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1
p. 257-281
Modes Nouvelles. [titre d'après la table]
Début :
Il est temps de satisfaire la curiosité de vos Belles [...]
Mots clefs :
Couleurs, Modes, Jupes, Dentelle, Marchands, Habillements, Étoffes, Gazes, Toiles, Manteaux, Point de France, Échelles, Mousseline, Satin, Coiffes, Rubans, Boutons, Noeuds, Manches
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texteReconnaissance textuelle : Modes Nouvelles. [titre d'après la table]
uriofité de vos Belles de Province , & de vous entretenir
desModesnouvellesdontvous
m'avez mandé pluſieurs fois qu'elles ſouhaitoient de trou- ver quelque Article dans les Lettres queje vous envoye.Ce n'eſt pas une affaire peu amba- raffante,&je ne ſçay comment j'aurois pû m'acquiter de ma parole, fi je ne me fuſſe trouvé dernierement dans une Ruelle
abondante en Perſonnesdu bel
air. On yrailloit un Mary ja- loux, lors que je vis entrer une Féme moitié Pretieuſe,& moitie Coquette. Queje fuis fati- guée:dit- elle, apres avoir ſalüé la Compagnie;l'ay eſté aujourQij
184 LE MERCVRE d'hui chez plus de vingt Mar- chands , &je n'en fuis guéres fortie plus ſçavante quej'y ſuis entrée. J'ay reçeu dix Lettres de la Campagne, parleſquelles on me prie de mander les Mo- des nouvelles , & je ne ſçay qu'écrire là-deſſus. Onn'a ja- mais veu en France ce que l'on voit aujourd'hui, il n'y a plus deModesgenerales,parce qu'il yen a tropde particulieres; à
peinetrouve-t- ondeux Perſon- nes veſtuës de la meſme maniere , chacun s'habille à ſa fantaiſie, &l'on ne paroiſt plus extravagant comme autrefois,
lors qu'on n'eſt pasmis comme les autres. Pour moy , continua-t-elle, je ne feray point de réponſe,&je ne finirois jamais,
fije voulois écrire la diverſité
des Habillemens de chaque
GALANT. 185 Particulier. Je donnay d'abord dans ſon ſens , pour l'amener apres plus facilement à mon but &je luidis enſuite que fi
elle vouloit prier toute laCom- pagnie de s'entretenir ſur cette matiere , & que chacundit les
Modesqu'il croyoit les plusge- nerales,je les écrirois fur l'heu- re , &qu'ainſi elle trouveroit fon Memoire des Modes tout
fait, ſans qu'elle fift autre cho- ſe que dire ſon avis.Cette pen- ſee lui plût , chacun promit d'expliquer ce qu'il ſçavoition me donna de l'encre &du pa- pier, &j'écrivis pour elle &
pour moy, ceque vous allez li- re touchant les Modes dont on
ſe fert depuis qu'on ne porte plus d'or&d'argent.
On parla d'abord des Eto- fes , ou plutoft on en voulut
üj
Σ
186 LE MERCVRE
parler ; car à peine euft-on-en-- tâmé ce difcours, qu'unejeune Beauté prit la parole,&dit que de cinquante Femmes du bel
air, à peine on trouvoit - on deux qui portaffent des Etof- fes ; &que hors quelques Taf- fetas & Tabis decoupez &
mouchetez, gris &changeans,
qui estoient un reſte de Mode
des Habits d'Etamine & de
Serge des Grifettes du Printemps , on ne voyoit plus de Femmes veſtuës que deToil- les&deGazes ; &elle adjoûta qu'elle les aimoit tellement ;
qu'elle avoit voulu voir toutes celles qui avoient eſté faites,&
que leur diverſité & leur
beauté eſtoient des chofes ad
mirables. On la pria de par.
ler de toutes celles qu'el
le avoit veuës , & voicy de
GALANT. 187
t
i
quelle maniere elle s'en ac- quita.
Onfait, depuis que les cha-- leurs ont commencé,des Man--
teaux&des Jupes de pluſieurs fortes de Gazes; les moindres
4
font les unies, les rayees , & ALE DE carreaux.
LYON celles qui font à E
leurs, meflees, & fans eftreme
lées. If y en a auffi beaucoup de rebrochées , dont les fleurs
paroiffent de relief. On en voit
fur des fonds bruns couvertes.
de fleurs de toutes couleurs;
&il s'en trouve de meſme fur
des fonds blancs qui font le plus bel effet du monde ; d'au- tres font fur des fonds mou
chetez, & d'autres font à colomnes. Les Femmes du grand air qui ont le petit deüil , en portentde blanches , avec des
preſque de toutes con-
188 LE MERCVRE
fleurs noires rebrochées ; &
celles qui font plus modeftes,
en mettent de noires unies ,
avec des Jupes de Gaze bleuës deffous. Les Gazes dont les
fonds & les fleurs font blanches, ſe portentbeaucoup plus enJupesqu'enManteaux.Cel- les qui ſont rayées , & qui ont de grandes eſpaces entre les ra- yes , remplies de toutes fortes de fleurs,fonttres-belles : Mais
quelque beauté qu'ayenttou- tes ces Gazes , pourſuivit-elle,
je ne defefpere pas d'en voir encor deplus extraordinaires,
puis qu'il n'eſt point de jour qu'on n'en remarque aux Thuilleries d'un deſſein tout
nouveau. Il n'eſt rien de plus agreable que tous les Mateaux deGaze, continua la meſme,&
ils ne font effacez que par ceux
GALANT. 189 de Poincts de France fur de la
Toille jaune,qui eftant accom-- pagnez d'Echelles de mefme
Poinct, donnent un certain air
degrandeur à ceux quiles por- tent , que les Etofés les plus remplies d'or &d'arget ne font pas toûjours remarquer dans les Perſonnes les plus quali- lifiées..Onvoit aufli , adjoûtat- elle , quelques Manteaux &
Jupes de Taffetas volans &
changeas, mais le nombre n'en eſt pas grand. Puis que vous avez parle des Manteaux , re- prit une autre,je vais parlerdes Jupes;j'en achetayhyer,& ce- la fur cauſe que je m'infor-- may de celles quifont les plus àla mode.On en voitencor qui fonttoutes de Poinct de Frace,
&dautres toutes de Poinct
d'Angleterre mais comme elles
190 LE MERCVRE
font extrémement cheres , le
nombre n'en eſt pas fi grand;&
celles dont on porte le plus ,
font desMouffeline rayée,avec unPoinct au bas des plus hauts que l'on puiſſe trouver. Ily en a auſſi beaucoup de Taffetas de toutes fortes de couleurs , fous des Gazes que chacun choifit àſa fantaiſie ; mais la plupart les prennentblanches. On en voit depuis quelques jours de Toille decoupée , comme on decoupoit le Tabis & le Satin.
Les Femmes qui font un peu fur le retour,&quelques autres
encor , portent des Jupes de Brocard , & d'autres Etofes ;
les unesmettentun petitPoinct
de Erance enbas,les autres une
Dantelle noire. Il y en a qui mettent des Guipures de tou- tes couleurs;mais quand on les
GALANT. 191 pliffe, on met des Dantelles de foye douce, fans fonds, & fans eftre guipées ni gommées. Il yadiverſesmanieres de mettre
ces Dantelles ; les unes en ont
une grande pliffée, &un Pied qui releve; & les autres deux
grandes pliſſées à deux doigts l'une de l'autre, & toutes deux tombantes.
Quandcelle quiavoitparlé desJupes àlamode eu finy fon diſcours , on preſſa une vieille Fille qui n'avoit ni beauté ni agrément,&qui par toutesces raiſons ſe retranchoit ſur lebel
Eſprit , de dire quelque choſe furle ſujet dela Converſation,
Elle répondit avec un air dé- daigneux,qu'elle ne ſçavoitpas commenton pouvoit perdre le temps à parler de ces bagatel- les,&que cette matiere n'étoit
192 LE MERCVRE
bonne que pour certaines Fé- mes qui n'auroientjamais rien àdire, fans le ſecours de leurs
Habillemens. On luyrépondit qu'elle avoit raiſon ; mais que
lors qu'on eſtoit en compagnie,
onſe rendoit ridicule, fi l'on ne
faifoit comme les autres , puis qu'ilſembloitqu'on lesmépri- faft , &qu'onvoulut ſe diſtinguer; cequ'unEfprit bien tour- né de devoit jamais faire. He bien, reprit-elle bruſquement,
puis que l'eſprit de bagatelle regne aujourd'hui , ilfaut faire
comme les autres. Si je me ſuis défenduë de parler des Modes nouvelles , ce n'eſt pas que je les ignore : comme il ne faut point d'eſprit pour les apprendre,& qu'on n'abeſoin que d'avoir des yeux , tout le monde les doit ſçavoir , &je
croy
GALANT. 193
croy n'en ignorer aucune. Elle s'arreſta un moment , puis elle entra dans le détail de toutes
les Modes dont on n'avoit
point encor parle , qu'elle de- bita avec un torrent de paroles,
ſans s'arreſter un moment , ni
laifſfer le temps à aucun de la Compagnie de lui repliquer par unſeul mot. Voicy tout cequ'elledit.
Laplupart des Coëffes que l'on porte à preſent , font à co- lomnes blanches & fans fonds;
onen voit auffi de noires à pe- tites Mouches , de Gazes fort claires d'Angleterre fans fods,
deblanches, de rouffes , &des
Cornettes de mefme ces dornieres. Onne fait plus de Bonnets friſez ,&l'on met deux petites Cornettes &une grande.
On fe cordonne de Poinct de
Tome V. R
194 LE MERCVRE
France &de Rubans detoutes
couleurs. Jamais ils n'ont tant
eſté enregne qu'ils fontdepuis la Defenſe de l'or &de l'argét;
&l'on mettat d'Echelles,qu'il eſt impoffible que cette Mode foit long-tempsen regne,parce quelesGensdequalité nemã- quent jamais de quitter celles qui deviennent trop commu- nes. On porte beaucoup de Gandsgarnis,&tous les Man- teaux font retrouffez avecdes
Rubans. Toutes lesGarnitures
fontrempliesde Ferets ; ils font plus courts , plus brillans , &
mieux travaillezque les ronds quel'onportoit ilya quelques années, & il n'y ariendeplus agreable ; on en met juſques aux Rubans de Souliers. Les
Manchesdont onſeſert à pre- ſent,ſont de pluſieurs manières.
GALANT. 195
1
2
Il y en a de pliſſées , avec du Poinct enbas.On en voitd'autres qui ne font point pliffées,
&qui ontune Dentelle qui re- leve, avec un petit Pied. Il s'en
trouve auſſi beaucoup à boüil- lons. Laplupart des Manchettes qui accompagnent ces Mã- ches, font à trois rangs. On porte toûjours des Bas de la Chine , & l'on n'en met plus guéres de marbrez. Les Sou- liers font de pluſieurs manieres. Ondecoupe des Cuirs fur des Etofes de toutes fortes de
couleurs. Il yen a de mouche- tez, laffez aux coſtez avec un
petit Molet , & de brodez de
Soye.Les plus magnifiques ſont ceux qui font de Toille de Marſeille piquée , &qui font garnis deDantelle d'Angleter- re ou de Poinct de France,forRij
196 LE MERCVRE
mantune maniere deRoze antique , comme on en mettoit
autrefois fur les Souliers. On
envoit auſſi de Geais de toutes couleurs. Les Eventails les
plus ordinaires font de Peaux de Vélin , avec des Bâtons de
Calanbourg.On les porte toû- jours grādes,& les belles Pein- tures ſonttoûjours à la mode.
On fait à preſent beaucoup dePoincts de Frace fans fonds,
&des Picots en compannes à
tous lesbeaux Mouchoirs. On
en aveu quelques-uns avec de petites Fleurs fur les grandes,
que l'on pouroit appeller des Fleurs volantes, n'eſtant atta--
chées que par le milieu ; mais il n'y a pas d'apparence que cetteModeſoit ſuivie.
Toutes ces choſes ayanteſté dites de fuite , celle qui en fit
GALANT. 197
de
al
le recit ſe trouva tellemét hors
d'haleine,qu'apres avoir ache- vé,elle ne pût dire autre choſe.
La Belle qui vouloit mander
des Modes en Province , crût
en ſçavoir aſſez , & l'on auroit
finy cette matiere , fi une Per- fonne de la compagnie n'euſt dit qu'il faloit auſſi s'entretenir des manieresde s'habiller des
Hommes. N'en foyez point en peine, repartit uneBeauté en- joüée , j'ay vingt Amans qui àl'envy s'eforcentde ſemettre bienpour meplaire , &je ſçay comment il faut qu'un Hom- me ſoit pour eſtre à la mode.
Elle prononça ces paroles d'un air qui plût à toute l'Affem- blée. On la pria de dire ce qu'elle ſçavoit là-deffus , &
fans ſe faire preffer , elle com- mençade la forte.
Riij
198 LE MERCVRE
L'ajustement eſt moins ne- ceffaire aux Hommes qu'à la plupart des Femmes , & il ca- che moins leurs defauts. Un
Homme eſt toûjours affez pa- ré quand il a bonne mine; il plaiſt enHabit de Cavalier, &
fans ornemens ; & les Femmes
qui ne font point ajuſtées,plai- fent rarement , à moins que leurbeauté ne foit veritable &
toute à elles. On dira , pour- ſuivit cette Charmate Perfonne , que j'aime bien les Hom- mes,de parler ainfi à leur avantage : Cependant tous mes Amans font également bien auprés de moy,&publient que je ſuis la plus cruelle Perſonne du monde. Tantqu'ils parlerõt ainfi , je ne me plaindray pas d'eux ,&je croirois qu'on ne medevroitguéres eſtimer, s'ils
GALANT. 199 tenoient un autre langage. Le defir qu'ils ontde me plaire,fait qu'ils ne paroiffent devat moy qu'avec une propreté ache- vée,&tout cela ſans avoir d'Erofes magnifiques. On n'en voit point preſentement , elles ſont preſque toutes unies; à
peine en trouve-t-onde ſoye,
&l'on ne porte que des Dro- guets,desEtamines &des Ser- ges; mais quand un Homme eft bien coëffé &bie chauffé,
qu'il a de beau Linge, une belle Garniture, &unebelle Veſte,il eſt plusparé que s'il eſtoit chargé de Broderie ou de gros Galons d'or , qui ne feroient que l'épaiffir. Les Hommes portent à preſent des Véftes fort lõgues, garnies de Poincts.
Les plus nouvelles ſont de Mouſſeline claire rayée , avec
200 LE MERCVRE
de la Toille jaune deſſous , &
du Poinct deſſus. Leurs Chapeaux ſont petits, leurs Gands garnis de Rubans étroits , &
toute leurGarniture de méme.
Aumilieude ces petits Rubas,
ils ont àleur Chapeau, fur leur Manches , au Nœud de leurs
Epées,&quelquefois auxdeux coſtez de leurs Culotes ou
Rhingraves,desNœudsdeRu- ban large, auxdeux coſtez du- quel eft coufuë uneDentelle
blache. Depuisquelques jours ony en met de noire,qu'on fait
coudre aumilieu du Ruban,de
maniere qu'elle le couvre tout entier. Onvoit pluſieurs Ha- bits avec quantité de rangs d'œillets; ilsn'eſtoient d'abord
que blancs , & aux revers des
Manches ; on en met preſente- ment par tout , &ils font de
GALAN T. 201
toutes couleurs ; on commence meſme à les entourerde pe- tits Cordonnets qui font pluſieurs figures, comme aux Bau- driers. D'abord que l'argent fut defendu, on porta desCor- donsde foye aurore , &de foye blanche , qu'on prenoit pour del'or &pourde l'argent. On met des Boutons des meſmes
couleurs ,&depuis peu on en porte de meflez comme les Garnitures. Les Hommes commencent à devenir magnifiques en Souliers"; ils en ontde
brodez qui coûtent quatre Loüis la paire , mais on en voit encor peu. La Converſation auroit eſté plus longue , ſans une viſite ſerieuſe qui ſurvint,
& qui l'interrompit ; c'eſt pourquoy je prie vos belles Provinciales de ſe conten
202. LE MERCVRE
ter de ce je vous envoye.
desModesnouvellesdontvous
m'avez mandé pluſieurs fois qu'elles ſouhaitoient de trou- ver quelque Article dans les Lettres queje vous envoye.Ce n'eſt pas une affaire peu amba- raffante,&je ne ſçay comment j'aurois pû m'acquiter de ma parole, fi je ne me fuſſe trouvé dernierement dans une Ruelle
abondante en Perſonnesdu bel
air. On yrailloit un Mary ja- loux, lors que je vis entrer une Féme moitié Pretieuſe,& moitie Coquette. Queje fuis fati- guée:dit- elle, apres avoir ſalüé la Compagnie;l'ay eſté aujourQij
184 LE MERCVRE d'hui chez plus de vingt Mar- chands , &je n'en fuis guéres fortie plus ſçavante quej'y ſuis entrée. J'ay reçeu dix Lettres de la Campagne, parleſquelles on me prie de mander les Mo- des nouvelles , & je ne ſçay qu'écrire là-deſſus. Onn'a ja- mais veu en France ce que l'on voit aujourd'hui, il n'y a plus deModesgenerales,parce qu'il yen a tropde particulieres; à
peinetrouve-t- ondeux Perſon- nes veſtuës de la meſme maniere , chacun s'habille à ſa fantaiſie, &l'on ne paroiſt plus extravagant comme autrefois,
lors qu'on n'eſt pasmis comme les autres. Pour moy , continua-t-elle, je ne feray point de réponſe,&je ne finirois jamais,
fije voulois écrire la diverſité
des Habillemens de chaque
GALANT. 185 Particulier. Je donnay d'abord dans ſon ſens , pour l'amener apres plus facilement à mon but &je luidis enſuite que fi
elle vouloit prier toute laCom- pagnie de s'entretenir ſur cette matiere , & que chacundit les
Modesqu'il croyoit les plusge- nerales,je les écrirois fur l'heu- re , &qu'ainſi elle trouveroit fon Memoire des Modes tout
fait, ſans qu'elle fift autre cho- ſe que dire ſon avis.Cette pen- ſee lui plût , chacun promit d'expliquer ce qu'il ſçavoition me donna de l'encre &du pa- pier, &j'écrivis pour elle &
pour moy, ceque vous allez li- re touchant les Modes dont on
ſe fert depuis qu'on ne porte plus d'or&d'argent.
On parla d'abord des Eto- fes , ou plutoft on en voulut
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parler ; car à peine euft-on-en-- tâmé ce difcours, qu'unejeune Beauté prit la parole,&dit que de cinquante Femmes du bel
air, à peine on trouvoit - on deux qui portaffent des Etof- fes ; &que hors quelques Taf- fetas & Tabis decoupez &
mouchetez, gris &changeans,
qui estoient un reſte de Mode
des Habits d'Etamine & de
Serge des Grifettes du Printemps , on ne voyoit plus de Femmes veſtuës que deToil- les&deGazes ; &elle adjoûta qu'elle les aimoit tellement ;
qu'elle avoit voulu voir toutes celles qui avoient eſté faites,&
que leur diverſité & leur
beauté eſtoient des chofes ad
mirables. On la pria de par.
ler de toutes celles qu'el
le avoit veuës , & voicy de
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quelle maniere elle s'en ac- quita.
Onfait, depuis que les cha-- leurs ont commencé,des Man--
teaux&des Jupes de pluſieurs fortes de Gazes; les moindres
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font les unies, les rayees , & ALE DE carreaux.
LYON celles qui font à E
leurs, meflees, & fans eftreme
lées. If y en a auffi beaucoup de rebrochées , dont les fleurs
paroiffent de relief. On en voit
fur des fonds bruns couvertes.
de fleurs de toutes couleurs;
&il s'en trouve de meſme fur
des fonds blancs qui font le plus bel effet du monde ; d'au- tres font fur des fonds mou
chetez, & d'autres font à colomnes. Les Femmes du grand air qui ont le petit deüil , en portentde blanches , avec des
preſque de toutes con-
188 LE MERCVRE
fleurs noires rebrochées ; &
celles qui font plus modeftes,
en mettent de noires unies ,
avec des Jupes de Gaze bleuës deffous. Les Gazes dont les
fonds & les fleurs font blanches, ſe portentbeaucoup plus enJupesqu'enManteaux.Cel- les qui ſont rayées , & qui ont de grandes eſpaces entre les ra- yes , remplies de toutes fortes de fleurs,fonttres-belles : Mais
quelque beauté qu'ayenttou- tes ces Gazes , pourſuivit-elle,
je ne defefpere pas d'en voir encor deplus extraordinaires,
puis qu'il n'eſt point de jour qu'on n'en remarque aux Thuilleries d'un deſſein tout
nouveau. Il n'eſt rien de plus agreable que tous les Mateaux deGaze, continua la meſme,&
ils ne font effacez que par ceux
GALANT. 189 de Poincts de France fur de la
Toille jaune,qui eftant accom-- pagnez d'Echelles de mefme
Poinct, donnent un certain air
degrandeur à ceux quiles por- tent , que les Etofés les plus remplies d'or &d'arget ne font pas toûjours remarquer dans les Perſonnes les plus quali- lifiées..Onvoit aufli , adjoûtat- elle , quelques Manteaux &
Jupes de Taffetas volans &
changeas, mais le nombre n'en eſt pas grand. Puis que vous avez parle des Manteaux , re- prit une autre,je vais parlerdes Jupes;j'en achetayhyer,& ce- la fur cauſe que je m'infor-- may de celles quifont les plus àla mode.On en voitencor qui fonttoutes de Poinct de Frace,
&dautres toutes de Poinct
d'Angleterre mais comme elles
190 LE MERCVRE
font extrémement cheres , le
nombre n'en eſt pas fi grand;&
celles dont on porte le plus ,
font desMouffeline rayée,avec unPoinct au bas des plus hauts que l'on puiſſe trouver. Ily en a auſſi beaucoup de Taffetas de toutes fortes de couleurs , fous des Gazes que chacun choifit àſa fantaiſie ; mais la plupart les prennentblanches. On en voit depuis quelques jours de Toille decoupée , comme on decoupoit le Tabis & le Satin.
Les Femmes qui font un peu fur le retour,&quelques autres
encor , portent des Jupes de Brocard , & d'autres Etofes ;
les unesmettentun petitPoinct
de Erance enbas,les autres une
Dantelle noire. Il y en a qui mettent des Guipures de tou- tes couleurs;mais quand on les
GALANT. 191 pliffe, on met des Dantelles de foye douce, fans fonds, & fans eftre guipées ni gommées. Il yadiverſesmanieres de mettre
ces Dantelles ; les unes en ont
une grande pliffée, &un Pied qui releve; & les autres deux
grandes pliſſées à deux doigts l'une de l'autre, & toutes deux tombantes.
