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1
p. 1-5
L'ANONYME d'Auxerre.
Début :
Je prens plaisir, Monsieur, à m'informer de tout ce [...]
Mots clefs :
Aventure, Vendanges, Style
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texteReconnaissance textuelle : L'ANONYME d'Auxerre.
L'ANONYME
d'Auxerre.
Eprensplaisir Monsieur,
tt m'informer de tout ce
quisepd/fe dans ma Province,
CT j'ai un amy a
Paris, qui me fournit quelques
Mémoires ,rarement
de choses importantes, parce
que les grands évenemens
font rares, mais d'une infinité
de minuties, quitoutes
rassemblée, ne laissent pas
d'amuser la curiosité, si elles
ne la contentent; si je pouvois
me donner la peine de bien
écrire,jeserois votre Anonyme
pour une Lettre chaque
mois : voye^fïmonstyle
négligé& imparfait vous
convient, carje ne puis vous
rendre ce service qu'à plume
SQweante, & quandje vous
promets unstyle négligé, ne
vous attendez pat à un
negligé étudié, je ne yf~f~<
blepoint a ces Coquettes,
qui affectent certains negligez
qui conviennent à leur
taille, à leur air, à leur visage,
& qui sont souvent
endes-babillé, parce que les
habits parez ne leur stéens
point,vous aurtzig un négligéde
bonne foyvray negligé
d'unparesseux, qui ne
firoit pas une rature pour
corriger une faute de construction,
ni peut-être même!
unefaute de bonJens; votU
efeZ de verbiage pour un
paresseux. Commentons à
vous tenir parole par une
petite avanture de vendangeurs
quiconvient au Aiercure
du mois d'Octobrejc'est
auprès d'unepetite ville de
Bourgogne que je ne nomme
point,parce que etefl une
avanturegalante,& qu'en
nommant une petite ville O' dans les Provinces on cdnoît
bientôt les personnes par
l'avanture, pourpeuquelle
soit veritable &circonftanciée,
celle-cy est arrivée naturellement
,comme je vais
Vous h* racontera
d'Auxerre.
Eprensplaisir Monsieur,
tt m'informer de tout ce
quisepd/fe dans ma Province,
CT j'ai un amy a
Paris, qui me fournit quelques
Mémoires ,rarement
de choses importantes, parce
que les grands évenemens
font rares, mais d'une infinité
de minuties, quitoutes
rassemblée, ne laissent pas
d'amuser la curiosité, si elles
ne la contentent; si je pouvois
me donner la peine de bien
écrire,jeserois votre Anonyme
pour une Lettre chaque
mois : voye^fïmonstyle
négligé& imparfait vous
convient, carje ne puis vous
rendre ce service qu'à plume
SQweante, & quandje vous
promets unstyle négligé, ne
vous attendez pat à un
negligé étudié, je ne yf~f~<
blepoint a ces Coquettes,
qui affectent certains negligez
qui conviennent à leur
taille, à leur air, à leur visage,
& qui sont souvent
endes-babillé, parce que les
habits parez ne leur stéens
point,vous aurtzig un négligéde
bonne foyvray negligé
d'unparesseux, qui ne
firoit pas une rature pour
corriger une faute de construction,
ni peut-être même!
unefaute de bonJens; votU
efeZ de verbiage pour un
paresseux. Commentons à
vous tenir parole par une
petite avanture de vendangeurs
quiconvient au Aiercure
du mois d'Octobrejc'est
auprès d'unepetite ville de
Bourgogne que je ne nomme
point,parce que etefl une
avanturegalante,& qu'en
nommant une petite ville O' dans les Provinces on cdnoît
bientôt les personnes par
l'avanture, pourpeuquelle
soit veritable &circonftanciée,
celle-cy est arrivée naturellement
,comme je vais
Vous h* racontera
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Résumé : L'ANONYME d'Auxerre.
Un auteur anonyme d'Auxerre écrit à un destinataire pour partager des nouvelles de sa province. Il mentionne avoir un ami à Paris qui lui fournit des mémoires, souvent des détails mineurs plutôt que des événements majeurs. L'auteur regrette de ne pas pouvoir écrire de manière plus soignée, mais promet un style négligé et imparfait, sans affectation. Il compare cela à des femmes qui affectent un certain négligé pour leur apparence. Pour tenir sa promesse, il raconte une aventure de vendangeurs survenue près d'une petite ville de Bourgogne, qu'il ne nomme pas pour préserver l'anonymat des personnes impliquées. Cette aventure est appropriée pour le mois d'octobre et est présentée comme naturelle et véridique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 205-229
ECLAIRCISSEMENS. / ADDITION.
Début :
Sur le lieu où furent données deux Batailles en France, les années 596. & [...]
Mots clefs :
Lieu, Lieux, Bataille, Diocèse, Palais, Bourgogne, Pays, Roi, Royaume de Bourgogne, Histoire
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texteReconnaissance textuelle : ECLAIRCISSEMENS. / ADDITION.
ECL4IRCISS EMENS.
Sur le lieu où furent données deux Ba
tailles -en France, les années 595. &
600. & fur un ancien Palais de nos
Rois de la première Race , duquel
personne jusqu'ici n'a assigné la situa
tion. Paf -M' le Beuf , Sous-Chantrt
& Chanoine de V Eglise d' Auxerre.
E Journal de Verdun du mois
de Mars dernier , nciis a com
muniqué une Remarque faite
un habile homme , touchant l'en-
A ij droit
%o6 MERCURE DE FRANCE;
droit où fut. donnée une Bataille l'an 59^.
ou 597. entre les Troupes de Clotaire
II. Roi de Soissons & de Paris , fils de
la Reine Fredegonde , d'une part , & les
Troupes de Theodebert II. Roi d'Auftrasie
, jointes à celles de Thierry II. Roi
d'Orléans & de Bourgogne. Ce lieu se
trouve appellé Latofao dans les Impri
més de la Chronique , connue fous le
nom de Fredegaire, M. Maillard , Avo
cat , Auteur de la Remarque du Jour
nal j observe que le Pere Daniel dit qu'on
ne connoît plus ce lieu ; mais que le
Pere Ruinart a marque dans ses Notes
(at Fredegaire que feion quelques uns
ce Latofao est dans le Diocèse de Sens.
Cette désignation générale ne satisfait
point le Lecteur. On aime à voir les
«hoses indiquées plus particulièrement.
C'est ce que tache de faire M. Maillard,
en produisant un garant pour la situa
tion de çe lieu dans le Diocèse de Sens.
Xe garant qu'il croit suffisant est l'Histoire
du Gâcinois , écrite il y a cent ans
par Morin , Grand-Prieur de perrières.
C'est un Ouvrage où , à la vérité , il y
z quelque chose à apprendre } mais en
prenant les précautions nécessaires >
c?cst-à-dire , en vérifiant la plupart des
choses qu'il avance , il y a lieu de se
/défier de tout ce qu'il produit , fans
FEVRIER. i7jo. So?
én apporter la preuve ; Sc je ne vois
pas qu'on puisse fonder fur son simple
témoignage un fait aussi ancien qu'est
celui en question. Cet Historien est fi
peu exacb , & si rempli de fautes , que
dès le premier mot du Chapitre où il
parle de ce Latofao , il dit que Moret
& Doromel font la même chose selon
Aimoin , ce qui est doublement faux ,
puisqu'Aimoin ne parle aucunement de
Moret , lib. 3. e. 8 8. & que Dormèil,
loin d'être Moret , en est éloigné de
trois lieues ou environ.Le PereLe Cointe
die aussi à l'an 596. num. 4. que quel
ques nouveaux Auteurs placent ce La
tofao dans le Diocèse de Sens. ïl ne les
eite point par leur nom , & on ne
connoît que Morin qui ait avancé cette
opinion. C'est lui apparemment que le
Pere Le Cointe a en vue. Mais avec ust
peu d'attention , on s'apperçoit aisément
que ce qui a conduit Morin dans le sen
timent qu'il embrasse sur la Bataille de
Latofao , est que Dormeil , où il s'en
donna quatre ans après une seconde ,
est situé dans le Diocèse de Sens , 8c
peu éloigné de Moret. Pour moi , je
fuis d'un sentiment bien opposé au sienj'
je prétends que les Places où se don
nèrent ces deux Batailles ne font point
si voisines } & que comme l'iflue en suc
A Uj diffe2
»8 MERCURE DE FRANGE;
différente , le terrain en fut aussi fors
diffèrent. Dans celle de Latefao de Pan
y 9 6. c'est Clotaire qui parent aggiesfeur
& qui vient fondre fur les Armées de
Theodeberr & de Thierry , qu'il taille
en pieces. Dans celle de Dormeil , ce
font Theodeberr & Thierry qui venant
à leur tour contre Clotaire , lui rendi
rent la pareille , & mirent toute son
Armée en déroute. Il paroît plus natu
rel que la première Bataille se soit don
née sur un terrain appartenant à Theo
deberr ou à Thierry , de même que la
seconde fut donnée vrai- semblablement
dans un lieu des Etats de Clotaire. U
ne faut point s'astreindre tellement aux
noms marques dans les imprimés de la
Chronique de Fredegaire , qu'on ne
puisse avouer que quelquefois ces noms
ont été mal écrits par les Copistes. Que
penser de certains noms propres dont il
est fait mention dans cet Ecrivain , lors
que l'on voit que dès le titre de fa' Chro
nique , qui étoit intitulée .• Extrait de
FHiftoire de S. Grégoire de Tours , du
mot Greji , les Copistes les plus anciens
avoient fait G >-aec , & de Turonici 3 il*
avoient fait Thoromachi ? Le Pere Ruinart
fait cette Observation dans son ex
cellente Préface, num. 137. Aidons un
peu à la lettré , & voyons si dans la mê
me
FÉVRÏÉR. trtú. ioj
iiie Chronique ou dans ses Continua
teurs , il n'y a pas encore d'autre Ba
taille donnée dans un lieu d'un nom ap*
prochanr. Je découvre par le mûyen des;
íçavantes Notes du P Ruinart , que
l'endroit où le second Continûareur mar
que une Bataille donnée en 680. & que
les imprimés appellent mal Locofico ;
est nommé dans les manuscrits Locofaa
ou Lnfmo , & autrement Lucofaco Lttu _
eofngo 5 je le trouve aussi appelle Luco*
fao dans l'Hiftoirc d'Aimoin. Comme le
Manuscrit des Continuateurs de la Chro
nique , & celui du premier Auteur n'ont
pas toujours paíté par les mêmes mains,
il ne fau! pas s'étonner de la petite dif
férence qui se trouve entre Latofao 8c
Lacofao. Mais je croirois volontiers que
c'est un seul & même endroit ; il s'agit
d'abord d» fixer fa situation. Dom Thierry
Ruinart dit que Monsieur Valois n'a pas
connu cet endroit , mais que ce pour*-
roit être Loixi en Lannois ; il ajoûtfr
ensuite , que cependant il paroîtra à
d'autres assez vrai-semblable , que ce liea
est celui dont prie l'Histoire des Evê
ques d'Auxerre , & qu'elle dit être situé
dans le Pays de Toul. Cette Histoire
e'crite fous le Règne de Charles le Chau-
▼Cy, rapporte que Hainmar , Evêque
d'Auxerre vers l'an j6y ayant été con-
A, iiij duir
ïio MERCURE DE FRANCE:
duit par ordre du Roi sur de faux rap^
porcs à Bastognes , dans la Forée des
Ardennes , fut adroitement tiré de cette
prison par un de ses neveux ; & que
comme il íe sauvoit à cheval , il fut sur
pris & arrêté à Lufaiis , dans le Pays de
Toul , où se£ ennemis en firent un Mar
tyr. Adverfarii infequentes in loco qui
Lufaiis dieitur , j» Pago Tullenfì , eum
conficuti funt &c. Il semble qu-'il ne fauc
point chercher ailleurs ce Lufaiis que
dans le Diocèse de Toul ; ainsi c'est in
failliblement ce qu'on appelle aujour
d'hui Lifou, Il y a Lifou le grand & Lifou
le petit , qui font deux Villages contigus,
à six ou sept lieues de Joinville r
vers L'Orient , tous les deux dans le Dio
cèse de TouL , & dans l'ancienne Austrasie.
Le nom de Lifoldium , que le
P. Benoit , Capucin , leur donne dans son
nouveau Pouiller de Toul, ne m'arrête
aucunement , pareeque j'ai connu que
dans beaucoup d'articles , il a latinisé les
noms fur le François , & que lorsque la
terminaison d'un nom étok susceptible
de deux différentes inflexions Latines ,
il a souvent pris la moins fondée dans
l'antiquité , & a laisse l'autre qui-lui étoit
inconnue*. Telle est la derniere syllabe
du nom Lifou ou Lufou , laquelle n'a
pas été formée de l' Allemand Bold , mais
d»
FEVRIER. 1730. m
du Latin Fagus. A l'égard de la première
syllabe , il est plus probable qu'elle vient
du mot Lhcus que d'aucun autre , & je
me persuade que quiconque est au sait
de la formation des noms propres des
lieux , ne fera aucunement surpris que
de LucasAgus , on ait fait Lifou , qui
auparavant étort écrit & prononcé Luc*
foug 3 soit que ce mot vienne de Leucorum
Fagus , ou de Lucus Fagorum. Je
laisse au Lecteur à juger sì Lifou, quia,
plutôt été le Théâtre de la Guerre de
tan 6 S o. qu'aucun autre lieu , n'est pas
aussi l'endroit de la Bataille de l'an j^óV
puisqu'il étoit dans les Etats de Theodebert
, où il est plus vrai semblable que
Clotaire envoya ses Troupes , que noa
pas dans fes propres Etau , à 1 5. ou
16. lieues de Paris. On pourroit m'objecter,
que qUandmême il seseroit donné
une Bataille à Lifou cn l'an £80. il ne
s'ensuivroir pas delà qu'il s'y en soit aussi
donné une en ^96. Qu'inferec l'un de
l'autre , c'est retomber dans le deffauc
de raisonnement que je blâme dans Morin.
Mais la différence qu'il ya, est que
Latofao & Lucofao , ou par abrégé L«-
fao , se ressemblent si fort , qu'à moins
qu on ne trouve un lieu véritablement
nommé Latofao , diffèrent de Lifou , on
est toujours bien fondé à croire que c'est
A v le
212 MERCURE DE FRANCE.
le même. M. Maillard avoiie qu'on ne
connoît point de lieu appelle' Latofao
où Morin dit qu'il y en a un. II ne pro
duit non plus aucun titre , ni aucune
Histoire qui donne ce nom à aucun en~
droit voisin de Dormeil & de Moret ;
d'où je conclus que fa Remarque est
trop foiblement appuye'e pour qu'on
puisse y avoir égard , &c que si Latofaon'est
pas Lifou , il faut continuer à avouer
avec le Pere Daniel qu'on ne connoîe
plus ce Latofao.
Comme cette Observation tend à ôter
au Diocèse de Sens un endroit mémora
ble que M. Maillard a essayé de lui at
tribuer, je fuis bien aise de lui assigner
' en dédommagemenr un autre lieu plus
célèbre , & qui mériteroit d'être regar
dé avec distinction par les Historiogra
phes de France. C'est le lieu que nos^
anciennes Chroniques , nos Annales Sc
certaines Chartes appellent A4ap>loecnmt,
Aí ■npìlacum Afanfolagum. J'en ai déja
touché quelque chose dans une Note qui»
est au bas de la page 87 du Mercure
de Janvier 1725. Mais comme il n'y a
gueres que les curieux & les personnes,
studieuses qui lisent ce qui est au bas des
pages , j'ai crû devoir m'étendre un peu
plus fur ce point Topographique. Le
HJjet est d'autant plus digne d'attention
que:
FEVRIER. 1730. 213
que 1c Perc Mabiilon avoue dans son cjuatriéme
Livre de la Diplomatique\, qu'il
n'a pû découvrir quel lieu est ce Masolacum
, & que lc P. Ruinart en publiant
Fredegaire , de'clare qu'il ne le connoîc
pas davantage. Ignotus mihi Aianfolaci
fttus , dit le Pere Mabiilon. Hujus Viíl*
Jîtns ignotus est , dit le Pere Ruinart.
Cet endroit n'étant pas un fimple Vil
lage du commun , mais une terre dis*
ringuée par un Palais R oyal , ne doit
pas être non plus , par conséquent , de
ceux qui peuvent rester dans l'obsciuké.
Les Antiquaires qui aiment à suivre la
marche de nos Rois ne peuvent regardée
comme indifferens dans la Géographie
les lieux où ils se retiroient queîquefoisì
soit pour y prendre le divertissement de
la chasse , soit- pour y tenir leurs Etats ,
oti y faire quelqu'autre action éclatante.
Aíaffolacurn est dans ce cas. Ce fut là^
que Clotaire II. fit comparoître l'an 6\ j.
devant lui le Patrice Alethée , lequel
n?ayant pû se purger des crimes dont il
étoit accusé } fut condamné à périr par
le glaive. Dagobert I. étant mort , ce
fcit aussi à Massolac que les Seigneurs de
Neustrie & de Bourgogne s'assemblèrent
pour proclamer Roi , son fils Clovis..
Ces faits font affectés par Fredegaire ,
Auteur du tems , Ôc depuis par Aimoin.
A*j M»is
ZT4 MERCURE DE FRANCE:
Mais où éroit situé ce Maffolac ? & cot»;
ment l'appclle-t'on aujourd'hui ? C'est
suc quoi je me suis déja déclaré en 1725,»
en marquant que c'est Maíky » à une
lieue de Sens. Dom Jean Mabillon die
que ce Maffolac a du être certainement
un Palais Royal du Royaume de Bour
gogne avant le Règne de Clotake I I.
Regni Burgunàici Palatium fuijse cons-
Ut. il le dit fans aíSgner le lieu où il ctoic
situé; mais le voisinage de Sens suffit pour
décider, que ce Palais étoit du même
Royaume que. Sens j & quoique je ne
veuille pas contredire ouvertement le
fçavant Pere Mabillon , je ne crois pas
qu'après la resolution prise par le Roi
Clotaire d'entendre les Chefs d'accusa*
tion contre un Patrice de Bourgogne y.
il fut nécessaire pour cela que l' Assem
blée se íint dans un Palais du Royau
me de Bourgogne , quoique ce Roi en
fut devenu le Maître, On voit que trois
ans après*, ce même Roi fit venir tous
les Evêques & Seigneurs de Bourgogne
au Palais de Boneuil proche Paris , qui
constament n'a jamais été Aa Royaume
de Bourgogne; Il suffisoit donc que ce
fut un lieu sur les limites des Royaumes
de Neustrie & de Bourgogne , comme
cn effet ce fut là que les premiers de
ces deux Royaumes élevèrent l'an 637»
FEVRIER. 1730. sijj
I la Royauté Clovis , fils de Dagobctr.
Or que ce fut dans le voisinage de Sens»
bous en avons une bonne preuve dans
un acte produit par le Perc Mabillon ,
Sec. j. BenediU. part. 2. p. 6 1 4 . on y
lit qu'Emmon , Archevêque de Sens , íc
servant de la présence d'un grand nom
bre d'Evêques assemblés en ce lieu l'an
£57. leur fit signer un Privilège con
cernant l'Abbaye de Saint-Pierre le Vif;
il est daté Mansolaco Curte Dowinica*
II étoit assez naturel à- un Archevêque
de saisir cette occasion , ayant le Roi &
les Evêques si proches de lui. On peur
dire que c'étoit comme le Fontainebleau;
de ce siecle-là ■, les. Rois de France y venoient
de tems en tems , & \& Cour y
étant , il éroit nécessaire que les Prélats,
qui avoient des affaires d'importance à
icgler , s'y transportassent. Clotaire III.
y étoic la troisième année de son Règne,
selon l'Acte ci deflus cité. Il y vint en
core la huitième année , & c'est de la
que fut daté un Oiplome de confirmation
de la terre de Larrey à l'Abbaye de Sains
Bénigne de Dijon qu'on trouve dans Pé
tard à l'an 6x7 > mais qui doit être placé
à l'an 660. comme l'a fait remarquer
le Pere Mabillon. Datum Masolapo in
íalatio nofl'-o. Si depuis ce tems là on
oc trouve plus de mention du Palais de
Massas
%\C MERCURE 0E FRANCE.
Maíïay , c'est qu'il fut peut- être dérruir
par les guerres des Sarrazins au siécle
suivant* Mais le nom de fa première
destination lui est toujours resté , puis
que des deux Maslay contigus , il y en
a un qui est appelle Mastay-le-Roy , ce
qui marque , comme dit le Privilège de
ì' Archevêque Emmon , un Territoire
Royal, Curtem Dominicain. Ces deux en*
droits font à l'Orient dliyver de la yûlede
Sens , fur la Rivière de Vanne , Sc
peu éloignf-s de la Forêt d*Othe qui
étoit alors fort vaste , & qui l'eft encore
assez. J'ai trouvé aux marges d'un Mar
tyrologe de la Cathédrale de Sens , écrit
au dixième siécle , quelques additions de
personnes notables décedees dans le mê
me siécle , & entr'autres une Hermengarde
, Dame de Maflay. XVII. KaLJunii
, obiit Hermengardis de Mafiiaco
Domina , anno Domini D. CCCC LV.
Ces additions font au plus tard d'une
écriture du XI. siécle. L'original est dans
la Bibliothèque de Saint-Benoît fur Loire,
It y a apparence que les deux Maflay
croient originairement une feule & mê
me terre , dont les guerres ont fait faire
des partages , en forte que l'un des Mas
lay s'est appelle le Grand-Maflay , &
l'autre le petit Maslay. Je ne sçai pour
quoi ce dernier est celui qu'on appc líe
autreFEVRTER.
i7Jo: a r
ffutrcment Mastay-le-Roy , ni pourquoi
celui qu'on surnomme le petit est échuau
Roi. Il arrive quelquefois que ce qui
est plus périr , quant au nombre des-
Feux & des Habirans , est d'un plus
grand produit pour le revenu à caufedes
dépendances. Quoiqu'il en soit , le
grand Mastay est nommé dans un His
torien de Sens , contemporain du Roy
Robert : C'est Odoran , Moine de Saint"
Pierre le Vif. Son Ouvrage seroit peutêtre
resté jusqu'ici dans l'obscurité , si cc
n'étoir que M. Jean Baptiste Oudinet
Prieur de l' Abbaye de .Saint ■« Marien
de notre Ville , se fit un plaisir de
le communiquer à Dom Mabillon. Il
renferme plusieurs parricularitez qui ne
font pas indifférentes- à l'Histoire du
Roi Robert, & que je tais parce qu'elles
ne font rien à mon sujet. On peut les
voir au second volume du VI siécle Bé
nédictin. Cer Ecrivain rapporrant dansfbn
ii. Chapitre la punition d'un hom
me qui fit un faux ferment dans l'fgliso
de S. Savinien, proche Sens , dit que cet
homme étoit nomim Rothb rthiti in vicin*
ortus villa , cm nomen JUaftiacm Aft jor
dédit antlcjuitau le Moine C.larius,de
la mime Abbaye de S. l ierre le vif , qui
vivoit cent ans après Odoran , rapportant
dans fa Chronique, imprimée au II. lo
vas
tit MERCURE DE FRANCE:
me du Specilege , les violences qu'on em
ploya l'a n 10 j 2. pour obliger les Senonois
de recevoir Gelduin , que le Roi
Henry I. leur avoit donné pour Evêque ,
dír que ce Roi se transporta en personne
sur les lieux > qu'il vint assiéger la Ville de
Sens,& que ce fut au Grand-Mastay qu'il
fit camper son armée : Rex copiosum exerçitam
applicuit y & in villa qut Maftiacus
M.ijor dicitur cafi'a p»s»it. Ces trois té
moignages prouvent que dans le X.XI. &
XII. siécles on disoit encore dans le pays
M.ifliacHS , qui e'toit une expression moins
éloignée de Moefolacut. Mais dans les fic
elés suivans on commença à corrompre
ee mot de plus en plus. Je trouve dans
un Manuscrit de la Bibliothèque de la Ca.-
thédrale de Sens, qui est du XIII. siécle,
qu'il est fait mention en ces termes du
Maire de Maílay-le- Vicomte & de l'Eglise
de Maíliy-le-Roy : Aíajori de Mas-
Uio-Vicecomiús . & Ecclejit, de MaJIcìo
Régis. Au reste il ne doit pas paroître sur
prenant que l'on ait corrompu Mafìlacurn
en Míijliacum & Majlciam : ces deux ma
nières de latiniser ce nom dans les bas
siécles , marquent que dans le langage
vulgaire on faisoit. la première syllabe
longue comme aujourd'hui , si on ne proaonçoit
pas la lettre S , ce qui est d'au
tant plus véritable que les Titres François
FEVRIER. ï7jo. 219
da XIV. siécle mettent un second a pouc
tenir la place de la lettre S , ensorte qu'on
y lit ce mot ainsi écrit ; Maalay. U est na
turel que dès-là qu'on réduit plusieurs
syllabes à n'en former qu'une , cette syl
labe devienne longue de prononciation»
Quant à la terminaison en ay , il est vrai
que de nos côtez elle est moins communa
que celle en y, qui nous vient de tous
les- noms deg lièux finissant en latin pas
iacurn ; cependant il reste encore dans dis*
ferens cantons de la Province Senonoifs
des noms de lieu en ay qui viennent du
latin iacum ou acam . . . Nous avons dans
notre Diocèse , presque sur les bords da
la Loirp, Mannay qui s'appelloit Man-,
nacum í au sixième siécle, Annay qui se
disoit en latin au neuvième siécle Abundiacum
, & Seignelay, qui est un endrok
fort connu , Seligniacum. Dans le Diocèser
de Senion trouve Bray& Lorayidont les
noms latins ne Yont autres que Braiacum
&cLoriacum. Je ne puis donc croire qu'il y
ait lieu de douter du côté de l'analogie
des deux Langues , que Mallay ne vienne
de Afafolacnrn. Les Antiquaires font obli
gez d'admettre des noms qui sont encore
plus méconnoissibles & moins «pportans
l'un à l'autre. Je n'ái passé qu'une
seule fois dans le grand Maflay , & j'ajr
apoerçji que la Plaine de ce lieu est très*
fertile
iià MERCLÎRÈ DÈ FRAftCÉ.x
fertile. La Rivière de Vanne entoure cti^s
tierement ce Bourg & erl fait une verira^
ble Isle. Comme cette Rivière ne tatis
gueres, elle contribue beaucoup à rendre
cet endroit verdoyant & fort gai en été.
Le petit Maflay est un peu plus vers l'Otient
, la Rivière entre deux. Plus haut
est le Village de Teil , que je pourrois enquelque
forte qualifier d'ancienne Mai
son Royale, en me fondant fur le texta
d'Odoran, quoique te P. Mabillon n'en
ait fait aucune mention. Odoran rap
porte dans son 2 6. Chapitre , que Teil
rut le lieu de la résidence de la ReineConftance
pendant tout le temps que lc Roi
Robert employa à faire son voyage de
Rome. Faïium efi dum quadam terr.port
Robmtts Rex Romam peteret , ut Cons'
tant'ta Regina un à cum filio sue Hagent
parvalo Tille remaneret. Peut être que
Mâlay s'étendbit autrefois jufques-là. Au
moins il est certain que Teil fait encore
partie de k Châtellenie de Mâ!ay-le-Roi«
Cette Châtellenie fut échangée par Phi
lippe le Bel avec Marie Comtesse de Sancerre
, & l'échange fut ratifié au mois
d'Août 1318. par Philippe le Long ,en
faveur de Thibaud & Louis de Sancerre.
M. Couste, Lieutenant Civil & Particu
lier de la Ville de Sens , qui possède une
gartie de cc Mâ-lay , m'apprend par le
Me
FEVRIER. i7jo. ni
Mémoire qu'il a eu la bonté de m'envoyer,
que dans les Titres d'échange & de ra*
tification , ce lieu est écrit Maalay-le-Roi.
II ajoûte que cette Châtellenie appartint
depuis cet échange à un seul Seigneur ,
qui ayant eu huit enfans , en fit le par
tage entre eux dès son vivant ; ce qui est;
cause qu'elle est aujourd'hui divisée etï
sept ou huit portion ì. Et quoiqu'il ob
serve que Mâlay-Ie-Roy , dent la Châtel
lenie porte le nom ,soit le plus petit dessept
Villages qui la composent , & que le
Siège du Bailliage soit à Teil , cela ne doit
point cependant empêcher de croire que
tout ce terrain n'ait été un territoire Royal
dans le temps que j'ai marqué cy-dessus.
Cette supériorité de Seigneuries se trouve
même appuyée par le nom de Villiers-
Louis, qui est un des sept Villages, & qui
est contigu à Mâlay-lc-Roy. Au reste si
cette Châtellenie relevé aujourd'hui de»
Comtes de Joigny , ce n'est que depuis
k Règne de Philippe V. Ce Prince céda
cette Mouvance à Jean Comte de Joigny
en 1 3 r 7. pour avoir la Mouvance de Châ
teau-Renard , qui appartenoit au Comte
de Joigny. Je ne sçai si ce que Nicole
Gilles, Belleforelt& Chappuis, prennent
pour un retranchement fait à Mâlay par
les Anglois au XIV. siécle , ne seroit point
un vestige de l'enceiate daChâteau de nos
Roisïti
MERCURE DE FRANCK
Rois de la première Race , ou du tcrraírf
vqui fut occupé par les Troupes du Rot
Henry I. lorsqu'elles campèrent à Mâlay.
il s'est conservé au Grand- Mâlay , autre
ment dit Mâlay- Ie-Vicomte , une Tradi
tion que S. Agnan Evêque d'Orléans étoit
natif de ce lieu. Tel a été le sentiment de
M. Tripaut, Avocat d'Orléans. On écrit
cependant plus communément que saint
Agnan étoic né à Vienne en Ôaufiné,
plutôt que dans cette Bourgade de la Ri
vière de Venne. Il resterok a examiner s'il
fi 'y a point eu de méprise d'un nora pout
un autre , à cause de la ressemblance des
noms de Venne & de Vienne. Mâlay- le-
Vicomte a été de la Commune de Sensjusques
fous Louis le Gros ; c'est aujour
d'hui une Prévôté Royale : 5c M. le Duc
de Bourbon en nomme tous les Officiers,
soit comme étant aux droits du Vicomte,
ou comme jouissant du Domaine de Sens
& de la Banlieue.
En finissant ces Observations , je reçois
de M. Ferrani , l'un des fçavans Cures
du Diocèse de Sens , Doyen Rural de Marolles
, un Mémoire qu'il a rédigé , fur la
Rivière dont Fredegaire & Aimoin font
mention par rapport à la Bataille qui y fut
donnée en l'an 600. La remarque de
M. Maillard , inférée dans le Journal de
Verdun , m'ayanc engagé à fake des perFEVRIER.
1730.. 11}
quisuions , tant pour constater la choie
que pour corriger ce que j'ai mal mis
moi-même en vouse'crivant fur les lumieres
Célestes qui furent vues l'année de
cette Bataille; (a) je reconnois ne les avoir
point faites inutilement , & qu'il seroit
bon que ceux , qui dans la fuite youdronc
donner une Edition de S. Grégoire de
Tours , de Fredegairc & de toutes nos ar» •
ciennes Annales Latines avec des Notes,
prissent la peine ou de se transporter suc
les lieux ou de faire venir des mémoires
exacts. J'avoue que j'ay e'té trompé en
1716. par la Note de Dom Ruinart fur
la Rivière Aroanna , que j'avois mal com
prise à cause du nom François d'Ouainc
qu'il lui donne. Ce n'est ni de la Rivière
d'Ouaineen Gâtinois ni de celle de Vanne
en Senonois , qu'il faut entendre ce qui
est dit de la Bataille où Clotaire II. suc
défait ; mais de la Rivière qui passe à Dor--
melle même. ( On dit Dormelle dans le
pays , & non Dormeil. ) Elle prend fa
source à trois quarts de lieue" au-dessus
de Dollot , qui est la Cure de M. Fer^
rand , Auteur des Remarques que je vais
rapporter , mais dans la Paroisse de saint
Valerien. Au bout de cent pas , fortifiée
par plusieurs fontaines , elle fait tourfa)
Mercure de Utvembrt vji.6' i4*á«
nef
iî4 MERCURE DE FRANCE,
jner un moulin. Jusques là , elle n'a que
le nom 1 de Fontaine de Saint - Biaise ,
à cause d'une Chapellû voisine de la source
.mais au-dessous du moulin , elle com
mence à s'apeller la Rivière d'Orvanne.
Elle passe ensuite à Dollot , à Valéry ,
JBlennes , Diant , Vaux , Ferrotes > Fla~
gis,Dormelle, Château-Saint-Ange ,8c
va former l'e'tang de Moret, dans le
quel elle est absorbée ; puis delà elle se
décharge dans le Loin , un peu au-dessus
.de Moret i le tout fait l'étenduè" de six
lieues de pays. Le Vallon que cette pe
tite Rivière arrose s'appelle le Vallon
d'Orvanne , & les Paroisses qui y font
k jîtuées ou contigues s'appellent de même
les Paroisses de la Vallée d'Orvanne. On
assure que tous les Contrats de partages
& de ventes dans tous ces pays là n'appellent
point cette Rivière autrement
que la Rivière d'Orvanne. Ce qu'il y a
de singuliers que le nom de cette même
Rivière change dans la bouche de plusieurs
personnes au delà de Dormelle , &
près de fa décharge dans l'Etang de Mo
ret. En ces lieux- là on Pappelle quelque
fois la Rivière de Ravanne , & ce font fur
tout les Paysans voisins de cet Etang qui
lui donnent ce nom , parce qu'au-dessus de
cet Etang elle passe dans un Château assez
distingué, appelle k Château de Rnvanne,
donc
\
FEVRIER. 1750. 22$
dont elle traverse les Jardins , y formant
outre sonCanal,des pieces d'eau trés agréa
bles. Mais si l'on remonte une lieue plus
haut , on voit que ce nom est inconnu.
Au dessus de ce Château 6V une de
mie lieue au-dessous de Dormelle, est la
belle maison de feu M. de Cajumartin ,
bâtie sur la croupe d'une Montagne. Cette
maison s'appelle le Château Saint- Ange.
C'est peut-être l'endoit -où se donna la
Bataille, super fluvium Arvennam nec procul
a Doromdlo vico, ainsi que dit Aimoin.
Cette lecture du mot Arvenna est plus
exacte que celle du mot Aroanna em
ployée dans Fredegaire de la derniere Edi
tion. 11 est incontestable par le moyen de
cet éclaircissement qu'il s'agit dans Fre
degaire & dans Aimoin de la Rivière <sPO»
vanne , qui plus anciennement a dû. être
prononcée Arvanne. Il faut abandonner
en cette occasion la Rivière d'O'ùaine
(Odona ) qui est éloignée de Dormelle de
plus de huit lieues. Le P. Daniel a eu
raison de dire que la Bataille fut donnée
sur une Rivière qui se jette dans le Loiiam
au-dessus lie Moret; mais il s'est trompé
en lui donnant le nom de Rivière d'Oiiaine
, aussi-bien que le P. Ruinart. On doit
en être convaincu par la raison que je
viens de rapporter -, celle d'Odaine étant
bjçn différente, puisqu'elle prend sa source '
% i4 MERCURE DE FRANCE,
à quatre lieuës d'Auxerre , & qu'elle va
/e jetter dans le Loiiain , au-deflus de
Montargis. Ce n'est point non-plur la
Rivière de Vanne , comme le Père le Com
te à l'an £eo. Num. i. semble l'avoir
crû après le Président Fauchet. Encore
moins faut -il aller chercher cette Rivière
dans le Pays du Maine , où il y a un traî
na fiuviolus. II faut quelque chose de plus
que la ressemblance des noms dans leLatin,
pour pouvoir avec fondement e'ioigner de
ros quartiers le Théâtre de cette guerre,
A Auxerre ce 18. May 172.8.
ADDITION.
Après avoir envoyé ces éclairciíTemem
aux Auteurs du Mercure, j'ai eu occasion
d'aller à Paris. Comme le cours de la Ri*
viere d'Or vanne est collatéral à celui de 1»
Rivière d'Yonne , & n'est éloigné du
grand chemin que de deux lieuës ou en
viron , je n'ai pas manqué de vérifier par
moi-même avant que de me rendre dans
la voiture publique, le Mémoire de M. le
Prieur de Dollot. Je l'ai trouvé*' très- juste
à un article près } j'ai remarqué en mêmetemps
que nés Géographes mettent sou
vent à droite d'une Rivière ce qui est à
gauche , ou qu'ils font quelquefois tout
Je contraire. C'est pourquoi si vous avez
U
FEVRIER. i7jo; M7
Ja Carte du Diocèse de Sens dressée par
Samson , vous pouvez en touce fureté ,
yous & vos amis, y faire les corrections
suivantes. Mettez la source de la Rivière
d'Orvannc à une portée de Mousquet du
Bourg de Saint Valerien, à POtient d'Eté; '
mettez ensuite Dollot à droite , comme
a fait le Géographe , mais à gauche du
Ruisseau. Vallery est bien placé dans les
Cartes. C'est un lieu célèbre par fa destin
nation à la sépulture des Princes de la
Maison de Condé. Plus bas à droite est:
Blenne,mal nommé Blaineux par Samfonj1
plus bas encore est Diant. Ensuite à gau
che est le Bourg de Voux, qui çst ferme
de murs, & que les Cartes ont tort de re
présenter comme un simple Hameau.
Après Voux & du mime côté le Villa
ge de Ferrotes , & plus bas encore ì
gauche est le Bourg de Flagy , qui a du
coté du Midi des níurs si élevez & si con
sidérables pour leur épaisseur , qu'on U
peut comparer à ceux des plus anciennes
Villes. Ce Bourg a été cependant fort en
dommagé par les Huguenots , ainsi que
l'Eglise du lieu en fait foi. Au sortir de
Flagy on voit à gauche une Plaine qui
règne jusqu'auprès de Dormelle. Ce der
nier Village est fur une éminence. On
passe la Rivière d'Orvanne fur un
Pont, &dps lois on cesse d'en suivre le
, B cours.
ni MERCURE DE FRANCE,
cours. Lorsqu'on a atteint le haut <kp
Coteau, on apperçoit encore une autre
Plaine à droite , laquelle s'étend dti
<ôré de rOtient & dfi Septentrion. Il y
a plus d'apparence que ce fut en cette
derniere Plaine que fut donne'e la Ba
taille de Dormelle , en tirant vers le
Village de Fossar 3 dont le nom vient
peut-être à Fojsario Jeu loco Fojfitrum. Ce
.que j'ai lemarqué plus loin après avoir
laissé le Village de Montarlpt i gauche,
«e s'accorde plus ayee le Mémoire dont
je vous ai parlé. Il ne m'a point paru que
la Rivière d'Orvanne se jettât dans un
Etang-, c'est elle qui forme cette es
pèce d'Etang par le moyen des murs Sfi.
des Ecluses qui fervent à retenir ses eaux,
Cette Rivière ayant repris ensuite fa pre
mière liberté , ne va point se jettes dans
le Loiiain si tôt que Messieurs Samson
& Deíifle l'ont marqué dans leuts Cartes ;
ce n'est point au-dessus de Motet qu'elle
s'y jette , mais au-dessous } presque vis-àvis
sangle Septentrional des murs de cette
petite Ville ; desorte qu'il y a à More*
Jeux Ponts l'un au bout de l'autre; le plus
grand pour la Rivière de Loiiain au bout
duquel est le Prieuré de Pont Loii f Pons
Lupa; (c'est le nom de la Rivière qui
joint le Canal de Briare à la Seine Lupa-
/ámnis) & l'autre petit Pont est fur la. Ri
vière,
FEVRIER. 1740: 139
viere d'Orvanne. C'est ainsi qu'en une
matinée de temps j'ai eu le plaisir de voie
cette Rivière depuis fa source jusqu'à son
embouchure , avec tout ce qu'il y a de
-curieux sur les bords de la Vallée à laquel
le elle donne son nom.
Ce 15. Juillet 1718.
Sur le lieu où furent données deux Ba
tailles -en France, les années 595. &
600. & fur un ancien Palais de nos
Rois de la première Race , duquel
personne jusqu'ici n'a assigné la situa
tion. Paf -M' le Beuf , Sous-Chantrt
& Chanoine de V Eglise d' Auxerre.
E Journal de Verdun du mois
de Mars dernier , nciis a com
muniqué une Remarque faite
un habile homme , touchant l'en-
A ij droit
%o6 MERCURE DE FRANCE;
droit où fut. donnée une Bataille l'an 59^.
ou 597. entre les Troupes de Clotaire
II. Roi de Soissons & de Paris , fils de
la Reine Fredegonde , d'une part , & les
Troupes de Theodebert II. Roi d'Auftrasie
, jointes à celles de Thierry II. Roi
d'Orléans & de Bourgogne. Ce lieu se
trouve appellé Latofao dans les Impri
més de la Chronique , connue fous le
nom de Fredegaire, M. Maillard , Avo
cat , Auteur de la Remarque du Jour
nal j observe que le Pere Daniel dit qu'on
ne connoît plus ce lieu ; mais que le
Pere Ruinart a marque dans ses Notes
(at Fredegaire que feion quelques uns
ce Latofao est dans le Diocèse de Sens.
Cette désignation générale ne satisfait
point le Lecteur. On aime à voir les
«hoses indiquées plus particulièrement.
C'est ce que tache de faire M. Maillard,
en produisant un garant pour la situa
tion de çe lieu dans le Diocèse de Sens.
Xe garant qu'il croit suffisant est l'Histoire
du Gâcinois , écrite il y a cent ans
par Morin , Grand-Prieur de perrières.
C'est un Ouvrage où , à la vérité , il y
z quelque chose à apprendre } mais en
prenant les précautions nécessaires >
c?cst-à-dire , en vérifiant la plupart des
choses qu'il avance , il y a lieu de se
/défier de tout ce qu'il produit , fans
FEVRIER. i7jo. So?
én apporter la preuve ; Sc je ne vois
pas qu'on puisse fonder fur son simple
témoignage un fait aussi ancien qu'est
celui en question. Cet Historien est fi
peu exacb , & si rempli de fautes , que
dès le premier mot du Chapitre où il
parle de ce Latofao , il dit que Moret
& Doromel font la même chose selon
Aimoin , ce qui est doublement faux ,
puisqu'Aimoin ne parle aucunement de
Moret , lib. 3. e. 8 8. & que Dormèil,
loin d'être Moret , en est éloigné de
trois lieues ou environ.Le PereLe Cointe
die aussi à l'an 596. num. 4. que quel
ques nouveaux Auteurs placent ce La
tofao dans le Diocèse de Sens. ïl ne les
eite point par leur nom , & on ne
connoît que Morin qui ait avancé cette
opinion. C'est lui apparemment que le
Pere Le Cointe a en vue. Mais avec ust
peu d'attention , on s'apperçoit aisément
que ce qui a conduit Morin dans le sen
timent qu'il embrasse sur la Bataille de
Latofao , est que Dormeil , où il s'en
donna quatre ans après une seconde ,
est situé dans le Diocèse de Sens , 8c
peu éloigné de Moret. Pour moi , je
fuis d'un sentiment bien opposé au sienj'
je prétends que les Places où se don
nèrent ces deux Batailles ne font point
si voisines } & que comme l'iflue en suc
A Uj diffe2
»8 MERCURE DE FRANGE;
différente , le terrain en fut aussi fors
diffèrent. Dans celle de Latefao de Pan
y 9 6. c'est Clotaire qui parent aggiesfeur
& qui vient fondre fur les Armées de
Theodeberr & de Thierry , qu'il taille
en pieces. Dans celle de Dormeil , ce
font Theodeberr & Thierry qui venant
à leur tour contre Clotaire , lui rendi
rent la pareille , & mirent toute son
Armée en déroute. Il paroît plus natu
rel que la première Bataille se soit don
née sur un terrain appartenant à Theo
deberr ou à Thierry , de même que la
seconde fut donnée vrai- semblablement
dans un lieu des Etats de Clotaire. U
ne faut point s'astreindre tellement aux
noms marques dans les imprimés de la
Chronique de Fredegaire , qu'on ne
puisse avouer que quelquefois ces noms
ont été mal écrits par les Copistes. Que
penser de certains noms propres dont il
est fait mention dans cet Ecrivain , lors
que l'on voit que dès le titre de fa' Chro
nique , qui étoit intitulée .• Extrait de
FHiftoire de S. Grégoire de Tours , du
mot Greji , les Copistes les plus anciens
avoient fait G >-aec , & de Turonici 3 il*
avoient fait Thoromachi ? Le Pere Ruinart
fait cette Observation dans son ex
cellente Préface, num. 137. Aidons un
peu à la lettré , & voyons si dans la mê
me
FÉVRÏÉR. trtú. ioj
iiie Chronique ou dans ses Continua
teurs , il n'y a pas encore d'autre Ba
taille donnée dans un lieu d'un nom ap*
prochanr. Je découvre par le mûyen des;
íçavantes Notes du P Ruinart , que
l'endroit où le second Continûareur mar
que une Bataille donnée en 680. & que
les imprimés appellent mal Locofico ;
est nommé dans les manuscrits Locofaa
ou Lnfmo , & autrement Lucofaco Lttu _
eofngo 5 je le trouve aussi appelle Luco*
fao dans l'Hiftoirc d'Aimoin. Comme le
Manuscrit des Continuateurs de la Chro
nique , & celui du premier Auteur n'ont
pas toujours paíté par les mêmes mains,
il ne fau! pas s'étonner de la petite dif
férence qui se trouve entre Latofao 8c
Lacofao. Mais je croirois volontiers que
c'est un seul & même endroit ; il s'agit
d'abord d» fixer fa situation. Dom Thierry
Ruinart dit que Monsieur Valois n'a pas
connu cet endroit , mais que ce pour*-
roit être Loixi en Lannois ; il ajoûtfr
ensuite , que cependant il paroîtra à
d'autres assez vrai-semblable , que ce liea
est celui dont prie l'Histoire des Evê
ques d'Auxerre , & qu'elle dit être situé
dans le Pays de Toul. Cette Histoire
e'crite fous le Règne de Charles le Chau-
▼Cy, rapporte que Hainmar , Evêque
d'Auxerre vers l'an j6y ayant été con-
A, iiij duir
ïio MERCURE DE FRANCE:
duit par ordre du Roi sur de faux rap^
porcs à Bastognes , dans la Forée des
Ardennes , fut adroitement tiré de cette
prison par un de ses neveux ; & que
comme il íe sauvoit à cheval , il fut sur
pris & arrêté à Lufaiis , dans le Pays de
Toul , où se£ ennemis en firent un Mar
tyr. Adverfarii infequentes in loco qui
Lufaiis dieitur , j» Pago Tullenfì , eum
conficuti funt &c. Il semble qu-'il ne fauc
point chercher ailleurs ce Lufaiis que
dans le Diocèse de Toul ; ainsi c'est in
failliblement ce qu'on appelle aujour
d'hui Lifou, Il y a Lifou le grand & Lifou
le petit , qui font deux Villages contigus,
à six ou sept lieues de Joinville r
vers L'Orient , tous les deux dans le Dio
cèse de TouL , & dans l'ancienne Austrasie.
Le nom de Lifoldium , que le
P. Benoit , Capucin , leur donne dans son
nouveau Pouiller de Toul, ne m'arrête
aucunement , pareeque j'ai connu que
dans beaucoup d'articles , il a latinisé les
noms fur le François , & que lorsque la
terminaison d'un nom étok susceptible
de deux différentes inflexions Latines ,
il a souvent pris la moins fondée dans
l'antiquité , & a laisse l'autre qui-lui étoit
inconnue*. Telle est la derniere syllabe
du nom Lifou ou Lufou , laquelle n'a
pas été formée de l' Allemand Bold , mais
d»
FEVRIER. 1730. m
du Latin Fagus. A l'égard de la première
syllabe , il est plus probable qu'elle vient
du mot Lhcus que d'aucun autre , & je
me persuade que quiconque est au sait
de la formation des noms propres des
lieux , ne fera aucunement surpris que
de LucasAgus , on ait fait Lifou , qui
auparavant étort écrit & prononcé Luc*
foug 3 soit que ce mot vienne de Leucorum
Fagus , ou de Lucus Fagorum. Je
laisse au Lecteur à juger sì Lifou, quia,
plutôt été le Théâtre de la Guerre de
tan 6 S o. qu'aucun autre lieu , n'est pas
aussi l'endroit de la Bataille de l'an j^óV
puisqu'il étoit dans les Etats de Theodebert
, où il est plus vrai semblable que
Clotaire envoya ses Troupes , que noa
pas dans fes propres Etau , à 1 5. ou
16. lieues de Paris. On pourroit m'objecter,
que qUandmême il seseroit donné
une Bataille à Lifou cn l'an £80. il ne
s'ensuivroir pas delà qu'il s'y en soit aussi
donné une en ^96. Qu'inferec l'un de
l'autre , c'est retomber dans le deffauc
de raisonnement que je blâme dans Morin.
Mais la différence qu'il ya, est que
Latofao & Lucofao , ou par abrégé L«-
fao , se ressemblent si fort , qu'à moins
qu on ne trouve un lieu véritablement
nommé Latofao , diffèrent de Lifou , on
est toujours bien fondé à croire que c'est
A v le
212 MERCURE DE FRANCE.
le même. M. Maillard avoiie qu'on ne
connoît point de lieu appelle' Latofao
où Morin dit qu'il y en a un. II ne pro
duit non plus aucun titre , ni aucune
Histoire qui donne ce nom à aucun en~
droit voisin de Dormeil & de Moret ;
d'où je conclus que fa Remarque est
trop foiblement appuye'e pour qu'on
puisse y avoir égard , &c que si Latofaon'est
pas Lifou , il faut continuer à avouer
avec le Pere Daniel qu'on ne connoîe
plus ce Latofao.
Comme cette Observation tend à ôter
au Diocèse de Sens un endroit mémora
ble que M. Maillard a essayé de lui at
tribuer, je fuis bien aise de lui assigner
' en dédommagemenr un autre lieu plus
célèbre , & qui mériteroit d'être regar
dé avec distinction par les Historiogra
phes de France. C'est le lieu que nos^
anciennes Chroniques , nos Annales Sc
certaines Chartes appellent A4ap>loecnmt,
Aí ■npìlacum Afanfolagum. J'en ai déja
touché quelque chose dans une Note qui»
est au bas de la page 87 du Mercure
de Janvier 1725. Mais comme il n'y a
gueres que les curieux & les personnes,
studieuses qui lisent ce qui est au bas des
pages , j'ai crû devoir m'étendre un peu
plus fur ce point Topographique. Le
HJjet est d'autant plus digne d'attention
que:
FEVRIER. 1730. 213
que 1c Perc Mabiilon avoue dans son cjuatriéme
Livre de la Diplomatique\, qu'il
n'a pû découvrir quel lieu est ce Masolacum
, & que lc P. Ruinart en publiant
Fredegaire , de'clare qu'il ne le connoîc
pas davantage. Ignotus mihi Aianfolaci
fttus , dit le Pere Mabiilon. Hujus Viíl*
Jîtns ignotus est , dit le Pere Ruinart.
Cet endroit n'étant pas un fimple Vil
lage du commun , mais une terre dis*
ringuée par un Palais R oyal , ne doit
pas être non plus , par conséquent , de
ceux qui peuvent rester dans l'obsciuké.
Les Antiquaires qui aiment à suivre la
marche de nos Rois ne peuvent regardée
comme indifferens dans la Géographie
les lieux où ils se retiroient queîquefoisì
soit pour y prendre le divertissement de
la chasse , soit- pour y tenir leurs Etats ,
oti y faire quelqu'autre action éclatante.
Aíaffolacurn est dans ce cas. Ce fut là^
que Clotaire II. fit comparoître l'an 6\ j.
devant lui le Patrice Alethée , lequel
n?ayant pû se purger des crimes dont il
étoit accusé } fut condamné à périr par
le glaive. Dagobert I. étant mort , ce
fcit aussi à Massolac que les Seigneurs de
Neustrie & de Bourgogne s'assemblèrent
pour proclamer Roi , son fils Clovis..
Ces faits font affectés par Fredegaire ,
Auteur du tems , Ôc depuis par Aimoin.
A*j M»is
ZT4 MERCURE DE FRANCE:
Mais où éroit situé ce Maffolac ? & cot»;
ment l'appclle-t'on aujourd'hui ? C'est
suc quoi je me suis déja déclaré en 1725,»
en marquant que c'est Maíky » à une
lieue de Sens. Dom Jean Mabillon die
que ce Maffolac a du être certainement
un Palais Royal du Royaume de Bour
gogne avant le Règne de Clotake I I.
Regni Burgunàici Palatium fuijse cons-
Ut. il le dit fans aíSgner le lieu où il ctoic
situé; mais le voisinage de Sens suffit pour
décider, que ce Palais étoit du même
Royaume que. Sens j & quoique je ne
veuille pas contredire ouvertement le
fçavant Pere Mabillon , je ne crois pas
qu'après la resolution prise par le Roi
Clotaire d'entendre les Chefs d'accusa*
tion contre un Patrice de Bourgogne y.
il fut nécessaire pour cela que l' Assem
blée se íint dans un Palais du Royau
me de Bourgogne , quoique ce Roi en
fut devenu le Maître, On voit que trois
ans après*, ce même Roi fit venir tous
les Evêques & Seigneurs de Bourgogne
au Palais de Boneuil proche Paris , qui
constament n'a jamais été Aa Royaume
de Bourgogne; Il suffisoit donc que ce
fut un lieu sur les limites des Royaumes
de Neustrie & de Bourgogne , comme
cn effet ce fut là que les premiers de
ces deux Royaumes élevèrent l'an 637»
FEVRIER. 1730. sijj
I la Royauté Clovis , fils de Dagobctr.
Or que ce fut dans le voisinage de Sens»
bous en avons une bonne preuve dans
un acte produit par le Perc Mabillon ,
Sec. j. BenediU. part. 2. p. 6 1 4 . on y
lit qu'Emmon , Archevêque de Sens , íc
servant de la présence d'un grand nom
bre d'Evêques assemblés en ce lieu l'an
£57. leur fit signer un Privilège con
cernant l'Abbaye de Saint-Pierre le Vif;
il est daté Mansolaco Curte Dowinica*
II étoit assez naturel à- un Archevêque
de saisir cette occasion , ayant le Roi &
les Evêques si proches de lui. On peur
dire que c'étoit comme le Fontainebleau;
de ce siecle-là ■, les. Rois de France y venoient
de tems en tems , & \& Cour y
étant , il éroit nécessaire que les Prélats,
qui avoient des affaires d'importance à
icgler , s'y transportassent. Clotaire III.
y étoic la troisième année de son Règne,
selon l'Acte ci deflus cité. Il y vint en
core la huitième année , & c'est de la
que fut daté un Oiplome de confirmation
de la terre de Larrey à l'Abbaye de Sains
Bénigne de Dijon qu'on trouve dans Pé
tard à l'an 6x7 > mais qui doit être placé
à l'an 660. comme l'a fait remarquer
le Pere Mabillon. Datum Masolapo in
íalatio nofl'-o. Si depuis ce tems là on
oc trouve plus de mention du Palais de
Massas
%\C MERCURE 0E FRANCE.
Maíïay , c'est qu'il fut peut- être dérruir
par les guerres des Sarrazins au siécle
suivant* Mais le nom de fa première
destination lui est toujours resté , puis
que des deux Maslay contigus , il y en
a un qui est appelle Mastay-le-Roy , ce
qui marque , comme dit le Privilège de
ì' Archevêque Emmon , un Territoire
Royal, Curtem Dominicain. Ces deux en*
droits font à l'Orient dliyver de la yûlede
Sens , fur la Rivière de Vanne , Sc
peu éloignf-s de la Forêt d*Othe qui
étoit alors fort vaste , & qui l'eft encore
assez. J'ai trouvé aux marges d'un Mar
tyrologe de la Cathédrale de Sens , écrit
au dixième siécle , quelques additions de
personnes notables décedees dans le mê
me siécle , & entr'autres une Hermengarde
, Dame de Maflay. XVII. KaLJunii
, obiit Hermengardis de Mafiiaco
Domina , anno Domini D. CCCC LV.
Ces additions font au plus tard d'une
écriture du XI. siécle. L'original est dans
la Bibliothèque de Saint-Benoît fur Loire,
It y a apparence que les deux Maflay
croient originairement une feule & mê
me terre , dont les guerres ont fait faire
des partages , en forte que l'un des Mas
lay s'est appelle le Grand-Maflay , &
l'autre le petit Maslay. Je ne sçai pour
quoi ce dernier est celui qu'on appc líe
autreFEVRTER.
i7Jo: a r
ffutrcment Mastay-le-Roy , ni pourquoi
celui qu'on surnomme le petit est échuau
Roi. Il arrive quelquefois que ce qui
est plus périr , quant au nombre des-
Feux & des Habirans , est d'un plus
grand produit pour le revenu à caufedes
dépendances. Quoiqu'il en soit , le
grand Mastay est nommé dans un His
torien de Sens , contemporain du Roy
Robert : C'est Odoran , Moine de Saint"
Pierre le Vif. Son Ouvrage seroit peutêtre
resté jusqu'ici dans l'obscurité , si cc
n'étoir que M. Jean Baptiste Oudinet
Prieur de l' Abbaye de .Saint ■« Marien
de notre Ville , se fit un plaisir de
le communiquer à Dom Mabillon. Il
renferme plusieurs parricularitez qui ne
font pas indifférentes- à l'Histoire du
Roi Robert, & que je tais parce qu'elles
ne font rien à mon sujet. On peut les
voir au second volume du VI siécle Bé
nédictin. Cer Ecrivain rapporrant dansfbn
ii. Chapitre la punition d'un hom
me qui fit un faux ferment dans l'fgliso
de S. Savinien, proche Sens , dit que cet
homme étoit nomim Rothb rthiti in vicin*
ortus villa , cm nomen JUaftiacm Aft jor
dédit antlcjuitau le Moine C.larius,de
la mime Abbaye de S. l ierre le vif , qui
vivoit cent ans après Odoran , rapportant
dans fa Chronique, imprimée au II. lo
vas
tit MERCURE DE FRANCE:
me du Specilege , les violences qu'on em
ploya l'a n 10 j 2. pour obliger les Senonois
de recevoir Gelduin , que le Roi
Henry I. leur avoit donné pour Evêque ,
dír que ce Roi se transporta en personne
sur les lieux > qu'il vint assiéger la Ville de
Sens,& que ce fut au Grand-Mastay qu'il
fit camper son armée : Rex copiosum exerçitam
applicuit y & in villa qut Maftiacus
M.ijor dicitur cafi'a p»s»it. Ces trois té
moignages prouvent que dans le X.XI. &
XII. siécles on disoit encore dans le pays
M.ifliacHS , qui e'toit une expression moins
éloignée de Moefolacut. Mais dans les fic
elés suivans on commença à corrompre
ee mot de plus en plus. Je trouve dans
un Manuscrit de la Bibliothèque de la Ca.-
thédrale de Sens, qui est du XIII. siécle,
qu'il est fait mention en ces termes du
Maire de Maílay-le- Vicomte & de l'Eglise
de Maíliy-le-Roy : Aíajori de Mas-
Uio-Vicecomiús . & Ecclejit, de MaJIcìo
Régis. Au reste il ne doit pas paroître sur
prenant que l'on ait corrompu Mafìlacurn
en Míijliacum & Majlciam : ces deux ma
nières de latiniser ce nom dans les bas
siécles , marquent que dans le langage
vulgaire on faisoit. la première syllabe
longue comme aujourd'hui , si on ne proaonçoit
pas la lettre S , ce qui est d'au
tant plus véritable que les Titres François
FEVRIER. ï7jo. 219
da XIV. siécle mettent un second a pouc
tenir la place de la lettre S , ensorte qu'on
y lit ce mot ainsi écrit ; Maalay. U est na
turel que dès-là qu'on réduit plusieurs
syllabes à n'en former qu'une , cette syl
labe devienne longue de prononciation»
Quant à la terminaison en ay , il est vrai
que de nos côtez elle est moins communa
que celle en y, qui nous vient de tous
les- noms deg lièux finissant en latin pas
iacurn ; cependant il reste encore dans dis*
ferens cantons de la Province Senonoifs
des noms de lieu en ay qui viennent du
latin iacum ou acam . . . Nous avons dans
notre Diocèse , presque sur les bords da
la Loirp, Mannay qui s'appelloit Man-,
nacum í au sixième siécle, Annay qui se
disoit en latin au neuvième siécle Abundiacum
, & Seignelay, qui est un endrok
fort connu , Seligniacum. Dans le Diocèser
de Senion trouve Bray& Lorayidont les
noms latins ne Yont autres que Braiacum
&cLoriacum. Je ne puis donc croire qu'il y
ait lieu de douter du côté de l'analogie
des deux Langues , que Mallay ne vienne
de Afafolacnrn. Les Antiquaires font obli
gez d'admettre des noms qui sont encore
plus méconnoissibles & moins «pportans
l'un à l'autre. Je n'ái passé qu'une
seule fois dans le grand Maflay , & j'ajr
apoerçji que la Plaine de ce lieu est très*
fertile
iià MERCLÎRÈ DÈ FRAftCÉ.x
fertile. La Rivière de Vanne entoure cti^s
tierement ce Bourg & erl fait une verira^
ble Isle. Comme cette Rivière ne tatis
gueres, elle contribue beaucoup à rendre
cet endroit verdoyant & fort gai en été.
Le petit Maflay est un peu plus vers l'Otient
, la Rivière entre deux. Plus haut
est le Village de Teil , que je pourrois enquelque
forte qualifier d'ancienne Mai
son Royale, en me fondant fur le texta
d'Odoran, quoique te P. Mabillon n'en
ait fait aucune mention. Odoran rap
porte dans son 2 6. Chapitre , que Teil
rut le lieu de la résidence de la ReineConftance
pendant tout le temps que lc Roi
Robert employa à faire son voyage de
Rome. Faïium efi dum quadam terr.port
Robmtts Rex Romam peteret , ut Cons'
tant'ta Regina un à cum filio sue Hagent
parvalo Tille remaneret. Peut être que
Mâlay s'étendbit autrefois jufques-là. Au
moins il est certain que Teil fait encore
partie de k Châtellenie de Mâ!ay-le-Roi«
Cette Châtellenie fut échangée par Phi
lippe le Bel avec Marie Comtesse de Sancerre
, & l'échange fut ratifié au mois
d'Août 1318. par Philippe le Long ,en
faveur de Thibaud & Louis de Sancerre.
M. Couste, Lieutenant Civil & Particu
lier de la Ville de Sens , qui possède une
gartie de cc Mâ-lay , m'apprend par le
Me
FEVRIER. i7jo. ni
Mémoire qu'il a eu la bonté de m'envoyer,
que dans les Titres d'échange & de ra*
tification , ce lieu est écrit Maalay-le-Roi.
II ajoûte que cette Châtellenie appartint
depuis cet échange à un seul Seigneur ,
qui ayant eu huit enfans , en fit le par
tage entre eux dès son vivant ; ce qui est;
cause qu'elle est aujourd'hui divisée etï
sept ou huit portion ì. Et quoiqu'il ob
serve que Mâlay-Ie-Roy , dent la Châtel
lenie porte le nom ,soit le plus petit dessept
Villages qui la composent , & que le
Siège du Bailliage soit à Teil , cela ne doit
point cependant empêcher de croire que
tout ce terrain n'ait été un territoire Royal
dans le temps que j'ai marqué cy-dessus.
Cette supériorité de Seigneuries se trouve
même appuyée par le nom de Villiers-
Louis, qui est un des sept Villages, & qui
est contigu à Mâlay-lc-Roy. Au reste si
cette Châtellenie relevé aujourd'hui de»
Comtes de Joigny , ce n'est que depuis
k Règne de Philippe V. Ce Prince céda
cette Mouvance à Jean Comte de Joigny
en 1 3 r 7. pour avoir la Mouvance de Châ
teau-Renard , qui appartenoit au Comte
de Joigny. Je ne sçai si ce que Nicole
Gilles, Belleforelt& Chappuis, prennent
pour un retranchement fait à Mâlay par
les Anglois au XIV. siécle , ne seroit point
un vestige de l'enceiate daChâteau de nos
Roisïti
MERCURE DE FRANCK
Rois de la première Race , ou du tcrraírf
vqui fut occupé par les Troupes du Rot
Henry I. lorsqu'elles campèrent à Mâlay.
il s'est conservé au Grand- Mâlay , autre
ment dit Mâlay- Ie-Vicomte , une Tradi
tion que S. Agnan Evêque d'Orléans étoit
natif de ce lieu. Tel a été le sentiment de
M. Tripaut, Avocat d'Orléans. On écrit
cependant plus communément que saint
Agnan étoic né à Vienne en Ôaufiné,
plutôt que dans cette Bourgade de la Ri
vière de Venne. Il resterok a examiner s'il
fi 'y a point eu de méprise d'un nora pout
un autre , à cause de la ressemblance des
noms de Venne & de Vienne. Mâlay- le-
Vicomte a été de la Commune de Sensjusques
fous Louis le Gros ; c'est aujour
d'hui une Prévôté Royale : 5c M. le Duc
de Bourbon en nomme tous les Officiers,
soit comme étant aux droits du Vicomte,
ou comme jouissant du Domaine de Sens
& de la Banlieue.
En finissant ces Observations , je reçois
de M. Ferrani , l'un des fçavans Cures
du Diocèse de Sens , Doyen Rural de Marolles
, un Mémoire qu'il a rédigé , fur la
Rivière dont Fredegaire & Aimoin font
mention par rapport à la Bataille qui y fut
donnée en l'an 600. La remarque de
M. Maillard , inférée dans le Journal de
Verdun , m'ayanc engagé à fake des perFEVRIER.
1730.. 11}
quisuions , tant pour constater la choie
que pour corriger ce que j'ai mal mis
moi-même en vouse'crivant fur les lumieres
Célestes qui furent vues l'année de
cette Bataille; (a) je reconnois ne les avoir
point faites inutilement , & qu'il seroit
bon que ceux , qui dans la fuite youdronc
donner une Edition de S. Grégoire de
Tours , de Fredegairc & de toutes nos ar» •
ciennes Annales Latines avec des Notes,
prissent la peine ou de se transporter suc
les lieux ou de faire venir des mémoires
exacts. J'avoue que j'ay e'té trompé en
1716. par la Note de Dom Ruinart fur
la Rivière Aroanna , que j'avois mal com
prise à cause du nom François d'Ouainc
qu'il lui donne. Ce n'est ni de la Rivière
d'Ouaineen Gâtinois ni de celle de Vanne
en Senonois , qu'il faut entendre ce qui
est dit de la Bataille où Clotaire II. suc
défait ; mais de la Rivière qui passe à Dor--
melle même. ( On dit Dormelle dans le
pays , & non Dormeil. ) Elle prend fa
source à trois quarts de lieue" au-dessus
de Dollot , qui est la Cure de M. Fer^
rand , Auteur des Remarques que je vais
rapporter , mais dans la Paroisse de saint
Valerien. Au bout de cent pas , fortifiée
par plusieurs fontaines , elle fait tourfa)
Mercure de Utvembrt vji.6' i4*á«
nef
iî4 MERCURE DE FRANCE,
jner un moulin. Jusques là , elle n'a que
le nom 1 de Fontaine de Saint - Biaise ,
à cause d'une Chapellû voisine de la source
.mais au-dessous du moulin , elle com
mence à s'apeller la Rivière d'Orvanne.
Elle passe ensuite à Dollot , à Valéry ,
JBlennes , Diant , Vaux , Ferrotes > Fla~
gis,Dormelle, Château-Saint-Ange ,8c
va former l'e'tang de Moret, dans le
quel elle est absorbée ; puis delà elle se
décharge dans le Loin , un peu au-dessus
.de Moret i le tout fait l'étenduè" de six
lieues de pays. Le Vallon que cette pe
tite Rivière arrose s'appelle le Vallon
d'Orvanne , & les Paroisses qui y font
k jîtuées ou contigues s'appellent de même
les Paroisses de la Vallée d'Orvanne. On
assure que tous les Contrats de partages
& de ventes dans tous ces pays là n'appellent
point cette Rivière autrement
que la Rivière d'Orvanne. Ce qu'il y a
de singuliers que le nom de cette même
Rivière change dans la bouche de plusieurs
personnes au delà de Dormelle , &
près de fa décharge dans l'Etang de Mo
ret. En ces lieux- là on Pappelle quelque
fois la Rivière de Ravanne , & ce font fur
tout les Paysans voisins de cet Etang qui
lui donnent ce nom , parce qu'au-dessus de
cet Etang elle passe dans un Château assez
distingué, appelle k Château de Rnvanne,
donc
\
FEVRIER. 1750. 22$
dont elle traverse les Jardins , y formant
outre sonCanal,des pieces d'eau trés agréa
bles. Mais si l'on remonte une lieue plus
haut , on voit que ce nom est inconnu.
Au dessus de ce Château 6V une de
mie lieue au-dessous de Dormelle, est la
belle maison de feu M. de Cajumartin ,
bâtie sur la croupe d'une Montagne. Cette
maison s'appelle le Château Saint- Ange.
C'est peut-être l'endoit -où se donna la
Bataille, super fluvium Arvennam nec procul
a Doromdlo vico, ainsi que dit Aimoin.
Cette lecture du mot Arvenna est plus
exacte que celle du mot Aroanna em
ployée dans Fredegaire de la derniere Edi
tion. 11 est incontestable par le moyen de
cet éclaircissement qu'il s'agit dans Fre
degaire & dans Aimoin de la Rivière <sPO»
vanne , qui plus anciennement a dû. être
prononcée Arvanne. Il faut abandonner
en cette occasion la Rivière d'O'ùaine
(Odona ) qui est éloignée de Dormelle de
plus de huit lieues. Le P. Daniel a eu
raison de dire que la Bataille fut donnée
sur une Rivière qui se jette dans le Loiiam
au-dessus lie Moret; mais il s'est trompé
en lui donnant le nom de Rivière d'Oiiaine
, aussi-bien que le P. Ruinart. On doit
en être convaincu par la raison que je
viens de rapporter -, celle d'Odaine étant
bjçn différente, puisqu'elle prend sa source '
% i4 MERCURE DE FRANCE,
à quatre lieuës d'Auxerre , & qu'elle va
/e jetter dans le Loiiain , au-deflus de
Montargis. Ce n'est point non-plur la
Rivière de Vanne , comme le Père le Com
te à l'an £eo. Num. i. semble l'avoir
crû après le Président Fauchet. Encore
moins faut -il aller chercher cette Rivière
dans le Pays du Maine , où il y a un traî
na fiuviolus. II faut quelque chose de plus
que la ressemblance des noms dans leLatin,
pour pouvoir avec fondement e'ioigner de
ros quartiers le Théâtre de cette guerre,
A Auxerre ce 18. May 172.8.
ADDITION.
