Résultats : 2 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 1774-1787
LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. l'Abbé Foubert, Docteur de Sorbonne, au sujet d'une Prophetie attribuée au Roy David.
Début :
La difficulté que je vous ai proposée, Monsieur, il y a quelque temps, et [...]
Mots clefs :
Texte hébreu, Septante, Anciens, Paroles, Église, Calmet, Version, Auteur, Psautier, David, Vulgate, Génébrard, Justin, Verset, Hymne, Leçon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. l'Abbé Foubert, Docteur de Sorbonne, au sujet d'une Prophetie attribuée au Roy David.
LETTRE de M. D. L. R. écrite à:
M.l'Abbé Foubert , Docteur de Sorbonne,
au sujet d'une Prophetie attribuée au
Roy David.
1
LA
A difficulté que je vous ai proposée,
y a et
Monsieur , il y a quelque temps ,
que vos occupations ne vous permirent
pas alors de me résoudre , a fait le sujet
de quelques recherches de ma part ; vous.
me demandez ce que j'ai appris là- dessus
; la demande ne sçauroit venir plus
propos ; car d'un côté je suis en état
de vous rendre quelque compte , et de
l'autre nous voila dans le temps où l'Eglise
a commencé de chanter l'Hymne
respectable qui a donné lieu à la diffi
• à
culté .
Il s'agit , comme vous sçavez , d'accorder:
A O UST. 1733. 1775
der l'exacte verité avec les paroles de la
strophe que voici de l'Hymne Vexilla
Regis , &c.
Impleta sunt qua concinit
Davidfideli carmine "
Dicens in Nationibus ,
Regnavit à ligno Deus.
David , selon le pieux Auteur de l'Hym
ne , a donc chanté prophétiquement dans
ses Pseaumes que J. C. regneroit par le
Bois de la Croix , et c'est , Monsieur , ce
que d'abord j'ai été chercher dans ces sacrez
Cantiques dans la Vulgate , ne me
souvenant pas d'y avoir jamais lû rien
de pareil. Il est vrai que dans le Pseaume
XCV. Verset 10. on trouve ces paroles ,
dicite in gentibus quia Dominus regnavit
et rien davantage. Est- ce assez pour attribuer
à David la Prophétie en question?
Cependant c'est Fortunat , Evêque de
Poitiers , selon la plus commune opinion ,
qui a composé cet Hymne au vi . sie
cle , et il y a preuve qu'on l'a chanté en
France , au moins dès le IX.
Comme tout le monde n'a pas chez
soi une Bibliotheque , je n'ai pas été en
état d'abord de voir dans les sources ce
qui peut avoir donné lieu aux paroles de
Fortunat , mais j'ai tiré de Genebrard ,
dont
1776 MERCURE DE FRANCE
dont j'ai le Pseautier dans mon Cabinet ,
autant de lumieres qu'il m'en falloit pour
commencer au moins d'éclaircir ma dif
ficulté.
Vous sçavez que Genebrard , sçavant
Benedictin Docteur de Paris , Professeur
des Langues Saintes au College Royal ,
puis Archevêque d'Aix , a donné une Edition
des Pacaumes , selon la Vulgate, qu'il
a accompagnée de sçavans Commentaires
, Ouvrage dont il étoit plus capable
qu'un autre , et dont il y a eu cinq Editions.
La mienne est d'Anvers 1592. et
toute la derniere ,
Son Commentaire sur ce 10. Verset
du Pseaume 95. est assez long et rempli
d'une pieuse érudition . Voici le précis
de ce qui regarde notre Question . Genebrard
convient que regnavu à ligno n'est
point dans le Texte Hebreu ; mais il prétend
que les Septante l'ont ajoûté par
an esprit prophétique , en traduisant ce
Verset , trois cent ans avant J. C. c'est
ainsi , dit-il , que les Anciens l'ont tou
jours cité , sçavoir , S. Justin Martyr, Lactance
, Tertullien , Arnobe , S. Augustin,
Cassiodore, Théodulphe, (4 ) le Pseautier
Romain , &c. c'étoit , selon lui , la ma
(a) Théodulphe , Evêque d'Orleans , auquel on
attribuë aussi l'Hymne de la Passion.
niere
A O UST. 17335 1777
niere des Anciens , en traduisant l'Ecri
ture , d'insérer quelques mots , en passant
, pour servir à l'intelligence de ce
que la Lettre renferme de mysterieux.
c'est ainsi , continue- t'il , qu'en ont souvent
usé Jonathan et Onkelos , qui pour
cela même ne sont pas tant appellez Traducteurs
que Paraphrastes Chaldéens , en
quoi ils ont été imitcz par les Septante..
Genebrard donne ensuite quelques exemples
de cette maniere de traduire des
Septante , pour éclairer davantage le
Texte , et il paroît si persuadé de ce sentiment
, qu'il traite d'imprudence et de
témerité d'avoir retranché à ligno des
Exemplaires qui ont suivi , ces paroles
ayant , dit- il , été inspirées (a) par le
S. Esprit à ces très saints Prophetes ,
Traducteurs des Livres Sacrez. Il accuse
de ce retranchement les Juifs , comme
S. Justin le leur a effectivement reproché
, ou quelques demi sçavans , pour,
faire montre de leur capacité dans la
Langue Hébraïque , et pour critiquer les
Septante , ce qu'il appelle une vanité et
une méchanceté dont on ne voit , dit- il ,
(a) Male ergo has duas Voculas è nostris Exemplaribus
, qua de industria et per Spiritum Sanctum
a sanctissimis
his Prophetis fuerant interjecta sustlerunt
, sive Judai, &c. Genebr.
que
1778 MERCURE DE FRANCE
que trop d'exemples . Il finit en soute
mant la nécessité de cette Leçon , et en
l'expliquant d'une maniere plausible et
toujours édifiante par rapport à l'appli
cation qu'il en fait.
Je crois , Monsieur qu'en voilà autant
qu'il en faut pour justifier , du moins
pour autoriser l'Auteur de l'Hymne Ve
xilla Regis , d'avoir cité David avec l'addition
à ligno , qui a tant de Deffenseurs
et de si illustres Garants . Mais est- ce
assez , encore une fois , en bonne crititique
pour admettre des paroles qui ne
se trouvent ni dans le Texte Hébreu
qui est l'original , ni dans les Exemplaires
que nous avons aujourd'hui de la
Version des Septante , premiers Auteurs ,
selon Genebrard , de cette Addition ? Ce
qui , à vous dire le vrai , me paroît un
peu embarassant. Vous sçavez qu'on ne
peut jamais prescrire contre la verité
c'est un des plus beaux mots (a) de Tertullien
et une maxime certaine. Vous sçavez
aussi que la Mort du Messie est assez marquée
dans les Prophetes , dans David même
, qui en est lui- même une figure , sans
qu'il soit besoin de la caractériser ici
(a) Veritati nemo prascribere potest , non spatium
temporum , non patrocinia personarum , non privil
Begium regionum . Lib. de Velan. Virginib.
Par
JUILLET. 17337 1779
par des termes qui ne se trouvent pas
dans le Texte original .
it
A
i. Cela supposé , je crois qu'on peut en-
Gore reclamer en faveur de la verité contre
l'addition ou la glose attribuée aux
Septante , que je ne sçaurois encore bien
me persuader venir de la plume de ces
fameux Interpretes ; mais je n'ai pas envie
, Monsieur , pour constater ce fait ,
du moins pour l'éclaircir , d'aller m'enfoncer
dans une Bibliotheque avec une
foule d'Interpretes , de Commentateurs
de Critiques , qui peut- être , après avoir
employé bien du temps , me laisseroient
encore dans le doute où je suis. Je vous
défere cette pénible entreprise , comme
vous convenant mieux qu'à moy , et je
me contente de joindre à ce que j'ai déja
eu l'honneur de vous dire , quelques Remarques
d'un Critique moderne sur le
sujet en question , qui m'ont parâ avoir
de la solidité. Ce Critique est Dom Augustin
Calmet , Auteur d'un Commenraire
Litteral sur tous les Livres de l'Ancien
et du Nouveau Testament , dont
les premiers Volumes ont parû au commencement
de ce siecle. Vous connoissez
Get Ouvrage et vous pouvez en juger
mieux qu'un autre. Pour moi je fais un
sas particulier de son travail sur les Pseaumés,
1780 MERCURE DE FRANCE
mes. Ce Livre publié en 1713. 2. vol. in
4. chez Emery , a mérité l'Approbation
d'un ( 4 ) de vos illustres Confreres , qui
nous assure que les Explications de l'Auteur
, tirées des S S. Peres et des meilleurs
Interpretes , contribuent beaucoup à faire
entendre ce qu'il y a de plus difficile
et de plus obscur dans ce Livre divin .
