Je croirois manquer à ce que je dois au Public,
fi je différois plus long- temps à le précautionner
contre le fecret du fieur la Salle , Chirurgien empirique.
Il donne à ce fecret des vertus fingulieres
pour guérir indéfiniment toutes fortes de loupes
vraie charlatanerie , dont le Public n'eft que trop
fouvent la dupe & la victime ! la perte de fon argent
eft le moindre rifque qu'on court : en s'y prê
tant , la fanté en fouffre ; & l'expérience nous apprend
par des accidens , que le fieur la Salle ne
devroit pas fe diffimuler que les maladies empirent
par ces fortes de remedes , & deviennent fouvent
incurables. Cette réflexion ne fuffiroit peut-être
pas pour mettre en garde le Public contre le fecret
dont il s'agit ; en voici d'autres plus frappantes :
falfe le Ciel qu'elles arrêtent ceux qu'une confiance
aveugle pourroit livrer entre les mains du fienr
la Salle . Il est évident que ce Chirurgien ignore la
force & l'étendue du mot de loupe. Qu'est- ce que
loupe ou tumeur enkiftée : S'il étoit tant foit
verfé dans la théorie de fon métier , il fçauroit que
le nom de loupe eft un terme générique qui renferme
plufieurs efpeces , auxquels la fituation & lat
qualité de la matiere font donner différens noms.
mais il n'eft pas néceffaire d'entrer dans ce détail
& de parcourir les différentes parties ou les tumeurs
fe jettent & s'enkiftent. Il me fuffira , pour
peu
2
208 MERCURE DE FRANCE.
démontrer la charlatanerie du fieur la Salle , de
faire obferver que fon fecret , tel qu'il l'annonce ,
doit guérir toute forte de loupes , fans qu'il ait befoin
de fe fervir d'aucuns inftrumens de Chirurgie.
Il a fans doute fes raiſons pour s'en tenir à ſon ſecret.
Il faut , pour en venir aux opérations de la
main,une grande connoiffance de fon fujet; & c'eſt
ce qu'ignorent les Charlatans : mais ce que le fieur
la Salle , en qualité de Chirurgien , devroit fçavoir,
c'eft que l'application de ces prétendus fpécifiques
eft prefque toujours dangereufe. S'il avoit lu les
Mémoires de l'Académie royale de Chirurgie ,
page 347 , il auroit vu que dans cette efpece de
maladie les topiques font pernicieux ; c'eft la remarque
de M. Petit , Auteur de cette obſervation .
Il n'a pas lu fans doute la brochure de M. Louis
contre les perfonnages à fecret ; cette lecture lui
cût ôté l'envie de faire imprimer le fien . Quoi
qu'il en foit , on prie le fieur la Salle de nous dire
comment il pourroit guérir une loupe pefant
plufieurs livres nous en voyons fouvent de femblables.
Son remede ne feroit-il point dans ce caslà
infructueux ? De plus , on a trouvé , à l'ouverture
de ces fortes de tumeurs , plufieurs corps
étrangers de tous genres , jufqu'à des os de différentes
figures , comme l'a remarqué M. de Ruylely,
& nombre d'autres Auteurs qui traitent de cette
efpece de maladie. Or , dans le fecond cas quel
effet doit produire l'application de fon remede
Les gens un peu éclairés doivent en appercevoir
ici l'inutilité & le danger. On n'a garde d'accufer
de malice le fieur la Salle : c'eft l'amour du bien
public qui lui a fait faire toutes les recherches néceffaires
pour la compofition de ſon ſecret . Il a encore
trouvé le moyen de le tranſporter dans tous
les lieux fans la moindre altération voilà ce qu'il
AVRIL. 1757. 209
T
nous affure. Dans quelque autre profeffion que la
fienne , l'application & le travail peuvent mériter
quelques éloges, indépendamment du fuccès : mais
en fait de fecret qui intéreffe la fanté , les feuls
fuccès foutenus font la gloire & le mérite de ceux
qui les ont trouvés . Il faut que les recherches du
fieur la Salle aient été bien longues , ou que le fuccès
ait été bien douteux , puifqu'il a attendu ſeize
ans pour faire encore imprimer cette curieuſe dé-
Couverte. N'y a-t'il pas lieu de douter qu'elle ait
eu aucun fuccès , puiſqu'il ne l'appuie d'aucun fait
de pratique ? Si cependant il trouve dans cette obfervation
quelque chofe à relever , comme on
ne craint point les objections , on ſe fera un vrai
plaifir d'y répondre.
