Leure à l'Auteur du Mercure.
ONSIEUR , les deux articles que
M inférés fous mon nom Vous avez
dans le Mercure du mois de Mai dernier ,
ont furpris certaines perfonnes réellement
fçavantes , ou fimplement curieufes , &
les ont engagées à me demander fi les faits
dont je parle , font auffi réels qu'ils font
intéreffans , & pour quelles raifons j'en
cachois au public les preuves & les détails.
Un particulier de Paris ne s'eft pas contentéde
faire ces demandes générales , il en
a fait de particulieres , & paroît exiger que
je lui communique à lui-même les détails
de mes découvertes dans l'Artois. Je crois
SEPTEMBRE. 1755. 185
devoir répondre en deux mots à ces interrogations.
Je ferois difpenfé de le faire ,
fi on n'avoit pas fouftrait , * fans mon aven ,
dans un de mes deux derniers extraits
quelques termes qui annonçoient mes travaux
& mes projets , & qui auroient prévenu
les demandes qu'on me fait aujourd'hui.
Je travaille depuis plufieurs années
à de mémoires fur l'Hiftoire naturelle &
ancienne de la province d'Artois , que j'ef
pere donner au public , quand j'aurai un
peu plus de tems. Les preuves de détail
qu'on me demande , font des richeffes que
j'ai acquifes , & dont je n'ai point envie
de me dépouiller fi -tôt en faveur de qui
que ce foit , parce qu'elles doivent faire
une partie de mon ouvrage ; je me fuis
contenté d'en indiquer en général quelques-
unes dans un difcours fur l'Hiftoire
naturelle , lû à l'Affemblée publique de la
Société Littéraire d'Arras en 1754 ; mais
je réſerve les détails circonftanciés pour
l'ouvrage que je deftine au public. Il n'eft
pas naturel que je les communique à un
particulier avant le tems. Les faits que j'ai
annoncés ' , font réels. La chauffée romaine
a été découverte. Il en exifte encore une
partie : on ne peut fe tromper aux marques
caracteristiques qu'elle a offertes aux
* C'eſt la Société d'Arras qui a fait cette fuppreffon.
186 MERCURE DE FRANCE .
travailleurs. Les monnoies celtiques , ou
du moins que je crois telles , trouvées dans
l'Artois , ne préfentent pas toutes des caracteres
celtiques; vous fçavez , Monſieur,
qu'il y en a de différentes efpeces ; celle
qui en a de deux côtés , n'en eft pas pour
cela plus lifible. Quand je les aurai fait
graver exactement , je fupplierai Meffieurs
de l'Académie royale des Infcriptions &
Belles - Lettres , de les examiner , & de
m'aider à en donner l'explication . Je me
ferai toujours gloire de foumettre à leurs
lumieres toutes mes découvertes & mes
obfervations.
Les tombeaux trouvés à Dinville ne
peuvent autorifer que des conjectures fur
leur antiquité ; c'eft pourquoi j'ai ajouté ,
quand j'en ai parlé , que peut - être ils
avoient plus de deux mille ans. Leur matiere
& leur forme femblent confirmer ce
que j'ai avancé : au refte ils feront gravés ,
& j'expoferai dans le tems les raifons qui
me paroiffent indiquer la plus haute antiquité.
Si les vafes trouvés dans la fabliere de
Baralle ne font pas Romains , leur forme
paroît l'être , & une gravûre exacte affurera
peut- être qu'ils le font en effet.
J'ai l'honneur d'être , &c.
J.M. Lucas , de la Compagnie de Jefus.
A Arras , ce 22 Juillet 1755.