Dom Calmet , après avoir rapporté le
Verset en question , Commoveatur ....
Dicite in gentibus quia Dominus regnavit
du XCV . Pseaume , et rapporte aussi un
Passage des Paralipomenes , parallele à
ce Verset pour le sens , mais un peu different
pour les expressions , fait voir qu'il
y a là -dessus dans les anciens Peres et
dans quelques anciens Pseautiers , une varieté
encore plus grande et bien plus importante
, qui est de lire regnavit à ligno ,
et il ajoûte aux autoritez citées par Genebrard
, celles de S. Léon Pape , de
l'Auteur de l'Opuscule des Montagnes de
Sina et de Sion. Sous le nom de S. Cyprien
, le Pseautier Gotique, celui de saint.
Germain des Prez , celui de Chartres , tous
Monumens où on lit , Dominus regnavit
àligno. Le P. Calmet auroit pû ajoûter
que cette Leçon se trouve aussi dansa
(a) M. Pastel, Docteur et ancien Professeur
orbonne.
Version
A O UST. 1733. 1781
Version Italique de l'Ecriture , faite sur
le Grec dès le siécle des Apôtres , et dont
toute l'Eglise Latine s'est servie jusqu'à
la Version de S. Jérôme , l'Eglise de Ro
me n'en ayant point eû d'autre dans l'Office
public , jusqu'au Pontificat de Pie V.
qui fit recevoir la Vulgate dans Rome.
C'est D. Calmet * même qui nous donne
cette instruction ; or cette ancienne Version
Italique , publiée de nouveau à
Rome en 1683. par le Cardinal Thomasi,
porte aussi Dominus regnavit à ligno.
Pour ne rien oublier , s'il est possible,
sur ce sujet , notre habile Commentateur
rapporte jusqu'à une conjecture proposée
par Agellius ; sçavoir , que les anciens
Textes Hébreux , au moins dans quelques
Livres , au lieu de Aph , que nous
lisons aujourd'hui après Malac, il a regné,
lisoient He du bois ; ce qui auroit donné
lieu aux Septante de traduire par : Le
Seigneur a regné par le bois . Leçon qui a
subsisté pendant quelques siecles , jusqu'à
ce que les Sçavans en Hébreu s'étant apperçus
que cela ne s'accordoit pas avec
le vrai Original , ils la retrancherent et
conserverent etenim , du . suivant , qui .
répond à Aph de l'Hébreu . Conjecture®
Dissert, sur le Texte et sur les anciennes V´ersions
des Pseaumes. Art. III . p. xxv.
assez
1782 MERCURE DE FRANCE
assez foible et assez mal appuyée , dit
D. Calmet , qui ouvre enfin son sentiment
particulier , et raisonne ainsi sur la
glose en question.
Si cette Leçon étoit autrefois géneralement
dans tous les Exemplaires des Septante
et dans les premieres Traductions.
Latines qui furent faites à l'usage des
Chrétiens , comment ceux - ci ont- ils si
facilement abandonné un Texte qui leur
étoit si favorable ? Si ce sont les Juifs
qui ont fait ce retranchement , pourquoi
les Chrétiens ont- ils eu pour eux la condescendance
d'admettre leur correction
dans leurs Exemplaires. Enfin si quelque
demi sçavant a pû êter de son Livre à
ligno , comment a- t'il pû faire le même
changement dans tous les Exemplaires
du Monde ?
Ces paroles ne sont en effet ni dans
PHébreu, ni dans le Chaldaique , ni dans
le Syriaque , ni dans les anciennes Versions
Grecques , faites sur l'Hébreu , ni
dans la Vulgate , l'Arabe et l'Ethiopienne,
faites sur les Septante ; ni dans la
Version de S. Jerôme , faite sur l'Hebreu.
Personne , que je sçache , continue Dom
Calmet , n'a accusé les Juifs d'avoir ôté
ces termes de leurs Exemplaires Hébreus
on ne les y trouve ni ici , ni dans le
passage
A O UST. 1733. 1783
passage parallele des Paralipomenes. Depuis
S. Justin on ne les a point vûs dans
les Septante.
N'est- il donc pas bien plus probable , com .
me le veut le Févre d'Estaples , et après
lui Justiniani , de Muis et quelques - autres
, que ces paroles à ligno , ayant été
mises par quelqu'un sur la marge de son
Pseautier , à l'endroit de regnavit , furent
ensuite inconsidérément fourrées dans le
Texte ; d'où enfin elles ont été bannies ,
parce qu'on a reconnu qu'elles n'étoient
ni dans les sources hébraïques , ni dans
les anciennes Versions des Grecs .
Il y a beaucoup d'apparence , ajoûtet'il
, que les Hexaples d'Origene servic
rent à arrêter le cours de cette maniere
de lire , en montrant qu'elle n'étoit fondée
ni dans le Texte Hébreu , ni dans
aucune Version ; et en effet , dit D. Calmet
en finissant , je ne sçache que saint
Justin le Martyr parmi les Grecs , qui
l'ait suivie ; tous les autres Peres , qui
ont vécu depuis Origene , et qui sont
en très - grand nombre , ne faisant pas
même mention de cette Leçon . Si elle
subsista plus long- temps parmi les Latins,
c'est que les Hexaples y furent moins
connues et qu'on étoit moins en état de reconnoître
l'erreur de cette Glose ajoutée, et ,
Ε inserée
1984 MERCURE DE FRANCE
inserée dans le Texte , par l'inspection
des Originaux .
Je crois , Monsieur, que ce raisonnement
et la conséquence vous paroîtront
justes. Il peut cependant rester un scrupule
là- dessus , c'est que si d'un côté les
Peres Grecs , à l'exception de S. Justin ,
n'ont point admis , n'ont pas même connû
la glose à ligno ; d'un autre côté l'E
glise Romaine l'a non - seulement admise,
mais elle l'a en quelque façon consacrée ,
en la chantant universellement par tout
dans son Office public , comme elle fait
depuis plus de 700. ans.
On pourroit opposer d'abord à cette
difficulté la grande maxime de Tertullien
, déja rapportée ; mais j'estime qu'il
est plus naturel de la concilier par l'autorité
de S. Jérôme , que vous trouverez ,
je crois , formelle et venir expressément
au sujet que nous traitons . Elle se trou-
·
* Outre S. Justin , on pourroit croire que Les
Heretiques dont il est parlé dans Origane , L. VI,
P. 298. contre Celse , faisoient allusion à ce Passage,
repetant sans cesse dans leurs Ecrits ces paroles
: Ubique autem illic lignum vitæ et Resurrec
tio carnis à ligno. Et en remontant encore plus
haut , l'Auteur de l'Epitre attribuée à S. Barnabé
pouvoit avoir en vûë ce même Passage, lorsqu'il dit.
Regnum Jesu in ligno extitit βασιλεία τοῦ Ἰησοῦ
καὶ τῷ ξύλω,
ve
A OUST. 1733 1785
ve dans l'Epitre à Sunia et à Fréteila
qui est toute remplie de varietez de Leçons
et de Remarques critiques sur le
Texte des Septante et sur la Vulgate. C'est
dans cette Lettre que le S. Docteur propose
une belle Regle dont l'application
se fait ici naturellement. Ilfaut , dit- il ,
réciter et chanter les Pseaumes ainsi que
Eglise les chante , mais aussi il faut sçavoir
, autant que l'on peut , ce que porte
le Texte Hébreu , et qu'autre chose est ce
qu'il faut chanter dans l'Eglise , par respect
pour l'Antiquité ; et autre chose , ce
qu'il faut sçavoir pour la parfaite intelligence
des Ecritures.
Le même S. Docteur qui a proposé cett
Regle , se plaint cependant qu'après avoi
corrigé le Pseautier de l'ancienne Vulgate
qui étoit fort altérée , par l'ordre du
Pape Damase , l'ancienne erreur eût plus
de force qu'à sa nouvelle réformation
plus antiquum errorem , quàm novam emendationem
valere , tant il est difficile d'abolir
certaines choses quand elles ont été
* Sic omninò psallendum ut fit in Ecclesia : es
tamen sciendum quid Hebraica veritas habeat :
atque aliud esse propter vetustatem in Ecclesia
decantandum , aliud sciendum propter eruditionem
scripturarum. S. Hyeron. Epist, ad Sun. es
Fretell.
Eij en
1736 MERCURE DE FRANCE .
en quelque façon consacrées par leur antiquité.