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Résumé : A L'AUTEUR DU MERCURE.
La lettre adressée à l'éditeur du Mercure de France met en garde le public contre les pratiques du sieur de la Salle, un chirurgien empirique. L'auteur critique les prétentions de ce dernier, qui affirme pouvoir guérir toutes sortes de loupes grâce à un secret. Ce secret est qualifié de charlatanerie, mettant en danger la santé des patients et aggravant souvent leurs maladies. L'auteur souligne l'ignorance du sieur de la Salle concernant la diversité des tumeurs appelées loupes et la nécessité d'instruments chirurgicaux pour les traiter. Il est également mentionné que les remèdes topiques sont généralement pernicieux dans ce type de maladie, comme le note M. Petit dans les Mémoires de l'Académie royale de Chirurgie. La lettre questionne l'efficacité du remède du sieur de la Salle face à des tumeurs volumineuses et contenant des corps étrangers. Enfin, l'auteur exprime son scepticisme quant au succès réel du secret du sieur de la Salle, qui n'est appuyé par aucun fait de pratique et a mis seize ans à être publié.
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34
p. 236-238
AVIS. LETTRE de M. Giraud, Médecin, à l'Auteur du Mercure.
Début :
Monsieur, l'attention que vous avez d'insérer dans votre Mercure tout ce [...]
Mots clefs :
Remède, Rhumatismes, Sciatique, Paralysie, Tumeurs, Guérison, Médecin, Malades
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVIS. LETTRE de M. Giraud, Médecin, à l'Auteur du Mercure.
AVIS.
LETTRE de M. Giraud, Médecin, à l'Auteur
du Mercure.
MONSIEUR , l'attention que vous avez d'inférer
dans votre Mercure tout ce qui peut concourir
à l'avantage & à la fatisfaction du public , me
fait efpérer que vous voudrez bien lui annoncer
un remede nouveau , dont les bons effets ont été
conftatés par un grand nombre de cures furprenantes.
C'eft un topique éprouvé avec le plus
grand fuccès, pour les rhumatifmes fimples & goutteux
; pour la fciatique , la paralyfie commençante
; pour toutes les maladies de nerf, pour les fraî
SEPTEMBRE. 1757. 237
cheurs des parties , contre les enchilofes , exoftofes
commençantes , & généralement contre toutes
les tumeurs froides. Il ne garantit pas de la carie.
Ce remede agit principalement par les urines ,
fouvent par un fuintement confidérable qui évacue
l'humeur , & quelquefois par les felles.
Comme on doit être en garde contre les nouveautés
en fait de médecine , j'ai voulu par moimême
reconnoître les effets du remede, & j'ai fuivi
quelques maladies dont la guériſon radicale a levé
tous mes doutes . Vous me permettrez d'en citer
une que je croyois au deffus de toutes les reffources
de l'art .
La nommée le Roi , âgée d'environ 60 ans , de
meurant rue Dauphine , chez un Ceinturonnier ,
étoit travaillée depuis plus de trois mois d'un
rhumatifme goutteux qui lui faifoit fouffrir les
plus cuifantes douleurs. Elle avoit été traitée inutilement
par plufieurs Médecins & Chirurgiens ,
qui défefpéroient de fa guérifon ; je la trouvai au
lit dans un état pitoyable , & avec des douleurs fi
vives , qu'elle ne pouvoit fe remuer , ni fouffrir
qu'on la touchât ; le bras gauche perclu & entiérement
defféché , & au genouil du même côté ,
une enchilofe énorme ; enfin elle étoit à l'extrêmité
: un mois de l'ufage du remede l'a rétablie
entiérement. Je vous en citerois un grand nombres
d'autres , fi les bornes de votre Recueil me
permettoient de donner plus d'étendue à cette
Lettre. Soyez perfuadé , Monfieur , que c'eſt l'intérêt
feul de la vérité & celui du public , qui m'ont
déterminé à vous écrire. Ceux qui me connoiffent
n'en douteront point , & les malades qui auront
éprouvé par l'uſage l'efficacité du topique , nous
fçauront gré à l'un & à l'autre de l'avoir indiqué.