Après avoir envoyé ces éclairciíTemem
aux Auteurs du Mercure, j'ai eu occasion
d'aller à Paris. Comme le cours de la Ri*
viere d'Or vanne est collatéral à celui de 1»
Rivière d'Yonne , & n'est éloigné du
grand chemin que de deux lieuës ou en
viron , je n'ai pas manqué de vérifier par
moi-même avant que de me rendre dans
la voiture publique, le Mémoire de M. le
Prieur de Dollot. Je l'ai trouvé*' très- juste
à un article près } j'ai remarqué en mêmetemps
que nés Géographes mettent sou
vent à droite d'une Rivière ce qui est à
gauche , ou qu'ils font quelquefois tout
Je contraire. C'est pourquoi si vous avez
U
FEVRIER. i7jo; M7
Ja Carte du Diocèse de Sens dressée par
Samson , vous pouvez en touce fureté ,
yous & vos amis, y faire les corrections
suivantes. Mettez la source de la Rivière
d'Orvannc à une portée de Mousquet du
Bourg de Saint Valerien, à POtient d'Eté; '
mettez ensuite Dollot à droite , comme
a fait le Géographe , mais à gauche du
Ruisseau. Vallery est bien placé dans les
Cartes. C'est un lieu célèbre par fa destin
nation à la sépulture des Princes de la
Maison de Condé. Plus bas à droite est:
Blenne,mal nommé Blaineux par Samfonj1
plus bas encore est Diant. Ensuite à gau
che est le Bourg de Voux, qui çst ferme
de murs, & que les Cartes ont tort de re
présenter comme un simple Hameau.
Après Voux & du mime côté le Villa
ge de Ferrotes , & plus bas encore ì
gauche est le Bourg de Flagy , qui a du
coté du Midi des níurs si élevez & si con
sidérables pour leur épaisseur , qu'on U
peut comparer à ceux des plus anciennes
Villes. Ce Bourg a été cependant fort en
dommagé par les Huguenots , ainsi que
l'Eglise du lieu en fait foi. Au sortir de
Flagy on voit à gauche une Plaine qui
règne jusqu'auprès de Dormelle. Ce der
nier Village est fur une éminence. On
passe la Rivière d'Orvanne fur un
Pont, &dps lois on cesse d'en suivre le
, B cours.
ni MERCURE DE FRANCE,
cours. Lorsqu'on a atteint le haut <kp
Coteau, on apperçoit encore une autre
Plaine à droite , laquelle s'étend dti
<ôré de rOtient & dfi Septentrion. Il y
a plus d'apparence que ce fut en cette
derniere Plaine que fut donne'e la Ba
taille de Dormelle , en tirant vers le
Village de Fossar 3 dont le nom vient
peut-être à Fojsario Jeu loco Fojfitrum. Ce
.que j'ai lemarqué plus loin après avoir
laissé le Village de Montarlpt i gauche,
«e s'accorde plus ayee le Mémoire dont
je vous ai parlé. Il ne m'a point paru que
la Rivière d'Orvanne se jettât dans un
Etang-, c'est elle qui forme cette es
pèce d'Etang par le moyen des murs Sfi.
des Ecluses qui fervent à retenir ses eaux,
Cette Rivière ayant repris ensuite fa pre
mière liberté , ne va point se jettes dans
le Loiiain si tôt que Messieurs Samson
& Deíifle l'ont marqué dans leuts Cartes ;
ce n'est point au-dessus de Motet qu'elle
s'y jette , mais au-dessous } presque vis-àvis
sangle Septentrional des murs de cette
petite Ville ; desorte qu'il y a à More*
Jeux Ponts l'un au bout de l'autre; le plus
grand pour la Rivière de Loiiain au bout
duquel est le Prieuré de Pont Loii f Pons
Lupa; (c'est le nom de la Rivière qui
joint le Canal de Briare à la Seine Lupa-
/ámnis) & l'autre petit Pont est fur la. Ri
vière,
FEVRIER. 1740: 139
viere d'Orvanne. C'est ainsi qu'en une
matinée de temps j'ai eu le plaisir de voie
cette Rivière depuis fa source jusqu'à son
embouchure , avec tout ce qu'il y a de
-curieux sur les bords de la Vallée à laquel
le elle donne son nom.
Ce 15. Juillet 1718.
Fermer
Résumé : ECLAIRCISSEMENS. / ADDITION.
Le texte traite de la localisation de deux batailles en France, survenues en 595 et 600, près d'un ancien palais royal de la première race. Le Journal de Verdun de mars mentionne une remarque sur le lieu de la bataille de 596 ou 597, entre les troupes de Clotaire II et celles de Théodebert II et Thierry II. Ce lieu est appelé Latofao dans la Chronique de Fredegaire. M. Maillard, avocat, cite le Père Daniel et le Père Ruinart, qui situent Latofao dans le diocèse de Sens. Cependant, Maillard critique l'historien Morin pour ses erreurs dans l'Histoire du Gâtinois. La bataille de Dormeil, qui eut lieu quatre ans après celle de Latofao, est également discutée. L'auteur affirme que les lieux des deux batailles ne sont pas proches et que les terrains étaient différents. Il suggère que les noms des lieux dans les chroniques peuvent avoir été mal copiés. Le Père Ruinart note que certains noms propres dans la Chronique de Fredegaire sont mal écrits. L'auteur explore la possibilité que Latofao soit en réalité Lifou, un village dans le diocèse de Toul. Il soutient que Latofao et Lifou pourraient être le même endroit, en se basant sur des similitudes dans les noms et les descriptions. Il conclut que si Latofao n'est pas Lifou, il faut admettre avec le Père Daniel que ce lieu n'est plus connu. Le texte mentionne également Massolacum, un autre lieu historique situé à Marly près de Sens, où des événements royaux importants se sont déroulés. Il critique les incertitudes des historiens précédents sur la localisation de ce palais royal. Le texte traite aussi de l'histoire et de l'évolution des noms des localités de Massas et de Maslay, situées près de la rivière de Vanne et de la forêt d'Othe. Le nom de Maslay-le-Roy indique un territoire royal, et deux Maslay contigus existent : le Grand-Maslay et le Petit-Maslay. Des documents historiques, comme un martyrologe de la cathédrale de Sens du dixième siècle, mentionnent des personnes notables de Maslay. Les guerres ont probablement divisé ces terres, et des historiens comme Odoran et Clarius ont mentionné ces localités dans leurs œuvres. Le texte explore les variations linguistiques et orthographiques des noms de ces lieux au fil des siècles. Par exemple, le nom 'Maslay' a été corrompu en 'Mastay' et 'Mallay' dans divers documents. La rivière de Vanne entoure le bourg de Maslay, contribuant à sa fertilité et à son aspect verdoyant. Le Petit-Maslay est situé plus à l'est, et le village de Teil, autrefois résidence de la reine Constance, fait partie de la châtellenie de Maslay-le-Roi. La châtellenie de Maslay-le-Roi a été échangée par Philippe le Bel avec Marie Comtesse de Sancerre en 1318. Aujourd'hui, cette châtellenie est divisée en plusieurs portions et relève des Comtes de Joigny depuis Philippe V. Le texte mentionne également des traditions locales, comme celle de Saint Agnan, évêque d'Orléans, supposé natif de Maslay-le-Vicomte. Enfin, le texte aborde la rivière d'Orvanne, mentionnée par des historiens comme Fredegaire et Aimoin, et corrige des erreurs historiques concernant son nom et son emplacement. La bataille de l'an 600, où Clotaire II a été défait, s'est probablement déroulée près de la rivière d'Orvanne, et non de la rivière d'Ouaine. L'auteur, après avoir envoyé des éclaircissements aux auteurs du Mercure, se rend à Paris et vérifie personnellement le mémoire de M. le Prieur de Dollot. Il confirme la justesse du mémoire à un article près et note des erreurs fréquentes chez les géographes concernant la position des lieux par rapport aux rivières. Il fournit des corrections pour la carte du Diocèse de Sens dressée par Samson, précisant la localisation de divers lieux tels que Saint-Valérien, Dollot, Vallery, Blenne, Diant, Voux, Ferrières, Flagy, et Dormelle. Il décrit également la bataille de Dormelle et la topographie des environs. La rivière d'Orvanne ne se jette pas dans un étang mais forme un étang par des écluses. Il corrige également l'emplacement où la rivière d'Orvanne se jette dans le Loing, précisant que cela se fait au-dessous de Montargis, et non au-dessus comme indiqué sur certaines cartes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 50-53
EXTRAIT d'une Lettre écrite par M. Bourgoin, Maître Chirurgien Juré à Auxerre, le 26. Decembre 1730. au sujet d'un enfant monstrueux.
Début :
Il y a six jours qu'on m'envoya un [...]
Mots clefs :
Chirurgien, Monstruosité, Crâne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite par M. Bourgoin, Maître Chirurgien Juré à Auxerre, le 26. Decembre 1730. au sujet d'un enfant monstrueux.
EXTRAIT d'une Lettre écrite par M.
Bourgoin , Maître Chirurgien Juré à
Auxerre , le 26. Decembre 1730. au sujet
d'un enfant monstrueux.
I
Ly a six jours qu'on m'envoya un enfant
de sexe feminin , dont une pauvre
femme venoit d'accoucher. Cet enfant
estoit monstrueux , non par sa grosseur
, puisqu'il étoit comme les autres enfans
nés à neuf mois , mais parcequ'il étoit
sans crâne , sans col , sans moëlle épiniere
, et par conséquent sans nerfs , le
visage étoit situé immédiatement au dessus
des clavicules , à la partie superieure
et anterieure de la poitrine , sans aucune
marque ni vestige de cou , pas même le
moindre espace pour le jeu et le mouvement
de la mâchoire inférieure , qui
étoit immobile , et qui l'auroit toujours
été si cet enfant avoit pû vivre , nonseulement
par l'adherence de la mâchoire
inférieure avec le sternum par le moyen
de la peau et d'autres parties , mais encore
par le défaut du muscle pterigoïdien,
moteur de la mâchoire. Ses deux oreilles
étoient situées à peu près comme dans
l'état naturel , étant seulement plus allongées
JANVIER. 1731. SI
longées et plus saillantes qu'elles ne sont
d'ordinaire aux autres enfans, elles avoient
la conque rabaissée , et retournée en devant
comme celle d'un chat , à la difference
qu'elles n'étoient ni veluës ni
pointues. Le conduit pour l'air externe
n'alloit point se rendre dans des parties
osseuses , telle que la roche , mais seulement
dans une masse de glandes , de
chairs , de graisse , le tout confondu ensemble
, sans pouvoir faire aucune distinction
de parties.
>
Le nez étoit posé presque au sommet
du visage , n'ayant qu'environ une ligne
de saillie dans l'endroit le plus éminent;
les deux narines assez bien disposées communiquoient
dans les fosses nazales sur
la cloison du palais et dans la bouche,
Au côté de la racine du nez tout au
haut du visage , paroissoient vers les paupieres
deux vessies de figure un peu conique
comme deux olives , sous lesquelles
étoient renfermés les yeux , ce qui représentoit
comme deux cornes , principalement
quand on examinoit cet enfant par
sa partie posterieure.
Quant à la bouche , on n'y remarquoit
rien de particulier , sinon qu'elle étoit
toujours ouverte et béante , parceque les
deux levres étoient tendues autour des
gencives , et que le menton étoit attaché
52 MERCURE DE FRANCE
- au sternum , de maniere que cette bouche
étoit plus ronde qu'ovale , et que la
commissure des levres étoit à peine marquée.
Comme cet enfant n'avoit point de
crâne , et par conséquent point de front,
non plus que de parietaux temporaux.
ctc. Il y avoit derriere ce visage , au lieu
et place du crâne , une partie de figure:
triangulaire platte , recouverte de peau
seulement , qui renfermoit un os assez.
dur de la même figure , lequel sembloit
servir de baze et d'appui à ce visage ..
Cette peau étoit couverte de cheveux
assez courts et clairement plantés , qui bordoient
une ouverture oblongue avec de
grosses levres , dans laquelle on introduisoit
facilement une grosse sonde , qui
descendoit tout le long du canal de Pépine
du dos et qui ne contenoit ni
matiere solide ni liquide .
,
J'aurois bien des particularités à faire
observer sur le squelette de cet enfant
tant sur le derriere de la tête qui paroît
être un crâne renversé , que sur la grande
ouverture à la partie supérieure de l'épine
qui regne , comme je viens de le dire
dans tout ce canal , mais je sortirois des
bornes que je me suis prescrites ; je reserve
ce détail pour une description plus
détaillée que j'espere faire du squelette
JANVIER. 1731. 53
lette en question . Ce monstre , au reste,
a attiré tous les curieux de notre Villet
qui ont été surpris de voir un enfant non
corrompu , avec de l'embonpoint et toutes
les parties au-dessous du col bien figurées
, né sans cerveau , sans moële de
l'épine , et sans nerfs .
Bourgoin , Maître Chirurgien Juré à
Auxerre , le 26. Decembre 1730. au sujet
d'un enfant monstrueux.
I
Ly a six jours qu'on m'envoya un enfant
de sexe feminin , dont une pauvre
femme venoit d'accoucher. Cet enfant
estoit monstrueux , non par sa grosseur
, puisqu'il étoit comme les autres enfans
nés à neuf mois , mais parcequ'il étoit
sans crâne , sans col , sans moëlle épiniere
, et par conséquent sans nerfs , le
visage étoit situé immédiatement au dessus
des clavicules , à la partie superieure
et anterieure de la poitrine , sans aucune
marque ni vestige de cou , pas même le
moindre espace pour le jeu et le mouvement
de la mâchoire inférieure , qui
étoit immobile , et qui l'auroit toujours
été si cet enfant avoit pû vivre , nonseulement
par l'adherence de la mâchoire
inférieure avec le sternum par le moyen
de la peau et d'autres parties , mais encore
par le défaut du muscle pterigoïdien,
moteur de la mâchoire. Ses deux oreilles
étoient situées à peu près comme dans
l'état naturel , étant seulement plus allongées
JANVIER. 1731. SI
longées et plus saillantes qu'elles ne sont
d'ordinaire aux autres enfans, elles avoient
la conque rabaissée , et retournée en devant
comme celle d'un chat , à la difference
qu'elles n'étoient ni veluës ni
pointues. Le conduit pour l'air externe
n'alloit point se rendre dans des parties
osseuses , telle que la roche , mais seulement
dans une masse de glandes , de
chairs , de graisse , le tout confondu ensemble
, sans pouvoir faire aucune distinction
de parties.
>
Le nez étoit posé presque au sommet
du visage , n'ayant qu'environ une ligne
de saillie dans l'endroit le plus éminent;
les deux narines assez bien disposées communiquoient
dans les fosses nazales sur
la cloison du palais et dans la bouche,
Au côté de la racine du nez tout au
haut du visage , paroissoient vers les paupieres
deux vessies de figure un peu conique
comme deux olives , sous lesquelles
étoient renfermés les yeux , ce qui représentoit
comme deux cornes , principalement
quand on examinoit cet enfant par
sa partie posterieure.
Quant à la bouche , on n'y remarquoit
rien de particulier , sinon qu'elle étoit
toujours ouverte et béante , parceque les
deux levres étoient tendues autour des
gencives , et que le menton étoit attaché
52 MERCURE DE FRANCE
- au sternum , de maniere que cette bouche
étoit plus ronde qu'ovale , et que la
commissure des levres étoit à peine marquée.
Comme cet enfant n'avoit point de
crâne , et par conséquent point de front,
non plus que de parietaux temporaux.
ctc. Il y avoit derriere ce visage , au lieu
et place du crâne , une partie de figure:
triangulaire platte , recouverte de peau
seulement , qui renfermoit un os assez.
dur de la même figure , lequel sembloit
servir de baze et d'appui à ce visage ..
Cette peau étoit couverte de cheveux
assez courts et clairement plantés , qui bordoient
une ouverture oblongue avec de
grosses levres , dans laquelle on introduisoit
facilement une grosse sonde , qui
descendoit tout le long du canal de Pépine
du dos et qui ne contenoit ni
matiere solide ni liquide .
,
J'aurois bien des particularités à faire
observer sur le squelette de cet enfant
tant sur le derriere de la tête qui paroît
être un crâne renversé , que sur la grande
ouverture à la partie supérieure de l'épine
qui regne , comme je viens de le dire
dans tout ce canal , mais je sortirois des
bornes que je me suis prescrites ; je reserve
ce détail pour une description plus
détaillée que j'espere faire du squelette
JANVIER. 1731. 53
lette en question . Ce monstre , au reste,
a attiré tous les curieux de notre Villet
qui ont été surpris de voir un enfant non
corrompu , avec de l'embonpoint et toutes
les parties au-dessous du col bien figurées
, né sans cerveau , sans moële de
l'épine , et sans nerfs .
Fermer
Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite par M. Bourgoin, Maître Chirurgien Juré à Auxerre, le 26. Decembre 1730. au sujet d'un enfant monstrueux.
Le 20 décembre 1730, M. Bourgoin, Maître Chirurgien Juré à Auxerre, examina un enfant femelle né six jours plus tôt avec plusieurs anomalies. Cet enfant était dépourvu de crâne, de cou, de moelle épinière et de nerfs. Son visage était situé directement au-dessus des clavicules, sans espace pour le mouvement de la mâchoire inférieure, qui était immobile. Les oreilles étaient allongées et saillantes, avec une conque retournée. Le nez était presque au sommet du visage, avec des narines communiquant avec les fosses nasales et la bouche. Deux vessies coniques, semblables à des olives, renfermaient les yeux, donnant l'apparence de cornes. La bouche était toujours ouverte et béante, les lèvres tendues autour des gencives. À la place du crâne, il y avait une partie triangulaire plate recouverte de peau, avec un os dur servant de base au visage. Cette peau était couverte de cheveux courts bordant une ouverture oblongue menant au canal de l'épine. L'enfant a attiré de nombreux curieux à Auxerre, étonnés de voir un enfant sans cerveau, moelle épinière et nerfs, mais avec un embonpoint et des parties bien formées en dessous du cou.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 1207-1213
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Auxerre à M. D. L. R. au mois d'Avril 1731. par M. L. B. C. S. sur une Urne et des Médailles trouvées.
Début :
J'ay toûjours differé à vous parler d'une découverte qui fut faite près de cette [...]
Mots clefs :
Découverte, Vaux, Rivière d'Yonne, Fourche de fer, Urne, Médailles, Auxerre, Histoire ecclésiastique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Auxerre à M. D. L. R. au mois d'Avril 1731. par M. L. B. C. S. sur une Urne et des Médailles trouvées.
EXTRAITF d'une Lettre écrite d'Au
xerre à M. D. L. R. au mois d'Avril
1731. par M.L. B. C. S. sur une Urne
et des Médailles trouvées.
. د ه د ه د د
BadaB& AD
differé à vous d'une
découverte qui fut faite près de cette
Ville la veille de laFête de S. Pierre dernie
"re , c'est- à- dire le 28. Juin 1730. dans le
territoire d'un Village appellé Vaux , à
une lieuë d'ici , sur le bord de la Riviere
d'Yone. Un Laboureur préparant une
terre pour la semaille prochaine , le Soc
de sa Charuë rencontra un ferrement qui
l'arrêta. Il voulut tirer ce ferrement qui
étoit placé perpendiculairement en terre,
mais il ne put en venir à bout qu'en creu
I. Vol.
A iij sant
1208 MERCURE DE FRANCE
sant dans l'endroit ; l'ayant arraché de ce
lieu , il reconnut par le bout qui étoit
plus avant dans la terre , que c'étoit une
fourche de fer à trois fourchons , longue
d'environ deux pieds : elle a depuis été
cassée en trois pieces , et il n'a resté que
le bout des trois fourchons que ce Paysan.
m'a mis entre les mains . On y trouva
aussi un autre Instrument de fer
que je
n'ai pû voir , et qu'il juge avoir servi à
attiser un foyer de charbons . Comme les,
pointes de la fourche aboutissoient à une
grosse pierre , il crut qu'il y avoit cous
cette pierre brute quelque chose de pré
cieux. Mais l'ayant levée , il n'y trouva
d'autre trésor que des cendres , des frag
mens d'une Urne de terre de couleur grise
cendrée , et quelques restes d'Ossemens ,
avec du charbon , er dix Médailles de
Bronze , dont il y en avoit d'épanchées
dans les terres que la pioche remua.
J
Etant allé sur le lieu , je ramassai les
fragmens d'Urne que le Laboureur avoit
méprisez les examinant ensuite , je fus.
assez surpris de trouver parmi ces frag
mens deux morceaux de crâne humain ..
La matiere poreuse qui cause leur legere
té me servit à les distinguer tout aussi
tôt du reste de ce que j'avois ramassé , et
les ayant frottés , je découvris qu'il y en
1. Vol.
JUI N. 1737. 1209
a un qui a encore conservé jusqu'à pre
sent la couleur que le feu lui a donnée
et celui- la sonne comme un morceau de
terre cuite.
A cette occasion j'ai voulu relire ce que
le sçavant Abbé des Thuilleries fit impri
mer contre M. Capperon en 1722. dans
le Mercure de Juin touchant la cessation
de l'usage de bruler les corps humains.
Quoique je ne fusse point porté à suivre
le sentiment de M. Capperon , qui croit
que l'usage de bruler les corps morts n'a
point passé le temps des Antonins , et
que ce furent eux qui l'abrogerent , j'en
suis encore plus éloigné que jamais depuis
cette découverte , et ce qui m'autorise à
préferer le sentiment de M. l'Abbé des
Thuilleries , qui soutient après Kirchman
que la coutume de bruler le corps des
deffunts duroit encore au troisiéme siecle ,
est que le corps qui a été brulé sur le
Rivage oriental de notre Riviere , et dont
j'ai vu les foibles restes , est surement
d'un Payen qui vivoit du temps de Pos
tume. Il est vrai que lorsqu'on eut re
mué la terre de ce lieu , on reconnut
parmi les Médailles qu'on y ramassa qu'il
y en avoit quelques-unes du premier et du
second siecle , mais il s'y en trouva aussi
du troisiéme , et ces dernieres étoient
L. Vol. A iiij
même
1210 MERCURE DE FRANCE
même en plus grand nombre. L'une étoit
de l'Empereur Hadrien , une autre d'An
tonin le Preux , l'une de Marc- Aurele ,
trois des plus effacées qui ont été dissi
pées , je n'ai pû les voir ; mais j'ai recou
vré les quatre principales de cette petite
quantité elles sont toutes de Posthume,
en grand et moyen Bronze , et deux de
celles qui sont en grand Bronze ont pour
Legende LAETITIA AUG. avec le
Vaisseau Prétorien , et de ces deux l'une
est si belle , quoique peu épaisse , qu'on
diroit qu'elle sort des mains de l'Ouvrier,
car le Paysan qui m'a vendu trois de ces
Posthumes , avoit cru bien faire de les
éclaircir et d'en ôter la roüille . Je ne sçai si
ce Vaisseau auroit quelque rapport à la Na
vigation de la Riviere d'Yone. J'en laisse
la décision à d'autres . Permettez que j'ap
puye encore ici en passant un article de la
défense que l'Abbé des Thuilleries a faite
du sentiment de M.Huet , Evêque d'Avran
ches ,sur l'origine du nom d'Eu.Le premier
Village au- dessus d'Auxerre en remontant
le long de la Riviere , à gauche , s'appelle
Augy , et justement c'est un Pays de Plai
ne et de Prairies. C'est donc encore un
exemple qui peut être cité avec les au
tres dont ce sçavant Prélat , aussi-bien que
M. Du Cange , s'autorisent pour assurer
B
I. Vala que
JUIN. 1731 . 1211
on
>
que les mots au , auu , auve , en , o
оии , verifient par la situation des lieux
dans le nom desquels il entre une de ces syl
labes , que ces noms viennent de l'ancien
langage Teutonique , parce qu'encore de
nos jours en langage Alleman ces mots si
gnifient un Pré. L'article du Glossaire est
court ; mais il me paroît formel par le
moyen du Texte qu'il allegue de la vie
de S. Colman , où il est parlé ainsi d'une
Eglise bâtie dans une Prairie : Est autem
prope Danubium quædam speciosa et delec
tabilis Augia , in qua noviter constructa
fuit Basilica d'où M. Du Cange a eu bien
raison d'inferer que par Augia il faut en
tendre une Prairie située sur le bord d'u
ne Riviere , ou entourée d'un Fleuve : Au
gia campus pascuus amni adjacens veľ
amne circumfusus , eu Germanico Au vel
Auw. Au-dessus du Village de notre Au
gy , la Plaine devient labourable , et ce
n'est qu'à un quart de lieuë delà que se
trouve le Vaax en question , si toutefois
il faut l'écrire ainsi : car je suis porté à
croire que c'est l'ancien Uno , nom indé
cliné , dont la vie de S. Aunaire , Evêque
d'Auxerre , écrite au VII , ou VIII . siecle,
dit que c'étoit un Village situé tout pro
che Auxerre , dans lequel il y avoit une
Fontaine dont les eaux faisoient bouil
1. Vol "Av lonnet
212 MERCURE DE FRANCE
'onner le sable , et qui étoit de profondeur
à noyer un homme : en effet tout cela se
trouve veritable à Augy , où l'on voit l'u
ne des plus spacieuses sources qui soit bien
loin d'ici.
Au reste, Monsieur , si j'avois été dans le
pays dans le temps de la découverte faite à
Vaux , je m'y serois transporté dès le jour
ou le lendemain , et j'aurois pû vous.en.
rendre un compte plus détaillé. Mais vous
vous ressouviendrez que j'étois alors en
route dans le Berry , tant pour me dé
lasser des fatigues attachées à ma fonction,
que pour vérifier , en chemin faisant , un
point de l'Histoire Ecclesiastique de ce
Diocèse , et éclaircir un endroit de l'His
toire de S. Grégoire de Tours , sur lequel
je crois qu'on a été jusqu'ici dans l'erreur.
Quelque perite qu'ait été la découverte
faite à Vaux, elle a été très - publique dans
le lieu . Le Curé de la Paroisse en est té
moin , aussi bien qu'un grand nombre de .
Paysans ausquels j'ai parlé , et qui sont
tous d'accord sur le fait. Ce n'est point de
ces découvertes controuvées dont on ne
peut montrer les effets , ni produire au
cun témoin , telle est celle * qu'on
Cette prétendu Découverte se trouve dans
le Journal de Verdun , du mois de Novembre
1727 page 3261
ty
La Vol.
JUIN. 1731. 1213
a supposé il y a quelques années avoit été
faite dans un petit Village du Diocèse de
Sens , à quelques lieues d'ici , dans la
quelle tout a été également invisible
Pierre, Inscription et Médailles.Heureuse
ment , Monsieur , ce n'est point votre
Journal qui en a été la duppe. Je plains
ceux qui sont si mal servis , et je suis , &c.
xerre à M. D. L. R. au mois d'Avril
1731. par M.L. B. C. S. sur une Urne
et des Médailles trouvées.
. د ه د ه د د
BadaB& AD
differé à vous d'une
découverte qui fut faite près de cette
Ville la veille de laFête de S. Pierre dernie
"re , c'est- à- dire le 28. Juin 1730. dans le
territoire d'un Village appellé Vaux , à
une lieuë d'ici , sur le bord de la Riviere
d'Yone. Un Laboureur préparant une
terre pour la semaille prochaine , le Soc
de sa Charuë rencontra un ferrement qui
l'arrêta. Il voulut tirer ce ferrement qui
étoit placé perpendiculairement en terre,
mais il ne put en venir à bout qu'en creu
I. Vol.
A iij sant
1208 MERCURE DE FRANCE
sant dans l'endroit ; l'ayant arraché de ce
lieu , il reconnut par le bout qui étoit
plus avant dans la terre , que c'étoit une
fourche de fer à trois fourchons , longue
d'environ deux pieds : elle a depuis été
cassée en trois pieces , et il n'a resté que
le bout des trois fourchons que ce Paysan.
m'a mis entre les mains . On y trouva
aussi un autre Instrument de fer
que je
n'ai pû voir , et qu'il juge avoir servi à
attiser un foyer de charbons . Comme les,
pointes de la fourche aboutissoient à une
grosse pierre , il crut qu'il y avoit cous
cette pierre brute quelque chose de pré
cieux. Mais l'ayant levée , il n'y trouva
d'autre trésor que des cendres , des frag
mens d'une Urne de terre de couleur grise
cendrée , et quelques restes d'Ossemens ,
avec du charbon , er dix Médailles de
Bronze , dont il y en avoit d'épanchées
dans les terres que la pioche remua.
J
Etant allé sur le lieu , je ramassai les
fragmens d'Urne que le Laboureur avoit
méprisez les examinant ensuite , je fus.
assez surpris de trouver parmi ces frag
mens deux morceaux de crâne humain ..
La matiere poreuse qui cause leur legere
té me servit à les distinguer tout aussi
tôt du reste de ce que j'avois ramassé , et
les ayant frottés , je découvris qu'il y en
1. Vol.
JUI N. 1737. 1209
a un qui a encore conservé jusqu'à pre
sent la couleur que le feu lui a donnée
et celui- la sonne comme un morceau de
terre cuite.
A cette occasion j'ai voulu relire ce que
le sçavant Abbé des Thuilleries fit impri
mer contre M. Capperon en 1722. dans
le Mercure de Juin touchant la cessation
de l'usage de bruler les corps humains.
Quoique je ne fusse point porté à suivre
le sentiment de M. Capperon , qui croit
que l'usage de bruler les corps morts n'a
point passé le temps des Antonins , et
que ce furent eux qui l'abrogerent , j'en
suis encore plus éloigné que jamais depuis
cette découverte , et ce qui m'autorise à
préferer le sentiment de M. l'Abbé des
Thuilleries , qui soutient après Kirchman
que la coutume de bruler le corps des
deffunts duroit encore au troisiéme siecle ,
est que le corps qui a été brulé sur le
Rivage oriental de notre Riviere , et dont
j'ai vu les foibles restes , est surement
d'un Payen qui vivoit du temps de Pos
tume. Il est vrai que lorsqu'on eut re
mué la terre de ce lieu , on reconnut
parmi les Médailles qu'on y ramassa qu'il
y en avoit quelques-unes du premier et du
second siecle , mais il s'y en trouva aussi
du troisiéme , et ces dernieres étoient
L. Vol. A iiij
même
1210 MERCURE DE FRANCE
même en plus grand nombre. L'une étoit
de l'Empereur Hadrien , une autre d'An
tonin le Preux , l'une de Marc- Aurele ,
trois des plus effacées qui ont été dissi
pées , je n'ai pû les voir ; mais j'ai recou
vré les quatre principales de cette petite
quantité elles sont toutes de Posthume,
en grand et moyen Bronze , et deux de
celles qui sont en grand Bronze ont pour
Legende LAETITIA AUG. avec le
Vaisseau Prétorien , et de ces deux l'une
est si belle , quoique peu épaisse , qu'on
diroit qu'elle sort des mains de l'Ouvrier,
car le Paysan qui m'a vendu trois de ces
Posthumes , avoit cru bien faire de les
éclaircir et d'en ôter la roüille . Je ne sçai si
ce Vaisseau auroit quelque rapport à la Na
vigation de la Riviere d'Yone. J'en laisse
la décision à d'autres . Permettez que j'ap
puye encore ici en passant un article de la
défense que l'Abbé des Thuilleries a faite
du sentiment de M.Huet , Evêque d'Avran
ches ,sur l'origine du nom d'Eu.Le premier
Village au- dessus d'Auxerre en remontant
le long de la Riviere , à gauche , s'appelle
Augy , et justement c'est un Pays de Plai
ne et de Prairies. C'est donc encore un
exemple qui peut être cité avec les au
tres dont ce sçavant Prélat , aussi-bien que
M. Du Cange , s'autorisent pour assurer
B
I. Vala que
JUIN. 1731 . 1211
on
>
que les mots au , auu , auve , en , o
оии , verifient par la situation des lieux
dans le nom desquels il entre une de ces syl
labes , que ces noms viennent de l'ancien
langage Teutonique , parce qu'encore de
nos jours en langage Alleman ces mots si
gnifient un Pré. L'article du Glossaire est
court ; mais il me paroît formel par le
moyen du Texte qu'il allegue de la vie
de S. Colman , où il est parlé ainsi d'une
Eglise bâtie dans une Prairie : Est autem
prope Danubium quædam speciosa et delec
tabilis Augia , in qua noviter constructa
fuit Basilica d'où M. Du Cange a eu bien
raison d'inferer que par Augia il faut en
tendre une Prairie située sur le bord d'u
ne Riviere , ou entourée d'un Fleuve : Au
gia campus pascuus amni adjacens veľ
amne circumfusus , eu Germanico Au vel
Auw. Au-dessus du Village de notre Au
gy , la Plaine devient labourable , et ce
n'est qu'à un quart de lieuë delà que se
trouve le Vaax en question , si toutefois
il faut l'écrire ainsi : car je suis porté à
croire que c'est l'ancien Uno , nom indé
cliné , dont la vie de S. Aunaire , Evêque
d'Auxerre , écrite au VII , ou VIII . siecle,
dit que c'étoit un Village situé tout pro
che Auxerre , dans lequel il y avoit une
Fontaine dont les eaux faisoient bouil
1. Vol "Av lonnet
212 MERCURE DE FRANCE
'onner le sable , et qui étoit de profondeur
à noyer un homme : en effet tout cela se
trouve veritable à Augy , où l'on voit l'u
ne des plus spacieuses sources qui soit bien
loin d'ici.
Au reste, Monsieur , si j'avois été dans le
pays dans le temps de la découverte faite à
Vaux , je m'y serois transporté dès le jour
ou le lendemain , et j'aurois pû vous.en.
rendre un compte plus détaillé. Mais vous
vous ressouviendrez que j'étois alors en
route dans le Berry , tant pour me dé
lasser des fatigues attachées à ma fonction,
que pour vérifier , en chemin faisant , un
point de l'Histoire Ecclesiastique de ce
Diocèse , et éclaircir un endroit de l'His
toire de S. Grégoire de Tours , sur lequel
je crois qu'on a été jusqu'ici dans l'erreur.
Quelque perite qu'ait été la découverte
faite à Vaux, elle a été très - publique dans
le lieu . Le Curé de la Paroisse en est té
moin , aussi bien qu'un grand nombre de .
Paysans ausquels j'ai parlé , et qui sont
tous d'accord sur le fait. Ce n'est point de
ces découvertes controuvées dont on ne
peut montrer les effets , ni produire au
cun témoin , telle est celle * qu'on
Cette prétendu Découverte se trouve dans
le Journal de Verdun , du mois de Novembre
1727 page 3261
ty
La Vol.
JUIN. 1731. 1213
a supposé il y a quelques années avoit été
faite dans un petit Village du Diocèse de
Sens , à quelques lieues d'ici , dans la
quelle tout a été également invisible
Pierre, Inscription et Médailles.Heureuse
ment , Monsieur , ce n'est point votre
Journal qui en a été la duppe. Je plains
ceux qui sont si mal servis , et je suis , &c.
Fermer
Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Auxerre à M. D. L. R. au mois d'Avril 1731. par M. L. B. C. S. sur une Urne et des Médailles trouvées.
En juin 1730, près de la ville d'Auxerre, un laboureur découvrit une fourche de fer et des fragments d'une urne contenant des ossements humains et des médailles de bronze. Cette découverte eut lieu à Vaux, un village situé à une lieue d'Auxerre, sur le bord de la rivière d'Yonne. L'urne, de couleur grise cendrée, contenait également des cendres et du charbon. Parmi les médailles, certaines datent des premier, deuxième et troisième siècles, avec une majorité du troisième siècle. Notamment, plusieurs médailles de l'empereur Posthume furent trouvées, certaines portant la légende 'LAETITIA AUG.' avec un vaisseau prétorien. L'auteur de la lettre, M. L. B. C. S., examina les fragments de l'urne et identifia des morceaux de crâne humain ayant conservé la couleur du feu. Il mentionne également une controverse entre l'abbé des Thuilleries et M. Capperon concernant la cessation de l'usage de brûler les corps humains, préférant l'opinion de l'abbé selon laquelle cette pratique persistait au troisième siècle. L'auteur évoque aussi l'origine du nom du village d'Augy, situé au-dessus d'Auxerre, et son lien avec le langage teutonique. Il conclut en soulignant la publicité de la découverte à Vaux, confirmée par le curé de la paroisse et plusieurs paysans.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 2053-2066
LETTRE écrite à M. Adam, Medecin, sur la secheresse de la presente année 1731. et sur la maladie des Bestiaux en certains Pays.
Début :
Nous sommes, Monsieur, dans une année distinguée par la secheresse extrême [...]
Mots clefs :
Sécheresse , Bétail domestique, Bêtes fauves, Cerfs, Hiver, Prières publiques, Palestine, Chrétiens, Évêque de Lyon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à M. Adam, Medecin, sur la secheresse de la presente année 1731. et sur la maladie des Bestiaux en certains Pays.
LETTRE écrite à M. Adam, Medecin,
surla secheresse de la presente année 1731 .
et sur la maladie des Bestiaux en certains
Pays.
'Ous sommes , Monsieur , dans une
Narinée distinguée par la secheresse extrême
qui y a regné , et qui y regne encore.
Je ne sçai si nous ne pourrions pas
la comparer à celle dont parle S. Grégoire
de Tours sur la fin de Histoire de
France , et dont il dit : Siccitas immensa
>
fuit que omne pabulum herbarum avertit.
A iij
Cet
2034 MERCURE DE FRANCE
Cet Historien du sixiéme siecle , qui en
fut le témoin, ajoûte que les Quadrupedes
en souffrirent beaucoup , et qu'il en mourut
un si grand nombre , qu'à peine en
resta- t'il pour perpetuer la race , et il
applique à cette occasion ce que dit le
Prophete Habacuc : Abscindetur de ovili
pecus , & c. (a) Il ajoûte que ce ne fut pas
seulement sur le Bétail domestique que
s'étendit le mal , mais encore sur les bêtes
fauves , et qu'on trouvoit dans les Forêts
les Cerfs et autres animaux étendus morts
sur la place .
L'expérience du passé ayant fait craindre
que pareilles choses n'arrivassent de
nos jours , on a sagement prévenu le mal
en plusieurs endroits du Royaume : on
a eu recours aux Intercesseurs qui sont
les Saints , et on s'est mis sous la protection
de ceux qui sont regardez comme les
Tutelaires des Lieux , et il paroît qu'on
s'en est bien trouvé. Une remarque cependant
que quelques- uns ont faite , est
qu'il leur a semblé que les Diocèses dont
S. Etienne est Patron ont été privilegiez
et qu'ils ont eu de la pluye en abondance
(4) Je rapporte ici ce Passage suivant la Vul-
S. Grégoire le cite selon la Version qui
avoit cours dans les Gaules de son temps. Defieient
ab csca oves , Úc.
avánt
SEPTEMBRE . 1731 2055
avant les autres. Il y en a en France au
moins une douzaine ; mais je ne puis cer
tifier le fait qu'à l'égard de deux de ces
Diocèses où je me suis trouvé vers la saint
Jean derniere , dans le temps que ces
pluyes sont venues après la secheresse
commencée au mois de Fevrier . Aussi peutêtre
ne faisoit-on pas des Prieres dans tous,
et peut- être que
dans les lieux où l'on en
faisoit , on n'interroissoit pas également
S. Etienne dans ce qu'on vouloit obtenir .
Ce qu'il y a de certain c'est que depuis la
révelation faite au Prêtre Lucien , dans un
temps de secheresse , que Dieu écouteroit
les Prieres de son Peuple , appuyées de
l'intercession de S. Etienne , et qu'il en
auroit pitié , on a toûjours eu dans l'Eglise
une grande dévotion envers ce saint
Martyr , lorsqu'il a été besoin d'obtenir
la cessation de cette espece de calamité.
Le souvenir de ce qui étoit arrivé au commencement
du V. siecle pendant cette
secheresse d'hyver qui fut si fatale aux
biens de la Terre dans la Palestine , a toûjours
été present à ceux qui lisent l'Histoire
avec attention .
Je prévois dans ce moment que plus
d'une personne seront frappez de ma remarque
; mais je les prie d'observer les
Livres où sont marquées les Prieres pu-
A iiij bliques
056 MERCURE DE FRANCE
bliques de l'Antiquité pour les temps d'af-
Aliction , et ils verront que l'invocation
de S. Etienne y est marquée avec distinc-
´tion . Ce n'est donc pas la faute de nos ancêtres
, si le fait historique d'une pluye
salutaire esperée et obtenue par l'intercession
de S. Etienne , commence à être mise
en oubli . Ils ont toûjours eû soin d'en
inserer quelque chose dans leurs Livres
de l'Office divin , y faisant entrer la Revelation
du Prêtre Lucien , tant en chant
qu'en lecture. Mais depuis que l'on n'en
chante plus rien et qu'on se contente d'en
lire un abregé très- succint , où il n'est
point fait mention de cet évenement , it
est à craindre qu'on n'oublie le fait , ou
du moins qu'on ne l'ait plus si present à
l'esprit .
و
Il en étoit resté quelque vestige dans le
Breviaire de Sens de l'an 1702.à l'Office de
l'Invention deS.Etienne; on s'est fait depuis
ce temps- là un systême qui n'a point permis
que la memoire de ce trait historique
entrât dans l'Office refondu en 1726.Je ne
sçai s'il en sera de même dans toutes les
Eglises. Je tonnois un Chapitre insigne
où il sera difficile d'oublier tout-à-fait
cette ancienne Histoire : l'antiquité des
moyens temps y a pourvû d'une maniere
singuliere ; je ne veux pas la rapporter à
present ,
SETEMBRE. 1731. 2057
present. Au reste Saint Etienne n'est
pas le seul Saint par l'intercession duquel
on ait eu confiance d'obtenir de
la pluye dans les temps de secheresse.
Il paroît seulement qu'il est le premier
dont les Reliques ayent occasionné ce
secours salutaire , et c'est l'époque que.
l'on peut donner à l'antiquité de l'usage
de porter en Procession les Reliques
des Martyrs dans les temps de calamité.
à
Quelques années avant cette désolation
qu'on fixe à l'an 415. la Palestine s'étoit
ressentie d'une semblable affliction. La
secheresse avoit duré dans l'année 394.
ou 395. durant le mois de Die et d'Appellée
, qui sont deux mois de l'hyver
répondant à Novembre et Décembre ,
quelques jours près. Un S. Evêque nouvellement
placé sur le Siege de Gaze , obtint
miraculeusement de la pluye , au
moins pour son Territoire. L'Histoire en
est si curieuse qu'on ne peut la rendre
trop publique en ce temps- cy. Les Idolâtres
de cette Ville étoient allez au Temple
de Marnas , pour y prier et sacrifier ,
croyant que Marnas étoit maître de la
pluye , et qu'il étoit Jupiter même . Ils
continuerent leur chant pendant sept
jours ; mais le voyant sans effet , ils s'en'
retour2058
MERCURE DE FRANCE
retournerent à leurs ouvrages. La vie de
S. Porphyre , Evêque de cette Ville , écrite
par Marc , son Disciple , témoin oculaire ,
rapporte ensuite comment ce saint Prélat
eut le crédit d'obtenir de l'eau du Ciel.
Les Chrétiens , au nombre de 280. étoient
accourus à lui pour le prier de demander
à Dieu la cessation de la secheresse . Il ordonna
d'abord un jeûne , et commanda
qu'on s'assemblat le soir dans la grande
Eglise pour y celebrer les Vigiles , et cette
nuit-là , dit l'Ecrivain qui étoit un des
Diacres , nous y fimes trente Prieres , avec
autant d'agenouillemens , sans compter la
Psalmodie et les Leçons . Le récit de ce
Diacre témoin , appellé Marc , étant trèspropre
à prouver l'antiquité des usages
de l'Eglise Catholique , j'emprunterai ici
ses propres termes . Le matin , continuë- t'il ,
S. Porphyre faisant porter la sainte Croix
devant nous , nous marchames en chantant
des Hymnes vers l'Occident de la Ville , et
allâmes à la vieille Eglise de S. Asclepas
et là nous fimes autant de Prieres que dans
La grande Eglise. Puis nous allâmes à saint
Timothée , où sont les Reliques de sainte
Meure, Martyre, et de sainte Thée, qui a été
mise au nombre des Confesseurs , et y ayant
encore fait autant de Prieres et d'agenowil-
Lemens , nous retournâmes à la Ville ; fil
étoit
SEPTEMBRE. 1731. 2059
étoit trois heures après midi , ) et nous la
trouvâmes fermée; car les Payens vouloient
dissiper la Procession. Nous nous y
tinmes
deux heures sans qu'on voulût nous ouvrir :
et pour lors un vent de midi commença à convrir
le Ciel de nuées , et dès que le Soleilfut
couché, il fit une grosse pluye avec Tonnerre,
et les Payens voyant ce Miracle , nous ouvrirent
et vinrent avec nous à la grande
Eglise , disant : Christ est le seul Dieu. Il
plut donc depuis le buit d'Audynée jusqu'au
dix. (Audynée est le Janvier des Romains ,
hors qu'il commence cinq jours plutôt ,
comme les autres mois. ) L'onze nous celebrâmes
le saint jour de la Théophanie s et
il y eut cent cinq Payens convertis.
Il y a en France une Ville Episcopale
que je connois particulierement , où les
Prieres de cette presente année ont été
reglées à peu près sur le plan de celles
qu'on voit ordonnées par S. Porphire , et .
l'on a eû la consolation d'être exaucé le
lendemain du jeûne qui accompagna la .
ceremonie.
Mais revenons à la mortalité des Bestiaux
. C'est ordinairement la grande secheresse
qui la cause , parce que la secheresse
excessive brûlant l'herbe des Prez , les
animaux se trouvent obligez de brouter
les feuilles des arbres , aux feuilles des-
A vj quels
2060 MERCURE DE FRANCE
quels sont attachez certains Insectes qui
leur sont nuisibles. C'est une expérience
qu'on m'écrit avoir été faite en Bourgogne
au mois de Juin dernier. Elle suffit
ce me semble , pour assurer qu'Agobard,
Evêque de Lyon , avoit grande raison de
se mocquer de ceux qui croyoient de.
son temps que la mortalité qui regna sur
les Bestiaux , venoit d'une certaine poudre
des Maleficiers envoyez par le
Duc de Benevent , répandoient par la
campagne , et que le vent faisoit entrer
dans les narines des Boeufs et des Vaches.
Cette mortalité remarquable arriva en
l'an 810. Il ne faut pas songer à d'autres
causes dans celles qui arrivoient aux temps
de secheresse , qu'aux Insectes attachez
sous les feüillages.
que
Je ne sçai si celle qui arriva sous le
Roi Chilperic I. après la Bataille donnée
à Chateau -Meillan , en Berry , procedoit
d'un pareil principe ; elle fut si grande ,
au rapport de Gregoire de Tours , qu'après
qu'elle eut cessé , on regardoit comme
une chose merveilleuse de trouver une
Vache ou un Cheval sur pied . Sigebert
marque aussi dans sa Chronique à l'an
1137. qu'il y eut une si grande secheresse
en France , que de memoire d'homme
on n'en n'avoit vû de semblable. Il dit
qu'elle
SEPTEMBRE. 1731. 206
qu'elle fit tarir les Fontaines , les Puits ,
et même des Rivieres ; mais il n'ajoûte
pas si elle fut suivie d'aucune mortalité.
Il paroît que les paroles de l'Antiennedu
vieil Office de S. Etienne conviendroient
à merveille en ces ocsasions , et
qu'on peut les adresser à ceux dont il dépendroit
d'obtenir de la pluye par l'intercession
des Saints , mais qui moins diligens.
que S.Porphyre de Gaze , differeroient de
prendre cette voye. Nonne vides quanta
sit siccitas et tribulatio in toto mundo , et tu
negligenter agis ? On connoît à ce langage
alec'est le vieillard Gamaliel qui reprend
Lucien , de la négligence qu'il apportoit à
Gire proceder à la découverte du Corps de
S. Etienne , dont on attendoit le soulageanent
qui étoit si necessaire.J'ai trouvé ces
paroles dans les anciens Breviaires de Langres
et de Toul ; mais il y a une autre Eglise
queje ne veux pas nommer, où l'on chante
Cette Antienne avec une particularité qui
Rous divertira. Comme c'est le soir du
second jour d'Août , veille de l'Invention
de S. Etienne , l'un des Patrons de cette
Eglise, que cette Antienne se présente dans
l'Office , et que c'est au troisiéme Nocturne
,temps auquel la saison permet d'avoir
le gosier desseché après avoir déja chanté
deux grands Nocturnes ; on m'a assuré
qu'aussi-
1
1
2062 MERCURE DE FRANCE
qu'aussi - tôt et à l'instant que cette Antienne
est notifiée ou intimée , arrivent
au Choeur des Bedeaux ou Huissiers d'Eglise
avec des brocs de vin et des tasses .
et qu'ils y font la ronde , en offrant du
vin à tous ceux du Clergé qui en souhaitent
; bien plus , que selon la maxime ne
potus noceat , une ou deux autres personnes
portent sur un bassin des Biscuits ou
des Macarons, et en présentent à ceux qui
veulent redoubler. C'est ainsi que la gran
de secheresse ou chaleur causée au palais
par le chant , se trouve fort à propos hu
mectée et agréablement rafraîchie. Com
me je n'approfondis pas beaucoup les Ru
briques , je ne me suis pas informé si le
Breviaire ou l'Antiphonier marque dupli-,
catur à cette Antienne ; je crois cependant
que non , parce que c'est un Chapitre où
F'on ne suit pas le Breviaire Romain .
Je parierois bien , Monsieur , qu'en lisant
cecy , vous en faites l'application à
quelque Chapitre de l'Allemagne. Si cela
est , je puis vous certifier que vous vous
trompez. Mais je connois une autre pratique
usitée dans les Eglises de la Campagne
du côté de cette Region . Les Sta
Legian 1604*
tuts Synodaux de Metz de l'an 1604
m'ont donné occasion d'en être instruita
Par un article de ces Statuts , il est enjointaux
SEPTEMBRE. 1751. 2063
aux Curez , ut aboleant profana tonitrualia
festa cum paganismum redoleant , cæterasque
vanas observationes pro curandis et conservandis
pecoribus. Remarquez en passant
que les bestiaux sont toûjours en butte à
quelque adversité , que les soins ingénieux
des Paysans sçavent détourner ou faire cesser,
autant qu'il est en eux. Je ne pouvois
deviner ce que c'étoient que ces Fêtes Tonitruales,
qui paroissent influer sur la conservation
des bestiaux, mais j'en ai eu d'expli
cation d'une personne très - versée dans
toute l'Antiquité, et principalement dang
celle du Pays Messin et des environs.
Ce Sçavant m'a écrit que cette cere
monie s'appelle la Fête du Tonnerre: qu'elle
a été abolie presque par tout le Diocèse ,
mais que le voisinage du Diocèse de Tré
ves est cause qu'on n'a pû l'abolir entierement
dans le canton du Diocèse de
Metz , qui confine avec l'Allemagne , et
qu'elle est réservée dans quelques Paroisses
de ces quartiers- là . Cette Fête consiste
à celebrer certains jours de l'année
avec son des Cloches , Messe haute et avec
plusieurs ceremonies superstitieuses dif
ferentes , selon les lieux . On croit que
par ce moyen l'on est préservé du Tonnerre
, et qu'il tomberoit infailliblement
sur le lieu , si l'on n'y celebroit pas cette
Fête.
2064 MERCURE DE FRANCE
Fête .C'est un usage commun dans les Dio
cèses de Tréves , de Spire , de Cologne, de
Mayence , & c L'ancien Calendrier des
Romains , quoique rempli de Fêtes , n'avoit
point celle - la. Il peut se faire qu'elle
ait eu une origine pieuse dans le Christianisme
, et que dans la suite on ait dégeneré.
Le Méteore du Tonnerre étant
inconcevable dans ces effets , est souvent
nuisible , non -seulement aux animaux de
la Campagne , mais encore aux Hommes
et aux Edifices. Il est cependant hors de
toute apparence de croire que jamais il
ne tombe dans les Diocèses que je viens
de nommer , quoiqu'on y soit exact à
celebrer sa Fête ; il est , au contraire, certain
que de tant de milliers de Paroisses
qu'il y a en France où l'on ne la celebre
pas , à peine y en a- t'il vingt ou trente
par an qui ayent le malheur d'en être
frappées.
Je ne vous celerai point, Monsieur, que
quoiqu'on passe pour être plus éclairé en
France qu'on ne l'est en Allemagne , j'ai
trouvé des Villages en Champagne , où
les Paysans ont la même idée de certains
de nos Saints , que les Payens de la Ville
de Gaze avoient de l'Idole Marnas , dont
je vous ai parlé. Il y a de ces Villages où
l'on croit bonnement que S. Abdon
Martyr
SEPTEMBRE. 1731. 206)
Martyr de la Perse , du trente Juillet ,
est Maître du Tonnerre , et qu'il . en
peut disposer comme il lui plaît. C'est
pour cela , me disoit un jour un de ces
Paysans , c'est pour cela que notre Curé ne
manque jamais defaire la Fête de S. Abdon
de bonne heure ; il en fait grande solemnité
dans l'Octave de la Fête - Dieu , avant que
les grandes chaleurs viennent ; et personne ne
se dispense de venir ce jour-la au Service.
Encore si c'étoit de S. Jacques le Majeur
qu'ils eussent cette idée , ou de S. Jean
Evangeliste son frere , on diroit que cela
a quelque fondement dans le langage de
l'Evangile ; mais je vous avoue mon ignorance
touchant le rapport qu'a S. Abdon
avec le Tonnerre. c'est dommage que
S. Ceadde , Evêque de Lindisfarne , dont
parle le venerable Bede , n'ait pas sçû
le secret de nos Diocèses Allemans ; il se
seroit tenu fort tranquille lorsqu'il tonnoit
, lui , qui non - seulement se mettoit
alors en priere , mais y faisoit encore met.
tre les autres.
Au reste , Monsieur , quoique j'aye
attribué cy-dessus aux grandes secheresses
la mortalité des Bestiaux , je ne prétends
pas qu'elle en soit la seule cause .
On en a vû quelquefois artiver en des
années communes ; et même dans les
Pays2066
MERCURE DE FRANCE
Pays-Bas ,où les Canaux empêchent que les
Prez ne deviennent jamais si arides qu'en
France , les Bestiaux y meurent souvent
comme ailleurs ; mais ce qui doit être remarqué,
est que lorsque la maladie se met
sur ces animaux , les Religionnaires accourent
comme les Catholiques aux lieux de
dévotion , et viennent implorer l'intercession
des Saints ; Multiplicate sunt infirmitates
eorum ; postea acceleraverunt . Autour
de Bruxelles , c'est sainte Vivine , premiere
Abbesse du Grand Bigard , qu'on
invoque pour cela , comme étant l'une
des Tutelaires du Pays. Dom Martene
rapporte dans son second Voyage Litteraire
, qu'au mois de Juillet de l'année
1718. un Hollandois à qui il étoit mort
vingt- quatre Bestiaux , et à qui il en restoit
seize malades , étant venu demander
leur guérison à cette Sainte , les trouva
tous parfaitement guéris à son retour . Il
admira la vertu de la Sainte et reconnut
que dans sa Secte on ne trouve point de
si habiles Medecins. Il ne dit point si ce
Hollandois se convertit , comme firent les
Habitans de la Ville de Gaze. C'est peutêtre
ce qu'il n'avoit pas demandé , ou
plutôt ce qu'il auroit fort apprehendê.
Je suis , &c.
Ce dernier Juillet , jour du grand S. Ger
main d'Auxerre 1731 .
surla secheresse de la presente année 1731 .
et sur la maladie des Bestiaux en certains
Pays.
'Ous sommes , Monsieur , dans une
Narinée distinguée par la secheresse extrême
qui y a regné , et qui y regne encore.
Je ne sçai si nous ne pourrions pas
la comparer à celle dont parle S. Grégoire
de Tours sur la fin de Histoire de
France , et dont il dit : Siccitas immensa
>
fuit que omne pabulum herbarum avertit.
A iij
Cet
2034 MERCURE DE FRANCE
Cet Historien du sixiéme siecle , qui en
fut le témoin, ajoûte que les Quadrupedes
en souffrirent beaucoup , et qu'il en mourut
un si grand nombre , qu'à peine en
resta- t'il pour perpetuer la race , et il
applique à cette occasion ce que dit le
Prophete Habacuc : Abscindetur de ovili
pecus , & c. (a) Il ajoûte que ce ne fut pas
seulement sur le Bétail domestique que
s'étendit le mal , mais encore sur les bêtes
fauves , et qu'on trouvoit dans les Forêts
les Cerfs et autres animaux étendus morts
sur la place .
L'expérience du passé ayant fait craindre
que pareilles choses n'arrivassent de
nos jours , on a sagement prévenu le mal
en plusieurs endroits du Royaume : on
a eu recours aux Intercesseurs qui sont
les Saints , et on s'est mis sous la protection
de ceux qui sont regardez comme les
Tutelaires des Lieux , et il paroît qu'on
s'en est bien trouvé. Une remarque cependant
que quelques- uns ont faite , est
qu'il leur a semblé que les Diocèses dont
S. Etienne est Patron ont été privilegiez
et qu'ils ont eu de la pluye en abondance
(4) Je rapporte ici ce Passage suivant la Vul-
S. Grégoire le cite selon la Version qui
avoit cours dans les Gaules de son temps. Defieient
ab csca oves , Úc.
avánt
SEPTEMBRE . 1731 2055
avant les autres. Il y en a en France au
moins une douzaine ; mais je ne puis cer
tifier le fait qu'à l'égard de deux de ces
Diocèses où je me suis trouvé vers la saint
Jean derniere , dans le temps que ces
pluyes sont venues après la secheresse
commencée au mois de Fevrier . Aussi peutêtre
ne faisoit-on pas des Prieres dans tous,
et peut- être que
dans les lieux où l'on en
faisoit , on n'interroissoit pas également
S. Etienne dans ce qu'on vouloit obtenir .
Ce qu'il y a de certain c'est que depuis la
révelation faite au Prêtre Lucien , dans un
temps de secheresse , que Dieu écouteroit
les Prieres de son Peuple , appuyées de
l'intercession de S. Etienne , et qu'il en
auroit pitié , on a toûjours eu dans l'Eglise
une grande dévotion envers ce saint
Martyr , lorsqu'il a été besoin d'obtenir
la cessation de cette espece de calamité.
Le souvenir de ce qui étoit arrivé au commencement
du V. siecle pendant cette
secheresse d'hyver qui fut si fatale aux
biens de la Terre dans la Palestine , a toûjours
été present à ceux qui lisent l'Histoire
avec attention .
Je prévois dans ce moment que plus
d'une personne seront frappez de ma remarque
; mais je les prie d'observer les
Livres où sont marquées les Prieres pu-
A iiij bliques
056 MERCURE DE FRANCE
bliques de l'Antiquité pour les temps d'af-
Aliction , et ils verront que l'invocation
de S. Etienne y est marquée avec distinc-
´tion . Ce n'est donc pas la faute de nos ancêtres
, si le fait historique d'une pluye
salutaire esperée et obtenue par l'intercession
de S. Etienne , commence à être mise
en oubli . Ils ont toûjours eû soin d'en
inserer quelque chose dans leurs Livres
de l'Office divin , y faisant entrer la Revelation
du Prêtre Lucien , tant en chant
qu'en lecture. Mais depuis que l'on n'en
chante plus rien et qu'on se contente d'en
lire un abregé très- succint , où il n'est
point fait mention de cet évenement , it
est à craindre qu'on n'oublie le fait , ou
du moins qu'on ne l'ait plus si present à
l'esprit .
و
Il en étoit resté quelque vestige dans le
Breviaire de Sens de l'an 1702.à l'Office de
l'Invention deS.Etienne; on s'est fait depuis
ce temps- là un systême qui n'a point permis
que la memoire de ce trait historique
entrât dans l'Office refondu en 1726.Je ne
sçai s'il en sera de même dans toutes les
Eglises. Je tonnois un Chapitre insigne
où il sera difficile d'oublier tout-à-fait
cette ancienne Histoire : l'antiquité des
moyens temps y a pourvû d'une maniere
singuliere ; je ne veux pas la rapporter à
present ,
SETEMBRE. 1731. 2057
present. Au reste Saint Etienne n'est
pas le seul Saint par l'intercession duquel
on ait eu confiance d'obtenir de
la pluye dans les temps de secheresse.
Il paroît seulement qu'il est le premier
dont les Reliques ayent occasionné ce
secours salutaire , et c'est l'époque que.
l'on peut donner à l'antiquité de l'usage
de porter en Procession les Reliques
des Martyrs dans les temps de calamité.
à
Quelques années avant cette désolation
qu'on fixe à l'an 415. la Palestine s'étoit
ressentie d'une semblable affliction. La
secheresse avoit duré dans l'année 394.
ou 395. durant le mois de Die et d'Appellée
, qui sont deux mois de l'hyver
répondant à Novembre et Décembre ,
quelques jours près. Un S. Evêque nouvellement
placé sur le Siege de Gaze , obtint
miraculeusement de la pluye , au
moins pour son Territoire. L'Histoire en
est si curieuse qu'on ne peut la rendre
trop publique en ce temps- cy. Les Idolâtres
de cette Ville étoient allez au Temple
de Marnas , pour y prier et sacrifier ,
croyant que Marnas étoit maître de la
pluye , et qu'il étoit Jupiter même . Ils
continuerent leur chant pendant sept
jours ; mais le voyant sans effet , ils s'en'
retour2058
MERCURE DE FRANCE
retournerent à leurs ouvrages. La vie de
S. Porphyre , Evêque de cette Ville , écrite
par Marc , son Disciple , témoin oculaire ,
rapporte ensuite comment ce saint Prélat
eut le crédit d'obtenir de l'eau du Ciel.
Les Chrétiens , au nombre de 280. étoient
accourus à lui pour le prier de demander
à Dieu la cessation de la secheresse . Il ordonna
d'abord un jeûne , et commanda
qu'on s'assemblat le soir dans la grande
Eglise pour y celebrer les Vigiles , et cette
nuit-là , dit l'Ecrivain qui étoit un des
Diacres , nous y fimes trente Prieres , avec
autant d'agenouillemens , sans compter la
Psalmodie et les Leçons . Le récit de ce
Diacre témoin , appellé Marc , étant trèspropre
à prouver l'antiquité des usages
de l'Eglise Catholique , j'emprunterai ici
ses propres termes . Le matin , continuë- t'il ,
S. Porphyre faisant porter la sainte Croix
devant nous , nous marchames en chantant
des Hymnes vers l'Occident de la Ville , et
allâmes à la vieille Eglise de S. Asclepas
et là nous fimes autant de Prieres que dans
La grande Eglise. Puis nous allâmes à saint
Timothée , où sont les Reliques de sainte
Meure, Martyre, et de sainte Thée, qui a été
mise au nombre des Confesseurs , et y ayant
encore fait autant de Prieres et d'agenowil-
Lemens , nous retournâmes à la Ville ; fil
étoit
SEPTEMBRE. 1731. 2059
étoit trois heures après midi , ) et nous la
trouvâmes fermée; car les Payens vouloient
dissiper la Procession. Nous nous y
tinmes
deux heures sans qu'on voulût nous ouvrir :
et pour lors un vent de midi commença à convrir
le Ciel de nuées , et dès que le Soleilfut
couché, il fit une grosse pluye avec Tonnerre,
et les Payens voyant ce Miracle , nous ouvrirent
et vinrent avec nous à la grande
Eglise , disant : Christ est le seul Dieu. Il
plut donc depuis le buit d'Audynée jusqu'au
dix. (Audynée est le Janvier des Romains ,
hors qu'il commence cinq jours plutôt ,
comme les autres mois. ) L'onze nous celebrâmes
le saint jour de la Théophanie s et
il y eut cent cinq Payens convertis.
Il y a en France une Ville Episcopale
que je connois particulierement , où les
Prieres de cette presente année ont été
reglées à peu près sur le plan de celles
qu'on voit ordonnées par S. Porphire , et .
l'on a eû la consolation d'être exaucé le
lendemain du jeûne qui accompagna la .
ceremonie.
Mais revenons à la mortalité des Bestiaux
. C'est ordinairement la grande secheresse
qui la cause , parce que la secheresse
excessive brûlant l'herbe des Prez , les
animaux se trouvent obligez de brouter
les feuilles des arbres , aux feuilles des-
A vj quels
2060 MERCURE DE FRANCE
quels sont attachez certains Insectes qui
leur sont nuisibles. C'est une expérience
qu'on m'écrit avoir été faite en Bourgogne
au mois de Juin dernier. Elle suffit
ce me semble , pour assurer qu'Agobard,
Evêque de Lyon , avoit grande raison de
se mocquer de ceux qui croyoient de.
son temps que la mortalité qui regna sur
les Bestiaux , venoit d'une certaine poudre
des Maleficiers envoyez par le
Duc de Benevent , répandoient par la
campagne , et que le vent faisoit entrer
dans les narines des Boeufs et des Vaches.
Cette mortalité remarquable arriva en
l'an 810. Il ne faut pas songer à d'autres
causes dans celles qui arrivoient aux temps
de secheresse , qu'aux Insectes attachez
sous les feüillages.
que
Je ne sçai si celle qui arriva sous le
Roi Chilperic I. après la Bataille donnée
à Chateau -Meillan , en Berry , procedoit
d'un pareil principe ; elle fut si grande ,
au rapport de Gregoire de Tours , qu'après
qu'elle eut cessé , on regardoit comme
une chose merveilleuse de trouver une
Vache ou un Cheval sur pied . Sigebert
marque aussi dans sa Chronique à l'an
1137. qu'il y eut une si grande secheresse
en France , que de memoire d'homme
on n'en n'avoit vû de semblable. Il dit
qu'elle
SEPTEMBRE. 1731. 206
qu'elle fit tarir les Fontaines , les Puits ,
et même des Rivieres ; mais il n'ajoûte
pas si elle fut suivie d'aucune mortalité.
Il paroît que les paroles de l'Antiennedu
vieil Office de S. Etienne conviendroient
à merveille en ces ocsasions , et
qu'on peut les adresser à ceux dont il dépendroit
d'obtenir de la pluye par l'intercession
des Saints , mais qui moins diligens.
que S.Porphyre de Gaze , differeroient de
prendre cette voye. Nonne vides quanta
sit siccitas et tribulatio in toto mundo , et tu
negligenter agis ? On connoît à ce langage
alec'est le vieillard Gamaliel qui reprend
Lucien , de la négligence qu'il apportoit à
Gire proceder à la découverte du Corps de
S. Etienne , dont on attendoit le soulageanent
qui étoit si necessaire.J'ai trouvé ces
paroles dans les anciens Breviaires de Langres
et de Toul ; mais il y a une autre Eglise
queje ne veux pas nommer, où l'on chante
Cette Antienne avec une particularité qui
Rous divertira. Comme c'est le soir du
second jour d'Août , veille de l'Invention
de S. Etienne , l'un des Patrons de cette
Eglise, que cette Antienne se présente dans
l'Office , et que c'est au troisiéme Nocturne
,temps auquel la saison permet d'avoir
le gosier desseché après avoir déja chanté
deux grands Nocturnes ; on m'a assuré
qu'aussi-
1
1
2062 MERCURE DE FRANCE
qu'aussi - tôt et à l'instant que cette Antienne
est notifiée ou intimée , arrivent
au Choeur des Bedeaux ou Huissiers d'Eglise
avec des brocs de vin et des tasses .
et qu'ils y font la ronde , en offrant du
vin à tous ceux du Clergé qui en souhaitent
; bien plus , que selon la maxime ne
potus noceat , une ou deux autres personnes
portent sur un bassin des Biscuits ou
des Macarons, et en présentent à ceux qui
veulent redoubler. C'est ainsi que la gran
de secheresse ou chaleur causée au palais
par le chant , se trouve fort à propos hu
mectée et agréablement rafraîchie. Com
me je n'approfondis pas beaucoup les Ru
briques , je ne me suis pas informé si le
Breviaire ou l'Antiphonier marque dupli-,
catur à cette Antienne ; je crois cependant
que non , parce que c'est un Chapitre où
F'on ne suit pas le Breviaire Romain .
Je parierois bien , Monsieur , qu'en lisant
cecy , vous en faites l'application à
quelque Chapitre de l'Allemagne. Si cela
est , je puis vous certifier que vous vous
trompez. Mais je connois une autre pratique
usitée dans les Eglises de la Campagne
du côté de cette Region . Les Sta
Legian 1604*
tuts Synodaux de Metz de l'an 1604
m'ont donné occasion d'en être instruita
Par un article de ces Statuts , il est enjointaux
SEPTEMBRE. 1751. 2063
aux Curez , ut aboleant profana tonitrualia
festa cum paganismum redoleant , cæterasque
vanas observationes pro curandis et conservandis
pecoribus. Remarquez en passant
que les bestiaux sont toûjours en butte à
quelque adversité , que les soins ingénieux
des Paysans sçavent détourner ou faire cesser,
autant qu'il est en eux. Je ne pouvois
deviner ce que c'étoient que ces Fêtes Tonitruales,
qui paroissent influer sur la conservation
des bestiaux, mais j'en ai eu d'expli
cation d'une personne très - versée dans
toute l'Antiquité, et principalement dang
celle du Pays Messin et des environs.
Ce Sçavant m'a écrit que cette cere
monie s'appelle la Fête du Tonnerre: qu'elle
a été abolie presque par tout le Diocèse ,
mais que le voisinage du Diocèse de Tré
ves est cause qu'on n'a pû l'abolir entierement
dans le canton du Diocèse de
Metz , qui confine avec l'Allemagne , et
qu'elle est réservée dans quelques Paroisses
de ces quartiers- là . Cette Fête consiste
à celebrer certains jours de l'année
avec son des Cloches , Messe haute et avec
plusieurs ceremonies superstitieuses dif
ferentes , selon les lieux . On croit que
par ce moyen l'on est préservé du Tonnerre
, et qu'il tomberoit infailliblement
sur le lieu , si l'on n'y celebroit pas cette
Fête.
2064 MERCURE DE FRANCE
Fête .C'est un usage commun dans les Dio
cèses de Tréves , de Spire , de Cologne, de
Mayence , & c L'ancien Calendrier des
Romains , quoique rempli de Fêtes , n'avoit
point celle - la. Il peut se faire qu'elle
ait eu une origine pieuse dans le Christianisme
, et que dans la suite on ait dégeneré.
Le Méteore du Tonnerre étant
inconcevable dans ces effets , est souvent
nuisible , non -seulement aux animaux de
la Campagne , mais encore aux Hommes
et aux Edifices. Il est cependant hors de
toute apparence de croire que jamais il
ne tombe dans les Diocèses que je viens
de nommer , quoiqu'on y soit exact à
celebrer sa Fête ; il est , au contraire, certain
que de tant de milliers de Paroisses
qu'il y a en France où l'on ne la celebre
pas , à peine y en a- t'il vingt ou trente
par an qui ayent le malheur d'en être
frappées.
Je ne vous celerai point, Monsieur, que
quoiqu'on passe pour être plus éclairé en
France qu'on ne l'est en Allemagne , j'ai
trouvé des Villages en Champagne , où
les Paysans ont la même idée de certains
de nos Saints , que les Payens de la Ville
de Gaze avoient de l'Idole Marnas , dont
je vous ai parlé. Il y a de ces Villages où
l'on croit bonnement que S. Abdon
Martyr
SEPTEMBRE. 1731. 206)
Martyr de la Perse , du trente Juillet ,
est Maître du Tonnerre , et qu'il . en
peut disposer comme il lui plaît. C'est
pour cela , me disoit un jour un de ces
Paysans , c'est pour cela que notre Curé ne
manque jamais defaire la Fête de S. Abdon
de bonne heure ; il en fait grande solemnité
dans l'Octave de la Fête - Dieu , avant que
les grandes chaleurs viennent ; et personne ne
se dispense de venir ce jour-la au Service.