Je finis , .Monsieur , en soumettant à
vos lumieres tout ce que je viens de vous
exposer , et en vous exhortant d'étudier
vous-même cette matiere pour l'éclaircir
encore davantage. Vous trouverez un trèsbeau
Pseautier dans votre Bibliotheque de
Sorbonne, c'est un des plus anciens Manuscrits
de ce genre et des plus curieux. Si ,
quand j'étois au milieu de l'Eglise Marónite
du Mont Liban , la difficulté s'étoit
présentée , j'aurois pû m'assurer de
l'état où sont les anciens Pseautiers des
Maronites par rapport à la glose à
ligno si unis , comme ils se picquent de
l'être de tout temps , à l'Eglise Romaine
, ils l'ont admise , ou si , au contraire,
ils ont suivi la façon de lire le Verset
en question, comme le lit l'Eglise Orientale
, sans addition et conformément au
Texte Hébreu , cela peut avoir sa curiosité.
Je pourrai m'en éclaircir avec le
sçavant M. Assemanni , Maronite, dont
je vous ai parlé plus d'une fois , et à qui
>
Joseph Assemanni , Maronite du Mont Liban ;
Garde de la Bibliotheque du Vatican et Auteur
d'un nouveau Recueil d'anciens Monumens Ecclesiastiques
, sous le titre de Bibiotheque Orientale ,
&c, imprimé à Rome,
AOUST. 1733. 1787
je dois écrire au premier jour sur d'autres
sujets. J'ai l'honneur d'être , &c .
A Paris le 27. Mars 1733 .
M.l'Abbé Foubert , Docteur de Sorbonne,
au sujet d'une Prophetie attribuée au
Roy David.
1
LA
A difficulté que je vous ai proposée,
y a et
Monsieur , il y a quelque temps ,
que vos occupations ne vous permirent
pas alors de me résoudre , a fait le sujet
de quelques recherches de ma part ; vous.
me demandez ce que j'ai appris là- dessus
; la demande ne sçauroit venir plus
propos ; car d'un côté je suis en état
de vous rendre quelque compte , et de
l'autre nous voila dans le temps où l'Eglise
a commencé de chanter l'Hymne
respectable qui a donné lieu à la diffi
• à
culté .
Il s'agit , comme vous sçavez , d'accorder:
A O UST. 1733. 1775
der l'exacte verité avec les paroles de la
strophe que voici de l'Hymne Vexilla
Regis , &c.
Impleta sunt qua concinit
Davidfideli carmine "
Dicens in Nationibus ,
Regnavit à ligno Deus.
David , selon le pieux Auteur de l'Hym
ne , a donc chanté prophétiquement dans
ses Pseaumes que J. C. regneroit par le
Bois de la Croix , et c'est , Monsieur , ce
que d'abord j'ai été chercher dans ces sacrez
Cantiques dans la Vulgate , ne me
souvenant pas d'y avoir jamais lû rien
de pareil. Il est vrai que dans le Pseaume
XCV. Verset 10. on trouve ces paroles ,
dicite in gentibus quia Dominus regnavit
et rien davantage. Est- ce assez pour attribuer
à David la Prophétie en question?
Cependant c'est Fortunat , Evêque de
Poitiers , selon la plus commune opinion ,
qui a composé cet Hymne au vi . sie
cle , et il y a preuve qu'on l'a chanté en
France , au moins dès le IX.
Comme tout le monde n'a pas chez
soi une Bibliotheque , je n'ai pas été en
état d'abord de voir dans les sources ce
qui peut avoir donné lieu aux paroles de
Fortunat , mais j'ai tiré de Genebrard ,
dont
1776 MERCURE DE FRANCE
dont j'ai le Pseautier dans mon Cabinet ,
autant de lumieres qu'il m'en falloit pour
commencer au moins d'éclaircir ma dif
ficulté.
Vous sçavez que Genebrard , sçavant
Benedictin Docteur de Paris , Professeur
des Langues Saintes au College Royal ,
puis Archevêque d'Aix , a donné une Edition
des Pacaumes , selon la Vulgate, qu'il
a accompagnée de sçavans Commentaires
, Ouvrage dont il étoit plus capable
qu'un autre , et dont il y a eu cinq Editions.
La mienne est d'Anvers 1592. et
toute la derniere ,
Son Commentaire sur ce 10. Verset
du Pseaume 95. est assez long et rempli
d'une pieuse érudition . Voici le précis
de ce qui regarde notre Question . Genebrard
convient que regnavu à ligno n'est
point dans le Texte Hebreu ; mais il prétend
que les Septante l'ont ajoûté par
an esprit prophétique , en traduisant ce
Verset , trois cent ans avant J. C. c'est
ainsi , dit-il , que les Anciens l'ont tou
jours cité , sçavoir , S. Justin Martyr, Lactance
, Tertullien , Arnobe , S. Augustin,
Cassiodore, Théodulphe, (4 ) le Pseautier
Romain , &c. c'étoit , selon lui , la ma
(a) Théodulphe , Evêque d'Orleans , auquel on
attribuë aussi l'Hymne de la Passion.
niere
A O UST. 17335 1777
niere des Anciens , en traduisant l'Ecri
ture , d'insérer quelques mots , en passant
, pour servir à l'intelligence de ce
que la Lettre renferme de mysterieux.
c'est ainsi , continue- t'il , qu'en ont souvent
usé Jonathan et Onkelos , qui pour
cela même ne sont pas tant appellez Traducteurs
que Paraphrastes Chaldéens , en
quoi ils ont été imitcz par les Septante..
Genebrard donne ensuite quelques exemples
de cette maniere de traduire des
Septante , pour éclairer davantage le
Texte , et il paroît si persuadé de ce sentiment
, qu'il traite d'imprudence et de
témerité d'avoir retranché à ligno des
Exemplaires qui ont suivi , ces paroles
ayant , dit- il , été inspirées (a) par le
S. Esprit à ces très saints Prophetes ,
Traducteurs des Livres Sacrez. Il accuse
de ce retranchement les Juifs , comme
S. Justin le leur a effectivement reproché
, ou quelques demi sçavans , pour,
faire montre de leur capacité dans la
Langue Hébraïque , et pour critiquer les
Septante , ce qu'il appelle une vanité et
une méchanceté dont on ne voit , dit- il ,
(a) Male ergo has duas Voculas è nostris Exemplaribus
, qua de industria et per Spiritum Sanctum
a sanctissimis
his Prophetis fuerant interjecta sustlerunt
, sive Judai, &c. Genebr.
que
1778 MERCURE DE FRANCE
que trop d'exemples . Il finit en soute
mant la nécessité de cette Leçon , et en
l'expliquant d'une maniere plausible et
toujours édifiante par rapport à l'appli
cation qu'il en fait.
Je crois , Monsieur qu'en voilà autant
qu'il en faut pour justifier , du moins
pour autoriser l'Auteur de l'Hymne Ve
xilla Regis , d'avoir cité David avec l'addition
à ligno , qui a tant de Deffenseurs
et de si illustres Garants . Mais est- ce
assez , encore une fois , en bonne crititique
pour admettre des paroles qui ne
se trouvent ni dans le Texte Hébreu
qui est l'original , ni dans les Exemplaires
que nous avons aujourd'hui de la
Version des Septante , premiers Auteurs ,
selon Genebrard , de cette Addition ? Ce
qui , à vous dire le vrai , me paroît un
peu embarassant. Vous sçavez qu'on ne
peut jamais prescrire contre la verité
c'est un des plus beaux mots (a) de Tertullien
et une maxime certaine. Vous sçavez
aussi que la Mort du Messie est assez marquée
dans les Prophetes , dans David même
, qui en est lui- même une figure , sans
qu'il soit besoin de la caractériser ici
(a) Veritati nemo prascribere potest , non spatium
temporum , non patrocinia personarum , non privil
Begium regionum . Lib. de Velan. Virginib.
