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1
p. 253-263
OBSERVATIONS sur la Méthode d'Accompagnement pour le Clavecin qui est en usage, & qu'on appelle Echelle ou Regle de l'Octave.
Début :
Les premiers élemens de la rgele de l'Octave consistent à donner aux [...]
Mots clefs :
Octave, Musique, Accords, Règles, Exceptions, Musicien, Triton
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texteReconnaissance textuelle : OBSERVATIONS sur la Méthode d'Accompagnement pour le Clavecin qui est en usage, & qu'on appelle Echelle ou Regle de l'Octave.
OBSERF ATIONS fur U Mé
thode d' Accompagnement four le Cla~,
vecin qui est en usage , & qu'on ap
pelle Echelle ou Règle de l'Ottave.
LEs premiers Siemens de la règle de
i' Octave consistent à donner aux
doigts des habitudes conformes aux ac
cords qu'elle prescrit Xur jes degrés xonscíutifs
d'un Mode.
Cette règle renferme quelque chose
de bon ; mais elle est tellement bornée,
qu'il faut dans Ja fuite y faire un nom
bre infini d'exceptions , que les Maîtres
se réservent d'enseigner, à mesure que
les cas s'en présentent.
Le détail de ces exceptions est prodi
gieux i la.connoiflance & la pratique en
font- remplies de difficultés presque in
surmontables , par la multiplicité des ac
cords , par la variation infinie de leurs
Accorhpagnemens , par la surprise où
jettent sans cesse les différentes formes
de succession dont chaque accord en
particulier est susceptible , & qui sont sou
vent contraires aux habitudes déja for
mées , par la confusion des règles fondaoiçntíks
syeç ççUes de gout , par le
154 MERCURE DE FRANCE,
vuide que l'harmonie y souffre le plus
íbuvent , par le peu de ressource que I'ot
reille y trouve pour se former aux. véri
tables progrès des sons , par l'assujetifsement
trop servile aux chifres souvent
fautifs , enfin par les fausses applications
auxquelles des règles de détail éc des ex
ceptions innombrables ne peuvent man
quer d'être sujettes.
La Règle de l'Octave, avec ses excep»
tions , contient 12. Accords dans cha
que Mode , dont yoici l'énumération ca
abrégé. • -
U Accord parfait , la 6e , la 6* ÔC 4 e,
la 7e , la petite 7e , la fausse 5e , la petite
6e , le Triton , la 7e superflue' , la $e su
perflue , la 2e , la 6e'& 5e, la $e com-
{úette , la 9e simple , la 4e , la 9e & 4e,
5ejía 2e superflue , la 7 e dimi
nuée , la 6e majeure avec la fausse j* , le
Triton avec la 5 e mineure, & la 7e super
flue avec la 6e mineure , fans parler de la
<?e doublée, ôc encore moins de la 6e
mineure avec la je majeure , que quelques-
iins ont introduit assez mal à pro
pos , de lâ 6* superflue , que le gont au.
torife depuis quelque tems , ni de la j«
supe-fliië avec la 4 e -, qui pourroit plu
tôt avoir lieu que les deux derniirs.
Chacun de ces accords a ses Accompagnemens
difterens , qui consistent en
FEVRÏEft. 1730. 35s
«leux ou trois intcrvalcs de plus que ceux
dont ces Accords portent le nom ; dtì
forte qu'à la vûë du chiffre , ou par le
moyen de quelques autres notions , il
faut fe représenter tous les intervales qui
composent l'Accord , & y porter incon^
tinent les doigts.
Chaque Accord a d'ailleurs trois faces'
ou permutations fur le Clavier ; & tel
qui connoît la première n'en est pas beau
coup plus avancé pour la seconde , nì
après celle-ci pour la troisième , quanc
à la pratique ; chacun des 2 2 . Accords
exprimés en produit donc trois differens
dans l'execution , ce qui fait k nombre
de 66*
Outre cela , il f a Ì4. Modes i & ft
l'on veut être en état d'accompagner
toute forte de Musique , ou de transpo
ser-,, il faut absolument fe procurer un©
connoiffance locale des 6 6. Accords précedens
dans chacun de ces Modes , car
tel «qui fçait toucher les Accords d'u»
Mode a encore bien à faire pour trouveç
ceux d'un autre j il faut donc multiplier
les tftf». Accords ci- dessus par 24. ce qui
fait le nombre de i584.fi ce n'est pour
ì'esprit , du moins pour' les doigts.
Chacun des- 2 2. Accords primitifs a f*
tegle patticulicfc -, tant pour ce qui doic
ïe préceder, que pour ce qui doit le
C ù\ suivre
9 jtf MERCURE DE FRANCB;
suivre ; par exemple , il faut faire la pe*
tite 6 e pour descendre sur V Accord par
fait , sur 1* 7e ou sur la 4e , il ne faut
{dus faire que la 6e , sil?on descend sûr
a petite 6e , Si si l'on passe en montant
par les mêmes accords, tout change;
ce détail ne finit point. Comment la
mémoire , le jugement &c les doigts peuvent-
ils fur le champ , & tout à la_fois ,
suffire à tant de règles ?
On dira peut-être que la connoiíTance
-du Mode soulage l'Accompagnateur en
pareil cas , puisque la règle spécifie que
tel Accord se fait sur une telle Note du
Mode , en montant ou en 'descendant ;
mais si tant est quron eonnoisse le Modey
ne faut il pas découvrir aussi-tôt quel rang
y tient la Note présente , puis son Accord,
puis les DUz.es ou les- Bémols affectés à ce
Moie , 8c si eníìn on parvient à se rendre
tout cela présent dans la promtitude de
l'execlition , qu'a t'on gagné , si la Note
en question ne porte point l'Accord atta
ché au rang qu'elle tient dans le Mode ?
car , par exemple , au lieu de Y Accord
f>arfait au premier degré, aurrement dit
a Note tonitfnt-, il peut y avoir la 64&
5e , la 5e Sc 4*, la 4e & 3* , la :e Ott
la ?' superflu* , même avec la 6e mineure,
pareillement au lieu de la petite 6e au
deuxième degré , il peut se trouver la 7'
ou
F E V R î É R. ttltì. ìff
étì la 9e tk 4e , ainsi de tous les autre»
degrés , excepté le septième , appelle Nu*
te sensible. 11 faut donc ki bien des ex*
ceptions aux règles que l'on s'est efíbrc«
d'apprendre , & présumer encore que les
doigts accoutumés à n'enchaîner que dans
le mérae ordre leí Accords qu'elles ten*
ferment , prendront facilement la route
contraire que demandent toutes les suc
cessions différentes , dont chaque Accord
est susceptible.
Les chiffres , ajoutera- t'on j doivent
suppléer ici au deffaut de la règle ; mais*
peut-on s'assurer que le Compositeur les?
aura mis régulièrement par tout s & que
íe Copiste ou l'Imprimeur n'J' aura rietï
oublié. Oh a fait voir dans \t nouveau
sistême de Musique que le plus habile
Compositeur de notre siécle n'avoit pas
été exemt de méprise à cet égard ; & c'en,
est assez pour bannir la trop grande con
fiance dans les chiffres ; au reste , qu'estte
qu'une Méthode qui nous rend escla
ves des erreurs d'autrui , ne devroit-elltf
pas plutôt nous enseigner à les rectifier ;
niais bien loin de cela , dans quel em
barras ne met- elle pas l'AccompagnateUir
lorsqu'il n'y a point de chiffres ? le chant"
du Dessus lui indiquera-t'il les Accords?
fi ce chant , par exemple , fait la j* de
la Baffe , cette 3e pourra être accompa-
C iiij, gnéof
iÇS MERCURE 0E FRANCE;
gnéede la 4e , de la 5e , de la 6e , de I»
7e ou de la 9e ; or quelle raison de pré
férence pourra-t'il tirer d'une multiplicité
de règles !
D'ailleurs , on surcharge les comment
çans par le mélange de certaines règles
de gout avec celles de fond , fans penser
que celles -ci font la baze Ôc le modelé
de celles-là ,,& qu'elles seules peuvent
* former essentiellement l'oreille , procurée
aux doigts des habitudes générales ôc ré
gulières , & mettre dans l'esprit la cer
titude avec laquelle Poreille peut secon
der l'exeeution. Ces> règles de gout ne
font pas simplement les harpegemens-,
les fredons 5c te choix des faces , dont
quelque échantillon fait pour certaine*
personnes tout le mérite ôc rout le char
me de P Accompagnement. C'est fur-tout
la règle qui deffend deux Oílaves de fuite,,
desquelles on fait un monstre , Sc dònt la
prohibition , pour éviter une faute ima
ginaire , en fait commettre de véritables.
Pour ne pas blesser ce prejugédes deux
Octaves de fuite , on fait retrancher celle
de la Basse dans presque tous les Accords
dissonans , d'où il arrive que si la Basse
parcourt successivement toutes les Notes
d'un même Accord , il faut à chacune de
ces Notes deux opérations , l'une de lé
ser lc doigt de l'Òctave , l'autre de remetus
FEVRIER. 1730. âyj
mettre celui qu'on a levé précédemment
si l'on ne veut en denuer Pharmonie ,
ce qui varie à tous momens les Accom
pagnement d'un même Accord , & le
présente sans cesse fous des dénominations
diffetentes; or quel retardement cela n'apporte-
t'il pas à la connoissance , 8c quel
préjudice n'est-ce pas pour Pexecution ?
car si les positions changent si fréquem
ment ,.& qu'en même-tems toutes les
faces du Clavier ne soient pas également
familières , il arrive souvent que les
doigts.fe refusent à l'accord qui doit suc
céder à un autre dans une certaine face ;
d'où l'on est obligé de faire aller la main
par sauts , & de la porter précipitamment
à l'endroic où la face est plus familière &
plus commode , ce qui ne se fait point
encore sans le désagrément de partager
continuellement sa- vue" entre le Pupitre
& le Clavier.
Le retranchement de l'Octave multiplie
un même accord jusqu'à cinq ou six , tant
pour l'esptit que pour les doigts , & la
forme de succession naturelle à cet Ac
cord est multipliée à proportion ; si cet
Accord en admet cinq ou six autres diffe- *
rens dans fa succession , ce sonr pour cha
cun autant de successions différentes fut
le Clavier , & autant de nouvelles règlesà-
observer ,.ce qui accable les doigts de
C y tan?
4<îo MERCURE DE FRANCE.' v
tant de positions , & de marches diffé
rentes , qu'il est impossible de ne s'y pas
tromper le plus souvent ; c'est une vérité
dont presque tous les amateurs , & mê
me plusieurs Maîtres peuvent rendre té»
moignage , pour peu qu'ils soient sincè
res. Combien de fois ont-ils senti en ac
compagnant certaines Musiques que leur»
règles , leurs connoiflances , leur oreille
même , Ôc leurs doigts se trouvoient ert
desfaut ?
On peut juger aisément de là que l'o*
reille , de concert avec Les doigts , fè
formeroit bfcn plus sûrement, Ôc s'accoutumeroit
bien plutôt à une successions
Uniforme d'accords qu'elle ne le peut fair$
à plusieurs successions , qui lui paroiflene:
différentes les unes des autres , Ôc qu'elfeprésente
même comme telles- à Pesprit ;
car suivant toutes les Méthodes d'Ac
compagnement qui ont paru jufqu'icr,:
nos Musiciens pratiquent comme diffé
rentes , plusieurs successions d'Accords*
qui dans le fond ne font qu'une , & ils
ont établi en conséquence plusieurs règles;
qui se réduisent toutes à une feule*, par
exemple, quand on dit que leTritan doit
être fauve de la 6e, la fausse 5e de 1a je
la 6e majeure- de la 8e ou de la 6e , lá 7e
/Stperfi 'f de la 8e , la ^'superflue de la-
4e,. & la z* superflue de la ^ consonantey
'*. -, tout
FEVRIER. 1730. 2Í-1
*>ut cela se réunie dans l'Accord de 1*
Note sensible qui doit être suivi de l'Ac
cord parfait de la Note tonique ; mais il
ne saur pas s'étonner du grand nombre de
règles instituées jusqu'à présent sur la
succession des Accords 5 le Muíicien que
le sentiment seul a conduit pendant si long
tems , n?en a décidé que relativement à
l'impression que les différentes dispositions*-
d'un même Accord faifoient fut son oreil
le ; la réunion de toutes ces successions'
en une feule pasloit la portée de cet or
gane.
Au reste , il n'y a presque pas une de"
ces dernieres règles de détail qui ne soit
fausse en cettains cas , puisque si les intervales
de Triton, de fau/se 5e , de 6e ma*
je ure , de 3 e rnajf.ure & de 7 e superflue' t
se trouvent dans un autre Accord que
dans le sensible , comme il arrive trèssouvent
, tantôt ils font consonans , tan--
rôt de dissonances majeures ilv deviennentdissonances
mineures , & tantôt ils font
diflonans fans être foumiïà la succession;
déterminée en premier lieu. Que devien*
fient alors les susdites règles , &c dequoi
fers encore leur multiplicité ? Tel qui
entreprendra de contester ces vérités ne
scra pas Musicien , ou se perdra dans des
distinctions frivoles & dans des éxeep"
tions- fans fin»
.. Gvj; om
ZSi MERCURE DE FRANCE."
On pourroit rapporter plusieurs autreí
exemples des difsererís cas où ces régies
échouent; mais pour achever de prouver
combien elles font vagues , & même pré
judiciables , il suffira de Pexception qu'il
faut faire à l'égard du Triton , qui selon sa
regle,doit être sauvé de la 6e en montant,
&qui selon d'autres règles que l'experience
oblige de suivre à préfent.rcste furie mêmedegré
pour former la 8e , la }e , la 6e ou.
la 5e ; ne voilà Vil pas un conflit de rè
gles opposées ? & ne font- elles pas réci
proquement sujettes à de "fausses applir
cations, vâ que l'une peut se présenter às
Tesprit ^lorsqu'il est question de l'autre?
Cette Méthode , si l'on peut qualifiée
ainsi un amas confus de règles , ne sembleroit
pas un labirinte , & ne rebuteroit
pas tant de personnes de l'Accompagnement
, si elle, étoit plus instructive du.
fond ; cependant on ne doit pas nier qu'il
ne foie possible de posséder entièrement
toutes les regles-du détail & toutes leurs
exceptions , d'en faite la juste applica
tion , & de les mettre en pratique fur les
I58 4. Accords , dont elle exige la conaoissànce.
Mais quel tems &c quels tra
vaux ne faut-il pas pour cela ? D'ailleurs
quelle confusion pour l'esprit ! quelle
charge à la mémoire , & même quel
•bstacle à la précision de l'exeCution ì
FEVRIER; t7yoï *<f?
On donnera dans le Mercure prochai*
le Plan d'une nouvelle Méthode fur le
même sujet.
thode d' Accompagnement four le Cla~,
vecin qui est en usage , & qu'on ap
pelle Echelle ou Règle de l'Ottave.
LEs premiers Siemens de la règle de
i' Octave consistent à donner aux
doigts des habitudes conformes aux ac
cords qu'elle prescrit Xur jes degrés xonscíutifs
d'un Mode.
Cette règle renferme quelque chose
de bon ; mais elle est tellement bornée,
qu'il faut dans Ja fuite y faire un nom
bre infini d'exceptions , que les Maîtres
se réservent d'enseigner, à mesure que
les cas s'en présentent.
Le détail de ces exceptions est prodi
gieux i la.connoiflance & la pratique en
font- remplies de difficultés presque in
surmontables , par la multiplicité des ac
cords , par la variation infinie de leurs
Accorhpagnemens , par la surprise où
jettent sans cesse les différentes formes
de succession dont chaque accord en
particulier est susceptible , & qui sont sou
vent contraires aux habitudes déja for
mées , par la confusion des règles fondaoiçntíks
syeç ççUes de gout , par le
154 MERCURE DE FRANCE,
vuide que l'harmonie y souffre le plus
íbuvent , par le peu de ressource que I'ot
reille y trouve pour se former aux. véri
tables progrès des sons , par l'assujetifsement
trop servile aux chifres souvent
fautifs , enfin par les fausses applications
auxquelles des règles de détail éc des ex
ceptions innombrables ne peuvent man
quer d'être sujettes.
La Règle de l'Octave, avec ses excep»
tions , contient 12. Accords dans cha
que Mode , dont yoici l'énumération ca
abrégé. • -
U Accord parfait , la 6e , la 6* ÔC 4 e,
la 7e , la petite 7e , la fausse 5e , la petite
6e , le Triton , la 7e superflue' , la $e su
perflue , la 2e , la 6e'& 5e, la $e com-
{úette , la 9e simple , la 4e , la 9e & 4e,
5ejía 2e superflue , la 7 e dimi
nuée , la 6e majeure avec la fausse j* , le
Triton avec la 5 e mineure, & la 7e super
flue avec la 6e mineure , fans parler de la
<?e doublée, ôc encore moins de la 6e
mineure avec la je majeure , que quelques-
iins ont introduit assez mal à pro
pos , de lâ 6* superflue , que le gont au.
torife depuis quelque tems , ni de la j«
supe-fliië avec la 4 e -, qui pourroit plu
tôt avoir lieu que les deux derniirs.
Chacun de ces accords a ses Accompagnemens
difterens , qui consistent en
FEVRÏEft. 1730. 35s
«leux ou trois intcrvalcs de plus que ceux
dont ces Accords portent le nom ; dtì
forte qu'à la vûë du chiffre , ou par le
moyen de quelques autres notions , il
faut fe représenter tous les intervales qui
composent l'Accord , & y porter incon^
tinent les doigts.
Chaque Accord a d'ailleurs trois faces'
ou permutations fur le Clavier ; & tel
qui connoît la première n'en est pas beau
coup plus avancé pour la seconde , nì
après celle-ci pour la troisième , quanc
à la pratique ; chacun des 2 2 . Accords
exprimés en produit donc trois differens
dans l'execution , ce qui fait k nombre
de 66*
Outre cela , il f a Ì4. Modes i & ft
l'on veut être en état d'accompagner
toute forte de Musique , ou de transpo
ser-,, il faut absolument fe procurer un©
connoiffance locale des 6 6. Accords précedens
dans chacun de ces Modes , car
tel «qui fçait toucher les Accords d'u»
Mode a encore bien à faire pour trouveç
ceux d'un autre j il faut donc multiplier
les tftf». Accords ci- dessus par 24. ce qui
fait le nombre de i584.fi ce n'est pour
ì'esprit , du moins pour' les doigts.
Chacun des- 2 2. Accords primitifs a f*
tegle patticulicfc -, tant pour ce qui doic
ïe préceder, que pour ce qui doit le
C ù\ suivre
9 jtf MERCURE DE FRANCB;
suivre ; par exemple , il faut faire la pe*
tite 6 e pour descendre sur V Accord par
fait , sur 1* 7e ou sur la 4e , il ne faut
{dus faire que la 6e , sil?on descend sûr
a petite 6e , Si si l'on passe en montant
par les mêmes accords, tout change;
ce détail ne finit point. Comment la
mémoire , le jugement &c les doigts peuvent-
ils fur le champ , & tout à la_fois ,
suffire à tant de règles ?
On dira peut-être que la connoiíTance
-du Mode soulage l'Accompagnateur en
pareil cas , puisque la règle spécifie que
tel Accord se fait sur une telle Note du
Mode , en montant ou en 'descendant ;
mais si tant est quron eonnoisse le Modey
ne faut il pas découvrir aussi-tôt quel rang
y tient la Note présente , puis son Accord,
puis les DUz.es ou les- Bémols affectés à ce
Moie , 8c si eníìn on parvient à se rendre
tout cela présent dans la promtitude de
l'execlition , qu'a t'on gagné , si la Note
en question ne porte point l'Accord atta
ché au rang qu'elle tient dans le Mode ?
car , par exemple , au lieu de Y Accord
f>arfait au premier degré, aurrement dit
a Note tonitfnt-, il peut y avoir la 64&
5e , la 5e Sc 4*, la 4e & 3* , la :e Ott
la ?' superflu* , même avec la 6e mineure,
pareillement au lieu de la petite 6e au
deuxième degré , il peut se trouver la 7'
ou
F E V R î É R. ttltì. ìff
étì la 9e tk 4e , ainsi de tous les autre»
degrés , excepté le septième , appelle Nu*
te sensible. 11 faut donc ki bien des ex*
ceptions aux règles que l'on s'est efíbrc«
d'apprendre , & présumer encore que les
doigts accoutumés à n'enchaîner que dans
le mérae ordre leí Accords qu'elles ten*
ferment , prendront facilement la route
contraire que demandent toutes les suc
cessions différentes , dont chaque Accord
est susceptible.
Les chiffres , ajoutera- t'on j doivent
suppléer ici au deffaut de la règle ; mais*
peut-on s'assurer que le Compositeur les?
aura mis régulièrement par tout s & que
íe Copiste ou l'Imprimeur n'J' aura rietï
oublié. Oh a fait voir dans \t nouveau
sistême de Musique que le plus habile
Compositeur de notre siécle n'avoit pas
été exemt de méprise à cet égard ; & c'en,
est assez pour bannir la trop grande con
fiance dans les chiffres ; au reste , qu'estte
qu'une Méthode qui nous rend escla
ves des erreurs d'autrui , ne devroit-elltf
pas plutôt nous enseigner à les rectifier ;
niais bien loin de cela , dans quel em
barras ne met- elle pas l'AccompagnateUir
lorsqu'il n'y a point de chiffres ? le chant"
du Dessus lui indiquera-t'il les Accords?
fi ce chant , par exemple , fait la j* de
la Baffe , cette 3e pourra être accompa-
C iiij, gnéof
iÇS MERCURE 0E FRANCE;
gnéede la 4e , de la 5e , de la 6e , de I»
7e ou de la 9e ; or quelle raison de pré
férence pourra-t'il tirer d'une multiplicité
de règles !
D'ailleurs , on surcharge les comment
çans par le mélange de certaines règles
de gout avec celles de fond , fans penser
que celles -ci font la baze Ôc le modelé
de celles-là ,,& qu'elles seules peuvent
* former essentiellement l'oreille , procurée
aux doigts des habitudes générales ôc ré
gulières , & mettre dans l'esprit la cer
titude avec laquelle Poreille peut secon
der l'exeeution. Ces> règles de gout ne
font pas simplement les harpegemens-,
les fredons 5c te choix des faces , dont
quelque échantillon fait pour certaine*
personnes tout le mérite ôc rout le char
me de P Accompagnement. C'est fur-tout
la règle qui deffend deux Oílaves de fuite,,
desquelles on fait un monstre , Sc dònt la
prohibition , pour éviter une faute ima
ginaire , en fait commettre de véritables.
Pour ne pas blesser ce prejugédes deux
Octaves de fuite , on fait retrancher celle
de la Basse dans presque tous les Accords
dissonans , d'où il arrive que si la Basse
parcourt successivement toutes les Notes
d'un même Accord , il faut à chacune de
ces Notes deux opérations , l'une de lé
ser lc doigt de l'Òctave , l'autre de remetus
FEVRIER. 1730. âyj
mettre celui qu'on a levé précédemment
si l'on ne veut en denuer Pharmonie ,
ce qui varie à tous momens les Accom
pagnement d'un même Accord , & le
présente sans cesse fous des dénominations
diffetentes; or quel retardement cela n'apporte-
t'il pas à la connoissance , 8c quel
préjudice n'est-ce pas pour Pexecution ?
car si les positions changent si fréquem
ment ,.& qu'en même-tems toutes les
faces du Clavier ne soient pas également
familières , il arrive souvent que les
doigts.fe refusent à l'accord qui doit suc
céder à un autre dans une certaine face ;
d'où l'on est obligé de faire aller la main
par sauts , & de la porter précipitamment
à l'endroic où la face est plus familière &
plus commode , ce qui ne se fait point
encore sans le désagrément de partager
continuellement sa- vue" entre le Pupitre
& le Clavier.
Le retranchement de l'Octave multiplie
un même accord jusqu'à cinq ou six , tant
pour l'esptit que pour les doigts , & la
forme de succession naturelle à cet Ac
cord est multipliée à proportion ; si cet
Accord en admet cinq ou six autres diffe- *
rens dans fa succession , ce sonr pour cha
cun autant de successions différentes fut
le Clavier , & autant de nouvelles règlesà-
observer ,.ce qui accable les doigts de
C y tan?
4<îo MERCURE DE FRANCE.' v
tant de positions , & de marches diffé
rentes , qu'il est impossible de ne s'y pas
tromper le plus souvent ; c'est une vérité
dont presque tous les amateurs , & mê
me plusieurs Maîtres peuvent rendre té»
moignage , pour peu qu'ils soient sincè
res. Combien de fois ont-ils senti en ac
compagnant certaines Musiques que leur»
règles , leurs connoiflances , leur oreille
même , Ôc leurs doigts se trouvoient ert
desfaut ?
On peut juger aisément de là que l'o*
reille , de concert avec Les doigts , fè
formeroit bfcn plus sûrement, Ôc s'accoutumeroit
bien plutôt à une successions
Uniforme d'accords qu'elle ne le peut fair$
à plusieurs successions , qui lui paroiflene:
différentes les unes des autres , Ôc qu'elfeprésente
même comme telles- à Pesprit ;
car suivant toutes les Méthodes d'Ac
compagnement qui ont paru jufqu'icr,:
nos Musiciens pratiquent comme diffé
rentes , plusieurs successions d'Accords*
qui dans le fond ne font qu'une , & ils
ont établi en conséquence plusieurs règles;
qui se réduisent toutes à une feule*, par
exemple, quand on dit que leTritan doit
être fauve de la 6e, la fausse 5e de 1a je
la 6e majeure- de la 8e ou de la 6e , lá 7e
/Stperfi 'f de la 8e , la ^'superflue de la-
4e,. & la z* superflue de la ^ consonantey
'*. -, tout
FEVRIER. 1730. 2Í-1
*>ut cela se réunie dans l'Accord de 1*
Note sensible qui doit être suivi de l'Ac
cord parfait de la Note tonique ; mais il
ne saur pas s'étonner du grand nombre de
règles instituées jusqu'à présent sur la
succession des Accords 5 le Muíicien que
le sentiment seul a conduit pendant si long
tems , n?en a décidé que relativement à
l'impression que les différentes dispositions*-
d'un même Accord faifoient fut son oreil
le ; la réunion de toutes ces successions'
en une feule pasloit la portée de cet or
gane.
Au reste , il n'y a presque pas une de"
ces dernieres règles de détail qui ne soit
fausse en cettains cas , puisque si les intervales
de Triton, de fau/se 5e , de 6e ma*
je ure , de 3 e rnajf.ure & de 7 e superflue' t
se trouvent dans un autre Accord que
dans le sensible , comme il arrive trèssouvent
, tantôt ils font consonans , tan--
rôt de dissonances majeures ilv deviennentdissonances
mineures , & tantôt ils font
diflonans fans être foumiïà la succession;
déterminée en premier lieu. Que devien*
fient alors les susdites règles , &c dequoi
fers encore leur multiplicité ? Tel qui
entreprendra de contester ces vérités ne
scra pas Musicien , ou se perdra dans des
distinctions frivoles & dans des éxeep"
tions- fans fin»
.. Gvj; om
ZSi MERCURE DE FRANCE."
On pourroit rapporter plusieurs autreí
exemples des difsererís cas où ces régies
échouent; mais pour achever de prouver
combien elles font vagues , & même pré
judiciables , il suffira de Pexception qu'il
faut faire à l'égard du Triton , qui selon sa
regle,doit être sauvé de la 6e en montant,
&qui selon d'autres règles que l'experience
oblige de suivre à préfent.rcste furie mêmedegré
pour former la 8e , la }e , la 6e ou.
la 5e ; ne voilà Vil pas un conflit de rè
gles opposées ? & ne font- elles pas réci
proquement sujettes à de "fausses applir
cations, vâ que l'une peut se présenter às
Tesprit ^lorsqu'il est question de l'autre?
Cette Méthode , si l'on peut qualifiée
ainsi un amas confus de règles , ne sembleroit
pas un labirinte , & ne rebuteroit
pas tant de personnes de l'Accompagnement
, si elle, étoit plus instructive du.
fond ; cependant on ne doit pas nier qu'il
ne foie possible de posséder entièrement
toutes les regles-du détail & toutes leurs
exceptions , d'en faite la juste applica
tion , & de les mettre en pratique fur les
I58 4. Accords , dont elle exige la conaoissànce.
Mais quel tems &c quels tra
vaux ne faut-il pas pour cela ? D'ailleurs
quelle confusion pour l'esprit ! quelle
charge à la mémoire , & même quel
•bstacle à la précision de l'exeCution ì
FEVRIER; t7yoï *<f?
On donnera dans le Mercure prochai*
le Plan d'une nouvelle Méthode fur le
même sujet.
Fermer
Résumé : OBSERVATIONS sur la Méthode d'Accompagnement pour le Clavecin qui est en usage, & qu'on appelle Echelle ou Regle de l'Octave.
Le texte aborde la méthode d'accompagnement au clavecin appelée 'Règle de l'Octave'. Cette méthode vise à familiariser les doigts avec les accords spécifiques de chaque degré d'un mode. Cependant, elle présente de nombreuses limitations et exceptions, rendant son apprentissage complexe et propice aux erreurs. La Règle de l'Octave inclut 12 accords par mode, chacun ayant plusieurs accompagnements et permutations sur le clavier. Chaque accord doit être maîtrisé dans 24 modes différents, ce qui totalise 1584 accords à mémoriser. Les règles sont souvent contradictoires et dépendent des successions des accords, des indications du compositeur et des habitudes déjà acquises. Les exceptions et les règles de goût ajoutent encore à la complexité, posant des défis pour la mémoire, le jugement et la dextérité des doigts. Le texte critique également l'interdiction des deux octaves de fuite, qui engendre des complications inutiles et des erreurs dans l'exécution. Enfin, il annonce la présentation d'une nouvelle méthode plus instructive et moins confuse dans un prochain numéro du Mercure de France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 489-501
PLAN abregé d'une Méthode nouvelle d'accompagnement pour le Clavecin.
Début :
Une Méthode en musique est un morceau tout neuf. Celles qu'on a données [...]
Mots clefs :
Harmonie, Musique, Méthode, Accords, Notes, Succession des accords, Note tonique, Dissonance, Progrès, Oreille, Clavecin
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texteReconnaissance textuelle : PLAN abregé d'une Méthode nouvelle d'accompagnement pour le Clavecin.
PLAN abregé d'une Méthode nouvelle
d'accompagnement pour le Clavecin.
U
Ne Méthode en mufique eft un mor
ceau tout neuf. Celles qu'on a don
nées jufqu'à prefent n'en ont que le titres
on n'y voit qu'une pratique à demi détaillée
, des regles arbitraires , remplies
d'exceptions , & deftituées de tout fondement.
La Méthode nouvelle eft appuyée ſur
la Baffe fondamentale , feul & premier
principe , où tout fe rapporte en Muſique
, & d'où émanent des regles auffi
certaines que fimples.
C'eft par les définitions de l'Art & de
fes
490 MERCURE DE FRANCE .
fes parties qu'on commence à developer
cette Méthode.
L'accompagnement du Clavecin eſt
l'Art d'executer fucceffivement une harmonie
complete & parfaite fur un Chant
donné qu'on appelle Baffe continuë.
La connoiffance de l'harmonie eft le
premier mobile de cette execution ; l'habitude
des doigts & de l'oreille en fait la
promptitude .
Le premier objet de la Méthode eft
donc d'examiner en quoi confiftent l'harmonie
, fa plenitude , fa perfection , fa
fucceffion , & la marche de la Baffe.