Encore si c'étoit de S. Jacques le Majeur
qu'ils eussent cette idée , ou de S. Jean
Evangeliste son frere , on diroit que cela
a quelque fondement dans le langage de
l'Evangile ; mais je vous avoue mon ignorance
touchant le rapport qu'a S. Abdon
avec le Tonnerre. c'est dommage que
S. Ceadde , Evêque de Lindisfarne , dont
parle le venerable Bede , n'ait pas sçû
le secret de nos Diocèses Allemans ; il se
seroit tenu fort tranquille lorsqu'il tonnoit
, lui , qui non - seulement se mettoit
alors en priere , mais y faisoit encore met.
tre les autres.
Au reste , Monsieur , quoique j'aye
attribué cy-dessus aux grandes secheresses
la mortalité des Bestiaux , je ne prétends
pas qu'elle en soit la seule cause .
On en a vû quelquefois artiver en des
années communes ; et même dans les
Pays2066
MERCURE DE FRANCE
Pays-Bas ,où les Canaux empêchent que les
Prez ne deviennent jamais si arides qu'en
France , les Bestiaux y meurent souvent
comme ailleurs ; mais ce qui doit être remarqué,
est que lorsque la maladie se met
sur ces animaux , les Religionnaires accourent
comme les Catholiques aux lieux de
dévotion , et viennent implorer l'intercession
des Saints ; Multiplicate sunt infirmitates
eorum ; postea acceleraverunt . Autour
de Bruxelles , c'est sainte Vivine , premiere
Abbesse du Grand Bigard , qu'on
invoque pour cela , comme étant l'une
des Tutelaires du Pays. Dom Martene
rapporte dans son second Voyage Litteraire
, qu'au mois de Juillet de l'année
1718. un Hollandois à qui il étoit mort
vingt- quatre Bestiaux , et à qui il en restoit
seize malades , étant venu demander
leur guérison à cette Sainte , les trouva
tous parfaitement guéris à son retour . Il
admira la vertu de la Sainte et reconnut
que dans sa Secte on ne trouve point de
si habiles Medecins. Il ne dit point si ce
Hollandois se convertit , comme firent les
Habitans de la Ville de Gaze. C'est peutêtre
ce qu'il n'avoit pas demandé , ou
plutôt ce qu'il auroit fort apprehendê.
Je suis , &c.
Ce dernier Juillet , jour du grand S. Ger
main d'Auxerre 1731 .
Fermer
Résumé : LETTRE écrite à M. Adam, Medecin, sur la secheresse de la presente année 1731. et sur la maladie des Bestiaux en certains Pays.
La lettre adressée à M. Adam, médecin, discute de la sécheresse extrême de l'année 1731 et de la maladie des bestiaux dans certains pays. L'auteur compare cette sécheresse à celle décrite par Grégoire de Tours au VIe siècle, qui avait causé une grande mortalité parmi les animaux. Pour prévenir cette catastrophe, des prières ont été adressées aux saints protecteurs des lieux, notamment saint Étienne, dont les intercessions ont été jugées efficaces dans plusieurs diocèses. Des pratiques anciennes, comme les processions avec les reliques des martyrs, étaient également utilisées pour obtenir de la pluie en temps de sécheresse. La lettre mentionne l'exemple de saint Porphyre à Gaza, qui avait obtenu de la pluie par des prières et des jeûnes. La mortalité des bestiaux est souvent causée par la sécheresse excessive, qui les force à manger des feuilles d'arbres infestées d'insectes nuisibles. Le texte évoque également une fête célébrée dans plusieurs diocèses allemands, comme Trèves, Spire, Cologne et Mayence, visant à se protéger du tonnerre. Ce phénomène météorologique, nuisible aux animaux, aux hommes et aux édifices, est perçu différemment selon les régions. En France, malgré la célébration de cette fête dans certains diocèses allemands, le tonnerre frappe rarement ces lieux, contrairement à certaines paroisses françaises où il cause des dommages. L'auteur mentionne des croyances populaires en Champagne, où les paysans attribuent à Saint Abdon, martyr perse, le pouvoir de contrôler le tonnerre. Cette croyance est comparée à celle des païens de Gaza concernant l'idole Marnas. L'auteur exprime son ignorance quant au lien entre Saint Abdon et le tonnerre et regrette que Saint Cuthbert, évêque de Lindisfarne, n'ait pas connu ces croyances pour se protéger du tonnerre. La lettre aborde également la mortalité des bestiaux, attribuée non seulement aux grandes sécheresses mais aussi à d'autres causes. En Belgique, les religionnaires invoquent sainte Vivine pour guérir leurs animaux malades. Un Hollandais, ayant perdu vingt-quatre bestiaux et en ayant seize malades, les retrouva guéris après avoir imploré sainte Vivine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 2969-2979
LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet du Provençal qui a combattu le Livre du P. le Brun sur la Comédie, avec quelques Remarques sur un des Discours de M. l'Abbé Fleury, nouvellement imprimé.
Début :
Ce n'est pas , Monsieur , un si grand mal que vous pourriez le penser [...]
Mots clefs :
Comédie, Spectacles, Neutralité littéraire, Langue vulgaire, Piété chrétienne, Messe, Prologue
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet du Provençal qui a combattu le Livre du P. le Brun sur la Comédie, avec quelques Remarques sur un des Discours de M. l'Abbé Fleury, nouvellement imprimé.
LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet
du Provençal qui a combattu le Livre
du P. le Brun sur la Comédie , avec quetques
Remarques sur un des Discours de
M. l'Abbé Fleury , nouvellement im--
primé.
E n'est pas , Monsieur , un si grand
Cmal que vous pourriez le penser
ވ
que le Livre du Pere le Brun contre la
Comédie ait irrité la personne qui vous a
écrit de Marseille , et que dans la Lettre
qu'il a composée à cette occasion , et
qu'un esprit de neutralité litteraire vous
a fait insérer dans le Mercure d'Août
dernier , il se déclare en faveur de ce que
II..Vol CT le
2970 MERCURE DE FRANCE
7
le P: le Brun condamne. Outre l'Extraitque
le Journal des Sçavans du mois de
Septembre dernier a fait d'un Sermon
que prêcha autrefois l'Abbé Anselme
contre les Spectacles , et qui servit en
particulier contre la Comédie , voilà
M. l'Abbé Fleury qui vient au secours du
docte Oratorien . Le Sçavant , qui de
tems en tems fait présent au Public de
Mémoires choisis de Litterature et d'Histoire
, vient de publier un volume , dans ,
lequel on voit assez les sentimens de cecélébre
Historien Ecclésiastique. C'est
son Discours sur la Poesie des Hebreux ..
Comme ces Mémoires ne sont peut-être
pas si communément répandus que l'est
votre Journal , vous pourriez en extraire .
l'endroit que je vous indique , qui commence
à la page 71. du onzième volume
de cette continuation . La lecture que je
viens d'en faire m'a véritablement édifié ;
j'y reconnois par tout le caractere de sincerité
et de pieté qui releve si noblement
les Ouvrages de cet illustre Abbé , et qui
les fait préférer à tous ces Ecrivains , done.
le style montre souvent plus de brillant
qu'il ne renferme de solidité.
܂
Je ne puis cependant , Monsieur ;
m'empêcher de vous faire part d'une
observation que j'ai faite sur ce qui se lit
11. Vol . dans
DECEMBRE . 1731 2971
page
dáns le même Discours au haut de la
74. » On ne voit point , dit M. l'Abbé
» Fleury , qu'on ait fait en ces tems -là
vers le x11 . et XIII . siécles ) des Poësies
» vulgaires pour honorer Dieu , ou pour
» exciter à la pieté , si ce n'est que l'on
» veüille mettre en ce rang certaines
> chansons très- vieilles , dont le petit
» peuple conserve encore quelque mé
moire , et les Noëls que Pon trouve
encore écrits.Cette proposition de l'Auteur
du Discours ne me paroît point exac
tement véritable. Comme il m'a passé
par les mains une infinité de Manuscrits
du XII. et XII. siécles , je suis bien assûré
d'avoir vû de la Poësie en Langue vulgaire
sur des sujets pieux , qui étoit d'une
écriture du treizième siècle , & quid
pouvoit avoir été composée à la fin du
douzième , et cette Poësie ne consiste
point en chansons , dont le peuple se
ressouvienne encore , ni à plus forte rai
son en Noëls.
J'ai trouvé en Picardie un Manuscrit
in- 12 . du treiziéme siécle , entiérements
en Vers françois , dont la premiere moi
tié , car il est sans commencement , m'a
parû contenir une Critique ou censure
des abus ou des moeurs corrompues de ce:
tems- là , avec plusieurs éloges des anciens
C.vjj H. Vol .
2972 MERCURE DE FRANCE
modéles de la piété chrétienne . Je ne
puis vous dépeindre la forme du caractere
de ce volume , qui ressent tout- àfait
le siécle que je vous ai nommé : mais
Vous pouvez juger de l'antiquité de la
composition du Livre , par les morceaux
que j'en extrairai . Voici , par exemple, une
des Strophes de l'éloge qui y est fait du
saint homme Job. J'userai de points , de
virgules , et d'apostrophes , pour faciliter
l'intelligence du sens de ces Vers : il n'y
en a point dans l'Original.
Job de richoise pas n'usa ,
Si com ti siécles en us a ,
Car plusor malement en usént 3 :
Job au monde pas ne nuisa
Job tous malvais us desusa :
>
Mais or en vois -je moult qui nuifent ,,
Qui por des malvais us desusent ,
Pres tout honor faire refusent ;
Mais Job onques nel refusa :
Si voi moult de chiaux qui s'escusent
De che dont lor coër les accusent ,
Mais oncques Job ne s'escusa.
Après l'Explicit de la premiere partie.
de ce volume , on lit cette Rubrique
Chi se commenche li Livres là on reprent.
U.Vol.
les
DECEMBRE 1731 297
tes, vices et loë les vertus , et est miserere mei
Deus. La premiere Strophe commence.c
effet
par
Miserere mei Deus ,
Car longement je me suis teus.
Voici la morale qui se lit touchant l'aus
mône vers le milieu de ce Livre ?
Qui done aumosne , il se désdete , *
Car aumosne est et dons et déte :
Mais Diex n'en rechut onques une
Ne quidiés pas qu'il en promete
Guerredon , s'ele de main nete
Ne vient , & de nete pécune.
Qui envers son proisme (a) a rancune-
Diex voit sa conscience brune ,
Et par ce s'aumosne ( 6 ) degete :
Et se autrui talt rien aucune ( c) .
Ne lui valt s'aumosne une prune
Mais là ou l'a pris la remete,
De même , après l'Explicit de ce sea .
cond volume on lit : Ci commence li escrit
* C'est-à-dire , il paye fes dettes.
(a ) C'est- à- dire , prochain du latin proximus.
( b ) C'est-à- dire , rejette son aumône ou sa
#umone.
(c) Rem ullam , chose aucune : preuve évis
dente que rien vient de xesø
11. Vol.
Qui
2974 MERCURE DE FRANCE
des IIII verbus, misericorde , verité , pais ,
justice , selont saint Bernart.
Qui en bel rimer velé entendre ,
Il doit bien tel matiere prendre
Dont autrui puist edéfier ,
Ne nus hom ne doit entreprendre ¿ ,
Autrui chastoijer & reprendre
Se il soi ne velt chastoijer :
Car mal faire & bien enseigner
Moult fet tes vie à mespriser
La colpe ne tymie mendre
Que Dieu loër et losengier
Et puis laidir et blascengier :
De tout convenra raiſon rendre .
Ici d'un côté , l'antiquité du langage
jointe à la forme du caractere , prouve
évidemment que cet Ecrit doit être dus
treiziéme siécle : de l'autre , la longueur
des Strophes et la diversité des métres
font voir que ces Poësies ne se chantoient
point. Ainsi voilà de la Poësie vulgaire
sans chant , faite pour honorer Dieu et
pour exciter à la pieté par la seule lecture
: et même le Prologue que je viens deciter
de ce troisiéme Livre , marque ex...
pressément que le Poëte avoit choisi ces
matiéres d'édification , afin de passer pour
un homme entendu , en bel rimer.
II. Vol
DECEMBRE 1731. 2975
On ne peut nier non plus que les les
sons farsies que l'on chantoit en France
à la Messe des grandes Fêtes , dès le douziéme
et treizième siècles , ne fussent des .
Poësies vulgaires . Dom Edmond Martenne
a donné un Fragment de celle du
jour de S. Etienne , par un Manuscrit de
six cens ans , conservé à S. Gatien de
Tours ( a ) C'étoit une explication de
chaque Période de l'Epître de la Messe
qu'une ou deux personnes chantoient du
haut de la Tribune ou du Jubé , après
que le Sous- Diacre avoit prononcé quelques
mots de cette Période , et ainsi par
parcelles et cette explication se faisoit
en Vers françois dans le ton d'une complainte
, lorsqu'il étoit question du martyre
d'un Saint. Cet usage avoit commencé
par la lecture de la vie des Saints ,
peut- être par une suite de l'ancien usage
où l'on étoit dans l'Eglise Gallicane , de
lire à la Messe la Passion des Martyrs ,
ou l'histoire de leur mort. Les bonnes
gens du treizième siècle , sur - tout dans
les Païs - bas , accoûtumez à dire la vie de
S. Etienne , la vie des Innocens , disoient
de même la vie du premier jour de l'An ;
La vie de l'Epiphanie ou de la Tiphaine..
C'est ce que j'ai lû en titre dans un Ma .
( a) Tract. de Sacrif. Missa , page 279.
II. Vol. Aus2976
MERCURE DE FRANCE
"
nuscrit de la fin du treizième siècle.
Mais j'aime mieux attribuer au. Maître
d'Ecole , qu'au Curé de la Paroisse , d'où
venoit ce Manuscrit , la plaisante bévûë
d'avoir intitulé l'explication de la Leçon.
d'Isaïe du jour de l'Epiphanie , vita sanc- :
ta Epiphania. La vie du premier jour de
l'An s'y trouve précedée de ce Prologue..
Bone gent pour qui sauvemens
Dieus de char vestir se deigna ,
En en bercheul vit humlément
Qui tout le mond en sa main a ,,
Rendons li graces douchement ,,
Qui si bien en sa vie ouvra ,
Et pour notre racatement
Dusca le mort s'umilia.
Lectio Epistola B. P. Ap..
Il paroît que ce Prologue tient un peu
de nos vieux Noëls au moins il peut se
chanter sur l'air : Ala venue de Noël.
Mais ce que j'ai rapporté du premier Ma →
nuscrit de Picardie , suffira toujours pour
prouver que M. l'Abbé Fleury a avancé
une proposition un peu trop generale
lorsque sans autre réserve que celles qu'il
a faites , il a ôté au douzième et treizié
me siécles l'honneur d'avoir produit de
la Poësie vulgaire, sur des matiéres de-
II. Vol.
moras
DECEMBRE. 1731. 2977
-
morale. Ce n'est pas une faute de la der
niere conséquence : mais l'exactitude demande
toujours qu'on ne fasse pas les
siécles passez plus obscurs qu'ils n'étoient.
Je reviens , Monsieur , à mon premier
sujet , et pour vous exempter la peine de
recourir aux Mémoires de Litterature
touchant la Comédie , je joins ici ce que
M. l'Abbé Fleury dit en peu de lignes
contre les Poësies françoises qu'on débite
sur les Théatres , leur origine , selon lui
et leur succès.
» Il ne faut point s'étonner , dit- il
si nous sommes si éloignez du goût de
» l'Antiquité sur le sujet de la Poësie ;
c'est qu'en effet , pour ne nous point:
» flater , toute notre Poësie moderne est
» fort miserable en comparaison ; elle a
» commencé par lesTroubadours Proven-
» ceaux , et les Conteurs , Jongleurs et
» Menestrels , dont Fauchet nous a don-
»,né l'Histoire. C'étoient des débauchez
vagabonds , qui lorsque les hostilitez
» universelles commencerent à cesser, et la
» barbarie à diminuer , c'est -à - dire vers
» le douzième siècle commencerent à
» courir les Cours des Princes
, pour
> .chanter à leurs Festins dans les jours de
grande Assemblée. Comme ils avoient
"
IL. Kola
›
naffaire
2978 MERCURE DE FRANCE
» affaire à des Seigneurs très-ignorans ,
» et qu'ils l'étoient fort eux- mêmes , tous
>> leurs sujets n'étoient que des fables
>> impertinentes et monstrueuses , ou des
» histoires si défigurées , qu'elles n'étoient
» pas connoissables , ou des contes médi
» sans de Clercs ér de Moines ; et comme
» ils ne travailloient que par interêt , ils
» ne parloient que de ce qui pouvoit ré-
» jouir leurs Auditeurs . c'est à- dire , de
» Combats et d'Amours ; mais d'Amours
>> brutales et sottes comme celles des
» gens grossiers , outre que ces Auditeurs .
» étoient eux- mêmes de fort malhonnê-
» tes gens : pour ce qui est de l'élocution ,.
» ils furent les premiers qui oserent écrire
» en Langues vulgaires ; car elles avoient
» passé jusques-là pour jargons si absur◄
ndes , que l'on avoit eu per d'en profa-
» ner le papier. De là vient , comme l'on
,
sçait , le nom de Romans François e
" de Romans Espagnols. Il nous reste:
» assez de ces vieilles chansons pour
prouver tout ce que j'ai dit ; et le Ro-
» man de la Rose qui a duré le plus long-
» tems , est un des plus pernicieux Li
»vres pour la Morale , des plus sales et
>> des plus impies qui ayent été écrits dans :
» les derniers siécles. Aussi de tout tems:
les gens vertueux , les faints Evêques
11. Vol
99
les
DECEMBRE. 1731. 2979
les bons Religieux , ont crié hautement
» contre les Poësies profanes , contre les
Jongleurs & les Boufons des Princes : &.
» le-là est venue la guerre que les Prédica-
» teurs ont déclarée aux Romans & aux
2. Comédies.
Animé du même zele contre les Comédiens
qui déclament en public les Poësies
dont M. l'Abbé Fleury vient de par
ler ; et par conséquent contre leurs Apologistes
, j'ajoûterai à tout ce que le Pere
le Brun a écrit contre eux , et ceci servira
en particulier de réponse aux deffenseurs
de la Comédie moderne , j'ajoûterai , dis- je,
qu'en l'année 1701. à l'occasion du grand
Jubilé , les Comédiens François ayant
prétendu être absous sans restriction , et
Messieurs les Curez de Paris ayant tenu
ferme , ils s'aviserent de présenter une
Requête au Pape Clement XI , dans la
quelle rien ne fut oublié . Ce Pape ayant
fait examiner la Requête , elle fut rejettée
, et la discipline des Curez confirmée.
Voilà ce que l'écoulement de six lustres
n'est pas capable de faire oublier dans une
Ville aussi grande que l'est celle de Paris ,
et ce qui doit confondre les Ecrivains qui
se sont déclarez partisans d'une si mauvaise
cause. Je suis , & c .
A Auxerre , ce 15. Novembre 1731 .
du Provençal qui a combattu le Livre
du P. le Brun sur la Comédie , avec quetques
Remarques sur un des Discours de
M. l'Abbé Fleury , nouvellement im--
primé.
E n'est pas , Monsieur , un si grand
Cmal que vous pourriez le penser
ވ
que le Livre du Pere le Brun contre la
Comédie ait irrité la personne qui vous a
écrit de Marseille , et que dans la Lettre
qu'il a composée à cette occasion , et
qu'un esprit de neutralité litteraire vous
a fait insérer dans le Mercure d'Août
dernier , il se déclare en faveur de ce que
II..Vol CT le
2970 MERCURE DE FRANCE
7
le P: le Brun condamne. Outre l'Extraitque
le Journal des Sçavans du mois de
Septembre dernier a fait d'un Sermon
que prêcha autrefois l'Abbé Anselme
contre les Spectacles , et qui servit en
particulier contre la Comédie , voilà
M. l'Abbé Fleury qui vient au secours du
docte Oratorien . Le Sçavant , qui de
tems en tems fait présent au Public de
Mémoires choisis de Litterature et d'Histoire
, vient de publier un volume , dans ,
lequel on voit assez les sentimens de cecélébre
Historien Ecclésiastique. C'est
son Discours sur la Poesie des Hebreux ..
Comme ces Mémoires ne sont peut-être
pas si communément répandus que l'est
votre Journal , vous pourriez en extraire .
l'endroit que je vous indique , qui commence
à la page 71. du onzième volume
de cette continuation . La lecture que je
viens d'en faire m'a véritablement édifié ;
j'y reconnois par tout le caractere de sincerité
et de pieté qui releve si noblement
les Ouvrages de cet illustre Abbé , et qui
les fait préférer à tous ces Ecrivains , done.
le style montre souvent plus de brillant
qu'il ne renferme de solidité.
܂
Je ne puis cependant , Monsieur ;
m'empêcher de vous faire part d'une
observation que j'ai faite sur ce qui se lit
11. Vol . dans
DECEMBRE . 1731 2971
page
dáns le même Discours au haut de la
74. » On ne voit point , dit M. l'Abbé
» Fleury , qu'on ait fait en ces tems -là
vers le x11 . et XIII . siécles ) des Poësies
» vulgaires pour honorer Dieu , ou pour
» exciter à la pieté , si ce n'est que l'on
» veüille mettre en ce rang certaines
> chansons très- vieilles , dont le petit
» peuple conserve encore quelque mé
moire , et les Noëls que Pon trouve
encore écrits.Cette proposition de l'Auteur
du Discours ne me paroît point exac
tement véritable. Comme il m'a passé
par les mains une infinité de Manuscrits
du XII. et XII. siécles , je suis bien assûré
d'avoir vû de la Poësie en Langue vulgaire
sur des sujets pieux , qui étoit d'une
écriture du treizième siècle , & quid
pouvoit avoir été composée à la fin du
douzième , et cette Poësie ne consiste
point en chansons , dont le peuple se
ressouvienne encore , ni à plus forte rai
son en Noëls.
J'ai trouvé en Picardie un Manuscrit
in- 12 . du treiziéme siécle , entiérements
en Vers françois , dont la premiere moi
tié , car il est sans commencement , m'a
parû contenir une Critique ou censure
des abus ou des moeurs corrompues de ce:
tems- là , avec plusieurs éloges des anciens
C.vjj H. Vol .
2972 MERCURE DE FRANCE
modéles de la piété chrétienne . Je ne
puis vous dépeindre la forme du caractere
de ce volume , qui ressent tout- àfait
le siécle que je vous ai nommé : mais
Vous pouvez juger de l'antiquité de la
composition du Livre , par les morceaux
que j'en extrairai . Voici , par exemple, une
des Strophes de l'éloge qui y est fait du
saint homme Job. J'userai de points , de
virgules , et d'apostrophes , pour faciliter
l'intelligence du sens de ces Vers : il n'y
en a point dans l'Original.
Job de richoise pas n'usa ,
Si com ti siécles en us a ,
Car plusor malement en usént 3 :
Job au monde pas ne nuisa
Job tous malvais us desusa :
>
Mais or en vois -je moult qui nuifent ,,
Qui por des malvais us desusent ,
Pres tout honor faire refusent ;
Mais Job onques nel refusa :
Si voi moult de chiaux qui s'escusent
De che dont lor coër les accusent ,
Mais oncques Job ne s'escusa.
Après l'Explicit de la premiere partie.
de ce volume , on lit cette Rubrique
Chi se commenche li Livres là on reprent.
U.Vol.
les
DECEMBRE 1731 297
tes, vices et loë les vertus , et est miserere mei
Deus. La premiere Strophe commence.c
effet
par
Miserere mei Deus ,
Car longement je me suis teus.
Voici la morale qui se lit touchant l'aus
mône vers le milieu de ce Livre ?
Qui done aumosne , il se désdete , *
Car aumosne est et dons et déte :
Mais Diex n'en rechut onques une
Ne quidiés pas qu'il en promete
Guerredon , s'ele de main nete
Ne vient , & de nete pécune.
Qui envers son proisme (a) a rancune-
Diex voit sa conscience brune ,
Et par ce s'aumosne ( 6 ) degete :
Et se autrui talt rien aucune ( c) .
Ne lui valt s'aumosne une prune
Mais là ou l'a pris la remete,
De même , après l'Explicit de ce sea .
cond volume on lit : Ci commence li escrit
* C'est-à-dire , il paye fes dettes.
(a ) C'est- à- dire , prochain du latin proximus.
( b ) C'est-à- dire , rejette son aumône ou sa
#umone.
(c) Rem ullam , chose aucune : preuve évis
dente que rien vient de xesø
11. Vol.
Qui
2974 MERCURE DE FRANCE
des IIII verbus, misericorde , verité , pais ,
justice , selont saint Bernart.
Qui en bel rimer velé entendre ,
Il doit bien tel matiere prendre
Dont autrui puist edéfier ,
Ne nus hom ne doit entreprendre ¿ ,
Autrui chastoijer & reprendre
Se il soi ne velt chastoijer :
Car mal faire & bien enseigner
Moult fet tes vie à mespriser
La colpe ne tymie mendre
Que Dieu loër et losengier
Et puis laidir et blascengier :
De tout convenra raiſon rendre .
Ici d'un côté , l'antiquité du langage
jointe à la forme du caractere , prouve
évidemment que cet Ecrit doit être dus
treiziéme siécle : de l'autre , la longueur
des Strophes et la diversité des métres
font voir que ces Poësies ne se chantoient
point. Ainsi voilà de la Poësie vulgaire
sans chant , faite pour honorer Dieu et
pour exciter à la pieté par la seule lecture
: et même le Prologue que je viens deciter
de ce troisiéme Livre , marque ex...
pressément que le Poëte avoit choisi ces
matiéres d'édification , afin de passer pour
un homme entendu , en bel rimer.
II. Vol
DECEMBRE 1731. 2975
On ne peut nier non plus que les les
sons farsies que l'on chantoit en France
à la Messe des grandes Fêtes , dès le douziéme
et treizième siècles , ne fussent des .
Poësies vulgaires . Dom Edmond Martenne
a donné un Fragment de celle du
jour de S. Etienne , par un Manuscrit de
six cens ans , conservé à S. Gatien de
Tours ( a ) C'étoit une explication de
chaque Période de l'Epître de la Messe
qu'une ou deux personnes chantoient du
haut de la Tribune ou du Jubé , après
que le Sous- Diacre avoit prononcé quelques
mots de cette Période , et ainsi par
parcelles et cette explication se faisoit
en Vers françois dans le ton d'une complainte
, lorsqu'il étoit question du martyre
d'un Saint. Cet usage avoit commencé
par la lecture de la vie des Saints ,
peut- être par une suite de l'ancien usage
où l'on étoit dans l'Eglise Gallicane , de
lire à la Messe la Passion des Martyrs ,
ou l'histoire de leur mort. Les bonnes
gens du treizième siècle , sur - tout dans
les Païs - bas , accoûtumez à dire la vie de
S. Etienne , la vie des Innocens , disoient
de même la vie du premier jour de l'An ;
La vie de l'Epiphanie ou de la Tiphaine..
C'est ce que j'ai lû en titre dans un Ma .
( a) Tract. de Sacrif. Missa , page 279.
II. Vol. Aus2976
MERCURE DE FRANCE
"
nuscrit de la fin du treizième siècle.
Mais j'aime mieux attribuer au. Maître
d'Ecole , qu'au Curé de la Paroisse , d'où
venoit ce Manuscrit , la plaisante bévûë
d'avoir intitulé l'explication de la Leçon.
d'Isaïe du jour de l'Epiphanie , vita sanc- :
ta Epiphania. La vie du premier jour de
l'An s'y trouve précedée de ce Prologue..
Bone gent pour qui sauvemens
Dieus de char vestir se deigna ,
En en bercheul vit humlément
Qui tout le mond en sa main a ,,
Rendons li graces douchement ,,
Qui si bien en sa vie ouvra ,
Et pour notre racatement
Dusca le mort s'umilia.
Lectio Epistola B. P. Ap..
Il paroît que ce Prologue tient un peu
de nos vieux Noëls au moins il peut se
chanter sur l'air : Ala venue de Noël.
Mais ce que j'ai rapporté du premier Ma →
nuscrit de Picardie , suffira toujours pour
prouver que M. l'Abbé Fleury a avancé
une proposition un peu trop generale
lorsque sans autre réserve que celles qu'il
a faites , il a ôté au douzième et treizié
me siécles l'honneur d'avoir produit de
la Poësie vulgaire, sur des matiéres de-
II. Vol.
moras
DECEMBRE. 1731. 2977
-
morale. Ce n'est pas une faute de la der
niere conséquence : mais l'exactitude demande
toujours qu'on ne fasse pas les
siécles passez plus obscurs qu'ils n'étoient.
Je reviens , Monsieur , à mon premier
sujet , et pour vous exempter la peine de
recourir aux Mémoires de Litterature
touchant la Comédie , je joins ici ce que
M. l'Abbé Fleury dit en peu de lignes
contre les Poësies françoises qu'on débite
sur les Théatres , leur origine , selon lui
et leur succès.
» Il ne faut point s'étonner , dit- il
si nous sommes si éloignez du goût de
» l'Antiquité sur le sujet de la Poësie ;
c'est qu'en effet , pour ne nous point:
» flater , toute notre Poësie moderne est
» fort miserable en comparaison ; elle a
» commencé par lesTroubadours Proven-
» ceaux , et les Conteurs , Jongleurs et
» Menestrels , dont Fauchet nous a don-
»,né l'Histoire. C'étoient des débauchez
vagabonds , qui lorsque les hostilitez
» universelles commencerent à cesser, et la
» barbarie à diminuer , c'est -à - dire vers
» le douzième siècle commencerent à
» courir les Cours des Princes
, pour
> .chanter à leurs Festins dans les jours de
grande Assemblée. Comme ils avoient
"
IL. Kola
›
naffaire
2978 MERCURE DE FRANCE
» affaire à des Seigneurs très-ignorans ,
» et qu'ils l'étoient fort eux- mêmes , tous
>> leurs sujets n'étoient que des fables
>> impertinentes et monstrueuses , ou des
» histoires si défigurées , qu'elles n'étoient
» pas connoissables , ou des contes médi
» sans de Clercs ér de Moines ; et comme
» ils ne travailloient que par interêt , ils
» ne parloient que de ce qui pouvoit ré-
» jouir leurs Auditeurs . c'est à- dire , de
» Combats et d'Amours ; mais d'Amours
>> brutales et sottes comme celles des
» gens grossiers , outre que ces Auditeurs .
» étoient eux- mêmes de fort malhonnê-
» tes gens : pour ce qui est de l'élocution ,.
» ils furent les premiers qui oserent écrire
» en Langues vulgaires ; car elles avoient
» passé jusques-là pour jargons si absur◄
ndes , que l'on avoit eu per d'en profa-
» ner le papier. De là vient , comme l'on
,
sçait , le nom de Romans François e
" de Romans Espagnols. Il nous reste:
» assez de ces vieilles chansons pour
prouver tout ce que j'ai dit ; et le Ro-
» man de la Rose qui a duré le plus long-
» tems , est un des plus pernicieux Li
»vres pour la Morale , des plus sales et
>> des plus impies qui ayent été écrits dans :
» les derniers siécles. Aussi de tout tems:
les gens vertueux , les faints Evêques
11. Vol
99
les
DECEMBRE. 1731. 2979
les bons Religieux , ont crié hautement
» contre les Poësies profanes , contre les
Jongleurs & les Boufons des Princes : &.
» le-là est venue la guerre que les Prédica-
» teurs ont déclarée aux Romans & aux
2. Comédies.
Animé du même zele contre les Comédiens
qui déclament en public les Poësies
dont M. l'Abbé Fleury vient de par
ler ; et par conséquent contre leurs Apologistes
, j'ajoûterai à tout ce que le Pere
le Brun a écrit contre eux , et ceci servira
en particulier de réponse aux deffenseurs
de la Comédie moderne , j'ajoûterai , dis- je,
qu'en l'année 1701. à l'occasion du grand
Jubilé , les Comédiens François ayant
prétendu être absous sans restriction , et
Messieurs les Curez de Paris ayant tenu
ferme , ils s'aviserent de présenter une
Requête au Pape Clement XI , dans la
quelle rien ne fut oublié . Ce Pape ayant
fait examiner la Requête , elle fut rejettée
, et la discipline des Curez confirmée.
Voilà ce que l'écoulement de six lustres
n'est pas capable de faire oublier dans une
Ville aussi grande que l'est celle de Paris ,
et ce qui doit confondre les Ecrivains qui
se sont déclarez partisans d'une si mauvaise
cause. Je suis , & c .
A Auxerre , ce 15. Novembre 1731 .
Fermer
Résumé : LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet du Provençal qui a combattu le Livre du P. le Brun sur la Comédie, avec quelques Remarques sur un des Discours de M. l'Abbé Fleury, nouvellement imprimé.
La lettre aborde la controverse suscitée par le livre du Père le Brun contre la comédie, notamment en réponse à un Provençal. L'auteur mentionne que l'Abbé Fleury, dans un récent discours, appuie les arguments du Père le Brun. Cependant, l'auteur conteste une affirmation de l'Abbé Fleury selon laquelle il n'existait pas de poésie vulgaire pieuse aux XIIe et XIIIe siècles, à l'exception de quelques chansons et noëls. Pour prouver le contraire, l'auteur présente des exemples de manuscrits du XIIIe siècle en langue vulgaire traitant de sujets pieux. Il cite des fragments de ces manuscrits pour illustrer leur contenu moral et religieux. L'auteur revient ensuite sur la comédie, affirmant que les troubadours provençaux et les jongleurs, à l'origine de la poésie moderne, étaient des débauchés vagabonds dont les œuvres étaient immorales. Il conclut en rappelant que les autorités religieuses ont toujours condamné les poésies profanes et les comédies. Il cite un exemple récent où les comédiens français ont été refusés l'absolution lors du grand Jubilé de 1701.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 1471-1481
LETTRE de M. le B. Sous Chantre de la Cathédrale d'Auxerre, au R. P. Du Sollier, Jesuite d'Anvers, Continuateur des Recueils de Bollandus, touchant un nouveau Saint, Chanoine du Diocèse de Nevers.
Début :
Comme je me suis apperçû depuis que j'ai l'honneur [...]
Mots clefs :
Nouveau Saint, Église, Auxerre, Père, Autel, Culte, Évêque, Recueils de Bollandus
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. le B. Sous Chantre de la Cathédrale d'Auxerre, au R. P. Du Sollier, Jesuite d'Anvers, Continuateur des Recueils de Bollandus, touchant un nouveau Saint, Chanoine du Diocèse de Nevers.
LETTRE de M. le B. Sous Chantre
de la Cathédrale d'Auxerre , au R. P.
Du Sollier , Jesuite d'Anvers , Continuateur des Recueils de Bollandus , touchant
un nouveau Saint , Chanoine du Diocèse
de Nevers.
Omme je me suis apperçû depuis
Cque j'ai l'honneur d'être connu de
vous , Mon Reverend Pere , que vous
n'excluez de votre immense Recueil
d'Acta Sanctorum , aucun des Personnages
qui sont honorez comme Saints ou com
me Bienheureux , dans quelque Eglise
que ce soit , pourvû que les marques de
culte soient exterieures ; jay crû que je
devois vous faire part de la connoissance
qui m'est venuë depuis peu d'un saint
Personnage ,.qui a fini ses jours dans une
Eglise voisine de la nôtre. Ce Saint est
du Diocèse de Nevers , qui , comme vous
sçavcz, confine à celui d'Auxerre , et qui
A vj borne
1472 MERCURE DE FRANCE
borne du côté de Midy la Province Ecclesiastique de Sens.
C'est une opinion assez communément
reçûë , que les Cloîtres et les Deserts ont
formé plus de Saints que les Villes. Depuis que les persécutions cesserent de faire des Martyrs , on ne vit plus que des
saints Anachorettes, quelques saintes Vierges ; on vit encore des Evêques, se sanctifier de temps en temps par leurs travaux Apostoliques ; mais le nombre dominant ne parut point être dans le Clergé
Séculier du second Ordre , quoique les
Martyrologes & les Calendriers ne laissent.pas de fournir un certain nombre
de S. Prêtres , plusieurs Diacres , Soudiacres et même des Clercs , à qui leur sainteté attestée par les Miracles , a fait décerner un culte public.
Mon but n'est point d'examiner ici
pourquoi depuis l'introduction des formes solemnelles de la Canonization , il
y a un si grand nombre de Religieux
canonisez , et si peu de ceux qui se sont
consacrez au Seigneur dans le Clergé Séculier. J'ai dessein seulement , Mon R.P.
de vous faire connoître aujourd'hui un
S. Chanoine d'une Eglise Collegiale , située presque au cœur du Royaume , et
cependant dans un Pays fort solitaire ,
je.
JUILLET. 1732. 1473
je veux dire dans le milieu du Nivernois.
Ce sont deux raisons pressantes qui
m'engagent à vous en écrire dès-à- présent,
la premiere est que vous avancez actuel
lément dans le mois d'Août , mois auquel
il est décedé ; la seconde est parce que
l'on vient de réïterer tout nouvellement
à son égard des marques de culte qui nesont dûës qu'aux Saints.
Ce Bienheureux personnage s'appelle
Nicolas Appleine. Je n'ai pû encore ap--
prendre quelles furent ses actions ; mais
les Miracles qu'il a operez depuis sa mort
prouvent suffisamment sa sainteté. Com
me il ne mourut que sous Louis XI. ces
Miracles ont presque été connus des
Ayeuls de nos Peres. Premery est la petite Ville où il fut Chanoine- Prêtre dans
l'Eglise de S. Marcel. (a) C'est un endroit
fort écarté du tumulte du siecle , et dans
lequel un Chanoine qui ne se propose
que le culte de Dieu , dégagé de toute
affection terrestre , et le soulagement du
Prochain , principalement des Pauvres ,
peut , en menant une vie simple et mortifiée , mériter la Couronne due aux fideles Serviteurs.
On présume que c'est la pratique de ces
( a ) C'est S. Marcel , Martyr de Châllon , du
4. Septembre.
vertus
1474 MERCURE DE FRANCE
vertus qui a fait regarder Nicolas Appleine comme un Saint. Je ne puis vous
en dire rien davantage , jusqu'à- ce que
j'aye reçû des Memoires de sa vie , qu'on
craint fort de ne pas retrouver , parce
qu'ils peuvent avoir été perdus dans le
temps des guerres.
”
gauMais au défaut de ces preuves efficientes de sainteté , je vous marquerai ici
celles qui les supposent comme arrivées et reconnuës. Ce bienheureux Chanoine
mourut l'onzième jour d'Août de l'année
1466. qui étoit le sixième de l'Episcopat
de Pierre de Fontenay , Evêque de Nevers, et du regne de Louis XI.il fut inhumé dans l'Eglise de Premery , à côté
che du grand Autel. Le Prélat et le Prince étant informez de sa sainteté et des
Miracles qui s'opéroient à son Tombeau concoururent à l'établissement de son
culte. Un titre du 14. May 1483. porte- entre autres articles : 1 ° L'érection d'un
Autel à la tête du Tombeau du Bienheureux, par Messire Pierre de Fontenay ,.
Evêque de Nevers , à la priere du Roy
Louis XI. 2°. L'établissement d'une Confrerie en son honneur. 3 ° .L'établissement
d'une Fête aussi en son honneur,fixée au 12.
Août , lendemain de sa mort , le tout à la
requête des Doyen et Chanoines de cette
Eglise,
JUILLET. 17325 147
Eglise , en conséquence des miracles fré
quens qui continuoient au même tom
beau, et desquels l'Evêque même assura
avoir été témoin. L'Autel , dont ce titre
fait mention , étoit orné d'un Tableau ,
qui contenoit les armes de ce Prélat¸et où
le Bienheureux Chanoine étoit representé
guérissant un homme affligé de la vuë ; et
ce Tableau est encore existant dans la même Eglise , avec les mêmes Armoiries..
Jean Boyer , qui succeda à Pierre de
Fontenai , confirma par acte du 25 Septembre 1508. tout ce que son prédecesseur avoit fait en faveur du culte du B.
Nicolas. On voit par d'autres titres , des
années 1484 et 1486. que la Confrerie, érigée en l'honneur du Saint , fut publiée
par les Députez du Chapitre de Prémery
dans les Diocèses voisins , et que les Evêques y donnoient les mains. Mais le titre
le plus remarquable après ceux - là , est une
Lettre de Louis XI.à Pierre de Fontenay,
par laquelle il le remercie de ce qu'il lui
a fait apporter la Robbe du B. Nicolas ,
par la sœur de ce saint homme , et l'assure qu'il envoyeau Chapitre de Prémery ,
un Coffre pour la conserver , ajoutant
qu'on lui fera un singulier plaisir d'en avoir
toujours mémoire , et de publier la dévotion
qu'il a euë envers ce Bienheureux Prêtre.
Сесу
1476 MERCURE DE FRANCE
Cecy ressent assez le style des Lettres
de ce Prince , et vous n'en pouvez douter,
parce que je tiens toutes les choses que je
vous ai rapportées jusqu'icy , d'une personne grave qui a vû les originaux. Le
Corps de ce Saint Personnage , continuë
cette personne , resta au tombeau dans ça
situation naturelle , jusqu'au temps d'Eustache de Chery , Evêque de Nevers. Ce
Prélat crut devoir y apporter quelque
changement. Il fit démolir ce qui étoit
élevé à l'exterieur de la sépulture , et en
place,il lui fit rédiger une Epitaphe qu'on
grava sur la Tombe qu'il fit apposer. En
voicy les termes : Facet hic bone memoria
vir et sancta vita Nicolaus Appleine, Presbyter Canonicus Premeriaci , qui ob crebra
ejus miracula creditur Beatus. Obiit XI. Augusti anno 1466. In memoria æterna erit
justus. Monumentum hoc positum fuit curâ
Eustachii de Chery, Episcopi Nivernensis
anno 1646. On juge par la situation où
l'on a trouvé dernierement les ossemens
du B. Nicolas , de ce que l'Evêque Eustache avoit fait à leur égard. La Tombe
ayant été levée , il a paru une Maçonnerie , au dedans de laquelle étoit une Caisse de plomb , longue de deux pieds et
demi , qui contient tous les ossemens ; et
l'ancien Autel élevé sous l'invocation du
Saint
JUILLET. 1732. 1477
Saint , ayant été détruit en cette presen
te année 1731. comme nuisant aux céré
monies , la Caisse des saints ossemens a
été portée solemnellement dans l'inté
rieur d'un autre Autel , érigé expressément sous le même titre , au fond de l'Eglise , derriere le grand Autel. Cette cé
rémonie a été faite par les ordres de Messire Charles Fontaine des Montées , Evêque de Nevers , le Mardy 3 jour de Juillet dernier , depuis lequel temps. il y a
une affluence bien plus grande qu'aupa
ravantà ces saintes Reliques , et un grand
nombre de Malades se trouvent guéris ou
soulagez par son intercession.
✓
Si la vie de ce S. Prêtre ne se trouve
pas avant que vous soyez parvenu au onziéme jour d'Aoust, ceci servira toujours,
mon R. P. pour fournir à vos Lecteurs
une notice de son culte ; lequel suppose
certainement une sainteté de vie , confirmée par des miracles arrivez peu après sa
mort. C'est , ce me semble, ce qui suffic
pour meriter d'être inséré dans votre Recueil ; au moins je suis certain que si M.
l'Abbé Chastelain , notre ami commun ,
avoit eu connoissance de ce Saint Chanoi
ne ,il l'eut mis dans son Martyrologe uni
versel , au nombre des Bienheureux .Vous
avez , sans doute , remarqué combien il
y
1478 MERCURE DE FRANCE
y a mis de Saints Prêtres du dernier siécle , en qualité de Venerables , lesquels
nesont canonisez que dans l'esprit des
peuples , et qui attendent la voix des
Prélats , pour avoir un culte plus solemnel , quoiqu'on dise ordinairement , vox
populi , vox Dei.
Permettez, mon Reverend Pere , qu'à
cette occasion je vous fasse mes remercimens particuliers , au sujet de la maniere
dont vous et le R. P. Pierre Vandenbosch , venez de traitter au 31. de Juillet
Particle de S. Germain , Evêque d'Auxerre. Vous rendez à ce saint Prélat toute
La gloire qui lui est due ; et votre exemple ne peut que causer de vifs remords
dans l'esprit de certains Reviseurs de Breviaire , qui depuis quelques années ont
fait semblant de méconnoître ce grand
Thaumaturge des Gaules , et en particulier de leur propre Païs , et qui n'ont pas
craint de le biffer entierement du Calendrier. Qui ne doit être content dans notre Diocèse, de la maniere dont vous vous
réunissez à faire son éloge ? En mêmetemps que le Pere de Longueval , votre
confrere , écrit à Paris , que S. Germain
Evêque d'Auxerre , a été l'un des parfaits
modeles de Sainteté , un des plus ardens deffenseurs de la Foy, l'honneur et la consola-
•
tion
JUILLET. 1732. 1479
tion de l'Eglise Gallicane , le Fléau de l'hé
résie , le Pere des peuples , be refuge de tous
les malheureux ( a). Vous confirmez par
votre suffrage , que ce Saint est le seul
que l'ancienne Eglise Gallicane ait comparé au grand S.Martin de Tours, et vous
ajoutez qu'on trouve indifferemment par
tout le Royaume , des Eglises sous l'invocation de l'un comme de l'autre ; en
sorte même qu'on en voit trois , sans sortir de Paris. Et cette multitude étonnante
d'Eglises qui se trouve sous son nom
dans la France , est sans exclure celles.
qui sont ou qui ont existé dans les Royaumes étrangers , et sur tout dans la Grande Bretagne.
Cette étendue et solemnité de culte est
conforme , selon vous , au témoignage de
S. Sidoine Apollinaire , Evêque de Clermont, excellent connoisseur, lequel voulant faire un parallele de S. Agnan , Evêque d'Orleans , avec les plus grands Prélats de son siecle , ne trouvoit point sur
qui il put mieux établir sa comparaison ,
que sur les excellentes vertus de S. Germain d'Auxerre, et de S.Loup de Troyes.
Germano Autissiodorensi, dites - vous , si
quid in Galliis majus atate suâ novisset S.
Apollinaris Sidonius , non satis opinor cx
(a ) Hist. de l'Eglise Gallicane , tom. 1. p-457- arte
1480 MERCURE DE FRANCE
arte laudasset , lib. 8. Epist. 15. S. Ania
num Maximum consummatissimumque
Pontificem , cùm illum diceret, Lupo parem,
Germanoque non imparem. Sedprivata",
ajoutez-vous , que justò longius ablucerent,
mittamus elogia ; quando idem de illo sensus
fuit universa pridem Ecclesia Gallicana ,
qua Sanctis cum indigenis omnibus prætulisse
cultu videatur ac soli Martino Turonensi
ut
exaquasse; cum hujus haudfortè plures quàm
illius nomine dicatas toto passim regno exci
tavit Ecclesias , et in una quidem urbe Pa- risiensi Germano Autissiodorensi , , teste
Bailleto , tres. Prætereà gentes alias atque
imprimis Britannicam , qua ut liquet et Alfordi nostri Annalibus ad annum Christi
441. num. 2. vix ipsis Gallis concedere in
bacparte voluit, structis ejus nominis templis,oppidis , Monasteriis et altaribus (a) ,
Je mets icy ce Texte en entier, non pour
vous rappeller ce que vous sçavez mieux
que moi , mais parce qu'en envoyant ma
lettre à Paris , à l'un de mes amis, qui doit
vous la faire tenir, je suis bien- aise de lui
épargner la peine de recourir à votre dernier Tome de Juillet , qui est peut être
encore assez rare dans cette grande Ville ,
puisqu'il ne fait que commencer à
roître.
pa-
( a ) Acta Sanctorum, Julii. T^m. 7. pag.184.
J'ai
JUILLET. 1732 1481
J'ai lû avec attention tout ce que vous
y dites , contre l'opinion de ceux qui
croïent que les os de S. Germain ne furent pas brulez par les Calvinistes en
1566 ; mais je ne suis point encore per22
suadé
que ce soit
la voie
du feu , que
par
ces saints ossemens se trouvent aujourd'hui soustraits à la veneration des Fideles , et j'espere m'étendre un jour là-dessus,dans mon Histoire des Evêques d'Auxerre. Je suis fâché que vous n'ayez pas
connu deux Manuscrits du Prêtre Constance , qui sont à la Bibliotheque du Roy;
l'un copié au neuviéme siécle sur celui
que les Moines de Saint Germain avoient
présenté à Dagobert I. et l'autre écrit au
commencement du même siecle , par les
soins ou de la plume même d'un nommé
Gundoin , connu par ce qu'en dit le Pere
Martenne dans son premier voyage litteraire , à l'article d'Autun. Ces Manuscrits
m'ont paru être aussi dignes de votre attention que celui de la Cathédrale d'Autan , qui roule presque tout entier sur
notre Saint , et dont vous avez donné
quelques lambeaux qu'en avoit extrait le
P. Chifflet , votre Confrere. Je suis, &c.
AAuxerre, ce 24 Octobre 1731 ,
de la Cathédrale d'Auxerre , au R. P.
Du Sollier , Jesuite d'Anvers , Continuateur des Recueils de Bollandus , touchant
un nouveau Saint , Chanoine du Diocèse
de Nevers.
Omme je me suis apperçû depuis
Cque j'ai l'honneur d'être connu de
vous , Mon Reverend Pere , que vous
n'excluez de votre immense Recueil
d'Acta Sanctorum , aucun des Personnages
qui sont honorez comme Saints ou com
me Bienheureux , dans quelque Eglise
que ce soit , pourvû que les marques de
culte soient exterieures ; jay crû que je
devois vous faire part de la connoissance
qui m'est venuë depuis peu d'un saint
Personnage ,.qui a fini ses jours dans une
Eglise voisine de la nôtre. Ce Saint est
du Diocèse de Nevers , qui , comme vous
sçavcz, confine à celui d'Auxerre , et qui
A vj borne
1472 MERCURE DE FRANCE
borne du côté de Midy la Province Ecclesiastique de Sens.
C'est une opinion assez communément
reçûë , que les Cloîtres et les Deserts ont
formé plus de Saints que les Villes. Depuis que les persécutions cesserent de faire des Martyrs , on ne vit plus que des
saints Anachorettes, quelques saintes Vierges ; on vit encore des Evêques, se sanctifier de temps en temps par leurs travaux Apostoliques ; mais le nombre dominant ne parut point être dans le Clergé
Séculier du second Ordre , quoique les
Martyrologes & les Calendriers ne laissent.pas de fournir un certain nombre
de S. Prêtres , plusieurs Diacres , Soudiacres et même des Clercs , à qui leur sainteté attestée par les Miracles , a fait décerner un culte public.
Mon but n'est point d'examiner ici
pourquoi depuis l'introduction des formes solemnelles de la Canonization , il
y a un si grand nombre de Religieux
canonisez , et si peu de ceux qui se sont
consacrez au Seigneur dans le Clergé Séculier. J'ai dessein seulement , Mon R.P.
de vous faire connoître aujourd'hui un
S. Chanoine d'une Eglise Collegiale , située presque au cœur du Royaume , et
cependant dans un Pays fort solitaire ,
je.
JUILLET. 1732. 1473
je veux dire dans le milieu du Nivernois.
Ce sont deux raisons pressantes qui
m'engagent à vous en écrire dès-à- présent,
la premiere est que vous avancez actuel
lément dans le mois d'Août , mois auquel
il est décedé ; la seconde est parce que
l'on vient de réïterer tout nouvellement
à son égard des marques de culte qui nesont dûës qu'aux Saints.
Ce Bienheureux personnage s'appelle
Nicolas Appleine. Je n'ai pû encore ap--
prendre quelles furent ses actions ; mais
les Miracles qu'il a operez depuis sa mort
prouvent suffisamment sa sainteté. Com
me il ne mourut que sous Louis XI. ces
Miracles ont presque été connus des
Ayeuls de nos Peres. Premery est la petite Ville où il fut Chanoine- Prêtre dans
l'Eglise de S. Marcel. (a) C'est un endroit
fort écarté du tumulte du siecle , et dans
lequel un Chanoine qui ne se propose
que le culte de Dieu , dégagé de toute
affection terrestre , et le soulagement du
Prochain , principalement des Pauvres ,
peut , en menant une vie simple et mortifiée , mériter la Couronne due aux fideles Serviteurs.
On présume que c'est la pratique de ces
( a ) C'est S. Marcel , Martyr de Châllon , du
4. Septembre.
vertus
1474 MERCURE DE FRANCE
vertus qui a fait regarder Nicolas Appleine comme un Saint. Je ne puis vous
en dire rien davantage , jusqu'à- ce que
j'aye reçû des Memoires de sa vie , qu'on
craint fort de ne pas retrouver , parce
qu'ils peuvent avoir été perdus dans le
temps des guerres.
”
gauMais au défaut de ces preuves efficientes de sainteté , je vous marquerai ici
celles qui les supposent comme arrivées et reconnuës. Ce bienheureux Chanoine
mourut l'onzième jour d'Août de l'année
1466. qui étoit le sixième de l'Episcopat
de Pierre de Fontenay , Evêque de Nevers, et du regne de Louis XI.il fut inhumé dans l'Eglise de Premery , à côté
che du grand Autel. Le Prélat et le Prince étant informez de sa sainteté et des
Miracles qui s'opéroient à son Tombeau concoururent à l'établissement de son
culte. Un titre du 14. May 1483. porte- entre autres articles : 1 ° L'érection d'un
Autel à la tête du Tombeau du Bienheureux, par Messire Pierre de Fontenay ,.
Evêque de Nevers , à la priere du Roy
Louis XI. 2°. L'établissement d'une Confrerie en son honneur. 3 ° .L'établissement
d'une Fête aussi en son honneur,fixée au 12.
Août , lendemain de sa mort , le tout à la
requête des Doyen et Chanoines de cette
Eglise,
JUILLET. 17325 147
Eglise , en conséquence des miracles fré
quens qui continuoient au même tom
beau, et desquels l'Evêque même assura
avoir été témoin. L'Autel , dont ce titre
fait mention , étoit orné d'un Tableau ,
qui contenoit les armes de ce Prélat¸et où
le Bienheureux Chanoine étoit representé
guérissant un homme affligé de la vuë ; et
ce Tableau est encore existant dans la même Eglise , avec les mêmes Armoiries..
Jean Boyer , qui succeda à Pierre de
Fontenai , confirma par acte du 25 Septembre 1508. tout ce que son prédecesseur avoit fait en faveur du culte du B.
Nicolas. On voit par d'autres titres , des
années 1484 et 1486. que la Confrerie, érigée en l'honneur du Saint , fut publiée
par les Députez du Chapitre de Prémery
dans les Diocèses voisins , et que les Evêques y donnoient les mains. Mais le titre
le plus remarquable après ceux - là , est une
Lettre de Louis XI.à Pierre de Fontenay,
par laquelle il le remercie de ce qu'il lui
a fait apporter la Robbe du B. Nicolas ,
par la sœur de ce saint homme , et l'assure qu'il envoyeau Chapitre de Prémery ,
un Coffre pour la conserver , ajoutant
qu'on lui fera un singulier plaisir d'en avoir
toujours mémoire , et de publier la dévotion
qu'il a euë envers ce Bienheureux Prêtre.
Сесу
1476 MERCURE DE FRANCE
Cecy ressent assez le style des Lettres
de ce Prince , et vous n'en pouvez douter,
parce que je tiens toutes les choses que je
vous ai rapportées jusqu'icy , d'une personne grave qui a vû les originaux. Le
Corps de ce Saint Personnage , continuë
cette personne , resta au tombeau dans ça
situation naturelle , jusqu'au temps d'Eustache de Chery , Evêque de Nevers. Ce
Prélat crut devoir y apporter quelque
changement. Il fit démolir ce qui étoit
élevé à l'exterieur de la sépulture , et en
place,il lui fit rédiger une Epitaphe qu'on
grava sur la Tombe qu'il fit apposer. En
voicy les termes : Facet hic bone memoria
vir et sancta vita Nicolaus Appleine, Presbyter Canonicus Premeriaci , qui ob crebra
ejus miracula creditur Beatus. Obiit XI. Augusti anno 1466. In memoria æterna erit
justus. Monumentum hoc positum fuit curâ
Eustachii de Chery, Episcopi Nivernensis
anno 1646. On juge par la situation où
l'on a trouvé dernierement les ossemens
du B. Nicolas , de ce que l'Evêque Eustache avoit fait à leur égard. La Tombe
ayant été levée , il a paru une Maçonnerie , au dedans de laquelle étoit une Caisse de plomb , longue de deux pieds et
demi , qui contient tous les ossemens ; et
l'ancien Autel élevé sous l'invocation du
Saint
JUILLET. 1732. 1477
Saint , ayant été détruit en cette presen
te année 1731. comme nuisant aux céré
monies , la Caisse des saints ossemens a
été portée solemnellement dans l'inté
rieur d'un autre Autel , érigé expressément sous le même titre , au fond de l'Eglise , derriere le grand Autel. Cette cé
rémonie a été faite par les ordres de Messire Charles Fontaine des Montées , Evêque de Nevers , le Mardy 3 jour de Juillet dernier , depuis lequel temps. il y a
une affluence bien plus grande qu'aupa
ravantà ces saintes Reliques , et un grand
nombre de Malades se trouvent guéris ou
soulagez par son intercession.
✓
Si la vie de ce S. Prêtre ne se trouve
pas avant que vous soyez parvenu au onziéme jour d'Aoust, ceci servira toujours,
mon R. P. pour fournir à vos Lecteurs
une notice de son culte ; lequel suppose
certainement une sainteté de vie , confirmée par des miracles arrivez peu après sa
mort. C'est , ce me semble, ce qui suffic
pour meriter d'être inséré dans votre Recueil ; au moins je suis certain que si M.
l'Abbé Chastelain , notre ami commun ,
avoit eu connoissance de ce Saint Chanoi
ne ,il l'eut mis dans son Martyrologe uni
versel , au nombre des Bienheureux .Vous
avez , sans doute , remarqué combien il
y
1478 MERCURE DE FRANCE
y a mis de Saints Prêtres du dernier siécle , en qualité de Venerables , lesquels
nesont canonisez que dans l'esprit des
peuples , et qui attendent la voix des
Prélats , pour avoir un culte plus solemnel , quoiqu'on dise ordinairement , vox
populi , vox Dei.
Permettez, mon Reverend Pere , qu'à
cette occasion je vous fasse mes remercimens particuliers , au sujet de la maniere
dont vous et le R. P. Pierre Vandenbosch , venez de traitter au 31. de Juillet
Particle de S. Germain , Evêque d'Auxerre. Vous rendez à ce saint Prélat toute
La gloire qui lui est due ; et votre exemple ne peut que causer de vifs remords
dans l'esprit de certains Reviseurs de Breviaire , qui depuis quelques années ont
fait semblant de méconnoître ce grand
Thaumaturge des Gaules , et en particulier de leur propre Païs , et qui n'ont pas
craint de le biffer entierement du Calendrier. Qui ne doit être content dans notre Diocèse, de la maniere dont vous vous
réunissez à faire son éloge ? En mêmetemps que le Pere de Longueval , votre
confrere , écrit à Paris , que S. Germain
Evêque d'Auxerre , a été l'un des parfaits
modeles de Sainteté , un des plus ardens deffenseurs de la Foy, l'honneur et la consola-
•
tion
JUILLET. 1732. 1479
tion de l'Eglise Gallicane , le Fléau de l'hé
résie , le Pere des peuples , be refuge de tous
les malheureux ( a). Vous confirmez par
votre suffrage , que ce Saint est le seul
que l'ancienne Eglise Gallicane ait comparé au grand S.Martin de Tours, et vous
ajoutez qu'on trouve indifferemment par
tout le Royaume , des Eglises sous l'invocation de l'un comme de l'autre ; en
sorte même qu'on en voit trois , sans sortir de Paris. Et cette multitude étonnante
d'Eglises qui se trouve sous son nom
dans la France , est sans exclure celles.
qui sont ou qui ont existé dans les Royaumes étrangers , et sur tout dans la Grande Bretagne.
Cette étendue et solemnité de culte est
conforme , selon vous , au témoignage de
S. Sidoine Apollinaire , Evêque de Clermont, excellent connoisseur, lequel voulant faire un parallele de S. Agnan , Evêque d'Orleans , avec les plus grands Prélats de son siecle , ne trouvoit point sur
qui il put mieux établir sa comparaison ,
que sur les excellentes vertus de S. Germain d'Auxerre, et de S.Loup de Troyes.
Germano Autissiodorensi, dites - vous , si
quid in Galliis majus atate suâ novisset S.
Apollinaris Sidonius , non satis opinor cx
(a ) Hist. de l'Eglise Gallicane , tom. 1. p-457- arte
1480 MERCURE DE FRANCE
arte laudasset , lib. 8. Epist. 15. S. Ania
num Maximum consummatissimumque
Pontificem , cùm illum diceret, Lupo parem,
Germanoque non imparem. Sedprivata",
ajoutez-vous , que justò longius ablucerent,
mittamus elogia ; quando idem de illo sensus
fuit universa pridem Ecclesia Gallicana ,
qua Sanctis cum indigenis omnibus prætulisse
cultu videatur ac soli Martino Turonensi
ut
exaquasse; cum hujus haudfortè plures quàm
illius nomine dicatas toto passim regno exci
tavit Ecclesias , et in una quidem urbe Pa- risiensi Germano Autissiodorensi , , teste
Bailleto , tres. Prætereà gentes alias atque
imprimis Britannicam , qua ut liquet et Alfordi nostri Annalibus ad annum Christi
441. num. 2. vix ipsis Gallis concedere in
bacparte voluit, structis ejus nominis templis,oppidis , Monasteriis et altaribus (a) ,
Je mets icy ce Texte en entier, non pour
vous rappeller ce que vous sçavez mieux
que moi , mais parce qu'en envoyant ma
lettre à Paris , à l'un de mes amis, qui doit
vous la faire tenir, je suis bien- aise de lui
épargner la peine de recourir à votre dernier Tome de Juillet , qui est peut être
encore assez rare dans cette grande Ville ,
puisqu'il ne fait que commencer à
roître.
pa-
( a ) Acta Sanctorum, Julii. T^m. 7. pag.184.
J'ai
JUILLET. 1732 1481
J'ai lû avec attention tout ce que vous
y dites , contre l'opinion de ceux qui
croïent que les os de S. Germain ne furent pas brulez par les Calvinistes en
1566 ; mais je ne suis point encore per22
suadé
que ce soit
la voie
du feu , que
par
ces saints ossemens se trouvent aujourd'hui soustraits à la veneration des Fideles , et j'espere m'étendre un jour là-dessus,dans mon Histoire des Evêques d'Auxerre. Je suis fâché que vous n'ayez pas
connu deux Manuscrits du Prêtre Constance , qui sont à la Bibliotheque du Roy;
l'un copié au neuviéme siécle sur celui
que les Moines de Saint Germain avoient
présenté à Dagobert I. et l'autre écrit au
commencement du même siecle , par les
soins ou de la plume même d'un nommé
Gundoin , connu par ce qu'en dit le Pere
Martenne dans son premier voyage litteraire , à l'article d'Autun. Ces Manuscrits
m'ont paru être aussi dignes de votre attention que celui de la Cathédrale d'Autan , qui roule presque tout entier sur
notre Saint , et dont vous avez donné
quelques lambeaux qu'en avoit extrait le
P. Chifflet , votre Confrere. Je suis, &c.
AAuxerre, ce 24 Octobre 1731 ,
Fermer
Résumé : LETTRE de M. le B. Sous Chantre de la Cathédrale d'Auxerre, au R. P. Du Sollier, Jesuite d'Anvers, Continuateur des Recueils de Bollandus, touchant un nouveau Saint, Chanoine du Diocèse de Nevers.
La lettre de M. le B. Sous Chantre de la Cathédrale d'Auxerre, adressée au R. P. Du Sollier, Jésuite d'Anvers, traite de Nicolas Appleine, un chanoine du diocèse de Nevers. L'auteur note que le R. P. Du Sollier inclut dans ses 'Acta Sanctorum' tous les personnages honorés comme saints ou bienheureux, à condition que les marques de culte soient extérieures. Il observe que les cloîtres et les déserts ont produit plus de saints que les villes et que, depuis la fin des persécutions, les saints sont principalement des anachorètes, des vierges et quelques évêques. Nicolas Appleine, chanoine de l'église de Saint-Marcel à Premery, est décédé le 11 août 1466 sous le règne de Louis XI. Plusieurs miracles lui ont été attribués, et des marques de culte lui ont été rendues. Pierre de Fontenay, évêque de Nevers, et Louis XI ont contribué à l'établissement de son culte, notamment par l'érection d'un autel et la création d'une confrérie en son honneur. Des documents et des témoignages, tels qu'une lettre de Louis XI et des actes épiscopaux, attestent de la sainteté de Nicolas Appleine. L'auteur espère que cette notice permettra d'inclure Nicolas Appleine dans le recueil des saints, même en l'absence de détails sur sa vie, en raison des miracles posthumes qui confirment sa sainteté. Il conclut en exprimant son admiration pour la manière dont le R. P. Du Sollier et le R. P. Pierre Vandenbosch ont honoré saint Germain, évêque d'Auxerre, dans leur dernier tome de juillet.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 1709-1734
DEFFENSE d'un Trait Historique de Lampride sur Ovinius Camillus, adressée à M. Bouhier, President au Parlement de Dijon.
Début :
Il a dû vous paroître, Monsieur, par ce que j'ai [...]
Mots clefs :
Trait historique, Lampride, Ovinius Camillus, Association, Histoire, Empereur, Alexandre, Médailles, Lois, Xiphilin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DEFFENSE d'un Trait Historique de Lampride sur Ovinius Camillus, adressée à M. Bouhier, President au Parlement de Dijon.
DEFFENS E d'un Trait Historique
de Lampride sur Ovinius Camillus ,
adressée à M. Bouhier , President an
Parlement de Dijon.
Ice
La dû vous paroître , Monsieur , par
ce que j'ai dit dans les Mercures de
May et d'Octobre 1731. pages 1052. et
2347. que je n'ai point prétendu que
l'explication que j'ai donnée du PRO
SALUTE DOMINORUM , de l'Inscription
trouvée proche notre Ville , fût la seule
et unique qu'on pût en donner. J'ai toûjours attendu qu'on détruisît solidement
ce que j'ai avancé sur la foi de M. de
Tillemont , dès le lendemain que cette
découverte fut faite , et avant que d'avoir eu le loisir de feüilleter les immenses
Recueils d'Inscriptions qui peuvent servir à mettre la verité dans un plus grand
jour. Un Curieux d'Orleans , qui ne se
fait connoître que sous ces deux Lettres
initiales D. P. a enfin trouvé au bout de
quelques mois après la publication de
ma Lettre , que l'on pouvoit entendre ce
DOMINORUM , d'autre que d'Alexandre
Severe et Ovinius , joints ensemble , etil
"
1710 MERCURE DE FRANCE.
il écrit non seulement qu'on le peut ,
mais qu'on le doits et qu'il est impossible
que cette domination ou cet Empire commun attribué à deux Princes convienne
à ces deux-là. Ce qu'il y a d'étonnant
dans son Ecrit imprimé dans le dernier
Mercure , est que pour faire tomber nécessairement les vœux contenus dans notre Inscription sur la prosperité d'Alexandre et de Mammée sa Mere , il persiste à vouloir qu'on regarde comme faux
tout ce que Lampride rapporte de l'association d'Ovinius à l'Empire. Il peut trouver en moi un Lecteur assez docile pour
embrasser l'explication qu'il donne du termeDominorum , comme étant plus aisée à
sauver; mais il ne s'ensuivra pas de- làqueje
doive croire qu'Ovinius est une chimere,
et que tout ce que Lampride en rapporte
est une fible. L'autorité de Lampride est
trop bien établie, pour qu'on puisse révoquer en doute un fait qu'il arevêtu detous
les motifs de credibilité qu'on peut exiger pour l'appui d'un évenement extraor
dinaire. En passant donc à M. P. que ce
fut pour la prosperité de Mammée et
d'Alexandre , que le Monument en question fut érigé , il n'en faut point conclure pour cela que l'association d'Ovinius soit une fiction de quelqueModerne,
A O UST. 1732. 1711
et une invention de quelque Manu- facture d'Ecrivains. Tout ce qu'il pour
ra inferer de ce que je lui accorde , est
que M. Tillemont n'a pas toûjours.
bien examiné les choses avant que de les
assurer, et que quelquefois on peut se
tromper lorsqu'on s'en rapporte trop vîte à son jugement. J'avoueray donc que cet
Historien , tout judicieux qu'il étoit , a
manqué de preuves suffisantes fixer pour l'association d'Ovinius à l'an 223. mais
j'ajoûte bien plus , qu'il ne s'est pas exprimé bien exactement lorsqu'il a dit qu'il
ya dans l'Histoire de cette Association des
circonstances qui paroissent tenir de la Fable. On entrevoit que ce grave Historien a
voulu insinuer seulement que cette association a eu quelques circonstances qui
tiennent du comique , ce que je ne nie
pass mais des circonstances , pour › pour être
comiquès , n'empêchent point le fond
de l'Evenement d'être très- réel. M. de
Tillemont l'a crû tel , puisqu'il a
ployé un article entier de ses Notes pour
en fixer l'époque, Alexandre s'est comporté comme il a dû faire dans la conjoncture où il se trouvoit ; et c'est un
des traits de politique les mieux jouez ,
que celui qui est rapporté par Lampride.
Comme M. P. d'Orleans traite de fable
emtout
1712 MERCURE DE FRANCE
*
tout le récit de Lampride , le point de
difficulté qui nous sépare ne consiste plus
que dans la verification de ce récit que
je soutiens sincere et non controuvé ni
fabriqué à plaisir. Il ne sera plus fait
mention entre nous de l'Inscription d'Auxerre ; mais seulement de cette question
de fait que l'Inscription a occasionnée.
Quelles que soient les louanges qu'il me
donne dans ses deux Ecrits , je ne m'en
laisse point éblouir , et je fais gloire d'être mis au rang des Lecteurs les plus crédules et que la lecture de Lampride ne révolte point , lorsque je m'y trouve dans la compagnie d'une personne aussi profondément versée dans ces matieres que
vous l'êtes. Vous avez eu la bonté de me
faire part de ce que vous opposeriez à
M. P. si c'étoit à vous qu'il eût affaire :
vous allez juger , Monsieur , si j'en ai
fait usage suivant vos intentions , et si
ce que j'ai découvert depuis par une lecture attentive de Lampride , et que j'ai
joint à vos Observations , n'est pas suffisant pour convaincre quiconque n'éxigera point des preuves métaphisiques ou
d'un genre superieur.