Par
JUILLET. 17337 1779
par des termes qui ne se trouvent pas
dans le Texte original .
it
A
i. Cela supposé , je crois qu'on peut en-
Gore reclamer en faveur de la verité contre
l'addition ou la glose attribuée aux
Septante , que je ne sçaurois encore bien
me persuader venir de la plume de ces
fameux Interpretes ; mais je n'ai pas envie
, Monsieur , pour constater ce fait ,
du moins pour l'éclaircir , d'aller m'enfoncer
dans une Bibliotheque avec une
foule d'Interpretes , de Commentateurs
de Critiques , qui peut- être , après avoir
employé bien du temps , me laisseroient
encore dans le doute où je suis. Je vous
défere cette pénible entreprise , comme
vous convenant mieux qu'à moy , et je
me contente de joindre à ce que j'ai déja
eu l'honneur de vous dire , quelques Remarques
d'un Critique moderne sur le
sujet en question , qui m'ont parâ avoir
de la solidité. Ce Critique est Dom Augustin
Calmet , Auteur d'un Commenraire
Litteral sur tous les Livres de l'Ancien
et du Nouveau Testament , dont
les premiers Volumes ont parû au commencement
de ce siecle. Vous connoissez
Get Ouvrage et vous pouvez en juger
mieux qu'un autre. Pour moi je fais un
sas particulier de son travail sur les Pseaumés,
1780 MERCURE DE FRANCE
mes. Ce Livre publié en 1713. 2. vol. in
4. chez Emery , a mérité l'Approbation
d'un ( 4 ) de vos illustres Confreres , qui
nous assure que les Explications de l'Auteur
, tirées des S S. Peres et des meilleurs
Interpretes , contribuent beaucoup à faire
entendre ce qu'il y a de plus difficile
et de plus obscur dans ce Livre divin .
Dom Calmet , après avoir rapporté le
Verset en question , Commoveatur ....
Dicite in gentibus quia Dominus regnavit
du XCV . Pseaume , et rapporte aussi un
Passage des Paralipomenes , parallele à
ce Verset pour le sens , mais un peu different
pour les expressions , fait voir qu'il
y a là -dessus dans les anciens Peres et
dans quelques anciens Pseautiers , une varieté
encore plus grande et bien plus importante
, qui est de lire regnavit à ligno ,
et il ajoûte aux autoritez citées par Genebrard
, celles de S. Léon Pape , de
l'Auteur de l'Opuscule des Montagnes de
Sina et de Sion. Sous le nom de S. Cyprien
, le Pseautier Gotique, celui de saint.
Germain des Prez , celui de Chartres , tous
Monumens où on lit , Dominus regnavit
àligno. Le P. Calmet auroit pû ajoûter
que cette Leçon se trouve aussi dansa
(a) M. Pastel, Docteur et ancien Professeur
orbonne.
Version
A O UST. 1733. 1781
Version Italique de l'Ecriture , faite sur
le Grec dès le siécle des Apôtres , et dont
toute l'Eglise Latine s'est servie jusqu'à
la Version de S. Jérôme , l'Eglise de Ro
me n'en ayant point eû d'autre dans l'Office
public , jusqu'au Pontificat de Pie V.
qui fit recevoir la Vulgate dans Rome.
C'est D. Calmet * même qui nous donne
cette instruction ; or cette ancienne Version
Italique , publiée de nouveau à
Rome en 1683. par le Cardinal Thomasi,
porte aussi Dominus regnavit à ligno.
Pour ne rien oublier , s'il est possible,
sur ce sujet , notre habile Commentateur
rapporte jusqu'à une conjecture proposée
par Agellius ; sçavoir , que les anciens
Textes Hébreux , au moins dans quelques
Livres , au lieu de Aph , que nous
lisons aujourd'hui après Malac, il a regné,
lisoient He du bois ; ce qui auroit donné
lieu aux Septante de traduire par : Le
Seigneur a regné par le bois . Leçon qui a
subsisté pendant quelques siecles , jusqu'à
ce que les Sçavans en Hébreu s'étant apperçus
que cela ne s'accordoit pas avec
le vrai Original , ils la retrancherent et
conserverent etenim , du . suivant , qui .
répond à Aph de l'Hébreu . Conjecture®
Dissert, sur le Texte et sur les anciennes V´ersions
des Pseaumes. Art. III . p. xxv.
assez
1782 MERCURE DE FRANCE
assez foible et assez mal appuyée , dit
D. Calmet , qui ouvre enfin son sentiment
particulier , et raisonne ainsi sur la
glose en question.
Si cette Leçon étoit autrefois géneralement
dans tous les Exemplaires des Septante
et dans les premieres Traductions.
Latines qui furent faites à l'usage des
Chrétiens , comment ceux - ci ont- ils si
facilement abandonné un Texte qui leur
étoit si favorable ? Si ce sont les Juifs
qui ont fait ce retranchement , pourquoi
les Chrétiens ont- ils eu pour eux la condescendance
d'admettre leur correction
dans leurs Exemplaires. Enfin si quelque
demi sçavant a pû êter de son Livre à
ligno , comment a- t'il pû faire le même
changement dans tous les Exemplaires
du Monde ?
Ces paroles ne sont en effet ni dans
PHébreu, ni dans le Chaldaique , ni dans
le Syriaque , ni dans les anciennes Versions
Grecques , faites sur l'Hébreu , ni
dans la Vulgate , l'Arabe et l'Ethiopienne,
faites sur les Septante ; ni dans la
Version de S. Jerôme , faite sur l'Hebreu.
Personne , que je sçache , continue Dom
Calmet , n'a accusé les Juifs d'avoir ôté
ces termes de leurs Exemplaires Hébreus
on ne les y trouve ni ici , ni dans le
passage
A O UST. 1733. 1783
passage parallele des Paralipomenes. Depuis
S. Justin on ne les a point vûs dans
les Septante.
N'est- il donc pas bien plus probable , com .
me le veut le Févre d'Estaples , et après
lui Justiniani , de Muis et quelques - autres
, que ces paroles à ligno , ayant été
mises par quelqu'un sur la marge de son
Pseautier , à l'endroit de regnavit , furent
ensuite inconsidérément fourrées dans le
Texte ; d'où enfin elles ont été bannies ,
parce qu'on a reconnu qu'elles n'étoient
ni dans les sources hébraïques , ni dans
les anciennes Versions des Grecs .
Il y a beaucoup d'apparence , ajoûtet'il
, que les Hexaples d'Origene servic
rent à arrêter le cours de cette maniere
de lire , en montrant qu'elle n'étoit fondée
ni dans le Texte Hébreu , ni dans
aucune Version ; et en effet , dit D. Calmet
en finissant , je ne sçache que saint
Justin le Martyr parmi les Grecs , qui
l'ait suivie ; tous les autres Peres , qui
ont vécu depuis Origene , et qui sont
en très - grand nombre , ne faisant pas
même mention de cette Leçon . Si elle
subsista plus long- temps parmi les Latins,
c'est que les Hexaples y furent moins
connues et qu'on étoit moins en état de reconnoître
l'erreur de cette Glose ajoutée, et ,
Ε inserée
1984 MERCURE DE FRANCE
inserée dans le Texte , par l'inspection
des Originaux .
Je crois , Monsieur, que ce raisonnement
et la conséquence vous paroîtront
justes. Il peut cependant rester un scrupule
là- dessus , c'est que si d'un côté les
Peres Grecs , à l'exception de S. Justin ,
n'ont point admis , n'ont pas même connû
la glose à ligno ; d'un autre côté l'E
glise Romaine l'a non - seulement admise,
mais elle l'a en quelque façon consacrée ,
en la chantant universellement par tout
dans son Office public , comme elle fait
depuis plus de 700. ans.
On pourroit opposer d'abord à cette
difficulté la grande maxime de Tertullien
, déja rapportée ; mais j'estime qu'il
est plus naturel de la concilier par l'autorité
de S. Jérôme , que vous trouverez ,
je crois , formelle et venir expressément
au sujet que nous traitons . Elle se trou-
·
* Outre S. Justin , on pourroit croire que Les
Heretiques dont il est parlé dans Origane , L. VI,
P. 298. contre Celse , faisoient allusion à ce Passage,
repetant sans cesse dans leurs Ecrits ces paroles
: Ubique autem illic lignum vitæ et Resurrec
tio carnis à ligno. Et en remontant encore plus
haut , l'Auteur de l'Epitre attribuée à S. Barnabé
pouvoit avoir en vûë ce même Passage, lorsqu'il dit.
Regnum Jesu in ligno extitit βασιλεία τοῦ Ἰησοῦ
καὶ τῷ ξύλω,
ve
A OUST. 1733 1785
ve dans l'Epitre à Sunia et à Fréteila
qui est toute remplie de varietez de Leçons
et de Remarques critiques sur le
Texte des Septante et sur la Vulgate. C'est
dans cette Lettre que le S. Docteur propose
une belle Regle dont l'application
se fait ici naturellement. Ilfaut , dit- il ,
réciter et chanter les Pseaumes ainsi que
Eglise les chante , mais aussi il faut sçavoir
, autant que l'on peut , ce que porte
le Texte Hébreu , et qu'autre chose est ce
qu'il faut chanter dans l'Eglise , par respect
pour l'Antiquité ; et autre chose , ce
qu'il faut sçavoir pour la parfaite intelligence
des Ecritures.