Le Privilege qui vient d'être délivré par M, le
238 MERCURE DE FRANCE.
premier Médecin du Roi , & par MM . de la Com
miffion royale de Médecine , prouve encore plus
que tout ce que je pourrois , dire qu'on ne fçauroit
avoir trop de confiance en ce remede.
Le fieur Berthelot , qui le diftribue , demeure
chez M. Thomas , Maître Perruquier , rue du
Temple au coin de la rue Meſlé ; & avertit qu'il
ne retirera point de lettres qu'elles n'aient été affranchies.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Paris , ce 12 Août 1757.
LETTRE de M. Giraud, Médecin, à l'Auteur
du Mercure.
MONSIEUR , l'attention que vous avez d'inférer
dans votre Mercure tout ce qui peut concourir
à l'avantage & à la fatisfaction du public , me
fait efpérer que vous voudrez bien lui annoncer
un remede nouveau , dont les bons effets ont été
conftatés par un grand nombre de cures furprenantes.
C'eft un topique éprouvé avec le plus
grand fuccès, pour les rhumatifmes fimples & goutteux
; pour la fciatique , la paralyfie commençante
; pour toutes les maladies de nerf, pour les fraî
SEPTEMBRE. 1757. 237
cheurs des parties , contre les enchilofes , exoftofes
commençantes , & généralement contre toutes
les tumeurs froides. Il ne garantit pas de la carie.
Ce remede agit principalement par les urines ,
fouvent par un fuintement confidérable qui évacue
l'humeur , & quelquefois par les felles.
Comme on doit être en garde contre les nouveautés
en fait de médecine , j'ai voulu par moimême
reconnoître les effets du remede, & j'ai fuivi
quelques maladies dont la guériſon radicale a levé
tous mes doutes . Vous me permettrez d'en citer
une que je croyois au deffus de toutes les reffources
de l'art .
La nommée le Roi , âgée d'environ 60 ans , de
meurant rue Dauphine , chez un Ceinturonnier ,
étoit travaillée depuis plus de trois mois d'un
rhumatifme goutteux qui lui faifoit fouffrir les
plus cuifantes douleurs. Elle avoit été traitée inutilement
par plufieurs Médecins & Chirurgiens ,
qui défefpéroient de fa guérifon ; je la trouvai au
lit dans un état pitoyable , & avec des douleurs fi
vives , qu'elle ne pouvoit fe remuer , ni fouffrir
qu'on la touchât ; le bras gauche perclu & entiérement
defféché , & au genouil du même côté ,
une enchilofe énorme ; enfin elle étoit à l'extrêmité
: un mois de l'ufage du remede l'a rétablie
entiérement. Je vous en citerois un grand nombres
d'autres , fi les bornes de votre Recueil me
permettoient de donner plus d'étendue à cette
Lettre. Soyez perfuadé , Monfieur , que c'eſt l'intérêt
feul de la vérité & celui du public , qui m'ont
déterminé à vous écrire. Ceux qui me connoiffent
n'en douteront point , & les malades qui auront
éprouvé par l'uſage l'efficacité du topique , nous
fçauront gré à l'un & à l'autre de l'avoir indiqué.
Le Privilege qui vient d'être délivré par M, le
238 MERCURE DE FRANCE.
premier Médecin du Roi , & par MM . de la Com
miffion royale de Médecine , prouve encore plus
que tout ce que je pourrois , dire qu'on ne fçauroit
avoir trop de confiance en ce remede.
Le fieur Berthelot , qui le diftribue , demeure
chez M. Thomas , Maître Perruquier , rue du
Temple au coin de la rue Meſlé ; & avertit qu'il
ne retirera point de lettres qu'elles n'aient été affranchies.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Paris , ce 12 Août 1757.
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Résumé : AVIS. LETTRE de M. Giraud, Médecin, à l'Auteur du Mercure.