Le deuxième objet eft de faciliter aux
doigts les habitudes neceffaires , & de rendre
l'oreille fenfible à l'harmonie & à fes
fucceffions les plus régulieres.
L'harmonie fe conçoit dans la pratique
fous le nom d'Accord ; elle est complete
& parfaite quand l'Accord eft tel .
Un Accord eft primitivement l'affemblage
de plufieurs fons difpofés par 3 .
Il n'y a que deux Accords ; le Conſonant
& le Diffonant.
Le Confonant eft compofé de trois Notes
, à la 3e l'une 3º de l'autre , & eft renfermé
dans l'intervale de 5º , comine par
exemple , fol , fi , re.
Le Diffonant eft de deux efpeces ; l'un
eft fondamental , l'autre eft de gout , &
par fuppofition. L'Accord
1
MARS. 1730. 491
L'Accord diffonant fondamental eſt compofé
de quatre Notes diftantes pareillement
d'une 3 , & eft renfermé dans l'intervale
de 7. Cet Accord contient le
Confonant & une Note de plus , comme
par exemple , fol , fi , re , fa ; tous deux
font compris dans l'étendue de l'8 , &
la premiere Note des 3e confecutives qui
les compofent , en est toujours la Baffe
fondamentale.
es
L'Acord diffonant par ſuppoſition eft
compofé de cinq Notes differentes , &
excede par conféquent l'étendue de l'ge ;
c'est - à- dire , qu'il contient l'Accord diffonant
fondamental , & une Note de plus ;
mais cette Note n'eft jamais que la 3 ,
ou la 5 au deffous de la premiere des
3 , qui compofent cet Accord , & c'eft
alors la Baffe qui eft par fuppofition ,
comme, par exemple , mi , fol, fi , re , fa,
& ut , fol , fi , re , fa,
с
Un Accord n'eft complet qu'autant
qu'il renferme le nombre de Notes qu'on
vient de rapporter , & il ne l'eft plus dès
qu'on en retranche quelques-unes , comme
il arrive dans l'Accord diffonant
appellé Accord de 4º ; ce qui n'empêche
pas qu'il ne demeure foûmis à toutes les
loix des autres Accords diffonans .
Un Accord eft parfait dans fa conftrution
, lorfque toutes les 3es qui le com
pofent
492 MERCURE DE FRANCE.
pofent font formées des Notes du Mode
qui exifte.
L'Accord confonant & le diffonant fondamental
peuvent recevoir autant de formes
differentes qu'ils contiennent de Notes
; & ce renverlement n'en change point
le fond.
Ainfi l'Accord confonant reçoit trois
formes differentes , & l'Accord diffonant
fondamental en reçoit quatre.
Mais fi l'on donne à ce dernier Accordune
Baffe par fuppofition , à la 3º ou à
la sau deffous , comme il a été dit ,
l'addition de cette cinquiéme Note change
la gradation refpective des quatre Notes
par 3 dont il eft compofé , & préfente
l'Accord fous deux formes de plus;
ainfi l'Accord diffonant en general reçoit
fix formes differentes.
Le renversement de l'Accord diffonant
fondamental n'eft point reciproque avec
la Note de la Baffe par fuppofition , &
n'a lieu qu'entre les quatre Notes fol , fi,
re , fa , où l'on reconnoît la jonction
de deux Notes , c'est - à - dire , un intervale
de 2 , comme entre fa & fol .
Cette jonction de deux Nores , qui feule
fait la diftinction de l'Accord confonant
d'avec le diffonant , ſemble auffi deſtinée
feule à faire reconnoître ce dernier par
deux chiffres de valeur immédiate , où
l'interMARS.
1730. 493
Pintervale de 2 fe découvre ; & l'ufage
où l'on eft de chiffrer l'Accord de 4º par
, celui de grande 6 par , & même
celui de petite 6 ° par , y eft entierement
conforme.
Mais fi l'intervale de 2 eût guidé en
cela la maniere de chiffrer , il femble
qu'on auroit dû proceder également à l'égard
des trois autres formes de l'Accord
diffonant , puifque par rapport à la Baffe
actuelle de l'Accord , on ne peut confiderer
celui de 2e que comme , celui de
9 comme , & celui de 7 comme ; il
y a donc même railon pour défigner les
uns & les autres par les chiffres où l'intervale
de 2 a lieu ; ce qui prefente toutes
les formes de l'Accord diffonant en
cette maniere fimple & uniforme 234568
& donne déja une ouverture importante
fur l'harmonie; puifque des deux chiffres
immédiats , le plus grand marque toû
jours la Baffe fondamentale , & le plus
petit la diffonance , obfervation qui fair
feule tout le principe de cette Méthode
fur la fucceffion des Accords .
2
123457
L'avantage qu'on tire de cette maniere
de concevoir toutes les formes de
l'Accord diffonant , n'eft pas moins fenfible
dans la pratique ; mais avant que de
faire agir les doigts , il faut obferver que
pour des raifons capitales que la Métho
de
494 MERCURE DE FRANCE.
de expofe , on doit fufpendre l'ufage du
pouce ; ce qui ne doit point rebuter les
petites mains , auxquelles elle fournit des
expediens.
S'il s'agit maintenant de trouver l'Accord
fur le Clavier par le moyen des
deux chiffres immédiats il fuffit de
connoître une feule des deux touches qui
répondent aux intervales défignés par ces
chiffres , pour connoître l'autre fur le
champ , puifque plaçant un doigt fur
cette touche , un des deux doigts voisins
ne peut que tomber naturellement fur
Pautre, & quant aux deux doigts reftans ,
il ne s'agit plus que de les difpofer par
3es
S'il arrive que le doigt voifin de celui
qu'on a placé d'abord ne fe trouve pas
tout portéfur la touche défignée par l'autre
chiffre , il ne faut que l'écarter par
3e , & les deux autres pareillement , on
aura toûjours le même Accord diffonant
complet ; car alors la touche occupée par
le doigt d'en haut n'eft que la réplique du
fon qui réuniroit deux doigts pour former
l'intervale de 2 , ce qui revient au
même pour l'efprit & pour les doigts ,
puifqu'il ne s'agit jamais que de les difpofer
tous par 3es , ou d'en joindre deux
feulement ; habitude qui ne les affujettit
qu'à deux fituations , & qui rend tous les
endroits
MAR S. 1730. 495
endroits du Clavier également familiers.
Chacun peut éprouver la facilité qu'il
y a de trouver ainfi tous les Accords diffonans
poffibles , & l'on verra qu'ils ne font
tous qu'un même arrangement par 3 ,
foit majeures , foit mineures , & que par
tout la Baffe fondamentale & la diffonance
font les mêmes , quoique les Accords
puiffent ne pas être complets.
Pour ce qui eft de la fucceffion des
Accords , il eft clair qu'étant tous confonans
ou diffonans , elle ne peut confifter
dans celle des confonans entre
que
eux , des diffonans entre eux , & des confonans
mêlés avec les diffonans.
Le principe de ces fucceffions réfide dans
deux cadences fondamentales , dont l'une
qui defcend de se , comme de fol à ut
s'appelle parfaite , & dont l'autre qui
monte des , comme de fa à ut , s'appelle
imparfaite ou irréguliere ; les Notes
qui forment ces cadences , portent chacune
l'Accord confonant , & la derniere
de chaque cadence eft toûjours la Tonique,
c'est- à- dire , la principale Note du ton .
Ces deux cadences ordonnent d'abord
de la fucceffion des Accords conforans
entr'eux ; mais comme le principal but
de la fucceffion des Accords eft d'entretenir
à l'oreille la modulation ou le ton qui
exifte , & que pour cet effet , l'art & l'ex-
D perience
496 MERCURE
DE FRANCE .
perience ont revêtu l'harmonie
de la diffonance
; on l'ajoûte en confequence
à la
premiere Note de chacune de ces deux cadences ; & delà naît la fucceffion
des
Accords confonans
mêlés de diffonans .
Si au lieu de terminer la cadence parfaite
par l'Accord confonant , on ajoûte
encore à celui - ci la même diffonance ;
il en refulte un progrès obligé d'Accords
diffonans , dont la conclufion ne fe peut
faire que par le feul Accord confonant ,
& ce n'eſt qu'alors que la cadence parfaite
apparoît ; car celles qui fe font d'un
Accord diffonant à un autre diffonant ,
n'en font que l'imitation.
Ainfi l'imitation de la cadence parfaite
eft l'origine de la fucceffion des Accords
diffonans entr'eux , & c'eft en ces deux
mouvemens de la même cadence que gir
tout l'artifice de la compofition & de
l'Accompagnement
; car la cadence irré
guliere eft toujours concluante , & ne
s'imite point.
Après le progrès obligé des Accords ,
ce qui refte à examiner , eft l'interruption
fréquente de ce progrès , par les differens
points de conclufion
que l'Accord confonant
y apporte ; & c'eft à quoi l'oreille
doit principalement
fe rendre fenfible ;
mais ce ne peut être qu'avec beaucoup
de tems & de peine , fans les lumieres
de
MARS 1730. 497
de l'efprit ; c'est pourquoi l'on s'attache
à faire raporter tous les Accords à la Note
tonique , & l'on fait obferver que confequemment
à la diffonance appliquée à
la premiere Note de chacune des deux
cadences , il n'y a dans un Mode que
trois Accords , celui de la tonique , celui
de fa 2º & le fenfible.
Le ton au-deffus de la tonique indique
fon Accord de 2º , & le femiton au - deffous,
indique fon Accord fenfible.
L'Accord confonant de la tonique commence
& termine toutes les fucceffions ;
& comme tout Mode ne contient que trois
Accords , il est évident que celui de la
tonique ne peut être précedé que de l'un
des deux autres , & qu'il doit en être
fuivi pareillement , fi ce n'eſt d'un autre
Accord , qu'un progrès obligé peut occafionner
après celui de la tonique.
Mais la marche de la Baffe détermine
alors l'Accord diffonant qui doit fuivre
le confonant ; & comme celui- ci ne peut
jamais être precedé que de fon Accord
de ze , & bien plus fréquemment de fon
Accord fenfible , on continue le progrès
obligé , jufqu'à ce que l'un des deux derniers
paroiffe ; & quand on eft arrivé à
celui de la 2º ,la Baffe montre clairement,
file fenfible ou le confonant doit le fuivre ;
Car fi ce n'eft le confonant, c'est le fenfible.
Dij
Si
498 MERCURE DE FRANCE .
Si le ton vient à changer après l'Accord
confonant de la tonique , ou après fon
Accord de 2 , cela eft infailliblement
marqué par la marche de la Baffe , par
un diéze , par un bémol , ou par un béquarre
; & le ton connû , tout le refte
l'eft.
Si enfin l'Accord diffonant pris aprés le
confonant , n'eſt pas le fenfible du ton où
l'on paffe , on fait fucceder pour lors les
Accords diffonans par le progrès obligé,
comme on l'a déja dit.
Ces regles établies fur toutes les marches
poffibles de la Baffe fondamentale
inftruifent parfaitement de la fucceffion
de l'harmonie ; mais tout ainfi que la
pratique la plus confommée ne fçauroit
procurer une entiere poffeffion de l'art ,
fi l'efprit n'est pourvû de ces connoiſſances
, de même auffi la pratique eft- elle
neceffaire pour les y graver mieux , &
plus promtement ; cependant on ne peut
trop obferver de fimplifier extrêmement
les objets , & de ne les lier qu'à meſure
qu'ils fe prefentent d'eux- mêmes.
C'eft dans cette vûë que la Méthode
prefcrit d'exercer d'abord les Accords fans
la Baffe ; & comme la diffonance eft le
guide le plus affuré des fucceffions , on
commence par celle des Accords diffomans
entr'eux , où il ne s'agit que de faire
defcen
MARS. 1730. 499
defcendre alternativement deux doigts
contigus fur les touches voifines de celles.
qu'ils occupent , & cela d'un Accord à
un autre ; de forte que les diffonances y
font toujours préparées & fauvées dans la
derniere rigueur . Voyez fur ce fujet l'exemple
du Traité de l'harmonie , page
396.
Le feul arrangement des doigts fait
fentir ceux qu'il faut mouvoir ; fi tous
les doigts font par 3 , le petit doigt demande
à deſcendre le premier , & de deux
doigts qui le joignent , celui d'au - deffous
peut feul partir , & ainfi du fuivant.
On apprend dans ce progrès obligé à
reconnoître l'Accord fenfible fi decifif
dans la modulation ; on y remarque que
l'Accord de la 2 tonique le précede toûjours
, ce qui facilite à l'oreille la diftinction
qu'elle en doit faire ; d'où l'on
fçait & l'on fent que l'Accord confonant
de la tonique doit le fuivre .
De cet exercice on paffe à celui des ca
dences , où l'on s'accoutume à entrelaffer
l'Accord confonant avec celui de la 2º
tonique , & le fenfible ; on fait fucceder
ces cadences d'un ton à l'autre , & lorf
qu'elles font familieres en differens tons ,
on y fait joindre une Baffe qu'on varie
autant qu'il eft neceffaire .
En exerçant ces cadences , on apprend
D iij
à
500 MERCURE DE FRANCE ;
à diftinguer les tons majeurs des mineurs,
& leurs rapports , combien chacun d'eux
contient de diézes ou de bémols , & par
quel moyen le nombre peut toûjours en
étre préfent .
Ces dernieres remarques jointes à la
marche de la Baffe font connoître le ton
qui exifte , & decident abfolument de
PAccord diffonant qui doit fucceder au
confonant ; mais la plus belle regle qu'on
y joint , & qui eft peu connue , eft celle
qui enfeigne le moment précis où chaque
ton commence & finit .
A mesure que l'efprit , les doigts &
P'oreille concourent à faifir les changemens
de ton , & que les conclufions fe
multiplient , on acquiert l'habitude de
faire fucceder les Accords confonans entr'eux
; car de cette fucceffion à celle des.
diffonans , il n'y a de difference que la
diffonance ajoûtée pour entretenir la mo- -
dulation , & pour fixer la fucceffion des
uns & des autres , puiſque s'il n'y a que
deux Accords , il n'y a pareillement que
deux fucceffions & deux marches fondamentales
de laBaffe , auxquelles les Accords
confonans ne font pas moins affujettis que
les diffonans .
On fait enfuite un corps féparé des licences
comme de la cadence rompuë , où
la Baffe fondamentale monte diatoniquement,
MARS.
1730: Sor
ment , de la cadence interrompuë , où elle
defcend de 3º , & de la fufpenfion , dont
tout l'artifice dans la pratique confifte à
faire defcendre un doigt de plus ou de
moins , après l'Accord diffonant.
Entre les fix manieres de chiffrer l'Accord
diffonant , adoptées par cette Méthode
, il y en a trois qui ne répondent pas
à l'ufage établi ; mais au prix de l'utilité
qu'en retirent les commençans , la peine
de s'accoûtumer aux autres chiffres n'eft
rien , & il leur fuffit qu'ils foient pairs ou
impairs , pour fe déterminer fur le champ;
d'ailleurs l'intelligence du principe , la
fenfibilité de l'oreille & la mécanique des
doigts les met bientôt en état de s'en
paffer.
L'Extrait qu'on donne ici ne permet pas
de prévenir les difficultés que peut faire
l'ancienne Ecole ; mais on imprime actuellement
le Plan entier chez M. Ballard ,
au Mont-Parnaffe , où l'on en trouvera
la folution , & même un parallele en forme
de toutes les Méthodes de compofition
& d'Accompagnement.
d'accompagnement pour le Clavecin.
U
Ne Méthode en mufique eft un mor
ceau tout neuf. Celles qu'on a don
nées jufqu'à prefent n'en ont que le titres
on n'y voit qu'une pratique à demi détaillée
, des regles arbitraires , remplies
d'exceptions , & deftituées de tout fondement.
La Méthode nouvelle eft appuyée ſur
la Baffe fondamentale , feul & premier
principe , où tout fe rapporte en Muſique
, & d'où émanent des regles auffi
certaines que fimples.
C'eft par les définitions de l'Art & de
fes
490 MERCURE DE FRANCE .
fes parties qu'on commence à developer
cette Méthode.
L'accompagnement du Clavecin eſt
l'Art d'executer fucceffivement une harmonie
complete & parfaite fur un Chant
donné qu'on appelle Baffe continuë.
La connoiffance de l'harmonie eft le
premier mobile de cette execution ; l'habitude
des doigts & de l'oreille en fait la
promptitude .
Le premier objet de la Méthode eft
donc d'examiner en quoi confiftent l'harmonie
, fa plenitude , fa perfection , fa
fucceffion , & la marche de la Baffe.
Le deuxième objet eft de faciliter aux
doigts les habitudes neceffaires , & de rendre
l'oreille fenfible à l'harmonie & à fes
fucceffions les plus régulieres.
L'harmonie fe conçoit dans la pratique
fous le nom d'Accord ; elle est complete
& parfaite quand l'Accord eft tel .
Un Accord eft primitivement l'affemblage
de plufieurs fons difpofés par 3 .
Il n'y a que deux Accords ; le Conſonant
& le Diffonant.
Le Confonant eft compofé de trois Notes
, à la 3e l'une 3º de l'autre , & eft renfermé
dans l'intervale de 5º , comine par
exemple , fol , fi , re.
Le Diffonant eft de deux efpeces ; l'un
eft fondamental , l'autre eft de gout , &
par fuppofition. L'Accord
1
MARS. 1730. 491
L'Accord diffonant fondamental eſt compofé
de quatre Notes diftantes pareillement
d'une 3 , & eft renfermé dans l'intervale
de 7. Cet Accord contient le
Confonant & une Note de plus , comme
par exemple , fol , fi , re , fa ; tous deux
font compris dans l'étendue de l'8 , &
la premiere Note des 3e confecutives qui
les compofent , en est toujours la Baffe
fondamentale.
es
L'Acord diffonant par ſuppoſition eft
compofé de cinq Notes differentes , &
excede par conféquent l'étendue de l'ge ;
c'est - à- dire , qu'il contient l'Accord diffonant
fondamental , & une Note de plus ;
mais cette Note n'eft jamais que la 3 ,
ou la 5 au deffous de la premiere des
3 , qui compofent cet Accord , & c'eft
alors la Baffe qui eft par fuppofition ,
comme, par exemple , mi , fol, fi , re , fa,
& ut , fol , fi , re , fa,
с
Un Accord n'eft complet qu'autant
qu'il renferme le nombre de Notes qu'on
vient de rapporter , & il ne l'eft plus dès
qu'on en retranche quelques-unes , comme
il arrive dans l'Accord diffonant
appellé Accord de 4º ; ce qui n'empêche
pas qu'il ne demeure foûmis à toutes les
loix des autres Accords diffonans .
Un Accord eft parfait dans fa conftrution
, lorfque toutes les 3es qui le com
pofent
492 MERCURE DE FRANCE.
pofent font formées des Notes du Mode
qui exifte.
L'Accord confonant & le diffonant fondamental
peuvent recevoir autant de formes
differentes qu'ils contiennent de Notes
; & ce renverlement n'en change point
le fond.
Ainfi l'Accord confonant reçoit trois
formes differentes , & l'Accord diffonant
fondamental en reçoit quatre.
Mais fi l'on donne à ce dernier Accordune
Baffe par fuppofition , à la 3º ou à
la sau deffous , comme il a été dit ,
l'addition de cette cinquiéme Note change
la gradation refpective des quatre Notes
par 3 dont il eft compofé , & préfente
l'Accord fous deux formes de plus;
ainfi l'Accord diffonant en general reçoit
fix formes differentes.
Le renversement de l'Accord diffonant
fondamental n'eft point reciproque avec
la Note de la Baffe par fuppofition , &
n'a lieu qu'entre les quatre Notes fol , fi,
re , fa , où l'on reconnoît la jonction
de deux Notes , c'est - à - dire , un intervale
de 2 , comme entre fa & fol .
Cette jonction de deux Nores , qui feule
fait la diftinction de l'Accord confonant
d'avec le diffonant , ſemble auffi deſtinée
feule à faire reconnoître ce dernier par
deux chiffres de valeur immédiate , où
l'interMARS.
1730. 493
Pintervale de 2 fe découvre ; & l'ufage
où l'on eft de chiffrer l'Accord de 4º par
, celui de grande 6 par , & même
celui de petite 6 ° par , y eft entierement
conforme.
Mais fi l'intervale de 2 eût guidé en
cela la maniere de chiffrer , il femble
qu'on auroit dû proceder également à l'égard
des trois autres formes de l'Accord
diffonant , puifque par rapport à la Baffe
actuelle de l'Accord , on ne peut confiderer
celui de 2e que comme , celui de
9 comme , & celui de 7 comme ; il
y a donc même railon pour défigner les
uns & les autres par les chiffres où l'intervale
de 2 a lieu ; ce qui prefente toutes
les formes de l'Accord diffonant en
cette maniere fimple & uniforme 234568
& donne déja une ouverture importante
fur l'harmonie; puifque des deux chiffres
immédiats , le plus grand marque toû
jours la Baffe fondamentale , & le plus
petit la diffonance , obfervation qui fair
feule tout le principe de cette Méthode
fur la fucceffion des Accords .
2
123457
L'avantage qu'on tire de cette maniere
de concevoir toutes les formes de
l'Accord diffonant , n'eft pas moins fenfible
dans la pratique ; mais avant que de
faire agir les doigts , il faut obferver que
pour des raifons capitales que la Métho
de
494 MERCURE DE FRANCE.
de expofe , on doit fufpendre l'ufage du
pouce ; ce qui ne doit point rebuter les
petites mains , auxquelles elle fournit des
expediens.
S'il s'agit maintenant de trouver l'Accord
fur le Clavier par le moyen des
deux chiffres immédiats il fuffit de
connoître une feule des deux touches qui
répondent aux intervales défignés par ces
chiffres , pour connoître l'autre fur le
champ , puifque plaçant un doigt fur
cette touche , un des deux doigts voisins
ne peut que tomber naturellement fur
Pautre, & quant aux deux doigts reftans ,
il ne s'agit plus que de les difpofer par
3es
S'il arrive que le doigt voifin de celui
qu'on a placé d'abord ne fe trouve pas
tout portéfur la touche défignée par l'autre
chiffre , il ne faut que l'écarter par
3e , & les deux autres pareillement , on
aura toûjours le même Accord diffonant
complet ; car alors la touche occupée par
le doigt d'en haut n'eft que la réplique du
fon qui réuniroit deux doigts pour former
l'intervale de 2 , ce qui revient au
même pour l'efprit & pour les doigts ,
puifqu'il ne s'agit jamais que de les difpofer
tous par 3es , ou d'en joindre deux
feulement ; habitude qui ne les affujettit
qu'à deux fituations , & qui rend tous les
endroits
MAR S. 1730. 495
endroits du Clavier également familiers.
Chacun peut éprouver la facilité qu'il
y a de trouver ainfi tous les Accords diffonans
poffibles , & l'on verra qu'ils ne font
tous qu'un même arrangement par 3 ,
foit majeures , foit mineures , & que par
tout la Baffe fondamentale & la diffonance
font les mêmes , quoique les Accords
puiffent ne pas être complets.
Pour ce qui eft de la fucceffion des
Accords , il eft clair qu'étant tous confonans
ou diffonans , elle ne peut confifter
dans celle des confonans entre
que
eux , des diffonans entre eux , & des confonans
mêlés avec les diffonans.
Le principe de ces fucceffions réfide dans
deux cadences fondamentales , dont l'une
qui defcend de se , comme de fol à ut
s'appelle parfaite , & dont l'autre qui
monte des , comme de fa à ut , s'appelle
imparfaite ou irréguliere ; les Notes
qui forment ces cadences , portent chacune
l'Accord confonant , & la derniere
de chaque cadence eft toûjours la Tonique,
c'est- à- dire , la principale Note du ton .
Ces deux cadences ordonnent d'abord
de la fucceffion des Accords conforans
entr'eux ; mais comme le principal but
de la fucceffion des Accords eft d'entretenir
à l'oreille la modulation ou le ton qui
exifte , & que pour cet effet , l'art & l'ex-
D perience
496 MERCURE
DE FRANCE .
perience ont revêtu l'harmonie
de la diffonance
; on l'ajoûte en confequence
à la
premiere Note de chacune de ces deux cadences ; & delà naît la fucceffion
des
Accords confonans
mêlés de diffonans .
Si au lieu de terminer la cadence parfaite
par l'Accord confonant , on ajoûte
encore à celui - ci la même diffonance ;
il en refulte un progrès obligé d'Accords
diffonans , dont la conclufion ne fe peut
faire que par le feul Accord confonant ,
& ce n'eſt qu'alors que la cadence parfaite
apparoît ; car celles qui fe font d'un
Accord diffonant à un autre diffonant ,
n'en font que l'imitation.
Ainfi l'imitation de la cadence parfaite
eft l'origine de la fucceffion des Accords
diffonans entr'eux , & c'eft en ces deux
mouvemens de la même cadence que gir
tout l'artifice de la compofition & de
l'Accompagnement
; car la cadence irré
guliere eft toujours concluante , & ne
s'imite point.
Après le progrès obligé des Accords ,
ce qui refte à examiner , eft l'interruption
fréquente de ce progrès , par les differens
points de conclufion
que l'Accord confonant
y apporte ; & c'eft à quoi l'oreille
doit principalement
fe rendre fenfible ;
mais ce ne peut être qu'avec beaucoup
de tems & de peine , fans les lumieres
de
MARS 1730. 497
de l'efprit ; c'est pourquoi l'on s'attache
à faire raporter tous les Accords à la Note
tonique , & l'on fait obferver que confequemment
à la diffonance appliquée à
la premiere Note de chacune des deux
cadences , il n'y a dans un Mode que
trois Accords , celui de la tonique , celui
de fa 2º & le fenfible.
Le ton au-deffus de la tonique indique
fon Accord de 2º , & le femiton au - deffous,
indique fon Accord fenfible.
L'Accord confonant de la tonique commence
& termine toutes les fucceffions ;
& comme tout Mode ne contient que trois
Accords , il est évident que celui de la
tonique ne peut être précedé que de l'un
des deux autres , & qu'il doit en être
fuivi pareillement , fi ce n'eſt d'un autre
Accord , qu'un progrès obligé peut occafionner
après celui de la tonique.
Mais la marche de la Baffe détermine
alors l'Accord diffonant qui doit fuivre
le confonant ; & comme celui- ci ne peut
jamais être precedé que de fon Accord
de ze , & bien plus fréquemment de fon
Accord fenfible , on continue le progrès
obligé , jufqu'à ce que l'un des deux derniers
paroiffe ; & quand on eft arrivé à
celui de la 2º ,la Baffe montre clairement,
file fenfible ou le confonant doit le fuivre ;
Car fi ce n'eft le confonant, c'est le fenfible.
Dij
Si
498 MERCURE DE FRANCE .
Si le ton vient à changer après l'Accord
confonant de la tonique , ou après fon
Accord de 2 , cela eft infailliblement
marqué par la marche de la Baffe , par
un diéze , par un bémol , ou par un béquarre
; & le ton connû , tout le refte
l'eft.
Si enfin l'Accord diffonant pris aprés le
confonant , n'eſt pas le fenfible du ton où
l'on paffe , on fait fucceder pour lors les
Accords diffonans par le progrès obligé,
comme on l'a déja dit.
Ces regles établies fur toutes les marches
poffibles de la Baffe fondamentale
inftruifent parfaitement de la fucceffion
de l'harmonie ; mais tout ainfi que la
pratique la plus confommée ne fçauroit
procurer une entiere poffeffion de l'art ,
fi l'efprit n'est pourvû de ces connoiſſances
, de même auffi la pratique eft- elle
neceffaire pour les y graver mieux , &
plus promtement ; cependant on ne peut
trop obferver de fimplifier extrêmement
les objets , & de ne les lier qu'à meſure
qu'ils fe prefentent d'eux- mêmes.
C'eft dans cette vûë que la Méthode
prefcrit d'exercer d'abord les Accords fans
la Baffe ; & comme la diffonance eft le
guide le plus affuré des fucceffions , on
commence par celle des Accords diffomans
entr'eux , où il ne s'agit que de faire
defcen
MARS. 1730. 499
defcendre alternativement deux doigts
contigus fur les touches voifines de celles.
qu'ils occupent , & cela d'un Accord à
un autre ; de forte que les diffonances y
font toujours préparées & fauvées dans la
derniere rigueur . Voyez fur ce fujet l'exemple
du Traité de l'harmonie , page
396.
Le feul arrangement des doigts fait
fentir ceux qu'il faut mouvoir ; fi tous
les doigts font par 3 , le petit doigt demande
à deſcendre le premier , & de deux
doigts qui le joignent , celui d'au - deffous
peut feul partir , & ainfi du fuivant.
On apprend dans ce progrès obligé à
reconnoître l'Accord fenfible fi decifif
dans la modulation ; on y remarque que
l'Accord de la 2 tonique le précede toûjours
, ce qui facilite à l'oreille la diftinction
qu'elle en doit faire ; d'où l'on
fçait & l'on fent que l'Accord confonant
de la tonique doit le fuivre .
De cet exercice on paffe à celui des ca
dences , où l'on s'accoutume à entrelaffer
l'Accord confonant avec celui de la 2º
tonique , & le fenfible ; on fait fucceder
ces cadences d'un ton à l'autre , & lorf
qu'elles font familieres en differens tons ,
on y fait joindre une Baffe qu'on varie
autant qu'il eft neceffaire .
En exerçant ces cadences , on apprend
D iij
à
500 MERCURE DE FRANCE ;
à diftinguer les tons majeurs des mineurs,
& leurs rapports , combien chacun d'eux
contient de diézes ou de bémols , & par
quel moyen le nombre peut toûjours en
étre préfent .
Ces dernieres remarques jointes à la
marche de la Baffe font connoître le ton
qui exifte , & decident abfolument de
PAccord diffonant qui doit fucceder au
confonant ; mais la plus belle regle qu'on
y joint , & qui eft peu connue , eft celle
qui enfeigne le moment précis où chaque
ton commence & finit .
A mesure que l'efprit , les doigts &
P'oreille concourent à faifir les changemens
de ton , & que les conclufions fe
multiplient , on acquiert l'habitude de
faire fucceder les Accords confonans entr'eux
; car de cette fucceffion à celle des.
diffonans , il n'y a de difference que la
diffonance ajoûtée pour entretenir la mo- -
dulation , & pour fixer la fucceffion des
uns & des autres , puiſque s'il n'y a que
deux Accords , il n'y a pareillement que
deux fucceffions & deux marches fondamentales
de laBaffe , auxquelles les Accords
confonans ne font pas moins affujettis que
les diffonans .
On fait enfuite un corps féparé des licences
comme de la cadence rompuë , où
la Baffe fondamentale monte diatoniquement,
MARS.
1730: Sor
ment , de la cadence interrompuë , où elle
defcend de 3º , & de la fufpenfion , dont
tout l'artifice dans la pratique confifte à
faire defcendre un doigt de plus ou de
moins , après l'Accord diffonant.
Entre les fix manieres de chiffrer l'Accord
diffonant , adoptées par cette Méthode
, il y en a trois qui ne répondent pas
à l'ufage établi ; mais au prix de l'utilité
qu'en retirent les commençans , la peine
de s'accoûtumer aux autres chiffres n'eft
rien , & il leur fuffit qu'ils foient pairs ou
impairs , pour fe déterminer fur le champ;
d'ailleurs l'intelligence du principe , la
fenfibilité de l'oreille & la mécanique des
doigts les met bientôt en état de s'en
paffer.
L'Extrait qu'on donne ici ne permet pas
de prévenir les difficultés que peut faire
l'ancienne Ecole ; mais on imprime actuellement
le Plan entier chez M. Ballard ,
au Mont-Parnaffe , où l'on en trouvera
la folution , & même un parallele en forme
de toutes les Méthodes de compofition
& d'Accompagnement.