Le même S. Docteur qui a proposé cett
Regle , se plaint cependant qu'après avoi
corrigé le Pseautier de l'ancienne Vulgate
qui étoit fort altérée , par l'ordre du
Pape Damase , l'ancienne erreur eût plus
de force qu'à sa nouvelle réformation
plus antiquum errorem , quàm novam emendationem
valere , tant il est difficile d'abolir
certaines choses quand elles ont été
* Sic omninò psallendum ut fit in Ecclesia : es
tamen sciendum quid Hebraica veritas habeat :
atque aliud esse propter vetustatem in Ecclesia
decantandum , aliud sciendum propter eruditionem
scripturarum. S. Hyeron. Epist, ad Sun. es
Fretell.
Eij en
1736 MERCURE DE FRANCE .
en quelque façon consacrées par leur antiquité.
Je finis , .Monsieur , en soumettant à
vos lumieres tout ce que je viens de vous
exposer , et en vous exhortant d'étudier
vous-même cette matiere pour l'éclaircir
encore davantage. Vous trouverez un trèsbeau
Pseautier dans votre Bibliotheque de
Sorbonne, c'est un des plus anciens Manuscrits
de ce genre et des plus curieux. Si ,
quand j'étois au milieu de l'Eglise Marónite
du Mont Liban , la difficulté s'étoit
présentée , j'aurois pû m'assurer de
l'état où sont les anciens Pseautiers des
Maronites par rapport à la glose à
ligno si unis , comme ils se picquent de
l'être de tout temps , à l'Eglise Romaine
, ils l'ont admise , ou si , au contraire,
ils ont suivi la façon de lire le Verset
en question, comme le lit l'Eglise Orientale
, sans addition et conformément au
Texte Hébreu , cela peut avoir sa curiosité.
Je pourrai m'en éclaircir avec le
sçavant M. Assemanni , Maronite, dont
je vous ai parlé plus d'une fois , et à qui
>
Joseph Assemanni , Maronite du Mont Liban ;
Garde de la Bibliotheque du Vatican et Auteur
d'un nouveau Recueil d'anciens Monumens Ecclesiastiques
, sous le titre de Bibiotheque Orientale ,
&c, imprimé à Rome,
AOUST. 1733. 1787
je dois écrire au premier jour sur d'autres
sujets. J'ai l'honneur d'être , &c .
A Paris le 27. Mars 1733 .
Fermer
Résumé : LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. l'Abbé Foubert, Docteur de Sorbonne, au sujet d'une Prophetie attribuée au Roy David.
La lettre de M. D. L. R. à l'Abbé Foubert traite d'une prophétie attribuée au roi David, mentionnée dans l'hymne 'Vexilla Regis'. L'auteur cherche à vérifier l'exactitude des paroles 'Regnavit à ligno Deus' (Dieu a régné par le bois de la croix) dans les Psaumes. Ces mots ne figurent pas dans le texte hébreu original mais sont présents dans la version des Septante, traduite trois cents ans avant J.-C. Genebrard, un érudit bénédictin, soutient que les Septante ont ajouté ces mots par esprit prophétique, une pratique confirmée par plusieurs Pères de l'Église. Dom Augustin Calmet rapporte diverses lectures anciennes et suggère que les mots 'à ligno' pourraient avoir été ajoutés en marge et ensuite intégrés dans le texte. Calmet estime que cette glose n'est pas originaire des Septante et a été retirée lorsque les savants ont reconnu son inexactitude. L'auteur conclut en soulignant la difficulté de concilier ces divergences et en se référant à l'autorité de saint Jérôme pour résoudre cette question. Par ailleurs, un saint docteur propose une règle pour la récitation et le chant des Psaumes, recommandant de suivre la tradition de l'Église tout en connaissant le texte hébreu pour une meilleure compréhension des Écritures. Il déplore que, malgré la correction du Psaume par le Pape Damase, l'ancienne erreur ait persisté, soulignant la difficulté de réformer des pratiques anciennes. L'auteur mentionne également un Psaume ancien et curieux dans la bibliothèque de la Sorbonne et évoque une difficulté rencontrée au sein de l'Église Maronite du Mont Liban concernant la glose et la lecture des versets. Il se demande si les Maronites suivent la tradition romaine ou orientale et envisage de consulter Joseph Assemanni, un Maronite savant et gardien de la bibliothèque du Vatican, auteur d'un recueil de monuments ecclésiastiques. La lettre se conclut par une soumission des propos à la lumière du destinataire, l'encourageant à étudier davantage la matière.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 891-901
LETTRE du R. P. Dom Augustin Calmet, Abbé de Senones, au sujet de la Prophétie attribuée au Roy David, &c.
Début :
MONSIEUR, J'ai reçu avec reconnoissance les deux volumes de votre [...]
Mots clefs :
David, Prophétie, Exemplaires grecs, Septante, Version, Grecs, Texte, Origène, Hébreu, Hébreux, Anciens, Juifs, Termes, Autorité, Justin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE du R. P. Dom Augustin Calmet, Abbé de Senones, au sujet de la Prophétie attribuée au Roy David, &c.
LETTRE du R. P. Dom Augustin
Calmet , Abbé de Senones , au sujet de
la Prophétie attribuée au Roy David, & c.
MoxONSIEUR ,
J'ai reçu avec reconnoissance les deux
volumes de votre Journal , dans lesquels
sont deux Lettres , l'une de vous , Monsieur
, et l'autre du R. P. Tournemine ,
sur ces paroles du Pseaume XCV v. 19.
Dicite in gentibus, quia Dominus regnavis
&c. Il est question de sçavoir si ces mots:
regnavit à ligno , que l'on explique du
Regne de J. C. par sa Croix , sçavoir
dis-je , si ces mots à ligno étoient originairement
au moins dans quelques.
Exemplaires du texte Hebreu ,si les Septante
interprêtes les y ont lûs , et les ont
inserez dans leur version ,, si c'est delà
qu'ils sont passez dans les anciennes Editions
latines , où la plûpart des anciens
Peres Latins , jusqu'au neuvième siècle
les ont lûs , ou si c'est une addition faite
après coup par quelques Chrétiens dans
certains Exemplaires grecs , d'où elle seroit
passée dans les Bibles latines , ou au
•
C vj
con-
ا ه س
892 MERCURE DE FRANCE
contraire , si ces mots ayant d'abord été
mis dans quelques Exemplaires latins
seroient passez dans quelques Exemplaires
grecs des Septante ; vous m'avez fait
l'honneur , Monsieur , de me citer dans
la Lettre que vous avez écrite sur ce sujet
, imprimée dans le Mercure d'Août
du mois dernier , et vous souhaitez que
je vous dise mon sentiment sur la Réponse
du R P. Tournemine , inserée dans
votre mois de Septembre suivant.
J'ai reçu tant de marques de bienveillance
du R. P. Tournemine pendant mon
séjour à Paris , il a annoncé mes Ouvrages
dans ses Journaux d'une maniere si
honnête et si polie , que je ne puis me
résoudre à entrer avec lui dans aucune
contestation . Si donc vous jugez à propos
de faire quelque usage de ce que j'ai
l'honneur de vous écrire , je vous prie de
le lui communiquer auparavant et de
lui déclarer que je le rends absolument
le maître de tout. Avec cette condition ,.
je vais vous exposer ce que je pense sur
le sujet en question.
Le R. P. T. dit qu'il est certain que le
Texte des Septante sur lequel l'ancienne
Version italique a été faite , version qui est
sûrement du premier siècle de l'Eglise , consenoit
de que l'Auteur de la version a traduit
MAY. 1734.
893
duit , à ligno ; pour le prouver il dit
1° . Que ces termes à ligno , se lisoient
dans l'ancienne version italique , 2 °. Que
S. Justin les lisoit dans ses Exemplaires
des LXX. 3 °. Que Cassiodore
soutient
la même leçon par l'autorité des L X X.
4°. Que S. Ephrem les lisoit aussi dans
la version Siriaque , faite dès les premiers
siécles de l'Eglise sur celle des LXX.
5°. Qu'Origene
ayant un Texte Hebreu
pareil à celui que nous avons aujourd'hui
,
crut qu'il falloit corriger le Texte des
LXX. sur ce Texte , et sur les autres
versions grecques ; et que S. Jerôme embrassa
le sentiment d'Origene , et eût de
la peine à le faire passer dans les Eglises
d'Occident. Examinons toutes ces preuves
.