M. Giraud, médecin, annonce dans une lettre au Mercure un nouveau remède topique aux effets surprenants. Ce remède traite efficacement les rhumatismes simples et goutteux, la sciatique, la paralysie débutante, les maladies des nerfs, les engelures, les enchiloses, les exostoses naissantes et les tumeurs froides. Il agit principalement par les urines, parfois par un suintement ou les selles. M. Giraud atteste de l'efficacité du remède en citant le cas de la nommée le Roi, âgée d'environ 60 ans, guérie en un mois de douleurs rhumatismales et goutteuses après trois mois de souffrance. La lettre mentionne un privilège accordé par le premier Médecin du Roi et la Commission royale de Médecine. Le distributeur, M. Berthelot, réside chez M. Thomas, Maître Perruquier, rue du Temple au coin de la rue Meslé.
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35
p. 212
AUTRE. A L'AUTEUR DU MERCURE.
Début :
La veuve Fauvel continue de faire par elle-même les bandages d'yvoire, [...]
Mots clefs :
Bandages, Veuve Fauvel
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE. A L'AUTEUR DU MERCURE.
AUTRE .
A L'AUTEUR DU MERCURE
La veuve A veuve Fauvel continue de faire par eile-mê
me les bondages d'yvoire , dont fon mari étoit
F'auteur . Je vous prie , Monfieur , de l'annoncer
dans votre Mercure , pour défabufer le Public qui
croit ce talent anéanti . Plufieurs de mes prati
ques & de celles de mes confreres qui en portent
de fa préparation , s'en trouvent bien . Rien
n'eft plus vrai que le témoignage que je lui reads
ici , & plus fincere que la parfaite confidération
avec laquelle j'ai l'honneur d'être , & c. Enifa ,
Docteur- Régent de la Faculté de Médecine de
Paris.
A L'AUTEUR DU MERCURE
La veuve A veuve Fauvel continue de faire par eile-mê
me les bondages d'yvoire , dont fon mari étoit
F'auteur . Je vous prie , Monfieur , de l'annoncer
dans votre Mercure , pour défabufer le Public qui
croit ce talent anéanti . Plufieurs de mes prati
ques & de celles de mes confreres qui en portent
de fa préparation , s'en trouvent bien . Rien
n'eft plus vrai que le témoignage que je lui reads
ici , & plus fincere que la parfaite confidération
avec laquelle j'ai l'honneur d'être , & c. Enifa ,
Docteur- Régent de la Faculté de Médecine de
Paris.
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Résumé : AUTRE. A L'AUTEUR DU MERCURE.
La veuve Fauvel continue de fabriquer des bandages d'ivoire, comme son mari. Pour rassurer le public, l'auteur demande la publication de cette information. Plusieurs praticiens et le Docteur-Régent de la Faculté de Médecine de Paris attestent de la qualité de ces bandages.
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36
p. 205
LETTRE de l'Auteur du Dictionnaire héraldique, chronologique & historique, à l'Auteur du Mercure, sur la Maison du Chastel.
Début :
L'ouvrage que j'ai donné au Public, Monsieur, est trop étendu pour qu'il ne s'y [...]
Mots clefs :
Ouvrage, Supplément, Libraire, Corrections, Familles nobles, Édition
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de l'Auteur du Dictionnaire héraldique, chronologique & historique, à l'Auteur du Mercure, sur la Maison du Chastel.
LETTRE de l'Auteur du Dictionnaire béraldique
, chronologique & hiftorique, à l'Auteur
du Mercure , fur la Maifon du Chaftel.
L'OUVRAG
' OUVRAGE que j'ai donné au Public , Mon
fieur , eft trop érendu pour qu'il ne s'y trouve pas
beaucoup de fautes , & trop intéreffant pour que
je ne m'empreffe pas de les réparer. C'est pour
remplir cette vue , que je vais faire imprimer un
fupplément , qui contiendra un nombre affez confidérable
de corrections néceffaires , & de nouveaux
articles de beaucoup de familles Nobles de
différens endroits du Royaume , qui me font
parvenus par la voie du Libraire . Mais comme
Pédition demande encore quelque temps pour
être achevée , je ne dois pas attendre jufques- là à'
reconnoître publiquement entr'autres erreurs ,
celle dans laquelle je fuis tombé fur une des plus
illuftres Maifons du Royaume , que j'avois crue
éteinte fur la foi de quelques mauvais Mémoires,
Celui que j'ai l'honneur de vous envoyer eft plus
correct ; il eft prouvé fur des titres dont il feroit
aifé de prouver l'authenticité. Je vous prie de l'inférer
dans le Mercure prochain .