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Résumé : PLAN abregé d'une Méthode nouvelle d'accompagnement pour le Clavecin.
Le texte présente une 'Méthode nouvelle' pour l'accompagnement au clavecin, critiquant les méthodes existantes comme incomplètes et arbitraires. Cette nouvelle méthode repose sur la 'Basse fondamentale', principe essentiel de la musique. Elle commence par définir l'art et ses parties, et explique que l'accompagnement au clavecin consiste à exécuter une harmonie complète et parfaite sur une mélodie donnée, appelée 'Basse continue'. La connaissance de l'harmonie et l'habitude des doigts et de l'oreille sont cruciales pour cette exécution. La méthode distingue deux types d'accords : le 'Consonant' et le 'Dissonant'. L'accord consonant est composé de trois notes à la tierce, tandis que l'accord dissonant peut être fondamental ou par supposition, contenant respectivement quatre ou cinq notes. Un accord est complet s'il contient le nombre de notes requis et parfait s'il est formé des notes du mode existant. La méthode explore les différentes formes des accords et leur succession, basée sur deux cadences fondamentales : parfaite (descendante) et imparfaite (ascendante). Ces cadences déterminent la succession des accords et l'entretien de la modulation. La pratique des accords sans la Basse est recommandée pour simplifier l'apprentissage, en commençant par les accords dissonants et en progressant vers les cadences. Cet exercice permet de reconnaître les accords sensibles et de distinguer les tons majeurs des mineurs. Le texte traite également des principes de la musique, en particulier des accords et des changements de ton. Il souligne que la marche de la basse (ou basse continue) et les accords dissonants déterminent le ton existant et l'accord suivant. Une règle importante, peu connue, enseigne le moment précis où chaque ton commence et finit. À mesure que l'esprit, les doigts et l'oreille collaborent pour effectuer les changements de ton, on acquiert l'habitude de faire succéder les accords consonants. La différence entre les accords consonants et dissonants réside dans la dissonance ajoutée pour moduler et fixer la succession des accords. Le texte mentionne différentes manières de chiffrer l'accord dissonant, dont trois ne correspondent pas à l'usage établi. Cependant, l'utilité pour les débutants justifie l'effort d'apprentissage. L'intelligence du principe, la sensibilité de l'oreille et la mécanique des doigts permettent rapidement de maîtriser ces chiffres. Enfin, le texte indique que l'extrait ne permet pas de prévenir les difficultés posées par l'ancienne école, mais que le plan entier est disponible chez M. Ballard au Mont-Parnasse, où l'on peut trouver la solution et un parallèle des méthodes de composition et d'accompagnement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 880-892
REPONSE du second Musicien au premier Musicien, Auteur de l'Examen inseré dans le Mercure d'Octobre 1729. page 2369.
Début :
Je vous addresse la parole, Monsieur, pour bannir toute confusion de notre [...]
Mots clefs :
Accords, Son fondamental, Harmonie, Compositeurs, Variété, Musique, Octave
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE du second Musicien au premier Musicien, Auteur de l'Examen inseré dans le Mercure d'Octobre 1729. page 2369.
REPONSE du fecond Muficien au
premier Muficien Auteur de l'Examen
, inferé dans le Mercure d'Octobre
1729. page 2369.
J
E vous addreffe la parole , Monfieur ,
pour bannir toute confufion de notre
difpute. Je vous exhorte à la fincerité &
à la moderation qui convient entre deux
Confreres ; je vous en ai donné l'exemple.
dans l'expofé que j'ai fait de notre Conference
; vous le fçavez ; comment ofezvous
donc m'accufer de calomnie au fujet
du defaveu que vous avez fait de votre
Livre je pourrois nommer huit ou dix:
témoins qui l'ont entendu : fi je ne-craignois
de commettre des perfonnes refpectables
, peut-être que vous l'avez oublié
dans ce cas , je vous prie de vous
reffouvenir que je vous dis alors , mais
fi vous vous êtes trompé dans un Ouvrage
ou
MAY. 1730 881
•
où vous avez refléchi pendant dix ans ,
ne devez - vous pas craindre de vous trom .
per encore ? Non , répondîtes-vous , je
fuis préfentement certain de mon fait.
Revenez à votre Livre , j'y confens ; je
prendrai la même licence fi je me trompe
en quelque chofe .
Je n'ai nul interêt de décrier ce Livre
comme vous m'en accufez ,& fi je me pare
de la Baffe fondamentale , je puis dire en
même tems , que je ne vous en furs point
redevable ; on n'en peut point douter
puifque je vous accufe de la mal expliquer.
Je pourrois rabattre beaucoup deslouanges
que vous donnez à cet Ouvrage; 、
mais je me contenterai préfentement de
blâmer la temerité que vous avez de ſoutenir
dans votre Préface que tout ce que
l'on a compofé jufqu'à préfent d'excellent
ne l'a été que par goût , fans principes
clairs & certains. Avez-vous penetré au
fond de l'ame de tous ces grands Auteurs,
pour connoître leur fçavoir : Des Ouvrages
charmans & admirables , felon votre
où l'ordre , la fcience , vos meilleurs
principes, & beaucoup d'autres , font
conftamment pratiquez par tout , peuvent-
ils être des enfans de l'aveugle goût
qui ne marche qu'à tatons ; ces excellens
Auteurs n'ont point mis au jour leurs
principes , donc vous n'en pouvez pas ju-
,
ger.
882 MERCURE DE FRANCE
ger. Parceque vous êtes le premier qui
avez fait imprimer le fon fondamental
d'un Accord , s'enfuit- il que vous êtes le
premier qui l'avez connu ; combien voiton
dans les Arts de principes pratiqués
long- tems avant qu'on les imprime. Ce
que vous voulez avoir mis au jour depuis
peu eft commun daris Paris depuis trente
ans , & bien plus , je connois celui qui
dit vous l'avoir enfeigné vers votre
trentiéme année ; vous fçavez qu'il demeure
rue Planche Mibray , à côté d'une
Lingere. Mais fuppofons que vous l'aycz
trouvé après les autres , je foutiens que
vous l'avez mal deviné ; c'eft le fecond
Article de notre difpute. Je ne prétens
pas infinuer que votre Traité d'harmonie'
n'ait beaucoup de bon , malgré fes deffauts
; au contraire , j'avoue que c'eft un
mérite de l'avoir compilé , mais inférieur
au mérite des excellens Auteurs dont
vous niez les lumieres ; car enfin l'harmonie
feule comparée à une piece qui
raffemble toutes les beautés de la Mufique
, eft comme un Rudiment contre une
Piece d'Eloquence. Au refte , ces M M.
n'ont pas befoin de défenfeur ; leurs Ouvrages
en font plus fentir que je n'en
puis dire ces fources fecondes où vous
avez puifé ce que vous fçavez de mieux ,
feront toûjours des témoins qui vous
accufoMAY.
1730. 883
accuferont d'ingratitude envers leurs Auteurs.
;
Ne croyez pas que le ton décifif &
les invectives qui regnent dans votre
Examen , vous donnent gain de caufe
parmi les perfonnes qui penfent bien ; il
faut des raifons pour les perfuader ; c'eſt
vouloir juger fa propre caufe que de trairer
fon adverfaire d'ignorant le Public
en doit décider , il eft notre juge dès que
nous lui addreffons nos Ecrits . Vous ne
prenez pas garde que vos mépris retombent
fur vous- même ; auriez- vous oublié
qu'à la fin de notre Conference , en préfence
de la Compagnie , vous avez refufé
un pari de cent louis que je vous ai propofé
, pour ceux de nos fentimens qut
l'emporteroient au jugement des plus renommés
compofiteurs du Royaume : Ne
vous flattez pas que la Compagnie ait
approuvé cette défaite ; voici vos propres
paroles je ne reconnois perfonne capable
de me juger; je ſuis feul fçavant en
harmonie. Quelle certitude , que celle qui
n'eft fondée que fur l'opinion d'une seule
tête.
Venons au fait. Toute notre difpute
roule fur quatre chefs. 1 ° Si le premier
fondement de l'harmonie doit fe tirer des
proportions qui fe trouvent dans les vibrations
des fons on de la refonnance du
corps
884 MERCURE DE FRANCE
corps fonore. 20 quel eft le fon fondamental
dans l'Accord de 4° & celui de 9º.-
3 files renverfemens de ces deux Ac--
cords peuvent fe pratiquer . 40 Si la façon
ordinaire d'accompagner du Clavecin eft
plus parfaite que la vôtre .
Le premier chef eft un fait de pure
Phyfique ; comme vous n'avez point étudié
cette Science , je ne fuis point étonné
que vous ne vous rendiez pas à mes
raifons alleguées dans la Conference . Cependant
il faut ou vous faire inftruire
fur cet article , ou me le ceder . Je ne fçai
point de moyen plus éfficace pour vous
y engager que de vous propofer un pari
de cent piftoles , plus ou moins fi vous
voulez , & nous prierons M M. de l'Académie
des Sciences de nous juger ; a
leur refus , des Profeffeurs de Philofophie
pourront être nos juges .
Le fecond chef eft de la compétence
des compofiteurs de Mufique , auffi bien
que des Phyficiens , & parceque c'eſt à
ces premiers principalement que nous
adreffons nos raifons , je l'approfondirai
autant qu'il me fera poffible. Mes preuves
écrites dans la Conference me paroiffent
fi fort au-deffus de la réponfe que.
Vous y avez faite , que je ne puis me
difpenfer de vous y renvoyer , perfuadé
que fi vous pouvez les méditer fans pré-
1 ventionMAY.
1730.* 885
vention , vous en ferez convaincu . J'ajoûte
à ces preuves l'argument fuivant ,
qui fervira en même- tems à déveloper
Fendroit où votre réponſe péche.
Le fon fondamental d'un Accord eft
celui qui donne la difpofition de l'Accord
parfait , lorfqu'on le met au bas des autres
fons , auquel Accord parfait on peut
fouvent ajoûter la 7 ; vous convenez avec
moi de ce principe ; ainfi dans ces Accords
fa la ut ré fa , la ut ré fa la , ut ré fa llaa ,
le fon fondamental eft le ré , parceque
Jui feul mis au plus bas donne ré fa la ut
ré , qui eft la difpofition requife. Si l'on
diéze le fa , le ré ne fera pas moins fondamental
, parceque la difpofition fera la
même ; jufqu'ici nous fommes d'accord .
Mais fi l'on fupprime plufieurs fons , ne
laiffant que ré ut , on ne pourra pas dire
que ces deux fons font un Accord de fep--
tiéme , comme vous dites , ce fera feulement
un intervale de 7° ; car nous entendons
par Accord de feptiéme un Accord
parfait auquel on a ajoûté la 7° , & c'eft
ici le défaut de votre preuve ; vous dites
ré ut font un Accord de 7 , que
que
fi
vous mettez un fol au lieu de la
n'aurez pas moins un Accord de 7º , &
que le ré felon notre principe eft fondamental
, je réponds que ce n'eft point un
compofé de 3 , 4 , 7 & 8° , qui eft la
diſpo
, vous
886 MERCURE DE FRANCE
diſpoſition dont nous convenons dans notre
principe , que c'eft , au contraire , un
compofé de tierce , quinte & octave , auquel
on peut ajoûter la feptiéme. Vous
avez fuppofé faux ; ainfi votre conclufion
cft fauffe. Mais , direz- vous , on ne peut
pas trouver la difpofition d'Accord parfait
dans l'Accord de quarte , ni celui de
neuviéme ; je réponds que lorfque cette
difpofition eft impoffible , ce doit être
celle qui en approche le plus qui doit y
étre fubftituée. Car enfin fi la feule dif
pofition d'Accord parfait nous indique le
fon fondamental , à quelle difpofition
pouvons -nous le plus raifonnablement
avoir recours, lorfque celle- ci nous manque
, fi ce n'eft à celle qui en approche le
plus. Cela me paroît d'une évidence fi
fenfible , que perfonne, je croi , n'enpeut
douter.
Or il eft certain que dans l'Accord de
quarte & celui de neuviéme , dans les
circonftances que l'on voit à l'exemple
mis au bas de l'Air noté de ce Livre , la
baffe actuelle donne la difpofition la plus
approchante de l'Accord parfait ou de
feptiéme , car elle n'en differe que par un
fon retardant , pareffeux , pour ainfi dire ,
à fe rendre à fa place ; donc la baffe actuelle
dans ces deux Accords eſt fondamentale
Yous!
MAY. 1730. 887
Vous avez marqué dans votre Examen
que l'Accord complet fol ré fa la ut , fait
voir que ré eft fondamental , étant la baffe
d'un Accord de feptiéme complet ; mais
cette raifon n'a point de lieu dans les
exemples que je rapporte , parceque tous
les fons que vous propofez ne peuvent
pas s'y trouver , & quoique l'on puiffe
les admettre tous dans deux cas que j'expliquerai
ci après , cela ne conclud rien
pour les cas où l'on ne peut pas les admettre
tous ; les accords que je propofe
font differens.
Vous dites encore pour votre défenſe ,
que à tout Accord de neuviéme on peut
ajoûter la 7 , ainfi le fon qui fait la tierce
eft fondamental , puiſqu'il porte un Accord
de feptiéme complet ; vous m'avez
fait cette objection le jour de notre Conference
, vous prétendiez que dans l'Accord
de neuvième , marqué B , on peut
y mettre la 7 pour la faire monter enfuite
à l'octave , ce que je nie par deux
raifons. 1 Parceque la note fenfible ayant
déja monté à la note finale par obligation ,
on ne peut plus fuppofer qu'elle eft encore
à fa place , & la faire monter une feconde
fois pour fatisfaire à la même obligation .
2º Parceque la note fenfible fur la finale
ne peut fubftituer fans la 4* ; quand au lieu
de cette quarte on met la tierce , on eft
obligé
888 MERCURE DE FRANCE
obligé de reconnoitre que cette 7 n'eft
plus note fenfible , on doit la faire def
cendre parceque le mode eft changé ; cette
7 qui eft majeure , feroit encore moins
compatible avec la tierce mineure , parcequ'elles
font en relation de quinte fuperflue.
Mais je dis plus , lors même que
la feptiéme peut aller avec la neuviéme
la buffe actuelle eft encore fondamentale :
Voici mes raifons.
pas
Vous reconnoiffez réé, pour fondamental
dans l'accord ré , fa , la , ut , ré ;
fi au lieu de l'Octave ou uniffon , je mets
un mi , par continuation , que ce mi fe
rende inceffamment au ré , où il auroit
dû être , pourquoi le ré ne feroit- il plus
fondamental ? ce mi n'a rien changé à la
premiere difpofition . Le fa , que vous
foutenez être fondamental , ne donne
une difpofition plus approchante de l'ac
cord parfait que le ré , au contraire ; &
quand même cela feroit égal , il femble
que le ré devroit refter tel, fur tout lorfque
la baffe fondamentale a précedé fur
le la , parce que le progrès le plus naturel
de cette baffe eft d'aller par quarte
ou par quinte , comme j'ai marqué dans
l'exemple C ; mais de plus, je foutiens
la difpofition n'eft pas égale , par deux
raifons. 1. Selon vous le fon ré eft entierement
étranger au véritable accord ,
que
que
MAY . 1730. 889
que vous dites être fa , la , ut , mi , ce ré
eft ftable & indépendant , comme un fon
fondamental doit être . Selon moi , le fon
mi n'eft point abfolument étranger au
veritable accord , que je dis être rê , fa ,
la , ut , ré , ce mi n'eft point ftable , il ne
peut durer beaucoup , ce n'eft qu'un allongement
d'un mi , qui a précedé , il dépend
abfolument du ré , où il doit fe rendre
inceffamment , on ne permet ce retardement
que pour faire fouhaiter le ré.
& le faire trouver meilleur . 2 ° . Selon
vous , le ré ne peut trouver place , que
hors l'étendue de l'Octave ; cependant
toutes les proportions harmoniques doivent
trouver place dans cette étenduë ,
c'eſt le ſentiment de tous ceux qui en ont
écrit. Selon moi , ma neuviéme fe trouve
dans cette étendue , elle fe peut faire également
au fecond degré comme un retardement
de l'uniffon ; c'eft réellement
une 2 ; chacun fçait qu'on ne lui donne le
nom de neuviême , que pour la diftinguer
de la 2º ou la baffe fincope , ces deux .
2es exigent des mouvemens & des accompagnemens
differens.
Il reste encore à expliquer les deux
cas où tous ces fons , fol , ré , fa , la , ut,
peuvent le rencontrer. Le premier que
l'on voit à l'exemple D. eft femblable à
l'accord , tiré du Confitebor de M. de la
Lande,
890 MERCURE DE FRANCE
ג
Lande , marqué F. excepté que la tierce.
eft obmife ; parconfequent l'accord que
vous propofez eft incomplet.Si l'on y ajoûte
le fi bemol , qui eft obmis , il est évident
qu'on aura un accord de 7 & 9 , ou au
lieu de doubler la tierce dès le premier
temps on a fait une quarte pour retarder
ce doublement de la tierce. Or , felon
l'explication que je viens de donner de
l'accord de 7 & 9 , marqué C. la baffe
actuelle y eft fondamentale. Donc dans
l'accord que vous propofez le fol eft fondamental
; ce qui n'eft pas votre ſentiment.
Remarquez que dans mes Explications
, l'harmonie ne fort point de l'étendue
de l'Octave , comme vous la faites
fortir car dans l'accord dont je viens de
parler , la 9 & 4* fe peuvent également
faire au fecond & au quatrième degré .
;
Le fecond cas où tous ces fons que vous
propofez , fol , ré , fa , la , ut , peuvent fe
rencontrer , c'eft l'accord que vous nommez
de 7 fuperfluë , marqué E. je conviens
que ré eft fondamental dans cet accord
; mais il y a deux raifons de le dif
tinguer . L'une que ré eft dominante . L'au
tre , que ce n'eft point veritablement un
bon accord ; on ne l'admet que par li
cence , pour favorifer le point d'Orgue
dont l'harmonie eft fort bornée ; & l'idée
l'on a de cet accord , eft la baffe
devroit
que que
MA Y. 1730.
891
devroit être alors à la dominante ; mais
qu'elle refte à la finale comme par entêtement
ou par une immobilité inébran
lable , on fent que l'harmonie , pour rem.
plir fon miniftere , qui eft de donner de
la varieté , touche l'accord de la dominante
, mais que la baffe manque , pour
ainfi- dire , à fon devoir.
Votre baffe fondamentale a encore , de
votre aveu , le deffaut de ne pouvoir pas
être admife dans la pratique ; mais on y
admet la mienne .
Le troifiéme Chef confifte en des faits
de pratique de compofition , dont l'oreille
eft contente. Pour prouver la bonté
de cette pratique , voici comme je rai
fonné.
Dans les Arts où la varieté eft neceffaire,
c'eſt un bien de multiplier les fondemens
de cette varieté , fur tout lorfque cefdits
fondemens font très-bornez,
Or , dans la Mufique , la varieté eft ne
ceffaire. Les fondemens de cette varieté
font les accords , dont le nombre eſt trèspetit
; donc dans la Mufique , l'augmentation
des accords eft un bien , principalement
lorsque l'experience dans la pratique
en a fait fentir la bonté.
Si vous continuez à me difputer ce troifiéme
Chef, je me fais fort de vous faire
condamner par les Compofiteurs à grands
Choeurs
892 MERCURE DE FRANCE
Choeurs , les plus renommez , dont j'aurai
des Certificats.
Pour ce qui concerne votre accompagnement
, on voit affez que je n'ai point
donné mes Objections écrites , comme
prouvées , mais comme prêt à les prouver,
ce détail demandant un écrit particulier.
Le prétendu parallele de nos accompagnemens
, que vous venez de mettre au
jour dans les derniers Mercures , eft une
occafion bien naturelle de donner ce détail
. En attendant , permettez - moi devous
dire , que l'expolé que vous y faites
de la maniere dont les habiles enſeignent
l'accompagnement , n'eft point fidele.
Vous vous appropriez des principes qu'on
enfeignoit avant vous.
premier Muficien Auteur de l'Examen
, inferé dans le Mercure d'Octobre
1729. page 2369.
J
E vous addreffe la parole , Monfieur ,
pour bannir toute confufion de notre
difpute. Je vous exhorte à la fincerité &
à la moderation qui convient entre deux
Confreres ; je vous en ai donné l'exemple.
dans l'expofé que j'ai fait de notre Conference
; vous le fçavez ; comment ofezvous
donc m'accufer de calomnie au fujet
du defaveu que vous avez fait de votre
Livre je pourrois nommer huit ou dix:
témoins qui l'ont entendu : fi je ne-craignois
de commettre des perfonnes refpectables
, peut-être que vous l'avez oublié
dans ce cas , je vous prie de vous
reffouvenir que je vous dis alors , mais
fi vous vous êtes trompé dans un Ouvrage
ou
MAY. 1730 881
•
où vous avez refléchi pendant dix ans ,
ne devez - vous pas craindre de vous trom .
per encore ? Non , répondîtes-vous , je
fuis préfentement certain de mon fait.
Revenez à votre Livre , j'y confens ; je
prendrai la même licence fi je me trompe
en quelque chofe .
Je n'ai nul interêt de décrier ce Livre
comme vous m'en accufez ,& fi je me pare
de la Baffe fondamentale , je puis dire en
même tems , que je ne vous en furs point
redevable ; on n'en peut point douter
puifque je vous accufe de la mal expliquer.
Je pourrois rabattre beaucoup deslouanges
que vous donnez à cet Ouvrage; 、
mais je me contenterai préfentement de
blâmer la temerité que vous avez de ſoutenir
dans votre Préface que tout ce que
l'on a compofé jufqu'à préfent d'excellent
ne l'a été que par goût , fans principes
clairs & certains. Avez-vous penetré au
fond de l'ame de tous ces grands Auteurs,
pour connoître leur fçavoir : Des Ouvrages
charmans & admirables , felon votre
où l'ordre , la fcience , vos meilleurs
principes, & beaucoup d'autres , font
conftamment pratiquez par tout , peuvent-
ils être des enfans de l'aveugle goût
qui ne marche qu'à tatons ; ces excellens
Auteurs n'ont point mis au jour leurs
principes , donc vous n'en pouvez pas ju-
,
ger.
882 MERCURE DE FRANCE
ger. Parceque vous êtes le premier qui
avez fait imprimer le fon fondamental
d'un Accord , s'enfuit- il que vous êtes le
premier qui l'avez connu ; combien voiton
dans les Arts de principes pratiqués
long- tems avant qu'on les imprime. Ce
que vous voulez avoir mis au jour depuis
peu eft commun daris Paris depuis trente
ans , & bien plus , je connois celui qui
dit vous l'avoir enfeigné vers votre
trentiéme année ; vous fçavez qu'il demeure
rue Planche Mibray , à côté d'une
Lingere. Mais fuppofons que vous l'aycz
trouvé après les autres , je foutiens que
vous l'avez mal deviné ; c'eft le fecond
Article de notre difpute. Je ne prétens
pas infinuer que votre Traité d'harmonie'
n'ait beaucoup de bon , malgré fes deffauts
; au contraire , j'avoue que c'eft un
mérite de l'avoir compilé , mais inférieur
au mérite des excellens Auteurs dont
vous niez les lumieres ; car enfin l'harmonie
feule comparée à une piece qui
raffemble toutes les beautés de la Mufique
, eft comme un Rudiment contre une
Piece d'Eloquence. Au refte , ces M M.
n'ont pas befoin de défenfeur ; leurs Ouvrages
en font plus fentir que je n'en
puis dire ces fources fecondes où vous
avez puifé ce que vous fçavez de mieux ,
feront toûjours des témoins qui vous
accufoMAY.
1730. 883
accuferont d'ingratitude envers leurs Auteurs.
;
Ne croyez pas que le ton décifif &
les invectives qui regnent dans votre
Examen , vous donnent gain de caufe
parmi les perfonnes qui penfent bien ; il
faut des raifons pour les perfuader ; c'eſt
vouloir juger fa propre caufe que de trairer
fon adverfaire d'ignorant le Public
en doit décider , il eft notre juge dès que
nous lui addreffons nos Ecrits . Vous ne
prenez pas garde que vos mépris retombent
fur vous- même ; auriez- vous oublié
qu'à la fin de notre Conference , en préfence
de la Compagnie , vous avez refufé
un pari de cent louis que je vous ai propofé
, pour ceux de nos fentimens qut
l'emporteroient au jugement des plus renommés
compofiteurs du Royaume : Ne
vous flattez pas que la Compagnie ait
approuvé cette défaite ; voici vos propres
paroles je ne reconnois perfonne capable
de me juger; je ſuis feul fçavant en
harmonie. Quelle certitude , que celle qui
n'eft fondée que fur l'opinion d'une seule
tête.
Venons au fait. Toute notre difpute
roule fur quatre chefs. 1 ° Si le premier
fondement de l'harmonie doit fe tirer des
proportions qui fe trouvent dans les vibrations
des fons on de la refonnance du
corps
884 MERCURE DE FRANCE
corps fonore. 20 quel eft le fon fondamental
dans l'Accord de 4° & celui de 9º.-
3 files renverfemens de ces deux Ac--
cords peuvent fe pratiquer . 40 Si la façon
ordinaire d'accompagner du Clavecin eft
plus parfaite que la vôtre .
Le premier chef eft un fait de pure
Phyfique ; comme vous n'avez point étudié
cette Science , je ne fuis point étonné
que vous ne vous rendiez pas à mes
raifons alleguées dans la Conference . Cependant
il faut ou vous faire inftruire
fur cet article , ou me le ceder . Je ne fçai
point de moyen plus éfficace pour vous
y engager que de vous propofer un pari
de cent piftoles , plus ou moins fi vous
voulez , & nous prierons M M. de l'Académie
des Sciences de nous juger ; a
leur refus , des Profeffeurs de Philofophie
pourront être nos juges .
Le fecond chef eft de la compétence
des compofiteurs de Mufique , auffi bien
que des Phyficiens , & parceque c'eſt à
ces premiers principalement que nous
adreffons nos raifons , je l'approfondirai
autant qu'il me fera poffible. Mes preuves
écrites dans la Conference me paroiffent
fi fort au-deffus de la réponfe que.
Vous y avez faite , que je ne puis me
difpenfer de vous y renvoyer , perfuadé
que fi vous pouvez les méditer fans pré-
1 ventionMAY.
1730.* 885
vention , vous en ferez convaincu . J'ajoûte
à ces preuves l'argument fuivant ,
qui fervira en même- tems à déveloper
Fendroit où votre réponſe péche.
Le fon fondamental d'un Accord eft
celui qui donne la difpofition de l'Accord
parfait , lorfqu'on le met au bas des autres
fons , auquel Accord parfait on peut
fouvent ajoûter la 7 ; vous convenez avec
moi de ce principe ; ainfi dans ces Accords
fa la ut ré fa , la ut ré fa la , ut ré fa llaa ,
le fon fondamental eft le ré , parceque
Jui feul mis au plus bas donne ré fa la ut
ré , qui eft la difpofition requife. Si l'on
diéze le fa , le ré ne fera pas moins fondamental
, parceque la difpofition fera la
même ; jufqu'ici nous fommes d'accord .
Mais fi l'on fupprime plufieurs fons , ne
laiffant que ré ut , on ne pourra pas dire
que ces deux fons font un Accord de fep--
tiéme , comme vous dites , ce fera feulement
un intervale de 7° ; car nous entendons
par Accord de feptiéme un Accord
parfait auquel on a ajoûté la 7° , & c'eft
ici le défaut de votre preuve ; vous dites
ré ut font un Accord de 7 , que
que
fi
vous mettez un fol au lieu de la
n'aurez pas moins un Accord de 7º , &
que le ré felon notre principe eft fondamental
, je réponds que ce n'eft point un
compofé de 3 , 4 , 7 & 8° , qui eft la
diſpo
, vous
886 MERCURE DE FRANCE
diſpoſition dont nous convenons dans notre
principe , que c'eft , au contraire , un
compofé de tierce , quinte & octave , auquel
on peut ajoûter la feptiéme. Vous
avez fuppofé faux ; ainfi votre conclufion
cft fauffe. Mais , direz- vous , on ne peut
pas trouver la difpofition d'Accord parfait
dans l'Accord de quarte , ni celui de
neuviéme ; je réponds que lorfque cette
difpofition eft impoffible , ce doit être
celle qui en approche le plus qui doit y
étre fubftituée. Car enfin fi la feule dif
pofition d'Accord parfait nous indique le
fon fondamental , à quelle difpofition
pouvons -nous le plus raifonnablement
avoir recours, lorfque celle- ci nous manque
, fi ce n'eft à celle qui en approche le
plus. Cela me paroît d'une évidence fi
fenfible , que perfonne, je croi , n'enpeut
douter.
Or il eft certain que dans l'Accord de
quarte & celui de neuviéme , dans les
circonftances que l'on voit à l'exemple
mis au bas de l'Air noté de ce Livre , la
baffe actuelle donne la difpofition la plus
approchante de l'Accord parfait ou de
feptiéme , car elle n'en differe que par un
fon retardant , pareffeux , pour ainfi dire ,
à fe rendre à fa place ; donc la baffe actuelle
dans ces deux Accords eſt fondamentale
Yous!
MAY. 1730. 887
Vous avez marqué dans votre Examen
que l'Accord complet fol ré fa la ut , fait
voir que ré eft fondamental , étant la baffe
d'un Accord de feptiéme complet ; mais
cette raifon n'a point de lieu dans les
exemples que je rapporte , parceque tous
les fons que vous propofez ne peuvent
pas s'y trouver , & quoique l'on puiffe
les admettre tous dans deux cas que j'expliquerai
ci après , cela ne conclud rien
pour les cas où l'on ne peut pas les admettre
tous ; les accords que je propofe
font differens.
Vous dites encore pour votre défenſe ,
que à tout Accord de neuviéme on peut
ajoûter la 7 , ainfi le fon qui fait la tierce
eft fondamental , puiſqu'il porte un Accord
de feptiéme complet ; vous m'avez
fait cette objection le jour de notre Conference
, vous prétendiez que dans l'Accord
de neuvième , marqué B , on peut
y mettre la 7 pour la faire monter enfuite
à l'octave , ce que je nie par deux
raifons. 1 Parceque la note fenfible ayant
déja monté à la note finale par obligation ,
on ne peut plus fuppofer qu'elle eft encore
à fa place , & la faire monter une feconde
fois pour fatisfaire à la même obligation .
2º Parceque la note fenfible fur la finale
ne peut fubftituer fans la 4* ; quand au lieu
de cette quarte on met la tierce , on eft
obligé
888 MERCURE DE FRANCE
obligé de reconnoitre que cette 7 n'eft
plus note fenfible , on doit la faire def
cendre parceque le mode eft changé ; cette
7 qui eft majeure , feroit encore moins
compatible avec la tierce mineure , parcequ'elles
font en relation de quinte fuperflue.