1º. Est- il bien certain que l'ancienne
version des Septante contenoit ces mots ,
à ligno ? quelle raison en apporte-t'on !
on ne connoît ni Edition ni Manuscrit
qui les porte , le Manuscrit grec Alexandrin
, imprimé à Oxfort en 1707. qui
passe pour un des plus anciens qui soient
dans le monde,et où l'on voit les Obéles
et les Asterisques d'Origene, ne le marque
point , quoique dans le même verset dont
nous parlons , on ait marqué d'un obéle
la particule quia ri , qui n'est pas
dans
l'he
894 MERCURE DE FRANCE
l'hebreu. On ne le voit point non plus
dans ceux de Rome , qu'a suivi Nobilius
, ni dans ceux d'Alde , ni dans ceux
sur lesquels ont travaillé le P. Morin et
M. Bos , et dont ils raportent les Variantesdans
lesEditions qu'ils ont donnéesde
la version desSeptante.
Seroit- il possible que ces termes si favorables
au Christianisme , eussent été
effacez si universellement de tous les
Exemplairesqu'il n'en restât aucun vestige
, ni dans les Manuscrits les plus anciens
, ni dans les Peres ? Qu'Origene
Saint Clement d'Alexandrie ,Saint Irenée,
Eusebe de Cesarée , Saint Athanase , Saint
Chrysostome , les Chaînes grecques sur
les P'seaumes, n'eussent pas fait mention
de cette varieté ? On n'en voit rien dans
la nouvelle Edition d'Origene , dans laquelle
on a ramassé avec soin tout ce
qu'on a trouvé de lui épars en differens
endroits.
Les anciens Traducteurs grecs, Aquilay
Symmaque , et Theodotion , ne l'ont pas
fu , non plus que le Paraphraste Chaldéen,
ni l'ancienne Version Siriaque faite
sur l'hebreu ; ni les Apôtres , ni les hom
mes Apostoliques , n'ont point cité ce
passage avec l'addition , à ligno , quoique
si propre à convaincre les Juifs et les
Payens
MAY. 1734 855
Payens . Enfin les Eglises d'Orient ne
l'ont jamais lû dans leur Office ; d'où je
crois avoir lieu de conclure qu'il n'étoit
originairement, ni dans le Texte hebreu,
ni dans laVersion des Septante.
" 2º. J'avoue que ces termes à ligno
se lisoient dans l'ancienne Version italique
, que plusieurs Peres Latins les ont
lûs dans leurs Exemplaites , et que malgré
la réforme de Saint Jerôme , ont les
a chantés dans lesEglises latines pendant
près de neuf siécles , et encore les chantet'on
aujourd'hui dans l'Hymne Vexilla
Regis mais cela ne me persuade pas que,
ni l'hebreu , ni le grec des Septante ait
porté à ligno : je soupçonnerois bien plutôt
que quelque Chrétien du premier
siécle par une fraude pieuse , auroit inseré
ces termes dans quelque Pseautier Grec,
ou dans le Latin ; comme on a composé
dans le même tems le quatriéme Livre
d'Esdras , le Testament des douze Patriarches
, l'Evangile de l'Enfance de J. C.
et peut-être le fameux Passage de Joseph,
où il est parlé du Sauveur , et tant d'autres
Monuments anciens dont la supposition
est aujourd'hui reconnuë et avouée.
3 °. On soutient que Saint Justin le
Martyr lisoit l'addition à ligno , dans ses
Exemplaires des Septante. Če Saint accusoir
896 MERCURE DE FRANCE
soit hautement les Juifs de l'avoir retranché
de leurs Exemplaires hebreux , en
haine de J. C. et des Chrétiens. Tryphon
son Interlocuteur , qui étoit Juif , soutient
ce retranchement incroyable , sans
s'expliquer davantage ; ni lui ni Saint
Justin n'avoient pas en main les Exemplaires
ni grecs ni hebreux , pour les confronter.
Or dans ces sortes de disputes il faut
avoir piéces en main ; l'un avance , l'autre
nie , à qui croire ? Saint Justin ne
sçavoit pas l'hebreu , ni aparemment
Tryphon , ils n'étoient point à portée
des Bibliotéques , disputants à la campagne
et sur le bord de la Mer ; or il auroit
fallu pour décider la question consulter
plusieurs Exemplaires en l'une et en l'autre
Langu , et les comparer l'un à l'autre.
Saint Justin avance hardiment que les
Septante avoient lû à ligno : comme la
chose importoit peu à Tryphon , il n'en
demande point de preuves , mais il nie
que les Juifs ayent retranché ces termes
de leur Texte , sans en donner non plus
aucune raison ; d'ailleurs il paroît que
Saint Justin n'étoit nullement Critique ,
et si l'on exigeoit de lui des preuves de
tout ce qu'il avance principalement contre
les Juifs , il lui seroit certainement
malMAY
. 1734. 897
malaisé d'en donner ; il est tout aussi
croyable que les termes à ligno soient
passez du latin dans quelques Exemplaires
grecs , que non pas qu'ils soient passez
du Grec dans le Latin.
4°. Cassiodore sur le Pseaume XCV.
V. 10. lit Dominus regnavit : à ligno , et il
ajoûte à ligno : alii quidem non habent .
interpretes , sed nobis sufficit quod L X X.
Interpretum autoritate firmatum est : voilà
qui est précis et décisif : mais qui croira .
sur l'autorité de Cassiodore , qu'au sixième
siécle où il vivoit , le Texte des Septante
eut communément porté à ligno , pendant
que tous les Peres Grecs qui avoient.
écrit avant lui , ne lisoient point cette
addition , et qu'aucun de nos Exemplaires
grecs d'aujourd'hui , qui sont copiez
sur ceux de son temps , ne le porte.
5°. On dit que Saint Ephrem lisoit :
à ligno, dans les Exemplaires Syriaques de
son Eglise , puisqu'il le cite ainsi dans
son Sermon de la Croix. Il est vrai que
ce Saint lit : Dominus regnavit à ligno :
dans l'Edition latine du Sermon qu'on
cite ; mais on ne lit pas à ligno dans
l'Edition grecque d'Angleterre . De plus
ce Sermon de la Croix ne se trouve point
parmi ceux que M. Assemani a vûs en
Sy98
MERCURE DE FRANCE
Syriaque et en Arabe , et qu'il cite dans
le premier Tomè de sa Bibliothéque
Orientale , comme indubitablement de
Saint Ephrem .
On dit de plus que la Version Syriaque
est faite sur le Texte des Septante , qu'elle
est aussi ancienne que l'Eglise , et que les
Versions postérieures n'ont pas la même autorité.
Il est vrai qu'il y a uneVersion Syriaque
faite sur le Grec des Septante , mais elle
est moderne ; Masius en cite une faite
l'an 615. de J. C. je ne sçai si elle est
differente de celle d'un nommé Mar-
Abba mais tout cela est bien éloigné
des premiers siècles de l'Eglise. Cette
Traduction , faité sur le Grec , n'a ja̸ż
mais été imprimée , et est bien posté→
rieure et de moindre autorité que l'an
cienne Version Syriaque faite sur l'hebreu.
dès le premier siécle de l'Eglise , et imprimée
dans les Bibles Poliglottes de
M.le Jay à Paris en 1545. et ensuite réimprimées
à Londres par Walton avec
l'addition de quelques nouveaux Livres
de l'Ecriture, qui n'avoient pas paru dans
l'Edition de Paris ; je puis assurer que
l'addition à ligno n'est dans aucun Pseautier
Syriaque de ceux qui ont paru jusqu'ici
, je ne puis dire la même chose de
,
ceux
MA Y. 1734. 895
teux qui n'ont pas paru , et qui ne sont
pas venus à nôtre connoissance. Toujours
est- il vrai que Saint Ephrem n'a pas να
ces derniers , puisqu'ils sont plus récents
que lui : ainsi , soit qu'ils portent à lignoz
ou non, on nen peut rien inferer ni pour
ni contre ce Saint,de sorte que sans beaucoup
hazarder ; on peut avancer que ces
Versions ne portent point à ligno : puisqu'au
temps où elles ont été faites , ces
expressions ne se lisoient plus dans les
Septante.
6º. Enfin , Monsieur , puisque la derniere
réfléxion du R. P. Tournemine est
une pure conjecture empruntée de Sala
meron et d'Agellius , qui n'est fondée
sur aucun fait historique , ni sur aucun
témoignage des Anciens , ni sur aucun
Texte , ni sur aucun Manuscrit ; on peut
la laisser dans son être de conjecture ,
sans se donner la peine de la refuter ; on
peut
la nier tout net comme chose non
prouvée et improbable.