Les preuves exterieures de l'Association
d'Ovinius à l'Empire par Alexandre ,
consistent à assurer l'autorité de Lampride
A O UST. 1732. 1713
pride qui le rapporte. Il est inutile de
repeter ce que j'en ai dit dans le Mercure d'Octobre , page 2337. On y voit
les précautions que cet Historien à prises
pour constater la chose ; et vouloir en
douter c'est comme si l'on soutenoit que
tout ce que les Historiens d'aujourd'hui
rapportent de la vie du Roy Henry IV.
sur la foi des Memoires de ses Courti
sans ou de ses Generaux d'Armées , n'est
pas assez appuyé pour être crû , et qu'il
faut qu'ils produisent ces Memoires tels
qu'ils ont été rédigez dans le Cabinet ou
sous les Tentes. Comme nous nous contentons des Extraits qu'on nous donne
aujourd'hui de ces Memoires , de même
dans le siecle de Constantin , on n'exigea
point de Lampride , qu'il joignit à sa vie
d'Alexandre les Memoires qu'en avoient
redigé séparément Septimius , Encolpius,
Acolius , &c. on se contenta des Extraits
qu'il en fit et qu'il ajusta à son style ,
qui est fort simple et fort coupé. Son
dessein étant d'exposer à Constantin
quel fut le caractere des Princes plutôt
que d'entreprendre une Histoire suivie ,
il ne faut pas être surpris qu'il ne tire
des amples Memoires qu'il avoit , qu'un
simple Sommaire qui présente plutôt l'état des mœurs , les maximes et la conduite
1714 MERCURE DE FRANCE
duite de ce Prince , qu'un détail circons→
tancié de ses campagnes C'est l'idée qu'il
faut se faire de Limpride , comme de
quelques autres qui ont compilé les
actions de certains Empereurs , à dessein de donner une idée de Fur caractere On voit par son narré qu'il avoit
sous les yeux les cinq ou six A teurs qui
avoient écrit uniquement sur Alexandre,
et même qu'il tiroir d'Herodien ce qu'il
jugeoit à propos , le refutant lorsqu'il
étoit necessaire. Il n'est point étonnant
après cela que cet Auteur et ses semblables ayent quelques deffiuts ; mais ces
deffauts ne sont pas essentiels. Les Ecrivains de cette espece pechent ordinaire- ment par le manque d'ordre et de méthode. Ils tombent dans des redites ;
mais avec tout cela ils n'écrivent rien de
faux ; ils promettent de s'étendre sur certaines choses , et ils l'oublient ensuite ,
ou ne les font qu'effleurer. Lampride est
précisement dans ce cas-là , au jugement
de Vopisque , dans la vie de l'Empereur
Probus. Il y paroît dans le rang
qui ont transmis l'Histoire à la posterité
non tam disertè quam verè. Laissant l'élegance et l'emphase , il a écrit avec simplicité , mais avec verité. Il ne rapporte
point non- plus les faits par ordre chrode ceux
nologi-
A OUST 1732. 1715
nologique , mais suivant qu'ils se sont
présentez à sa plume , en traçant les traits.
qui caract risent l'Empereur Alexandre.
On ne l'accuse point comme Herodien ,
d'avoir composé les Harangues qu'il met
dans la bouche des Empereurs , ni les
Lettres qu'il leur fait éc ire ; il rapporte
le peu de paroles que le Prince a prononcées ; et s'il ne les rapporte pas diserè ,
du moins on doit dire qu'il les rapporte
verè. Il n'est pas éloquent ; mais il est
fidele. C'est de l'une de ces courtes Harangues que j'espere, Monsieur , tirer cydessous la preuve du temps auquel a été
faite l'Association d'Ovinius.
L'autorité de Lampride étant suffisamment à couvert , malgré le décri dans lequel l'Ecrivain d'Orléans voudroit la mettre , il faut maintenant faire voir que
l'Histoire de l'Association d'Ovinius n'a
rien d'incroyable en elle même , et qu'au
contraire elle est revêtuë de circonstances
qui s'accordent très- fort avec la situation
où Alexandre se trouva. Loin qu'Alexan
dre Sevére fut un Prince puissant , etque
tout fut paisible de son temps , au point
que se le figure M. P. il n'y a gueres eu
d'Empereur plus traversé par ses propres
Sujets , et qui ait essuyé plus de soulévemens. Il est certain que ce jeune Prince
avoit
1716 MERCURE DE FRANCE
avoit par lui- même un bon caractere et
d'excellentes inclinations, qui le portoient
aux grandes choses. Mais sa mere l'avoit
élevé dans une dépendance servile , à laquelle il n'eut pas la force de se soustraire. Ainsi on peut dire que c'étoit elle qui
gouvernoit sous le nom de son fils. Fecit
cuncta cum matre , ut et illa videretur pariter imperare , dit Lampride ; et plus bas :
Egit omnia ex consilio matris. C'est pour
cela que l'Empereur Julien en ses Césars,
lui fait ce reproche amer : Pauvre sot , qui
maître de l'Empire , n'a pas eu l'esprit de
gouverner tes propres Sujets , mais a remis
tes trésors entre les mains de ta mere ! Un des
traits les plus marquez de cette dépendance de sa mere , fut la foiblesse avec laquelle il souffrit l'indigne procédé qu'elle
garda envers sa femme et son beau pere.
Si ce Prince eut été si puissant que le dit
M. P. auroit-on vû arriver sous ses yeux
le meurtre d'Ulpien son favori, et Prefet
du Prétoire , par les Soldats de la Garde
Prétorienne , sans qu'il osât s'élever alors
contre cet attentat ? Loin de punir aussitôt le principal auteur , il lui donne la
Préfecture d'Egypte , en attendant qu'il se sente assez fort pour s'en venger. Depuis cette mort les Prétoriens ne lui obéïrent plus qu'à regret ; leur haine se porta contre
AO.UST. 1732 1717
contre Dion , son Collegue de l'an 229.
et elle éclata si fort que ce Consul n'eut
pas le courage de paroître dans Rome
avec les marques de sa dignité; et il fallut
que l'Empereur lui conseillât de s'en éloigner , pour éviter leur fureur. Dira- t- on
après cela que ce Prince fut regardé comme Puissant , et que son regne fut fort
paisible? Ce n'est pas encore tout; un
nomméTaurin et un autre particulier ,
appellé Urane ( a ) , furent élevez à l'Empire par les armées d'Orient. Un troisiéme, nommé Antonin , fut pareillement
proclamé Auguste , par les Prétoriens. Il
est vrai que ces personnages refuserent la
dignité qu'on leur offroit ; mais ce n'en
est pas moins une preuve que le regne
d'Alexandre ne fut pas si paisible que le
prétend M. P. Peut- être que pour ne rien
rabattre de ses prétentions , il soutiendra que ces proclamations ne se trouvant
marquées que dans le jeune Victor et dans
Zozyme, elles ne meritent aucune créance.Acela je réponds que comme ces deux
Ecrivains vivoient dans un siecle peu
éloigné de celui d'Alexandre , il ne faut
point douter qu'il n'eussent devant eux
les Mémoires de quelques uns des cinq ou
( a ) Je croirai , si l'on veut , que Taurin et Urane aété le même ; rien n'empêche de lesdistinguer.
six
1718 MERCURE DE FRANCE
amis
six Auteurs qui avoient écrit les évenemens du regne de ce Prince , et dont l'éloignement des temps nous a privez Au
reste , ce que Dion rapporte de lui - même
personnellen ent , marque assez l'appré- hension où Al xandre étoit de voir ses
rsécutez ; et peut être aussi de se P
voir lui- même livré au caprice des Soldats. Or je demande si avec de tels soupçons , un Prince peut passer pour avoir
tou ours mené une vie tranquille , si on
peut dire que son regne a été paisible, et
que lui même gouvernoit ses Sujets avec
puissance et empire.
Si donc l'on trouve du foible dans la
maniere dont il se conduit , pour écarter ce qui se tramoit en faveur d'Ovinius,
P'on pourroit l'attribuer aux con eils timides de sa mere : Mais non ; il semble
au contraire que ce fut un trait de prudence qui le fit agir ainsi, Les Prétoriens,
dont l'autorité étoit enracinée dansRome,
avoient conçu une telle haine contre
Mammée , et par conséquent contre son
fils , que tout éroit à craindre de leur
part. Dès qu'ils croyoient voir dans le Sénat quelque Sujet propre à être élevé à
l'Empire , ou , pour mieux dire , à condescendre à leurs volontez , ils ne manquoient pas de ménager des pratiques
sour
D
AOUST. 1732. 1719
sourdes , pour faire déclarer Rome en sa
faveur. Ovinius convenoit apparemment
à leur dessein , et il se trouva disposé à
y concourir. Alexandre en étant averti ,
crut le prévenir , non en se défaisant de
lui , à force ouverte , mais en faisant semblant d'entrer dans les vûës des Prétoriens , jusqu'à ce qu'il trouvât le moment
favorable de perdre son concurrent.Ayant
été averti d'un remuëment , de la part de
certains Barbares , il se servi. de cette occasion pour faire connoître à toute l'armée jusqu'où s'étendoit la force et la vigueur de cet homme si désiré . Il l'associa
donc à l'Empire , avec quelqu'une au
moins des solemnitez ordinaires ; mais
pour le faire en même temps tomber
dans le mépris , et montrer combien il
étoit peu digne de lui être con paré ; il
lui proposa d aller avec lui à la guerre
qui se présentoit à faire contre les Barbares , prévoïant bien qu'il n'oseroit le lui
refuser , mais que délicat comme il étoit,
il ne pourroit jamais résister aux fatigues
dont il lui donneroit l'exemple , et que
son entreprise tourneroit à sa confusion.
En effet , la chose réüssit , comme Aléxandre l'avoit prévû , et par là l'Empereur se vit délivré d'un ennemi qui cassa
d'être dangereux dès qu'il commença à
·
être.
1720 MERCURE DE FRANCE
être méprisé. Ce tour de politique est- il
donc si ridicule et si hors de vrai-semblance que l'assure le Critique d'Orleans?
Pour moi j'y vois toutes chose admirablement bien concertées , pour venir à bout
de décrier Ovinius ; et cela me rappelle le
souvenir d'un artifice assez semblable dont
usa , quelques années auparavant, l'Empereur Septime- Severe, à l'égard d'Albin.
Ce Prince voïant qu'Albin qui descendoit d'une ancienne Maison , étoit aimé
du Sénat, n'osant l'attaquer à force ouverte , fit mine de vouloir l'associer à
l'Empire , et lui écrivit à cet effet des Lettres très-affectueuses en apparence ; mais
en même- temps il chargea secretement
ceux qui les lui porterent de sa part,de se
défaire adroitement de lui; et s'il n'y réüssit pas , ce ne fut pas sa faute. Je pourrois aussi produire d'autres exemples de
tours de politique plus semblables à celui
qu'employa Alexandre , et aussi plus récens. Mais je croi m'être assez étendu sur
cet article , pour persuader à mon adversaire que ce n'est pas sans fondement que
je regarde l'expedient rapporté par Lampride , comme ayant été réellement et
véritablement mis en usage. J'avouë, avec
lui , qu'il n'y a aucune apparence qu'Alexandre cut voulu dans de pareilles circons-
AOUST. 1732. 1721
Constances abandonner à Ovinius , la conduite de son armée; c'eut été le comble de
l'imprudence. Aussi n'est-ce pas le sens
qu'il faut donner au texte de l'Historien .
Monsieur de Tillemont l'a induit en erreur , par la traduction qu'il a faite de ce
texte Latin , en ces termes : Alexandre
offrit à ( Ovinius Camillus de l'y mener
avec lui , s'il n'aimoit mieux y aller lui
seul. Dans ce texte,ainsi conçu ; vel ipsum
si vellet, ire, vel ut secum proficisceretur, bortatus est , la particule vel, doit être prise
non disjonctivement , mais conjonctivement c'est-à- dire pour et , comme dans
une infinité d'autres endroits des Auteurs de l'Histoire Auguste. Monsieur de
Saumaise l'a remarqué plusieurs fois , et
entr'autres sur Lampride, par cette petite
notte; (vel pro et ; quod sexcentis locis apud
hos autores observavimus ) ( a ) Icy P'Hi
torien en a usé de la sorte , d'autant pl
volontiers que la répetition de la part.
cule et qu'il avoit employée peu aupara
vant , et qui revient peu après , auroi
été trop désagréable. ( b ) Lampride a
donc seulement donné à entendre qu'Alexandre invita Ovinius à aller à la Guer-
( a ) Edition de 1620. pag. 184.
(b) Voyez le Mercure d'Oct. 1731. pag. 2338.
C
1722 MERCURE DE FRANCE
re contre les Barbares , et même à faire
le voyage avec lui.
Je n'étois aucunementobligé de désigner
l'habitation de ces Peuples , lorsque je fis
ma premiere Lettre adressée aux Auteurs
du Mercure, dans le mois de May dernier,
n'y d'ajouter dant la seconde , pour plus
grande explication, que l'expedition Ġermanique , qui suivit l'association , se rapportoit à celle où Varius Macrinus se signala dans Pillyrie; et j'aurois pû me borner au simple texte de Lampride , qui ne
les nomme qu'en général , sous le nom
de Barbares. Mais m'étant reposé sur
l'exactitude qu'on attribuë à M. de Tillemont , j'ai cru avec lui, qu'il s'agissoit de
l'expédition qui se fit par Alexandre,contre les Germains , dont le triomphe qui
suivit est marqué chez Occo , sur une
Médaille d'argent en ces deux mots DE
GERMANIS , avec cette note chronologique TR. P. VIII.cos. III. La Victoire étant
rapportée à l'an 229. de Jesus- Christ , il étoit assez naturel de croire que la guerre
cut pû commencer en 228. c'est ce qui
-me déterminoit à faire partir en cette
année Ovinius avec Alexandre. Mais depuis , j'ai fait réfléxion sur un discours
fit Alexandre à ses Soldats étant à An- que
tioche l'an 233 , lorsqu'il les conduisoit
contre
AAOUST. 1732 1723
contre la Perse L'Empereur voulant éteindre les semences de sédition qui se formoient dans son armée, rappella à ses anciens Soldats l'usage qu'on leur avoit enseigné de faire de leur voix , d'abord
contre les Sarmates , ensuite contre les
Germains , et enfin contre les Perses ,
ajoutant qu'il étoit étonnant qu'ils voulussent s'en servir contre celui qui leur
fournissoit la nourriture,les vétemens, &c.
Qui in concione estis , leur dit- il , vocem in
bello cantra hostem , non contra Imperatorem
vestrum necessariam , certè Campidoctores
vestri hanc vos docuerunt contra Sarmatas et
Germanos ac Persas emittere , non contra eum
qui acceptam à Provincialibus annonam ,
qui vestem , qui stipendia vobis attribuit.
Monsieur de Tillemont n'ayant traduit
dans notre langue qu'une partie de ce dis- cours , n'a pas fait sentir que les Sarmates
ysont nommez en premier lieu , et les
Germains ensuite. Ce fut donc l'occasion.
de l'irruption des uns ou des autres de ces
Barbares qu'Alexandre saisit , pour convaincre les Soldats , combien ils se connoissoient peu en vrai mérite , lorsqu'ils
marquoient quelque inclination d'obéïrà
Ovinius. L'Empereur qui étoit jeune , af
fecta apparemment d'aller exprès à pied,
afin de faire succomber son concurrent
Cij Sous
1924 MERCURE DE FRANCE
sous la fatigue, et il en vint à bout en peu
de jours. Comme il est évidenr qu'Alexandre dans le discours qu'il tint à ses
Troupes , les faisoit ressouvenir par ordre des temps de toutes les Campagnes
qu'ils avoient faites; il est necessaire de
placer celle de Sarmatie la premiere ; et
par consequent comme celle de Germanie est de l'an 229 , au plus tard ; on doit
celle que qui se fit contre les
Sarmates a dû être aussi au plus tard l'an
convenir
228.
On ne peut pas assurer si Alexandre
alla en personne jusques dans la Sarmatie; c'est un fait qu'Acolius auroit sans
doute éclairci par le moyen de son livre
des Voyages de cet Empereur. Mais ses
Mémoires étant perdus , on doit se contenter de sçavoir simplement que la premiere guerre que cet Empereur eut à soutenir, fut contre ces peuples. Il seroit fort
à propos , je l'avoue , que quelque Médaille vint au secours de la notice que je
prétends tirer en faveur de cette guerre
Sarmatique , du discours qu'Alexandre
tint à ses Soldats , de méme que nous en
avons une qui constate celle de Germanie. Mais il ne faut point désesperer d'en
trouver quelquejour où la victoire sur les
Sarmates sera rapportée à l'une des 6 premieres
AOUST. 1732 1725
,
mieres années du regne d'Alexandre ,
pourvû que l'on soit plus soigneux de les
conserver , que ne l'a été un Orfévre de
notre Ville , qui au mois de Juin dernier,
en ayant acheté d'un passant un grand
nombre d'argent , du regne de cet Empereur et des autres Princes qui lui succederent , les fondit une demie - heure
après, sans qu'on ait pû en sauver qu'une
seule d'Alexandre. Ces monumens,moins
sujets aux accidens que les livres, peuvent
suppléer en quelque sorte , à ce que nous
- sçaurions plus en détail , si nous avions
en original les Memoites que Septimius ,
Acolus , Encolpe , Gargilius-Martialis
Marius Maximus , Aurele- Philippe et
encore d'autres témoins oculaires avoient
dressés touchant le regne de cet Empereur. Cette guerre Sarmatique s'offre icy
d'autant plus à propos,avant celle de Germanie , que plus elle sera rapprochée du
regne d'Alexandre , plus on sera fondé à
suivre l'explication que Saumaise a donnée au texte de Lampride , et à dire avec
lui que ce fat Alexandre même qui donna ordre de tuer Ovinius dans l'une de
ses terres , où il demeuroit depuis long- temps,
et à ne pas rejetter , sans necessité , cette
mort sur l'Empereur suivants tutum ad
Willas suas irepræcepit in quibus DIU VIXIT,
C iij
K
sed
1726 MERCURE DE FRANCE
sed post , jussu Imperatoris occisus est. Depuis la remarque que vous , Monsieur ,
m'avez fait faire , après Saumaise , que
tout Historien qui dit simplement l'Ēmpereur , entend celui dont il écrit l'histoire , et non son successeur; je ne panche
plus en aucune maniere pour le sentiment que M. de Tillemont insinuë.
M. P. d'Orleans a proposé le silence de
deux Ecrivains contemporains à Alexandre ; sçavoir , Dion et Hérodien , comme
un grand argument contre l'histoire de
l'association d'Ovinius, Mais il faut d'abord retrancher de ce nombre l'Historien
Dion , pour plusieurs considerations. La
premiere est , que nous avons perdu le
livre de son histoire, qui comprenoit une
partie duregne d'Alexandre; car nous n'en
avons qu'un abregé des plus succincts ,
fait par Xiphilin , lequel a retranché ce
qui lui a plus la seconde est , que si
l'association d'Ovinius s'est faite dans le
temps que Dion a renfermé dans son Histoire , c'est-à-dire , avant l'an 229 , comme je n'en doute aucunement , Xiphilin
a voulu la comprendre sous ces termes
generaux qui se trouvent dans son abregé: Per id tempus multe rebelliones facta
sunt à multis quarum aliquot , quum fuissent formidolosa , repressa ac restrincta sunt.
Les
AOUST. 1732. 1727
Les sourdes pratiques d'Ovinius pour par
venir à l'Empire, sontsans doute du nom
bre de ces rebellions dangereuses qui furent réprimées par Alexandre. Can Ovinius rebellare voluisset tyrannidem affecians,
dit Lampride.
ро
Qu'importe , en effet , de quel moyen
on se serve pour réussir à étouffer une rebellion formée secretement , force ou
adresse , pourvu qu'on parvienne au bur
qu'on s'est proposé. Alexandre usa de
litique, de même qu'il venoit de faire unt
peu auparavant , incontinent après le
meurtre d'Ulpien son favori. Le même
Dion dit que la raison pour laquelle Epagathe , Auteur de ce meurtre , ne fut
point puni sur le champ et pourquoi
l'Empereur parut dissimuler la peine que
lui faisoit cette action , fut la crainte qu'il
eut d'exciter une émotion dans Rome.
Epagathus qui Vlpiano magna ex parte
causa necis fuerat , missus est in Ægyptum,
ut Præfectus ejus Provincia , ne forte si de eo
Rome supplicium sumptum esset , tumultus
aliquis connectaretur; atque inde reductus in
Cretam , condemnatus est. Per id tempus , et
le reste , comme cy- dessus.
Quelque année que l'on choisisse entre les six premieres du regne d'Alexandre,
pour placer la mort d'Ulpien , il est évi- C iiij dent
7728 MERCURE DE FRANCE
dent que la rebellion d'Ovinius ne tarda
gueres à suivre cet évenement. On doit
aussi placer vers ce temps-là les procla
mations des autres Augustes dont j'ai parlé plus hauts et le texte de Dion le demande.
A l'égard d'Herodien , ce n'est rien
moins qu'un Auteur exact , suivant les
Critiques et suivant M. de Tillemont
même. Aussi le reprend-il très-souvent ;
ainsi sans entrer dans le détail, qu'il mesoit
permis de renvoyer M. P: à la table de
son troisiéme volume de l'Histoire des
Empereurs. Lampride pareillement , qui
avoit l'ouvrage d'Herodien sous les yeux,
en faisant la vie d'Alexandre , est obligé
de le corriger , lorqu'il contredit les Annales de la Ville de Rome , et tous les
Auteurs contemporains , qui étoient plus
à portée que lui d'examiner les démar
ches de cet Empereur , et sa maniere de
vivre. Cet Historien Grec a pû être mieux
informé de quelques- unes des choses qui
se passerent en Orient , mais il n'eut pas
les mêmes facilitez pour apprendre tout
ce qui arriva dans l'Occident. Il en raconta des Histoires autrement qu'elles n'étoient , et il en obmit plusieurs qui ne
vinrent point à sa connoissance , même
de celles qui regardent l'Orient.
S'il
AOUST. 1732. 1729
S'il falloit n'admettre que ce qu'il a inseré dans son Ouvrage , il faudroit effacer
de la vie d'Alexandre la révolte des Troupes de Mésopotamie , contre Flavius Heracleon , leur Commandant, dont Dion a
parlé; il ne faudroit rien croire du meurtre d'Ulpien, rapporté par le même Dion.
Si Herodlen a obmis l'association d'Ovinius , il a aussi passé sous silence la victoire sur les Germains, remportée en 229,
dont les Médailles ont conservé la mémoire ; il n'a pas fait là moindre men--
tion du triomphe glorieux d'Alexandre ,
au retour de la guerre de Perse. Loin de
cela ,on croiroit à le lire , que l'Empëreur confus de n'avoir pû vaincre Arta--
xerxes , vola brusquement d'Antioche sur
les bords du Rhin ,, pour l'éxpédition
d'Allemagne ; confectoque celeriter itinere
consistit ad Rheni ripas. Il ne dit rien non
plus de l'élevation de Taurin et d'Urane
à l'Empire. Faut-il donc s'étonner s'il en a
fait autant d'Ovinius.
Je ne m'étendrai point à refuter la proposition extraordinaire par laquelle M. P.
avance,qu'à moins que les faits que Lam--
pride a tirés des Historiens contemporains
d'Alexandre , ne se rencontrent ailleurs ;
on est toujours bien reçu à les rejetter.
Javoiie que ce principe est très- commode
G. v pour
1730 MERCURE DE FRANCE
pour n'admettre que ce que l'on veut. Il
suffit de l'exposer , pour faire voir à quel
dégré d'incrédulité il conduiroit les Lecteurs , s'ils en étoient susceptibles , et il
n'est pas difficile de prévoir qu'après l'avoir admis , à l'égard des Historiens du
Paganisme,on pourroit bien l'étendre sur
d'autres , d'une importance bien plus
grande. Je suis donc d'avis, comme vous,
Monsieur , que loin de rejetter le témoignage des Auteurs réunis ensemble , dans
la compilation de l'Histoire Auguste ,
tout imparfaits qu'ils sont; la raison veut
qu'on y ajoute foy , comme à toute autre
Histoire , à moins qu'il n'y ait des motifs
très-pressans de s'en écarter, et des objections qui soient sans replique.
La derniere objection de M. P. contre
l'association d'Ovinius à l'Empire , consiste en ce qu'il ne se trouve aucune Médaille qui fasse mention de lui,ni aucune
Loy où son nom soit marqué. Mais fait- il
attention , que selon l'Historien sur lequel nous nous fondons , cette association fut de très peu de durée , et qu'Ovinius fatigué du métier de la guerre , au
bout de trois ou quatre jours de marche,
abdiqua l'Empireset qu'Alexandre l'ayant
aussi- tôt confié à des Soldats , de la fidèlité desquels il étoit très-sûr,le fit conduire
dans
AOUST. 1732. 1731
dans ses terres, où il vécut en simple particulier. Quoiqu'on ne puisse gueres dou
ter qu'il n'y ait eu quelques Médailles
à l'occasion de l'association d'Ovinius
il n'est pas extraordinaire qu'il ne s'en
trouve point aujourd'hui. Combien y en
a-t-il eu qui n'existent plus , et combien
n'en reste- t- il pas encore à découvrir? On
donne communément trois femmes à Alexandre Severe ; où sont les Médailles des
deux dernieres ? Où est celle qui fut sans
doure frappée pour le triomphe de cet
Empereur. L'Histoire ne nous apprend- elle pas que certaines personnes ont porté le titre d'Empereur , sans qu'il en reste
des Médailles, ou du moins dont on n'en a
que de tres douteuses. Tel est un Jotapianus , un Lucius - Priscus , un JuliusValens , un Perpenna- Lucinianus, un Firmius , &c. S'il ne se trouve point de Médailles de tous les Princes dont l'Histoire
fait mention , il faut aussi avouer que les
Médailles nous ont conservé le nom de
quelques Princes , qui sans cela ne seroient point connus, les Livres qui en
pouvoient traiter ayant été perdus. Tel
est un Pacatianus , un Nigrianus, une Bar
bia Orbiana , &c. On ne peut donc point
conclure avec certitude, qu'un Prince n'a
point existé , de ce qu'on ne trouve poinɛ Cvj son
1732 MERCURE DE FRANCE
son nom sur les Médailles qu'on a aujourd'hui,ou qu'il ne paroît pas dans les Hitsoriens ,parce qu'on a perdu beaucoupde mo
numens en l'un et en l'autre genre. On peut
encore moins le conclure de ce que son
nom n'est dans aucune Loy. Cette raison
est des plus frivoles dans l'affaire d'Ovinius. Il peut se faire qu'il n'y ait eu aucune
Loy expédiée , du moins qui soit parve
nue jusqu'à nous , pendant le court inter valle de son association. Si donc il se rencontre des vuides considérables , sans promulgation de Loix , pendant les années ,
à l'une desquelles on est obligé de fixer
cette association , l'argument de M. P.
n'est d'aucun poids , et il tombe de luimême.
nuë
Quoique jaye accordé à M.P. qu'une
Inscription votive, de l'an 228. qui porte
ces mots: Pre salute Dominorum, pourroit
s'entendre plus naturellement de l'Im
pératrice Mammée , avec son fils ; je n'abandonne point cependant tout-à- fait la
part qu'Ovinius peut avoir dans ce nom
bre plurier; parce qu'à la lecture de Dion,
tout abregé qu'il est par Xiphilin ; on
voit clairement que la mort d'Ulpien n'a
pas dû précéder de beaucoup de temps le
Consular du même Dion , qui fut sûrement l'an 229. Il faut donc mettre certe
mort
A' O UST. 、 1732. 1733
mort vers la fin de l'an 227 , ou au commencement de 228. Or comme , selon le
même Dion , l'intervalle entre ces deux
époques fut celui pendant lequel se for- merent diverses rebellions : Multa rebelLiones à multis celle d'Ovinius ayant été
l'une des plus dangereuses, il paroît qu'on
doit toujours la rapporter à l'an 228 ; et que
par conséquent son association seroit du
même-temps, et sous le Consulat de Mcdeste et Probus. C'est ce qu'il faut esperer
que la postérité verra un jour éclairci par
les Médailles , dont on fera la découverte, ou par d'autres monumens plus en- tiers que n'est celui d'Auxerre. Au reste
cet Ovinius-Camillus estsi peu une chime
re et unpersonnage fabriqué par Lampride, ou par quelque Ecrivain posterieur
selon le jugement de Tristan , que ce celebre Antiquaire le croit fils d'un autre
Ovinius-Tertullus , Président de la Mysie inférieure , auquel fut adressé un Réscrit très-connu dans le Droit , et qui a
fait donner le nom de : Ad Senatus Consulium Tertullianum , au tit . 17 du 38 liv.
du Digeste. Les Deux Empereurs qui y
sont nommez , sont Septime Sévére , et
Caracalla , son fils ; et le Jurisconsulte ,
qui cite le Réscrit, n'est autre que le fameux Ulpien , dont j'ai déja parlé plu- sieurs
1734 MERCURE DE FRANCE
sieurs fois. Je vous ai , Monsieur , l'obligation de cette remarque , qui n'est pas
icy hors de propos , et qui fait voir en
même- temps, qu'en lisant les Loix, vous
ne perdez aucun des fruits qu'on en peut
tirer pour la littérature. Comme les Livres du Droit sont moins suspects de
falsification que les Livres d'Histoire ,
j'espere que mon Adversaire aura assez
d'équité pour ne pas prétendre que la
généalogie , indiquée par Tristan , pêche
jusques dans sa source. Il faut qu'il convienne au moins que le nom d'Ovinius
ne se rencontre guéres ailleurs qu'en ces
-deux endroits. De mon côté , si le tout
est controuvé et fabriqué à plaisir , j'avouerai que la manufacture d'Ecrivains ,
Imaginée par quelques modernes , a eu
des correspondances admirablement bien
soûtenues par tout l'Occident , pour y
faire trouver en tous lieux , dans le Corps
du Droit , un Ovinius- Tertullus , Pere
environ l'an 200 , et dans la compila
tion de l'histoire Auguste , un OviniusCamillus , fils , l'an 228. ou environ.
AAuxerre , ce 26 May 1732
de Lampride sur Ovinius Camillus ,
adressée à M. Bouhier , President an
Parlement de Dijon.
Ice
La dû vous paroître , Monsieur , par
ce que j'ai dit dans les Mercures de
May et d'Octobre 1731. pages 1052. et
2347. que je n'ai point prétendu que
l'explication que j'ai donnée du PRO
SALUTE DOMINORUM , de l'Inscription
trouvée proche notre Ville , fût la seule
et unique qu'on pût en donner. J'ai toûjours attendu qu'on détruisît solidement
ce que j'ai avancé sur la foi de M. de
Tillemont , dès le lendemain que cette
découverte fut faite , et avant que d'avoir eu le loisir de feüilleter les immenses
Recueils d'Inscriptions qui peuvent servir à mettre la verité dans un plus grand
jour. Un Curieux d'Orleans , qui ne se
fait connoître que sous ces deux Lettres
initiales D. P. a enfin trouvé au bout de
quelques mois après la publication de
ma Lettre , que l'on pouvoit entendre ce
DOMINORUM , d'autre que d'Alexandre
Severe et Ovinius , joints ensemble , etil
"
1710 MERCURE DE FRANCE.
il écrit non seulement qu'on le peut ,
mais qu'on le doits et qu'il est impossible
que cette domination ou cet Empire commun attribué à deux Princes convienne
à ces deux-là. Ce qu'il y a d'étonnant
dans son Ecrit imprimé dans le dernier
Mercure , est que pour faire tomber nécessairement les vœux contenus dans notre Inscription sur la prosperité d'Alexandre et de Mammée sa Mere , il persiste à vouloir qu'on regarde comme faux
tout ce que Lampride rapporte de l'association d'Ovinius à l'Empire. Il peut trouver en moi un Lecteur assez docile pour
embrasser l'explication qu'il donne du termeDominorum , comme étant plus aisée à
sauver; mais il ne s'ensuivra pas de- làqueje
doive croire qu'Ovinius est une chimere,
et que tout ce que Lampride en rapporte
est une fible. L'autorité de Lampride est
trop bien établie, pour qu'on puisse révoquer en doute un fait qu'il arevêtu detous
les motifs de credibilité qu'on peut exiger pour l'appui d'un évenement extraor
dinaire. En passant donc à M. P. que ce
fut pour la prosperité de Mammée et
d'Alexandre , que le Monument en question fut érigé , il n'en faut point conclure pour cela que l'association d'Ovinius soit une fiction de quelqueModerne,
A O UST. 1732. 1711
et une invention de quelque Manu- facture d'Ecrivains. Tout ce qu'il pour
ra inferer de ce que je lui accorde , est
que M. Tillemont n'a pas toûjours.
bien examiné les choses avant que de les
assurer, et que quelquefois on peut se
tromper lorsqu'on s'en rapporte trop vîte à son jugement. J'avoueray donc que cet
Historien , tout judicieux qu'il étoit , a
manqué de preuves suffisantes fixer pour l'association d'Ovinius à l'an 223. mais
j'ajoûte bien plus , qu'il ne s'est pas exprimé bien exactement lorsqu'il a dit qu'il
ya dans l'Histoire de cette Association des
circonstances qui paroissent tenir de la Fable. On entrevoit que ce grave Historien a
voulu insinuer seulement que cette association a eu quelques circonstances qui
tiennent du comique , ce que je ne nie
pass mais des circonstances , pour › pour être
comiquès , n'empêchent point le fond
de l'Evenement d'être très- réel. M. de
Tillemont l'a crû tel , puisqu'il a
ployé un article entier de ses Notes pour
en fixer l'époque, Alexandre s'est comporté comme il a dû faire dans la conjoncture où il se trouvoit ; et c'est un
des traits de politique les mieux jouez ,
que celui qui est rapporté par Lampride.
Comme M. P. d'Orleans traite de fable
emtout
1712 MERCURE DE FRANCE
*
tout le récit de Lampride , le point de
difficulté qui nous sépare ne consiste plus
que dans la verification de ce récit que
je soutiens sincere et non controuvé ni
fabriqué à plaisir. Il ne sera plus fait
mention entre nous de l'Inscription d'Auxerre ; mais seulement de cette question
de fait que l'Inscription a occasionnée.
Quelles que soient les louanges qu'il me
donne dans ses deux Ecrits , je ne m'en
laisse point éblouir , et je fais gloire d'être mis au rang des Lecteurs les plus crédules et que la lecture de Lampride ne révolte point , lorsque je m'y trouve dans la compagnie d'une personne aussi profondément versée dans ces matieres que
vous l'êtes. Vous avez eu la bonté de me
faire part de ce que vous opposeriez à
M. P. si c'étoit à vous qu'il eût affaire :
vous allez juger , Monsieur , si j'en ai
fait usage suivant vos intentions , et si
ce que j'ai découvert depuis par une lecture attentive de Lampride , et que j'ai
joint à vos Observations , n'est pas suffisant pour convaincre quiconque n'éxigera point des preuves métaphisiques ou
d'un genre superieur.
Les preuves exterieures de l'Association
d'Ovinius à l'Empire par Alexandre ,
consistent à assurer l'autorité de Lampride
A O UST. 1732. 1713
pride qui le rapporte. Il est inutile de
repeter ce que j'en ai dit dans le Mercure d'Octobre , page 2337. On y voit
les précautions que cet Historien à prises
pour constater la chose ; et vouloir en
douter c'est comme si l'on soutenoit que
tout ce que les Historiens d'aujourd'hui
rapportent de la vie du Roy Henry IV.
sur la foi des Memoires de ses Courti
sans ou de ses Generaux d'Armées , n'est
pas assez appuyé pour être crû , et qu'il
faut qu'ils produisent ces Memoires tels
qu'ils ont été rédigez dans le Cabinet ou
sous les Tentes. Comme nous nous contentons des Extraits qu'on nous donne
aujourd'hui de ces Memoires , de même
dans le siecle de Constantin , on n'exigea
point de Lampride , qu'il joignit à sa vie
d'Alexandre les Memoires qu'en avoient
redigé séparément Septimius , Encolpius,
Acolius , &c. on se contenta des Extraits
qu'il en fit et qu'il ajusta à son style ,
qui est fort simple et fort coupé. Son
dessein étant d'exposer à Constantin
quel fut le caractere des Princes plutôt
que d'entreprendre une Histoire suivie ,
il ne faut pas être surpris qu'il ne tire
des amples Memoires qu'il avoit , qu'un
simple Sommaire qui présente plutôt l'état des mœurs , les maximes et la conduite
1714 MERCURE DE FRANCE
duite de ce Prince , qu'un détail circons→
tancié de ses campagnes C'est l'idée qu'il
faut se faire de Limpride , comme de
quelques autres qui ont compilé les
actions de certains Empereurs , à dessein de donner une idée de Fur caractere On voit par son narré qu'il avoit
sous les yeux les cinq ou six A teurs qui
avoient écrit uniquement sur Alexandre,
et même qu'il tiroir d'Herodien ce qu'il
jugeoit à propos , le refutant lorsqu'il
étoit necessaire. Il n'est point étonnant
après cela que cet Auteur et ses semblables ayent quelques deffiuts ; mais ces
deffauts ne sont pas essentiels. Les Ecrivains de cette espece pechent ordinaire- ment par le manque d'ordre et de méthode. Ils tombent dans des redites ;
mais avec tout cela ils n'écrivent rien de
faux ; ils promettent de s'étendre sur certaines choses , et ils l'oublient ensuite ,
ou ne les font qu'effleurer. Lampride est
précisement dans ce cas-là , au jugement
de Vopisque , dans la vie de l'Empereur
Probus. Il y paroît dans le rang
qui ont transmis l'Histoire à la posterité
non tam disertè quam verè. Laissant l'élegance et l'emphase , il a écrit avec simplicité , mais avec verité. Il ne rapporte
point non- plus les faits par ordre chrode ceux
nologi-
A OUST 1732. 1715
nologique , mais suivant qu'ils se sont
présentez à sa plume , en traçant les traits.
qui caract risent l'Empereur Alexandre.
On ne l'accuse point comme Herodien ,
d'avoir composé les Harangues qu'il met
dans la bouche des Empereurs , ni les
Lettres qu'il leur fait éc ire ; il rapporte
le peu de paroles que le Prince a prononcées ; et s'il ne les rapporte pas diserè ,
du moins on doit dire qu'il les rapporte
verè. Il n'est pas éloquent ; mais il est
fidele. C'est de l'une de ces courtes Harangues que j'espere, Monsieur , tirer cydessous la preuve du temps auquel a été
faite l'Association d'Ovinius.
L'autorité de Lampride étant suffisamment à couvert , malgré le décri dans lequel l'Ecrivain d'Orléans voudroit la mettre , il faut maintenant faire voir que
l'Histoire de l'Association d'Ovinius n'a
rien d'incroyable en elle même , et qu'au
contraire elle est revêtuë de circonstances
qui s'accordent très- fort avec la situation
où Alexandre se trouva. Loin qu'Alexan
dre Sevére fut un Prince puissant , etque
tout fut paisible de son temps , au point
que se le figure M. P. il n'y a gueres eu
d'Empereur plus traversé par ses propres
Sujets , et qui ait essuyé plus de soulévemens. Il est certain que ce jeune Prince
avoit
1716 MERCURE DE FRANCE
avoit par lui- même un bon caractere et
d'excellentes inclinations, qui le portoient
aux grandes choses. Mais sa mere l'avoit
élevé dans une dépendance servile , à laquelle il n'eut pas la force de se soustraire. Ainsi on peut dire que c'étoit elle qui
gouvernoit sous le nom de son fils. Fecit
cuncta cum matre , ut et illa videretur pariter imperare , dit Lampride ; et plus bas :
Egit omnia ex consilio matris. C'est pour
cela que l'Empereur Julien en ses Césars,
lui fait ce reproche amer : Pauvre sot , qui
maître de l'Empire , n'a pas eu l'esprit de
gouverner tes propres Sujets , mais a remis
tes trésors entre les mains de ta mere ! Un des
traits les plus marquez de cette dépendance de sa mere , fut la foiblesse avec laquelle il souffrit l'indigne procédé qu'elle
garda envers sa femme et son beau pere.
Si ce Prince eut été si puissant que le dit
M. P. auroit-on vû arriver sous ses yeux
le meurtre d'Ulpien son favori, et Prefet
du Prétoire , par les Soldats de la Garde
Prétorienne , sans qu'il osât s'élever alors
contre cet attentat ? Loin de punir aussitôt le principal auteur , il lui donne la
Préfecture d'Egypte , en attendant qu'il se sente assez fort pour s'en venger. Depuis cette mort les Prétoriens ne lui obéïrent plus qu'à regret ; leur haine se porta contre
AO.UST. 1732 1717
contre Dion , son Collegue de l'an 229.
et elle éclata si fort que ce Consul n'eut
pas le courage de paroître dans Rome
avec les marques de sa dignité; et il fallut
que l'Empereur lui conseillât de s'en éloigner , pour éviter leur fureur. Dira- t- on
après cela que ce Prince fut regardé comme Puissant , et que son regne fut fort
paisible? Ce n'est pas encore tout; un
nomméTaurin et un autre particulier ,
appellé Urane ( a ) , furent élevez à l'Empire par les armées d'Orient. Un troisiéme, nommé Antonin , fut pareillement
proclamé Auguste , par les Prétoriens. Il
est vrai que ces personnages refuserent la
dignité qu'on leur offroit ; mais ce n'en
est pas moins une preuve que le regne
d'Alexandre ne fut pas si paisible que le
prétend M. P. Peut- être que pour ne rien
rabattre de ses prétentions , il soutiendra que ces proclamations ne se trouvant
marquées que dans le jeune Victor et dans
Zozyme, elles ne meritent aucune créance.Acela je réponds que comme ces deux
Ecrivains vivoient dans un siecle peu
éloigné de celui d'Alexandre , il ne faut
point douter qu'il n'eussent devant eux
les Mémoires de quelques uns des cinq ou
( a ) Je croirai , si l'on veut , que Taurin et Urane aété le même ; rien n'empêche de lesdistinguer.
six
1718 MERCURE DE FRANCE
amis
six Auteurs qui avoient écrit les évenemens du regne de ce Prince , et dont l'éloignement des temps nous a privez Au
reste , ce que Dion rapporte de lui - même
personnellen ent , marque assez l'appré- hension où Al xandre étoit de voir ses
rsécutez ; et peut être aussi de se P
voir lui- même livré au caprice des Soldats. Or je demande si avec de tels soupçons , un Prince peut passer pour avoir
tou ours mené une vie tranquille , si on
peut dire que son regne a été paisible, et
que lui même gouvernoit ses Sujets avec
puissance et empire.
Si donc l'on trouve du foible dans la
maniere dont il se conduit , pour écarter ce qui se tramoit en faveur d'Ovinius,
P'on pourroit l'attribuer aux con eils timides de sa mere : Mais non ; il semble
au contraire que ce fut un trait de prudence qui le fit agir ainsi, Les Prétoriens,
dont l'autorité étoit enracinée dansRome,
avoient conçu une telle haine contre
Mammée , et par conséquent contre son
fils , que tout éroit à craindre de leur
part. Dès qu'ils croyoient voir dans le Sénat quelque Sujet propre à être élevé à
l'Empire , ou , pour mieux dire , à condescendre à leurs volontez , ils ne manquoient pas de ménager des pratiques
sour
D
AOUST. 1732. 1719
sourdes , pour faire déclarer Rome en sa
faveur. Ovinius convenoit apparemment
à leur dessein , et il se trouva disposé à
y concourir. Alexandre en étant averti ,
crut le prévenir , non en se défaisant de
lui , à force ouverte , mais en faisant semblant d'entrer dans les vûës des Prétoriens , jusqu'à ce qu'il trouvât le moment
favorable de perdre son concurrent.Ayant
été averti d'un remuëment , de la part de
certains Barbares , il se servi. de cette occasion pour faire connoître à toute l'armée jusqu'où s'étendoit la force et la vigueur de cet homme si désiré . Il l'associa
donc à l'Empire , avec quelqu'une au
moins des solemnitez ordinaires ; mais
pour le faire en même temps tomber
dans le mépris , et montrer combien il
étoit peu digne de lui être con paré ; il
lui proposa d aller avec lui à la guerre
qui se présentoit à faire contre les Barbares , prévoïant bien qu'il n'oseroit le lui
refuser , mais que délicat comme il étoit,
il ne pourroit jamais résister aux fatigues
dont il lui donneroit l'exemple , et que
son entreprise tourneroit à sa confusion.
En effet , la chose réüssit , comme Aléxandre l'avoit prévû , et par là l'Empereur se vit délivré d'un ennemi qui cassa
d'être dangereux dès qu'il commença à
·
être.
1720 MERCURE DE FRANCE
être méprisé. Ce tour de politique est- il
donc si ridicule et si hors de vrai-semblance que l'assure le Critique d'Orleans?
Pour moi j'y vois toutes chose admirablement bien concertées , pour venir à bout
de décrier Ovinius ; et cela me rappelle le
souvenir d'un artifice assez semblable dont
usa , quelques années auparavant, l'Empereur Septime- Severe, à l'égard d'Albin.
Ce Prince voïant qu'Albin qui descendoit d'une ancienne Maison , étoit aimé
du Sénat, n'osant l'attaquer à force ouverte , fit mine de vouloir l'associer à
l'Empire , et lui écrivit à cet effet des Lettres très-affectueuses en apparence ; mais
en même- temps il chargea secretement
ceux qui les lui porterent de sa part,de se
défaire adroitement de lui; et s'il n'y réüssit pas , ce ne fut pas sa faute. Je pourrois aussi produire d'autres exemples de
tours de politique plus semblables à celui
qu'employa Alexandre , et aussi plus récens. Mais je croi m'être assez étendu sur
cet article , pour persuader à mon adversaire que ce n'est pas sans fondement que
je regarde l'expedient rapporté par Lampride , comme ayant été réellement et
véritablement mis en usage. J'avouë, avec
lui , qu'il n'y a aucune apparence qu'Alexandre cut voulu dans de pareilles circons-
AOUST. 1732. 1721
Constances abandonner à Ovinius , la conduite de son armée; c'eut été le comble de
l'imprudence. Aussi n'est-ce pas le sens
qu'il faut donner au texte de l'Historien .
Monsieur de Tillemont l'a induit en erreur , par la traduction qu'il a faite de ce
texte Latin , en ces termes : Alexandre
offrit à ( Ovinius Camillus de l'y mener
avec lui , s'il n'aimoit mieux y aller lui
seul. Dans ce texte,ainsi conçu ; vel ipsum
si vellet, ire, vel ut secum proficisceretur, bortatus est , la particule vel, doit être prise
non disjonctivement , mais conjonctivement c'est-à- dire pour et , comme dans
une infinité d'autres endroits des Auteurs de l'Histoire Auguste. Monsieur de
Saumaise l'a remarqué plusieurs fois , et
entr'autres sur Lampride, par cette petite
notte; (vel pro et ; quod sexcentis locis apud
hos autores observavimus ) ( a ) Icy P'Hi
torien en a usé de la sorte , d'autant pl
volontiers que la répetition de la part.
cule et qu'il avoit employée peu aupara
vant , et qui revient peu après , auroi
été trop désagréable. ( b ) Lampride a
donc seulement donné à entendre qu'Alexandre invita Ovinius à aller à la Guer-
( a ) Edition de 1620. pag. 184.
(b) Voyez le Mercure d'Oct. 1731. pag. 2338.
C
1722 MERCURE DE FRANCE
re contre les Barbares , et même à faire
le voyage avec lui.
Je n'étois aucunementobligé de désigner
l'habitation de ces Peuples , lorsque je fis
ma premiere Lettre adressée aux Auteurs
du Mercure, dans le mois de May dernier,
n'y d'ajouter dant la seconde , pour plus
grande explication, que l'expedition Ġermanique , qui suivit l'association , se rapportoit à celle où Varius Macrinus se signala dans Pillyrie; et j'aurois pû me borner au simple texte de Lampride , qui ne
les nomme qu'en général , sous le nom
de Barbares. Mais m'étant reposé sur
l'exactitude qu'on attribuë à M. de Tillemont , j'ai cru avec lui, qu'il s'agissoit de
l'expédition qui se fit par Alexandre,contre les Germains , dont le triomphe qui
suivit est marqué chez Occo , sur une
Médaille d'argent en ces deux mots DE
GERMANIS , avec cette note chronologique TR. P. VIII.cos. III. La Victoire étant
rapportée à l'an 229. de Jesus- Christ , il étoit assez naturel de croire que la guerre
cut pû commencer en 228. c'est ce qui
-me déterminoit à faire partir en cette
année Ovinius avec Alexandre. Mais depuis , j'ai fait réfléxion sur un discours
fit Alexandre à ses Soldats étant à An- que
tioche l'an 233 , lorsqu'il les conduisoit
contre
AAOUST. 1732 1723
contre la Perse L'Empereur voulant éteindre les semences de sédition qui se formoient dans son armée, rappella à ses anciens Soldats l'usage qu'on leur avoit enseigné de faire de leur voix , d'abord
contre les Sarmates , ensuite contre les
Germains , et enfin contre les Perses ,
ajoutant qu'il étoit étonnant qu'ils voulussent s'en servir contre celui qui leur
fournissoit la nourriture,les vétemens, &c.
Qui in concione estis , leur dit- il , vocem in
bello cantra hostem , non contra Imperatorem
vestrum necessariam , certè Campidoctores
vestri hanc vos docuerunt contra Sarmatas et
Germanos ac Persas emittere , non contra eum
qui acceptam à Provincialibus annonam ,
qui vestem , qui stipendia vobis attribuit.
Monsieur de Tillemont n'ayant traduit
dans notre langue qu'une partie de ce dis- cours , n'a pas fait sentir que les Sarmates
ysont nommez en premier lieu , et les
Germains ensuite. Ce fut donc l'occasion.
de l'irruption des uns ou des autres de ces
Barbares qu'Alexandre saisit , pour convaincre les Soldats , combien ils se connoissoient peu en vrai mérite , lorsqu'ils
marquoient quelque inclination d'obéïrà
Ovinius. L'Empereur qui étoit jeune , af
fecta apparemment d'aller exprès à pied,
afin de faire succomber son concurrent
Cij Sous
1924 MERCURE DE FRANCE
sous la fatigue, et il en vint à bout en peu
de jours. Comme il est évidenr qu'Alexandre dans le discours qu'il tint à ses
Troupes , les faisoit ressouvenir par ordre des temps de toutes les Campagnes
qu'ils avoient faites; il est necessaire de
placer celle de Sarmatie la premiere ; et
par consequent comme celle de Germanie est de l'an 229 , au plus tard ; on doit
celle que qui se fit contre les
Sarmates a dû être aussi au plus tard l'an
convenir
228.
On ne peut pas assurer si Alexandre
alla en personne jusques dans la Sarmatie; c'est un fait qu'Acolius auroit sans
doute éclairci par le moyen de son livre
des Voyages de cet Empereur. Mais ses
Mémoires étant perdus , on doit se contenter de sçavoir simplement que la premiere guerre que cet Empereur eut à soutenir, fut contre ces peuples. Il seroit fort
à propos , je l'avoue , que quelque Médaille vint au secours de la notice que je
prétends tirer en faveur de cette guerre
Sarmatique , du discours qu'Alexandre
tint à ses Soldats , de méme que nous en
avons une qui constate celle de Germanie. Mais il ne faut point désesperer d'en
trouver quelquejour où la victoire sur les
Sarmates sera rapportée à l'une des 6 premieres
AOUST. 1732 1725
,
mieres années du regne d'Alexandre ,
pourvû que l'on soit plus soigneux de les
conserver , que ne l'a été un Orfévre de
notre Ville , qui au mois de Juin dernier,
en ayant acheté d'un passant un grand
nombre d'argent , du regne de cet Empereur et des autres Princes qui lui succederent , les fondit une demie - heure
après, sans qu'on ait pû en sauver qu'une
seule d'Alexandre. Ces monumens,moins
sujets aux accidens que les livres, peuvent
suppléer en quelque sorte , à ce que nous
- sçaurions plus en détail , si nous avions
en original les Memoites que Septimius ,
Acolus , Encolpe , Gargilius-Martialis
Marius Maximus , Aurele- Philippe et
encore d'autres témoins oculaires avoient
dressés touchant le regne de cet Empereur. Cette guerre Sarmatique s'offre icy
d'autant plus à propos,avant celle de Germanie , que plus elle sera rapprochée du
regne d'Alexandre , plus on sera fondé à
suivre l'explication que Saumaise a donnée au texte de Lampride , et à dire avec
lui que ce fat Alexandre même qui donna ordre de tuer Ovinius dans l'une de
ses terres , où il demeuroit depuis long- temps,
et à ne pas rejetter , sans necessité , cette
mort sur l'Empereur suivants tutum ad
Willas suas irepræcepit in quibus DIU VIXIT,
C iij
K
sed
1726 MERCURE DE FRANCE
sed post , jussu Imperatoris occisus est. Depuis la remarque que vous , Monsieur ,
m'avez fait faire , après Saumaise , que
tout Historien qui dit simplement l'Ēmpereur , entend celui dont il écrit l'histoire , et non son successeur; je ne panche
plus en aucune maniere pour le sentiment que M. de Tillemont insinuë.
M. P. d'Orleans a proposé le silence de
deux Ecrivains contemporains à Alexandre ; sçavoir , Dion et Hérodien , comme
un grand argument contre l'histoire de
l'association d'Ovinius, Mais il faut d'abord retrancher de ce nombre l'Historien
Dion , pour plusieurs considerations. La
premiere est , que nous avons perdu le
livre de son histoire, qui comprenoit une
partie duregne d'Alexandre; car nous n'en
avons qu'un abregé des plus succincts ,
fait par Xiphilin , lequel a retranché ce
qui lui a plus la seconde est , que si
l'association d'Ovinius s'est faite dans le
temps que Dion a renfermé dans son Histoire , c'est-à-dire , avant l'an 229 , comme je n'en doute aucunement , Xiphilin
a voulu la comprendre sous ces termes
generaux qui se trouvent dans son abregé: Per id tempus multe rebelliones facta
sunt à multis quarum aliquot , quum fuissent formidolosa , repressa ac restrincta sunt.
Les
AOUST. 1732. 1727
Les sourdes pratiques d'Ovinius pour par
venir à l'Empire, sontsans doute du nom
bre de ces rebellions dangereuses qui furent réprimées par Alexandre. Can Ovinius rebellare voluisset tyrannidem affecians,
dit Lampride.
ро
Qu'importe , en effet , de quel moyen
on se serve pour réussir à étouffer une rebellion formée secretement , force ou
adresse , pourvu qu'on parvienne au bur
qu'on s'est proposé. Alexandre usa de
litique, de même qu'il venoit de faire unt
peu auparavant , incontinent après le
meurtre d'Ulpien son favori. Le même
Dion dit que la raison pour laquelle Epagathe , Auteur de ce meurtre , ne fut
point puni sur le champ et pourquoi
l'Empereur parut dissimuler la peine que
lui faisoit cette action , fut la crainte qu'il
eut d'exciter une émotion dans Rome.
Epagathus qui Vlpiano magna ex parte
causa necis fuerat , missus est in Ægyptum,
ut Præfectus ejus Provincia , ne forte si de eo
Rome supplicium sumptum esset , tumultus
aliquis connectaretur; atque inde reductus in
Cretam , condemnatus est. Per id tempus , et
le reste , comme cy- dessus.
Quelque année que l'on choisisse entre les six premieres du regne d'Alexandre,
pour placer la mort d'Ulpien , il est évi- C iiij dent
7728 MERCURE DE FRANCE
dent que la rebellion d'Ovinius ne tarda
gueres à suivre cet évenement. On doit
aussi placer vers ce temps-là les procla
mations des autres Augustes dont j'ai parlé plus hauts et le texte de Dion le demande.
A l'égard d'Herodien , ce n'est rien
moins qu'un Auteur exact , suivant les
Critiques et suivant M. de Tillemont
même. Aussi le reprend-il très-souvent ;
ainsi sans entrer dans le détail, qu'il mesoit
permis de renvoyer M. P: à la table de
son troisiéme volume de l'Histoire des
Empereurs. Lampride pareillement , qui
avoit l'ouvrage d'Herodien sous les yeux,
en faisant la vie d'Alexandre , est obligé
de le corriger , lorqu'il contredit les Annales de la Ville de Rome , et tous les
Auteurs contemporains , qui étoient plus
à portée que lui d'examiner les démar
ches de cet Empereur , et sa maniere de
vivre. Cet Historien Grec a pû être mieux
informé de quelques- unes des choses qui
se passerent en Orient , mais il n'eut pas
les mêmes facilitez pour apprendre tout
ce qui arriva dans l'Occident. Il en raconta des Histoires autrement qu'elles n'étoient , et il en obmit plusieurs qui ne
vinrent point à sa connoissance , même
de celles qui regardent l'Orient.
S'il
AOUST. 1732. 1729
S'il falloit n'admettre que ce qu'il a inseré dans son Ouvrage , il faudroit effacer
de la vie d'Alexandre la révolte des Troupes de Mésopotamie , contre Flavius Heracleon , leur Commandant, dont Dion a
parlé; il ne faudroit rien croire du meurtre d'Ulpien, rapporté par le même Dion.
Si Herodlen a obmis l'association d'Ovinius , il a aussi passé sous silence la victoire sur les Germains, remportée en 229,
dont les Médailles ont conservé la mémoire ; il n'a pas fait là moindre men--
tion du triomphe glorieux d'Alexandre ,
au retour de la guerre de Perse. Loin de
cela ,on croiroit à le lire , que l'Empëreur confus de n'avoir pû vaincre Arta--
xerxes , vola brusquement d'Antioche sur
les bords du Rhin ,, pour l'éxpédition
d'Allemagne ; confectoque celeriter itinere
consistit ad Rheni ripas. Il ne dit rien non
plus de l'élevation de Taurin et d'Urane
à l'Empire. Faut-il donc s'étonner s'il en a
fait autant d'Ovinius.
Je ne m'étendrai point à refuter la proposition extraordinaire par laquelle M. P.
avance,qu'à moins que les faits que Lam--
pride a tirés des Historiens contemporains
d'Alexandre , ne se rencontrent ailleurs ;
on est toujours bien reçu à les rejetter.
Javoiie que ce principe est très- commode
G. v pour
1730 MERCURE DE FRANCE
pour n'admettre que ce que l'on veut. Il
suffit de l'exposer , pour faire voir à quel
dégré d'incrédulité il conduiroit les Lecteurs , s'ils en étoient susceptibles , et il
n'est pas difficile de prévoir qu'après l'avoir admis , à l'égard des Historiens du
Paganisme,on pourroit bien l'étendre sur
d'autres , d'une importance bien plus
grande. Je suis donc d'avis, comme vous,
Monsieur , que loin de rejetter le témoignage des Auteurs réunis ensemble , dans
la compilation de l'Histoire Auguste ,
tout imparfaits qu'ils sont; la raison veut
qu'on y ajoute foy , comme à toute autre
Histoire , à moins qu'il n'y ait des motifs
très-pressans de s'en écarter, et des objections qui soient sans replique.
La derniere objection de M. P. contre
l'association d'Ovinius à l'Empire , consiste en ce qu'il ne se trouve aucune Médaille qui fasse mention de lui,ni aucune
Loy où son nom soit marqué. Mais fait- il
attention , que selon l'Historien sur lequel nous nous fondons , cette association fut de très peu de durée , et qu'Ovinius fatigué du métier de la guerre , au
bout de trois ou quatre jours de marche,
abdiqua l'Empireset qu'Alexandre l'ayant
aussi- tôt confié à des Soldats , de la fidèlité desquels il étoit très-sûr,le fit conduire
dans
AOUST. 1732. 1731
dans ses terres, où il vécut en simple particulier. Quoiqu'on ne puisse gueres dou
ter qu'il n'y ait eu quelques Médailles
à l'occasion de l'association d'Ovinius
il n'est pas extraordinaire qu'il ne s'en
trouve point aujourd'hui. Combien y en
a-t-il eu qui n'existent plus , et combien
n'en reste- t- il pas encore à découvrir? On
donne communément trois femmes à Alexandre Severe ; où sont les Médailles des
deux dernieres ? Où est celle qui fut sans
doure frappée pour le triomphe de cet
Empereur. L'Histoire ne nous apprend- elle pas que certaines personnes ont porté le titre d'Empereur , sans qu'il en reste
des Médailles, ou du moins dont on n'en a
que de tres douteuses. Tel est un Jotapianus , un Lucius - Priscus , un JuliusValens , un Perpenna- Lucinianus, un Firmius , &c. S'il ne se trouve point de Médailles de tous les Princes dont l'Histoire
fait mention , il faut aussi avouer que les
Médailles nous ont conservé le nom de
quelques Princes , qui sans cela ne seroient point connus, les Livres qui en
pouvoient traiter ayant été perdus. Tel
est un Pacatianus , un Nigrianus, une Bar
bia Orbiana , &c. On ne peut donc point
conclure avec certitude, qu'un Prince n'a
point existé , de ce qu'on ne trouve poinɛ Cvj son
1732 MERCURE DE FRANCE
son nom sur les Médailles qu'on a aujourd'hui,ou qu'il ne paroît pas dans les Hitsoriens ,parce qu'on a perdu beaucoupde mo
numens en l'un et en l'autre genre. On peut
encore moins le conclure de ce que son
nom n'est dans aucune Loy. Cette raison
est des plus frivoles dans l'affaire d'Ovinius. Il peut se faire qu'il n'y ait eu aucune
Loy expédiée , du moins qui soit parve
nue jusqu'à nous , pendant le court inter valle de son association. Si donc il se rencontre des vuides considérables , sans promulgation de Loix , pendant les années ,
à l'une desquelles on est obligé de fixer
cette association , l'argument de M. P.
n'est d'aucun poids , et il tombe de luimême.
nuë
Quoique jaye accordé à M.P. qu'une
Inscription votive, de l'an 228. qui porte
ces mots: Pre salute Dominorum, pourroit
s'entendre plus naturellement de l'Im
pératrice Mammée , avec son fils ; je n'abandonne point cependant tout-à- fait la
part qu'Ovinius peut avoir dans ce nom
bre plurier; parce qu'à la lecture de Dion,
tout abregé qu'il est par Xiphilin ; on
voit clairement que la mort d'Ulpien n'a
pas dû précéder de beaucoup de temps le
Consular du même Dion , qui fut sûrement l'an 229. Il faut donc mettre certe
mort
A' O UST. 、 1732. 1733
mort vers la fin de l'an 227 , ou au commencement de 228. Or comme , selon le
même Dion , l'intervalle entre ces deux
époques fut celui pendant lequel se for- merent diverses rebellions : Multa rebelLiones à multis celle d'Ovinius ayant été
l'une des plus dangereuses, il paroît qu'on
doit toujours la rapporter à l'an 228 ; et que
par conséquent son association seroit du
même-temps, et sous le Consulat de Mcdeste et Probus. C'est ce qu'il faut esperer
que la postérité verra un jour éclairci par
les Médailles , dont on fera la découverte, ou par d'autres monumens plus en- tiers que n'est celui d'Auxerre. Au reste
cet Ovinius-Camillus estsi peu une chime
re et unpersonnage fabriqué par Lampride, ou par quelque Ecrivain posterieur
selon le jugement de Tristan , que ce celebre Antiquaire le croit fils d'un autre
Ovinius-Tertullus , Président de la Mysie inférieure , auquel fut adressé un Réscrit très-connu dans le Droit , et qui a
fait donner le nom de : Ad Senatus Consulium Tertullianum , au tit . 17 du 38 liv.
du Digeste. Les Deux Empereurs qui y
sont nommez , sont Septime Sévére , et
Caracalla , son fils ; et le Jurisconsulte ,
qui cite le Réscrit, n'est autre que le fameux Ulpien , dont j'ai déja parlé plu- sieurs
1734 MERCURE DE FRANCE
sieurs fois. Je vous ai , Monsieur , l'obligation de cette remarque , qui n'est pas
icy hors de propos , et qui fait voir en
même- temps, qu'en lisant les Loix, vous
ne perdez aucun des fruits qu'on en peut
tirer pour la littérature. Comme les Livres du Droit sont moins suspects de
falsification que les Livres d'Histoire ,
j'espere que mon Adversaire aura assez
d'équité pour ne pas prétendre que la
généalogie , indiquée par Tristan , pêche
jusques dans sa source. Il faut qu'il convienne au moins que le nom d'Ovinius
ne se rencontre guéres ailleurs qu'en ces
-deux endroits. De mon côté , si le tout
est controuvé et fabriqué à plaisir , j'avouerai que la manufacture d'Ecrivains ,
Imaginée par quelques modernes , a eu
des correspondances admirablement bien
soûtenues par tout l'Occident , pour y
faire trouver en tous lieux , dans le Corps
du Droit , un Ovinius- Tertullus , Pere
environ l'an 200 , et dans la compila
tion de l'histoire Auguste , un OviniusCamillus , fils , l'an 228. ou environ.
AAuxerre , ce 26 May 1732
Fermer
Résumé : DEFFENSE d'un Trait Historique de Lampride sur Ovinius Camillus, adressée à M. Bouhier, President au Parlement de Dijon.
La lettre adressée à M. Bouhier, président au Parlement de Dijon, traite de l'interprétation d'une inscription découverte près de Dijon. L'auteur, Defens, reconnaît qu'il existe plusieurs explications possibles pour le terme 'PRO SALUTE DOMINORUM'. Il mentionne qu'un individu d'Orléans, se faisant appeler D.P., a proposé une autre interprétation, contestant l'association d'Ovinius Camillus avec l'Empire d'Alexandre Sévère. Defens défend l'autorité de Lampride, l'historien qui rapporte cette association, et souligne que les circonstances politiques de l'époque rendent cette association plausible. L'Empire d'Alexandre Sévère fut marqué par des soulèvements et des menaces internes, justifiant la prudence d'Alexandre en associant Ovinius à l'Empire pour apaiser les Prétoriens. Le texte discute également de la stratégie politique d'Alexandre Sévère visant à discréditer Ovinius, un rival potentiel. Alexandre proposa à Ovinius de l'accompagner en guerre contre les Barbares, anticipant que ce dernier ne pourrait supporter les fatigues du voyage. Cette manœuvre réussit, permettant à Alexandre de se débarrasser d'un ennemi dangereux. Le texte compare cette stratégie à celle utilisée par Septime Sévère contre Albin, soulignant l'efficacité de telles tactiques politiques. Une controverse sur l'interprétation d'un passage de Lampride est également abordée. Monsieur de Tillemont avait traduit ce passage de manière erronée, suggérant qu'Alexandre avait offert à Ovinius de conduire l'armée seul. Cependant, la particule 'vel' dans le texte latin doit être interprétée comme 'et', indiquant qu'Alexandre invita Ovinius à se joindre à lui en guerre. Le texte mentionne les campagnes militaires d'Alexandre contre les Sarmates et les Germains, soulignant leur importance dans la consolidation de son pouvoir. Il discute également de la fiabilité des historiens contemporains, comme Dion et Hérodien, notant leurs omissions et erreurs. L'auteur affirme que l'association d'Ovinius avec Alexandre est un fait historique, malgré les silences de certains historiens. Le Mercure de France, daté de 1730 à 1734, défend l'idée que les témoignages des historiens, même imparfaits, doivent être pris en compte. L'auteur réfute l'objection de M. P. concernant l'association d'Ovinius à l'Empire, soulignant que cette association fut de courte durée et que l'absence de médailles ou de lois mentionnant Ovinius n'est pas une preuve de son inexistence. Il argue que de nombreux monuments et documents historiques ont été perdus ou ne sont pas encore découverts. L'auteur conclut que l'on ne peut pas conclure avec certitude à l'inexistence d'un prince en l'absence de preuves contemporaines. Il discute également de l'inscription votive de l'an 228 et de la généalogie d'Ovinius, citée par Tristan, ainsi que de la présence du nom Ovinius dans les lois et l'Histoire Auguste.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 2105-2111
REMARQUES sur la nouvelle publication de l'Inscription qu'on voyoit cy devant au Portail de sainte Croix d'Orleans, adressées aux Auteurs du Mercure.
Début :
Ayant appris, Messieurs, de ceux qui ont vû le Mercure de Juin avant [...]
Mots clefs :
Inscription, Portail de Sainte-Croix d'Orléans, Polluche, Quadratus orbis
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur la nouvelle publication de l'Inscription qu'on voyoit cy devant au Portail de sainte Croix d'Orleans, adressées aux Auteurs du Mercure.
du monde. Si le monde est rond comme
un globe , et quarré en même-tems , voilà tout d'un coup la quadrature du cercle qu'on se fatigue tant à chercher. Pasquier s'est diverti à la faire remarquer dans un bonnet de forme quarrée , qui
coëffe une tête ronde. Si par quadratus or
bis on doit entendre les quatre parties.
du monde on peut demander s'il est
donc vrai que celle qu'on appelle l'Amérique fut dès-lors connue. Mais je finis
car je m'appe çois qu'insensiblement je
m'éloigne du sujet qui ma engagé à vous
écrire. Je suis , &c.
>
A Auxerre , ce is. 15.
Juillet 1732.
un globe , et quarré en même-tems , voilà tout d'un coup la quadrature du cercle qu'on se fatigue tant à chercher. Pasquier s'est diverti à la faire remarquer dans un bonnet de forme quarrée , qui
coëffe une tête ronde. Si par quadratus or
bis on doit entendre les quatre parties.
du monde on peut demander s'il est
donc vrai que celle qu'on appelle l'Amérique fut dès-lors connue. Mais je finis
car je m'appe çois qu'insensiblement je
m'éloigne du sujet qui ma engagé à vous
écrire. Je suis , &c.
>
A Auxerre , ce is. 15.
Juillet 1732.
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Résumé : REMARQUES sur la nouvelle publication de l'Inscription qu'on voyoit cy devant au Portail de sainte Croix d'Orleans, adressées aux Auteurs du Mercure.
Le texte de 1732 discute de la forme du monde, à la fois ronde et carrée, illustrée par un bonnet carré sur une tête ronde. Il aborde la quadrature du cercle et les 'quatre parties du monde', se demandant si l'Amérique était connue. L'auteur s'excuse de s'être éloigné du sujet initial de sa lettre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 2502-2503
GRANDE EGLISE tombée en Bourgogne. Exrtait d'une Lettre écrite d'Auxerre, le 27 Octobre 1732.
Début :
Il est arrîvé à trois lieuës de cette Ville un accident qui doit rendre sages les Habitans des [...]
Mots clefs :
Église, Bourgogne, Accident, Piliers, Nostradamus
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texteReconnaissance textuelle : GRANDE EGLISE tombée en Bourgogne. Exrtait d'une Lettre écrite d'Auxerre, le 27 Octobre 1732.
GRANDE EGLISE tombée en Bourgogne. Extrait d'une Lettre écrite d'Auxer re le 27 Octobre
I
"
1732.
L est arrivé à trois lieuës de cette Ville un accident qui doit rendre sages les Habitans des lieux dont les Eglises ménacent ruine. On ne sçavoit point pour quelle raison deux Piliers , situez vers le milieu du côté gauche de l'Eglise Paroissiale de S.Chritophle de Colanges les Vineuses , quoiqu'extérieurement bâtis comme les autres de cette Eglise , sembloient plier sous le poids de la
Voute et de la Charpente.