Mais je dis plus , lors même que
la feptiéme peut aller avec la neuviéme
la buffe actuelle eft encore fondamentale :
Voici mes raifons.
pas
Vous reconnoiffez réé, pour fondamental
dans l'accord ré , fa , la , ut , ré ;
fi au lieu de l'Octave ou uniffon , je mets
un mi , par continuation , que ce mi fe
rende inceffamment au ré , où il auroit
dû être , pourquoi le ré ne feroit- il plus
fondamental ? ce mi n'a rien changé à la
premiere difpofition . Le fa , que vous
foutenez être fondamental , ne donne
une difpofition plus approchante de l'ac
cord parfait que le ré , au contraire ; &
quand même cela feroit égal , il femble
que le ré devroit refter tel, fur tout lorfque
la baffe fondamentale a précedé fur
le la , parce que le progrès le plus naturel
de cette baffe eft d'aller par quarte
ou par quinte , comme j'ai marqué dans
l'exemple C ; mais de plus, je foutiens
la difpofition n'eft pas égale , par deux
raifons. 1. Selon vous le fon ré eft entierement
étranger au véritable accord ,
que
que
MAY . 1730. 889
que vous dites être fa , la , ut , mi , ce ré
eft ftable & indépendant , comme un fon
fondamental doit être . Selon moi , le fon
mi n'eft point abfolument étranger au
veritable accord , que je dis être rê , fa ,
la , ut , ré , ce mi n'eft point ftable , il ne
peut durer beaucoup , ce n'eft qu'un allongement
d'un mi , qui a précedé , il dépend
abfolument du ré , où il doit fe rendre
inceffamment , on ne permet ce retardement
que pour faire fouhaiter le ré.
& le faire trouver meilleur . 2 ° . Selon
vous , le ré ne peut trouver place , que
hors l'étendue de l'Octave ; cependant
toutes les proportions harmoniques doivent
trouver place dans cette étenduë ,
c'eſt le ſentiment de tous ceux qui en ont
écrit. Selon moi , ma neuviéme fe trouve
dans cette étendue , elle fe peut faire également
au fecond degré comme un retardement
de l'uniffon ; c'eft réellement
une 2 ; chacun fçait qu'on ne lui donne le
nom de neuviême , que pour la diftinguer
de la 2º ou la baffe fincope , ces deux .
2es exigent des mouvemens & des accompagnemens
differens.
Il reste encore à expliquer les deux
cas où tous ces fons , fol , ré , fa , la , ut,
peuvent le rencontrer. Le premier que
l'on voit à l'exemple D. eft femblable à
l'accord , tiré du Confitebor de M. de la
Lande,
890 MERCURE DE FRANCE
ג
Lande , marqué F. excepté que la tierce.
eft obmife ; parconfequent l'accord que
vous propofez eft incomplet.Si l'on y ajoûte
le fi bemol , qui eft obmis , il est évident
qu'on aura un accord de 7 & 9 , ou au
lieu de doubler la tierce dès le premier
temps on a fait une quarte pour retarder
ce doublement de la tierce. Or , felon
l'explication que je viens de donner de
l'accord de 7 & 9 , marqué C. la baffe
actuelle y eft fondamentale. Donc dans
l'accord que vous propofez le fol eft fondamental
; ce qui n'eft pas votre ſentiment.
Remarquez que dans mes Explications
, l'harmonie ne fort point de l'étendue
de l'Octave , comme vous la faites
fortir car dans l'accord dont je viens de
parler , la 9 & 4* fe peuvent également
faire au fecond & au quatrième degré .
;
Le fecond cas où tous ces fons que vous
propofez , fol , ré , fa , la , ut , peuvent fe
rencontrer , c'eft l'accord que vous nommez
de 7 fuperfluë , marqué E. je conviens
que ré eft fondamental dans cet accord
; mais il y a deux raifons de le dif
tinguer . L'une que ré eft dominante . L'au
tre , que ce n'eft point veritablement un
bon accord ; on ne l'admet que par li
cence , pour favorifer le point d'Orgue
dont l'harmonie eft fort bornée ; & l'idée
l'on a de cet accord , eft la baffe
devroit
que que
MA Y. 1730.
891
devroit être alors à la dominante ; mais
qu'elle refte à la finale comme par entêtement
ou par une immobilité inébran
lable , on fent que l'harmonie , pour rem.
plir fon miniftere , qui eft de donner de
la varieté , touche l'accord de la dominante
, mais que la baffe manque , pour
ainfi- dire , à fon devoir.
Votre baffe fondamentale a encore , de
votre aveu , le deffaut de ne pouvoir pas
être admife dans la pratique ; mais on y
admet la mienne .
Le troifiéme Chef confifte en des faits
de pratique de compofition , dont l'oreille
eft contente. Pour prouver la bonté
de cette pratique , voici comme je rai
fonné.
Dans les Arts où la varieté eft neceffaire,
c'eſt un bien de multiplier les fondemens
de cette varieté , fur tout lorfque cefdits
fondemens font très-bornez,
Or , dans la Mufique , la varieté eft ne
ceffaire. Les fondemens de cette varieté
font les accords , dont le nombre eſt trèspetit
; donc dans la Mufique , l'augmentation
des accords eft un bien , principalement
lorsque l'experience dans la pratique
en a fait fentir la bonté.
Si vous continuez à me difputer ce troifiéme
Chef, je me fais fort de vous faire
condamner par les Compofiteurs à grands
Choeurs
892 MERCURE DE FRANCE
Choeurs , les plus renommez , dont j'aurai
des Certificats.
Pour ce qui concerne votre accompagnement
, on voit affez que je n'ai point
donné mes Objections écrites , comme
prouvées , mais comme prêt à les prouver,
ce détail demandant un écrit particulier.
Le prétendu parallele de nos accompagnemens
, que vous venez de mettre au
jour dans les derniers Mercures , eft une
occafion bien naturelle de donner ce détail
. En attendant , permettez - moi devous
dire , que l'expolé que vous y faites
de la maniere dont les habiles enſeignent
l'accompagnement , n'eft point fidele.
Vous vous appropriez des principes qu'on
enfeignoit avant vous.
Fermer
Résumé : REPONSE du second Musicien au premier Musicien, Auteur de l'Examen inseré dans le Mercure d'Octobre 1729. page 2369.
Le texte est une série d'échanges publiés dans le Mercure de France en octobre 1729 et mai 1730 entre deux musiciens. Le premier, appelé le 'fecond Muficien,' répond à une dispute concernant un livre sur la musique. Il appelle à la sincérité et à la modération, rappelant que plusieurs témoins ont entendu son adversaire désavouer le livre. Le 'fecond Muficien' conteste l'idée que les œuvres excellentes sont créées sans principes clairs, affirmant que de nombreux auteurs ont pratiqué l'ordre et la science. Il soutient que les principes fondamentaux de l'harmonie ne sont pas nouveaux et que son adversaire les a mal interprétés. La dispute porte sur quatre points principaux : les fondements de l'harmonie, le son fondamental dans certains accords, la pratique des renversements d'accords, et la méthode d'accompagnement au clavecin. Le 'fecond Muficien' propose un pari pour résoudre la première question et approfondit les arguments concernant le son fondamental dans les accords de quarte et de neuvième. Il critique également l'attitude arrogante de son adversaire, qui refuse de reconnaître des juges compétents et se proclame seul expert en harmonie. Un autre échange implique deux interlocuteurs, identifiés par 'de 7 fuperfluë, marqué E' et 'MA Y. 1730'. Le premier affirme que la note 'ré' est fondamentale dans un accord, mais distingue deux raisons pour la différencier : sa dominance et le fait qu'elle n'est pas un véritable bon accord, admise par licence pour favoriser le point d'orgue. Il explique que la basse devrait être à la dominante mais reste à la finale, obligeant l'harmonie à toucher l'accord de la dominante, manquant ainsi à son devoir de variété. Le second interlocuteur reconnaît les défauts pratiques de la basse fondamentale mais insiste sur son importance dans la pratique. Il souligne l'importance de la variété en musique et soutient que multiplier les accords est bénéfique pour augmenter cette variété. Il menace de faire condamner son opposant par des compositeurs renommés s'il continue à contester ce point. Concernant l'accompagnement, le premier interlocuteur mentionne qu'il n'a pas encore fourni ses objections écrites mais est prêt à le faire. Il critique l'exposé de son opposant sur l'enseignement de l'accompagnement, affirmant que celui-ci s'approprie des principes enseignés avant lui.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 1079-1085
RÉPONSE du second Musicien au premier Musicien, sur les deux Ecrits qui concernent l'accompagnement du Clavecin inserés dans les Mercures de Févirer & de Mars de la présente année.
Début :
MR. je vois avec plaisir que vous corrigez vos sentimens. Vous disiez [...]
Mots clefs :
Accords, Triton, Musique, Méthode
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE du second Musicien au premier Musicien, sur les deux Ecrits qui concernent l'accompagnement du Clavecin inserés dans les Mercures de Févirer & de Mars de la présente année.
REPONSE du fecond Muficien au
premier Muficien, fur les deux Ecrits qui
concernent l'accompagnement du Clavecin
inferés dans les Mercures de Février
de Mars de la préfente année,
Mg
R. je vois avec plaifir que vous cor
rigez vos fentimens. Vous difiez
ci - devant que la maniere ordinaire d'accompagner
ne valoit rien , que la votrė
feule étoit bonne préfentement vous
n'attaquez que notre façon de l'enfei-
I. Vol.
gner
1080 MERCURE DE FRANCE
gner , en difant que nous couduifons tes
perfonnes par des difficultés prefque
infurmontables . Vous avez fagement abai
donné une mauvaiſe Thefe ; il étoit in
foutenable que notre pratique ne valu
rien , ayant toujours été approuvée par
tous les Compofiteurs ', & pratiquée par
plufieurs d'entr'eux qui ufoient du Clavecin
, comme M M. de Lully , de la
Lande , Lalouette , fans compter ceux qui
font vivans , & les Maîtres de Clavecin ,
qui font eux-mêmes habiles Compofi
teurs. J'avouë que nous n'enfeignions
notre pratique que par les principes que
vous avez expofés , vous auriez raifon de
nous blamer ; mais depuis plus de ving
› les Sçavans expliquent la même
théorie que celle que vous vous appropriez
, & ce qui revolte le plus , c'eft que
vous ne l'ignorez pas. Je pourrois en peu
de mots rendre invalides toutes vos prétendues
Obfervations , en déclarant que
votre expofé eft faux ou alteré dans tous
fes chefs , le témoignage de beaucoup d'ha
biles Maîtres fuffit pour le prouver . Ma
pour mieux déveloper tous les replis d
votre politique , je vais répondre à quel
ques articles des plus neceffaires.
Votre but eft de faire entendre que la
regle d'Octave & fes exceptions font toute
notre ſcience , je ne comprens pas com-
1. Vol.
ment
JUIN. 1730. 1081
10
r
it
,
ment on peut parler fi hardiment contre
fa confcience '; les leçons de votre Maître,
qui vit encore , les livres de nos Ecolieres
que vous avez examinés , & les converfations
que vous avez euës avec plufieurs de
nous , tout ne vous reproche- t'il pas votre
ingratitude ? fans eux vous ne sçauriez
pas raifonner du fon fondamental
d'un Accord , de fes renverfemens & de
fes fucceffions les plus naturelles . Vous
ne pourriez pas expliquer les divers mouvemens
des diffonances les degrés du
mode où certains Accords conviennent
principalement , & le veritable endroit où
le mode change , c'eft par eux que vous
connoiffez la mécanique des doigts , que
vous trouvez aifément vosAccords, & enfin
tout ce que vous avez de bon dans votre
Méthode ; c'eft fur ces principes &
plufieurs autres que vous ignorez que font
fondées depuis long - tems les leçons que
nous donnons ; chaque Maître les arrange
comme il lui paroît le plus convenable
& donne des explications plus ou moins
felon la portée de l'Ecolier.
Ce qui vous fait efperer de perfuader
le Public que vous poffedez feul ces connoiffances
, c'eft qu'il en eft peu fait mention
dans les Méthodes que quelques
Maîtres ont fait imprimer ; mais qu'eft
ce que cela conclut pour les autres Maî-
I. Vol. B tres ?
1082 MERCURE DE FRANCE
tres ? peut-on juger des Méthodes de ceux
qui ne les ont point rendues publiques ?
vous pourrez dire encore qu'un Organiſte
renommé n'a point donné toutes ces explications
dans fon Traité d'Accompagnement
qu'il a fait graver. Je repondrai
qu'apparemment il a voulu faire une Méthode
à la portée des plus fimples , & a
laifle au Maître le foin d'en expliquer davantage
, lorfque l'Ecolier feroit en état
de le comprendre ; car vous ne sçauriez
nier que cette théorie ne foit fort abftraite
& très-difficile à mettre en pratique dans
les changemens de mode principalement,
& vous avez experimenté que des Dames
,fort habiles d'ailleurs au Clavecin , en
ont été rebutées , & vous ont même
quitté. Il y a quelque- tems que j'entrepris
d'enfeigner cette théorie aux commençans
, j'en trouvai peu capables de la
comprendre , & tout confideré , je conclus
qu'il étoit plus à propos de l'enſeigner
plus tard .
Mais , direz -vous , au moins ma Méthode
feule eft bonne , & les autres ne
fuffifent pas. On avoue que les autres ne
fuffifent pas pour perfectionner entierement,
fans quelques explications refervées
au Maître , & la vôtre auroit ce mé-
2 que
rite de plus , fi elle étoit moins difficile
& fi en y mettant quelque chofe du vô.
>
I. Vol. tre
JUIN. 1730. 1083
tre,vous ne l'aviez pas remplie de deffauts
dans fa pratique ; ce font ces deffauts qui
forment mes fix Objections écrites dans
notre Conference ; je m'étois propofé de
les prouver à fond dans ce préfent Ecrit;
mais il eft plus à propos que j'attende que
votre Méthode foit achevée d'imprimer ,
le Plan abregé que vous en avez donné
ne fuffifant pas pour connoître fi vous en
avez corrigé ou augmenté les imperfections
. Je viens de developer bien du faux
dans votre expofé ; je vais vous reprocher
dans un feul article la maniere avec laquelle
vous l'avez alteré , afin qu'on puiſſe
par là juger des autres.
Pour être en droit de dire que nos regles
font fauffes , vous citez celle qui dit
que le triton doit être fauvé de la fixte ,
en montant d'un dégré , enfuite vous
faites remarquer qu'il y a des cas où le
triton doit refter fur le même dégré pour
former l'8 , la 6º , la 3º ou la 5º , que ce
conflit de regles oppofées ne peut produire
que de la confufion . Je n'en difconviendrois
pas fi nos explications ſe bor.
noient à ce que vous rapportez ; mais
vous fçavez bien que ceux qui ont écrit
que le triton fe fauve ainfi, entendoient le
triton de la foû-dominante , dans le
grès le plus fimple des parties , le tout tiré
d'un renversement de la cadence parpro-
I. Vol.
Bij faite
1084 MERCURE DE FRANCE
faite ; dans ce cas ils ont dit vrai ; vous
fçavez auffi qu'ils ont enfeigné de vive
Voix que
la baffe pouvoit parcourir toutes
les notes de l'Accord avant de fe rendre
à la médiante où le triton doit être
fauvé , & même faire fur cette médiante
un Accord de 7 & 9 avant celui de fixte ,
ce qui fait que ce triton peut refter fur le
même dégré pour former l'8e , la 3º , lá
6 & la se ; vous fçavez tout cela , mais
vous n'avez garde d'en parler ; vous n'avez
pas voulu nettre non plus que ce triton
doit après tous ces retardemens monter
enfin d'un dégré , cela auroit trop fait
fentir que ce principe de fauver, en montant
d'un dégré , eft fondamental ; vous
n'avez garde , cela feroit oppofé au projet
que vous avez fait d'établir votre reputation
aux dépens de vos Confreres.
Cependant vous êtes obligé à la fin d'avoüer
que l'on peut apprendre par ces
principes , tout défigurés que vous les.
rendez ; comment auriez- vous pû nier ce
que l'experience a confirmé tant de fois ?
enfin je conte avoir déja beaucoup gagné
de ce que vous n'attaquez plus la bonté
de notre pratique , & que vous vous retranchez
à la faveur de la diffimulation
fur notre maniere de l'enfeigner feulement.
Pour moi je ne change rien à ma
Theſe je dis toujours que notre pratique
I. Vol
eft
JUIN. 1730. 1085
l'on
eft plus parfaite que la vôtre , & que
ne peut rien ajoûter à la précifion de notre
théorie , ce que je promets de prouver
lorfque votre Méthode fera achevéed'imprimer
, à moins que vous ne l'ayez
corrigée ; dans ce cas je vous rendrai toute
la juftice que vous meriterez . Je fuis &c.
premier Muficien, fur les deux Ecrits qui
concernent l'accompagnement du Clavecin
inferés dans les Mercures de Février
de Mars de la préfente année,
Mg
R. je vois avec plaifir que vous cor
rigez vos fentimens. Vous difiez
ci - devant que la maniere ordinaire d'accompagner
ne valoit rien , que la votrė
feule étoit bonne préfentement vous
n'attaquez que notre façon de l'enfei-
I. Vol.
gner
1080 MERCURE DE FRANCE
gner , en difant que nous couduifons tes
perfonnes par des difficultés prefque
infurmontables . Vous avez fagement abai
donné une mauvaiſe Thefe ; il étoit in
foutenable que notre pratique ne valu
rien , ayant toujours été approuvée par
tous les Compofiteurs ', & pratiquée par
plufieurs d'entr'eux qui ufoient du Clavecin
, comme M M. de Lully , de la
Lande , Lalouette , fans compter ceux qui
font vivans , & les Maîtres de Clavecin ,
qui font eux-mêmes habiles Compofi
teurs. J'avouë que nous n'enfeignions
notre pratique que par les principes que
vous avez expofés , vous auriez raifon de
nous blamer ; mais depuis plus de ving
› les Sçavans expliquent la même
théorie que celle que vous vous appropriez
, & ce qui revolte le plus , c'eft que
vous ne l'ignorez pas. Je pourrois en peu
de mots rendre invalides toutes vos prétendues
Obfervations , en déclarant que
votre expofé eft faux ou alteré dans tous
fes chefs , le témoignage de beaucoup d'ha
biles Maîtres fuffit pour le prouver . Ma
pour mieux déveloper tous les replis d
votre politique , je vais répondre à quel
ques articles des plus neceffaires.
Votre but eft de faire entendre que la
regle d'Octave & fes exceptions font toute
notre ſcience , je ne comprens pas com-
1. Vol.
ment
JUIN. 1730. 1081
10
r
it
,
ment on peut parler fi hardiment contre
fa confcience '; les leçons de votre Maître,
qui vit encore , les livres de nos Ecolieres
que vous avez examinés , & les converfations
que vous avez euës avec plufieurs de
nous , tout ne vous reproche- t'il pas votre
ingratitude ? fans eux vous ne sçauriez
pas raifonner du fon fondamental
d'un Accord , de fes renverfemens & de
fes fucceffions les plus naturelles . Vous
ne pourriez pas expliquer les divers mouvemens
des diffonances les degrés du
mode où certains Accords conviennent
principalement , & le veritable endroit où
le mode change , c'eft par eux que vous
connoiffez la mécanique des doigts , que
vous trouvez aifément vosAccords, & enfin
tout ce que vous avez de bon dans votre
Méthode ; c'eft fur ces principes &
plufieurs autres que vous ignorez que font
fondées depuis long - tems les leçons que
nous donnons ; chaque Maître les arrange
comme il lui paroît le plus convenable
& donne des explications plus ou moins
felon la portée de l'Ecolier.
Ce qui vous fait efperer de perfuader
le Public que vous poffedez feul ces connoiffances
, c'eft qu'il en eft peu fait mention
dans les Méthodes que quelques
Maîtres ont fait imprimer ; mais qu'eft
ce que cela conclut pour les autres Maî-
I. Vol. B tres ?
1082 MERCURE DE FRANCE
tres ? peut-on juger des Méthodes de ceux
qui ne les ont point rendues publiques ?
vous pourrez dire encore qu'un Organiſte
renommé n'a point donné toutes ces explications
dans fon Traité d'Accompagnement
qu'il a fait graver. Je repondrai
qu'apparemment il a voulu faire une Méthode
à la portée des plus fimples , & a
laifle au Maître le foin d'en expliquer davantage
, lorfque l'Ecolier feroit en état
de le comprendre ; car vous ne sçauriez
nier que cette théorie ne foit fort abftraite
& très-difficile à mettre en pratique dans
les changemens de mode principalement,
& vous avez experimenté que des Dames
,fort habiles d'ailleurs au Clavecin , en
ont été rebutées , & vous ont même
quitté. Il y a quelque- tems que j'entrepris
d'enfeigner cette théorie aux commençans
, j'en trouvai peu capables de la
comprendre , & tout confideré , je conclus
qu'il étoit plus à propos de l'enſeigner
plus tard .
Mais , direz -vous , au moins ma Méthode
feule eft bonne , & les autres ne
fuffifent pas. On avoue que les autres ne
fuffifent pas pour perfectionner entierement,
fans quelques explications refervées
au Maître , & la vôtre auroit ce mé-
2 que
rite de plus , fi elle étoit moins difficile
& fi en y mettant quelque chofe du vô.
>
I. Vol. tre
JUIN. 1730. 1083
tre,vous ne l'aviez pas remplie de deffauts
dans fa pratique ; ce font ces deffauts qui
forment mes fix Objections écrites dans
notre Conference ; je m'étois propofé de
les prouver à fond dans ce préfent Ecrit;
mais il eft plus à propos que j'attende que
votre Méthode foit achevée d'imprimer ,
le Plan abregé que vous en avez donné
ne fuffifant pas pour connoître fi vous en
avez corrigé ou augmenté les imperfections
. Je viens de developer bien du faux
dans votre expofé ; je vais vous reprocher
dans un feul article la maniere avec laquelle
vous l'avez alteré , afin qu'on puiſſe
par là juger des autres.
Pour être en droit de dire que nos regles
font fauffes , vous citez celle qui dit
que le triton doit être fauvé de la fixte ,
en montant d'un dégré , enfuite vous
faites remarquer qu'il y a des cas où le
triton doit refter fur le même dégré pour
former l'8 , la 6º , la 3º ou la 5º , que ce
conflit de regles oppofées ne peut produire
que de la confufion . Je n'en difconviendrois
pas fi nos explications ſe bor.
noient à ce que vous rapportez ; mais
vous fçavez bien que ceux qui ont écrit
que le triton fe fauve ainfi, entendoient le
triton de la foû-dominante , dans le
grès le plus fimple des parties , le tout tiré
d'un renversement de la cadence parpro-
I. Vol.
Bij faite
1084 MERCURE DE FRANCE
faite ; dans ce cas ils ont dit vrai ; vous
fçavez auffi qu'ils ont enfeigné de vive
Voix que
la baffe pouvoit parcourir toutes
les notes de l'Accord avant de fe rendre
à la médiante où le triton doit être
fauvé , & même faire fur cette médiante
un Accord de 7 & 9 avant celui de fixte ,
ce qui fait que ce triton peut refter fur le
même dégré pour former l'8e , la 3º , lá
6 & la se ; vous fçavez tout cela , mais
vous n'avez garde d'en parler ; vous n'avez
pas voulu nettre non plus que ce triton
doit après tous ces retardemens monter
enfin d'un dégré , cela auroit trop fait
fentir que ce principe de fauver, en montant
d'un dégré , eft fondamental ; vous
n'avez garde , cela feroit oppofé au projet
que vous avez fait d'établir votre reputation
aux dépens de vos Confreres.
Cependant vous êtes obligé à la fin d'avoüer
que l'on peut apprendre par ces
principes , tout défigurés que vous les.
rendez ; comment auriez- vous pû nier ce
que l'experience a confirmé tant de fois ?
enfin je conte avoir déja beaucoup gagné
de ce que vous n'attaquez plus la bonté
de notre pratique , & que vous vous retranchez
à la faveur de la diffimulation
fur notre maniere de l'enfeigner feulement.
Pour moi je ne change rien à ma
Theſe je dis toujours que notre pratique
I. Vol
eft
JUIN. 1730. 1085
l'on
eft plus parfaite que la vôtre , & que
ne peut rien ajoûter à la précifion de notre
théorie , ce que je promets de prouver
lorfque votre Méthode fera achevéed'imprimer
, à moins que vous ne l'ayez
corrigée ; dans ce cas je vous rendrai toute
la juftice que vous meriterez . Je fuis &c.
Fermer
Résumé : RÉPONSE du second Musicien au premier Musicien, sur les deux Ecrits qui concernent l'accompagnement du Clavecin inserés dans les Mercures de Févirer & de Mars de la présente année.
Le second musicien répond à un premier musicien concernant deux écrits sur l'accompagnement du clavecin, publiés dans les Mercures de février et mars de la même année. Il note avec satisfaction que le premier musicien a corrigé certaines de ses opinions, bien que ce dernier critique désormais la méthode d'enseignement de l'accompagnement, la jugeant trop difficile. Le second musicien défend la méthode traditionnelle, approuvée par de nombreux compositeurs et maîtres de clavecin, tels que Lully, de La Lande et Lalouette. Il accuse le premier musicien d'ingratitude, affirmant que ce dernier doit ses connaissances aux leçons et aux conversations avec les maîtres actuels. Le second musicien souligne que la théorie de l'accompagnement est complexe et difficile à enseigner, surtout aux débutants. Il reconnaît que la méthode du premier musicien pourrait être bonne si elle n'était pas remplie de défauts, qu'il compte prouver une fois la méthode imprimée. Le second musicien critique également la manière dont le premier a altéré certaines règles, comme celle concernant le triton, pour servir ses intérêts. Il conclut en affirmant que la pratique traditionnelle est plus parfaite et précise que celle proposée par le premier musicien.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 1337-1344
REPLIQUE du premier Musicien à la réponse du second, inserée dans le Mercure du mois de May dernier.
Début :
Parmi les faits que vous supposez, Monsieur, dans votre Réponse, il y [...]
Mots clefs :
Harmonie, Accords, Méthode, Accompagnement, Musique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPLIQUE du premier Musicien à la réponse du second, inserée dans le Mercure du mois de May dernier.
REPLIQUE du premier Musicien à
la réponse du fecond , inferée dans le Mer
cure du mois de May dernier.
P
Armi les faits que vous fuppofez ,
Monfieur , dans votre Réponſe , il y
en a deux où l'on peut voir clairement
que vous manquez de bonne foy; le premier
que vous avez déja avancé dans vo
tre conférence , regarde mon prétendu
defaveu du Traité de l'Harmonie , & le fecond
regarde la perfonne à qui vous fai
tes dire qu'elle m'a enfeigné tout ce que
j'ai mis au jour depuis peu , & où vous
confondez la Baffe fondamentale.
Si j'ai prouvé dans l'examen de votre
conférence , pag. 2373. la fauffeté de votre
application à un paffage du Traité de
Harmonie , à l'occafion de laquelle application
vous me faites prononcer contre
cet ouvrage ; il falloit détruire ma
preuve, avant que'd'infifter ; puis-je avoir
défavoué mon ouvrage à propos de rien ?
& prétendez - vous en impofer par vos témoins
? Confultez - les , ils ne font pas fG
préoccupez que vous ; votre condamna
tion fuivra de près leur jugement.
Je me fuis toujours fait un plaifir de
publier dans l'occafion, que M. Lacroix,
H.Vol
Diij de
1333 MERCURE DE FRANCE
de Montpelier , dont vous avez marqué
la demeure , m'avoit donné une connoiffance
diftincte de la regle de l'8 , à l'âge
de 20 ans ; mais il y a loin delà à la Bre
F. dont nul ne peut fe vanter de m'avoir
jamais donne la moindre notion ;j'ofe
même avancer , que nul ne la connoît encore
parfaitement. En proférer le nom ,
en avoir quelques idées , la difcerner en
certains cas , fentir ce qui en peut naître,
ce n'eft encore-là que l'entrevoir; en vain
la mettez - vous au rang des principes pratiquez
avant l'Edition de mon Livre; fr
cela étoit , on en auroit du moins touché
quelque chofe dans quelques- unes des
Méthodes de compofition ou d'accompagnement
, imprimées ou manufcrites ,
qui ont paru avant cette Edition ; & co
feroit rendre leurs Auteurs fufpects de
la plus grande charlatanerie , que de faire
entendre qu'ils ne l'ont profeffée que
dans des leçons de vive voie . Où font ces
leçons? où font ceux qui les ont données?
A l'égard des 4 chefs qui font , dites
vous , toute notre difpute , j'entamerai
encore moins la matiére que je ne l'ai fait
dans l'examen de votre conférence , parce
que je dois bien-tôt mettre au jour un
Ouvrage intitulé: Génération Harmonique,
où vous trouverez plus que vous ne demandez
à prefent ; mais comme je veux
II. Vol
mettre
JUIN 1730. 1339
mettre fin à votre critique , je vais feule
ment tâcher de vous prouver que ce que
vous m'oppofez de plus férieux,fe détruit
de lui-même.
Vous prétendez d'abord que le premier
fondement de l'Harmonie doit fe tirer despro
portions qui fe trouvent dans les Vibrations
des fons, pour me fervir de vos propres
termes ; & moi je foutiens qu'il éxifte
dans l'Harmonie qui réſulte de la réſonnance
d'un corps fonore . Vous dites que
c'eft un fait de Phyfique ; mais avez vous
bien pris garde que ce fait , qui vérita
blement eft Phyfique dans la maniére que
je l'expofe , devient purement Géométri
que de la façon que vous le préfentez
Ne fçavez-vous pas que la Mufique eft
une fcience Phificomathématique , que le
fon en eft l'objet Physique , & que les
rapports trouvez entre différens fons en
font l'objet Mathématique ou Géomé
trique ? Je m'étonne qu'avec un argument
tel que celui que vous me faites à
ce fujet , vous confondiez ainfi les cho
fess mais c'eft apparamment là votre intention
,comme la fuite en eft une preuve .
Car , fi nous paffons au 2. chef , nous
Vous y verrons retomber dans les contradictions
dont votre conférence eft
remplie , nous vous y verrons approuver
& défapprouver fucceffivement la même
HVol Dilj
chofe;
340 MERCURE DE FRANCE.
chofe ; vous n'y cachez pas même affez
l'embarras que vous voulez y jetter .Vous
imaginez - vous que la diftinction fubtile
& frivole que vous y faites entre l'accord
& l'intervale de 7 , change la nature de
cette même 7 °, & empêche qu'elle ne foit
toujours la même diffonance , pendant
que le fon grave , qui fait qu'elle eft 7° ,
en eft toujours la Be, Fle ? c'eft cependantlà
dequoi il sagit , & ce qui décide la
queſtion.
Au lieu de fimplifier les objets , de les
ramener au même point , & de faciliter
par ce moyen , l'intelligence de votre
art ; vous ne faites qu'obfcurcir l'idée de
la diffonnance, fi claire par elle - même ,
& fi importante pour la fucceffion de
T'Harmonie , dont apparemment vous faites
peu de compte. Croyez - vous parvenir
jamais à pouvoir m'enfeigner la Be, Fle ,
tant que vous y admettrez des 2es & des
4es ? Dites- nous franchement fi vous vous
foumettez au principe dont vous vous
autoriſez , ou fi ce principe vous eſt ſoumis
? Si c'eſt à vous de lui donner la loy ,
il n'y a rien à dire ; mais fi c'eft à vous
de fuivre celle qu'il vous impofe ; de
quel droit lui attribuez-vous donc gra
tuitement & directement des 2es & des
4 , tandis qu'au moment que vous vous
le propofez ( pag. 885. ) vous lui refufez
ces II. Vol.