Quandcelle quiavoitparlé desJupes àlamode eu finy fon diſcours , on preſſa une vieille Fille qui n'avoit ni beauté ni agrément,&qui par toutesces raiſons ſe retranchoit ſur lebel
Eſprit , de dire quelque choſe furle ſujet dela Converſation,
Elle répondit avec un air dé- daigneux,qu'elle ne ſçavoitpas commenton pouvoit perdre le temps à parler de ces bagatel- les,&que cette matiere n'étoit
192 LE MERCVRE
bonne que pour certaines Fé- mes qui n'auroientjamais rien àdire, fans le ſecours de leurs
Habillemens. On luyrépondit qu'elle avoit raiſon ; mais que
lors qu'on eſtoit en compagnie,
onſe rendoit ridicule, fi l'on ne
faifoit comme les autres , puis qu'ilſembloitqu'on lesmépri- faft , &qu'onvoulut ſe diſtinguer; cequ'unEfprit bien tour- né de devoit jamais faire. He bien, reprit-elle bruſquement,
puis que l'eſprit de bagatelle regne aujourd'hui , ilfaut faire
comme les autres. Si je me ſuis défenduë de parler des Modes nouvelles , ce n'eſt pas que je les ignore : comme il ne faut point d'eſprit pour les apprendre,& qu'on n'abeſoin que d'avoir des yeux , tout le monde les doit ſçavoir , &je
croy
GALANT. 193
croy n'en ignorer aucune. Elle s'arreſta un moment , puis elle entra dans le détail de toutes
les Modes dont on n'avoit
point encor parle , qu'elle de- bita avec un torrent de paroles,
ſans s'arreſter un moment , ni
laifſfer le temps à aucun de la Compagnie de lui repliquer par unſeul mot. Voicy tout cequ'elledit.
Laplupart des Coëffes que l'on porte à preſent , font à co- lomnes blanches & fans fonds;
onen voit auffi de noires à pe- tites Mouches , de Gazes fort claires d'Angleterre fans fods,
deblanches, de rouffes , &des
Cornettes de mefme ces dornieres. Onne fait plus de Bonnets friſez ,&l'on met deux petites Cornettes &une grande.
On fe cordonne de Poinct de
Tome V. R
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France &de Rubans detoutes
couleurs. Jamais ils n'ont tant
eſté enregne qu'ils fontdepuis la Defenſe de l'or &de l'argét;
&l'on mettat d'Echelles,qu'il eſt impoffible que cette Mode foit long-tempsen regne,parce quelesGensdequalité nemã- quent jamais de quitter celles qui deviennent trop commu- nes. On porte beaucoup de Gandsgarnis,&tous les Man- teaux font retrouffez avecdes
Rubans. Toutes lesGarnitures
fontrempliesde Ferets ; ils font plus courts , plus brillans , &
mieux travaillezque les ronds quel'onportoit ilya quelques années, & il n'y ariendeplus agreable ; on en met juſques aux Rubans de Souliers. Les
Manchesdont onſeſert à pre- ſent,ſont de pluſieurs manières.
GALANT. 195
1
2
Il y en a de pliſſées , avec du Poinct enbas.On en voitd'autres qui ne font point pliffées,
&qui ontune Dentelle qui re- leve, avec un petit Pied. Il s'en
trouve auſſi beaucoup à boüil- lons. Laplupart des Manchettes qui accompagnent ces Mã- ches, font à trois rangs. On porte toûjours des Bas de la Chine , & l'on n'en met plus guéres de marbrez. Les Sou- liers font de pluſieurs manieres. Ondecoupe des Cuirs fur des Etofes de toutes fortes de
couleurs. Il yen a de mouche- tez, laffez aux coſtez avec un
petit Molet , & de brodez de
Soye.Les plus magnifiques ſont ceux qui font de Toille de Marſeille piquée , &qui font garnis deDantelle d'Angleter- re ou de Poinct de France,forRij
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mantune maniere deRoze antique , comme on en mettoit
autrefois fur les Souliers. On
envoit auſſi de Geais de toutes couleurs. Les Eventails les
plus ordinaires font de Peaux de Vélin , avec des Bâtons de
Calanbourg.On les porte toû- jours grādes,& les belles Pein- tures ſonttoûjours à la mode.
On fait à preſent beaucoup dePoincts de Frace fans fonds,
&des Picots en compannes à
tous lesbeaux Mouchoirs. On
en aveu quelques-uns avec de petites Fleurs fur les grandes,
que l'on pouroit appeller des Fleurs volantes, n'eſtant atta--
chées que par le milieu ; mais il n'y a pas d'apparence que cetteModeſoit ſuivie.
Toutes ces choſes ayanteſté dites de fuite , celle qui en fit
GALANT. 197
de
al
le recit ſe trouva tellemét hors
d'haleine,qu'apres avoir ache- vé,elle ne pût dire autre choſe.
La Belle qui vouloit mander
des Modes en Province , crût
en ſçavoir aſſez , & l'on auroit
finy cette matiere , fi une Per- fonne de la compagnie n'euſt dit qu'il faloit auſſi s'entretenir des manieresde s'habiller des
Hommes. N'en foyez point en peine, repartit uneBeauté en- joüée , j'ay vingt Amans qui àl'envy s'eforcentde ſemettre bienpour meplaire , &je ſçay comment il faut qu'un Hom- me ſoit pour eſtre à la mode.
Elle prononça ces paroles d'un air qui plût à toute l'Affem- blée. On la pria de dire ce qu'elle ſçavoit là-deffus , &
fans ſe faire preffer , elle com- mençade la forte.
Riij
198 LE MERCVRE
L'ajustement eſt moins ne- ceffaire aux Hommes qu'à la plupart des Femmes , & il ca- che moins leurs defauts. Un
Homme eſt toûjours affez pa- ré quand il a bonne mine; il plaiſt enHabit de Cavalier, &
fans ornemens ; & les Femmes
qui ne font point ajuſtées,plai- fent rarement , à moins que leurbeauté ne foit veritable &
toute à elles. On dira , pour- ſuivit cette Charmate Perfonne , que j'aime bien les Hom- mes,de parler ainfi à leur avantage : Cependant tous mes Amans font également bien auprés de moy,&publient que je ſuis la plus cruelle Perſonne du monde. Tantqu'ils parlerõt ainfi , je ne me plaindray pas d'eux ,&je croirois qu'on ne medevroitguéres eſtimer, s'ils
GALANT. 199 tenoient un autre langage. Le defir qu'ils ontde me plaire,fait qu'ils ne paroiffent devat moy qu'avec une propreté ache- vée,&tout cela ſans avoir d'Erofes magnifiques. On n'en voit point preſentement , elles ſont preſque toutes unies; à
peine en trouve-t-onde ſoye,
&l'on ne porte que des Dro- guets,desEtamines &des Ser- ges; mais quand un Homme eft bien coëffé &bie chauffé,
qu'il a de beau Linge, une belle Garniture, &unebelle Veſte,il eſt plusparé que s'il eſtoit chargé de Broderie ou de gros Galons d'or , qui ne feroient que l'épaiffir. Les Hommes portent à preſent des Véftes fort lõgues, garnies de Poincts.
Les plus nouvelles ſont de Mouſſeline claire rayée , avec
200 LE MERCVRE
de la Toille jaune deſſous , &
du Poinct deſſus. Leurs Chapeaux ſont petits, leurs Gands garnis de Rubans étroits , &
toute leurGarniture de méme.
Aumilieude ces petits Rubas,
ils ont àleur Chapeau, fur leur Manches , au Nœud de leurs
Epées,&quelquefois auxdeux coſtez de leurs Culotes ou
Rhingraves,desNœudsdeRu- ban large, auxdeux coſtez du- quel eft coufuë uneDentelle
blache. Depuisquelques jours ony en met de noire,qu'on fait
coudre aumilieu du Ruban,de
maniere qu'elle le couvre tout entier. Onvoit pluſieurs Ha- bits avec quantité de rangs d'œillets; ilsn'eſtoient d'abord
que blancs , & aux revers des
Manches ; on en met preſente- ment par tout , &ils font de
GALAN T. 201
toutes couleurs ; on commence meſme à les entourerde pe- tits Cordonnets qui font pluſieurs figures, comme aux Bau- driers. D'abord que l'argent fut defendu, on porta desCor- donsde foye aurore , &de foye blanche , qu'on prenoit pour del'or &pourde l'argent. On met des Boutons des meſmes
couleurs ,&depuis peu on en porte de meflez comme les Garnitures. Les Hommes commencent à devenir magnifiques en Souliers"; ils en ontde
brodez qui coûtent quatre Loüis la paire , mais on en voit encor peu. La Converſation auroit eſté plus longue , ſans une viſite ſerieuſe qui ſurvint,
& qui l'interrompit ; c'eſt pourquoy je prie vos belles Provinciales de ſe conten
202. LE MERCVRE
ter de ce je vous envoye.
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Résumé : Modes Nouvelles. [titre d'après la table]
Le texte relate une conversation entre plusieurs personnes discutant des nouvelles modes à Paris après l'interdiction de porter de l'or et de l'argent. Une femme, épuisée par ses recherches, exprime son désarroi face à la diversité des modes actuelles et demande à la compagnie de décrire les modes les plus générales. La discussion commence par les étoffes. Les femmes portent principalement des toiles et des gazes, avec une grande variété de motifs et de couleurs. Les mantaux et les jupes en gaze sont particulièrement à la mode, avec des fonds et des fleurs de différentes couleurs. Les femmes en deuil portent des gazes blanches avec des fleurs noires rebrochées, tandis que celles plus modestes optent pour des gazes noires unies avec des jupes en gaze bleue. Les mantaux et jupes en taffetas volants et changeants sont également mentionnés, bien que moins courants. Les jupes en point de France et d'Angleterre sont très chères, donc moins répandues. Les jupes en mousseline rayée avec un point au bas sont plus courantes, ainsi que celles en taffetas de diverses couleurs sous des gazes blanches. Certaines femmes portent des jupes en brocart ou en autres étoffes, avec des dentelles ou des guipures de différentes couleurs. Une vieille fille, initialement réticente à parler des modes, finit par détailler les coiffes, les rubans, les ferrets, les manches, les manchettes, les bas, les souliers, les éventails, les points de France, et les mouchoirs. Elle mentionne également les nouvelles modes masculines, où les hommes portent des vêtements simples mais bien ajustés, avec des vestes longues garnies de points, des chapeaux petits, et des rubans étroits. Enfin, une beauté de l'assemblée décrit les modes masculines, soulignant que les hommes se distinguent par leur propreté et leur bon goût, plutôt que par des ornements luxueux. Les vêtements masculins actuels incluent des vestes longues en mousseline claire rayée, des chapeaux petits, et des rubans étroits pour la garniture. Les hommes commencent également à porter des souliers brodés plus coûteux. La conversation est interrompue par une visite sérieuse. L'auteur mentionne que la discussion aurait pu se prolonger sans cette interruption et demande aux destinataires, désignées comme 'vos belles Provinciales', de se contenter de ce qu'il leur envoie. Le texte se termine par une référence à 'LE MERCVRE'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 306-326
Modes nouvelles. [titre d'après la table]
Début :
Rien n'est si inconstant que la Mode, & quoy que [...]
Mots clefs :
Mode, Habits, Éventails à la siamoise, Poches, Modes, Habit, Étoffe, Corps, Galon, Usage, Nouvelle, Argent, Agréable, Justaucorps, Inconstant, Siam
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texteReconnaissance textuelle : Modes nouvelles. [titre d'après la table]
Rien n'est si inconstant
que la Mode, & quoy que
Mode veuille dire une chose
actuellement en usage, les
Modes sont si incertaines en
France, qu'on peut dire qu'il
n'y en a presquejamais d'assurées,
parce qu'ily en a trop,
& trop souvent, & qu'il suffit
qu'elles soient receuës,
pour faire craindre qu'elles ne
changent bien tost. Cependant
il faut estre à la Mode à
moins que l'on ne veüillepasser,
oupourridiculeoupouravare;
mais la difficulté est de se
saisir des Modes dans le moment
qu'elles paroissent, puis
qu'à peine se sont-elles fait remarquer,
qu'onn'envoit plus
que des restes, étouffez par
d'autres Modes naissantes.Ce
qu'il y a de fâcheux, c'est
qu'on îVert pas toujours en
estat de suivre les Modes
dans leur fleur. Tel quitte un
habit qu'il n'aporté qu'une
fois, à cause que quelque
more l'oblige à se metrre en
deuil
,
qui se trouve hors de
Mode quand il reprend cet
habit. Ainsiilne faut jamais
outrer les Modes, parce que
ceux qui les chargent davantage,
paroissenr bien-tots
les plus ridiculement vêtus.
Celles de cet Esté sont venuës
tard aussi-bien queles
chaleurs.C'est ce qui a obligé
beaucoup de gens à se
faire faire des habits d'Esté
de drap fin. La Mode la plus
constante que nous ayons
euëdepuis quelques années,
a esté celle des Culotesd'une
étoffe différente de celle
des Juste-au corps,les Culoces
estant de velours & de
Brocard, &les Juste-au-corps
de drap & de serge. Cette
Mode commence àchanger,
& la pluspar de ceux qui ont
fait faire des habits d'Esté.
ont pris des Culotes de la
mesme étoffe que le reste de
l'habit. Les Juste-au-corps
sont plus largespar le bas
qu'ils ne l'ont encore esté.
Les manches sont à botes, &
toutes plates, &la grandeur
du revers est un peu diminuée.
On voit beaucoup de
poches bizarement coupées,
appellées poches de Chasse ;
elles ne laissent pas d'estre
prelquc toutes differentes,
qnoy qu'elles portent le mêmenom.
Les unes ont deux
languetes, lesautres trois,
& les autres ont de petits
croissans tout autour. Leur
chamarrure est fort bizarre.
Les unes sont chamarées en
chevrons, les autres en zigzag,
& lesautres sont toutes
pleines : la pluspart s'en remettantàleurs
Tailleur qui
soutiennent que ce qu'ils ont
imaginé est une Mode naissante.
Aussi seroit-il difficile
qu'elle fuit plus nouvelle,
puis qu'elle n'est encore que
dans leur imagination. On
ne voit de ces poches bizarres
qu'àceux qui se font fait
habiller des premiers. Ces
placards d'or&d'argent sur
,
des habits dont le reste est
uny ,font un effet peu agréable.
Ce n'est pas la faute de
ceux qui en portent,puis
qu'ils ne font point les inventeursd'une
Mode qu'ils
n'ont prise,que parce qu'ils se
sontfait habiller avant qu'on
~McôMde~a~Me~h~
bicrfftfSAfr1usage «Î!tfettêfH
ModePcïWl
foufît#è püú.t dë^jAiries^Ofïr^
£"ièrs>\fiJis^1îfc !l'tâ 1*aVéti^ ~i~ën~p~t~éiniercrftPf
cavalier.Li(Mbdedè^pdéjh$
âhlcmg;aUcrâTyent^ok:Bes ek
trompettes, est toûjourse
usageparmy ceux dont
ilest
glorieux de suivre l'éx'empltf.
Les étofes les plus à la mode
fotit les RasdeSiam, de'Oue.;.
bec ,& deCastor. Ces étofes
sont fort fines,& quoyqu'eldes
ayent l'oeil d'uneétofe
d'Hoiver ,ronne laeisse pars dje&
porter beaucoup. La couleur
verdastre est entièrement
bannie, maiscelles demuse
clair&de Caffé font tout-àfait
en usage. Il y a encore
une petite étoffe nouvelle,
&qu'on trouve fort agreable;
elle
,
rayéressemble à du Chagrin
par petitsfilets de couleur
de gorge de pigeon. On
double tous les habits de petits
taffetas d'Angleterre glacez
& jaspez, & assortissans
aux étoffes des habits.Quand
ces habitssont à poches de
Chass ces poches, & les
revers demanches des lusteau-
corps sontchamarrez
pleind'un petit galon cou
uny, & fort leger, d'or oo d'argent étroit; mais un habtun
peu distingué,estchamarré,
d'un beau galon d'or àlissere, fc,rt Ipisant partour
donton couvre les poches & lesmanches. Il y a aussi des
habits avec une petite broderie
fort agréable d'or passé.
Cette broderie fait les mesmes
compartimens que formele
galon. Ces fortes d'habits
font pour les personnes
d'une qualitédistinguée. Les
vettesles plusàJanjod-e,.Sa
les - plus riches,sont d'une
étoffe nouvelle, dontle fond
citde gros de Tours, rayé
d'or de pouce en pouce ; le
milieu des rayes est remply
de petites fleurs d'or à l'Indienne.
Il y en a d'autres;
qui sans estre rayées sont semees
de ces fleurs. A l'égard
delà coul eur de ces vestes
cllesi sont toutes en usage.
On en porte de taffetas semblable
àl'habit, dont tout le
devant est couvert d'un galon.
d'or ou d'argent. On se sert
toujours d'Amadis fort chaûiarrez.
Jamais on n'a tant vû
d'habits deTiretaine Ilssont
toutgarnisd'unepetitenompareille
d'orsurlescoutures.
Lcsf^éftéside ceshabits sont
desmesmeétoffe, & toutes
couvotesîde galenjoude
nompareille xL'orderaefme t <
cltte celuy descouturesde
l&afoôt^Oit:porte aussides
habitsdeTiretaineavec des
hcut0tûû£tci$&t.<y&ï passent
:cdtnmc::de labroderie. Comjourd'fo):
qujrfor&l'argent
&.qu'iineskûtpâsemployai
de grandesfemmespourgarfiitvn
habit debdf
pttlté:garori surles kIoûtbrt'h
ceuxqui ns'fe^r p^i &iiqua£
lepeu-dédépense?a at^orifé
lueaporter de b'or&'tfôlèail
gcniï a en mettre surleurs haU
bits;de quoles person
nes deinaifTincx ne £anç plus
d^ftin^aces/Cela fijitque plu>
fièurfci commencent aiporoet
des habitsunis aveedesbout
tonsdelamêmecouleurqui
thafâtbinaisavei:destestes
si riches,que les Bourgeoisne
pd^emuvêmenetiJoLuesa»^oJufefntet;-eaau[p-eûpErr^ajs'
Wçjil&d'écarlace:font1
cou*-
jbufôAUjaodcv«an-lhiddour
bip delàmemecouleur qu'est
ledrap, ilssontchamarrez de i^iyutonnieres. Les
ÇYpvs.-des1manches detous ces
Jufte~a\i-cçrps for^deLl^noér
meétoffe3sur laquelle onfait
siverfes,,chamarrures. On
pprte lf&r'çhape^jx rjetrèflez>
%y.€c un cordai},e$ou»argent*
ou un tour de plumasblanc.
jDnvoitsi peujde chapeaux
gris." qu'onne peut pas dtre
qu'ils sçientà la mode. Les
cravates sont toujours en coletavecpligros,
noeud de rub$
4^g)r>pprççrle^basjGtefeye
^ortilli^ à4^abi^L^'baudriers
font peu enusage,
on n'en voit presquè plufctLes
Julie au-corpsdes personne£
dequalité qiii^tcompagttcnt
ordinairement jMonietgiietir
le Dauphin àlaGhaflfesétôient
l'année detnierededr-',i
& cette année ils sont d'un
drap gris-brun, & brodez d'argent,n'Jtj^ JJe passe à l'Article des ma*
des qui regardent les Femmes,
& je vay tâcher de Té^
claircir de manière , que les
Tailleurs de vostre Province
pui fient leur faire des habitsî
a la mode, sur ce que je vous
adicay..CTa modèdes Manteaux
aSg xlcsiJtlpmdl toujoursicà
âuâg^nLes;Qarcfçs?ontcntic»-
3fej»cnt1î J J toiites les to
ifflSjdol'filéipâiTéycUes forât
cfeabilLcgs^d'unepropreté cx>-
^triaordin^ifé. he-s\érÕl¿s:. dont ilcs Jtipèls,fonfcàpetites rayps.>tic
&cCimal^ifr^(udb deuxdoigts en milieu de
cesrayessont semées de petitesfleursd'or&
d'argent fort
^^ïcâlïlesu IIy en ad'autres
dont tout lemilieuest d'ar-
--gct-itfux-u,n fond de gros de
-3Ct)urs*Ontrouve. decesfonds
~tC~tM couieisrîi ^D'^ucifcs
ifoRoà'nayes deocwjjlsuniàrgcs
d>'undiDigt^&Eèii^unojï&yfc
<ta fleurs d'or oud'argcot^àfc
joa\v.cîar«Tçuja1fait le fond
dotoute-I^etofciCette!otose
:skppelle Marl\ .i! y erb£tdcJpuissept
francilTaunejufciti-à
1 cvingç trancsjOnvcit au{ïLdès j.ctokstoutesdefoY{ivf'fLvm,¡,
dduucrbrôbssddcTeoTuotsù#rpsu;taf&tas
f fort;ellessont rayéesdegrandes
rayesde cinqousix,courpalenuthrsè,
opraergmry*elreObseqauuecloleus3prlamCaois- étoffessontsortbigarées,&
sontappelléesRigaudans.Les
Grisetes des Dames sont d'u—
ne étofe de lainefrayée de
quantité de rayes de toutes
couleurs? &son les appelle
Siameifek s cette étofe est a
: grandmarché£Pour ce qui
regarde lamaniere ces Mano
caux ?
la gorge est fort couvertc,&
a deux grands plis par
devanteun ply renversé par
derriere, la bordure large,&
un petit aîleron à l'attachement
de la manchephflée à
l'Espagnole. Cette manche
est relevée sur le bras, & pend
sur lederete & naudedans
du bras
*
&le roulement eu
lest large. Toutes les étofes
qu'onprend pour les Jupes
font en travers, & ces rayes ontcomme des ceic^au^
Ces fortes de Jupes sontfort
propres aux tailles fines; mais
les Dames qui ont un peki
d'cmbonpoint>fonttaire Iculie
Ju pes à coins tournez, ave
un galon au bas. Il se faites
core des Manteaux tout unis
de gros taffetas de couleur) où
l'on met autourdu col unga,
Ion d'argent tout droit ; mais
pour le gros roulement de la
manche? il se chamarréci.
ondes ,-ouenlassez avec uu
grosnoeudderubansauac4
kMqixcauz.Lesjflobç-S prés
pjcsjquel;on ncue•erjgiejt
tantrC RoJbcftjdçgj} pl^yj^sipwle^ui)pre^
|iên:.ejevapt^àçi®«rp. £)%
neporte phisciemançhesdc^
dessous.Les.Dames poKcnt sLes,&"&%9m*'
guant^tç. 4ç,^>rAç^-4 la jafl» tîinîerofaiteî d'ypfiaandfe-
4e a7,c lanche >3t}%4emyr|
~%4~ fSPeWft
pt^cfi&j~~fdu~ir~tu~nfi©|>C8o§«!fftlW3»
M~~SH~M~
tTeff unOuvrage aiaihôdé9
èjui tftunecfpcccde cahevas
ià fine gaze vitrêeyfiifMaquellçort
fait im oûvràgea
Péguille avec dufil fort finJei
ôuelcuivrageest appelle ~f~
ty^&lle$iDamess'yoctupcfiè
avec plàisir. Les Fontanges
ftffctftfrtgioftessurcescçc'^
fyre^ : ù' àn'
ellessoàntd*unruban
d~é*^ouitrayeijs
dôd<Mgt>&g^niè*:nottir
pmawresiollJells'yde différentes coua
encore d'autfcS
côëffûresde gaze apetite*
fleufsblanches. Les coëffes
n~it~Ïonc l'ordinaire. tes4
Eventails font à fond d'or &
d'argent? avec des figures
de la Chine; on les appelle
Eventails à la Siamoise On
porte les Colliers de Perles
fort gros; ils font d'une com-.
pofirionsi surprenante? qu'ils
paroissent fins. Les plus beaux
font de deux Louis d'or. Les
Souliers font à l'Angloise;
les Gands glacez.
que la Mode, & quoy que
Mode veuille dire une chose
actuellement en usage, les
Modes sont si incertaines en
France, qu'on peut dire qu'il
n'y en a presquejamais d'assurées,
parce qu'ily en a trop,
& trop souvent, & qu'il suffit
qu'elles soient receuës,
pour faire craindre qu'elles ne
changent bien tost. Cependant
il faut estre à la Mode à
moins que l'on ne veüillepasser,
oupourridiculeoupouravare;
mais la difficulté est de se
saisir des Modes dans le moment
qu'elles paroissent, puis
qu'à peine se sont-elles fait remarquer,
qu'onn'envoit plus
que des restes, étouffez par
d'autres Modes naissantes.Ce
qu'il y a de fâcheux, c'est
qu'on îVert pas toujours en
estat de suivre les Modes
dans leur fleur. Tel quitte un
habit qu'il n'aporté qu'une
fois, à cause que quelque
more l'oblige à se metrre en
deuil
,
qui se trouve hors de
Mode quand il reprend cet
habit. Ainsiilne faut jamais
outrer les Modes, parce que
ceux qui les chargent davantage,
paroissenr bien-tots
les plus ridiculement vêtus.