On a voulu y remedier sérieusement depuis
quelques jours ; et on a tâché de prévenir un plus
grand mal par des Etais qui pussent suppléer à
la foiblesse de ces Piliers. A peine les Ouvriers
étoient-ils à moitié de leur prétenduë fortification,que ces deux Piliers, qui sont voisins l'un de
de l'autre , ayant manquépeu àpeu , toute l'Eglise est tombée , excepté le Pignon de devant et
celui de derriere , que la chute n'a pû entraîner
non plus que l'Aîle droite de la Tour , qui en est
' détachée.Če malheur est arrivé le Mardi 21 de ce
mois , vers les onze heures du matin. Le S. Sacri
fice de la Messe avoit encore été celebré le même jour dans cette Eglise.
>
Heureusement personne n'a été écrasé ni
même blessé , parce qu'on fut averti du péril
prochain, en voyant sortir le Gravier le long des
jointures des deux Piliers. Les Habitans ont tra- vaillé , la larme à l'œil , le reste de la semaine , a
relever les matériaux ; et ils ont remarqué par ce
qui est resté du bas de ces Piliers, que les Maçons
qui les avoient construits, n'avoient rempli l'inte- rieur
NOVEMBRE. 1732. 2503
rieur,que de terre grasse et autres mauvais matériaux.C'estce que j'ai reconnu moi- même hier au
soir,ayant voulu voir l'état des choses. Cette Eglise
bâtie au xrv siecle , et par consequent à la Gothique , étoit une des belles du Diocèse d'Auxerre !
sur tout par rapport à la Nef, qui étoit d'une Architecture assez délicate , ornée de Galeries et de
Vitrages anciens , le tout par la liberalité des Sei- gneurs du Lieu, qui ont toujours été des gens de
remarque et des aumônes des Bourgeois , dont
le vin a toujours été tres - recherché. Cette petite
Ville,bâtie au milieu d'un grand coteau aride , situé obversement à l'Orient et rempli de plusieurs
sinuositez , avoit souffert differens Incendies par
le manque d'eau : mais elle a été exempte
malheur depuis l'an 1705. que le sieur Couplet,
envoyé par M. le Procureur General , qui en
étoit Seigneur , y trouva une Source , laquelle
fournit abondamment le Païs depuis ce temps-là.
Un autre accident auquel elle a été sujette cette
presente année , est l'excursion des Loups , entre
lesquels il y en eût un qui , vers le commencement de l'Eté entra jusqu'au dedant des Murs et
causa une terreur generale , après avoir dévoré
plusieurs enfans dans le voisinage pendant quatre mois.
de ce
Ceux qui lisent les Propheties de Nostradamus croyent qu'il a eu en vûë cette cruelle bête
dans sa premiere Centurie , Quatrain 8e. Quoiqu'il en soit , il a été necessaire que la Louveteterie du Roy vint à Colanges au mois de
-May dernier , et qu'elle y ait demeuré plus de
deux mois , pour faire cesser ce second fléau.
to
Quant au dernier de ces malheurs , qui est la
chute de l'Eglise , il ne peut être mis en oubli ,
que lorsqu'il aura plu à Dieeu de susciter quelque
Zorobabel dans ce Païs , &c
I
"
1732.
L est arrivé à trois lieuës de cette Ville un accident qui doit rendre sages les Habitans des lieux dont les Eglises ménacent ruine. On ne sçavoit point pour quelle raison deux Piliers , situez vers le milieu du côté gauche de l'Eglise Paroissiale de S.Chritophle de Colanges les Vineuses , quoiqu'extérieurement bâtis comme les autres de cette Eglise , sembloient plier sous le poids de la
Voute et de la Charpente.
On a voulu y remedier sérieusement depuis
quelques jours ; et on a tâché de prévenir un plus
grand mal par des Etais qui pussent suppléer à
la foiblesse de ces Piliers. A peine les Ouvriers
étoient-ils à moitié de leur prétenduë fortification,que ces deux Piliers, qui sont voisins l'un de
de l'autre , ayant manquépeu àpeu , toute l'Eglise est tombée , excepté le Pignon de devant et
celui de derriere , que la chute n'a pû entraîner
non plus que l'Aîle droite de la Tour , qui en est
' détachée.Če malheur est arrivé le Mardi 21 de ce
mois , vers les onze heures du matin. Le S. Sacri
fice de la Messe avoit encore été celebré le même jour dans cette Eglise.
>
Heureusement personne n'a été écrasé ni
même blessé , parce qu'on fut averti du péril
prochain, en voyant sortir le Gravier le long des
jointures des deux Piliers. Les Habitans ont tra- vaillé , la larme à l'œil , le reste de la semaine , a
relever les matériaux ; et ils ont remarqué par ce
qui est resté du bas de ces Piliers, que les Maçons
qui les avoient construits, n'avoient rempli l'inte- rieur
NOVEMBRE. 1732. 2503
rieur,que de terre grasse et autres mauvais matériaux.C'estce que j'ai reconnu moi- même hier au
soir,ayant voulu voir l'état des choses. Cette Eglise
bâtie au xrv siecle , et par consequent à la Gothique , étoit une des belles du Diocèse d'Auxerre !
sur tout par rapport à la Nef, qui étoit d'une Architecture assez délicate , ornée de Galeries et de
Vitrages anciens , le tout par la liberalité des Sei- gneurs du Lieu, qui ont toujours été des gens de
remarque et des aumônes des Bourgeois , dont
le vin a toujours été tres - recherché. Cette petite
Ville,bâtie au milieu d'un grand coteau aride , situé obversement à l'Orient et rempli de plusieurs
sinuositez , avoit souffert differens Incendies par
le manque d'eau : mais elle a été exempte
malheur depuis l'an 1705. que le sieur Couplet,
envoyé par M. le Procureur General , qui en
étoit Seigneur , y trouva une Source , laquelle
fournit abondamment le Païs depuis ce temps-là.
Un autre accident auquel elle a été sujette cette
presente année , est l'excursion des Loups , entre
lesquels il y en eût un qui , vers le commencement de l'Eté entra jusqu'au dedant des Murs et
causa une terreur generale , après avoir dévoré
plusieurs enfans dans le voisinage pendant quatre mois.
de ce
Ceux qui lisent les Propheties de Nostradamus croyent qu'il a eu en vûë cette cruelle bête
dans sa premiere Centurie , Quatrain 8e. Quoiqu'il en soit , il a été necessaire que la Louveteterie du Roy vint à Colanges au mois de
-May dernier , et qu'elle y ait demeuré plus de
deux mois , pour faire cesser ce second fléau.
to
Quant au dernier de ces malheurs , qui est la
chute de l'Eglise , il ne peut être mis en oubli ,
que lorsqu'il aura plu à Dieeu de susciter quelque
Zorobabel dans ce Païs , &c
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Résumé : GRANDE EGLISE tombée en Bourgogne. Exrtait d'une Lettre écrite d'Auxerre, le 27 Octobre 1732.
En octobre 1732, un accident majeur a frappé l'église paroissiale de Saint-Christophe de Colanges-les-Vineuses, près d'Auxerre, en Bourgogne. Le 21 octobre vers onze heures, après la messe, deux piliers ont cédé, provoquant l'effondrement de l'édifice, sauf le pignon avant, le pignon arrière et l'aile droite de la tour. Personne n'a été blessé grâce à des avertissements préalables. Les habitants ont découvert que les piliers étaient remplis de terre et de mauvais matériaux. L'église, construite au XIVe siècle dans le style gothique, était connue pour son architecture délicate et ses vitraux anciens. Colanges, située sur un coteau aride, avait subi plusieurs incendies avant de trouver une source d'eau en 1705. Cette même année, la ville a été menacée par des loups, dont un a semé la terreur en dévorant plusieurs enfants. La louveteterie royale est intervenue pour éradiquer ce fléau.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
11
p. 442-452
REMARQUES sur quelques endroits de la neuviéme Lettre du Voyage de Normandie, adressées à M. D. L. R.
Début :
J'ai lû, Monsieur, avec bien du plaisir, la Relation que vous avez donnée jusqu'icy [...]
Mots clefs :
Auxerre, Bayeux, Normandie, Renobert, Saints, Église, Églises, Confraternité, Mémoires, Diocèse, Reliques, Chasuble, Exupère, Dom Mabillon
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texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur quelques endroits de la neuviéme Lettre du Voyage de Normandie, adressées à M. D. L. R.
REMARQUES sur quelques endroits
de la neuviéme Lettre du l'oyage de Nor
mandie , adressées à M. D. L. R.
J
'ai lû , Monsieur , avec bien du plaisir,
la Relation que vous avez donnée jusqu'icy
en neuf Lettres , du Voïage que
Vous
MARS. 1733.
443
Vous avez fait en Normandie. La derniere
qui a paru dans le Mercure d'Oc
tobre dernier , m'a plus frappé que les
autres , parce qu'elle roule entierement
sur une Ville où j'ai été avant que j'eusse
atteint l'âge de vingt ans , uniquement
dans le dessein de trouver la verité autant
qu'elle peut se manifester à un jeune homme.
Vous n'y parlez presque que de Ba
yeux ; vous y nommez S. Renobert, Evê
que de cette Ville ; vous y dites un mot
de sa Chasuble et du Coffre d'Ivoire qui
la renferme ; toutes choses que j'avois
vûës dès le mois d'Octobre de l'année
1707. Je ne ferai pas comme les deux
Ecrivains qui ont profité des Remarques
que vous avez publiées dans les Mémoires
de Trévoux,d'Octobre 1714,sans vous
citer aucunement , & c. Pour moi je vous
avoüerai qu'ayant recherché tout ce qu'on
pouvoit dire de S. Renobert , sept ans
avant que vous en parlassiez , j'ai profité
depuis , avec grand plaisir , de ce que
j'en trouvai dans ces Mémoires , aussiqu'il
parût.
Il s'étoit élevé icy en 1709. we dispute
au sujet du siecle où ce Saint avoit vécu.
On écrivit vivement sur cette matiere ;
et chacun cherchoit des authoritez pour
appuier son sentiment. Comme la parcie
B vj Vic444
MERCURE DE FRANCE
victorieuse a été celle qui ne plaçoit ce
Saint qu'au 7 siécle , et non au 3 *, ni au
4 ; il a été naturel de faire une honorable
mention de l'observation qui parut
depuis dans les Mémoires de Trévoux
puisqu'elle étoit conforme au sentiment
que j'avois soutenu . Je ne sçavois pas ;
M ', que ce fut vous qui y eussiez donné
occasion ni que vous eussiez suivi d'abord
la Chronologie ordinaire de Bayeux.'
Je vous félicite donc aujourd'hui de ce
que vous vous trouvez réuni au sentiment
des Sçavans Bollandistes , qui a été
suivi par Dom Mabillon , par M. Baillet,
au 16 May ,par M. l'Abbé Chastellain , dans
son Martyrologe Universel, par le nouveau
Breviaire d'Auxerre de l'an 1726. par les
Auteurs du Martyrologe de Paris , de
l'an 1727. et qui vrai -semblablement le
sera aussi par les Continuateurs de Gallia
Christiana ; au moins étoit - ce le sentiment
vers lequel inclinoit dès l'an 171 26
Dom Denys de Sainte Marthe , votre illustre
ami , suivant ce qu'il m'en écrivit
alors. La Note que vous avez mise au bas
de la page 2122. de votre dernier Journal
, démontre que vous méprisez la Chro
nologie de l'Histoire moderne de l'Eglise
de Bayeux , puisque vous dites qu'el
le est rejettée par les meilleurs Critiques ,
MARS. 1733. 445
et que S. Renobert assista en 630. à un
Concile de Reims.
La Morlieze se plaignoit autrefois dans
ses Antiquitez d'Amiens , de ce que les
Ecrivains du Catalogue des Evêques
d'Amiens , ont arrangé ces Evêques , plus
secundùm gradum sanctitatis , quam antiquitatis.
C'est ce qui est arrivé à Bayeux,
et qui a induit en erreur , jusqu'à faire
fabriquer une Légende où l'on avance que
S.Renobert fut sacré à Brive la Gaillarde,
par S. Saturnin,Evêque de Toulouse. Hors
dans les Diocèses dans de Bayeux , d'Auxerre,
et de Besançon, cette Légende ne se retrouve
gueres de nos jours ; je doute que
vous puissiez la rencontrer dans Paris.
L'endroit le plus voisin de cette Ville où
je me ressouviens de l'avoir vûë dans un
Manuscrit de 500 ans , est l'Abbaye de
S. Yved de Braine , en Soissonnois ; elle Y
est contenue dans tout son fabuleux.
J'ai composé autrefois une longue Dissertation
, pour servir à épurer les Traditions
du Païs Bessin , touchant ce Saint.
Prelat. C'est le premier de mes Ouvrages
, et le fruit du voyage que je fis à
Bayeux il y a 25 ans. J'en ai donné communication
à des Sçavans du Clergé de la
même Ville , qui m'ont déclaré n'avoir
jamais ajouté plus de foy à la tradition
Bes
446 MERCURE DE FRANCE
*
>
Bessine des derniers siècles , qu'à celle
qui s'étoit glissée à Paris , sur S. Denys ,
et ils m'ont prié de la rendre publique.
Je n'ai pas oublié d'y parler de la Chasuble
de ce Saint , que j'eus l'honneur de
voir , et qu'on m'assura avoir été regardée
par Dom Mabillon , comme infiniment
plus authentique que l'Etole et le
Manipule qu'on y joignoit. Elle est d'étoffe
de soye , à fond bleu , semée d'espece
de Tréfles , de couleur blanche. Je remarquai
sur l'Etole , qui est d'une étoffe
différente, une semence de Perles . M.Hermant
, que je vis alors dans sa Cure de
Maltor , proche Caën , n'en sçavoit pas
plus que moi , sur toutes ces choses ; et
il me déclara qu'il ne travailloit que sur
les Mémoires d'un Chanoine moderne
de Bayeux. On pourroit croire que l'Etoffe
de cette Chasuble auroit simplement
servi à couvrir les Ossemens de S. Renobert
depuis son décès , et qu'elle seroit
celle- là même que la Reine Ermentrude,
Epouse de Charles le Chauve, envoya,
sans être obligé de faire remonter son antiquité
jusqu'au septiéme siecle. On a
quelques exemples d'autres Etoffes , qui
ont servi de Poile aux Sépulcres des
* M. Hermant , Curé de Maltot , qui a écris
ene Histoire imparfaite du Diocèse de Bayeux.
Saints
MAR S. 1733. 447
Saints , et qui ont pris la dénomination
de ces mêmes Saints , en qualité de Manteau
ou de Voile , ou sous tel autre nom
qu'on a voulu leur donner après les avoir
mises en oeuvre. Au reste , ces sortes de
Reliques n'en sont pas moins vénérables
quand même eiles n'auroient pas servi
aux Saints dès leur vivant , mais seulement
après leur mort , témoins l'honneur
que les Catahois rendent au Voile du
Cercueil de Sainte Agathe ; les Auxerrois
,au Suaire de 5.Germain et la confiance
que ces peuples ont dans ces Reliques.
Quant à l'Inscription Arabe du petit of
fre qui renferme la Chasuble de S. Renobert
, vous êtes certainement le premier
qui avez appris au Public , l'explication
qui en a été faite par une personne tresentenduë.
Vous ne marquez point , Monsieur , si
c'est le Cartulaire de l'Evêché de Bayeux,
qui dit que l'ancienne confraternité de
P'Eglise Cathedrale de la même Ville
avec celle d'Auxerre , est fondée sur ce
que S. Exupere venant d'Italie passa par
la Ville d'Auxerre , et y prêcha le Christianisme
. Rien de plus vrai que l'existence
de cette ancienne confraternité; j'en ai
des preuves de plusieurs siecles ; mais il
n'y a pas d'apparence qu'elle soit établie
Suf
448 MERCURE DE FRANCE
-
sur le motif que vous citez , qui n'est
peut-être , qu'une simple conjecture des
Chanoines de Bayeux. Si le passage de
S. Exupere par notre Ville , étoit un fondement
suffisant pour une confraternité ,
pourquoi n'en eussions nous point eu
avec Messieurs du Chapitre de Rouen ,
puisque S. Mellon , leur premier Evêque ,
passa aussi par Auxerre en venant de
Rome , et qu'il y fit même une guérison
miraculeuse, rapportée dans sa vie ? Pourquoi
ne serions-nous pas en pareille liaison
avec les Chapitres de Lyon et de
Marseille, puisque notre premier Evêque ,
S. Pérégrin , y passa en venant icy , et eut
la gloire d'y prêcher de la même maniere
, le Christianisme , selon ses Actes ?
Ce n'est donc point sur le passage de
S. Exupere qu'est fondée la confraternité
des Eglises d Bayeux et d'Auxerre , quand
même on le croiroit ainsi à Bayeux ; mais
sur une raison plus recevable, et qui a fait
naître de semblables confraternitez entre
plusieurs autres Eglises. C'est que nous
possedons les Reliques de quelques - uns
de leurs Saints fameux , ou qu'ils posscdent
celles de quelques - uns des nôtres .
C'est sur ce principe que les Eglises de
Beauvais et d'Auxerre sont en confraternité
Le Corps de S. Just , Enfant
natif
MARS. 17337 445
·
,
natif d'Auxerre , repose dans la Cathe
drale de Beauvais , excepté sa tête , qui
fut transportée à Auxerre du Lieu du
Beauvoisis , où il avoit souffert le Martyre
. Ce motif est spécifié dans l'acte de
rénovation , dont on trouvera des vestitiges
dans les Registres du Chapitre de
Beauvais , au 18 Juin 1646. C'est ainsi
qu'en Espagne , les Chanoines de Saragoce
, et ceux de S. Vincent de la Rode, sont
en association dès l'an 1171. en considération
du Chef de S. Valere , Evêque de
Saragoce a. Si le passage d'un Saint pouvoit
influer dans l'origine des Confraternitez
d'Eglises éloignées , telles que sont
celles de Bayeux et d'Auxerre ; il y auroit
plus d'apparence que ce seroit celui de
S. Germain , dans le Diocèse de Bayeux ,
qui avoit contribué à cette liaison , parce
que ce grand nombre d'Eglises qui sont
sous ce nom dans la Basse - Normandie,est
une preuve que dans l'un de ses deux
Voyages de la Grande- Bretagne, il a passé
dans le Païs Bessin , en allant ou en reve
nant. On ne craint point même de montrer
à une petite lieuë de Bayeux , dans
l'Eglise du Village de Guéron, une Nappe
d'Autel , sur laquelle on dit qu'il a
célébré en passant .
2 Castellan . Bimestr. Januar. 29. pag. 444.
Mais
450 MERCURE DE FRANCE
•
que
Mais sans remonter si - haut , il y a infi
niment plus d'apparence que l'union des
Eglises d'Auxerre et de Bayeux vient du
transport fait autrefois des Reliques de
S. Renobert , celebre Evêque de cette
derniere Ville , et de S. Zénon , son Diacre
, dans fa Ville et dans le Diocèse
d'Auxerre . Leur culte y devint si fameux ,
dès le commencement du treiziéme
siécle , la seconde Paroisse de la Cité
d'Auxerre , dans laquelle est contenuë
une bonne partie du Cloître des Chanoines
, étoit sous l'invocation de ce Saint
Prélat , comme elle l'est encore aujourd'hui
. De là vient que dans la Cathédra
le et dans le Diocèse d'Auxerre on a fair
de immémorial , et au moins de- temps
puis 500 ans , l'Office de S. Renobert , et
qu'il y a plusieurs Autels de son nom ;
au lieu que jamais il n'y a été fait men
tion de S. Exupere , et qu'il n'y a aucun
Autel connu sous son invocation .
Outre l'Inscription Mahometane que
Vous avez publiée , tirée de dessus le Coffre
d'Ivoire du Trésor de Bayeux , j'au
rois souhaité que vous eussiez remarqué
dans la même Eglise une autre Inscription
bien plus récente, qui consiste en ces
deux Vers :
Cre
MARS. 1733. 45t
Credite mira Dei ; Serpens fuit hic lapis extans s
Sic transformatum Bartholus attulit buc.
L'explication des merveilles de Dieu
dont il y est parlé , est , ce me semble
de la competence des Naturalistes , et de
ceux qui font attention aux pétrifications
singulieres.
Ce n'est pas assez que le R. P. Tournemine
nous ait appris comment ce Coffre
a pû servir dès le neuvième siècle à
renfermer l'Etofe que le Roy Charles le
Chauve et la Reine Ermentrude envoyerent
pour orner les Cercueils ou la Sépulture
des Saints Renobert et Zénon 1
dont les Corps étoient alors réfugiez sur
les confins des Diocèses d'Evreux et de
Lisieux. Il ne seroit pas moins curieux et
important de découvrir le lieu d'où se fit
cet envoi. Charles étoit alors dans un Palais
Royal , appellé Vetera- Domus , que je
croi pouvoir traduire Vieux- Maison , ou
Vieille-Maison . C'est ce que nous tenons
d'un Historien du temps , imprimé au
XII Tome du Spicilege , par un autre
Historien du même siècle , imprimé an
premier Tome de la Bibliotheque des Ma
nuscrits du P. Labbe , pag. 548. et réim
primé beaucoup plus exactement l'année
derniere dans les Actes des Saints ,
du 31
Juil
452 MERCURE DE FRANCE
,
Juillet. On apprend que ce Vieux - Mal
son étoit dans le Païs Roumois : In pago
Rothomagensi. Il seroit donc à désirer que
l'Historien de Rouen , dont vous parlez
à la page 2138. de votre même Lettre ,
fit connoître au Public la situation précise
de cet ancien Palais des Rois de France;
d'autant qu'il n'en est fait aucune merition
dans la Diplomatique de Dom Mabillon
, ni dans la Notice des Gaules de
M. de Valois , non plus que dans le Glossaire
de M. du Cange . L'Eglise du Titre
de S. Germain d'Auxerre , voisine de ce
Palais , selon Héric , peut servir à faciliter
cette découverte ; et si l'on trouve un
Vieux Maison au Païs Roumois , avec
une Eglise ou Chapelle de ce Titre , qui
en soit peu éloignée , on sera suffisamment
assuré de la position de cette Mai-
´son Royale, qui est restée inconnuë jusqu'icy.
CommeCharles y tenoit ses Plaids ,
dans le temps de sa dévotion envers S.Renobert
, il me paroît que la chose est assez
importante pour mériter d'être débroüillées
et puisque dès le neuviéme siecle , ce
Palais étoit très - ancien , selon que son
nom le marque, il pouvoit avoir été bâti
sous la premiere Race de nos Rois , et
peut- être dès le temps des Romains . Je
suis , Monsieur , & c.
A Auxerre , ce 20 Novombre 1732 .
de la neuviéme Lettre du l'oyage de Nor
mandie , adressées à M. D. L. R.
J
'ai lû , Monsieur , avec bien du plaisir,
la Relation que vous avez donnée jusqu'icy
en neuf Lettres , du Voïage que
Vous
MARS. 1733.
443
Vous avez fait en Normandie. La derniere
qui a paru dans le Mercure d'Oc
tobre dernier , m'a plus frappé que les
autres , parce qu'elle roule entierement
sur une Ville où j'ai été avant que j'eusse
atteint l'âge de vingt ans , uniquement
dans le dessein de trouver la verité autant
qu'elle peut se manifester à un jeune homme.
Vous n'y parlez presque que de Ba
yeux ; vous y nommez S. Renobert, Evê
que de cette Ville ; vous y dites un mot
de sa Chasuble et du Coffre d'Ivoire qui
la renferme ; toutes choses que j'avois
vûës dès le mois d'Octobre de l'année
1707. Je ne ferai pas comme les deux
Ecrivains qui ont profité des Remarques
que vous avez publiées dans les Mémoires
de Trévoux,d'Octobre 1714,sans vous
citer aucunement , & c. Pour moi je vous
avoüerai qu'ayant recherché tout ce qu'on
pouvoit dire de S. Renobert , sept ans
avant que vous en parlassiez , j'ai profité
depuis , avec grand plaisir , de ce que
j'en trouvai dans ces Mémoires , aussiqu'il
parût.
Il s'étoit élevé icy en 1709. we dispute
au sujet du siecle où ce Saint avoit vécu.
On écrivit vivement sur cette matiere ;
et chacun cherchoit des authoritez pour
appuier son sentiment. Comme la parcie
B vj Vic444
MERCURE DE FRANCE
victorieuse a été celle qui ne plaçoit ce
Saint qu'au 7 siécle , et non au 3 *, ni au
4 ; il a été naturel de faire une honorable
mention de l'observation qui parut
depuis dans les Mémoires de Trévoux
puisqu'elle étoit conforme au sentiment
que j'avois soutenu . Je ne sçavois pas ;
M ', que ce fut vous qui y eussiez donné
occasion ni que vous eussiez suivi d'abord
la Chronologie ordinaire de Bayeux.'
Je vous félicite donc aujourd'hui de ce
que vous vous trouvez réuni au sentiment
des Sçavans Bollandistes , qui a été
suivi par Dom Mabillon , par M. Baillet,
au 16 May ,par M. l'Abbé Chastellain , dans
son Martyrologe Universel, par le nouveau
Breviaire d'Auxerre de l'an 1726. par les
Auteurs du Martyrologe de Paris , de
l'an 1727. et qui vrai -semblablement le
sera aussi par les Continuateurs de Gallia
Christiana ; au moins étoit - ce le sentiment
vers lequel inclinoit dès l'an 171 26
Dom Denys de Sainte Marthe , votre illustre
ami , suivant ce qu'il m'en écrivit
alors. La Note que vous avez mise au bas
de la page 2122. de votre dernier Journal
, démontre que vous méprisez la Chro
nologie de l'Histoire moderne de l'Eglise
de Bayeux , puisque vous dites qu'el
le est rejettée par les meilleurs Critiques ,
MARS. 1733. 445
et que S. Renobert assista en 630. à un
Concile de Reims.
La Morlieze se plaignoit autrefois dans
ses Antiquitez d'Amiens , de ce que les
Ecrivains du Catalogue des Evêques
d'Amiens , ont arrangé ces Evêques , plus
secundùm gradum sanctitatis , quam antiquitatis.
C'est ce qui est arrivé à Bayeux,
et qui a induit en erreur , jusqu'à faire
fabriquer une Légende où l'on avance que
S.Renobert fut sacré à Brive la Gaillarde,
par S. Saturnin,Evêque de Toulouse. Hors
dans les Diocèses dans de Bayeux , d'Auxerre,
et de Besançon, cette Légende ne se retrouve
gueres de nos jours ; je doute que
vous puissiez la rencontrer dans Paris.
L'endroit le plus voisin de cette Ville où
je me ressouviens de l'avoir vûë dans un
Manuscrit de 500 ans , est l'Abbaye de
S. Yved de Braine , en Soissonnois ; elle Y
est contenue dans tout son fabuleux.
J'ai composé autrefois une longue Dissertation
, pour servir à épurer les Traditions
du Païs Bessin , touchant ce Saint.
Prelat. C'est le premier de mes Ouvrages
, et le fruit du voyage que je fis à
Bayeux il y a 25 ans. J'en ai donné communication
à des Sçavans du Clergé de la
même Ville , qui m'ont déclaré n'avoir
jamais ajouté plus de foy à la tradition
Bes
446 MERCURE DE FRANCE
*
>
Bessine des derniers siècles , qu'à celle
qui s'étoit glissée à Paris , sur S. Denys ,
et ils m'ont prié de la rendre publique.
Je n'ai pas oublié d'y parler de la Chasuble
de ce Saint , que j'eus l'honneur de
voir , et qu'on m'assura avoir été regardée
par Dom Mabillon , comme infiniment
plus authentique que l'Etole et le
Manipule qu'on y joignoit. Elle est d'étoffe
de soye , à fond bleu , semée d'espece
de Tréfles , de couleur blanche. Je remarquai
sur l'Etole , qui est d'une étoffe
différente, une semence de Perles . M.Hermant
, que je vis alors dans sa Cure de
Maltor , proche Caën , n'en sçavoit pas
plus que moi , sur toutes ces choses ; et
il me déclara qu'il ne travailloit que sur
les Mémoires d'un Chanoine moderne
de Bayeux. On pourroit croire que l'Etoffe
de cette Chasuble auroit simplement
servi à couvrir les Ossemens de S. Renobert
depuis son décès , et qu'elle seroit
celle- là même que la Reine Ermentrude,
Epouse de Charles le Chauve, envoya,
sans être obligé de faire remonter son antiquité
jusqu'au septiéme siecle. On a
quelques exemples d'autres Etoffes , qui
ont servi de Poile aux Sépulcres des
* M. Hermant , Curé de Maltot , qui a écris
ene Histoire imparfaite du Diocèse de Bayeux.
Saints
MAR S. 1733. 447
Saints , et qui ont pris la dénomination
de ces mêmes Saints , en qualité de Manteau
ou de Voile , ou sous tel autre nom
qu'on a voulu leur donner après les avoir
mises en oeuvre. Au reste , ces sortes de
Reliques n'en sont pas moins vénérables
quand même eiles n'auroient pas servi
aux Saints dès leur vivant , mais seulement
après leur mort , témoins l'honneur
que les Catahois rendent au Voile du
Cercueil de Sainte Agathe ; les Auxerrois
,au Suaire de 5.Germain et la confiance
que ces peuples ont dans ces Reliques.
Quant à l'Inscription Arabe du petit of
fre qui renferme la Chasuble de S. Renobert
, vous êtes certainement le premier
qui avez appris au Public , l'explication
qui en a été faite par une personne tresentenduë.
Vous ne marquez point , Monsieur , si
c'est le Cartulaire de l'Evêché de Bayeux,
qui dit que l'ancienne confraternité de
P'Eglise Cathedrale de la même Ville
avec celle d'Auxerre , est fondée sur ce
que S. Exupere venant d'Italie passa par
la Ville d'Auxerre , et y prêcha le Christianisme
. Rien de plus vrai que l'existence
de cette ancienne confraternité; j'en ai
des preuves de plusieurs siecles ; mais il
n'y a pas d'apparence qu'elle soit établie
Suf
448 MERCURE DE FRANCE
-
sur le motif que vous citez , qui n'est
peut-être , qu'une simple conjecture des
Chanoines de Bayeux. Si le passage de
S. Exupere par notre Ville , étoit un fondement
suffisant pour une confraternité ,
pourquoi n'en eussions nous point eu
avec Messieurs du Chapitre de Rouen ,
puisque S. Mellon , leur premier Evêque ,
passa aussi par Auxerre en venant de
Rome , et qu'il y fit même une guérison
miraculeuse, rapportée dans sa vie ? Pourquoi
ne serions-nous pas en pareille liaison
avec les Chapitres de Lyon et de
Marseille, puisque notre premier Evêque ,
S. Pérégrin , y passa en venant icy , et eut
la gloire d'y prêcher de la même maniere
, le Christianisme , selon ses Actes ?
Ce n'est donc point sur le passage de
S. Exupere qu'est fondée la confraternité
des Eglises d Bayeux et d'Auxerre , quand
même on le croiroit ainsi à Bayeux ; mais
sur une raison plus recevable, et qui a fait
naître de semblables confraternitez entre
plusieurs autres Eglises. C'est que nous
possedons les Reliques de quelques - uns
de leurs Saints fameux , ou qu'ils posscdent
celles de quelques - uns des nôtres .
C'est sur ce principe que les Eglises de
Beauvais et d'Auxerre sont en confraternité
Le Corps de S. Just , Enfant
natif
MARS. 17337 445
·
,
natif d'Auxerre , repose dans la Cathe
drale de Beauvais , excepté sa tête , qui
fut transportée à Auxerre du Lieu du
Beauvoisis , où il avoit souffert le Martyre
. Ce motif est spécifié dans l'acte de
rénovation , dont on trouvera des vestitiges
dans les Registres du Chapitre de
Beauvais , au 18 Juin 1646. C'est ainsi
qu'en Espagne , les Chanoines de Saragoce
, et ceux de S. Vincent de la Rode, sont
en association dès l'an 1171. en considération
du Chef de S. Valere , Evêque de
Saragoce a. Si le passage d'un Saint pouvoit
influer dans l'origine des Confraternitez
d'Eglises éloignées , telles que sont
celles de Bayeux et d'Auxerre ; il y auroit
plus d'apparence que ce seroit celui de
S. Germain , dans le Diocèse de Bayeux ,
qui avoit contribué à cette liaison , parce
que ce grand nombre d'Eglises qui sont
sous ce nom dans la Basse - Normandie,est
une preuve que dans l'un de ses deux
Voyages de la Grande- Bretagne, il a passé
dans le Païs Bessin , en allant ou en reve
nant. On ne craint point même de montrer
à une petite lieuë de Bayeux , dans
l'Eglise du Village de Guéron, une Nappe
d'Autel , sur laquelle on dit qu'il a
célébré en passant .
2 Castellan . Bimestr. Januar. 29. pag. 444.
Mais
450 MERCURE DE FRANCE
•
que
Mais sans remonter si - haut , il y a infi
niment plus d'apparence que l'union des
Eglises d'Auxerre et de Bayeux vient du
transport fait autrefois des Reliques de
S. Renobert , celebre Evêque de cette
derniere Ville , et de S. Zénon , son Diacre
, dans fa Ville et dans le Diocèse
d'Auxerre . Leur culte y devint si fameux ,
dès le commencement du treiziéme
siécle , la seconde Paroisse de la Cité
d'Auxerre , dans laquelle est contenuë
une bonne partie du Cloître des Chanoines
, étoit sous l'invocation de ce Saint
Prélat , comme elle l'est encore aujourd'hui
. De là vient que dans la Cathédra
le et dans le Diocèse d'Auxerre on a fair
de immémorial , et au moins de- temps
puis 500 ans , l'Office de S. Renobert , et
qu'il y a plusieurs Autels de son nom ;
au lieu que jamais il n'y a été fait men
tion de S. Exupere , et qu'il n'y a aucun
Autel connu sous son invocation .
Outre l'Inscription Mahometane que
Vous avez publiée , tirée de dessus le Coffre
d'Ivoire du Trésor de Bayeux , j'au
rois souhaité que vous eussiez remarqué
dans la même Eglise une autre Inscription
bien plus récente, qui consiste en ces
deux Vers :
Cre
MARS. 1733. 45t
Credite mira Dei ; Serpens fuit hic lapis extans s
Sic transformatum Bartholus attulit buc.
L'explication des merveilles de Dieu
dont il y est parlé , est , ce me semble
de la competence des Naturalistes , et de
ceux qui font attention aux pétrifications
singulieres.
Ce n'est pas assez que le R. P. Tournemine
nous ait appris comment ce Coffre
a pû servir dès le neuvième siècle à
renfermer l'Etofe que le Roy Charles le
Chauve et la Reine Ermentrude envoyerent
pour orner les Cercueils ou la Sépulture
des Saints Renobert et Zénon 1
dont les Corps étoient alors réfugiez sur
les confins des Diocèses d'Evreux et de
Lisieux. Il ne seroit pas moins curieux et
important de découvrir le lieu d'où se fit
cet envoi. Charles étoit alors dans un Palais
Royal , appellé Vetera- Domus , que je
croi pouvoir traduire Vieux- Maison , ou
Vieille-Maison . C'est ce que nous tenons
d'un Historien du temps , imprimé au
XII Tome du Spicilege , par un autre
Historien du même siècle , imprimé an
premier Tome de la Bibliotheque des Ma
nuscrits du P. Labbe , pag. 548. et réim
primé beaucoup plus exactement l'année
derniere dans les Actes des Saints ,
du 31
Juil
452 MERCURE DE FRANCE
,
Juillet. On apprend que ce Vieux - Mal
son étoit dans le Païs Roumois : In pago
Rothomagensi. Il seroit donc à désirer que
l'Historien de Rouen , dont vous parlez
à la page 2138. de votre même Lettre ,
fit connoître au Public la situation précise
de cet ancien Palais des Rois de France;
d'autant qu'il n'en est fait aucune merition
dans la Diplomatique de Dom Mabillon
, ni dans la Notice des Gaules de
M. de Valois , non plus que dans le Glossaire
de M. du Cange . L'Eglise du Titre
de S. Germain d'Auxerre , voisine de ce
Palais , selon Héric , peut servir à faciliter
cette découverte ; et si l'on trouve un
Vieux Maison au Païs Roumois , avec
une Eglise ou Chapelle de ce Titre , qui
en soit peu éloignée , on sera suffisamment
assuré de la position de cette Mai-
´son Royale, qui est restée inconnuë jusqu'icy.
CommeCharles y tenoit ses Plaids ,
dans le temps de sa dévotion envers S.Renobert
, il me paroît que la chose est assez
importante pour mériter d'être débroüillées
et puisque dès le neuviéme siecle , ce
Palais étoit très - ancien , selon que son
nom le marque, il pouvoit avoir été bâti
sous la premiere Race de nos Rois , et
peut- être dès le temps des Romains . Je
suis , Monsieur , & c.
A Auxerre , ce 20 Novombre 1732 .
Fermer
Résumé : REMARQUES sur quelques endroits de la neuviéme Lettre du Voyage de Normandie, adressées à M. D. L. R.
En mars 1733, l'auteur écrit à M. D. L. R. pour exprimer son plaisir d'avoir lu neuf lettres relatant un voyage en Normandie, notamment la dernière parue dans le Mercure d'octobre précédent, qui traite de Bayeux. L'auteur, ayant visité Bayeux avant l'âge de vingt ans, mentionne que cette lettre évoque l'évêque Saint Renobert, sa chasuble et le coffre d'ivoire qui la contient, des éléments qu'il a observés en octobre 1707. L'auteur a mené des recherches sur Saint Renobert sept ans avant la publication de M. D. L. R. et a apprécié les informations des Mémoires de Trévoux d'octobre 1714. Il note une controverse sur le siècle auquel appartenait Saint Renobert, avec des débats en 1709. La version victorieuse le place au VIIe siècle, conformément aux Bollandistes, Dom Mabillon et d'autres érudits. L'auteur félicite M. D. L. R. pour son alignement avec cette chronologie, rejetant celle de l'Histoire moderne de l'Église de Bayeux. La lettre aborde également des légendes locales, comme celle de la consécration de Saint Renobert à Brive-la-Gaillarde par Saint Saturnin, une légende peu répandue. L'auteur mentionne une dissertation qu'il a écrite pour épurer les traditions du pays Bessin concernant Saint Renobert et discute de la chasuble du saint, vue par Dom Mabillon et décrite comme plus authentique que d'autres reliques. Enfin, la lettre traite des confraternités entre les églises de Bayeux et d'Auxerre, remettant en question la raison officielle de cette liaison et suggérant qu'elle pourrait être due au transfert des reliques de Saint Renobert et de Saint Zénon. L'auteur exprime également son souhait de voir des recherches supplémentaires sur un ancien palais royal mentionné dans les sources historiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 472-480
LETTRE écrite à M. D. L. R. par M. L. B. Chanoine et Sous-Chantre d'Auxerre, sur l'usage des Habits Canoniaux et Militaires, à l'occasion de ce qui est rapporté dans le Mercure du mois de Juin dernier, de la Réception de M. le Comte de Chastellux.
Début :
J'aurois bien souhaité, Monsieur, que le Mémoire qu'on vous a envoyé touchant [...]
Mots clefs :
Église, Auxerre, Chanoine, Chapitre, Ecclesia, Cathédrale, Comte de Chastellux, Chanoines, Tournon, Utrecht, Habits canoniaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à M. D. L. R. par M. L. B. Chanoine et Sous-Chantre d'Auxerre, sur l'usage des Habits Canoniaux et Militaires, à l'occasion de ce qui est rapporté dans le Mercure du mois de Juin dernier, de la Réception de M. le Comte de Chastellux.
LETTRE écrite à M. D. L. R. par
M. L. B. Chanoine et Sous -Chantre
d'Auxerre , sur l'usage des Habits Canoniaux
et Militaires , à l'occasion de
ce qui est rapporté dans le Mercure du
mois deJuin dernier , de la Réception de
M. le Comte de Chastellux.
J
' Aurois bien souhaité , Monsieur ,
que
le Mémoire qu'on vous a envoyé touchant
la Réception de M. le Comte de
Chastellux , en qualité de premier Chanoine
Hereditaire de notre Eglise , eût
été plus érendu , pour la satisfaction du
Public , qui goûte assez ces sortes de détails
de Ceremonies rares ; mais cela n'a
pas dépendu de moi , et il a fallu déferer
au sentiment de quelques personnes que
je respecte , qui avoient recommandé la
brieveté .
Je suis bien aise qu'au moins on y ait
inseré l'origine du droit de la Maison de
Chastellux , et qu'on y ait parié de la
Ville de Cravan ou Crevan , conformé
ment aux Titres du XV . Siecle. Le peu
qu'on en dit me confirme dans l'idée que
j'ai eue depuis que j'ai pris connoissance
de
MARS. 1733 .
473
de nos Antiquitez , qu'on a voulu l'honorer
dans l'Eglise d'Aux erre à perpetuité
, par ce droit de Restituteur de la
principale Terre du Chapitre , de même
qu'on y honote le Donateur par des marques
d'une veneration particuliere presque
tous les jours de l'année , depuis le
temps de sa mort , arrivée au X. Siecle.
Ce seroit en effet s'exposer à être taxé
d'ingratitude , que d'en agir autrement :
Alias de ingratitudinis vitio , quod abominabile
meritò judicatur , et à quibusvis
fidelibus , præsertim viris Ecclesiasticis debet
effectualiter abhorreri , possemus non immeritò
reprehendi , disoient nos
Predecesseurs.
Les mêmes personnes qui s'exprimoient
ainsi il y a trois cent ans , te
noient par tradition de ceux qui les
avoient précedez , les marques de gratitude
qu'ils nous ont transmises envers
l'Evêque Guy le Sénonois , le premier de
tous ceux qui ont eu l'Eglise Cathédrale
pour sépulture ; et sa mémoire ne pourra
jamais tomber dans l'oubli , quoique
quelques personnes ayent contribué de
nos jours par inadvertance et peutêtre
sans le vouloir , à faire perdre de
vûë les vestiges qui restent de la reconnoissance
de ce bienfait. Je ne dis rien
sur l'origine de cette donation , qui ne
soit
474 MERCURE DE FRANCE
soit déja tout publié , et dont l'on n'ait
la preuve dans l'Histoire imprimée des
Evêques d'Auxerre aux pages 445. et
446. du premier Volume de la Bibliotheque
des Manuscrits du P. Labbe ,
Jesuite ; et les Etrangers qui examinent
soigneusement les Peintures de l'Eglise
Cathédrale d'Auxerre , ne manquent pas
d'y lire sous la figure de ce Guy, Beatus
Guydo , et d'en conclure quelque chose.
Mais ceci M. n'est pas le sujet de l'apostille
que vous avez faite au Memoire
qui vous fut envoyé au mois de Juin.
Il paroit que vous souhaiteriez sçavoir
si l'usage de voir des habits Militaires ou
Seculiers réunis avec les habits Canoniaux
sur une même personne est ancien , et s'il
est à present singulier à l'Eglise d' Auxerre.
Je ne sçaurois vous parler de l'Antiquité
de cet usage qu'en vous apprenant
en même temps qu'autrefois il n'étoit
pas si rarequil l'est de nos jours . Il étoit
assez commun de voir de gros Seigneurs
Bienfacteurs d'une Eglise avoir rang parmi
les Chanoines et se placer au Choeur
en habit Militaire , même avec des Eperons
et des Armes. Les Statuts du Chapitre
de Toul , compilez l'an 1491. s'expliquent
ainsi au Chapitre IV . Nobiles
Scutiferi et Milites specialiter hujus Ecclesia
M.A R 6. 1733. 479
sia Vassalli , cùm intrant Chorum , admitts
debent portare calcaria et arma ; et collo
cantur inter Archidiaconos et Canonicos ,
quia Defensores sunt Ecclesia pro debito
sue Nobilitatis. Ce petit Monument rédigé
en Latin , n'est point encore si curieux
à lire que celui que M. Baluse a
publié dans ses Preuves de l'Histoire de
la Maison d'Auvergne , à la page 471 .
Pour vous épargner la peine de le consulter
dans le Livre même , je transcrirai
ici en entier la Notice qu'en a donnée
ce celebre Antiquaire .
Extrait des Memoires d'André Duchesne
» Acte en datte du xxvij. Noyembre
1405. en présence de Jean Guineau ,
» Clerc Notaire , par lequel il appert
» comme Noble et Puissant Messire Gui-
» chard Dauphin , Chevalier Baron de
» la Ferté- Chauderon , Seigneur de Jali-
" gny , se transportą à la Porte de l'E-
>> glise Cathédrale de Nevers , les Epe
>> rons dorez chaussez , l'Epée ceinte et
>> le Faucon sur le poing : où étant vin-
>> rent au-devant de lui le College de la
dite Eglise , Chanoines et Chapelains ,
revétus de Chappes , avec la Croix
» l'Eau - Benite et les Cierges allumez . Et
» Messire Pierre le Clerc , Archidiacre de
» Desise
476 MERCURE DE FRANCE
"
» Desise en ladite Eglise , le prenant par
» la main , le mena en l'état cy - dessus
en l'Eglise jusques devant le Grand-
» Autel. Puis la Grand'Messe étant dite ,
>>
le menerent dans le Chapitre , où ils
>> le reçurent pour leur Confrere et Cha-
» noine , ainsi qu'il avoit été fait à ses
» Prédecesseurs , après qu'il eut donné
» son Serment sur les saints Evangiles , et
protesté qu'il ne réveleroit jamais les se-
>> crets du Chapitre en choses qui lui
» pourroient préjudicier. Puis baisa à la
» bouche ledit Archidiacre , Messire Jacques
de Besson , Jean de Maurigny et
» autres Chanoines d'icelle Eglise. Puis
>> remenerent ledit Baron en l'Eglise , et
» le firent asseoir au quatriéme Siege du
» côté de l'Archidiacte de Nevers , présens
Nobles hommes Messire Pierre de
» Veaulce , Jean de Montagu le Belin
Joseph de Citin , et Claudin Bastard
» de Jaligny , Chevaliers , Philippes de
» Villaines , Guichard de Villiers , Etien-
>> ne de Poisson, Guillaume de Chevenon,
Jean Chauderon , Jean d'Aligny le jeu
» ne , et Antoine d'Armes , Ecuyers.
Etant tombé sur un Livre intitulé ,
Le Chanoine , composé par Vital Bernard,
Chanoine du Puy en Vellay , et imprimé
en 1645. j'y ai lû aux pages 8o. et 81 .
ce
MARS. 1733
477
ce qui suit. » Le Duc de Brabant est Cha-
» noine né de l'Eglise Archiepiscopale
» d'Utrecht. Charles V. Empereur et Roy
» d'Espagne ; en cette qualité de Duc ,
» ( comme il alloit recevoir la Couronne
Imperiale en la Ville d'Aix -la - Chapelle)
» passant à Utrecht , y prit le Surplis et
>> assista au Service , comme les autres
» Chanoines, le 13. Octobre 15 20. Même
» Privilege est acquis au Seigneur de Tour-
» non , en l'Eglise de S. Just de Lyon .
"
Ici l'Auteur déclare son sentiment sur
l'origine de ce droit du Seigneur de Tournon
qu'il fait venir d'une Fondation du
quatriéme Siecle ; mais je ne veux pas
en être garant. Puis il ajoûte ce trait , qui
test plus curieux . » Paradin , en son His-
» toire de Lyon , dit qu'il assista en 1542 .
à la Prise de Possession de ce Droit
» honorifique d'un Seigneur de Tournon ,
et que Jacques de Tournon , Evêque
de Valence , son frere , le voyant re
» vétu d'une courte Robbe de Damas
» avec un Surplis dessus , l'Aumusse au
» bras et l'Epée au côté. Voilà , mon frere ,
❤ ( dit- il en le raillant ) qui représente bien
les trois Etats.
Je ne m'étends point sur un droit assez
semblable, dont jouissent 4 ou 5 Seigneurs
dans l'Eglise Cathedrale d'Auch , si on en
croit
478 MERCURE DE FRANCE
croît le même Chanoine , parce que je
n'en connois point assez les circonstances
, non plus que sur les droits de certains
Seigneurs dans l'Eglise de S. Martin
de Tours , où l'on dit que le Comte d'Anjou
est Chanoine ; de consuetudine et habet
Prebendam in blado et vino et nummis ; en
mémoire du Comte d'Anjou Ingelger ,
qui fit rapporter d'Auxerre à Tours , le
Corps de S. Martin , au neuvième siècle.
Voyez encore Héméré , en son Histoire
de S. Quentin , à la page 201.
Au reste , plus ces Auteurs sont succincts
sur ces sortes de matieres , plus ils
laissent d'obscurité
après eux ; et c'est
pour cela que je croi que le Cérémonial
observé en ces occasions , ne sçauroit être
trop expliqué. Pouvez - vous , en off.t ,
comprendre
ce que veut dire Platina ,
quand il écrit que le jour que Charles-
Quint assista au Service , dans la Cathedrale
d'Utrecht , il étoit talari indutus
linteo et sacra amictus vesie ? Vital Bernard
a tort de traduire , talare linteum , par le
mot de Surplis ; ce doit être une Aube
traînanté jusqu'aux
talons . Il laisse aussi
à deviner ce qu'étoit ce Sacra vestis qui le
couvroit ; c'étoit apparemment
une Chape
ou une Dalmatique
.
Je vous ai fait remarquer , Monsieur ,
en
MAR S. 1733- 479
en.1726. que les Empereurs lisoient encore
à Rome au xiy siécle , une Leçon à
P'Office des Grandes Fêtes , la Chape sur
le Corps , et l'Epée nuë à la main a . J'y
ajoutai une remarque touchant les Trésoriers
de quelques Cathédrales , qui anciennement
pouvoient assister à l'Office
avec des marques de distinction , sembla
bles à celles de M. de Chastellux . C'est
tout ce qui est de ma connoissance dans
la matiere dont il s'agit ; cat il ne me
reste aucune preuve qu'un semblable usag
existe dans l'Eglise de Chartres , ainsį
qu'on l'avoit divulgué , et il ne faut pas
confondre avec notre usage , celui de
Chartres, de faire présenter à l'Offrande ,
le 15 jour d'Août , par un Officier de la
Terre de Maintenon , un Epervier , pre
nant Proye ; lequel Oyseau doit être porté
par le Diacre au Régent de la Prébende
, duquel les Officiers de Maintenon
le rachetent, Ce que vous avez lû ci-dessus
, tiré des Statuts du Chapitre de Toul ,
avec ce que nous voyons dans le Nécrologe
de l'Eglise d'Auxerre , écrit au xr et
XIe siècles , et publié en partie par Dom
Martene b , où quantité de Seigneur sont
ainsi désignez ; Obiit N... Miles Sancti
a Mercure , Janvier 1726. pag. 31 et 32,
b Ampliss, Colleic, Tom. 6
Stephani
48 MERCURE DE FRANCE
Stephani , ou bien , Miles hujus Ecclesia.
Tout cela , dis- je , peut appuyer la pensée
qui vient naturellement , que le Chanoine
revêtu du Canonicat héréditaire
d'Auxerre , est à peu près dans l'état
où se trouvoient- ces anciens Deffenseurs
et Protecteurs des biens de l'Eglise .
M. Ducange , qui avoit vû cet Ouvrage
en manuscrit , n'a pas oublié dans
son Glossaire , celui qui est qualifié au
4 jour d'Avril dans ce Nécrologe : Hujus
Ecclesia Vexillarius ; et il paroît que
ce Titre de Vexillarius n'étoit pas fort
commun , puisqu'il ne rapporte que cet
exemple de Léoteric , Vicomte d'Auxer
re , qu'il joint à celui de Jacques , Roy
d'Arragon , qualifié en 1309. S. Romana
Ecclesia Vexillarius.
A Auxerre , le 10 Decembre 1732.
M. L. B. Chanoine et Sous -Chantre
d'Auxerre , sur l'usage des Habits Canoniaux
et Militaires , à l'occasion de
ce qui est rapporté dans le Mercure du
mois deJuin dernier , de la Réception de
M. le Comte de Chastellux.
J
' Aurois bien souhaité , Monsieur ,
que
le Mémoire qu'on vous a envoyé touchant
la Réception de M. le Comte de
Chastellux , en qualité de premier Chanoine
Hereditaire de notre Eglise , eût
été plus érendu , pour la satisfaction du
Public , qui goûte assez ces sortes de détails
de Ceremonies rares ; mais cela n'a
pas dépendu de moi , et il a fallu déferer
au sentiment de quelques personnes que
je respecte , qui avoient recommandé la
brieveté .
Je suis bien aise qu'au moins on y ait
inseré l'origine du droit de la Maison de
Chastellux , et qu'on y ait parié de la
Ville de Cravan ou Crevan , conformé
ment aux Titres du XV . Siecle. Le peu
qu'on en dit me confirme dans l'idée que
j'ai eue depuis que j'ai pris connoissance
de
MARS. 1733 .
473
de nos Antiquitez , qu'on a voulu l'honorer
dans l'Eglise d'Aux erre à perpetuité
, par ce droit de Restituteur de la
principale Terre du Chapitre , de même
qu'on y honote le Donateur par des marques
d'une veneration particuliere presque
tous les jours de l'année , depuis le
temps de sa mort , arrivée au X. Siecle.
Ce seroit en effet s'exposer à être taxé
d'ingratitude , que d'en agir autrement :
Alias de ingratitudinis vitio , quod abominabile
meritò judicatur , et à quibusvis
fidelibus , præsertim viris Ecclesiasticis debet
effectualiter abhorreri , possemus non immeritò
reprehendi , disoient nos
Predecesseurs.
Les mêmes personnes qui s'exprimoient
ainsi il y a trois cent ans , te
noient par tradition de ceux qui les
avoient précedez , les marques de gratitude
qu'ils nous ont transmises envers
l'Evêque Guy le Sénonois , le premier de
tous ceux qui ont eu l'Eglise Cathédrale
pour sépulture ; et sa mémoire ne pourra
jamais tomber dans l'oubli , quoique
quelques personnes ayent contribué de
nos jours par inadvertance et peutêtre
sans le vouloir , à faire perdre de
vûë les vestiges qui restent de la reconnoissance
de ce bienfait. Je ne dis rien
sur l'origine de cette donation , qui ne
soit
474 MERCURE DE FRANCE
soit déja tout publié , et dont l'on n'ait
la preuve dans l'Histoire imprimée des
Evêques d'Auxerre aux pages 445. et
446. du premier Volume de la Bibliotheque
des Manuscrits du P. Labbe ,
Jesuite ; et les Etrangers qui examinent
soigneusement les Peintures de l'Eglise
Cathédrale d'Auxerre , ne manquent pas
d'y lire sous la figure de ce Guy, Beatus
Guydo , et d'en conclure quelque chose.
Mais ceci M. n'est pas le sujet de l'apostille
que vous avez faite au Memoire
qui vous fut envoyé au mois de Juin.
Il paroit que vous souhaiteriez sçavoir
si l'usage de voir des habits Militaires ou
Seculiers réunis avec les habits Canoniaux
sur une même personne est ancien , et s'il
est à present singulier à l'Eglise d' Auxerre.
Je ne sçaurois vous parler de l'Antiquité
de cet usage qu'en vous apprenant
en même temps qu'autrefois il n'étoit
pas si rarequil l'est de nos jours . Il étoit
assez commun de voir de gros Seigneurs
Bienfacteurs d'une Eglise avoir rang parmi
les Chanoines et se placer au Choeur
en habit Militaire , même avec des Eperons
et des Armes. Les Statuts du Chapitre
de Toul , compilez l'an 1491. s'expliquent
ainsi au Chapitre IV . Nobiles
Scutiferi et Milites specialiter hujus Ecclesia
M.A R 6. 1733. 479
sia Vassalli , cùm intrant Chorum , admitts
debent portare calcaria et arma ; et collo
cantur inter Archidiaconos et Canonicos ,
quia Defensores sunt Ecclesia pro debito
sue Nobilitatis. Ce petit Monument rédigé
en Latin , n'est point encore si curieux
à lire que celui que M. Baluse a
publié dans ses Preuves de l'Histoire de
la Maison d'Auvergne , à la page 471 .
Pour vous épargner la peine de le consulter
dans le Livre même , je transcrirai
ici en entier la Notice qu'en a donnée
ce celebre Antiquaire .
Extrait des Memoires d'André Duchesne
» Acte en datte du xxvij. Noyembre
1405. en présence de Jean Guineau ,
» Clerc Notaire , par lequel il appert
» comme Noble et Puissant Messire Gui-
» chard Dauphin , Chevalier Baron de
» la Ferté- Chauderon , Seigneur de Jali-
" gny , se transportą à la Porte de l'E-
>> glise Cathédrale de Nevers , les Epe
>> rons dorez chaussez , l'Epée ceinte et
>> le Faucon sur le poing : où étant vin-
>> rent au-devant de lui le College de la
dite Eglise , Chanoines et Chapelains ,
revétus de Chappes , avec la Croix
» l'Eau - Benite et les Cierges allumez . Et
» Messire Pierre le Clerc , Archidiacre de
» Desise
476 MERCURE DE FRANCE
"
» Desise en ladite Eglise , le prenant par
» la main , le mena en l'état cy - dessus
en l'Eglise jusques devant le Grand-
» Autel. Puis la Grand'Messe étant dite ,
>>
le menerent dans le Chapitre , où ils
>> le reçurent pour leur Confrere et Cha-
» noine , ainsi qu'il avoit été fait à ses
» Prédecesseurs , après qu'il eut donné
» son Serment sur les saints Evangiles , et
protesté qu'il ne réveleroit jamais les se-
>> crets du Chapitre en choses qui lui
» pourroient préjudicier. Puis baisa à la
» bouche ledit Archidiacre , Messire Jacques
de Besson , Jean de Maurigny et
» autres Chanoines d'icelle Eglise. Puis
>> remenerent ledit Baron en l'Eglise , et
» le firent asseoir au quatriéme Siege du
» côté de l'Archidiacte de Nevers , présens
Nobles hommes Messire Pierre de
» Veaulce , Jean de Montagu le Belin
Joseph de Citin , et Claudin Bastard
» de Jaligny , Chevaliers , Philippes de
» Villaines , Guichard de Villiers , Etien-
>> ne de Poisson, Guillaume de Chevenon,
Jean Chauderon , Jean d'Aligny le jeu
» ne , et Antoine d'Armes , Ecuyers.
Etant tombé sur un Livre intitulé ,
Le Chanoine , composé par Vital Bernard,
Chanoine du Puy en Vellay , et imprimé
en 1645. j'y ai lû aux pages 8o. et 81 .
ce
MARS. 1733
477
ce qui suit. » Le Duc de Brabant est Cha-
» noine né de l'Eglise Archiepiscopale
» d'Utrecht. Charles V. Empereur et Roy
» d'Espagne ; en cette qualité de Duc ,
» ( comme il alloit recevoir la Couronne
Imperiale en la Ville d'Aix -la - Chapelle)
» passant à Utrecht , y prit le Surplis et
>> assista au Service , comme les autres
» Chanoines, le 13. Octobre 15 20. Même
» Privilege est acquis au Seigneur de Tour-
» non , en l'Eglise de S. Just de Lyon .
"
Ici l'Auteur déclare son sentiment sur
l'origine de ce droit du Seigneur de Tournon
qu'il fait venir d'une Fondation du
quatriéme Siecle ; mais je ne veux pas
en être garant. Puis il ajoûte ce trait , qui
test plus curieux . » Paradin , en son His-
» toire de Lyon , dit qu'il assista en 1542 .
à la Prise de Possession de ce Droit
» honorifique d'un Seigneur de Tournon ,
et que Jacques de Tournon , Evêque
de Valence , son frere , le voyant re
» vétu d'une courte Robbe de Damas
» avec un Surplis dessus , l'Aumusse au
» bras et l'Epée au côté. Voilà , mon frere ,
❤ ( dit- il en le raillant ) qui représente bien
les trois Etats.
Je ne m'étends point sur un droit assez
semblable, dont jouissent 4 ou 5 Seigneurs
dans l'Eglise Cathedrale d'Auch , si on en
croit
478 MERCURE DE FRANCE
croît le même Chanoine , parce que je
n'en connois point assez les circonstances
, non plus que sur les droits de certains
Seigneurs dans l'Eglise de S. Martin
de Tours , où l'on dit que le Comte d'Anjou
est Chanoine ; de consuetudine et habet
Prebendam in blado et vino et nummis ; en
mémoire du Comte d'Anjou Ingelger ,
qui fit rapporter d'Auxerre à Tours , le
Corps de S. Martin , au neuvième siècle.
Voyez encore Héméré , en son Histoire
de S. Quentin , à la page 201.
Au reste , plus ces Auteurs sont succincts
sur ces sortes de matieres , plus ils
laissent d'obscurité
après eux ; et c'est
pour cela que je croi que le Cérémonial
observé en ces occasions , ne sçauroit être
trop expliqué. Pouvez - vous , en off.t ,
comprendre
ce que veut dire Platina ,
quand il écrit que le jour que Charles-
Quint assista au Service , dans la Cathedrale
d'Utrecht , il étoit talari indutus
linteo et sacra amictus vesie ? Vital Bernard
a tort de traduire , talare linteum , par le
mot de Surplis ; ce doit être une Aube
traînanté jusqu'aux
talons . Il laisse aussi
à deviner ce qu'étoit ce Sacra vestis qui le
couvroit ; c'étoit apparemment
une Chape
ou une Dalmatique
.
Je vous ai fait remarquer , Monsieur ,
en
MAR S. 1733- 479
en.1726. que les Empereurs lisoient encore
à Rome au xiy siécle , une Leçon à
P'Office des Grandes Fêtes , la Chape sur
le Corps , et l'Epée nuë à la main a . J'y
ajoutai une remarque touchant les Trésoriers
de quelques Cathédrales , qui anciennement
pouvoient assister à l'Office
avec des marques de distinction , sembla
bles à celles de M. de Chastellux . C'est
tout ce qui est de ma connoissance dans
la matiere dont il s'agit ; cat il ne me
reste aucune preuve qu'un semblable usag
existe dans l'Eglise de Chartres , ainsį
qu'on l'avoit divulgué , et il ne faut pas
confondre avec notre usage , celui de
Chartres, de faire présenter à l'Offrande ,
le 15 jour d'Août , par un Officier de la
Terre de Maintenon , un Epervier , pre
nant Proye ; lequel Oyseau doit être porté
par le Diacre au Régent de la Prébende
, duquel les Officiers de Maintenon
le rachetent, Ce que vous avez lû ci-dessus
, tiré des Statuts du Chapitre de Toul ,
avec ce que nous voyons dans le Nécrologe
de l'Eglise d'Auxerre , écrit au xr et
XIe siècles , et publié en partie par Dom
Martene b , où quantité de Seigneur sont
ainsi désignez ; Obiit N... Miles Sancti
a Mercure , Janvier 1726. pag. 31 et 32,
b Ampliss, Colleic, Tom. 6
Stephani
48 MERCURE DE FRANCE
Stephani , ou bien , Miles hujus Ecclesia.
Tout cela , dis- je , peut appuyer la pensée
qui vient naturellement , que le Chanoine
revêtu du Canonicat héréditaire
d'Auxerre , est à peu près dans l'état
où se trouvoient- ces anciens Deffenseurs
et Protecteurs des biens de l'Eglise .
M. Ducange , qui avoit vû cet Ouvrage
en manuscrit , n'a pas oublié dans
son Glossaire , celui qui est qualifié au
4 jour d'Avril dans ce Nécrologe : Hujus
Ecclesia Vexillarius ; et il paroît que
ce Titre de Vexillarius n'étoit pas fort
commun , puisqu'il ne rapporte que cet
exemple de Léoteric , Vicomte d'Auxer
re , qu'il joint à celui de Jacques , Roy
d'Arragon , qualifié en 1309. S. Romana
Ecclesia Vexillarius.
A Auxerre , le 10 Decembre 1732.
Fermer
Résumé : LETTRE écrite à M. D. L. R. par M. L. B. Chanoine et Sous-Chantre d'Auxerre, sur l'usage des Habits Canoniaux et Militaires, à l'occasion de ce qui est rapporté dans le Mercure du mois de Juin dernier, de la Réception de M. le Comte de Chastellux.
La lettre de M. L. B., chanoine et sous-chantre d'Auxerre, aborde l'usage des habits canoniaux et militaires lors de la réception de M. le Comte de Chastellux en tant que premier chanoine héréditaire de l'Église d'Auxerre. L'auteur exprime des regrets quant à la brièveté du mémoire sur cette réception mais s'y conforme. Il rappelle l'origine du droit de la Maison de Chastellux, lié à la ville de Cravan ou Crevan, conformément aux titres du XVe siècle. L'auteur exprime sa gratitude envers l'évêque Guy le Sénonois, premier à être inhumé dans la cathédrale d'Auxerre au Xe siècle, et insiste sur l'importance de ne pas oublier cette reconnaissance malgré les tentatives de certaines personnes d'effacer ces souvenirs. Concernant l'usage des habits militaires ou séculiers avec les habits canoniaux, l'auteur note que cette pratique n'était pas rare autrefois. Il cite des exemples historiques, comme les statuts du Chapitre de Toul en 1491 et des actes du XVe siècle où des seigneurs bienfaiteurs portaient des habits militaires au chœur. Des cas similaires sont également mentionnés dans d'autres églises, telles que celles de Nevers, Utrecht et Lyon. L'auteur conclut en affirmant que le chanoine héréditaire d'Auxerre se trouve dans une situation comparable à celle des anciens défenseurs et protecteurs des biens de l'Église. Il appuie cette idée en citant des exemples tirés du nécrologe de l'Église d'Auxerre et des travaux de M. Ducange.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 1488-1502
LETTRE aux Auteurs du Mercure de France, pour servir de Réponse à la Réplique de M. P** d'Orléans, imprimée dans le Mercure de Février dernier et pour appuyer l'autorité de l'Historien Lampride, au sujet d'Alexandre Severe.
Début :
Je ne cherche point, MM. à renouveller la dispute litteraire qui paroît [...]
Mots clefs :
Sévère Alexandre, Lampride, Historien, Historiens, Empereur, Tillemont, Sénat, Soldats, Caracalla, Manuscrits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE aux Auteurs du Mercure de France, pour servir de Réponse à la Réplique de M. P** d'Orléans, imprimée dans le Mercure de Février dernier et pour appuyer l'autorité de l'Historien Lampride, au sujet d'Alexandre Severe.
LETTRE aux Auteurs du Mercure
de France , pour servir de Réponse à la
Réplique de M. P ** d'Orleans , imprimée
dans le Mercure de Février dernier -
et pour appuyer l'autorité de l'Historien
Lampride , au sujet d'Alexandre Severe.
J
20383*
21
E ne cherche point , MM. à renouveller
la dispute litteraire qui paroît
avoir été autrefois entre M. de Tillemont
et le P. Pagi , au sujet de l'Epoque des
guerres de l'Empereur Alexandre- Severe.
Qui auroit- il d'interessant pour le Public
de voir repeter par M. P. d'Orleans - les
raisonnemens du P. Pagi ĝeett par moi ceux
de
JUILLET. 1733. 1489
de M. de Tillemont ? Ce seroit abuser
de sa patience , que de toujours écrire et
ne, rien donner de nouveau . Au moins si
l'on n'est pas en état de produire dans une
cause obscure des argumens métaphysiques,
il n'y a point de mal d'avancer modestement
ses conjectures. Je me suis servi
de cette voye permise en fait d'Histoire
profane , pour essayer de fixer , autant
qu'il est possible , ce que je crois
devoir manquer de quelques degrez de
certitude physique , jusqu'à ce que les
Médailles soient venues au secours des
Historiens. Mais mon Adversaire trouve
des impossibilitez dans tout ce que je
propose. Les Saumaises, les Tillemonts et
les anciens Historiens sont bons pour lui,
et ils ne valent rien pour moi.
Selon M. P. Lampride est plein de fautes
, et Hérodien n'en a aucune , c'est
un Ecrivain presque infaillible . Quelqu'un
cependant pourroit dire le contraire
après M. de Tillemont , avec
grand fondement , et prouver que
c'est plutôt Hérodien qui avance plusieurs
faits insoutenables. Mais il suffit
de renvoyer là-dessus aux excellentes Notes
qu'il a faites sur la Vie d'Alexandre.
Les meilleurs Historiens sont sujets à
commettre quelques fautes ; ce n'est pas
"
B unc
1490 MERCURE DE FRANCE
une raison suffisante pour rejetter ce qu'ils
ont écrit. Quoique Dion Cassius soit un
des plus éxacts , Dodwel fait voir quan
tité d'erreurs dans lesquelles il est tombé
à l'égard du seul Trajan. Perizonius a
fait un Livre exprès intitulé : Animadversiones
Historica , où il montre la même
chose à l'égard des Historiens les plus
estimez , comme Polybe , Tite - Live, &c.
Doit- on dire qu'à cause de cela le témoignage
de ces Auteurs doit être rejetté ,
s'il n'est soutenu par d'autres ? Le même
Critique a prouvé dans ce même Ouvrage
une infinité d'anachronismes et d'autres
erreurs monstrueuses dans Valere-
Maxime. N'osera - t'on donc plus citer cet
Historien ? j'en laisse le jugement au Public.
M. P. a mauvaise grace de m'accuser
d'avoir tronqué sa proposition . J'ai bien
remarqué quelle est la conclusion du
raisonnement qu'il a employé dans le
Mercure du mois d'Avril dernier , page
679. immédiatement après s'y être servi
de l'autorité de Casaubon , de Saumaise
et de M. de Tillemont ; je n'ai point confondu
cette conclusion avec la proposition
qui finit l'article précédent de sa
Lettre ; et c'est parce qu'elle m'a paru
extraordinaire que je l'ai mise telle qu'elle
est
JUILLET . 1733. 1491
est; la voici encore une fois : A moins
que les faits qu'on trouve dans cette compilation
( de l'Histoire Auguste ) ne se rencontrent
ailleurs , on est toujours bien reçû
à ne les point recevoir comme véritables . (a)
Sans sarrêter davantage à montrer le
faux de cette proposition , le moindre de
ses deffauts seroit en ce qu'elle peche contre
une Regle de Logique qui dit : Conclusio
non debet esse latior præmissis. Il
faut voir l'Ecrit même.
Mais pour revenir à Lampride , qui est
l'Auteur pour lequel
pour lequel il témoigne le plus
d'aversion , et pour le laver des reproches
qu'il lui fait , il me paroît que si
M. P. ne peut presque rien souffrir
dans cet Historien , c'est qu'il ne veut
pas se donner la peine de l'entendre .
Si une proposition de cet Ecrivain peut
avoir deux sens , M. P. prend toujours
celui qui lui paroît condamné par les
Ecrits des autres Historiens , ou par d'au
tres Monumens , afin de le décrier de
plus en plus.
A commencer par le premier endroit
qu'il articule , c'est une injustice que de
reprocher à Lampride d'avoir ignoré jusqu'au
nom de la mere d'Alexandre. C'est
(a) Merc. d'Avril 1732. p. 679. lignes 24 .
25. 26, et p. 680. lignes 1. ct 2 .