J'ai l'honneur d'être , &c.
· A Paris , ce 21 Novembre 1757-
, chronologique & hiftorique, à l'Auteur
du Mercure , fur la Maifon du Chaftel.
L'OUVRAG
' OUVRAGE que j'ai donné au Public , Mon
fieur , eft trop érendu pour qu'il ne s'y trouve pas
beaucoup de fautes , & trop intéreffant pour que
je ne m'empreffe pas de les réparer. C'est pour
remplir cette vue , que je vais faire imprimer un
fupplément , qui contiendra un nombre affez confidérable
de corrections néceffaires , & de nouveaux
articles de beaucoup de familles Nobles de
différens endroits du Royaume , qui me font
parvenus par la voie du Libraire . Mais comme
Pédition demande encore quelque temps pour
être achevée , je ne dois pas attendre jufques- là à'
reconnoître publiquement entr'autres erreurs ,
celle dans laquelle je fuis tombé fur une des plus
illuftres Maifons du Royaume , que j'avois crue
éteinte fur la foi de quelques mauvais Mémoires,
Celui que j'ai l'honneur de vous envoyer eft plus
correct ; il eft prouvé fur des titres dont il feroit
aifé de prouver l'authenticité. Je vous prie de l'inférer
dans le Mercure prochain .
J'ai l'honneur d'être , &c.
· A Paris , ce 21 Novembre 1757-
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Résumé : LETTRE de l'Auteur du Dictionnaire héraldique, chronologique & historique, à l'Auteur du Mercure, sur la Maison du Chastel.
Un auteur de dictionnaire béraldique, chronologique et historique écrit à l'auteur du Mercure pour signaler des erreurs dans son ouvrage. Il reconnaît que son livre, bien que volumineux et intéressant, contient des fautes qu'il souhaite corriger. Pour ce faire, il prépare un supplément incluant des corrections et de nouveaux articles sur des familles nobles de diverses régions du royaume, obtenus via le libraire. Cependant, l'édition du supplément nécessitant du temps, l'auteur décide de corriger publiquement certaines erreurs dès à présent. Il mentionne une erreur concernant une illustre maison du royaume qu'il croyait éteinte, basée sur des mémoires erronés. Il fournit une version corrigée, appuyée par des titres authentiques, et demande à l'auteur du Mercure de l'insérer dans la prochaine édition. La lettre est datée du 21 novembre 1757.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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37
p. 200-202
A L'AUTEUR DU MERCURE.
Début :
Tout ce qui tient à la République des Lettres, Monsieur, doit vous être cher [...]
Mots clefs :
République des Lettres, Mort, Charles-Louis de la Fontaine, Jean de La Fontaine, Maladie
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texteReconnaissance textuelle : A L'AUTEUR DU MERCURE.
A L'AUTEUR DU MERCURE.
TOUT
OUT ce qui tient à la République des Lettres,
Monfieur , doit vous être cher par tant de titres ,
que quand même M. de la Fontaine n'auroit pas,
cu l'honneur d'être connu de vous perfonnellement
( & je crois qu'il avoit cet avantage ) , je
fuis perfuadé que vous n'apprendriez pas avec indifférence
la mort du petit- fils d'un homme qui
yous a montré le chemin par lequel des génies,
JANVIER. 1758. 201
comme le vôtre & le fien parviennent à l'immortalité.
Charles-Louis de la Fontaine , petit fils unique
de Jean de la Fontaine , de l'Académie Françoi
fe , eft mort à Palmiers , le Is de Novembre ,
dans fa quarantieme année. Quoique la nature
ſui eût donné des talens qui auroient pu le rendre
digne du nom qu'il portoit , s'il avoit voulu les
mettre à profit , & qu'il eût fait dans la Littérature
tous les progrès qu'on peut y faire avec un efprit
vif , jufte & pénétrant , fécondé d'une mémoire
prodigieufe , j'ofe même dire unique , fon goût
pour les plaifirs , & un peu d'indolence naturelle ,
l'avoient empêché d'en faire uſage , & il n'a rien
fait pour le public , non plus que pour la gloire de
fon nom , ni pour fon utilité perfonnelle. Il avoit
été recherché pour l'agrément de fon efprit , & le
brillant de fes faillies , par les gens les plus diftingués
de la Cour & de Paris , dont il a fait les délices
pendant les premieres années de fa jeuneffe.