Celles de cet Esté sont venuës
tard aussi-bien queles
chaleurs.C'est ce qui a obligé
beaucoup de gens à se
faire faire des habits d'Esté
de drap fin. La Mode la plus
constante que nous ayons
euëdepuis quelques années,
a esté celle des Culotesd'une
étoffe différente de celle
des Juste-au corps,les Culoces
estant de velours & de
Brocard, &les Juste-au-corps
de drap & de serge. Cette
Mode commence àchanger,
& la pluspar de ceux qui ont
fait faire des habits d'Esté.
ont pris des Culotes de la
mesme étoffe que le reste de
l'habit. Les Juste-au-corps
sont plus largespar le bas
qu'ils ne l'ont encore esté.
Les manches sont à botes, &
toutes plates, &la grandeur
du revers est un peu diminuée.
On voit beaucoup de
poches bizarement coupées,
appellées poches de Chasse ;
elles ne laissent pas d'estre
prelquc toutes differentes,
qnoy qu'elles portent le mêmenom.
Les unes ont deux
languetes, lesautres trois,
& les autres ont de petits
croissans tout autour. Leur
chamarrure est fort bizarre.
Les unes sont chamarées en
chevrons, les autres en zigzag,
& lesautres sont toutes
pleines : la pluspart s'en remettantàleurs
Tailleur qui
soutiennent que ce qu'ils ont
imaginé est une Mode naissante.
Aussi seroit-il difficile
qu'elle fuit plus nouvelle,
puis qu'elle n'est encore que
dans leur imagination. On
ne voit de ces poches bizarres
qu'àceux qui se font fait
habiller des premiers. Ces
placards d'or&d'argent sur
,
des habits dont le reste est
uny ,font un effet peu agréable.
Ce n'est pas la faute de
ceux qui en portent,puis
qu'ils ne font point les inventeursd'une
Mode qu'ils
n'ont prise,que parce qu'ils se
sontfait habiller avant qu'on
~McôMde~a~Me~h~
bicrfftfSAfr1usage «Î!tfettêfH
ModePcïWl
foufît#è püú.t dë^jAiries^Ofïr^
£"ièrs>\fiJis^1îfc !l'tâ 1*aVéti^ ~i~ën~p~t~éiniercrftPf
cavalier.Li(Mbdedè^pdéjh$
âhlcmg;aUcrâTyent^ok:Bes ek
trompettes, est toûjourse
usageparmy ceux dont
ilest
glorieux de suivre l'éx'empltf.
Les étofes les plus à la mode
fotit les RasdeSiam, de'Oue.;.
bec ,& deCastor. Ces étofes
sont fort fines,& quoyqu'eldes
ayent l'oeil d'uneétofe
d'Hoiver ,ronne laeisse pars dje&
porter beaucoup. La couleur
verdastre est entièrement
bannie, maiscelles demuse
clair&de Caffé font tout-àfait
en usage. Il y a encore
une petite étoffe nouvelle,
&qu'on trouve fort agreable;
elle
,
rayéressemble à du Chagrin
par petitsfilets de couleur
de gorge de pigeon. On
double tous les habits de petits
taffetas d'Angleterre glacez
& jaspez, & assortissans
aux étoffes des habits.Quand
ces habitssont à poches de
Chass ces poches, & les
revers demanches des lusteau-
corps sontchamarrez
pleind'un petit galon cou
uny, & fort leger, d'or oo d'argent étroit; mais un habtun
peu distingué,estchamarré,
d'un beau galon d'or àlissere, fc,rt Ipisant partour
donton couvre les poches & lesmanches. Il y a aussi des
habits avec une petite broderie
fort agréable d'or passé.
Cette broderie fait les mesmes
compartimens que formele
galon. Ces fortes d'habits
font pour les personnes
d'une qualitédistinguée. Les
vettesles plusàJanjod-e,.Sa
les - plus riches,sont d'une
étoffe nouvelle, dontle fond
citde gros de Tours, rayé
d'or de pouce en pouce ; le
milieu des rayes est remply
de petites fleurs d'or à l'Indienne.
Il y en a d'autres;
qui sans estre rayées sont semees
de ces fleurs. A l'égard
delà coul eur de ces vestes
cllesi sont toutes en usage.
On en porte de taffetas semblable
àl'habit, dont tout le
devant est couvert d'un galon.
d'or ou d'argent. On se sert
toujours d'Amadis fort chaûiarrez.
Jamais on n'a tant vû
d'habits deTiretaine Ilssont
toutgarnisd'unepetitenompareille
d'orsurlescoutures.
Lcsf^éftéside ceshabits sont
desmesmeétoffe, & toutes
couvotesîde galenjoude
nompareille xL'orderaefme t <
cltte celuy descouturesde
l&afoôt^Oit:porte aussides
habitsdeTiretaineavec des
hcut0tûû£tci$&t.<y&ï passent
:cdtnmc::de labroderie. Comjourd'fo):
qujrfor&l'argent
&.qu'iineskûtpâsemployai
de grandesfemmespourgarfiitvn
habit debdf
pttlté:garori surles kIoûtbrt'h
ceuxqui ns'fe^r p^i &iiqua£
lepeu-dédépense?a at^orifé
lueaporter de b'or&'tfôlèail
gcniï a en mettre surleurs haU
bits;de quoles person
nes deinaifTincx ne £anç plus
d^ftin^aces/Cela fijitque plu>
fièurfci commencent aiporoet
des habitsunis aveedesbout
tonsdelamêmecouleurqui
thafâtbinaisavei:destestes
si riches,que les Bourgeoisne
pd^emuvêmenetiJoLuesa»^oJufefntet;-eaau[p-eûpErr^ajs'
Wçjil&d'écarlace:font1
cou*-
jbufôAUjaodcv«an-lhiddour
bip delàmemecouleur qu'est
ledrap, ilssontchamarrez de i^iyutonnieres. Les
ÇYpvs.-des1manches detous ces
Jufte~a\i-cçrps for^deLl^noér
meétoffe3sur laquelle onfait
siverfes,,chamarrures. On
pprte lf&r'çhape^jx rjetrèflez>
%y.€c un cordai},e$ou»argent*
ou un tour de plumasblanc.
jDnvoitsi peujde chapeaux
gris." qu'onne peut pas dtre
qu'ils sçientà la mode. Les
cravates sont toujours en coletavecpligros,
noeud de rub$
4^g)r>pprççrle^basjGtefeye
^ortilli^ à4^abi^L^'baudriers
font peu enusage,
on n'en voit presquè plufctLes
Julie au-corpsdes personne£
dequalité qiii^tcompagttcnt
ordinairement jMonietgiietir
le Dauphin àlaGhaflfesétôient
l'année detnierededr-',i
& cette année ils sont d'un
drap gris-brun, & brodez d'argent,n'Jtj^ JJe passe à l'Article des ma*
des qui regardent les Femmes,
& je vay tâcher de Té^
claircir de manière , que les
Tailleurs de vostre Province
pui fient leur faire des habitsî
a la mode, sur ce que je vous
adicay..CTa modèdes Manteaux
aSg xlcsiJtlpmdl toujoursicà
âuâg^nLes;Qarcfçs?ontcntic»-
3fej»cnt1î J J toiites les to
ifflSjdol'filéipâiTéycUes forât
cfeabilLcgs^d'unepropreté cx>-
^triaordin^ifé. he-s\érÕl¿s:. dont ilcs Jtipèls,fonfcàpetites rayps.>tic
&cCimal^ifr^(udb deuxdoigts en milieu de
cesrayessont semées de petitesfleursd'or&
d'argent fort
^^ïcâlïlesu IIy en ad'autres
dont tout lemilieuest d'ar-
--gct-itfux-u,n fond de gros de
-3Ct)urs*Ontrouve. decesfonds
~tC~tM couieisrîi ^D'^ucifcs
ifoRoà'nayes deocwjjlsuniàrgcs
d>'undiDigt^&Eèii^unojï&yfc
<ta fleurs d'or oud'argcot^àfc
joa\v.cîar«Tçuja1fait le fond
dotoute-I^etofciCette!otose
:skppelle Marl\ .i! y erb£tdcJpuissept
francilTaunejufciti-à
1 cvingç trancsjOnvcit au{ïLdès j.ctokstoutesdefoY{ivf'fLvm,¡,
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f fort;ellessont rayéesdegrandes
rayesde cinqousix,courpalenuthrsè,
opraergmry*elreObseqauuecloleus3prlamCaois- étoffessontsortbigarées,&
sontappelléesRigaudans.Les
Grisetes des Dames sont d'u—
ne étofe de lainefrayée de
quantité de rayes de toutes
couleurs? &son les appelle
Siameifek s cette étofe est a
: grandmarché£Pour ce qui
regarde lamaniere ces Mano
caux ?
la gorge est fort couvertc,&
a deux grands plis par
devanteun ply renversé par
derriere, la bordure large,&
un petit aîleron à l'attachement
de la manchephflée à
l'Espagnole. Cette manche
est relevée sur le bras, & pend
sur lederete & naudedans
du bras
*
&le roulement eu
lest large. Toutes les étofes
qu'onprend pour les Jupes
font en travers, & ces rayes ontcomme des ceic^au^
Ces fortes de Jupes sontfort
propres aux tailles fines; mais
les Dames qui ont un peki
d'cmbonpoint>fonttaire Iculie
Ju pes à coins tournez, ave
un galon au bas. Il se faites
core des Manteaux tout unis
de gros taffetas de couleur) où
l'on met autourdu col unga,
Ion d'argent tout droit ; mais
pour le gros roulement de la
manche? il se chamarréci.
ondes ,-ouenlassez avec uu
grosnoeudderubansauac4
kMqixcauz.Lesjflobç-S prés
pjcsjquel;on ncue•erjgiejt
tantrC RoJbcftjdçgj} pl^yj^sipwle^ui)pre^
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avec plàisir. Les Fontanges
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dôd<Mgt>&g^niè*:nottir
pmawresiollJells'yde différentes coua
encore d'autfcS
côëffûresde gaze apetite*
fleufsblanches. Les coëffes
n~it~Ïonc l'ordinaire. tes4
Eventails font à fond d'or &
d'argent? avec des figures
de la Chine; on les appelle
Eventails à la Siamoise On
porte les Colliers de Perles
fort gros; ils font d'une com-.
pofirionsi surprenante? qu'ils
paroissent fins. Les plus beaux
font de deux Louis d'or. Les
Souliers font à l'Angloise;
les Gands glacez.
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3
p. 2311-2321
MODES.
Début :
Ce qui frappe le plus la vûë & ce qui marque davantage le pouvoir [...]
Mots clefs :
Modes, Mode, Dames, Couleurs, Argent, Perruque, Ruban, Cheveux, Fleurs
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texteReconnaissance textuelle : MODES.
MODE S.
E qui frappe le plus la vûë & ce
C qui marque davantage le pouvoir
abtolu de la Mode , ce font,fans doute , les
Panniers d'aujourd'hui , plus grands &
plus amples que jamais , que les Dames
de la Ville & de la Province , & les femmes
de tous les Etats & jufques aux plus
petites artifanes & aux fervantes , portent
, avec autant de complaifance que
d'entêtement , depuis près de 20 ans ;
de
quoi on ne fçauroit affez s'étonner , car
n'y eut-il pour le beau fexe que le penchant
au changement & l'amour de la variété
, il femble que ces ufages n'auroient
pas dû fubfifter fi long-temps. Il femble
enfin qu'il y a bien plus à glofer fur la
bizarerie des Panniers , que fur le Vertugadin
de nos ayeules , qui a regné longtemps.
On prétend que cette mode , outrée &
hors de toute raiſon , a commencé en Allemagne
, d'où elle paffa en Angleterre ;
& que les Dames Angloifes ont porté
l'amplure des Panniers au point où nous
la voyons aujourd'hui . Ils ont plus de 3
aûnes de tour ; on les fait tenir en état
par le moyen de petites bandes de Nates ,
faites de Jonc , ou de petites Lames d'Al
cier ,
I iiij
2312 MERCURE DE FRANCE
cier ; mais plus ordinairement avec de la
Baleine ,, qui eft fort flexible , qui fe caffe
moins , & qui rend les Paniers moins pefans.
Ceux qu'on appelle à Coudes , font
plus à la mode que ceux à Guéridons ; on
les appelle à Coudes ,parce qu'ils font plus
larges par le haut & que les Coudes pofent
prefque deffus. Ils forment mieux
l'ovale que les autres.
Avant l'ufage établi des Paniers , fur
tout à l'Opera , toutes les femmes de
Théatre , qui ont ordinairement des habits
fort riches , principalement dans le
férieux , portoient une espece de Jupon ,
qui ne venoit guére qu'à mi-jambe , fait
d'une groffe toile gommée , affez large
pour donner de la grace , tenir les Jupes
en état, & faire paroître la taille. Le bruit
que faifoient ces efpeces de Paniers, pour
peu qu'on les preffa , lui firent donner le
nom de Criardes ; les plus larges n'avoient
pas deux aûnes , & hors le Théatre , il n'y
avoit que les Dames du plus grand air qui
en portaffent.
Les Paniers parurent enfuite , & ils furent
ainfi appellez , parce qu'ils étoient
faits comme une efpece de Cage ou de
Panier à mettre de la Volaille , percez à
jour , n'y ayant que des Rubans attachez
aux Cercles , fait de nates , de cordes , de
jonc, ou de baleines. Aujourd'hui le corps
du
OCTOBRE . 1730. 23 13
:
du Panier eft fait en Juppe , d'une toile
écruë en gros taffetas , fur lequel on applique
les cercles de Baleine. Quelques
Dames d'une grande modeftie , mais en
tres-petit nombre, fe font tenus aux Juppons
piquez de crin , qui ne font pas un
grand volume , & qui font un effet raifonnable.
Les Paniers ont ordinairement cinq
rangs de cercles ; ceux qu'on appelle à
l'Angloife , en ont jufqu'à 8 , & font
beaucoup plus chers . Les prix de ceux en
toile glacée ou en taffetas , font depuis
10 liv. jufqu'à 50 liv. ceux qui font ornez
de galons d'or ou d'argent , & de Broderies
fe payent autrement.
Les taffetas dont toutes les Dames s'habil
lent en Eté font de couleurs extrêmement
& extraordinairement variées , & les plus
barroques font les plus à la mode , fur
tout les grandes rayes , avec des couleurs.
tranchantes & oppolées l'une près de l'autre
; ces taffetas font la plupart glacez.Les
taffetas Aambans font auffi fort à la mode.
Ceux qu'on porte unis font toujours de
couleur de Rofe ou blanc , fur lefquels on
met des Prétintailles aux paremens des
Robes , fur les manches & aux poches ;
quelquefois on les garnis de blondes de
foye ou d'argent.
Les Robes de Toile de Coton brodées
I v de
2314 MERCURE DE FRANCE
de foye , de couleurs vives , qu'on double
de couleur de Rofe , font fort à la
mode. On met avec ces Robes des Jupons
blancs avec des franges en graine
d'épinard , dont quelques - unes ont un
pied de haut. Les femmes de qualité ,
au lieu des Robes dont on vient de parler
, en portent de Mouffeline claire &
brodée en blanc , & doublées de couleur
de Rofe , ce qui fait un effet charmant.
En hyver on porte beaucoup de velours
plein , cizelé ou gauffré , du Damas , du
Satin unis , avec des paremens en prétintaille
, de la même étoffe & découpez ; &
fur tout des Raz de Sicile , qui eſt une
fort belle étoffe. Les couleurs brunes &
aurore ont la préférence fur les autres.
La manche des Robes fe fait toujours
en pagode. Pour les habits à habiller
qu'on ne voit guére qu'aux jeunes perfonnes
& aux nouvelles mariées , il en a
paru cet Eté en étoffes de couleurs unies,
avec beaucoup de prétintailles , de la même
étoffe , découpez ; avec deux rangs de
falbala à la Jupe.
Les Mantilles font toujours fort en regne.
Il y en a de tres- riches en Ecarlates,
en Velours , en Satin, en Blonde, de toute
couleur , en or ou argent , & c . Si c'étoit
la modeftie qui eut introduit cette mode,
les Dames qui en feroient les Auteurs
feroient
OCTOBRE . 1730. 2315
feroient tres-loüables : car cet ajuſtement
ne donne nulle prife à l'efprit de convoitife
. Des gens malins ont cependant remarqué
que les perfonnes qui n'ont pas
affez d'embonpoint , n'ont pas été des
dernieres à prendre la Mantille .
Les Dames portoient l'Hyver dernier
des Manchons auffi grands que ceux des
hommes , & des Palatines de Marte ; les
Palatines d'Eté font de Blondes de foye &
argent , ornées de fleurs artificielles &
broderie. Les plus à la mode font peintes
avec quantité de papillons.
en
Les gros & amples Bouquets de fleurs
artificielles font toujours fort à la mode.
On fait de ces fleurs d'un gout nouveau
qui imitent les Tulipes de toutes couleurs,
mais plus en gris de lin , avec de l'argent
fin & faux .
Il y a des Eventails d'un prix tres-confiderable
, qu'on porte encore exceffivement
grands ; enforte qu'il y a de petites
perfonnes dont la taille n'a pas deux
fois la hauteur de l'Eventail ; ce qui doit
tenir en refpect les jeunes Cavaliers badins
& trop enjoüez .
Les Dames portent beaucoup de Bas de
fil de Coton , dont les coins font brodez
en laine de couleur. Les bas de foye font
brodez en or ou en argent . Les Bas blancs
ont mis les Souliers blancs à la mode ; on
I vj · les
2316 MERCURE DE FRANCE
les porte à demi arondis à l'Angloife , &
le talon fort gros & couvert de la même
étoffe. On porte également des Mules
arondies. Les Souliers longs & pointus ,
avec la piece renverfée fur la boucle , ne
font prefque plus à la mode.
Il n'y a prefque pas eu de chagement
'dans la coëffure des Dames depuis ce que
nous en avons dit l'année derniere. Elles
portent toujours de petites Garnitures
de blonde , ornées de fleurs qui imitent
le naturel , & d'autres fleurs en broderie
qu'on applique fur la coëffure. Il y a auffi
des Garnitures de blonde d'argent fur lefquelles
on applique également des fleurs
brodées. Ces coëffures fe portent un peu
plus hautes , avec une groffe frifure qu'on
appelle Boucles à la Medicis ; la pointe
des cheveux fur le front , relevée en croiffant.
La Dorlote eft une nouvelle coëffure à
deux pieces qu'on porte en negligé ; elle
eft arrondie par le bas , & la dantelle
pliffe autour.
On porte depuis peu des aigrettes de
pierres fauffes , de diverfes couleurs , qui
parent beaucoup , & qui ont un air fort
galant , fans être d'un grand prix . Les
rubans qu'on porte dans les coëffures font
un peu plus larges , toujours auffi legers
& qui coûtent peu , le plus fouvent rayés.
OCTOBRE . 1730. 2317
11 y en a un nouveau de deux couleurs
qu'on appelle le Boiteux , qui eft fort à
la mode.
En parlant des modes , nous n'avons
encore rien dit du blanc & du rouge que
les Dames employent aujourd'hui pour
relever l'éclat de leur beauté. Cet article
eft délicat ; & puifque c'eft aparemment
dans l'intention de plaire , on ne doit pas
les blâmer , & nous fommes bien éloignés
de vouloir defaprouver ce que le beau
fexe met en ufage pour augmenter ce
qu'il a d'agrémens naturels. Mais nous ne
diffimulerons point que le beau naturel ,
non-feulement n'y gagne rien , mais
qu'il y perd infiniment , quand on veut
trop faire valoir des charmes empruntés
par un art outre qui en éloigne toujours
les graces , & ce je ne fçai quoi de fimple
& de naïf qui fait aimer & refpecter les.
Dames.
Oferoit- on hazarder encore une reflexion
fur leur parure & fur les ajuſtemers
recherchés d'une maniere outrée & fouvent
bizarre , avec lefquels les femmes
prétendent plaire & fignaler leur gout ?
on ofe dire qu'elles entendent mal leurs
interêts ; les coeurs bien faits ne feront
jamais bien fenfibles pour des attraits ,
fi on peut le dire , de fi mauvais aloi , où
le fimple , le noble & le gracieux de la
nature
2318 MERCURE DE FRANCE
pounature
font negligés , & quelquefois directement
choqués. Par exemple , bien
des gens qui ont fçû fe garantir du
voir tirannique de la mode , trouvent que
les femmes ne font point fi aimables
aujourd'hui avec leurs petits diminutifs
de cornettes & leurs frifures en
bichon , qu'elles l'étoient lors qu'elles
avoient toute leur chevelure , & qu'on
voyoit ces belles treffes de cheveux ingénieufement
retrouffées & ces belles
boucles tombant négligemment à côté
des joues ou fur les épaules , accommodées
à l'air du vifage , & voltiger fur
une belle carnation .