Bij plutôt
1492 MERCURE DE FRANCE
plutôt le Censeur de cet Historien qui
est répréhensible , en ce qu'il n'a pas entendu
son Texte . Mon Edition le porte
ainsi : Alexander igitur cui Mammea mater
fuit , nam et ita dicitur à plerisque ,
à prima pueritia artibus bonis indutus tam
civilibus quàm militaribus , & c. Ces mots
nam et ita dicitur à plerisque , ne se rapportent
point à Mammée , mais à son
fils , que les Grecs appelloient ordinairement
Alexandrum Mammea , et sur l'usage
du sur - nom , suivant la judicieuse
remarque de Casaubon en cet endroits
c'est comme si Lampride eût dit , Alexander
igitur Mammea filius , nam et ita
cognominatur à plerisque. Il ne faut donc
point traduire cet endroit de Lampride
de cette sorte. Alexandre donc qui avoit
pour mere Mammée , car plusieurs croyent
qu'elle a été sa mere ; mais il faut rendre
ainsi son Texte dans notre Langue : Alexandre
donc fils de Mammée , car c'est ainsi
qu'il est surnommé par plusieurs. Mais
quand le Texte de Lampride ne seroit pas
aussi clair qu'il l'est , M. P. devoit faire
attention à tant d'autres Endroits , où cet
Auteur suppose comme une chose certaine
et connue de tout le Peuple , que
la mere d'Alexandre s'appelloit Mammée.
Puellas et pueros , quemadmodum Antonius
1
Faus
JUILLET. 17337 1493
Faustinianas instituerat , Mammeanas et
Mammeanos instituit . Et plus loin ; In
matrem Mammeam unicè pius fuit : ita ut
Roma in Palatio faceret dietas nominis
Mammea quas imperitum vulgus hodie ad
Mammam vocat ; et in Baiano Palatium
cum stagno quod Mammea nomine hodieque
censetur.
Quelque grand que soit le nombre
d'exemples d'Empereurs Romains qui
ont cassé des Legions , on ne peut pas
dire qu'aucun de ceux- là en eût cassé
plus d'une sous son regne , ou au moins
si souvent qu'Alexandre ; il falloit cependant
en produire d'anterieurs à cet Êmpereur
, qui en eussent cassé souvent ,
pour pouvoir mettre Lampride dans son
tort. C'est ce que ne fait pas M. P. Si
Lampride dit qu'Alexandre fut le seul
jusqu'alors qu'on eût vû casser plusieurs
Légions pour les punir de leurs séditions,
il soutient ailleurs le même langage et
en donne l'explication : Severitatis autem
tanta fuit in milites ut SÆPE Legiones integras
exauctoraverit . Et c'est par cet endroit
que Casaubon explique l'autre. Il
est vrai que Lampride n'entre point dans
le détail de chacune des Légions qui su
bit cette punition , se contentant de parler
de celle qu'il cassa à Antioche ; mais
B iij un
1494 MERCURE DE FRANCE
un Historien n'est pas tenu de tout dire,
et il n'est pas obligé de prévoir qu'après
quatorze siecles il se trouvera quelqu'un
qui essayera de le faire passer pour ce
qu'il n'est pas.
Il n'y a rien d'incompatible dans ce
que Tibere a eu envie de faire au sujet
de Jesus Christ , selon Tertullien , et ce
que Lampride dit qu'Hadrien pensa faire
selon quelques - uns . Ce sont deux desseins
aussi differents que les deux Princes .
L'un n'exclud pas l'autre ; et loin de révoquer
en doute ce que dit Lampride ,
on doit lui avoir obligation de ce qu'il
nous apprend l'origine qu'on attribuoit
de son temps à ces Temples vuides d'idoles
et de Statues , qu'on appelloit les
Temples d'Hadrien , dans les lieux où il
y en avoit , et tel qu'est peut - être celui
qui reste à Nîmes , qu'on dit bâti par
cet Empereurs si Tertullien n'a parlé que
de Tibere , c'est qu'il a pû ignorer le fait
rapporté par notre Historien , qui d'ailleurs
n'en parle que comme d'un bruit
qui couroit et qu'il ne garantit pas : Quod
et Hadrianus cogitasse fertur.
A l'égard du discours où M. P. trouve
mauvais qu'Alexandre dise que le nom
d'Antonin avoit été affecté par Bassien
c'est une piece que Lampride déclare qu'il
JUILLET. 1733. 1495
•
8
a tirée des Registres de la Ville de Rome
au VI. de Mars , telle qu'elle avoit été
prononcée par Alexandre avec les acclamations
du Sénat . Comment peut- il s'inscrire
en faux contre une piece si authentique?
J'aime mieux croire qu'Alexandre
jugea à propos de parler ainsi en présence
du Sénat , que de penser que ces
Actes publics eussent été falsifièz , et
qu'au bout de cent ans Lampride ait été
trompé par de faux Registres. C'est mon
sentiment , qui ne doit gêner en rien celui
de M. P. Au reste , quand il seroit
vrai qu'Alexandre auroit voulu prendre
la qualité de fils de Caracalle dans la suite
de son regne , à cause de l'affection des
Soldats pour le nom des Antonins , il ne
suit pas de- là qu'il ait dû avoir la même
pensée dans les premiers temps de
son élevation à l'Empire , et lorsqu'il fit
ses remerciemens au Sénat . Autrement ,
il n'auroit pas refusé alors le nom d'Antonin
, d'autant plus qu'il étoit en effet reconnu
pour parent de Caracalle. N'ayant
donc eu dans les commencemens aucun
dessein de prendre le nom d'Antonin
il n'est pas surprenant qu'il ait en quelque
maniere blâmé ce dernier d'avoir pris
ce nom , quoiqu'on ne puisse disconvenir
qu'il ne l'ait fait avec grand ména-
B iiij gement
>
1496 MERCURE DE FRANCE
gement , s'étant contenté de dire que Caracalle
avoit affecté ce nom ; affectatum
in Bassiano ; expression des plus moderées
, quoiqu'en veuille dire M. P. D'ailleurs
il n'y a pas d'apparence qu'en cette
occasion , avec sa modestie ordinaire , et
dans un âge aussi tendre , il eût eu l'effronterie
de vouloir faire croire au Sénat
qu'il
étoit vraiment fils de Caracalle .
Que M. P. trouve donc tant qu'il voudra
dans Alexandre une opposition de
conduite ; elle ne paroîtra qu'à lui seul ,
qui n'est pas disposé à recevoir la justification
de Lampride avec bienveillance ,
aimant mieux croire que les Fastes publics
d'une Ville telle que Rome , l'ont induit
en erreur , que de convenir qu'Alexandre
ait pû parler comme il a fait.
Il reste à lui répondre sur ce qu'il trouve
de si plaisant dans notre Historien .
Rien en effet ne seroit plus plaisant que
d'avoir mis les Jurisconsultes Pomponius
, Alphenus , &c. parmi les Conseillers
d'Alexandre ; puisqu'on convient
que ces hommes n'existoient point alors .
Mais le plaisant est que M. P. cite l'Historien
selon les Editions publiées sans
aucun examen critique des manuscrits
et sans faire semblant qu'il connoisse les
Notes queCasaubon et Saumaise ont données
JUILLET. 1733. 1497
nées sur cet endroit. Car s'il avoit voulu
y
faire attention , il auroit reconnu que
les noms de ces Jurisconsultes ne se trouvent
point dans les anciens manuscrits de
cette Histoire , de laquelle ils doivent être
entierement rejettez . C'est une circonstance
qui a été ignorée par Cujas , lequel
étoit anterieur aux Commentaires de
Casaubon et de Saumaise : et ce Jurisconsulte
est plus excusable avec sa mauvaise
Critique, que ne l'est le Censeur de Lampride.
Je vous ai déja averti, MM . que je regar
dois comme inutile d'étaler les raisons qu'à
eues M..de Tillemont , de ne se pas trouver
d'accord avec le P. Pagi , sur l'année
de la guerre de Perse . Je persiste à la placer
avec lui quatre ou cinq ans plus tard
que le P. Pagi. De deux Sçavans qui ont
discuté un point historique , chacun est
libre de suivre la Chronologie qui lui
plait. Ce qu'il est bon de remarquer ici
c'estque ce fut sous l'Empire d'Alexandre
que l'on commença à se servir du nom.
de Perse , pour signifier le Pays que les
Parthes occupoient auparavant. Ainsi lorsque
cet Empereur étant à Antioche quelques
années après dit dans sa Harangue
aux Soldats , qu'on leur a appris à
élever leur voix contre les Perses , il n'a
By pû
1500 MERCURE DE FRANCE
nius à aller à cette expedition , mais encore
à l'accompagner dans ce voyage.
M. P. finit les Remarques critiques
qu'il avoit à faire contre moy en particulier
, par une énumération que je
ne lui demandois pas du nom d'Ovinius
, tirée des Inscriptions. J'aurois
souhaité qu'il l'eut puisée dans les Historiens
ou dans d'autres Ecrivains dont
les Ouvrages sont parvenus jusqu'à nous
par la voye des Manuscrits . C'est ce qu'il
n'a pas fait. Au lieu de cela, il entreprend
de prouver au Public que c'est une er
reur de dire Alexandre Severe , et il prétend
qu'on doit dire Severe Alexandre.
Quoique la chose ne soit pas d'une assez
grande importance pour être discutée ,
je ne puis pas me dispenser de dire que
c'est- là une mauvaise chicane qu'il fait
sur les surnoms de cet Empereur, et toujours
pour revenir contre Lampride, qu'il
ne veut pas se donner la peine d'entendre.
Lampride dit bien que les Soldats
l'appellerent Severe , à cause de la séverité
dont il étoit à leur égard , et il infere
que cette manierè d'entendre ce nom
leur étoit propre et speciale ; mais il a
été bien éloigné de croire en son particulier
que ç'ait été une épithete ; , il n'en
dit rien qui ne s'accorde avec lidée de
sa véritable origine.
P
JUILLET. 1733. 1501
Ce nom de Severe , fut celui qu'il prit
quand il fut parvenu à l'Empire , pour
marquer apparemment qu'il étoit lié de
parenté avec Septime- Severe. Alors par
respect pour ce Prince , il mit ce surnom
nouveau avant l'ancien , et cela fut
suivi dans tous les Monumens publics ..
Les Soldats qui ressentoient la séverité
de cet Empereur plus que personne , furent
frappez de ce nom , et s'en servoient
plus communément entre eux dans le
sens adjectif qu'il peut avoir. Mais tout
le monde , et les Historiens mêmes , continuerent
de l'appeller Alexandre simplement
, ou d'y ajouter le nom de Severe ,
pour le distinguer d'Alexandre Emilien
et d'un autre Alexandre , Tyran d'Afrique.
C'est cet usage qui a passé jusqu'à
nous. Il est fondé sur ce que le nom
d'Alexandre a été sûrement le premier
surnom de cet Empereur , selon l'ordre
des. temps : Salutabatur autem nomine hoč
sive Alexander , dit Lampride ; et dans
les premieres Médailles de ce Prince
frappées sous Héliogabale , il est appellé
seulement M. Aurelius Alexander Casar.
Aussi ce nom d'Alexandre se trouve t'il
au moins douze fois dans les Acclamations
que fit le Sénat le jour que le jeune
Empereur y fit sa premiere Entrée , et
celui
1502 MERCURE DE FRANCE
celui de Severe ne s'y trouve pas une
seule fois , quoique le nom d'Aurelius
n'y manque point. Le nom de Severe
étant ainsi reconnu comme le plus rarement
usité du vivant d'Alexandre , il
n'est devenu que distinctif dans les
temps suivants. Or il est constant que
les noms qui sont les plus distinctifs ,
ne se mettent point les premiers dans
l'usage , mais à la suite du plus commun.
En avoüant donc que le nom de
Severus est dans ce cas , il doit ne se
trouver dans le langage ordinaire que
comme accessoire au nom plus commun.
Je suis , & c.
A Auxerre le 31 .
Mars
1733.
de France , pour servir de Réponse à la
Réplique de M. P ** d'Orleans , imprimée
dans le Mercure de Février dernier -
et pour appuyer l'autorité de l'Historien
Lampride , au sujet d'Alexandre Severe.
J
20383*
21
E ne cherche point , MM. à renouveller
la dispute litteraire qui paroît
avoir été autrefois entre M. de Tillemont
et le P. Pagi , au sujet de l'Epoque des
guerres de l'Empereur Alexandre- Severe.
Qui auroit- il d'interessant pour le Public
de voir repeter par M. P. d'Orleans - les
raisonnemens du P. Pagi ĝeett par moi ceux
de
JUILLET. 1733. 1489
de M. de Tillemont ? Ce seroit abuser
de sa patience , que de toujours écrire et
ne, rien donner de nouveau . Au moins si
l'on n'est pas en état de produire dans une
cause obscure des argumens métaphysiques,
il n'y a point de mal d'avancer modestement
ses conjectures. Je me suis servi
de cette voye permise en fait d'Histoire
profane , pour essayer de fixer , autant
qu'il est possible , ce que je crois
devoir manquer de quelques degrez de
certitude physique , jusqu'à ce que les
Médailles soient venues au secours des
Historiens. Mais mon Adversaire trouve
des impossibilitez dans tout ce que je
propose. Les Saumaises, les Tillemonts et
les anciens Historiens sont bons pour lui,
et ils ne valent rien pour moi.
Selon M. P. Lampride est plein de fautes
, et Hérodien n'en a aucune , c'est
un Ecrivain presque infaillible . Quelqu'un
cependant pourroit dire le contraire
après M. de Tillemont , avec
grand fondement , et prouver que
c'est plutôt Hérodien qui avance plusieurs
faits insoutenables. Mais il suffit
de renvoyer là-dessus aux excellentes Notes
qu'il a faites sur la Vie d'Alexandre.
Les meilleurs Historiens sont sujets à
commettre quelques fautes ; ce n'est pas
"
B unc
1490 MERCURE DE FRANCE
une raison suffisante pour rejetter ce qu'ils
ont écrit. Quoique Dion Cassius soit un
des plus éxacts , Dodwel fait voir quan
tité d'erreurs dans lesquelles il est tombé
à l'égard du seul Trajan. Perizonius a
fait un Livre exprès intitulé : Animadversiones
Historica , où il montre la même
chose à l'égard des Historiens les plus
estimez , comme Polybe , Tite - Live, &c.
Doit- on dire qu'à cause de cela le témoignage
de ces Auteurs doit être rejetté ,
s'il n'est soutenu par d'autres ? Le même
Critique a prouvé dans ce même Ouvrage
une infinité d'anachronismes et d'autres
erreurs monstrueuses dans Valere-
Maxime. N'osera - t'on donc plus citer cet
Historien ? j'en laisse le jugement au Public.
M. P. a mauvaise grace de m'accuser
d'avoir tronqué sa proposition . J'ai bien
remarqué quelle est la conclusion du
raisonnement qu'il a employé dans le
Mercure du mois d'Avril dernier , page
679. immédiatement après s'y être servi
de l'autorité de Casaubon , de Saumaise
et de M. de Tillemont ; je n'ai point confondu
cette conclusion avec la proposition
qui finit l'article précédent de sa
Lettre ; et c'est parce qu'elle m'a paru
extraordinaire que je l'ai mise telle qu'elle
est
JUILLET . 1733. 1491
est; la voici encore une fois : A moins
que les faits qu'on trouve dans cette compilation
( de l'Histoire Auguste ) ne se rencontrent
ailleurs , on est toujours bien reçû
à ne les point recevoir comme véritables . (a)
Sans sarrêter davantage à montrer le
faux de cette proposition , le moindre de
ses deffauts seroit en ce qu'elle peche contre
une Regle de Logique qui dit : Conclusio
non debet esse latior præmissis. Il
faut voir l'Ecrit même.
Mais pour revenir à Lampride , qui est
l'Auteur pour lequel
pour lequel il témoigne le plus
d'aversion , et pour le laver des reproches
qu'il lui fait , il me paroît que si
M. P. ne peut presque rien souffrir
dans cet Historien , c'est qu'il ne veut
pas se donner la peine de l'entendre .
Si une proposition de cet Ecrivain peut
avoir deux sens , M. P. prend toujours
celui qui lui paroît condamné par les
Ecrits des autres Historiens , ou par d'au
tres Monumens , afin de le décrier de
plus en plus.
A commencer par le premier endroit
qu'il articule , c'est une injustice que de
reprocher à Lampride d'avoir ignoré jusqu'au
nom de la mere d'Alexandre. C'est
(a) Merc. d'Avril 1732. p. 679. lignes 24 .
25. 26, et p. 680. lignes 1. ct 2 .
Bij plutôt
1492 MERCURE DE FRANCE
plutôt le Censeur de cet Historien qui
est répréhensible , en ce qu'il n'a pas entendu
son Texte . Mon Edition le porte
ainsi : Alexander igitur cui Mammea mater
fuit , nam et ita dicitur à plerisque ,
à prima pueritia artibus bonis indutus tam
civilibus quàm militaribus , & c. Ces mots
nam et ita dicitur à plerisque , ne se rapportent
point à Mammée , mais à son
fils , que les Grecs appelloient ordinairement
Alexandrum Mammea , et sur l'usage
du sur - nom , suivant la judicieuse
remarque de Casaubon en cet endroits
c'est comme si Lampride eût dit , Alexander
igitur Mammea filius , nam et ita
cognominatur à plerisque. Il ne faut donc
point traduire cet endroit de Lampride
de cette sorte. Alexandre donc qui avoit
pour mere Mammée , car plusieurs croyent
qu'elle a été sa mere ; mais il faut rendre
ainsi son Texte dans notre Langue : Alexandre
donc fils de Mammée , car c'est ainsi
qu'il est surnommé par plusieurs. Mais
quand le Texte de Lampride ne seroit pas
aussi clair qu'il l'est , M. P. devoit faire
attention à tant d'autres Endroits , où cet
Auteur suppose comme une chose certaine
et connue de tout le Peuple , que
la mere d'Alexandre s'appelloit Mammée.
Puellas et pueros , quemadmodum Antonius
1
Faus
JUILLET. 17337 1493
Faustinianas instituerat , Mammeanas et
Mammeanos instituit . Et plus loin ; In
matrem Mammeam unicè pius fuit : ita ut
Roma in Palatio faceret dietas nominis
Mammea quas imperitum vulgus hodie ad
Mammam vocat ; et in Baiano Palatium
cum stagno quod Mammea nomine hodieque
censetur.
Quelque grand que soit le nombre
d'exemples d'Empereurs Romains qui
ont cassé des Legions , on ne peut pas
dire qu'aucun de ceux- là en eût cassé
plus d'une sous son regne , ou au moins
si souvent qu'Alexandre ; il falloit cependant
en produire d'anterieurs à cet Êmpereur
, qui en eussent cassé souvent ,
pour pouvoir mettre Lampride dans son
tort. C'est ce que ne fait pas M. P. Si
Lampride dit qu'Alexandre fut le seul
jusqu'alors qu'on eût vû casser plusieurs
Légions pour les punir de leurs séditions,
il soutient ailleurs le même langage et
en donne l'explication : Severitatis autem
tanta fuit in milites ut SÆPE Legiones integras
exauctoraverit . Et c'est par cet endroit
que Casaubon explique l'autre. Il
est vrai que Lampride n'entre point dans
le détail de chacune des Légions qui su
bit cette punition , se contentant de parler
de celle qu'il cassa à Antioche ; mais
B iij un
1494 MERCURE DE FRANCE
un Historien n'est pas tenu de tout dire,
et il n'est pas obligé de prévoir qu'après
quatorze siecles il se trouvera quelqu'un
qui essayera de le faire passer pour ce
qu'il n'est pas.
Il n'y a rien d'incompatible dans ce
que Tibere a eu envie de faire au sujet
de Jesus Christ , selon Tertullien , et ce
que Lampride dit qu'Hadrien pensa faire
selon quelques - uns . Ce sont deux desseins
aussi differents que les deux Princes .
L'un n'exclud pas l'autre ; et loin de révoquer
en doute ce que dit Lampride ,
on doit lui avoir obligation de ce qu'il
nous apprend l'origine qu'on attribuoit
de son temps à ces Temples vuides d'idoles
et de Statues , qu'on appelloit les
Temples d'Hadrien , dans les lieux où il
y en avoit , et tel qu'est peut - être celui
qui reste à Nîmes , qu'on dit bâti par
cet Empereurs si Tertullien n'a parlé que
de Tibere , c'est qu'il a pû ignorer le fait
rapporté par notre Historien , qui d'ailleurs
n'en parle que comme d'un bruit
qui couroit et qu'il ne garantit pas : Quod
et Hadrianus cogitasse fertur.
A l'égard du discours où M. P. trouve
mauvais qu'Alexandre dise que le nom
d'Antonin avoit été affecté par Bassien
c'est une piece que Lampride déclare qu'il
JUILLET. 1733. 1495
•
8
a tirée des Registres de la Ville de Rome
au VI. de Mars , telle qu'elle avoit été
prononcée par Alexandre avec les acclamations
du Sénat . Comment peut- il s'inscrire
en faux contre une piece si authentique?
J'aime mieux croire qu'Alexandre
jugea à propos de parler ainsi en présence
du Sénat , que de penser que ces
Actes publics eussent été falsifièz , et
qu'au bout de cent ans Lampride ait été
trompé par de faux Registres. C'est mon
sentiment , qui ne doit gêner en rien celui
de M. P. Au reste , quand il seroit
vrai qu'Alexandre auroit voulu prendre
la qualité de fils de Caracalle dans la suite
de son regne , à cause de l'affection des
Soldats pour le nom des Antonins , il ne
suit pas de- là qu'il ait dû avoir la même
pensée dans les premiers temps de
son élevation à l'Empire , et lorsqu'il fit
ses remerciemens au Sénat . Autrement ,
il n'auroit pas refusé alors le nom d'Antonin
, d'autant plus qu'il étoit en effet reconnu
pour parent de Caracalle. N'ayant
donc eu dans les commencemens aucun
dessein de prendre le nom d'Antonin
il n'est pas surprenant qu'il ait en quelque
maniere blâmé ce dernier d'avoir pris
ce nom , quoiqu'on ne puisse disconvenir
qu'il ne l'ait fait avec grand ména-
B iiij gement
>
1496 MERCURE DE FRANCE
gement , s'étant contenté de dire que Caracalle
avoit affecté ce nom ; affectatum
in Bassiano ; expression des plus moderées
, quoiqu'en veuille dire M. P. D'ailleurs
il n'y a pas d'apparence qu'en cette
occasion , avec sa modestie ordinaire , et
dans un âge aussi tendre , il eût eu l'effronterie
de vouloir faire croire au Sénat
qu'il
étoit vraiment fils de Caracalle .
Que M. P. trouve donc tant qu'il voudra
dans Alexandre une opposition de
conduite ; elle ne paroîtra qu'à lui seul ,
qui n'est pas disposé à recevoir la justification
de Lampride avec bienveillance ,
aimant mieux croire que les Fastes publics
d'une Ville telle que Rome , l'ont induit
en erreur , que de convenir qu'Alexandre
ait pû parler comme il a fait.
Il reste à lui répondre sur ce qu'il trouve
de si plaisant dans notre Historien .
Rien en effet ne seroit plus plaisant que
d'avoir mis les Jurisconsultes Pomponius
, Alphenus , &c. parmi les Conseillers
d'Alexandre ; puisqu'on convient
que ces hommes n'existoient point alors .
Mais le plaisant est que M. P. cite l'Historien
selon les Editions publiées sans
aucun examen critique des manuscrits
et sans faire semblant qu'il connoisse les
Notes queCasaubon et Saumaise ont données
JUILLET. 1733. 1497
nées sur cet endroit. Car s'il avoit voulu
y
faire attention , il auroit reconnu que
les noms de ces Jurisconsultes ne se trouvent
point dans les anciens manuscrits de
cette Histoire , de laquelle ils doivent être
entierement rejettez . C'est une circonstance
qui a été ignorée par Cujas , lequel
étoit anterieur aux Commentaires de
Casaubon et de Saumaise : et ce Jurisconsulte
est plus excusable avec sa mauvaise
Critique, que ne l'est le Censeur de Lampride.
Je vous ai déja averti, MM . que je regar
dois comme inutile d'étaler les raisons qu'à
eues M..de Tillemont , de ne se pas trouver
d'accord avec le P. Pagi , sur l'année
de la guerre de Perse . Je persiste à la placer
avec lui quatre ou cinq ans plus tard
que le P. Pagi. De deux Sçavans qui ont
discuté un point historique , chacun est
libre de suivre la Chronologie qui lui
plait. Ce qu'il est bon de remarquer ici
c'estque ce fut sous l'Empire d'Alexandre
que l'on commença à se servir du nom.
de Perse , pour signifier le Pays que les
Parthes occupoient auparavant. Ainsi lorsque
cet Empereur étant à Antioche quelques
années après dit dans sa Harangue
aux Soldats , qu'on leur a appris à
élever leur voix contre les Perses , il n'a
By pû
1500 MERCURE DE FRANCE
nius à aller à cette expedition , mais encore
à l'accompagner dans ce voyage.
M. P. finit les Remarques critiques
qu'il avoit à faire contre moy en particulier
, par une énumération que je
ne lui demandois pas du nom d'Ovinius
, tirée des Inscriptions. J'aurois
souhaité qu'il l'eut puisée dans les Historiens
ou dans d'autres Ecrivains dont
les Ouvrages sont parvenus jusqu'à nous
par la voye des Manuscrits . C'est ce qu'il
n'a pas fait. Au lieu de cela, il entreprend
de prouver au Public que c'est une er
reur de dire Alexandre Severe , et il prétend
qu'on doit dire Severe Alexandre.
Quoique la chose ne soit pas d'une assez
grande importance pour être discutée ,
je ne puis pas me dispenser de dire que
c'est- là une mauvaise chicane qu'il fait
sur les surnoms de cet Empereur, et toujours
pour revenir contre Lampride, qu'il
ne veut pas se donner la peine d'entendre.
Lampride dit bien que les Soldats
l'appellerent Severe , à cause de la séverité
dont il étoit à leur égard , et il infere
que cette manierè d'entendre ce nom
leur étoit propre et speciale ; mais il a
été bien éloigné de croire en son particulier
que ç'ait été une épithete ; , il n'en
dit rien qui ne s'accorde avec lidée de
sa véritable origine.
P
JUILLET. 1733. 1501
Ce nom de Severe , fut celui qu'il prit
quand il fut parvenu à l'Empire , pour
marquer apparemment qu'il étoit lié de
parenté avec Septime- Severe. Alors par
respect pour ce Prince , il mit ce surnom
nouveau avant l'ancien , et cela fut
suivi dans tous les Monumens publics ..
Les Soldats qui ressentoient la séverité
de cet Empereur plus que personne , furent
frappez de ce nom , et s'en servoient
plus communément entre eux dans le
sens adjectif qu'il peut avoir. Mais tout
le monde , et les Historiens mêmes , continuerent
de l'appeller Alexandre simplement
, ou d'y ajouter le nom de Severe ,
pour le distinguer d'Alexandre Emilien
et d'un autre Alexandre , Tyran d'Afrique.
C'est cet usage qui a passé jusqu'à
nous. Il est fondé sur ce que le nom
d'Alexandre a été sûrement le premier
surnom de cet Empereur , selon l'ordre
des. temps : Salutabatur autem nomine hoč
sive Alexander , dit Lampride ; et dans
les premieres Médailles de ce Prince
frappées sous Héliogabale , il est appellé
seulement M. Aurelius Alexander Casar.
Aussi ce nom d'Alexandre se trouve t'il
au moins douze fois dans les Acclamations
que fit le Sénat le jour que le jeune
Empereur y fit sa premiere Entrée , et
celui
1502 MERCURE DE FRANCE
celui de Severe ne s'y trouve pas une
seule fois , quoique le nom d'Aurelius
n'y manque point. Le nom de Severe
étant ainsi reconnu comme le plus rarement
usité du vivant d'Alexandre , il
n'est devenu que distinctif dans les
temps suivants. Or il est constant que
les noms qui sont les plus distinctifs ,
ne se mettent point les premiers dans
l'usage , mais à la suite du plus commun.
En avoüant donc que le nom de
Severus est dans ce cas , il doit ne se
trouver dans le langage ordinaire que
comme accessoire au nom plus commun.
Je suis , & c.
A Auxerre le 31 .
Mars
1733.
Fermer
Résumé : LETTRE aux Auteurs du Mercure de France, pour servir de Réponse à la Réplique de M. P** d'Orléans, imprimée dans le Mercure de Février dernier et pour appuyer l'autorité de l'Historien Lampride, au sujet d'Alexandre Severe.
L'auteur de la lettre répond à M. P d'Orléans, qui avait critiqué ses propos sur l'empereur Alexandre Sévère dans le Mercure de France. L'auteur refuse de relancer une dispute littéraire passée entre M. de Tillemont et le P. Pagi concernant l'époque des guerres d'Alexandre Sévère. Il reconnaît que ses conjectures sur l'histoire profane manquent de certitude physique, mais il les justifie en attendant des preuves plus solides, comme les médailles. L'auteur critique M. P d'Orléans pour sa partialité envers les historiens Saumaise, Tillemont et Hérodien, qu'il considère comme infaillibles, tout en rejetant Lampride, qu'il accuse de fautes. L'auteur rappelle que même les meilleurs historiens commettent des erreurs et que cela ne justifie pas de rejeter leurs témoignages. Il accuse M. P d'Orléans d'avoir tronqué sa proposition et de mal interpréter le texte de Lampride. Il défend Lampride en montrant que M. P d'Orléans prend systématiquement le sens le plus défavorable à cet historien. L'auteur cite plusieurs passages de Lampride pour prouver que cet historien ne commet pas les erreurs que lui reproche M. P d'Orléans. L'auteur conclut en affirmant que la dispute sur le nom d'Alexandre Sévère (Alexandre Sévère ou Sévère Alexandre) est sans importance et qu'elle relève d'une mauvaise chicane de la part de M. P d'Orléans. Il rappelle que Lampride explique l'origine du nom Sévère donné à l'empereur par les soldats. L'empereur romain Alexandre Sévère, lié par parenté à Septime Sévère, adopta le surnom 'Alexandre' par respect pour ce dernier. Ce nom fut utilisé dans tous les monuments publics. Les soldats, ressentant la sévérité de l'empereur, utilisaient ce nom de manière plus courante entre eux. Cependant, le monde entier, y compris les historiens, continuaient de l'appeler simplement 'Alexandre' ou d'ajouter 'Sévère' pour le distinguer d'autres personnages portant le même prénom. Cet usage persista jusqu'à nos jours. Le nom 'Alexandre' fut le premier surnom de cet empereur, comme le mentionne Lampride et les premières médailles frappées sous Héliogabale. Les acclamations du Sénat lors de la première entrée de l'empereur mentionnent 'Alexandre' au moins douze fois, mais jamais 'Sévère', bien que le nom 'Aurelius' soit présent. Le nom 'Sévère' étant le moins utilisé de son vivant, il devint distinctif par la suite. Les noms distinctifs s'ajoutent après le nom plus commun, confirmant que 'Severus' est accessoire au nom plus courant 'Alexander'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 1764-1771
LETTRE écrite d'Auxerre, à M.... sur cette expression : Faire le déposuit, et sur les Bâtons des Confreries.
Début :
Vous me marquez, Monsieur, la peine où vous êtes de comprendre [...]
Mots clefs :
Deposuit, Bâton, Confréries, Verset, Vêpres, Bâtons, Paris, Évêque, Magnificat, Règlement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite d'Auxerre, à M.... sur cette expression : Faire le déposuit, et sur les Bâtons des Confreries.
LETTRE écrite d'Auxerre , à M. ...
sur cette expression : Faire le déposuit ,
et sur les Bâtons des Confreries.
Ous me marquez , Monsieur , la
peine où vous êtes de comprendre
le sens d'un ancien Reglement de Saint
Jacques de l'Hôpital de Paris , dont on
vous afait voir une copie ; et quoique ce
Reglement n'ait que 230 ans ou environ ,
il contient , dites - vous , certains usages
que vous n'entendez pas , et dont vous
souhaiteriez avoir l'explication. Selon ce
Reglement le Crieur est tenu , avant la
» Fête Monseigneur S. Jacques , d'aller
>> par la Ville à tout sa Clochette , et ves-
» tu de son Corset , crier la Confrairie.
» Item , doit à chaque Pelerin et Peleri-
»> ne quatre épingles pour attacher les
» quatre Cornets des Mantelets des hom-
» mes et les Chapeaux de fleurs des Fem--
» mes ; les Pelerins au Cueur , les Peleri-
» nes hors le Cueur . Item , doit May et
herbes vertes pour la jonchée. Et après
le dîner on porte le Bâton au Cueur , et l'a
est le Trésorier , qui chante et fait le Dé-
» posuit. » Vous demandez ce que c'est
"'
» que
AOUST. 1733. 1765
que faire le Deposuit. On dit bien en
France : Faire le Pain - beni , faire la Saint
Martin . On disoit autrefois, faire les Anges
, faire les trois Maries ,faire le Defruc
in , et même faire les Rois , pour signifier
que trois Ecclesiastiques étoient habillez
en maniere de Rois le jour de l'Epiphanie.
Mais il n'étoit pas plus rare d'y faire
le Deposuit. Ce n'est que le non- usage
qui a fit perdre de vûë la signification
de ce langage . Je vous prie d'avoir attention
à la pénultiéme ligne du Reglement;
elle sert à donner le dénouement de la
cérémonie du Deposuit. ( On porte le Bâton
au Cueur. )
C'est que dans les Confreries , outre
l'Image du S. Patron , placée ordinairement
au dessus des Autels des Eglises ,
ou dans quelque niche , et qu'il est impossible
de transporter , il y en avoit une
petite , que chacun des Confreres étoit
tenu de conserver chez lui pendant un
an à tour de Rôle , et cette Image au retour
de la Fêre, chaque année , étoit mise
sur la Table des Trésoriers ou Receveurs
de la Confrerie, dans la Nef de l'Eglise ,
ou même au Vestibule ; et afiu qu'elle
ne fut pas portée rustiquement par les
rues , mais avec dignité , on avoit un Bâ
ton , orné et embelli selon le temps , au
D iiij
bout
1766 MERCURE DE FRANCE
bout duquel on la portoit élevée ; et même
depuis cette Image resta ainsi posée
sur le Bâton même , qu'on orna dans la
suite de Fuzeaux , garnis de Fleurs et de
Rubans , et on eut soin de la couvrir
d'un petit Plafond ou d'une Arcade en
forme de Coquille ..
Les Bâtons modernes des Chantres de
plusieurs Eglises sont des diminutifs de
ces Bâtons de Confreries pour la forme ; il
n'y a que dans quelques-unes que l'on a
conservé l'ancien usage de les terminer
en Pommeau , en figure d'Oiseau , ou en
bec de Corbin , sans mettre aucun Saint
dessus . Mais venons au Deposuit. Le Magnificat
des Vêpres étant commencé , રે
T'approche du Verset :Deposuit potentes de
sede celui qui avoit rendu ou rapporté
le Bâton , sortoit de Charge ; et à ces paroles
suivantes : Et exaltavit humiles, on
mettoit en place celui à qui c'étoit le tour
de le prendre. Il y avoit quelques variétez
là- dessus selon les Païs ; mais presque
dans toute la France on avoit imaginé
que ce Verset du Magnificat exprimeroit
fort bien la céremonie ; l'un descendoit
en sortant de charge , et l'autre
montoit en y entrant.
;
Il y avoit des Endroits où c'étoit aux
Prêtres à faire cette espece d'installation;
d'au
AOUST. 1733. 1767
d'autres , où celui qui quittoit le Bâton
le mettoit entre les mains de celui qui lui
succedoit. Il paroît qu'à S. Jacques de
l'Hôpital c'étoit le Trésorier qui installoit
le nouveau Bâtonnier , et qui déposoit
l'ancien , en chantant Deposuit , ou'
bien c'étoit celui qui rendoit le Bâton
qu'on appelloit du nom de Trésorier.
Mais en quelques sens que vous le preniez
, soit qu'il installât et mît en place
ou qu'il cedât seulement sa place à un
autre , cela s'appelloit faire le Deposuit..
Dans le Diocèse dont je suis , je sçai que,
jusques bien avant dans le dernier siécle
le Deposuit étoit un Verset si distingué
dans le Magnifieit des secondes Vêpres
d'une Confrerie , qu'aussi - tôt qu'on le
commençoit , celui qui finissoit son année
de Bâtonnier , mettoit le Bâton entre
les mains de celui qui entroit en Charge ,
et à l'instant on sortoit du Choeur et les
Confreres alloient conduire le Bâ:on et
le Bâtonnier jusques dans sa maison.
剩
De vous dire si le Clergé étoit de cette
Procession , c'est ce que je ne sçai pas :
A Paris c'étoit l'usage au milieu de l'avant-
dernier siécle ; mais j'ai reconnu
par un grand nombre d'Ordonnances
Episcopales, faites vers l'an 16 20 et 1622 .
qne l'on finissoit ces jours- là les Vêpres
D.v ex:
1768 MERCURE DE FRANCE
ex abrupto , à Deposuit inclusivement ;
ce qui fut condamné avec raison par
M. de Donadieu , noire Evêque , qui
prescrit de finir les Vêpres à l'ordinaire ;
ce mauvais usage de cesser l'Office à ce
Verset , et de ne le pas continuer , mais
d'entonner tout d'un coup le Te Deum ,
ne pouvoit venir que de la complaisance
de quelques Ecclesiastiques , qui pour un´
leger interêt s'avillissoient jusqu'à aller
conduire des Laïques chez eux , et rendoient
ainsi ces Larques les maîtres des
cérémonies ; de même qu'on a vu encore
de nos jours , des ignares et non - lettrez
qui ont osé s'immiscer de montrer les
Rubriques à leurs Prêtres , et de regler
P'Office divin à leur fantaisie.
Comme un abus invetéré ne peut être
aboli que peu à peu et par la suite du
temps , qu'arriva-t- il de ces deffenses ?
On acheva les Vêpres ; mais après qu'el
les furent dites , on recommençoit le Magnificat
de nouveau , pour faire la cérémonie
; et afin d'avoir occasion de chanter
ce Cantique en entier, on trouva qu'il
étoit plus à propos de ne délivrer le Bâvon
à celui qui devoit le prendre , qu'au
Verset : Suscepit Israël , mais c'étoit toujours
à Deposuit que se faisoit l'abdication
de la Charge du Bâtonnier précédent.
AOUST. 1733. 1769
dent. Voici les termes d'un des Statuts
Synodaux , du 6 May 1642. Nous avions
alors pour Evêque Pierre de Broc. Pendant
que les Baons de Confrerie seront exposez
pour être encheris , l'on ne chantera
Magnificat , et n'appliquera- t- on point ces
Versets Deposuit et Suscepit àla délivranse
d'iceux ; ains , on chantera quelque Antienne
et Répons avec l'Oraison propre en
bonneur du Saint duquel on celebre la fête.
Que l'usage de faire ainsi le Deposuit fur
ancien , c'est ce qui paroît par le Régle
ment d'une des plus anciennes Confrexies
que je connoisse. C'e t celle de la
Fête du premier Janvier , qu'on appelloit
en quelques li ux La Fête des Foux &
Eudes de Sully , Evêque de Paris , ne
voulant et n'osant peut-ut-être pas Fabolir
sout à fait , se contenta de lui prescrire
certaines bornes , er statua pour ce qui
étoit des secondes Vêpres , que le Verset
Deposuit seroit dit tout au plus cinq fois à
et que si le Bâton étoit p is par quel
qu'un , alors on insererot le Te Deum
dans les Vêpres qui seroient terminées
par celui qui les auroit commencées
Deposuit quinquies ad plus dicetur loco
suo , er , si captus fuerit baculus , finito Te
Deum , consummabuntur Vespera ab eo
quofuerant inchoata.
*...
D vj
Co
1770 MERCURE DE FRANCE
Ce Statut qui est de l'an 1198 nous ap
prend l'antiquité des Bâtons des Confre
ries ; mais il nous insinue en même tems
qu'à Paris l'usage avoit été jusqu'alors
de chanter le Verset Deposuit tout autant
de fois qu'il étoit necessaire , jusqu'à ce
que quelqu'un eut pris le Bâton. Le Re
glement de l'Evêque restraint ce nombre
à cinq fois , en supposant qu'il pouvoir
arriver que le Bâton ne fut pas pris ; mais
il permet , au cas qu'il soit accepté , que
ie Te Deum. soit placé dans les Vêpres en
action de graces. Il semble par cet exposé
, que faire alors le Deposuit , étoit de
présenter le Baton pendant qu'on chante
le Verset Deposuit. Je ne sçai si je vous
mets au fait de ce langage, comme j'y suis;
moi , qui dès ma jeunesse , ait été accou
tumé à entendre faire des encheres sur
ces Batons des Saints après l'Office fini .
Voilà , au reste , une espece de Baton à
inserer dans le Glossaire de M.du Cange,
sous le titre de Baculus Confratriarum ou
Festivitatum. J'ai été surpris de ne le pas
trouver dans la nouvelle Edition qui
vient de paroître , non plus que le Defructus
, dont j'ai donné une ample explication
dans le Mercure de Février
1726. pag. 218.-
Je ne suis pas sorti des limites de l'ang
cienne
AOUST. 1733- 1771
cienne Province de Sens , pour ne pas
trop m'étendre en remarques sur cet usage
de faire le Deposuit ; vous pourrez apprendre
dans la suite , quelle étoit la pra
tique de quelques autres Provinces . Voici
les termes des Staturs du Synode de Paris-
1557. que j'ai cité cy dessus : Baculorum
eum imaginibus conductum ad domos Late
corum cum turba Sacerdotum Laïcorum mimorum
districtè.. .inhibemus . (fol.1 . n.18 . ),
Le P. le Brun a paru croire dans son Livre
contre les Comédiens que l'on faisoit des
boufonneries de Théatre en ces sortes,
d'occasions ; mais , non ; il est seulement
vrai que pour la conduite de ces Batons , il
y avoit des Violons qui joüoient des airs
d'Eglise , et les Farceurs ne sont nommez
dans ce Statut , que parce que souvent on
se servoit d'eux pour enen jouer, mais alors
ils étoient habillez modestement et de la
même maniere que l'on a pû en voir en
certains Pays encore de nos jours , à la
Procession de la Fête-Dieu , avant que le
tems fut venu d'y regarder de plus près.
Je suis , Monsieur , & c.
Ce 10 Avril 1733 .
sur cette expression : Faire le déposuit ,
et sur les Bâtons des Confreries.
Ous me marquez , Monsieur , la
peine où vous êtes de comprendre
le sens d'un ancien Reglement de Saint
Jacques de l'Hôpital de Paris , dont on
vous afait voir une copie ; et quoique ce
Reglement n'ait que 230 ans ou environ ,
il contient , dites - vous , certains usages
que vous n'entendez pas , et dont vous
souhaiteriez avoir l'explication. Selon ce
Reglement le Crieur est tenu , avant la
» Fête Monseigneur S. Jacques , d'aller
>> par la Ville à tout sa Clochette , et ves-
» tu de son Corset , crier la Confrairie.
» Item , doit à chaque Pelerin et Peleri-
»> ne quatre épingles pour attacher les
» quatre Cornets des Mantelets des hom-
» mes et les Chapeaux de fleurs des Fem--
» mes ; les Pelerins au Cueur , les Peleri-
» nes hors le Cueur . Item , doit May et
herbes vertes pour la jonchée. Et après
le dîner on porte le Bâton au Cueur , et l'a
est le Trésorier , qui chante et fait le Dé-
» posuit. » Vous demandez ce que c'est
"'
» que
AOUST. 1733. 1765
que faire le Deposuit. On dit bien en
France : Faire le Pain - beni , faire la Saint
Martin . On disoit autrefois, faire les Anges
, faire les trois Maries ,faire le Defruc
in , et même faire les Rois , pour signifier
que trois Ecclesiastiques étoient habillez
en maniere de Rois le jour de l'Epiphanie.
Mais il n'étoit pas plus rare d'y faire
le Deposuit. Ce n'est que le non- usage
qui a fit perdre de vûë la signification
de ce langage . Je vous prie d'avoir attention
à la pénultiéme ligne du Reglement;
elle sert à donner le dénouement de la
cérémonie du Deposuit. ( On porte le Bâton
au Cueur. )
C'est que dans les Confreries , outre
l'Image du S. Patron , placée ordinairement
au dessus des Autels des Eglises ,
ou dans quelque niche , et qu'il est impossible
de transporter , il y en avoit une
petite , que chacun des Confreres étoit
tenu de conserver chez lui pendant un
an à tour de Rôle , et cette Image au retour
de la Fêre, chaque année , étoit mise
sur la Table des Trésoriers ou Receveurs
de la Confrerie, dans la Nef de l'Eglise ,
ou même au Vestibule ; et afiu qu'elle
ne fut pas portée rustiquement par les
rues , mais avec dignité , on avoit un Bâ
ton , orné et embelli selon le temps , au
D iiij
bout
1766 MERCURE DE FRANCE
bout duquel on la portoit élevée ; et même
depuis cette Image resta ainsi posée
sur le Bâton même , qu'on orna dans la
suite de Fuzeaux , garnis de Fleurs et de
Rubans , et on eut soin de la couvrir
d'un petit Plafond ou d'une Arcade en
forme de Coquille ..
Les Bâtons modernes des Chantres de
plusieurs Eglises sont des diminutifs de
ces Bâtons de Confreries pour la forme ; il
n'y a que dans quelques-unes que l'on a
conservé l'ancien usage de les terminer
en Pommeau , en figure d'Oiseau , ou en
bec de Corbin , sans mettre aucun Saint
dessus . Mais venons au Deposuit. Le Magnificat
des Vêpres étant commencé , રે
T'approche du Verset :Deposuit potentes de
sede celui qui avoit rendu ou rapporté
le Bâton , sortoit de Charge ; et à ces paroles
suivantes : Et exaltavit humiles, on
mettoit en place celui à qui c'étoit le tour
de le prendre. Il y avoit quelques variétez
là- dessus selon les Païs ; mais presque
dans toute la France on avoit imaginé
que ce Verset du Magnificat exprimeroit
fort bien la céremonie ; l'un descendoit
en sortant de charge , et l'autre
montoit en y entrant.
;
Il y avoit des Endroits où c'étoit aux
Prêtres à faire cette espece d'installation;
d'au
AOUST. 1733. 1767
d'autres , où celui qui quittoit le Bâton
le mettoit entre les mains de celui qui lui
succedoit. Il paroît qu'à S. Jacques de
l'Hôpital c'étoit le Trésorier qui installoit
le nouveau Bâtonnier , et qui déposoit
l'ancien , en chantant Deposuit , ou'
bien c'étoit celui qui rendoit le Bâton
qu'on appelloit du nom de Trésorier.
Mais en quelques sens que vous le preniez
, soit qu'il installât et mît en place
ou qu'il cedât seulement sa place à un
autre , cela s'appelloit faire le Deposuit..
Dans le Diocèse dont je suis , je sçai que,
jusques bien avant dans le dernier siécle
le Deposuit étoit un Verset si distingué
dans le Magnifieit des secondes Vêpres
d'une Confrerie , qu'aussi - tôt qu'on le
commençoit , celui qui finissoit son année
de Bâtonnier , mettoit le Bâton entre
les mains de celui qui entroit en Charge ,
et à l'instant on sortoit du Choeur et les
Confreres alloient conduire le Bâ:on et
le Bâtonnier jusques dans sa maison.
剩
De vous dire si le Clergé étoit de cette
Procession , c'est ce que je ne sçai pas :
A Paris c'étoit l'usage au milieu de l'avant-
dernier siécle ; mais j'ai reconnu
par un grand nombre d'Ordonnances
Episcopales, faites vers l'an 16 20 et 1622 .
qne l'on finissoit ces jours- là les Vêpres
D.v ex:
1768 MERCURE DE FRANCE
ex abrupto , à Deposuit inclusivement ;
ce qui fut condamné avec raison par
M. de Donadieu , noire Evêque , qui
prescrit de finir les Vêpres à l'ordinaire ;
ce mauvais usage de cesser l'Office à ce
Verset , et de ne le pas continuer , mais
d'entonner tout d'un coup le Te Deum ,
ne pouvoit venir que de la complaisance
de quelques Ecclesiastiques , qui pour un´
leger interêt s'avillissoient jusqu'à aller
conduire des Laïques chez eux , et rendoient
ainsi ces Larques les maîtres des
cérémonies ; de même qu'on a vu encore
de nos jours , des ignares et non - lettrez
qui ont osé s'immiscer de montrer les
Rubriques à leurs Prêtres , et de regler
P'Office divin à leur fantaisie.
Comme un abus invetéré ne peut être
aboli que peu à peu et par la suite du
temps , qu'arriva-t- il de ces deffenses ?
On acheva les Vêpres ; mais après qu'el
les furent dites , on recommençoit le Magnificat
de nouveau , pour faire la cérémonie
; et afin d'avoir occasion de chanter
ce Cantique en entier, on trouva qu'il
étoit plus à propos de ne délivrer le Bâvon
à celui qui devoit le prendre , qu'au
Verset : Suscepit Israël , mais c'étoit toujours
à Deposuit que se faisoit l'abdication
de la Charge du Bâtonnier précédent.
AOUST. 1733. 1769
dent. Voici les termes d'un des Statuts
Synodaux , du 6 May 1642. Nous avions
alors pour Evêque Pierre de Broc. Pendant
que les Baons de Confrerie seront exposez
pour être encheris , l'on ne chantera
Magnificat , et n'appliquera- t- on point ces
Versets Deposuit et Suscepit àla délivranse
d'iceux ; ains , on chantera quelque Antienne
et Répons avec l'Oraison propre en
bonneur du Saint duquel on celebre la fête.
Que l'usage de faire ainsi le Deposuit fur
ancien , c'est ce qui paroît par le Régle
ment d'une des plus anciennes Confrexies
que je connoisse. C'e t celle de la
Fête du premier Janvier , qu'on appelloit
en quelques li ux La Fête des Foux &
Eudes de Sully , Evêque de Paris , ne
voulant et n'osant peut-ut-être pas Fabolir
sout à fait , se contenta de lui prescrire
certaines bornes , er statua pour ce qui
étoit des secondes Vêpres , que le Verset
Deposuit seroit dit tout au plus cinq fois à
et que si le Bâton étoit p is par quel
qu'un , alors on insererot le Te Deum
dans les Vêpres qui seroient terminées
par celui qui les auroit commencées
Deposuit quinquies ad plus dicetur loco
suo , er , si captus fuerit baculus , finito Te
Deum , consummabuntur Vespera ab eo
quofuerant inchoata.
*...
D vj
Co
1770 MERCURE DE FRANCE
Ce Statut qui est de l'an 1198 nous ap
prend l'antiquité des Bâtons des Confre
ries ; mais il nous insinue en même tems
qu'à Paris l'usage avoit été jusqu'alors
de chanter le Verset Deposuit tout autant
de fois qu'il étoit necessaire , jusqu'à ce
que quelqu'un eut pris le Bâton. Le Re
glement de l'Evêque restraint ce nombre
à cinq fois , en supposant qu'il pouvoir
arriver que le Bâton ne fut pas pris ; mais
il permet , au cas qu'il soit accepté , que
ie Te Deum. soit placé dans les Vêpres en
action de graces. Il semble par cet exposé
, que faire alors le Deposuit , étoit de
présenter le Baton pendant qu'on chante
le Verset Deposuit. Je ne sçai si je vous
mets au fait de ce langage, comme j'y suis;
moi , qui dès ma jeunesse , ait été accou
tumé à entendre faire des encheres sur
ces Batons des Saints après l'Office fini .
Voilà , au reste , une espece de Baton à
inserer dans le Glossaire de M.du Cange,
sous le titre de Baculus Confratriarum ou
Festivitatum. J'ai été surpris de ne le pas
trouver dans la nouvelle Edition qui
vient de paroître , non plus que le Defructus
, dont j'ai donné une ample explication
dans le Mercure de Février
1726. pag. 218.-
Je ne suis pas sorti des limites de l'ang
cienne
AOUST. 1733- 1771
cienne Province de Sens , pour ne pas
trop m'étendre en remarques sur cet usage
de faire le Deposuit ; vous pourrez apprendre
dans la suite , quelle étoit la pra
tique de quelques autres Provinces . Voici
les termes des Staturs du Synode de Paris-
1557. que j'ai cité cy dessus : Baculorum
eum imaginibus conductum ad domos Late
corum cum turba Sacerdotum Laïcorum mimorum
districtè.. .inhibemus . (fol.1 . n.18 . ),
Le P. le Brun a paru croire dans son Livre
contre les Comédiens que l'on faisoit des
boufonneries de Théatre en ces sortes,
d'occasions ; mais , non ; il est seulement
vrai que pour la conduite de ces Batons , il
y avoit des Violons qui joüoient des airs
d'Eglise , et les Farceurs ne sont nommez
dans ce Statut , que parce que souvent on
se servoit d'eux pour enen jouer, mais alors
ils étoient habillez modestement et de la
même maniere que l'on a pû en voir en
certains Pays encore de nos jours , à la
Procession de la Fête-Dieu , avant que le
tems fut venu d'y regarder de plus près.
Je suis , Monsieur , & c.
Ce 10 Avril 1733 .
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Résumé : LETTRE écrite d'Auxerre, à M.... sur cette expression : Faire le déposuit, et sur les Bâtons des Confreries.
En août 1733, une lettre rédigée à Auxerre répond à une demande d'explication sur un ancien règlement de la confrérie de Saint-Jacques de l'Hôpital de Paris, daté d'environ 230 ans plus tôt. Ce règlement décrit plusieurs pratiques, notamment le rôle du crieur avant la fête de Saint-Jacques, la distribution d'épingles aux pèlerins, et la préparation de jonchées pour la cérémonie. La lettre se concentre principalement sur l'explication de l'expression 'faire le déposuit,' une cérémonie où le bâton de la confrérie est porté au cœur de l'église. Ce bâton, souvent orné et surmonté d'une image sainte, est transmis d'un confrère à un autre lors du verset 'Deposuit' du Magnificat des vêpres. Cette cérémonie marque la fin du mandat d'un confrère et l'entrée en fonction d'un nouveau. La lettre mentionne également les variations de cette pratique selon les régions et les époques, soulignant l'antiquité et la diversité des usages associés aux bâtons des confréries.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 2136-2140
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Auxerre à l'occasion des conjectures de M. Clérot, Avocat du Parlement de Roüen, sur l'ancien Palais Royal, appellé Vetera-Domus, inserées dans le Mercure de Juillet 1733.
Début :
Une commodité particuliere qui se trouve dans vos Journaux, est que [...]
Mots clefs :
Saint-Germain, Vetera domus, Palais royal, Invocation, Évêque d'Auxerre, Rouen, Église, Diocèse, Découverte, Conjectures
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Auxerre à l'occasion des conjectures de M. Clérot, Avocat du Parlement de Roüen, sur l'ancien Palais Royal, appellé Vetera-Domus, inserées dans le Mercure de Juillet 1733.
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Auxerre
à l'occasion des conjectures de
M.. Clérot , Avocat du Parlement de
Rožen , sur l'ancien Palais Royal , appellé
Vetera-Domus , inserées dans le
Mercure de Fuillet 1733.
U
Ne commodité particuliere qui se
trouve dans vos Journaux , est que
des personnes qui ne se sont jamais vûës,
et qui ne se connoissent aucunement ,
peuvent se transmettre l'une à l'autre
leurs pensées dans quelque situation et
éloignement qu'elles soient. J'ai lû les
conjectures que M. Clérot , Avocat de
Rouen, a proposées à l'occasion d'un des
Palais de nos Rois,appellé Vetera Domus,
dans un Auteur du neuvième siècle.Comme
c'est moi-même qui , par le moyen
de votre Journal de Mars , ai invité.
l'Historien de l'Eglise et du Diocèse de
Rouen à travailler à la découverte de ce
Palais Royal , je ne puis regarder avec indifférence,
ce qui sera produit à ce sujet,
de quelque part qu'il vienne.
M. Clérot est le premier qui ait pris la
plume pour communiquer au Public ses
conjectures; il faut esperer que s'il n'a
pas
OCTOBRE. 1733 2137
pas réussi , comme il n'ose lui - même
s'en fatter, son exemple pourra au moins
exciter quelque Géographe , ou quelque
Critique , à pousser les recherches encore
plus loin. Il a produit de sçavantes Remarques
sur Rodomus , Vetus - Rodomus
& c.cependant je ne croi pas qu'elles conduisent
sûrement à faire trouver ce que
je cherche , et que je juge digne de la curiosité
de tous les Antiquaires François.
Si Héric, Moine d'Auxerre , Précepteur
'd'un des Fils de Charles - le - Chauve , est
digne de croïance ; le Palais en question
portoit en Latin un nom formé de deux
autres noms Latins ; loin de trouver dans
cet Ecrivain Vetera - Domus , qui induit à
imaginer une conjonction de Vet avec
Radomus , on y lit Veterem Domum , tresformellement
. In pago Rothomagensi , dit- il,
Regius fixus est , quem incola ob Palatii antiquitatem
Veterem- Domum nuncupant. Ce
qui suit est encore plus digne d'attention
, parce qu'il est plus décisif : Capella
Palatio contigua , beati Germani famosa
nomine , illustris et merito et signorum dote.
C'est dans le chap. 45. du premier Livre
des Miracles de S. Germain d'Auxerre
qu'Héric s'exprime ainsi : Tout cela sert
de préambule au récit d'une gué.ison miraculeuse
qui y arriva , et dont toute la
B Cour
2138 MERCURE DE FRANCE
Cour et les Principaux de tout le Royau
me , farent témoins, Heric n'auroit pas
inséré dans un Livre où il ne convient de
parler que de son Saint , les Miracles d'un
autre S. Germain . Ainsi l'Eglise ou Cha ~
pelle voisine du Palais de Normandic
étoit certainement sous l'invocation de
S. Germain , Evêque d'Auxerre. Or il se
trouve que PEglise de S. Germain , voisine
du vieux Rouen , sur la Riviere de
Bresle , n'est point et n'a jamais été sous
l'invocation de Saint Germain , Evêque
d'Auxerre , mais sous celle d'un autre
S. Germain , Evêque Régionnaire , Dif
ciple , à la verité , mais bien different du
grand Evêque d'Auxerre. Outre cela elle
est du Diocèse d'Amiens , parce qu'elle
est séparée du vieux Rouen par la Riviére
de Bresle .
Ceux qui souhaitent éclaircir ce fait
peuvent prendre la peine de lire la vie de
S. Germain , dit de Senard - Pont. Elle
fut imprimée in 12 en 1645. à Amiens,
où il y a une Paroisse de son nom , et des
puis elle l'a été dans le Recueil des Bollandistes
au 2 de May. L'Auteur parlanc
des courses Apostoliques de ce S. Evêque
, Ecossois d'origine , dit ce qui suit:
Crepidinem montis transgressus quod dicitur
Vetus-Rothomagum inter Aumaleum et Senardi
OCTOBRE. 1733 2139
mardi-Pontem , circa quem locum manebat
Hubadus idololatria cultor& c Ensuite il le
fait martirifer tout auprès de celieu - là , et
c'est là qu'en effet on retrouve encore son
tombeau Comme donc l'Eglise de S.Germain-
sur- Brêle , ne peut servir à la découverte
du Vetera-Domus , je pense qu'il
faut porter ses vûës d'un autre côté , et je
croi infiniment plus probable que ce seroit
le Vieux Manoir , ou Cailly , autres
Lieux qui sont du Diocèse de Rouen.
M.Clérot pourra nous informer si l'une
ou l'autre des deux Eglises , voisines du
titre de S.Germain , est sous l'invocation
de l'Evêque d'Auxerre ; et en ce cas la
découverte acquerra un nouveau dégré de
probabilité. J'avoue qu'il n'est pas necessaire
d'entendre par ces mots : Pagus Rothomagensis
, uniquement ce qu'on appelle
aujourd'hui le Païs Roumois Le Païs de
Caux étant du Diocèse de Roüen , peut
être compris sous cette signification . Tel
est l'usage que l'on faisoit souvent anciennement
du terme de Pagus. Mais il ne faut
pas non plus que M. Clérot se contente
de jetter la vue sur les Cartes de Normandie
, ou sur le Dictionnaire Universel
de la France ? Il pourroit également
trouver dans le Païs Roumois ou dans
celui qui est à gauche de la Seine, ce qu'il
Bij cher2140
MERCURE DE FRANCE
cherche à droite , et il n'est pas necessaire
que le Village s'appelle S.German , mais
il suffit que l'Eglise soit ou ait été sous
l'invocation de l'Evêque d'Auxerre , qui
a porté ce nom, Je juge qu'il ne lui sera
pas difficile d'en trouver de ce côté - là ,
puisque le seul Diocèse d'Evreux , qui est
contigu, en contient prés d'une vingtaine
sous le titre du même Saint, S'il en rencontre
dans une Terre Royale , la position
du Vetera, Domus sera d'autant plus
probable qu'il est plus vrai - semblable que
Charles- le-Chauve étoit très proche du
Diocèse de Lisieux , où reposoit le Corps
de S. Renobert , lorsqu'il marqua sa dévotion
envers ce Saint , et qu'il fit un
Traité avec Hérispoy , Prince de Breta
gne.
à l'occasion des conjectures de
M.. Clérot , Avocat du Parlement de
Rožen , sur l'ancien Palais Royal , appellé
Vetera-Domus , inserées dans le
Mercure de Fuillet 1733.
U
Ne commodité particuliere qui se
trouve dans vos Journaux , est que
des personnes qui ne se sont jamais vûës,
et qui ne se connoissent aucunement ,
peuvent se transmettre l'une à l'autre
leurs pensées dans quelque situation et
éloignement qu'elles soient. J'ai lû les
conjectures que M. Clérot , Avocat de
Rouen, a proposées à l'occasion d'un des
Palais de nos Rois,appellé Vetera Domus,
dans un Auteur du neuvième siècle.Comme
c'est moi-même qui , par le moyen
de votre Journal de Mars , ai invité.
l'Historien de l'Eglise et du Diocèse de
Rouen à travailler à la découverte de ce
Palais Royal , je ne puis regarder avec indifférence,
ce qui sera produit à ce sujet,
de quelque part qu'il vienne.
M. Clérot est le premier qui ait pris la
plume pour communiquer au Public ses
conjectures; il faut esperer que s'il n'a
pas
OCTOBRE. 1733 2137
pas réussi , comme il n'ose lui - même
s'en fatter, son exemple pourra au moins
exciter quelque Géographe , ou quelque
Critique , à pousser les recherches encore
plus loin. Il a produit de sçavantes Remarques
sur Rodomus , Vetus - Rodomus
& c.cependant je ne croi pas qu'elles conduisent
sûrement à faire trouver ce que
je cherche , et que je juge digne de la curiosité
de tous les Antiquaires François.
Si Héric, Moine d'Auxerre , Précepteur
'd'un des Fils de Charles - le - Chauve , est
digne de croïance ; le Palais en question
portoit en Latin un nom formé de deux
autres noms Latins ; loin de trouver dans
cet Ecrivain Vetera - Domus , qui induit à
imaginer une conjonction de Vet avec
Radomus , on y lit Veterem Domum , tresformellement
. In pago Rothomagensi , dit- il,
Regius fixus est , quem incola ob Palatii antiquitatem
Veterem- Domum nuncupant. Ce
qui suit est encore plus digne d'attention
, parce qu'il est plus décisif : Capella
Palatio contigua , beati Germani famosa
nomine , illustris et merito et signorum dote.
C'est dans le chap. 45. du premier Livre
des Miracles de S. Germain d'Auxerre
qu'Héric s'exprime ainsi : Tout cela sert
de préambule au récit d'une gué.ison miraculeuse
qui y arriva , et dont toute la
B Cour
2138 MERCURE DE FRANCE
Cour et les Principaux de tout le Royau
me , farent témoins, Heric n'auroit pas
inséré dans un Livre où il ne convient de
parler que de son Saint , les Miracles d'un
autre S. Germain . Ainsi l'Eglise ou Cha ~
pelle voisine du Palais de Normandic
étoit certainement sous l'invocation de
S. Germain , Evêque d'Auxerre. Or il se
trouve que PEglise de S. Germain , voisine
du vieux Rouen , sur la Riviere de
Bresle , n'est point et n'a jamais été sous
l'invocation de Saint Germain , Evêque
d'Auxerre , mais sous celle d'un autre
S. Germain , Evêque Régionnaire , Dif
ciple , à la verité , mais bien different du
grand Evêque d'Auxerre. Outre cela elle
est du Diocèse d'Amiens , parce qu'elle
est séparée du vieux Rouen par la Riviére
de Bresle .
Ceux qui souhaitent éclaircir ce fait
peuvent prendre la peine de lire la vie de
S. Germain , dit de Senard - Pont. Elle
fut imprimée in 12 en 1645. à Amiens,
où il y a une Paroisse de son nom , et des
puis elle l'a été dans le Recueil des Bollandistes
au 2 de May. L'Auteur parlanc
des courses Apostoliques de ce S. Evêque
, Ecossois d'origine , dit ce qui suit:
Crepidinem montis transgressus quod dicitur
Vetus-Rothomagum inter Aumaleum et Senardi
OCTOBRE. 1733 2139
mardi-Pontem , circa quem locum manebat
Hubadus idololatria cultor& c Ensuite il le
fait martirifer tout auprès de celieu - là , et
c'est là qu'en effet on retrouve encore son
tombeau Comme donc l'Eglise de S.Germain-
sur- Brêle , ne peut servir à la découverte
du Vetera-Domus , je pense qu'il
faut porter ses vûës d'un autre côté , et je
croi infiniment plus probable que ce seroit
le Vieux Manoir , ou Cailly , autres
Lieux qui sont du Diocèse de Rouen.
M.Clérot pourra nous informer si l'une
ou l'autre des deux Eglises , voisines du
titre de S.Germain , est sous l'invocation
de l'Evêque d'Auxerre ; et en ce cas la
découverte acquerra un nouveau dégré de
probabilité. J'avoue qu'il n'est pas necessaire
d'entendre par ces mots : Pagus Rothomagensis
, uniquement ce qu'on appelle
aujourd'hui le Païs Roumois Le Païs de
Caux étant du Diocèse de Roüen , peut
être compris sous cette signification . Tel
est l'usage que l'on faisoit souvent anciennement
du terme de Pagus. Mais il ne faut
pas non plus que M. Clérot se contente
de jetter la vue sur les Cartes de Normandie
, ou sur le Dictionnaire Universel
de la France ? Il pourroit également
trouver dans le Païs Roumois ou dans
celui qui est à gauche de la Seine, ce qu'il
Bij cher2140
MERCURE DE FRANCE
cherche à droite , et il n'est pas necessaire
que le Village s'appelle S.German , mais
il suffit que l'Eglise soit ou ait été sous
l'invocation de l'Evêque d'Auxerre , qui
a porté ce nom, Je juge qu'il ne lui sera
pas difficile d'en trouver de ce côté - là ,
puisque le seul Diocèse d'Evreux , qui est
contigu, en contient prés d'une vingtaine
sous le titre du même Saint, S'il en rencontre
dans une Terre Royale , la position
du Vetera, Domus sera d'autant plus
probable qu'il est plus vrai - semblable que
Charles- le-Chauve étoit très proche du
Diocèse de Lisieux , où reposoit le Corps
de S. Renobert , lorsqu'il marqua sa dévotion
envers ce Saint , et qu'il fit un
Traité avec Hérispoy , Prince de Breta
gne.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Auxerre à l'occasion des conjectures de M. Clérot, Avocat du Parlement de Roüen, sur l'ancien Palais Royal, appellé Vetera-Domus, inserées dans le Mercure de Juillet 1733.
L'auteur d'une lettre écrite à Auxerre commente les conjectures de M. Clérot, avocat au Parlement de Rouen, publiées dans le Mercure de France de 1733. Ces conjectures concernent l'ancien Palais Royal appelé Vetera-Domus. L'auteur apprécie la commodité des journaux qui permettent aux personnes éloignées de partager leurs pensées et a lui-même encouragé un historien à rechercher ce Palais Royal. Il ne peut rester indifférent aux conjectures de M. Clérot, bien qu'il estime que les remarques de ce dernier sur Rodomus et Vetus-Rodomus, bien que savantes, ne mènent pas à la découverte du Palais. Selon le moine Héric d'Auxerre, le Palais portait le nom de Veterem Domum, et non Vetera-Domus. L'auteur mentionne également une chapelle dédiée à Saint Germain, évêque d'Auxerre, adjacente au Palais. Cependant, l'église de Saint Germain sur Bresle est dédiée à un autre Saint Germain, évêque régionnaire. L'auteur suggère donc de chercher le Vetera-Domus ailleurs, peut-être à Cailly ou dans d'autres lieux du Diocèse de Rouen. Il invite M. Clérot à vérifier si une des églises voisines est dédiée à l'évêque d'Auxerre, ce qui renforcerait la probabilité de la découverte. L'auteur conclut en indiquant que le terme Pagus Rothomagensi peut inclure le Pays de Caux et que M. Clérot devrait explorer les diocèses voisins, comme celui d'Évreux, où plusieurs églises portent le nom de Saint Germain.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 2160-2175
LETTRE du Frere *** Jardinier des RR. PP. *** d'Auxerre, au Frere C*** Jardinier des Peres du même Ordre à Paris.
Début :
MON TRÈS-CHER FRERE, la paix de Dieu en J. Notre Seigneur. [...]
Mots clefs :
Greffe, Fibres, Portion ligneuse, Jardinier, Écorce, Union, Observations, Branche, Endroit, Direction, Duhamel du Monceau, Couche, Forme, Frère, Sentiment, Replis
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE du Frere *** Jardinier des RR. PP. *** d'Auxerre, au Frere C*** Jardinier des Peres du même Ordre à Paris.
LETTRE du Frere *** Jardinier
des RR. P P. *** d'Auxerre , au
·Frere C *** Jardinier des Peres du
même Ordre à Paris.
MON
ON TRE'S -CHER FRERE , la paix
de Dieu en J. Notre Seigneur.
Permettez moi de vous faire part de
quelques unes de mes Obsèrvations
sur la maniere dont le Sujet et là Greffe
s'unissent dans les Arbres greffez ; il y
a déja fort long temps que je me suis
appliqué à examiner ce qui se passe dans
cette jonction si intime ; j'ai détruit pour
cela une quantité considerable d'arbres
greff.z ; j'en ai aussi observé qui étoient
morts sur pied , j'en ai choisi de vieux
et de jeunes , afin de suivre , pour ainsi
dire , dans tous les âges , le travail admirable
de la Nature ; tantôt j'ai scié
Tendroit de la greffe , tantôt je l'ai fendu
, quelquefois régulierement , d'autres
fois irrégulièrement. Les coupes que j'en
ai faites ont été aussi suivant differens '
plans ; afin que rien n'échappât à ma
vûë , j'ai observé toutes les especes de
greffes ; mais comme toutes peuvent se
réduire
OCTOBRE. 1733 218t
réduire à la greffe en écusson et à celle
en fente , je vais vous entretenir de tout
ce que j'ai remarqué dans ces deux especes
de greffe. Ces amusemens innocens
sont permis dans notre état , et peuvent
servir de récréation dans la solitude . C'est
pourquoi j'espere que le petit détail que
je vous envoye ne vous déplaira pas.