JUIN. 1730 1341
es
ces mêmes Diffonances , que fourniffent
les renverſemens de cet accord de 7º, ré ,
fa , la , ut , où vous voulez que ré foit fondamental
de tous côtez ? Et tandis qu'a
près avoir confondu la fuppofition , & la
Sufpenfion avec l'Harmonie fondamentale
, en donnant indifféremment des ger ,
des 2es & des 4 au fondement , vous ne
fçauriez vous empêcher de renoncer à
ce même fondement dans cet accord par
fuppofition , fol , ré , fa , la , ut , ( p.890 . )
vous n'y regardez plus la Baffe actuelle ,
fol, comme fondamentale , & vous y rendez
à ré , ce que vous lui aviez d'abord
accordé ; quelles contradictions ! Mais ne
ne ferois- je pas moi -même dans l'erreur,
& ne doit-on pas avoir égard aux raiſons
qui vous en ont fait ufer de la forte ? Ici ,
felon vous , c'est un fon retardant , paref
feux pour ainsi dire , à fe rendre à japla
ce ; là c'eft une difpofition approchante ; là
c'est une Baffe qui reste à la finale comme
par entêtement , ou par une immobilité inébranlable
on fent que l'Harmonie , pour
remplirfon miniftere , qui eft de donner de la
variété , touche l'accord de la Dominante
mais que la Baffe manque , pour ainsi dire ,
à fun devoir. Je ne fçavois pas effectivement,
que ce fuffent -là des raifons ; dites
plutôt , pour vous juftifier , que la raifon
eft fuperfluë en Mufique ; mais avouez en
a
Mr.Vol même
1342 MERCURE, DE FRANCE
même-tems que vous avez tort de vouloir
y en admettre.
N'eft-ce pas vous feul , M. qui avez
bâti cette Tour de Babel , par un entaffement
de 3 fur 3 , où, en effet, la confufion
fe mêle ? Heureufe audace que la
vôtre ! Cet accord ut , mi , fol , fi , ré, fa
que vous citez ( pag. 890. ) & qui vient fi
dignement à la fuite de votre Trio , E,
eft il donc un enrichiffement de l'Harmonie
, un prodige de variété ? Je ferois
bien curieux de voir les Certificats des
Compofiteurs à grand Choeur fur cette
découverte , & fur ce qui regarde votre
3me chef; car je m'attends qu'on recevra
une grande fatisfaction du renverſement
d'un pareil accord par l'union de ces fix
notes , fi , ut, re , mi ,fa , fol ; encore une
note , & vous auriez eû la gloire de ne
faire qu'un accord de toute la Gamme.
des
Quant au 4me chef , on devine affez le
motif qui vous fait parler : Dites tant
qu'il vous plaira que je ne fuis qu'un
compilateur ; ce qui eft cependant bien
éloigné de la vérité ; il me fuffira
efprits d'ordre & de fyftême reconnoiffent
ma Méthode d'accompagnement
pour ce qui s'appelle une Methode , &
pour l'unique qui ait encore paru dans
ce genre.
que
Au furplus , M. vous juftifiez pleine-
11.Vob.
ment
JUIN. 1730. 1343
ment ce que j'ai avancé dans la Préface
de mon Livre , fur le peu de connoiffan
ce & de fond qui ont accompagné juf
qu'ici la pratique des Muficiens . Vous ne
jugez de votre Art que par la voye des
fens , vous vous y laiffez prévenir par les
effets , & n'en cherchez la caufe que dans
vos affections . Delà naît cette confufion
que vous faites de l'objet Phyſique avec
Le Géométrique , auffi -bien que de la fuppofition
& de la fufpenfion avec l'Harmonie
fordamentale ; delà naiffent tous vos
grands mots qui n'aboutiffent tout au
plus qu'à éblouir ceux qui ne font point
au fait delà naît enfin votre Accord à ;
fix cornes , qui eft le plus fidele interprete
de toutes vos connoiffances . Comment
vous démontrer des véritez , fi vous n'avez
pour principes que des autoritez, des
certificats , des difpofitions approchan
tes, des fons pareffeux , des Baffes entêtées,
des comparaifons , & pour derniere ref
fource , des défis , des rodomontades ?
Que prouve tout cela en fait de fcience,
& que peuvent des gens à talens , même
leurs productions les plus heureufes , contre
un fyftême raiſonné ?
Je finis , M. en vous avertiffant que
la
qualité donnée dans l'examen à celui qui
récuſe une Méthode d'accompagnement ,
fur ce qu'elle exige la connoiffance di
II.Vol.
D vj Mod
1344 MERCURE DE FRANCE.
Mode,lui reftera toujours , juſqu'à ce qu'il
reconnoiffe & confeffe fon erreur ; mais
faites bien attention que j'ai toujours compté
parler à un Anonime, & que je ne l'ai
défigné ni par fes ouvrages , ni autrement.
la réponse du fecond , inferée dans le Mer
cure du mois de May dernier.
P
Armi les faits que vous fuppofez ,
Monfieur , dans votre Réponſe , il y
en a deux où l'on peut voir clairement
que vous manquez de bonne foy; le premier
que vous avez déja avancé dans vo
tre conférence , regarde mon prétendu
defaveu du Traité de l'Harmonie , & le fecond
regarde la perfonne à qui vous fai
tes dire qu'elle m'a enfeigné tout ce que
j'ai mis au jour depuis peu , & où vous
confondez la Baffe fondamentale.
Si j'ai prouvé dans l'examen de votre
conférence , pag. 2373. la fauffeté de votre
application à un paffage du Traité de
Harmonie , à l'occafion de laquelle application
vous me faites prononcer contre
cet ouvrage ; il falloit détruire ma
preuve, avant que'd'infifter ; puis-je avoir
défavoué mon ouvrage à propos de rien ?
& prétendez - vous en impofer par vos témoins
? Confultez - les , ils ne font pas fG
préoccupez que vous ; votre condamna
tion fuivra de près leur jugement.
Je me fuis toujours fait un plaifir de
publier dans l'occafion, que M. Lacroix,
H.Vol
Diij de
1333 MERCURE DE FRANCE
de Montpelier , dont vous avez marqué
la demeure , m'avoit donné une connoiffance
diftincte de la regle de l'8 , à l'âge
de 20 ans ; mais il y a loin delà à la Bre
F. dont nul ne peut fe vanter de m'avoir
jamais donne la moindre notion ;j'ofe
même avancer , que nul ne la connoît encore
parfaitement. En proférer le nom ,
en avoir quelques idées , la difcerner en
certains cas , fentir ce qui en peut naître,
ce n'eft encore-là que l'entrevoir; en vain
la mettez - vous au rang des principes pratiquez
avant l'Edition de mon Livre; fr
cela étoit , on en auroit du moins touché
quelque chofe dans quelques- unes des
Méthodes de compofition ou d'accompagnement
, imprimées ou manufcrites ,
qui ont paru avant cette Edition ; & co
feroit rendre leurs Auteurs fufpects de
la plus grande charlatanerie , que de faire
entendre qu'ils ne l'ont profeffée que
dans des leçons de vive voie . Où font ces
leçons? où font ceux qui les ont données?
A l'égard des 4 chefs qui font , dites
vous , toute notre difpute , j'entamerai
encore moins la matiére que je ne l'ai fait
dans l'examen de votre conférence , parce
que je dois bien-tôt mettre au jour un
Ouvrage intitulé: Génération Harmonique,
où vous trouverez plus que vous ne demandez
à prefent ; mais comme je veux
II. Vol
mettre
JUIN 1730. 1339
mettre fin à votre critique , je vais feule
ment tâcher de vous prouver que ce que
vous m'oppofez de plus férieux,fe détruit
de lui-même.
Vous prétendez d'abord que le premier
fondement de l'Harmonie doit fe tirer despro
portions qui fe trouvent dans les Vibrations
des fons, pour me fervir de vos propres
termes ; & moi je foutiens qu'il éxifte
dans l'Harmonie qui réſulte de la réſonnance
d'un corps fonore . Vous dites que
c'eft un fait de Phyfique ; mais avez vous
bien pris garde que ce fait , qui vérita
blement eft Phyfique dans la maniére que
je l'expofe , devient purement Géométri
que de la façon que vous le préfentez
Ne fçavez-vous pas que la Mufique eft
une fcience Phificomathématique , que le
fon en eft l'objet Physique , & que les
rapports trouvez entre différens fons en
font l'objet Mathématique ou Géomé
trique ? Je m'étonne qu'avec un argument
tel que celui que vous me faites à
ce fujet , vous confondiez ainfi les cho
fess mais c'eft apparamment là votre intention
,comme la fuite en eft une preuve .
Car , fi nous paffons au 2. chef , nous
Vous y verrons retomber dans les contradictions
dont votre conférence eft
remplie , nous vous y verrons approuver
& défapprouver fucceffivement la même
HVol Dilj
chofe;
340 MERCURE DE FRANCE.
chofe ; vous n'y cachez pas même affez
l'embarras que vous voulez y jetter .Vous
imaginez - vous que la diftinction fubtile
& frivole que vous y faites entre l'accord
& l'intervale de 7 , change la nature de
cette même 7 °, & empêche qu'elle ne foit
toujours la même diffonance , pendant
que le fon grave , qui fait qu'elle eft 7° ,
en eft toujours la Be, Fle ? c'eft cependantlà
dequoi il sagit , & ce qui décide la
queſtion.
Au lieu de fimplifier les objets , de les
ramener au même point , & de faciliter
par ce moyen , l'intelligence de votre
art ; vous ne faites qu'obfcurcir l'idée de
la diffonnance, fi claire par elle - même ,
& fi importante pour la fucceffion de
T'Harmonie , dont apparemment vous faites
peu de compte. Croyez - vous parvenir
jamais à pouvoir m'enfeigner la Be, Fle ,
tant que vous y admettrez des 2es & des
4es ? Dites- nous franchement fi vous vous
foumettez au principe dont vous vous
autoriſez , ou fi ce principe vous eſt ſoumis
? Si c'eſt à vous de lui donner la loy ,
il n'y a rien à dire ; mais fi c'eft à vous
de fuivre celle qu'il vous impofe ; de
quel droit lui attribuez-vous donc gra
tuitement & directement des 2es & des
4 , tandis qu'au moment que vous vous
le propofez ( pag. 885. ) vous lui refufez
ces II. Vol.
JUIN. 1730 1341
es
ces mêmes Diffonances , que fourniffent
les renverſemens de cet accord de 7º, ré ,
fa , la , ut , où vous voulez que ré foit fondamental
de tous côtez ? Et tandis qu'a
près avoir confondu la fuppofition , & la
Sufpenfion avec l'Harmonie fondamentale
, en donnant indifféremment des ger ,
des 2es & des 4 au fondement , vous ne
fçauriez vous empêcher de renoncer à
ce même fondement dans cet accord par
fuppofition , fol , ré , fa , la , ut , ( p.890 . )
vous n'y regardez plus la Baffe actuelle ,
fol, comme fondamentale , & vous y rendez
à ré , ce que vous lui aviez d'abord
accordé ; quelles contradictions ! Mais ne
ne ferois- je pas moi -même dans l'erreur,
& ne doit-on pas avoir égard aux raiſons
qui vous en ont fait ufer de la forte ? Ici ,
felon vous , c'est un fon retardant , paref
feux pour ainsi dire , à fe rendre à japla
ce ; là c'eft une difpofition approchante ; là
c'est une Baffe qui reste à la finale comme
par entêtement , ou par une immobilité inébranlable
on fent que l'Harmonie , pour
remplirfon miniftere , qui eft de donner de la
variété , touche l'accord de la Dominante
mais que la Baffe manque , pour ainsi dire ,
à fun devoir. Je ne fçavois pas effectivement,
que ce fuffent -là des raifons ; dites
plutôt , pour vous juftifier , que la raifon
eft fuperfluë en Mufique ; mais avouez en
a
Mr.Vol même
1342 MERCURE, DE FRANCE
même-tems que vous avez tort de vouloir
y en admettre.
N'eft-ce pas vous feul , M. qui avez
bâti cette Tour de Babel , par un entaffement
de 3 fur 3 , où, en effet, la confufion
fe mêle ? Heureufe audace que la
vôtre ! Cet accord ut , mi , fol , fi , ré, fa
que vous citez ( pag. 890. ) & qui vient fi
dignement à la fuite de votre Trio , E,
eft il donc un enrichiffement de l'Harmonie
, un prodige de variété ? Je ferois
bien curieux de voir les Certificats des
Compofiteurs à grand Choeur fur cette
découverte , & fur ce qui regarde votre
3me chef; car je m'attends qu'on recevra
une grande fatisfaction du renverſement
d'un pareil accord par l'union de ces fix
notes , fi , ut, re , mi ,fa , fol ; encore une
note , & vous auriez eû la gloire de ne
faire qu'un accord de toute la Gamme.
des
Quant au 4me chef , on devine affez le
motif qui vous fait parler : Dites tant
qu'il vous plaira que je ne fuis qu'un
compilateur ; ce qui eft cependant bien
éloigné de la vérité ; il me fuffira
efprits d'ordre & de fyftême reconnoiffent
ma Méthode d'accompagnement
pour ce qui s'appelle une Methode , &
pour l'unique qui ait encore paru dans
ce genre.
que
Au furplus , M. vous juftifiez pleine-
11.Vob.
ment
JUIN. 1730. 1343
ment ce que j'ai avancé dans la Préface
de mon Livre , fur le peu de connoiffan
ce & de fond qui ont accompagné juf
qu'ici la pratique des Muficiens . Vous ne
jugez de votre Art que par la voye des
fens , vous vous y laiffez prévenir par les
effets , & n'en cherchez la caufe que dans
vos affections . Delà naît cette confufion
que vous faites de l'objet Phyſique avec
Le Géométrique , auffi -bien que de la fuppofition
& de la fufpenfion avec l'Harmonie
fordamentale ; delà naiffent tous vos
grands mots qui n'aboutiffent tout au
plus qu'à éblouir ceux qui ne font point
au fait delà naît enfin votre Accord à ;
fix cornes , qui eft le plus fidele interprete
de toutes vos connoiffances . Comment
vous démontrer des véritez , fi vous n'avez
pour principes que des autoritez, des
certificats , des difpofitions approchan
tes, des fons pareffeux , des Baffes entêtées,
des comparaifons , & pour derniere ref
fource , des défis , des rodomontades ?
Que prouve tout cela en fait de fcience,
& que peuvent des gens à talens , même
leurs productions les plus heureufes , contre
un fyftême raiſonné ?
Je finis , M. en vous avertiffant que
la
qualité donnée dans l'examen à celui qui
récuſe une Méthode d'accompagnement ,
fur ce qu'elle exige la connoiffance di
II.Vol.
D vj Mod
1344 MERCURE DE FRANCE.
Mode,lui reftera toujours , juſqu'à ce qu'il
reconnoiffe & confeffe fon erreur ; mais
faites bien attention que j'ai toujours compté
parler à un Anonime, & que je ne l'ai
défigné ni par fes ouvrages , ni autrement.
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Résumé : REPLIQUE du premier Musicien à la réponse du second, inserée dans le Mercure du mois de May dernier.
En mai 1730, un musicien publie une réplique dans le Mercure de France pour contester deux points soulevés par un interlocuteur. Il nie avoir désavoué son Traité de l'Harmonie et affirme avoir prouvé la fausseté des arguments de son adversaire à ce sujet. Il reconnaît avoir appris la règle de l'octave de M. Lacroix de Montpellier, mais nie avoir reçu des enseignements sur la Basse fondamentale. Il soutient que cette connaissance n'était pas pratiquée avant la publication de son livre et critique ceux qui prétendent le contraire comme étant des charlatans. Le musicien annonce la publication prochaine d'un ouvrage intitulé 'Génération Harmonique' pour répondre aux critiques concernant les quatre points de la dispute. Il critique l'approche de son adversaire, qui mélange les aspects physiques et géométriques de la musique, et souligne les contradictions dans ses arguments. Il accuse son adversaire de confondre les concepts de supposition, suspension et harmonie fondamentale, créant ainsi une confusion inutile. Le musicien conclut en affirmant que son adversaire juge la musique uniquement par les sens et les effets, sans chercher les causes. Il critique l'utilisation de grands mots et de concepts vagues par son adversaire et affirme que son propre système est basé sur des principes raisonnés. Il termine en avertissant son interlocuteur de reconnaître son erreur concernant une méthode d'accompagnement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 31-46
MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens en matiere de Plainchant.
Début :
L'erreur n'est que trop commune aujourd'hui de croire que les Musiciens, [...]
Mots clefs :
Chant, Plain-chant, Musique, Musiciens, Composer, Modes, Règles, Attention, Musicien, Maîtres de musique, Chanter, Chant ecclésiastique, Maître de musique, Connaisseurs, Accords, Science, Églises
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texteReconnaissance textuelle : MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens en matiere de Plainchant.
MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens
en matiere de Plainchant.
'Erreur n'est que trop commune au-
L'jourd'hui de croire que les Musiciens,
et sur tout les Maîtres de Musique , sont
les hommes les plus propres à juger sai
nement du Chant Ecclesiastique. Ceux
qui sont dans cette opinion entendent
par le nom de Musiciens des Chantres
gagez dans des Eglises Cathedrales , pour
y chanter de la Musique , des Chantres
qui ont été élevez dans cette Science dès
la jeunesse , ou qui sçavent jouer de quelque
instrument : et par Maîtres de Musique,
ils entendent ceux qui composent les
Parties de Musique pour être chantées
par differentes voix , et qui enseignent à
chanter musicalement.
Parmi les Personnes qui sont de ce
sentiment , et qui ont cette confiance si
generale dans les lumieres des Musiciens,
pris en ce sens , il y en a quelquefois qui
sont chargez de veiller sur ce qui regarde
la célébration de l'Office Divin : et si
ceux-là se trompent ils peuvent entraîner
avec eux plusieurs autres personnes
dans l'illusion . Outre ceux là , il y en a
d'autres dont un seul par son simple
suffrage peut faire pancher la pluralitě
d'une
32
MERCURE DE FRANCE
d'une compagnie à déclarer que les Musiciens
et principalement les Maîtres de
Musique sont les arbitres souverains
du Chant de l'Eglise , que ce qu'ils improuvent
doit être improuvé, et qu'il ne
faut admettre que ce qu'ils trouvent
bon. La question est de sçavoir si cette
déclaration seroit juste et raisonnable
et si au contraire elle ne seroit pas abusive.
Les suites en seroient d'autant plus
à craindre , que les inconveniens qui en
peuvent arriver seront plus fréquens
parce que les Musiciens eux - mêmes sont
la plupart persuadez de la même chose ,
et qu'il y en a peu de ceux qui se croyent
habiles en Musique , qui ne prétendent
pouvoir décider sur le Plainchant.
Ils croyent ordinairement que ce n'est
qu'à eux seuls qu'on peut s'en rapporter.
Souvent ils ne jugent de l'habitude d'un
Ecclesiastique dans le Chant , qu'à proportion
qu'il raisonne sur les accords
en quoi consiste leur science favorite
et qu'il entre dans ce qu'ils appellent
Musique.
D'autres Personnes qui approfondissent
davantage les choses, prétendent que
les Musiciens ne sont pas les seuls ni les
uniques connoisseurs dans la science du
Chant Ecclesiastique , que cela n'est pas
attaché
JANVIER 1734. 33
attaché à la nature de leur état , et qu'il
est plus commun de trouver de bons
connoisseurs là - dessus parmi les Ecclesiastiques
, qui ne sont pas Musiciens
dans le sens que j'ai donné à ce terme
que parmi ces sortes de Musiciens . D'où
ils concluent que si dans une contestation
l'on choisissoit des Arbitres , il en
faudroit prendre un plus grand nombre
de ceux qu'on n'appelle pas aujourd'hui
Musiciens , quoiqu'ils le soient dans le
fond , que de ceux qui ont ce nom dans
l'usage ordinaire .
C'est aux gens de Lettre à décider
de quel côté est le parti le plus sage
et le plus prudent. On ne peut pas
mieux conduire les juges de ce differend
à une décision précise et nette ,
qu'en leur exposant d'abord les raisons
qui donnent du crédit aux Musiciens
et qui les font prendre pour des juges
compétens et suffisans ; et ensuite les
raisons qui prouvent leur insuffisance et
leur incapacité pour décider sur le Plainchant.
Les personnes qui sont persuadées de
la pleine suffisance des Musiciens , ont
dans l'esprit, qu'il n'est pas probable que
gens qui ont appris la Gamme dès
l'enfance, et qui pendant sept ou huit ans
G
des
et
34 MERCURE DE FRANCE
)
et même quelquefois davantage , en ont
fait leur exercice et leur occupation journaliere
dans un lieu qu'on appelle la
Psallette ou la Maîsrise , ne puissent connoître
parfaitement ce que c'est que le
Plainchant ; qu'en ayant tant oüi chanter
et en ayant chanté eux-mêmes , ils
doivent sçavoir en quoi il consiste, et con
noître ce qui fait la difference des piéces
les unes d'avec les autres. Ces mêmes
personnes se persuadent que le son des
Instrumens par lequel on les forme à la
Musique , a dû leur inculquer la connoissance
des differentes situations des
sons qui constituent les modes du
Chant Ecclesiastique . On peut ajouter à
cela l'application qu'elles font du Prover :
be. Qui facit plus et minus , d'où elles
concluent que les Musiciens sçachang
des accords de consonance
( ce qui n'est pas une chose aisée , ) ils
doivent , à plus forte raison , sçavoir ce
qui est plus simple et plus facile , qui est
le Plainchant. Voilà tout ce qu'on a pû
lire dans leur pensée ; car pour du langage
ou de l'écrit, il a été impossible d'en
tirer d'aucune des personnes qui sont
penetrées d'une si haute estime envers
les Musiciens.
و
composer
Ceux au contraire qui connoissent de
plus
JANVIER 1734 35
plus près l'étendue des lumieres des Musiciens
, se contentent d'avoüer seulement
qu'ils les croyent très en état d'exécuter
le Chant Ecclesiastique , c'est- à- dire
de le chanter dans la pratique , et de
conduire ceux qui ne le sçavent pas.
Mais ils soutiennent qu'il est rare qu'ils
puissent en raisonner sçavamment , et
que c'est une chose encore plus rare qu'ils
puissent composer du Plainchant qui soit
bon et loyal. En effet , dès qu'un Musicien
ne peut pas raisonner pertinemment
sur le Plainchant , et qu'il se méprend
dans les discours qu'il tient sur cette
science , à plus forte raison il n'est pas
en état d'en composer ; et si l'expérience
fait voir que le Plainchant, que des Musiciens
ont composé dans ces derniers
temps n'est pas un Plainchant
bien fondé à conclure delà que les Mu
siciens n'ont donc pas par leur nature de
Musicien , les qualitez necessaires pour
raisonner scientifiquement sur le Plainchant
, et que ces qualitez ne sont pas
attachées à leur profession.
on est
Un Musicien en état de juger à fond sur
le Plainchant, doit être tel que Boëce le demande.
Il doit avoir la facilité à porter
son jugement selon les regles des anciens ,
sur lesdifferens modes du Chant , sur les
Cij
differentes
56 MERCURE DE FRANCE
differentes manieres dont les syllabes des
mors sont disposées relativement auChant,
sur le rapport des modes les uns avec
les autres , et sur les especes differentes
des vers des Poëtes . Is musicus est cui ad
est Facultas secundùm speculationem... Musica
convenientem , de modis ac rythmis
deque generibus cantilenarum ac de permixtionibus
... ac de Poëtarum carminibus
judicandi. Boët. de Musica. L. 1. c . 34.
Cela revient à la regle d'Aristide , qui dit:
Oportet et melodiam contemplari , et rythmum
et dictionem , ut perfectus cantus efficiatur.
Cela signifie que pour composer unChant
dans lequel il n'y ait rien à redire , il faut
d'abord que ce Chant ait la mélodie qui
lui convient , par rapport au mode dont
on veut qu'il soit ; mélodie qui peut être
considerće ou relativement à son intention
ou relativement à l'espace de Chant
qu'on a intention de faire , parce qu'un
Répons doit, par exemple, être traité autrement
qu'une Antienne . Il faut en second
lieu que la distribution des repos ,
des cadences , des chutes , et poses de respiration
soit compassée relativement à l'arangement
des mots et à leur construction
Jaquelle est tantôt naturelle et tantôt entremêlée
; c'est ce qu'Aristide et les Anciens appellent
rythmus.Et enfin il faut être attentif
JANVIER 1734 37
à exprimer ce qui est signifié par les
mots , soit joye, soit tristesse , timidité ou
hardiesse, orgueil ou humilité , et principalement
à la force et à l'énergie de certains
Verbes et Adverbes ; c'est ce qu'Aristide
entend par la diction , à laquelle il veut
qu'on ait égard pour composer un Chant
parfait et accompli.
Or il arrive le plus souvent qu'un Mu
sicien , tel qu'on l'entend dans le sens
vulgaire et ordinaire , n'a connoissance
du Chant Ecclesiastique , que pour en
avoir oui chanter et en avoir chanté dans
une ou deux Eglises . Ce n'est point un
homme à faire aucune recherche d'érudition
dans les Livres de Chant , soit
manuscrits , soit imprimez des Pays
qu'il parcourt. Un Maître de Musique
jugera de même d'une Piéce de Chant
sur sa simple conformité avec une autre
Piéce , qu'il aura oüi chanter dans le lieu
où il étoit autrefois Enfant de Choeur.
Ensorte que si , par exemple , ce Maître de
Musique n'a pas été dans une Eglise où
le cinquième et sixiéme modes du Plainchant
soient traitez de deux manieres
differentes, qui en forment les deux espe
ces , dont l'une répond à l'ancien Chant
des Lydiens , et l'autre à celui des Ioniens,
et qu'il n'ait entendu moduler ces deux/
Cij modes
38 MERCURE DE FRANCE
•
modes et surtout le sixième que d'une -
seule et unique façon ; ce Maître alors ,
dis je , n'admettra qu'une seule maniere
de composer des pièces de ces modes .
Au moins les Musiciens devroient - ils connoître
ceux de tous les modes usitez dans
l'antiquité que differentes Eglises ont employés
dans leurs Livres , et ne pas croire
qu'une chose est heteroclite , inconnuë
à tout le temps passé , et éloignée des
premiers principes , parce qu'ils ne l'ont.
pas vû pratiquer dans l'Eglise où ils ont
été élevez ni dans quelques- unes où ils
ont passé. Ils ne devroient pas se déclarer
ennemis des varietez , comme ils font
quelquefois, puisque c'est la varieté et la
diversité qui contribuent à renouveller
l'attention et la ferveur dans le Chant de
l'Office Divin. Ils devroient ne pas prétendre
, comme font quelques- uns d'entre-
eux , que tout doit plaire à tout le
monde , et qu'une chose qui peut ne pas
paroître belle à quelqu'un , n'est pas recevable
et n'a pas dû être admise. Et pour
se persuader eux- mêmes qu'ils donnent
dans un excès condamnable en raisonnant
ainsi , il suffiroit qu'ils fissent attention
qu'il est du Chant comme des assaisonnemens
des viandes , dont plusieurs ,
quoique faits selon les regles, ne sont pas
du
JANVIER 17345 39
du goût de bien des gens . Quoique ces
assaisonnemens ne flattent point le goût
de certaines personnes , cela ne les fait pas
rejetter tout-à-fait de l'usage commun ,
parce que ce qui ne plaît pas à l'un peut
plaire à un autre , dès- là qu'il a été pratiqué
par les Anciens qui avoient les or
ganes disposez comme nous , et qu'il n'est
pas contre les premiers principes del'Art ni
contre l'assortissement naturel des choses.
Il faut encore qu'un connoisseur irréprochable
se souvienne des regles les plus
communes de la Logique et s'il n'a pas
étudié en Logique , qu'il fasse au moins
attention à ce que dicte la Logique naturelle.
La Logique apprend ,par exemple,à
reflechir sur la difference qu'il y a entte
la ressemblance et l'identité , et à connoître
pour quoi ce qui n'est que ressemblant
n'est pas identique. Or c'est préci
sement ce que la foule des Musiciens modernes
confond , en prenant pour identi
que ce qui n'est que ressemblant. Ils apperçoivent
une espece desimilitude entre
certaines modulations ; ils en concluent
tout aussi - tôt que l'une est l'autre , sans
faire attention qu'ils disent trop , et qu'ils
devoient se contenter de dire que l'une
ressemble en quelque chose à l'autre. C'est
cette confusion des idées qui est aujour
Ciiij
d'hui
40 MERCURE DE FRANCE
d'hui si fatale dans le commerce de la vie ,
et qui fait que lorsqu'un Musicien a prononcé
qu'une telle modulation est la
même qu'une autre , sans autre examen ,
plusieurs le disent après lui , ce qui excite
des troubles et des divisions , à cause
qu'un trop grand nombre de personnes
prend les Musiciens pour les legitimes
connoisseurs en fait de Chant Ecclesiasti
que
Pour être habile Musicien et sçavant
Maître de Musique , ce n'est pas une
conséquence nécessaire qu'on soit toujours
pour cela habile Humaniste , ou en état
d'être perpetuellement attentif dans ce
que l'on compose , aux regles de la Grammaire
, autant que la pratique du Chant
le demande. Cependant c'est une necessité
indispensable que les regles de la
Grammaire soient alliées avec le Chant.
C'est ce rythmus qu'Aristide veut qu'on
considere en composant du Chant : Opor
ret contemplari.... rythmum , ut perfectus
cantus efficiatur , c'est- à - dire ( en appliquant
au Chant d'Eglise ou Plainchant
ce qu'Aristide a dit du Chant de son
temps ) qu'il faut qu'il y ait dans ce Chant
des partages , comine il y en auroit dans
la construction du discours , en declamant
lentement, ou en lisant posément ;
que
JANVIER 1734. 41
que dans les parties qui composent les
phrases ou periodes , il faut observer les
liaisons et les séparations qui leur conviennent
, et qu'elles exigent suivant les
principes de la Grammaire.
Il n'est que trop commun de voir pea
observées par les Maîtres de Musique ces
regles , qui indiquent l'union ou la séparation
qui est nécessaire dans les parties.
du discours , suivant les occurrences. Ils
ne sont même pas libres d'avoir cette attention
, et ce qui les en détourne , est
celle qu'ils donnent à former des accords
et à combiner la mesure des sons , de telle
maniere qu'elle remplisse des temps fixez
et déterminez. Au lieu que dans le Plainchant
ont n'est point si à l'étroit ; cette
maniere y est inconnue. La simplicité et
le denûment d'accords , la liberté qu'on
y a pour le mouvement , lequel n'est
point mesuré si précisement que dans la
Musique , tout cela, dis - je , rend le compositeur
moins distrait, et par conséquent
plus disposé à avoir l'attention nécessaire
pour la liaison ou la séparation des parties
du discours.
Voilà l'origine de la grande difference
qui se trouve entre la composition du
Plainchant et celle de la Musique. Un
compositeur habituel de Plainchant qui
Су n'a
MERCURE DE FRANCE
n'a jamais usé des licences qu'on ose prendre
dans la Musique , et qui y sont tole
rées , a toujours l'esprit présent à la nature
du texte qu'il traite , et qu'il anime
de sons ; il ne s'écarte point des regles de
la construction . Un Maître de Musique
qui a pris une habitude moins gênée , ne
peut plus s'en défaire ; accoutumé à des
repétitions qui lui fournissent un vaste
champ , il ne peut plus simplifier ; et parlà
il devient incapable de composer un
Plainchant qui soit régulier , ou il n'en
vient à bout qu'avec beaucoup de peine.
On lui passe dans la Musique ces fautes
contre les partitions du discours , surtout
lorsqu'il a voulu imiter une autre Piéce
parce que l'harmonie des accords qui
concourent, occupe l'auditeur et lui flatte
l'oreille. Mais le Plainchant n'a rien de
semblable , il n'a rien d'accessoire qui
puisse en cacher les défauts , s'il arrive
qu'il y en ait. Les connoisseurs les remarquent
aussi- tôt , ils se montrent à eux
tout à nud à cause de la simplicité de ce
Chant , et , pour ainsi dire , à cause de sa
planitude , d'où est venu le nom de Planus
cantus et non pas Plenus cantus. Il seroit
facile de produire ici une longue liste
des fautes grossieres dans lesquelles des
Maîtres de Musique habiles et très habiles
JANVIER. 1734. 43
les sont tombez , lorsqu'ils ont entrepris
de composer du Plainchant. Que j'en aye
trouvé la cause ou non , il n'importe ,
cela n'en est pas moins vrai , ( et des Musiciens
même en conviennent ) que c'étoit
un pauvre Plainchant.