L'Eftampe en taille douce ci-jointe ,
compofée , deffinée & gravée avec foin ,
pourra donner une idée agréable des divers
ajuſtemens aujourd'hui à la mode.
›
}
La D¹´e Peromet , Coëffeufe , qui demeuroit
rue de la Harpe , continue avec fuccés à faire
des tours des chignons , des tempes pour les
Dames. Elle les fait d'une façon nouvelle & trésaifée
pour fe coeffer , imitant très bien le naturel
. Elle demeure toujours dans la Cour Abbatialle
de S. Germain des Prez , ruë de Furftemberg
, à Paris.
La mode n'a rien changé aux habits
des hommes depuis nos dernieres remarques,
On continue à porter les chapeaux
affez
OCTOBRE. 1730. 2319
affez petits , fort retrouffés , & prefque
jamais fur la tête. Les jeunes gens les ont
bordés d'un Point d'Espagne ou d'un
galon moyennement large , en or ou en
argent. Quelques- uns les portent unis
avec un plumet de la couleur de l'habit ,
fans broderie ni galon .
9
Les Perruques quarrées longues ne font
prefque plus à la mode , même chez les
Magiftrats qui les portent beaucoup pluscourtes
. Les Perruques crêpées ne le ſont
plus du tout. Les Peruquiers ont beaucoup
rafiné depuis quelque tems dans
l'art d'imiter les cheveux naturels , & en
effet , on les imite fi bien aujourd'hui
qu'il eft impoffible de n'y être pas trom
pé , même en y regardant de très prés
à moins d'y mettre la main , fur-tout
quand on veut s'affujetir à porter un toupet
de fes propres cheveux fur le haut du
front , qu'on retrouffe avec un peigne ,
& qu'on mêle avec ceux de la Perruque.
La poudre dont on ufe à l'excès , qu'on
appelle poudre à graine d'épinard , fert
encore à cacher l'artifice.
9'
Les Perruques naturelles en bourſe ou
en queue font les plus generalement à lạ
mode , principalement chez les jeunes
gens ; elles imitent fort bien le naturel ,
& coutent fort peu ; mais pour celles de
cette eſpece qui laiffent voir les oreilles
à
2320 MERCURE DE FRANCE
à découvert , & qu'on appelle à oreilles
de chien barbet , on peut dire qu'elles
font affez ridicules .
Les Perruques à l'Espagnole ne font
plus guere à la mode ; on les porte moins
longues , & on les appelle des Bonnets ;
en été tout le monde en porte , les uns
plus longs , les autres plus courts.
Les Perruques noüées à la Cavaliere
fe foutiennent encore chez les perſonnes
graves , & qui ne fe piquent pas de jeuneffe.
Il y a des Perruques de chaffe qu'on
appelle Bichons ; elles font un peu plus
longues que les Pérruques d'Abbé , nouées
par derriere avec un ruban , & termi- -
nées par une boucle .
Il y a des Perruques brizées , qu'on appelle
de trois pieces , que quelques per-
Tonnes qui ont leurs cheveux portent
par- deffus dans la grande gelée , pour fe
garantir du froid à la tête . On s'en fert
plus ordinairement dans le Cabinet pour
cacher les papillotes.
Les Bourfes qu'on met aux Perruques
fe portent fort larges & fort hautes , &
paroiffent attachées prefque à la racine
des cheveux , enforte qu'une partie du
col eſt à découvert. On place au haut de
la bourſe fur le froncis un gros noeud de
ruban gommés un large ruban entoure
le col, & vient fe terminer fous le menton,
OCTOBRE . 1730. 2321
ton
qu'on noue ou qu'on agrafe , ce
qui fait à
peu de chofe près le même
effet que les noeuds de ruban qu'on portoit
à la cravate il y a 35 ou 40. ans ; &
il y a tout lieu de préfumer que la mode
en reviendra , fi on reprend l'ufage des
cravates , car on n'en porte prefque plus.
On porte des cols de mouffeline qu'on
attache ou qu'on agrafe par derriere ; &
comme les hommes ne boutonnent prefque
plus leur vefte ni leur jufte-au - corps,
le jabot de la chemife fert comme de
cravate .
E qui frappe le plus la vûë & ce
C qui marque davantage le pouvoir
abtolu de la Mode , ce font,fans doute , les
Panniers d'aujourd'hui , plus grands &
plus amples que jamais , que les Dames
de la Ville & de la Province , & les femmes
de tous les Etats & jufques aux plus
petites artifanes & aux fervantes , portent
, avec autant de complaifance que
d'entêtement , depuis près de 20 ans ;
de
quoi on ne fçauroit affez s'étonner , car
n'y eut-il pour le beau fexe que le penchant
au changement & l'amour de la variété
, il femble que ces ufages n'auroient
pas dû fubfifter fi long-temps. Il femble
enfin qu'il y a bien plus à glofer fur la
bizarerie des Panniers , que fur le Vertugadin
de nos ayeules , qui a regné longtemps.
On prétend que cette mode , outrée &
hors de toute raiſon , a commencé en Allemagne
, d'où elle paffa en Angleterre ;
& que les Dames Angloifes ont porté
l'amplure des Panniers au point où nous
la voyons aujourd'hui . Ils ont plus de 3
aûnes de tour ; on les fait tenir en état
par le moyen de petites bandes de Nates ,
faites de Jonc , ou de petites Lames d'Al
cier ,
I iiij
2312 MERCURE DE FRANCE
cier ; mais plus ordinairement avec de la
Baleine ,, qui eft fort flexible , qui fe caffe
moins , & qui rend les Paniers moins pefans.
Ceux qu'on appelle à Coudes , font
plus à la mode que ceux à Guéridons ; on
les appelle à Coudes ,parce qu'ils font plus
larges par le haut & que les Coudes pofent
prefque deffus. Ils forment mieux
l'ovale que les autres.
Avant l'ufage établi des Paniers , fur
tout à l'Opera , toutes les femmes de
Théatre , qui ont ordinairement des habits
fort riches , principalement dans le
férieux , portoient une espece de Jupon ,
qui ne venoit guére qu'à mi-jambe , fait
d'une groffe toile gommée , affez large
pour donner de la grace , tenir les Jupes
en état, & faire paroître la taille. Le bruit
que faifoient ces efpeces de Paniers, pour
peu qu'on les preffa , lui firent donner le
nom de Criardes ; les plus larges n'avoient
pas deux aûnes , & hors le Théatre , il n'y
avoit que les Dames du plus grand air qui
en portaffent.
Les Paniers parurent enfuite , & ils furent
ainfi appellez , parce qu'ils étoient
faits comme une efpece de Cage ou de
Panier à mettre de la Volaille , percez à
jour , n'y ayant que des Rubans attachez
aux Cercles , fait de nates , de cordes , de
jonc, ou de baleines. Aujourd'hui le corps
du
OCTOBRE . 1730. 23 13
:
du Panier eft fait en Juppe , d'une toile
écruë en gros taffetas , fur lequel on applique
les cercles de Baleine. Quelques
Dames d'une grande modeftie , mais en
tres-petit nombre, fe font tenus aux Juppons
piquez de crin , qui ne font pas un
grand volume , & qui font un effet raifonnable.
Les Paniers ont ordinairement cinq
rangs de cercles ; ceux qu'on appelle à
l'Angloife , en ont jufqu'à 8 , & font
beaucoup plus chers . Les prix de ceux en
toile glacée ou en taffetas , font depuis
10 liv. jufqu'à 50 liv. ceux qui font ornez
de galons d'or ou d'argent , & de Broderies
fe payent autrement.
Les taffetas dont toutes les Dames s'habil
lent en Eté font de couleurs extrêmement
& extraordinairement variées , & les plus
barroques font les plus à la mode , fur
tout les grandes rayes , avec des couleurs.
tranchantes & oppolées l'une près de l'autre
; ces taffetas font la plupart glacez.Les
taffetas Aambans font auffi fort à la mode.
Ceux qu'on porte unis font toujours de
couleur de Rofe ou blanc , fur lefquels on
met des Prétintailles aux paremens des
Robes , fur les manches & aux poches ;
quelquefois on les garnis de blondes de
foye ou d'argent.
Les Robes de Toile de Coton brodées
I v de
2314 MERCURE DE FRANCE
de foye , de couleurs vives , qu'on double
de couleur de Rofe , font fort à la
mode. On met avec ces Robes des Jupons
blancs avec des franges en graine
d'épinard , dont quelques - unes ont un
pied de haut. Les femmes de qualité ,
au lieu des Robes dont on vient de parler
, en portent de Mouffeline claire &
brodée en blanc , & doublées de couleur
de Rofe , ce qui fait un effet charmant.
En hyver on porte beaucoup de velours
plein , cizelé ou gauffré , du Damas , du
Satin unis , avec des paremens en prétintaille
, de la même étoffe & découpez ; &
fur tout des Raz de Sicile , qui eſt une
fort belle étoffe. Les couleurs brunes &
aurore ont la préférence fur les autres.
La manche des Robes fe fait toujours
en pagode. Pour les habits à habiller
qu'on ne voit guére qu'aux jeunes perfonnes
& aux nouvelles mariées , il en a
paru cet Eté en étoffes de couleurs unies,
avec beaucoup de prétintailles , de la même
étoffe , découpez ; avec deux rangs de
falbala à la Jupe.
Les Mantilles font toujours fort en regne.
Il y en a de tres- riches en Ecarlates,
en Velours , en Satin, en Blonde, de toute
couleur , en or ou argent , & c . Si c'étoit
la modeftie qui eut introduit cette mode,
les Dames qui en feroient les Auteurs
feroient
OCTOBRE . 1730. 2315
feroient tres-loüables : car cet ajuſtement
ne donne nulle prife à l'efprit de convoitife
. Des gens malins ont cependant remarqué
que les perfonnes qui n'ont pas
affez d'embonpoint , n'ont pas été des
dernieres à prendre la Mantille .
Les Dames portoient l'Hyver dernier
des Manchons auffi grands que ceux des
hommes , & des Palatines de Marte ; les
Palatines d'Eté font de Blondes de foye &
argent , ornées de fleurs artificielles &
broderie. Les plus à la mode font peintes
avec quantité de papillons.
en
Les gros & amples Bouquets de fleurs
artificielles font toujours fort à la mode.
On fait de ces fleurs d'un gout nouveau
qui imitent les Tulipes de toutes couleurs,
mais plus en gris de lin , avec de l'argent
fin & faux .
Il y a des Eventails d'un prix tres-confiderable
, qu'on porte encore exceffivement
grands ; enforte qu'il y a de petites
perfonnes dont la taille n'a pas deux
fois la hauteur de l'Eventail ; ce qui doit
tenir en refpect les jeunes Cavaliers badins
& trop enjoüez .
Les Dames portent beaucoup de Bas de
fil de Coton , dont les coins font brodez
en laine de couleur. Les bas de foye font
brodez en or ou en argent . Les Bas blancs
ont mis les Souliers blancs à la mode ; on
I vj · les
2316 MERCURE DE FRANCE
les porte à demi arondis à l'Angloife , &
le talon fort gros & couvert de la même
étoffe. On porte également des Mules
arondies. Les Souliers longs & pointus ,
avec la piece renverfée fur la boucle , ne
font prefque plus à la mode.
Il n'y a prefque pas eu de chagement
'dans la coëffure des Dames depuis ce que
nous en avons dit l'année derniere. Elles
portent toujours de petites Garnitures
de blonde , ornées de fleurs qui imitent
le naturel , & d'autres fleurs en broderie
qu'on applique fur la coëffure. Il y a auffi
des Garnitures de blonde d'argent fur lefquelles
on applique également des fleurs
brodées. Ces coëffures fe portent un peu
plus hautes , avec une groffe frifure qu'on
appelle Boucles à la Medicis ; la pointe
des cheveux fur le front , relevée en croiffant.
La Dorlote eft une nouvelle coëffure à
deux pieces qu'on porte en negligé ; elle
eft arrondie par le bas , & la dantelle
pliffe autour.
On porte depuis peu des aigrettes de
pierres fauffes , de diverfes couleurs , qui
parent beaucoup , & qui ont un air fort
galant , fans être d'un grand prix . Les
rubans qu'on porte dans les coëffures font
un peu plus larges , toujours auffi legers
& qui coûtent peu , le plus fouvent rayés.
OCTOBRE . 1730. 2317
11 y en a un nouveau de deux couleurs
qu'on appelle le Boiteux , qui eft fort à
la mode.
En parlant des modes , nous n'avons
encore rien dit du blanc & du rouge que
les Dames employent aujourd'hui pour
relever l'éclat de leur beauté. Cet article
eft délicat ; & puifque c'eft aparemment
dans l'intention de plaire , on ne doit pas
les blâmer , & nous fommes bien éloignés
de vouloir defaprouver ce que le beau
fexe met en ufage pour augmenter ce
qu'il a d'agrémens naturels. Mais nous ne
diffimulerons point que le beau naturel ,
non-feulement n'y gagne rien , mais
qu'il y perd infiniment , quand on veut
trop faire valoir des charmes empruntés
par un art outre qui en éloigne toujours
les graces , & ce je ne fçai quoi de fimple
& de naïf qui fait aimer & refpecter les.
Dames.
Oferoit- on hazarder encore une reflexion
fur leur parure & fur les ajuſtemers
recherchés d'une maniere outrée & fouvent
bizarre , avec lefquels les femmes
prétendent plaire & fignaler leur gout ?
on ofe dire qu'elles entendent mal leurs
interêts ; les coeurs bien faits ne feront
jamais bien fenfibles pour des attraits ,
fi on peut le dire , de fi mauvais aloi , où
le fimple , le noble & le gracieux de la
nature
2318 MERCURE DE FRANCE
pounature
font negligés , & quelquefois directement
choqués. Par exemple , bien
des gens qui ont fçû fe garantir du
voir tirannique de la mode , trouvent que
les femmes ne font point fi aimables
aujourd'hui avec leurs petits diminutifs
de cornettes & leurs frifures en
bichon , qu'elles l'étoient lors qu'elles
avoient toute leur chevelure , & qu'on
voyoit ces belles treffes de cheveux ingénieufement
retrouffées & ces belles
boucles tombant négligemment à côté
des joues ou fur les épaules , accommodées
à l'air du vifage , & voltiger fur
une belle carnation .
L'Eftampe en taille douce ci-jointe ,
compofée , deffinée & gravée avec foin ,
pourra donner une idée agréable des divers
ajuſtemens aujourd'hui à la mode.
›
}
La D¹´e Peromet , Coëffeufe , qui demeuroit
rue de la Harpe , continue avec fuccés à faire
des tours des chignons , des tempes pour les
Dames. Elle les fait d'une façon nouvelle & trésaifée
pour fe coeffer , imitant très bien le naturel
. Elle demeure toujours dans la Cour Abbatialle
de S. Germain des Prez , ruë de Furftemberg
, à Paris.
La mode n'a rien changé aux habits
des hommes depuis nos dernieres remarques,
On continue à porter les chapeaux
affez
OCTOBRE. 1730. 2319
affez petits , fort retrouffés , & prefque
jamais fur la tête. Les jeunes gens les ont
bordés d'un Point d'Espagne ou d'un
galon moyennement large , en or ou en
argent. Quelques- uns les portent unis
avec un plumet de la couleur de l'habit ,
fans broderie ni galon .
9
Les Perruques quarrées longues ne font
prefque plus à la mode , même chez les
Magiftrats qui les portent beaucoup pluscourtes
. Les Perruques crêpées ne le ſont
plus du tout. Les Peruquiers ont beaucoup
rafiné depuis quelque tems dans
l'art d'imiter les cheveux naturels , & en
effet , on les imite fi bien aujourd'hui
qu'il eft impoffible de n'y être pas trom
pé , même en y regardant de très prés
à moins d'y mettre la main , fur-tout
quand on veut s'affujetir à porter un toupet
de fes propres cheveux fur le haut du
front , qu'on retrouffe avec un peigne ,
& qu'on mêle avec ceux de la Perruque.
La poudre dont on ufe à l'excès , qu'on
appelle poudre à graine d'épinard , fert
encore à cacher l'artifice.
9'
Les Perruques naturelles en bourſe ou
en queue font les plus generalement à lạ
mode , principalement chez les jeunes
gens ; elles imitent fort bien le naturel ,
& coutent fort peu ; mais pour celles de
cette eſpece qui laiffent voir les oreilles
à
2320 MERCURE DE FRANCE
à découvert , & qu'on appelle à oreilles
de chien barbet , on peut dire qu'elles
font affez ridicules .
Les Perruques à l'Espagnole ne font
plus guere à la mode ; on les porte moins
longues , & on les appelle des Bonnets ;
en été tout le monde en porte , les uns
plus longs , les autres plus courts.
Les Perruques noüées à la Cavaliere
fe foutiennent encore chez les perſonnes
graves , & qui ne fe piquent pas de jeuneffe.
Il y a des Perruques de chaffe qu'on
appelle Bichons ; elles font un peu plus
longues que les Pérruques d'Abbé , nouées
par derriere avec un ruban , & termi- -
nées par une boucle .
Il y a des Perruques brizées , qu'on appelle
de trois pieces , que quelques per-
Tonnes qui ont leurs cheveux portent
par- deffus dans la grande gelée , pour fe
garantir du froid à la tête . On s'en fert
plus ordinairement dans le Cabinet pour
cacher les papillotes.
Les Bourfes qu'on met aux Perruques
fe portent fort larges & fort hautes , &
paroiffent attachées prefque à la racine
des cheveux , enforte qu'une partie du
col eſt à découvert. On place au haut de
la bourſe fur le froncis un gros noeud de
ruban gommés un large ruban entoure
le col, & vient fe terminer fous le menton,
OCTOBRE . 1730. 2321
ton
qu'on noue ou qu'on agrafe , ce
qui fait à
peu de chofe près le même
effet que les noeuds de ruban qu'on portoit
à la cravate il y a 35 ou 40. ans ; &
il y a tout lieu de préfumer que la mode
en reviendra , fi on reprend l'ufage des
cravates , car on n'en porte prefque plus.
On porte des cols de mouffeline qu'on
attache ou qu'on agrafe par derriere ; &
comme les hommes ne boutonnent prefque
plus leur vefte ni leur jufte-au - corps,
le jabot de la chemife fert comme de
cravate .
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4
p. 2321-2324
MODES ANCIENNES, &c.
Début :
Il ne sera peut-être pas hors de propos, après avoir parlé des nouvelles Modes, de dire quelque [...]
Mots clefs :
Modes, Perruque, Dame, Argent, Couleurs, Robes, Femmes, Cheveux, Ruban, Étoffes
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texteReconnaissance textuelle : MODES ANCIENNES, &c.
MODE S.
E qui frappe le plus la vûë & ce
C qui marque davantage le pouvoir
abtolu de la Mode , ce font,fans doute , les
Panniers d'aujourd'hui , plus grands &
plus amples que jamais , que les Dames
de la Ville & de la Province , & les femmes
de tous les Etats & jufques aux plus
petites artifanes & aux fervantes , portent
, avec autant de complaifance que
d'entêtement , depuis près de 20 ans ;
de
quoi on ne fçauroit affez s'étonner , car
n'y eut-il pour le beau fexe que le penchant
au changement & l'amour de la variété
, il femble que ces ufages n'auroient
pas dû fubfifter fi long-temps. Il femble
enfin qu'il y a bien plus à glofer fur la
bizarerie des Panniers , que fur le Vertugadin
de nos ayeules , qui a regné longtemps.
On prétend que cette mode , outrée &
hors de toute raiſon , a commencé en Allemagne
, d'où elle paffa en Angleterre ;
& que les Dames Angloifes ont porté
l'amplure des Panniers au point où nous
la voyons aujourd'hui . Ils ont plus de 3
aûnes de tour ; on les fait tenir en état
par le moyen de petites bandes de Nates ,
faites de Jonc , ou de petites Lames d'Al
cier ,
I iiij
2312 MERCURE DE FRANCE
cier ; mais plus ordinairement avec de la
Baleine ,, qui eft fort flexible , qui fe caffe
moins , & qui rend les Paniers moins pefans.
Ceux qu'on appelle à Coudes , font
plus à la mode que ceux à Guéridons ; on
les appelle à Coudes ,parce qu'ils font plus
larges par le haut & que les Coudes pofent
prefque deffus. Ils forment mieux
l'ovale que les autres.
Avant l'ufage établi des Paniers , fur
tout à l'Opera , toutes les femmes de
Théatre , qui ont ordinairement des habits
fort riches , principalement dans le
férieux , portoient une espece de Jupon ,
qui ne venoit guére qu'à mi-jambe , fait
d'une groffe toile gommée , affez large
pour donner de la grace , tenir les Jupes
en état, & faire paroître la taille. Le bruit
que faifoient ces efpeces de Paniers, pour
peu qu'on les preffa , lui firent donner le
nom de Criardes ; les plus larges n'avoient
pas deux aûnes , & hors le Théatre , il n'y
avoit que les Dames du plus grand air qui
en portaffent.
Les Paniers parurent enfuite , & ils furent
ainfi appellez , parce qu'ils étoient
faits comme une efpece de Cage ou de
Panier à mettre de la Volaille , percez à
jour , n'y ayant que des Rubans attachez
aux Cercles , fait de nates , de cordes , de
jonc, ou de baleines. Aujourd'hui le corps
du
OCTOBRE . 1730. 23 13
:
du Panier eft fait en Juppe , d'une toile
écruë en gros taffetas , fur lequel on applique
les cercles de Baleine. Quelques
Dames d'une grande modeftie , mais en
tres-petit nombre, fe font tenus aux Juppons
piquez de crin , qui ne font pas un
grand volume , & qui font un effet raifonnable.
Les Paniers ont ordinairement cinq
rangs de cercles ; ceux qu'on appelle à
l'Angloife , en ont jufqu'à 8 , & font
beaucoup plus chers . Les prix de ceux en
toile glacée ou en taffetas , font depuis
10 liv. jufqu'à 50 liv. ceux qui font ornez
de galons d'or ou d'argent , & de Broderies
fe payent autrement.
Les taffetas dont toutes les Dames s'habil
lent en Eté font de couleurs extrêmement
& extraordinairement variées , & les plus
barroques font les plus à la mode , fur
tout les grandes rayes , avec des couleurs.
tranchantes & oppolées l'une près de l'autre
; ces taffetas font la plupart glacez.Les
taffetas Aambans font auffi fort à la mode.