Dans la greffe en écusson , la greffe fait
toujours avec le sujet , un angle plus
ou moins considérable , selon que sa situation
à l'égard du sujet est plus ou
moins oblique. L'union de la greffe et
du sujet commence à se faire par les fibres
de la couche la plus interieure du
Livre. ou ce qui est la même chose ,
par les fibres qui doivent dans la suite
former le cercle exterieur de la portion
ligneuse ; les fibres de cette couche du
Livre , s'insinuent dans les fibres de la
couche opposée qui se trouve dans le
sujet, et s'y attachent de façon que dans les
vieilles greffes il est impossible d'appercevoir
la maniere dont s'est faite l'union
des fibres de la greffe avec celle du sujet,
quand la couche la plus intérieure du
Livre de la greffe s'est unie assez inti-
* On appelle Livre , la partie intérieure de l'êcorcé
, celle qui touche le bois , et qui est olle - même
prête à devenir bois.
C mement
F
2462 MERCURE DE FRANCE
mement avec celle du sujet pour qu'elle
puisse vegeter sur elle , alors la couche
de l'écorce qui est exterieure à la couche
interieure du Livre commence à
pousser dans celle du sujet qui lui correspond
, et ainsi toujours de la même
maniere de l'interieur à l'exterieur , jusqu'à
ce qu'enfin il se fasse un bourrelet qui
soude par dehors l'écorce de la greffe avec
celle du sujet. Il ne se forme aucune
union entre la portion ligneuse du sujet
et la portion ligneuse de la greffe , ni
entre la portion ligneuse du même sujet
et l'écorce de la greffe ; mais la portion
ligneuse du sujet périt tout d'abord ; ce
qui se remarque facilement par le changement
de couleur qui lui arrive. Pareillement
la portion ligneuse de la greffe
ne s'unit avec aucune partie du sujet ;
elle cesse même de croître ; car les fibres
de la portion ligneuse de la greffe
Cétant parvenuës presque vis - à - vis de
celles du sujet , elles font un petit détour
; la plus grande partie s'arrêtent
précisément en cet endroit et s'adossent ,
pour ainsi- dire , sur la portion ligneuse
du sujet, sans cependant s'y unir en aucune
façon , tandis que les autres fibresqui
descendent un peu plus bas , glissent sur
* Voyez la figure 1.
la
OCTOBR E. 1733. 2163
la portion ligneuse , et que les extrémitez
de ces fibres qui ne vont pas plus loiny
forment differens étages très sensibles.
Pour me rendre un peu plus clair et plus
intelligible dans ce qui me reste à dire
sur la greffe en écusson , il est bon de
regarder l'écorce qui environne la greffe,
comme divisée en deux portions séparées
par la partie ligneuse qui en occupele
centre ; de ces deux portions l'une sera
superieure et l'autre infericure ; la portion
superieure de l'écorce forme le plus
souvent un bourrelet qui peu à peu recouvre
la tige qui a été coupée un peu
au- dessus de la greffe ; il y a des greffes
où cette écorce après avoir fait une espece
de calotte pour recouvrir entierement le
bois coupé , s'unit tellement avec l'écor
ce du sujet, qu'on ne voit aucune marque
de jonction : j'ai , entr'autres , une vieil
le
*
groffe , où à l'exterieur les levres du
bourrelet se sont tellement effacées , qu'il
est impossible de voir l'endroit de la
greffe . De cette nouvelle écorce préci
sément à l'endroit où elle a recouvert
la tige coupée , il a poussé une branche
aussi grosse que les autres branches latérales
; la portion inferieure de l'écorce
de la greffe pousse de même dans l'écorce
du sujet , sans qu'on puisse obser-
73
Cij ver
2164 MERCURE DE FRANCE
1
ver non- plus de quelle maniere s'est faite
l'union entre les fibres. La direcrjon
des fibres de ces deux portions d'écorces
doit nécessairement être d'abord un
peu oblique ; elle devient ensuite longitudinale
et pour l'ordinaire très régulie
re. Ces fibres sont absolument dispo
sées de la même maniere que dans les
branches qui partent de la tige ; car la:
direction des fibres qui étoit d'abord
longitudinale , devient un peu oblique
pour se redresser ensuite et redevenit
longitudinale ; aussi quand on scie lon-.
gitudinalement la tige d'un arbre dans
un endroit d'où il sort une branche .
on observe absolument la même direction
de fibres que dans la greffe ; pareillement
si on arrache une greffe qui a
commencé à vegeter sur le sujet et si
on sépare une jeune branche d'un arbre
dans l'endroit où la branche est articulée
avec la tige dans l'un et dans l'autre,
les fibres paroîtront disposées de la mê
me maniere.
J'ai observé dans la greffe en fente à
peu près le même procedé de la Nature
que dans la greffe en écusson , la végétation
de la greffe dans le sujet commence
à se faire par la couche la plus in- >
* Voyez lafig. 1,
terieure
OCTOBR E. 1733. 2165
terieure du Livre et l'union des fibres
de la greffe avec celle du sujet , se fait
toujours de l'interieur à l'exterieur jusqu'à
ce qu'enfin l'écorce du sujet qui
avoit été fendue pour recevoir la greffe,
se soit soudée par le moyen de sa jonction
immédiate avec les fibres de l'écorce
de la greffe : pour lors la portion ligneuse
du sujet devient inutile , elle meurt le
plus souvent, et il ne se fait aucune union
entre elle et la portion ligneuse de la
greffe , ce qui se reconnoît facilement
dans les greffes , même les plus vieilles ;
il n'y a que les écorces dont les fibres se
soient unies , et cette union se fait dans
quelques greffes si intimement , qu'il est
impossible de voir dans l'interieur de la
tige les endroits où la jonction s'est faite,
on ne s'en apperçoit que sur l'exterieur
de l'écorce , car au- dedans la direction
des fibres est si bien la-même , que les
fibres de la greffe ne paroissent être qu'u
ne continuation de celles du sujet. J'ai
une greffe de Pommier , âgée de quatorze
ans , dans laquelle on voit très - clairement
qu'il n'y a eu aucune union entre
la portion ligneuse de la greffe et celle
du sujet , et que les portions ligneuses
de l'une et de l'autre , ont péri entierement.
Dans la portion ligneuse du sujet,
Ciij trois
2166 MERCURE DE FRANCE
trois doigts au -dessous de l'endroit où
la tige avoit été coupée , il y avoit eu
une branche qu'on avoit abbatuë et on
voit très distinctement la marque de la
coupure qui n'a changé ni de figure ni
de couleur , et qui a été ensuite recou
verte par l'écorce dans laquelle elle a
laissé son empreinte, sans s'y unir en aucune
façon. A mesure que la jonction
entre la greffe et le sujet devient plus
intime , les écorces de la greffe et da
sujet se distendent peu a peu , augmentent
de volume et enfin deviennent capables
de former un bourrelet assez considerable
pour recouvrir entierement le
bois coupé et ne former plus qu'un seul
corps , lorsqu'elles sont venues à se joindre.
Dans cette greffe de Pommier faite
il y a quatorze ans , il y avoit eu aussi
une branche de la greffe coupée à la tige
un peu au dessus de l'endroit de la greffe,
et de l'autre côté il y avoit une petite
branche qui mourut quelque temps après,
dans l'accroissement des écorces du sujet
et de la greffe , l'endroit où la branche
avoit été coupée aussi - bien que la
petite branche morte , ont été totalement
enveloppez , sans qu'il soit demeuré à
l'exterieur aucun vestige de ces parties ;
je conserve avec grand soin cette greffe
que
OCTOBR E. 1733. 2167
porque
je regarde comme une Piéce précieu
se. Quand les fibres se sont soudées et que
le bourrelet s'est formé , la direction des
fibres paroît tres réguliere, et pour l'ordinaire
longitudinale ; on remarque sculement
à la partie la plus voisine de la
tion ligneuse , tant du sujet que d de la
greffe , la position des fibres les plus intérieures
qui est un peu oblique , parce
que les fibres du sujet sont obligées de
faire un détour pour aller s'unir avec
celles de la greffe ; mais quand elles sont
parvenues à la greffe , cette direction chanbien-
tôt pour devenir longitudinale ;
ge
vers l'extérieur la direction des fibres est
pour l'ordinaire absolument longitudinale.
*
Ce sont là , mon cher frere , les observations
que j'avois faites il y a très-longtemps
sur les greffes ; mais il y a environ
deux ans que je fus tres - surpris lorsqu'un
Monsieur de mes amis , homme
d'esprit et fort curieux , à qui j'avois fait
part de mes recherches , vint m'apporter
Mémoires de l'Académie Royale des
Sciences de 1728. J'y lûs un Mémoire de
M. Duhamel sur la greffe , dans lequel il
se trouve des observations qui sont absolument
différentes des miennes ; comme
* Voyez les figures 2 et 3 .
C iiij
Vous
2168 MERCURE DE FRANCE
vous ne serez peut- être pas
fâché de sçavoir
ce que pense ce sçavant homime ,
voici un précis exact de son sentiment :
Il dit qu'il doit se faire plusieurs Sections
tant dans les Orifices de la greffe , que
dans celles du sujet lorsqu'on appliquera
la greffe sur le sujet, ce qui produit necessairement
un Philtre plus fin ; l'union de la
greffe avec le sujet ne se peut faire selon lui .
sans un allongement tant de la part des
fibres de la greffe que de celles du sujet
qui dans cet allongement doivent faire
différentes infléxions , divers plis et replis
pour s'ajuster et s'anastomoser les
unes aux autres ; il ajoute qu'il y a icy
quelque chose qui approche de la méchanique
des glandes , qu'il s'y fait des filtrations
et des sécrétions , et que dans la
greffe il y a un viscere nouveau qui peut
changer en quelque chose la nature de
la greffe, ou plutôt la qualité de ses productions
; il appuye cecy en disant qu'il
n'est parvenu à toutes ces grandes connoissances
qu'à force d'expériences réïtérées
; il va plus loin ; non content de
cette sécrétion qu'il a découverte dans la
greffe , il veut qu'il y ait non seulement
des Philtres aux racines et aux tiges qui
ne font que commencer à perfectionner
la séve , mais encore qu'il s'en trouve
d'au
OCTOBRE. 1733. 2169
d'autres ou dans les petites branches , ou
à l'approche des fruits qui achevent de
préparer la séve , et séparer les parties
suaves et agréables d'avec les autres ; il a
prouvé même ceci par lexpérience suivante;
si on goute les feuilles et les branches
d'un arbre qui a le fruit doux , on y
trouvera une séve extremement âcre et
amere , ce qui fait voir ( à cet Académi
cien ) le besoin qu'elle a d'être rectifiée
avant que de passer dans les fruits . Je vous
avouë , mon cher frere , que je fus fort
frappé , après avoir lû les Observations
de M. Duhamel , j'avois lieu en effet d'être
doublement surpris, car il y avoit une
partie de cet éloquent discours que je
n'entendois point du tout , et peu que
je compris dans le reste me sembloit entierement
opposé à ce que j'avois cru
voir ; ces observations me portoient à
croire , 1. qu'il se faisoit une union bienexacte
entre les fibres de la portion ligneuse
; j'avois vû le contraire dans les
portions ligneuses de la greffe et du su-
Jet , 29
, que dans cette union les fibres
avoient des directions bizarres , et qu'elles
formoient des plis et replis ; les fibres
m'avoient paru le plus souvent bien
droites et bien régulieres celles qui
avoient la direction la plus bizarre , fai-
C # soient
et le
2170 MERCURE DE FRANCE
,
soient quelques petits détours, sans se replier
et se contourner comme M. Duhamel
le dit. D'ailleurs il n'y a pas plus
de plis et replis à la greffe qu'aux noeuds
et qu'aux articulations des branches à la
tige ; c'est pourquoi les noeuds et les articulations
devroient tenir lieu du manége
de la greffe qui deviendroit pourlors
inutile ; j'avois bien des raisons pour
deffendre mon sentiment , mais quand
je faisois réfléxion que ces observations
partoient d'un Membre de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , qui doit
sur ce seul titre être regardé comme un
homme bien sçavant ; toutes mes raisons
s'évanouissoient et je croïois véritablement
m'être trompé , cependant je fus
porté par je ne sçai quel mouvement
d'amour propre , à ne point me défier si
fort de mes forces , j'étois persuadé que
dans ma retraite je pouvois peut - être
faire ce qu'un homme répandu dans le
monde ne peut point faire ; il me vint
donc en pensée de vérifier mes observations
et d'examiner de nouveau les greffes
; je le fis , et je puis dire , avec succès
, car je fus confirmé pleinement dans
mon premier sentiment; ainsi content de
moi même , il ne me restoit plus que de
tâcher de comprendre ce que M. Duhamel
OCTOBRE. 1733. 2171
mel dit dans son Mémoire. Il parle de
Philares , de Filtrations , de Sécrétions , de
Glandes , &c. je n'entendois rien à tous
ces termes , il falloit m'en instruire, puisqu'on
supposoit dans les greffes de pareils
visceres , et qu'on prétendoit qu'il y
avoit de semblables organes , principalement
à l'insertion des racines , aux tiges ,
suivant l'observation . de plusieurs ( a )
Etrangers : Je ne trouvai point d'expédient
plus court pour venir about de
mon dessein que d'aller trouver notre
Chirurgien , qui est un fort habile hom--
me dans son Art, et d'ailleurs sçavant en
Anatomie je le priai de me dire ce que
c'étoit qu'une glande et quel étoit son
usage dans le corps des animaux , il me
répondit qu'on appelloit glandes , certains
pelotons particuliers et certaines
masses distinguées de toutes les autres
parties du corps , par leur contour , leur
forme , &c. qu'elles étoient en general
composées par des vaisseaux de différente
espece , differemment pliez , repliez et
empaquetez les uns sur les autres, et que
leur fonction en general étoit de séparer
de la masse du sang certaines liqueurs
destinées à différens usages , suivant les
vûës de la nature ; enfin il me dit que cet-
( a ) Grevu , Malpighi , Levvenouh er . Mariotte
C vj
te
2172 MERCURE DE FRANCE
te fonction propre à la glande de séparer
une liqueur d'une, autre se nomme Pécrétion
ou filtration ; et que la glande ellemême
étoit regardée comme un filtre ;
j'écoutai tres - attentivement tout ce qu'il
me dit , et je le concevois fort bien , mais
quand je voulus appliquer ces notions
à la greffe , je n'y entendis plus rien du
tout , mon ignorance me fit rentrer dans
mon néant , je fis réfléxion qu'il n'appartenoit
pas à un petit frere Jardinier de
porter son sentiment sur une matiere
aussi difficile , sur tout avec des lumieres
aussi bornées que les miennes, cependant
je ne pus me refuser de faire les observations
suivantes , qui m'ont empêché d'adopter
ces glandes : Voici comme j'ai rai
sonné, pour qu'une sécrétion se fasse , il
faut un organe , cet organe est formé par
divers plis , replis , contours et entrelassemens
; outre cela la glande est une partie
, pour ainsi dire , isolée des autres
parties du corps des animaux ; dans les
plantes je ne trouve rien de semblable ,
point de partie séparée des autres, à moins
que ce ne soit des especes de Chevilles
qu'on trouve assez souvent dans les Planches
de Sapin , les fibres sont pour l'ordinaire
bien droites , bien regulieres ,
quand elles sont irrégulieres ce sont des
chanOCTOBRE
. 1733. 217%
1
changemens de direction ausquelles elles
ont été forcées à cause qu'elles ont trouvé
quelque empêchement et quelque embarras
dans leur chemin , ce qui les a obligé
de se détourner ; au reste on rencontre
des directions aussi bizarres dans les
noeuds , qui pour lors devroient faire l'office
de la greffe, mais jamais dans les greffes
, il n'y a de contours et de replis qui
semblent marquer un entortillement
comme dans la glande ; enfin pour qu'une
sécrétion se fasse il faut qu'il y ait une
liqueur qui soit séparée de la masse du
fluide ; j'étois bien embarrassé à la trouver
dans la greffe .
Je fis part de toutes ces réfléxions
à l'ami
qui m'avoit
prêté les Mémoires
de l'Académie
des Sciences
, il m'en parut
frapé , et il me dit que le sentiment
de M. Duhamel
n'étoit point nouveau
, que des Auteurs
célébres
l'avoient
soutenu
et
qu'il étoit moins surpris que M.Duhamel
Feut renouvellé
qu'il ne l'étoit
que cet Académicien
n'eut point
cité ceux de
qui , selon toutes les apparences
, il le tenoit
; il me promit
de m'apporter
les Au- teurs qu'il sçavoit avoir parlé de ces fil- trations
et de ces sécrétions
; il tint sa pa- role , et il me fit voir les Mémoires
de P'Académic
Royale
des Sciences
, de l'année
2174 MERCURE DE FRANCE
née 1705. parmi lesquels il y en a un
sur les maladies des Plantes , donné
par l'illustre M. de Tournefort , à la fin
duquel se trouve le systême des glandes
détaillé avec peut être beaucoup plus de
précision que dans le Mémoire de M.Duhamel
, et j'ai eu un sensible plaisir lorsque
j'y ai vu que M. de Tournefort s'étoit
apperçu avant moi , que les fibres de
la portion ligneuse , qu'il nomme Chicot
, se déssechoient entierement , que la
blessure étoit couverte par une espece de
calotte , qui enveloppe ce bois coupé , et
que ce bourlet n'étoit formé que par les
lévres de l'écorce qui se tuméfioients
mon ami me fit voir encore le même systême
dans l'Agriculture parfaite d'Agricola
, partie premiere , page 73.74. C. 5.
n. 13. Quoique ces autoritez ne levassent
point mes difficultez , cependant je fus
fort sa isfait de ceque j'avois appris , et je
pensai que si ces grands hommes s'étoient
trompez , ce qui ne m'appartenoit pas de
décider , la matiere devoit être plus difficile
que je ne me l'étois imaginé d'abord ;
c'est pourquoi , mon cher frere , je vous
prie de vérifier , si vos grandes occupations
vous le permettent , mes Observations
, et de me dire librement votre
sentiment ; tout honnête homme , tout
homme
OCTOBRE . 1733. 2175
homme sçavant , et à plus forte raison un
ignorant comme moi , doit se croire faillible
, ainsi c'est la vérité que nous devons
toujours avoir en vue , parce que
nous devons avoir toujours Dieu present
dans toutes nos actions , et que nous lui
devons tout rapporter , songez un peu
moi dans vos prieres. J'ai l'honneur d'ê
tre , &c.
A Auxerre , ce 4 Octobre 1733.
des RR. P P. *** d'Auxerre , au
·Frere C *** Jardinier des Peres du
même Ordre à Paris.
MON
ON TRE'S -CHER FRERE , la paix
de Dieu en J. Notre Seigneur.
Permettez moi de vous faire part de
quelques unes de mes Obsèrvations
sur la maniere dont le Sujet et là Greffe
s'unissent dans les Arbres greffez ; il y
a déja fort long temps que je me suis
appliqué à examiner ce qui se passe dans
cette jonction si intime ; j'ai détruit pour
cela une quantité considerable d'arbres
greff.z ; j'en ai aussi observé qui étoient
morts sur pied , j'en ai choisi de vieux
et de jeunes , afin de suivre , pour ainsi
dire , dans tous les âges , le travail admirable
de la Nature ; tantôt j'ai scié
Tendroit de la greffe , tantôt je l'ai fendu
, quelquefois régulierement , d'autres
fois irrégulièrement. Les coupes que j'en
ai faites ont été aussi suivant differens '
plans ; afin que rien n'échappât à ma
vûë , j'ai observé toutes les especes de
greffes ; mais comme toutes peuvent se
réduire
OCTOBRE. 1733 218t
réduire à la greffe en écusson et à celle
en fente , je vais vous entretenir de tout
ce que j'ai remarqué dans ces deux especes
de greffe. Ces amusemens innocens
sont permis dans notre état , et peuvent
servir de récréation dans la solitude . C'est
pourquoi j'espere que le petit détail que
je vous envoye ne vous déplaira pas.
Dans la greffe en écusson , la greffe fait
toujours avec le sujet , un angle plus
ou moins considérable , selon que sa situation
à l'égard du sujet est plus ou
moins oblique. L'union de la greffe et
du sujet commence à se faire par les fibres
de la couche la plus interieure du
Livre. ou ce qui est la même chose ,
par les fibres qui doivent dans la suite
former le cercle exterieur de la portion
ligneuse ; les fibres de cette couche du
Livre , s'insinuent dans les fibres de la
couche opposée qui se trouve dans le
sujet, et s'y attachent de façon que dans les
vieilles greffes il est impossible d'appercevoir
la maniere dont s'est faite l'union
des fibres de la greffe avec celle du sujet,
quand la couche la plus intérieure du
Livre de la greffe s'est unie assez inti-
* On appelle Livre , la partie intérieure de l'êcorcé
, celle qui touche le bois , et qui est olle - même
prête à devenir bois.
C mement
F
2462 MERCURE DE FRANCE
mement avec celle du sujet pour qu'elle
puisse vegeter sur elle , alors la couche
de l'écorce qui est exterieure à la couche
interieure du Livre commence à
pousser dans celle du sujet qui lui correspond
, et ainsi toujours de la même
maniere de l'interieur à l'exterieur , jusqu'à
ce qu'enfin il se fasse un bourrelet qui
soude par dehors l'écorce de la greffe avec
celle du sujet. Il ne se forme aucune
union entre la portion ligneuse du sujet
et la portion ligneuse de la greffe , ni
entre la portion ligneuse du même sujet
et l'écorce de la greffe ; mais la portion
ligneuse du sujet périt tout d'abord ; ce
qui se remarque facilement par le changement
de couleur qui lui arrive. Pareillement
la portion ligneuse de la greffe
ne s'unit avec aucune partie du sujet ;
elle cesse même de croître ; car les fibres
de la portion ligneuse de la greffe
Cétant parvenuës presque vis - à - vis de
celles du sujet , elles font un petit détour
; la plus grande partie s'arrêtent
précisément en cet endroit et s'adossent ,
pour ainsi- dire , sur la portion ligneuse
du sujet, sans cependant s'y unir en aucune
façon , tandis que les autres fibresqui
descendent un peu plus bas , glissent sur
* Voyez la figure 1.
la
OCTOBR E. 1733. 2163
la portion ligneuse , et que les extrémitez
de ces fibres qui ne vont pas plus loiny
forment differens étages très sensibles.
Pour me rendre un peu plus clair et plus
intelligible dans ce qui me reste à dire
sur la greffe en écusson , il est bon de
regarder l'écorce qui environne la greffe,
comme divisée en deux portions séparées
par la partie ligneuse qui en occupele
centre ; de ces deux portions l'une sera
superieure et l'autre infericure ; la portion
superieure de l'écorce forme le plus
souvent un bourrelet qui peu à peu recouvre
la tige qui a été coupée un peu
au- dessus de la greffe ; il y a des greffes
où cette écorce après avoir fait une espece
de calotte pour recouvrir entierement le
bois coupé , s'unit tellement avec l'écor
ce du sujet, qu'on ne voit aucune marque
de jonction : j'ai , entr'autres , une vieil
le
*
groffe , où à l'exterieur les levres du
bourrelet se sont tellement effacées , qu'il
est impossible de voir l'endroit de la
greffe . De cette nouvelle écorce préci
sément à l'endroit où elle a recouvert
la tige coupée , il a poussé une branche
aussi grosse que les autres branches latérales
; la portion inferieure de l'écorce
de la greffe pousse de même dans l'écorce
du sujet , sans qu'on puisse obser-
73
Cij ver
2164 MERCURE DE FRANCE
1
ver non- plus de quelle maniere s'est faite
l'union entre les fibres. La direcrjon
des fibres de ces deux portions d'écorces
doit nécessairement être d'abord un
peu oblique ; elle devient ensuite longitudinale
et pour l'ordinaire très régulie
re. Ces fibres sont absolument dispo
sées de la même maniere que dans les
branches qui partent de la tige ; car la:
direction des fibres qui étoit d'abord
longitudinale , devient un peu oblique
pour se redresser ensuite et redevenit
longitudinale ; aussi quand on scie lon-.
gitudinalement la tige d'un arbre dans
un endroit d'où il sort une branche .
on observe absolument la même direction
de fibres que dans la greffe ; pareillement
si on arrache une greffe qui a
commencé à vegeter sur le sujet et si
on sépare une jeune branche d'un arbre
dans l'endroit où la branche est articulée
avec la tige dans l'un et dans l'autre,
les fibres paroîtront disposées de la mê
me maniere.
J'ai observé dans la greffe en fente à
peu près le même procedé de la Nature
que dans la greffe en écusson , la végétation
de la greffe dans le sujet commence
à se faire par la couche la plus in- >
* Voyez lafig. 1,
terieure
OCTOBR E. 1733. 2165
terieure du Livre et l'union des fibres
de la greffe avec celle du sujet , se fait
toujours de l'interieur à l'exterieur jusqu'à
ce qu'enfin l'écorce du sujet qui
avoit été fendue pour recevoir la greffe,
se soit soudée par le moyen de sa jonction
immédiate avec les fibres de l'écorce
de la greffe : pour lors la portion ligneuse
du sujet devient inutile , elle meurt le
plus souvent, et il ne se fait aucune union
entre elle et la portion ligneuse de la
greffe , ce qui se reconnoît facilement
dans les greffes , même les plus vieilles ;
il n'y a que les écorces dont les fibres se
soient unies , et cette union se fait dans
quelques greffes si intimement , qu'il est
impossible de voir dans l'interieur de la
tige les endroits où la jonction s'est faite,
on ne s'en apperçoit que sur l'exterieur
de l'écorce , car au- dedans la direction
des fibres est si bien la-même , que les
fibres de la greffe ne paroissent être qu'u
ne continuation de celles du sujet. J'ai
une greffe de Pommier , âgée de quatorze
ans , dans laquelle on voit très - clairement
qu'il n'y a eu aucune union entre
la portion ligneuse de la greffe et celle
du sujet , et que les portions ligneuses
de l'une et de l'autre , ont péri entierement.
Dans la portion ligneuse du sujet,
Ciij trois
2166 MERCURE DE FRANCE
trois doigts au -dessous de l'endroit où
la tige avoit été coupée , il y avoit eu
une branche qu'on avoit abbatuë et on
voit très distinctement la marque de la
coupure qui n'a changé ni de figure ni
de couleur , et qui a été ensuite recou
verte par l'écorce dans laquelle elle a
laissé son empreinte, sans s'y unir en aucune
façon. A mesure que la jonction
entre la greffe et le sujet devient plus
intime , les écorces de la greffe et da
sujet se distendent peu a peu , augmentent
de volume et enfin deviennent capables
de former un bourrelet assez considerable
pour recouvrir entierement le
bois coupé et ne former plus qu'un seul
corps , lorsqu'elles sont venues à se joindre.
Dans cette greffe de Pommier faite
il y a quatorze ans , il y avoit eu aussi
une branche de la greffe coupée à la tige
un peu au dessus de l'endroit de la greffe,
et de l'autre côté il y avoit une petite
branche qui mourut quelque temps après,
dans l'accroissement des écorces du sujet
et de la greffe , l'endroit où la branche
avoit été coupée aussi - bien que la
petite branche morte , ont été totalement
enveloppez , sans qu'il soit demeuré à
l'exterieur aucun vestige de ces parties ;
je conserve avec grand soin cette greffe
que
OCTOBR E. 1733. 2167
porque
je regarde comme une Piéce précieu
se. Quand les fibres se sont soudées et que
le bourrelet s'est formé , la direction des
fibres paroît tres réguliere, et pour l'ordinaire
longitudinale ; on remarque sculement
à la partie la plus voisine de la
tion ligneuse , tant du sujet que d de la
greffe , la position des fibres les plus intérieures
qui est un peu oblique , parce
que les fibres du sujet sont obligées de
faire un détour pour aller s'unir avec
celles de la greffe ; mais quand elles sont
parvenues à la greffe , cette direction chanbien-
tôt pour devenir longitudinale ;
ge
vers l'extérieur la direction des fibres est
pour l'ordinaire absolument longitudinale.
*
Ce sont là , mon cher frere , les observations
que j'avois faites il y a très-longtemps
sur les greffes ; mais il y a environ
deux ans que je fus tres - surpris lorsqu'un
Monsieur de mes amis , homme
d'esprit et fort curieux , à qui j'avois fait
part de mes recherches , vint m'apporter
Mémoires de l'Académie Royale des
Sciences de 1728. J'y lûs un Mémoire de
M. Duhamel sur la greffe , dans lequel il
se trouve des observations qui sont absolument
différentes des miennes ; comme
* Voyez les figures 2 et 3 .
C iiij
Vous
2168 MERCURE DE FRANCE
vous ne serez peut- être pas
fâché de sçavoir
ce que pense ce sçavant homime ,
voici un précis exact de son sentiment :
Il dit qu'il doit se faire plusieurs Sections
tant dans les Orifices de la greffe , que
dans celles du sujet lorsqu'on appliquera
la greffe sur le sujet, ce qui produit necessairement
un Philtre plus fin ; l'union de la
greffe avec le sujet ne se peut faire selon lui .
sans un allongement tant de la part des
fibres de la greffe que de celles du sujet
qui dans cet allongement doivent faire
différentes infléxions , divers plis et replis
pour s'ajuster et s'anastomoser les
unes aux autres ; il ajoute qu'il y a icy
quelque chose qui approche de la méchanique
des glandes , qu'il s'y fait des filtrations
et des sécrétions , et que dans la
greffe il y a un viscere nouveau qui peut
changer en quelque chose la nature de
la greffe, ou plutôt la qualité de ses productions
; il appuye cecy en disant qu'il
n'est parvenu à toutes ces grandes connoissances
qu'à force d'expériences réïtérées
; il va plus loin ; non content de
cette sécrétion qu'il a découverte dans la
greffe , il veut qu'il y ait non seulement
des Philtres aux racines et aux tiges qui
ne font que commencer à perfectionner
la séve , mais encore qu'il s'en trouve
d'au
OCTOBRE. 1733. 2169
d'autres ou dans les petites branches , ou
à l'approche des fruits qui achevent de
préparer la séve , et séparer les parties
suaves et agréables d'avec les autres ; il a
prouvé même ceci par lexpérience suivante;
si on goute les feuilles et les branches
d'un arbre qui a le fruit doux , on y
trouvera une séve extremement âcre et
amere , ce qui fait voir ( à cet Académi
cien ) le besoin qu'elle a d'être rectifiée
avant que de passer dans les fruits . Je vous
avouë , mon cher frere , que je fus fort
frappé , après avoir lû les Observations
de M. Duhamel , j'avois lieu en effet d'être
doublement surpris, car il y avoit une
partie de cet éloquent discours que je
n'entendois point du tout , et peu que
je compris dans le reste me sembloit entierement
opposé à ce que j'avois cru
voir ; ces observations me portoient à
croire , 1. qu'il se faisoit une union bienexacte
entre les fibres de la portion ligneuse
; j'avois vû le contraire dans les
portions ligneuses de la greffe et du su-
Jet , 29
, que dans cette union les fibres
avoient des directions bizarres , et qu'elles
formoient des plis et replis ; les fibres
m'avoient paru le plus souvent bien
droites et bien régulieres celles qui
avoient la direction la plus bizarre , fai-
C # soient
et le
2170 MERCURE DE FRANCE
,
soient quelques petits détours, sans se replier
et se contourner comme M. Duhamel
le dit. D'ailleurs il n'y a pas plus
de plis et replis à la greffe qu'aux noeuds
et qu'aux articulations des branches à la
tige ; c'est pourquoi les noeuds et les articulations
devroient tenir lieu du manége
de la greffe qui deviendroit pourlors
inutile ; j'avois bien des raisons pour
deffendre mon sentiment , mais quand
je faisois réfléxion que ces observations
partoient d'un Membre de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , qui doit
sur ce seul titre être regardé comme un
homme bien sçavant ; toutes mes raisons
s'évanouissoient et je croïois véritablement
m'être trompé , cependant je fus
porté par je ne sçai quel mouvement
d'amour propre , à ne point me défier si
fort de mes forces , j'étois persuadé que
dans ma retraite je pouvois peut - être
faire ce qu'un homme répandu dans le
monde ne peut point faire ; il me vint
donc en pensée de vérifier mes observations
et d'examiner de nouveau les greffes
; je le fis , et je puis dire , avec succès
, car je fus confirmé pleinement dans
mon premier sentiment; ainsi content de
moi même , il ne me restoit plus que de
tâcher de comprendre ce que M. Duhamel
OCTOBRE. 1733. 2171
mel dit dans son Mémoire. Il parle de
Philares , de Filtrations , de Sécrétions , de
Glandes , &c. je n'entendois rien à tous
ces termes , il falloit m'en instruire, puisqu'on
supposoit dans les greffes de pareils
visceres , et qu'on prétendoit qu'il y
avoit de semblables organes , principalement
à l'insertion des racines , aux tiges ,
suivant l'observation . de plusieurs ( a )
Etrangers : Je ne trouvai point d'expédient
plus court pour venir about de
mon dessein que d'aller trouver notre
Chirurgien , qui est un fort habile hom--
me dans son Art, et d'ailleurs sçavant en
Anatomie je le priai de me dire ce que
c'étoit qu'une glande et quel étoit son
usage dans le corps des animaux , il me
répondit qu'on appelloit glandes , certains
pelotons particuliers et certaines
masses distinguées de toutes les autres
parties du corps , par leur contour , leur
forme , &c. qu'elles étoient en general
composées par des vaisseaux de différente
espece , differemment pliez , repliez et
empaquetez les uns sur les autres, et que
leur fonction en general étoit de séparer
de la masse du sang certaines liqueurs
destinées à différens usages , suivant les
vûës de la nature ; enfin il me dit que cet-
( a ) Grevu , Malpighi , Levvenouh er . Mariotte
C vj
te
2172 MERCURE DE FRANCE
te fonction propre à la glande de séparer
une liqueur d'une, autre se nomme Pécrétion
ou filtration ; et que la glande ellemême
étoit regardée comme un filtre ;
j'écoutai tres - attentivement tout ce qu'il
me dit , et je le concevois fort bien , mais
quand je voulus appliquer ces notions
à la greffe , je n'y entendis plus rien du
tout , mon ignorance me fit rentrer dans
mon néant , je fis réfléxion qu'il n'appartenoit
pas à un petit frere Jardinier de
porter son sentiment sur une matiere
aussi difficile , sur tout avec des lumieres
aussi bornées que les miennes, cependant
je ne pus me refuser de faire les observations
suivantes , qui m'ont empêché d'adopter
ces glandes : Voici comme j'ai rai
sonné, pour qu'une sécrétion se fasse , il
faut un organe , cet organe est formé par
divers plis , replis , contours et entrelassemens
; outre cela la glande est une partie
, pour ainsi dire , isolée des autres
parties du corps des animaux ; dans les
plantes je ne trouve rien de semblable ,
point de partie séparée des autres, à moins
que ce ne soit des especes de Chevilles
qu'on trouve assez souvent dans les Planches
de Sapin , les fibres sont pour l'ordinaire
bien droites , bien regulieres ,
quand elles sont irrégulieres ce sont des
chanOCTOBRE
. 1733. 217%
1
changemens de direction ausquelles elles
ont été forcées à cause qu'elles ont trouvé
quelque empêchement et quelque embarras
dans leur chemin , ce qui les a obligé
de se détourner ; au reste on rencontre
des directions aussi bizarres dans les
noeuds , qui pour lors devroient faire l'office
de la greffe, mais jamais dans les greffes
, il n'y a de contours et de replis qui
semblent marquer un entortillement
comme dans la glande ; enfin pour qu'une
sécrétion se fasse il faut qu'il y ait une
liqueur qui soit séparée de la masse du
fluide ; j'étois bien embarrassé à la trouver
dans la greffe .
Je fis part de toutes ces réfléxions
à l'ami
qui m'avoit
prêté les Mémoires
de l'Académie
des Sciences
, il m'en parut
frapé , et il me dit que le sentiment
de M. Duhamel
n'étoit point nouveau
, que des Auteurs
célébres
l'avoient
soutenu
et
qu'il étoit moins surpris que M.Duhamel
Feut renouvellé
qu'il ne l'étoit
que cet Académicien
n'eut point
cité ceux de
qui , selon toutes les apparences
, il le tenoit
; il me promit
de m'apporter
les Au- teurs qu'il sçavoit avoir parlé de ces fil- trations
et de ces sécrétions
; il tint sa pa- role , et il me fit voir les Mémoires
de P'Académic
Royale
des Sciences
, de l'année
2174 MERCURE DE FRANCE
née 1705. parmi lesquels il y en a un
sur les maladies des Plantes , donné
par l'illustre M. de Tournefort , à la fin
duquel se trouve le systême des glandes
détaillé avec peut être beaucoup plus de
précision que dans le Mémoire de M.Duhamel
, et j'ai eu un sensible plaisir lorsque
j'y ai vu que M. de Tournefort s'étoit
apperçu avant moi , que les fibres de
la portion ligneuse , qu'il nomme Chicot
, se déssechoient entierement , que la
blessure étoit couverte par une espece de
calotte , qui enveloppe ce bois coupé , et
que ce bourlet n'étoit formé que par les
lévres de l'écorce qui se tuméfioients
mon ami me fit voir encore le même systême
dans l'Agriculture parfaite d'Agricola
, partie premiere , page 73.74. C. 5.
n. 13. Quoique ces autoritez ne levassent
point mes difficultez , cependant je fus
fort sa isfait de ceque j'avois appris , et je
pensai que si ces grands hommes s'étoient
trompez , ce qui ne m'appartenoit pas de
décider , la matiere devoit être plus difficile
que je ne me l'étois imaginé d'abord ;
c'est pourquoi , mon cher frere , je vous
prie de vérifier , si vos grandes occupations
vous le permettent , mes Observations
, et de me dire librement votre
sentiment ; tout honnête homme , tout
homme
OCTOBRE . 1733. 2175
homme sçavant , et à plus forte raison un
ignorant comme moi , doit se croire faillible
, ainsi c'est la vérité que nous devons
toujours avoir en vue , parce que
nous devons avoir toujours Dieu present
dans toutes nos actions , et que nous lui
devons tout rapporter , songez un peu
moi dans vos prieres. J'ai l'honneur d'ê
tre , &c.
A Auxerre , ce 4 Octobre 1733.
Fermer
Résumé : LETTRE du Frere *** Jardinier des RR. PP. *** d'Auxerre, au Frere C*** Jardinier des Peres du même Ordre à Paris.
En octobre 1733, un frère jardinier des RR. PP. d'Auxerre adresse une lettre à un frère jardinier à Paris pour partager ses observations sur les greffes. Il examine diverses techniques de greffe, notamment la greffe en écusson et la greffe en fente, sur des arbres de différents âges et en effectuant diverses coupes. Dans la greffe en écusson, l'union commence par les fibres de la couche intérieure du greffon, qui s'insinuent dans les fibres du sujet. L'écorce du greffon pousse ensuite vers l'extérieur, formant un bourrelet qui soude l'écorce du greffon avec celle du sujet. La portion ligneuse du sujet périt rapidement, et celle du greffon cesse de croître, les fibres s'adossant sans s'unir. Pour la greffe en fente, le processus est similaire : l'union des fibres commence par la couche intérieure du greffon et progresse vers l'extérieur. Les écorces se soudent intimement, tandis que les portions ligneuses du sujet et du greffon périssent. L'auteur conserve une greffe de pommier de quatorze ans illustrant ces observations. L'auteur mentionne des divergences avec les observations de M. Duhamel, membre de l'Académie Royale des Sciences, qui décrit des processus mécaniques et des sécrétions dans la greffe. L'auteur trouve ces observations surprenantes et en partie incompréhensibles, notant des différences significatives avec ses propres observations. Le jardinier, porté par un sentiment d'amour-propre, décide de vérifier ses observations et de réexaminer les greffes, confirmant ainsi ses premières impressions. Il rencontre des difficultés à comprendre les termes techniques utilisés par M. Duhamel, tels que 'Philares', 'Filtrations', 'Sécrétions' et 'Glandes'. Pour clarifier ces concepts, il consulte un chirurgien, qui lui explique que les glandes sont des organes composés de vaisseaux et dont la fonction est de séparer des liquides du sang. Bien que ces explications soient claires, le jardinier ne parvient pas à les appliquer aux greffes, notant l'absence de structures similaires dans les plantes. Il partage ses observations avec un ami, qui lui montre des mémoires de l'Académie des Sciences et des écrits de Tournefort et Agricola, confirmant certaines de ses observations. Le jardinier conclut que la matière est plus complexe qu'il ne l'avait imaginé et demande à son frère de vérifier ses observations. Il insiste sur l'importance de la vérité et de la présence de Dieu dans leurs actions.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
17
p. 2835-2843
LETTRE sur les Bains de Toul et les Valantines de Metz.
Début :
Vous m'avez demandé, M. si dans les Statuts du Chapitre d'une [...]
Mots clefs :
Bains de Toul, Valentines de Metz, Cathédrale, Statuts, Diocèse, Auxerre, Metz, Toul, Ville, Église
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur les Bains de Toul et les Valantines de Metz.
LETTRE sur les Bains de Toul et les
Valantines de Metz.
V *
Ous m'avez demandé , M. si dans
les Statuts du Chapitre d'une
Cathedrale où l'Alleluia étoit autrefois
enterré réellement par les Enfans de
Le Chapitre de Toul en Lorraine.
II.Vol.
Dvj Choeur
2836 MERCURE DE FRANCE
Choeur , le Samedy du Dimanche dans la
Septuagesime , il n'y auroit point d'autres
pratiques aussi capables de faire connoître
la grossiereté de certains siécles , que
l'étoit celle là . Il y a long- tems que vous
me pressez là- dessus : mais comme it auroit
fallu suivre ces Statuts presque d'un bout
à l'autre et que vous parler de quantité
de choses qui sont traitées dans le glossaire
de M. Du Cange , sur la foi de quelques
autres monumens de pareille espece,
j'ai crû ne devoir m'attacher aujourd'hui
qu'au zele qu'il paroît qu'on prenoit
dans le quinziéme siécle , à distinguer la
fête de Pâques par un concours general
de tout le Clergé dans la Cathedrale.
Il falloit dans cette Eglise que tout le
Clergé se trouvât à Matines à l'heure de
l'Aurore , ad laudem Refurrectionis Domini
quam in aurora dieifactam credimus extitisses
non - seulement l'Evêque et tous les Chinoines
aussi - bien que les Habituez du
Choeur y étoient tenus étroitement les 3.
fêtes d'après Pâques,mais encore tous les
Curez de la ville ; et ce à quoi vous ne
vous attendez peut être pas , c'est que
les Abbayes éloignées de cinq, dix , quinze
lieües et même davantage , devoient aussi
y envoyer de leur part , de même que cxaines
Egli es Collegiales qui avoient des
II. Vol. maisons
DECEMBRE. 1733 2837
maisons d'Hospice dans la Ville Episcopale.
Ce concours general se faisoit ad ser
viendum Ecclesia in Laudem resurrectionis,
et Cathedralis Ecclesia honorem ac reverentiam,
comme le disent les mêmes Statuts ,
jusques-là on ne voit rien que de loiable
, rien qui ne ressente la grandeur du
Mistere qu'on celebroit , et qui ne fasse
voir la subordination des Eglises du Diocèse
à l'Eglise Cathedrale. Les Evêques
introduisant des Reguliers dans les Eglises
subordonnées aux Cathedrales , les soumettoient
aux mêmes obligations ausquelles
ctoient tenus ceux qui avoient occupé
ces Eglises avant eux.
Ici ( a ) au huitiéme siécle, ce devoir
étoit partagé durant toute l'année ; toutes
les Communautez et Paroisses du Dio .
cèfe devoient rendre service à l'Eglise.
Cathedrale , chacune pendant une femaine:
les Paroisses les plus éloignées durant
l'Eté ; les moins éloignées , dans les sai-
(a)La Charte d'Alain , Evêque d'Auxerre ,
de l'an 1163. touchant l'introduction des Chanoines
Reguliers de Saint Satur en Berry , dans
P'Eglise de S. Amatre , ancienne Abbaye , soumise
à la Cathédrale d'Auxerre , porte cette réserve
: Salvis institutionibus que sunt inter Ecclesiam
S. Amatoris et beati Stephani , qui est l
Cathédrale.
II. Vol
S
2838 MERCURE DE FRANCE
sons où les jours sont plus courts ; et les
maisons de Clercs ou de Moines , durant
les six mois des plus petits jours. Voyez
le Pere Labbe. T. 1. Bibl . nova mss . p .
428. ou plutôt le Pere Martene. De ana
tiqua Disciplina in Div. Off. page 11. où
vous trouverez le mois de Septembre
rempli comme les autres , et non pas
vuide comme l'a representé le Fere Lab.
par l'inadvertance de ses Copistes : ce
qui a trompé d'abord Dom Mabillon
qui a écrit que les Vendanges pouvoient
avoir fait suspendre alors ces devoirs de
POffice divin. ( a )
be
Nous ne sçavons pas combien cet usage
dura . Mais au dixiéme siécle c'étoit
aux Fêtes de la Pentecôte que de tout le
Diocèse , les Curez devoient venir rendre
leurs devoirs à la Cathedrale , accompagnez
de leurs peuples, sans que les
plus éloignez comme sont ceux de dixhuit
et dix- neuf lieues en fussent exceptez.
( b ) Nous ne voyons d'autre puni
*
( a ) Sac. iij Bened.
(b ) C'étoit aussi dans le temps des grands
jours , sçavoir , le Dimanche d'après la Trinité ,
que tous les Curez du Diocèse de Tréguier en
Bretagne devoient venir avec leurs. Peuples à la
Cathédrale pour honorer S. Tugal. Cet usage
s'observoit encore au xiv . Siecle , et il Y avoit
trente sols d'amende contre les négligens . Statuta
ynod. Trecor. t. 4. Thess. Anecdat, pag. 1104.
"
DECEMBRE 1733 , 2839
*
tion presente contre les Abbez et les Pretres
qui seroient négligens à s'acquitter
de ce devoir Cathédratique , qu'une privation
de vin qui leur étoit imposée pendant
quarante jours. C'est ce qu'on appelleroit
aujourd'hui une Pénitence, et qui
seroit une rude mortification . Mais vous
allez voir ce qu'on faisoit à Toul. Il n'est
pas dit que ceux qui refusoient de venir
à l'Office de la Cathédrale , ou qui s'y
rendoient tard et avec répugnance , fussent
privez de vin ; je lis seulement dans
le trente-deuxième Statut de la Collection
, approuvée en 1497 , qu'on leur
faisoit boire de l'eau : Et comment.
Les Soudiacres , et les petits Chanoines
se faisant prêter main- forte par les Domestiques
des Chanoines dignitaires étoient
chargez de les arrêter et de les jetter
dans l'eau, ( apparemment de la Moselle
qui passe au bas de la Ville) prenant
cependant la précaution de ne les pas
noyer. Autre restriction : C'est que si c'é
toit une personne de mérite ou de conséquence
qui eut manqué à ce devoir , elle
pouvoit se liberer de cette inmersion ,
pour la somme de deux sols . C'étoit une
espece de rachat , qui pourroit- être ajou
té à ceux dont M. du Cange a parlé dan
son Glossaire.Le texte latin vous prou
II. Vol.
2840 MERCURE DE FRANCE
ra que je n'ai point employé d'expression
qui n'y fut contenue. Il vous paroîtra
peu sérieux , mais il n'en est pas
moins véritable ; et après l'Extrait du Ĉérémonial
de Viviers , que je viens de lire
dans la nouvelle édition du Glossaire , au
mot Kalenda , la gothicité de cet usage
du quinziéme siécle me paroît devoir
encore le ceder à ceux qui se lisent dans
ce Cérémonial , qui est du quatorziéme.
Si aliqui ex prætactis vel contumaciâ ant
torpentiâ defecerit,projiciundus est in aquam,
non periculosè tamen , in signum baptismatis
Christi , quod Apostoli post ejus resurrectionem
ferventi animo predicaverent.Tamen si
ex prænominatis aliquæfuerint honeste persone
, admittantur ad gratiosam redemptionem
non excedentem duos solidos cursibiles , nisi
suâ liberalitate absque aliquâ coactione amplius
conferre voluerint. Et ista redemptiones
Maranciis Ecclesia ...
Il manque icy quelque mot dans ma
copie.
Suntque hujusmodi poena executores Subdiaconi
feriati et Canonici minores cum familiis
Canonicorum dignitates obtinentium ,
sed non impetuosè cum armis aut violentiis
periculosis , imo sub honestis persuasionibus
et moderaminibus virium ne inde scandala
contingant , &c.
II. Vol. I
DECEMBRE. 1733. 284Y
Il paroît que ce Bain ne se faisoit point
malgré les personnes qui devoient le su
bir , et qu'on tâchoit de persuader ceux
qui étoient dans le cas , de s'y prêter de
bonne grace ; mais l'allusion au Baptême
de N. S. me paroît icy hors de son lieu
En un mot , il falloit là comme icy, quelque
chose à Pâques pour divertir ; et je
vois par ce qui suit , que les Laïques
couroient aux Bains de Toul , comme à
la Pelote d'Auxerre , dont il a été ample
ment parlé dans le Mercure du mois de
May , de l'an 1726.
Je vous avois promis aussi , M. l'interprétation
du mot de Valentina, que vous
dites être de la compétence du Glossai
re. Je ne le trouve que dans des Statuts
Synodaux du Diocèse de Metz , rédigez
dans le siecle dernier . Je lis cette deffense
à la page 109. du Recueil imprimé à
Metz en 1699. Parochi vehementer horten
tur Parochianos suos ut abstineant ... àà pi
blicis saltationibus et nescio quibus pravis
consuetudinibus que vulgò Valentine nuncupantur.
Un Sçavant personnage de la
Ville de Metz (a ) de qui je tenois l'explication
des Fêtes du Tonnerre , marquées
dans les mèmes Statuts , m'en
( a ) M. l'Abbé Brayer , Chanoine de la Ca
thedrale , et Vic. Gen. de M. l'Evêque.
IL. Vol.
don
donna l'an 1729, une inrerprétation,que
revient assez à ce qui précédé immédiat
tement dans l'acide à éclaircir
t
sinon
qu'il faudroic substituer le terme de Pri.
vutisï celui de Publicis;et par ce moyen
on comprendroit assez le rapport que
peuvent avoir les mauvaises coutumes
que ces Statuts combattent, avec lesifolations
, contre lesquelles les Saints Evêques
,
les Capitulaires de nos Rois,ettant
de Synodes se sont élevez. On remarque
même que dans la vie de S. Eloy
,
écrite:
par S. Ouen, elles sont appelléesValLutiones.
Maisd'autres voudront peutêtre:
qu il y ait eu à Merz
, comme à Turin il
line Maison de plaisance, appellée III
Vtzlntin et que c'est de là que soient
t venus les Valentins et les Valentines. *
M. l'Abbé Chatelin, Chanoine dei
Paris
,
qui se faisoit expliquer toutes leSt
curiositez d'Italie dans les Voyages qu'il
y a faits, marque dans son Bimestre de:
Janvier et Février
,
à la page £45, que
le Valentin.. situé aux Portes de Turin,a
été ainsi nommé,de ce que les Promo
nades y recommencent vers la S.Valentin,
au 14 Février; auquel temps le plus
souvent les beaux jours recommencent i
paraître en Iralie.La différence du climat
empêcIhe d.e cVroireoquleplaumêimse rsaiseon
avoir donné lieu auxValentinesde
letz, et quand même on envisageroit la
Valentin au 14Février, telle qu'elle
trouvoit réellement avant la suppresen
de dix jours faite au Calendrier l'an
82. La température de la Lorraine est
core trop peu échauffée en ce temps-là
,ur admettre les promenades. Peut être
faut-il considérer en tout cela la Fête
S.Valentin,que comme concourante le
Ut; souvent avec le temps que précéde le
arême, auquel
,
si les promenades ne
ne pas communes, les divertissemens
doublent dans l'intérieur des maisons.
vous laisse le maître de choisir laquelil
vous plaira de ces conjectures, et je
s, &c.
A Auxerre, ce ro Mars 1735.
Valantines de Metz.
V *
Ous m'avez demandé , M. si dans
les Statuts du Chapitre d'une
Cathedrale où l'Alleluia étoit autrefois
enterré réellement par les Enfans de
Le Chapitre de Toul en Lorraine.
II.Vol.
Dvj Choeur
2836 MERCURE DE FRANCE
Choeur , le Samedy du Dimanche dans la
Septuagesime , il n'y auroit point d'autres
pratiques aussi capables de faire connoître
la grossiereté de certains siécles , que
l'étoit celle là . Il y a long- tems que vous
me pressez là- dessus : mais comme it auroit
fallu suivre ces Statuts presque d'un bout
à l'autre et que vous parler de quantité
de choses qui sont traitées dans le glossaire
de M. Du Cange , sur la foi de quelques
autres monumens de pareille espece,
j'ai crû ne devoir m'attacher aujourd'hui
qu'au zele qu'il paroît qu'on prenoit
dans le quinziéme siécle , à distinguer la
fête de Pâques par un concours general
de tout le Clergé dans la Cathedrale.
Il falloit dans cette Eglise que tout le
Clergé se trouvât à Matines à l'heure de
l'Aurore , ad laudem Refurrectionis Domini
quam in aurora dieifactam credimus extitisses
non - seulement l'Evêque et tous les Chinoines
aussi - bien que les Habituez du
Choeur y étoient tenus étroitement les 3.
fêtes d'après Pâques,mais encore tous les
Curez de la ville ; et ce à quoi vous ne
vous attendez peut être pas , c'est que
les Abbayes éloignées de cinq, dix , quinze
lieües et même davantage , devoient aussi
y envoyer de leur part , de même que cxaines
Egli es Collegiales qui avoient des
II. Vol. maisons
DECEMBRE. 1733 2837
maisons d'Hospice dans la Ville Episcopale.
Ce concours general se faisoit ad ser
viendum Ecclesia in Laudem resurrectionis,
et Cathedralis Ecclesia honorem ac reverentiam,
comme le disent les mêmes Statuts ,
jusques-là on ne voit rien que de loiable
, rien qui ne ressente la grandeur du
Mistere qu'on celebroit , et qui ne fasse
voir la subordination des Eglises du Diocèse
à l'Eglise Cathedrale. Les Evêques
introduisant des Reguliers dans les Eglises
subordonnées aux Cathedrales , les soumettoient
aux mêmes obligations ausquelles
ctoient tenus ceux qui avoient occupé
ces Eglises avant eux.
Ici ( a ) au huitiéme siécle, ce devoir
étoit partagé durant toute l'année ; toutes
les Communautez et Paroisses du Dio .
cèfe devoient rendre service à l'Eglise.
Cathedrale , chacune pendant une femaine:
les Paroisses les plus éloignées durant
l'Eté ; les moins éloignées , dans les sai-
(a)La Charte d'Alain , Evêque d'Auxerre ,
de l'an 1163. touchant l'introduction des Chanoines
Reguliers de Saint Satur en Berry , dans
P'Eglise de S. Amatre , ancienne Abbaye , soumise
à la Cathédrale d'Auxerre , porte cette réserve
: Salvis institutionibus que sunt inter Ecclesiam
S. Amatoris et beati Stephani , qui est l
Cathédrale.
II. Vol
S
2838 MERCURE DE FRANCE
sons où les jours sont plus courts ; et les
maisons de Clercs ou de Moines , durant
les six mois des plus petits jours. Voyez
le Pere Labbe. T. 1. Bibl . nova mss . p .
428. ou plutôt le Pere Martene. De ana
tiqua Disciplina in Div. Off. page 11. où
vous trouverez le mois de Septembre
rempli comme les autres , et non pas
vuide comme l'a representé le Fere Lab.
par l'inadvertance de ses Copistes : ce
qui a trompé d'abord Dom Mabillon
qui a écrit que les Vendanges pouvoient
avoir fait suspendre alors ces devoirs de
POffice divin. ( a )
be
Nous ne sçavons pas combien cet usage
dura . Mais au dixiéme siécle c'étoit
aux Fêtes de la Pentecôte que de tout le
Diocèse , les Curez devoient venir rendre
leurs devoirs à la Cathedrale , accompagnez
de leurs peuples, sans que les
plus éloignez comme sont ceux de dixhuit
et dix- neuf lieues en fussent exceptez.
( b ) Nous ne voyons d'autre puni
*
( a ) Sac. iij Bened.
(b ) C'étoit aussi dans le temps des grands
jours , sçavoir , le Dimanche d'après la Trinité ,
que tous les Curez du Diocèse de Tréguier en
Bretagne devoient venir avec leurs. Peuples à la
Cathédrale pour honorer S. Tugal. Cet usage
s'observoit encore au xiv . Siecle , et il Y avoit
trente sols d'amende contre les négligens . Statuta
ynod. Trecor. t. 4. Thess. Anecdat, pag. 1104.
"
DECEMBRE 1733 , 2839
*
tion presente contre les Abbez et les Pretres
qui seroient négligens à s'acquitter
de ce devoir Cathédratique , qu'une privation
de vin qui leur étoit imposée pendant
quarante jours. C'est ce qu'on appelleroit
aujourd'hui une Pénitence, et qui
seroit une rude mortification . Mais vous
allez voir ce qu'on faisoit à Toul. Il n'est
pas dit que ceux qui refusoient de venir
à l'Office de la Cathédrale , ou qui s'y
rendoient tard et avec répugnance , fussent
privez de vin ; je lis seulement dans
le trente-deuxième Statut de la Collection
, approuvée en 1497 , qu'on leur
faisoit boire de l'eau : Et comment.
Les Soudiacres , et les petits Chanoines
se faisant prêter main- forte par les Domestiques
des Chanoines dignitaires étoient
chargez de les arrêter et de les jetter
dans l'eau, ( apparemment de la Moselle
qui passe au bas de la Ville) prenant
cependant la précaution de ne les pas
noyer. Autre restriction : C'est que si c'é
toit une personne de mérite ou de conséquence
qui eut manqué à ce devoir , elle
pouvoit se liberer de cette inmersion ,
pour la somme de deux sols . C'étoit une
espece de rachat , qui pourroit- être ajou
té à ceux dont M. du Cange a parlé dan
son Glossaire.Le texte latin vous prou
II. Vol.
2840 MERCURE DE FRANCE
ra que je n'ai point employé d'expression
qui n'y fut contenue. Il vous paroîtra
peu sérieux , mais il n'en est pas
moins véritable ; et après l'Extrait du Ĉérémonial
de Viviers , que je viens de lire
dans la nouvelle édition du Glossaire , au
mot Kalenda , la gothicité de cet usage
du quinziéme siécle me paroît devoir
encore le ceder à ceux qui se lisent dans
ce Cérémonial , qui est du quatorziéme.
Si aliqui ex prætactis vel contumaciâ ant
torpentiâ defecerit,projiciundus est in aquam,
non periculosè tamen , in signum baptismatis
Christi , quod Apostoli post ejus resurrectionem
ferventi animo predicaverent.Tamen si
ex prænominatis aliquæfuerint honeste persone
, admittantur ad gratiosam redemptionem
non excedentem duos solidos cursibiles , nisi
suâ liberalitate absque aliquâ coactione amplius
conferre voluerint. Et ista redemptiones
Maranciis Ecclesia ...
Il manque icy quelque mot dans ma
copie.
Suntque hujusmodi poena executores Subdiaconi
feriati et Canonici minores cum familiis
Canonicorum dignitates obtinentium ,
sed non impetuosè cum armis aut violentiis
periculosis , imo sub honestis persuasionibus
et moderaminibus virium ne inde scandala
contingant , &c.
II. Vol. I
DECEMBRE. 1733. 284Y
Il paroît que ce Bain ne se faisoit point
malgré les personnes qui devoient le su
bir , et qu'on tâchoit de persuader ceux
qui étoient dans le cas , de s'y prêter de
bonne grace ; mais l'allusion au Baptême
de N. S. me paroît icy hors de son lieu
En un mot , il falloit là comme icy, quelque
chose à Pâques pour divertir ; et je
vois par ce qui suit , que les Laïques
couroient aux Bains de Toul , comme à
la Pelote d'Auxerre , dont il a été ample
ment parlé dans le Mercure du mois de
May , de l'an 1726.
Je vous avois promis aussi , M. l'interprétation
du mot de Valentina, que vous
dites être de la compétence du Glossai
re. Je ne le trouve que dans des Statuts
Synodaux du Diocèse de Metz , rédigez
dans le siecle dernier . Je lis cette deffense
à la page 109. du Recueil imprimé à
Metz en 1699. Parochi vehementer horten
tur Parochianos suos ut abstineant ... àà pi
blicis saltationibus et nescio quibus pravis
consuetudinibus que vulgò Valentine nuncupantur.
Un Sçavant personnage de la
Ville de Metz (a ) de qui je tenois l'explication
des Fêtes du Tonnerre , marquées
dans les mèmes Statuts , m'en
( a ) M. l'Abbé Brayer , Chanoine de la Ca
thedrale , et Vic. Gen. de M. l'Evêque.
IL. Vol.
don
donna l'an 1729, une inrerprétation,que
revient assez à ce qui précédé immédiat
tement dans l'acide à éclaircir
t
sinon
qu'il faudroic substituer le terme de Pri.
vutisï celui de Publicis;et par ce moyen
on comprendroit assez le rapport que
peuvent avoir les mauvaises coutumes
que ces Statuts combattent, avec lesifolations
, contre lesquelles les Saints Evêques
,
les Capitulaires de nos Rois,ettant
de Synodes se sont élevez. On remarque
même que dans la vie de S. Eloy
,
écrite:
par S. Ouen, elles sont appelléesValLutiones.
Maisd'autres voudront peutêtre:
qu il y ait eu à Merz
, comme à Turin il
line Maison de plaisance, appellée III
Vtzlntin et que c'est de là que soient
t venus les Valentins et les Valentines. *
M. l'Abbé Chatelin, Chanoine dei
Paris
,
qui se faisoit expliquer toutes leSt
curiositez d'Italie dans les Voyages qu'il
y a faits, marque dans son Bimestre de:
Janvier et Février
,
à la page £45, que
le Valentin.. situé aux Portes de Turin,a
été ainsi nommé,de ce que les Promo
nades y recommencent vers la S.Valentin,
au 14 Février; auquel temps le plus
souvent les beaux jours recommencent i
paraître en Iralie.La différence du climat
empêcIhe d.e cVroireoquleplaumêimse rsaiseon
avoir donné lieu auxValentinesde
letz, et quand même on envisageroit la
Valentin au 14Février, telle qu'elle
trouvoit réellement avant la suppresen
de dix jours faite au Calendrier l'an
82. La température de la Lorraine est
core trop peu échauffée en ce temps-là
,ur admettre les promenades. Peut être
faut-il considérer en tout cela la Fête
S.Valentin,que comme concourante le
Ut; souvent avec le temps que précéde le
arême, auquel
,
si les promenades ne
ne pas communes, les divertissemens
doublent dans l'intérieur des maisons.
vous laisse le maître de choisir laquelil
vous plaira de ces conjectures, et je
s, &c.
A Auxerre, ce ro Mars 1735.
Fermer
Résumé : LETTRE sur les Bains de Toul et les Valantines de Metz.
La lettre aborde les pratiques religieuses et les coutumes anciennes dans les diocèses de Toul et de Metz. À Toul, au quinzième siècle, la fête de Pâques était marquée par un concours général du clergé dans la cathédrale. Tous les membres du clergé, y compris les curés de la ville et les abbés des environs, devaient se réunir à Matines à l'aube. Les abbayes éloignées et les églises collégiales avec des maisons d'hospice dans la ville épiscopale devaient également envoyer des représentants. Cette pratique visait à honorer la résurrection du Christ et à montrer la subordination des églises du diocèse à la cathédrale. Les évêques introduisaient des réguliers dans les églises subordonnées aux cathédrales, les soumettant aux mêmes obligations que celles imposées aux précédents occupants. Au huitième siècle, ce devoir était partagé tout au long de l'année, chaque communauté et paroisse servant l'église cathédrale pendant une semaine. Les paroisses les plus éloignées servaient pendant l'été, tandis que les moins éloignées servaient pendant les saisons où les jours étaient plus courts. Au dixième siècle, les curés de tout le diocèse devaient venir rendre hommage à la cathédrale lors des fêtes de la Pentecôte, accompagnés de leurs paroissiens, sans exception pour les plus éloignés. Les sanctions pour les absents ou les retardataires incluaient la privation de vin pendant quarante jours ou, à Toul, l'immersion dans l'eau de la Moselle. Les personnes de mérite pouvaient se racheter en payant deux sols. La lettre mentionne également les 'Valentines' de Metz, des coutumes publiques de danse et de divertissement interdites par les statuts synodaux du diocèse. L'origine de ces fêtes est incertaine, mais elles pourraient être liées à la Saint-Valentin ou à des maisons de plaisance. La lettre se conclut par une réflexion sur les divertissements à Pâques et les curiosités locales.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 210-218
LETTRE de M. L. B. Ch. & Souchantre de l'Eglise d'Auxerre, écrite à M. l'Abbé Fenel, Chanoine de l'Eglise Metropolitaine de Sens, touchant l'origine du Proverbe, Li Chanteor de Sens.
Début :
Vous avez peut-être crû, Monsieur, que je ne parlois pas sérieusement, [...]
Mots clefs :
Proverbe, Sens, Chant, Église, Primes, Office, Auteur, Musique, Églises, Charlemagne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. L. B. Ch. & Souchantre de l'Eglise d'Auxerre, écrite à M. l'Abbé Fenel, Chanoine de l'Eglise Metropolitaine de Sens, touchant l'origine du Proverbe, Li Chanteor de Sens.
LETTRE de M. L. B.Ch. & Souchantre
de l'Eglise d' Auxerre , écrite à M. l'Abbé
Fenel , Chanoine de l'Eglise Metropo
litaine de Sens , touchant l'origine du
Proverbe , Li Chanteor de Sens .
V
Ous avez peut-être crû , Monsieur,
que je ne parlois pas sérieusement
lorsque je vous ai demandé par ma dernie
ce qu'on pensoit à Sens tou re Lettre
>
chang
FEVRIER.. 1734. 218
chant la dénomination qu'un manuscrit
de Saint Germain des Prez , dont il y a
un Extrait dans le Mercure de Septembre
dernier , donne à votre Ville . Je n'ai eu
nulle envie de vous surprendre , lorsque
je me suis informé de vous , si cette épithete
Li chanteor de Sens n'avoit reveillé
l'attention de personne.Supposé que l'Auteur
,publié dans le Mercure,dise la verité,
et que la Liste des Proverbes courans anciennement
en France , soit du tems de
Philippe le Bel , ou environ , il s'ensuivra
seulement par rapport à la Ville de Sens ,
qu'elle étoit alors distinguée par un endroit
honorable ; et pendant que d'autres
Villes étoient renommées , je ne sçai de
quelle maniere la vôtre,qui avoit le chant
en affection , où qui étoit peuplée de
Chantres , se faisoit considerer de ce côté-
là. Vous êtes convenu en me faisant
réponse , que le chant a été cultivé autrefois
chez vous plus que mediocrement :
les preuves que vous en apportez sont ;
1º . la mesure que battoit le Préchantre
en certaines occasions ; 2 °. l'usage ancien
où le même Préchantre étoit de baller ,
ensorte qu'on disoit , à teljour le Préchantre
balle. 3 ° . La coûtume de vos dignitez
de venir à la Neume du grand répons visà-
vis le bas Cheur. Vous avez très grande
212 MERCURE DE FRANCE
de raison ces preuves sont des indices
assez forts ; mais je puis vous dire de plus
qu'il falloit que le chant dans votre Ville
fût en très singuliere recommandation´,
puisque l'Archevêque se faisoit un devoir
de chanter lui - même le celebre répons Afpiciens
, qui est le premier des Nocturnes
de l'Avent. C'est ce que j'ai lu dans l'un
des monumens de votre Eglise. Et j'en
conclus qu'il falloit qu'alors la science du
chant fut très-florissante parmi vous.
Cependant , pour que cet attachement
au chant ait fait naître le Proverbe en
question , je pense qu'il faut encore quelque
chose de plus fort. Je me flatte de l'ayoir
trouvé. C'est , que votre Eglise a été
apparemment l'une des premieres qui ait
adinis le Déchant qui étoit la Musique du
douzième siècle et des suivans . Le Credo
que je vous ai fait voir , noté à deux parties
, dans un des Missels du treiziéme sié
cle conservez chez vous , en est une preuve
manifeste. Car , si la profession de foy
étoit récitée musicalement , comment ne
l'étoient- elles point les autres parties de
l'Office : Le Déchant Discantus fit donc
grande fortune dans l'Eglise de Sens
delà , probablement il s'étendit dans les
Eglises suffragantes . Galvanée Dominicain
Italien , qui mourut en 1297. dit de
Charlemagne
et
FEVRIER: 1734: 213
,
Charlemagne dans son Manipulus Florum.
T. XI.fcriptorum Italicorum pag. 601. Tres
fcolas pro Gregoriano Officio addiscendo ultra
montes instituit . Primam posuit Metis ,
secundam Senonis tertiam Aurelianis:
Je pense que cet Auteur n'a écrit ceci
que parce qu'au treizième siècle on le
croyoit ainsi , et qu'on n'attribuoit point
alors à d'autre qu'à Charlemagne , l'émulation
qui regnoit dans le chant à Sens et
à Orleans. Je ne sçai pas en quel temps
votre Chapitre à congedié les Musiciens ,
mais je sçai bien qu'on y chantoit encore
ce Déchant ou musique ancienne sur les
Ode Noël en 1553. Ce fut cette année là
que notre Chapitre tenant à honneur de
se regler sur le vôtre , conclut en ces termes
le seizième Décembre : Insuper Domini
volentes insequi vestigia Ecclesia Metropolitane
Senonensis & plerarunque aliaruin
Cathedralium hujus regni , concluserunt
☛ ordinaverunt quòd dum decantabuntur illa
novem folemnes Antiphona ad Magnificat
que incipiunt per O ante novem dies pracedentes
Festum Nativitatis Salvatoris D. N.
J. C. qualibet earum Antiphonarum canta
bitur bis , videlicet in principio & in fine dica
ti Cantici Magnificat in musicalibus sive
discantu et cum organis ; et tunc ad aquilam
deferentur due cruces argentea cum duabus
tadis
214 MERCURE DE FRANCE
tadis accensis , ad majorem jubilationem &
divini cultus augmentationem. Si votre Chapitre
fut des premiers à admettre l'organisation
du chant Gregorien , c'est- à - dire,
à permettre qu'on fit des accords sur ce
chant , il fut aussi des premiers à rejetter
cet usage ; non pas que ces accords blessassent
l'oreille , mais parce qu'on sentit
peut être quelques inconveniens de la part
de ceux qui l'executoient. Je crois que
votre Eglise a très prudemment fait , de
prévenir le temps des rafinemens où nous
sommes à present , temps auquel la musique
voudroit supplanter le plainchant.
Les Musiciens en general , et ceux qui
leur sont, pour ainsi dire, affiliez , ou qui leur
touchent par quelque endroir , comme ,
par exemple , seroit un Chanoine , qui
sçait un peu toucher du Clavecin ou
chanter sa partie de musique , font des
raisonnemens si pitoyables en fait de
plainchant , et traitent si malceite science ,
que tout est à craindre pour les Eglises où
ils sont écoutez .