Il est certaines modulations usitées en
quelques Eglises , desquelles les Musiciens
ne peuvent pas juger communément
, sans se tromper ; parce que pour
en parler sainement, il faut être plus instruit
qu'ils ne le sont ordinairement dans
les variétez et les progrès du Chant, Ecclésiastique
depuis son origine , et outre
cela il faut aussi être versé dans la Liturgie
, et avoir la connoissance de l'origine
de plusieurs des Rits Ecclesiastiques. Un
Musicien dans sa qualité de Musicien ,
n'est pas obligé de sçavoir que le Systême
du Chant , appellé Grégorien , ne
renferme pas toutes les variétez imaginables
de Psalmodie , ni toutes celles qui ont
été en usage en différent temps , et qui le
sont encore en différens lieux . Ce Maître
de Musique,quelque habile qu'il soit dans
la composition de la Musique , n'est pas
tenu de sçavoir que lorsque le Systême
de Chant de l'Antiphonier Grégorien
fut reçu en France avec les Livres Romains
, au huitiéme et neuviéme siécles ,
C vj
44 MERCURE DE FRANCE
@
on ne quitta pas pour cela en France toutes
les modulations antérieures;mais qu'on
en conserva quelques unes qui étoient
hors de l'étendue du Systême de l'Antiphonier
Grégorien , pour les chanter en
certains jours. De là vient l'étonnement
des Musiciens , et même des Maîtres de
Musique , lorsqu'ils entendent quelque
chose qui paroît contredire ou ne pas s'ac
corder avec ce Systême. Ils sont portez à
le désapprouver, parce qu'il est plus rare
et moins commun , et que ce n'est point
une chose à laquelle on leur ait fait faire
attention pendant leur jeunesse . Aussi
dans ce qui dépend de la connoissance
des Rits Ecclésiastiques , sont- ils sujets à
prendre le change. Its croyent , par exemple
, que la semaine de Pâques doit être
gaye , sur le pied de la gayeté d'un temps
de grande réjouissance extérieure , ne sçachant
pas que c'est la semaine dans laquelle
les premiers Ordinateurs des Offices
Divins ont le plus retenu de l'ancienne
simplicité . Ils sont surpris d'y
trouver du grave et du sérieux , et que ce
qu'il y a de gay dans le cours de l'année
en soit exclus , comme les Répons brefs
Alleluiatiques , les Neumes de jubilation
à la fin des Antienness et cela parce qu'ils
ne sçavent pas que de tout temps l'on n'a
fait
JANVIER. 1734. 49
fait commencer la gayeté Pascale qu'après
une semaine passée dans le grave et
le sérieux que c'est proprement au Dimanche
, huitième jour après Pâques ,que
commence le Rit du Temps Pascal , qui
dure jusqu'à la Pentecôte.
;
On ne s'est point érendu à marquer icy
que le Plainchant est plus ancien que la
Musique dans l'usage Ecclesiastique , que
c'est lui qui y a donné occasion , qui lui
a frayé le chemin , et qui l'a fait naître
dans les Eglises , et que lui seul portoit
autrefois , parmi les Chrétiens , le nom
de Musica. On pourroit conclure au
moins de ce fait , qui est très certain , que
les Musiciens dans le sens qu'on l'entend
aujourd'hui sont les plus nouveaux venuss
et que c'est à eux à suivre les regles qu'ils
trouvent dans les Livres Ecclésiastiques
des anciens Maîtres , et non à les détruire
ni à les soumettre à leurs idées. On espere
que ce détail sera trouvé suffisanc
pour faire décider, que c'est plutôt à d'habiles
connoisseurs en simple Plainchant
qu'il faut s'en rapporter, pour s'assurer
la bonté du Chant,d'un nouveau Bréviaire
, que non pas à des Musiciens , quelques
habiles qu'ils soient dans leur science.
Il n'est pas douteux
que la Musique
Ec
clésiastique
, connue
sous
le nom
de Plain-
-shant
46 MERCURE DE FRAN CE
chant , ne doive son origine à l'ancienne
Musique des Grecs , de qui les Romains ont
emprunté la leur. Ainsi pour connoître à fond
cette Musique d'Eglise, et pour enjuger sainement
, il faut non seulement remonter jusqu'à
sa source , mais de plus faire ensorte de
découvrir les divers changemens qui y sont
arrivez de siécle en siécles c'est- à- dire , qu'il
faut être également instruit , et de la Théorie
de l'ancienne Musique , tant Grecque que
Romaine , et de l'Histoire du Plainchant
depuis ses commencemens jusques à nosjours .
Or ce sont deux points presque totalement
ignorez de nos Musiciens modernes , occupez
uniquement du soin de perfectionner l'espece
de Musique dont ils ont embrassé la profession.
Il s'ensuit delà , qu'un homme tel que
l'Auteur de cette Dissertation , lequel paroit
avoir fait une étude sérieuse de ces deux
points , seroit beaucoup plus à portée de décider
les difficultez qui concernent le Plainchant
, que ceux à qui ce genre de Musique
semble être presqu'entierement étranger , par
le
pen de
connoissance
qu'ils
en
ont
acquise
.
On
exhorte
l'Auteur
à communiquer
au
Public
ce que
ses
laborieuses
recherches
lui
ont
appris
sur
ce sujet.Ce
seroit
le plus
sur
moyen
de
mettre
le Public
en garde
contre
l'illusion
,
que
lui
pourroient
faire
les
décisions
de Juges
incompetens
. A Paris
, ce
12
Février
1729
.
Signez BURETTE et FALCONNET , fils.
en matiere de Plainchant.
'Erreur n'est que trop commune au-
L'jourd'hui de croire que les Musiciens,
et sur tout les Maîtres de Musique , sont
les hommes les plus propres à juger sai
nement du Chant Ecclesiastique. Ceux
qui sont dans cette opinion entendent
par le nom de Musiciens des Chantres
gagez dans des Eglises Cathedrales , pour
y chanter de la Musique , des Chantres
qui ont été élevez dans cette Science dès
la jeunesse , ou qui sçavent jouer de quelque
instrument : et par Maîtres de Musique,
ils entendent ceux qui composent les
Parties de Musique pour être chantées
par differentes voix , et qui enseignent à
chanter musicalement.
Parmi les Personnes qui sont de ce
sentiment , et qui ont cette confiance si
generale dans les lumieres des Musiciens,
pris en ce sens , il y en a quelquefois qui
sont chargez de veiller sur ce qui regarde
la célébration de l'Office Divin : et si
ceux-là se trompent ils peuvent entraîner
avec eux plusieurs autres personnes
dans l'illusion . Outre ceux là , il y en a
d'autres dont un seul par son simple
suffrage peut faire pancher la pluralitě
d'une
32
MERCURE DE FRANCE
d'une compagnie à déclarer que les Musiciens
et principalement les Maîtres de
Musique sont les arbitres souverains
du Chant de l'Eglise , que ce qu'ils improuvent
doit être improuvé, et qu'il ne
faut admettre que ce qu'ils trouvent
bon. La question est de sçavoir si cette
déclaration seroit juste et raisonnable
et si au contraire elle ne seroit pas abusive.
Les suites en seroient d'autant plus
à craindre , que les inconveniens qui en
peuvent arriver seront plus fréquens
parce que les Musiciens eux - mêmes sont
la plupart persuadez de la même chose ,
et qu'il y en a peu de ceux qui se croyent
habiles en Musique , qui ne prétendent
pouvoir décider sur le Plainchant.
Ils croyent ordinairement que ce n'est
qu'à eux seuls qu'on peut s'en rapporter.
Souvent ils ne jugent de l'habitude d'un
Ecclesiastique dans le Chant , qu'à proportion
qu'il raisonne sur les accords
en quoi consiste leur science favorite
et qu'il entre dans ce qu'ils appellent
Musique.
D'autres Personnes qui approfondissent
davantage les choses, prétendent que
les Musiciens ne sont pas les seuls ni les
uniques connoisseurs dans la science du
Chant Ecclesiastique , que cela n'est pas
attaché
JANVIER 1734. 33
attaché à la nature de leur état , et qu'il
est plus commun de trouver de bons
connoisseurs là - dessus parmi les Ecclesiastiques
, qui ne sont pas Musiciens
dans le sens que j'ai donné à ce terme
que parmi ces sortes de Musiciens . D'où
ils concluent que si dans une contestation
l'on choisissoit des Arbitres , il en
faudroit prendre un plus grand nombre
de ceux qu'on n'appelle pas aujourd'hui
Musiciens , quoiqu'ils le soient dans le
fond , que de ceux qui ont ce nom dans
l'usage ordinaire .
C'est aux gens de Lettre à décider
de quel côté est le parti le plus sage
et le plus prudent. On ne peut pas
mieux conduire les juges de ce differend
à une décision précise et nette ,
qu'en leur exposant d'abord les raisons
qui donnent du crédit aux Musiciens
et qui les font prendre pour des juges
compétens et suffisans ; et ensuite les
raisons qui prouvent leur insuffisance et
leur incapacité pour décider sur le Plainchant.
Les personnes qui sont persuadées de
la pleine suffisance des Musiciens , ont
dans l'esprit, qu'il n'est pas probable que
gens qui ont appris la Gamme dès
l'enfance, et qui pendant sept ou huit ans
G
des
et
34 MERCURE DE FRANCE
)
et même quelquefois davantage , en ont
fait leur exercice et leur occupation journaliere
dans un lieu qu'on appelle la
Psallette ou la Maîsrise , ne puissent connoître
parfaitement ce que c'est que le
Plainchant ; qu'en ayant tant oüi chanter
et en ayant chanté eux-mêmes , ils
doivent sçavoir en quoi il consiste, et con
noître ce qui fait la difference des piéces
les unes d'avec les autres. Ces mêmes
personnes se persuadent que le son des
Instrumens par lequel on les forme à la
Musique , a dû leur inculquer la connoissance
des differentes situations des
sons qui constituent les modes du
Chant Ecclesiastique . On peut ajouter à
cela l'application qu'elles font du Prover :
be. Qui facit plus et minus , d'où elles
concluent que les Musiciens sçachang
des accords de consonance
( ce qui n'est pas une chose aisée , ) ils
doivent , à plus forte raison , sçavoir ce
qui est plus simple et plus facile , qui est
le Plainchant. Voilà tout ce qu'on a pû
lire dans leur pensée ; car pour du langage
ou de l'écrit, il a été impossible d'en
tirer d'aucune des personnes qui sont
penetrées d'une si haute estime envers
les Musiciens.
و
composer
Ceux au contraire qui connoissent de
plus
JANVIER 1734 35
plus près l'étendue des lumieres des Musiciens
, se contentent d'avoüer seulement
qu'ils les croyent très en état d'exécuter
le Chant Ecclesiastique , c'est- à- dire
de le chanter dans la pratique , et de
conduire ceux qui ne le sçavent pas.
Mais ils soutiennent qu'il est rare qu'ils
puissent en raisonner sçavamment , et
que c'est une chose encore plus rare qu'ils
puissent composer du Plainchant qui soit
bon et loyal. En effet , dès qu'un Musicien
ne peut pas raisonner pertinemment
sur le Plainchant , et qu'il se méprend
dans les discours qu'il tient sur cette
science , à plus forte raison il n'est pas
en état d'en composer ; et si l'expérience
fait voir que le Plainchant, que des Musiciens
ont composé dans ces derniers
temps n'est pas un Plainchant
bien fondé à conclure delà que les Mu
siciens n'ont donc pas par leur nature de
Musicien , les qualitez necessaires pour
raisonner scientifiquement sur le Plainchant
, et que ces qualitez ne sont pas
attachées à leur profession.
on est
Un Musicien en état de juger à fond sur
le Plainchant, doit être tel que Boëce le demande.
Il doit avoir la facilité à porter
son jugement selon les regles des anciens ,
sur lesdifferens modes du Chant , sur les
Cij
differentes
56 MERCURE DE FRANCE
differentes manieres dont les syllabes des
mors sont disposées relativement auChant,
sur le rapport des modes les uns avec
les autres , et sur les especes differentes
des vers des Poëtes . Is musicus est cui ad
est Facultas secundùm speculationem... Musica
convenientem , de modis ac rythmis
deque generibus cantilenarum ac de permixtionibus
... ac de Poëtarum carminibus
judicandi. Boët. de Musica. L. 1. c . 34.
Cela revient à la regle d'Aristide , qui dit:
Oportet et melodiam contemplari , et rythmum
et dictionem , ut perfectus cantus efficiatur.
Cela signifie que pour composer unChant
dans lequel il n'y ait rien à redire , il faut
d'abord que ce Chant ait la mélodie qui
lui convient , par rapport au mode dont
on veut qu'il soit ; mélodie qui peut être
considerće ou relativement à son intention
ou relativement à l'espace de Chant
qu'on a intention de faire , parce qu'un
Répons doit, par exemple, être traité autrement
qu'une Antienne . Il faut en second
lieu que la distribution des repos ,
des cadences , des chutes , et poses de respiration
soit compassée relativement à l'arangement
des mots et à leur construction
Jaquelle est tantôt naturelle et tantôt entremêlée
; c'est ce qu'Aristide et les Anciens appellent
rythmus.Et enfin il faut être attentif
JANVIER 1734 37
à exprimer ce qui est signifié par les
mots , soit joye, soit tristesse , timidité ou
hardiesse, orgueil ou humilité , et principalement
à la force et à l'énergie de certains
Verbes et Adverbes ; c'est ce qu'Aristide
entend par la diction , à laquelle il veut
qu'on ait égard pour composer un Chant
parfait et accompli.
Or il arrive le plus souvent qu'un Mu
sicien , tel qu'on l'entend dans le sens
vulgaire et ordinaire , n'a connoissance
du Chant Ecclesiastique , que pour en
avoir oui chanter et en avoir chanté dans
une ou deux Eglises . Ce n'est point un
homme à faire aucune recherche d'érudition
dans les Livres de Chant , soit
manuscrits , soit imprimez des Pays
qu'il parcourt. Un Maître de Musique
jugera de même d'une Piéce de Chant
sur sa simple conformité avec une autre
Piéce , qu'il aura oüi chanter dans le lieu
où il étoit autrefois Enfant de Choeur.
Ensorte que si , par exemple , ce Maître de
Musique n'a pas été dans une Eglise où
le cinquième et sixiéme modes du Plainchant
soient traitez de deux manieres
differentes, qui en forment les deux espe
ces , dont l'une répond à l'ancien Chant
des Lydiens , et l'autre à celui des Ioniens,
et qu'il n'ait entendu moduler ces deux/
Cij modes
38 MERCURE DE FRANCE
•
modes et surtout le sixième que d'une -
seule et unique façon ; ce Maître alors ,
dis je , n'admettra qu'une seule maniere
de composer des pièces de ces modes .
Au moins les Musiciens devroient - ils connoître
ceux de tous les modes usitez dans
l'antiquité que differentes Eglises ont employés
dans leurs Livres , et ne pas croire
qu'une chose est heteroclite , inconnuë
à tout le temps passé , et éloignée des
premiers principes , parce qu'ils ne l'ont.
pas vû pratiquer dans l'Eglise où ils ont
été élevez ni dans quelques- unes où ils
ont passé. Ils ne devroient pas se déclarer
ennemis des varietez , comme ils font
quelquefois, puisque c'est la varieté et la
diversité qui contribuent à renouveller
l'attention et la ferveur dans le Chant de
l'Office Divin. Ils devroient ne pas prétendre
, comme font quelques- uns d'entre-
eux , que tout doit plaire à tout le
monde , et qu'une chose qui peut ne pas
paroître belle à quelqu'un , n'est pas recevable
et n'a pas dû être admise. Et pour
se persuader eux- mêmes qu'ils donnent
dans un excès condamnable en raisonnant
ainsi , il suffiroit qu'ils fissent attention
qu'il est du Chant comme des assaisonnemens
des viandes , dont plusieurs ,
quoique faits selon les regles, ne sont pas
du
JANVIER 17345 39
du goût de bien des gens . Quoique ces
assaisonnemens ne flattent point le goût
de certaines personnes , cela ne les fait pas
rejetter tout-à-fait de l'usage commun ,
parce que ce qui ne plaît pas à l'un peut
plaire à un autre , dès- là qu'il a été pratiqué
par les Anciens qui avoient les or
ganes disposez comme nous , et qu'il n'est
pas contre les premiers principes del'Art ni
contre l'assortissement naturel des choses.
Il faut encore qu'un connoisseur irréprochable
se souvienne des regles les plus
communes de la Logique et s'il n'a pas
étudié en Logique , qu'il fasse au moins
attention à ce que dicte la Logique naturelle.
La Logique apprend ,par exemple,à
reflechir sur la difference qu'il y a entte
la ressemblance et l'identité , et à connoître
pour quoi ce qui n'est que ressemblant
n'est pas identique. Or c'est préci
sement ce que la foule des Musiciens modernes
confond , en prenant pour identi
que ce qui n'est que ressemblant. Ils apperçoivent
une espece desimilitude entre
certaines modulations ; ils en concluent
tout aussi - tôt que l'une est l'autre , sans
faire attention qu'ils disent trop , et qu'ils
devoient se contenter de dire que l'une
ressemble en quelque chose à l'autre. C'est
cette confusion des idées qui est aujour
Ciiij
d'hui
40 MERCURE DE FRANCE
d'hui si fatale dans le commerce de la vie ,
et qui fait que lorsqu'un Musicien a prononcé
qu'une telle modulation est la
même qu'une autre , sans autre examen ,
plusieurs le disent après lui , ce qui excite
des troubles et des divisions , à cause
qu'un trop grand nombre de personnes
prend les Musiciens pour les legitimes
connoisseurs en fait de Chant Ecclesiasti
que
Pour être habile Musicien et sçavant
Maître de Musique , ce n'est pas une
conséquence nécessaire qu'on soit toujours
pour cela habile Humaniste , ou en état
d'être perpetuellement attentif dans ce
que l'on compose , aux regles de la Grammaire
, autant que la pratique du Chant
le demande. Cependant c'est une necessité
indispensable que les regles de la
Grammaire soient alliées avec le Chant.
C'est ce rythmus qu'Aristide veut qu'on
considere en composant du Chant : Opor
ret contemplari.... rythmum , ut perfectus
cantus efficiatur , c'est- à - dire ( en appliquant
au Chant d'Eglise ou Plainchant
ce qu'Aristide a dit du Chant de son
temps ) qu'il faut qu'il y ait dans ce Chant
des partages , comine il y en auroit dans
la construction du discours , en declamant
lentement, ou en lisant posément ;
que
JANVIER 1734. 41
que dans les parties qui composent les
phrases ou periodes , il faut observer les
liaisons et les séparations qui leur conviennent
, et qu'elles exigent suivant les
principes de la Grammaire.
Il n'est que trop commun de voir pea
observées par les Maîtres de Musique ces
regles , qui indiquent l'union ou la séparation
qui est nécessaire dans les parties.
du discours , suivant les occurrences. Ils
ne sont même pas libres d'avoir cette attention
, et ce qui les en détourne , est
celle qu'ils donnent à former des accords
et à combiner la mesure des sons , de telle
maniere qu'elle remplisse des temps fixez
et déterminez. Au lieu que dans le Plainchant
ont n'est point si à l'étroit ; cette
maniere y est inconnue. La simplicité et
le denûment d'accords , la liberté qu'on
y a pour le mouvement , lequel n'est
point mesuré si précisement que dans la
Musique , tout cela, dis - je , rend le compositeur
moins distrait, et par conséquent
plus disposé à avoir l'attention nécessaire
pour la liaison ou la séparation des parties
du discours.
Voilà l'origine de la grande difference
qui se trouve entre la composition du
Plainchant et celle de la Musique. Un
compositeur habituel de Plainchant qui
Су n'a
MERCURE DE FRANCE
n'a jamais usé des licences qu'on ose prendre
dans la Musique , et qui y sont tole
rées , a toujours l'esprit présent à la nature
du texte qu'il traite , et qu'il anime
de sons ; il ne s'écarte point des regles de
la construction . Un Maître de Musique
qui a pris une habitude moins gênée , ne
peut plus s'en défaire ; accoutumé à des
repétitions qui lui fournissent un vaste
champ , il ne peut plus simplifier ; et parlà
il devient incapable de composer un
Plainchant qui soit régulier , ou il n'en
vient à bout qu'avec beaucoup de peine.
On lui passe dans la Musique ces fautes
contre les partitions du discours , surtout
lorsqu'il a voulu imiter une autre Piéce
parce que l'harmonie des accords qui
concourent, occupe l'auditeur et lui flatte
l'oreille. Mais le Plainchant n'a rien de
semblable , il n'a rien d'accessoire qui
puisse en cacher les défauts , s'il arrive
qu'il y en ait. Les connoisseurs les remarquent
aussi- tôt , ils se montrent à eux
tout à nud à cause de la simplicité de ce
Chant , et , pour ainsi dire , à cause de sa
planitude , d'où est venu le nom de Planus
cantus et non pas Plenus cantus. Il seroit
facile de produire ici une longue liste
des fautes grossieres dans lesquelles des
Maîtres de Musique habiles et très habiles
JANVIER. 1734. 43
les sont tombez , lorsqu'ils ont entrepris
de composer du Plainchant. Que j'en aye
trouvé la cause ou non , il n'importe ,
cela n'en est pas moins vrai , ( et des Musiciens
même en conviennent ) que c'étoit
un pauvre Plainchant.
Il est certaines modulations usitées en
quelques Eglises , desquelles les Musiciens
ne peuvent pas juger communément
, sans se tromper ; parce que pour
en parler sainement, il faut être plus instruit
qu'ils ne le sont ordinairement dans
les variétez et les progrès du Chant, Ecclésiastique
depuis son origine , et outre
cela il faut aussi être versé dans la Liturgie
, et avoir la connoissance de l'origine
de plusieurs des Rits Ecclesiastiques. Un
Musicien dans sa qualité de Musicien ,
n'est pas obligé de sçavoir que le Systême
du Chant , appellé Grégorien , ne
renferme pas toutes les variétez imaginables
de Psalmodie , ni toutes celles qui ont
été en usage en différent temps , et qui le
sont encore en différens lieux . Ce Maître
de Musique,quelque habile qu'il soit dans
la composition de la Musique , n'est pas
tenu de sçavoir que lorsque le Systême
de Chant de l'Antiphonier Grégorien
fut reçu en France avec les Livres Romains
, au huitiéme et neuviéme siécles ,
C vj
44 MERCURE DE FRANCE
@
on ne quitta pas pour cela en France toutes
les modulations antérieures;mais qu'on
en conserva quelques unes qui étoient
hors de l'étendue du Systême de l'Antiphonier
Grégorien , pour les chanter en
certains jours. De là vient l'étonnement
des Musiciens , et même des Maîtres de
Musique , lorsqu'ils entendent quelque
chose qui paroît contredire ou ne pas s'ac
corder avec ce Systême. Ils sont portez à
le désapprouver, parce qu'il est plus rare
et moins commun , et que ce n'est point
une chose à laquelle on leur ait fait faire
attention pendant leur jeunesse . Aussi
dans ce qui dépend de la connoissance
des Rits Ecclésiastiques , sont- ils sujets à
prendre le change. Its croyent , par exemple
, que la semaine de Pâques doit être
gaye , sur le pied de la gayeté d'un temps
de grande réjouissance extérieure , ne sçachant
pas que c'est la semaine dans laquelle
les premiers Ordinateurs des Offices
Divins ont le plus retenu de l'ancienne
simplicité . Ils sont surpris d'y
trouver du grave et du sérieux , et que ce
qu'il y a de gay dans le cours de l'année
en soit exclus , comme les Répons brefs
Alleluiatiques , les Neumes de jubilation
à la fin des Antienness et cela parce qu'ils
ne sçavent pas que de tout temps l'on n'a
fait
JANVIER. 1734. 49
fait commencer la gayeté Pascale qu'après
une semaine passée dans le grave et
le sérieux que c'est proprement au Dimanche
, huitième jour après Pâques ,que
commence le Rit du Temps Pascal , qui
dure jusqu'à la Pentecôte.
;
On ne s'est point érendu à marquer icy
que le Plainchant est plus ancien que la
Musique dans l'usage Ecclesiastique , que
c'est lui qui y a donné occasion , qui lui
a frayé le chemin , et qui l'a fait naître
dans les Eglises , et que lui seul portoit
autrefois , parmi les Chrétiens , le nom
de Musica. On pourroit conclure au
moins de ce fait , qui est très certain , que
les Musiciens dans le sens qu'on l'entend
aujourd'hui sont les plus nouveaux venuss
et que c'est à eux à suivre les regles qu'ils
trouvent dans les Livres Ecclésiastiques
des anciens Maîtres , et non à les détruire
ni à les soumettre à leurs idées. On espere
que ce détail sera trouvé suffisanc
pour faire décider, que c'est plutôt à d'habiles
connoisseurs en simple Plainchant
qu'il faut s'en rapporter, pour s'assurer
la bonté du Chant,d'un nouveau Bréviaire
, que non pas à des Musiciens , quelques
habiles qu'ils soient dans leur science.
Il n'est pas douteux
que la Musique
Ec
clésiastique
, connue
sous
le nom
de Plain-
-shant
46 MERCURE DE FRAN CE
chant , ne doive son origine à l'ancienne
Musique des Grecs , de qui les Romains ont
emprunté la leur. Ainsi pour connoître à fond
cette Musique d'Eglise, et pour enjuger sainement
, il faut non seulement remonter jusqu'à
sa source , mais de plus faire ensorte de
découvrir les divers changemens qui y sont
arrivez de siécle en siécles c'est- à- dire , qu'il
faut être également instruit , et de la Théorie
de l'ancienne Musique , tant Grecque que
Romaine , et de l'Histoire du Plainchant
depuis ses commencemens jusques à nosjours .
Or ce sont deux points presque totalement
ignorez de nos Musiciens modernes , occupez
uniquement du soin de perfectionner l'espece
de Musique dont ils ont embrassé la profession.
Il s'ensuit delà , qu'un homme tel que
l'Auteur de cette Dissertation , lequel paroit
avoir fait une étude sérieuse de ces deux
points , seroit beaucoup plus à portée de décider
les difficultez qui concernent le Plainchant
, que ceux à qui ce genre de Musique
semble être presqu'entierement étranger , par
le
pen de
connoissance
qu'ils
en
ont
acquise
.
On
exhorte
l'Auteur
à communiquer
au
Public
ce que
ses
laborieuses
recherches
lui
ont
appris
sur
ce sujet.Ce
seroit
le plus
sur
moyen
de
mettre
le Public
en garde
contre
l'illusion
,
que
lui
pourroient
faire
les
décisions
de Juges
incompetens
. A Paris
, ce
12
Février
1729
.
Signez BURETTE et FALCONNET , fils.
Fermer
Résumé : MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens en matiere de Plainchant.
Le texte 'Mémoire sur l'autorité des Musiciens en matière de Plainchant' examine la croyance erronée selon laquelle les musiciens, notamment les maîtres de musique, sont les mieux placés pour juger du chant ecclésiastique. Cette opinion repose sur l'idée que les musiciens, formés dès leur jeunesse et capables de jouer d'instruments, possèdent une expertise unique en la matière. Cependant, le texte met en garde contre les dangers de cette confiance excessive, soulignant que certains responsables de la célébration de l'office divin peuvent entraîner d'autres dans l'erreur en suivant cette croyance. Les partisans de cette idée argumentent que les musiciens, ayant appris la gamme dès l'enfance et pratiqué quotidiennement, doivent nécessairement connaître parfaitement le plain-chant. Ils croient également que l'utilisation d'instruments a inculqué aux musiciens la connaissance des modes du chant ecclésiastique. En revanche, d'autres personnes estiment que les ecclésiastiques, qui ne sont pas nécessairement musiciens au sens strict, sont souvent de meilleurs connaisseurs du chant ecclésiastique. Ils suggèrent que, en cas de contestation, il faudrait choisir un plus grand nombre d'arbitres parmi ces ecclésiastiques. Le texte souligne la nécessité de peser les arguments des deux côtés pour déterminer la meilleure approche. Il expose les raisons pour lesquelles les musiciens sont considérés comme compétents, tout en mettant en lumière leur insuffisance et leur incapacité à juger du plain-chant de manière scientifique. Les musiciens, bien qu'excellents dans l'exécution et l'enseignement du chant, manquent souvent de la capacité à en raisonner ou à en composer de manière savante. Le texte insiste sur l'importance de suivre les règles des anciens et de considérer les aspects mélodiques, rythmiques et dictionnels pour composer un chant parfait. Le texte traite également de la différence entre la composition du plain-chant et celle de la musique. La simplicité et la liberté de mouvement du plain-chant permettent au compositeur de rester concentré sur la nature du texte et de respecter les règles de construction. En revanche, un compositeur de musique, habitué à des licences et répétitions, trouve difficile de composer un plain-chant régulier. Les fautes dans le plain-chant sont plus facilement remarquées en raison de sa simplicité et de l'absence d'éléments accessoires pour les masquer. Le plain-chant est présenté comme plus ancien que la musique dans l'usage ecclésiastique et comme ayant donné naissance à la musique dans les églises. Le texte conclut que pour juger sainement du plain-chant, il est nécessaire de connaître l'ancienne musique grecque et romaine ainsi que l'histoire du plain-chant. Les auteurs exhortent un expert en plain-chant à partager ses connaissances pour éviter les décisions de juges incompétents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 218-226
ARTICLES de la Capitulation proposée par Son Excellence le Lieutenant -Général BLAKNEY, pour la Garnison de Sa Majesté Britannique du Château de S.Philippe, Isle Minorque.
Début :
Que tous les actes d'hostilités cesseront jusqu'à ce que les Articles de la [...]
Mots clefs :
Articles de capitulation, Maréchal de Richelieu, Lieutenant général Blankey, Ile de Minorque, Prise du fort de Saint-Philippe, Fin des hostilités, Reddition, Garnison, Otages, Compensation, Accords, Français, Anglais, Artillerie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARTICLES de la Capitulation proposée par Son Excellence le Lieutenant -Général BLAKNEY, pour la Garnison de Sa Majesté Britannique du Château de S.Philippe, Isle Minorque.
ARTICLES de la Capitulation propofee
par Son Excellence le Lieutenant - Général
BLAKNEY , pour la Garnifon de Sa Majefté
Britannique du Château S. Philippe ,
Ifle Minorque.
Articles demandés par Articles accordésparMon
le Gouverneur.
Q
fieur le Maréchal do
Richelieu.
ARTICLE PREMIER. - ·
Ue tous les actes d'hoftilités cefferont jufqu'à
ce que les Articles de la Capitulation foient convenus
& fignés .
ARTICLE II.
