LES QUATRE SAISONS.
LE PRINTEMPS.
Tircis. Iris.
Tircis.
Tout s'anime dans la Nature.
Iris , allons revoir nos champs ;
Allons voir naître la verdure ,
Que nous redonne le Printemps.
Ensemble.
Que le Printemps est agréable !
Qu'il a pour nous de douceurs !
Plus l'Hyver a de rigueurs ,
Plus le Printemps paroît aimable.
Iris.
L'Aquilon avec ses frimats
Ne désole plus nos Montagnes.
Zéphir , vole dans nos campagnes ,
Et Flore marche sur ses pas.
Tircis.
Nos Genisses impatientes ,
Brulent de retourner aux champs:
Bien-tôt dans les Prez renaissants ,
Nous les allons voir bondissantes,
3
Iris.
240 MERCURE DE FRANCE
Iris.
Du Ruisseau que je chéris ,
La glace arrêtoit l'Onde pure.
Déja sur un gason de ses charmes épris ,
Elle coule , elle murmure.
Tircis.
Le Rossignol et la Fauvette
Reprennent leurs tendres Concerts,
Du Dieu qui chasse les hyvers ,
Ils chantent la gloire parfaite.
Tous deux.
Pour reconnoître ses faveurs ,
Offrons lui le tribut de nos premieres fleurs ,
Des dons des Immortels peut- on mieux faire
usage ,
Qu'en leur en présentant l'hommage ?
L'ETE.
Licidas. Aglé.
Hâtons- nous , recueillons les présens de Cerés
Chantons , celebrons ses bienfaits.
Ægié.
Jamais moissons plus abondantes
N'ont comblé nos ardens desirs ,
Des Epis les têtes flottantes
Cedent aux amoureux Zéphirs .
Lycidas.
De l'Art, qui rend un champ fertile ,
Тц
FEVRIER. 247 1734.
Tu nous a donné des leçons ,
Cerès ; à tes soins la Sicile
A dû ses premieres moissons.
La Terre pour toi soupire ,
Tu soutiens tout l'Univers.
On t'adore au sombre Empire ,
Ta fille regne aux Enfers.
Æglé.
Que Phébus perde sa vitesse ,
Quand Proserpine est avec toi ;
Mais que ce Dieu vole et s'empresse ,
Quand Pluton la tient sous sa Loy.
Lycidas.
Nous avons appris de nos Peres
Ces illustres évenemens ;
A notre tour à nos enfans
Nous raconterons ces Mysteres.
Ensemble,
Accourez jeunes Moissonneurs ,
C'est peu de profiter d'une utile abondance.
Il faut marquer par la reconnoissance
A qui vous devez ces faveurs.
L'AUTOMNE.
Philis. Coridon.
Sujvons
Fuyons
Bacchus et sa Liqueur ;
Aimons
242 MERCURE DE FRANCE
S Aimons
Craignons
les présens qu'il nous donne.
C'est dans le doux jus de l'Automne
Ce n'est point le jus de l'Automne ,
Que l'on trouve un parfait bonheur ,
Qui peut faire notre bonheur,
Coridon,
Est-il une Fête agréable ,
Si Bacchus n'en fait l'ornement ?
La gayeté , l'enjoüment aimable ,
Coulent de son Nectar charmant.
Philis.
Trop souvent la raison s'égare ;
En voulant suivre ses pas ,
Souvent la discorde barbare
Trouble ses plus doux appas.
Coridon.
Toujours la fortune inconstante
Nous fait sentir quelque malheur,
Bacchus par sa Liqueur puissante
Sçait endormir notre douleur.
Philis.
Pour calmer une peine extrême ,
Bacchus offre un trompeur secours.
Fuyons ce Dieu ; son secours même ,
Empoisonne et finit nos jours.
Coridon.
FEVRIER.
1734. 243
Coridon.
Mais, aimable Philis , de son charmant breuvage
Ne peut- on faire un juste usage ?
C'est l'excès qui rend dangereux ,
Les doux présens des Dieux.
A
2'
Tous deux.
Buvons sans boire à tasse pleine ;
N'écoutons qu'un sage desir ,
Buvons assez pour le plaisir ,
Buvons sobrement pour la peine.
L'HY V E R.
Ismene. Corylas.
Corylas.
Ismene , quel temps rigoureux
Consterne toute la Nature !
Quels frimats ! quelle froidure ,
Trouble la paix de ces Lieux !
Tous deux.
O toi dont les soins secourables ,
Veillent sur le sort des Bergers ,
Pan , jette sur nous tes regards favorables ;
Deffends-nous , deffends tes Vergers.
Corylas.
Déja le tendre Sylvanire
A suspendu ses Chalumeaux ;
Déja
244 MERCURE DE FRANCE
Déja la charmante Thémire ,
Prend moins de soin de ses Troupeaux.
Ismene.
Mille Oiseaux chaque jour chantoient dans ces
Boccages ; .
J'y venois écouter le murmure des eaux ;
Oiseaux , vous avez donc oublié vos ramages ,
Vous ne murmurez plus , agréables Ruisseaux,
Corylas.
Mais , Ciel ! quel bonheur extrême !
L'Hyver croit en vain nous troubler.
Auprès de nos foyers je vois Bacchus lui-même
Les jeux et les plaisirs viennent s'y rassembler.
Tous deux.
Triompheż, triomphez , Divinitez charmantes
Regnez toujours avec nous.
Rendez nos Fêtes brillantes ;
Rendez de notre sort les Rois mêmes jaloux.
L. D.