Je présume ( quoique votre nouveau
Breviaire n'en dise rien ) que vous avez
conservé l'ancien usage de chanter dans
votre Choeur le jour de Saint - Etienne le
Pseaume All luiatique Landate 148. dans
un des modes qui sont diffens du systême
FEVRIER. 1733 . 215
me Gregorien , un mode Psalmodique
dont la dominante est corde finale même
de l'ancienne . A l'égard de la semaine de
Pâques , je suis assuré que vous chantez
comme nous aux petites Heures sur une
corde élevée d'un ton seulement au- dessus
de la corde finale de l'ancienne , conformement
aux anciens Livres de l'une et de
l'autre Eglise. Ces modes sont l'écueil de
tous les Musiciens : ils n'y entendent rien
tous tant qu'ils sont ; et en effet , si la
science de quelques-uns ne va pas jusqu'à
connoître seulement le détail du systême
Gregorien , comment pourroient- ils penetrer
dans les systêmes de chant qui sont
plus anciens , et reconnoître dans nos
Offices ce qui en est émané ? Continuez ,
Monsieur , à conserver des vestiges de ces
anciens modes . Il ne dépendra pas de moi
qu'on n'en fasse de même ici , non plus
qu'à Tours et à Langres , dont les Livres
contiennent des restes de cet ancien systême,
usité dans les Gaules avant le siecle
de Charlemagne.
Qui conservera donc toutes les varietez
de chant , si ce n'est les Eglises Cathedrales
dont le Clergé est nombreux ? Il n'y
a de contradiction à attendre là- dessus ,
de la part de ceux qui n'y comprennent
rien , et qui ne sont pas en état d'y
que
rien
216 MERCURE DE FRANCE
rien comprendre. Il y a aussi certaines autres
varietez dans le chant de l'Office Divin
, que l'on supprime quelquefois sans
assez d'attention , pour abreger seulement ,
sous prétexte que les paroles ne sont pas
tirées de l'Ecriture Sainte . Mais ce que j'ai
à leur opposer passeroit les bornes d'une
simple Lettre je n'ai garde de m'étendre
là - dessus . Lorsque se sont des Chanoines
qui raisonnent ainsi , je les fais ressouvenir
de cette belle parole de l'Auteur de
Livre de la coutume d'adorer Dieu de bout
qu'une Eglise Cathedrale doit être la dépositaire
, et la conservatrice de tout ce
qui est négligé dans les petites Eglises , et
que c'est dans son sein qu'en doit retrou
ver l'antiquité qui périt presque par tout
ailleurs , par manque de Clergé , ou faute
de zele pour sa conservation.
J'ai lûavec beaucoup de satisfaction l'éloge
que fait de votre Eglise M. de Molcon
dans son voyage Liturgique , pages
162 et 163. tant sur la séparation de toutes
les Heures de l'Office , que sur le reste.
Ce livre imprimé en 1718. mérite d'avoir
sa place dans la Bibliotheque du Chapitre.
l'Auteur en rapportant sur quel pied
il a vû celebrer l'Office de Primes lorsqu'il
passa par Sens vers l'an 1697. Primes , ditil
, est de toutes les petites Heures l'Office qui
est
FEVRIER. 1734. 217
est toûjours le mieux chanté à Sens . Ils ont
retenu l'ancien Office de Primes. Le Dimanche
, ils disent le Magna Prima ou les grandes
Primes , qui outre les nôtres , contiennent
les fix Pfeaumes qu'on diftribuë à Primes
chaque jour de la semaine . Si vos nouveaux
Breviaires ont un peu abregé le nombre
des Pseaumes , ils n'ont rien diminué de
la noblesse avec laquelle vous chantez
Primes les Dimanches . Tous les Etrangers
qui assistent en sont édifiez , comme
aussi de la majesté et de la gravité avec laquelle
on en chante l'Antienne. Pour le
coup on peut bien dire Li chanteor de
Sens. Cet exemple au reste est à proposer
aux Eglises de la Province , qui toutes ont
eu comme vous le Magna Prima les Dimanches
et dans quelques-unes desquelles
on est près de se relâcher sur ce
qui en tient lieu. Il merite encore mieux
d'être imité que celui de la Musique sur
les O de Noël que nous avons prise de
vous : et ce que vous pratiquez est
plus canonique , que ne l'est la demarche
de ceux qui sollicitent et pressent
pour qu'on chante ces Primes Dominicales
à la maniere des jours . Joly , Chantre
de Notre-Dame de Paris , a fort bien remarqué
dans son Traité de Horis Canonicis
, pag. 40, que l'Office de Primes a été
>
1
établi
218 MERCURE DE FRANCE
établi pour honorer specialement
la Sainte
Trinité ; et c'est sans doute le fondement
sur lequel est appuyée la sage pratique
de votre Eglise.
Je finirai , Monsieur , en vous marquant
que vous vous êtes trompé , lorsque
vous m'avez crû Auteur de la Réponse
, qui est dans le Mercure de Novembre
dernier à la question proposée dans
celui de Juin , touchant l'autorité des Musiciens
en fait de Plainchant . Elle contient
certaines choses qui auroient dû vous empêcher
d'avoir cette pensée. J'approuve
les raisonnemens de l'Ecrivain ; ils sont
très judicieux , mais je n'en suis point
l'Auteur. Au reste il viendra peut- être un
temps où vous verrez un petit ouvrage à
l'occasion de la Décretale de Jean XXII .
Docta Sanctorum . Extr. Comm. de vita
hon . Cleric. lequel traitera en partie la
même matiere . Alors votre jugement sera
mieux fondé. Je suis , &c.
A Auxerre le 19. Décembre 1733 .
de l'Eglise d' Auxerre , écrite à M. l'Abbé
Fenel , Chanoine de l'Eglise Metropo
litaine de Sens , touchant l'origine du
Proverbe , Li Chanteor de Sens .
V
Ous avez peut-être crû , Monsieur,
que je ne parlois pas sérieusement
lorsque je vous ai demandé par ma dernie
ce qu'on pensoit à Sens tou re Lettre
>
chang
FEVRIER.. 1734. 218
chant la dénomination qu'un manuscrit
de Saint Germain des Prez , dont il y a
un Extrait dans le Mercure de Septembre
dernier , donne à votre Ville . Je n'ai eu
nulle envie de vous surprendre , lorsque
je me suis informé de vous , si cette épithete
Li chanteor de Sens n'avoit reveillé
l'attention de personne.Supposé que l'Auteur
,publié dans le Mercure,dise la verité,
et que la Liste des Proverbes courans anciennement
en France , soit du tems de
Philippe le Bel , ou environ , il s'ensuivra
seulement par rapport à la Ville de Sens ,
qu'elle étoit alors distinguée par un endroit
honorable ; et pendant que d'autres
Villes étoient renommées , je ne sçai de
quelle maniere la vôtre,qui avoit le chant
en affection , où qui étoit peuplée de
Chantres , se faisoit considerer de ce côté-
là. Vous êtes convenu en me faisant
réponse , que le chant a été cultivé autrefois
chez vous plus que mediocrement :
les preuves que vous en apportez sont ;
1º . la mesure que battoit le Préchantre
en certaines occasions ; 2 °. l'usage ancien
où le même Préchantre étoit de baller ,
ensorte qu'on disoit , à teljour le Préchantre
balle. 3 ° . La coûtume de vos dignitez
de venir à la Neume du grand répons visà-
vis le bas Cheur. Vous avez très grande
212 MERCURE DE FRANCE
de raison ces preuves sont des indices
assez forts ; mais je puis vous dire de plus
qu'il falloit que le chant dans votre Ville
fût en très singuliere recommandation´,
puisque l'Archevêque se faisoit un devoir
de chanter lui - même le celebre répons Afpiciens
, qui est le premier des Nocturnes
de l'Avent. C'est ce que j'ai lu dans l'un
des monumens de votre Eglise. Et j'en
conclus qu'il falloit qu'alors la science du
chant fut très-florissante parmi vous.
Cependant , pour que cet attachement
au chant ait fait naître le Proverbe en
question , je pense qu'il faut encore quelque
chose de plus fort. Je me flatte de l'ayoir
trouvé. C'est , que votre Eglise a été
apparemment l'une des premieres qui ait
adinis le Déchant qui étoit la Musique du
douzième siècle et des suivans . Le Credo
que je vous ai fait voir , noté à deux parties
, dans un des Missels du treiziéme sié
cle conservez chez vous , en est une preuve
manifeste. Car , si la profession de foy
étoit récitée musicalement , comment ne
l'étoient- elles point les autres parties de
l'Office : Le Déchant Discantus fit donc
grande fortune dans l'Eglise de Sens
delà , probablement il s'étendit dans les
Eglises suffragantes . Galvanée Dominicain
Italien , qui mourut en 1297. dit de
Charlemagne
et
FEVRIER: 1734: 213
,
Charlemagne dans son Manipulus Florum.
T. XI.fcriptorum Italicorum pag. 601. Tres
fcolas pro Gregoriano Officio addiscendo ultra
montes instituit . Primam posuit Metis ,
secundam Senonis tertiam Aurelianis:
Je pense que cet Auteur n'a écrit ceci
que parce qu'au treizième siècle on le
croyoit ainsi , et qu'on n'attribuoit point
alors à d'autre qu'à Charlemagne , l'émulation
qui regnoit dans le chant à Sens et
à Orleans. Je ne sçai pas en quel temps
votre Chapitre à congedié les Musiciens ,
mais je sçai bien qu'on y chantoit encore
ce Déchant ou musique ancienne sur les
Ode Noël en 1553. Ce fut cette année là
que notre Chapitre tenant à honneur de
se regler sur le vôtre , conclut en ces termes
le seizième Décembre : Insuper Domini
volentes insequi vestigia Ecclesia Metropolitane
Senonensis & plerarunque aliaruin
Cathedralium hujus regni , concluserunt
☛ ordinaverunt quòd dum decantabuntur illa
novem folemnes Antiphona ad Magnificat
que incipiunt per O ante novem dies pracedentes
Festum Nativitatis Salvatoris D. N.
J. C. qualibet earum Antiphonarum canta
bitur bis , videlicet in principio & in fine dica
ti Cantici Magnificat in musicalibus sive
discantu et cum organis ; et tunc ad aquilam
deferentur due cruces argentea cum duabus
tadis
214 MERCURE DE FRANCE
tadis accensis , ad majorem jubilationem &
divini cultus augmentationem. Si votre Chapitre
fut des premiers à admettre l'organisation
du chant Gregorien , c'est- à - dire,
à permettre qu'on fit des accords sur ce
chant , il fut aussi des premiers à rejetter
cet usage ; non pas que ces accords blessassent
l'oreille , mais parce qu'on sentit
peut être quelques inconveniens de la part
de ceux qui l'executoient. Je crois que
votre Eglise a très prudemment fait , de
prévenir le temps des rafinemens où nous
sommes à present , temps auquel la musique
voudroit supplanter le plainchant.
Les Musiciens en general , et ceux qui
leur sont, pour ainsi dire, affiliez , ou qui leur
touchent par quelque endroir , comme ,
par exemple , seroit un Chanoine , qui
sçait un peu toucher du Clavecin ou
chanter sa partie de musique , font des
raisonnemens si pitoyables en fait de
plainchant , et traitent si malceite science ,
que tout est à craindre pour les Eglises où
ils sont écoutez .
Je présume ( quoique votre nouveau
Breviaire n'en dise rien ) que vous avez
conservé l'ancien usage de chanter dans
votre Choeur le jour de Saint - Etienne le
Pseaume All luiatique Landate 148. dans
un des modes qui sont diffens du systême
FEVRIER. 1733 . 215
me Gregorien , un mode Psalmodique
dont la dominante est corde finale même
de l'ancienne . A l'égard de la semaine de
Pâques , je suis assuré que vous chantez
comme nous aux petites Heures sur une
corde élevée d'un ton seulement au- dessus
de la corde finale de l'ancienne , conformement
aux anciens Livres de l'une et de
l'autre Eglise. Ces modes sont l'écueil de
tous les Musiciens : ils n'y entendent rien
tous tant qu'ils sont ; et en effet , si la
science de quelques-uns ne va pas jusqu'à
connoître seulement le détail du systême
Gregorien , comment pourroient- ils penetrer
dans les systêmes de chant qui sont
plus anciens , et reconnoître dans nos
Offices ce qui en est émané ? Continuez ,
Monsieur , à conserver des vestiges de ces
anciens modes . Il ne dépendra pas de moi
qu'on n'en fasse de même ici , non plus
qu'à Tours et à Langres , dont les Livres
contiennent des restes de cet ancien systême,
usité dans les Gaules avant le siecle
de Charlemagne.
Qui conservera donc toutes les varietez
de chant , si ce n'est les Eglises Cathedrales
dont le Clergé est nombreux ? Il n'y
a de contradiction à attendre là- dessus ,
de la part de ceux qui n'y comprennent
rien , et qui ne sont pas en état d'y
que
rien
216 MERCURE DE FRANCE
rien comprendre. Il y a aussi certaines autres
varietez dans le chant de l'Office Divin
, que l'on supprime quelquefois sans
assez d'attention , pour abreger seulement ,
sous prétexte que les paroles ne sont pas
tirées de l'Ecriture Sainte . Mais ce que j'ai
à leur opposer passeroit les bornes d'une
simple Lettre je n'ai garde de m'étendre
là - dessus . Lorsque se sont des Chanoines
qui raisonnent ainsi , je les fais ressouvenir
de cette belle parole de l'Auteur de
Livre de la coutume d'adorer Dieu de bout
qu'une Eglise Cathedrale doit être la dépositaire
, et la conservatrice de tout ce
qui est négligé dans les petites Eglises , et
que c'est dans son sein qu'en doit retrou
ver l'antiquité qui périt presque par tout
ailleurs , par manque de Clergé , ou faute
de zele pour sa conservation.
J'ai lûavec beaucoup de satisfaction l'éloge
que fait de votre Eglise M. de Molcon
dans son voyage Liturgique , pages
162 et 163. tant sur la séparation de toutes
les Heures de l'Office , que sur le reste.
Ce livre imprimé en 1718. mérite d'avoir
sa place dans la Bibliotheque du Chapitre.
l'Auteur en rapportant sur quel pied
il a vû celebrer l'Office de Primes lorsqu'il
passa par Sens vers l'an 1697. Primes , ditil
, est de toutes les petites Heures l'Office qui
est
FEVRIER. 1734. 217
est toûjours le mieux chanté à Sens . Ils ont
retenu l'ancien Office de Primes. Le Dimanche
, ils disent le Magna Prima ou les grandes
Primes , qui outre les nôtres , contiennent
les fix Pfeaumes qu'on diftribuë à Primes
chaque jour de la semaine . Si vos nouveaux
Breviaires ont un peu abregé le nombre
des Pseaumes , ils n'ont rien diminué de
la noblesse avec laquelle vous chantez
Primes les Dimanches . Tous les Etrangers
qui assistent en sont édifiez , comme
aussi de la majesté et de la gravité avec laquelle
on en chante l'Antienne. Pour le
coup on peut bien dire Li chanteor de
Sens. Cet exemple au reste est à proposer
aux Eglises de la Province , qui toutes ont
eu comme vous le Magna Prima les Dimanches
et dans quelques-unes desquelles
on est près de se relâcher sur ce
qui en tient lieu. Il merite encore mieux
d'être imité que celui de la Musique sur
les O de Noël que nous avons prise de
vous : et ce que vous pratiquez est
plus canonique , que ne l'est la demarche
de ceux qui sollicitent et pressent
pour qu'on chante ces Primes Dominicales
à la maniere des jours . Joly , Chantre
de Notre-Dame de Paris , a fort bien remarqué
dans son Traité de Horis Canonicis
, pag. 40, que l'Office de Primes a été
>
1
établi
218 MERCURE DE FRANCE
établi pour honorer specialement
la Sainte
Trinité ; et c'est sans doute le fondement
sur lequel est appuyée la sage pratique
de votre Eglise.
Je finirai , Monsieur , en vous marquant
que vous vous êtes trompé , lorsque
vous m'avez crû Auteur de la Réponse
, qui est dans le Mercure de Novembre
dernier à la question proposée dans
celui de Juin , touchant l'autorité des Musiciens
en fait de Plainchant . Elle contient
certaines choses qui auroient dû vous empêcher
d'avoir cette pensée. J'approuve
les raisonnemens de l'Ecrivain ; ils sont
très judicieux , mais je n'en suis point
l'Auteur. Au reste il viendra peut- être un
temps où vous verrez un petit ouvrage à
l'occasion de la Décretale de Jean XXII .
Docta Sanctorum . Extr. Comm. de vita
hon . Cleric. lequel traitera en partie la
même matiere . Alors votre jugement sera
mieux fondé. Je suis , &c.
A Auxerre le 19. Décembre 1733 .
Fermer
Résumé : LETTRE de M. L. B. Ch. & Souchantre de l'Eglise d'Auxerre, écrite à M. l'Abbé Fenel, Chanoine de l'Eglise Metropolitaine de Sens, touchant l'origine du Proverbe, Li Chanteor de Sens.
En février 1734, M. L. B. Ch. & Souchantre écrit à l'Abbé Fenel pour discuter de l'origine du proverbe 'Li Chanteor de Sens'. L'auteur, intrigué par ce proverbe mentionné dans un manuscrit de Saint-Germain-des-Prés, suppose qu'il pourrait indiquer une renommée particulière de la ville de Sens pour le chant. L'Abbé Fenel confirme que le chant était effectivement très cultivé à Sens, citant plusieurs preuves telles que la mesure battue par le préchantre, l'usage du préchantre de danser, et la coutume des dignitaires de venir à la neume du grand répons. L'archevêque de Sens chantait lui-même le répons 'Aspiciens' lors des Nocturnes de l'Avent, témoignant de l'importance du chant dans cette ville. L'auteur suggère que l'Église de Sens a été l'une des premières à adopter le déchant, une forme de musique du douzième siècle. Il mentionne un manuscrit du treizième siècle conservant un Credo noté à deux parties et cite Galvanée Dominicain, qui attribue à Charlemagne l'institution de l'enseignement du chant à Sens. La lettre aborde également la suppression des musiciens par le chapitre de Sens et la persistance du déchant jusqu'en 1553. L'auteur admire la prudence de l'Église de Sens en rejetant les accords sur le chant grégorien, anticipant les excès de la musique moderne. L'auteur loue l'Église de Sens pour avoir conservé des modes de chant anciens et encourage à maintenir ces traditions, soulignant l'importance des Églises cathédrales dans la préservation de l'antiquité liturgique. Il mentionne également l'éloge de l'Église de Sens par M. de Molcon dans son 'Voyage Liturgique' et approuve les pratiques liturgiques de Sens, notamment le chant des grandes Primes le dimanche.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
19
p. 485-493
LETTRE du S. de l'Eglise d'Auxerre, à M.... Chanoine de l'Eglise de C. touchant les traditions populaires, au sujet de l'occurrence de la Fête de Pâques, au 25 Avril.
Début :
Vous êtes, sans doute, informé, Monsieur, des Traditions, qui courent [...]
Mots clefs :
Traditions populaires, Fête de Pâques, Dieu, Saint Jean, Tables, Intervalle, Fête-Dieu, Peuple, Litanies, Origine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE du S. de l'Eglise d'Auxerre, à M.... Chanoine de l'Eglise de C. touchant les traditions populaires, au sujet de l'occurrence de la Fête de Pâques, au 25 Avril.
LETTRE du S. de l'Eglise d'Auxerre
à M.... Chanoine de l'Eglise de C.
touchant les traditions populaires, au sujet
de Poccurrence de la Fête de Pâques , an
25 Avril.
V
Ous êtes , sans doute , informé ;;
Monsieur , des Traditions , qui
courent parmi le Peuple , touchant les
années où la Fête de Pâques arrive le 25
Avril , telle que sera l'année prochaine
1734. Il résulte de cette occurrence qu'en
ces années là , la Fête- Dieu se trouve le
24 Juin jour de la Nativité de S. Jean-
D iij
Bap486
MERCURE DE FRANCE
Baptiste , et c'est par rapport à cette .
rencontre qu'il est né un certain Proverbe
touchant la fin du Monde. Pour
en faire voir l'illusion , il me semble qu'il
suffit d'en découvrir l'origine ou plutôt
la
nouveauté.Chacun sçait que la Solemnité
de la Fête Dieu n'a commencé qu'au
treizième siècle . A vant ce tems- là , Pâques
arrivoit quelquefois le 25 Avril, et laNativité
de S. Jean se célébroit le 24 Juin en
son véritable jour sans être transferée . Ce
n'est donc que depuis qu'on a prévû
qu'on seroit obligé de déplacer S. Jean
pour y mettre le Messie dont il a été le
Précurseur , qu'on peut avoir imaginé
une pareille opinion ; et probablement
elle ne s'est formée qu'à la fin du treiziéme
siécle ou durant le quatorziéme,; en effet
comme on fut près de deux cent- cinquante
ans sans voir arriver Pâques le 25
Avril , la rareté de l'éyenement aura pû
porter à inventer quelques dictons làdessus
. Et comme les Tables Pascales
n'étoient point entre les mains de tout
le monde , et qu'on se contentoit d'attacher
chaque année au Cierge Pascal la
Table des Fêtes mobiles de l'année seulement,
peu de personnes étoient en état
de prévoir quand Pâques arriveroit le 23
Avril , et le plus grand nombre ignoroit
comMARS
1734. 487
combien de fois cette Fête étoit arrivée
ce jour -là depuis l'établissement duChristianisme.
Pour mettre donc au fait le
Public de cette connoissance , qu'il étoit
difficile d'avoir communément avant l'origine
de l'Impression , il est bon de
jeter la vue sur les Tables Chronologiques
que nous ont données M. Robert
dans sa Gaule Chrétienne, et M.du Cange
dans son Glossaire de la basse Latinité. Je
les ai examinées, et principalement la nouvelle
Edition qui vient d'être publiée
par deux sçavans Benedictins. Quoiqu'il
y soit resté quelques fautes que l'Imprimeur
n'a pû apparemment éviter dans
une si grande multitude de chiffres et
de Lettres initiales , je ne laisserai
tabler dessus et de représenter combien
de fois la Fête de Pâques est arrivée le
25. Avril depuis l'origine de la Religion
que nous professons . Ces Tables nous
apprennent que cette rencontre s'est déja
trouvée treize fois , et les voicy.
L'an 45. de Jesus- Christ.
pas
de
L'an 140.
L'an 1014.
L'an 1109 .
L'an 387.
L'an 482.
L'an 1204.
L'an 1415.
L'an 577
L'an , 672 .
L'an 1546.
L'an 919. L'an 1666.
Dirij Vous
488 MERCURE DE FRANCE
Vous reconnoîtrez par la vérification
que vous en pouvez faire , que j'ai regardé
avec raison comme des fautes d'impression
dans la derniere Edition de ces
Tables , que Pâques ait été marqué pour
les années 137. et 1022. ans au 25. Avril ,
au lieudu 25. Mars ; c'est ce qui est rendu
sensible par la Lettre Dominicale qui
convient à ces mêmes années ; vous avouerez
aussi qu'à l'année 672. ces mêmes
Tables contiennent une faute toute contraire
, mettant cette Fête au 25. Mars
au licu du 25. Avril . Mais ceci soit dit
en passant. Revenons au fait et instruisons
le vulgaire. On fut depuis l'an 1204.
jusqu'à l'an 1451. sans voir celebrer la
Fête de Pâques le 25. Avril , c'est- àdire
à peu près deux siecles et demi. Environ
dans le tiers de cet intervalle la
Fête- Dieu fut établie dans les Eglises
d'Occident. Alors il n'y avoit personne
sur terre qui pût avoir vû l'an 1204. et
l'on ne prévoyoit point que de long-temps
l'occurrence pût arriver que cette nouvelle
Fête fit cesser celle de S. Jean ; le
Peuple en conclut aisément que ce ne
seroit qu'à la fin du Monde , et il fut
facile d'imaginer des mysticitez sur cette
rencontre, toute fortuite qu'elle est . Telle
est , selon ma pensée , l'origine de l'idée
роры-
MAR S. 1734. 489
populaire sur la concurrence des deux
Fêtes. Quoiqu'il ne soit pas tout- à - fait
si rare de voir arriver Pâques le 24 Avril ,
et parconséquent la Fête Dieu le 23 .
Juin , veille de la S. Jean , les Peuples
n'ont laissé d'inventer aussi un proverbe
à ce sujet , et de dire en ces sortes
de rencontres :
pas
·
Quand Jeanfait jeûner Dieu ,
La Paix regne en tout lieu.
Mais la fausseté de cet axiome vul
gaire a été si palpable de nos jours , qu'on
doit conclure que la Tradition n'est pas
mieux fondée d'un côté que d'un autre.
Qui, en effet, peut assurer qu'on jouissoit
d'une paix universelle l'an 1707. auquel
Jean fit jeûner Dieu , c'est à dire, que la
Fête de S. Jean étant arrivée le second
Vendredi d'après la Pentecôte , il fallut
observer le jeûne ( du moins en certains
Pays ) le jour précedent , qui étoit le
Jeudi de la grande Solemnité de la Fête-
Dieu ? Il est également faux de dire que
la paix regnât en tout lieu l'an 1639.
qui étoit dans le même cas. Et si l'on
vouloit prendre la peine de remonter à
toutes les années où se trouvent de telles
concurrences , pour une qu'on remarqueroit
avoir été paisible en France , on ers
D v trou-
*
490 MERCURE DE FRANCE
trouveroit trois autres qui auroient été
tumultueuses dans le Royaume , ou ailleurs.
Il en est de ces traditions comme
de celle qui courut sur la fin du dixiéme
siécle ; on croyoit alors que lorsque la
Fête de l'Annonciation arriveroit le Vendredy
Saint , le monde finiroit. Richard ,
Abbé de Saint- Benoît sur Loire , ordonna
à Abbon l'un de ses Religieux d'écrire
là - dessus , pour désabuser le Peuple qui
croyoit que dès que l'on compteroit l'an
mille , le Jugement viendroit . Ce fut en
992 que l'Annonciation arriva le Ven
dredy- Saint , et elle étoit déja arrivée le
mêmejour onze ans auparavant.
Si le peuple étoit capable d'entrer dans
des examens de Chronologie , il verroit
que tous les changemens annuels de la
solemnité Pascale sont appuyez sur certaines
révolutions reglées , et sont déterminés
par le cours des astres à un certain
intervalle que l'intervalle ordinaire
entre deux Pâques du 25 Avril est
de 95 ans mais qu'après que cet intervalle
a eu lieu trois fois , il en faut admettre
un de 247 ans , après quoi suit
encore à trois reprises d'intervalle de 95
ans , avant que celui de 247 ans revienne.
C'est ce qui paroît dans l'extrait des
Tables que je vous ai representé ci- dessus.
De
MARS 1734. 491
De l'année 45 de Jesus- Christ à l'année
140 , il y a 95 ans. De l'année 145 à
celle de 387 , il y a 247 ans. De 387 à
482 il y a 95 ans. De 482 à 577 il y a
95 ans, De 577 à 672 il y a pareillement
95 ans. Mais de 672 à 919 il y a 247 ans.
Après cela on compte comme on a déja
fait deux fois ; de 919 à 1014 , il y a 95
ans. De 1014 à 1109 aussi 95 ans ; et de
1109 à 1204 pareille quantité de 95 ans.
Suit le grand intervalle de 247 ans depuis
l'an 1204 jusqu'à l'an 1451. Et enfin
de 1451 à 1546 il y a 95 ans. On auroit
continué encore deux fois 95 ans sans
la réforme du Calendrier qui fût faite à
Rome en 1582 , par laquelle on retrancha
tout à coup dix jours du mois
d'Octobre de cette année- là ; c'est ce qui
fit
que la premiere Pâque du 25 Avril au
lieu de revenir l'an 1641 ar bout de 95
ans , n'est arrivée que 25 ns après ,
c'est-à- dire au bout de 120
is après la
précédente ; et la seconde Pâques du
même 25 Avril , au lieu d'être differée
jusqu'en 1736 au bout de 95 ans reïterez ,
a été fixée à l'an 1734. après lequel temis
je ne sçai en quelle année elle reviendra .
Vous avez dû apprendre par le Journal
des Scavans du présent mois de May à
l'article des Nouvelles Litteraires de
#
D vj
Flo-
༥
492 MERCURE DE FRANCE
Florence ; qu'un Curé du Diocèse de
Pistoye en Italie , ptétend démontrer
dans un nouveau Traité sur la Fête de
Pâques , que la Réformation Grégoriene
a besoin d'être reformée elle -même
à cause des erreurs qu'elle contient par
rapport à la Fête de Pâques . Attendons
que cet Ouvrage soit venu jusqu'à nous
pour juger de ces erreurs , et si le calcul
Grégorien des Clefs de la Fête de
Pâques est sujet à des inconvéniens prévus.
>
Il n'est pas à souhaitter pour la tranquillité
des Rubriquaires Ecclesiastiques
que la Fête de Pâques revienne souvent
le 25 Avril . Vous scavez que c'est un
jour qui a été chargé successivement de
deux différentes cérémonies , toutes les
deux incompatibles avec cette Fête : Premierement
on y établit à Rome une Procession
de pénitence qui a été reçûe dans
presque toutes les Eglises de l'Occident ;
et que depuis ce tems - là on y aussi attaché
la Fête de l'Evangeliste S. Marc. A
l'égard de la premiere , je croi que vous
ne doutez point , non plus. que moi ,
ce que je tiens de feu M. l'Abbé Chastelain
, Chanoine de N. D. de Paris , que
le
25 Avril avoit été consacré cbez les
Payens par des Processions pour les biens
de
de
MARS 1734: 497
de la Terre ; ce qu'ils appelloient les Robigales
ou les Ambarvales , ( circonstarce
ignorée par M. Baillet , ) et qu'en
mémoire de cela on éloigne encore à
Rome le moins qu'il est possible du 25.
Avril les Litanies Chrétiennes qui y ont
été substituées. Je ne puis vous entrete
nir cette fois- cy de la raison qui a fait
tourner l'annonce de cette Procession ,
de la maniere dont elle l'est dans les
Brefs d'Auxerre , que l'on a tâché depuis
quinze ans de rendre les plus curieux et
les plus instructifs de tout le Royaume .
En attendant que je m'étende là - dessus
dans un petit Traité sur les Processions
du Paganisme , observez , s'il vous plaît ,
que c'est avec prudence que , si l'on n'a
pas fixé les Litanies Romaines plus avant
dans l'année que le 25. Avril , c'a été
vrai - semblablement de crainte qu'elles ne
concourussent quelquefois avec les Litaniès
Gallicanes , appellées Rogations , qui
peuvent arriver le 27. 28. et 19. Avril
lorsque Pâques a été le 22. Mars ; et parce
que l'Eglise de Rome a été bien aise
que les Litanies fussent toujours célebrées
les premieres.
Ce 28. May 1733 .
à M.... Chanoine de l'Eglise de C.
touchant les traditions populaires, au sujet
de Poccurrence de la Fête de Pâques , an
25 Avril.
V
Ous êtes , sans doute , informé ;;
Monsieur , des Traditions , qui
courent parmi le Peuple , touchant les
années où la Fête de Pâques arrive le 25
Avril , telle que sera l'année prochaine
1734. Il résulte de cette occurrence qu'en
ces années là , la Fête- Dieu se trouve le
24 Juin jour de la Nativité de S. Jean-
D iij
Bap486
MERCURE DE FRANCE
Baptiste , et c'est par rapport à cette .
rencontre qu'il est né un certain Proverbe
touchant la fin du Monde. Pour
en faire voir l'illusion , il me semble qu'il
suffit d'en découvrir l'origine ou plutôt
la
nouveauté.Chacun sçait que la Solemnité
de la Fête Dieu n'a commencé qu'au
treizième siècle . A vant ce tems- là , Pâques
arrivoit quelquefois le 25 Avril, et laNativité
de S. Jean se célébroit le 24 Juin en
son véritable jour sans être transferée . Ce
n'est donc que depuis qu'on a prévû
qu'on seroit obligé de déplacer S. Jean
pour y mettre le Messie dont il a été le
Précurseur , qu'on peut avoir imaginé
une pareille opinion ; et probablement
elle ne s'est formée qu'à la fin du treiziéme
siécle ou durant le quatorziéme,; en effet
comme on fut près de deux cent- cinquante
ans sans voir arriver Pâques le 25
Avril , la rareté de l'éyenement aura pû
porter à inventer quelques dictons làdessus
. Et comme les Tables Pascales
n'étoient point entre les mains de tout
le monde , et qu'on se contentoit d'attacher
chaque année au Cierge Pascal la
Table des Fêtes mobiles de l'année seulement,
peu de personnes étoient en état
de prévoir quand Pâques arriveroit le 23
Avril , et le plus grand nombre ignoroit
comMARS
1734. 487
combien de fois cette Fête étoit arrivée
ce jour -là depuis l'établissement duChristianisme.
Pour mettre donc au fait le
Public de cette connoissance , qu'il étoit
difficile d'avoir communément avant l'origine
de l'Impression , il est bon de
jeter la vue sur les Tables Chronologiques
que nous ont données M. Robert
dans sa Gaule Chrétienne, et M.du Cange
dans son Glossaire de la basse Latinité. Je
les ai examinées, et principalement la nouvelle
Edition qui vient d'être publiée
par deux sçavans Benedictins. Quoiqu'il
y soit resté quelques fautes que l'Imprimeur
n'a pû apparemment éviter dans
une si grande multitude de chiffres et
de Lettres initiales , je ne laisserai
tabler dessus et de représenter combien
de fois la Fête de Pâques est arrivée le
25. Avril depuis l'origine de la Religion
que nous professons . Ces Tables nous
apprennent que cette rencontre s'est déja
trouvée treize fois , et les voicy.
L'an 45. de Jesus- Christ.
pas
de
L'an 140.
L'an 1014.
L'an 1109 .
L'an 387.
L'an 482.
L'an 1204.
L'an 1415.
L'an 577
L'an , 672 .
L'an 1546.
L'an 919. L'an 1666.
Dirij Vous
488 MERCURE DE FRANCE
Vous reconnoîtrez par la vérification
que vous en pouvez faire , que j'ai regardé
avec raison comme des fautes d'impression
dans la derniere Edition de ces
Tables , que Pâques ait été marqué pour
les années 137. et 1022. ans au 25. Avril ,
au lieudu 25. Mars ; c'est ce qui est rendu
sensible par la Lettre Dominicale qui
convient à ces mêmes années ; vous avouerez
aussi qu'à l'année 672. ces mêmes
Tables contiennent une faute toute contraire
, mettant cette Fête au 25. Mars
au licu du 25. Avril . Mais ceci soit dit
en passant. Revenons au fait et instruisons
le vulgaire. On fut depuis l'an 1204.
jusqu'à l'an 1451. sans voir celebrer la
Fête de Pâques le 25. Avril , c'est- àdire
à peu près deux siecles et demi. Environ
dans le tiers de cet intervalle la
Fête- Dieu fut établie dans les Eglises
d'Occident. Alors il n'y avoit personne
sur terre qui pût avoir vû l'an 1204. et
l'on ne prévoyoit point que de long-temps
l'occurrence pût arriver que cette nouvelle
Fête fit cesser celle de S. Jean ; le
Peuple en conclut aisément que ce ne
seroit qu'à la fin du Monde , et il fut
facile d'imaginer des mysticitez sur cette
rencontre, toute fortuite qu'elle est . Telle
est , selon ma pensée , l'origine de l'idée
роры-
MAR S. 1734. 489
populaire sur la concurrence des deux
Fêtes. Quoiqu'il ne soit pas tout- à - fait
si rare de voir arriver Pâques le 24 Avril ,
et parconséquent la Fête Dieu le 23 .
Juin , veille de la S. Jean , les Peuples
n'ont laissé d'inventer aussi un proverbe
à ce sujet , et de dire en ces sortes
de rencontres :
pas
·
Quand Jeanfait jeûner Dieu ,
La Paix regne en tout lieu.
Mais la fausseté de cet axiome vul
gaire a été si palpable de nos jours , qu'on
doit conclure que la Tradition n'est pas
mieux fondée d'un côté que d'un autre.
Qui, en effet, peut assurer qu'on jouissoit
d'une paix universelle l'an 1707. auquel
Jean fit jeûner Dieu , c'est à dire, que la
Fête de S. Jean étant arrivée le second
Vendredi d'après la Pentecôte , il fallut
observer le jeûne ( du moins en certains
Pays ) le jour précedent , qui étoit le
Jeudi de la grande Solemnité de la Fête-
Dieu ? Il est également faux de dire que
la paix regnât en tout lieu l'an 1639.
qui étoit dans le même cas. Et si l'on
vouloit prendre la peine de remonter à
toutes les années où se trouvent de telles
concurrences , pour une qu'on remarqueroit
avoir été paisible en France , on ers
D v trou-
*
490 MERCURE DE FRANCE
trouveroit trois autres qui auroient été
tumultueuses dans le Royaume , ou ailleurs.
Il en est de ces traditions comme
de celle qui courut sur la fin du dixiéme
siécle ; on croyoit alors que lorsque la
Fête de l'Annonciation arriveroit le Vendredy
Saint , le monde finiroit. Richard ,
Abbé de Saint- Benoît sur Loire , ordonna
à Abbon l'un de ses Religieux d'écrire
là - dessus , pour désabuser le Peuple qui
croyoit que dès que l'on compteroit l'an
mille , le Jugement viendroit . Ce fut en
992 que l'Annonciation arriva le Ven
dredy- Saint , et elle étoit déja arrivée le
mêmejour onze ans auparavant.
Si le peuple étoit capable d'entrer dans
des examens de Chronologie , il verroit
que tous les changemens annuels de la
solemnité Pascale sont appuyez sur certaines
révolutions reglées , et sont déterminés
par le cours des astres à un certain
intervalle que l'intervalle ordinaire
entre deux Pâques du 25 Avril est
de 95 ans mais qu'après que cet intervalle
a eu lieu trois fois , il en faut admettre
un de 247 ans , après quoi suit
encore à trois reprises d'intervalle de 95
ans , avant que celui de 247 ans revienne.
C'est ce qui paroît dans l'extrait des
Tables que je vous ai representé ci- dessus.
De
MARS 1734. 491
De l'année 45 de Jesus- Christ à l'année
140 , il y a 95 ans. De l'année 145 à
celle de 387 , il y a 247 ans. De 387 à
482 il y a 95 ans. De 482 à 577 il y a
95 ans, De 577 à 672 il y a pareillement
95 ans. Mais de 672 à 919 il y a 247 ans.
Après cela on compte comme on a déja
fait deux fois ; de 919 à 1014 , il y a 95
ans. De 1014 à 1109 aussi 95 ans ; et de
1109 à 1204 pareille quantité de 95 ans.
Suit le grand intervalle de 247 ans depuis
l'an 1204 jusqu'à l'an 1451. Et enfin
de 1451 à 1546 il y a 95 ans. On auroit
continué encore deux fois 95 ans sans
la réforme du Calendrier qui fût faite à
Rome en 1582 , par laquelle on retrancha
tout à coup dix jours du mois
d'Octobre de cette année- là ; c'est ce qui
fit
que la premiere Pâque du 25 Avril au
lieu de revenir l'an 1641 ar bout de 95
ans , n'est arrivée que 25 ns après ,
c'est-à- dire au bout de 120
is après la
précédente ; et la seconde Pâques du
même 25 Avril , au lieu d'être differée
jusqu'en 1736 au bout de 95 ans reïterez ,
a été fixée à l'an 1734. après lequel temis
je ne sçai en quelle année elle reviendra .
Vous avez dû apprendre par le Journal
des Scavans du présent mois de May à
l'article des Nouvelles Litteraires de
#
D vj
Flo-
༥
492 MERCURE DE FRANCE
Florence ; qu'un Curé du Diocèse de
Pistoye en Italie , ptétend démontrer
dans un nouveau Traité sur la Fête de
Pâques , que la Réformation Grégoriene
a besoin d'être reformée elle -même
à cause des erreurs qu'elle contient par
rapport à la Fête de Pâques . Attendons
que cet Ouvrage soit venu jusqu'à nous
pour juger de ces erreurs , et si le calcul
Grégorien des Clefs de la Fête de
Pâques est sujet à des inconvéniens prévus.
>
Il n'est pas à souhaitter pour la tranquillité
des Rubriquaires Ecclesiastiques
que la Fête de Pâques revienne souvent
le 25 Avril . Vous scavez que c'est un
jour qui a été chargé successivement de
deux différentes cérémonies , toutes les
deux incompatibles avec cette Fête : Premierement
on y établit à Rome une Procession
de pénitence qui a été reçûe dans
presque toutes les Eglises de l'Occident ;
et que depuis ce tems - là on y aussi attaché
la Fête de l'Evangeliste S. Marc. A
l'égard de la premiere , je croi que vous
ne doutez point , non plus. que moi ,
ce que je tiens de feu M. l'Abbé Chastelain
, Chanoine de N. D. de Paris , que
le
25 Avril avoit été consacré cbez les
Payens par des Processions pour les biens
de
de
MARS 1734: 497
de la Terre ; ce qu'ils appelloient les Robigales
ou les Ambarvales , ( circonstarce
ignorée par M. Baillet , ) et qu'en
mémoire de cela on éloigne encore à
Rome le moins qu'il est possible du 25.
Avril les Litanies Chrétiennes qui y ont
été substituées. Je ne puis vous entrete
nir cette fois- cy de la raison qui a fait
tourner l'annonce de cette Procession ,
de la maniere dont elle l'est dans les
Brefs d'Auxerre , que l'on a tâché depuis
quinze ans de rendre les plus curieux et
les plus instructifs de tout le Royaume .
En attendant que je m'étende là - dessus
dans un petit Traité sur les Processions
du Paganisme , observez , s'il vous plaît ,
que c'est avec prudence que , si l'on n'a
pas fixé les Litanies Romaines plus avant
dans l'année que le 25. Avril , c'a été
vrai - semblablement de crainte qu'elles ne
concourussent quelquefois avec les Litaniès
Gallicanes , appellées Rogations , qui
peuvent arriver le 27. 28. et 19. Avril
lorsque Pâques a été le 22. Mars ; et parce
que l'Eglise de Rome a été bien aise
que les Litanies fussent toujours célebrées
les premieres.
Ce 28. May 1733 .
Fermer
Résumé : LETTRE du S. de l'Eglise d'Auxerre, à M.... Chanoine de l'Eglise de C. touchant les traditions populaires, au sujet de l'occurrence de la Fête de Pâques, au 25 Avril.
La lettre du Seigneur de l'Église d'Auxerre, adressée à un chanoine de l'Église de C., traite des traditions populaires liées à la fête de Pâques tombant le 25 avril, comme ce sera le cas en 1734. Cette coïncidence fait que la Fête-Dieu se trouve le 24 juin, jour de la Nativité de Saint Jean-Baptiste, ce qui a donné lieu à un proverbe sur la fin du monde. L'auteur précise que cette croyance est récente, car la Fête-Dieu n'a été instituée qu'au treizième siècle. Avant cette période, Pâques pouvait tomber le 25 avril sans conflit avec la fête de Saint Jean-Baptiste. L'auteur examine les tables chronologiques pour montrer que cette coïncidence s'est produite treize fois depuis l'origine du christianisme. Il mentionne des erreurs dans les tables imprimées et corrige les dates. Il note également que la rareté de cette occurrence a pu encourager la création de dictons populaires. L'auteur souligne que la Fête-Dieu a été établie environ deux siècles et demi après la dernière occurrence de Pâques le 25 avril, ce qui a conduit à des interprétations mystiques. La lettre mentionne également un proverbe lié à la coïncidence entre la Fête-Dieu et la veille de la Saint Jean, mais elle conteste sa validité en citant des exemples de périodes tumultueuses. L'auteur conclut en expliquant les cycles réguliers des dates de Pâques, influencés par les révolutions astrales, et mentionne la réforme du calendrier grégorien qui a modifié ces cycles. Il exprime également son inquiétude concernant les cérémonies incompatibles avec Pâques tombant le 25 avril, comme les processions de pénitence et la fête de Saint Marc.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
20
p. 838-849
LETTRE de M. L*** Ch. et S. d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure de France, touchant la Sépulture de saint Agnan, Evêque d'Orleans.
Début :
Il y a, Messieurs, plus de trente ans qu'un sçavant Ecclesiastique d'Orleans, [...]
Mots clefs :
Saint Aignan, Sépulture, Orléans, Évêque, Église, Saint Laurent, Nom, Translation, Saint Pierre, Saints, Églises, Roi Robert
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. L*** Ch. et S. d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure de France, touchant la Sépulture de saint Agnan, Evêque d'Orleans.
LETTRE de M. L *** Ch . et S.
d'Auxerre , aux Auteurs du Mercure de
France , touchant la Sépulture de saint
Agnan , Evêque d'Orleans.
Lya , Messieurs , plus de trente ans
leans , nommé M. le Brun , avoit composé
une ample Dissertation sur la Sépulture
de S. Agnan , dont on vous a envoyé
un Extrait , que vous avez publié
dans
MAY
839
་
1734
dans le Mercure de Septembre dernier .
Ainsi je ne croi pas que celui de qui vous
tenez cet Extrair , se fasse honneur de
la Dissertation. Je la conserve écrite de
la main de l'Auteur , avec la copie d'une
Lettre que M. Baillet lui écrivit en conséquence
de la communication qu'il lui
en donna. Certe Piece servit aussi à Orleans
à détromper tous ceux qui voulurent
en prendre communication . Je
suis bien aise que vous en ayez publié
l'essentiel.
C'est en effet une erreur grossiere de
croire que S. Agnan ait été inhumé dans
l'Eglise de S Laurent , qui est située à
l'Occident de la Ville d'Orleans . Outre
Is témoignages tirez du Testament de
eodebode , de la Vie de S. Mémin , de
celle de S. Euspice , que M. le Brun a
fait valoir , il s'en présente encore un
plus formel , qui n'est pas venu à sa
connoissance , et dont on ne peut éluder
la force , quelque antiquité qu'on s'avise
de donner à la Tranflation prétenduë
du Saint Corps d'une Eglise de S Laurent
, bâtie à l'Occident d'Orleans , en
celle de S. Pierre , bâtie à l'Orient. Cette
Tranflation doit passer pour chimerique,
dès-là qu'on lit dans une Vie authentique
de S. Agnan , qu'après son décès
A iiij un
842 MERCURE DE FRANCE
de S. Laurent à l'Occid.nt d'Orleans ,
laquelle est appellée S. Laurent des Orge
rils ,mais je me croi assez fondé pour soutenir
qu'il y en a eu une autre du nom
du même Saint , du côté Oriental. Si
dans Orleans il a existé jusqu'à cinq ou
six Eglises du nom de Saint Pierre ,
deux sous le titre de Saint Jean , et deux
sous celui de S. Germain d'Auxerre ;
quelle impossibilité y a-t'il qu'il n'y ait
aussi existé deux Eglises du nom de saint
Laurent N'y a- t'il pas eû de- même à
Paris deux Eglises du nom de S. Vincent,
Martyr d'Espagne ? Combien de Villes
où il y a plus d'une Eglise du titre de
S. Martin ou de quelqu'autre Saint célebre
?
Une preuve qu'il y a eu pendant quelques
siecles une Eglise ou Oratoire de
S. Laurent dans le Champ de Tétrade à
l'Orient d'Orleans et sur le Territoire de
l'Eglise qui a porté depuis le nom de
S. Agnan , est , que la memoire de ce saint
Martyr est distinguée de temps immémorial
de celle des autres Saints étrangers
, dans l'Eglise de S. Agnan même.
Dans le Catalogue des dix- neuf Autels
que l'on y érigea lorsque le Roy Robert
fit rebâtir à neuf cette Eglise , on voit
qu'après l'Autel principal sous l'invoca
tion
MAY. 1734.
843
tion de S. Pierre et S. Paul , celui de
S. Benoît et celui de S. Euverte , c'est
celui de S. Laurent qui suit immédiate
ment , par distinction au dessus de ceux
qui portoient le nom de S. Sauveur , de
Notre- Dame , de S. Jean , de S. Michel,
qui ne sont nommez qu'après. Je ne
prétens point qu'il y ait eu dans l'étenduë
du Champ de Tétrade , ni autour
de l'Eglise de S. Pierre , dite depuis saint
Agnan , autant d'Eglises qu'on érigea
d'Autels dans le nouvel Edifice achevé
l'an 1029. mais au moins y en avoit- il
eu d'érigez sous l'invocation de ceux qui
y sont nommez les premiers avant Notre
-Seigneur et la Sainte Vierge .
Helgaud , Moine de Fleury , ne parlet'il
pas d'une Eglise de S. Martin comme
existante sous le Roy Robert , laquelle
étoit une Chapelle à l'extremité du Cloftre
de S. Agnan , et qui n'existe plus ? Il
ne faut donc pasjuger des siecles passez par
les choses qui subsistent de nos jours , ni
croire qu'il n'y a jamais eu à Orleans
qu'une seule Eglise de S. Laurent , parce
qu'on n'en voit qu'une aujourd'hui . Il
doit y en avoir existé une autre à l'Orient
de la Cité ; et c'est cette Eglise aujourd'ui
inconnue et dans l'oubli , qui
sert de fondement à la Tradition d'Or-
A vj leans
844 MERCURE DE FRANCE
leans , que le Corps de S. Agnan a été
transferé de l'Eglise de S. Laurent en celle
qui a depuis porté son nom.
Lorsque le Corps de ce saint Evêque furt
remué pour la premiere fois , il a pû se
faire qu'il reposoit alors dans un Oratoire
ou petite Eglise de S. Laurent , bâtie
dans le Champ de Tétrade , et que
de- là , vû le peu d'éloignement , le Tombeau
tel qu'il étoit , ait été transporté dans
l'Eglise de S. Pierre , qui étoit le principal
Edifice entre ceux de ce Champ . La
petite Eglise de S. Laurent ayant ensuite
été détruite comme inutile , ou étant tombée
de vétusté , il sera arrivé depuis , lorsqu'on
parloit de la Tranflation du Corps.
de S. Agnan , que le Peuple aura attribué
à l'Eglise de S. Laurent des Orgerils ,
ce qui ne convenoit , dans la verité , qu'à
P'Oratoire de S. Laurent , qui avoit été
situé dans la partie toute opposée . Ainsi
se forment souvent les Traditions populaires.
On attribuë à l'objet existant , ce
qui n'avoit été dit ou écrit que de l'objet
détruit ou anéanti ; et pendant que personne
ne produit des preuves de la méprise
, l'erreur prend racine , elle s'autorise
ensuite de son antiquité , trouve
des Protecteurs dans les Habitans du Lieu
qu le nom se conserve , et il faur user
après
MAY. 1734 845
après cela de mille ménagemens pour les
faire revenir de la bévûe où la simplicité
de leurs prédécesseurs les avoit jettez.
M. Baillet n'a pas voulu adopter la nouvelle
Tradition de S. Laurent au Fauxbourg
Occidental d'Orleans . Le Pere de
Longueval , Jesuite , ne déterminant
point la situation de l'Eglise de S. Laurent
, a évité de la favoriser ouvertement.
Quoique la Tranflation du Corps de
S. Agnan du premier lieu de sa Sépulture
dans le lieu qui portoit le nom de
Basilique de S. Pierre , n'eût pas été d'un
grand trajet , et qu'elle n'ait peut- être
été que d'un jet de pierre , elle a cependant
été écrite dans les anciens Martyrologes
et Calendriers , parce qu'elle a été
assez remarquable pour ces temps - là où
les remuemens des Corps des Saints ne
se faisoient gueres que lorsqu'une Eglise
menaçoit ruine ou qu'elle étoit trop petite
pour le concours qui se faisoit à leurs
Tombeaux. On la croit du commencement
du septiéme siecle. L'Ombre de
M. Thiers auroit pû l'ajouter aux exemples
de Tranflations de Saints Confesseurs
qui autorisent sa rétractation * sur celle
de S. Firmin le Confès d'Amiens , outre
1
Cette rétractation est imprimée dans le Mersure:
de Juin x7.3.1 IĮ. volume.
celles
846 MERCURE DE FRANCE
celles de S. Vaast d'Arras , qui fut faite
dans le même siecle par S. Aubert , l'un
de ses Successeurs , et celle de S. Maximin
, Evêque de Tréves , faite aussi alors
par S. Hidulfe , Corevêque de ce Siege.
Je ne parle pas de quelques autres plus
anciennes , telle que celle des Saints Evêques
de Verdun , prédecesseurs de S. Airy
, faite par lui -même au sixiéme siecle ,
ni de celle de S. Gatien , premier Evêque
de Tours , faite par S. Martin.
On doit compter parmi les Martyrologes
où la premiere Tranfiation du Corps
de S. Agnan se trouve , outre celui de
Bede , deux autres qui ont été publiez
par Dom Martene , l'un au troisiéme vofume
de ses Anecdotes , page 1556. où
on lit Aurelianis Translatio S. Aniani ;
l'autre au sixième tome de son ample Col
lection , page 708. où se lit ce qui suit :
In civitate Aurelianis Tranflatio Corporis
S. Aniani Episcopi , et liberatio civitatis
ipsius à Hunnis. Les deux premiers sont
anterieurs au Roy Robert. Le troisiéme
a été écrit de son temps ; mais il copie
le fait de la premiére Transflation , et
non pas celle qui fut faite sous son Regne
l'an 1029. M. de Tillemont s'étonnoit
en 1697. que dans le Breviaire d'Orleans
, publié en 1693 , par M. de Coiſlin ,
l'on
MAY. 1734. 847
l'on ne parlât au XIV. Juin , que de la
Tranflation faite sous le Roy Robert :
et sa surprise étoit bien fondée . Il auroit
fallu en effet parler en ce jour d'abord
de la délivrance de la Ville d'Orleans
des mains des Huns , qui est le premier
Evenement remarquable , par rapport à
ce qui regarde S. Agnan . Puisque la Tradition
étoit il y a neuf cent ans ou mille
ans , que cette délivrance étoit arrivée
le 14. Juin , il étoit bon d'en conserver
la memoire à ce jour et de ne la pas porter
au 17. de Novembre , jour de la mort
du saint Evêque , comme on m'a assuré
qu'elle y a été portée avec son ancien
nom de Fête du Miracle. Secondement ,
il étoit à propos d'y inserer le souvenir
de la premiere Tranflation , au moins
d'une maniere generale ; puisque c'est
elle probablement qui a été la cause pour
laquelle on choisit en 1029. le 14 , et le
Is. Juin faire la seconde et pour
pour
proceder à la Dédicace de la nouvelle
Basilique , dont il ne reste plus aujourd'hui
que les Souterrains.
Ce sont autant de corrections qu'on
auroit pû faire dans la nouvelle Edition
du Breviaire d'Orleans de l'an 1731. mais
au lieu de cela , les Réviseurs ont mieux
aimé rétablir dans la Legende de S. Agnan
l'expres
848 MERCURE DE FRANCE
l'expression , qui avoit fait naître ancien
nement l'erreur populaire , que M. le
Brun des Marettes a combattuë et queje
combats après lui par un texte dont
on aura de la peine à éluder la force.
Ce deffaut d'exactitude dans les Légendes
locales , se trouve aussi accompagné
du retranchement de l'Office de plusieurs
Saints Locaux . Je me contenterai pour
le présent de nommer S. Aunaire , fameux
Evêque , né au VI . siecle dans la
Ville d'Orleans , mort le 25. Septembre ,
et d'y ajoûter une Fête que les Auteurs
du IX. siecle qualifioient de celebre dans
toutes les Eglises des Gaules au 1. Octobre,
laquelle étoit en memoire d'un Saint ,
qui en passant par Orleans au V.- siecle ,
y avoit operé deux Miracles rapportez
dans les Manuscrits de la Cathédrale
même. Tant que les Calendriers des nouveaux
Breviaires particuliers , ne seront
pas fondez sur les Histoires locales , les
imperfections y seront inévitables .
Il est temps maintenant de vous donner
la Lettre que M. Baillet écrivoit
le 16. Décembre 1703. à M. le Brun ,
duquel je vous ai parlé ; les plus petites
Productions de la plume des grands
Hommes , sont toujours bonnes à recueillir..
»Ja
MAY. 1734. 849
t
it
es
To
33
» Je suis fâché , M. que le mois de
» Novembre soit achevé pour la réim-
» pression , car je me serois fait un plai-
» sir et un devoir de profiter de ce que
» vous remarquez au sujet du lieu de la
Sépulture de S. Agnan , et de l'emploi
qu'il eut à S. Laurent avant son Epis-
» copat ; et je n'aurois point fait difficul-
» té de changer le titre équivoque d'A-
» bé , quoique l'on pût l'entendre d'un
» Superieur ou Pasteur de Paroisse , sans
prétendre qu'il y eût des Moines. Il
>> me paroît que les autres endroits sur
»quoi tombent vos Remarques , peuvent
» s'expliquer favorablement et subsister
»comme je les ai mis sans préjudice de
la verité des faits , autant qu'on peut
» faire foy sur l'autorité humaine. Je
n suis , &c .
と
2
Ce 17. Novembre 1733 .
d'Auxerre , aux Auteurs du Mercure de
France , touchant la Sépulture de saint
Agnan , Evêque d'Orleans.
Lya , Messieurs , plus de trente ans
leans , nommé M. le Brun , avoit composé
une ample Dissertation sur la Sépulture
de S. Agnan , dont on vous a envoyé
un Extrait , que vous avez publié
dans
MAY
839
་
1734
dans le Mercure de Septembre dernier .
Ainsi je ne croi pas que celui de qui vous
tenez cet Extrair , se fasse honneur de
la Dissertation. Je la conserve écrite de
la main de l'Auteur , avec la copie d'une
Lettre que M. Baillet lui écrivit en conséquence
de la communication qu'il lui
en donna. Certe Piece servit aussi à Orleans
à détromper tous ceux qui voulurent
en prendre communication . Je
suis bien aise que vous en ayez publié
l'essentiel.
C'est en effet une erreur grossiere de
croire que S. Agnan ait été inhumé dans
l'Eglise de S Laurent , qui est située à
l'Occident de la Ville d'Orleans . Outre
Is témoignages tirez du Testament de
eodebode , de la Vie de S. Mémin , de
celle de S. Euspice , que M. le Brun a
fait valoir , il s'en présente encore un
plus formel , qui n'est pas venu à sa
connoissance , et dont on ne peut éluder
la force , quelque antiquité qu'on s'avise
de donner à la Tranflation prétenduë
du Saint Corps d'une Eglise de S Laurent
, bâtie à l'Occident d'Orleans , en
celle de S. Pierre , bâtie à l'Orient. Cette
Tranflation doit passer pour chimerique,
dès-là qu'on lit dans une Vie authentique
de S. Agnan , qu'après son décès
A iiij un
842 MERCURE DE FRANCE
de S. Laurent à l'Occid.nt d'Orleans ,
laquelle est appellée S. Laurent des Orge
rils ,mais je me croi assez fondé pour soutenir
qu'il y en a eu une autre du nom
du même Saint , du côté Oriental. Si
dans Orleans il a existé jusqu'à cinq ou
six Eglises du nom de Saint Pierre ,
deux sous le titre de Saint Jean , et deux
sous celui de S. Germain d'Auxerre ;
quelle impossibilité y a-t'il qu'il n'y ait
aussi existé deux Eglises du nom de saint
Laurent N'y a- t'il pas eû de- même à
Paris deux Eglises du nom de S. Vincent,
Martyr d'Espagne ? Combien de Villes
où il y a plus d'une Eglise du titre de
S. Martin ou de quelqu'autre Saint célebre
?
Une preuve qu'il y a eu pendant quelques
siecles une Eglise ou Oratoire de
S. Laurent dans le Champ de Tétrade à
l'Orient d'Orleans et sur le Territoire de
l'Eglise qui a porté depuis le nom de
S. Agnan , est , que la memoire de ce saint
Martyr est distinguée de temps immémorial
de celle des autres Saints étrangers
, dans l'Eglise de S. Agnan même.
Dans le Catalogue des dix- neuf Autels
que l'on y érigea lorsque le Roy Robert
fit rebâtir à neuf cette Eglise , on voit
qu'après l'Autel principal sous l'invoca
tion
MAY. 1734.
843
tion de S. Pierre et S. Paul , celui de
S. Benoît et celui de S. Euverte , c'est
celui de S. Laurent qui suit immédiate
ment , par distinction au dessus de ceux
qui portoient le nom de S. Sauveur , de
Notre- Dame , de S. Jean , de S. Michel,
qui ne sont nommez qu'après. Je ne
prétens point qu'il y ait eu dans l'étenduë
du Champ de Tétrade , ni autour
de l'Eglise de S. Pierre , dite depuis saint
Agnan , autant d'Eglises qu'on érigea
d'Autels dans le nouvel Edifice achevé
l'an 1029. mais au moins y en avoit- il
eu d'érigez sous l'invocation de ceux qui
y sont nommez les premiers avant Notre
-Seigneur et la Sainte Vierge .
Helgaud , Moine de Fleury , ne parlet'il
pas d'une Eglise de S. Martin comme
existante sous le Roy Robert , laquelle
étoit une Chapelle à l'extremité du Cloftre
de S. Agnan , et qui n'existe plus ? Il
ne faut donc pasjuger des siecles passez par
les choses qui subsistent de nos jours , ni
croire qu'il n'y a jamais eu à Orleans
qu'une seule Eglise de S. Laurent , parce
qu'on n'en voit qu'une aujourd'hui . Il
doit y en avoir existé une autre à l'Orient
de la Cité ; et c'est cette Eglise aujourd'ui
inconnue et dans l'oubli , qui
sert de fondement à la Tradition d'Or-
A vj leans
844 MERCURE DE FRANCE
leans , que le Corps de S. Agnan a été
transferé de l'Eglise de S. Laurent en celle
qui a depuis porté son nom.
Lorsque le Corps de ce saint Evêque furt
remué pour la premiere fois , il a pû se
faire qu'il reposoit alors dans un Oratoire
ou petite Eglise de S. Laurent , bâtie
dans le Champ de Tétrade , et que
de- là , vû le peu d'éloignement , le Tombeau
tel qu'il étoit , ait été transporté dans
l'Eglise de S. Pierre , qui étoit le principal
Edifice entre ceux de ce Champ . La
petite Eglise de S. Laurent ayant ensuite
été détruite comme inutile , ou étant tombée
de vétusté , il sera arrivé depuis , lorsqu'on
parloit de la Tranflation du Corps.
de S. Agnan , que le Peuple aura attribué
à l'Eglise de S. Laurent des Orgerils ,
ce qui ne convenoit , dans la verité , qu'à
P'Oratoire de S. Laurent , qui avoit été
situé dans la partie toute opposée . Ainsi
se forment souvent les Traditions populaires.
On attribuë à l'objet existant , ce
qui n'avoit été dit ou écrit que de l'objet
détruit ou anéanti ; et pendant que personne
ne produit des preuves de la méprise
, l'erreur prend racine , elle s'autorise
ensuite de son antiquité , trouve
des Protecteurs dans les Habitans du Lieu
qu le nom se conserve , et il faur user
après
MAY. 1734 845
après cela de mille ménagemens pour les
faire revenir de la bévûe où la simplicité
de leurs prédécesseurs les avoit jettez.
M. Baillet n'a pas voulu adopter la nouvelle
Tradition de S. Laurent au Fauxbourg
Occidental d'Orleans . Le Pere de
Longueval , Jesuite , ne déterminant
point la situation de l'Eglise de S. Laurent
, a évité de la favoriser ouvertement.
Quoique la Tranflation du Corps de
S. Agnan du premier lieu de sa Sépulture
dans le lieu qui portoit le nom de
Basilique de S. Pierre , n'eût pas été d'un
grand trajet , et qu'elle n'ait peut- être
été que d'un jet de pierre , elle a cependant
été écrite dans les anciens Martyrologes
et Calendriers , parce qu'elle a été
assez remarquable pour ces temps - là où
les remuemens des Corps des Saints ne
se faisoient gueres que lorsqu'une Eglise
menaçoit ruine ou qu'elle étoit trop petite
pour le concours qui se faisoit à leurs
Tombeaux. On la croit du commencement
du septiéme siecle. L'Ombre de
M. Thiers auroit pû l'ajouter aux exemples
de Tranflations de Saints Confesseurs
qui autorisent sa rétractation * sur celle
de S. Firmin le Confès d'Amiens , outre
1
Cette rétractation est imprimée dans le Mersure:
de Juin x7.3.1 IĮ. volume.
celles
846 MERCURE DE FRANCE
celles de S. Vaast d'Arras , qui fut faite
dans le même siecle par S. Aubert , l'un
de ses Successeurs , et celle de S. Maximin
, Evêque de Tréves , faite aussi alors
par S. Hidulfe , Corevêque de ce Siege.
Je ne parle pas de quelques autres plus
anciennes , telle que celle des Saints Evêques
de Verdun , prédecesseurs de S. Airy
, faite par lui -même au sixiéme siecle ,
ni de celle de S. Gatien , premier Evêque
de Tours , faite par S. Martin.
On doit compter parmi les Martyrologes
où la premiere Tranfiation du Corps
de S. Agnan se trouve , outre celui de
Bede , deux autres qui ont été publiez
par Dom Martene , l'un au troisiéme vofume
de ses Anecdotes , page 1556. où
on lit Aurelianis Translatio S. Aniani ;
l'autre au sixième tome de son ample Col
lection , page 708. où se lit ce qui suit :
In civitate Aurelianis Tranflatio Corporis
S. Aniani Episcopi , et liberatio civitatis
ipsius à Hunnis. Les deux premiers sont
anterieurs au Roy Robert. Le troisiéme
a été écrit de son temps ; mais il copie
le fait de la premiére Transflation , et
non pas celle qui fut faite sous son Regne
l'an 1029. M. de Tillemont s'étonnoit
en 1697. que dans le Breviaire d'Orleans
, publié en 1693 , par M. de Coiſlin ,
l'on
MAY. 1734. 847
l'on ne parlât au XIV. Juin , que de la
Tranflation faite sous le Roy Robert :
et sa surprise étoit bien fondée . Il auroit
fallu en effet parler en ce jour d'abord
de la délivrance de la Ville d'Orleans
des mains des Huns , qui est le premier
Evenement remarquable , par rapport à
ce qui regarde S. Agnan . Puisque la Tradition
étoit il y a neuf cent ans ou mille
ans , que cette délivrance étoit arrivée
le 14. Juin , il étoit bon d'en conserver
la memoire à ce jour et de ne la pas porter
au 17. de Novembre , jour de la mort
du saint Evêque , comme on m'a assuré
qu'elle y a été portée avec son ancien
nom de Fête du Miracle. Secondement ,
il étoit à propos d'y inserer le souvenir
de la premiere Tranflation , au moins
d'une maniere generale ; puisque c'est
elle probablement qui a été la cause pour
laquelle on choisit en 1029. le 14 , et le
Is. Juin faire la seconde et pour
pour
proceder à la Dédicace de la nouvelle
Basilique , dont il ne reste plus aujourd'hui
que les Souterrains.
Ce sont autant de corrections qu'on
auroit pû faire dans la nouvelle Edition
du Breviaire d'Orleans de l'an 1731. mais
au lieu de cela , les Réviseurs ont mieux
aimé rétablir dans la Legende de S. Agnan
l'expres
848 MERCURE DE FRANCE
l'expression , qui avoit fait naître ancien
nement l'erreur populaire , que M. le
Brun des Marettes a combattuë et queje
combats après lui par un texte dont
on aura de la peine à éluder la force.
Ce deffaut d'exactitude dans les Légendes
locales , se trouve aussi accompagné
du retranchement de l'Office de plusieurs
Saints Locaux . Je me contenterai pour
le présent de nommer S. Aunaire , fameux
Evêque , né au VI . siecle dans la
Ville d'Orleans , mort le 25. Septembre ,
et d'y ajoûter une Fête que les Auteurs
du IX. siecle qualifioient de celebre dans
toutes les Eglises des Gaules au 1. Octobre,
laquelle étoit en memoire d'un Saint ,
qui en passant par Orleans au V.- siecle ,
y avoit operé deux Miracles rapportez
dans les Manuscrits de la Cathédrale
même. Tant que les Calendriers des nouveaux
Breviaires particuliers , ne seront
pas fondez sur les Histoires locales , les
imperfections y seront inévitables .
Il est temps maintenant de vous donner
la Lettre que M. Baillet écrivoit
le 16. Décembre 1703. à M. le Brun ,
duquel je vous ai parlé ; les plus petites
Productions de la plume des grands
Hommes , sont toujours bonnes à recueillir..
»Ja
MAY. 1734. 849
t
it
es
To
33
» Je suis fâché , M. que le mois de
» Novembre soit achevé pour la réim-
» pression , car je me serois fait un plai-
» sir et un devoir de profiter de ce que
» vous remarquez au sujet du lieu de la
Sépulture de S. Agnan , et de l'emploi
qu'il eut à S. Laurent avant son Epis-
» copat ; et je n'aurois point fait difficul-
» té de changer le titre équivoque d'A-
» bé , quoique l'on pût l'entendre d'un
» Superieur ou Pasteur de Paroisse , sans
prétendre qu'il y eût des Moines. Il
>> me paroît que les autres endroits sur
»quoi tombent vos Remarques , peuvent
» s'expliquer favorablement et subsister
»comme je les ai mis sans préjudice de
la verité des faits , autant qu'on peut
» faire foy sur l'autorité humaine. Je
n suis , &c .
と
2
Ce 17. Novembre 1733 .
Fermer
Résumé : LETTRE de M. L*** Ch. et S. d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure de France, touchant la Sépulture de saint Agnan, Evêque d'Orleans.
M. L*** répond à une publication du Mercure de France concernant la sépulture de saint Agnan, évêque d'Orléans. Il mentionne que M. le Brun avait rédigé une dissertation sur ce sujet, dont un extrait avait été publié dans le Mercure de Septembre 1734. M. L*** possède cette dissertation manuscrite ainsi qu'une lettre de M. Baillet à ce sujet. La lettre rectifie une erreur selon laquelle saint Agnan aurait été inhumé dans l'église de Saint-Laurent à l'ouest d'Orléans. Plusieurs témoignages, dont ceux du testament de Chrodebode, de la vie de saint Mémin et de saint Euspice, ainsi qu'une vie authentique de saint Agnan, démontrent que cette croyance est erronée. Une église de Saint-Laurent existait également à l'est d'Orléans, et il était courant qu'une ville possède plusieurs églises portant le même nom. L'auteur soutient que le corps de saint Agnan a été transféré d'un oratoire de Saint-Laurent situé dans le champ de Tétrade à l'église de Saint-Pierre, qui est devenue par la suite l'église Saint-Agnan. Cette translation est attestée par des martyrologes et calendriers anciens, et elle est datée du début du septième siècle. La confusion populaire a attribué cette translation à l'église de Saint-Laurent des Orgerils, située à l'ouest, alors qu'elle concernait un oratoire à l'est. M. Baillet et le père de Longueval n'ont pas adopté la tradition erronée de la translation du corps de saint Agnan. L'auteur critique également le Breviaire d'Orléans de 1731 pour avoir omis de mentionner la première translation et la délivrance de la ville d'Orléans des Huns, événements liés à saint Agnan. Il conclut en mentionnant une lettre de M. Baillet à M. le Brun, datée du 16 décembre 1703, qui reconnaît les remarques de M. le Brun sur la sépulture de saint Agnan.
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p. 67-69
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Je ne vais point, Lecteur, où l'on ne m'aime pas ; [...]
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Fricandeau