Qu'on accordera
A la Garnifon à fa
reddition tous les
honneurs de la guerre
, comme de fortir
le fufil fur l'épaule,
tambour battant
, enfeignes dé
ployées , 24 coups
à tirer par homme ,
mêche allumée ,
pieces de canon &
2 mortiers , avec 20
coups à tirer par cha-
4
La belle & courageufe
défenfe que les Anglois
ont faite , méritant toutes
les marques d'eſtime
& de véneration que tout
Militaire doit rendre à de
telles actions , & M. le
Maré hal de Richelieu
voulant faire connoître à
fon Excellence M. le Général
Blkuey fa confidération
& celle que mérite
la défenſe qu'il vient de
faire , accorde à la Garnifon
tous les honneurs militaires
dont elle peut
jouir dans la circonftanque
piece , un char- ce de fa fortie pour un
AOUST. 1756. 219
embarquement : fçayoir , riot couvert pour le
le fufil fur l'épaule , tambour
battant , drapeaux
déployés , 20 cartouches
par homme , & même
mêche allumée. Il con-
Tent que le Lieutenant
Général
Blakney & fa
Garniſon , pourront emporter
tous les effets
leur
appartiendront
&
qui pourront
tenir dans
des coffres : il leur feroit
inutile d'avoir des charriots
couverts , il n'y en
a point dans l'ifle ; ainfi
ils font refufés.
qui
Gouverneur , & 4
autres pour la Garnifon
, qui ne ſeront
vifités en aucun
cas.
ARTICLE
Toute la Garniſon Mi-
III.
Que toute la Gar
litaire & Civile ,
comprenifon
comprenant
nant fous le nom de citous
les Sujets de
S. M. Britannique ,
Civile comme Militaire
, auront tous
vile les Officiers de juftice
& de police , à la réferve
des naturels de
Pie , auront la permiffion
d'emporter leurs leurs bagages & efeffets
, & d'en difpofer
comme il vient d'être fets affurés , avec la
dit : mais toutes les dettes
de la Garnifon , qui auront
été connues légitimes
, envers les Sujets de
permiffion de les
emmener , & d'en
difpofer comme ils
fa Majefté très-Chrétien- jugeront à propos.
ne , parmi lesquels les
Minorcains doivent être compris , feront payées,
Kij
220 MERCURE DE FRANCE.
>
ARTICLE IV.
Que la Garnifon ,
comprenant les Officiers
, ouvriers , foldats
, & autres Sujets
de S. M. Britan
nique avec leurs
familles , qui voudront
quitter l'Ifle , conduiront par la plus
feront pourvus de fûre navigation jufqu'à
vaiffeaux de tranf- Gibraltar , dans le plus
ports convenables , court délai qu'il fera pof-
& conduits à Gi- fible , & les y débarqueront
tout de fuite , bien
braltar par la navi- entendu qu'après ce dégation
la plus cour- barquement , il fera fourte
& la plus directe , ni à ces bâtimens des paf-
& qu'ils y feront feports valables , afin de
débarqués auffitôt
leur arrivée , aux
dépens de la Couronne
de France , &
que les provifions
Il fera fourni les vaiffeaux
de tranfport de
de Sa Majefté très Chré
ceux qui font aux gages
tienne , & convenable
à
la Garnifon Militaire &
Civile du Fort S. Philippe
pour eux & leur famille
: ces Vaiffeaux les
leur feront fournies
de celles qui peuvent
être encore
exiftantes dans la
Place au moment
de la reddition >
leur
n'être pas inquietés dans
retour jufqu'aux
ports de France , où ils
devront aller , & il ſera
laiffé des ôtages pour la
tranfport & de leurs équipages
, que l'on remettra
au premier Bâtiment neutre
qui viendra les chercher
après le retour defdits
Bâtimens dans le
port
de France.
Il fera auffi accordé à
fûreté des Bâtimens de
pour le temps qu'ils la Garnifon des fubfiftanA
O UST. 1756. 221
'ces tant pour fon féjour
dans l'Iffe , que pour 12
jours de voyage , qui feront
prifes de celles qui
feront trouvées dans le
Fort Saint-Philippe , &
diftribuées fur le pied
qu'on a coutume de les
fournir à la garniſon Angloife
: & fi on a befoin
d'un fupplément , il fera
fourni en payant fuivant
ce qui fera réglé par les
Commiffaires de
d'autre.
part &
refter
pourroient
dans l'Ifle , & pour
celui de leur voyage
fur mer , & cela
dans la même proportion
qu'on leur
fournit actuellement.
Mais fi on
avoit befoin d'un
plus grand nombre ,
qu'ils feroient fournis
aux dépens de
la Couronne
France .
ARTICLE V.
Les bâtimens étant
prêts pour le tranfport
de
Que l'on fournira
des quartiers convenables
à la Garnifon
, avec un hôpital
propre pour les
malades & bleffés ,
pendant le temps
de la Garniſon , la fourniture
des quartiers demandés
devient inutile :
elle fortira de la Place
dans le plus court délai ,
pour le rendre à Gibraltar.
Et à l'égard de ceux
qui ne pourront être em- que l'on préparera
barqués tout de fuite , ils les bâtimens de
auront la liberté de refter tranfport : lequel
dans l'Ifle ; & il leur fera temps ne pourra pas
excéder celui d'un
fourni tous les fecours
dont ils auront befoin
pour fe rendre à Gibral- mois , à compter du
tar. Lorfqu'ils feront en jour de la fignature
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE.
de cette Capitulation
& à l'égard
de ceux qui fe trou
veront hors d'état
d'être embarqués ,
qu'ils pourront refter;
& il enfera pris
foin jufqu'à ce qu'ils
foient en état d'être
envoyés à Gibraltar
par une autre occafion.
état d'être embarqués , il
en fera dreflé un état , &
on laiffera aux vaiffeaux
les pafleports néceflaires
pour aller & revenir. Il
fera de même fourni un
hôpital pour les malades
& bleffés , ainfi qu'il fera
réglé par les Commiffaires
refpectifs.
ARTICLE VI.
Que le Gouverneur
ne pourra pas
être comptable pour
toutes les maifons
qui auront été brûlées
pendant le
Liege.
Accordé pour les maifons
détruites ou brûlées
pendant le fiege : mais on
reftituera plufieurs effets
& titres du Tribunal de
l'Amirauté , qui avoient
été tranſportés dans le
Fort , ainfi que les papiers
de l'Hôtel de Ville qui
ont été emportés par le
Receveur ,& les papiers & titres des Vaiffeaux marchands
François , concernant leur chargement , qui
ont été pareillement retenus.
ARTICLE VII.
Quand la Garni- On n'excitera aucun
fon fortira de la Place
, il ne fera permis
à perfonne de
débaucher les folfoldat
à déferter , & les
Officiers auront une entiere
autorité ſur eux júfqu'au
moment de l'embarquement.
A O UST. 1756. £23
dats pour les faire
déferter de leurs régimens
; & leurs
Officiers auront accès
auprès d'eux en
tout temps.
ARTICLE VIII.
Accordé.
On obfervera de
part & d'autre une
exacte difcipline
.
ARTICLE IX.
Son Excellence M. le
Général Blakney & M. le
:
Maréchal de Richelieu
.ne peuvent fixer ou éten
dre l'autorité des Rois
leurs Maîtres fur leurs
Sujets ce feroit y met
tre des limites que d'obliger
de recevoir dans
leurs Etats ceux qu'ils ne
jugeroient pas à propos
qui y fuflent ftables.
Que ceux des Habitans
de l'Ifle qui
ont joint les Anglois
pour la défenfe
de la Place , auront
permiffion
de
refter & de jouir de
leurs biens & effets
dans l'Ifle , fans être
inquiétés
.
ARTICLE X.
On reprendra de part Que tous les pri
& d'autre tous les prifonfonniers
de guerre
niers qui ont été faits de part & d'autre
pendant le fiege ; ainfi
les François en rendant feront rendus.
ceux qu'ils ont , il leur
fera reftitué les piquets
qui ont été pris en allant
joindre l'Efcadre Fran-
5 .
Kig
214 MERCURE DE FRANCE.
coife le jour que parut
PAmiral Bing devant
Mahon.
ARTICLE XI.
Que M. de Cuffinghan
, Ingénieur,
faifant le fervice de
volontaire pendant
le Siege , aura un
paffeport , & la permiffion
de fe retirer
où fes affaires
l'appelleront.
Accordo.
ARTICLE XII.
Sous les conditions
précédentes ,
Son Excellence M.
le Lieutenant Général
, Gouverneur ,
après que les ôtages
auront été donnés
de part & d'autre
pour la fidelle exécution
des Articles
ci- deffus ,
fent de livrer la
con-
Dès que les articles cideffus
auront été fignés ,
il fera livré une des portes
du Château aux François
, avec les Forts Malborough
& de S. Charles
, après avoir envoyé
les otages de part & d'autre
pour la fidelle éxécu–
tion des articles ci- deffus.
L'Eftacade qui eft dans
le Port , ſera levée ; &
l'entrée & fortie en feront
rendues libres à la
difpofition des François ,
jufqu'à l'entiere fortie de Place à Sa Majefté
Très -Chrétienne , la Garnifon ; & en attenavec
tous les maga- dant , les Commiffaires
de part & d'autre travail
A O UST. 1756 . 225
Ieront de la part de fon
Excellence M. de Blakney
, à faire les états des
magaſins militaires &
autres , & de la part de
fon Excellence M. le Maréchal
de Richelieu , à en
recevoir pour les livrer
aux Anglois ; ce qui a
convenu : il fera auffi livré
les Plans des Galleries
, Mines & autres ouvrages
fouterreins.
été
.
fins militaires , munitions
, canons &
mortiers , à la réferve
de ceux mentionnés
dans l'Article II :
comme auffi de
montrer aux Ingénieurs
toutes les
mines & les ouvrages
fouterreins.
Fait au Château
Fait à Saint-Philippe , de S.
Philippe , le
le 29 Juin 1756.
Approuvé , Guillaume
BLAKNEY.
28 Juin 1756.
Signé , Guillaume
BLAKNEY.
Tous les Articles ci - deffus fignés , &les ôtages
donnés , M. le Maréchal de Richelieu est entré dans
la Place leditjour 29 Juin , entre 89 heures du
matin. Il s'eft fait rendre compte de tout ce qui étoit
dans le Fort , dont voici le détail.
Garnifon trouvée au moment de fa reddition
2963 hommes de troupes.
240 pieces de canon faines & entieres , fans:
compter 40 autres pieces que M. le Maréchal avoit
fait enclouer pendant l'attaque..
Environ 70 Mortiers.
.700 milliers de poudre..
12000 Boulets .
15000 Bombes,
Les Ennemis ont perdu pendant le fiege beaucoup
moins de monde que nous , attendu les retraites.
les Cafmattes immenfes où ils fe retiroient , taillées
K.v.
226 MERCURE DE FRANCE.
dans le roc, & à l'abri du boulet & de la bombe.
Les François ont eu , depuis le commencement du
fiege jufqu'à la reddition du Fort , environ 1500
hommes tant de tués que de bleffés : il eft mort peu
de bleffés , parce que la cure des plaies réuſſiſſoit
fort bien dans cette Ifle. Les Chirurgiens même en
étoient étonnés.
Il s'eft trouvé dans le Fort beaucoup de vivres ;
als en avoient encore pour un temps confidérable :
mais lors de fa reddition , il y avoit huit jours que
les Affiégés n'avoient plus ni Vin , ni Eau - de- vie.
Depuis le commencement du Siege jufqu'à la red
dition , il n'y a jamais eu à l'Hôpital de l'armée
Françoife plus de 150 malades couramment ; &
que M. de Fronfac eft parti de Mahon ,
il n'y en avoit que ce nombre.
au moment
On laiffe pour Garniſon les Régimens ſuivans.
Le Royal Italien ; Médoc ; Talaru ; Royal Comtois
& Vermandois.
La Garnison Angloife a dû fortir de l'Ifle le &
Juillet.
M. le Comte de Lannion commandera en chef
les Forts de Pife Minorque.
M. le Duc de Fronfac , qui a porté la nouvelle
'de la prife des Forts , arriva à Paris la nuit du 9
au 10 Juillet : M. le Comte d'Egmont , qui a apporté
les articles de la Capitulation & la nouvelle
de l'évacuation entiere de la Place par les Anglois
, eft arrivé à Paris la nuit du 14 au 15 fuiwant.
M. de Fronfac eft parti le 26 Juillet de Paris
, pour aller rejoindre M. le Maréchal de Richelieu
, qui ne revient point.
Nous ne pouvons mieux terminer cette Relation
que par les Vers fuivans , qui font de M. de
Voltaire , & qui nous ont paru dignes de lui & da
Héros qu'ils célebrent .
par Son Excellence le Lieutenant - Général
BLAKNEY , pour la Garnifon de Sa Majefté
Britannique du Château S. Philippe ,
Ifle Minorque.
Articles demandés par Articles accordésparMon
le Gouverneur.
Q
fieur le Maréchal do
Richelieu.
ARTICLE PREMIER. - ·
Ue tous les actes d'hoftilités cefferont jufqu'à
ce que les Articles de la Capitulation foient convenus
& fignés .
ARTICLE II.
Qu'on accordera
A la Garnifon à fa
reddition tous les
honneurs de la guerre
, comme de fortir
le fufil fur l'épaule,
tambour battant
, enfeignes dé
ployées , 24 coups
à tirer par homme ,
mêche allumée ,
pieces de canon &
2 mortiers , avec 20
coups à tirer par cha-
4
La belle & courageufe
défenfe que les Anglois
ont faite , méritant toutes
les marques d'eſtime
& de véneration que tout
Militaire doit rendre à de
telles actions , & M. le
Maré hal de Richelieu
voulant faire connoître à
fon Excellence M. le Général
Blkuey fa confidération
& celle que mérite
la défenſe qu'il vient de
faire , accorde à la Garnifon
tous les honneurs militaires
dont elle peut
jouir dans la circonftanque
piece , un char- ce de fa fortie pour un
AOUST. 1756. 219
embarquement : fçayoir , riot couvert pour le
le fufil fur l'épaule , tambour
battant , drapeaux
déployés , 20 cartouches
par homme , & même
mêche allumée. Il con-
Tent que le Lieutenant
Général
Blakney & fa
Garniſon , pourront emporter
tous les effets
leur
appartiendront
&
qui pourront
tenir dans
des coffres : il leur feroit
inutile d'avoir des charriots
couverts , il n'y en
a point dans l'ifle ; ainfi
ils font refufés.
qui
Gouverneur , & 4
autres pour la Garnifon
, qui ne ſeront
vifités en aucun
cas.
ARTICLE
Toute la Garniſon Mi-
III.
Que toute la Gar
litaire & Civile ,
comprenifon
comprenant
nant fous le nom de citous
les Sujets de
S. M. Britannique ,
Civile comme Militaire
, auront tous
vile les Officiers de juftice
& de police , à la réferve
des naturels de
Pie , auront la permiffion
d'emporter leurs leurs bagages & efeffets
, & d'en difpofer
comme il vient d'être fets affurés , avec la
dit : mais toutes les dettes
de la Garnifon , qui auront
été connues légitimes
, envers les Sujets de
permiffion de les
emmener , & d'en
difpofer comme ils
fa Majefté très-Chrétien- jugeront à propos.
ne , parmi lesquels les
Minorcains doivent être compris , feront payées,
Kij
220 MERCURE DE FRANCE.
>
ARTICLE IV.
Que la Garnifon ,
comprenant les Officiers
, ouvriers , foldats
, & autres Sujets
de S. M. Britan
nique avec leurs
familles , qui voudront
quitter l'Ifle , conduiront par la plus
feront pourvus de fûre navigation jufqu'à
vaiffeaux de tranf- Gibraltar , dans le plus
ports convenables , court délai qu'il fera pof-
& conduits à Gi- fible , & les y débarqueront
tout de fuite , bien
braltar par la navi- entendu qu'après ce dégation
la plus cour- barquement , il fera fourte
& la plus directe , ni à ces bâtimens des paf-
& qu'ils y feront feports valables , afin de
débarqués auffitôt
leur arrivée , aux
dépens de la Couronne
de France , &
que les provifions
Il fera fourni les vaiffeaux
de tranfport de
de Sa Majefté très Chré
ceux qui font aux gages
tienne , & convenable
à
la Garnifon Militaire &
Civile du Fort S. Philippe
pour eux & leur famille
: ces Vaiffeaux les
leur feront fournies
de celles qui peuvent
être encore
exiftantes dans la
Place au moment
de la reddition >
leur
n'être pas inquietés dans
retour jufqu'aux
ports de France , où ils
devront aller , & il ſera
laiffé des ôtages pour la
tranfport & de leurs équipages
, que l'on remettra
au premier Bâtiment neutre
qui viendra les chercher
après le retour defdits
Bâtimens dans le
port
de France.
Il fera auffi accordé à
fûreté des Bâtimens de
pour le temps qu'ils la Garnifon des fubfiftanA
O UST. 1756. 221
'ces tant pour fon féjour
dans l'Iffe , que pour 12
jours de voyage , qui feront
prifes de celles qui
feront trouvées dans le
Fort Saint-Philippe , &
diftribuées fur le pied
qu'on a coutume de les
fournir à la garniſon Angloife
: & fi on a befoin
d'un fupplément , il fera
fourni en payant fuivant
ce qui fera réglé par les
Commiffaires de
d'autre.
part &
refter
pourroient
dans l'Ifle , & pour
celui de leur voyage
fur mer , & cela
dans la même proportion
qu'on leur
fournit actuellement.
Mais fi on
avoit befoin d'un
plus grand nombre ,
qu'ils feroient fournis
aux dépens de
la Couronne
France .
ARTICLE V.
Les bâtimens étant
prêts pour le tranfport
de
Que l'on fournira
des quartiers convenables
à la Garnifon
, avec un hôpital
propre pour les
malades & bleffés ,
pendant le temps
de la Garniſon , la fourniture
des quartiers demandés
devient inutile :
elle fortira de la Place
dans le plus court délai ,
pour le rendre à Gibraltar.
Et à l'égard de ceux
qui ne pourront être em- que l'on préparera
barqués tout de fuite , ils les bâtimens de
auront la liberté de refter tranfport : lequel
dans l'Ifle ; & il leur fera temps ne pourra pas
excéder celui d'un
fourni tous les fecours
dont ils auront befoin
pour fe rendre à Gibral- mois , à compter du
tar. Lorfqu'ils feront en jour de la fignature
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE.
de cette Capitulation
& à l'égard
de ceux qui fe trou
veront hors d'état
d'être embarqués ,
qu'ils pourront refter;
& il enfera pris
foin jufqu'à ce qu'ils
foient en état d'être
envoyés à Gibraltar
par une autre occafion.
état d'être embarqués , il
en fera dreflé un état , &
on laiffera aux vaiffeaux
les pafleports néceflaires
pour aller & revenir. Il
fera de même fourni un
hôpital pour les malades
& bleffés , ainfi qu'il fera
réglé par les Commiffaires
refpectifs.
ARTICLE VI.
Que le Gouverneur
ne pourra pas
être comptable pour
toutes les maifons
qui auront été brûlées
pendant le
Liege.
Accordé pour les maifons
détruites ou brûlées
pendant le fiege : mais on
reftituera plufieurs effets
& titres du Tribunal de
l'Amirauté , qui avoient
été tranſportés dans le
Fort , ainfi que les papiers
de l'Hôtel de Ville qui
ont été emportés par le
Receveur ,& les papiers & titres des Vaiffeaux marchands
François , concernant leur chargement , qui
ont été pareillement retenus.
ARTICLE VII.
Quand la Garni- On n'excitera aucun
fon fortira de la Place
, il ne fera permis
à perfonne de
débaucher les folfoldat
à déferter , & les
Officiers auront une entiere
autorité ſur eux júfqu'au
moment de l'embarquement.
A O UST. 1756. £23
dats pour les faire
déferter de leurs régimens
; & leurs
Officiers auront accès
auprès d'eux en
tout temps.
ARTICLE VIII.
Accordé.
On obfervera de
part & d'autre une
exacte difcipline
.
ARTICLE IX.
Son Excellence M. le
Général Blakney & M. le
:
Maréchal de Richelieu
.ne peuvent fixer ou éten
dre l'autorité des Rois
leurs Maîtres fur leurs
Sujets ce feroit y met
tre des limites que d'obliger
de recevoir dans
leurs Etats ceux qu'ils ne
jugeroient pas à propos
qui y fuflent ftables.
Que ceux des Habitans
de l'Ifle qui
ont joint les Anglois
pour la défenfe
de la Place , auront
permiffion
de
refter & de jouir de
leurs biens & effets
dans l'Ifle , fans être
inquiétés
.
ARTICLE X.
On reprendra de part Que tous les pri
& d'autre tous les prifonfonniers
de guerre
niers qui ont été faits de part & d'autre
pendant le fiege ; ainfi
les François en rendant feront rendus.
ceux qu'ils ont , il leur
fera reftitué les piquets
qui ont été pris en allant
joindre l'Efcadre Fran-
5 .
Kig
214 MERCURE DE FRANCE.
coife le jour que parut
PAmiral Bing devant
Mahon.
ARTICLE XI.
Que M. de Cuffinghan
, Ingénieur,
faifant le fervice de
volontaire pendant
le Siege , aura un
paffeport , & la permiffion
de fe retirer
où fes affaires
l'appelleront.
Accordo.
ARTICLE XII.
Sous les conditions
précédentes ,
Son Excellence M.
le Lieutenant Général
, Gouverneur ,
après que les ôtages
auront été donnés
de part & d'autre
pour la fidelle exécution
des Articles
ci- deffus ,
fent de livrer la
con-
Dès que les articles cideffus
auront été fignés ,
il fera livré une des portes
du Château aux François
, avec les Forts Malborough
& de S. Charles
, après avoir envoyé
les otages de part & d'autre
pour la fidelle éxécu–
tion des articles ci- deffus.
L'Eftacade qui eft dans
le Port , ſera levée ; &
l'entrée & fortie en feront
rendues libres à la
difpofition des François ,
jufqu'à l'entiere fortie de Place à Sa Majefté
Très -Chrétienne , la Garnifon ; & en attenavec
tous les maga- dant , les Commiffaires
de part & d'autre travail
A O UST. 1756 . 225
Ieront de la part de fon
Excellence M. de Blakney
, à faire les états des
magaſins militaires &
autres , & de la part de
fon Excellence M. le Maréchal
de Richelieu , à en
recevoir pour les livrer
aux Anglois ; ce qui a
convenu : il fera auffi livré
les Plans des Galleries
, Mines & autres ouvrages
fouterreins.
été
.
fins militaires , munitions
, canons &
mortiers , à la réferve
de ceux mentionnés
dans l'Article II :
comme auffi de
montrer aux Ingénieurs
toutes les
mines & les ouvrages
fouterreins.
Fait au Château
Fait à Saint-Philippe , de S.
Philippe , le
le 29 Juin 1756.
Approuvé , Guillaume
BLAKNEY.
28 Juin 1756.
Signé , Guillaume
BLAKNEY.
Tous les Articles ci - deffus fignés , &les ôtages
donnés , M. le Maréchal de Richelieu est entré dans
la Place leditjour 29 Juin , entre 89 heures du
matin. Il s'eft fait rendre compte de tout ce qui étoit
dans le Fort , dont voici le détail.
Garnifon trouvée au moment de fa reddition
2963 hommes de troupes.
240 pieces de canon faines & entieres , fans:
compter 40 autres pieces que M. le Maréchal avoit
fait enclouer pendant l'attaque..
Environ 70 Mortiers.
.700 milliers de poudre..
12000 Boulets .
15000 Bombes,
Les Ennemis ont perdu pendant le fiege beaucoup
moins de monde que nous , attendu les retraites.
les Cafmattes immenfes où ils fe retiroient , taillées
K.v.
226 MERCURE DE FRANCE.
dans le roc, & à l'abri du boulet & de la bombe.
Les François ont eu , depuis le commencement du
fiege jufqu'à la reddition du Fort , environ 1500
hommes tant de tués que de bleffés : il eft mort peu
de bleffés , parce que la cure des plaies réuſſiſſoit
fort bien dans cette Ifle. Les Chirurgiens même en
étoient étonnés.
Il s'eft trouvé dans le Fort beaucoup de vivres ;
als en avoient encore pour un temps confidérable :
mais lors de fa reddition , il y avoit huit jours que
les Affiégés n'avoient plus ni Vin , ni Eau - de- vie.
Depuis le commencement du Siege jufqu'à la red
dition , il n'y a jamais eu à l'Hôpital de l'armée
Françoife plus de 150 malades couramment ; &
que M. de Fronfac eft parti de Mahon ,
il n'y en avoit que ce nombre.
au moment
On laiffe pour Garniſon les Régimens ſuivans.
Le Royal Italien ; Médoc ; Talaru ; Royal Comtois
& Vermandois.
La Garnison Angloife a dû fortir de l'Ifle le &
Juillet.
M. le Comte de Lannion commandera en chef
les Forts de Pife Minorque.
M. le Duc de Fronfac , qui a porté la nouvelle
'de la prife des Forts , arriva à Paris la nuit du 9
au 10 Juillet : M. le Comte d'Egmont , qui a apporté
les articles de la Capitulation & la nouvelle
de l'évacuation entiere de la Place par les Anglois
, eft arrivé à Paris la nuit du 14 au 15 fuiwant.
M. de Fronfac eft parti le 26 Juillet de Paris
, pour aller rejoindre M. le Maréchal de Richelieu
, qui ne revient point.
Nous ne pouvons mieux terminer cette Relation
que par les Vers fuivans , qui font de M. de
Voltaire , & qui nous ont paru dignes de lui & da
Héros qu'ils célebrent .
Fermer
Résumé : ARTICLES de la Capitulation proposée par Son Excellence le Lieutenant -Général BLAKNEY, pour la Garnison de Sa Majesté Britannique du Château de S.Philippe, Isle Minorque.
Le texte expose les articles de la capitulation proposée par le Lieutenant-Général Blakney pour la garnison britannique du Château Saint-Philippe à Minorque, acceptés par le Maréchal de Richelieu. Les hostilités cesseront jusqu'à la signature des articles de la capitulation. La garnison britannique bénéficiera des honneurs de la guerre, incluant une sortie avec armes et drapeaux déployés, ainsi que des salves d'honneur. Le Maréchal de Richelieu reconnaît la défense courageuse des Anglais et accorde ces honneurs en signe de respect. La garnison pourra emporter ses effets personnels et sera transportée à Gibraltar avec des provisions et des navires appropriés. Les dettes légitimes de la garnison envers les sujets du roi de France seront payées. Les habitants de l'île ayant soutenu les Anglais pourront rester et jouir de leurs biens sans être inquiétés. Les prisonniers de guerre seront échangés. Les déserteurs ne seront pas autorisés à quitter leurs régiments. La discipline sera maintenue des deux côtés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 214-222
TRAITÉ de paix conclu entre sa Majesté le Roi de POLOGNE, Electeur de Saxe, & Sa Majesté le Roi de PRUSSE, au Château de Hubertzbourg, le 15 Février 1763.
Début :
Sa Majesté le Roi de Pologne, Electeur de Saxe, & Sa Majesté le Roi de Prusse, [...]
Mots clefs :
Roi de Pologne, Électeur de Saxe, Roi de Prusse, Guerre, Paix, États, Assemblée, Conseiller, Traité de paix, Articles, Voisinage, Amitié, Amnistie générale, Harmonie, Contributions, Troupes, Évacuation, Règlement, Officiers, Soldats, Artillerie, Fortifications, Obligation, Justice, Accords, Intérêts, Diète, Paiements
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRAITÉ de paix conclu entre sa Majesté le Roi de POLOGNE, Electeur de Saxe, & Sa Majesté le Roi de PRUSSE, au Château de Hubertzbourg, le 15 Février 1763.
TRAITÉ de paix conclu entre Sa Majesté le Roi
de POLOGNE , Electeur de Saxe , & Sa Majesté
le Roi de PRUSSE , au Château de Hubertzbourg
,le 15 Février 1763 .
Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , & Sa Majesté le Roi de Pruſſe , animés du
defir réciproque de mettre fin aux calamités de
la guerre , & de rétablir l'union , la bonne intelligence&
le bon voiſinage entre eux & leurs Etats
reſpectifs , ayant réfléchi ſur les moyens les plus
propres pour parvenir à un but ſi ſalutaire , & le
Prince Royal de Pologne & Electoral Héréditaire
de Saxe s'étant employé à concerter une aſſemblée
de Plénipotentiaires , qui fut ſuivie d'une négociation:
pour en avancer le ſuccès , & pour écarter
les retardemens que l'éloignement auroit pû faire
naître, Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur
de Saxe , a confié à Son Alteſſe Royale le ſoin d'y
ménager ſes intérêts : on eſt convenu de faire tenir
au château de Huberzbourg des conférences
depaix.
En conféquence de quoi Leurs Majeſtés ont
nommé & autoriſé des Plénipotentiaires , ſavoir :
Sa Majeſté le Roi de Pologne , Electeur de Saxe ,
le ſieur Thomas , Baron de Fritſch , ſon Conſeiller
Privé ; & Sa Majeſté le Roi de Pruſſe, le ſieur
Ewald- Frederic de Hertzberg , ſon conſeiller Privé
d'Ambaſſade, leſquels , après s'etre duement
communiqué & avoir échangé leurs pleins pouvoirs
en bonne forme, ont arrêté , conclu & figné
les Articles ſuivans d'un Traité de paix.
JUIN. 1763 . 215
ARTICLE I. Il y aura une paix ſolide , une
amitié ſincère & un bon voifinage entre S. M. le
Roi de Pologne , Electeur de Saxe , & S. M. le
Roi de Pruſie & leurs Héritiers , Etats , Pays &
Sujets : & en conféquence , il y aura une amnif
tie générale & un oubli éternel de tout ce qui eſt
arrivé entre les hautes Parties contractantes , à
l'occaſion de la préſente guerre , de quelque nature
que cela puiſſe avoir été , & il ne ſera point
demandé de dédommagement de part& d'autre ;
ſous quelque prétexte ou nom que ce puiſſe être ,
mais toutes les prétentions réciproques , occafionnées
par cette guerre , demeureront entiérement
éteintes , annullées & anéanties .
Les hautes Parties contractantes & leurs Héritiers
cultiveront à l'avenir entr'elles une bonne
harmonie & parfaite intelligence, en tâchant d'avancer
leurs intérêts réciproques , & d'écarter
tout ce qui pourroity nuire ou y donner la moindreatteinte
.
Sa Majeſté le Roi de Pruſſe promet en particulier
que , dans les occaſions qui ſe préſenteront de
pouvoir procurer des convenances à Sa Majefté
le Roi de Pologne , Electeur de Saxe , ou à la
Maiſon , ſans que ce ſoit aux dépens de Sadite
Majesté Pruſienne. Elle y contribuera avec le
plus grand zéle , & ſe concertera à cet effet avec
Sa Majesté Polonoiſe & avec leurs Amis communs
.
ART . II . Toutes les hoftilités ceſſeront entiérement
à compter du II Février incluſivement ;
&depűis le même jour Sa Majesté Pruſſienne fera
ceffer entiérement & pleinement toutes contributions
ordinaires & extraordinaires , toutes livraiſons
de proviſions de bouche , fourrages , chevaux
& autre bérail ou autres effets ; toutes demandes
216 MERCURE DE FRANCE.
1
de recrues , valets , travailleurs & voitures , &
généralement toutes fortes de preſtations , de
quelque nature & dénomination qu'elles puiffent
être , & fous quelque titre ou prétexte qu'elles
foient demandées & éxigées , comme auſſi toute
coupe de bois & autres endommagemens dans
tout l'Electorat de Saxe & toutes les parties &
dépendances , y compris la Haute & Balle- Luface.