Son goût pour la vie privée , fon attachement à
une jolie femme , qu'il avoit épousée en ce pays ,,
fui avoient fait accepter la direction des biens que
le Marquis de Bonnac poffede dans cette province,,
après avoir rempli avec diftinction la place de
premier Secretaire de ce Marquis , dans fon ambaffade
de Hollande. Il étoit fait de toute façon
pour une fortune plus honnête & plus brillante ::
mais la tournure de fon efprit , qui déteſtoit également
le travail & l'affujettiffement , lui avoit:
fait négliger les moyens infaillibles qu'il avoit de:
fe la procurer , s'il eût voulu . Il laiffe trois enfans ,,
dont un feul mâle , âgé feulement de quatre mois ,.
unique rejetton d'un nom fi illuftre dans toute:
l'Europe. Sa femme fe nomme Marie le Mercier,.
fille du Maître particulier des Eaux & Forêts d'icis.
Ly
202 MERCURE DE FRANCE.
M. de la Fontaine étoit depuis mon enfance fe
plus cher de mes amis. Le plaifir de vivre avec lui
m'avoit attiré dans ce coin reculé du royaume.
J'ai eu la douleur de le voir expirer dans mes bras,
après une année prefqu'entiere de fouffrances. Sa
maladie étoit une hydropifie de poitrine, mal auquel
la Médecine n'a pas encore connu de remede.
Je dois vous demander mille fois pardon , Monfieur
, de la longueur de ce détail : mais je fuis excufable
de me plaire à parler , le plus qu'il m'eft
poffible , de l'homme que j'ai le plus aimé, & que
je regretterai toute ma vie . Je voudrois pouvoir
obtenir de vous , Monfieur , que vous vouluffiez
bien faire l'honneur à la mémoire de mon ami , de
faire mention de lui dans le premier Mercure. Le
Public doit s'intéreffer au fort de la postérité du
grand homme dont il defcendoit . Je vous demande
cette grace avec l'inftance la plus vive , & j'en conferverai
la plus parfaite reconnoiffance.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Le Marquis DE GUENANDE , Lieutenant- Colonel
de Dragons.
TOUT
OUT ce qui tient à la République des Lettres,
Monfieur , doit vous être cher par tant de titres ,
que quand même M. de la Fontaine n'auroit pas,
cu l'honneur d'être connu de vous perfonnellement
( & je crois qu'il avoit cet avantage ) , je
fuis perfuadé que vous n'apprendriez pas avec indifférence
la mort du petit- fils d'un homme qui
yous a montré le chemin par lequel des génies,
JANVIER. 1758. 201
comme le vôtre & le fien parviennent à l'immortalité.
Charles-Louis de la Fontaine , petit fils unique
de Jean de la Fontaine , de l'Académie Françoi
fe , eft mort à Palmiers , le Is de Novembre ,
dans fa quarantieme année. Quoique la nature
ſui eût donné des talens qui auroient pu le rendre
digne du nom qu'il portoit , s'il avoit voulu les
mettre à profit , & qu'il eût fait dans la Littérature
tous les progrès qu'on peut y faire avec un efprit
vif , jufte & pénétrant , fécondé d'une mémoire
prodigieufe , j'ofe même dire unique , fon goût
pour les plaifirs , & un peu d'indolence naturelle ,
l'avoient empêché d'en faire uſage , & il n'a rien
fait pour le public , non plus que pour la gloire de
fon nom , ni pour fon utilité perfonnelle. Il avoit
été recherché pour l'agrément de fon efprit , & le
brillant de fes faillies , par les gens les plus diftingués
de la Cour & de Paris , dont il a fait les délices
pendant les premieres années de fa jeuneffe.
