L'OMBRE de Madame Deshoulieres
Mad de Malcrais de la Vigne
du Croisic , en Bretagne.
E vous étonnez point que du Royaum NEVOSOmbre sombre ...
On évoque aujourd'hui mon ombre ,
Puisque vous avez fait revivre a deux Héros ,
Pour louer un Auteur fertile en beaux propos
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Qui sçut en Vers gravez au Temple de mé
moire. ,
Celebrer un des plus grands Rois ,.
Dont la France ait suivi les Loix ,
Et du Lion du Nord vient d'écrire l'histoire g
Auteur digne en effet de sujets aussi grands ,
Que ces deux fameux Conquerants , -
Mais quittons son éloge et travaillons au vôtre
Plus long à faire qu'aucun autre.
C'est à vous seule que j'en veux ,
Jusques dans les Enfers le bruit court qu'au Par nasse ,
Vous avez obtenu ma place ;
La Piece en Vers , adressée par Mule Malcrais , à
M. de Voltaire , Auteur du Poëme de Henry le
Grand , et de l'Histoire de Charles XII. Roy de
Suede. Cette Piece est inserée dans le Mercure du
mois de Juillet 17320-
#328 MERCURE DE FRANCE
On dit que si jamais on a formé des vœux
Pour voir réssusciter mon stile
Ce souhait devient inutile ,
Et qu'on retrouve dans vos Vers ,
Les
graces , les
beautez
et les talents
divers
,
Dont
j'étois
autrefois
si
richement
pourvûë
,
Les
regrets
de ma
mort
,
désormais
superflus
,
Font
que
dans
le monde
on
n'est
plus
Si fâché
de
m'avoir
perduë.
Comme moi du vif erjoüement ,
Vous avez la délicatesse ;
Du goût et du discernement ,
Vous avez comme moi ,
l'admirable justesse.
Soit que la tendre a Euterpe , aux amoureux
transports ,
Exerce votre heureux génie ;
Sois que l'illustre & Polimnie,
Vous inspire à son tour de plus nobles accords .
Et d'une façon admirable ,
Vous fasse regretter la perte irréparable
D'un Pere bien aimé , descendu chez les Mortse
Qu'il devoit être cher à toute sa famille ,
Si l'on en doit juger par son aimable fille !
Mlle Malcrais a fait une Idille fort jolie , in
vitulée: Les Hirondelles. Euterpe est la Muse PasBoralle.
b Muse de l'Ode. Mlle Malcrais afait unefore belle Ode sur la mort de son Pøre,
Mais
NOVEMBRE. 17327 2324
Mais tirons le rideau sur de tristes objets ¿
Vos Vers dans un gai badinage,
Imitant de Marot l'agréable langage ,
M'offrent de plus riants sujets ;
Tantôt d'un Astrologue ignare , e
Vous nous contez un plaisant trait ,
Tantôt d'un Capucin d d'une figure rare ,
Vous offrez à nos yeux le grotesque portrait.
Ah ! que j'aime à vous voir réprimere du Meri cure ,
Les ridicules Ennemis ;
It certes il vous est plus qu'à d'autres permis,
De détruire en deux mots leur injuste Censure.
Quoiqu'en vous on puisse avouer
Mille autres choses à louer ,
Je me tais , car mon interprete
Est las d'une si longue traitte.
Dans sa bouche mes Vers deviendroient af deffaut :
Depuis que vous avez herité de mes graces ,
Il n'appartient qu'à vous de marcher sur mes traces ,
at de m'imiter comme il faut,
Par M. PESSELIER, de la Ferté
Sous-Jouare,
• Pieces en Vers Marotiques. L'Almanach de Nante, d le Frere Chichon.
´e Piece , intitulée : Les Censeurs du Mercure