Ceux qu'on porte unis font toujours de
couleur de Rofe ou blanc , fur lefquels on
met des Prétintailles aux paremens des
Robes , fur les manches & aux poches ;
quelquefois on les garnis de blondes de
foye ou d'argent.
Les Robes de Toile de Coton brodées
I v de
2314 MERCURE DE FRANCE
de foye , de couleurs vives , qu'on double
de couleur de Rofe , font fort à la
mode. On met avec ces Robes des Jupons
blancs avec des franges en graine
d'épinard , dont quelques - unes ont un
pied de haut. Les femmes de qualité ,
au lieu des Robes dont on vient de parler
, en portent de Mouffeline claire &
brodée en blanc , & doublées de couleur
de Rofe , ce qui fait un effet charmant.
En hyver on porte beaucoup de velours
plein , cizelé ou gauffré , du Damas , du
Satin unis , avec des paremens en prétintaille
, de la même étoffe & découpez ; &
fur tout des Raz de Sicile , qui eſt une
fort belle étoffe. Les couleurs brunes &
aurore ont la préférence fur les autres.
La manche des Robes fe fait toujours
en pagode. Pour les habits à habiller
qu'on ne voit guére qu'aux jeunes perfonnes
& aux nouvelles mariées , il en a
paru cet Eté en étoffes de couleurs unies,
avec beaucoup de prétintailles , de la même
étoffe , découpez ; avec deux rangs de
falbala à la Jupe.
Les Mantilles font toujours fort en regne.
Il y en a de tres- riches en Ecarlates,
en Velours , en Satin, en Blonde, de toute
couleur , en or ou argent , & c . Si c'étoit
la modeftie qui eut introduit cette mode,
les Dames qui en feroient les Auteurs
feroient
OCTOBRE . 1730. 2315
feroient tres-loüables : car cet ajuſtement
ne donne nulle prife à l'efprit de convoitife
. Des gens malins ont cependant remarqué
que les perfonnes qui n'ont pas
affez d'embonpoint , n'ont pas été des
dernieres à prendre la Mantille .
Les Dames portoient l'Hyver dernier
des Manchons auffi grands que ceux des
hommes , & des Palatines de Marte ; les
Palatines d'Eté font de Blondes de foye &
argent , ornées de fleurs artificielles &
broderie. Les plus à la mode font peintes
avec quantité de papillons.
en
Les gros & amples Bouquets de fleurs
artificielles font toujours fort à la mode.
On fait de ces fleurs d'un gout nouveau
qui imitent les Tulipes de toutes couleurs,
mais plus en gris de lin , avec de l'argent
fin & faux .
Il y a des Eventails d'un prix tres-confiderable
, qu'on porte encore exceffivement
grands ; enforte qu'il y a de petites
perfonnes dont la taille n'a pas deux
fois la hauteur de l'Eventail ; ce qui doit
tenir en refpect les jeunes Cavaliers badins
& trop enjoüez .
Les Dames portent beaucoup de Bas de
fil de Coton , dont les coins font brodez
en laine de couleur. Les bas de foye font
brodez en or ou en argent . Les Bas blancs
ont mis les Souliers blancs à la mode ; on
I vj · les
2316 MERCURE DE FRANCE
les porte à demi arondis à l'Angloife , &
le talon fort gros & couvert de la même
étoffe. On porte également des Mules
arondies. Les Souliers longs & pointus ,
avec la piece renverfée fur la boucle , ne
font prefque plus à la mode.
Il n'y a prefque pas eu de chagement
'dans la coëffure des Dames depuis ce que
nous en avons dit l'année derniere. Elles
portent toujours de petites Garnitures
de blonde , ornées de fleurs qui imitent
le naturel , & d'autres fleurs en broderie
qu'on applique fur la coëffure. Il y a auffi
des Garnitures de blonde d'argent fur lefquelles
on applique également des fleurs
brodées. Ces coëffures fe portent un peu
plus hautes , avec une groffe frifure qu'on
appelle Boucles à la Medicis ; la pointe
des cheveux fur le front , relevée en croiffant.
La Dorlote eft une nouvelle coëffure à
deux pieces qu'on porte en negligé ; elle
eft arrondie par le bas , & la dantelle
pliffe autour.
On porte depuis peu des aigrettes de
pierres fauffes , de diverfes couleurs , qui
parent beaucoup , & qui ont un air fort
galant , fans être d'un grand prix . Les
rubans qu'on porte dans les coëffures font
un peu plus larges , toujours auffi legers
& qui coûtent peu , le plus fouvent rayés.
OCTOBRE . 1730. 2317
11 y en a un nouveau de deux couleurs
qu'on appelle le Boiteux , qui eft fort à
la mode.
En parlant des modes , nous n'avons
encore rien dit du blanc & du rouge que
les Dames employent aujourd'hui pour
relever l'éclat de leur beauté. Cet article
eft délicat ; & puifque c'eft aparemment
dans l'intention de plaire , on ne doit pas
les blâmer , & nous fommes bien éloignés
de vouloir defaprouver ce que le beau
fexe met en ufage pour augmenter ce
qu'il a d'agrémens naturels. Mais nous ne
diffimulerons point que le beau naturel ,
non-feulement n'y gagne rien , mais
qu'il y perd infiniment , quand on veut
trop faire valoir des charmes empruntés
par un art outre qui en éloigne toujours
les graces , & ce je ne fçai quoi de fimple
& de naïf qui fait aimer & refpecter les.
Dames.
Oferoit- on hazarder encore une reflexion
fur leur parure & fur les ajuſtemers
recherchés d'une maniere outrée & fouvent
bizarre , avec lefquels les femmes
prétendent plaire & fignaler leur gout ?
on ofe dire qu'elles entendent mal leurs
interêts ; les coeurs bien faits ne feront
jamais bien fenfibles pour des attraits ,
fi on peut le dire , de fi mauvais aloi , où
le fimple , le noble & le gracieux de la
nature
2318 MERCURE DE FRANCE
pounature
font negligés , & quelquefois directement
choqués. Par exemple , bien
des gens qui ont fçû fe garantir du
voir tirannique de la mode , trouvent que
les femmes ne font point fi aimables
aujourd'hui avec leurs petits diminutifs
de cornettes & leurs frifures en
bichon , qu'elles l'étoient lors qu'elles
avoient toute leur chevelure , & qu'on
voyoit ces belles treffes de cheveux ingénieufement
retrouffées & ces belles
boucles tombant négligemment à côté
des joues ou fur les épaules , accommodées
à l'air du vifage , & voltiger fur
une belle carnation .
L'Eftampe en taille douce ci-jointe ,
compofée , deffinée & gravée avec foin ,
pourra donner une idée agréable des divers
ajuſtemens aujourd'hui à la mode.
›
}
La D¹´e Peromet , Coëffeufe , qui demeuroit
rue de la Harpe , continue avec fuccés à faire
des tours des chignons , des tempes pour les
Dames. Elle les fait d'une façon nouvelle & trésaifée
pour fe coeffer , imitant très bien le naturel
. Elle demeure toujours dans la Cour Abbatialle
de S. Germain des Prez , ruë de Furftemberg
, à Paris.
La mode n'a rien changé aux habits
des hommes depuis nos dernieres remarques,
On continue à porter les chapeaux
affez
OCTOBRE. 1730. 2319
affez petits , fort retrouffés , & prefque
jamais fur la tête. Les jeunes gens les ont
bordés d'un Point d'Espagne ou d'un
galon moyennement large , en or ou en
argent. Quelques- uns les portent unis
avec un plumet de la couleur de l'habit ,
fans broderie ni galon .
9
Les Perruques quarrées longues ne font
prefque plus à la mode , même chez les
Magiftrats qui les portent beaucoup pluscourtes
. Les Perruques crêpées ne le ſont
plus du tout. Les Peruquiers ont beaucoup
rafiné depuis quelque tems dans
l'art d'imiter les cheveux naturels , & en
effet , on les imite fi bien aujourd'hui
qu'il eft impoffible de n'y être pas trom
pé , même en y regardant de très prés
à moins d'y mettre la main , fur-tout
quand on veut s'affujetir à porter un toupet
de fes propres cheveux fur le haut du
front , qu'on retrouffe avec un peigne ,
& qu'on mêle avec ceux de la Perruque.
La poudre dont on ufe à l'excès , qu'on
appelle poudre à graine d'épinard , fert
encore à cacher l'artifice.
9'
Les Perruques naturelles en bourſe ou
en queue font les plus generalement à lạ
mode , principalement chez les jeunes
gens ; elles imitent fort bien le naturel ,
& coutent fort peu ; mais pour celles de
cette eſpece qui laiffent voir les oreilles
à
2320 MERCURE DE FRANCE
à découvert , & qu'on appelle à oreilles
de chien barbet , on peut dire qu'elles
font affez ridicules .
Les Perruques à l'Espagnole ne font
plus guere à la mode ; on les porte moins
longues , & on les appelle des Bonnets ;
en été tout le monde en porte , les uns
plus longs , les autres plus courts.
Les Perruques noüées à la Cavaliere
fe foutiennent encore chez les perſonnes
graves , & qui ne fe piquent pas de jeuneffe.
Il y a des Perruques de chaffe qu'on
appelle Bichons ; elles font un peu plus
longues que les Pérruques d'Abbé , nouées
par derriere avec un ruban , & termi- -
nées par une boucle .
Il y a des Perruques brizées , qu'on appelle
de trois pieces , que quelques per-
Tonnes qui ont leurs cheveux portent
par- deffus dans la grande gelée , pour fe
garantir du froid à la tête . On s'en fert
plus ordinairement dans le Cabinet pour
cacher les papillotes.
Les Bourfes qu'on met aux Perruques
fe portent fort larges & fort hautes , &
paroiffent attachées prefque à la racine
des cheveux , enforte qu'une partie du
col eſt à découvert. On place au haut de
la bourſe fur le froncis un gros noeud de
ruban gommés un large ruban entoure
le col, & vient fe terminer fous le menton,
OCTOBRE . 1730. 2321
ton
qu'on noue ou qu'on agrafe , ce
qui fait à
peu de chofe près le même
effet que les noeuds de ruban qu'on portoit
à la cravate il y a 35 ou 40. ans ; &
il y a tout lieu de préfumer que la mode
en reviendra , fi on reprend l'ufage des
cravates , car on n'en porte prefque plus.
On porte des cols de mouffeline qu'on
attache ou qu'on agrafe par derriere ; &
comme les hommes ne boutonnent prefque
plus leur vefte ni leur jufte-au - corps,
le jabot de la chemife fert comme de
cravate .
E qui frappe le plus la vûë & ce
C qui marque davantage le pouvoir
abtolu de la Mode , ce font,fans doute , les
Panniers d'aujourd'hui , plus grands &
plus amples que jamais , que les Dames
de la Ville & de la Province , & les femmes
de tous les Etats & jufques aux plus
petites artifanes & aux fervantes , portent
, avec autant de complaifance que
d'entêtement , depuis près de 20 ans ;
de
quoi on ne fçauroit affez s'étonner , car
n'y eut-il pour le beau fexe que le penchant
au changement & l'amour de la variété
, il femble que ces ufages n'auroient
pas dû fubfifter fi long-temps. Il femble
enfin qu'il y a bien plus à glofer fur la
bizarerie des Panniers , que fur le Vertugadin
de nos ayeules , qui a regné longtemps.
On prétend que cette mode , outrée &
hors de toute raiſon , a commencé en Allemagne
, d'où elle paffa en Angleterre ;
& que les Dames Angloifes ont porté
l'amplure des Panniers au point où nous
la voyons aujourd'hui . Ils ont plus de 3
aûnes de tour ; on les fait tenir en état
par le moyen de petites bandes de Nates ,
faites de Jonc , ou de petites Lames d'Al
cier ,
I iiij
2312 MERCURE DE FRANCE
cier ; mais plus ordinairement avec de la
Baleine ,, qui eft fort flexible , qui fe caffe
moins , & qui rend les Paniers moins pefans.
Ceux qu'on appelle à Coudes , font
plus à la mode que ceux à Guéridons ; on
les appelle à Coudes ,parce qu'ils font plus
larges par le haut & que les Coudes pofent
prefque deffus. Ils forment mieux
l'ovale que les autres.
Avant l'ufage établi des Paniers , fur
tout à l'Opera , toutes les femmes de
Théatre , qui ont ordinairement des habits
fort riches , principalement dans le
férieux , portoient une espece de Jupon ,
qui ne venoit guére qu'à mi-jambe , fait
d'une groffe toile gommée , affez large
pour donner de la grace , tenir les Jupes
en état, & faire paroître la taille. Le bruit
que faifoient ces efpeces de Paniers, pour
peu qu'on les preffa , lui firent donner le
nom de Criardes ; les plus larges n'avoient
pas deux aûnes , & hors le Théatre , il n'y
avoit que les Dames du plus grand air qui
en portaffent.
Les Paniers parurent enfuite , & ils furent
ainfi appellez , parce qu'ils étoient
faits comme une efpece de Cage ou de
Panier à mettre de la Volaille , percez à
jour , n'y ayant que des Rubans attachez
aux Cercles , fait de nates , de cordes , de
jonc, ou de baleines. Aujourd'hui le corps
du
OCTOBRE . 1730. 23 13
:
du Panier eft fait en Juppe , d'une toile
écruë en gros taffetas , fur lequel on applique
les cercles de Baleine. Quelques
Dames d'une grande modeftie , mais en
tres-petit nombre, fe font tenus aux Juppons
piquez de crin , qui ne font pas un
grand volume , & qui font un effet raifonnable.
Les Paniers ont ordinairement cinq
rangs de cercles ; ceux qu'on appelle à
l'Angloife , en ont jufqu'à 8 , & font
beaucoup plus chers . Les prix de ceux en
toile glacée ou en taffetas , font depuis
10 liv. jufqu'à 50 liv. ceux qui font ornez
de galons d'or ou d'argent , & de Broderies
fe payent autrement.
Les taffetas dont toutes les Dames s'habil
lent en Eté font de couleurs extrêmement
& extraordinairement variées , & les plus
barroques font les plus à la mode , fur
tout les grandes rayes , avec des couleurs.
tranchantes & oppolées l'une près de l'autre
; ces taffetas font la plupart glacez.Les
taffetas Aambans font auffi fort à la mode.
Ceux qu'on porte unis font toujours de
couleur de Rofe ou blanc , fur lefquels on
met des Prétintailles aux paremens des
Robes , fur les manches & aux poches ;
quelquefois on les garnis de blondes de
foye ou d'argent.
Les Robes de Toile de Coton brodées
I v de
2314 MERCURE DE FRANCE
de foye , de couleurs vives , qu'on double
de couleur de Rofe , font fort à la
mode. On met avec ces Robes des Jupons
blancs avec des franges en graine
d'épinard , dont quelques - unes ont un
pied de haut. Les femmes de qualité ,
au lieu des Robes dont on vient de parler
, en portent de Mouffeline claire &
brodée en blanc , & doublées de couleur
de Rofe , ce qui fait un effet charmant.
En hyver on porte beaucoup de velours
plein , cizelé ou gauffré , du Damas , du
Satin unis , avec des paremens en prétintaille
, de la même étoffe & découpez ; &
fur tout des Raz de Sicile , qui eſt une
fort belle étoffe. Les couleurs brunes &
aurore ont la préférence fur les autres.
La manche des Robes fe fait toujours
en pagode. Pour les habits à habiller
qu'on ne voit guére qu'aux jeunes perfonnes
& aux nouvelles mariées , il en a
paru cet Eté en étoffes de couleurs unies,
avec beaucoup de prétintailles , de la même
étoffe , découpez ; avec deux rangs de
falbala à la Jupe.
Les Mantilles font toujours fort en regne.
Il y en a de tres- riches en Ecarlates,
en Velours , en Satin, en Blonde, de toute
couleur , en or ou argent , & c . Si c'étoit
la modeftie qui eut introduit cette mode,
les Dames qui en feroient les Auteurs
feroient
OCTOBRE . 1730. 2315
feroient tres-loüables : car cet ajuſtement
ne donne nulle prife à l'efprit de convoitife
. Des gens malins ont cependant remarqué
que les perfonnes qui n'ont pas
affez d'embonpoint , n'ont pas été des
dernieres à prendre la Mantille .
Les Dames portoient l'Hyver dernier
des Manchons auffi grands que ceux des
hommes , & des Palatines de Marte ; les
Palatines d'Eté font de Blondes de foye &
argent , ornées de fleurs artificielles &
broderie. Les plus à la mode font peintes
avec quantité de papillons.
en
Les gros & amples Bouquets de fleurs
artificielles font toujours fort à la mode.
On fait de ces fleurs d'un gout nouveau
qui imitent les Tulipes de toutes couleurs,
mais plus en gris de lin , avec de l'argent
fin & faux .
Il y a des Eventails d'un prix tres-confiderable
, qu'on porte encore exceffivement
grands ; enforte qu'il y a de petites
perfonnes dont la taille n'a pas deux
fois la hauteur de l'Eventail ; ce qui doit
tenir en refpect les jeunes Cavaliers badins
& trop enjoüez .
Les Dames portent beaucoup de Bas de
fil de Coton , dont les coins font brodez
en laine de couleur. Les bas de foye font
brodez en or ou en argent . Les Bas blancs
ont mis les Souliers blancs à la mode ; on
I vj · les
2316 MERCURE DE FRANCE
les porte à demi arondis à l'Angloife , &
le talon fort gros & couvert de la même
étoffe. On porte également des Mules
arondies. Les Souliers longs & pointus ,
avec la piece renverfée fur la boucle , ne
font prefque plus à la mode.
Il n'y a prefque pas eu de chagement
'dans la coëffure des Dames depuis ce que
nous en avons dit l'année derniere. Elles
portent toujours de petites Garnitures
de blonde , ornées de fleurs qui imitent
le naturel , & d'autres fleurs en broderie
qu'on applique fur la coëffure. Il y a auffi
des Garnitures de blonde d'argent fur lefquelles
on applique également des fleurs
brodées. Ces coëffures fe portent un peu
plus hautes , avec une groffe frifure qu'on
appelle Boucles à la Medicis ; la pointe
des cheveux fur le front , relevée en croiffant.
La Dorlote eft une nouvelle coëffure à
deux pieces qu'on porte en negligé ; elle
eft arrondie par le bas , & la dantelle
pliffe autour.
On porte depuis peu des aigrettes de
pierres fauffes , de diverfes couleurs , qui
parent beaucoup , & qui ont un air fort
galant , fans être d'un grand prix . Les
rubans qu'on porte dans les coëffures font
un peu plus larges , toujours auffi legers
& qui coûtent peu , le plus fouvent rayés.
OCTOBRE . 1730. 2317
11 y en a un nouveau de deux couleurs
qu'on appelle le Boiteux , qui eft fort à
la mode.
En parlant des modes , nous n'avons
encore rien dit du blanc & du rouge que
les Dames employent aujourd'hui pour
relever l'éclat de leur beauté. Cet article
eft délicat ; & puifque c'eft aparemment
dans l'intention de plaire , on ne doit pas
les blâmer , & nous fommes bien éloignés
de vouloir defaprouver ce que le beau
fexe met en ufage pour augmenter ce
qu'il a d'agrémens naturels. Mais nous ne
diffimulerons point que le beau naturel ,
non-feulement n'y gagne rien , mais
qu'il y perd infiniment , quand on veut
trop faire valoir des charmes empruntés
par un art outre qui en éloigne toujours
les graces , & ce je ne fçai quoi de fimple
& de naïf qui fait aimer & refpecter les.
Dames.
Oferoit- on hazarder encore une reflexion
fur leur parure & fur les ajuſtemers
recherchés d'une maniere outrée & fouvent
bizarre , avec lefquels les femmes
prétendent plaire & fignaler leur gout ?
on ofe dire qu'elles entendent mal leurs
interêts ; les coeurs bien faits ne feront
jamais bien fenfibles pour des attraits ,
fi on peut le dire , de fi mauvais aloi , où
le fimple , le noble & le gracieux de la
nature
2318 MERCURE DE FRANCE
pounature
font negligés , & quelquefois directement
choqués. Par exemple , bien
des gens qui ont fçû fe garantir du
voir tirannique de la mode , trouvent que
les femmes ne font point fi aimables
aujourd'hui avec leurs petits diminutifs
de cornettes & leurs frifures en
bichon , qu'elles l'étoient lors qu'elles
avoient toute leur chevelure , & qu'on
voyoit ces belles treffes de cheveux ingénieufement
retrouffées & ces belles
boucles tombant négligemment à côté
des joues ou fur les épaules , accommodées
à l'air du vifage , & voltiger fur
une belle carnation .
L'Eftampe en taille douce ci-jointe ,
compofée , deffinée & gravée avec foin ,
pourra donner une idée agréable des divers
ajuſtemens aujourd'hui à la mode.
›
}
La D¹´e Peromet , Coëffeufe , qui demeuroit
rue de la Harpe , continue avec fuccés à faire
des tours des chignons , des tempes pour les
Dames. Elle les fait d'une façon nouvelle & trésaifée
pour fe coeffer , imitant très bien le naturel
. Elle demeure toujours dans la Cour Abbatialle
de S. Germain des Prez , ruë de Furftemberg
, à Paris.
La mode n'a rien changé aux habits
des hommes depuis nos dernieres remarques,
On continue à porter les chapeaux
affez
OCTOBRE. 1730. 2319
affez petits , fort retrouffés , & prefque
jamais fur la tête. Les jeunes gens les ont
bordés d'un Point d'Espagne ou d'un
galon moyennement large , en or ou en
argent. Quelques- uns les portent unis
avec un plumet de la couleur de l'habit ,
fans broderie ni galon .
9
Les Perruques quarrées longues ne font
prefque plus à la mode , même chez les
Magiftrats qui les portent beaucoup pluscourtes
. Les Perruques crêpées ne le ſont
plus du tout. Les Peruquiers ont beaucoup
rafiné depuis quelque tems dans
l'art d'imiter les cheveux naturels , & en
effet , on les imite fi bien aujourd'hui
qu'il eft impoffible de n'y être pas trom
pé , même en y regardant de très prés
à moins d'y mettre la main , fur-tout
quand on veut s'affujetir à porter un toupet
de fes propres cheveux fur le haut du
front , qu'on retrouffe avec un peigne ,
& qu'on mêle avec ceux de la Perruque.
La poudre dont on ufe à l'excès , qu'on
appelle poudre à graine d'épinard , fert
encore à cacher l'artifice.
9'
Les Perruques naturelles en bourſe ou
en queue font les plus generalement à lạ
mode , principalement chez les jeunes
gens ; elles imitent fort bien le naturel ,
& coutent fort peu ; mais pour celles de
cette eſpece qui laiffent voir les oreilles
à
2320 MERCURE DE FRANCE
à découvert , & qu'on appelle à oreilles
de chien barbet , on peut dire qu'elles
font affez ridicules .