Son goût pour la vie privée , fon attachement à
une jolie femme , qu'il avoit épousée en ce pays ,,
fui avoient fait accepter la direction des biens que
le Marquis de Bonnac poffede dans cette province,,
après avoir rempli avec diftinction la place de
premier Secretaire de ce Marquis , dans fon ambaffade
de Hollande. Il étoit fait de toute façon
pour une fortune plus honnête & plus brillante ::
mais la tournure de fon efprit , qui déteſtoit également
le travail & l'affujettiffement , lui avoit:
fait négliger les moyens infaillibles qu'il avoit de:
fe la procurer , s'il eût voulu . Il laiffe trois enfans ,,
dont un feul mâle , âgé feulement de quatre mois ,.
unique rejetton d'un nom fi illuftre dans toute:
l'Europe. Sa femme fe nomme Marie le Mercier,.
fille du Maître particulier des Eaux & Forêts d'icis.
Ly
202 MERCURE DE FRANCE.
M. de la Fontaine étoit depuis mon enfance fe
plus cher de mes amis. Le plaifir de vivre avec lui
m'avoit attiré dans ce coin reculé du royaume.
J'ai eu la douleur de le voir expirer dans mes bras,
après une année prefqu'entiere de fouffrances. Sa
maladie étoit une hydropifie de poitrine, mal auquel
la Médecine n'a pas encore connu de remede.
Je dois vous demander mille fois pardon , Monfieur
, de la longueur de ce détail : mais je fuis excufable
de me plaire à parler , le plus qu'il m'eft
poffible , de l'homme que j'ai le plus aimé, & que
je regretterai toute ma vie . Je voudrois pouvoir
obtenir de vous , Monfieur , que vous vouluffiez
bien faire l'honneur à la mémoire de mon ami , de
faire mention de lui dans le premier Mercure. Le
Public doit s'intéreffer au fort de la postérité du
grand homme dont il defcendoit . Je vous demande
cette grace avec l'inftance la plus vive , & j'en conferverai
la plus parfaite reconnoiffance.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Le Marquis DE GUENANDE , Lieutenant- Colonel
de Dragons.
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Résumé : A L'AUTEUR DU MERCURE.
La lettre informe de la mort de Charles-Louis de la Fontaine, petit-fils de Jean de la Fontaine, survenue à Palmiers le 11 novembre 1758 à l'âge de quarante ans. Doté de talents littéraires et d'une mémoire exceptionnelle, Charles-Louis n'a pas exploité ses capacités en raison de son goût pour les plaisirs et de son indolence. Il était apprécié pour son esprit et son charme par des personnalités distinguées de la cour et de Paris. Après avoir servi comme premier secrétaire du Marquis de Bonnac en Hollande, il a dirigé les biens du Marquis en Provence. Charles-Louis laisse derrière lui trois enfants, dont un seul garçon, âgé de quatre mois. Sa femme, Marie le Mercier, est la fille du Maître particulier des Eaux et Forêts. Le Marquis de Guénande, auteur de la lettre, exprime sa douleur et demande que la mémoire de son ami soit honorée dans le Mercure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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38
p. 212
LETTRE à l'Auteur du Mercure.
Début :
Je viens d'apprendre, Monsieur, qu'on a imprimé à mon insçu une Relation [...]
Mots clefs :
Publication, Voyage aux Indes, Autorisation
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE à l'Auteur du Mercure.
LETTRE à l'Auteur du Mercure.
E viens d'apprendre , Monfieur , qu'on a impri
mé à mon infçu une Relation de mon voyage aux
Indes en 1746. Je ferois très -fâché par toutes fortes
de raifons qu'on crût que j'ai aucune part à
cette édition ; j'ai même obtenu des ordres pour
en arrêter le débit , & je vous prie d'en inſtruire le
public. J'ai l'honneur d'être , &c.
LE COMTE DE ROSTAING
A Paris , le 8 Décembre 1757-
E viens d'apprendre , Monfieur , qu'on a impri
mé à mon infçu une Relation de mon voyage aux
Indes en 1746. Je ferois très -fâché par toutes fortes
de raifons qu'on crût que j'ai aucune part à
cette édition ; j'ai même obtenu des ordres pour
en arrêter le débit , & je vous prie d'en inſtruire le
public. J'ai l'honneur d'être , &c.