Si les ordres que Sa Majeſté le Roi de Pruſſe a
donnés là-deſſus, n'étoient pas parvenus leditjour
en tous les endroits occupés par les Troupes de
Sa Majesté Pruſſienne , & que par cette raiſon ,
ou fous d'autres prétextes , il dût arriver qu'on
eût encore pris ou éxigé des caiſſes ou des Sujets
de Sa Majeſté Polonoiſe quelque argent ou quelque
autre preſtation de quelque nature ou valeur
qu'elle pût être , ou qu'on eût cauſé d'autres
dommages , Sa Majesté Pruſſienne fera reſtituer
ſans délai tout ce qui auroit été pris ou éxigé ,
& bonifier toutdommage & perte. En conféquence
de cette ceſſation générale de toute forte de
preſtations , Sa Majesté Pruſſienne renonce également
à tous les arrérages des contributions , livraiſons
& autres preſtations antérieurement demandées
& éxigées , & déclare que toutes les
prétentions y relatives ſeront & demeureront entiérement
éteintes , annullées & anéanties , de
forte qu'il n'en ſera jamais plus fait mention.
ART. III . Sa Majefté le Roi de Pruſſe promet
de commencer les diſpoſitions néceſſaires pour
une prompte évacuation de la Saxe , dès que le
préfent Traité ſera ſigné , & d'effectuer & achever
l'évacuation & la reſtitution de tous les Etats
& Pays , Villes , Places & Forts de S. M.Polonoiſe,
&généralement de toutes parties & dépen' ances
deldirs Etats que S. M. Polonoiſe a poſlédés avant
la
JUIN. 1763. 217
la préſente guerre , dans l'eſpace de trois ſemai
nes , à compter du jour de l'échange des ratificasions;
bien entendu que les Troupes de S. M.
l'Impératrice-Reine de Hongrie & de Bohême
évacueront toute la Saxe dans le même eſpace de
temps. Y
Dès le de Février , Sa Majeſté le Roi de
Pruffe fera nourrir ſes Troupes de ſes propres
magaſins ſans qu'elles foient à charge au pays ,
&on procédera inceſſamment au réglement des
routes que leſdites Troupes prendront en quittant
les Etats de Sa Majesté le Roi de Pologne ,
dans leſquelles elles ſeront conduites & logées
par les Commiſſaires nommés par Sa' Majeſté
Polonoile, qui auront pareillement ſoin des Vorfpanndont
les Troupes auront beſoin pour leurs
marches , &qui leur feront fournisgratuitement ,
à condition que ces Vorſpann ne feront obligés
depafler les frontières de Saxe , quejuſqu'au premier
gîte.
ART. IV. Sa Majesté le Roi de Pruſſe renverra
fans rançon & ſans délai tous lesGénéraux , Officiers
& Soldats de Sa Majesté le Roi de Pologne
, Electeur de Saxe , qui font encore priſonniers
de guerre , & les autres Sujets de Sa lite
Majesté Polonoiſe qui ne voudront pas reſter
dans le ſervice & dans les Etats de Sa Majeſté
Pruſſienne , bien entendu que chacun payera
préalablement les dettes qu'il aura contractées. I
Sadite Majeſté le Roi de Pruſſe rendra auffe
toute l'artillerie , appartenante à Sa Majeſté le
Roi de Pologne , qui ſe trouve encore en Saxe ,
&qui eft marquée aux armes de, Sadire Majesté
Polonoiſe.
En particulier les Villes de Léipfic , Torgau
&Wittemberg feront reftituées par rapport aux
K
218 MERCURE DE FRANCE.
fortifications , dans le même état où elles ſont à
préſent & avec l'artillerie qui s'y trouve marquée
aux armes de Sa Majesté Polonoife.
Sa Majesté Pruſſienne mettra auſſi en liberté
les otages& autres perſonnes qui ont été arrêtées
àl'occaſion de la préſente guerre , & fera rendre
tous les papiers qui appartiennent aux archives
de Sa Majeſté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , ou aux autres bureaux du Pays , & à l'avenir
il n'en ſera rien allégué ou inféré contre
Sa Majeftéie Roi de Pologne , ni contre ſes Héritiers
& Etats.
ART . V. Le Traité de paix conclu à Dreſde le
25 Décembre 1745 eſt expreſſement renouvellé
&confirmé dans la meilleure forme & dans toute
fa teneur autant que le préſent Traité n'y dérogera
pas , & que les obligations y contenues ſeront
de nature à pouvoir encore avoir lieu .
ART . VI . Pour redreſſer réciproquement tous
les abus qui ſe ſont gliffés dans le commerce au
préjudice des Pays , Etats & Sujets reſpectifs des
hautesParties contractantes , on eft convenu que ,
d'abord après la paix conclue on nommera de
part & d'autre des Commiſlaires qui régleront
les affaires de Commerce fur des principes équitables
& réciproquement utiles.
ILferacaufli réciproquement adminiſtré bonne
& prompte juſtice à ceux des Sujets reſpectifs qui
aurontdesprocès&des prétentions liquides dans
1s Etats de l'une ou de l'autre Partie , & quand
il y en aura qui auront change ou voudrontencore
changer de domicile & paffer de la domination
de l'une fous celle de l'autre des hautes. Parties
contractantes , on ne leur fera point de difficulté
à cet égard.
ART. VII. Sa Majesté le Roi de Pruſſe conſent
1
JUIN. 1763 . 219
d'accéder & fera accéder ſes Sujets créanciers de
la Steuer de Saxe aux arrangemens qu'on prendra
inceſſamment par rapport aux intérêts à payer ,
& pour l'établiſſement d'un fonds d'amortiſſement
folide & durable ſans aucune préférence .
Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , affure & promet d'un autre côté que ,
conformément auxdits arrangemens , tous les
Sujets de Sa Majeſté Pruſſienne , qui ont ou auront
des capitaux dans la Steuer de Saxe , recevront
leurs intérêts exactement , & que les capitaux
leur feront auſſi rembourſés en entier , ſans
la moindre réduction ni diminution , & dans un
eſpacede temps raiſonnable.
ART . VIII . L'échange de la Ville & du Péage
de Furstenberg & du Village de Schildlo contre
un equivalent an Land und Leuten , ſtipulé dans
l'Article VII de la paix de Dreſde , ayant rencontré
beaucoup de difficultés dans l'éxécution , on
eſt ultérieurement convenu que pour le faciliter
la Ville de Furstenberg , avec ſes dépendances ſituées
en-deçà de l'Oder , ne ſera pas compriſe
dans ce troc & reſtera à Sa Majesté Polonoiſe
mais que d'un autre côté Sadite Majesté le Roi
de Pologne , Électeur de Saxe , cédera à S. M.
Pruſſienne non- ſeulement le Péage de l'Oder ,
qu'Elle a perçu juſqu'ici à Furstenberg , & le
Village de Schildlo avec ſes appartenances au-delà
de l'Oder , maisauſſi généralement tout ce qu'Elle
a poſſédé juſqu'ici des bords & rives de l'Oder ,
tant du côté de la Luſace que de celui de la Marche
, de forte que la rivière de l'Oder faſſe la limite
territoriale , & que la ſupériorité des deux
rives & bords de l'Oder , & de tout ce qui eſt audelà
de l'Oder du côté de la Marche , appartienne
déſormais en entier & excluſivement à Sa Majeſté
le Roi de Pruſſe , ſes Succeſſeurs & Héritiers à
perpétuité. Kij
220 MERCURE DE FRANCE .
Il eſt auſſi convenu que l'équivalent à donner à
Sa Majefté Polonoiſe ne pourra être évalué qu'à
proportion du revenu réel qu'Elle a tiré juſqu'ici
des poffeflions qu'Elle cédera àSa Majesté Pruffienne
, en conféquence de quoi Sa Majesté Polonoiſe
ſe contentera d'un équivalent an Landund
Leuten , dont le revenu réel ſeroit égal au revenu
réel des poſſeſſions qu'Eile cédera à Sa Majeſté
Brufſienne.
Au reſte dans tous les autres points relatifs à cet
échange , l'Article VII de la paix de Dreſde ſera
éxactement obſervé & éxécuté.
ART. IX. Sa Majeſté le Roi de Pruffe accorde
à Sa Majeſté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , le libre paſſage en tout temps par la Siléfie
en Pologne , & renouvelle en particulier ce
qui a été ſtipulé là- deſſus dans l'Article X du Traitéde
paix conclu à Dreſde en 1745 .
ART. X. Les hautes Parties contractantes ſe gas
rantiſſent réciproquement l'abſervation & l'éx
cution du préſent Traité de paix , & tâcheront
d'en obtenir la garantie des Puillances avec lefquellesElles
font en amitié.
ART . XI . Le préſent Traité de paix ſera ratifié
de part & d'autre , & les ratifications feront expédiées
en bonne & due forme ,& échangéesdans
F'eſpace de quinze jours , ou plutôt fi faire ſe
peut , àcompter du jour de leur ſignature.
En foi de quoi , les ſouſſignés Plénipotentiaires
de Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe, & de Sa Majesté le Roi de Pruſſe , en vertu
de leurs pleins pouvoirs , ont ſigné le préſent
Traité de paix , & y ont fait appoſer les cachets
de leurs armes.
Fait au Château de Hubertzbourg , le is Février
1763.
THOMAS, BARON DE FRITSCH .
( Signé ) EWALD-FREDERIC DE HERTZBERG .
JUI N. 1763 . 221
ARTICLES SÉPARÉS.
ART. I. On est convenu que dans les arrérages
ou autres preſtations arriérées , qui devront
ceffer du II Février 1763 , ne ſera pascompris ce
qui eſt encore dû fur les lettres de change & autres
engagemens par écrit , énoncés dans la ſpécification
ci -jointe ,que Sa Majeſté le Roide Pruſſe
ſe réſerve expreffément , & que Sa Majesté le Roi
dePologne promet de faire acquitter éxactement ,
&ſelon la teneur deſdites lettres de change &
autres engagemens par écrit donnés là-deſſus ,
ſans le moindre rabais ou défalcation , & dans
les monnoiesy promiſes.
ART. II . Pour ne laiſſer aucun doute ſur la
rrature& la ſolidité des arrangemens à prendre
fur les affaires de la Steuer , dont il a été fait
mention dans l'Article VII du Traité de paix ,
Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de Saxe ,
déclare qu'Elle prendra des arrangemens pour
qu'aucun des créanciers de la Steuer ne perde
riende ſon capital.
Qu'il eſt impoſſible de leur payer les intérêts
arriérés après que tous les revenus du pays ont
été notoirement abſorbés par les calamités de
laguerre.
Que la même raiſon doit valoir pour l'année
préſente après toutes les charges auxquelles le
pays a déja été obligé de fournir.
Mais qu'à l'avenir Sa Majeſté prendra inceſſam.
ment avec les Etats de la Saxe , aſſemblés en
Diéte , les arrangemens néceſſaires pour établir
un fonds prélevable ſur les revenus les plus clairs
du pays , lequel ſera , 10. principalement employé
pour payer éxactement les intérêts qui ne
pourront pas être fixés au-deſſous de trois pour
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE .
cent , tout comme ils ne pourront pas paffer lefdits
trois pour cent. 2°. Que le reſte fera le fonds
d'amortiſſement pour l'acquit ſucceſſif des capitaux
, qui augmentera à proportion de l'acquit
des capitaux & de la diminution des intérêts , &
dont la diſtribution ſe fera annuellement par le
fort , ſans aucune préférence pour perſonne à
quelque titre que ce ſoit. 30. Que l'adminiſtration
dudit fonds total deſtiné au payement des
intérêts & au rembourſement des capitaux ſera
fixée en la ſuſmentionnée Diete prochaine des
Etats de Saxe , de façon qu'il s'y trouve pleine
sûreté , Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur
de Saxe , promettant de donner là-deſſus
toutes les aſſurances convenables.
ART. III. Il a été convenu & arrêté que les
titres employés ou omis de part & d'autre à
l'occaſion de la préſente négociation dans les
pleins pouvoirs & autres actes , ou partout ailleurs
, ne pourront être cités ou tirés à conféquence
, & qu'il ne pourra jamais en réſulter
aucun préjudice pour aucune des Parties intéreffées.
Les trois préſens Articles ſéparés auront la
même force que s'ils étoient mot à mot inférés
dans le Traité principal , & ils ſeront également
ratifiés des deux hautes Parties contractantes .
En foi de quoi les ſouſſignés , Plénipotentiaires
de Sa Majesté le Roi de Pologne , Électeur de
Saxe , & de Sa Majeſte le Roi de Pruſſe , ont
ſigné ces préſens Articles ſéparés , & y ont fait
appoſer les cachets de leurs armes.
• Fait au Château de Huberzbourg le is Février
1763.
THOMAS , BARON DE FRITSCH .
( Signé ) EWALD- FRÉDÉRIC DE HERTZBERG ,
de POLOGNE , Electeur de Saxe , & Sa Majesté
le Roi de PRUSSE , au Château de Hubertzbourg
,le 15 Février 1763 .
Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , & Sa Majesté le Roi de Pruſſe , animés du
defir réciproque de mettre fin aux calamités de
la guerre , & de rétablir l'union , la bonne intelligence&
le bon voiſinage entre eux & leurs Etats
reſpectifs , ayant réfléchi ſur les moyens les plus
propres pour parvenir à un but ſi ſalutaire , & le
Prince Royal de Pologne & Electoral Héréditaire
de Saxe s'étant employé à concerter une aſſemblée
de Plénipotentiaires , qui fut ſuivie d'une négociation:
pour en avancer le ſuccès , & pour écarter
les retardemens que l'éloignement auroit pû faire
naître, Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur
de Saxe , a confié à Son Alteſſe Royale le ſoin d'y
ménager ſes intérêts : on eſt convenu de faire tenir
au château de Huberzbourg des conférences
depaix.
En conféquence de quoi Leurs Majeſtés ont
nommé & autoriſé des Plénipotentiaires , ſavoir :
Sa Majeſté le Roi de Pologne , Electeur de Saxe ,
le ſieur Thomas , Baron de Fritſch , ſon Conſeiller
Privé ; & Sa Majeſté le Roi de Pruſſe, le ſieur
Ewald- Frederic de Hertzberg , ſon conſeiller Privé
d'Ambaſſade, leſquels , après s'etre duement
communiqué & avoir échangé leurs pleins pouvoirs
en bonne forme, ont arrêté , conclu & figné
les Articles ſuivans d'un Traité de paix.
JUIN. 1763 . 215
ARTICLE I. Il y aura une paix ſolide , une
amitié ſincère & un bon voifinage entre S. M. le
Roi de Pologne , Electeur de Saxe , & S. M. le
Roi de Pruſie & leurs Héritiers , Etats , Pays &
Sujets : & en conféquence , il y aura une amnif
tie générale & un oubli éternel de tout ce qui eſt
arrivé entre les hautes Parties contractantes , à
l'occaſion de la préſente guerre , de quelque nature
que cela puiſſe avoir été , & il ne ſera point
demandé de dédommagement de part& d'autre ;
ſous quelque prétexte ou nom que ce puiſſe être ,
mais toutes les prétentions réciproques , occafionnées
par cette guerre , demeureront entiérement
éteintes , annullées & anéanties .
Les hautes Parties contractantes & leurs Héritiers
cultiveront à l'avenir entr'elles une bonne
harmonie & parfaite intelligence, en tâchant d'avancer
leurs intérêts réciproques , & d'écarter
tout ce qui pourroity nuire ou y donner la moindreatteinte
.
Sa Majeſté le Roi de Pruſſe promet en particulier
que , dans les occaſions qui ſe préſenteront de
pouvoir procurer des convenances à Sa Majefté
le Roi de Pologne , Electeur de Saxe , ou à la
Maiſon , ſans que ce ſoit aux dépens de Sadite
Majesté Pruſienne. Elle y contribuera avec le
plus grand zéle , & ſe concertera à cet effet avec
Sa Majesté Polonoiſe & avec leurs Amis communs
.
ART . II . Toutes les hoftilités ceſſeront entiérement
à compter du II Février incluſivement ;
&depűis le même jour Sa Majesté Pruſſienne fera
ceffer entiérement & pleinement toutes contributions
ordinaires & extraordinaires , toutes livraiſons
de proviſions de bouche , fourrages , chevaux
& autre bérail ou autres effets ; toutes demandes
216 MERCURE DE FRANCE.
1
de recrues , valets , travailleurs & voitures , &
généralement toutes fortes de preſtations , de
quelque nature & dénomination qu'elles puiffent
être , & fous quelque titre ou prétexte qu'elles
foient demandées & éxigées , comme auſſi toute
coupe de bois & autres endommagemens dans
tout l'Electorat de Saxe & toutes les parties &
dépendances , y compris la Haute & Balle- Luface.
Si les ordres que Sa Majeſté le Roi de Pruſſe a
donnés là-deſſus, n'étoient pas parvenus leditjour
en tous les endroits occupés par les Troupes de
Sa Majesté Pruſſienne , & que par cette raiſon ,
ou fous d'autres prétextes , il dût arriver qu'on
eût encore pris ou éxigé des caiſſes ou des Sujets
de Sa Majeſté Polonoiſe quelque argent ou quelque
autre preſtation de quelque nature ou valeur
qu'elle pût être , ou qu'on eût cauſé d'autres
dommages , Sa Majesté Pruſſienne fera reſtituer
ſans délai tout ce qui auroit été pris ou éxigé ,
& bonifier toutdommage & perte. En conféquence
de cette ceſſation générale de toute forte de
preſtations , Sa Majesté Pruſſienne renonce également
à tous les arrérages des contributions , livraiſons
& autres preſtations antérieurement demandées
& éxigées , & déclare que toutes les
prétentions y relatives ſeront & demeureront entiérement
éteintes , annullées & anéanties , de
forte qu'il n'en ſera jamais plus fait mention.
ART. III . Sa Majefté le Roi de Pruſſe promet
de commencer les diſpoſitions néceſſaires pour
une prompte évacuation de la Saxe , dès que le
préfent Traité ſera ſigné , & d'effectuer & achever
l'évacuation & la reſtitution de tous les Etats
& Pays , Villes , Places & Forts de S. M.Polonoiſe,
&généralement de toutes parties & dépen' ances
deldirs Etats que S. M. Polonoiſe a poſlédés avant
la
JUIN. 1763. 217
la préſente guerre , dans l'eſpace de trois ſemai
nes , à compter du jour de l'échange des ratificasions;
bien entendu que les Troupes de S. M.
l'Impératrice-Reine de Hongrie & de Bohême
évacueront toute la Saxe dans le même eſpace de
temps. Y
Dès le de Février , Sa Majeſté le Roi de
Pruffe fera nourrir ſes Troupes de ſes propres
magaſins ſans qu'elles foient à charge au pays ,
&on procédera inceſſamment au réglement des
routes que leſdites Troupes prendront en quittant
les Etats de Sa Majesté le Roi de Pologne ,
dans leſquelles elles ſeront conduites & logées
par les Commiſſaires nommés par Sa' Majeſté
Polonoile, qui auront pareillement ſoin des Vorfpanndont
les Troupes auront beſoin pour leurs
marches , &qui leur feront fournisgratuitement ,
à condition que ces Vorſpann ne feront obligés
depafler les frontières de Saxe , quejuſqu'au premier
gîte.
ART. IV. Sa Majesté le Roi de Pruſſe renverra
fans rançon & ſans délai tous lesGénéraux , Officiers
& Soldats de Sa Majesté le Roi de Pologne
, Electeur de Saxe , qui font encore priſonniers
de guerre , & les autres Sujets de Sa lite
Majesté Polonoiſe qui ne voudront pas reſter
dans le ſervice & dans les Etats de Sa Majeſté
Pruſſienne , bien entendu que chacun payera
préalablement les dettes qu'il aura contractées. I
Sadite Majeſté le Roi de Pruſſe rendra auffe
toute l'artillerie , appartenante à Sa Majeſté le
Roi de Pologne , qui ſe trouve encore en Saxe ,
&qui eft marquée aux armes de, Sadire Majesté
Polonoiſe.
En particulier les Villes de Léipfic , Torgau
&Wittemberg feront reftituées par rapport aux
K
218 MERCURE DE FRANCE.
fortifications , dans le même état où elles ſont à
préſent & avec l'artillerie qui s'y trouve marquée
aux armes de Sa Majesté Polonoife.
Sa Majesté Pruſſienne mettra auſſi en liberté
les otages& autres perſonnes qui ont été arrêtées
àl'occaſion de la préſente guerre , & fera rendre
tous les papiers qui appartiennent aux archives
de Sa Majeſté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , ou aux autres bureaux du Pays , & à l'avenir
il n'en ſera rien allégué ou inféré contre
Sa Majeftéie Roi de Pologne , ni contre ſes Héritiers
& Etats.
ART . V. Le Traité de paix conclu à Dreſde le
25 Décembre 1745 eſt expreſſement renouvellé
&confirmé dans la meilleure forme & dans toute
fa teneur autant que le préſent Traité n'y dérogera
pas , & que les obligations y contenues ſeront
de nature à pouvoir encore avoir lieu .
ART . VI . Pour redreſſer réciproquement tous
les abus qui ſe ſont gliffés dans le commerce au
préjudice des Pays , Etats & Sujets reſpectifs des
hautesParties contractantes , on eft convenu que ,
d'abord après la paix conclue on nommera de
part & d'autre des Commiſlaires qui régleront
les affaires de Commerce fur des principes équitables
& réciproquement utiles.
ILferacaufli réciproquement adminiſtré bonne
& prompte juſtice à ceux des Sujets reſpectifs qui
aurontdesprocès&des prétentions liquides dans
1s Etats de l'une ou de l'autre Partie , & quand
il y en aura qui auront change ou voudrontencore
changer de domicile & paffer de la domination
de l'une fous celle de l'autre des hautes. Parties
contractantes , on ne leur fera point de difficulté
à cet égard.
ART. VII. Sa Majesté le Roi de Pruſſe conſent
1
JUIN. 1763 . 219
d'accéder & fera accéder ſes Sujets créanciers de
la Steuer de Saxe aux arrangemens qu'on prendra
inceſſamment par rapport aux intérêts à payer ,
& pour l'établiſſement d'un fonds d'amortiſſement
folide & durable ſans aucune préférence .
Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , affure & promet d'un autre côté que ,
conformément auxdits arrangemens , tous les
Sujets de Sa Majeſté Pruſſienne , qui ont ou auront
des capitaux dans la Steuer de Saxe , recevront
leurs intérêts exactement , & que les capitaux
leur feront auſſi rembourſés en entier , ſans
la moindre réduction ni diminution , & dans un
eſpacede temps raiſonnable.
ART . VIII . L'échange de la Ville & du Péage
de Furstenberg & du Village de Schildlo contre
un equivalent an Land und Leuten , ſtipulé dans
l'Article VII de la paix de Dreſde , ayant rencontré
beaucoup de difficultés dans l'éxécution , on
eſt ultérieurement convenu que pour le faciliter
la Ville de Furstenberg , avec ſes dépendances ſituées
en-deçà de l'Oder , ne ſera pas compriſe
dans ce troc & reſtera à Sa Majesté Polonoiſe
mais que d'un autre côté Sadite Majesté le Roi
de Pologne , Électeur de Saxe , cédera à S. M.
Pruſſienne non- ſeulement le Péage de l'Oder ,
qu'Elle a perçu juſqu'ici à Furstenberg , & le
Village de Schildlo avec ſes appartenances au-delà
de l'Oder , maisauſſi généralement tout ce qu'Elle
a poſſédé juſqu'ici des bords & rives de l'Oder ,
tant du côté de la Luſace que de celui de la Marche
, de forte que la rivière de l'Oder faſſe la limite
territoriale , & que la ſupériorité des deux
rives & bords de l'Oder , & de tout ce qui eſt audelà
de l'Oder du côté de la Marche , appartienne
déſormais en entier & excluſivement à Sa Majeſté
le Roi de Pruſſe , ſes Succeſſeurs & Héritiers à
perpétuité. Kij
220 MERCURE DE FRANCE .
Il eſt auſſi convenu que l'équivalent à donner à
Sa Majefté Polonoiſe ne pourra être évalué qu'à
proportion du revenu réel qu'Elle a tiré juſqu'ici
des poffeflions qu'Elle cédera àSa Majesté Pruffienne
, en conféquence de quoi Sa Majesté Polonoiſe
ſe contentera d'un équivalent an Landund
Leuten , dont le revenu réel ſeroit égal au revenu
réel des poſſeſſions qu'Eile cédera à Sa Majeſté
Brufſienne.
Au reſte dans tous les autres points relatifs à cet
échange , l'Article VII de la paix de Dreſde ſera
éxactement obſervé & éxécuté.
ART. IX. Sa Majeſté le Roi de Pruffe accorde
à Sa Majeſté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , le libre paſſage en tout temps par la Siléfie
en Pologne , & renouvelle en particulier ce
qui a été ſtipulé là- deſſus dans l'Article X du Traitéde
paix conclu à Dreſde en 1745 .
ART. X. Les hautes Parties contractantes ſe gas
rantiſſent réciproquement l'abſervation & l'éx
cution du préſent Traité de paix , & tâcheront
d'en obtenir la garantie des Puillances avec lefquellesElles
font en amitié.
ART . XI . Le préſent Traité de paix ſera ratifié
de part & d'autre , & les ratifications feront expédiées
en bonne & due forme ,& échangéesdans
F'eſpace de quinze jours , ou plutôt fi faire ſe
peut , àcompter du jour de leur ſignature.
En foi de quoi , les ſouſſignés Plénipotentiaires
de Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe, & de Sa Majesté le Roi de Pruſſe , en vertu
de leurs pleins pouvoirs , ont ſigné le préſent
Traité de paix , & y ont fait appoſer les cachets
de leurs armes.
Fait au Château de Hubertzbourg , le is Février
1763.
THOMAS, BARON DE FRITSCH .
( Signé ) EWALD-FREDERIC DE HERTZBERG .
JUI N. 1763 . 221
ARTICLES SÉPARÉS.
ART. I. On est convenu que dans les arrérages
ou autres preſtations arriérées , qui devront
ceffer du II Février 1763 , ne ſera pascompris ce
qui eſt encore dû fur les lettres de change & autres
engagemens par écrit , énoncés dans la ſpécification
ci -jointe ,que Sa Majeſté le Roide Pruſſe
ſe réſerve expreffément , & que Sa Majesté le Roi
dePologne promet de faire acquitter éxactement ,
&ſelon la teneur deſdites lettres de change &
autres engagemens par écrit donnés là-deſſus ,
ſans le moindre rabais ou défalcation , & dans
les monnoiesy promiſes.
ART. II . Pour ne laiſſer aucun doute ſur la
rrature& la ſolidité des arrangemens à prendre
fur les affaires de la Steuer , dont il a été fait
mention dans l'Article VII du Traité de paix ,
Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de Saxe ,
déclare qu'Elle prendra des arrangemens pour
qu'aucun des créanciers de la Steuer ne perde
riende ſon capital.
Qu'il eſt impoſſible de leur payer les intérêts
arriérés après que tous les revenus du pays ont
été notoirement abſorbés par les calamités de
laguerre.
Que la même raiſon doit valoir pour l'année
préſente après toutes les charges auxquelles le
pays a déja été obligé de fournir.
Mais qu'à l'avenir Sa Majeſté prendra inceſſam.
ment avec les Etats de la Saxe , aſſemblés en
Diéte , les arrangemens néceſſaires pour établir
un fonds prélevable ſur les revenus les plus clairs
du pays , lequel ſera , 10. principalement employé
pour payer éxactement les intérêts qui ne
pourront pas être fixés au-deſſous de trois pour
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE .
cent , tout comme ils ne pourront pas paffer lefdits
trois pour cent. 2°. Que le reſte fera le fonds
d'amortiſſement pour l'acquit ſucceſſif des capitaux
, qui augmentera à proportion de l'acquit
des capitaux & de la diminution des intérêts , &
dont la diſtribution ſe fera annuellement par le
fort , ſans aucune préférence pour perſonne à
quelque titre que ce ſoit. 30. Que l'adminiſtration
dudit fonds total deſtiné au payement des
intérêts & au rembourſement des capitaux ſera
fixée en la ſuſmentionnée Diete prochaine des
Etats de Saxe , de façon qu'il s'y trouve pleine
sûreté , Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur
de Saxe , promettant de donner là-deſſus
toutes les aſſurances convenables.
ART. III. Il a été convenu & arrêté que les
titres employés ou omis de part & d'autre à
l'occaſion de la préſente négociation dans les
pleins pouvoirs & autres actes , ou partout ailleurs
, ne pourront être cités ou tirés à conféquence
, & qu'il ne pourra jamais en réſulter
aucun préjudice pour aucune des Parties intéreffées.
Les trois préſens Articles ſéparés auront la
même force que s'ils étoient mot à mot inférés
dans le Traité principal , & ils ſeront également
ratifiés des deux hautes Parties contractantes .
En foi de quoi les ſouſſignés , Plénipotentiaires
de Sa Majesté le Roi de Pologne , Électeur de
Saxe , & de Sa Majeſte le Roi de Pruſſe , ont
ſigné ces préſens Articles ſéparés , & y ont fait
appoſer les cachets de leurs armes.
• Fait au Château de Huberzbourg le is Février
1763.
THOMAS , BARON DE FRITSCH .
( Signé ) EWALD- FRÉDÉRIC DE HERTZBERG ,
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Résumé : TRAITÉ de paix conclu entre sa Majesté le Roi de POLOGNE, Electeur de Saxe, & Sa Majesté le Roi de PRUSSE, au Château de Hubertzbourg, le 15 Février 1763.
Le traité de paix de Hubertusbourg, signé le 15 février 1763 entre le Roi de Pologne, Électeur de Saxe, et le Roi de Prusse, vise à mettre fin aux conflits et à rétablir la paix et l'amitié entre les deux monarchies. Les points essentiels du traité incluent : 1. **Paix et amitié** : Une paix durable et une amitié sincère doivent prévaloir entre les deux souverains et leurs héritiers, avec une amnistie générale et un oubli des événements de la guerre. Aucune demande de dédommagement ne sera faite. 2. **Cessation des hostilités** : Toutes les hostilités doivent cesser à partir du 11 février 1763. La Prusse cessera toutes contributions et prestations en Saxe et restituera les sommes prises ou exigées. 3. **Évacuation de la Saxe** : La Prusse doit commencer les dispositions pour évacuer la Saxe dans les trois semaines suivant la ratification du traité. Les troupes prussiennes et celles de l'Impératrice-Reine de Hongrie et de Bohême doivent quitter la Saxe dans le même délai. 4. **Restitution des prisonniers et des biens** : La Prusse doit libérer sans rançon tous les prisonniers de guerre saxons et restituer l'artillerie saxonne. Les villes de Leipzig, Torgau et Wittenberg doivent être restituées avec leurs fortifications. 5. **Renouvellement des traités antérieurs** : Le traité de paix de Dresde de 1745 est renouvelé et confirmé, sauf en ce qui concerne les dispositions contraires au présent traité. 6. **Commerce et justice** : Des commissaires seront nommés pour régler les abus dans le commerce et administrer justice aux sujets des deux parties. Les sujets qui changent de domicile ne rencontreront pas de difficultés. 7. **Affaires de la Steuer** : La Prusse accepte les arrangements concernant les créanciers de la Steuer de Saxe, et la Saxe assure le remboursement des capitaux sans réduction. 8. **Échange territorial** : La ville de Fürstenberg reste à la Pologne, mais la Saxe cède le péage de l'Oder, le village de Schildlo et ses possessions sur les rives de l'Oder à la Prusse. Un équivalent en terres et en sujets sera donné à la Saxe. 9. **Passage en Silésie** : La Prusse accorde à la Pologne le libre passage en Silésie. 10. **Garantie du traité** : Les deux parties se garantissent réciproquement l'observation et l'exécution du traité et chercheront la garantie des puissances amies. Le traité doit être ratifié et les ratifications échangées dans les quinze jours suivant la signature.
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