Les Perruques à l'Espagnole ne font
plus guere à la mode ; on les porte moins
longues , & on les appelle des Bonnets ;
en été tout le monde en porte , les uns
plus longs , les autres plus courts.
Les Perruques noüées à la Cavaliere
fe foutiennent encore chez les perſonnes
graves , & qui ne fe piquent pas de jeuneffe.
Il y a des Perruques de chaffe qu'on
appelle Bichons ; elles font un peu plus
longues que les Pérruques d'Abbé , nouées
par derriere avec un ruban , & termi- -
nées par une boucle .
Il y a des Perruques brizées , qu'on appelle
de trois pieces , que quelques per-
Tonnes qui ont leurs cheveux portent
par- deffus dans la grande gelée , pour fe
garantir du froid à la tête . On s'en fert
plus ordinairement dans le Cabinet pour
cacher les papillotes.
Les Bourfes qu'on met aux Perruques
fe portent fort larges & fort hautes , &
paroiffent attachées prefque à la racine
des cheveux , enforte qu'une partie du
col eſt à découvert. On place au haut de
la bourſe fur le froncis un gros noeud de
ruban gommés un large ruban entoure
le col, & vient fe terminer fous le menton,
OCTOBRE . 1730. 2321
ton
qu'on noue ou qu'on agrafe , ce
qui fait à
peu de chofe près le même
effet que les noeuds de ruban qu'on portoit
à la cravate il y a 35 ou 40. ans ; &
il y a tout lieu de préfumer que la mode
en reviendra , fi on reprend l'ufage des
cravates , car on n'en porte prefque plus.
On porte des cols de mouffeline qu'on
attache ou qu'on agrafe par derriere ; &
comme les hommes ne boutonnent prefque
plus leur vefte ni leur jufte-au - corps,
le jabot de la chemife fert comme de
cravate .
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Résumé : MODES ANCIENNES, &c.
Dans les années 1730, la mode féminine est marquée par l'usage des paniers, des structures portées sous les jupons pour élargir la silhouette. Ces paniers, d'une ampleur inédite, sont adoptés depuis près de 20 ans par les femmes de tous milieux sociaux. Fabriqués avec des cercles de baleine, plus flexibles et légers que les matériaux précédents, les paniers à coudes, plus larges par le haut, sont particulièrement en vogue. Avant l'usage des paniers, les femmes de théâtre utilisaient des jupons appelés 'criardes' pour maintenir leurs jupons en place. Les paniers actuels sont faits de toile ou de taffetas et ornés de rubans et de cercles de baleine. Les prix varient selon les matériaux et les ornements. Les taffetas d'été sont de couleurs variées et baroques, souvent glacés. Les robes de coton brodées et doublées de rose sont à la mode, ainsi que les mantilles, accessoires modestes mais pratiques. Les coiffures restent simples, avec des garnitures de blonde et des fleurs imitant le naturel. Les éventails sont très grands, et les bas sont souvent brodés. Les souliers sont blancs, demi-arondis à l'anglaise, avec un talon épais. Pour les hommes, les chapeaux sont petits et retroussés, souvent bordés de galon ou de point d'Espagne. Les perruques imitant les cheveux naturels sont en vogue, notamment les perruques en bourse ou en queue. Les perruques à l'espagnole sont moins populaires, et les perruques bichons sont portées pour se protéger du froid. Les boursettes sont larges et hautes, attachées près des cheveux. Les cols de mouffeline remplacent les cravates, et les jabots de chemise servent de cravate.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 31-46
MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens en matiere de Plainchant.
Début :
L'erreur n'est que trop commune aujourd'hui de croire que les Musiciens, [...]
Mots clefs :
Chant, Plain-chant, Musique, Musiciens, Composer, Modes, Règles, Attention, Musicien, Maîtres de musique, Chanter, Chant ecclésiastique, Maître de musique, Connaisseurs, Accords, Science, Églises
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texteReconnaissance textuelle : MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens en matiere de Plainchant.
MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens
en matiere de Plainchant.
'Erreur n'est que trop commune au-
L'jourd'hui de croire que les Musiciens,
et sur tout les Maîtres de Musique , sont
les hommes les plus propres à juger sai
nement du Chant Ecclesiastique. Ceux
qui sont dans cette opinion entendent
par le nom de Musiciens des Chantres
gagez dans des Eglises Cathedrales , pour
y chanter de la Musique , des Chantres
qui ont été élevez dans cette Science dès
la jeunesse , ou qui sçavent jouer de quelque
instrument : et par Maîtres de Musique,
ils entendent ceux qui composent les
Parties de Musique pour être chantées
par differentes voix , et qui enseignent à
chanter musicalement.
Parmi les Personnes qui sont de ce
sentiment , et qui ont cette confiance si
generale dans les lumieres des Musiciens,
pris en ce sens , il y en a quelquefois qui
sont chargez de veiller sur ce qui regarde
la célébration de l'Office Divin : et si
ceux-là se trompent ils peuvent entraîner
avec eux plusieurs autres personnes
dans l'illusion . Outre ceux là , il y en a
d'autres dont un seul par son simple
suffrage peut faire pancher la pluralitě
d'une
32
MERCURE DE FRANCE
d'une compagnie à déclarer que les Musiciens
et principalement les Maîtres de
Musique sont les arbitres souverains
du Chant de l'Eglise , que ce qu'ils improuvent
doit être improuvé, et qu'il ne
faut admettre que ce qu'ils trouvent
bon. La question est de sçavoir si cette
déclaration seroit juste et raisonnable
et si au contraire elle ne seroit pas abusive.
Les suites en seroient d'autant plus
à craindre , que les inconveniens qui en
peuvent arriver seront plus fréquens
parce que les Musiciens eux - mêmes sont
la plupart persuadez de la même chose ,
et qu'il y en a peu de ceux qui se croyent
habiles en Musique , qui ne prétendent
pouvoir décider sur le Plainchant.
Ils croyent ordinairement que ce n'est
qu'à eux seuls qu'on peut s'en rapporter.
Souvent ils ne jugent de l'habitude d'un
Ecclesiastique dans le Chant , qu'à proportion
qu'il raisonne sur les accords
en quoi consiste leur science favorite
et qu'il entre dans ce qu'ils appellent
Musique.
D'autres Personnes qui approfondissent
davantage les choses, prétendent que
les Musiciens ne sont pas les seuls ni les
uniques connoisseurs dans la science du
Chant Ecclesiastique , que cela n'est pas
attaché
JANVIER 1734. 33
attaché à la nature de leur état , et qu'il
est plus commun de trouver de bons
connoisseurs là - dessus parmi les Ecclesiastiques
, qui ne sont pas Musiciens
dans le sens que j'ai donné à ce terme
que parmi ces sortes de Musiciens . D'où
ils concluent que si dans une contestation
l'on choisissoit des Arbitres , il en
faudroit prendre un plus grand nombre
de ceux qu'on n'appelle pas aujourd'hui
Musiciens , quoiqu'ils le soient dans le
fond , que de ceux qui ont ce nom dans
l'usage ordinaire .
C'est aux gens de Lettre à décider
de quel côté est le parti le plus sage
et le plus prudent. On ne peut pas
mieux conduire les juges de ce differend
à une décision précise et nette ,
qu'en leur exposant d'abord les raisons
qui donnent du crédit aux Musiciens
et qui les font prendre pour des juges
compétens et suffisans ; et ensuite les
raisons qui prouvent leur insuffisance et
leur incapacité pour décider sur le Plainchant.
Les personnes qui sont persuadées de
la pleine suffisance des Musiciens , ont
dans l'esprit, qu'il n'est pas probable que
gens qui ont appris la Gamme dès
l'enfance, et qui pendant sept ou huit ans
G
des
et
34 MERCURE DE FRANCE
)
et même quelquefois davantage , en ont
fait leur exercice et leur occupation journaliere
dans un lieu qu'on appelle la
Psallette ou la Maîsrise , ne puissent connoître
parfaitement ce que c'est que le
Plainchant ; qu'en ayant tant oüi chanter
et en ayant chanté eux-mêmes , ils
doivent sçavoir en quoi il consiste, et con
noître ce qui fait la difference des piéces
les unes d'avec les autres. Ces mêmes
personnes se persuadent que le son des
Instrumens par lequel on les forme à la
Musique , a dû leur inculquer la connoissance
des differentes situations des
sons qui constituent les modes du
Chant Ecclesiastique . On peut ajouter à
cela l'application qu'elles font du Prover :
be. Qui facit plus et minus , d'où elles
concluent que les Musiciens sçachang
des accords de consonance
( ce qui n'est pas une chose aisée , ) ils
doivent , à plus forte raison , sçavoir ce
qui est plus simple et plus facile , qui est
le Plainchant. Voilà tout ce qu'on a pû
lire dans leur pensée ; car pour du langage
ou de l'écrit, il a été impossible d'en
tirer d'aucune des personnes qui sont
penetrées d'une si haute estime envers
les Musiciens.
و
composer
Ceux au contraire qui connoissent de
plus
JANVIER 1734 35
plus près l'étendue des lumieres des Musiciens
, se contentent d'avoüer seulement
qu'ils les croyent très en état d'exécuter
le Chant Ecclesiastique , c'est- à- dire
de le chanter dans la pratique , et de
conduire ceux qui ne le sçavent pas.
Mais ils soutiennent qu'il est rare qu'ils
puissent en raisonner sçavamment , et
que c'est une chose encore plus rare qu'ils
puissent composer du Plainchant qui soit
bon et loyal. En effet , dès qu'un Musicien
ne peut pas raisonner pertinemment
sur le Plainchant , et qu'il se méprend
dans les discours qu'il tient sur cette
science , à plus forte raison il n'est pas
en état d'en composer ; et si l'expérience
fait voir que le Plainchant, que des Musiciens
ont composé dans ces derniers
temps n'est pas un Plainchant
bien fondé à conclure delà que les Mu
siciens n'ont donc pas par leur nature de
Musicien , les qualitez necessaires pour
raisonner scientifiquement sur le Plainchant
, et que ces qualitez ne sont pas
attachées à leur profession.
on est
Un Musicien en état de juger à fond sur
le Plainchant, doit être tel que Boëce le demande.
Il doit avoir la facilité à porter
son jugement selon les regles des anciens ,
sur lesdifferens modes du Chant , sur les
Cij
differentes
56 MERCURE DE FRANCE
differentes manieres dont les syllabes des
mors sont disposées relativement auChant,
sur le rapport des modes les uns avec
les autres , et sur les especes differentes
des vers des Poëtes . Is musicus est cui ad
est Facultas secundùm speculationem... Musica
convenientem , de modis ac rythmis
deque generibus cantilenarum ac de permixtionibus
... ac de Poëtarum carminibus
judicandi. Boët. de Musica. L. 1. c . 34.
Cela revient à la regle d'Aristide , qui dit:
Oportet et melodiam contemplari , et rythmum
et dictionem , ut perfectus cantus efficiatur.
Cela signifie que pour composer unChant
dans lequel il n'y ait rien à redire , il faut
d'abord que ce Chant ait la mélodie qui
lui convient , par rapport au mode dont
on veut qu'il soit ; mélodie qui peut être
considerće ou relativement à son intention
ou relativement à l'espace de Chant
qu'on a intention de faire , parce qu'un
Répons doit, par exemple, être traité autrement
qu'une Antienne . Il faut en second
lieu que la distribution des repos ,
des cadences , des chutes , et poses de respiration
soit compassée relativement à l'arangement
des mots et à leur construction
Jaquelle est tantôt naturelle et tantôt entremêlée
; c'est ce qu'Aristide et les Anciens appellent
rythmus.Et enfin il faut être attentif
JANVIER 1734 37
à exprimer ce qui est signifié par les
mots , soit joye, soit tristesse , timidité ou
hardiesse, orgueil ou humilité , et principalement
à la force et à l'énergie de certains
Verbes et Adverbes ; c'est ce qu'Aristide
entend par la diction , à laquelle il veut
qu'on ait égard pour composer un Chant
parfait et accompli.
Or il arrive le plus souvent qu'un Mu
sicien , tel qu'on l'entend dans le sens
vulgaire et ordinaire , n'a connoissance
du Chant Ecclesiastique , que pour en
avoir oui chanter et en avoir chanté dans
une ou deux Eglises . Ce n'est point un
homme à faire aucune recherche d'érudition
dans les Livres de Chant , soit
manuscrits , soit imprimez des Pays
qu'il parcourt. Un Maître de Musique
jugera de même d'une Piéce de Chant
sur sa simple conformité avec une autre
Piéce , qu'il aura oüi chanter dans le lieu
où il étoit autrefois Enfant de Choeur.
Ensorte que si , par exemple , ce Maître de
Musique n'a pas été dans une Eglise où
le cinquième et sixiéme modes du Plainchant
soient traitez de deux manieres
differentes, qui en forment les deux espe
ces , dont l'une répond à l'ancien Chant
des Lydiens , et l'autre à celui des Ioniens,
et qu'il n'ait entendu moduler ces deux/
Cij modes
38 MERCURE DE FRANCE
•
modes et surtout le sixième que d'une -
seule et unique façon ; ce Maître alors ,
dis je , n'admettra qu'une seule maniere
de composer des pièces de ces modes .
Au moins les Musiciens devroient - ils connoître
ceux de tous les modes usitez dans
l'antiquité que differentes Eglises ont employés
dans leurs Livres , et ne pas croire
qu'une chose est heteroclite , inconnuë
à tout le temps passé , et éloignée des
premiers principes , parce qu'ils ne l'ont.
pas vû pratiquer dans l'Eglise où ils ont
été élevez ni dans quelques- unes où ils
ont passé. Ils ne devroient pas se déclarer
ennemis des varietez , comme ils font
quelquefois, puisque c'est la varieté et la
diversité qui contribuent à renouveller
l'attention et la ferveur dans le Chant de
l'Office Divin. Ils devroient ne pas prétendre
, comme font quelques- uns d'entre-
eux , que tout doit plaire à tout le
monde , et qu'une chose qui peut ne pas
paroître belle à quelqu'un , n'est pas recevable
et n'a pas dû être admise. Et pour
se persuader eux- mêmes qu'ils donnent
dans un excès condamnable en raisonnant
ainsi , il suffiroit qu'ils fissent attention
qu'il est du Chant comme des assaisonnemens
des viandes , dont plusieurs ,
quoique faits selon les regles, ne sont pas
du
JANVIER 17345 39
du goût de bien des gens . Quoique ces
assaisonnemens ne flattent point le goût
de certaines personnes , cela ne les fait pas
rejetter tout-à-fait de l'usage commun ,
parce que ce qui ne plaît pas à l'un peut
plaire à un autre , dès- là qu'il a été pratiqué
par les Anciens qui avoient les or
ganes disposez comme nous , et qu'il n'est
pas contre les premiers principes del'Art ni
contre l'assortissement naturel des choses.
Il faut encore qu'un connoisseur irréprochable
se souvienne des regles les plus
communes de la Logique et s'il n'a pas
étudié en Logique , qu'il fasse au moins
attention à ce que dicte la Logique naturelle.
La Logique apprend ,par exemple,à
reflechir sur la difference qu'il y a entte
la ressemblance et l'identité , et à connoître
pour quoi ce qui n'est que ressemblant
n'est pas identique. Or c'est préci
sement ce que la foule des Musiciens modernes
confond , en prenant pour identi
que ce qui n'est que ressemblant. Ils apperçoivent
une espece desimilitude entre
certaines modulations ; ils en concluent
tout aussi - tôt que l'une est l'autre , sans
faire attention qu'ils disent trop , et qu'ils
devoient se contenter de dire que l'une
ressemble en quelque chose à l'autre. C'est
cette confusion des idées qui est aujour
Ciiij
d'hui
40 MERCURE DE FRANCE
d'hui si fatale dans le commerce de la vie ,
et qui fait que lorsqu'un Musicien a prononcé
qu'une telle modulation est la
même qu'une autre , sans autre examen ,
plusieurs le disent après lui , ce qui excite
des troubles et des divisions , à cause
qu'un trop grand nombre de personnes
prend les Musiciens pour les legitimes
connoisseurs en fait de Chant Ecclesiasti
que
Pour être habile Musicien et sçavant
Maître de Musique , ce n'est pas une
conséquence nécessaire qu'on soit toujours
pour cela habile Humaniste , ou en état
d'être perpetuellement attentif dans ce
que l'on compose , aux regles de la Grammaire
, autant que la pratique du Chant
le demande. Cependant c'est une necessité
indispensable que les regles de la
Grammaire soient alliées avec le Chant.
C'est ce rythmus qu'Aristide veut qu'on
considere en composant du Chant : Opor
ret contemplari.... rythmum , ut perfectus
cantus efficiatur , c'est- à - dire ( en appliquant
au Chant d'Eglise ou Plainchant
ce qu'Aristide a dit du Chant de son
temps ) qu'il faut qu'il y ait dans ce Chant
des partages , comine il y en auroit dans
la construction du discours , en declamant
lentement, ou en lisant posément ;
que
JANVIER 1734. 41
que dans les parties qui composent les
phrases ou periodes , il faut observer les
liaisons et les séparations qui leur conviennent
, et qu'elles exigent suivant les
principes de la Grammaire.
Il n'est que trop commun de voir pea
observées par les Maîtres de Musique ces
regles , qui indiquent l'union ou la séparation
qui est nécessaire dans les parties.
du discours , suivant les occurrences. Ils
ne sont même pas libres d'avoir cette attention
, et ce qui les en détourne , est
celle qu'ils donnent à former des accords
et à combiner la mesure des sons , de telle
maniere qu'elle remplisse des temps fixez
et déterminez. Au lieu que dans le Plainchant
ont n'est point si à l'étroit ; cette
maniere y est inconnue. La simplicité et
le denûment d'accords , la liberté qu'on
y a pour le mouvement , lequel n'est
point mesuré si précisement que dans la
Musique , tout cela, dis - je , rend le compositeur
moins distrait, et par conséquent
plus disposé à avoir l'attention nécessaire
pour la liaison ou la séparation des parties
du discours.
Voilà l'origine de la grande difference
qui se trouve entre la composition du
Plainchant et celle de la Musique. Un
compositeur habituel de Plainchant qui
Су n'a
MERCURE DE FRANCE
n'a jamais usé des licences qu'on ose prendre
dans la Musique , et qui y sont tole
rées , a toujours l'esprit présent à la nature
du texte qu'il traite , et qu'il anime
de sons ; il ne s'écarte point des regles de
la construction . Un Maître de Musique
qui a pris une habitude moins gênée , ne
peut plus s'en défaire ; accoutumé à des
repétitions qui lui fournissent un vaste
champ , il ne peut plus simplifier ; et parlà
il devient incapable de composer un
Plainchant qui soit régulier , ou il n'en
vient à bout qu'avec beaucoup de peine.
On lui passe dans la Musique ces fautes
contre les partitions du discours , surtout
lorsqu'il a voulu imiter une autre Piéce
parce que l'harmonie des accords qui
concourent, occupe l'auditeur et lui flatte
l'oreille. Mais le Plainchant n'a rien de
semblable , il n'a rien d'accessoire qui
puisse en cacher les défauts , s'il arrive
qu'il y en ait. Les connoisseurs les remarquent
aussi- tôt , ils se montrent à eux
tout à nud à cause de la simplicité de ce
Chant , et , pour ainsi dire , à cause de sa
planitude , d'où est venu le nom de Planus
cantus et non pas Plenus cantus. Il seroit
facile de produire ici une longue liste
des fautes grossieres dans lesquelles des
Maîtres de Musique habiles et très habiles
JANVIER. 1734. 43
les sont tombez , lorsqu'ils ont entrepris
de composer du Plainchant. Que j'en aye
trouvé la cause ou non , il n'importe ,
cela n'en est pas moins vrai , ( et des Musiciens
même en conviennent ) que c'étoit
un pauvre Plainchant.
Il est certaines modulations usitées en
quelques Eglises , desquelles les Musiciens
ne peuvent pas juger communément
, sans se tromper ; parce que pour
en parler sainement, il faut être plus instruit
qu'ils ne le sont ordinairement dans
les variétez et les progrès du Chant, Ecclésiastique
depuis son origine , et outre
cela il faut aussi être versé dans la Liturgie
, et avoir la connoissance de l'origine
de plusieurs des Rits Ecclesiastiques. Un
Musicien dans sa qualité de Musicien ,
n'est pas obligé de sçavoir que le Systême
du Chant , appellé Grégorien , ne
renferme pas toutes les variétez imaginables
de Psalmodie , ni toutes celles qui ont
été en usage en différent temps , et qui le
sont encore en différens lieux . Ce Maître
de Musique,quelque habile qu'il soit dans
la composition de la Musique , n'est pas
tenu de sçavoir que lorsque le Systême
de Chant de l'Antiphonier Grégorien
fut reçu en France avec les Livres Romains
, au huitiéme et neuviéme siécles ,
C vj
44 MERCURE DE FRANCE
@
on ne quitta pas pour cela en France toutes
les modulations antérieures;mais qu'on
en conserva quelques unes qui étoient
hors de l'étendue du Systême de l'Antiphonier
Grégorien , pour les chanter en
certains jours. De là vient l'étonnement
des Musiciens , et même des Maîtres de
Musique , lorsqu'ils entendent quelque
chose qui paroît contredire ou ne pas s'ac
corder avec ce Systême. Ils sont portez à
le désapprouver, parce qu'il est plus rare
et moins commun , et que ce n'est point
une chose à laquelle on leur ait fait faire
attention pendant leur jeunesse . Aussi
dans ce qui dépend de la connoissance
des Rits Ecclésiastiques , sont- ils sujets à
prendre le change. Its croyent , par exemple
, que la semaine de Pâques doit être
gaye , sur le pied de la gayeté d'un temps
de grande réjouissance extérieure , ne sçachant
pas que c'est la semaine dans laquelle
les premiers Ordinateurs des Offices
Divins ont le plus retenu de l'ancienne
simplicité . Ils sont surpris d'y
trouver du grave et du sérieux , et que ce
qu'il y a de gay dans le cours de l'année
en soit exclus , comme les Répons brefs
Alleluiatiques , les Neumes de jubilation
à la fin des Antienness et cela parce qu'ils
ne sçavent pas que de tout temps l'on n'a
fait
JANVIER. 1734. 49
fait commencer la gayeté Pascale qu'après
une semaine passée dans le grave et
le sérieux que c'est proprement au Dimanche
, huitième jour après Pâques ,que
commence le Rit du Temps Pascal , qui
dure jusqu'à la Pentecôte.