LE COMTE DE ROSTAING
A Paris , le 8 Décembre 1757-
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39
p. 202-203
LETTRE à l'Auteur du Mercure.
Début :
Monsieur, il est naturel de vous prendre pour Juge dans le différend poétique, [...]
Mots clefs :
Différend poétique, Vers, Poète, Poétesse
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE à l'Auteur du Mercure.
LETTRE à l'Auteur du Mercure.
t
MONSIEUR , il eft naturel de vous prendre
pour Juge dans le différend poétique,
qui s'eft élevé entre ma foeur & moi ; &
vous ne pourriez vous récufer dans certe
caufe , quoique vous y foyez intéreffé
fans nous faire le plus fenfible déplaifir.
Voici le fait. Nous nous difputons qui de
nous a le mieux réuffi, dans les vers cijoints
, que nous avons faits en réponſe à
ceux que vous adreffez à M. le Contrôleur
Général dans ce dernier Mercure. Lifez
Monfieur , & prononcez nous ferons
d'accord. Mais comme chez un galant- hom
me , le coeur prend fouvent la place de
refprit , quand il s'agit des intérêts du
beau fexe, c'est pour obvier à cet inconvénient
, que j'ai cru devoir vous cacher
lequel de ces deux petits morceaux eft de
ma foeur. Si par hazard , Monfieur , vous
trouviez qu'ils méritaffent , foit en les
laiffant féparés , foit en les fondant enfemble
, l'attention du public , je ferais.
AVRIL 1758.. 203.
fort aile , ainfi que ma foeur , qu'il vît
par le moyen du Mercure , ce témoignage.
de l'admiration que nous avons pour vos
talens , & de l'eftime parfaite avec laquelle
j'ai l'honneur d'être , & c.
Le Chevalier DE JUILLY -THOMASSIN ,
Garde du Corps du Roi.
A Arc- en - Barois , Le 14 8.
t
MONSIEUR , il eft naturel de vous prendre
pour Juge dans le différend poétique,
qui s'eft élevé entre ma foeur & moi ; &
vous ne pourriez vous récufer dans certe
caufe , quoique vous y foyez intéreffé
fans nous faire le plus fenfible déplaifir.
Voici le fait. Nous nous difputons qui de
nous a le mieux réuffi, dans les vers cijoints
, que nous avons faits en réponſe à
ceux que vous adreffez à M. le Contrôleur
Général dans ce dernier Mercure. Lifez
Monfieur , & prononcez nous ferons
d'accord. Mais comme chez un galant- hom
me , le coeur prend fouvent la place de
refprit , quand il s'agit des intérêts du
beau fexe, c'est pour obvier à cet inconvénient
, que j'ai cru devoir vous cacher
lequel de ces deux petits morceaux eft de
ma foeur. Si par hazard , Monfieur , vous
trouviez qu'ils méritaffent , foit en les
laiffant féparés , foit en les fondant enfemble
, l'attention du public , je ferais.
AVRIL 1758.. 203.
fort aile , ainfi que ma foeur , qu'il vît
par le moyen du Mercure , ce témoignage.
de l'admiration que nous avons pour vos
talens , & de l'eftime parfaite avec laquelle
j'ai l'honneur d'être , & c.
Le Chevalier DE JUILLY -THOMASSIN ,
Garde du Corps du Roi.
A Arc- en - Barois , Le 14 8.
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Résumé : LETTRE à l'Auteur du Mercure.
La lettre adressée à l'auteur du Mercure traite d'un différend poétique entre l'auteur de la lettre et sa sœur. Ils sollicitent l'arbitrage de l'auteur du Mercure pour déterminer qui a le mieux réussi dans les vers composés en réponse à ceux adressés à M. le Contrôleur Général dans le dernier numéro du Mercure. Pour garantir l'impartialité, l'auteur de la lettre ne révèle pas l'identité des auteurs des deux poèmes. Il demande à l'auteur du Mercure de juger les vers et, si ceux-ci méritent l'attention du public, de les publier. La lettre exprime le respect et l'admiration pour les talents de l'auteur du Mercure. Elle est signée par le Chevalier de Juilly-Thomassin, Garde du Corps du Roi, et datée du 14 août à Arc-en-Barois.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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