En effet quelle aparence que du temps
d'Origene il y eût des Exemplaires
hebreux
, quoiqu'en assez petit nombre ,
qui portassent Mihez yyo à ligno ; pendant
que le plus grand nombre lisoit aph
utique comme portent aujourd'hui
tous nos Exemplaires , et qu'on ne trou-
VO
800195
Joo MERCURE DE FRANCE
>
ve ni dans Origene , ni dans S. Jerôme
aucun vestige de cette ancienne leçon
pas même pour la rejetter ou pour la refuter.
Quelle aparence que la seule autorité
d'Origene ait pû d'un trait de plume
faire disparoître à ligno: de tous les Exemplaires
Grecs et Hebreux où il étoit ,
pendant que S. Jerôme apuyé de toute
l'autorité d'Origene et de celle de tous
les Manuscrits Grecs et Hebreux , d'où
l'on avoit retranché ces termes , n'a pû
réussir à les faire ôter des Textes latins
où ils étoient demeurez ?
Je ne m'étends pas ici à relever l'im
possibilité qu'il y a à corriger les anciens
Exemplaires grecs ni hebreux , et les corriger
de telle maniere que depuis tant de
siècles il ne paroisse aucun vestige de
l'ancienne leçon , ni dans les Manuscrits
ni dans les imprimez. Que les Juifs ayent
eû assez de malice pour l'ôter de tous
leurs livres ; cela est déja très difficile , les
Juifs convertis au Christianisme auroient
crié à la falsification . Mais que les Grecs
l'ayent voulu retrancher des leurs , cette
leçon se trouvant , dit- on , autorisée par
quelques Exemplaires hebreux , cela paroît
bien plus impossible , et plus incompréhensible
, le Christianisme ayant autant
d'interêt à la conserver pour convaincre
les
MAY.
901 1734:
les Juifs d'incredulité et de falsifica- ›
tion .
Voilà , Monsieur , quelles sont mes
réfléxions sur cette matiere . Je suis tou
jours & c.
A Senones le 2 Janvier 1734;
Calmet , Abbé de Senones , au sujet de
la Prophétie attribuée au Roy David, & c.
MoxONSIEUR ,
J'ai reçu avec reconnoissance les deux
volumes de votre Journal , dans lesquels
sont deux Lettres , l'une de vous , Monsieur
, et l'autre du R. P. Tournemine ,
sur ces paroles du Pseaume XCV v. 19.
Dicite in gentibus, quia Dominus regnavis
&c. Il est question de sçavoir si ces mots:
regnavit à ligno , que l'on explique du
Regne de J. C. par sa Croix , sçavoir
dis-je , si ces mots à ligno étoient originairement
au moins dans quelques.
Exemplaires du texte Hebreu ,si les Septante
interprêtes les y ont lûs , et les ont
inserez dans leur version ,, si c'est delà
qu'ils sont passez dans les anciennes Editions
latines , où la plûpart des anciens
Peres Latins , jusqu'au neuvième siècle
les ont lûs , ou si c'est une addition faite
après coup par quelques Chrétiens dans
certains Exemplaires grecs , d'où elle seroit
passée dans les Bibles latines , ou au
•
C vj
con-
ا ه س
892 MERCURE DE FRANCE
contraire , si ces mots ayant d'abord été
mis dans quelques Exemplaires latins
seroient passez dans quelques Exemplaires
grecs des Septante ; vous m'avez fait
l'honneur , Monsieur , de me citer dans
la Lettre que vous avez écrite sur ce sujet
, imprimée dans le Mercure d'Août
du mois dernier , et vous souhaitez que
je vous dise mon sentiment sur la Réponse
du R P. Tournemine , inserée dans
votre mois de Septembre suivant.
J'ai reçu tant de marques de bienveillance
du R. P. Tournemine pendant mon
séjour à Paris , il a annoncé mes Ouvrages
dans ses Journaux d'une maniere si
honnête et si polie , que je ne puis me
résoudre à entrer avec lui dans aucune
contestation . Si donc vous jugez à propos
de faire quelque usage de ce que j'ai
l'honneur de vous écrire , je vous prie de
le lui communiquer auparavant et de
lui déclarer que je le rends absolument
le maître de tout. Avec cette condition ,.
je vais vous exposer ce que je pense sur
le sujet en question.
Le R. P. T. dit qu'il est certain que le
Texte des Septante sur lequel l'ancienne
Version italique a été faite , version qui est
sûrement du premier siècle de l'Eglise , consenoit
de que l'Auteur de la version a traduit
MAY. 1734.
893
duit , à ligno ; pour le prouver il dit
1° . Que ces termes à ligno , se lisoient
dans l'ancienne version italique , 2 °. Que
S. Justin les lisoit dans ses Exemplaires
des LXX. 3 °. Que Cassiodore
soutient
la même leçon par l'autorité des L X X.
4°. Que S. Ephrem les lisoit aussi dans
la version Siriaque , faite dès les premiers
siécles de l'Eglise sur celle des LXX.
5°. Qu'Origene
ayant un Texte Hebreu
pareil à celui que nous avons aujourd'hui
,
crut qu'il falloit corriger le Texte des
LXX. sur ce Texte , et sur les autres
versions grecques ; et que S. Jerôme embrassa
le sentiment d'Origene , et eût de
la peine à le faire passer dans les Eglises
d'Occident. Examinons toutes ces preuves
.
1º. Est- il bien certain que l'ancienne
version des Septante contenoit ces mots ,
à ligno ? quelle raison en apporte-t'on !
on ne connoît ni Edition ni Manuscrit
qui les porte , le Manuscrit grec Alexandrin
, imprimé à Oxfort en 1707. qui
passe pour un des plus anciens qui soient
dans le monde,et où l'on voit les Obéles
et les Asterisques d'Origene, ne le marque
point , quoique dans le même verset dont
nous parlons , on ait marqué d'un obéle
la particule quia ri , qui n'est pas
dans
l'he
894 MERCURE DE FRANCE
l'hebreu. On ne le voit point non plus
dans ceux de Rome , qu'a suivi Nobilius
, ni dans ceux d'Alde , ni dans ceux
sur lesquels ont travaillé le P. Morin et
M. Bos , et dont ils raportent les Variantesdans
lesEditions qu'ils ont donnéesde
la version desSeptante.
Seroit- il possible que ces termes si favorables
au Christianisme , eussent été
effacez si universellement de tous les
Exemplairesqu'il n'en restât aucun vestige
, ni dans les Manuscrits les plus anciens
, ni dans les Peres ? Qu'Origene
Saint Clement d'Alexandrie ,Saint Irenée,
Eusebe de Cesarée , Saint Athanase , Saint
Chrysostome , les Chaînes grecques sur
les P'seaumes, n'eussent pas fait mention
de cette varieté ? On n'en voit rien dans
la nouvelle Edition d'Origene , dans laquelle
on a ramassé avec soin tout ce
qu'on a trouvé de lui épars en differens
endroits.
Les anciens Traducteurs grecs, Aquilay
Symmaque , et Theodotion , ne l'ont pas
fu , non plus que le Paraphraste Chaldéen,
ni l'ancienne Version Siriaque faite
sur l'hebreu ; ni les Apôtres , ni les hom
mes Apostoliques , n'ont point cité ce
passage avec l'addition , à ligno , quoique
si propre à convaincre les Juifs et les
Payens
MAY. 1734 855
Payens . Enfin les Eglises d'Orient ne
l'ont jamais lû dans leur Office ; d'où je
crois avoir lieu de conclure qu'il n'étoit
originairement, ni dans le Texte hebreu,
ni dans laVersion des Septante.
" 2º. J'avoue que ces termes à ligno
se lisoient dans l'ancienne Version italique
, que plusieurs Peres Latins les ont
lûs dans leurs Exemplaites , et que malgré
la réforme de Saint Jerôme , ont les
a chantés dans lesEglises latines pendant
près de neuf siécles , et encore les chantet'on
aujourd'hui dans l'Hymne Vexilla
Regis mais cela ne me persuade pas que,
ni l'hebreu , ni le grec des Septante ait
porté à ligno : je soupçonnerois bien plutôt
que quelque Chrétien du premier
siécle par une fraude pieuse , auroit inseré
ces termes dans quelque Pseautier Grec,
ou dans le Latin ; comme on a composé
dans le même tems le quatriéme Livre
d'Esdras , le Testament des douze Patriarches
, l'Evangile de l'Enfance de J. C.
et peut-être le fameux Passage de Joseph,
où il est parlé du Sauveur , et tant d'autres
Monuments anciens dont la supposition
est aujourd'hui reconnuë et avouée.