;
On ne s'est point érendu à marquer icy
que le Plainchant est plus ancien que la
Musique dans l'usage Ecclesiastique , que
c'est lui qui y a donné occasion , qui lui
a frayé le chemin , et qui l'a fait naître
dans les Eglises , et que lui seul portoit
autrefois , parmi les Chrétiens , le nom
de Musica. On pourroit conclure au
moins de ce fait , qui est très certain , que
les Musiciens dans le sens qu'on l'entend
aujourd'hui sont les plus nouveaux venuss
et que c'est à eux à suivre les regles qu'ils
trouvent dans les Livres Ecclésiastiques
des anciens Maîtres , et non à les détruire
ni à les soumettre à leurs idées. On espere
que ce détail sera trouvé suffisanc
pour faire décider, que c'est plutôt à d'habiles
connoisseurs en simple Plainchant
qu'il faut s'en rapporter, pour s'assurer
la bonté du Chant,d'un nouveau Bréviaire
, que non pas à des Musiciens , quelques
habiles qu'ils soient dans leur science.
Il n'est pas douteux
que la Musique
Ec
clésiastique
, connue
sous
le nom
de Plain-
-shant
46 MERCURE DE FRAN CE
chant , ne doive son origine à l'ancienne
Musique des Grecs , de qui les Romains ont
emprunté la leur. Ainsi pour connoître à fond
cette Musique d'Eglise, et pour enjuger sainement
, il faut non seulement remonter jusqu'à
sa source , mais de plus faire ensorte de
découvrir les divers changemens qui y sont
arrivez de siécle en siécles c'est- à- dire , qu'il
faut être également instruit , et de la Théorie
de l'ancienne Musique , tant Grecque que
Romaine , et de l'Histoire du Plainchant
depuis ses commencemens jusques à nosjours .
Or ce sont deux points presque totalement
ignorez de nos Musiciens modernes , occupez
uniquement du soin de perfectionner l'espece
de Musique dont ils ont embrassé la profession.
Il s'ensuit delà , qu'un homme tel que
l'Auteur de cette Dissertation , lequel paroit
avoir fait une étude sérieuse de ces deux
points , seroit beaucoup plus à portée de décider
les difficultez qui concernent le Plainchant
, que ceux à qui ce genre de Musique
semble être presqu'entierement étranger , par
le
pen de
connoissance
qu'ils
en
ont
acquise
.
On
exhorte
l'Auteur
à communiquer
au
Public
ce que
ses
laborieuses
recherches
lui
ont
appris
sur
ce sujet.Ce
seroit
le plus
sur
moyen
de
mettre
le Public
en garde
contre
l'illusion
,
que
lui
pourroient
faire
les
décisions
de Juges
incompetens
. A Paris
, ce
12
Février
1729
.
Signez BURETTE et FALCONNET , fils.
en matiere de Plainchant.
'Erreur n'est que trop commune au-
L'jourd'hui de croire que les Musiciens,
et sur tout les Maîtres de Musique , sont
les hommes les plus propres à juger sai
nement du Chant Ecclesiastique. Ceux
qui sont dans cette opinion entendent
par le nom de Musiciens des Chantres
gagez dans des Eglises Cathedrales , pour
y chanter de la Musique , des Chantres
qui ont été élevez dans cette Science dès
la jeunesse , ou qui sçavent jouer de quelque
instrument : et par Maîtres de Musique,
ils entendent ceux qui composent les
Parties de Musique pour être chantées
par differentes voix , et qui enseignent à
chanter musicalement.
Parmi les Personnes qui sont de ce
sentiment , et qui ont cette confiance si
generale dans les lumieres des Musiciens,
pris en ce sens , il y en a quelquefois qui
sont chargez de veiller sur ce qui regarde
la célébration de l'Office Divin : et si
ceux-là se trompent ils peuvent entraîner
avec eux plusieurs autres personnes
dans l'illusion . Outre ceux là , il y en a
d'autres dont un seul par son simple
suffrage peut faire pancher la pluralitě
d'une
32
MERCURE DE FRANCE
d'une compagnie à déclarer que les Musiciens
et principalement les Maîtres de
Musique sont les arbitres souverains
du Chant de l'Eglise , que ce qu'ils improuvent
doit être improuvé, et qu'il ne
faut admettre que ce qu'ils trouvent
bon. La question est de sçavoir si cette
déclaration seroit juste et raisonnable
et si au contraire elle ne seroit pas abusive.
Les suites en seroient d'autant plus
à craindre , que les inconveniens qui en
peuvent arriver seront plus fréquens
parce que les Musiciens eux - mêmes sont
la plupart persuadez de la même chose ,
et qu'il y en a peu de ceux qui se croyent
habiles en Musique , qui ne prétendent
pouvoir décider sur le Plainchant.
Ils croyent ordinairement que ce n'est
qu'à eux seuls qu'on peut s'en rapporter.
Souvent ils ne jugent de l'habitude d'un
Ecclesiastique dans le Chant , qu'à proportion
qu'il raisonne sur les accords
en quoi consiste leur science favorite
et qu'il entre dans ce qu'ils appellent
Musique.
D'autres Personnes qui approfondissent
davantage les choses, prétendent que
les Musiciens ne sont pas les seuls ni les
uniques connoisseurs dans la science du
Chant Ecclesiastique , que cela n'est pas
attaché
JANVIER 1734. 33
attaché à la nature de leur état , et qu'il
est plus commun de trouver de bons
connoisseurs là - dessus parmi les Ecclesiastiques
, qui ne sont pas Musiciens
dans le sens que j'ai donné à ce terme
que parmi ces sortes de Musiciens . D'où
ils concluent que si dans une contestation
l'on choisissoit des Arbitres , il en
faudroit prendre un plus grand nombre
de ceux qu'on n'appelle pas aujourd'hui
Musiciens , quoiqu'ils le soient dans le
fond , que de ceux qui ont ce nom dans
l'usage ordinaire .
C'est aux gens de Lettre à décider
de quel côté est le parti le plus sage
et le plus prudent. On ne peut pas
mieux conduire les juges de ce differend
à une décision précise et nette ,
qu'en leur exposant d'abord les raisons
qui donnent du crédit aux Musiciens
et qui les font prendre pour des juges
compétens et suffisans ; et ensuite les
raisons qui prouvent leur insuffisance et
leur incapacité pour décider sur le Plainchant.
Les personnes qui sont persuadées de
la pleine suffisance des Musiciens , ont
dans l'esprit, qu'il n'est pas probable que
gens qui ont appris la Gamme dès
l'enfance, et qui pendant sept ou huit ans
G
des
et
34 MERCURE DE FRANCE
)
et même quelquefois davantage , en ont
fait leur exercice et leur occupation journaliere
dans un lieu qu'on appelle la
Psallette ou la Maîsrise , ne puissent connoître
parfaitement ce que c'est que le
Plainchant ; qu'en ayant tant oüi chanter
et en ayant chanté eux-mêmes , ils
doivent sçavoir en quoi il consiste, et con
noître ce qui fait la difference des piéces
les unes d'avec les autres. Ces mêmes
personnes se persuadent que le son des
Instrumens par lequel on les forme à la
Musique , a dû leur inculquer la connoissance
des differentes situations des
sons qui constituent les modes du
Chant Ecclesiastique . On peut ajouter à
cela l'application qu'elles font du Prover :
be. Qui facit plus et minus , d'où elles
concluent que les Musiciens sçachang
des accords de consonance
( ce qui n'est pas une chose aisée , ) ils
doivent , à plus forte raison , sçavoir ce
qui est plus simple et plus facile , qui est
le Plainchant. Voilà tout ce qu'on a pû
lire dans leur pensée ; car pour du langage
ou de l'écrit, il a été impossible d'en
tirer d'aucune des personnes qui sont
penetrées d'une si haute estime envers
les Musiciens.
و
composer
Ceux au contraire qui connoissent de
plus
JANVIER 1734 35
plus près l'étendue des lumieres des Musiciens
, se contentent d'avoüer seulement
qu'ils les croyent très en état d'exécuter
le Chant Ecclesiastique , c'est- à- dire
de le chanter dans la pratique , et de
conduire ceux qui ne le sçavent pas.
Mais ils soutiennent qu'il est rare qu'ils
puissent en raisonner sçavamment , et
que c'est une chose encore plus rare qu'ils
puissent composer du Plainchant qui soit
bon et loyal. En effet , dès qu'un Musicien
ne peut pas raisonner pertinemment
sur le Plainchant , et qu'il se méprend
dans les discours qu'il tient sur cette
science , à plus forte raison il n'est pas
en état d'en composer ; et si l'expérience
fait voir que le Plainchant, que des Musiciens
ont composé dans ces derniers
temps n'est pas un Plainchant
bien fondé à conclure delà que les Mu
siciens n'ont donc pas par leur nature de
Musicien , les qualitez necessaires pour
raisonner scientifiquement sur le Plainchant
, et que ces qualitez ne sont pas
attachées à leur profession.
on est
Un Musicien en état de juger à fond sur
le Plainchant, doit être tel que Boëce le demande.
Il doit avoir la facilité à porter
son jugement selon les regles des anciens ,
sur lesdifferens modes du Chant , sur les
Cij
differentes
56 MERCURE DE FRANCE
differentes manieres dont les syllabes des
mors sont disposées relativement auChant,
sur le rapport des modes les uns avec
les autres , et sur les especes differentes
des vers des Poëtes . Is musicus est cui ad
est Facultas secundùm speculationem... Musica
convenientem , de modis ac rythmis
deque generibus cantilenarum ac de permixtionibus
... ac de Poëtarum carminibus
judicandi. Boët. de Musica. L. 1. c . 34.
Cela revient à la regle d'Aristide , qui dit:
Oportet et melodiam contemplari , et rythmum
et dictionem , ut perfectus cantus efficiatur.
Cela signifie que pour composer unChant
dans lequel il n'y ait rien à redire , il faut
d'abord que ce Chant ait la mélodie qui
lui convient , par rapport au mode dont
on veut qu'il soit ; mélodie qui peut être
considerće ou relativement à son intention
ou relativement à l'espace de Chant
qu'on a intention de faire , parce qu'un
Répons doit, par exemple, être traité autrement
qu'une Antienne . Il faut en second
lieu que la distribution des repos ,
des cadences , des chutes , et poses de respiration
soit compassée relativement à l'arangement
des mots et à leur construction
Jaquelle est tantôt naturelle et tantôt entremêlée
; c'est ce qu'Aristide et les Anciens appellent
rythmus.Et enfin il faut être attentif
JANVIER 1734 37
à exprimer ce qui est signifié par les
mots , soit joye, soit tristesse , timidité ou
hardiesse, orgueil ou humilité , et principalement
à la force et à l'énergie de certains
Verbes et Adverbes ; c'est ce qu'Aristide
entend par la diction , à laquelle il veut
qu'on ait égard pour composer un Chant
parfait et accompli.
Or il arrive le plus souvent qu'un Mu
sicien , tel qu'on l'entend dans le sens
vulgaire et ordinaire , n'a connoissance
du Chant Ecclesiastique , que pour en
avoir oui chanter et en avoir chanté dans
une ou deux Eglises . Ce n'est point un
homme à faire aucune recherche d'érudition
dans les Livres de Chant , soit
manuscrits , soit imprimez des Pays
qu'il parcourt. Un Maître de Musique
jugera de même d'une Piéce de Chant
sur sa simple conformité avec une autre
Piéce , qu'il aura oüi chanter dans le lieu
où il étoit autrefois Enfant de Choeur.
Ensorte que si , par exemple , ce Maître de
Musique n'a pas été dans une Eglise où
le cinquième et sixiéme modes du Plainchant
soient traitez de deux manieres
differentes, qui en forment les deux espe
ces , dont l'une répond à l'ancien Chant
des Lydiens , et l'autre à celui des Ioniens,
et qu'il n'ait entendu moduler ces deux/
Cij modes
38 MERCURE DE FRANCE
•
modes et surtout le sixième que d'une -
seule et unique façon ; ce Maître alors ,
dis je , n'admettra qu'une seule maniere
de composer des pièces de ces modes .
Au moins les Musiciens devroient - ils connoître
ceux de tous les modes usitez dans
l'antiquité que differentes Eglises ont employés
dans leurs Livres , et ne pas croire
qu'une chose est heteroclite , inconnuë
à tout le temps passé , et éloignée des
premiers principes , parce qu'ils ne l'ont.
pas vû pratiquer dans l'Eglise où ils ont
été élevez ni dans quelques- unes où ils
ont passé. Ils ne devroient pas se déclarer
ennemis des varietez , comme ils font
quelquefois, puisque c'est la varieté et la
diversité qui contribuent à renouveller
l'attention et la ferveur dans le Chant de
l'Office Divin. Ils devroient ne pas prétendre
, comme font quelques- uns d'entre-
eux , que tout doit plaire à tout le
monde , et qu'une chose qui peut ne pas
paroître belle à quelqu'un , n'est pas recevable
et n'a pas dû être admise. Et pour
se persuader eux- mêmes qu'ils donnent
dans un excès condamnable en raisonnant
ainsi , il suffiroit qu'ils fissent attention
qu'il est du Chant comme des assaisonnemens
des viandes , dont plusieurs ,
quoique faits selon les regles, ne sont pas
du
JANVIER 17345 39
du goût de bien des gens . Quoique ces
assaisonnemens ne flattent point le goût
de certaines personnes , cela ne les fait pas
rejetter tout-à-fait de l'usage commun ,
parce que ce qui ne plaît pas à l'un peut
plaire à un autre , dès- là qu'il a été pratiqué
par les Anciens qui avoient les or
ganes disposez comme nous , et qu'il n'est
pas contre les premiers principes del'Art ni
contre l'assortissement naturel des choses.
Il faut encore qu'un connoisseur irréprochable
se souvienne des regles les plus
communes de la Logique et s'il n'a pas
étudié en Logique , qu'il fasse au moins
attention à ce que dicte la Logique naturelle.
La Logique apprend ,par exemple,à
reflechir sur la difference qu'il y a entte
la ressemblance et l'identité , et à connoître
pour quoi ce qui n'est que ressemblant
n'est pas identique. Or c'est préci
sement ce que la foule des Musiciens modernes
confond , en prenant pour identi
que ce qui n'est que ressemblant. Ils apperçoivent
une espece desimilitude entre
certaines modulations ; ils en concluent
tout aussi - tôt que l'une est l'autre , sans
faire attention qu'ils disent trop , et qu'ils
devoient se contenter de dire que l'une
ressemble en quelque chose à l'autre. C'est
cette confusion des idées qui est aujour
Ciiij
d'hui
40 MERCURE DE FRANCE
d'hui si fatale dans le commerce de la vie ,
et qui fait que lorsqu'un Musicien a prononcé
qu'une telle modulation est la
même qu'une autre , sans autre examen ,
plusieurs le disent après lui , ce qui excite
des troubles et des divisions , à cause
qu'un trop grand nombre de personnes
prend les Musiciens pour les legitimes
connoisseurs en fait de Chant Ecclesiasti
que
Pour être habile Musicien et sçavant
Maître de Musique , ce n'est pas une
conséquence nécessaire qu'on soit toujours
pour cela habile Humaniste , ou en état
d'être perpetuellement attentif dans ce
que l'on compose , aux regles de la Grammaire
, autant que la pratique du Chant
le demande. Cependant c'est une necessité
indispensable que les regles de la
Grammaire soient alliées avec le Chant.
C'est ce rythmus qu'Aristide veut qu'on
considere en composant du Chant : Opor
ret contemplari.... rythmum , ut perfectus
cantus efficiatur , c'est- à - dire ( en appliquant
au Chant d'Eglise ou Plainchant
ce qu'Aristide a dit du Chant de son
temps ) qu'il faut qu'il y ait dans ce Chant
des partages , comine il y en auroit dans
la construction du discours , en declamant
lentement, ou en lisant posément ;
que
JANVIER 1734. 41
que dans les parties qui composent les
phrases ou periodes , il faut observer les
liaisons et les séparations qui leur conviennent
, et qu'elles exigent suivant les
principes de la Grammaire.
Il n'est que trop commun de voir pea
observées par les Maîtres de Musique ces
regles , qui indiquent l'union ou la séparation
qui est nécessaire dans les parties.
du discours , suivant les occurrences. Ils
ne sont même pas libres d'avoir cette attention
, et ce qui les en détourne , est
celle qu'ils donnent à former des accords
et à combiner la mesure des sons , de telle
maniere qu'elle remplisse des temps fixez
et déterminez. Au lieu que dans le Plainchant
ont n'est point si à l'étroit ; cette
maniere y est inconnue. La simplicité et
le denûment d'accords , la liberté qu'on
y a pour le mouvement , lequel n'est
point mesuré si précisement que dans la
Musique , tout cela, dis - je , rend le compositeur
moins distrait, et par conséquent
plus disposé à avoir l'attention nécessaire
pour la liaison ou la séparation des parties
du discours.
Voilà l'origine de la grande difference
qui se trouve entre la composition du
Plainchant et celle de la Musique. Un
compositeur habituel de Plainchant qui
Су n'a
MERCURE DE FRANCE
n'a jamais usé des licences qu'on ose prendre
dans la Musique , et qui y sont tole
rées , a toujours l'esprit présent à la nature
du texte qu'il traite , et qu'il anime
de sons ; il ne s'écarte point des regles de
la construction . Un Maître de Musique
qui a pris une habitude moins gênée , ne
peut plus s'en défaire ; accoutumé à des
repétitions qui lui fournissent un vaste
champ , il ne peut plus simplifier ; et parlà
il devient incapable de composer un
Plainchant qui soit régulier , ou il n'en
vient à bout qu'avec beaucoup de peine.
On lui passe dans la Musique ces fautes
contre les partitions du discours , surtout
lorsqu'il a voulu imiter une autre Piéce
parce que l'harmonie des accords qui
concourent, occupe l'auditeur et lui flatte
l'oreille. Mais le Plainchant n'a rien de
semblable , il n'a rien d'accessoire qui
puisse en cacher les défauts , s'il arrive
qu'il y en ait. Les connoisseurs les remarquent
aussi- tôt , ils se montrent à eux
tout à nud à cause de la simplicité de ce
Chant , et , pour ainsi dire , à cause de sa
planitude , d'où est venu le nom de Planus
cantus et non pas Plenus cantus. Il seroit
facile de produire ici une longue liste
des fautes grossieres dans lesquelles des
Maîtres de Musique habiles et très habiles
JANVIER. 1734. 43
les sont tombez , lorsqu'ils ont entrepris
de composer du Plainchant. Que j'en aye
trouvé la cause ou non , il n'importe ,
cela n'en est pas moins vrai , ( et des Musiciens
même en conviennent ) que c'étoit
un pauvre Plainchant.
Il est certaines modulations usitées en
quelques Eglises , desquelles les Musiciens
ne peuvent pas juger communément
, sans se tromper ; parce que pour
en parler sainement, il faut être plus instruit
qu'ils ne le sont ordinairement dans
les variétez et les progrès du Chant, Ecclésiastique
depuis son origine , et outre
cela il faut aussi être versé dans la Liturgie
, et avoir la connoissance de l'origine
de plusieurs des Rits Ecclesiastiques. Un
Musicien dans sa qualité de Musicien ,
n'est pas obligé de sçavoir que le Systême
du Chant , appellé Grégorien , ne
renferme pas toutes les variétez imaginables
de Psalmodie , ni toutes celles qui ont
été en usage en différent temps , et qui le
sont encore en différens lieux . Ce Maître
de Musique,quelque habile qu'il soit dans
la composition de la Musique , n'est pas
tenu de sçavoir que lorsque le Systême
de Chant de l'Antiphonier Grégorien
fut reçu en France avec les Livres Romains
, au huitiéme et neuviéme siécles ,
C vj
44 MERCURE DE FRANCE
@
on ne quitta pas pour cela en France toutes
les modulations antérieures;mais qu'on
en conserva quelques unes qui étoient
hors de l'étendue du Systême de l'Antiphonier
Grégorien , pour les chanter en
certains jours. De là vient l'étonnement
des Musiciens , et même des Maîtres de
Musique , lorsqu'ils entendent quelque
chose qui paroît contredire ou ne pas s'ac
corder avec ce Systême. Ils sont portez à
le désapprouver, parce qu'il est plus rare
et moins commun , et que ce n'est point
une chose à laquelle on leur ait fait faire
attention pendant leur jeunesse . Aussi
dans ce qui dépend de la connoissance
des Rits Ecclésiastiques , sont- ils sujets à
prendre le change. Its croyent , par exemple
, que la semaine de Pâques doit être
gaye , sur le pied de la gayeté d'un temps
de grande réjouissance extérieure , ne sçachant
pas que c'est la semaine dans laquelle
les premiers Ordinateurs des Offices
Divins ont le plus retenu de l'ancienne
simplicité . Ils sont surpris d'y
trouver du grave et du sérieux , et que ce
qu'il y a de gay dans le cours de l'année
en soit exclus , comme les Répons brefs
Alleluiatiques , les Neumes de jubilation
à la fin des Antienness et cela parce qu'ils
ne sçavent pas que de tout temps l'on n'a
fait
JANVIER. 1734. 49
fait commencer la gayeté Pascale qu'après
une semaine passée dans le grave et
le sérieux que c'est proprement au Dimanche
, huitième jour après Pâques ,que
commence le Rit du Temps Pascal , qui
dure jusqu'à la Pentecôte.
;
On ne s'est point érendu à marquer icy
que le Plainchant est plus ancien que la
Musique dans l'usage Ecclesiastique , que
c'est lui qui y a donné occasion , qui lui
a frayé le chemin , et qui l'a fait naître
dans les Eglises , et que lui seul portoit
autrefois , parmi les Chrétiens , le nom
de Musica. On pourroit conclure au
moins de ce fait , qui est très certain , que
les Musiciens dans le sens qu'on l'entend
aujourd'hui sont les plus nouveaux venuss
et que c'est à eux à suivre les regles qu'ils
trouvent dans les Livres Ecclésiastiques
des anciens Maîtres , et non à les détruire
ni à les soumettre à leurs idées. On espere
que ce détail sera trouvé suffisanc
pour faire décider, que c'est plutôt à d'habiles
connoisseurs en simple Plainchant
qu'il faut s'en rapporter, pour s'assurer
la bonté du Chant,d'un nouveau Bréviaire
, que non pas à des Musiciens , quelques
habiles qu'ils soient dans leur science.
Il n'est pas douteux
que la Musique
Ec
clésiastique
, connue
sous
le nom
de Plain-
-shant
46 MERCURE DE FRAN CE
chant , ne doive son origine à l'ancienne
Musique des Grecs , de qui les Romains ont
emprunté la leur. Ainsi pour connoître à fond
cette Musique d'Eglise, et pour enjuger sainement
, il faut non seulement remonter jusqu'à
sa source , mais de plus faire ensorte de
découvrir les divers changemens qui y sont
arrivez de siécle en siécles c'est- à- dire , qu'il
faut être également instruit , et de la Théorie
de l'ancienne Musique , tant Grecque que
Romaine , et de l'Histoire du Plainchant
depuis ses commencemens jusques à nosjours .
Or ce sont deux points presque totalement
ignorez de nos Musiciens modernes , occupez
uniquement du soin de perfectionner l'espece
de Musique dont ils ont embrassé la profession.
Il s'ensuit delà , qu'un homme tel que
l'Auteur de cette Dissertation , lequel paroit
avoir fait une étude sérieuse de ces deux
points , seroit beaucoup plus à portée de décider
les difficultez qui concernent le Plainchant
, que ceux à qui ce genre de Musique
semble être presqu'entierement étranger , par
le
pen de
connoissance
qu'ils
en
ont
acquise
.
On
exhorte
l'Auteur
à communiquer
au
Public
ce que
ses
laborieuses
recherches
lui
ont
appris
sur
ce sujet.Ce
seroit
le plus
sur
moyen
de
mettre
le Public
en garde
contre
l'illusion
,
que
lui
pourroient
faire
les
décisions
de Juges
incompetens
. A Paris
, ce
12
Février
1729
.
Signez BURETTE et FALCONNET , fils.
Fermer
Résumé : MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens en matiere de Plainchant.
Le texte 'Mémoire sur l'autorité des Musiciens en matière de Plainchant' examine la croyance erronée selon laquelle les musiciens, notamment les maîtres de musique, sont les mieux placés pour juger du chant ecclésiastique. Cette opinion repose sur l'idée que les musiciens, formés dès leur jeunesse et capables de jouer d'instruments, possèdent une expertise unique en la matière. Cependant, le texte met en garde contre les dangers de cette confiance excessive, soulignant que certains responsables de la célébration de l'office divin peuvent entraîner d'autres dans l'erreur en suivant cette croyance. Les partisans de cette idée argumentent que les musiciens, ayant appris la gamme dès l'enfance et pratiqué quotidiennement, doivent nécessairement connaître parfaitement le plain-chant. Ils croient également que l'utilisation d'instruments a inculqué aux musiciens la connaissance des modes du chant ecclésiastique. En revanche, d'autres personnes estiment que les ecclésiastiques, qui ne sont pas nécessairement musiciens au sens strict, sont souvent de meilleurs connaisseurs du chant ecclésiastique. Ils suggèrent que, en cas de contestation, il faudrait choisir un plus grand nombre d'arbitres parmi ces ecclésiastiques. Le texte souligne la nécessité de peser les arguments des deux côtés pour déterminer la meilleure approche. Il expose les raisons pour lesquelles les musiciens sont considérés comme compétents, tout en mettant en lumière leur insuffisance et leur incapacité à juger du plain-chant de manière scientifique. Les musiciens, bien qu'excellents dans l'exécution et l'enseignement du chant, manquent souvent de la capacité à en raisonner ou à en composer de manière savante. Le texte insiste sur l'importance de suivre les règles des anciens et de considérer les aspects mélodiques, rythmiques et dictionnels pour composer un chant parfait. Le texte traite également de la différence entre la composition du plain-chant et celle de la musique. La simplicité et la liberté de mouvement du plain-chant permettent au compositeur de rester concentré sur la nature du texte et de respecter les règles de construction. En revanche, un compositeur de musique, habitué à des licences et répétitions, trouve difficile de composer un plain-chant régulier. Les fautes dans le plain-chant sont plus facilement remarquées en raison de sa simplicité et de l'absence d'éléments accessoires pour les masquer. Le plain-chant est présenté comme plus ancien que la musique dans l'usage ecclésiastique et comme ayant donné naissance à la musique dans les églises. Le texte conclut que pour juger sainement du plain-chant, il est nécessaire de connaître l'ancienne musique grecque et romaine ainsi que l'histoire du plain-chant. Les auteurs exhortent un expert en plain-chant à partager ses connaissances pour éviter les décisions de juges incompétents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 41-47
LETTRE d'une jeune Etrangère à une de ses Compatriotes, sur la coëffure & les modes actuelles des Françoises.
Début :
AVERTISSEMENT. Les modes sont une partie plus considérable / Ce qu'on nous a dit des Françoises, ma chère M**, fur le goût des ajustemens [...]
Mots clefs :
Modes, Femmes, Coiffures, Histoire philosophique, Poudre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE d'une jeune Etrangère à une de ses Compatriotes, sur la coëffure & les modes actuelles des Françoises.
LETTRE d'une jeune Etrangère à
une de fes Compatriotes , fur la
coëffure & les modes actuelles des
Françoifes.
AVERTISSEMENT.
LES modes font une partie plus confi
dérable qu'on ne croit dans l'Hiftoire
Philofophique d'une Nation. Il feroit
curieux d'en avoir des époques affurées
avec certains détails . Elles feroient nombreuses
& intéressantes dans notre Hiftoire
, parce que leur variation y eft perpétuelle.
Ony découvriroit peut-être plus
d'analogie qu'on ne paroît en voir entre
leurs révolutions & celles du génie ou du
tour de penfées . Enfin , ne fe borna-t- on
en cela qu'à la connoiffance des faits , il
n'eft pas douteux que celle- ci feroit trèsféconde.
L'occafion de faire ce qu'on a
négligé jufqu'à préfent , qui eft de conflater
ces variétés de COSTUME ,
nous
42 MERCURE DE FRANCE.
1
1
de
eft offerte par la permiffion que nous
avons obtenue de produire les Lettres
qu'unejeune Etrangère , à Paris depuis
la Paix , écrit dans fa Patrie. Ces Lettres
nous ont paru écrites avec un peu
malice quelquefois , mais fans fiel, &
avec moins de prétention de briller que
de s'amufer & d'amufer en même temps
la Perfonne à qui elles font adreffées.
Lepreftige de l'habitude n'altérant point
encore la vue de cette jeune Perfonne
elle eft plus en état de nous faire voir
certains goûts confacrés par nos ufages
dans un jour plus vrai . Quelle que foit
cependant notre opinion, nous la foumertons
ainfi que les Lettres même , au
jugement des Lecteurs , en donnant cette
premiere pour éffai.
A M. CH. KAREV
,
Ce qu'on nous a dit des Françoiſes ,
ma chère M** , fur le goût des ajuftemens
eſt apparemment un de ces préjugés
entre les Nations , qui fubfiftent
encore longtemps après ce qui avoit pu
y donner lieu. Il faut que les femmes
de Paris comptent prodigieufement fur
leurs charmes , pour les facrifier à la
bizarrerie de leur coëffure actuelle , ou
qu'elles ayent une étonnante vénéraJANVIER.
1763. 43
tion pour leurs Trifayeules , puifqu'elles
aiment mieux reffembler en cette partie
, aux vieux portraits que j'en ai
vus , que de s'en tenir tout naturellement
à leurs jeunes & jolies figures.
On nous avoit appris , comme tu fçais
ma chère bonne , que les Dames Françoifes,
il y a quelques années, avoient fi
confidérablement abaiffé leurs coëffures,
qu'on ne leur foupçonnoit plus de têtesce
n'eft plus cela , il s'en faut bien, Imagine-
toi , en voyant aujourd'hui des
Françoifes mifes galamment , dans un
cercle , dans une promenade , ou aux
Spectacles , rencontrer une troupe d'Euménides
noires ou blondes , qui ont enjolivé
de quelques ornemens les ferpens
qui fe dreffent & fe replient fur leurs
têtes ; & d'autres , plus négligées , dont
les cheveux fe hériffent à la vue de leurs
éffrayantes camarades. Tu trouves peutêtre
l'image un peu forte ? Je te proteſte
que fans la poudre & ces légers ornemens
qui en impofent , je ne fçais fi la
comparaifon ne feroit pas totalement
éxacte . Les plus timides des femmes ,
Paris , fur l'adoption des modes outrées ,
n'ont pas moins aujourd'hui , d'un demi-
pied de chevelure , artiſtement dreffée
fur leurs têtes . Ceci eft un fait fur
44 MERCURE DE FRANCE .
,
lequel il n'y a qu'à vérifier la mefure à
la main. Tel eft l'ufage journalier des
plus modeftes en parure , car fur les
Théâtres où les femmes du monde
vont étudier les airs & l'ajustement de
celles dont elles cenfurent la conduite ,
je ne fçaurois te rendre l'excès de ces
montagnes chevelues . Toutes les Actrices
à la vérité n'ont pas encore ofé
aller jufqu'à la hauteur des plus jeunes
têtes. Je t'affure en avoir vu dont
les Cornettes on autres ajuſtemens
perchées fur la cime de ces pyramides
de cheveux , font fi loin du vifage qu'elles
ont à coëffer , que le même coup
d'oeil ne peut les raffembler. J'oubliois
de te dire qu'un petit morceau de linge
ou dé dentelle , fort en arrière fur la tête
forme aujourd'hui feulement les Cornettes
ou garnitures , dont on n'a confervé
que cela , comme certaine marque
d'état , qu'on porte par obligation ,
mais dont on dérobe , autant qu'on
peut , l'apparence .
Fort furprife , comme on peut croire
, de l'efpéce de Mafcarade qui chan
geoit à mes yeux le caractère des figu
res , j'ai ofé m'informer à quelques-unes
de ces Dames , du motif qui avoit engagé
à ce fingulier exhauffement . Je
JANVIER. 1763. 45
>
m'adreffai pour cela aux plus hautes
huppées , comme devant être plus inftruites
de l'origine des Huppes ; elles
me répondirent de bonne foi , qu'elles
avoient remarqué que cela alloit beaucoup
mieux , que toute autre manière
à l'air de leur vifage. Remarquez que
celles qui me parloient ainfi , n'avoient
déjà plus de vifage , fous l'énorme monceau
qui l'anéantiffoit. En général , j'avoûrai
n'avoir encore rencontré aucun
vifage qui allât à cette coëffure
moins qu'ils ne fuffent auffi ridicules
que les coeffures elles-même. Que ne
défigureroit pas ce qui eft fi contraire
aux proportions que la nature & la raifon
indiquent à tous les yeux ? Ce qu'il
y a de plaifant en cela , pour nous autres
, ma chère , qu'on accoutume à raifonner
de bonne heure & fur tous les
fujets , c'eft que beaucoup de ces femmes
, imaginent qu'en fe hériffant ainfi
les cheveux fur la tête , elles en élévent
d'autant leur petite ftature ; comme fi la
comparaifon d'un objet exhauffé ne rabaiffoit
pas l'objet qu'il furmonte. En
forte que par-là elles parviennent précifément
à ce qu'elles veulent éviter. Elles
n'ont pas fait attention apparemment
, quoiqu'elles ayent fréquemment
46 MERCURE DE FRANCE .
des Polichinelles fous leurs yeux , que l'on
a grand foin de donner de hautes coëffures
pointues à toutes les Bamboches ,
afin que ces figures deviennent encore
plus courtes & plus ramaffées.
Pardeffus toutes les autres Nations
de l'Europe , même celles de l'Afie
auxquelles nulle autre ne diſpute le prix
de la beauté , les Françoifes avoient
fans conteftation & par excellence
l'avantage de la Phyfionomie. Je ne fçais,
ma chère Bonne , fi tu entends bien
tout ce qu'il faut entendre par ce mot ,
& toutes les idées agréables qu'il contient.
Quoiqu'il en foit , je t'apprends au
profit des autres femmes du monde ,
que les Françoifes , par leur maniere de
fe coëffer , ont perdu entiérement ces
phyfionomies fi variées & fi piquantes.
Il ne refte à celles qui ont les traits
affez forts pour foutenir ce pompeux
édifice de cheveux , que des vifages ,
dont fouvent il n'y a pas à fe vanter.
Tu mourrois de rire furtout à l'aspect
de certaines faces rondeletes , entourées
des rayons que forme cette chevelure
bien redreffée en l'air. Figure -toi ces
petites images groffières du Soleil qui
ornent nos Almanachs ruftiques.
J'ai remarqué qu'à la Cour on avoit
JANVIER. 1763 . 47
و
jufqu'à préfent moins adopté cette
mode qu'à la Ville , & que dans cette
Iderniere , celles qui la chargeoient davantage
étoient ordinairement les femmes
d'un état où l'étalage eft utile au
produit des charmes. Je ne ferois pas
éloigné de croire que celles- ci n'euffent
l'honneur de l'invention dans ce ridicule
ufage , & cela , pour offufquer les femmes
honnêtes dont elles commençoient
, dit- on , à craindre la concurrence.
La rufe de guerre ne me femble
pas avoir réuffi , car ce qu'on appelle
en ce pays honnêtes femmes , ont bientôt
fait voir aux autres , qu'un cheval
pour être de bonne race & renfermé en
bonne maiſon , n'en redreffe pas moins
fiérement fes crins dans l'occafion , que
celui qui paît en liberté dans les communes.
Adieu, ma tendre amie ; ta voyageufe
aura bien des chofes de pareille
importance à t'apprendre de ce paysci
, pourvu que les relations t'amufent.
une de fes Compatriotes , fur la
coëffure & les modes actuelles des
Françoifes.
AVERTISSEMENT.
LES modes font une partie plus confi
dérable qu'on ne croit dans l'Hiftoire
Philofophique d'une Nation. Il feroit
curieux d'en avoir des époques affurées
avec certains détails . Elles feroient nombreuses
& intéressantes dans notre Hiftoire
, parce que leur variation y eft perpétuelle.
Ony découvriroit peut-être plus
d'analogie qu'on ne paroît en voir entre
leurs révolutions & celles du génie ou du
tour de penfées . Enfin , ne fe borna-t- on
en cela qu'à la connoiffance des faits , il
n'eft pas douteux que celle- ci feroit trèsféconde.
L'occafion de faire ce qu'on a
négligé jufqu'à préfent , qui eft de conflater
ces variétés de COSTUME ,
nous
42 MERCURE DE FRANCE.
1
1
de
eft offerte par la permiffion que nous
avons obtenue de produire les Lettres
qu'unejeune Etrangère , à Paris depuis
la Paix , écrit dans fa Patrie. Ces Lettres
nous ont paru écrites avec un peu
malice quelquefois , mais fans fiel, &
avec moins de prétention de briller que
de s'amufer & d'amufer en même temps
la Perfonne à qui elles font adreffées.
Lepreftige de l'habitude n'altérant point
encore la vue de cette jeune Perfonne
elle eft plus en état de nous faire voir
certains goûts confacrés par nos ufages
dans un jour plus vrai . Quelle que foit
cependant notre opinion, nous la foumertons
ainfi que les Lettres même , au
jugement des Lecteurs , en donnant cette
premiere pour éffai.
A M. CH. KAREV
,
Ce qu'on nous a dit des Françoiſes ,
ma chère M** , fur le goût des ajuftemens
eſt apparemment un de ces préjugés
entre les Nations , qui fubfiftent
encore longtemps après ce qui avoit pu
y donner lieu. Il faut que les femmes
de Paris comptent prodigieufement fur
leurs charmes , pour les facrifier à la
bizarrerie de leur coëffure actuelle , ou
qu'elles ayent une étonnante vénéraJANVIER.
1763. 43
tion pour leurs Trifayeules , puifqu'elles
aiment mieux reffembler en cette partie
, aux vieux portraits que j'en ai
vus , que de s'en tenir tout naturellement
à leurs jeunes & jolies figures.
On nous avoit appris , comme tu fçais
ma chère bonne , que les Dames Françoifes,
il y a quelques années, avoient fi
confidérablement abaiffé leurs coëffures,
qu'on ne leur foupçonnoit plus de têtesce
n'eft plus cela , il s'en faut bien, Imagine-
toi , en voyant aujourd'hui des
Françoifes mifes galamment , dans un
cercle , dans une promenade , ou aux
Spectacles , rencontrer une troupe d'Euménides
noires ou blondes , qui ont enjolivé
de quelques ornemens les ferpens
qui fe dreffent & fe replient fur leurs
têtes ; & d'autres , plus négligées , dont
les cheveux fe hériffent à la vue de leurs
éffrayantes camarades. Tu trouves peutêtre
l'image un peu forte ? Je te proteſte
que fans la poudre & ces légers ornemens
qui en impofent , je ne fçais fi la
comparaifon ne feroit pas totalement
éxacte . Les plus timides des femmes ,
Paris , fur l'adoption des modes outrées ,
n'ont pas moins aujourd'hui , d'un demi-
pied de chevelure , artiſtement dreffée
fur leurs têtes . Ceci eft un fait fur
44 MERCURE DE FRANCE .
,
lequel il n'y a qu'à vérifier la mefure à
la main. Tel eft l'ufage journalier des
plus modeftes en parure , car fur les
Théâtres où les femmes du monde
vont étudier les airs & l'ajustement de
celles dont elles cenfurent la conduite ,
je ne fçaurois te rendre l'excès de ces
montagnes chevelues . Toutes les Actrices
à la vérité n'ont pas encore ofé
aller jufqu'à la hauteur des plus jeunes
têtes. Je t'affure en avoir vu dont
les Cornettes on autres ajuſtemens
perchées fur la cime de ces pyramides
de cheveux , font fi loin du vifage qu'elles
ont à coëffer , que le même coup
d'oeil ne peut les raffembler. J'oubliois
de te dire qu'un petit morceau de linge
ou dé dentelle , fort en arrière fur la tête
forme aujourd'hui feulement les Cornettes
ou garnitures , dont on n'a confervé
que cela , comme certaine marque
d'état , qu'on porte par obligation ,
mais dont on dérobe , autant qu'on
peut , l'apparence .
Fort furprife , comme on peut croire
, de l'efpéce de Mafcarade qui chan
geoit à mes yeux le caractère des figu
res , j'ai ofé m'informer à quelques-unes
de ces Dames , du motif qui avoit engagé
à ce fingulier exhauffement . Je
JANVIER. 1763. 45
>
m'adreffai pour cela aux plus hautes
huppées , comme devant être plus inftruites
de l'origine des Huppes ; elles
me répondirent de bonne foi , qu'elles
avoient remarqué que cela alloit beaucoup
mieux , que toute autre manière
à l'air de leur vifage. Remarquez que
celles qui me parloient ainfi , n'avoient
déjà plus de vifage , fous l'énorme monceau
qui l'anéantiffoit. En général , j'avoûrai
n'avoir encore rencontré aucun
vifage qui allât à cette coëffure
moins qu'ils ne fuffent auffi ridicules
que les coeffures elles-même. Que ne
défigureroit pas ce qui eft fi contraire
aux proportions que la nature & la raifon
indiquent à tous les yeux ? Ce qu'il
y a de plaifant en cela , pour nous autres
, ma chère , qu'on accoutume à raifonner
de bonne heure & fur tous les
fujets , c'eft que beaucoup de ces femmes
, imaginent qu'en fe hériffant ainfi
les cheveux fur la tête , elles en élévent
d'autant leur petite ftature ; comme fi la
comparaifon d'un objet exhauffé ne rabaiffoit
pas l'objet qu'il furmonte. En
forte que par-là elles parviennent précifément
à ce qu'elles veulent éviter. Elles
n'ont pas fait attention apparemment
, quoiqu'elles ayent fréquemment
46 MERCURE DE FRANCE .
des Polichinelles fous leurs yeux , que l'on
a grand foin de donner de hautes coëffures
pointues à toutes les Bamboches ,
afin que ces figures deviennent encore
plus courtes & plus ramaffées.
Pardeffus toutes les autres Nations
de l'Europe , même celles de l'Afie
auxquelles nulle autre ne diſpute le prix
de la beauté , les Françoifes avoient
fans conteftation & par excellence
l'avantage de la Phyfionomie. Je ne fçais,
ma chère Bonne , fi tu entends bien
tout ce qu'il faut entendre par ce mot ,
& toutes les idées agréables qu'il contient.
Quoiqu'il en foit , je t'apprends au
profit des autres femmes du monde ,
que les Françoifes , par leur maniere de
fe coëffer , ont perdu entiérement ces
phyfionomies fi variées & fi piquantes.
Il ne refte à celles qui ont les traits
affez forts pour foutenir ce pompeux
édifice de cheveux , que des vifages ,
dont fouvent il n'y a pas à fe vanter.
Tu mourrois de rire furtout à l'aspect
de certaines faces rondeletes , entourées
des rayons que forme cette chevelure
bien redreffée en l'air. Figure -toi ces
petites images groffières du Soleil qui
ornent nos Almanachs ruftiques.
J'ai remarqué qu'à la Cour on avoit
JANVIER. 1763 . 47
و
jufqu'à préfent moins adopté cette
mode qu'à la Ville , & que dans cette
Iderniere , celles qui la chargeoient davantage
étoient ordinairement les femmes
d'un état où l'étalage eft utile au
produit des charmes. Je ne ferois pas
éloigné de croire que celles- ci n'euffent
l'honneur de l'invention dans ce ridicule
ufage , & cela , pour offufquer les femmes
honnêtes dont elles commençoient
, dit- on , à craindre la concurrence.
La rufe de guerre ne me femble
pas avoir réuffi , car ce qu'on appelle
en ce pays honnêtes femmes , ont bientôt
fait voir aux autres , qu'un cheval
pour être de bonne race & renfermé en
bonne maiſon , n'en redreffe pas moins
fiérement fes crins dans l'occafion , que
celui qui paît en liberté dans les communes.
Adieu, ma tendre amie ; ta voyageufe
aura bien des chofes de pareille
importance à t'apprendre de ce paysci
, pourvu que les relations t'amufent.
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Résumé : LETTRE d'une jeune Etrangère à une de ses Compatriotes, sur la coëffure & les modes actuelles des Françoises.
La lettre d'une jeune étrangère à une compatriote traite des modes actuelles des Françaises, en particulier des coiffures. L'auteur considère les modes comme un aspect important de l'histoire philosophique d'une nation, révélant des analogies avec les révolutions du génie ou du tour de pensées. La lettre vise à amuser et à informer sur les variétés de costumes. L'étrangère observe que les Françaises sacrifient leurs charmes naturels pour des coiffures bizarres, préférant ressembler à des portraits anciens plutôt qu'à leurs jeunes visages. Les coiffures actuelles sont décrites comme des montagnes de cheveux artistement dressés, souvent ornées de poudre et de légers ornements. Même les femmes timides portent un demi-pied de chevelure, et les actrices sur les théâtres adoptent des coiffures encore plus extravagantes. L'auteur s'informe auprès des dames sur les motifs de ces coiffures extravagantes et reçoit des réponses variées. Elle remarque que ces coiffures déforment les visages et les rendent ridicules, contraires aux proportions naturelles. Certaines femmes croient que cela élève leur petite stature, sans réaliser que cela les rabaisserait plutôt. L'étrangère souligne que les Françaises, autrefois reconnues pour leur physionomie, ont perdu cet avantage à cause de leurs coiffures. Elle observe que cette mode est plus adoptée à la ville qu'à la cour et que les femmes d'un certain état l'ont peut-être inventée pour se distinguer. Elle conclut en notant que les femmes honnêtes ont rapidement adopté cette mode, malgré les intentions initiales de certaines femmes de la concurrencer.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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