3 °. On soutient que Saint Justin le
Martyr lisoit l'addition à ligno , dans ses
Exemplaires des Septante. Če Saint accusoir
896 MERCURE DE FRANCE
soit hautement les Juifs de l'avoir retranché
de leurs Exemplaires hebreux , en
haine de J. C. et des Chrétiens. Tryphon
son Interlocuteur , qui étoit Juif , soutient
ce retranchement incroyable , sans
s'expliquer davantage ; ni lui ni Saint
Justin n'avoient pas en main les Exemplaires
ni grecs ni hebreux , pour les confronter.
Or dans ces sortes de disputes il faut
avoir piéces en main ; l'un avance , l'autre
nie , à qui croire ? Saint Justin ne
sçavoit pas l'hebreu , ni aparemment
Tryphon , ils n'étoient point à portée
des Bibliotéques , disputants à la campagne
et sur le bord de la Mer ; or il auroit
fallu pour décider la question consulter
plusieurs Exemplaires en l'une et en l'autre
Langu , et les comparer l'un à l'autre.
Saint Justin avance hardiment que les
Septante avoient lû à ligno : comme la
chose importoit peu à Tryphon , il n'en
demande point de preuves , mais il nie
que les Juifs ayent retranché ces termes
de leur Texte , sans en donner non plus
aucune raison ; d'ailleurs il paroît que
Saint Justin n'étoit nullement Critique ,
et si l'on exigeoit de lui des preuves de
tout ce qu'il avance principalement contre
les Juifs , il lui seroit certainement
malMAY
. 1734. 897
malaisé d'en donner ; il est tout aussi
croyable que les termes à ligno soient
passez du latin dans quelques Exemplaires
grecs , que non pas qu'ils soient passez
du Grec dans le Latin.
4°. Cassiodore sur le Pseaume XCV.
V. 10. lit Dominus regnavit : à ligno , et il
ajoûte à ligno : alii quidem non habent .
interpretes , sed nobis sufficit quod L X X.
Interpretum autoritate firmatum est : voilà
qui est précis et décisif : mais qui croira .
sur l'autorité de Cassiodore , qu'au sixième
siécle où il vivoit , le Texte des Septante
eut communément porté à ligno , pendant
que tous les Peres Grecs qui avoient.
écrit avant lui , ne lisoient point cette
addition , et qu'aucun de nos Exemplaires
grecs d'aujourd'hui , qui sont copiez
sur ceux de son temps , ne le porte.
5°. On dit que Saint Ephrem lisoit :
à ligno, dans les Exemplaires Syriaques de
son Eglise , puisqu'il le cite ainsi dans
son Sermon de la Croix. Il est vrai que
ce Saint lit : Dominus regnavit à ligno :
dans l'Edition latine du Sermon qu'on
cite ; mais on ne lit pas à ligno dans
l'Edition grecque d'Angleterre . De plus
ce Sermon de la Croix ne se trouve point
parmi ceux que M. Assemani a vûs en
Sy98
MERCURE DE FRANCE
Syriaque et en Arabe , et qu'il cite dans
le premier Tomè de sa Bibliothéque
Orientale , comme indubitablement de
Saint Ephrem .
On dit de plus que la Version Syriaque
est faite sur le Texte des Septante , qu'elle
est aussi ancienne que l'Eglise , et que les
Versions postérieures n'ont pas la même autorité.
Il est vrai qu'il y a uneVersion Syriaque
faite sur le Grec des Septante , mais elle
est moderne ; Masius en cite une faite
l'an 615. de J. C. je ne sçai si elle est
differente de celle d'un nommé Mar-
Abba mais tout cela est bien éloigné
des premiers siècles de l'Eglise. Cette
Traduction , faité sur le Grec , n'a ja̸ż
mais été imprimée , et est bien posté→
rieure et de moindre autorité que l'an
cienne Version Syriaque faite sur l'hebreu.
dès le premier siécle de l'Eglise , et imprimée
dans les Bibles Poliglottes de
M.le Jay à Paris en 1545. et ensuite réimprimées
à Londres par Walton avec
l'addition de quelques nouveaux Livres
de l'Ecriture, qui n'avoient pas paru dans
l'Edition de Paris ; je puis assurer que
l'addition à ligno n'est dans aucun Pseautier
Syriaque de ceux qui ont paru jusqu'ici
, je ne puis dire la même chose de
,
ceux
MA Y. 1734. 895
teux qui n'ont pas paru , et qui ne sont
pas venus à nôtre connoissance. Toujours
est- il vrai que Saint Ephrem n'a pas να
ces derniers , puisqu'ils sont plus récents
que lui : ainsi , soit qu'ils portent à lignoz
ou non, on nen peut rien inferer ni pour
ni contre ce Saint,de sorte que sans beaucoup
hazarder ; on peut avancer que ces
Versions ne portent point à ligno : puisqu'au
temps où elles ont été faites , ces
expressions ne se lisoient plus dans les
Septante.
6º. Enfin , Monsieur , puisque la derniere
réfléxion du R. P. Tournemine est
une pure conjecture empruntée de Sala
meron et d'Agellius , qui n'est fondée
sur aucun fait historique , ni sur aucun
témoignage des Anciens , ni sur aucun
Texte , ni sur aucun Manuscrit ; on peut
la laisser dans son être de conjecture ,
sans se donner la peine de la refuter ; on
peut
la nier tout net comme chose non
prouvée et improbable.
En effet quelle aparence que du temps
d'Origene il y eût des Exemplaires
hebreux
, quoiqu'en assez petit nombre ,
qui portassent Mihez yyo à ligno ; pendant
que le plus grand nombre lisoit aph
utique comme portent aujourd'hui
tous nos Exemplaires , et qu'on ne trou-
VO
800195
Joo MERCURE DE FRANCE
>
ve ni dans Origene , ni dans S. Jerôme
aucun vestige de cette ancienne leçon
pas même pour la rejetter ou pour la refuter.
Quelle aparence que la seule autorité
d'Origene ait pû d'un trait de plume
faire disparoître à ligno: de tous les Exemplaires
Grecs et Hebreux où il étoit ,
pendant que S. Jerôme apuyé de toute
l'autorité d'Origene et de celle de tous
les Manuscrits Grecs et Hebreux , d'où
l'on avoit retranché ces termes , n'a pû
réussir à les faire ôter des Textes latins
où ils étoient demeurez ?
Je ne m'étends pas ici à relever l'im
possibilité qu'il y a à corriger les anciens
Exemplaires grecs ni hebreux , et les corriger
de telle maniere que depuis tant de
siècles il ne paroisse aucun vestige de
l'ancienne leçon , ni dans les Manuscrits
ni dans les imprimez. Que les Juifs ayent
eû assez de malice pour l'ôter de tous
leurs livres ; cela est déja très difficile , les
Juifs convertis au Christianisme auroient
crié à la falsification . Mais que les Grecs
l'ayent voulu retrancher des leurs , cette
leçon se trouvant , dit- on , autorisée par
quelques Exemplaires hebreux , cela paroît
bien plus impossible , et plus incompréhensible
, le Christianisme ayant autant
d'interêt à la conserver pour convaincre
les
MAY.
901 1734:
les Juifs d'incredulité et de falsifica- ›
tion .
Voilà , Monsieur , quelles sont mes
réfléxions sur cette matiere . Je suis tou
jours & c.
A Senones le 2 Janvier 1734;
Fermer
Résumé : LETTRE du R. P. Dom Augustin Calmet, Abbé de Senones, au sujet de la Prophétie attribuée au Roy David, &c.
Le R. P. Dom Augustin Calmet, abbé de Senones, adresse une lettre à un destinataire non nommé pour discuter de la prophétie attribuée au roi David dans le Psaume XCV, verset 19. La lettre répond à une question soulevée dans le journal du destinataire concernant les mots 'regnavit à ligno' et leur origine dans les textes hébreux et grecs des Septante. Calmet examine les arguments du R. P. Tournemine, qui affirme que ces mots étaient présents dans les anciens textes des Septante et dans diverses versions anciennes. Calmet conteste cette affirmation en soulignant l'absence de ces mots dans les manuscrits anciens et les versions des Septante. Il mentionne que ni les manuscrits grecs les plus anciens, ni les Pères de l'Église n'ont fait mention de cette variante. Il suggère que ces mots ont pu être ajoutés par des chrétiens dans des exemplaires grecs ou latins postérieurs. Calmet examine également les témoignages de Saint Justin, Cassiodore, et Saint Éphrem, concluant que leurs références à 'regnavit à ligno' ne sont pas fiables ou sont basées sur des versions tardives. Il conclut que les mots 'regnavit à ligno' n'étaient pas originairement présents dans les textes hébreux ou grecs des Septante, mais ont probablement été ajoutés plus tard par des chrétiens.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer