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101
p. 944-945
AUTRE.
Début :
De vingt membres au moins, se compose mon corps, [...]
Mots clefs :
Écriture
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texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTRE.
DE vingt membres au moins , se compose
mon corps ,
De qui tous, le bon sens n'en produit au dehors,
Que par differens traits de l'humeur la plus noire ,
QuoiMAY.
949 1733
Quoiqu'il en soit , chacun sur ma foi peut me
croire ;
Si mon Art dont l'emploi n'est dû qu'à l'équité ,
Pour établir l'erreur , combat la verité ,
Ce n'est pas qu'il ne soit de soi -même équitable a
L'usage est le défaut qui le rend condannable .
Le Chinois, l'Iroquois , l'Hébreu, le Chaldéen ,
Le Latin , l'Allemand , François , Italien ,
Mille Langues , par moi sur la Terre et sær
POnde ,
Sans voix se font entendre aux quatre coins du
Monde.
DE vingt membres au moins , se compose
mon corps ,
De qui tous, le bon sens n'en produit au dehors,
Que par differens traits de l'humeur la plus noire ,
QuoiMAY.
949 1733
Quoiqu'il en soit , chacun sur ma foi peut me
croire ;
Si mon Art dont l'emploi n'est dû qu'à l'équité ,
Pour établir l'erreur , combat la verité ,
Ce n'est pas qu'il ne soit de soi -même équitable a
L'usage est le défaut qui le rend condannable .
Le Chinois, l'Iroquois , l'Hébreu, le Chaldéen ,
Le Latin , l'Allemand , François , Italien ,
Mille Langues , par moi sur la Terre et sær
POnde ,
Sans voix se font entendre aux quatre coins du
Monde.
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102
p. 1093-1097
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris, Capucin, Conseiller des Missions de Grece, et Préfet du College des Enfans de Langues, sur diverses Traductions d'Ouvrages choisis, &c.
Début :
Je continue, Monsieur, de vous faire part des fruits de l'application des [...]
Mots clefs :
Empire, Selim Khan, Effendi, Collège, Traductions, Règne, Sultan
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris, Capucin, Conseiller des Missions de Grece, et Préfet du College des Enfans de Langues, sur diverses Traductions d'Ouvrages choisis, &c.
EXTRA IT d'une Lettre écrite de Constantinople
par le R. P. Romain de Paris,
Capucin , Conseiller des Missions de
Grece , et Préfet du College des Enfans
de Langues sur diverses Traductions
d'Ouvrages choisis , &c.
J
,
E continue , Monsieur , de vous faire
part des fruits de l'application des
jeunes Gens de notre Nation , qui étudient
les Langues Orientales par l'ordre ,
et pour le service du Roi , dans le College
dont nous avons la direction . Je
vous envoye avec cette Lettre l'Etat des
Traductions , qui ont été faites dans ce
College par mes soins , pendant le cours
de l'année 1732. conforme à celui que
nous envoyons à la Cour. Vous seriez
charmé , Monsieur , de voir avec quelle
ardeur et quelle assiduité cette Jeunesse
travaille pour se rendre digne de remplir
avec honneur les Emplois ausquels elle
1. Vol. cij est.
1094 MERCURE DE FRANC
est destinée , et pour mériter la prote
tion et les graces de Sa Majesté. J'espe
que vous serez content du choix des S
jets sur lesquels j'ai éxercé nos Tradi
teurs , et que vous conviendrez en n
me tems que c'est un profit pour la Lit
rature en general d'enrichir notre L
gue , de tout ce qui est le plus esti
dans celle des Turcs , et des autres Ori
taux .
La conformité du Sujet m'engag
vous dire ici un mot du Chaïdy , espe
de Dictionnaire Turc et Persan que
fait traduire d'une maniere , et avec
tel ordre , qu'il facilitera extrêmem
P'intelligence de ces deux Langues
levant toutes les difficultez et l'embai
où se trouvoient ceux qui s'appliquer
cette Etude , ce qui mettra en très- ]
de tems et sans peine un homme en
d'entendre les Auteurs les plus difficil
de sorte , Monsieur , que les Traducti
qui avant que ce Chaidy fut tradui
mis dans l'ordre qu'il est aujourd'h
étoient d'un travail qui rebutoit les
patiens , se font aujourd'hui avec be
coup moins de peine , et plus fidelem
On ne sçauroit trop faire connoître 1
portance de cet Ouvrage. Je revie
nos Traductions .
1. Vol,
JUIN. 1733. 1095
ETAT des Traductions faites dans le
Gollege des Enfans , ou Jeunes de Langues
de France , par les soins , et sous la direc
tion du R. P. Romain de Paris , durant le
cours de l'année 1732 .
L'Ambassade de Durri - Effendi , Doc
teur de la Loi Mahometane , en Perse ,
sous le Régne de Sultan - Achmet , par le
sieur le Grand.
Relation du nouveau Monde imprimée
à Constantinople , composée en Turc
par Ibrahim Effendi , Directeur de la nouvelle
Imprimerie , traduite par le sieur
de Fiennes , Pensionnaire au College des
Jeunes de Langues , et fils de M. de
Fiennes , Interpréte du Roi à la Cour .
Relation de différentes Expéditions des
Turcs dans le Royaume de Candie , imprimée
à Constantinople , par le même
İbrahim Effendi , traduite par le sieur
Galland.
Histoire de Rustem , fils de Zal , Roy
des Parthes , et de Isfendiar , fils de
Kuschtasel , Roi de Scythie , par le sieur
Rocques.
Histoire du Régne de Kuschtasel , Roi
de Scythie , par le sieur R. Imbault...
Histoire de Sultan Selim Khan , Pre-
* C'est le neuviéme Sultan de la Dynassie des
L. Vol. C iij Ot1096
MERCURE DE FRANCE
mier du nom , fils de Sultan Bajazeth-
Khan , second du nom , jusqu'à son Avenement
à l'Empire , par le sieur Choquet.
Histoire de Sultan Selim - Khan , second
du nom , fils du grand Solyman , par le
sieur Berault.
Les Racines de la Sagesse , ou les Régles
pour bien gouverner un Etat , traduites
de l'Arabe en Turc, par un Effendi
, et du Turc en François , par le sieur
Choquet.
2
et
Recueil de plusieurs Faits mémorables
arrivez sous l'Empire de Sultan Solyman-
Khan , second du nom , sa mort
*
les différentes fondations qu'il a faites.
en plusieurs Lieux de sa Domination , par
le sieur Galland .
Histoire de Diameseb , fils du Prophete
Daniel , par le sieur de Fiennes.
Histoire de l'Origine des Empereurs
Ottomans , par le sieur Rocques.
Ottomans , lesquels ont accoutumé d'ajoûter à
leur nom le titre de Khan , originairement Turc ,
et abregé Khacan , qui signifie Roi , Prince Souverain
, &c.
* C'est le même que le Grand Soliman , que
quelques Historiens marquent 1. du nom, en omettant
Soliman , fils de Bajazeth I. qu'ils prétendent
n'avoir pas régné , ¿c.
I. Vol.
Les
JUIN. 1733- 1097
5
LES CANONS de l'Empire Ottoman
ou Réglement general pour le Gouver
nement , tant en guerre qu'en paix , avec
les Canons des Dignitez , Charges et
Emplois de l'Etat , enrichis de Notes
curieuses pour l'intelligence des Canons
particuliers , qui regardent les Charges
er les Dignitez , &c. par le sieur le
Grand .
Histoire du Régné de Sultan Amurath
Khan , troisiéme du nom , fils de Sultan
Selim - Khan second , par le sieur Guintrand
.
Abregé de ce qui s'est passé de plus mé--
morable sous l'Empire de Sultan Mahomet-
Khan , second du nom , fils de Sul--
tan Amurath- Khan second , par le sieur
Brüe .
Histoire de Sultan Bajazeth second , par
le sieur Roboly.
par le R. P. Romain de Paris,
Capucin , Conseiller des Missions de
Grece , et Préfet du College des Enfans
de Langues sur diverses Traductions
d'Ouvrages choisis , &c.
J
,
E continue , Monsieur , de vous faire
part des fruits de l'application des
jeunes Gens de notre Nation , qui étudient
les Langues Orientales par l'ordre ,
et pour le service du Roi , dans le College
dont nous avons la direction . Je
vous envoye avec cette Lettre l'Etat des
Traductions , qui ont été faites dans ce
College par mes soins , pendant le cours
de l'année 1732. conforme à celui que
nous envoyons à la Cour. Vous seriez
charmé , Monsieur , de voir avec quelle
ardeur et quelle assiduité cette Jeunesse
travaille pour se rendre digne de remplir
avec honneur les Emplois ausquels elle
1. Vol. cij est.
1094 MERCURE DE FRANC
est destinée , et pour mériter la prote
tion et les graces de Sa Majesté. J'espe
que vous serez content du choix des S
jets sur lesquels j'ai éxercé nos Tradi
teurs , et que vous conviendrez en n
me tems que c'est un profit pour la Lit
rature en general d'enrichir notre L
gue , de tout ce qui est le plus esti
dans celle des Turcs , et des autres Ori
taux .
La conformité du Sujet m'engag
vous dire ici un mot du Chaïdy , espe
de Dictionnaire Turc et Persan que
fait traduire d'une maniere , et avec
tel ordre , qu'il facilitera extrêmem
P'intelligence de ces deux Langues
levant toutes les difficultez et l'embai
où se trouvoient ceux qui s'appliquer
cette Etude , ce qui mettra en très- ]
de tems et sans peine un homme en
d'entendre les Auteurs les plus difficil
de sorte , Monsieur , que les Traducti
qui avant que ce Chaidy fut tradui
mis dans l'ordre qu'il est aujourd'h
étoient d'un travail qui rebutoit les
patiens , se font aujourd'hui avec be
coup moins de peine , et plus fidelem
On ne sçauroit trop faire connoître 1
portance de cet Ouvrage. Je revie
nos Traductions .
1. Vol,
JUIN. 1733. 1095
ETAT des Traductions faites dans le
Gollege des Enfans , ou Jeunes de Langues
de France , par les soins , et sous la direc
tion du R. P. Romain de Paris , durant le
cours de l'année 1732 .
L'Ambassade de Durri - Effendi , Doc
teur de la Loi Mahometane , en Perse ,
sous le Régne de Sultan - Achmet , par le
sieur le Grand.
Relation du nouveau Monde imprimée
à Constantinople , composée en Turc
par Ibrahim Effendi , Directeur de la nouvelle
Imprimerie , traduite par le sieur
de Fiennes , Pensionnaire au College des
Jeunes de Langues , et fils de M. de
Fiennes , Interpréte du Roi à la Cour .
Relation de différentes Expéditions des
Turcs dans le Royaume de Candie , imprimée
à Constantinople , par le même
İbrahim Effendi , traduite par le sieur
Galland.
Histoire de Rustem , fils de Zal , Roy
des Parthes , et de Isfendiar , fils de
Kuschtasel , Roi de Scythie , par le sieur
Rocques.
Histoire du Régne de Kuschtasel , Roi
de Scythie , par le sieur R. Imbault...
Histoire de Sultan Selim Khan , Pre-
* C'est le neuviéme Sultan de la Dynassie des
L. Vol. C iij Ot1096
MERCURE DE FRANCE
mier du nom , fils de Sultan Bajazeth-
Khan , second du nom , jusqu'à son Avenement
à l'Empire , par le sieur Choquet.
Histoire de Sultan Selim - Khan , second
du nom , fils du grand Solyman , par le
sieur Berault.
Les Racines de la Sagesse , ou les Régles
pour bien gouverner un Etat , traduites
de l'Arabe en Turc, par un Effendi
, et du Turc en François , par le sieur
Choquet.
2
et
Recueil de plusieurs Faits mémorables
arrivez sous l'Empire de Sultan Solyman-
Khan , second du nom , sa mort
*
les différentes fondations qu'il a faites.
en plusieurs Lieux de sa Domination , par
le sieur Galland .
Histoire de Diameseb , fils du Prophete
Daniel , par le sieur de Fiennes.
Histoire de l'Origine des Empereurs
Ottomans , par le sieur Rocques.
Ottomans , lesquels ont accoutumé d'ajoûter à
leur nom le titre de Khan , originairement Turc ,
et abregé Khacan , qui signifie Roi , Prince Souverain
, &c.
* C'est le même que le Grand Soliman , que
quelques Historiens marquent 1. du nom, en omettant
Soliman , fils de Bajazeth I. qu'ils prétendent
n'avoir pas régné , ¿c.
I. Vol.
Les
JUIN. 1733- 1097
5
LES CANONS de l'Empire Ottoman
ou Réglement general pour le Gouver
nement , tant en guerre qu'en paix , avec
les Canons des Dignitez , Charges et
Emplois de l'Etat , enrichis de Notes
curieuses pour l'intelligence des Canons
particuliers , qui regardent les Charges
er les Dignitez , &c. par le sieur le
Grand .
Histoire du Régné de Sultan Amurath
Khan , troisiéme du nom , fils de Sultan
Selim - Khan second , par le sieur Guintrand
.
Abregé de ce qui s'est passé de plus mé--
morable sous l'Empire de Sultan Mahomet-
Khan , second du nom , fils de Sul--
tan Amurath- Khan second , par le sieur
Brüe .
Histoire de Sultan Bajazeth second , par
le sieur Roboly.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris, Capucin, Conseiller des Missions de Grece, et Préfet du College des Enfans de Langues, sur diverses Traductions d'Ouvrages choisis, &c.
Le document est une lettre rédigée par le R. P. Romain de Paris, un capucin et conseiller des Missions de Grèce, préfet du Collège des Enfants de Langues. Cette lettre date de l'année 1732 et informe des traductions réalisées par les jeunes étudiants du Collège des Enfants de Langues de France. Ces traductions sont destinées au service du Roi et visent à enrichir la littérature française en intégrant des œuvres turques et orientales. Le Père Romain met en avant l'ardeur et l'assiduité des étudiants, qui travaillent pour mériter la protection et les grâces du Roi. Il souligne également l'importance d'un dictionnaire turc et persan, le Chaïdy, qui facilite l'étude de ces langues et rend les traductions plus accessibles et fidèles. La lettre énumère plusieurs traductions effectuées, incluant des œuvres historiques et politiques. Parmi celles-ci, on trouve des relations d'ambassades, des récits d'expéditions militaires, des histoires de souverains ottomans, et des réglements de l'Empire ottoman. Les traducteurs mentionnés incluent le sieur de Fiennes, le sieur Galland, le sieur Rocques, et le sieur Choquet, entre autres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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103
p. 1279-1307
PROJET d'une nouvelle Edition des Essais de Montaigne, &c.
Début :
Je veux consulter les Gens de Lettres et pressentir le goût du Public sur [...]
Mots clefs :
Montaigne, Essais, Traduction, Langue, Homme, Roi, Original, Manière, Douleur, Plaisir, Connaître, Ville, Style, Corriger, Mort, Agréable, Peuple, Larmes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PROJET d'une nouvelle Edition des Essais de Montaigne, &c.
PROJET d'une nouvelle Edition des
Essais de Montaigne , &c .
J
E veux consulter les Gens de Lettres
et pressentir le goût du Public sur
un Ouvrage qui sera bien - tôt en état
de paroître , si j'apprends qu'on approu
ve l'idée et l'échantillon que je vais en
donner.
Cet Ouvrage est une espece de Traduction
de Montaigne. A ce mot de
Traduction d'un Livre François ,j'entends
déja les Plaisans m'appliquer le Vers de
M. Despréaux.
Le fade Traducteur du François d'Amyot.
A la place d'Amyot , on mettra Montaigne
, et heureusement pour la plaisanterie
, la mesure du Vers n'en souffrira
point ; il me semble pourtant que la raillerie
seroit mal fondée en cette occasion ."
On auroit raison de se mocquer d'une
Traduction d'un Auteur ancien qui paroîtroit
faite sur une Traduction précédente
plutôt que sur l'original . Ce seroit
une preuve de l'ignorance ou de la
paresse du Traducteur. Il faut traduire
II. Vol. B sur
504
sur l'Original même , quand il reste ; voilà
la regle et le meilleur moyen de réüssir.
Tout ce qui est permis , s'il y a déja
une Traduction de l'Ouvrage en ques
tion , c'est de s'en aider , et non pas de
la prendre pour guide , encore moins de
se contenter simplement de la retourner.
Mais si par impossible nous avions perdu
P'Original d'un Auteur Grec ou Romain ,
traduit en notre Langue dans le 16. siecle
, et qu'il ne nous en restât plus que
la Traduction , je crois que ce seroit rendre
service au Public de la réformer
d'en corriger les tours et les expressions *
qui auroient vieillis ; en un mot ,
de traduire
la Traduction même , afin de la
mettre en état d'être lûë du commun
des Lecteurs , pour qui la Langue Françoise
, telle qu'on la parloit et qu'on l'écrivoit
il y a 200, ans , est presque inintelligible
, ou du moins fort désagréable
.
Il est évident que ce qui seroit utile
par rapport à une Traduction devenuë
en quelque sorte Original par la perte
de l'Ouvrage ancien , ne le seroit pas
moins par rapport à un Original même.
Je veux dire par rapport à un Ouvrage
composé avant le changement conside
rable qui est arrivé dans notre Langue.
II. Vol.
Or
JUIN. 17330 1281
Or tel est le Livre fameux des Essais
de Montaigne ; il me semble même qu'à
mérite égal , nous devrions être plus curieux
de pouvoir lire avec plaisir l'Ouvrage
d'un de nos Compatriotes , que
celui d'un Grec ou d'un Romain.
Voici donc les raisons qni me font
juger qu'une espece de Traduction des
Essais de Montaigne pourroit être utile
et agréable au Public. Montaigne si moderne
dans sa maniere de penser , également
fine et judicieuse , est beaucoup
plus vieux , quant au stile , que la plupart
des Auteurs ses contemporains , plus
vieux , par exemple , qu'Amyot et que
Charron . La Langue , dans laquelle il a
écrit , n'est presque plus celle qu'on parle
maintenant; son Livre n'est presque plus
un Livre François . Outre plusieurs mots
de son invention qu'on ne trouve que
chez lui , il en employe un grand nom
bre qui depuis long-temps ont cessé d'être
en usage , et qui même étoient déja
vieillis lorsqu'il écrivoit. Mais sa maniere
d'écrite differe encore plus de la
nôtre les tours que par
par
les mots. Il
est assez rare d'en rencontrer quelqu'un
dans les Essais dont on pût se servir
aujourd'hui , et c'est là principalement ce
qui le rend obscur . Disons tout la
pu-
11. Vol. Bij reté
1282 MERCURE DE FRANCE
grammaticale contribuë infiniment à la
netteté du stile ,et Montaigne n'étoit rien
moins que puriste ; son stile est vifet brillant
, mais peu correct et peu exact pour
son temps même. Il est plein de négligences,
de barbarismes, d'équivoques , de
constructions louches , et il naît de tous
ces défauts un grand désagrément pour
la plupart des Lecteurs , dont le principal
est , comme je l'ai dit , la difficulté
d'entendre. J'avoue que notre ancien langage
a bien des graces pour ceux qui y
sont accoûtumez ; ils en regrettent la
fotce et la naïveté ; mais tous les autres.
et sur tout les femmes , le trouvent bas
et grossier.
Aussi Montaigne , si celebre et si estimé,
est- il assez peu lû.Sur sa grande réputation
on désire de le connoître, pour cela
on lit quelques Chapitres de ses Essais
mais on est bien - tôt las et dégoûté. La
lecture de ce Livre , si amusant en luimême
, est devenue une étude et un travail
, encore n'entend - on pas tout ce
qu'on lit. Pour moi j'avoue qu'il me reste
encore bien des Passages dans cet Auteur
dont il me faudra chercher l'éclaircissement
auprès des Gens de Lettres , si j'execute
le Projet de le rajeunir et de l'ha
biller à la moderne.
·11. Vol. Mais
JUIN . 1733. 1283
Mais ne craignez vous point , me dirat'on
, d'affoiblir Montaigne , en lui ôtant
son vieux langage , de le défigurer en
voulant le corriger ? Croyez - vous que
votre prétendue Traduction ait les beautez
de l'Original ? Non , sans doute , je
ne le crois pas; mais cette objection ne fait
pas plus contre moi que contre tous les
Traducteurs . Demandez aux Sçavans qui
estiment le plus la Traduction d'Homere
par Madame Dacier , si ce Poëte leur
fait autant de plaisir dans le François que
dans le Grec ; ils vous répondront tous
qu'Homere perd infiniment dans cette
Traduction , qu'elle est de beaucoup inférieure
à l'Original , quoique très- élégante
et très- fidelle ; mais que tel est le
sort de toutes les Traductions d'Ouvrages
de pur agrément ; qu'ainsi ces Traductions
ne sont faites que pour ceux
qui ignorent ou qui ne sçavent qu'im
parfaitement la Langue des Auteurs traduits.
Elles facilitent à ceux - ci la lec
ture des Originaux mêmes , en les aidant
à les entendre , et elles font connoître à
ceux-là jusqu'à un certain point des Ouvrages
estimables , ou du moins assez fameux
pour mérirer d'être connus. Ce
seront là , comme je l'espere , les avantages
de mon travail sur Montaigne. Je
II. Vol. Pentre284
MERCURE DE FRANCE
•
l'entrepreds pour ceux qui ne lisent point
cet Auteur , rebutez par ce qui leur paroît
de grossier et de barbare dans son
langage et pour ceux qui ne l'entendent
qu'avec peine , faute d'habitude avec nos
anciens Ecrivains. Je veux leur faire connoître
l'homme du monde , qui en s'étudiant
et se peignant lui-même , a le
mieux connu et le mieux développé le
coeur de l'homme. Je veux les mettre
en état de lire avec plaisir un Ouvrage
de Morale également agréable et solide.
Mais qui n'en connoît pas le mérite ? Et
pourrois - je ajoûter quelque chose aux
louanges que lui ont données les plus celebres
Ecrivains des deux derniers siecles?
On peut voir ces éloges dans les dernieres
Editions de Paris et de Hollande
mais ce que tout le monde ne sçait pas
et n'est pas à portée de sçavoir , c'est que
sans parler de Charron , ( 1 ) ceux qui depuis
60. ou 85. ans ont écrit avec le plus
(1 ) Charron fit un merveilleux cas des Essais de
tet Auteur , et en adopta plusieurs maximes . On
peut croire sans témerité que celui de ces deux Amis
qui eût du instruire l'autre en fut le Disciple
et que le Théologien appret plus de choses du
Gentilhomme , que celui - cy du Théologien . Il y a
dans les Livres de la Sagesse une infinité de pensées
qui avoient paru dans les Essais de Montaigne.
Dictionnaire de Bayle , Article Charron.
11. Vol.
de
JUIN. 1733. 1285
de succès sur la Morale , comme M. de
la Rochefoucault , M. de la Bruyere , &c.
et ceux mêmes qui en ont écrit le plus
chrétiennement , comme Mrs Paschal et
Nicole , ont pris dans Montaigne une
partie de ce qu'ils ont de meilleur. Je
sçai même de bonne part que M. Paschal
, entr'autres , l'avoit toujours entre
les mains ; et qu'il n'y avoit point de Livre
qu'il eût plus médité. Ecoutons ce
qu'il en dit , c'est en deux mots la plus
forte louange qu'on ait donnée à Mon,
taigne , et en même-temps la plus bonorable
pour lui par la qualité du Panégyriste
: Ce que Montaigne a de bon , ditil
, ne peut être acquis que difficilement ;
ce qu'il a de mauvais , j'entens hors les
moeurs , eût pu être corrigé dans un moment ,
si on l'eût averti qu'il faisoit trop d'histoi
res et qu'il parloit trop de soy.
Ce n'est pas ici le lieu d'examiner si
ce Jugement de M. Paschal sur Montaigne
, est exactement vrai dans toutes
ses parties ; mais il est toujours certain
qu'on peut distinguer dans cet Auteur ,
comme dans plusieurs autres , les deffauts
de l'Ecrivain et les deffauts de l'homme ,
et qu'il ne lui eût pas été également facile
de corriger dans son Livre ces deux
sortes de deffauts . Il n'en est pas de même
II. Vel.
1286 MERCURE DE FRANCE .
à mon égard je puis corriger dans un
moment ce que Montaigne a de mauvais
du côté des moeurs. Il ne m'en coûtera
pas davantage pour corriger une pensée
libertine ou un trait licentieux , que
pour supprimer une pensée simplement
fausse , ou un trait d'Histoire peu interessant
; et il me sera aisé par quelques retranchemens
, de rendre son Livre également
propre à former le coeur et l'esprit ;
je ne dirai point que M.Paschal éroit peutêtre
un peu trop sévere ; qu'on pourroit
donner un bon sens à quelques Endroits
des Essais qui ont principalement donné
licu à sa Critique. Je passe de bonne foi
condamnation sur cet article. J'examinerai
dans un Discours exprès sur Montaigne
, jusqu'à quel point on peut l'excuser
; mais j'avoue aujourd'hui qu'il est
impossible de le justifier entierement , et
ce mêlange de choses utiles et dangereuses
pour les moeurs , qui se trouve dans
son Ouvrage , est un des principaux motifs
qui m'ont fait entreprendre celui que
je prépare. Je ne crois pas que les personnes
vrayement raisonnables ayent grand
regret à ce qu'il me faudra supprimer
dans ma Traduction , ce n'est pas assurément
ce qu'il y a de plus beau dans
l'Original.
II. Val
Quelque
JUIN. 1-33 : 1287
Quelque estime que jaye pour Moitaigne,
je ne conviens pas qu'il se soutienne
également par tout ; ainsi outre les retranchemens
dont je viens de parler je
ne me ferai point de scrupule de suppri
mer tout ce qui me paroîtra peu capable
de plaire. Je ne veux pas dire que je retrancherai
toutes les pensées fausses, tous
les raisonnemens peu solides qu'on lui
a reprochez ; ce seroit priver les Lecteurs
d'une infinité de choses très agréa
bles. Il y a un faux grossier qui rebute
et qui révoltes je ne ferai point grace à
celui là , mais il y a un faux délicat et
spécieux plus picquant quelquefois et
plus amusant que le vrai mêine. C'est
Souvent en deffendant une mauvaise cause
qu'un habile Avocat montre plus d'esprit
et d'éloquence.
En géneral cette espece de Traduction
sera extrêmement libre , sans quot je ne
crois pas qu'on la pût lire avec plaisir ,
mais je n'aurai pas moins d'attention à
faire ensorte qu'on y sente et qu'on y
reconnoisse bien le caractere de Montaigne.
Quelquefois je prendrai seulement
le fond de sa pensée et je lui donnerai
un tour different de celui dont il s'est
servi . J'abregerai ses Histoires et les raconterai
à na maniere. Au lieu de le
II. Vol Bv
suivre
1285 MERCURE DE FRANCE
suivre dans son désordre , j'essayerai de
le corriger jusqu'à un certain point , de
mettre un peu plus de suite dans ses
idées et de les arranger d'une maniere ,
si non plus naturelle , au moins plus raisonnable
. Enfin je pousserai la liberté jusqu'à
ajouter , lorsque je croirai le pouvoir
faire utilement ou agréablement pour le
Lecteur.
Je ne ferai point difficulté de me servir
de quelques mots , qui , quoique vieillis ,
ne sont pourtant pas absolument hors
d'usage , lorsque je ne pourrai les rendre
par aucun autre , ou même lorsque ceux
qu'on leur a substituez me paroîtront
moins forts et moins expressifs. La Langue
Françoise s'est extrémement enrichie
depuis Montaigne ; mais il faut convenir
aussi que nous avons perdu plusieurs mots
qui n'ont point été remplacez , ou qui ne
Font été qu'imparfaitement , c'est à - dire
ausquels on n'a point fait succeder de
Synonimes parfaits . Il eût bien mieux
valu acquérir et ne ricn perdre , et par
conséquent il est à propos de prévenir
de nouvelles pertes en conservant d'anciennes
expressions qui font partie de la
richesse de notre Langue , et que nous ne
pourrions perdre sans nous appauvrir ,
puisque nous n'en avons point d'autres
II. Vol.
JUIN. 1733. 1289
à mettre à leur place. D'ailleurs on se
sert encore dans la conversation de quelques-
unes de ces expressions , quoiqu'on
les ait presque bannies des Livres. Ainsi
en les employant je conserverai d'autant
mieux le caractere de Montaigne , qui
fait profession d'écrire d'un stile naïf et
familier , tel sur le papier qu'à la bouche.
Pour mieux faire connoître Montaigne
et sur tout pour donner quelque idée
des agrémens de son stile , de ces tours
heureux et de ces expressions de génie
dont il est plein , je rapporterai quelquefois
au bas des pages ses propres paroles
et les endroits de son Texte qui me
paroîtront les plus singuliers et les plus
frappans. Cet Extrait sera sans doute ce
qu'il y aura de plus agréable dans mon
Livre ; mais je pense aussi que si je le.
donnois tout seul et sans une Traduction
suivie du Texte même , il ne plairoit
point à la plupart de ceux que j'ai
principalement en vûë. J'en ai pour garant
le Livre qu'on a donné au Public
sous le titre de Pensées de Montaigne ,
propres à former l'esprit et les moeurs. Ce
Livre n'a point eû de succès et il ne pouvoit
en avoir ; il est inutile à ceux qui
sont en état de lire Montaigne avec plai
sir ; outre que ces Pensées séparées de ce
II. Vol.
B vj qui
1200 MERCURE DE FRANCE
à ceux
qui les précede et de ce qui les suit dang
le corps de l'Ouvrage n'ont plus la même
force ni la même grace ; quant
à qui la lecture de Montaigne n'est pas
agréable , par les raisons que j'ai dites ,
on voit bien que cer Extr it où l'on n'a
presque rien changé pour le stile doit
avoir pour eux à peu près les mémes
inconvéniens que l'Ouvrage entier.
Il ne me reste plus qu'à mettre sous
les yeux du Lecteur un Essai de mon
travail , il en jugera mieux par là que
par tout ce que je lui en pourrois dire.
Je ne crois pas qu'on désaprove mon
Projet , il me paroît évidemment bon ,
mais j'ai bien lieu de craindre que l'execution
n'y réponde pas. C'est sur ce point et
principalement sur la maniere d'executer
mon Projet , que je prie les personnes
habiles de vouloir bien me donner leurs
avis. Je les leur demande avec un désir
sincere de les obtenir et d'en profiter. Si
je ne puis pas être toujours docile , du
moins je serai toujours reconnoissant:
ESSAIS DE MONTAIGNE,
Livre Premier , Chapitre Premier.
Par divers moyens on arrive à pareille fin.
La soumission , l'humble priere , les
II Vol larmes
JUIN Ú I N.
1298 . 1733 .
farmes , sont le moyen
le plus ordinaire
d'amollir
les coeurs de ceux qu'on a
off nsez , lorsqu'ayant
la vengeance
en
main ils nous tiennent à leur mercy . Parlà
, on les excite à la pitié. Cependant
l'a
fermeré
, la résolution
et même les bravades
, moyens
tout contraires
, ont quelquefois
produit
le même effet en donnant
au vainqueur
de l'estime
, et de l'a
miration
pour le vaincu . Edouard
, ( 1 )
Prince de Gilles , grand homme
en toutes
manieres
, ayant été sensiblement
offensé
par les Limousins
, assiegea
Limoges
et la prit d'assaut
; tout fut abandonné
à l'épee du Soldat , sans distinction
d'âge ni de sexe. Lorsqu'il
fut entré dans
la Ville , les femmes
, les enfans , tout
le Peuple , se jetterent
à ses pieds et lui
demanderent
la vie avec les cris les plus
touchants
; rien ne put l'arrêter
. Mais
avançant
toujours
, il apperçut
trois Gentilshommes
François
, qui avec une hardiesse
incroyable
, soutenoient
seuls l'effort
de son Armée
victorieuse
; la conderation
et le respect d'une si rare valeur,
fit sur lui ce que n'avoient
pû faire les
cris d'un Peuple expirant
. Sa colere 'ap-
(1 ) Pere de l'infortuné Richard II et Fils d'E
douard III. Roy d'Angleterre. Cette Notte et les.
suivantes , sont prises de l'Edition de M. Coste
II. Vol.
paisa
1292 MERCURE DE FRANCE
paisa , et il commença par ces trois vaillants
hommes à faire miséricorde à tous
les autres habitans.
Scanderberg , Prince de l'Epire , poursuivant
un de ses Soldats pour le tuer ;
ce Soldat , après avoir inutilement essayé
de l'appaiser par toute sorte d humilité
et de prieres , se résolut à toute extrémité
de l'attendre l'épée à la main.
Cette action hardie arrêta la furie de
son Maître , qui lui pardonna pour lui
avoir vû prendre un si honorable parti.
Er qu'on ne dise pas que le Soldat déterminé
à se bien deffendre , fit peut- être
quelque peur au Prince ; sa valeur extraordinaire
est trop connue pour permettre
un pareil soupçon.
L'Empereur Conrad , troisième , ayant
assiegé Winsberg , où étoit renfermé
Guelphe , Duc de Baviere , ne voulut jamais
condescendre à de plus douces conditions
, quelques viles et lâches satisfactions
qu'on lui offrît , que de permettre
aux Dames qui étoient dans la Ville d'en
sortir à pied , leur honneur sauf , avec
ce qu'elles pourroient emporter sur elles .
Ces femmes , d'un coeur magnanime , s'aviserent
de charger sur leurs épaules leurs
maris , leurs enfans , et le Duc même.
L'Empereur prit si grand plaisir à voir
11. Vol. cette
JUIN. 1733. 1293
cette génereuse tendresse , qu'il en pleura
de joye. Dèslors il cessa de haïr le Duc
de Baviere et en usa très - bien avec lui
dans la suite.
·
Ces exemples prouvent d'autant mieux
ce que j'ai avancé en commençant , c'està
dire , que la résolution et le courage
sont quelquefois plus propres à adoucir
les coeurs que la soumission , qu'on voit à
de grands hommes assaillis , pour ainsi
dire , et essayez par ces deux moyens , en
soutenir l'un sans s'ébranler et fléchir
sous l'autre, ils m'emporteroient aisément
tous les deux , car je suis naturellement
tres miséricordieux et tres - doux . Cependant
je me rendrois plus aisément
encore par pitié , que par tout autre
motif. La seule compassion du malheur
suffiroit sans l'admiration de la vertu .
Cette disposition n'est pourtant guéres
stoïcienne ; ces Philosophes condamnent
la pitié comme une passion vicieuse et indigne
du Sage ; ils veulent qu'on secoure
les malheureux , qu'on console les affligez
, mais ils ne veulent pas qu'on leur
compatisse et qu'on soit touché de leurs
maux . On dire
peut
de
que rompre son
coeur à la pitié , c'est un effet de la facilité
et de la molesse du temperament
d'où il arrive que les naturels les plus
II. Vol. foi294
MERCURE DE FRANCE
foibles , comme les erfans et les femmes,
et ceux qui ne sont pas endurcis l'expar
périence, comme la plupart des personnes
du peuple se laissent aisément toucher
de compassion . Ainsi , quand après
avoir dédaigné les larmes et les pleurs ,
on se rend à la vue d'une action coura
geuse , on fait voir en même temps la
force de son ame , et son affection pour
l'honneur et la vertu .
Néanmoins la fermeté et la hauteur
peuvent aussi réussir sur les ames les
moins g nereuses , sur le Peup e même ,
soit en inspirant de l'estime, soit en donnant
de la crainte ; témoin les Thébains.,.
( 1 ) qui ayant formé en justice une accusation
capitale contre leurs Generaux,
pour avoir continué leur Charge au delà
du temps qui leur avoit été prescrit ,
eurent bien de la peine à absoudre Pélopidas
qui plioit sous le faix de leurs accusations
, et ne se deffendoit qu'en demandant
grace , au lieu qu'Epaminon
das venant à raconter magnifiquement
ses grandes actions , et les reprochant an
Peuple avec fierté , il n'eut pas le coeur
de prendre seulement les Balotes en
main et l'assemblée se sépara , loüanť
( 1 ) Plutarque , dans son Traité , où il examine
comment on peut se loüer soi-même ,, ch . S.
11. Vol. hau
JUIN. 1733. 1295
hautement la noble assurance de ce grand
homme .
Le vieux Denys - Tyran de Syracuse
ayant pris la Ville de Khege , après des
longueurs et des difficultez extrêmes , voulut
faire un exemple de vengeance qui
pût épouvanter ses ennemis en la personne
du Capitaine Phiton ( 1 ) , Grand
Homme de bien , qui avoit deffendu la
Place avec la derniere opiniâtreté. Il lui
dit d'abord , comment le jour précédent
il avoit fait noyer son propre fils et tous
ses parens. A quoi Phiton répondit seu
lement qu'ils en étoient d'un jour plus
heureux que lui ; ensuite pour joindre l'ignominie
à la cruauté , il le fit traîner tout
nud par la Ville , et charger en cet état
de coups et d'injures ; mais Phiton parut
toujours ferme et constant , publiant
à haute voix , l'honorable et glorieuse
cause du traitement indigne qu'on lui
faisoit souffrir. Alors Denys lisant dans
les yeux d'un grand nombre de ses Soldats
, qu'au lieu de s'irriter des bravades
de cet ennemi , ils paroissoient vouloir se
mutiner , et même arracher Phiton d'entre
les mains des Bourreaux , sutpris et
touchez d'une vertu si rare , il fit cesser
( 1) Diodore de Sicile, liv. 14. ch . 29.
II. Vol
son
1296 MERCURE DE FRANCE
son supplice et l'envoya secretement
noyer à la Mer.
Au reste il ne manque pas d'exemples
contraires à ceux- cy ; ce qui fait voir l'inconstance
; et si cela se peut dire , la variation
de l'homme. Dans les mêmes circonstances
il agit différemment et reçoit
des mêmes objets des impressions tout
opposées , d'où il s'ensuit qu'il n'est pas
sûr d'en juger d'une maniere constante et
uniforme. Pompće pardonna à toute une
Ville , contre laquelle il étoit fort irrité ,
en considération de la magnanimité d'un
de ses habitans , qui se chargeoit seul de
la faute publique , et ne demandoit autre
grace que d'en porter seul la peine . Sylla ,
au contraire , dans une occasion semblable
, n'eut aucun égard à une pareille générosité.
Mais voicy un exemple plus directement
contraire encore aux premiers que
j'ai rapportez. C'est Alexandre qui me le
fournit : Ce Héros aussi gracieux aux
vaincus que redoutable aux ennemis
aussi doux après la victoire , que terrible
dans le combat. En forçant la Ville de
Gaza après la glorieuse résistance de Bétis
qui y commandoit , il rencontra ce
Vaillant homme seul et abbandonné des
II.Vol. siens ,
JUIN.
1733.
1297
siens , presque désarmé , tout couvert
de sang et de playes , combattant encore
au milieu d'une Troupe de Macedoniens
qui l'environnoient de toutes parts, piqué
d'une victoire si cherement acheptée ,
car entr'autres dommages , il avoit reçu
deux blessures en ce Siége , ( 1 ) Bétis , lui
dit-il , tu ne mouras pas , comme tu las
souhaité , attens toy aux plus horribles
tourmens. Mais Bétis ne daigna pas seulement
lui répondre et se contenta de le
regarder d'un air fier et insultant . Voyezvous
, dit alors Alexandre , cet orgueilleux
silence ? a-t- il fléchi le génoüil ? at-
il dit une parole de soumission ? je
vaincrai ce silence obstiné , et si je n'en
tire autre chose ,j'en tirerai pour le moins
des gemissemens. Alors enflammé de
colere , il traita Bétis vivant , comme
Achille avoit traité Hector mort. Seroitce
donc que la force de courage lui fut
si naturelle et si familiere,que ne l'admirant
point , il la respectât moins ? Seroitce
envie , comme s'il n'eut appartenu
qu'à lui d'être vaillant jusqu'à un certain
point ? Seroit-ce enfin pur emportement,
et l'effet d'une colere incapable d'être
arrêtée ? Quel horrible carnage ne fit - il
point faire encore dans la prise de The-
( 1 ) Quint. Curt. liv. 4.
11. Vol. bes
,
1298 MERCURE DE FRANCE
bes , plus de 6000 hommes furent passez
au fil de l'épée , sans qu'aucun d'eux prit
la fuite , ni demandât quartier.La mort de
tant de vaillants hommes n'excita aucune
pitié dans le coeur d'Aléxandre , et
un jour ne suffit pas pour assouvir sa vangeance.
Le carnage ne s'arrêta qu'à ceux
qui étoient désarmez , aux vieillards
aux femmes , et aux enfans , et il en fut
fait 30000 Esclaves.
CHAPITRE II.
De la Triftesse.
Je suis des plus exempts de cette pas
sion , qui me paroît non - seulement haïssable
, mais méprisable , quoique le monde
ait pour elle un certain respect ; il en
habille la sagesse , la vertu , la dévorion ,
sot et vilain ornement. J'aime bien mieux
les Italiens; dans leur Langue, Tristezza ,
veut dire , malignité ; en effet , c'est une
passion toujours nuisible , déraisonnable,
qui a même quelque chose de foible
et de bas , et c'est sur tout en cette derniere
qualité que les Stoïciens , les plus
fiers de tous les Philosophes , en deffendent
le sentiment à leur Sage. Mais mon
dessein icy n'est pas tant de la considerer
moralement , que physiquement , et sur
II. Vol.
cela
JUIN. 1733 1299
cela voici quelques traits d'histoire assez
singuliers.
;;
Psammenite ( 1 ) , Roy d'Egypte , ayant
été défait et pris par Cambises , Roy de
Perse , vit passer devant lui sa fille prisonniere
, vétue en esclave , qu'on envoyoit
puiser de l'eau ; plusieurs de ses
sujets qui étoient alors auprès de lui ne
purent retenir leurs larmes pour lui il
ne donna d'autre marque de douleur que
de rester en silence , la vuë baissée . Voyant
ensuite qu'on menoit son fils à la mort
il ne changea point de contenance ; mais
enfin ayant aperçu un de ses Domestiques
qu'on conduisoit parmi les captifs ,
il donna les marques du dernier déses
poir .
La même chose arriva à un de nos Prin
ces , qui reçut avec une constance extrê
me la nouvelle de la mort de son frere
aîné , qui étoit l'appui et l'honneur de sa
Maison ; et bien- tôt après , celle de la
mort d'un second frere , sa seconde esperance
; mais comme quelques jours après
un de ses gens vint à mourir , il se laissa
emporter à ce dernier accident , et s'abandonna
aux larmes et aux regrets , de
maniere même que quelques- uns en prirent
occasion de croire qu'il n'avoit été
( 1 ) Herod. liv. 3.
II. Vol, bien
1300 MERCURE DE FRANCE
ge
bien touché que de cette derniere mort ;
mais la verité est qu'étant déja plein et
comblé de tristesse , la moindre surchar
l'accabla , et lui fit perdre enfin toute
patience . On pourroit dire la même chose
de Psamménite , si ce n'est qu'Hérodote
, dont j'ai tiré ce trait d'histoire ,
ajoute que Cambises demandant à ce
malheureux Roy , pourquoi n'ayant pas
paru fort touché du malheur de son fils
et de sa fille , celui de ses amis lui avoit
été si sensible ; c'est , répondit- il , que ce
dernier malheur se peut signifier par des
larmes au lieu que l'autre est au - dessus
de toute expression. Il y a du vrai dans
cette réponse , mais il me semble que ce
m'étoit pas à Psammenite à la faire ; convient-
il à un homme extrêmement affligé
de philosopher sur la douleur ?
Niobé changée en Rocher , après la
mort de tous ses Enfans , est une fiction
qui exprime assez heureusement l'état
de stupidité où jette une douleur extrê
me( i ) ne nous arrive-t- il pas au premier
instant d'une fâcheuse nouvelle de
nous sentir saisis , sans action et sans
mouvement , et ensuite de pleurer , de
nous plaindre ; l'ame se relâchant , pour
( 1 ) Cura leves loquuntur , ingentes stupent. Se
meq. Hypol. act . 2.
II. Vol. ainsi
JUIN. 1733. 1301
ainsi dire , et se mettant plus au large et
plus à son aise.
Dans la Guerre du Roy Ferdinand ,
contre la veuve du Roy Jean de Hongrie
, un Officier entre les autres , attira
sur lui les yeux de toute l'Armée par son
extrême valeur ; chacun lui donnoit des
loüanges sans le connoître , et étant mort
dans cette Bataille où il avoit donné tant
de preuves de courage , il fut extrêmement
regrété, sur tout d'un Seigneur Allemand
, charmé d'une si rare vertu. Le
corps du mort étant rapporté , celui- cy
s'approcha , comme beaucoup d'autres ,
par curiosité, et il reconnut son fils. Cela
augmenta la compassion des assistans. Lui
seul , sans rien dire , sans répandre une
larme, se tint debout, regardant fixement
le corps de son fils , jusqu'à ce qu'il tomba
enfin roide mort.
Il en est de l'amour comme de la tristesse
; qui peut dire à quel point il aime.
Aime peu , dit Pétrarque. Aussi n'est- ce
pas dans les instans où le sentiment de
l'amour est le plus vif , qu'on est le plus
propre à en persuader l'objet aimé par
ses paroles , et même par ses actions. En
general, toute passion qu'on peut examiner
et sentir avec reflexion n'est que médiocre.
La surprise d'un plaisir inattendu
II. Vol.
pro
1302 MERCURE DE FRANCE
produit sur nous le même effet qu'une
douleur soudaine. Une femme Romaine
mourut de joïe en voïant son fils de re
tour après la Bataille de Cannes. Sophocles
et Denys le Tyran moururent de la
même maniere , au rapport de Pline ( 1 ) ,
pour avoir remporté le Prix de la Tragédie.
Talva mourut en Corse , en lisant
la nouvelle des honneurs que le Sénat
de Rome lui avoit décernez . La prise
de Milan , que le Pape Leon X. avoit
extrêmement souhaitée , lui causa une
joïe si vive , qu'il lui en prit une grosse
fiévre , dont il mourut . Enfin , pour citer
quelque chose de plus fort encore , Diodore
le Dialecticien mourut sur le champ
en son Ecole , honteux , ou pour mieux
dire , désesperé de ne pouvoir se démêler
d'une mauvaise difficulté qu'on lui faisoit
; pour moi je n'éprouve point de ces
violentes passions ; mon ame est plus forte
et moins sensible , et elle se fortifie
encore tous les jours par mes réfléxions.
( 1 ) Plin. Natur. Hist. liv. 7. ch. 53. Pudore
Diodorus sapientia dialectica Professor lusoriâ quastione
non protinus ad interrogationes Stilponis dissolute
.
II.Vol. CHAS
JUI N. 1733- 1303
•
CHAPITRE IV.
Que l'ame dans ses passions se prend à des
objets faux et chimériques , quand les
vrais lui manquent.
Un Gentilhomme de mon Païs , tres
sujet à la goutte, étant pressé par les Médecins
de quitter absolument l'usage des
Viandes salées , avoit coutume de répondre
assez plaisamment, que dans les douleurs
que son mal lui faisoit souffrir , il
vouloit avoir à qui s'en prendre , et que
maudissant tantôt le Cervelas , tantôt la
Langue de Boeuf et le Jambon , il se sentoit
soulagé. Le bras étant haussé pour
frapper , on ressent de la douleur si on
manque son coup. Une vue pour être
agréable , ne doit pas être trop étenduë
mais plutôt bornée à une certaine distance.
Le vent perd sa force en se répandant dans
un espace vuide , à moins que des Forêts
touffuës ne s'opposent à son passage ( 1 ).
De même , il semble que l'ame ébranlée
et émuë se perd en soy même , si on ne
lui donne quelque objet où elle se pren-
( 1 ) Ventus ut amittit vires , nisi robore densa ,
Occurrant silva, spatio diffusus inani.
Lucan. liv. 3.
II. Vol.
ne , C
#304 MERCURE DE FRANCE
ne , pour ainsi dire , et contre lequel
elle agisse. Plutarque dit, au sujet de ceux
qui s'attachent à un Singe , à un petit
Chien , à des Oiseaux , que la faculté
d'aimer qui est en nous , se jette en quelque
sorte sur ces objets ridicules , faute
d'autres , et plutôt que de demeurer inutile
et sans action .
Souvent en s'attachant à des Phantômes vains
Notre raison séduite , avec plaisir s'égare ;
Elle-même jouit des objets qu'elle a feints ;
Et cette illusion pour quelque temps répare
Le deffaut des vrais biens que la nature avare
N'a pas accordez aux humains ( 1).
Les Bêtes s'attaquent à la Pierre et au
Fer qui les a blessées , et leur rage les emporte
jusqu'à se vanger à belles dents
sur elles- mêmes du mal qu'elles sentent.
Nous inventons des causes chimériques
des malheurs qui nous arrivent ; nous
nous en prenons aux choses inanimées, et
nous tournons notre colere contre elles.
Arrêtez- vous , calmez -vous , aimable et
( 1 ) J'ai mis ces beaux Vers de M. de Fontenelle
, pour rendre ces paroles de Montaigne
Nous voions que l'ame en, ses passions se pipe plutôt
elle-même , se dressant un sujet faux et fantastique
, voire contre sa propre créance , que de n'agir
contre quelque chose,
II.Vol tenJUIN
. 1733
1305
tendre soeur qui pleurez si amérement ce
frere genereux que le sort aveugle des
armes vient de vous enlever dans la fleur
de son âge ; ces belles tresses blondes que
vous arrachez , ce Sein d'une blancheur
éclatante que vous déchigez , ne sont
pas la cause de sa mort.
-
Tite Live parlant de l'Armée Romaine
en Espagne , après la perte des deux
illustres Freres qui la commandoient ,
chacun , dit- il , se prit aussi - tôt à pleurer
et à se battre la tête. C'est un usage
commun dans les grandes afflictions ; mais
rien n'est plus plaisant que ce mot du
Philosophe Bion , au sujet d'un Roy qui
s'arrachoit les Cheveux de désespoir: Pense-
t-il que la Pelade appaise la douleur.
On a vu des Joueurs furieux de la perte
de leur argent , manger les Cartes et engloutir
les Dez. Xercés foüetta la Mer
et envoya un Cartel de deffi au Mont
Athoz. Cyrus employa toute son armée
pendant plusieurs mois à se vanger de la
Riviere de Gyndus , dans laquelle il avoit
couru risque de périr en la passant.Caligula
( 1 ) fit abbatre une très- belle maison
où sa mere avoit été enfermée quelque
temps, comme en prison , à cause du
déplaisir qu'elle y avoit eu.
( 1 ) Senec, de ira , liv. 3. ch. 22 .
II.Vol. Lo
Cij
356 MERCURE DE FRANCE
Le Peuple disoit en ma jeunesse , qu'un
Roy de nos voisins ayant été puni de
Dieu miraculeusement , à peu près comme
Héliodore , fut battu de Verges dans
le Temple de Jerusalem , il défendit , pour
s'en vanger , qu'on le priât, qu'on parlât
de lui , et même qu'on crût en lui pendant
dix ans ; par où l'on vouloit faire
connoître,non pas tant la sottise , que la
vanité naturelle à la Nation dont on faisoit
ce conte ; au reste il n'y a point de vanité
sans sottise , mais de telles actions
tiennent encore plus de l'orgueil et de
l'audace insolente , que de la bétise . Auguste
( 1 ) ayant essuyé sur Mer une violente
tempête , se mit à menacer Neptune
et deffendit qu'on portât son image
aux Jeux du Cirque , avec celles des autres
Dieux. Après la défaite de Varus en
Allemagne , il donna des marques d'une
douleur extraordinaire , jusqu'à frapper
de la tête contre la muraille , et on l'entendoit
s'écrier incessamment : Varus
rend moi mes Légions ; il n'y a en ceci
de la folie, mais c'est folie et impiété
que
tout ensemble de s'addresser à Dieu même
ou à la fortune , comme si elle avoit
des oreilles pour entendre nos imprécations
. Les Thraces tiroient contre le Ciel
(1 ) Suetone , dans la vie d'Auguste.
JI. Vol.
quand
JUIN.
1307
1733.
quand il tonnoit , comme pour ranger
Dieu à la raison , à coups de Fléches ; c'étoient
de vrais Titans . Un ancien Poëte ,
cité par Plutarque ( 1 ) , dit ,
Point ne se faut courroucer aux affaires ;
Il ne leur chaut de toutes nos coleres .
C'est à nous mêmes , c'est au dérégle
ment de notre esprit qu'il faut s'en prendre
de la plus grande partie de nos maux;
c'est à lui qu'il faut dire des injures , et
nous ne lui en dirons jamais assez .
Essais de Montaigne , &c .
J
E veux consulter les Gens de Lettres
et pressentir le goût du Public sur
un Ouvrage qui sera bien - tôt en état
de paroître , si j'apprends qu'on approu
ve l'idée et l'échantillon que je vais en
donner.
Cet Ouvrage est une espece de Traduction
de Montaigne. A ce mot de
Traduction d'un Livre François ,j'entends
déja les Plaisans m'appliquer le Vers de
M. Despréaux.
Le fade Traducteur du François d'Amyot.
A la place d'Amyot , on mettra Montaigne
, et heureusement pour la plaisanterie
, la mesure du Vers n'en souffrira
point ; il me semble pourtant que la raillerie
seroit mal fondée en cette occasion ."
On auroit raison de se mocquer d'une
Traduction d'un Auteur ancien qui paroîtroit
faite sur une Traduction précédente
plutôt que sur l'original . Ce seroit
une preuve de l'ignorance ou de la
paresse du Traducteur. Il faut traduire
II. Vol. B sur
504
sur l'Original même , quand il reste ; voilà
la regle et le meilleur moyen de réüssir.
Tout ce qui est permis , s'il y a déja
une Traduction de l'Ouvrage en ques
tion , c'est de s'en aider , et non pas de
la prendre pour guide , encore moins de
se contenter simplement de la retourner.
Mais si par impossible nous avions perdu
P'Original d'un Auteur Grec ou Romain ,
traduit en notre Langue dans le 16. siecle
, et qu'il ne nous en restât plus que
la Traduction , je crois que ce seroit rendre
service au Public de la réformer
d'en corriger les tours et les expressions *
qui auroient vieillis ; en un mot ,
de traduire
la Traduction même , afin de la
mettre en état d'être lûë du commun
des Lecteurs , pour qui la Langue Françoise
, telle qu'on la parloit et qu'on l'écrivoit
il y a 200, ans , est presque inintelligible
, ou du moins fort désagréable
.
Il est évident que ce qui seroit utile
par rapport à une Traduction devenuë
en quelque sorte Original par la perte
de l'Ouvrage ancien , ne le seroit pas
moins par rapport à un Original même.
Je veux dire par rapport à un Ouvrage
composé avant le changement conside
rable qui est arrivé dans notre Langue.
II. Vol.
Or
JUIN. 17330 1281
Or tel est le Livre fameux des Essais
de Montaigne ; il me semble même qu'à
mérite égal , nous devrions être plus curieux
de pouvoir lire avec plaisir l'Ouvrage
d'un de nos Compatriotes , que
celui d'un Grec ou d'un Romain.
Voici donc les raisons qni me font
juger qu'une espece de Traduction des
Essais de Montaigne pourroit être utile
et agréable au Public. Montaigne si moderne
dans sa maniere de penser , également
fine et judicieuse , est beaucoup
plus vieux , quant au stile , que la plupart
des Auteurs ses contemporains , plus
vieux , par exemple , qu'Amyot et que
Charron . La Langue , dans laquelle il a
écrit , n'est presque plus celle qu'on parle
maintenant; son Livre n'est presque plus
un Livre François . Outre plusieurs mots
de son invention qu'on ne trouve que
chez lui , il en employe un grand nom
bre qui depuis long-temps ont cessé d'être
en usage , et qui même étoient déja
vieillis lorsqu'il écrivoit. Mais sa maniere
d'écrite differe encore plus de la
nôtre les tours que par
par
les mots. Il
est assez rare d'en rencontrer quelqu'un
dans les Essais dont on pût se servir
aujourd'hui , et c'est là principalement ce
qui le rend obscur . Disons tout la
pu-
11. Vol. Bij reté
1282 MERCURE DE FRANCE
grammaticale contribuë infiniment à la
netteté du stile ,et Montaigne n'étoit rien
moins que puriste ; son stile est vifet brillant
, mais peu correct et peu exact pour
son temps même. Il est plein de négligences,
de barbarismes, d'équivoques , de
constructions louches , et il naît de tous
ces défauts un grand désagrément pour
la plupart des Lecteurs , dont le principal
est , comme je l'ai dit , la difficulté
d'entendre. J'avoue que notre ancien langage
a bien des graces pour ceux qui y
sont accoûtumez ; ils en regrettent la
fotce et la naïveté ; mais tous les autres.
et sur tout les femmes , le trouvent bas
et grossier.
Aussi Montaigne , si celebre et si estimé,
est- il assez peu lû.Sur sa grande réputation
on désire de le connoître, pour cela
on lit quelques Chapitres de ses Essais
mais on est bien - tôt las et dégoûté. La
lecture de ce Livre , si amusant en luimême
, est devenue une étude et un travail
, encore n'entend - on pas tout ce
qu'on lit. Pour moi j'avoue qu'il me reste
encore bien des Passages dans cet Auteur
dont il me faudra chercher l'éclaircissement
auprès des Gens de Lettres , si j'execute
le Projet de le rajeunir et de l'ha
biller à la moderne.
·11. Vol. Mais
JUIN . 1733. 1283
Mais ne craignez vous point , me dirat'on
, d'affoiblir Montaigne , en lui ôtant
son vieux langage , de le défigurer en
voulant le corriger ? Croyez - vous que
votre prétendue Traduction ait les beautez
de l'Original ? Non , sans doute , je
ne le crois pas; mais cette objection ne fait
pas plus contre moi que contre tous les
Traducteurs . Demandez aux Sçavans qui
estiment le plus la Traduction d'Homere
par Madame Dacier , si ce Poëte leur
fait autant de plaisir dans le François que
dans le Grec ; ils vous répondront tous
qu'Homere perd infiniment dans cette
Traduction , qu'elle est de beaucoup inférieure
à l'Original , quoique très- élégante
et très- fidelle ; mais que tel est le
sort de toutes les Traductions d'Ouvrages
de pur agrément ; qu'ainsi ces Traductions
ne sont faites que pour ceux
qui ignorent ou qui ne sçavent qu'im
parfaitement la Langue des Auteurs traduits.
Elles facilitent à ceux - ci la lec
ture des Originaux mêmes , en les aidant
à les entendre , et elles font connoître à
ceux-là jusqu'à un certain point des Ouvrages
estimables , ou du moins assez fameux
pour mérirer d'être connus. Ce
seront là , comme je l'espere , les avantages
de mon travail sur Montaigne. Je
II. Vol. Pentre284
MERCURE DE FRANCE
•
l'entrepreds pour ceux qui ne lisent point
cet Auteur , rebutez par ce qui leur paroît
de grossier et de barbare dans son
langage et pour ceux qui ne l'entendent
qu'avec peine , faute d'habitude avec nos
anciens Ecrivains. Je veux leur faire connoître
l'homme du monde , qui en s'étudiant
et se peignant lui-même , a le
mieux connu et le mieux développé le
coeur de l'homme. Je veux les mettre
en état de lire avec plaisir un Ouvrage
de Morale également agréable et solide.
Mais qui n'en connoît pas le mérite ? Et
pourrois - je ajoûter quelque chose aux
louanges que lui ont données les plus celebres
Ecrivains des deux derniers siecles?
On peut voir ces éloges dans les dernieres
Editions de Paris et de Hollande
mais ce que tout le monde ne sçait pas
et n'est pas à portée de sçavoir , c'est que
sans parler de Charron , ( 1 ) ceux qui depuis
60. ou 85. ans ont écrit avec le plus
(1 ) Charron fit un merveilleux cas des Essais de
tet Auteur , et en adopta plusieurs maximes . On
peut croire sans témerité que celui de ces deux Amis
qui eût du instruire l'autre en fut le Disciple
et que le Théologien appret plus de choses du
Gentilhomme , que celui - cy du Théologien . Il y a
dans les Livres de la Sagesse une infinité de pensées
qui avoient paru dans les Essais de Montaigne.
Dictionnaire de Bayle , Article Charron.
11. Vol.
de
JUIN. 1733. 1285
de succès sur la Morale , comme M. de
la Rochefoucault , M. de la Bruyere , &c.
et ceux mêmes qui en ont écrit le plus
chrétiennement , comme Mrs Paschal et
Nicole , ont pris dans Montaigne une
partie de ce qu'ils ont de meilleur. Je
sçai même de bonne part que M. Paschal
, entr'autres , l'avoit toujours entre
les mains ; et qu'il n'y avoit point de Livre
qu'il eût plus médité. Ecoutons ce
qu'il en dit , c'est en deux mots la plus
forte louange qu'on ait donnée à Mon,
taigne , et en même-temps la plus bonorable
pour lui par la qualité du Panégyriste
: Ce que Montaigne a de bon , ditil
, ne peut être acquis que difficilement ;
ce qu'il a de mauvais , j'entens hors les
moeurs , eût pu être corrigé dans un moment ,
si on l'eût averti qu'il faisoit trop d'histoi
res et qu'il parloit trop de soy.
Ce n'est pas ici le lieu d'examiner si
ce Jugement de M. Paschal sur Montaigne
, est exactement vrai dans toutes
ses parties ; mais il est toujours certain
qu'on peut distinguer dans cet Auteur ,
comme dans plusieurs autres , les deffauts
de l'Ecrivain et les deffauts de l'homme ,
et qu'il ne lui eût pas été également facile
de corriger dans son Livre ces deux
sortes de deffauts . Il n'en est pas de même
II. Vel.
1286 MERCURE DE FRANCE .
à mon égard je puis corriger dans un
moment ce que Montaigne a de mauvais
du côté des moeurs. Il ne m'en coûtera
pas davantage pour corriger une pensée
libertine ou un trait licentieux , que
pour supprimer une pensée simplement
fausse , ou un trait d'Histoire peu interessant
; et il me sera aisé par quelques retranchemens
, de rendre son Livre également
propre à former le coeur et l'esprit ;
je ne dirai point que M.Paschal éroit peutêtre
un peu trop sévere ; qu'on pourroit
donner un bon sens à quelques Endroits
des Essais qui ont principalement donné
licu à sa Critique. Je passe de bonne foi
condamnation sur cet article. J'examinerai
dans un Discours exprès sur Montaigne
, jusqu'à quel point on peut l'excuser
; mais j'avoue aujourd'hui qu'il est
impossible de le justifier entierement , et
ce mêlange de choses utiles et dangereuses
pour les moeurs , qui se trouve dans
son Ouvrage , est un des principaux motifs
qui m'ont fait entreprendre celui que
je prépare. Je ne crois pas que les personnes
vrayement raisonnables ayent grand
regret à ce qu'il me faudra supprimer
dans ma Traduction , ce n'est pas assurément
ce qu'il y a de plus beau dans
l'Original.
II. Val
Quelque
JUIN. 1-33 : 1287
Quelque estime que jaye pour Moitaigne,
je ne conviens pas qu'il se soutienne
également par tout ; ainsi outre les retranchemens
dont je viens de parler je
ne me ferai point de scrupule de suppri
mer tout ce qui me paroîtra peu capable
de plaire. Je ne veux pas dire que je retrancherai
toutes les pensées fausses, tous
les raisonnemens peu solides qu'on lui
a reprochez ; ce seroit priver les Lecteurs
d'une infinité de choses très agréa
bles. Il y a un faux grossier qui rebute
et qui révoltes je ne ferai point grace à
celui là , mais il y a un faux délicat et
spécieux plus picquant quelquefois et
plus amusant que le vrai mêine. C'est
Souvent en deffendant une mauvaise cause
qu'un habile Avocat montre plus d'esprit
et d'éloquence.
En géneral cette espece de Traduction
sera extrêmement libre , sans quot je ne
crois pas qu'on la pût lire avec plaisir ,
mais je n'aurai pas moins d'attention à
faire ensorte qu'on y sente et qu'on y
reconnoisse bien le caractere de Montaigne.
Quelquefois je prendrai seulement
le fond de sa pensée et je lui donnerai
un tour different de celui dont il s'est
servi . J'abregerai ses Histoires et les raconterai
à na maniere. Au lieu de le
II. Vol Bv
suivre
1285 MERCURE DE FRANCE
suivre dans son désordre , j'essayerai de
le corriger jusqu'à un certain point , de
mettre un peu plus de suite dans ses
idées et de les arranger d'une maniere ,
si non plus naturelle , au moins plus raisonnable
. Enfin je pousserai la liberté jusqu'à
ajouter , lorsque je croirai le pouvoir
faire utilement ou agréablement pour le
Lecteur.
Je ne ferai point difficulté de me servir
de quelques mots , qui , quoique vieillis ,
ne sont pourtant pas absolument hors
d'usage , lorsque je ne pourrai les rendre
par aucun autre , ou même lorsque ceux
qu'on leur a substituez me paroîtront
moins forts et moins expressifs. La Langue
Françoise s'est extrémement enrichie
depuis Montaigne ; mais il faut convenir
aussi que nous avons perdu plusieurs mots
qui n'ont point été remplacez , ou qui ne
Font été qu'imparfaitement , c'est à - dire
ausquels on n'a point fait succeder de
Synonimes parfaits . Il eût bien mieux
valu acquérir et ne ricn perdre , et par
conséquent il est à propos de prévenir
de nouvelles pertes en conservant d'anciennes
expressions qui font partie de la
richesse de notre Langue , et que nous ne
pourrions perdre sans nous appauvrir ,
puisque nous n'en avons point d'autres
II. Vol.
JUIN. 1733. 1289
à mettre à leur place. D'ailleurs on se
sert encore dans la conversation de quelques-
unes de ces expressions , quoiqu'on
les ait presque bannies des Livres. Ainsi
en les employant je conserverai d'autant
mieux le caractere de Montaigne , qui
fait profession d'écrire d'un stile naïf et
familier , tel sur le papier qu'à la bouche.
Pour mieux faire connoître Montaigne
et sur tout pour donner quelque idée
des agrémens de son stile , de ces tours
heureux et de ces expressions de génie
dont il est plein , je rapporterai quelquefois
au bas des pages ses propres paroles
et les endroits de son Texte qui me
paroîtront les plus singuliers et les plus
frappans. Cet Extrait sera sans doute ce
qu'il y aura de plus agréable dans mon
Livre ; mais je pense aussi que si je le.
donnois tout seul et sans une Traduction
suivie du Texte même , il ne plairoit
point à la plupart de ceux que j'ai
principalement en vûë. J'en ai pour garant
le Livre qu'on a donné au Public
sous le titre de Pensées de Montaigne ,
propres à former l'esprit et les moeurs. Ce
Livre n'a point eû de succès et il ne pouvoit
en avoir ; il est inutile à ceux qui
sont en état de lire Montaigne avec plai
sir ; outre que ces Pensées séparées de ce
II. Vol.
B vj qui
1200 MERCURE DE FRANCE
à ceux
qui les précede et de ce qui les suit dang
le corps de l'Ouvrage n'ont plus la même
force ni la même grace ; quant
à qui la lecture de Montaigne n'est pas
agréable , par les raisons que j'ai dites ,
on voit bien que cer Extr it où l'on n'a
presque rien changé pour le stile doit
avoir pour eux à peu près les mémes
inconvéniens que l'Ouvrage entier.
Il ne me reste plus qu'à mettre sous
les yeux du Lecteur un Essai de mon
travail , il en jugera mieux par là que
par tout ce que je lui en pourrois dire.
Je ne crois pas qu'on désaprove mon
Projet , il me paroît évidemment bon ,
mais j'ai bien lieu de craindre que l'execution
n'y réponde pas. C'est sur ce point et
principalement sur la maniere d'executer
mon Projet , que je prie les personnes
habiles de vouloir bien me donner leurs
avis. Je les leur demande avec un désir
sincere de les obtenir et d'en profiter. Si
je ne puis pas être toujours docile , du
moins je serai toujours reconnoissant:
ESSAIS DE MONTAIGNE,
Livre Premier , Chapitre Premier.
Par divers moyens on arrive à pareille fin.
La soumission , l'humble priere , les
II Vol larmes
JUIN Ú I N.
1298 . 1733 .
farmes , sont le moyen
le plus ordinaire
d'amollir
les coeurs de ceux qu'on a
off nsez , lorsqu'ayant
la vengeance
en
main ils nous tiennent à leur mercy . Parlà
, on les excite à la pitié. Cependant
l'a
fermeré
, la résolution
et même les bravades
, moyens
tout contraires
, ont quelquefois
produit
le même effet en donnant
au vainqueur
de l'estime
, et de l'a
miration
pour le vaincu . Edouard
, ( 1 )
Prince de Gilles , grand homme
en toutes
manieres
, ayant été sensiblement
offensé
par les Limousins
, assiegea
Limoges
et la prit d'assaut
; tout fut abandonné
à l'épee du Soldat , sans distinction
d'âge ni de sexe. Lorsqu'il
fut entré dans
la Ville , les femmes
, les enfans , tout
le Peuple , se jetterent
à ses pieds et lui
demanderent
la vie avec les cris les plus
touchants
; rien ne put l'arrêter
. Mais
avançant
toujours
, il apperçut
trois Gentilshommes
François
, qui avec une hardiesse
incroyable
, soutenoient
seuls l'effort
de son Armée
victorieuse
; la conderation
et le respect d'une si rare valeur,
fit sur lui ce que n'avoient
pû faire les
cris d'un Peuple expirant
. Sa colere 'ap-
(1 ) Pere de l'infortuné Richard II et Fils d'E
douard III. Roy d'Angleterre. Cette Notte et les.
suivantes , sont prises de l'Edition de M. Coste
II. Vol.
paisa
1292 MERCURE DE FRANCE
paisa , et il commença par ces trois vaillants
hommes à faire miséricorde à tous
les autres habitans.
Scanderberg , Prince de l'Epire , poursuivant
un de ses Soldats pour le tuer ;
ce Soldat , après avoir inutilement essayé
de l'appaiser par toute sorte d humilité
et de prieres , se résolut à toute extrémité
de l'attendre l'épée à la main.
Cette action hardie arrêta la furie de
son Maître , qui lui pardonna pour lui
avoir vû prendre un si honorable parti.
Er qu'on ne dise pas que le Soldat déterminé
à se bien deffendre , fit peut- être
quelque peur au Prince ; sa valeur extraordinaire
est trop connue pour permettre
un pareil soupçon.
L'Empereur Conrad , troisième , ayant
assiegé Winsberg , où étoit renfermé
Guelphe , Duc de Baviere , ne voulut jamais
condescendre à de plus douces conditions
, quelques viles et lâches satisfactions
qu'on lui offrît , que de permettre
aux Dames qui étoient dans la Ville d'en
sortir à pied , leur honneur sauf , avec
ce qu'elles pourroient emporter sur elles .
Ces femmes , d'un coeur magnanime , s'aviserent
de charger sur leurs épaules leurs
maris , leurs enfans , et le Duc même.
L'Empereur prit si grand plaisir à voir
11. Vol. cette
JUIN. 1733. 1293
cette génereuse tendresse , qu'il en pleura
de joye. Dèslors il cessa de haïr le Duc
de Baviere et en usa très - bien avec lui
dans la suite.
·
Ces exemples prouvent d'autant mieux
ce que j'ai avancé en commençant , c'està
dire , que la résolution et le courage
sont quelquefois plus propres à adoucir
les coeurs que la soumission , qu'on voit à
de grands hommes assaillis , pour ainsi
dire , et essayez par ces deux moyens , en
soutenir l'un sans s'ébranler et fléchir
sous l'autre, ils m'emporteroient aisément
tous les deux , car je suis naturellement
tres miséricordieux et tres - doux . Cependant
je me rendrois plus aisément
encore par pitié , que par tout autre
motif. La seule compassion du malheur
suffiroit sans l'admiration de la vertu .
Cette disposition n'est pourtant guéres
stoïcienne ; ces Philosophes condamnent
la pitié comme une passion vicieuse et indigne
du Sage ; ils veulent qu'on secoure
les malheureux , qu'on console les affligez
, mais ils ne veulent pas qu'on leur
compatisse et qu'on soit touché de leurs
maux . On dire
peut
de
que rompre son
coeur à la pitié , c'est un effet de la facilité
et de la molesse du temperament
d'où il arrive que les naturels les plus
II. Vol. foi294
MERCURE DE FRANCE
foibles , comme les erfans et les femmes,
et ceux qui ne sont pas endurcis l'expar
périence, comme la plupart des personnes
du peuple se laissent aisément toucher
de compassion . Ainsi , quand après
avoir dédaigné les larmes et les pleurs ,
on se rend à la vue d'une action coura
geuse , on fait voir en même temps la
force de son ame , et son affection pour
l'honneur et la vertu .
Néanmoins la fermeté et la hauteur
peuvent aussi réussir sur les ames les
moins g nereuses , sur le Peup e même ,
soit en inspirant de l'estime, soit en donnant
de la crainte ; témoin les Thébains.,.
( 1 ) qui ayant formé en justice une accusation
capitale contre leurs Generaux,
pour avoir continué leur Charge au delà
du temps qui leur avoit été prescrit ,
eurent bien de la peine à absoudre Pélopidas
qui plioit sous le faix de leurs accusations
, et ne se deffendoit qu'en demandant
grace , au lieu qu'Epaminon
das venant à raconter magnifiquement
ses grandes actions , et les reprochant an
Peuple avec fierté , il n'eut pas le coeur
de prendre seulement les Balotes en
main et l'assemblée se sépara , loüanť
( 1 ) Plutarque , dans son Traité , où il examine
comment on peut se loüer soi-même ,, ch . S.
11. Vol. hau
JUIN. 1733. 1295
hautement la noble assurance de ce grand
homme .
Le vieux Denys - Tyran de Syracuse
ayant pris la Ville de Khege , après des
longueurs et des difficultez extrêmes , voulut
faire un exemple de vengeance qui
pût épouvanter ses ennemis en la personne
du Capitaine Phiton ( 1 ) , Grand
Homme de bien , qui avoit deffendu la
Place avec la derniere opiniâtreté. Il lui
dit d'abord , comment le jour précédent
il avoit fait noyer son propre fils et tous
ses parens. A quoi Phiton répondit seu
lement qu'ils en étoient d'un jour plus
heureux que lui ; ensuite pour joindre l'ignominie
à la cruauté , il le fit traîner tout
nud par la Ville , et charger en cet état
de coups et d'injures ; mais Phiton parut
toujours ferme et constant , publiant
à haute voix , l'honorable et glorieuse
cause du traitement indigne qu'on lui
faisoit souffrir. Alors Denys lisant dans
les yeux d'un grand nombre de ses Soldats
, qu'au lieu de s'irriter des bravades
de cet ennemi , ils paroissoient vouloir se
mutiner , et même arracher Phiton d'entre
les mains des Bourreaux , sutpris et
touchez d'une vertu si rare , il fit cesser
( 1) Diodore de Sicile, liv. 14. ch . 29.
II. Vol
son
1296 MERCURE DE FRANCE
son supplice et l'envoya secretement
noyer à la Mer.
Au reste il ne manque pas d'exemples
contraires à ceux- cy ; ce qui fait voir l'inconstance
; et si cela se peut dire , la variation
de l'homme. Dans les mêmes circonstances
il agit différemment et reçoit
des mêmes objets des impressions tout
opposées , d'où il s'ensuit qu'il n'est pas
sûr d'en juger d'une maniere constante et
uniforme. Pompće pardonna à toute une
Ville , contre laquelle il étoit fort irrité ,
en considération de la magnanimité d'un
de ses habitans , qui se chargeoit seul de
la faute publique , et ne demandoit autre
grace que d'en porter seul la peine . Sylla ,
au contraire , dans une occasion semblable
, n'eut aucun égard à une pareille générosité.
Mais voicy un exemple plus directement
contraire encore aux premiers que
j'ai rapportez. C'est Alexandre qui me le
fournit : Ce Héros aussi gracieux aux
vaincus que redoutable aux ennemis
aussi doux après la victoire , que terrible
dans le combat. En forçant la Ville de
Gaza après la glorieuse résistance de Bétis
qui y commandoit , il rencontra ce
Vaillant homme seul et abbandonné des
II.Vol. siens ,
JUIN.
1733.
1297
siens , presque désarmé , tout couvert
de sang et de playes , combattant encore
au milieu d'une Troupe de Macedoniens
qui l'environnoient de toutes parts, piqué
d'une victoire si cherement acheptée ,
car entr'autres dommages , il avoit reçu
deux blessures en ce Siége , ( 1 ) Bétis , lui
dit-il , tu ne mouras pas , comme tu las
souhaité , attens toy aux plus horribles
tourmens. Mais Bétis ne daigna pas seulement
lui répondre et se contenta de le
regarder d'un air fier et insultant . Voyezvous
, dit alors Alexandre , cet orgueilleux
silence ? a-t- il fléchi le génoüil ? at-
il dit une parole de soumission ? je
vaincrai ce silence obstiné , et si je n'en
tire autre chose ,j'en tirerai pour le moins
des gemissemens. Alors enflammé de
colere , il traita Bétis vivant , comme
Achille avoit traité Hector mort. Seroitce
donc que la force de courage lui fut
si naturelle et si familiere,que ne l'admirant
point , il la respectât moins ? Seroitce
envie , comme s'il n'eut appartenu
qu'à lui d'être vaillant jusqu'à un certain
point ? Seroit-ce enfin pur emportement,
et l'effet d'une colere incapable d'être
arrêtée ? Quel horrible carnage ne fit - il
point faire encore dans la prise de The-
( 1 ) Quint. Curt. liv. 4.
11. Vol. bes
,
1298 MERCURE DE FRANCE
bes , plus de 6000 hommes furent passez
au fil de l'épée , sans qu'aucun d'eux prit
la fuite , ni demandât quartier.La mort de
tant de vaillants hommes n'excita aucune
pitié dans le coeur d'Aléxandre , et
un jour ne suffit pas pour assouvir sa vangeance.
Le carnage ne s'arrêta qu'à ceux
qui étoient désarmez , aux vieillards
aux femmes , et aux enfans , et il en fut
fait 30000 Esclaves.
CHAPITRE II.
De la Triftesse.
Je suis des plus exempts de cette pas
sion , qui me paroît non - seulement haïssable
, mais méprisable , quoique le monde
ait pour elle un certain respect ; il en
habille la sagesse , la vertu , la dévorion ,
sot et vilain ornement. J'aime bien mieux
les Italiens; dans leur Langue, Tristezza ,
veut dire , malignité ; en effet , c'est une
passion toujours nuisible , déraisonnable,
qui a même quelque chose de foible
et de bas , et c'est sur tout en cette derniere
qualité que les Stoïciens , les plus
fiers de tous les Philosophes , en deffendent
le sentiment à leur Sage. Mais mon
dessein icy n'est pas tant de la considerer
moralement , que physiquement , et sur
II. Vol.
cela
JUIN. 1733 1299
cela voici quelques traits d'histoire assez
singuliers.
;;
Psammenite ( 1 ) , Roy d'Egypte , ayant
été défait et pris par Cambises , Roy de
Perse , vit passer devant lui sa fille prisonniere
, vétue en esclave , qu'on envoyoit
puiser de l'eau ; plusieurs de ses
sujets qui étoient alors auprès de lui ne
purent retenir leurs larmes pour lui il
ne donna d'autre marque de douleur que
de rester en silence , la vuë baissée . Voyant
ensuite qu'on menoit son fils à la mort
il ne changea point de contenance ; mais
enfin ayant aperçu un de ses Domestiques
qu'on conduisoit parmi les captifs ,
il donna les marques du dernier déses
poir .
La même chose arriva à un de nos Prin
ces , qui reçut avec une constance extrê
me la nouvelle de la mort de son frere
aîné , qui étoit l'appui et l'honneur de sa
Maison ; et bien- tôt après , celle de la
mort d'un second frere , sa seconde esperance
; mais comme quelques jours après
un de ses gens vint à mourir , il se laissa
emporter à ce dernier accident , et s'abandonna
aux larmes et aux regrets , de
maniere même que quelques- uns en prirent
occasion de croire qu'il n'avoit été
( 1 ) Herod. liv. 3.
II. Vol, bien
1300 MERCURE DE FRANCE
ge
bien touché que de cette derniere mort ;
mais la verité est qu'étant déja plein et
comblé de tristesse , la moindre surchar
l'accabla , et lui fit perdre enfin toute
patience . On pourroit dire la même chose
de Psamménite , si ce n'est qu'Hérodote
, dont j'ai tiré ce trait d'histoire ,
ajoute que Cambises demandant à ce
malheureux Roy , pourquoi n'ayant pas
paru fort touché du malheur de son fils
et de sa fille , celui de ses amis lui avoit
été si sensible ; c'est , répondit- il , que ce
dernier malheur se peut signifier par des
larmes au lieu que l'autre est au - dessus
de toute expression. Il y a du vrai dans
cette réponse , mais il me semble que ce
m'étoit pas à Psammenite à la faire ; convient-
il à un homme extrêmement affligé
de philosopher sur la douleur ?
Niobé changée en Rocher , après la
mort de tous ses Enfans , est une fiction
qui exprime assez heureusement l'état
de stupidité où jette une douleur extrê
me( i ) ne nous arrive-t- il pas au premier
instant d'une fâcheuse nouvelle de
nous sentir saisis , sans action et sans
mouvement , et ensuite de pleurer , de
nous plaindre ; l'ame se relâchant , pour
( 1 ) Cura leves loquuntur , ingentes stupent. Se
meq. Hypol. act . 2.
II. Vol. ainsi
JUIN. 1733. 1301
ainsi dire , et se mettant plus au large et
plus à son aise.
Dans la Guerre du Roy Ferdinand ,
contre la veuve du Roy Jean de Hongrie
, un Officier entre les autres , attira
sur lui les yeux de toute l'Armée par son
extrême valeur ; chacun lui donnoit des
loüanges sans le connoître , et étant mort
dans cette Bataille où il avoit donné tant
de preuves de courage , il fut extrêmement
regrété, sur tout d'un Seigneur Allemand
, charmé d'une si rare vertu. Le
corps du mort étant rapporté , celui- cy
s'approcha , comme beaucoup d'autres ,
par curiosité, et il reconnut son fils. Cela
augmenta la compassion des assistans. Lui
seul , sans rien dire , sans répandre une
larme, se tint debout, regardant fixement
le corps de son fils , jusqu'à ce qu'il tomba
enfin roide mort.
Il en est de l'amour comme de la tristesse
; qui peut dire à quel point il aime.
Aime peu , dit Pétrarque. Aussi n'est- ce
pas dans les instans où le sentiment de
l'amour est le plus vif , qu'on est le plus
propre à en persuader l'objet aimé par
ses paroles , et même par ses actions. En
general, toute passion qu'on peut examiner
et sentir avec reflexion n'est que médiocre.
La surprise d'un plaisir inattendu
II. Vol.
pro
1302 MERCURE DE FRANCE
produit sur nous le même effet qu'une
douleur soudaine. Une femme Romaine
mourut de joïe en voïant son fils de re
tour après la Bataille de Cannes. Sophocles
et Denys le Tyran moururent de la
même maniere , au rapport de Pline ( 1 ) ,
pour avoir remporté le Prix de la Tragédie.
Talva mourut en Corse , en lisant
la nouvelle des honneurs que le Sénat
de Rome lui avoit décernez . La prise
de Milan , que le Pape Leon X. avoit
extrêmement souhaitée , lui causa une
joïe si vive , qu'il lui en prit une grosse
fiévre , dont il mourut . Enfin , pour citer
quelque chose de plus fort encore , Diodore
le Dialecticien mourut sur le champ
en son Ecole , honteux , ou pour mieux
dire , désesperé de ne pouvoir se démêler
d'une mauvaise difficulté qu'on lui faisoit
; pour moi je n'éprouve point de ces
violentes passions ; mon ame est plus forte
et moins sensible , et elle se fortifie
encore tous les jours par mes réfléxions.
( 1 ) Plin. Natur. Hist. liv. 7. ch. 53. Pudore
Diodorus sapientia dialectica Professor lusoriâ quastione
non protinus ad interrogationes Stilponis dissolute
.
II.Vol. CHAS
JUI N. 1733- 1303
•
CHAPITRE IV.
Que l'ame dans ses passions se prend à des
objets faux et chimériques , quand les
vrais lui manquent.
Un Gentilhomme de mon Païs , tres
sujet à la goutte, étant pressé par les Médecins
de quitter absolument l'usage des
Viandes salées , avoit coutume de répondre
assez plaisamment, que dans les douleurs
que son mal lui faisoit souffrir , il
vouloit avoir à qui s'en prendre , et que
maudissant tantôt le Cervelas , tantôt la
Langue de Boeuf et le Jambon , il se sentoit
soulagé. Le bras étant haussé pour
frapper , on ressent de la douleur si on
manque son coup. Une vue pour être
agréable , ne doit pas être trop étenduë
mais plutôt bornée à une certaine distance.
Le vent perd sa force en se répandant dans
un espace vuide , à moins que des Forêts
touffuës ne s'opposent à son passage ( 1 ).
De même , il semble que l'ame ébranlée
et émuë se perd en soy même , si on ne
lui donne quelque objet où elle se pren-
( 1 ) Ventus ut amittit vires , nisi robore densa ,
Occurrant silva, spatio diffusus inani.
Lucan. liv. 3.
II. Vol.
ne , C
#304 MERCURE DE FRANCE
ne , pour ainsi dire , et contre lequel
elle agisse. Plutarque dit, au sujet de ceux
qui s'attachent à un Singe , à un petit
Chien , à des Oiseaux , que la faculté
d'aimer qui est en nous , se jette en quelque
sorte sur ces objets ridicules , faute
d'autres , et plutôt que de demeurer inutile
et sans action .
Souvent en s'attachant à des Phantômes vains
Notre raison séduite , avec plaisir s'égare ;
Elle-même jouit des objets qu'elle a feints ;
Et cette illusion pour quelque temps répare
Le deffaut des vrais biens que la nature avare
N'a pas accordez aux humains ( 1).
Les Bêtes s'attaquent à la Pierre et au
Fer qui les a blessées , et leur rage les emporte
jusqu'à se vanger à belles dents
sur elles- mêmes du mal qu'elles sentent.
Nous inventons des causes chimériques
des malheurs qui nous arrivent ; nous
nous en prenons aux choses inanimées, et
nous tournons notre colere contre elles.
Arrêtez- vous , calmez -vous , aimable et
( 1 ) J'ai mis ces beaux Vers de M. de Fontenelle
, pour rendre ces paroles de Montaigne
Nous voions que l'ame en, ses passions se pipe plutôt
elle-même , se dressant un sujet faux et fantastique
, voire contre sa propre créance , que de n'agir
contre quelque chose,
II.Vol tenJUIN
. 1733
1305
tendre soeur qui pleurez si amérement ce
frere genereux que le sort aveugle des
armes vient de vous enlever dans la fleur
de son âge ; ces belles tresses blondes que
vous arrachez , ce Sein d'une blancheur
éclatante que vous déchigez , ne sont
pas la cause de sa mort.
-
Tite Live parlant de l'Armée Romaine
en Espagne , après la perte des deux
illustres Freres qui la commandoient ,
chacun , dit- il , se prit aussi - tôt à pleurer
et à se battre la tête. C'est un usage
commun dans les grandes afflictions ; mais
rien n'est plus plaisant que ce mot du
Philosophe Bion , au sujet d'un Roy qui
s'arrachoit les Cheveux de désespoir: Pense-
t-il que la Pelade appaise la douleur.
On a vu des Joueurs furieux de la perte
de leur argent , manger les Cartes et engloutir
les Dez. Xercés foüetta la Mer
et envoya un Cartel de deffi au Mont
Athoz. Cyrus employa toute son armée
pendant plusieurs mois à se vanger de la
Riviere de Gyndus , dans laquelle il avoit
couru risque de périr en la passant.Caligula
( 1 ) fit abbatre une très- belle maison
où sa mere avoit été enfermée quelque
temps, comme en prison , à cause du
déplaisir qu'elle y avoit eu.
( 1 ) Senec, de ira , liv. 3. ch. 22 .
II.Vol. Lo
Cij
356 MERCURE DE FRANCE
Le Peuple disoit en ma jeunesse , qu'un
Roy de nos voisins ayant été puni de
Dieu miraculeusement , à peu près comme
Héliodore , fut battu de Verges dans
le Temple de Jerusalem , il défendit , pour
s'en vanger , qu'on le priât, qu'on parlât
de lui , et même qu'on crût en lui pendant
dix ans ; par où l'on vouloit faire
connoître,non pas tant la sottise , que la
vanité naturelle à la Nation dont on faisoit
ce conte ; au reste il n'y a point de vanité
sans sottise , mais de telles actions
tiennent encore plus de l'orgueil et de
l'audace insolente , que de la bétise . Auguste
( 1 ) ayant essuyé sur Mer une violente
tempête , se mit à menacer Neptune
et deffendit qu'on portât son image
aux Jeux du Cirque , avec celles des autres
Dieux. Après la défaite de Varus en
Allemagne , il donna des marques d'une
douleur extraordinaire , jusqu'à frapper
de la tête contre la muraille , et on l'entendoit
s'écrier incessamment : Varus
rend moi mes Légions ; il n'y a en ceci
de la folie, mais c'est folie et impiété
que
tout ensemble de s'addresser à Dieu même
ou à la fortune , comme si elle avoit
des oreilles pour entendre nos imprécations
. Les Thraces tiroient contre le Ciel
(1 ) Suetone , dans la vie d'Auguste.
JI. Vol.
quand
JUIN.
1307
1733.
quand il tonnoit , comme pour ranger
Dieu à la raison , à coups de Fléches ; c'étoient
de vrais Titans . Un ancien Poëte ,
cité par Plutarque ( 1 ) , dit ,
Point ne se faut courroucer aux affaires ;
Il ne leur chaut de toutes nos coleres .
C'est à nous mêmes , c'est au dérégle
ment de notre esprit qu'il faut s'en prendre
de la plus grande partie de nos maux;
c'est à lui qu'il faut dire des injures , et
nous ne lui en dirons jamais assez .
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Résumé : PROJET d'une nouvelle Edition des Essais de Montaigne, &c.
Le texte présente un projet de nouvelle édition des 'Essais' de Montaigne. L'auteur souhaite consulter des gens de lettres et pressentir le goût du public avant de publier cet ouvrage, qui est une sorte de traduction des 'Essais'. Il anticipe les critiques sur la traduction d'un texte français, soulignant que la raillerie serait mal fondée s'il traduit à partir de l'original plutôt que d'une traduction précédente. Il estime que traduire à partir de l'original est la meilleure méthode, même si une traduction existe déjà. Montaigne, bien que moderne dans sa manière de penser, utilise un style de langue archaïque, rendant ses écrits difficiles à comprendre pour les lecteurs contemporains. L'auteur propose de moderniser le langage de Montaigne pour le rendre accessible, tout en conservant son caractère et ses idées. Il reconnaît que cette traduction ne pourra pas égaler l'original mais facilitera la lecture pour ceux qui ne connaissent pas bien l'ancien français. L'auteur mentionne également l'influence de Montaigne sur des écrivains célèbres comme La Rochefoucauld, La Bruyère, Pascal, et Nicole. Il prévoit de supprimer les passages licencieux ou moralement discutables pour rendre l'œuvre appropriée à un public plus large. La traduction sera libre, avec des abréviations, des réarrangements et des ajouts pour améliorer la clarté et l'agrément de la lecture. L'auteur conservera certains mots vieillis pour préserver la richesse de la langue française et le style familier de Montaigne. Des extraits des textes originaux seront inclus pour illustrer les qualités stylistiques de Montaigne. Le texte traite également de l'ouvrage 'Pensées de Montaigne' et de son manque de succès, car il est inutile pour ceux qui peuvent lire Montaigne avec plaisir et perd sa force lorsqu'il est séparé du corps de l'œuvre. L'auteur présente ensuite un essai sur les moyens de toucher les cœurs des vainqueurs, illustrant que la soumission et les prières, ainsi que la fermeté et le courage, peuvent parfois produire le même effet. Plusieurs exemples historiques sont cités, comme Édouard, Prince de Galles, qui fut ému par la bravoure de trois gentilshommes français à Limoges, et Scanderberg, qui pardonna à un soldat qui se défendit avec honneur. L'auteur mentionne également des exemples où la résolution et le courage ont adouci les cœurs des vainqueurs, comme celui de l'Empereur Conrad et des femmes de Winsberg. Il conclut en soulignant que la pitié et l'admiration de la vertu peuvent influencer les décisions des grands hommes. Le texte explore diverses réactions humaines face à des émotions intenses, telles que la douleur et la joie. Il commence par décrire l'état de stupéfaction et d'immobilité qui peut suivre une nouvelle douloureuse, illustré par le mythe de Niobé. Un exemple historique est donné : un seigneur allemand, après avoir reconnu le corps de son fils mort au combat, reste silencieux et immobile avant de mourir à son tour. Le texte compare ensuite l'amour et la tristesse, notant que les passions vives sont difficiles à exprimer. Il cite plusieurs cas de personnes mortes de joie ou de surprise, comme une femme romaine, Sophocle, Denys le Tyran, Talva, et le pape Léon X. Il mentionne également Diodore, mort de désespoir face à un problème insoluble. Le texte aborde ensuite la manière dont l'âme se tourne vers des objets faux ou chimériques lorsqu'elle manque de vrais objets sur lesquels se concentrer. Il donne l'exemple d'un gentilhomme souffrant de la goutte qui maudit les aliments salés pour se soulager. Il cite également Plutarque sur ceux qui s'attachent à des animaux pour combler leur besoin d'amour. Enfin, le texte discute des réactions excessives face aux malheurs, comme les soldats romains se frappant la tête après une perte, ou des rois se vengeant de manière irrationnelle sur des éléments inanimés. Il conclut en soulignant que beaucoup de maux viennent du dérèglement de l'esprit.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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104
p. 1611-1612
Nouvelle Edition de Robert Etienne, [titre d'après la table]
Début :
On nous écrit d'Angleterre, qu'on y prépare une tres-belle Edition du grand Dictionnaire [...]
Mots clefs :
Dictionnaire latin, Robert Estienne, Angleterre, Impression
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelle Edition de Robert Etienne, [titre d'après la table]
On nous écrit d'Angleterre, qu'on y prépare
une tres belle Edition du grand Dictionnaire
Latin , de Robert Etienne , avec des corrections
et des augmentations considérables , qui sont
dues aux soins de plusieurs Membres de l'Université
de Cambridge, C'est Samuel Harding, Libraire
à Londres , rue S. Martin , qui en a entrepris
l'impression par souscription , sous le titre
ordinaire : Roberti Stephani , Thesaurus Lingue
Latina; en 4 vol . in fol.
Cette impression sera faite sur du tres beau
Papier et avec des Caracteres nouvellement fondus
exprès. L'Ouvrage entier contiendra au
moins mille feuilles. Les Souscripteurs payeront
deux Guinées en souscrivant , deux Guinées en
recevant les deux premiers Tomes , dans l'hyver
prochain ; et deux autres Guinées , lorsqu'on
leur délivrera les deux derniers Tomes , quelques
mois après . Ceux qui n'auront pas souscrit
payeront sept Guinées. En faveur des Curieux
, il y aura un petit nombre d'Exemplaires,
imprimez sur du grand Papier , dont le prix sera
de dix Guinées. On pourra souscrire chez les
Gij prin162
MERCURE DE FRANCE
principaux Libraires d'Angleterre , et chez ceux
des autres Païs .
une tres belle Edition du grand Dictionnaire
Latin , de Robert Etienne , avec des corrections
et des augmentations considérables , qui sont
dues aux soins de plusieurs Membres de l'Université
de Cambridge, C'est Samuel Harding, Libraire
à Londres , rue S. Martin , qui en a entrepris
l'impression par souscription , sous le titre
ordinaire : Roberti Stephani , Thesaurus Lingue
Latina; en 4 vol . in fol.
Cette impression sera faite sur du tres beau
Papier et avec des Caracteres nouvellement fondus
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moins mille feuilles. Les Souscripteurs payeront
deux Guinées en souscrivant , deux Guinées en
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prochain ; et deux autres Guinées , lorsqu'on
leur délivrera les deux derniers Tomes , quelques
mois après . Ceux qui n'auront pas souscrit
payeront sept Guinées. En faveur des Curieux
, il y aura un petit nombre d'Exemplaires,
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MERCURE DE FRANCE
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Résumé : Nouvelle Edition de Robert Etienne, [titre d'après la table]
En Angleterre, une nouvelle édition du grand Dictionnaire Latin de Robert Étienne est en préparation. Intitulée 'Roberti Stephani, Thesaurus Lingue Latina', elle sera publiée en quatre volumes in-folio. Cette édition inclura des corrections et des augmentations significatives, réalisées par des membres de l'Université de Cambridge. L'impression, dirigée par Samuel Harding, libraire à Londres, se fera par souscription et utilisera un papier de haute qualité ainsi que des caractères nouvellement fondus. L'ouvrage complet comptera au moins mille feuilles. Les souscripteurs devront payer deux Guinées lors de la souscription, deux autres Guinées à la réception des deux premiers tomes, et deux Guinées supplémentaires à la livraison des deux derniers tomes. Les non-souscripteurs paieront sept Guinées. Un petit nombre d'exemplaires sur grand papier sera également disponible au prix de dix Guinées. Les souscriptions peuvent être faites auprès des principaux libraires en Angleterre et dans d'autres pays.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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105
p. 1713-1728
DISSERTATION sur le Genabum ou Cenabum des Anciens, par le R. P. Dom Toussaints Duplessis, Benedictin de la Congrégation de S. Maur.
Début :
Ceux qui ne trouvent aucune difficulté à faire descendre nos Rois en [...]
Mots clefs :
Orléans, Genabum, Ville, César, Anciens, Aurélien, Aurèle, Jargeau, Peuples, Antonin, Duchesne, Empereur, Papire Masson
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texteReconnaissance textuelle : DISSERTATION sur le Genabum ou Cenabum des Anciens, par le R. P. Dom Toussaints Duplessis, Benedictin de la Congrégation de S. Maur.
DISSERTATION sur le Genabum
ou Cenabum des Anciens , par le R. P.
Dom Toussaints Duplessis, Benedictin de
la Congrégation de S. Maur.
Cue
Eux qui ne trouvent aucune difficulté
à faire descendre nos Rois en
droite ligne de Priam , Roy de Troye ,
n'en trouveront pas davantage à croire
avec Guyon , (a) que la Ville d'Orleans
Bij fut
(a) Guyon , page 3 .
1714 MERCURE DE FRANCE
fut bâtie quatre cens après le Déluge ;
ils pourront même , s'ils veulent , s'arrê
ter au sentiment de le Maire , qui est
encore plus liberal de cinquante années .
Pour nous qui ne pouvons pas penetrer
si loin dans l'Antiquité , nous nous en
tenons au temps de Jules Cesar , c'està-
dire , à l'an 702, de la fondation de
Rome , sous le Consulat de Pompée sans
Collegue ; non que cette Ville ne soit
plus ancienne que César même , puisqu'elle
subsistoit déja de son temps, mais
parce que nous n'avons point d'Auteur
plus ancien qui en fasse mention . Il en est
de l'origine des Villes, comme de celle des
Familles ; vous remontez extrémement
haut , sans pouvoir percer plus loin ; et
l'obscurité de ce qui est au- delà , ne deshonore
point. Telle est la Maison de
Bourbon , dont nous ne trouvons la tige
que dans Robert Le Fort , sous la seconde
Race de nos Rois et dont on ne peut
douter que la Maison ne fût très-ancienne,
quoiqu'il n'y ait que nuages et obscuritez
au- delà. Telle est aussi la Ville d'Orleans
, qui étoit déja celebre du temps de
Jules-César , et à laquelle le silence des
Auteurs plus anciens ne peut rien ôter
de sa noblesse ni de sa dignité .
Qu'il soit fait mention de la Ville
d'Ors
A O UST. 1733. 1715
d'Orleans dans les Commentaires de César
, ou , ce qui revient au même , que
le Genabum ou Cenabum des Anciens ,
ne soit point different de la Ville d'Orleans
c'est un fait qu'on ne révoque plus
en doute . Marius Niger , Vigenere , Ortelus
, et d'autres Auteurs , se sont néanmoins
imaginé que ce devoit être Gien ,
et quelques uns même ont voulu que
ce fût Gergeau , S'il ne s'agissoit que d'autoritez
, les témoins qui déposent pour
Orleans , sont plus anciens , plus celebres
et en plus grand nombre ; on compte
parmi ceux- cy , Aimoin , Moine de saint
Benoît sur Loire , qui vivoit sous le Roy
Robert au dixième et onzième siecle ;
Hugues , Moine de la même Abbaye, qui
composa son Histoire Ecclesiastique en
1109. Gilles de Paris , qui écrivoit à la
fin du 12. siecle ; Robert Gaguin ; Papire
Masson ; Joseph Scaliger ; Aubert le Mire
; Cellarius ; Baudrand ; Sanson ; Adrien
de Valois , et une infinité d'autres . Mais
si ces grands noms ne suffisent pas pour
décider une question de ce genre , les
raisons sur lesquelles ils se sont fondez ,
sont absolument sans réplique.
En effet , selon César , L. 7. C. 2. et
Strabon , L.L. 4. Genabum étoit dans le
Pays des Chartrains ; et les Peuples Char-
B iij trains
1716 MERCURE DE FRANCE
trains n'ont habité que ce qui est aujourd'hui
renfermé dans les Diocèses de Chartres
, de Blois et d'Orleans . Or Gien
n'est pas dans le Diocèse d'Orleans , encore
moins dans ceux de Chartres ou
de Blois , dont celui - cy n'est qu'un démembrement
moderne de l'autre : il est
dans celui d'Auxerre , qui a fait partie
des Peuples Sénonois , et par cette raison
il ne peut point être le Genabum de César
et de Strabon . D'un autre côté l'Itineraire
d'Antonin , pag. 83. qui met
Genabum sur le grand chemin d'Autun
à Paris , compte 77. milles de Nevers à
Genabum , et 48. milles de Genabum à Paris
. Or Gien est beaucoup plus près de
Nevers que de Paris ; et Orleans au contraire
, est beaucoup plus près de Paris
que de Nevers. Ajoûtez à cela que Gien
n'est jamais connu que sous les noms
de Giemum ou Giemacum , soit dans notre
Histoire , ( a) soit dans les Titres les plus
anciens . Genabum ne peut donc point
se rapporter à Gen ; et si ce n'est pas
à Orleans , ce ne peut plus être que Gaygeau.
Mais pourquoi Gergeau plutôt qu'Orlean
Premierement , la Tradition est
pour Orleans , et non point pour Ger-
(a) Vales, Notit. Galliar. p. 226. col. 2.
geau
A O UST. 1733. 1717 €
..
geau. En second lieu , les Evêchez n'ont
été au commencement établis que dans
les Villes les plus considerables de chaque
contrée . Or dans le Pays des Chartrains
, ( a) Ptolomée ne compte que deux
grandes Villes ; sçavoir Autricum , qui est
Chartres , et Genabum ou Cenabum. Si
donc Genabum n'eût été autre chose que
Gergeau , le Siege Episcopal eût été établi
à Gergeau , et non à Orleans , au lieu
qu'il a été établi dans cette derniere Ville,
sans jamais y avoir été transferé d'ailleurs.
Enfin il est certain , par le récit de
César , que Genabum étoit sur la Rive
droite de la Loire , puisque étant venu
de Sens pour assieger cette Ville , il mit
deux Légions en garde vers le Pont ', pour
empêcher que les Assiegêz ne se retirassent
par là de l'autre côté de la Riviere ;
et que lui- même,après avoir pris la Ville,
passa le Pont pour entrer dans le Berry.
Or cette situation ne peut convenir qu'à
Orleans , qui est du côté de Sens , et nullement
à Gergeau , qui est si bien du côté
de Bourges , que de Gergeau il faut ,
au contraire , passer le Pont pour aller
à Sens. Il est inutile de s'arrêter davantage
sur ce point.
Je remarquerai seulement avec Adrien
(a) Ptolom. Geogr. 1. 2. c. 7. p. § 1 .
B iiij de
1718 MERCURE DE FRANCE
de Valois , Page 225. qu'il est vrai - semblable
que le premier nom d'Orleans
ait été Čenabum , dont on aura fait ensuite
Genabum , comme Gebenna et Andegavi
, sont venus de Cebenna et d'Andecavi.
Car pour ce qui est de Genapus ,
de Cenapum , ou d'autres noms approchants
que l'on trouve en quelques endroits
, ce n'est que par corruption du
vrai mot , ou par licence poëtique . Les
anciens Munuscrits sont pour KevaCov
ou Cenabum ; Jerôme ( a) Sutita , s'échauf
fe extrémement contre ceux qui ont subtitué
à ce mot celui de Genabum .
Au reste , quand Luc de Holstein prétend
( b ) que le Cenabum d'Antonin
n'est autre que Geneve , il n'a pas fait
attention que l'Itineraire fait mention du
Cenabum en deux endroits diff rens , l'un
sur la route de Milan à Strasbourg , qu'on
reconnoît volontiers avec lui et avec Sanson
, convenir à Geneve ; l'autre sur la
ronte d'Autun à Paris , qui ne peut être
qu'Orleans , et qui lui est sans doute
échapé.
De sçavoir
maintenant pourquoi la
( a ) Surita , Comment. in Itiner. Antonin
502. 503.
(b Luc de Holstein . Annot, in Thesau. Geogr.
Ortel. p. 86.
Ville
A O UST. 1733 1719
་
Ville d'Orleans a quitté son ancien nom
de Genabum , pour prendre celui d'Orleans
, et de fixer la veritable origine de
ce dernier nom , c'est le sujet d'une autre
discussion dans laquelle il est à propos
d'entrer. Jules- Cesar avoit ruiné cette
Ville de fond en comble ; et comme elle
reparoît dans la suite de l'Histoire sous
un autre nom , il est naturel de croire.
que ce nouveau nom lui fut affecté en
memoire de celui qui la releva de ses
ruines. C'est donc ce nouveau Fondateur
qu'il faut chercher , et selon toutes les
apparences , ce fut Aurelien.
Cet Empereur vint dans les Gaules
l'an de J. C. 274 ce sera donc cette année-
là même qu'il aura songé à rebâtir.
Orleans , et qu'on aura vû renaître cette
Ville de ses cendres. Adrien de Valois
Tillemont , Basnage , l'Abbé de Longuerue
, et les meilleurs Critiques , après
Othon de Frisingue , sont tous de ce
sentiment , et le nouveau nom de la
Ville favorise entierement cette opinion.
On voit en effet dans une ancienne ( a)
Notice des Provinces de la Gaule , écrite,
comme l'on croit , sous l'Empire d'Honorius
, qu'on l'appelloit déja alors Ci-
(a) Notit. Provinc, apud Duchesne Hist. Fram.
tom, I. p . s . col. 1 .
B v vitas
1720 MERCURE DE FRANCE
vitas Aurelianorum , et qu'elle étoit comprise
dans le quatriéme Lyonnois , ou
dans la Province de Sens , dont les Villes
soumises à cette Métropole sont rangées
en cet ordre : Chartres , Auxerre ,
Troyes , Orleans , Paris , Meaux .
S. Sidoine Apollinaire , qui vivoit sous
Valentinien III. l'appelle , 1. 8. Aurelianensis
Urbs. Ainsi il n'est pas le premier ,
comme le veut Papire Masson , qui en
parle sous un autre nom que sous celui
de Genabum. Les Evêques d'Orleans , qui
assisterent (a) aux Conciles tenus en cette
Ville au sixiéme Siecle , donnent à leurs
Eglises le nom d'Ecclesia Aurelianensis.
Grégoire de Tours , 1. 5. et 7. l'appelle
Aurelianensis Urbs , et Aurelianensis Civitas.
Les Capitulaires de Charlemagne
l'appellent aussi Aurelianensis Civitas , et
Thegan (b) lui donne le nom d'Aurelianensium
Civitas ; ce qui revient au mot
d'Aurelianenses , que Grégoire de Tours
donne encore souvent à ses Habitans.
Jornandes , ( c ) Evêque de Ravenne ,
qui vivoit sous l'Empereur Justinien I.
(a) Conc. Labb. Tom. 4. p. 1410. 1783. et .
Tom. 5. p. 304. 389.
&
(b) Thegan. apud Duchesne. Ibid. p. 284.
(c) Jornand, apud Duchesne , Sup . Tom. 1. p.
227.
et
AOUST. 1733.
1721
et l'ancien Auteur de la Vie de Louis
le Debonnaire , lui donnant le nom d'Aureliana
Civitas. D'autres anciens Auteurs
P'appellent d'un nom indéclinable Aurelianis
comme Fredegaire , Marius ,
Aimoin , l'Anonime de Ravenne , et quantité
d'autres du nombre desquels est encore
Grégoire de Tours , (4 ) ausquels il
faut joindre les Monnoyes qui furent frappées
à Orleans sous nos Kois de la premiere
Race , et qui toutes portent le nom
d'Aurelianis ou Aurilianis . Enfin plusieurs
, comme Robert Gaguin , lui donnent
le nom d'Aurelianum ; ensorte qu'on
ne peut gueres douter que ce changement
de nom ne lui soit venu de l'Empereur
Aurelien , qui par cette raison en
est regardé , avec justice , comme le Restaurateur.
Ce n'est pas qu'on ne trouve quelquefois
la Ville d'Orleans appellée Aurelia
ou Urbs Aurelia. Le Moine Roricon
et l'Auteur de la Vie de S. Eucher , Evêque
d'Orleans , dans Duchesne , se sont
servis de ce mot. Papire Masson les a
imitez ; et il a aujourd'hui tant d'imitateurs
à son tour , qu'il paroît bien qu'on
ne s'embarrasse gueres de la critique qu'en
a fait Joseph Scaliger en trois mots : In-
(a ) Greg. Turon. l. 2. c. 7. p. 53-
B vj eptè
1722 MERCURE DE FRANCE
eptè vocant Aureliam. Le Prere Briet , et
Baudrand , qui ont employé Aurelia au
pluriel, ne se sont pas mis pour cela à couvert
de la censure ; et on pourroit leur
opposer de plus qu'Aurelia est encore
moins autorisé qu'Aurelia.
Il est vrai que plusieurs Auteurs ont
crû que ce n'étoit point Aurelien , mais
Marc- Aurele , qui avoit rebâti la Ville
d'Orleans ; et nous avons vû renouveller
les difficultez à ce sujet , lorsqu'on
fit ( a) en 1643. la découverte de plusieurs
Médailles de Marc- Aurele , à 13.
ou 14. toises de profondeur sous les fondemens
des murailles de l'ancienne clôture
que l'Evêque d'Orleans faisoit abatre
alors pour achever son Palais Episcopal.
Quelques- uns même , comme Papire
Masson, ont voulu que Jules - Cesar , après
avoir détruit cette Ville , Peût ensuite
relevée de ses ruines , et lui eût donné
le nom de sa mere Aurelia. D'autres enfin
, comme Lasaussaye , L. 1. n. 16. p. 24.
qui souhaiteroient aussi que ce rétablssement
fût plus ancien que l'Empereur Aurelien
, donnent à choisir entre Jules-
Cesar, Lucius Aurelius- Verus , Marc - Aurele-
Antonin , Aurelius Commodus , et
tous les Prédecesseurs d'Aurelien, qui ont
porté le nom d'Aurele.
(a) Le Maire , Ch . 3. p.
A O UST. 1732 1723
Il n'est pas moins vrai , qu'en fuppo
sant Orleans bâti par l'un ou l'autre de
tous ces Empereurs ,le nom d'Aurelia lui
convient mieux que tout autre ; mais
c'est supposer ce qui est en question . It
ne s'agit pas de sçavoir le nom qu'il
faut donner à Orleans ; si cette Ville doit
son rétablissement à l'un des Aureles , il
faut lui conserver celui que les anciens
lui ont donné, et trouver dans cet ancien
nom des vestiges de son fondateur . Or
l'ancien nom d'Orleans , c'est - à - dire , celui
dont le nom même d'Orleans a été
formé, indique l'Empereur Aurelien , et
exclut tous les Aureles.C'est donc à Aurelien
qu'il est juste de s'en tenir .
Pour ce qui est des Médailles de Marc-
Aurele , trouvées à Orleans , vers le milieu
du siecle passé . Cette découverte ne
prouve quoi que ce soit contre Aurelien ;
tous les jours on en trouve de semblables,
soit d'Aurele , soit de Néron , soit de
quelqu'autre Empereur, dans des Endroits
où ces Empereurs n'ont jamais fait travailler.
Que ces Médailles ayent été jet--
tées sous les fondemens de quelques tra→
vaux entrepris à Orleans , du temps même
de Marc- Aurele ; cela se peur , et il
s'ensuit qu'Orleans subsistoit alors , ce
qu'on ne nie point. Mais on n'en sçausoit
1724 MERCURE DE FRANCE
roit conclure que Marc- Aurele lui- même
ait fait entreprendre ces travaux. Si l'on
veut quelque chose de plus , rien n'empêche
que cet Empereur ou ceux qui
gouvernoient pour lui dans les Gaules
n'ayent fait construire à Orleans quelque
Forteresse , ou quelque Château pour
garder le passage de la Loire. Mais pour
ce qui est du renouvellement entier de la
Ville , il faut toujours en revenir à Aurelien
.
Au reste , le nouveau nom d'Orleans
n'a pas tellement pris d'abord le dessus,
qu'il air effacé l'ancien . On trouve indifféremment
l'un ou l'autre pendant quelque
temps , et Genabum ou Cenabum , s'est
maintenu jusqu'aprês le grand Constantin
, puisque ce mot se trouve dans l'Itineraire
d'Antonin , et qu'on ne peut guerre
douter que cet Itinéraire n'ait reçu que
vers ce temps là au plutôt la forme où,
nous le voyons aujourd'hui , soit qu'il ait
passé par les mains d'Ethicus , comme le
pensent d'habiles Critiques ; soit même
qu'il faille l'attribuer à Ammien Marcellin
, comme le prétend Cluvier. Je ne
parle point de la vie de S. Liphard , qui
n'a pu être écrite qu'au sixième siècle,au
plutôt après la mort de ce S. Abbé , et où
Lasaussaye , liv. 1. num . 16. prétend que
l'EvêAO
UST. 1733 . 1729
l'Evêque d'Orleans est encore appellé
Episcopus Genabensis. Ce seroit une authorité
de plus pour montrer la persua
sion où l'on étoit anciennement qu'Orleans
n'étoit point différent de Genabum :
mais je ne sçais dans quel Exemplaire Lasaussaye
a lû ce mot. Celui que Dom
(a) Mabillon avoit devant les yeux porte
Aurelianensis , au lieu de Genabensis.
J'ai lieu de douter si aprés cette discussion
sur le rétablissement et le changement
de nom de la Ville d'Orleans , le
Lecteur verra avec plaisir l'étimologie
qu'en a donné Glaber Rodulphe , dans
Duchesne, tom.4.à qui l'opinion la mieux
appuyée, n'a pas eu le don de plaire ; cependant
il ne faut rien omettre : Ex Ligeri
, dit cet Auteur , sibi congruo flumine
agnomen habet inditum ; diciturque Aureliana
, quasi ore ligeriana ; eo videlicet
quod in ore ejusdem fluminis ripa sit constituta
; non ut quidem minus cauti existimant
, ab Aureliano Augusto , quasi eam
ipse alificaverit , sic vocatam ; quin potius
ab amne , ut diximus , quod rectius , veriusque
illi congruit. Voilà ce que c'est quelquefois
que d'être plus clair - voïant et
d'avoir plus d'esprit que les autres ; mais
(a) Mabill, act. SS.Bened. tom.x. p. iss. m³.
le
1726 MERCURE DE FRANCE
que
que
l'adire
de celui (b) qui a découvert que
le mot celtique , Genabum , n'est
brégé de cette phrase latine : Gignens omne
bonum ? Ceux qui dans le Maire ont
crû qu'Aureliani tiroit son nom d'Aulerci,
sont un peu plus excusables. Ils avoient
lû dans Ptolomée , liv . 2. ch . 7. qu'une
partie des peuples , appellez Aulerciens
s'étendoient depuis la Loire jusqu'à la
Seine , et que Mediolanium , Ville Capi-.
tale de ces Peuples , étoit assise sur la
Loire. Ils ont aussi - tôt conjecturé que ce
Mediolanium ne pouvoit être qu'Orleans;
et selon cette Hypotese , Aurelia ou
Aureliani , sembloit naître assez naturellement
d'Aulerci ; le mal est que Prolo
mée s'étoit trompé le premier , et qu'il
les a entraînez dans l'erreur. Le Mediolanium
et les Aulertiens dont il s'agit
dans cet endroit , ne sont autres que la
Ville et les Peuples d'Evreux.
Il ne me reste plus pour finir cette Dissertation
,
que
ordinairement ceux de
de répondre à une objection
, que font
Gien , pour se maintenir dans la possession
où ils croient être de l'ancien Genabum.
Un Fauxbourg de Gien , disent - ils ,
porte encore aujourd'hui le nom de Genabie
, et ce nom , aussi-bien que celui
(b ) Le Maire , cap. 3.
de
AOUST. 1733. 1727
•
de Gien , approche assez de Genabum
pour croire qu'il ne faille point chercher
ailleurs cette ancienne Ville des Gaules ;
mais où en serions-nous s'il falloit prendre
ces ressemblances de noms pour des
Démonstrations ? Il ne faudroit point
chercher ailleurs qu'en France , la Breta-`
gne des anciens , et nous confondrions
une infinité de Villes considérables , avec
autant de Bourgs ou de Villages, dont les
noms modernes approchent plus de l'ancien
nom de ces mêmes Villes , que ceux
sous lesquels elles sont aujourd'hui connuës.
Laissons donc ces raisons , tirées
de la conformité des noms , lorsqu'elles
sont combattuës par d'autres raisons ausquelles
on n'a rien à repliquer tout ce
qu'on peut appeller du nom de preuves ,
tend à persuader que le Genabum des anciens
n'est point different de la Ville
d'Orleans ; et un Critique judicieux doit
s'en tenir là. Si le nom de Génabie est af
fecté à un Faubourg dc Gien , c'est à ceux
de Gien même à découvrir l'origine de ce
nom , qui peut- être n'a rien de commun
avec Orleans , à moins qu'on ne`veuille
supposer , ce qui ne se trouve neanmoins
marqué nulle part dans l'Histoire , qu'après
la prise et l'incendie de cette dernie
re Ville par Jules César ; la plus grande
partie
1728 MERCURE DE FRANCE
parties de ses habitans qui échaperent au
Vainqueur , remonta la Loire , et alla fi
xer sa demeure auprès de Gien , dans le
lieu même qui porte encore aujourd'hui ,
en mémoire de cette transmigration , le
nom de la Ville dont ils avoient été
chassez.
ou Cenabum des Anciens , par le R. P.
Dom Toussaints Duplessis, Benedictin de
la Congrégation de S. Maur.
Cue
Eux qui ne trouvent aucune difficulté
à faire descendre nos Rois en
droite ligne de Priam , Roy de Troye ,
n'en trouveront pas davantage à croire
avec Guyon , (a) que la Ville d'Orleans
Bij fut
(a) Guyon , page 3 .
1714 MERCURE DE FRANCE
fut bâtie quatre cens après le Déluge ;
ils pourront même , s'ils veulent , s'arrê
ter au sentiment de le Maire , qui est
encore plus liberal de cinquante années .
Pour nous qui ne pouvons pas penetrer
si loin dans l'Antiquité , nous nous en
tenons au temps de Jules Cesar , c'està-
dire , à l'an 702, de la fondation de
Rome , sous le Consulat de Pompée sans
Collegue ; non que cette Ville ne soit
plus ancienne que César même , puisqu'elle
subsistoit déja de son temps, mais
parce que nous n'avons point d'Auteur
plus ancien qui en fasse mention . Il en est
de l'origine des Villes, comme de celle des
Familles ; vous remontez extrémement
haut , sans pouvoir percer plus loin ; et
l'obscurité de ce qui est au- delà , ne deshonore
point. Telle est la Maison de
Bourbon , dont nous ne trouvons la tige
que dans Robert Le Fort , sous la seconde
Race de nos Rois et dont on ne peut
douter que la Maison ne fût très-ancienne,
quoiqu'il n'y ait que nuages et obscuritez
au- delà. Telle est aussi la Ville d'Orleans
, qui étoit déja celebre du temps de
Jules-César , et à laquelle le silence des
Auteurs plus anciens ne peut rien ôter
de sa noblesse ni de sa dignité .
Qu'il soit fait mention de la Ville
d'Ors
A O UST. 1733. 1715
d'Orleans dans les Commentaires de César
, ou , ce qui revient au même , que
le Genabum ou Cenabum des Anciens ,
ne soit point different de la Ville d'Orleans
c'est un fait qu'on ne révoque plus
en doute . Marius Niger , Vigenere , Ortelus
, et d'autres Auteurs , se sont néanmoins
imaginé que ce devoit être Gien ,
et quelques uns même ont voulu que
ce fût Gergeau , S'il ne s'agissoit que d'autoritez
, les témoins qui déposent pour
Orleans , sont plus anciens , plus celebres
et en plus grand nombre ; on compte
parmi ceux- cy , Aimoin , Moine de saint
Benoît sur Loire , qui vivoit sous le Roy
Robert au dixième et onzième siecle ;
Hugues , Moine de la même Abbaye, qui
composa son Histoire Ecclesiastique en
1109. Gilles de Paris , qui écrivoit à la
fin du 12. siecle ; Robert Gaguin ; Papire
Masson ; Joseph Scaliger ; Aubert le Mire
; Cellarius ; Baudrand ; Sanson ; Adrien
de Valois , et une infinité d'autres . Mais
si ces grands noms ne suffisent pas pour
décider une question de ce genre , les
raisons sur lesquelles ils se sont fondez ,
sont absolument sans réplique.
En effet , selon César , L. 7. C. 2. et
Strabon , L.L. 4. Genabum étoit dans le
Pays des Chartrains ; et les Peuples Char-
B iij trains
1716 MERCURE DE FRANCE
trains n'ont habité que ce qui est aujourd'hui
renfermé dans les Diocèses de Chartres
, de Blois et d'Orleans . Or Gien
n'est pas dans le Diocèse d'Orleans , encore
moins dans ceux de Chartres ou
de Blois , dont celui - cy n'est qu'un démembrement
moderne de l'autre : il est
dans celui d'Auxerre , qui a fait partie
des Peuples Sénonois , et par cette raison
il ne peut point être le Genabum de César
et de Strabon . D'un autre côté l'Itineraire
d'Antonin , pag. 83. qui met
Genabum sur le grand chemin d'Autun
à Paris , compte 77. milles de Nevers à
Genabum , et 48. milles de Genabum à Paris
. Or Gien est beaucoup plus près de
Nevers que de Paris ; et Orleans au contraire
, est beaucoup plus près de Paris
que de Nevers. Ajoûtez à cela que Gien
n'est jamais connu que sous les noms
de Giemum ou Giemacum , soit dans notre
Histoire , ( a) soit dans les Titres les plus
anciens . Genabum ne peut donc point
se rapporter à Gen ; et si ce n'est pas
à Orleans , ce ne peut plus être que Gaygeau.
Mais pourquoi Gergeau plutôt qu'Orlean
Premierement , la Tradition est
pour Orleans , et non point pour Ger-
(a) Vales, Notit. Galliar. p. 226. col. 2.
geau
A O UST. 1733. 1717 €
..
geau. En second lieu , les Evêchez n'ont
été au commencement établis que dans
les Villes les plus considerables de chaque
contrée . Or dans le Pays des Chartrains
, ( a) Ptolomée ne compte que deux
grandes Villes ; sçavoir Autricum , qui est
Chartres , et Genabum ou Cenabum. Si
donc Genabum n'eût été autre chose que
Gergeau , le Siege Episcopal eût été établi
à Gergeau , et non à Orleans , au lieu
qu'il a été établi dans cette derniere Ville,
sans jamais y avoir été transferé d'ailleurs.
Enfin il est certain , par le récit de
César , que Genabum étoit sur la Rive
droite de la Loire , puisque étant venu
de Sens pour assieger cette Ville , il mit
deux Légions en garde vers le Pont ', pour
empêcher que les Assiegêz ne se retirassent
par là de l'autre côté de la Riviere ;
et que lui- même,après avoir pris la Ville,
passa le Pont pour entrer dans le Berry.
Or cette situation ne peut convenir qu'à
Orleans , qui est du côté de Sens , et nullement
à Gergeau , qui est si bien du côté
de Bourges , que de Gergeau il faut ,
au contraire , passer le Pont pour aller
à Sens. Il est inutile de s'arrêter davantage
sur ce point.
Je remarquerai seulement avec Adrien
(a) Ptolom. Geogr. 1. 2. c. 7. p. § 1 .
B iiij de
1718 MERCURE DE FRANCE
de Valois , Page 225. qu'il est vrai - semblable
que le premier nom d'Orleans
ait été Čenabum , dont on aura fait ensuite
Genabum , comme Gebenna et Andegavi
, sont venus de Cebenna et d'Andecavi.
Car pour ce qui est de Genapus ,
de Cenapum , ou d'autres noms approchants
que l'on trouve en quelques endroits
, ce n'est que par corruption du
vrai mot , ou par licence poëtique . Les
anciens Munuscrits sont pour KevaCov
ou Cenabum ; Jerôme ( a) Sutita , s'échauf
fe extrémement contre ceux qui ont subtitué
à ce mot celui de Genabum .
Au reste , quand Luc de Holstein prétend
( b ) que le Cenabum d'Antonin
n'est autre que Geneve , il n'a pas fait
attention que l'Itineraire fait mention du
Cenabum en deux endroits diff rens , l'un
sur la route de Milan à Strasbourg , qu'on
reconnoît volontiers avec lui et avec Sanson
, convenir à Geneve ; l'autre sur la
ronte d'Autun à Paris , qui ne peut être
qu'Orleans , et qui lui est sans doute
échapé.
De sçavoir
maintenant pourquoi la
( a ) Surita , Comment. in Itiner. Antonin
502. 503.
(b Luc de Holstein . Annot, in Thesau. Geogr.
Ortel. p. 86.
Ville
A O UST. 1733 1719
་
Ville d'Orleans a quitté son ancien nom
de Genabum , pour prendre celui d'Orleans
, et de fixer la veritable origine de
ce dernier nom , c'est le sujet d'une autre
discussion dans laquelle il est à propos
d'entrer. Jules- Cesar avoit ruiné cette
Ville de fond en comble ; et comme elle
reparoît dans la suite de l'Histoire sous
un autre nom , il est naturel de croire.
que ce nouveau nom lui fut affecté en
memoire de celui qui la releva de ses
ruines. C'est donc ce nouveau Fondateur
qu'il faut chercher , et selon toutes les
apparences , ce fut Aurelien.
Cet Empereur vint dans les Gaules
l'an de J. C. 274 ce sera donc cette année-
là même qu'il aura songé à rebâtir.
Orleans , et qu'on aura vû renaître cette
Ville de ses cendres. Adrien de Valois
Tillemont , Basnage , l'Abbé de Longuerue
, et les meilleurs Critiques , après
Othon de Frisingue , sont tous de ce
sentiment , et le nouveau nom de la
Ville favorise entierement cette opinion.
On voit en effet dans une ancienne ( a)
Notice des Provinces de la Gaule , écrite,
comme l'on croit , sous l'Empire d'Honorius
, qu'on l'appelloit déja alors Ci-
(a) Notit. Provinc, apud Duchesne Hist. Fram.
tom, I. p . s . col. 1 .
B v vitas
1720 MERCURE DE FRANCE
vitas Aurelianorum , et qu'elle étoit comprise
dans le quatriéme Lyonnois , ou
dans la Province de Sens , dont les Villes
soumises à cette Métropole sont rangées
en cet ordre : Chartres , Auxerre ,
Troyes , Orleans , Paris , Meaux .
S. Sidoine Apollinaire , qui vivoit sous
Valentinien III. l'appelle , 1. 8. Aurelianensis
Urbs. Ainsi il n'est pas le premier ,
comme le veut Papire Masson , qui en
parle sous un autre nom que sous celui
de Genabum. Les Evêques d'Orleans , qui
assisterent (a) aux Conciles tenus en cette
Ville au sixiéme Siecle , donnent à leurs
Eglises le nom d'Ecclesia Aurelianensis.
Grégoire de Tours , 1. 5. et 7. l'appelle
Aurelianensis Urbs , et Aurelianensis Civitas.
Les Capitulaires de Charlemagne
l'appellent aussi Aurelianensis Civitas , et
Thegan (b) lui donne le nom d'Aurelianensium
Civitas ; ce qui revient au mot
d'Aurelianenses , que Grégoire de Tours
donne encore souvent à ses Habitans.
Jornandes , ( c ) Evêque de Ravenne ,
qui vivoit sous l'Empereur Justinien I.
(a) Conc. Labb. Tom. 4. p. 1410. 1783. et .
Tom. 5. p. 304. 389.
&
(b) Thegan. apud Duchesne. Ibid. p. 284.
(c) Jornand, apud Duchesne , Sup . Tom. 1. p.
227.
et
AOUST. 1733.
1721
et l'ancien Auteur de la Vie de Louis
le Debonnaire , lui donnant le nom d'Aureliana
Civitas. D'autres anciens Auteurs
P'appellent d'un nom indéclinable Aurelianis
comme Fredegaire , Marius ,
Aimoin , l'Anonime de Ravenne , et quantité
d'autres du nombre desquels est encore
Grégoire de Tours , (4 ) ausquels il
faut joindre les Monnoyes qui furent frappées
à Orleans sous nos Kois de la premiere
Race , et qui toutes portent le nom
d'Aurelianis ou Aurilianis . Enfin plusieurs
, comme Robert Gaguin , lui donnent
le nom d'Aurelianum ; ensorte qu'on
ne peut gueres douter que ce changement
de nom ne lui soit venu de l'Empereur
Aurelien , qui par cette raison en
est regardé , avec justice , comme le Restaurateur.
Ce n'est pas qu'on ne trouve quelquefois
la Ville d'Orleans appellée Aurelia
ou Urbs Aurelia. Le Moine Roricon
et l'Auteur de la Vie de S. Eucher , Evêque
d'Orleans , dans Duchesne , se sont
servis de ce mot. Papire Masson les a
imitez ; et il a aujourd'hui tant d'imitateurs
à son tour , qu'il paroît bien qu'on
ne s'embarrasse gueres de la critique qu'en
a fait Joseph Scaliger en trois mots : In-
(a ) Greg. Turon. l. 2. c. 7. p. 53-
B vj eptè
1722 MERCURE DE FRANCE
eptè vocant Aureliam. Le Prere Briet , et
Baudrand , qui ont employé Aurelia au
pluriel, ne se sont pas mis pour cela à couvert
de la censure ; et on pourroit leur
opposer de plus qu'Aurelia est encore
moins autorisé qu'Aurelia.
Il est vrai que plusieurs Auteurs ont
crû que ce n'étoit point Aurelien , mais
Marc- Aurele , qui avoit rebâti la Ville
d'Orleans ; et nous avons vû renouveller
les difficultez à ce sujet , lorsqu'on
fit ( a) en 1643. la découverte de plusieurs
Médailles de Marc- Aurele , à 13.
ou 14. toises de profondeur sous les fondemens
des murailles de l'ancienne clôture
que l'Evêque d'Orleans faisoit abatre
alors pour achever son Palais Episcopal.
Quelques- uns même , comme Papire
Masson, ont voulu que Jules - Cesar , après
avoir détruit cette Ville , Peût ensuite
relevée de ses ruines , et lui eût donné
le nom de sa mere Aurelia. D'autres enfin
, comme Lasaussaye , L. 1. n. 16. p. 24.
qui souhaiteroient aussi que ce rétablssement
fût plus ancien que l'Empereur Aurelien
, donnent à choisir entre Jules-
Cesar, Lucius Aurelius- Verus , Marc - Aurele-
Antonin , Aurelius Commodus , et
tous les Prédecesseurs d'Aurelien, qui ont
porté le nom d'Aurele.
(a) Le Maire , Ch . 3. p.
A O UST. 1732 1723
Il n'est pas moins vrai , qu'en fuppo
sant Orleans bâti par l'un ou l'autre de
tous ces Empereurs ,le nom d'Aurelia lui
convient mieux que tout autre ; mais
c'est supposer ce qui est en question . It
ne s'agit pas de sçavoir le nom qu'il
faut donner à Orleans ; si cette Ville doit
son rétablissement à l'un des Aureles , il
faut lui conserver celui que les anciens
lui ont donné, et trouver dans cet ancien
nom des vestiges de son fondateur . Or
l'ancien nom d'Orleans , c'est - à - dire , celui
dont le nom même d'Orleans a été
formé, indique l'Empereur Aurelien , et
exclut tous les Aureles.C'est donc à Aurelien
qu'il est juste de s'en tenir .
Pour ce qui est des Médailles de Marc-
Aurele , trouvées à Orleans , vers le milieu
du siecle passé . Cette découverte ne
prouve quoi que ce soit contre Aurelien ;
tous les jours on en trouve de semblables,
soit d'Aurele , soit de Néron , soit de
quelqu'autre Empereur, dans des Endroits
où ces Empereurs n'ont jamais fait travailler.
Que ces Médailles ayent été jet--
tées sous les fondemens de quelques tra→
vaux entrepris à Orleans , du temps même
de Marc- Aurele ; cela se peur , et il
s'ensuit qu'Orleans subsistoit alors , ce
qu'on ne nie point. Mais on n'en sçausoit
1724 MERCURE DE FRANCE
roit conclure que Marc- Aurele lui- même
ait fait entreprendre ces travaux. Si l'on
veut quelque chose de plus , rien n'empêche
que cet Empereur ou ceux qui
gouvernoient pour lui dans les Gaules
n'ayent fait construire à Orleans quelque
Forteresse , ou quelque Château pour
garder le passage de la Loire. Mais pour
ce qui est du renouvellement entier de la
Ville , il faut toujours en revenir à Aurelien
.
Au reste , le nouveau nom d'Orleans
n'a pas tellement pris d'abord le dessus,
qu'il air effacé l'ancien . On trouve indifféremment
l'un ou l'autre pendant quelque
temps , et Genabum ou Cenabum , s'est
maintenu jusqu'aprês le grand Constantin
, puisque ce mot se trouve dans l'Itineraire
d'Antonin , et qu'on ne peut guerre
douter que cet Itinéraire n'ait reçu que
vers ce temps là au plutôt la forme où,
nous le voyons aujourd'hui , soit qu'il ait
passé par les mains d'Ethicus , comme le
pensent d'habiles Critiques ; soit même
qu'il faille l'attribuer à Ammien Marcellin
, comme le prétend Cluvier. Je ne
parle point de la vie de S. Liphard , qui
n'a pu être écrite qu'au sixième siècle,au
plutôt après la mort de ce S. Abbé , et où
Lasaussaye , liv. 1. num . 16. prétend que
l'EvêAO
UST. 1733 . 1729
l'Evêque d'Orleans est encore appellé
Episcopus Genabensis. Ce seroit une authorité
de plus pour montrer la persua
sion où l'on étoit anciennement qu'Orleans
n'étoit point différent de Genabum :
mais je ne sçais dans quel Exemplaire Lasaussaye
a lû ce mot. Celui que Dom
(a) Mabillon avoit devant les yeux porte
Aurelianensis , au lieu de Genabensis.
J'ai lieu de douter si aprés cette discussion
sur le rétablissement et le changement
de nom de la Ville d'Orleans , le
Lecteur verra avec plaisir l'étimologie
qu'en a donné Glaber Rodulphe , dans
Duchesne, tom.4.à qui l'opinion la mieux
appuyée, n'a pas eu le don de plaire ; cependant
il ne faut rien omettre : Ex Ligeri
, dit cet Auteur , sibi congruo flumine
agnomen habet inditum ; diciturque Aureliana
, quasi ore ligeriana ; eo videlicet
quod in ore ejusdem fluminis ripa sit constituta
; non ut quidem minus cauti existimant
, ab Aureliano Augusto , quasi eam
ipse alificaverit , sic vocatam ; quin potius
ab amne , ut diximus , quod rectius , veriusque
illi congruit. Voilà ce que c'est quelquefois
que d'être plus clair - voïant et
d'avoir plus d'esprit que les autres ; mais
(a) Mabill, act. SS.Bened. tom.x. p. iss. m³.
le
1726 MERCURE DE FRANCE
que
que
l'adire
de celui (b) qui a découvert que
le mot celtique , Genabum , n'est
brégé de cette phrase latine : Gignens omne
bonum ? Ceux qui dans le Maire ont
crû qu'Aureliani tiroit son nom d'Aulerci,
sont un peu plus excusables. Ils avoient
lû dans Ptolomée , liv . 2. ch . 7. qu'une
partie des peuples , appellez Aulerciens
s'étendoient depuis la Loire jusqu'à la
Seine , et que Mediolanium , Ville Capi-.
tale de ces Peuples , étoit assise sur la
Loire. Ils ont aussi - tôt conjecturé que ce
Mediolanium ne pouvoit être qu'Orleans;
et selon cette Hypotese , Aurelia ou
Aureliani , sembloit naître assez naturellement
d'Aulerci ; le mal est que Prolo
mée s'étoit trompé le premier , et qu'il
les a entraînez dans l'erreur. Le Mediolanium
et les Aulertiens dont il s'agit
dans cet endroit , ne sont autres que la
Ville et les Peuples d'Evreux.
Il ne me reste plus pour finir cette Dissertation
,
que
ordinairement ceux de
de répondre à une objection
, que font
Gien , pour se maintenir dans la possession
où ils croient être de l'ancien Genabum.
Un Fauxbourg de Gien , disent - ils ,
porte encore aujourd'hui le nom de Genabie
, et ce nom , aussi-bien que celui
(b ) Le Maire , cap. 3.
de
AOUST. 1733. 1727
•
de Gien , approche assez de Genabum
pour croire qu'il ne faille point chercher
ailleurs cette ancienne Ville des Gaules ;
mais où en serions-nous s'il falloit prendre
ces ressemblances de noms pour des
Démonstrations ? Il ne faudroit point
chercher ailleurs qu'en France , la Breta-`
gne des anciens , et nous confondrions
une infinité de Villes considérables , avec
autant de Bourgs ou de Villages, dont les
noms modernes approchent plus de l'ancien
nom de ces mêmes Villes , que ceux
sous lesquels elles sont aujourd'hui connuës.
Laissons donc ces raisons , tirées
de la conformité des noms , lorsqu'elles
sont combattuës par d'autres raisons ausquelles
on n'a rien à repliquer tout ce
qu'on peut appeller du nom de preuves ,
tend à persuader que le Genabum des anciens
n'est point different de la Ville
d'Orleans ; et un Critique judicieux doit
s'en tenir là. Si le nom de Génabie est af
fecté à un Faubourg dc Gien , c'est à ceux
de Gien même à découvrir l'origine de ce
nom , qui peut- être n'a rien de commun
avec Orleans , à moins qu'on ne`veuille
supposer , ce qui ne se trouve neanmoins
marqué nulle part dans l'Histoire , qu'après
la prise et l'incendie de cette dernie
re Ville par Jules César ; la plus grande
partie
1728 MERCURE DE FRANCE
parties de ses habitans qui échaperent au
Vainqueur , remonta la Loire , et alla fi
xer sa demeure auprès de Gien , dans le
lieu même qui porte encore aujourd'hui ,
en mémoire de cette transmigration , le
nom de la Ville dont ils avoient été
chassez.
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Résumé : DISSERTATION sur le Genabum ou Cenabum des Anciens, par le R. P. Dom Toussaints Duplessis, Benedictin de la Congrégation de S. Maur.
La 'DISSERTATION sur le Genabum ou Cenabum des Anciens' de Dom Toussaints Duplessis explore l'origine et l'évolution du nom de la ville d'Orléans. L'auteur examine diverses théories sur l'antiquité d'Orléans, allant de sa fondation après le Déluge à des hypothèses plus récentes. Il se concentre sur la période de Jules César, en 702 de la fondation de Rome, car il n'existe pas de sources plus anciennes mentionnant la ville. Le texte affirme que Genabum ou Cenabum, mentionné par César et Strabon, est bien Orléans. Plusieurs auteurs, comme Marius Niger et Vigenere, ont proposé d'autres localisations telles que Gien ou Gergeau, mais les preuves historiques et géographiques soutiennent qu'Orléans est la ville en question. Les arguments incluent la localisation de Genabum dans le pays des Chartrains et les distances mentionnées dans l'Itinéraire d'Antonin. L'auteur discute également du changement de nom de Genabum à Orléans, attribuant ce changement à l'empereur Aurélien, qui aurait reconstruit la ville après sa destruction par César. Cette théorie est soutenue par de nombreux auteurs anciens et par des documents historiques. Le texte mentionne des débats sur d'autres empereurs potentiels, comme Marc-Aurèle, mais conclut qu'Aurélien est le plus probable. Le nom d'Orléans a coexisté avec son ancien nom pendant une période avant de devenir prédominant. Le nom 'Aureliana' est examiné, avec des théories proposant qu'il vient du fleuve Loire ou des Aulerciens, un peuple mentionné par Ptolémée. Cependant, Ptolémée se serait trompé, car les Aulerciens et leur capitale Mediolanium se trouvent près d'Évreux, et non à Orléans. Le texte réfute également l'objection de Gien, qui prétend que Genabum serait situé près de cette ville en raison de la similitude des noms. L'auteur conclut que les preuves tendent à montrer que Genabum est bien Orléans, et que les habitants de Gien doivent expliquer l'origine du nom Genabie dans leur faubourg.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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106
p. 1949-1974
LETTRE à l'Auteur du Projet d'une nouvelle Edition des Essais de Montaigne, imprimé dans le second volume du Mercure de Juin 1733. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croissic en Bretagne.
Début :
Les Essais de Montaigne ne m'eurent pas si-tôt passé par les mains, Monsieur, [...]
Mots clefs :
Montaigne, Style, Traduction, Langue, Homme, Lettre, Français, Pensée, Original, Épithète, Mal, Traduire, Virgile, Lettres, Anciens, Manière, Grand, Yeux, Auteurs, Marville
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE à l'Auteur du Projet d'une nouvelle Edition des Essais de Montaigne, imprimé dans le second volume du Mercure de Juin 1733. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croissic en Bretagne.
LETTRE à l'Auteur du Projet d'une
nouvelle Edition des Essais de Montaigne
, imprimé dans le second volume
du Mercure de Juin 1733. Par Mlle de
Malcrais de la Vigne , du Croissie en
Bretagne.
I
Lipas
Es Essais de Montaigne ne m'eurent
si-tôt passé
passé par
les mains , Monsieur
, que je me vis au nombre de ses
Partisans. J'admirai ses pensées , et je
n'aimai pas moins les graces et la naïveté
de son stile. Après ce début je puis vous
déclarer à la franquette ce que je pense.
de l'entreprise que vous formez d'ha
biller Montaigne à la moderne , changeant
sa fraise en tour de cou son pourpoint
éguilletté , en habit à paniers ; son
grand chapeau élevé en pain de sucre ,
en petit fin castor de la hauteur de quacre
doigts , &c.
Traduire en Langue Françoise un Auteur
Original , qui vivoit encore au com-
C men
1950 MERCURE DE FRANCE
que
mencement de 1592. et dont l'Ouvrage
est écrit dans la même Langue , me paroît
un projet d'une espece singuliere ,
et vous en convenez vous- même. Ce
n'est ppaass qquuee je nie l'échantillon
que
vous produisez de votre stile , n'ait du
mérite et qu'il ne vous fasse honneur ; il
est pur, élegant, harmonieux ; ses liaisons
peut-être un peu trop étudiées en font
un contraste avec celui de Seneque ,
qu'un Empereur Romain comparoit à
du sable sans chaux. Si la France n'eût
point vû naître un Montaigne avant
vous , vous pourriez , en continuant sur
le même ton , prétendre au même rang ;
mais souffrez que je vous dise que les
charmes de votre stile ne font que blanchir
, en voulant joûter contre ceux du
vieux et vrai Montaigne.
Il n'en est pas de la Traduction que
vous entreprenez , comme de rendre en
François un Auteur qui a travaillé avec
succès dans une Langue morte. Peu de
personnes sont en état de comparer le
Grec de l'Iliade avec la Traduction Françoise
de Me Dacier. Si ceux qui possedent
le mieux cette Langue , sont assez
habiles pour juger des pensées , ils ne
le sont point pour prononcer sûrement
sur l'expression , de- là vient que Me Dacier
་
SEPTEMBRE .
1733.
1951
cier
trouvera
toujours des
Avocats pour
et contre . L'un
soutiendra que tel endroit
est rendu à
merveille , un autre
prétendra
que non ; ou plutôt sans rien affirmer
, l'un dira credo di si et l'autre credo
di nà. Pour moi je
m'imagine que nous
marchons à tâtons dans le goût de l'Ansiquité
, et que la
prévention nous porte
souvent à regarder
comme
beautez dans
les
Anciens , ce qui n'est
souvent que
méprise ou
négligence. J'en ai vû , qui
ne
s'estimoient
chiens au petit collier
dans la
République des
Lettres , je les
ai vû , dis je , se
passionner
d'admiration
pour ce Vers de Virgile.
Cornua
velatarum
obvertimus
antennarum .
Admirez , me disoient- ils , la chute
grave de ces grands mots.Ils ne sont point
là sans dessein. Ne sentez vous pas dans
ce Vers
spondaïque le dur travail des
Matelots , qui se fatiguent à tourner les
Vergues d'un
Vaisseau , pesantes et chargées
de voilure ? Il me semble , répons
dois-je , que je sens quelque chose ; mais
n'y auroit- il point à craindre que vous
et moi nous ne fussions la duppe du préjugé
? L'idée
avantageuse et pleine de
respect que vos Maîtres vous inspirent
dès votre bas âge , pour tout ce qui nous
Cij reste
1952 MERCURE DE FRANCE
reste de ces celebres Auteurs , demeure ,
pour ainsi dire , cloüée dans vos têtes .
Mucho se conserva lo que en la mocedad
se deprende.
Si Virgile revenoit au monde , il nous
montreroit que nous louons dans ses Ouvrages
beaucoup de choses qu'il eût réformées
, s'il en cût eu le temps ou de
moins s'il l'eût pû faire ; et qu'au contraire
nous passons legerement sur plu
sieurs endroits dont il faisoit grande estime.
Cette Epithete , nous diroit- il , ce
monosillabe gracieux , à quoi vous ne
faites point attention , fut cause que je
veillai plus d'une nuit , et je vous jure
qu'il me fallut fouiller dans tous les
coins de mon cerveau avant que de parvenir
à le dénicher..
On raconte que notre Santeüil füt
travaillé d'une longue insomnie pour
trouver une Epithete qui pût exprimer
le son du marteau qui bat sur l'enclume.
Après bien des nuits passées commes
les Lievres , l'Epithete tant souha
tée se présenta , c'étoit refugus. Cette
rencontre fut pour lui un Montje
il se leve aussi - tôt , fait grand bruit
court par les Dortoirs , sans penser qu'il
étoit nud en chemise , frappe à toutes le
portes , les Chanoines se réveillent , l'a
larr
.
SEPTEMBRE . 1733. 1953
*
larme les saisit ; tous se figurent qu'un
subit incendie dans la maison est la
cause d'un pareil'vacarme. Enfin , quand
il fut question d'en sçavoir le sujet , Santeüil
leur apprit d'un ton fier , qu'il
avoit interrompu leur sommeil leur
pour
faire part d'une rare Epithete qu'il venoit
de trouver , ayant couru vainement
après elle pendant toute une Semaine..
Je vous laisse à penser si les Chanoines
se plurent beaucoup à cette farce ; ils
donnerent au D ..... l'Epithete et le
Poëte. N'importe , il les obligea de l'entendre
, sans quoi , point de patience . Les
Chanoines l'écouterent en se frottant les
yeux , et se hâterent d'applaudir , afin
de se défaire plus vîte d'un importun..
Santeuil retourna se coucher en faisant
des gambades , non moins content du
tour qu'il venoit de jouer , que d'avoir
trouvé l'Epithete qu'il cherchoit. Là finit
cette plaisante Scene que je ne donne
point pour article de foi.
C'est la gloire de passer pour avoir.
plus d'intelligence qu'un autre , qui engage
un Commentateur à se creuser le
erveau pour chercher dans cette Strophe
, dans cette expression d'Horace ,
un sens alambiqué dont personne n'ait
fait la découverte avant lui , quoique
Ciij nous
1954 MERCURE DE FRANCE
nous ne soyons pas plus au fait de la
propre signification des mots Grecs et
Latins , que de leur prononciation ; un
tel homme se croit un Christophle Colomb
dans le Pays des Belles- Lettres . Cependant
nous nous dépouillons nousmêmes
pour revétir les Anciens , et nous
donnons au Commentaire un temps qui
seroit plus utilement employé à l'invention
. C'est dans ce sens que je veux entendre
ici ce Passage de Quintilien : Supervacuus
foret in studiis longior labor , si nihil
liceret meliùs invenire præteritis. Il y en
a qui se sont figuré que Virgile dans
son Eglogue à Pollion , avoit prédit la
Naissance de Jesus- Christ . Les Romains
curieux d'apprendre ce qui leur devoit arriver
, avoient la superstition de le chercher
dans les Livres de ce Poëte , après
avoir choisi dans leur idée le premier ,
le second , ou tout autre Vers de la page
que le sort leur offroit , pour être l'interprete
du Destin . C'étoit- là ce qu'ils
appelloient Sortes Virgiliana . Nos premiers
François en croyoient autant des
Livres de la Sainte Ecriture . D'autres
non moins extravagans , se sont per
suadé que les principes de toutes les
Sciences et de la Magie même , étoient
renfermez dans les Poëmes d'Homere , et
LuSEPTEMBRE
. 1733. 1955
Lucien fait mention d'un faux Prophete
nommé Alexandre qui prétendoit qu'un
certain Vers d'Homere , écrit sur les portes
des Maisons , avoit la vertu de préserver
de la peste. Les hommes sont idolâtres
, non- seulement des Ouvrages d'esprit
des Anciens , mais même de tout ce
qui respire le moindre air d'Antiquité ,
et tel Curieux qui croiroit avoir parmi
ses possessions la Pantoufle de fer qui
sauta du pied d'Empedocle , quand il se
lança dans les flammes du Mont Etna, ne
voudroit peut-être pas faire échange de
cette Relique avec tous les Diamans du
Royaume de Golconde.
il`se
Tout beau , Mademoiselle , s'écriera
quelque Censeur aux sourcis herissez ,
compassant et nivelant toutes mes phra
ses , vous nous agencez ici de singulieres
digressions , et prenez un air scientifique
qui vous sied assez mal. Sçavez
vous qu'en vous écartant de votre sujet
vous péchez contre le précepte d'Horace.
Servetur ad imum;
Qualis ab incepto processerit , et sibi constet.
Et que vous donnez dans un si grand
ridicule , que l'Abbé Ménage , qui après
avoir parcouru dans sa cervelle , le La.
C iiij tium
1956 MERCURE DE FRANCE
tium , la Grece , l'Allemagne , l'Espagne ,
et peut- être la Chine et la Turquie
pour trouver l'origine du mot Equus
crut enfin l'avoir rencontré en Italie
et fit descendre en ligne directe ou collaterale
, Equus , du mot Italien Alfana
étimologie misérablement écorchée que
le Chevalier de Cailli ou d'Aceilli ;
fronda dans une jolie
Epigrammesétimologie
qui présente à mes yeux l'Arbre
Généalogique de plusieurs Maisons nouvellement
nobles , qui vont mandier à
prix d'argent en Irlande et en Italie , de
belles branches qu'elles entent ensuite
sur le tronc le plus. vil , de sorte qu'à
l'examiner de près , vous verriez du Laurier
, de l'Oranger , de l'Olivier et du,
Grenadier , entez sur un mauvais trou
de chou.
Si je fais des digressions dans la Lettre
que je vous adresse , Monsieur , ce
n'est point par affectation , mais par coûtume.
De plus comme il s'agit ici principalement
de Montaigne, je tache d'imiter
un peu son stile . Ses transitions sont fréquentes
, mais elles ont de la grace , et
comme elles se viennent placer pour l'or-,
dinaire très naturellement , l'Auteur fait
voir qu'il sçait écrire d'une maniere vive ,
aisée et indépendante. Cependant vous.
eussiez
SEPTEMBRE. 1733. 1957
eussiez pû l'attaquer en ce qu'il abandonne
quelquefois tellement son Sujet ,
que si l'on revient à voir comment il
a intitulé tel Chapitre , on s'imaginera
que l'Imprimeur s'est trompé et qu'il
a mis un titre au lieu d'un autre .
Vous aurez encore une nouvelle matiere
à me faire un procès , sur ce qu'en me :
déclarant contre ceux qui encensent à
l'aveugle les Anciens , et préconisent jusqu'à
leurs défauts , je me révolte contre
le desssein que vous avez de tourner
le Gaulois de Montaigne à la Françoise ,.
et que je semble braver le Précepte de
Macrobe , dans ses Saturnales , Vivamus:
moribus præteritis , præsentibus verbis loquamur.
Dans ce que j'ai avancé je n'ai
prétendu parler que des Langues mor--
tes. J'ai frondé les Commentaires prolixes
et superflus , sans condamner ab
solument les Traductions . J'ai blâmé :
Pidolâtrie sans desaprouver les sentimens
d'estime qu'on doit à tant de beautez
originales qui brillent dans les Livres des
Anciens .
Quant à Montaigne , je ne convien--
drai pas qu'il soit aussi Gaulois que vous
voudriez le faire croire. Si vous parliez
de traduire en François les Poësies Gau
loises de Bérenger , Comte de Provence,
GNI Ou
3
1958 MERCURE DE FRANCE
ou celle de Thibaut , Comte de Champagne
, qui rima d'amoureuses Chansons.
en l'honneur de la Reine Blanche , Mere
de S. Loiis ; à la bonne heure. Le stilede
ce temps- là est si different du nôtre,
qu'il semble que ce ne soit plus la même
Langue. Mais Montaigne , on l'entend ,
il n'est personne que son stile vif et varié
n'enchante , et je puis sans flaterie ,
ajuster à son sujet ces paroles d'un de
nos vieux Auteurs. C'est un bel esprit
doué de toutes les graces , gentillesses , cour
toisies et rondeurs que l'on peut souhaiter.
En effet il faut être perclus d'esprit , sh
l'on ne comprend point ses phrases les.
plus difficiles , pour peu qu'on s'y arrête.
L'utilité que produira votre Traduction
prétendue , ce sera de faire lire Montaigne
à quelques personnes curieuses de
voir la difference de son stile au vôtre..
Pour peu qu'en quelques endroits le vô
tre demeure au -dessous du sien , ses beautez
en recevront un nouvel éclat , et on
s'obstinera à lui trouver par tout le méme
mérite , afin de rabaisser celui de votre
Traduction . Il n'en est pas de Montaigne
comme de Nicole et de la Bruye ,
re. Quoique ceux- cy possedent bien leur
langue , neanmoins la plus grande partie
de leur valeur est dans les pensées ,
au
SEPTEMBRE . 1733. 1959.
au lieu que
les graces
de
l'autre sont
également
partagées
entre le sentiment
et la diction , toute vieille qu'elle est.
Quand il invente des termes , ils sont
expressifs et ne sçauroient se suppléer
avec le même
agrément et la même force.
Ses tours gascons qui dérident sa morale
, servent par tout à égayer le Lecteur.
Ses
négligences
mêmes ne sont
point
désagréables , ce sont des Ombres
au Tableau. Etienne
Pasquier , dans le
premier Livre de ses Lettres , blâme la
hardiesse de Clément Marot , qui s'avisa
mal-à- propos de ressacer le stile du Roman
de la Rose , commencé
par Guillaume
de Loris et continué par Clopinel.
Il n'y a , dit- il , homme docte entre
nous , qui ne lise les doctes Ecrits de Maître
Alain Chartier, et qui n'embrasse le Roman
de la Rose , lequel à la mienne volonté
, que par une bigarure de langage vieux
et nouveau , Clément Marot n'eût pas vou
In habiller à sa mode.
Mais examinons ce que signifie le terme
de Traduction , conformément au
sens qu'on lui a donné chez toutes les
Nations. Traduire , c'est , si je ne me ·
trompe , rendre en une autre Langue les
pensées , le stile et tout l'esprit d'un Au
seur. Votre Traduction peut- elle avoir
C vj
les
1960 MERCURE DE FRANCE
les qualitez prescrites ? Je ne sçaurois me
le persuader. Elle est faite en même
Langue , et par conséquent ne doit point
être appellée Traduction , et votre stile.
n'ayant nul rapport à celui de Montaigne
, ses pensées déguisées ne seront
aucunement semblables à elles - mêmes..
C'est pourquoi Scarron n'a point traduit.
l'Eneïde , mais il l'a parodié. Le stile de
Montaigne est un mêlange d'enjoüé et
de sérieux , assaisonné réciproquement
P'un par l'autre. Il ne paroît point qu'il
marche , mais qu'il voltige ; au lieu que
le vôtre cheminant d'un pas grave et
composé , représente un Magistrat qui
marche en Procession , et dont la pluye ,
la grêle et la foudre ne dérangeroient
pas la fiere contenance. ;
Sifractus illabatur Orbis , T
Impavidum ferient ruinas
Virgile se donna- t'il les airs de rajeu- ,
nir le bon homme Ennius ! et notre Ab
bé D. F *** Maître passé en fine plaisanterie
, oseroit- il couper la barbe à
Rabelais et le mutiler ? Ces soins scru
puleux convenoient seulement au P.
J*********qu'Apollon a établi son Chirur
gien Major sur le Parnasse , depuis lequel
temps un Poëte ne se hazarde
P
pas
même
SEPTEMBRE . 1733. 1964
même d'y prononcer le terme de fistula,.
de crainte que l'équivoque de quelque
maladie ne le fasse livrer entre ses mains
Au sur- plus la République des Lettres
n'y perdra rien , si Montaigne n'est point
lû de ceux qui sont rebutez de refléchiz
un moment sur quelques - unes de ses
phrases. Ce sont , sans doute , des génies
superficiels , incapables d'attention et
prêts peut- être à se dédire quand vous .
les aurez mis à même en couvrant le
vieux Montaigne d'une Rédingotre à la
mode. Le Bembo , dans ses Observations
sur la Langue Italienne , dit qu'il n'appartient
: pas à là Multitude de décider ·
des Ouvrages des Sçavans . Non è la Mul
titudine quella , che alle compositioni d'al
cun secolo dona grido , mà sono pochissimi
huomini di ciascun secolo , al giudicio de
quali , percioche sono essi più dotti degli
altri riputati , danno poi le Genti e la Multitudine
fede , che per se sola giudicare non
sa drittamente , è quella parte si piega colle :
sue voci , à che ella pochi huomini che io
dico sente piegare.
Les sçavans Jurisconsultes balancerent :
long- temps à traduire en notre Langue
les Instituts de Justinien , ne voulant
pas que ce précieux Abregé des Loix Romaines
, réservé pour les Juges et less
Avocats,
1962 MERCURE DE FRANCE
Avocats , s'avilit en passant par la Boutique
triviale des Procureurs , ausquels
il convient de travailler de la main de
toute façon , plutôt que de la tête . Ayols
les mêmes égards pour Montaigne , qui
n'en vaudra pas moins tout son prix ,
pour n'être point lû des Précieuses et
des petits Maîtres , Nation ignorante à
la fois et décisive , qui préfere le Roman
le plus plat aux Productions les plus solides.
Ah! Monsieur , que vous feriez une
oeuvre méritoire , et que vous rendriez
un grand service à la Province de Bretagne
, si vous vouliez , vous qui vous
montrez si charitable pour le Public
prendre la peine de traduire en François
intelligible notre Coûtume , dont les
Gauloises équivoques sont des pépinieres
de procès ! Mais ne vous fais - je point le
vôtre mal à propos , Monsieur ?voyons
et comparons quelques phrases de votre
Traduction avec l'Original .
Dans le premier Chapitre l'Auteur loüe
la constance du Capitaine Phiton , qui
témoignoit une insigne grandeur d'ame ,
au milieu des tourmens qu'on lui faisoit
souffrir , par les ordres de Denis le Tiran.
Il eut , dit Montaigne , le courage
toujours constant sans se perdre, et d'un visage
SEPTEMBRE . 1733. 1963
ge toujours ferme , alloit au contraire , ramentevant
à haute voix l'honorable et glorieuse
cause de sa mort , pour n'avoir voulu
rendre son Pays entre les mains d'un Tiran
, le menaçant d'une prochaine punition
des Dieux. Ce stile n'est- il pas nerveux ,
vif , soutenu , et comparable à celui dece
Rondeau dont la Bruyere fait si
grande estime.
Bien à propos s'en vint Ogier en France
Pour le Pays des Mécréans monder , &c.
Comparons maintenant au Gaulois de
Montaigne votre Traduction , mais Phiton
parut toujours ferme et constant , pu- ри
bliant à haute voix l'honorable et glorieuse
cause du tourment indigne qu'on lui faisoit
souffrir. Convenez que l'Original n'a pas
moins de force et de noblesse que la
Traduction ; qu'alloit est plus propre que
parut , d'autant que Phiton étoit foüetté
par les rues , et que publiant n'est pas.
si expressif que ramentevant , qui signifie
qu'il mettoit sous les yeux du Peuple
la peinture de ses genereux exploits ..
A la verité ramentevoir est un terme suranné
aujourd'hui , cependant il est noble
, et Malherbe l'a employé dans une
de ses plus belles Odes ..
La
1964 MERCURE DE FRANCE
La terreur des choses passées ,
A leurs yeux se ramentevant.
Et Racan , le plus illustre des Eleves:
de ce fameux Maître , en a fait usage.
en plus d'un endroit de ses aimables Poë
sies , comme dans une. Eglogue.
Cela ne sert de rien qu'à me ramentevoir .
Que je n'y verrai plus , & c. .
Je trouve tant d'énergie dans cette expression
, que je n'ai pas moins de regret
de sa perte que Pasquier en eut de.
celle de Chevalerie , Piétons , Enseigne
Coronale , en la pláce dèsquels on substitua
Cavalerie , Infanterie , Enseigne
Colonelle , quoique moins conformes à
l'étimologies que la Bruyere en eut dela
perte de maint et de moult , et que Voiture
en témoigna de la mauvaise chicanequ'on
intenta à Car , qui se vit à deux :
doigts de sa ruine. Le stile de Montai
gne est coupé , hardi , sententieux , et
ses libertez ne trouveront des Censeurs
que parmi les Pédans.
Cet Auteur après le morceau d'His--
toire que j'ai cité , fait tout à coup cette
refléxion qui s'échappe comme un trait ,.
et.qui a rapport à ce qu'il traite dans le
Cha-
.
SEPTEMBRE. 1733. 1961
Chapitre: Certes c'est un sujet merveilleusement
vain , divers et ondoyant que l'homme ; il
estenal aisé d'y fonder jugement constant et
uniforme. Ce qui est ainsi paraphrasé dans
votre Traduction . Au reste il ne manque
pas d'exemples contraires à ceux - cy , ce qui
fait voir l'inconstance , et si cela se peut dire
, la variation de l'homme dans les mêmes
circonstances , il agit differemment et
reçoit des mêmes objets des impressions tout
opposées , d'où il s'ensuit qu'il n'est pas sûr
d'en juger d'une maniere constante et uniforme.
La Traduction est plus polie et
plus déployés , mais l'Original est plus vif
et plus dégagé ; et de cet ondoyant , qu'en
avez-vous fait ? De cet ondoyant qui tout
seul vaut un discours entier C'est là que
se découvre le grand Art de la précision ,
et c'est dans ce goût délicat et serré que
l'admirable la Fontaine commence un
de ses Contes.
O combien l'homme est inconstant , divers ,
Foible , leger , tenant mal sa parole.
1
Quoique deux phrases ne soient pas
suffisantes pour faire le parallele de l'Original
, cependant je m'en tiendrai là.
Je les ai prises au hazard , et pour s'en
convaincre on n'a qu'à comparer la premiere
1966 MERCURE DE FRANCE
miere phrase de chaque Chapitre de l'Original
, avec la premiere de chaque Chapitre
de la Traduction . Pour faire court ,
je trouve Montaigne excellent tel qu'il
est , non que je prétende absolument le
justifier de quelques vices que vous censurez
; mais en ce Monde il n'est rien
d'accompli , le Soleil a ses taches , et les
hommes au-dessus du commun ne sont
pas moins extraordinaires dans leurs défauts
, que dans leurs vertus .
Hor superbite è via col viso altero ,
Figliuoli d'Eva , è non chinate'l volto ,
Si che veggiato il vostro mal sentero.
›
Dante , Purg. Canto 12.
Vigneul Marville , dans ses mélanges
d'Histoire et de Littérature , décide quel
quefois au hazard, du mérite des Auteurs.
Quand il rencontre juste, c'est pour l'ordinaire
un aveugle qui ne sçauroit marcher
sans bâton. Le jugement qu'il porte
des Essais de Montaigne dans son premier
volume , est copié d'après l'Auteur
de la Logique de Port- Royal , Pascal et
Malbranche ; qui devoient parler avec
plus de circonspection du Maître qui
leur apprit à penser ; quand ce n'eût été
que par reconnoissance.
Ce
SEPTEMBRE. 1733. 1967
Ce que le même Vigneul Marville soutient
dans son second volume , au sujet
de l'esprit de Montaigne , me paroît cependant
fort judicicux ; mais vous n'y
trouverez pas votre compte , vous qui
pensez à nous donner tout Montaigne à
votre guise. Tel que soit un Auteur , nous
dit il , il nefaut point le démembrer , on
aime mieux le voir tout entier avec ses deffauts
, que de le voir déchiré par piéces ; il
faut que
le corps et l'ame soient unis ensemble
; la séparation de quelque maniere qu'elle
se fasse ne sçauroit être avantageuse aw
tout et ne satisfera jamais le public.
Vigneul Marville , dans son troisième
volume , revient encore aux Essais de
Montaigne , preuve qu'il l'estimoit , car
d'un Auteur qu'on méprise , on ne s'en
embarasse pas tant ; mais il prend de travers
une partie du jugement qu'en a porté
Sorel , dans sa Bibliotheque Françoise.
Quelque favorable que lui soit Sorel , dit
Marville , il ne peut s'empêcher de dire que
ce n'est point une Lecture propre aux igno
rans , aux apprentifs et aux esprits foibles
qui ne pourroient suppléer au défaut de l'or
dre , ni profiter des pensées extraordinaires
et hardies de cet Ecrivain. Peut- on dire
après cela , que le jugement de Sorel soit
désavantageux à Montaigne , et qu'il ne
soit
1968 MERCURE DE FRANCE MERCU
soir plutôt en sa faveur que contre lui ?
Vigneul Marville étoit prévenu , enyvré
de Malbranche et de Pascal , il ne voyoit
pas que c'étoit la jalousie du métier qui
les forçoit à rabaisser Montaigne , et que
par conséquent ils ne devoient point être
témérairement crus sur leur parole, quoique
la Bruyere dût avoir les mêmes motifs
; néanmoins il en parle en juge intelligent
et désinterressé , et d'abord il
saute aux yeux , qu'il en veut à ces Critiques
chagrins , à ces Philosophes jaloux,
à ces Géometres pointilleux , qui ne sont
jamais contens que d'eux - mêmes. Voici :
les termes dont se sert la Bruyere : Deux
Ecrivains dans leurs Ouvrages ont blâme
Montaigne , queje ne crois pas , aussi - bien
qu'eux , exempt de toute sorte de blâme ; il
paroît que tous deux ne l'ont estimé en nulle:
maniere ; l'un ne pensoit pas assez pourgoû
ter un homme qui pense beaucoup , l'autre
pense trop subtilement , pour s'accommoder
des pensées qui sont naturelles ; Que cette :
critique est modeste ! que les Censeurs.
sont finement redressez , et que l'éloge
est délicat !
J'oubliois de vous demander , Monsieur
, pourquoi en traduisant Montaigne
, vous ne parlez pas de rendre en
Beaux Vers François les citations qu'il entrelasse
SEFTEMBRE . 1733. 1969
trelasse avec un art admirable , et qui ne
peuvent être supprimées qu'à son préjudice.
Questo , comme dit l'Italien , Guasterà
la coda alfagiana.
Au reste je rends justice à votre stile
dont les beautez , par rapport à ellesmêmes
sont tres bien entendues . Il n'y a
personne qui ne s'apperçoive en les lisant
, que vous n'en êtes point à votre
coup d'essai , ou que , si vous n'avez point
encore fait présent au public de quelque
Ouvrage , vous ne soyez en état de lui en
donner d'excellens , quand il vous plaira.
Je ne pense pas non plus que ma décision
doive servir de régle : je dis mon
sentiment , je puis me tromper , et
dans ces jours de dispute , il faudroit que
je fusse bien folle pour me proclamer infaillible.
Je ne doute pas même que votre
entreprise ne soit du goût d'une infinité
de personnes qui jugeront que je
rêve , et qui se diront l'une à l'autre :
An censes ullam anum tam deliram fuisse ?
Cependant cette Lettre ne sera point
sans quelque utilité , elle servira à prouver
en votre faveur que quelque bon que
puisse être un Ouvrage nouveau , il ne
parvient pas d'abord jusqu'à subir l'approbation
générale. Vous aurez votre
Four , vous critiquerez cette Lettre , le
1
stile
1970 MERCURE DE FRANCE
stile vous en paroîtra irrégul er ; lardé à
tort et à travers de citations estropiées ,
qui comme des pièces étrangeres , wit
nent mal - à - propos se placer dans l'échiquier.
Vous me donnerez le nom de
mauvais Singe de Mathanasius.
O la plaisante bigarure , direz- vous !
ôle rare et le nouveau parquet ! Ceci
n'est ni Voiture , ni Balzac , ni Bussi
ni Sévigné ; à quoi bon citer en Latin ,
en Italien , en Espagnol , ce qui peut
avoir la même grace en François ; ces reproches
, auxquels je me prépare , me
tappellent ce que j'ai lu dans les Lettres
d'Etienne Pasquier. Le passage est assez
divertissant , pour être rapporté tout au
long : Non seulement désire - je , dit cet
Auteur , que cette emploite se fasse ès Païs
qui sont contenus dans l'enceinte de notre
France ; mais aussi que nous passions tant
les Monts Pirénées que les Alpes , et désignions
avec les Langues qui ont quelque
communauté avec la nôtre , comme l'Espagnole
et l'Italienne , non pas pour ineptement
Italianiser, comme fent quelques Soldaıs , qui,
pourfaire paroître qu'ils ont été en Italie
couchent à chaque bout de champ quelques
mots Italiens. Il me souvient d'un Quidant
lequel demandant sa Berrette , pour son
Bonnet, et se courrouçant à son Valet qu'il ne
>
Lui
SEPTEMBRE. 1733. 1971
lui apportoit le Valet se sçut fort bien excuser
, lui disant qu'il estimoit qu'il commandoit
quelque chose à saservante Perrette.
La plaisanterie qui suit celle - ci dans la
même Lettre , est dans le même goût ,
mais elle est si gaillarde qu'il me suffira
d'y renvoyer le Lecteur ; quoiqu'après
un Prud'homme , tel que Pasquier , il
semble qu'il n'y ait point à risquer de
faire de faux pas dans le sentier de la
modestie.
Qu'il faut de travail pour se former
un stile , qui soit à la fois varié , léger ,
agréable et régulier ! l'un est diffus , enflé,
tonnant , le bon sens est noyé dans les
paroles ; l'autre est si pincé , si délicat
qu'il semble que ce soit une toile d'araignée
qui n'est bonne à rien , et dont les
filets sont si déliez qu'en souflant dessus ,
on jette au vent tout l'ouvrage. Cependant
tous les Auteurs se flattent d'écrire
naturellement, Je lus ces jours derniers
un Factum , cousu , brodé, rapetassé
recrépi de citations vagues et superflues
, et farci de plaisanteries fades et
amenées par force. Ce qui me fit rire ,
ce fut de voir citer les Eglogues de
Fontenelle dans un Ecrit où il ne s'agit
que de Dixmes ; mais j'entends , ou je
me trompe , tous nos Auteurs , Petits-
Mai1972
MERCURE DE FRANCE
Maîtres , qui se rassemblent en tumulte ,
et m'accusent devant Appollon, en criant
après moi , comme quand les Normands
appelloient de leurs débats à leur fince
Raoul , d'où nous est venu le terme de
Haro : Comment , me disent - ils , vous
osez nommer un Auteur aussi distingué
que l'est M. de Fontenelle , et le nommer
Fontenelle tout court , sans que son
nom soit précédé du terme cérémonieux
de Monsieur? Pardonnez moi , gens paîtris
de Musc et de Fard , et qui faites
gloire d'être tout confits en façons.
Je suis fiere et rustique , et j'ai l'ame grossiere.
Ne vous souvient il pas du trait d'un
Gascon , qui disoit nûment qu'il dînoit
chez Villars ; et sur ce que quelqu'un
l'argnoit , en lui représentant que le petit
mot de Monsieur ne lui eût point
écorché la bouche. Eh ! depuis quand , répondit-
il , dites vous Monsieur Pompée ,
Monsieur César , Monsieur Aléxandre ?
Je puis donc aussi riposter sur le même
ton : Depuis quand dites- vous Monsieur
Lucien , Monsieur Virgile Monsieur
Cicéron , Monsieur Pline ? Nos François
qui se portent un respect infini , ont appris
des Italiens , ce me semble , à se Mon→→
signoriser. Autrefois , et il n'y a pas long-
'
temps ,
SEPTEMBRE . 1733. 1973
temps , un Livre portoit le nom de son
Auteur , et même son nom de Baptême,
( ce qui paroîtroit aujourd'hui tenir du
campagnard ) ; cela , sans aller chercher
plus loin , et sans remonter jusqu'à Mə
rot , Saint Gélais , Malherbe, se peut voir
dans les premieres Editions de Corneille ,
de Boileau et de Racine, qui sont simplement
intitulées : Théatre de P. Corneille ,
Oeuvres de Nicolas Despreaux - Boileau ,
Oeuvres deRacine ; mais depuis que la plûpart
des Comédies ne sont que des tissus de
complimens , et lesTragédies de petits Ro-`
mans en rime ; tout sent parmi nous l'afféterie
et l'affectation ; et le superflu ne se
trouve pas moins dans le titre que dans le
corps de l'Ouvrage. A propos , de superflu
, je ne pense pas que je vous donne
beau jeu , et que vous me répondiez que
si le superflu domine jamais que que part,
c'est sur tout dans cette Lettre , où j'entasse
Discours sur Discours , qui ne tienment
presque point au sujet ; j'avouerai
qu'en commençant cette Lettre , mon
dessein n'étoit que de vous dire simplement
dans une demi page , ce que je
pense de votre projet de traduction ; mais
les phrases se sont insensiblement enfilées
comme des Patenottes , grosses ,
petites , et de toutes couleurs ; telle est
D ma
1974 MERCURE DE FRANCE
ma maniere d'écrire une Lettre promptes.
ment , sans apprêt , jettant sur le papier
tout ce qui se présente , pouvû qu'il ne
soit point absolument déraisonnable . Je
suis , Monsieur , & c.
Au Croisic en Bretagne , ce 7. Aoust.
nouvelle Edition des Essais de Montaigne
, imprimé dans le second volume
du Mercure de Juin 1733. Par Mlle de
Malcrais de la Vigne , du Croissie en
Bretagne.
I
Lipas
Es Essais de Montaigne ne m'eurent
si-tôt passé
passé par
les mains , Monsieur
, que je me vis au nombre de ses
Partisans. J'admirai ses pensées , et je
n'aimai pas moins les graces et la naïveté
de son stile. Après ce début je puis vous
déclarer à la franquette ce que je pense.
de l'entreprise que vous formez d'ha
biller Montaigne à la moderne , changeant
sa fraise en tour de cou son pourpoint
éguilletté , en habit à paniers ; son
grand chapeau élevé en pain de sucre ,
en petit fin castor de la hauteur de quacre
doigts , &c.
Traduire en Langue Françoise un Auteur
Original , qui vivoit encore au com-
C men
1950 MERCURE DE FRANCE
que
mencement de 1592. et dont l'Ouvrage
est écrit dans la même Langue , me paroît
un projet d'une espece singuliere ,
et vous en convenez vous- même. Ce
n'est ppaass qquuee je nie l'échantillon
que
vous produisez de votre stile , n'ait du
mérite et qu'il ne vous fasse honneur ; il
est pur, élegant, harmonieux ; ses liaisons
peut-être un peu trop étudiées en font
un contraste avec celui de Seneque ,
qu'un Empereur Romain comparoit à
du sable sans chaux. Si la France n'eût
point vû naître un Montaigne avant
vous , vous pourriez , en continuant sur
le même ton , prétendre au même rang ;
mais souffrez que je vous dise que les
charmes de votre stile ne font que blanchir
, en voulant joûter contre ceux du
vieux et vrai Montaigne.
Il n'en est pas de la Traduction que
vous entreprenez , comme de rendre en
François un Auteur qui a travaillé avec
succès dans une Langue morte. Peu de
personnes sont en état de comparer le
Grec de l'Iliade avec la Traduction Françoise
de Me Dacier. Si ceux qui possedent
le mieux cette Langue , sont assez
habiles pour juger des pensées , ils ne
le sont point pour prononcer sûrement
sur l'expression , de- là vient que Me Dacier
་
SEPTEMBRE .
1733.
1951
cier
trouvera
toujours des
Avocats pour
et contre . L'un
soutiendra que tel endroit
est rendu à
merveille , un autre
prétendra
que non ; ou plutôt sans rien affirmer
, l'un dira credo di si et l'autre credo
di nà. Pour moi je
m'imagine que nous
marchons à tâtons dans le goût de l'Ansiquité
, et que la
prévention nous porte
souvent à regarder
comme
beautez dans
les
Anciens , ce qui n'est
souvent que
méprise ou
négligence. J'en ai vû , qui
ne
s'estimoient
chiens au petit collier
dans la
République des
Lettres , je les
ai vû , dis je , se
passionner
d'admiration
pour ce Vers de Virgile.
Cornua
velatarum
obvertimus
antennarum .
Admirez , me disoient- ils , la chute
grave de ces grands mots.Ils ne sont point
là sans dessein. Ne sentez vous pas dans
ce Vers
spondaïque le dur travail des
Matelots , qui se fatiguent à tourner les
Vergues d'un
Vaisseau , pesantes et chargées
de voilure ? Il me semble , répons
dois-je , que je sens quelque chose ; mais
n'y auroit- il point à craindre que vous
et moi nous ne fussions la duppe du préjugé
? L'idée
avantageuse et pleine de
respect que vos Maîtres vous inspirent
dès votre bas âge , pour tout ce qui nous
Cij reste
1952 MERCURE DE FRANCE
reste de ces celebres Auteurs , demeure ,
pour ainsi dire , cloüée dans vos têtes .
Mucho se conserva lo que en la mocedad
se deprende.
Si Virgile revenoit au monde , il nous
montreroit que nous louons dans ses Ouvrages
beaucoup de choses qu'il eût réformées
, s'il en cût eu le temps ou de
moins s'il l'eût pû faire ; et qu'au contraire
nous passons legerement sur plu
sieurs endroits dont il faisoit grande estime.
Cette Epithete , nous diroit- il , ce
monosillabe gracieux , à quoi vous ne
faites point attention , fut cause que je
veillai plus d'une nuit , et je vous jure
qu'il me fallut fouiller dans tous les
coins de mon cerveau avant que de parvenir
à le dénicher..
On raconte que notre Santeüil füt
travaillé d'une longue insomnie pour
trouver une Epithete qui pût exprimer
le son du marteau qui bat sur l'enclume.
Après bien des nuits passées commes
les Lievres , l'Epithete tant souha
tée se présenta , c'étoit refugus. Cette
rencontre fut pour lui un Montje
il se leve aussi - tôt , fait grand bruit
court par les Dortoirs , sans penser qu'il
étoit nud en chemise , frappe à toutes le
portes , les Chanoines se réveillent , l'a
larr
.
SEPTEMBRE . 1733. 1953
*
larme les saisit ; tous se figurent qu'un
subit incendie dans la maison est la
cause d'un pareil'vacarme. Enfin , quand
il fut question d'en sçavoir le sujet , Santeüil
leur apprit d'un ton fier , qu'il
avoit interrompu leur sommeil leur
pour
faire part d'une rare Epithete qu'il venoit
de trouver , ayant couru vainement
après elle pendant toute une Semaine..
Je vous laisse à penser si les Chanoines
se plurent beaucoup à cette farce ; ils
donnerent au D ..... l'Epithete et le
Poëte. N'importe , il les obligea de l'entendre
, sans quoi , point de patience . Les
Chanoines l'écouterent en se frottant les
yeux , et se hâterent d'applaudir , afin
de se défaire plus vîte d'un importun..
Santeuil retourna se coucher en faisant
des gambades , non moins content du
tour qu'il venoit de jouer , que d'avoir
trouvé l'Epithete qu'il cherchoit. Là finit
cette plaisante Scene que je ne donne
point pour article de foi.
C'est la gloire de passer pour avoir.
plus d'intelligence qu'un autre , qui engage
un Commentateur à se creuser le
erveau pour chercher dans cette Strophe
, dans cette expression d'Horace ,
un sens alambiqué dont personne n'ait
fait la découverte avant lui , quoique
Ciij nous
1954 MERCURE DE FRANCE
nous ne soyons pas plus au fait de la
propre signification des mots Grecs et
Latins , que de leur prononciation ; un
tel homme se croit un Christophle Colomb
dans le Pays des Belles- Lettres . Cependant
nous nous dépouillons nousmêmes
pour revétir les Anciens , et nous
donnons au Commentaire un temps qui
seroit plus utilement employé à l'invention
. C'est dans ce sens que je veux entendre
ici ce Passage de Quintilien : Supervacuus
foret in studiis longior labor , si nihil
liceret meliùs invenire præteritis. Il y en
a qui se sont figuré que Virgile dans
son Eglogue à Pollion , avoit prédit la
Naissance de Jesus- Christ . Les Romains
curieux d'apprendre ce qui leur devoit arriver
, avoient la superstition de le chercher
dans les Livres de ce Poëte , après
avoir choisi dans leur idée le premier ,
le second , ou tout autre Vers de la page
que le sort leur offroit , pour être l'interprete
du Destin . C'étoit- là ce qu'ils
appelloient Sortes Virgiliana . Nos premiers
François en croyoient autant des
Livres de la Sainte Ecriture . D'autres
non moins extravagans , se sont per
suadé que les principes de toutes les
Sciences et de la Magie même , étoient
renfermez dans les Poëmes d'Homere , et
LuSEPTEMBRE
. 1733. 1955
Lucien fait mention d'un faux Prophete
nommé Alexandre qui prétendoit qu'un
certain Vers d'Homere , écrit sur les portes
des Maisons , avoit la vertu de préserver
de la peste. Les hommes sont idolâtres
, non- seulement des Ouvrages d'esprit
des Anciens , mais même de tout ce
qui respire le moindre air d'Antiquité ,
et tel Curieux qui croiroit avoir parmi
ses possessions la Pantoufle de fer qui
sauta du pied d'Empedocle , quand il se
lança dans les flammes du Mont Etna, ne
voudroit peut-être pas faire échange de
cette Relique avec tous les Diamans du
Royaume de Golconde.
il`se
Tout beau , Mademoiselle , s'écriera
quelque Censeur aux sourcis herissez ,
compassant et nivelant toutes mes phra
ses , vous nous agencez ici de singulieres
digressions , et prenez un air scientifique
qui vous sied assez mal. Sçavez
vous qu'en vous écartant de votre sujet
vous péchez contre le précepte d'Horace.
Servetur ad imum;
Qualis ab incepto processerit , et sibi constet.
Et que vous donnez dans un si grand
ridicule , que l'Abbé Ménage , qui après
avoir parcouru dans sa cervelle , le La.
C iiij tium
1956 MERCURE DE FRANCE
tium , la Grece , l'Allemagne , l'Espagne ,
et peut- être la Chine et la Turquie
pour trouver l'origine du mot Equus
crut enfin l'avoir rencontré en Italie
et fit descendre en ligne directe ou collaterale
, Equus , du mot Italien Alfana
étimologie misérablement écorchée que
le Chevalier de Cailli ou d'Aceilli ;
fronda dans une jolie
Epigrammesétimologie
qui présente à mes yeux l'Arbre
Généalogique de plusieurs Maisons nouvellement
nobles , qui vont mandier à
prix d'argent en Irlande et en Italie , de
belles branches qu'elles entent ensuite
sur le tronc le plus. vil , de sorte qu'à
l'examiner de près , vous verriez du Laurier
, de l'Oranger , de l'Olivier et du,
Grenadier , entez sur un mauvais trou
de chou.
Si je fais des digressions dans la Lettre
que je vous adresse , Monsieur , ce
n'est point par affectation , mais par coûtume.
De plus comme il s'agit ici principalement
de Montaigne, je tache d'imiter
un peu son stile . Ses transitions sont fréquentes
, mais elles ont de la grace , et
comme elles se viennent placer pour l'or-,
dinaire très naturellement , l'Auteur fait
voir qu'il sçait écrire d'une maniere vive ,
aisée et indépendante. Cependant vous.
eussiez
SEPTEMBRE. 1733. 1957
eussiez pû l'attaquer en ce qu'il abandonne
quelquefois tellement son Sujet ,
que si l'on revient à voir comment il
a intitulé tel Chapitre , on s'imaginera
que l'Imprimeur s'est trompé et qu'il
a mis un titre au lieu d'un autre .
Vous aurez encore une nouvelle matiere
à me faire un procès , sur ce qu'en me :
déclarant contre ceux qui encensent à
l'aveugle les Anciens , et préconisent jusqu'à
leurs défauts , je me révolte contre
le desssein que vous avez de tourner
le Gaulois de Montaigne à la Françoise ,.
et que je semble braver le Précepte de
Macrobe , dans ses Saturnales , Vivamus:
moribus præteritis , præsentibus verbis loquamur.
Dans ce que j'ai avancé je n'ai
prétendu parler que des Langues mor--
tes. J'ai frondé les Commentaires prolixes
et superflus , sans condamner ab
solument les Traductions . J'ai blâmé :
Pidolâtrie sans desaprouver les sentimens
d'estime qu'on doit à tant de beautez
originales qui brillent dans les Livres des
Anciens .
Quant à Montaigne , je ne convien--
drai pas qu'il soit aussi Gaulois que vous
voudriez le faire croire. Si vous parliez
de traduire en François les Poësies Gau
loises de Bérenger , Comte de Provence,
GNI Ou
3
1958 MERCURE DE FRANCE
ou celle de Thibaut , Comte de Champagne
, qui rima d'amoureuses Chansons.
en l'honneur de la Reine Blanche , Mere
de S. Loiis ; à la bonne heure. Le stilede
ce temps- là est si different du nôtre,
qu'il semble que ce ne soit plus la même
Langue. Mais Montaigne , on l'entend ,
il n'est personne que son stile vif et varié
n'enchante , et je puis sans flaterie ,
ajuster à son sujet ces paroles d'un de
nos vieux Auteurs. C'est un bel esprit
doué de toutes les graces , gentillesses , cour
toisies et rondeurs que l'on peut souhaiter.
En effet il faut être perclus d'esprit , sh
l'on ne comprend point ses phrases les.
plus difficiles , pour peu qu'on s'y arrête.
L'utilité que produira votre Traduction
prétendue , ce sera de faire lire Montaigne
à quelques personnes curieuses de
voir la difference de son stile au vôtre..
Pour peu qu'en quelques endroits le vô
tre demeure au -dessous du sien , ses beautez
en recevront un nouvel éclat , et on
s'obstinera à lui trouver par tout le méme
mérite , afin de rabaisser celui de votre
Traduction . Il n'en est pas de Montaigne
comme de Nicole et de la Bruye ,
re. Quoique ceux- cy possedent bien leur
langue , neanmoins la plus grande partie
de leur valeur est dans les pensées ,
au
SEPTEMBRE . 1733. 1959.
au lieu que
les graces
de
l'autre sont
également
partagées
entre le sentiment
et la diction , toute vieille qu'elle est.
Quand il invente des termes , ils sont
expressifs et ne sçauroient se suppléer
avec le même
agrément et la même force.
Ses tours gascons qui dérident sa morale
, servent par tout à égayer le Lecteur.
Ses
négligences
mêmes ne sont
point
désagréables , ce sont des Ombres
au Tableau. Etienne
Pasquier , dans le
premier Livre de ses Lettres , blâme la
hardiesse de Clément Marot , qui s'avisa
mal-à- propos de ressacer le stile du Roman
de la Rose , commencé
par Guillaume
de Loris et continué par Clopinel.
Il n'y a , dit- il , homme docte entre
nous , qui ne lise les doctes Ecrits de Maître
Alain Chartier, et qui n'embrasse le Roman
de la Rose , lequel à la mienne volonté
, que par une bigarure de langage vieux
et nouveau , Clément Marot n'eût pas vou
In habiller à sa mode.
Mais examinons ce que signifie le terme
de Traduction , conformément au
sens qu'on lui a donné chez toutes les
Nations. Traduire , c'est , si je ne me ·
trompe , rendre en une autre Langue les
pensées , le stile et tout l'esprit d'un Au
seur. Votre Traduction peut- elle avoir
C vj
les
1960 MERCURE DE FRANCE
les qualitez prescrites ? Je ne sçaurois me
le persuader. Elle est faite en même
Langue , et par conséquent ne doit point
être appellée Traduction , et votre stile.
n'ayant nul rapport à celui de Montaigne
, ses pensées déguisées ne seront
aucunement semblables à elles - mêmes..
C'est pourquoi Scarron n'a point traduit.
l'Eneïde , mais il l'a parodié. Le stile de
Montaigne est un mêlange d'enjoüé et
de sérieux , assaisonné réciproquement
P'un par l'autre. Il ne paroît point qu'il
marche , mais qu'il voltige ; au lieu que
le vôtre cheminant d'un pas grave et
composé , représente un Magistrat qui
marche en Procession , et dont la pluye ,
la grêle et la foudre ne dérangeroient
pas la fiere contenance. ;
Sifractus illabatur Orbis , T
Impavidum ferient ruinas
Virgile se donna- t'il les airs de rajeu- ,
nir le bon homme Ennius ! et notre Ab
bé D. F *** Maître passé en fine plaisanterie
, oseroit- il couper la barbe à
Rabelais et le mutiler ? Ces soins scru
puleux convenoient seulement au P.
J*********qu'Apollon a établi son Chirur
gien Major sur le Parnasse , depuis lequel
temps un Poëte ne se hazarde
P
pas
même
SEPTEMBRE . 1733. 1964
même d'y prononcer le terme de fistula,.
de crainte que l'équivoque de quelque
maladie ne le fasse livrer entre ses mains
Au sur- plus la République des Lettres
n'y perdra rien , si Montaigne n'est point
lû de ceux qui sont rebutez de refléchiz
un moment sur quelques - unes de ses
phrases. Ce sont , sans doute , des génies
superficiels , incapables d'attention et
prêts peut- être à se dédire quand vous .
les aurez mis à même en couvrant le
vieux Montaigne d'une Rédingotre à la
mode. Le Bembo , dans ses Observations
sur la Langue Italienne , dit qu'il n'appartient
: pas à là Multitude de décider ·
des Ouvrages des Sçavans . Non è la Mul
titudine quella , che alle compositioni d'al
cun secolo dona grido , mà sono pochissimi
huomini di ciascun secolo , al giudicio de
quali , percioche sono essi più dotti degli
altri riputati , danno poi le Genti e la Multitudine
fede , che per se sola giudicare non
sa drittamente , è quella parte si piega colle :
sue voci , à che ella pochi huomini che io
dico sente piegare.
Les sçavans Jurisconsultes balancerent :
long- temps à traduire en notre Langue
les Instituts de Justinien , ne voulant
pas que ce précieux Abregé des Loix Romaines
, réservé pour les Juges et less
Avocats,
1962 MERCURE DE FRANCE
Avocats , s'avilit en passant par la Boutique
triviale des Procureurs , ausquels
il convient de travailler de la main de
toute façon , plutôt que de la tête . Ayols
les mêmes égards pour Montaigne , qui
n'en vaudra pas moins tout son prix ,
pour n'être point lû des Précieuses et
des petits Maîtres , Nation ignorante à
la fois et décisive , qui préfere le Roman
le plus plat aux Productions les plus solides.
Ah! Monsieur , que vous feriez une
oeuvre méritoire , et que vous rendriez
un grand service à la Province de Bretagne
, si vous vouliez , vous qui vous
montrez si charitable pour le Public
prendre la peine de traduire en François
intelligible notre Coûtume , dont les
Gauloises équivoques sont des pépinieres
de procès ! Mais ne vous fais - je point le
vôtre mal à propos , Monsieur ?voyons
et comparons quelques phrases de votre
Traduction avec l'Original .
Dans le premier Chapitre l'Auteur loüe
la constance du Capitaine Phiton , qui
témoignoit une insigne grandeur d'ame ,
au milieu des tourmens qu'on lui faisoit
souffrir , par les ordres de Denis le Tiran.
Il eut , dit Montaigne , le courage
toujours constant sans se perdre, et d'un visage
SEPTEMBRE . 1733. 1963
ge toujours ferme , alloit au contraire , ramentevant
à haute voix l'honorable et glorieuse
cause de sa mort , pour n'avoir voulu
rendre son Pays entre les mains d'un Tiran
, le menaçant d'une prochaine punition
des Dieux. Ce stile n'est- il pas nerveux ,
vif , soutenu , et comparable à celui dece
Rondeau dont la Bruyere fait si
grande estime.
Bien à propos s'en vint Ogier en France
Pour le Pays des Mécréans monder , &c.
Comparons maintenant au Gaulois de
Montaigne votre Traduction , mais Phiton
parut toujours ferme et constant , pu- ри
bliant à haute voix l'honorable et glorieuse
cause du tourment indigne qu'on lui faisoit
souffrir. Convenez que l'Original n'a pas
moins de force et de noblesse que la
Traduction ; qu'alloit est plus propre que
parut , d'autant que Phiton étoit foüetté
par les rues , et que publiant n'est pas.
si expressif que ramentevant , qui signifie
qu'il mettoit sous les yeux du Peuple
la peinture de ses genereux exploits ..
A la verité ramentevoir est un terme suranné
aujourd'hui , cependant il est noble
, et Malherbe l'a employé dans une
de ses plus belles Odes ..
La
1964 MERCURE DE FRANCE
La terreur des choses passées ,
A leurs yeux se ramentevant.
Et Racan , le plus illustre des Eleves:
de ce fameux Maître , en a fait usage.
en plus d'un endroit de ses aimables Poë
sies , comme dans une. Eglogue.
Cela ne sert de rien qu'à me ramentevoir .
Que je n'y verrai plus , & c. .
Je trouve tant d'énergie dans cette expression
, que je n'ai pas moins de regret
de sa perte que Pasquier en eut de.
celle de Chevalerie , Piétons , Enseigne
Coronale , en la pláce dèsquels on substitua
Cavalerie , Infanterie , Enseigne
Colonelle , quoique moins conformes à
l'étimologies que la Bruyere en eut dela
perte de maint et de moult , et que Voiture
en témoigna de la mauvaise chicanequ'on
intenta à Car , qui se vit à deux :
doigts de sa ruine. Le stile de Montai
gne est coupé , hardi , sententieux , et
ses libertez ne trouveront des Censeurs
que parmi les Pédans.
Cet Auteur après le morceau d'His--
toire que j'ai cité , fait tout à coup cette
refléxion qui s'échappe comme un trait ,.
et.qui a rapport à ce qu'il traite dans le
Cha-
.
SEPTEMBRE. 1733. 1961
Chapitre: Certes c'est un sujet merveilleusement
vain , divers et ondoyant que l'homme ; il
estenal aisé d'y fonder jugement constant et
uniforme. Ce qui est ainsi paraphrasé dans
votre Traduction . Au reste il ne manque
pas d'exemples contraires à ceux - cy , ce qui
fait voir l'inconstance , et si cela se peut dire
, la variation de l'homme dans les mêmes
circonstances , il agit differemment et
reçoit des mêmes objets des impressions tout
opposées , d'où il s'ensuit qu'il n'est pas sûr
d'en juger d'une maniere constante et uniforme.
La Traduction est plus polie et
plus déployés , mais l'Original est plus vif
et plus dégagé ; et de cet ondoyant , qu'en
avez-vous fait ? De cet ondoyant qui tout
seul vaut un discours entier C'est là que
se découvre le grand Art de la précision ,
et c'est dans ce goût délicat et serré que
l'admirable la Fontaine commence un
de ses Contes.
O combien l'homme est inconstant , divers ,
Foible , leger , tenant mal sa parole.
1
Quoique deux phrases ne soient pas
suffisantes pour faire le parallele de l'Original
, cependant je m'en tiendrai là.
Je les ai prises au hazard , et pour s'en
convaincre on n'a qu'à comparer la premiere
1966 MERCURE DE FRANCE
miere phrase de chaque Chapitre de l'Original
, avec la premiere de chaque Chapitre
de la Traduction . Pour faire court ,
je trouve Montaigne excellent tel qu'il
est , non que je prétende absolument le
justifier de quelques vices que vous censurez
; mais en ce Monde il n'est rien
d'accompli , le Soleil a ses taches , et les
hommes au-dessus du commun ne sont
pas moins extraordinaires dans leurs défauts
, que dans leurs vertus .
Hor superbite è via col viso altero ,
Figliuoli d'Eva , è non chinate'l volto ,
Si che veggiato il vostro mal sentero.
›
Dante , Purg. Canto 12.
Vigneul Marville , dans ses mélanges
d'Histoire et de Littérature , décide quel
quefois au hazard, du mérite des Auteurs.
Quand il rencontre juste, c'est pour l'ordinaire
un aveugle qui ne sçauroit marcher
sans bâton. Le jugement qu'il porte
des Essais de Montaigne dans son premier
volume , est copié d'après l'Auteur
de la Logique de Port- Royal , Pascal et
Malbranche ; qui devoient parler avec
plus de circonspection du Maître qui
leur apprit à penser ; quand ce n'eût été
que par reconnoissance.
Ce
SEPTEMBRE. 1733. 1967
Ce que le même Vigneul Marville soutient
dans son second volume , au sujet
de l'esprit de Montaigne , me paroît cependant
fort judicicux ; mais vous n'y
trouverez pas votre compte , vous qui
pensez à nous donner tout Montaigne à
votre guise. Tel que soit un Auteur , nous
dit il , il nefaut point le démembrer , on
aime mieux le voir tout entier avec ses deffauts
, que de le voir déchiré par piéces ; il
faut que
le corps et l'ame soient unis ensemble
; la séparation de quelque maniere qu'elle
se fasse ne sçauroit être avantageuse aw
tout et ne satisfera jamais le public.
Vigneul Marville , dans son troisième
volume , revient encore aux Essais de
Montaigne , preuve qu'il l'estimoit , car
d'un Auteur qu'on méprise , on ne s'en
embarasse pas tant ; mais il prend de travers
une partie du jugement qu'en a porté
Sorel , dans sa Bibliotheque Françoise.
Quelque favorable que lui soit Sorel , dit
Marville , il ne peut s'empêcher de dire que
ce n'est point une Lecture propre aux igno
rans , aux apprentifs et aux esprits foibles
qui ne pourroient suppléer au défaut de l'or
dre , ni profiter des pensées extraordinaires
et hardies de cet Ecrivain. Peut- on dire
après cela , que le jugement de Sorel soit
désavantageux à Montaigne , et qu'il ne
soit
1968 MERCURE DE FRANCE MERCU
soir plutôt en sa faveur que contre lui ?
Vigneul Marville étoit prévenu , enyvré
de Malbranche et de Pascal , il ne voyoit
pas que c'étoit la jalousie du métier qui
les forçoit à rabaisser Montaigne , et que
par conséquent ils ne devoient point être
témérairement crus sur leur parole, quoique
la Bruyere dût avoir les mêmes motifs
; néanmoins il en parle en juge intelligent
et désinterressé , et d'abord il
saute aux yeux , qu'il en veut à ces Critiques
chagrins , à ces Philosophes jaloux,
à ces Géometres pointilleux , qui ne sont
jamais contens que d'eux - mêmes. Voici :
les termes dont se sert la Bruyere : Deux
Ecrivains dans leurs Ouvrages ont blâme
Montaigne , queje ne crois pas , aussi - bien
qu'eux , exempt de toute sorte de blâme ; il
paroît que tous deux ne l'ont estimé en nulle:
maniere ; l'un ne pensoit pas assez pourgoû
ter un homme qui pense beaucoup , l'autre
pense trop subtilement , pour s'accommoder
des pensées qui sont naturelles ; Que cette :
critique est modeste ! que les Censeurs.
sont finement redressez , et que l'éloge
est délicat !
J'oubliois de vous demander , Monsieur
, pourquoi en traduisant Montaigne
, vous ne parlez pas de rendre en
Beaux Vers François les citations qu'il entrelasse
SEFTEMBRE . 1733. 1969
trelasse avec un art admirable , et qui ne
peuvent être supprimées qu'à son préjudice.
Questo , comme dit l'Italien , Guasterà
la coda alfagiana.
Au reste je rends justice à votre stile
dont les beautez , par rapport à ellesmêmes
sont tres bien entendues . Il n'y a
personne qui ne s'apperçoive en les lisant
, que vous n'en êtes point à votre
coup d'essai , ou que , si vous n'avez point
encore fait présent au public de quelque
Ouvrage , vous ne soyez en état de lui en
donner d'excellens , quand il vous plaira.
Je ne pense pas non plus que ma décision
doive servir de régle : je dis mon
sentiment , je puis me tromper , et
dans ces jours de dispute , il faudroit que
je fusse bien folle pour me proclamer infaillible.
Je ne doute pas même que votre
entreprise ne soit du goût d'une infinité
de personnes qui jugeront que je
rêve , et qui se diront l'une à l'autre :
An censes ullam anum tam deliram fuisse ?
Cependant cette Lettre ne sera point
sans quelque utilité , elle servira à prouver
en votre faveur que quelque bon que
puisse être un Ouvrage nouveau , il ne
parvient pas d'abord jusqu'à subir l'approbation
générale. Vous aurez votre
Four , vous critiquerez cette Lettre , le
1
stile
1970 MERCURE DE FRANCE
stile vous en paroîtra irrégul er ; lardé à
tort et à travers de citations estropiées ,
qui comme des pièces étrangeres , wit
nent mal - à - propos se placer dans l'échiquier.
Vous me donnerez le nom de
mauvais Singe de Mathanasius.
O la plaisante bigarure , direz- vous !
ôle rare et le nouveau parquet ! Ceci
n'est ni Voiture , ni Balzac , ni Bussi
ni Sévigné ; à quoi bon citer en Latin ,
en Italien , en Espagnol , ce qui peut
avoir la même grace en François ; ces reproches
, auxquels je me prépare , me
tappellent ce que j'ai lu dans les Lettres
d'Etienne Pasquier. Le passage est assez
divertissant , pour être rapporté tout au
long : Non seulement désire - je , dit cet
Auteur , que cette emploite se fasse ès Païs
qui sont contenus dans l'enceinte de notre
France ; mais aussi que nous passions tant
les Monts Pirénées que les Alpes , et désignions
avec les Langues qui ont quelque
communauté avec la nôtre , comme l'Espagnole
et l'Italienne , non pas pour ineptement
Italianiser, comme fent quelques Soldaıs , qui,
pourfaire paroître qu'ils ont été en Italie
couchent à chaque bout de champ quelques
mots Italiens. Il me souvient d'un Quidant
lequel demandant sa Berrette , pour son
Bonnet, et se courrouçant à son Valet qu'il ne
>
Lui
SEPTEMBRE. 1733. 1971
lui apportoit le Valet se sçut fort bien excuser
, lui disant qu'il estimoit qu'il commandoit
quelque chose à saservante Perrette.
La plaisanterie qui suit celle - ci dans la
même Lettre , est dans le même goût ,
mais elle est si gaillarde qu'il me suffira
d'y renvoyer le Lecteur ; quoiqu'après
un Prud'homme , tel que Pasquier , il
semble qu'il n'y ait point à risquer de
faire de faux pas dans le sentier de la
modestie.
Qu'il faut de travail pour se former
un stile , qui soit à la fois varié , léger ,
agréable et régulier ! l'un est diffus , enflé,
tonnant , le bon sens est noyé dans les
paroles ; l'autre est si pincé , si délicat
qu'il semble que ce soit une toile d'araignée
qui n'est bonne à rien , et dont les
filets sont si déliez qu'en souflant dessus ,
on jette au vent tout l'ouvrage. Cependant
tous les Auteurs se flattent d'écrire
naturellement, Je lus ces jours derniers
un Factum , cousu , brodé, rapetassé
recrépi de citations vagues et superflues
, et farci de plaisanteries fades et
amenées par force. Ce qui me fit rire ,
ce fut de voir citer les Eglogues de
Fontenelle dans un Ecrit où il ne s'agit
que de Dixmes ; mais j'entends , ou je
me trompe , tous nos Auteurs , Petits-
Mai1972
MERCURE DE FRANCE
Maîtres , qui se rassemblent en tumulte ,
et m'accusent devant Appollon, en criant
après moi , comme quand les Normands
appelloient de leurs débats à leur fince
Raoul , d'où nous est venu le terme de
Haro : Comment , me disent - ils , vous
osez nommer un Auteur aussi distingué
que l'est M. de Fontenelle , et le nommer
Fontenelle tout court , sans que son
nom soit précédé du terme cérémonieux
de Monsieur? Pardonnez moi , gens paîtris
de Musc et de Fard , et qui faites
gloire d'être tout confits en façons.
Je suis fiere et rustique , et j'ai l'ame grossiere.
Ne vous souvient il pas du trait d'un
Gascon , qui disoit nûment qu'il dînoit
chez Villars ; et sur ce que quelqu'un
l'argnoit , en lui représentant que le petit
mot de Monsieur ne lui eût point
écorché la bouche. Eh ! depuis quand , répondit-
il , dites vous Monsieur Pompée ,
Monsieur César , Monsieur Aléxandre ?
Je puis donc aussi riposter sur le même
ton : Depuis quand dites- vous Monsieur
Lucien , Monsieur Virgile Monsieur
Cicéron , Monsieur Pline ? Nos François
qui se portent un respect infini , ont appris
des Italiens , ce me semble , à se Mon→→
signoriser. Autrefois , et il n'y a pas long-
'
temps ,
SEPTEMBRE . 1733. 1973
temps , un Livre portoit le nom de son
Auteur , et même son nom de Baptême,
( ce qui paroîtroit aujourd'hui tenir du
campagnard ) ; cela , sans aller chercher
plus loin , et sans remonter jusqu'à Mə
rot , Saint Gélais , Malherbe, se peut voir
dans les premieres Editions de Corneille ,
de Boileau et de Racine, qui sont simplement
intitulées : Théatre de P. Corneille ,
Oeuvres de Nicolas Despreaux - Boileau ,
Oeuvres deRacine ; mais depuis que la plûpart
des Comédies ne sont que des tissus de
complimens , et lesTragédies de petits Ro-`
mans en rime ; tout sent parmi nous l'afféterie
et l'affectation ; et le superflu ne se
trouve pas moins dans le titre que dans le
corps de l'Ouvrage. A propos , de superflu
, je ne pense pas que je vous donne
beau jeu , et que vous me répondiez que
si le superflu domine jamais que que part,
c'est sur tout dans cette Lettre , où j'entasse
Discours sur Discours , qui ne tienment
presque point au sujet ; j'avouerai
qu'en commençant cette Lettre , mon
dessein n'étoit que de vous dire simplement
dans une demi page , ce que je
pense de votre projet de traduction ; mais
les phrases se sont insensiblement enfilées
comme des Patenottes , grosses ,
petites , et de toutes couleurs ; telle est
D ma
1974 MERCURE DE FRANCE
ma maniere d'écrire une Lettre promptes.
ment , sans apprêt , jettant sur le papier
tout ce qui se présente , pouvû qu'il ne
soit point absolument déraisonnable . Je
suis , Monsieur , & c.
Au Croisic en Bretagne , ce 7. Aoust.
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Résumé : LETTRE à l'Auteur du Projet d'une nouvelle Edition des Essais de Montaigne, imprimé dans le second volume du Mercure de Juin 1733. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croissic en Bretagne.
Mlle de Malcrais de la Vigne critique le projet de rééditer les *Essais* de Montaigne en les modernisant. Elle admire les pensées et le style de Montaigne, mais conteste l'idée de traduire un auteur français du XVIe siècle en français moderne. Elle reconnaît la qualité du style de l'éditeur, mais le compare défavorablement à celui de Montaigne, qu'elle juge plus nerveux, vif et soutenu. Elle souligne que traduire un auteur contemporain diffère de traduire un auteur d'une langue morte, comme Homère. Elle met en garde contre les préjugés qui peuvent faire admirer des aspects des anciens textes qui ne sont pas réellement admirables. La lettre inclut des digressions sur l'admiration excessive des anciens auteurs et des anecdotes sur des poètes comme Santeüil. L'auteure défend l'idée que Montaigne est déjà accessible et que sa langue, bien que vieille, est charmante et expressive. Elle conclut que la traduction moderne ne pourra pas capturer l'esprit et les grâces de l'original. Le texte compare également le style de Montaigne, mêlant l'enjoué et le sérieux, à celui du traducteur, plus grave et composé. Il critique la traduction, affirmant qu'elle manque de force et de noblesse par rapport à l'original. Le texte mentionne des critiques littéraires comme Vigneul Marville et La Bruyère, qui ont des avis variés sur les *Essais* de Montaigne. Il reconnaît les qualités du style du traducteur mais maintient que la traduction ne rend pas justice à l'original. L'auteur aborde également des sujets divers, comme les difficultés de créer un style d'écriture varié et agréable, et critique les auteurs qui écrivent de manière trop enflée ou trop délicate. Elle mentionne des anecdotes et des réflexions sur la communication et la littérature, soulignant l'importance de la spontanéité et de l'authenticité dans l'écriture.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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107
p. 1975-1978
LETTRE écrite aux Auteurs du Mercure, touchant un ancien Vocabulaire des Villes de France.
Début :
Ce que j'ai lû, Messieurs, dans le Mercure de Mars dernier, touchant les [...]
Mots clefs :
Villes, Picard, Picards, Vocabulaire
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite aux Auteurs du Mercure, touchant un ancien Vocabulaire des Villes de France.
LETTRE écrite aux Auteurs du Mercure,
touchant un ancien Vocabulaire des Villes
de France.
E que j'ai lu,Messieurs,dans le Mer-
CEcure de Mars dernier , touchant les
différens noms des Académies d'Italie , et
ce qu'on y ajoute , tiré d'un Jurisconsulte
, touchant certains noms populaires et
triviaux , attribuez à quelques Villes de
France , m'a engagé de consulter mes
Recueils , et de vous proposer une Liste
de Proverbes qui m'a paru beaucoup
plus curieuse , et par le nom des Villes
qui y sont distinguées , et par son antiquité.
Elle a été tirée d'un Manuscrit de la
Bibliotheque de M. Seguier ou de Coaslin
, cotté lors . Il en contient trente - six ,
mais pour cette fois - ci je me propose de
ne vous en envoyer que la moitié , et je
Dij vous
1976 MERCURE DE FRANCE
vous prie de les faire imprimer en colonne
, tels que je les représente icy , afin
que le Lecteur soit moins fatigué les
lire. Le langage vulgaire de cette Liste
me paroît de 4 à 500 ans ; si j'avois vû
l'original , j'en jugerois plus affirmativement
par le caractere de l'Ecriture ; au
cas que la Coppie dont je me suis servi
soit fautive , vous êtes plus à portée que
moi de la rectifier , en consultant l'ori
ginal : En voici les termes ;
Personnes de Rains.
Seignor de Laon.
Cervoice de Cambrai.
Buriers de Tornai.
Li prive de S. Denise.
Li esgare de Teroane .
Li garsilleor de Roan .'
Li Doneor de Lisisies.
Lijureor de Baiex.
Li Sorcuidie de Coutances.
Li Cloistrier de Canz.
Li poure orgueillox de Tors;
Li enfrun de Tol.
Li Damoisel d'Amiens.
La Bachelerie de Beauvèz.
Li Bordeor d'Arraz.
La Nience de Chaalons.
Li Chanteor de Sens,
Voil
SEPTEMBRE. 1733 1977
Voilà dequoi exercer l'esprit de ceux
qui connoissent les anciennes Coutumes
et les génies des peuples. J'entrevois que
quelquefois il peut y avoir de la badinerie
dans le nom adjectif ou substantif
qui
qui est joint a celui de ces Villes ; mais
sera toujours bon d'en avoir le dénouement.
Je ne croi pas qu'on puisse se fâcher
de cette recherche , puisque les
moeurs sont bien changées depuis ce
temps-là , et que souvent ce qui fait désigner
telle Ville , par telle ou telle dénomination
, peut ne venir que d'un petit
nombré de ses habitans , et d'une société
particuliere qui s'y distinguoit , ou
de quelque histoire qui sera arrivée une
fois. Dailleurs un particulier auroit grand
tort de prendre pour lui ce qui ne se die
qu'en général. Voit-on les Normands se
fâcher de l'Epithete qu'on attribue communément
à leur Nation ? Et les Picards
se mettre en colere quand on leur dit
qu'ils ont la tête caude ? M. du Cange
qui étoit Picard , n'a pas même dédaigné
de fournir quelques preuves , que ce mot
de Picard n'a pas une origine des plus
honorables ; quoiqu'un peu plus bas il se
mocque de celle que M. de Valois lui attribue
dans sa Notice des Gaules . Un bon
Curé Champenois , du quatorziéme sié-
D, iij cle
1978 MERCURE DE FRANCE
cle , inséra autrefois dans son Livre d'Eglise
, ces deux Vers Léonins , sur les
Picards :
Isti Picardi non sunt ad pralia tardi :
Primò sunt hardi , sed sunt in fine åardi.
Ces deux Vers étoient apparemment
dans la bouche des Nouvellistes . Le dernier
mot y étant par abrégé , n'est pas
tout à - fait clair ; cependant il est sûr que
la quantité du Vers exige un terme de
trois syllabes ainsi il faut lire , Conardi
ou Conardi, et plus probablement Coйardi
, qui aura été dit par opposition à
Hardi , puisque Conar signifie , en vieux.
langage , Timide , Fuyard.
Au reste , Messieurs , faites en sorte , je
vous prie , que le distique de ce bon
Prêtre Champenois ne soit point cause
que la Nation Picarde intente à la Champenoise
un Procès pareil à celui que les
habitans de Dreux lui intenterent il y a
quelques années ; Procès que avez eu bien
de la peine à assoupir. Je suis , &c.
touchant un ancien Vocabulaire des Villes
de France.
E que j'ai lu,Messieurs,dans le Mer-
CEcure de Mars dernier , touchant les
différens noms des Académies d'Italie , et
ce qu'on y ajoute , tiré d'un Jurisconsulte
, touchant certains noms populaires et
triviaux , attribuez à quelques Villes de
France , m'a engagé de consulter mes
Recueils , et de vous proposer une Liste
de Proverbes qui m'a paru beaucoup
plus curieuse , et par le nom des Villes
qui y sont distinguées , et par son antiquité.
Elle a été tirée d'un Manuscrit de la
Bibliotheque de M. Seguier ou de Coaslin
, cotté lors . Il en contient trente - six ,
mais pour cette fois - ci je me propose de
ne vous en envoyer que la moitié , et je
Dij vous
1976 MERCURE DE FRANCE
vous prie de les faire imprimer en colonne
, tels que je les représente icy , afin
que le Lecteur soit moins fatigué les
lire. Le langage vulgaire de cette Liste
me paroît de 4 à 500 ans ; si j'avois vû
l'original , j'en jugerois plus affirmativement
par le caractere de l'Ecriture ; au
cas que la Coppie dont je me suis servi
soit fautive , vous êtes plus à portée que
moi de la rectifier , en consultant l'ori
ginal : En voici les termes ;
Personnes de Rains.
Seignor de Laon.
Cervoice de Cambrai.
Buriers de Tornai.
Li prive de S. Denise.
Li esgare de Teroane .
Li garsilleor de Roan .'
Li Doneor de Lisisies.
Lijureor de Baiex.
Li Sorcuidie de Coutances.
Li Cloistrier de Canz.
Li poure orgueillox de Tors;
Li enfrun de Tol.
Li Damoisel d'Amiens.
La Bachelerie de Beauvèz.
Li Bordeor d'Arraz.
La Nience de Chaalons.
Li Chanteor de Sens,
Voil
SEPTEMBRE. 1733 1977
Voilà dequoi exercer l'esprit de ceux
qui connoissent les anciennes Coutumes
et les génies des peuples. J'entrevois que
quelquefois il peut y avoir de la badinerie
dans le nom adjectif ou substantif
qui
qui est joint a celui de ces Villes ; mais
sera toujours bon d'en avoir le dénouement.
Je ne croi pas qu'on puisse se fâcher
de cette recherche , puisque les
moeurs sont bien changées depuis ce
temps-là , et que souvent ce qui fait désigner
telle Ville , par telle ou telle dénomination
, peut ne venir que d'un petit
nombré de ses habitans , et d'une société
particuliere qui s'y distinguoit , ou
de quelque histoire qui sera arrivée une
fois. Dailleurs un particulier auroit grand
tort de prendre pour lui ce qui ne se die
qu'en général. Voit-on les Normands se
fâcher de l'Epithete qu'on attribue communément
à leur Nation ? Et les Picards
se mettre en colere quand on leur dit
qu'ils ont la tête caude ? M. du Cange
qui étoit Picard , n'a pas même dédaigné
de fournir quelques preuves , que ce mot
de Picard n'a pas une origine des plus
honorables ; quoiqu'un peu plus bas il se
mocque de celle que M. de Valois lui attribue
dans sa Notice des Gaules . Un bon
Curé Champenois , du quatorziéme sié-
D, iij cle
1978 MERCURE DE FRANCE
cle , inséra autrefois dans son Livre d'Eglise
, ces deux Vers Léonins , sur les
Picards :
Isti Picardi non sunt ad pralia tardi :
Primò sunt hardi , sed sunt in fine åardi.
Ces deux Vers étoient apparemment
dans la bouche des Nouvellistes . Le dernier
mot y étant par abrégé , n'est pas
tout à - fait clair ; cependant il est sûr que
la quantité du Vers exige un terme de
trois syllabes ainsi il faut lire , Conardi
ou Conardi, et plus probablement Coйardi
, qui aura été dit par opposition à
Hardi , puisque Conar signifie , en vieux.
langage , Timide , Fuyard.
Au reste , Messieurs , faites en sorte , je
vous prie , que le distique de ce bon
Prêtre Champenois ne soit point cause
que la Nation Picarde intente à la Champenoise
un Procès pareil à celui que les
habitans de Dreux lui intenterent il y a
quelques années ; Procès que avez eu bien
de la peine à assoupir. Je suis , &c.
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Résumé : LETTRE écrite aux Auteurs du Mercure, touchant un ancien Vocabulaire des Villes de France.
L'auteur répond à un article du Mercure sur les noms des académies d'Italie et les noms populaires des villes françaises en proposant une liste de proverbes anciens liés à diverses villes françaises. Ces proverbes, tirés d'un manuscrit de la bibliothèque de M. Seguier ou de Coaslin, datent de 4 à 500 ans. L'auteur en envoie seulement la moitié, soit dix-huit sur trente-six. Il souligne que le langage de cette liste est ancien et invite les rédacteurs à consulter l'original pour rectifier toute erreur. La liste inclut des expressions comme 'Personnes de Rains', 'Seignor de Laon' et 'Cervoice de Cambrai'. L'auteur suggère que ces proverbes peuvent enrichir la connaissance des anciennes coutumes et des génies des peuples. Il mentionne des moqueries régionales, comme celles des Normands ou des Picards, et cite un distique léonin du quatorzième siècle. Il conclut en demandant la publication des proverbes sans provoquer de conflits entre les régions.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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108
p. 2144-2147
LETTRE d'un Particulier à l'Auteur de la Traduction de MONTAIGNE, annoncée dans le Mercure de Juin, second vol.
Début :
La déférence que vous voulez bien avoir pour le goût du Public, Monsieur, [...]
Mots clefs :
Montaigne, Langue, Ouvrage, Public, Traduction, Auteur, Traducteur, Essais, Auteurs, Goût du public
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE d'un Particulier à l'Auteur de la Traduction de MONTAIGNE, annoncée dans le Mercure de Juin, second vol.
LETTRE d'un Particulier à l'Auteur de
la Traduction de MONTAIGNE , annoncée
dans le Mercure de Juin , second vol.
LAVO
A déférence que vous voulez bien
avoir pour le goût du Public , Monsieur
, me fait esperer que vous voudrez
me parmettre d'emprunter son nom pour
vous faire part des difficultez que j'ai
trouvées dans votre Projet de la Traduction
de Montaigne . Si le Titre de votre
Ouvrage attire dabord l'attention par sa
nouveauté , permettez- moi de vous dire
qu'il révolte par sa singularité ; car au
bout du compte les Essais de Montaigne
ne sont point écrits dans un Gaulois assez
obscur et assez intelligibles pour qu'on
prétende en donner une traduction ; ainsi
si vous m'en croiez , premierement vous
ne donner: z point votre Ouvrage au Pu
blic ; mais au cas que vous vouliez absolument
le donner , vous tâcherez de
mettre à la tête de votre Livre un Titre
plus convenable.
Je conviendrai aisément avec vous que
depuis 150 ans ou environ que Montaigne
a donné ses Essais au Public , notre
Langue
OCTOBRE. 1733.
2145
-
Langue a fait de grands progrez dans la
politesse et dans l'amoenité du stile ;
mais j'aurai en même temps l'honneur
de vous representer que le Livre des Essais
de Montaigne est de telle nature que
tout son but étant plutôt de toucher le
coeur en instruisant , que de plaire à l'esprit
; on lui passe aisément cette dureté
de stile, inséparable du siécle où il a vécu .
-
Vous voulez , dites vous par votre
traduction , engager à lire Montaigne
bien des gens rebutez par la difficulté
qu'ils trouvent à l'entendre , la traduction
que vous proposez n'étant point
d'une langue en une autre , comme les
traductions ordinaires , mais simplement
d'un langage un peu grossier en un stile
plus policé tous ceux qui liront une
telle traduction qui sera surement remplie
d'agrémens et de beautez , seront toujours
tentez de recourir à Montaigne
pour la vérification du fond des pensées ,
et j'ai bien peur qu'ils ne s'en tiennent à
l'Auteur , tout grossier qu'il est, et qu'ils
n'abandonnent le Traducteur.
-
Vous prétendez , dites vous , retrancher
à votre gré les Endroits que vous
croyez deffectueux dans Montaigne , ou
du moins les corriger ; ajouter dans ceux
que vous ne croirez pas assez étendus ;
B v
le
2146 MERCURE DE FRANCE
le Projet marque plus de hardiesse que
de réfléxion premierement Montaigne
s'est acquis par son Ouvrage une réputa
tion à l'abri de la censure , du moins jusqu'à
present : il est bien triste pour lui
que vous entrepieniez en le traduisant
de dévoiler ses défectuositez ; j'ai peur
que vous n'y réüssissiez pas ; tout supplement
ou retranchement à l'égard d'un
Auteur aussi accrédité que lui révoltera
d'abord le Public.
En effet , le bon de votre Ouvrage ne
peut pas être de vous , il faudra absolument
que vous l'empruntiez de Montaigne,
vous avez prévu qu'on pourroit vous :
appeller le fade traducteur du François
de Montaigne , et vous n'avez peut être :
pas eu grand tort ; car puisque , comme
vous en convenez vous- même , les Auteurs
Grecs et Latins traduits en notre
Langue par les meilleures plumes perdent
infiniment , et que la traduction ne
rend jamais avec la même force les beautezde
l'Original ; comment pouvez vous házarder
de tomber non- seulement dans le :
même inconvenient , mais encore d'y
joindre celui de rendre l'Auteur que vous
prétendez traduire dans la Langue où ili
est déja écrits que diriez vous d'un hom--
me qui voudroit mettre Sénéque en unelati
OCTOBRE. 1733. 2147
latinité moderne , il ne passeroit jamais
pour traducteur ; ainsi si vous ambitionnez
ce titre , mettez donc Montaigne en
latin ; emploiez les talens que le ciel vous
donnez en partage , à quelque chose de
plus utile au public et de plus honorable .
pour vous.
Si tous les Auteurs avoient autant d'égard
que vous , Monsieur , pour pressentir
le goût du public sur tous les Ou
vrages qu'ils veulent lui donner ; les Livres
nouveaux seroient plus rares ; mais
ceux qui paroîtroient auroient plus de
succès ; je suis persuadé qu'outre la reconnoissance
qu'il aura du sacrifice que
vous voulez bien lui faire de votre Ouvrage
, il vous aura encore obligation du
bon exemple que vous donnerez à cette
foule d'Auteurs que le seul désir de se faire
imprimer , engage à faire un nombre
infini d'Ouvrages médiocres , pour
ne pas dire-mauvais , &c.
la Traduction de MONTAIGNE , annoncée
dans le Mercure de Juin , second vol.
LAVO
A déférence que vous voulez bien
avoir pour le goût du Public , Monsieur
, me fait esperer que vous voudrez
me parmettre d'emprunter son nom pour
vous faire part des difficultez que j'ai
trouvées dans votre Projet de la Traduction
de Montaigne . Si le Titre de votre
Ouvrage attire dabord l'attention par sa
nouveauté , permettez- moi de vous dire
qu'il révolte par sa singularité ; car au
bout du compte les Essais de Montaigne
ne sont point écrits dans un Gaulois assez
obscur et assez intelligibles pour qu'on
prétende en donner une traduction ; ainsi
si vous m'en croiez , premierement vous
ne donner: z point votre Ouvrage au Pu
blic ; mais au cas que vous vouliez absolument
le donner , vous tâcherez de
mettre à la tête de votre Livre un Titre
plus convenable.
Je conviendrai aisément avec vous que
depuis 150 ans ou environ que Montaigne
a donné ses Essais au Public , notre
Langue
OCTOBRE. 1733.
2145
-
Langue a fait de grands progrez dans la
politesse et dans l'amoenité du stile ;
mais j'aurai en même temps l'honneur
de vous representer que le Livre des Essais
de Montaigne est de telle nature que
tout son but étant plutôt de toucher le
coeur en instruisant , que de plaire à l'esprit
; on lui passe aisément cette dureté
de stile, inséparable du siécle où il a vécu .
-
Vous voulez , dites vous par votre
traduction , engager à lire Montaigne
bien des gens rebutez par la difficulté
qu'ils trouvent à l'entendre , la traduction
que vous proposez n'étant point
d'une langue en une autre , comme les
traductions ordinaires , mais simplement
d'un langage un peu grossier en un stile
plus policé tous ceux qui liront une
telle traduction qui sera surement remplie
d'agrémens et de beautez , seront toujours
tentez de recourir à Montaigne
pour la vérification du fond des pensées ,
et j'ai bien peur qu'ils ne s'en tiennent à
l'Auteur , tout grossier qu'il est, et qu'ils
n'abandonnent le Traducteur.
-
Vous prétendez , dites vous , retrancher
à votre gré les Endroits que vous
croyez deffectueux dans Montaigne , ou
du moins les corriger ; ajouter dans ceux
que vous ne croirez pas assez étendus ;
B v
le
2146 MERCURE DE FRANCE
le Projet marque plus de hardiesse que
de réfléxion premierement Montaigne
s'est acquis par son Ouvrage une réputa
tion à l'abri de la censure , du moins jusqu'à
present : il est bien triste pour lui
que vous entrepieniez en le traduisant
de dévoiler ses défectuositez ; j'ai peur
que vous n'y réüssissiez pas ; tout supplement
ou retranchement à l'égard d'un
Auteur aussi accrédité que lui révoltera
d'abord le Public.
En effet , le bon de votre Ouvrage ne
peut pas être de vous , il faudra absolument
que vous l'empruntiez de Montaigne,
vous avez prévu qu'on pourroit vous :
appeller le fade traducteur du François
de Montaigne , et vous n'avez peut être :
pas eu grand tort ; car puisque , comme
vous en convenez vous- même , les Auteurs
Grecs et Latins traduits en notre
Langue par les meilleures plumes perdent
infiniment , et que la traduction ne
rend jamais avec la même force les beautezde
l'Original ; comment pouvez vous házarder
de tomber non- seulement dans le :
même inconvenient , mais encore d'y
joindre celui de rendre l'Auteur que vous
prétendez traduire dans la Langue où ili
est déja écrits que diriez vous d'un hom--
me qui voudroit mettre Sénéque en unelati
OCTOBRE. 1733. 2147
latinité moderne , il ne passeroit jamais
pour traducteur ; ainsi si vous ambitionnez
ce titre , mettez donc Montaigne en
latin ; emploiez les talens que le ciel vous
donnez en partage , à quelque chose de
plus utile au public et de plus honorable .
pour vous.
Si tous les Auteurs avoient autant d'égard
que vous , Monsieur , pour pressentir
le goût du public sur tous les Ou
vrages qu'ils veulent lui donner ; les Livres
nouveaux seroient plus rares ; mais
ceux qui paroîtroient auroient plus de
succès ; je suis persuadé qu'outre la reconnoissance
qu'il aura du sacrifice que
vous voulez bien lui faire de votre Ouvrage
, il vous aura encore obligation du
bon exemple que vous donnerez à cette
foule d'Auteurs que le seul désir de se faire
imprimer , engage à faire un nombre
infini d'Ouvrages médiocres , pour
ne pas dire-mauvais , &c.
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Résumé : LETTRE d'un Particulier à l'Auteur de la Traduction de MONTAIGNE, annoncée dans le Mercure de Juin, second vol.
La lettre critique un projet de traduction des Essais de Montaigne, annoncé dans le Mercure de Juin. L'auteur, restant anonyme, exprime des réserves sur cette initiative. Il considère que les Essais, bien que rédigés dans un français ancien, restent compréhensibles et ne nécessitent pas de traduction. Il reconnaît l'évolution de la langue française depuis Montaigne, mais défend le style brut de Montaigne, qui vise à toucher le cœur plutôt qu'à plaire à l'esprit. Le traducteur souhaite rendre Montaigne plus accessible, mais l'auteur de la lettre craint que les lecteurs, après avoir lu la traduction, ne préfèrent lire l'original. Il critique l'idée de retrancher ou corriger des passages, estimant que cela pourrait révolter le public et nuire à la réputation de Montaigne. Il met en garde contre les dangers de la traduction, soulignant que même les meilleures traductions des auteurs grecs et latins perdent en force et en beauté. L'auteur conseille au traducteur de se concentrer sur des œuvres plus utiles et honorables. Il loue cependant le souci du traducteur de pressentir le goût du public, ce qui pourrait réduire le nombre d'ouvrages médiocres publiés.
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109
p. 2153-2156
REMARQUES Sur l'Orthographe moderne.
Début :
Il y a long-temps que les bons Grammairiens et les véritables Sçavants en [...]
Mots clefs :
Orthographe, Innovations, Écrire, Noms, Langue, Lettres, Mauvais
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texteReconnaissance textuelle : REMARQUES Sur l'Orthographe moderne.
REMARQUES
Sur l'Orthographe moderne.
IL y a long- temps que les bons Grammairiens
et les véritables Sçavants en
géneral, se sont plaints des innovations de
L'Orthographe moderne . Il semble qu'on
veüille entierement abolir la trace de toute
étymologie. C'est un principe de corruption
dans la langue , qu'une maniere
d'écrire inusitée , et qui renverse toutes les
constructions. Ceux qui n'ont pas abandonné
entierement le goût des Belles- Lettres,
doivent s'opposer vivement au progrès
d'un abus si généralement répandu.
Peut- on n'être pas choqué en lisant filosofie,
les Anglais,les Fransais? On retranche
les t avant les s. à tous les mots pluriers.
Cents , qui signifie plusieurs centaines, ne
s'écrit pas differemment de cens qui signi
fie dénombrement ou un droit de censive.
Je ne puis lire sans baillemens , les
flos , les ras , les chas , un aman , dont
la terminaison réguliere est differente de
celle d'un aiman , les trais , les Sçavans ,
et ce dernier mot me fait douter si je
dois dire les Sçavanes ou les Sçavantes
1154 MERCURE DE FRANCE
tes. On écrira bien- tôt , ils disais , au
lieu de ils disoient , et la monosyllabe cin,
pour exprimer saint sanctus , ceint cinctus
, cinq quinque , sein sinus , seing signatura
, et ainsi des autres . Les noms propres
sont défigurez par la maniere de
les écrire. On met de petites Lettres au
commencement des noms des Nations ,
les alemans , les italiens . On trouve dans
les Livres imprimez nouvellement , Descartes
, Dumoulin , Lecoq , Delalande ; il
faudra done écrire aussi Demontmorency,
Dechatillon , les deux reines Jeannes
Denaples ; et tandis que les Correcteurs
des Livres modernes , prodiguent les let
tres majuscules où il n'en faut point
ils les épargnent dans les noms propres
où elles sont nécessaires . Cependant on
dit en Latin , Cartesius , Molinaus , preu
ve certaine que l'article est distinct du
nom propre , et ne do t pas être écrit
uno contextu , mais séparément et chacun.
avec une lettre majuscule , qui est la
lettre initiale de tout ce qui fait partie
du nom propres comme dans le nom
de La Roche Foucault , où les differens
mots qui composent ce nom , doivent
avoir chican leur lettre majuscule . Il y
a de la difference entre les monosyllabes
de Du , Des , et Le , qui précédent les
noms
OCTOBR E. 1733. 2159
و
doinoms
propres. Du , Des , et Le
ventos'écrire par des majuscules , car ces
monosyllabes quoique distincts du
nom , y sont nécessairement attachées ;
mais la monosyllabe de marque seulement
dans son origine une Seigneurie ,
et n'entre pour rien dans le nom ; elle ne
s'y joint pas lorsqu'on l'écrit seul ; et
c'est la raison pour laqu lle on dit toujours
Le Veneur , Du Guesclin , au licu
qu'on dit , Rochechouart , Tavanes , en
appellant simplement par leurs noms les
Seigneurs de Rochechouart et de Tavanes.
Suivant ce principe on doit écrire Pierre
de Marca et Jean Du Tillet ou René
Des Cartes , parce que Du et Des renferment
outre de , une partie du nom
propre , comme qui diroit Seigneur du
lieu appellé Le Tillet , ou du lieu appellé
Les Carte . Il seroit à souhaiter que
les Auteurs donna sert plus d'attention
à l'impression de leurs Ouvrages , et qu'ils
ne s'en rapportassent pas à des Correcteurs
d'Imprimerie , qui étant ordinalrement
peu lettrez , introduisent plusieurs
abus , dont l'exemple se répand et forme
peu à peu un mauvais goût contre
lequel il est à peine permis ensuite de
reclamer. Les accents sont le plus souvent
très-mal distribuez , et un Etranger
2156 MERCURE DE FRANCE
ger qui en lisant la plupart des Livres
François , regleroit sur eux sa prononciarion
, feroit des fautes presque con
tinuelles. Ces reflexion's ne présentent
pas d'abord toute l'importance qu'elles
renferment. Le mauvais goût ramene
insensiblement la barbarie , et les ravages
de la barbarie influent sur tous les
objets qui sont de la plus grande conséquence
pour la Societé. On méprise
déja le sçavoir ; les beaux esprits du siecle
craignent de paroître sçavants ; ils veulent
tout devoir à la nature. Rien ne contribue
tant à la politesse d'une Nation
et au progrès des Belles Lettres , que la
pureté de la Langue , et la Langue ne
peut avoir d'ennemi plus dangereux que
le mauvais goût de l'orthographe et de
l'écriture . La régularité de l'impression
est une des choses qui décide le plus du
succès des Ouvrages ; les Auteurs doivent
donc employer tous leurs soins pour
réparer la perte que l'Imprimerie a faite
des Etiennes et des Manuces.
Sur l'Orthographe moderne.
IL y a long- temps que les bons Grammairiens
et les véritables Sçavants en
géneral, se sont plaints des innovations de
L'Orthographe moderne . Il semble qu'on
veüille entierement abolir la trace de toute
étymologie. C'est un principe de corruption
dans la langue , qu'une maniere
d'écrire inusitée , et qui renverse toutes les
constructions. Ceux qui n'ont pas abandonné
entierement le goût des Belles- Lettres,
doivent s'opposer vivement au progrès
d'un abus si généralement répandu.
Peut- on n'être pas choqué en lisant filosofie,
les Anglais,les Fransais? On retranche
les t avant les s. à tous les mots pluriers.
Cents , qui signifie plusieurs centaines, ne
s'écrit pas differemment de cens qui signi
fie dénombrement ou un droit de censive.
Je ne puis lire sans baillemens , les
flos , les ras , les chas , un aman , dont
la terminaison réguliere est differente de
celle d'un aiman , les trais , les Sçavans ,
et ce dernier mot me fait douter si je
dois dire les Sçavanes ou les Sçavantes
1154 MERCURE DE FRANCE
tes. On écrira bien- tôt , ils disais , au
lieu de ils disoient , et la monosyllabe cin,
pour exprimer saint sanctus , ceint cinctus
, cinq quinque , sein sinus , seing signatura
, et ainsi des autres . Les noms propres
sont défigurez par la maniere de
les écrire. On met de petites Lettres au
commencement des noms des Nations ,
les alemans , les italiens . On trouve dans
les Livres imprimez nouvellement , Descartes
, Dumoulin , Lecoq , Delalande ; il
faudra done écrire aussi Demontmorency,
Dechatillon , les deux reines Jeannes
Denaples ; et tandis que les Correcteurs
des Livres modernes , prodiguent les let
tres majuscules où il n'en faut point
ils les épargnent dans les noms propres
où elles sont nécessaires . Cependant on
dit en Latin , Cartesius , Molinaus , preu
ve certaine que l'article est distinct du
nom propre , et ne do t pas être écrit
uno contextu , mais séparément et chacun.
avec une lettre majuscule , qui est la
lettre initiale de tout ce qui fait partie
du nom propres comme dans le nom
de La Roche Foucault , où les differens
mots qui composent ce nom , doivent
avoir chican leur lettre majuscule . Il y
a de la difference entre les monosyllabes
de Du , Des , et Le , qui précédent les
noms
OCTOBR E. 1733. 2159
و
doinoms
propres. Du , Des , et Le
ventos'écrire par des majuscules , car ces
monosyllabes quoique distincts du
nom , y sont nécessairement attachées ;
mais la monosyllabe de marque seulement
dans son origine une Seigneurie ,
et n'entre pour rien dans le nom ; elle ne
s'y joint pas lorsqu'on l'écrit seul ; et
c'est la raison pour laqu lle on dit toujours
Le Veneur , Du Guesclin , au licu
qu'on dit , Rochechouart , Tavanes , en
appellant simplement par leurs noms les
Seigneurs de Rochechouart et de Tavanes.
Suivant ce principe on doit écrire Pierre
de Marca et Jean Du Tillet ou René
Des Cartes , parce que Du et Des renferment
outre de , une partie du nom
propre , comme qui diroit Seigneur du
lieu appellé Le Tillet , ou du lieu appellé
Les Carte . Il seroit à souhaiter que
les Auteurs donna sert plus d'attention
à l'impression de leurs Ouvrages , et qu'ils
ne s'en rapportassent pas à des Correcteurs
d'Imprimerie , qui étant ordinalrement
peu lettrez , introduisent plusieurs
abus , dont l'exemple se répand et forme
peu à peu un mauvais goût contre
lequel il est à peine permis ensuite de
reclamer. Les accents sont le plus souvent
très-mal distribuez , et un Etranger
2156 MERCURE DE FRANCE
ger qui en lisant la plupart des Livres
François , regleroit sur eux sa prononciarion
, feroit des fautes presque con
tinuelles. Ces reflexion's ne présentent
pas d'abord toute l'importance qu'elles
renferment. Le mauvais goût ramene
insensiblement la barbarie , et les ravages
de la barbarie influent sur tous les
objets qui sont de la plus grande conséquence
pour la Societé. On méprise
déja le sçavoir ; les beaux esprits du siecle
craignent de paroître sçavants ; ils veulent
tout devoir à la nature. Rien ne contribue
tant à la politesse d'une Nation
et au progrès des Belles Lettres , que la
pureté de la Langue , et la Langue ne
peut avoir d'ennemi plus dangereux que
le mauvais goût de l'orthographe et de
l'écriture . La régularité de l'impression
est une des choses qui décide le plus du
succès des Ouvrages ; les Auteurs doivent
donc employer tous leurs soins pour
réparer la perte que l'Imprimerie a faite
des Etiennes et des Manuces.
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Résumé : REMARQUES Sur l'Orthographe moderne.
Le texte critique les innovations de l'orthographe moderne, considérées par les grammairiens et les savants comme une corruption de la langue. Ces modifications abolissent les traces étymologiques et perturbent les constructions linguistiques. Parmi les exemples cités, on trouve des mots comme 'filosofie' ou 'les Fransais', ainsi que la suppression des 't' avant les 's' dans les mots pluriels. Le texte déplore également la confusion entre 'cents' et 'cens', ainsi que l'écriture incorrecte de termes réguliers comme 'flos', 'ras', 'chas', etc. Les noms propres sont également mal orthographiés, avec des majuscules mal placées et des lettres minuscules inappropriées. Il souligne l'importance de la distinction entre les monosyllabes 'Du', 'Des', et 'Le' dans les noms propres. Le texte regrette que les auteurs ne prêtent pas assez attention à l'impression de leurs ouvrages, laissant les correcteurs introduire des abus. Les accents sont souvent mal placés, ce qui peut induire en erreur les étrangers apprenant la langue. Le mauvais goût en orthographe ramène la barbarie et méprise le savoir. La pureté de la langue est essentielle pour la politesse d'une nation et le progrès des belles-lettres. Les auteurs doivent donc veiller à la régularité de l'impression de leurs ouvrages.
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110
p. 2218-2220
LETTRE écrite de Brest, le premier Septembre 1733. sur le Bureau Tipographique.
Début :
Je crois, Monsieur, que le Mercure de France peut-être regardé dans la République des Lettres, [...]
Mots clefs :
Bureau typographique, Système, Auteur
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Brest, le premier Septembre 1733. sur le Bureau Tipographique.
LETTRE écrite de Brest, le premier
Septembre 1733. sur le Bureau Tipographique.
E crois , Monsieur , que le Mercure de France
peut- être regardé dans la République des Lettres
, comme une espece de Bureau d'adresse où
chacun peut avoir recours , soit pour faire part
au Public de ses propres Découvertes , soit
pour demander soi- même des instructions aux
autres. C'est dans cette pensée, Monsieur, que je
prens la liberté de vous écrire cette Lettre pour
avoir des nouvelles d'un certain Systême de lecture
imaginé depuis quelques années pour faciliter
OCTOBRE. 1737. 2219
liter aux enfans les premiers élemens des Lettres;
Şistême que vous avez annoncé plusieurs fois dans
vos Mercures , et qui semble être tombé dans
Poubli. Bien des gens et moi plus qu'un autre ,
avons été surpris.de votre silence ..
Comme j'avois fort goûté le plan de ce projet ,.
j'avois commencé de le mettre en pratique avec.
assez de succès , et mon exemple avoit fait naître
Penvie à plusieurs personnes d'en faire autant ;. .
mais comme ils n'étoient guére au fait du Syste
me et que je n'y étois pas trop moi - même , les,
choses en sont demeurées là , et je leur ai conseillé
d'attendre le Livre que l'Auteur a promis
il y a deux ou trois ans. On y trouvera sans doute
un entier développement de son Systeme , aussi
bien que la description exacte de ce qu'il appelle
Bureau Tipographique , avec le détail des opérations
et des lectures qui conviennent le plus à
P'institution de la premiere enfance .
On a vû par le Journal des Sçavans du mois
d'Avril , que la premiere partie de cet Ouvrage
est imprimée depuis plus d'un an sous le titre
d'Ab-cé latin, mais la suite qui paroît plus nécessaire,
ne vient point encore,et peut - être ne viendra-
t'elle jamais, Cependant un ami à qui l'on
avoit écrit à Paris pour en apprendre des nouvelles
, a fait réponse qu'on y travailloit depuis
plusieurs années et qu'elle n'étoit pas encore finie.
Mais en bonne foi , c'est - là ce qui m'étonne
le plus , on auroit imprimé depuis le temps.
nue collection des Conciles . Est - ce l'Auteur ou
FImprimeur qui retarde l'Ouvrage.
Quoiqu'il en soit , je vous supplie , Monsieur,
de vouloir bien inserer cette Lettre dans votre:
Mercure , afin d'inviter l'Auteur ou les Partisans .
du Systême Tipographique à donner quelque si-
Ej gus
2220 MERCURE DE FRANCE
gne de vie , si tant est que le projet soit en vogue
et qu'il soit approuvé par les Maîtres d'Ecole
de Paris , comme on me l'a fort assuré.
Au reste je crois que l'Auteur fera beaucoup
mieux d'instruire les personnes bien intentionnées
qui cherchent de bonne foi la verité , que
de s'amuser à répondre à de mauvaises Critiques .
Son Systême est solide , il ne s'agit que de le bien
posseder. Je suis , Monsieur , &c.
En attendant la réponse demandée , on ne sera
pas fâché de voir l'Extrait suivant.
Septembre 1733. sur le Bureau Tipographique.
E crois , Monsieur , que le Mercure de France
peut- être regardé dans la République des Lettres
, comme une espece de Bureau d'adresse où
chacun peut avoir recours , soit pour faire part
au Public de ses propres Découvertes , soit
pour demander soi- même des instructions aux
autres. C'est dans cette pensée, Monsieur, que je
prens la liberté de vous écrire cette Lettre pour
avoir des nouvelles d'un certain Systême de lecture
imaginé depuis quelques années pour faciliter
OCTOBRE. 1737. 2219
liter aux enfans les premiers élemens des Lettres;
Şistême que vous avez annoncé plusieurs fois dans
vos Mercures , et qui semble être tombé dans
Poubli. Bien des gens et moi plus qu'un autre ,
avons été surpris.de votre silence ..
Comme j'avois fort goûté le plan de ce projet ,.
j'avois commencé de le mettre en pratique avec.
assez de succès , et mon exemple avoit fait naître
Penvie à plusieurs personnes d'en faire autant ;. .
mais comme ils n'étoient guére au fait du Syste
me et que je n'y étois pas trop moi - même , les,
choses en sont demeurées là , et je leur ai conseillé
d'attendre le Livre que l'Auteur a promis
il y a deux ou trois ans. On y trouvera sans doute
un entier développement de son Systeme , aussi
bien que la description exacte de ce qu'il appelle
Bureau Tipographique , avec le détail des opérations
et des lectures qui conviennent le plus à
P'institution de la premiere enfance .
On a vû par le Journal des Sçavans du mois
d'Avril , que la premiere partie de cet Ouvrage
est imprimée depuis plus d'un an sous le titre
d'Ab-cé latin, mais la suite qui paroît plus nécessaire,
ne vient point encore,et peut - être ne viendra-
t'elle jamais, Cependant un ami à qui l'on
avoit écrit à Paris pour en apprendre des nouvelles
, a fait réponse qu'on y travailloit depuis
plusieurs années et qu'elle n'étoit pas encore finie.
Mais en bonne foi , c'est - là ce qui m'étonne
le plus , on auroit imprimé depuis le temps.
nue collection des Conciles . Est - ce l'Auteur ou
FImprimeur qui retarde l'Ouvrage.
Quoiqu'il en soit , je vous supplie , Monsieur,
de vouloir bien inserer cette Lettre dans votre:
Mercure , afin d'inviter l'Auteur ou les Partisans .
du Systême Tipographique à donner quelque si-
Ej gus
2220 MERCURE DE FRANCE
gne de vie , si tant est que le projet soit en vogue
et qu'il soit approuvé par les Maîtres d'Ecole
de Paris , comme on me l'a fort assuré.
Au reste je crois que l'Auteur fera beaucoup
mieux d'instruire les personnes bien intentionnées
qui cherchent de bonne foi la verité , que
de s'amuser à répondre à de mauvaises Critiques .
Son Systême est solide , il ne s'agit que de le bien
posseder. Je suis , Monsieur , &c.
En attendant la réponse demandée , on ne sera
pas fâché de voir l'Extrait suivant.
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Résumé : LETTRE écrite de Brest, le premier Septembre 1733. sur le Bureau Tipographique.
Le 1er septembre 1733, une lettre de Brest est adressée au rédacteur du Mercure de France. L'auteur y demande des nouvelles d'un système de lecture destiné à enseigner l'alphabet aux enfants, annoncé précédemment mais oublié. Il avait commencé à appliquer ce système avec succès, mais a rencontré des difficultés en raison d'un manque de détails. Plusieurs personnes avaient manifesté leur intérêt, mais attendaient la publication d'un livre promis par l'auteur. La première partie de cet ouvrage, intitulée 'Ab-cé latin', est imprimée depuis plus d'un an, mais la suite n'est toujours pas publiée. L'auteur exprime son étonnement face à ce retard et demande au rédacteur d'insérer cette lettre dans le Mercure pour inciter à la publication du livre. Il souligne que le système est solide et mérite d'être mieux connu. En attendant, un extrait sera publié.
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111
p. 2220-2222
EXTRAIT des Actes qui sont en dépôt au Greffe de la Jurisdiction de M. le Chantre de l'Eglise de Paris. A M. le Grand-Chantre de l'Eglise de Paris.
Début :
Supplie humblement, &c[.] Soit communiqué à notre Promoteur, ce premier Septembre [...]
Mots clefs :
Paris, Enfants, Promoteur, Chantre, Système, Bureau typographique, Bibliothèque des enfants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT des Actes qui sont en dépôt au Greffe de la Jurisdiction de M. le Chantre de l'Eglise de Paris. A M. le Grand-Chantre de l'Eglise de Paris.
EXTRAIT des Actes qui sont en
dépôt an Greffe de la Jurisdiction de
M. le Chantre de l'Eglise de Paris.
P A M. le Grand Chantre de l'Eglise
de Paris ..
Supplie humblement , &c Soit communiqué.
à notre Promoteur , ce premier Septembre
1732. Signé , F. Vivant.
Vu l'utilité que le Public peut retirer d'une
Méthode qui passe pour abreger un temps considerable
que les Maîtres employent ordinairement
, pour apprendre à. la jeunesse confiée à
leurs soins , les premiers principes de la lecture ,
je n'empêche les fins de la présenté Requête . A
Paris , ce 2 Septembre 1732. Signé , Collin , Promoteur
, avec paraphe .
Vû la Requête de l'autre part et les Conclusions
de notre Promoteur nous nommons
pour Commissairrs les sieurs Ceullin , le Faux
et Chompré, lesquels conjointement avec notre
Promoteur et notre Greffier , examineront la
susdite Méthode et noùs en feront leur rapport
pour ordonner ce que nous jugerons le plus utile -
au
OCTOBRE . 1733 2227
au bien public et à l'instruction de la jeunesse.
A Paris, ce 2. Septembre 1732. Signé, F. Vivant
Vu par par Nous la Requête présentée à M. le
Chantre de l'Eglise de Paris , par le sieur Dumas,
Auteur du Systême du Bureau Tipographique et
de la Bibliotheque des Enfans , Livre qui contient
la maniere de se servir dudit Bureau et de la Méthode
pour montrer aux enfans les premiers élemens
des Lettres , en date du premier Septembre
1732. au bas de laquelle Requête sont les Conclusions
de M. le Promoteur en datte du 2. dudit
mois et an. Vû l'Ordonnance de M. le Chantre, du
même jour et an , par laquelle il a jugé à propos
de nous nommer Commissaires à l'effet d'éxaminer
le susdit Systême et la susdite Méthode
dont on fait actuellement usage pour Monseigneur
le Dauphin et pour les augustes Enfans
de France.
Nous , après avoir entendu l'Auteur, er vi des
enfans travailler audit Bureau ; ayant examiné
le tout avec exactitude , avons jugé ledit Systême
très- ingénieux , fort propre à avancer la jeunesse
sans la dégoûter , et très - capable d'ôter
les épines qui se trouvent , surtout en apprenant
aux enfans les premiers élémens ; c'est pourquoi
nous estimons et croyons que M. le Chantre
peut permettre la pratique de ce Systême, l'usage
de la Bibliotheque des Enfans,dans les Ecoles de sa
Jurisdiction , et exhorter les Maîtres qui le pourront
commodément, à les pratiquer , et l'exercice
du Bureau Tipographique;c'est le témoignage que
nous avons cru devoir rendre à la vérité en faveur
de l'utilité publique , en foi de quoi nous avons
signé ce 11. Novembre 1732 Signé, Collin , Promoteur,
le Faux , Ceullin , Chompré , Chanu,
Nous , François Vivant , Prêtre , Docteur en
Théo2222
MERCURE DE FRANCE
Théologie de la Maison et Societé de Sorbonne,
Grand- Vicaire de M. l'Archevêque de Paris ,
Chantre et Chanoine de l'Eglise Métropolitaine
de Paris , Collateur , Juge et Directeur des petites
Ecoles de la Ville , Cité , Université , Fauxbourgs.
etBanlieuë de Paris , après avoir oui notre Promoteur
, en notre Jurisdiction , et les Commissaires
par nous nommez pour l'examen du Livre intitulé
, la Bibliotheque des Enfans , ou les premiers
Elemens de Lettres , contenant le Systéme du Bureau.
Tipographique , à l'usage de Monseigneur le Dauphin
, et des augustes Enfans de France . Vû et lû
le rapport desdits Commissaites , permettons
d'introduire l'usage dudit Systême, Livre et Méthode
dans les Ecoles de notre Jurisdiction , et
exhortons les Maîtres , Maîtresses et autres , enseignant
sous notre autorité , qui le pourront
commodément , à les pratiquer , et.l'exercice du
Bureau Tipographique. Fait en notre Hôtel à
Paris , ce 24. Novembre 1732. Signé, F. Vivant.
Collationné à la minute originale , étant au
Greffe desdites Ecoles , par moi Greffier d'icelles ,
spussigné ce 1. Decembre 1732. Chanu , Greffier.
dépôt an Greffe de la Jurisdiction de
M. le Chantre de l'Eglise de Paris.
P A M. le Grand Chantre de l'Eglise
de Paris ..
Supplie humblement , &c Soit communiqué.
à notre Promoteur , ce premier Septembre
1732. Signé , F. Vivant.
Vu l'utilité que le Public peut retirer d'une
Méthode qui passe pour abreger un temps considerable
que les Maîtres employent ordinairement
, pour apprendre à. la jeunesse confiée à
leurs soins , les premiers principes de la lecture ,
je n'empêche les fins de la présenté Requête . A
Paris , ce 2 Septembre 1732. Signé , Collin , Promoteur
, avec paraphe .
Vû la Requête de l'autre part et les Conclusions
de notre Promoteur nous nommons
pour Commissairrs les sieurs Ceullin , le Faux
et Chompré, lesquels conjointement avec notre
Promoteur et notre Greffier , examineront la
susdite Méthode et noùs en feront leur rapport
pour ordonner ce que nous jugerons le plus utile -
au
OCTOBRE . 1733 2227
au bien public et à l'instruction de la jeunesse.
A Paris, ce 2. Septembre 1732. Signé, F. Vivant
Vu par par Nous la Requête présentée à M. le
Chantre de l'Eglise de Paris , par le sieur Dumas,
Auteur du Systême du Bureau Tipographique et
de la Bibliotheque des Enfans , Livre qui contient
la maniere de se servir dudit Bureau et de la Méthode
pour montrer aux enfans les premiers élemens
des Lettres , en date du premier Septembre
1732. au bas de laquelle Requête sont les Conclusions
de M. le Promoteur en datte du 2. dudit
mois et an. Vû l'Ordonnance de M. le Chantre, du
même jour et an , par laquelle il a jugé à propos
de nous nommer Commissaires à l'effet d'éxaminer
le susdit Systême et la susdite Méthode
dont on fait actuellement usage pour Monseigneur
le Dauphin et pour les augustes Enfans
de France.
Nous , après avoir entendu l'Auteur, er vi des
enfans travailler audit Bureau ; ayant examiné
le tout avec exactitude , avons jugé ledit Systême
très- ingénieux , fort propre à avancer la jeunesse
sans la dégoûter , et très - capable d'ôter
les épines qui se trouvent , surtout en apprenant
aux enfans les premiers élémens ; c'est pourquoi
nous estimons et croyons que M. le Chantre
peut permettre la pratique de ce Systême, l'usage
de la Bibliotheque des Enfans,dans les Ecoles de sa
Jurisdiction , et exhorter les Maîtres qui le pourront
commodément, à les pratiquer , et l'exercice
du Bureau Tipographique;c'est le témoignage que
nous avons cru devoir rendre à la vérité en faveur
de l'utilité publique , en foi de quoi nous avons
signé ce 11. Novembre 1732 Signé, Collin , Promoteur,
le Faux , Ceullin , Chompré , Chanu,
Nous , François Vivant , Prêtre , Docteur en
Théo2222
MERCURE DE FRANCE
Théologie de la Maison et Societé de Sorbonne,
Grand- Vicaire de M. l'Archevêque de Paris ,
Chantre et Chanoine de l'Eglise Métropolitaine
de Paris , Collateur , Juge et Directeur des petites
Ecoles de la Ville , Cité , Université , Fauxbourgs.
etBanlieuë de Paris , après avoir oui notre Promoteur
, en notre Jurisdiction , et les Commissaires
par nous nommez pour l'examen du Livre intitulé
, la Bibliotheque des Enfans , ou les premiers
Elemens de Lettres , contenant le Systéme du Bureau.
Tipographique , à l'usage de Monseigneur le Dauphin
, et des augustes Enfans de France . Vû et lû
le rapport desdits Commissaites , permettons
d'introduire l'usage dudit Systême, Livre et Méthode
dans les Ecoles de notre Jurisdiction , et
exhortons les Maîtres , Maîtresses et autres , enseignant
sous notre autorité , qui le pourront
commodément , à les pratiquer , et.l'exercice du
Bureau Tipographique. Fait en notre Hôtel à
Paris , ce 24. Novembre 1732. Signé, F. Vivant.
Collationné à la minute originale , étant au
Greffe desdites Ecoles , par moi Greffier d'icelles ,
spussigné ce 1. Decembre 1732. Chanu , Greffier.
Fermer
Résumé : EXTRAIT des Actes qui sont en dépôt au Greffe de la Jurisdiction de M. le Chantre de l'Eglise de Paris. A M. le Grand-Chantre de l'Eglise de Paris.
En septembre 1732, une requête fut soumise à M. le Grand Chantre de l'Église de Paris concernant une méthode d'enseignement de la lecture. Cette méthode visait à réduire le temps nécessaire pour apprendre les premiers principes de la lecture aux jeunes élèves. Le Promoteur, après examen, ne s'opposa pas à cette méthode et recommanda son étude par des commissaires. Ces derniers, après avoir observé des enfants utilisant la méthode et entendu son auteur, la jugèrent ingénieuse et efficace pour avancer l'instruction sans décourager les élèves. Ils recommandèrent son adoption dans les écoles sous la juridiction de M. le Chantre. Le 24 novembre 1732, M. le Grand Chantre autorisa l'introduction de cette méthode et encouragea les enseignants à l'adopter. Le document fut ensuite collationné et signé par le greffier le 1er décembre 1732.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
112
p. 2337-2353
RÉPONSE de l'Auteur du Projet, sur Montaigne, à la Lettre de Mademoiselle de Malcrais de la Vigne, imprimée dans le Mercure de Septembre 1733.
Début :
MADEMOISELLE, Je vous dois des remercimens, et pour l'honneur [...]
Mots clefs :
Montaigne, Essais, Ouvrage, Auteur, Pascal, Traduire, Esprit, Raison, Vieux langage, Projet, Traduction, Pensées, Voltaire, Style, La Bruyère, Malebranche
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE de l'Auteur du Projet, sur Montaigne, à la Lettre de Mademoiselle de Malcrais de la Vigne, imprimée dans le Mercure de Septembre 1733.
REPONSE de l'Auteur du Projet , sur
Montaigne , à la Lettre de Mademoiselle
de Malcrais de la Vigne , imprimée
dans le Mercure de Septembre 1733 .
MA
ADEMOISELLE ,
Je vous dois des remercimens, et pour
Phonneur que vous m'avez fait de me
critiquer , et pour la politesse dont vous
avez assaisonné votre Critique . C'est déja
quelque chose de bien flateur pour moi
que mon Projet sur Montaigne ait attiré
votre attention , et que vous ayez pris la
peine de l'examiner . Que ne vous dois je
donc point pour les louanges que vous
m'avez données : Vous , MADEMOISELLE
que tant de Plumes ont célébrée à l'envi
Vous , l'Héroïne de ce Poëte fameux , si
avare de son encens a . Quel poids n'ajoute
point à l'éloge qu'il a fait de vos talens
, le jugement rigoureux qu'il a prononcé
dans son Temple du goût , contre
tant d'illustres Auteurs ? Le Public s'est
a Voyez l'Epitre de M. de Voltaire à Mlle Malerais
de la Vigne , dans le Mercure de Decembre,
8. vol. 1732.
Ay qu'il
2338 MERCURE DE FRANCE
révolté contre cet Ouvrage , tout ami
qu'il est de la Critique , mais il n'a rien
trouvé à dire à la belle Epître que M. de
Voltaire vous a adressée , tout ennemi qu'il
est des Panégiriques. M. de Voltaire a déplu
au Public , quand il a combattu l'opinion
publique ; il lui a plû quand il s'y
est conformé
Mais pourquoi ne vous a- t- il pas donné
une place honorable dans son Temple du
goût? Pourquoi au moins ne vous a- t- il
pas mise avec Madame Deshoulieres , à la
quelle il vous avoit comparée ? Je crois
Mademoiselle , que je ne suis pas le premier
qui vous fais cette question . Quoi
qu'il en soit des raisons qu'a pû avoir
M. de Voltaire , et dans lesquelles je n'ose
entrer , je vous puis assurer , Mademoiselle
, qu'il y a bien des Auteurs qui ont
été charmez de ne point trouver votre
nom dans cet Ouvrage , parce qu'ils s'attendoienr
à y trouver le leur . Le silence
de M. de Voltaire sur votre sujet les a consolez
de l'exclusion qu'il leur a donnée .
Quand onleur demande pourquoi M. de
-Voltaire n'a fait aucune mention d'eux
dans son Temple dugoût , ils répondent
qu'il en a usé de même à votre égard , et
ils croient par-là l'avoir convaincu d'une
injustice qui doit lui ôter toute autorité
dans la République des Lettres.
NOVEMBRE. 1733. 2339
Vous n'approuvez pas mon projet sur
Montaigne , et vous croyez sans doute
que je vais le soutenir contre vous.
Non , Mademoiselle , je l'abandonne
sans peine ; il n'est pas plus de mon
goût que du vôtre ; et je n'ai jamais eû
une intention bien sérieuse de l'éxecuter.
Ce travail serbit assez désagréable , et
quand même l'Ouvrage réüssiroit , il en
reviendroit peu de gloire , parce qu'on
ne s'imagineroit pas qu'il eût dû beaucoup
coûter.
Mais quoique je sois très - déterminé à
laisser Montaigne tel qu'il est,il me semble
cependant que les raisons que vous appor
tez contre mon Projet, ne sont pas absolument
sans réplique.Voyons donc ce qu'on
y pourroit opposer . Cela nous amusera
peut-être vous et moi , et d'ailleurs je
suis trop flatté de l'occasion de rompre
une lance avec vous , pour la laisser
échapper.
Je conviens d'abord que le mot de
Traduction dont je me suis servi , n'est
pas tout-à- fait exact , et ne dit pas précisément
ce que je veux faire entendre ;
mais je ne l'ai employé qu'au deffaut d'au
tre et pour abréger . Dailleurs j'ai expliqué
plus d'une fois en quel sens je le
prenois.
A vj
29
2340 MERCURE DE FRANCE
>
2º. Je suis Traducteur , et Traducteur
proprement dit en quelques endroits
de l'échantillon que j'ai donné de mon
travail , et c'est lorsque je change entierement
les tours et les mots de Montaigne
, parce que ces tours et ces mots
sont tellement vieillis qu'ils ne sont plus
françois. Traduire , c'est rendre en une
autre Langue les pensées d'un Auteur ;
j'admets la définition. Or la Langue dans
laquelle je rends les pensées de Montaigne
, est quelquefois une autre Langue
que celle qu'il a parlée. Celle- cy est ce
qu'on appelle communément du Gaulois.
Or mettre du Gaulois en François ,
c'est à la lettre , traduire. Ces mots Gaulois
ont été jadis François ; mais aujour
d'hui ils ne le sont pas plus que des mots
Italiens ou Espagnols, si on en excepte la
terminaison qui est toujours Françoise .
Le plus souvent , je l'avoue , je ne fais
que corriger Montaigne ; quelquefois aussi
je le traduits.
3°. Le projet de mettre en François
moderne un Ouvrage écrit en vieux Fran .
çois il y a environ 150. ans , n'est pas
d'une espece aussi singuliere qu'on pour
roit le croire d'abord. On a traduit ou
corrigé quelques Ouvrages de S. François
de Sales , à peu près comme je voudrois
traduire
NOVEMBRE. 1733. 234x
traduire ou corriger les Essais de Montaigne.
Cependant S. François de Sales
n'est mort qu'en 1622. mais pourquoi
les a- t'on traduits ? C'est parce que ces
Ouvrages si propres à inspirer le goût
de la pieté et à en faire connoître l'esprit
et les regles , n'étoient presque plus
lûs par ceux mêmes qui s'occupent le
plus de la lecture des Livres spirituels.
Je conviens , car il faut être de bonne
foi , qu'il y avoit une raison de traduire
S. François de Sales , qui est peut- être
une raison de ne point traduire Monaigne.
Cette raison , c'est que le vieux
stile de S. François de Sales jette un certain
plaisant et un certain comique sur
ses pensées qui est tout près du ridicule
et qui par conséquent est diamétralement
opposé à l'effet sérieux qu'elles doivent
produire. Or ce plaisant et ce comique
est tout- à- fait à sa place dans Montaigne.
Bien loin de gâter ses pensées et
d'en empêcher l'effet , il y ajoute une
nouvelle grace et une nouvelle force ,
ensorte que son stile est agréable , nonseulement
parce qu'il est vif , léger , & c.
mais encore parce qu'il est vieux . Peutêtre
étoit-il moins agréable à ses Contemporains.
Telle phrase de Montaigne ,
qui aujourd'hui déride le front du Lecteur
2342 MERCURE DE FRANCE
teur le plus sévere , étoit lûë il y a 150.
ans avec le plus grand sérieux , et on étoit
bien éloigné d'y trouver le mot pour
rire. Nous rions en lisant nos vieux Auteurs
, comme nous rions en voyant les
Portraits de nos grands- peres habillez à
la maniere de leur temps . La naïveté est
un des principaux caracteres de Montaigne;
on aime beaucoup cette naïveté et
on lui en fait un grand mérite. Mais si
on y prend garde , on verra qu'elle consiste
en grande partie dans son vieux.
langage. Montaigne paroissoit autrefois
moins naïf qu'il ne le paroît aujourd'hui .
Nous voyons dans cet Auteur ce qui
n'y est point , ou du moins ce qu'il n'y
a point mis. Nous attribuons à l'Ouvrier
ce qui n'est que l'effet du temps
qui a passé sur son Ouvrage. Ou si l'on
veut encore , nous attribuons à l'Auteur
et au Livre ce qui n'est qu'en nous- mêmes.
C'est une vraye piperie et une sorte
de prestige ; voila pourquoi le vieux
langage , le stile Marotique est si pro
pre aux Ouvrages qui doivent être naïfs
et plaisants , comme les Epigrammes ,
les Contes , les Fables , &c. Il y a tel
Vers de la Fontaine , de Rousseau , à qui
Vous ôteriez tout son sel en changeant
sculement un mot Gaulois en un mot
François.
NOVEMBRE. 1733. 2343
François . On comprend assez pourquoi
le vieux langage nous paroît plaisant et
naïf; c'est une espece de mascarade . Ce
langage est encore en grande partie celui
des gens de la campagne et du Peuple
, surtout dans les Provinces les plus
éloignées de Paris. Mais par la même
raison il doit paroître bas plutôt que
naïf , et ridicule plutôt que plaisant à
plusieurs personnes. Il faut donc le réformer
dans les anciens Livres ; il faut
y substituer le langage moderne , si l'on
yeut que ces personnes les lisent avec
plaisir . C'est pour elles que je voudrois
traduire ou corriger Montaigne.
On niera peut- être l'existence de ces
personnes , ou du moins qu'elles soient
en grand nombre. Mais on se trompe
souvent cn jugeant des autres par soimême,
ou par quelques amis qui pensent
comme nous. Pour moi , Mademoiselle ,
je puis vous assurer que je connois plusieurs
gens de fort bon esprit , à qui
j'ai voulu faire lire Montaigne , et quelques
autres de nos vieux Ecrivains en
Vers et en Prose , et qui m'ont dit qu'ils
ne pouvoient soutenir cette lecture. Ce
vieux langage , comme je l'ai dit , leur
paroît bas , ridicule , souvent même inintelligible.
Mais
2344 MERCURE DE FRANCE
Mais les Essais de Montaigne , corrigez
et réformez comme les trois Chapitres
qu'on a vûs dans le Mercure , plairoient-
ils à ces personnes dont je viens
de parler ? Seroit- ce pour elles une lec
ture agréable ? Voilà le point essentiel
de la question , car il ne s'agit pas de
ceux qui lisent avec plaisir Montaigne tel
qu'il est. J'aurois quelque lieu de le croire
, Mademoiselle , si mon stile étoit
digne des loüanges que vous lui avez
données. Il est pur , dites - vous , elegant ,
harmonieux. Vous ajoûtez que si la France
n'eût point vû naître un Montaigne avant
moi , je pourrois en continuant sur le méme
ton , prétendre au même rang. Ce n'est
là , sans doute , qu'une politesse dont il
faut rabatre beaucoup , et en ce cas je
n'en puis rien conclure ; mais si vous
m'avez parlé sincerement , je puis me flater
que mon Ouvrage auroir quelque
succès. Montaigne n'est point né , il n'existe
point pour ceux qui ne le lisent
point , et qui ne peuvent même le lire.
Or , je le repete , ils sont en grand nombre
, surtout parmi les femmes . Il en est
fort peu , qui comme vous , Mademoiselle
, joignent le sçavoir à l'esprit ; la
plupart même sont extrémement ignorantes
, et beaucoup d'hommes ne le
sont
NOVEMBRE. 1733 2345
sont pas moins qu'elles. Or il faut au
moins quelque teinture de litterature
pour lire Montaigne avec plaisir.
cet
On pourroit me faire une autre objection
à laquelle je serois plus embar
rassé de répondre. Traducteur de Montaigne
, j'ai loué , j'ai éxalté mon Original
, mais ne l'ai-je point trop loüé ? Ne
faudroit- il point distinguer ici l'Auteur
et le Livre , Montaigne et ses Essais ,
le 16. siecle et le 18. Montaigne étoit
un excellent esprit , un rare génie , mais
ses Essais sont- ils réellement un excellent
Livre ? Cet Ouvrage égal ou supérieur
à tous ceux qui l'ont précedé dans
le même genre , l'est- il de même à tous
ceux qui l'ont suivi ? En un mot ,
Ouvrage admirable par le temps où il
a parû , l'est- il aussi pour le temps où
nous vivons ? Je connois des gens d'esprit
bien éloignez de le croire . Beaucoup
de pensées , nouvelles quand Montaigne
les a écrites , sont dans la suite devenuës
très communes. Mille Ecrivains les ont
répetées. Aujourd'hui elles appartiennent
à tout le monde. Elle leur sont familieres.
Aussi les bons Auteurs qui écrivent
sur les matieres ausquelles ces pensées
ont rapport , ne les répetent plus. Ils les
supposent comme suffisamment connuës ,
et
2346 MERCURE DE FRANCE
et partent de - là pour aller à des veritez
nouvelles. Si Pascal , la Bruyere , la Rochefoucault
, ont pris beaucoup de choses
dans Montaigne , ils y en ont ajoûté une
infinité d'autres. En un mot , les Esprits
se sont bien rafinez depuis 15o. ans . Ils
sont bien avancez aujourd'hui du côté
des refléxions sur l'Homme; et le Livre si
vanté de Montaigne paroîtroit peut- être
dans ma Traduction un Livre assez com .
mun et assez vuide , un Livre où ceux
qui connoissent ce qui s'est fait de meil
leur depuis 60. ou 80. ans , ne trouveroient
presque rien à apprendre et qui
fût nouveau pour eux. Ainsi il arrive .
roit à Montaigne ce qui est arrivé à quel.
ques Auteurs Grecs et Latins , dont la
réputation est beaucoup diminuée depuis
qu'ils sont traduits. Voilà ce que
m'ont dit des Personnes de mérite , et
je suis très- porté à croire qu'elles ont
raison.
On me fait encore une objection à laquelle
j'avoue que j'étois assez simple
pour ne me pas rendre. Vous voulez
supprimer dans votre Traduction , m'at'on
dit , tout ce qu'il y a de trop libre.
dans Montaigne , tout ce qui s'y trouve
de contraire à la foi et aux bonnes moeurs,
et on ne peut que vous en loüer.Mais dèslors
NOVEMBRE. 1733. 2347
lors ce n'est plus Montaigne que vous nous
donnez. On n'aime point ces Auteurs
mutilez ; ils ne sont bons que pour les
Colleges ; et outre que ce que vous retrancherez
dans votre Traduction , fait
une partie considerable de l'Original ,
c'est peut -être la plus agréable pour une
infinité de gens. Quoiqu'il en soit , on
veut qu'une Traduction représente l'Original
en son entier ; on veut avoir le
bon et le mauvais , l'utile et le dange
reux , parce qu'on veut avoir tout. J'ay
peur encore que cette objection ne soit
fort bonne ; elle m'est venuë de bien
des endroits.
J'ai été encore très-frappé d'une de
vos Remarques , Mademoiselle , et j'en
ai même éprouvé la vérité depuis l'impression
de mon Projet. C'est que plu
sieurs de ceux qui avoüent qu'il y a beau
coup d'Endroits dans Montaigne qu'ils
■'entendent point , seroient les premiers
à se dédire lorsque ma Traduction leur
auroit éclairci ces passages difficiles.
Enfin ,je suis persuadé que les graces de
Montaigne consistent principalementdans
son stile , et vous ne paroissez pas vousmême
, Mademoiselle , fort éloignée de
certe opinion. Or j'avoue que c'est une
entreprise bien hardie que de traduire un
Auteur de ce caractere.
2348 MERCURE DE FRANCE
Vous dites , Mademoiselle , que mon
stile n'a point de rapport à celui de Montaigne.
D'autres ont trouvé qu'il n'en
avoit que trop , qu'il n'étoit pas assez
original , assez moderne. Il vous arrivera,
m'ont-ils dit,si vous n'y prenez garde, que
Montaigne vous gagnera insensiblement.
Vous vous familiariserez avec son vieux
langage et vous l'adopterez sans y penser.
Je suis entierement de leur avis , et
si je continuois ma Traduction , je m'éloignerois
beaucoup plus de mon Ori
ginal que je n'ai fait.
Vous aimez Montaigne, Mademoiselle, er
vous avez raison de l'aimer.Mais permet
tez- moi de vous dire que votre goût
pour cet Auteur vous a emportée trop
loin.Il vous a rendue injuste à l'égard de
ceux qui l'ont critiqué. M. Nicole, M. Pas
cal , et le Pere Mallebranche , dites-vous,
devoient parler avec plus de circonspection
duMaître qui leur apprêt à penser. Mais vous
même , Mademoiselle , avez- vous parlé
en cet Endroit avec assez de circonspec
tion ? Ceux qui ne connoîtroient pas ces
grands Hommes que vous nommez , ne
les prendroient- ils pas pour quelques - uns
de nos médiocres Ecrivains. Certainement
un grand Génie , tel qu'étoient ces
Messieurs , n'apprend à penser de personne
NUVEM BKE. 1733. 2349
sonne . Ceux-cy auroient été de grands
Auteurs , quand même Montaigne n'eût
jamais existé. Il est vrai , comme je l'ai
dit , qu'ils ont emprunté de lui beaucoup
de choses , mais je ne doute point
qu'ils ne les eussent bien trouvées
d'eux-mêmes , si elles avoient encore été
à trouver. Ils ont fait preuve d'invention
et d'originalité . Cette façon de parler
, Montaigne est le Maître qui leur apprit
à penser, a un air de mépris , et il
ne conviendroit tout au plus de s'en servir
que par rapport à des Auteurs du second
ordre . Or ceux dont il s'agit ici
sont , sans contredit , du premier rang
parmi les Auteurs du premier ordre.
Ce que vous ajoûtez une page plus bas ,
que c'étoit la jalousie du métier qui forçoit
Mallebranche et Pascal à rabaisserMontaigne
, m'a fait encore de la peine. C'est du
moins un jugement témeraire, et un jugement
témeraire en matiere grave. On ne
rabaisse guéres par jalousie de métier un
Auteur mort, et mort il y a long- tems. On
l'éleve plutôt pour rabaisser ses Contem
porains. D'ailleurs lePereMalebranche n'a
pas écrit dans le même genre que Montaigne.
Celui-cy est un Philosophe Moral
encore faut- il prendre le nom de Philosophe
dans un sens fort étendu , si on
yeut
་་་
veut qu'il lui convienne. Quant au Perc
Mallebranche , c'est principalement un
Philosophe Métaphysicien , et en cette
qualité un Ecrivain ami de l'exacte jus
tesse et dont la sorte d'esprit étoit trèsdifferente
de celle de Montaigne . Il n'est
donc pas étonnant qu'il l'ait peu goûté ;
et c'est la vraye raison du jugement peu
avantageux qu'il en á porté , plutôt que
ia jalousie du métier. Le genre dans - lequel
a écrit M. Pascal , a plus de rapport
avec celui de Montaigne . Ils ont l'un et
l'autre etudié et peint l'Homme. D'ailleurs
bien des gens n'auroient pas peine à soupçonner
M. Pascal d'avoir quelquefois écrit
par passion. Mais la vérité est qu'il n'a
point rabaissé Montaigne entant qu'Ecrivain.
Au contraire personne ne l'a
plus loüé que lui du côté de l'esprit.
Il ne l'a rabaissé que du côté du coeur
et des moeurs. Rappellez vous , s'il vous
plaît, Mademoiselle, le Passage de M.Pascal
, que j'ai cité dans mon Projet.
Je ne crois donc pas que M. de la
Bruyere l'ait eu en vûë , non plus que le
Pere Mallebranche , dans i'endroit de ses
caracteres qui commence par ces paroles
: Deux Ecrivains ont blamé Montaigne
, &c. L'un , dit- il , ne pensoit pas
assez pourgoûter un Auteur qui pense beaucoup
;
coup ; l'autre pense trop subtilement pour
s'accommoder des pensées qui sont naturelles
Peut-on reconnoître- là le Pere Mallebran
che , et M. Pascal ? Duquel des deux peuton
dire qu'il ne pense pas assez ? On
s'éloigneroit moins de la vrai - semblance,
en disant qu'ils pensent l'un et l'autre
trop subtilement. Je croirois donc plutot
que M. de la Bruyere a voulu désigner
Balzac et la Mothe le Vayer. Bal
zac ne pense et ne s'exprime pas assez
naturellement. La Mothe le Vayer ne
pense gueres ; ce n'est presque qu'un
Compilateur. Ce qui me fait pourtant
douter de la verité de cette conjecture ,
c'est que je ne vois pas pourquoi M. de
le Bruyere n'auroit pas nommé ces Auteurs
, au lieu de se contenter de les désigner
, puisqu'ils étoient morts il y avoit
longtemps lorsqu'il écrivoit. Au reste ,
si M. de la Bruyere a eu en vûë le Pere
Mallebranche et M. Pascal , il faut dire
qu'il a entierement méconnu leur caractere
, ce qui n'est pas aisé à croire d'un
Ecrivain aussi judicieux que lui ; mais
quand même il auroit bien caracterisé
ces Auteurs , il ne s'ensuivroit pas de- là
qu'ils eusent blâmé Montaigne par jalousie
de métier , puisqu'on trouvoit une
raison suffisante de leur improbation et
de
2352 MERCURE DE FRANCE
de leurs critiques dans la difference de
leur goût et de leur tour d'esprit.
Vous avez la bonté de me dire , Mademoiselle
, que vous me croyez en état
de donner au Public quelque Ouvrage
digne de lui plaire. J'accepte l'augure.
Cet encouragement est venu fort à propos.
Je pense depuis quelque temps à
faire imprimer plusieurs petits Ecrits que
j'ai composez sur diverses matieres , et
vous avez achevé de me déterminer. Ce
Recueil aura pour titre : Essais sur divers
sujets de Litterature et de Morale.
C'est un mêlange de plusieurs choses
assez differentes , et il regnera du moins
une grande varieté dans cet Ouvrage.
J'y suis tour à tour Montaigne , Pascal ,
la Bruyere , Saint Evremont , &c. Vous
croyez bien , Mademoiselle , que je n'entens
parler que de la forme que j'ai donnée
aux differens morceaux qui composent
mon Recueil . On y trouvera de
petites Dissertations , des caracteres ,
des
maximes , &c. Ces Ecrits ont été pour
moi les intermedes d'occupations plus
suivies et d'Etudes plus sérieuses. La plupart
des Gens de Lettres , des Sçavans de
profession , ont toujours sur leur table
quelques- uns de ces Livres qui ne demandent
point d'être lûs de suite , et qu'on
feut
NOVEMBRE . 1733 2353
peut prendre et laisser quand on le veut.
Ils interrompent leur travail pour en
lire quelques pages , et ils retrouvent dans
ce délassement de nouvelles forces pour
le continuer. Heureux si je pouvois enrichir
la République des Lettres d'un
nouveau Livre de ce genre , d'unLivre qui
ouvert au hazard, presentât toujours quelque
chose d'agréable , et qu'on fût bien
aise de trouver sous sa main , lorsqu'on
voudroit se distraire pour quelques momens
d'une application pénible. Je suis,
Mademoiselle , & c.
Montaigne , à la Lettre de Mademoiselle
de Malcrais de la Vigne , imprimée
dans le Mercure de Septembre 1733 .
MA
ADEMOISELLE ,
Je vous dois des remercimens, et pour
Phonneur que vous m'avez fait de me
critiquer , et pour la politesse dont vous
avez assaisonné votre Critique . C'est déja
quelque chose de bien flateur pour moi
que mon Projet sur Montaigne ait attiré
votre attention , et que vous ayez pris la
peine de l'examiner . Que ne vous dois je
donc point pour les louanges que vous
m'avez données : Vous , MADEMOISELLE
que tant de Plumes ont célébrée à l'envi
Vous , l'Héroïne de ce Poëte fameux , si
avare de son encens a . Quel poids n'ajoute
point à l'éloge qu'il a fait de vos talens
, le jugement rigoureux qu'il a prononcé
dans son Temple du goût , contre
tant d'illustres Auteurs ? Le Public s'est
a Voyez l'Epitre de M. de Voltaire à Mlle Malerais
de la Vigne , dans le Mercure de Decembre,
8. vol. 1732.
Ay qu'il
2338 MERCURE DE FRANCE
révolté contre cet Ouvrage , tout ami
qu'il est de la Critique , mais il n'a rien
trouvé à dire à la belle Epître que M. de
Voltaire vous a adressée , tout ennemi qu'il
est des Panégiriques. M. de Voltaire a déplu
au Public , quand il a combattu l'opinion
publique ; il lui a plû quand il s'y
est conformé
Mais pourquoi ne vous a- t- il pas donné
une place honorable dans son Temple du
goût? Pourquoi au moins ne vous a- t- il
pas mise avec Madame Deshoulieres , à la
quelle il vous avoit comparée ? Je crois
Mademoiselle , que je ne suis pas le premier
qui vous fais cette question . Quoi
qu'il en soit des raisons qu'a pû avoir
M. de Voltaire , et dans lesquelles je n'ose
entrer , je vous puis assurer , Mademoiselle
, qu'il y a bien des Auteurs qui ont
été charmez de ne point trouver votre
nom dans cet Ouvrage , parce qu'ils s'attendoienr
à y trouver le leur . Le silence
de M. de Voltaire sur votre sujet les a consolez
de l'exclusion qu'il leur a donnée .
Quand onleur demande pourquoi M. de
-Voltaire n'a fait aucune mention d'eux
dans son Temple dugoût , ils répondent
qu'il en a usé de même à votre égard , et
ils croient par-là l'avoir convaincu d'une
injustice qui doit lui ôter toute autorité
dans la République des Lettres.
NOVEMBRE. 1733. 2339
Vous n'approuvez pas mon projet sur
Montaigne , et vous croyez sans doute
que je vais le soutenir contre vous.
Non , Mademoiselle , je l'abandonne
sans peine ; il n'est pas plus de mon
goût que du vôtre ; et je n'ai jamais eû
une intention bien sérieuse de l'éxecuter.
Ce travail serbit assez désagréable , et
quand même l'Ouvrage réüssiroit , il en
reviendroit peu de gloire , parce qu'on
ne s'imagineroit pas qu'il eût dû beaucoup
coûter.
Mais quoique je sois très - déterminé à
laisser Montaigne tel qu'il est,il me semble
cependant que les raisons que vous appor
tez contre mon Projet, ne sont pas absolument
sans réplique.Voyons donc ce qu'on
y pourroit opposer . Cela nous amusera
peut-être vous et moi , et d'ailleurs je
suis trop flatté de l'occasion de rompre
une lance avec vous , pour la laisser
échapper.
Je conviens d'abord que le mot de
Traduction dont je me suis servi , n'est
pas tout-à- fait exact , et ne dit pas précisément
ce que je veux faire entendre ;
mais je ne l'ai employé qu'au deffaut d'au
tre et pour abréger . Dailleurs j'ai expliqué
plus d'une fois en quel sens je le
prenois.
A vj
29
2340 MERCURE DE FRANCE
>
2º. Je suis Traducteur , et Traducteur
proprement dit en quelques endroits
de l'échantillon que j'ai donné de mon
travail , et c'est lorsque je change entierement
les tours et les mots de Montaigne
, parce que ces tours et ces mots
sont tellement vieillis qu'ils ne sont plus
françois. Traduire , c'est rendre en une
autre Langue les pensées d'un Auteur ;
j'admets la définition. Or la Langue dans
laquelle je rends les pensées de Montaigne
, est quelquefois une autre Langue
que celle qu'il a parlée. Celle- cy est ce
qu'on appelle communément du Gaulois.
Or mettre du Gaulois en François ,
c'est à la lettre , traduire. Ces mots Gaulois
ont été jadis François ; mais aujour
d'hui ils ne le sont pas plus que des mots
Italiens ou Espagnols, si on en excepte la
terminaison qui est toujours Françoise .
Le plus souvent , je l'avoue , je ne fais
que corriger Montaigne ; quelquefois aussi
je le traduits.
3°. Le projet de mettre en François
moderne un Ouvrage écrit en vieux Fran .
çois il y a environ 150. ans , n'est pas
d'une espece aussi singuliere qu'on pour
roit le croire d'abord. On a traduit ou
corrigé quelques Ouvrages de S. François
de Sales , à peu près comme je voudrois
traduire
NOVEMBRE. 1733. 234x
traduire ou corriger les Essais de Montaigne.
Cependant S. François de Sales
n'est mort qu'en 1622. mais pourquoi
les a- t'on traduits ? C'est parce que ces
Ouvrages si propres à inspirer le goût
de la pieté et à en faire connoître l'esprit
et les regles , n'étoient presque plus
lûs par ceux mêmes qui s'occupent le
plus de la lecture des Livres spirituels.
Je conviens , car il faut être de bonne
foi , qu'il y avoit une raison de traduire
S. François de Sales , qui est peut- être
une raison de ne point traduire Monaigne.
Cette raison , c'est que le vieux
stile de S. François de Sales jette un certain
plaisant et un certain comique sur
ses pensées qui est tout près du ridicule
et qui par conséquent est diamétralement
opposé à l'effet sérieux qu'elles doivent
produire. Or ce plaisant et ce comique
est tout- à- fait à sa place dans Montaigne.
Bien loin de gâter ses pensées et
d'en empêcher l'effet , il y ajoute une
nouvelle grace et une nouvelle force ,
ensorte que son stile est agréable , nonseulement
parce qu'il est vif , léger , & c.
mais encore parce qu'il est vieux . Peutêtre
étoit-il moins agréable à ses Contemporains.
Telle phrase de Montaigne ,
qui aujourd'hui déride le front du Lecteur
2342 MERCURE DE FRANCE
teur le plus sévere , étoit lûë il y a 150.
ans avec le plus grand sérieux , et on étoit
bien éloigné d'y trouver le mot pour
rire. Nous rions en lisant nos vieux Auteurs
, comme nous rions en voyant les
Portraits de nos grands- peres habillez à
la maniere de leur temps . La naïveté est
un des principaux caracteres de Montaigne;
on aime beaucoup cette naïveté et
on lui en fait un grand mérite. Mais si
on y prend garde , on verra qu'elle consiste
en grande partie dans son vieux.
langage. Montaigne paroissoit autrefois
moins naïf qu'il ne le paroît aujourd'hui .
Nous voyons dans cet Auteur ce qui
n'y est point , ou du moins ce qu'il n'y
a point mis. Nous attribuons à l'Ouvrier
ce qui n'est que l'effet du temps
qui a passé sur son Ouvrage. Ou si l'on
veut encore , nous attribuons à l'Auteur
et au Livre ce qui n'est qu'en nous- mêmes.
C'est une vraye piperie et une sorte
de prestige ; voila pourquoi le vieux
langage , le stile Marotique est si pro
pre aux Ouvrages qui doivent être naïfs
et plaisants , comme les Epigrammes ,
les Contes , les Fables , &c. Il y a tel
Vers de la Fontaine , de Rousseau , à qui
Vous ôteriez tout son sel en changeant
sculement un mot Gaulois en un mot
François.
NOVEMBRE. 1733. 2343
François . On comprend assez pourquoi
le vieux langage nous paroît plaisant et
naïf; c'est une espece de mascarade . Ce
langage est encore en grande partie celui
des gens de la campagne et du Peuple
, surtout dans les Provinces les plus
éloignées de Paris. Mais par la même
raison il doit paroître bas plutôt que
naïf , et ridicule plutôt que plaisant à
plusieurs personnes. Il faut donc le réformer
dans les anciens Livres ; il faut
y substituer le langage moderne , si l'on
yeut que ces personnes les lisent avec
plaisir . C'est pour elles que je voudrois
traduire ou corriger Montaigne.
On niera peut- être l'existence de ces
personnes , ou du moins qu'elles soient
en grand nombre. Mais on se trompe
souvent cn jugeant des autres par soimême,
ou par quelques amis qui pensent
comme nous. Pour moi , Mademoiselle ,
je puis vous assurer que je connois plusieurs
gens de fort bon esprit , à qui
j'ai voulu faire lire Montaigne , et quelques
autres de nos vieux Ecrivains en
Vers et en Prose , et qui m'ont dit qu'ils
ne pouvoient soutenir cette lecture. Ce
vieux langage , comme je l'ai dit , leur
paroît bas , ridicule , souvent même inintelligible.
Mais
2344 MERCURE DE FRANCE
Mais les Essais de Montaigne , corrigez
et réformez comme les trois Chapitres
qu'on a vûs dans le Mercure , plairoient-
ils à ces personnes dont je viens
de parler ? Seroit- ce pour elles une lec
ture agréable ? Voilà le point essentiel
de la question , car il ne s'agit pas de
ceux qui lisent avec plaisir Montaigne tel
qu'il est. J'aurois quelque lieu de le croire
, Mademoiselle , si mon stile étoit
digne des loüanges que vous lui avez
données. Il est pur , dites - vous , elegant ,
harmonieux. Vous ajoûtez que si la France
n'eût point vû naître un Montaigne avant
moi , je pourrois en continuant sur le méme
ton , prétendre au même rang. Ce n'est
là , sans doute , qu'une politesse dont il
faut rabatre beaucoup , et en ce cas je
n'en puis rien conclure ; mais si vous
m'avez parlé sincerement , je puis me flater
que mon Ouvrage auroir quelque
succès. Montaigne n'est point né , il n'existe
point pour ceux qui ne le lisent
point , et qui ne peuvent même le lire.
Or , je le repete , ils sont en grand nombre
, surtout parmi les femmes . Il en est
fort peu , qui comme vous , Mademoiselle
, joignent le sçavoir à l'esprit ; la
plupart même sont extrémement ignorantes
, et beaucoup d'hommes ne le
sont
NOVEMBRE. 1733 2345
sont pas moins qu'elles. Or il faut au
moins quelque teinture de litterature
pour lire Montaigne avec plaisir.
cet
On pourroit me faire une autre objection
à laquelle je serois plus embar
rassé de répondre. Traducteur de Montaigne
, j'ai loué , j'ai éxalté mon Original
, mais ne l'ai-je point trop loüé ? Ne
faudroit- il point distinguer ici l'Auteur
et le Livre , Montaigne et ses Essais ,
le 16. siecle et le 18. Montaigne étoit
un excellent esprit , un rare génie , mais
ses Essais sont- ils réellement un excellent
Livre ? Cet Ouvrage égal ou supérieur
à tous ceux qui l'ont précedé dans
le même genre , l'est- il de même à tous
ceux qui l'ont suivi ? En un mot ,
Ouvrage admirable par le temps où il
a parû , l'est- il aussi pour le temps où
nous vivons ? Je connois des gens d'esprit
bien éloignez de le croire . Beaucoup
de pensées , nouvelles quand Montaigne
les a écrites , sont dans la suite devenuës
très communes. Mille Ecrivains les ont
répetées. Aujourd'hui elles appartiennent
à tout le monde. Elle leur sont familieres.
Aussi les bons Auteurs qui écrivent
sur les matieres ausquelles ces pensées
ont rapport , ne les répetent plus. Ils les
supposent comme suffisamment connuës ,
et
2346 MERCURE DE FRANCE
et partent de - là pour aller à des veritez
nouvelles. Si Pascal , la Bruyere , la Rochefoucault
, ont pris beaucoup de choses
dans Montaigne , ils y en ont ajoûté une
infinité d'autres. En un mot , les Esprits
se sont bien rafinez depuis 15o. ans . Ils
sont bien avancez aujourd'hui du côté
des refléxions sur l'Homme; et le Livre si
vanté de Montaigne paroîtroit peut- être
dans ma Traduction un Livre assez com .
mun et assez vuide , un Livre où ceux
qui connoissent ce qui s'est fait de meil
leur depuis 60. ou 80. ans , ne trouveroient
presque rien à apprendre et qui
fût nouveau pour eux. Ainsi il arrive .
roit à Montaigne ce qui est arrivé à quel.
ques Auteurs Grecs et Latins , dont la
réputation est beaucoup diminuée depuis
qu'ils sont traduits. Voilà ce que
m'ont dit des Personnes de mérite , et
je suis très- porté à croire qu'elles ont
raison.
On me fait encore une objection à laquelle
j'avoue que j'étois assez simple
pour ne me pas rendre. Vous voulez
supprimer dans votre Traduction , m'at'on
dit , tout ce qu'il y a de trop libre.
dans Montaigne , tout ce qui s'y trouve
de contraire à la foi et aux bonnes moeurs,
et on ne peut que vous en loüer.Mais dèslors
NOVEMBRE. 1733. 2347
lors ce n'est plus Montaigne que vous nous
donnez. On n'aime point ces Auteurs
mutilez ; ils ne sont bons que pour les
Colleges ; et outre que ce que vous retrancherez
dans votre Traduction , fait
une partie considerable de l'Original ,
c'est peut -être la plus agréable pour une
infinité de gens. Quoiqu'il en soit , on
veut qu'une Traduction représente l'Original
en son entier ; on veut avoir le
bon et le mauvais , l'utile et le dange
reux , parce qu'on veut avoir tout. J'ay
peur encore que cette objection ne soit
fort bonne ; elle m'est venuë de bien
des endroits.
J'ai été encore très-frappé d'une de
vos Remarques , Mademoiselle , et j'en
ai même éprouvé la vérité depuis l'impression
de mon Projet. C'est que plu
sieurs de ceux qui avoüent qu'il y a beau
coup d'Endroits dans Montaigne qu'ils
■'entendent point , seroient les premiers
à se dédire lorsque ma Traduction leur
auroit éclairci ces passages difficiles.
Enfin ,je suis persuadé que les graces de
Montaigne consistent principalementdans
son stile , et vous ne paroissez pas vousmême
, Mademoiselle , fort éloignée de
certe opinion. Or j'avoue que c'est une
entreprise bien hardie que de traduire un
Auteur de ce caractere.
2348 MERCURE DE FRANCE
Vous dites , Mademoiselle , que mon
stile n'a point de rapport à celui de Montaigne.
D'autres ont trouvé qu'il n'en
avoit que trop , qu'il n'étoit pas assez
original , assez moderne. Il vous arrivera,
m'ont-ils dit,si vous n'y prenez garde, que
Montaigne vous gagnera insensiblement.
Vous vous familiariserez avec son vieux
langage et vous l'adopterez sans y penser.
Je suis entierement de leur avis , et
si je continuois ma Traduction , je m'éloignerois
beaucoup plus de mon Ori
ginal que je n'ai fait.
Vous aimez Montaigne, Mademoiselle, er
vous avez raison de l'aimer.Mais permet
tez- moi de vous dire que votre goût
pour cet Auteur vous a emportée trop
loin.Il vous a rendue injuste à l'égard de
ceux qui l'ont critiqué. M. Nicole, M. Pas
cal , et le Pere Mallebranche , dites-vous,
devoient parler avec plus de circonspection
duMaître qui leur apprêt à penser. Mais vous
même , Mademoiselle , avez- vous parlé
en cet Endroit avec assez de circonspec
tion ? Ceux qui ne connoîtroient pas ces
grands Hommes que vous nommez , ne
les prendroient- ils pas pour quelques - uns
de nos médiocres Ecrivains. Certainement
un grand Génie , tel qu'étoient ces
Messieurs , n'apprend à penser de personne
NUVEM BKE. 1733. 2349
sonne . Ceux-cy auroient été de grands
Auteurs , quand même Montaigne n'eût
jamais existé. Il est vrai , comme je l'ai
dit , qu'ils ont emprunté de lui beaucoup
de choses , mais je ne doute point
qu'ils ne les eussent bien trouvées
d'eux-mêmes , si elles avoient encore été
à trouver. Ils ont fait preuve d'invention
et d'originalité . Cette façon de parler
, Montaigne est le Maître qui leur apprit
à penser, a un air de mépris , et il
ne conviendroit tout au plus de s'en servir
que par rapport à des Auteurs du second
ordre . Or ceux dont il s'agit ici
sont , sans contredit , du premier rang
parmi les Auteurs du premier ordre.
Ce que vous ajoûtez une page plus bas ,
que c'étoit la jalousie du métier qui forçoit
Mallebranche et Pascal à rabaisserMontaigne
, m'a fait encore de la peine. C'est du
moins un jugement témeraire, et un jugement
témeraire en matiere grave. On ne
rabaisse guéres par jalousie de métier un
Auteur mort, et mort il y a long- tems. On
l'éleve plutôt pour rabaisser ses Contem
porains. D'ailleurs lePereMalebranche n'a
pas écrit dans le même genre que Montaigne.
Celui-cy est un Philosophe Moral
encore faut- il prendre le nom de Philosophe
dans un sens fort étendu , si on
yeut
་་་
veut qu'il lui convienne. Quant au Perc
Mallebranche , c'est principalement un
Philosophe Métaphysicien , et en cette
qualité un Ecrivain ami de l'exacte jus
tesse et dont la sorte d'esprit étoit trèsdifferente
de celle de Montaigne . Il n'est
donc pas étonnant qu'il l'ait peu goûté ;
et c'est la vraye raison du jugement peu
avantageux qu'il en á porté , plutôt que
ia jalousie du métier. Le genre dans - lequel
a écrit M. Pascal , a plus de rapport
avec celui de Montaigne . Ils ont l'un et
l'autre etudié et peint l'Homme. D'ailleurs
bien des gens n'auroient pas peine à soupçonner
M. Pascal d'avoir quelquefois écrit
par passion. Mais la vérité est qu'il n'a
point rabaissé Montaigne entant qu'Ecrivain.
Au contraire personne ne l'a
plus loüé que lui du côté de l'esprit.
Il ne l'a rabaissé que du côté du coeur
et des moeurs. Rappellez vous , s'il vous
plaît, Mademoiselle, le Passage de M.Pascal
, que j'ai cité dans mon Projet.
Je ne crois donc pas que M. de la
Bruyere l'ait eu en vûë , non plus que le
Pere Mallebranche , dans i'endroit de ses
caracteres qui commence par ces paroles
: Deux Ecrivains ont blamé Montaigne
, &c. L'un , dit- il , ne pensoit pas
assez pourgoûter un Auteur qui pense beaucoup
;
coup ; l'autre pense trop subtilement pour
s'accommoder des pensées qui sont naturelles
Peut-on reconnoître- là le Pere Mallebran
che , et M. Pascal ? Duquel des deux peuton
dire qu'il ne pense pas assez ? On
s'éloigneroit moins de la vrai - semblance,
en disant qu'ils pensent l'un et l'autre
trop subtilement. Je croirois donc plutot
que M. de la Bruyere a voulu désigner
Balzac et la Mothe le Vayer. Bal
zac ne pense et ne s'exprime pas assez
naturellement. La Mothe le Vayer ne
pense gueres ; ce n'est presque qu'un
Compilateur. Ce qui me fait pourtant
douter de la verité de cette conjecture ,
c'est que je ne vois pas pourquoi M. de
le Bruyere n'auroit pas nommé ces Auteurs
, au lieu de se contenter de les désigner
, puisqu'ils étoient morts il y avoit
longtemps lorsqu'il écrivoit. Au reste ,
si M. de la Bruyere a eu en vûë le Pere
Mallebranche et M. Pascal , il faut dire
qu'il a entierement méconnu leur caractere
, ce qui n'est pas aisé à croire d'un
Ecrivain aussi judicieux que lui ; mais
quand même il auroit bien caracterisé
ces Auteurs , il ne s'ensuivroit pas de- là
qu'ils eusent blâmé Montaigne par jalousie
de métier , puisqu'on trouvoit une
raison suffisante de leur improbation et
de
2352 MERCURE DE FRANCE
de leurs critiques dans la difference de
leur goût et de leur tour d'esprit.
Vous avez la bonté de me dire , Mademoiselle
, que vous me croyez en état
de donner au Public quelque Ouvrage
digne de lui plaire. J'accepte l'augure.
Cet encouragement est venu fort à propos.
Je pense depuis quelque temps à
faire imprimer plusieurs petits Ecrits que
j'ai composez sur diverses matieres , et
vous avez achevé de me déterminer. Ce
Recueil aura pour titre : Essais sur divers
sujets de Litterature et de Morale.
C'est un mêlange de plusieurs choses
assez differentes , et il regnera du moins
une grande varieté dans cet Ouvrage.
J'y suis tour à tour Montaigne , Pascal ,
la Bruyere , Saint Evremont , &c. Vous
croyez bien , Mademoiselle , que je n'entens
parler que de la forme que j'ai donnée
aux differens morceaux qui composent
mon Recueil . On y trouvera de
petites Dissertations , des caracteres ,
des
maximes , &c. Ces Ecrits ont été pour
moi les intermedes d'occupations plus
suivies et d'Etudes plus sérieuses. La plupart
des Gens de Lettres , des Sçavans de
profession , ont toujours sur leur table
quelques- uns de ces Livres qui ne demandent
point d'être lûs de suite , et qu'on
feut
NOVEMBRE . 1733 2353
peut prendre et laisser quand on le veut.
Ils interrompent leur travail pour en
lire quelques pages , et ils retrouvent dans
ce délassement de nouvelles forces pour
le continuer. Heureux si je pouvois enrichir
la République des Lettres d'un
nouveau Livre de ce genre , d'unLivre qui
ouvert au hazard, presentât toujours quelque
chose d'agréable , et qu'on fût bien
aise de trouver sous sa main , lorsqu'on
voudroit se distraire pour quelques momens
d'une application pénible. Je suis,
Mademoiselle , & c.
Fermer
Résumé : RÉPONSE de l'Auteur du Projet, sur Montaigne, à la Lettre de Mademoiselle de Malcrais de la Vigne, imprimée dans le Mercure de Septembre 1733.
L'auteur répond à une critique de Mademoiselle de Malcrais de la Vigne concernant son projet de traduction des œuvres de Montaigne, paru dans le Mercure de Septembre 1733. Il exprime sa gratitude pour les compliments et l'attention portée à son travail. Il mentionne que Voltaire, bien que critique, a été apprécié pour une épître adressée à Mademoiselle de Malcrais de la Vigne. L'auteur décide d'abandonner son projet sur Montaigne, le jugeant désagréable et peu glorieux. Cependant, il accepte de discuter des raisons contre son projet. L'auteur explique que son utilisation du terme 'traduction' vise à moderniser le langage vieilli de Montaigne pour le rendre accessible à un public moderne. Il reconnaît que le style ancien de Montaigne ajoute une grâce particulière à ses écrits, mais note que ce style peut sembler ridicule ou bas à certains lecteurs modernes. Il cite des exemples de traductions ou corrections d'œuvres de Saint-François de Sales pour illustrer la nécessité de moderniser le langage. L'auteur admet que son projet pourrait supprimer des passages libres ou contraires à la foi, ce qui pourrait déplaire à certains lecteurs. Il reconnaît également que sa traduction pourrait éclaircir des passages difficiles, mais que certains lecteurs pourraient ensuite prétendre comprendre l'original. L'auteur mentionne que certains ont trouvé son style trop similaire à celui de Montaigne, manquant d'originalité. Il exprime son admiration pour Montaigne tout en critiquant l'opinion de son interlocutrice, qui juge sévèrement les critiques de Montaigne par des auteurs comme Nicole, Pascal et Malebranche. Il argue que ces auteurs sont des génies à part entière et que leurs critiques ne sont pas motivées par la jalousie, mais par des différences de goût et de style. Enfin, l'auteur évoque son projet de publier un recueil intitulé 'Essais sur divers sujets de Littérature et de Morale', qui inclura des dissertations, des caractères et des maximes, inspirés par des auteurs comme Montaigne, Pascal et La Bruyère. Ce recueil est destiné à offrir un délassement aux lecteurs tout en enrichissant la République des Lettres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
113
p. 2419-24[2]6
Histoire Litteraire de la France, &c. [titre d'après la table]
Début :
HISTOIRE Litteraire de la France, où l'on traite de l'origine et du [...]
Mots clefs :
Histoire littéraire de la France, Villes, Savants, Marseille, Lettres, Auteurs, Langue, Historien, Ouvrage, Sujet, Connaissance , Éloquence, Philosophie, Poète, Gaules
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire Litteraire de la France, &c. [titre d'après la table]
ISTOIRE Litteraire de la France.
Hoù l'on traite de l'origine et du
progrès , de la décadence et du rétabiissea
2420 MERCURE DE FRANCE
sement des Sciences , parmi les Gaulo's et
parmi les François , &c. Par des Reli
gieux Benedictins , de la Congrégation
de S. Maur. A Paris , chez Chaubert
Gissey , Osmont , Huart Paîné , Clousier
Hourdel et David le jeune , Libraires . I.
vol . in 4. divisé en deux parties , & c.
Le seul titre de cette Histoire que nous
avons donné dans toute son étendue.
dans le dernier Mercure , pourroit suffire
pour en donner une grande idée . If
contient le précis de l'Entreprise la plus
vaste et la plus utile qu'on ait encore formée
pour la gloire de notre Nation . Diverses
Histoires particulieres des Sçavans
d'une Province , d'une Ville , d'une Université
, d'un Corps Académique de ce
Royaume , publiées en différens temps ,
et par differens Autheurs , n'ont fait que
mieux comprendre la nécessité d'une
Histoire Générale de la France sçavante
composée tout de suite , et par des Ecri
vains , chargez de ce seul travail . Ce no
ble dessein a enfin été conçu , et en partié
déja heureusement exécuté par de sçavans
Hommes, nez , pour ainsi dire , pour
l'avancement des Lettres , et pour les
plus grandes et les plus laborieuses Entreprises.
Le premier volume dont il s'agit icy ;
pourra
NOVEMBRE. 1733. 242
pourra faire juger du mérite et de l'importance
de tout l'ouvrage , et de l'ordre
de son exécution ; il comprend tous les
temps antérieurs à la naissance de J.C.et
encore l'Histoire des Lettres en France
durant les IV. premiers siècles de l'Eglise
. Entreprendre de donner un juste Extrait
de ce volume , qui contient en tout
près de neuf cent pages , ce seroit à nous
une espece de témerité. Extrait qui nous
jetteroit infailliblement au delà des bornes
de notre Journal , nous nous contenterons
donc de quelques traits qui paroissent
exiger de nous une attention
particuliere.
Nos sçavans Auteurs , après avoir décrit
l'Etat de laRépublique des Lettres dans les
Gaules, avant et durant le tems des Druïdes
, sous le nom desquels on comprenoit
tous les Gens de Lettres des Gaules , exposent
comment les Sciences des Grecs s'y
introduisirent par le canal des Marseillois,
Grecs , Photéens d'origine . Ils n'oublient
rien de tout ce qui se trouve épars dans
divers Auteurs anciens sur cette celebre
Colonie , dont il est aussi parlé amplement
dans deux de nos ( 1 ) Journaux ,
par rapport aux Sciences , aux exercices
( 1 ) Mercure de Decembre 1728. et de Janvier
Aca
1730p
2422 MERCURE DE FRANCE
Académiques , à la Politesse , et aux
Grands Hommes qui ont brillé dans
Marseille Sçavante , ce qui nous engage
d'abreger icy sur ce sujet.
, Son Gouvernement Politique non
moins admirable que son Académie, n'est
pas omis dans cette Histoire . On suivoit
à Marseille , disent nos Auteurs , les Loix
Ioniques exposées dans un lieu public ,
où chacun pouvoit les voir pour s'y conformer.
Le droit d'hospitalité y étoit
en une singuliere veneration ; on y maintenoit
la seureté publique , en ne permettant
à personne d'y entrer armé ; les
représentations licentieuses du Théatre
en étoient sévérement bannies , ainsi que
la molesse , la volupté, la fraude et le mensonge
, et on voyoit regner en la place
dans cette Ville , la bonne foy , la frugalité
et la modestie . Ciceron estimoit si
fort un tel Gouvernement , qu'il doutoit
si Marseille n'étoit pas préférable non
seulement à toute la Grece , mais encore
à toutes les Nations de l'Univers . Aussi
les Marseillois mériterent bientôt le
Titre et les Privileges d'Amis et d'Alliez
du Peuple Romain . Marseille fut appellée
la soeur de Rome.
Diverses Colonies de Marseillois bâtirent
dans les Gaules , selon nos Auteurs ,
les
NOVEMBRE . 1733. 2423
les Villes d'Agde , de Nice , d'Antibes ,
d'Olbic , de Taurence, et peut être celles
d'Arles et de Fréjus . Cette énumeration
pourroit être plus étendue , sans y comprendre
même plusieurs Villes fondéesou
policées par des Colonies Marscilloises,
hors des Gaules , en Espagne , en Italie ,
en-Affrique , et c'est ainsi que se répandit
dans les principales Villes Gauloises
et ailleurs le goût des Lettres ; ces Villes
firent succeder aux Ecoles des Druïdes
des Académies, où elles entretenoient
des Professeurs pour y enseigner , à l'exemple
de Marseille , toutes sortes de sciences.
Telles étoient les Villes de Narbonne
, d'Arles , de Vienne , de Toulouse ,
d'Autun , de Lyon , de Nismes , de Bourdeaux
, et en particulier les Villes qui
devoient leur origine , ou leur ampliation
et leurs moeurs à celle de Marseille.
Le détail de la Litterature et des divers
Sçavans qui ont illustré ces Villes , doit
être lû dans le Livre même , et il le mérite
par l'abondance et par la richesse de
la matiere.
En examinant les Révolutions qu'ont
eues dans les Gaules les diverses Langues
qu'on y a parlé successivement , nos Hisforiens
reviennent à Marseille , ne doutant
point que la Langue Grecque n'ait
été
2424 MERCURE DE FRANCE
été durant long- temps la Langue vulgaire
des Marseillois , tres connue . disentils
, dans toute la Narbonnoise , et à
Lyon même. C'est ce que quelques Sçavans
modernes paroissent avoir ignoré
et ce qui les a jettez dans de grandes méprises
; telle est , par exemple , celle de
M. de Valbonnais , qui n'avoit pas accoutumé
d'errer , et qui a été observée dans
le Mercure d'Août 1721. au sujet d'un
Marbre Antique , chargé d'une Inscription
Grecque, du Cabinet de M.Rigord .
Ce qu'ils disent ensuite de la Langue
Gauloise ou Celtique, est d'une érudition
peu commune , et demande une attention
particuliere . Ils finissent ce sujet-la par
ces mots. De cette Langue Gauloise, jointe
à la Grecque , à la Latine et à celle des
Francs , s'est formé notre Langue Françoise
, qui à l'aide de quelques accroissement
qu'elle a reçus des Langues de nos
voisins , a pris la consistance , où elle est
présentement.
Enfin nos Auteurs remarquent que les
Gaulois Lettrez , sçachant que le Barreau
étoit la Porte la plus ordinaire qui conduisoit
aux charges distinguées, et que l'Eloquence
étoit le moïen le plus certain d'y
briller, ils s'attacherent à cultiver en même-
tems l'Eloquence et la Jurisprudence,
NOVEMBRE . 1733. 2425
ce qui les fit exceller dans la connoissance
du Droit et dans l'art de bien parler.
Ainsi les Sçavans aimerent mieux servir
leur Patrie et le Public de vive voix , que
par écrit. Que si quelques- uns d'entr'eux
ont laissé des Ouvrages de leur façon , la
longueur et le malheur des temps en ont
privé la posterité. Ils nous ont même envié
non seulement la connoissance de
presque tous ces grands Hommes , mais
aussi jusqu'à leurs noms et au moindre.
trait de leur Histoire.
Cette Remarque étoit nécessaire à l'égard
de quelques Lecteurs qui pourroient
s'étonner du petit nombre de Gaulois sçavans
, dont il est fait mention dans cet
Ouvrage , pour les temps qui ont précédé
la naissance de J. C. On y trouve cependant
les Eloges de Pitheas , Philosophe
Astronome et Géographe; d'Euthymenes
Historien et Géographe ; d'Eratoshénes
Philosophe et Historien ; de Lucius Plotius
, Rhéteur ; de Marcus- Antonius Gnipho
, Professeur d'Eloquence et des Belles
Lettres ; de Valerius Cato , Poëte et
Grammairien ; de Roscius excellent
Comédien ; de Divitiac , Philosophe :
de C. Valerius - Procillus , Ambassadeur.
et Favori de Jules César ; de Telon et
Gyardes , Astronomes ; de Cornelius Gal-
E lus,
2446 MERCURE DE FRANCE
lus , Poëte ; de Publ. Terentius- Varo , Historien
et Poëte , de Trogue Pompée , Historien.
N'oublions pas de dire que nos Histo
riens sur la fin d'une Préface , qu'on ne
peut se dispenser
de lire , supplient
les
Sçavans de leur faire connoître
les fautes
qui ont pû leur échaper dans le cours
d'un si long Ouvrage , et de les aider en
leur communiquant
de nouvelles
lumieres
, et en leur faisant part des richesses
litteraires
qui leur manquent. Ils addressent
sur tout cette priere aux divers
Ordres Religieux
du Royaume
, fournis
déja presque tous des Bibliotheques
de
leurs Auteurs , et par là plus à portée
d'indiquer
les autres Ecrivains
qu'ils ont
eu depuis la publication
de ces mêmes
Bibliotheques
. Pour garans de leur re
connoissance
ils donnent les témoignages
publics qu'ils rendent icy des obligations
qu'ils ont à ceux dont le commerce
litteraire
leur a été de quelque secours
,
Nous rendrons compte sommairement
dans l'un de nos premiers Journaux de
la seconde Partie de cette Histoire , qui
comprend les quatre premiers siecles du
Christianisme.
Hoù l'on traite de l'origine et du
progrès , de la décadence et du rétabiissea
2420 MERCURE DE FRANCE
sement des Sciences , parmi les Gaulo's et
parmi les François , &c. Par des Reli
gieux Benedictins , de la Congrégation
de S. Maur. A Paris , chez Chaubert
Gissey , Osmont , Huart Paîné , Clousier
Hourdel et David le jeune , Libraires . I.
vol . in 4. divisé en deux parties , & c.
Le seul titre de cette Histoire que nous
avons donné dans toute son étendue.
dans le dernier Mercure , pourroit suffire
pour en donner une grande idée . If
contient le précis de l'Entreprise la plus
vaste et la plus utile qu'on ait encore formée
pour la gloire de notre Nation . Diverses
Histoires particulieres des Sçavans
d'une Province , d'une Ville , d'une Université
, d'un Corps Académique de ce
Royaume , publiées en différens temps ,
et par differens Autheurs , n'ont fait que
mieux comprendre la nécessité d'une
Histoire Générale de la France sçavante
composée tout de suite , et par des Ecri
vains , chargez de ce seul travail . Ce no
ble dessein a enfin été conçu , et en partié
déja heureusement exécuté par de sçavans
Hommes, nez , pour ainsi dire , pour
l'avancement des Lettres , et pour les
plus grandes et les plus laborieuses Entreprises.
Le premier volume dont il s'agit icy ;
pourra
NOVEMBRE. 1733. 242
pourra faire juger du mérite et de l'importance
de tout l'ouvrage , et de l'ordre
de son exécution ; il comprend tous les
temps antérieurs à la naissance de J.C.et
encore l'Histoire des Lettres en France
durant les IV. premiers siècles de l'Eglise
. Entreprendre de donner un juste Extrait
de ce volume , qui contient en tout
près de neuf cent pages , ce seroit à nous
une espece de témerité. Extrait qui nous
jetteroit infailliblement au delà des bornes
de notre Journal , nous nous contenterons
donc de quelques traits qui paroissent
exiger de nous une attention
particuliere.
Nos sçavans Auteurs , après avoir décrit
l'Etat de laRépublique des Lettres dans les
Gaules, avant et durant le tems des Druïdes
, sous le nom desquels on comprenoit
tous les Gens de Lettres des Gaules , exposent
comment les Sciences des Grecs s'y
introduisirent par le canal des Marseillois,
Grecs , Photéens d'origine . Ils n'oublient
rien de tout ce qui se trouve épars dans
divers Auteurs anciens sur cette celebre
Colonie , dont il est aussi parlé amplement
dans deux de nos ( 1 ) Journaux ,
par rapport aux Sciences , aux exercices
( 1 ) Mercure de Decembre 1728. et de Janvier
Aca
1730p
2422 MERCURE DE FRANCE
Académiques , à la Politesse , et aux
Grands Hommes qui ont brillé dans
Marseille Sçavante , ce qui nous engage
d'abreger icy sur ce sujet.
, Son Gouvernement Politique non
moins admirable que son Académie, n'est
pas omis dans cette Histoire . On suivoit
à Marseille , disent nos Auteurs , les Loix
Ioniques exposées dans un lieu public ,
où chacun pouvoit les voir pour s'y conformer.
Le droit d'hospitalité y étoit
en une singuliere veneration ; on y maintenoit
la seureté publique , en ne permettant
à personne d'y entrer armé ; les
représentations licentieuses du Théatre
en étoient sévérement bannies , ainsi que
la molesse , la volupté, la fraude et le mensonge
, et on voyoit regner en la place
dans cette Ville , la bonne foy , la frugalité
et la modestie . Ciceron estimoit si
fort un tel Gouvernement , qu'il doutoit
si Marseille n'étoit pas préférable non
seulement à toute la Grece , mais encore
à toutes les Nations de l'Univers . Aussi
les Marseillois mériterent bientôt le
Titre et les Privileges d'Amis et d'Alliez
du Peuple Romain . Marseille fut appellée
la soeur de Rome.
Diverses Colonies de Marseillois bâtirent
dans les Gaules , selon nos Auteurs ,
les
NOVEMBRE . 1733. 2423
les Villes d'Agde , de Nice , d'Antibes ,
d'Olbic , de Taurence, et peut être celles
d'Arles et de Fréjus . Cette énumeration
pourroit être plus étendue , sans y comprendre
même plusieurs Villes fondéesou
policées par des Colonies Marscilloises,
hors des Gaules , en Espagne , en Italie ,
en-Affrique , et c'est ainsi que se répandit
dans les principales Villes Gauloises
et ailleurs le goût des Lettres ; ces Villes
firent succeder aux Ecoles des Druïdes
des Académies, où elles entretenoient
des Professeurs pour y enseigner , à l'exemple
de Marseille , toutes sortes de sciences.
Telles étoient les Villes de Narbonne
, d'Arles , de Vienne , de Toulouse ,
d'Autun , de Lyon , de Nismes , de Bourdeaux
, et en particulier les Villes qui
devoient leur origine , ou leur ampliation
et leurs moeurs à celle de Marseille.
Le détail de la Litterature et des divers
Sçavans qui ont illustré ces Villes , doit
être lû dans le Livre même , et il le mérite
par l'abondance et par la richesse de
la matiere.
En examinant les Révolutions qu'ont
eues dans les Gaules les diverses Langues
qu'on y a parlé successivement , nos Hisforiens
reviennent à Marseille , ne doutant
point que la Langue Grecque n'ait
été
2424 MERCURE DE FRANCE
été durant long- temps la Langue vulgaire
des Marseillois , tres connue . disentils
, dans toute la Narbonnoise , et à
Lyon même. C'est ce que quelques Sçavans
modernes paroissent avoir ignoré
et ce qui les a jettez dans de grandes méprises
; telle est , par exemple , celle de
M. de Valbonnais , qui n'avoit pas accoutumé
d'errer , et qui a été observée dans
le Mercure d'Août 1721. au sujet d'un
Marbre Antique , chargé d'une Inscription
Grecque, du Cabinet de M.Rigord .
Ce qu'ils disent ensuite de la Langue
Gauloise ou Celtique, est d'une érudition
peu commune , et demande une attention
particuliere . Ils finissent ce sujet-la par
ces mots. De cette Langue Gauloise, jointe
à la Grecque , à la Latine et à celle des
Francs , s'est formé notre Langue Françoise
, qui à l'aide de quelques accroissement
qu'elle a reçus des Langues de nos
voisins , a pris la consistance , où elle est
présentement.
Enfin nos Auteurs remarquent que les
Gaulois Lettrez , sçachant que le Barreau
étoit la Porte la plus ordinaire qui conduisoit
aux charges distinguées, et que l'Eloquence
étoit le moïen le plus certain d'y
briller, ils s'attacherent à cultiver en même-
tems l'Eloquence et la Jurisprudence,
NOVEMBRE . 1733. 2425
ce qui les fit exceller dans la connoissance
du Droit et dans l'art de bien parler.
Ainsi les Sçavans aimerent mieux servir
leur Patrie et le Public de vive voix , que
par écrit. Que si quelques- uns d'entr'eux
ont laissé des Ouvrages de leur façon , la
longueur et le malheur des temps en ont
privé la posterité. Ils nous ont même envié
non seulement la connoissance de
presque tous ces grands Hommes , mais
aussi jusqu'à leurs noms et au moindre.
trait de leur Histoire.
Cette Remarque étoit nécessaire à l'égard
de quelques Lecteurs qui pourroient
s'étonner du petit nombre de Gaulois sçavans
, dont il est fait mention dans cet
Ouvrage , pour les temps qui ont précédé
la naissance de J. C. On y trouve cependant
les Eloges de Pitheas , Philosophe
Astronome et Géographe; d'Euthymenes
Historien et Géographe ; d'Eratoshénes
Philosophe et Historien ; de Lucius Plotius
, Rhéteur ; de Marcus- Antonius Gnipho
, Professeur d'Eloquence et des Belles
Lettres ; de Valerius Cato , Poëte et
Grammairien ; de Roscius excellent
Comédien ; de Divitiac , Philosophe :
de C. Valerius - Procillus , Ambassadeur.
et Favori de Jules César ; de Telon et
Gyardes , Astronomes ; de Cornelius Gal-
E lus,
2446 MERCURE DE FRANCE
lus , Poëte ; de Publ. Terentius- Varo , Historien
et Poëte , de Trogue Pompée , Historien.
N'oublions pas de dire que nos Histo
riens sur la fin d'une Préface , qu'on ne
peut se dispenser
de lire , supplient
les
Sçavans de leur faire connoître
les fautes
qui ont pû leur échaper dans le cours
d'un si long Ouvrage , et de les aider en
leur communiquant
de nouvelles
lumieres
, et en leur faisant part des richesses
litteraires
qui leur manquent. Ils addressent
sur tout cette priere aux divers
Ordres Religieux
du Royaume
, fournis
déja presque tous des Bibliotheques
de
leurs Auteurs , et par là plus à portée
d'indiquer
les autres Ecrivains
qu'ils ont
eu depuis la publication
de ces mêmes
Bibliotheques
. Pour garans de leur re
connoissance
ils donnent les témoignages
publics qu'ils rendent icy des obligations
qu'ils ont à ceux dont le commerce
litteraire
leur a été de quelque secours
,
Nous rendrons compte sommairement
dans l'un de nos premiers Journaux de
la seconde Partie de cette Histoire , qui
comprend les quatre premiers siecles du
Christianisme.
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Résumé : Histoire Litteraire de la France, &c. [titre d'après la table]
L'ouvrage 'Histoire Littéraire de la France' est rédigé par des religieux bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur et publié à Paris. Il explore l'origine, le progrès, la décadence et le rétablissement des sciences parmi les Gaulois et les Français. Le premier volume se concentre sur les périodes antérieures à la naissance de Jésus-Christ et les quatre premiers siècles de l'Église. Cet ouvrage est le fruit d'une entreprise ambitieuse visant à compiler une histoire générale des savants de France. Les auteurs décrivent l'état des lettres dans les Gaules avant et durant l'époque des druides, qui étaient les hommes de lettres gaulois. Ils expliquent comment les sciences grecques se sont introduites en Gaule grâce aux Marseillois, une colonie grecque. Marseille est particulièrement soulignée pour son gouvernement politique et son académie, qui servaient de modèle aux autres villes gauloises. Les Marseillois ont fondé plusieurs villes en Gaule et ailleurs, répandant ainsi le goût des lettres et établissant des académies. L'ouvrage examine également les révolutions linguistiques en Gaule, mettant en avant l'importance de la langue grecque à Marseille et dans d'autres régions. Les Gaulois lettrés cultivaient l'éloquence et la jurisprudence, préférant servir leur patrie de vive voix plutôt que par écrit. Plusieurs savants gaulois sont mentionnés, tels que Pitheas, Eratosthène, et Trogue Pompée. Les auteurs encouragent les savants à signaler les erreurs et à partager leurs connaissances pour enrichir l'ouvrage. Ils expriment leur gratitude envers ceux qui les ont aidés dans cette entreprise.
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114
p. 2455-2456
OUVERTURE du College Royal.
Début :
Les Professeurs du College Royal de France, fondé à Paris par le Roy François I. le Pere et [...]
Mots clefs :
Collège royal de France, Langue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : OUVERTURE du College Royal.
OUVERTURE du College Royal.
Les Professeurs du College Royal de France .
Fondé à Paris par le Roy François I. le Pere et
le Restaurateur des Lettres , reprirent leurs Exer
cices , et commencerent leur Année Académique
Je Lundi 23. Novembre. Voici les noms des Sçavans
qui remplissent actuellement les Chaires de
se fameux College, sous l'inspection de M. An-
Eij teing
246 MERCURE DE FRANCE
toine Lancelot , de l'Académie Royale des Inscriptions
et Belles - Lettres , Censeur Royal des
Livres.
Pour la Langue Hébraïque.
Mrs Sallier et Henry.
Pour la Langue Grecque.
Mrs Capperonnier et ...
Pour les Mathématiques :
Mrs Chevallier et Privat de Molieres.
Pour la Philosophie.
Mrs Terrasson et Privat de Molieres
Pour l'Eloquence Latine.
Mrs Rollin et Souchay.
Pour la Medicine , la Chirurgie , la
Pharmacie et la Botanique.
Mrs Andry , Burette , Astruc et du Bois.
Pour la Langue Arabe.
Mrs de Fiennes , Secretaire- Interprete ordinaire
du Roy , et Fourmont
Pour le Droit- Canon.
Mrs Cappon et le Merre.
Pour la Langue Syriaque .
M. l'Abbé Fourmont .
Les Professeurs du College Royal de France .
Fondé à Paris par le Roy François I. le Pere et
le Restaurateur des Lettres , reprirent leurs Exer
cices , et commencerent leur Année Académique
Je Lundi 23. Novembre. Voici les noms des Sçavans
qui remplissent actuellement les Chaires de
se fameux College, sous l'inspection de M. An-
Eij teing
246 MERCURE DE FRANCE
toine Lancelot , de l'Académie Royale des Inscriptions
et Belles - Lettres , Censeur Royal des
Livres.
Pour la Langue Hébraïque.
Mrs Sallier et Henry.
Pour la Langue Grecque.
Mrs Capperonnier et ...
Pour les Mathématiques :
Mrs Chevallier et Privat de Molieres.
Pour la Philosophie.
Mrs Terrasson et Privat de Molieres
Pour l'Eloquence Latine.
Mrs Rollin et Souchay.
Pour la Medicine , la Chirurgie , la
Pharmacie et la Botanique.
Mrs Andry , Burette , Astruc et du Bois.
Pour la Langue Arabe.
Mrs de Fiennes , Secretaire- Interprete ordinaire
du Roy , et Fourmont
Pour le Droit- Canon.
Mrs Cappon et le Merre.
Pour la Langue Syriaque .
M. l'Abbé Fourmont .
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Résumé : OUVERTURE du College Royal.
Le Collège Royal de France, fondé à Paris par le roi François Ier, a repris ses activités académiques le 23 novembre. Ce collège est reconnu pour son rôle dans la restauration des lettres. Antoine Lancelot, membre de l'Académie Royale des Inscriptions et Belles-Lettres et censeur royal des livres, supervise les activités sous la direction de M. Antoine Eij teing. Les chaires sont occupées par des savants tels que Sallier et Henry pour la langue hébraïque, Capperonnier et un autre professeur pour la langue grecque, Chevallier et Privat de Molieres pour les mathématiques, Terrasson et Privat de Molieres pour la philosophie, Rollin et Souchay pour l'éloquence latine, Andry, Burette, Astruc et du Bois pour la médecine, la chirurgie, la pharmacie et la botanique, de Fiennes et Fourmont pour la langue arabe, Cappon et le Merre pour le droit canon, et l'Abbé Fourmont pour la langue syriaque.
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115
p. 2456-2458
LETTRE écrite de Perigueux à l'Auteur du Bureau Tipographique.
Début :
Il n'y a pas long-tems que j'ai reçû, Monsieur, la troisiéme Classe du Bureau Tipographique, [...]
Mots clefs :
Bureau typographique, Instructions, Enfant, Latin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Perigueux à l'Auteur du Bureau Tipographique.
LETTRE écrite de Perigueux à l'Auteu
du Bureau Tipographique.
Il n'y apas long- tems que j'ai reçû, Monsieur,
la troisième Classe du Bureau Tipographique,
que je vous avois prié de m'envoyer . Ce Bureau
m'a
NOVEMBRE. 1733. 2457
m'a paru du premier abord remplir assez bien
l'idée que je m'en étois faite , sur le rapport de
ceux qui en ont vû l'exercice à Paris ; et quoique
j'y aye trouvé plusieurs choses dont j'ignore encore
l'usage , j'espere qu'en voyant les instructions
que vous avez déja données et celles que
vous pourrez donner dans la suite , je comprendrai
facilement tout ce qui me paroît obscur à
present.
Voici les principales difficultez qui m'embarassent
et ausquelles vous me ferez plaisir de répondre
, soit par les éclaircissemens generaux
que vous donnerez au Public dans l'Ouvrage
que vous faites imprimer , soit par les instructions
particulieres que vous m'avez promises .
Premierement , de deux Enfans que j'ai , l'un a
près de quatre ans , et l'autre n'en a pas encore
deux , je conçois , comme vous l'avez dit quelque
part , qu'un Enfant de trois à quatre ans
peut être amusé utilement aux jeux Tipographes
, mais celui de deux ans n'est- il pas encore
trop jeune pour cet exercice !
Secondement , vous conseillez , par rapport à
la lecture , de commencer par celle du Latin plu
tôt que par celle du François , cependant je trouve
bien des gens d'un avis contraire , de même
que sur la nouvelle dénomination des lettres ,
contre laquelle j'ai vû faire d'assez bonnes objec
tions. Autres questions à résoudre ; est- il croya
ble que par le seul moyen du Jeu Tipographique
et sans le secours des Livres , on puisse apprendre
à lire ensuite couramment par tour ? D'un :
autre côté , faut -il qu'un enfant âgé au moins
de sept à huit ans , scache lire avant que d'être
mis à l'écriture ?
Mais ce qui me fait le plus de peine à com- -
By prendre
2458 MERCURE DE FRANCE
prendre , c'est ce que vous nommez le Rudiment
Pratique de la Langue Latine. Il est vrai que je
n'ai point vû cette derniere partie de votre Sistême
, mais je vous avoue franchement que je
ne conçois presque rien à tout ce que l'on m'en
a dit , je ne conçois , dis-je , point , qu'on puisse
faire entrer dans des logettes ou sur des cartes
isolées , les premières notions de la Grammaire
Latine ni d'aucune autre Langue , et vous m'obligerez
fort si vous voulez bien vous donner
la peine de m'expliquer sur cela votre Méthode.
Je suis , Monsieur , & c.
du Bureau Tipographique.
Il n'y apas long- tems que j'ai reçû, Monsieur,
la troisième Classe du Bureau Tipographique,
que je vous avois prié de m'envoyer . Ce Bureau
m'a
NOVEMBRE. 1733. 2457
m'a paru du premier abord remplir assez bien
l'idée que je m'en étois faite , sur le rapport de
ceux qui en ont vû l'exercice à Paris ; et quoique
j'y aye trouvé plusieurs choses dont j'ignore encore
l'usage , j'espere qu'en voyant les instructions
que vous avez déja données et celles que
vous pourrez donner dans la suite , je comprendrai
facilement tout ce qui me paroît obscur à
present.
Voici les principales difficultez qui m'embarassent
et ausquelles vous me ferez plaisir de répondre
, soit par les éclaircissemens generaux
que vous donnerez au Public dans l'Ouvrage
que vous faites imprimer , soit par les instructions
particulieres que vous m'avez promises .
Premierement , de deux Enfans que j'ai , l'un a
près de quatre ans , et l'autre n'en a pas encore
deux , je conçois , comme vous l'avez dit quelque
part , qu'un Enfant de trois à quatre ans
peut être amusé utilement aux jeux Tipographes
, mais celui de deux ans n'est- il pas encore
trop jeune pour cet exercice !
Secondement , vous conseillez , par rapport à
la lecture , de commencer par celle du Latin plu
tôt que par celle du François , cependant je trouve
bien des gens d'un avis contraire , de même
que sur la nouvelle dénomination des lettres ,
contre laquelle j'ai vû faire d'assez bonnes objec
tions. Autres questions à résoudre ; est- il croya
ble que par le seul moyen du Jeu Tipographique
et sans le secours des Livres , on puisse apprendre
à lire ensuite couramment par tour ? D'un :
autre côté , faut -il qu'un enfant âgé au moins
de sept à huit ans , scache lire avant que d'être
mis à l'écriture ?
Mais ce qui me fait le plus de peine à com- -
By prendre
2458 MERCURE DE FRANCE
prendre , c'est ce que vous nommez le Rudiment
Pratique de la Langue Latine. Il est vrai que je
n'ai point vû cette derniere partie de votre Sistême
, mais je vous avoue franchement que je
ne conçois presque rien à tout ce que l'on m'en
a dit , je ne conçois , dis-je , point , qu'on puisse
faire entrer dans des logettes ou sur des cartes
isolées , les premières notions de la Grammaire
Latine ni d'aucune autre Langue , et vous m'obligerez
fort si vous voulez bien vous donner
la peine de m'expliquer sur cela votre Méthode.
Je suis , Monsieur , & c.
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Résumé : LETTRE écrite de Perigueux à l'Auteur du Bureau Tipographique.
En novembre 1733, une lettre est envoyée à l'auteur du Bureau Tipographique. L'expéditeur, ayant reçu la troisième classe du Bureau Tipographique, la juge conforme à ses attentes mais rencontre des difficultés et pose plusieurs questions. Il s'interroge sur l'âge approprié pour débuter les jeux typographiques, notamment pour un enfant de deux ans. Il demande également des éclaircissements sur la priorité entre l'apprentissage du latin et du français, ainsi que sur la nouvelle dénomination des lettres. L'expéditeur souhaite savoir si le jeu typographique suffit pour apprendre à lire couramment et si un enfant doit savoir lire avant d'apprendre à écrire. Enfin, il exprime sa confusion concernant le 'Rudiment Pratique de la Langue Latine' et demande des explications sur la méthode utilisée pour enseigner la grammaire latine via des logettes ou des cartes isolées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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116
p. 2587-2609
DES HIEROGLYPHES, et de leurs usages dans l'Antiquité. Discours où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de tous les Monstres et de tous les Animaux chimeriques dont les Anciens nous ont parlé. Par M. Beneton de Perrin.
Début :
Les premiers hommes, avec la seule faculté du langage par les organes [...]
Mots clefs :
Hiéroglyphes, Figures, Hiéroglyphe, Marques, Hommes, Animaux, Religion, Écriture, Sciences, Marque, Monstres, Caractères, Homme, Figure, Chevaux, Terre, Explication, Connaissance , Symbole, Poètes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DES HIEROGLYPHES, et de leurs usages dans l'Antiquité. Discours où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de tous les Monstres et de tous les Animaux chimeriques dont les Anciens nous ont parlé. Par M. Beneton de Perrin.
DES HIEROGLYPHES , et de
leurs usages dans l'Antiquité. Discours
où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de
tous les Monstres et de tous les Animaux
chimeriques dont les Anciens nous ont
parlé. Par M. Beneton de Perrin .
Es premiers hommes , avec la seule
Lfaculté du langage par les organes
de la voix , auroient manqué de moyens
pour s'entretenir absents les uns des
-autres , et n'auroient pû avoir commerce
entre eux que difficilement, Pour remedier
à ces inconveniens , ils inventerent
des figures et convinrent qu'elles serviroient
à représenter leurs pensées , pour
ne les découvrir qu'à ceux qui en auroient
l'intelligence. Les actions et les
passions étant des accidens qui agitent
également la Nature et les hommes ;
ces figures emblêmatiques servirent d'a
bord à exprimer les unes et les autres
de ces choses , et formerent par-là un
langage muet , qui montroit le coeur
de l'homme aux yeux sans le secours
de la parole.
Les Grecs nommerent ces figures Hie-
1. Vol.
roglyphes
2588 MERCURE DE FRANCE
rogliphes , des mots Ιερος et γλύφος , com .
me qui diroit Sacra Sculptura , parce que
ce furent les Prêtres qui les premiers s'en
servirent pour écrire sur la Religion , et
envelopper par là les Mysteres. Le Pere
Kirker dérive le terme d'Hierogliphe des
mots da T. espos na gaúços , ce qui revient
assez à ce que j'ai dit qu'ils servoient
à une Ecriture sacrée , faite pour
être gravée ou taillée sur le bois ou sur
la pierre , Quasi sacra scalpendo ; les Hierogliphes
se multiplierent à mesure que
Part de parler se perfectionna et que les
Sciences se formerent.
Je les distingue en deux classes ; sçavoir
, les Hierogliphes animez , qui se
représentoient sous des formes de bêtes
soit Quadrupedes , Reptiles , Oiseaux ,
"Poissons et Plantes vegétatives , et les
Hierogliphes inanimez , qu'il faut plutôt
nommer Hierogrammes , parce qu'ils n'étoient
que des figures que les hommes
se firent à leur fantaisie , la plupart desquelles
formerent les Lettres qu'on nomma
Alphabetiques , en s'en servant pour
une autre Ecriture que le Hierogliphique
, comme j'aurai occasion de le faire
voir dans la suite. Les Chaldéens ayant
les premiers observé les Cieux et considere
l'ordre que semblent garder entre
I. Vol. elles
DECEMBRE. 1733. 2589
elles les Etoilles rassemblées , comme par
pelotons , dans ce vaste espace , ils tracerent
des figures dans le même arrangement
, et comme dans les choses mises
en confusion , on croit voir tout ce
qu'on a dessein d'y voir ; ils crurent
avoir remarqué dans ces assemblages d'Etoilles
, des formes distinctes d'hommes ,
d'oiseaux et d'animaux , ce qui leur fit
donner à ces amas ou conjonctions d'Astres
, les noms de Sagittaire , de Vierge ,
de Cigne , d'Ours , de Chien , &c. les
marquant des mêmes figures sur leurs
Tables Astronomiques.
>
Les Grecs nommerent aussi beaucoup
'de Constellations , les appellant du nom
de leurs Héros , et sur tout de ceux qui
se distinguerent dans l'Expedition de la
Colchide , sous le nom d'Argonautes
parce que ces Braves ayant été les
miers hommes qui eussent osé s'exposer
en pleine Mer , et ne se guidant que
par les Etoilles , les Poëtes jugerent qu'u
ne pareille hardie se méritoit que ces
Etoilles portassent leurs noms .
pre-
Les Astres une fois personnifiez , firent
naître l'Idolatrie ; on adora non - seulement
l'Astre en original , que l'on croyoit
influer sur un Pays ; mais encore sa figure
taillée et son Symbole ou Hiero-
I. Vol
C gliphes
2890 MERCURE DE FRANCE
gliphes, devinrent une chose respectable.
On alla même encore plus loin dans la
Deification des Corps de l'Univers ; car
la Terre étant deifiée comme les autres
Corps , on partagea sa divinité pour mul
tiplier les Dieux. Chacune de ces productions
eut séparément cet avantage , et
furent symbolisées par de nouveaux Hicrogliphes
, ce qui augmenta considerablement
et le nombre des cultes et celui
des figures.
Enfin le comble de l'Idolatrie fut qu'on
déïfia les hommes , regardant comme
des Dieux les Héros et les Inventeurs des
Sciences et des Arts. Alors on acheva de
faire porter aux Astres les noms des
personnes illustres , et confondant l'homme
et l'Astre , on honora le tout ensemble
sous la Statue ou le Hierogliphe
qui désignoit également ces deux choses
confonduës.
Par exemple , la Lyre , le Serpent ,
le Centaure , étoient des Signes Celestes ,
ces mêmes Signes ou Hierogliphes , désignoient
un Apollon , Pere prétendu
des Poëtes et des Musiciens ; un Esculape ,
Pere de la Médecine , et un Neptune ,
qui le premier dompta des Chevaux pour
s'en servir à la guerre et à la Chasse.
Mais ce qui embroüilla beaucoup la
I, Vol, signifi
DECEMBRE. 1733. 259%
signification des Hierogliphes , et quit
commença à en rendre l'explication malaisée
, c'est que tous les Personnages qui
réüssissoient dans les Sciences , et qui par
conséquent marchoient sur les traces de
ces hommes déïfiez pour en avoir été
les Inventeurs , se disoient leurs Enfans ;
de bons Poëtes et Musiciens étoient dits
Enfans d'Apollon ; un bon Médecin se
disoit fils d'Esculape , et d'habiles Cavaliers
se mettoient au nombre des descendans
de Neptune , le dompteur de
Chevaux. On qualifioit d'Enfans de Vulcain
tous ceux qui travailloient à forger
les Armes et les Outils pour l'Agriculture.
La Fable ne donne qu'un oeil aux
Cyclopes , pour signifier que les Ouvriers
qui travailloient aux Mines dans les en
trailles de la Terre , séjour continuellement
ténebreux , ne joüissoient que
d'un des deux avantages communs aux
autres hommes qui voyent alternativement
la luraiere du Soleil après l'obscu
rité de la nuit ; d'habiles Pilotes et Mariniers
étoient considerez comme fils
d'Eole et de l'Ocean.
Toutes ces personnes désignoient leur
Art sous un Hierogliphe , lequel souvent
les désignoit aussi eux - mêmes. La marque
étoit relative à la Profession et à
1. Vol. Cij l'Ou2592
MERCURE DE FRANCE
l'Ouvrier , et ces deux qualitez à la Divinité
Protectrice de l'Ouvrage , celafait
qu'un même Hierogliphe pouvoit signifier
trois choses bien differentes , une Sacrée ,
comme marque du Dieu d'un Art ; unc
Méchanique , comme marque de l'Art
même ; enfin une simple marque d'Ouvrier
Ainsi le même Hierogliphe qui
désignoit un Dieu , se mettoit souvent
sur le Tombeau d'un homme , pour montrer
la Profession dont il avoit été . Je
me servirai pour donner de cela un exem
ple sensible , d'un usage observé égale
ment par les Payens et par les premiers
Chrétiens en enterrant leurs Morts , les
uns mettoient souvent une hache sur
leurs Tombeaux , ce qui ne désignoit
pas toujours que celui qui étoit renfermé ||
dedans eût été un Ouvrier , ce pouvoit
être une personne de consideration qui
avoit eu pour Patron quelque Dieu Protecteur
d'un Art ou d'une Science , et
la hache étoit alors le Hierogliphe du
Dieu et non pas celui du Mort . Voilà
selon moi , ce qu'on doit entendre par
les Tombeaux érigez Sub ascia. Pan étoit
le Dieu des Campagnes , on n'enterroit
que là ; il a pû se faire que la hache ou
le hoyau , Instrumens propres à couper
les bois ou à remuer les terres
1. Vel
?
>
ont été
Les
DECEMBRE. 1733 2393
les Symboles des Dieux Champêtres , et
én mettant les Morts sous la protection
de ces Dieux , on mettoit leur Symbole
sur les Tombeaux .
A l'égard des Chrétiens , ils gravoient
une Pale sur les Sépulchres de feurs Martyrs
; ce Hierogliphe avoit une double
signification , l'une de passion , qui étoft
la gloire que s'étoient procuré ces Saints
par la souffrance , et l'autre de Religion , *
qui faisoit connoître celle dont ces illustres
avoient été les soutiens .
La représentation de differentes choses
par le même Hierogliphe , est ce qui
rend aujourd'hui presque impossible l'explication
des Monumens écrits avec ces ·
figures.
Comme je m'étendrai plus sur les Hierogliphes
que sur les Hierogrammes
quoique le mêlange des uns avec les
autres servit à fournir plus de moyens
d'exprimer ce qu'on avoit à faire sentir ;
je ne puis m'empêcher de faire une reflexion
qui tombe également sur tou
tes ces marques , c'est qu'il seroit à
souhaiter que les personnes qui s'appliquent
à les étudier , s'attachassent
bien à distinguer les deux especes dont
je parle , et les differents sujets ausquels
elles convenoient. Chacune de
1. Vol. Cij nos
2594 MERCURE DE FRANCE
nos Sciences a ses termes propres , il
en devoit être de même des Sciences
anciennes qui devoient par la même
Taison avoir aussi leurs marques propres.
Je ne dis pas que l'attention que
j'exige des Etudians en Hierogliphes fût
suffisante pour les conduire à une entiere
connoissance de ces figures énig .
matiques , on sçait assez que les Prêtres
et les Philosophes qui se servirent d'elles
depuis que l'on eut les Caracteres alphabetiques
, ne le faisoient que pour ca
cher une partie des choses dont ils ne
vouloient pas que le commun du peuple
fût instruit , mais du moins pár la
distinction des Hierogliphes on pourroit
en apprendre assez pour distinguer dans
les Monumens qui en sont chargez , ce qui
est de sacré d'avec ce qui est de prophane,
on tiendroit par là en bride les Charlatans
de la Litterature , qui trouvant
dans ces Monumens tout ce que leur
imagination y veut mettre , ne font
qu'embrouiller l'Histoire , loin de l'éclaircir
, et ils se trouveroient par ce
moyen hors d'état d'en imposer et d'ébloüir
les ignorans .
Revenons presentement à l'objet prin
cipal de cet Ouvrage , qui est de montrer
qu'entre toutes ces figures dont les
1. Vol. hommes
DECEMBRE. 1733. 2595
hommes se servirent pour expliquer leurs
connoissances , celles qui représentoient
des Animaux de differente nature , devinrent
dans les siecles où l'intelligence
de ces figures se trouva perduë, des Monstres
que l'ignorance fit croire avoir été
ou être existans. Je pense neanmoins que
dès - lors les Sçavans qui voulurent se mêler
de l'explication de ces Emblêmes , le
firent à l'avanture , et n'ont pas eu sur
cela plus d'avantage que ceux qui ont
voulu marcher sur leurs traces dans des
temps posterieurs , tels qu'Horus Apollo,
Pierrius Valerianus , les sieurs Langlois ,
et Dinet , et les Peres Kirker et Caussini
qui ont donné de ces Explications autant
justes qu'il est possible de le faire
dans une matiere aussi obscure ;il ne faut
pas douter que ce nombre infini de marques
de choses , tant animées qu'inanimées
qui se trouvent rangées dans un si bel ordre
sur les vieux Monumens Egyptiens , ne
contiennent des narrations bien suivies
sur differentes choses dont il falloit être
Instruit , tout s'écrivoit ainsi , et la connoissance
de la Religion , des Sciences ,
et de l'Histoire , ne se conservoit que
par le moyen de cette écriture figurée ,
la preuve de cela s'en peut tirer ( selon
moi ) de ce que dans ces longues nar-
L. Vol Ciiij rations
2596 MERCURE DE FRANCE
rations , certains Caracteres y sont répétez
souvent , et d'autres moins ; il y en
a même qui sont uniques , ou qui ne se.
trouvent répétez que deux ou trois fois
dans une longue Inscription ; ce qui devoit
faire la même chose que ce qu'on
peut remarquer dans notre écriture , où
nous avons des Lettres , comme les cinq
Voyelles qui reviennent souvent, pendant
que les K , les X , les Y , et les Z , y pa
roissent bien moins.
Il y avoit des Hyerogliphes qui contenoient
seuls un sens complet , ou une
pensée entiere; d'autres qui étoient d'abréviation
, et d'autres qui pouvoient ne former
que des demi mots et des mots dont
il étoit nécessaire de joindre plusieurs
ensemble,pour en former une expression
ou un sens déterminés de même que nous
employons en écrivant plusieurs mots ,
composés de différentes syllabes , pour
former une Phrase parfaite. J'ai fait cette
remarque en étudiant avec un peu d'attention
l'Obélisque Pamphile , que nous
a donné le Pere Kirker.
On y voit de fréquentes répétitions de
bras posez en fasce , les uns à mains ouvertes
, et les autres à poing fermé ; beaucoup
de signes en ziguezagues ; des Enfans
assis sur leur cul , le Panier de Séra-
1. Vol.
pis
DECEMBRE . 1733 . 2597
pis sur la tête , de Serpents , d'Anubis, de
Cynocéphales , &c. pendant qu'entre toutes
ces marques , souvent répétées , on ne
trouve qu'un seul sautoir , un seul tourteau
, qui est chargé d'une Croix pattée ,
quelques Etoiles , mais en petit nombre ;
tout cela donne lieu de conjecturer que
cet Obélisque contient des Enseignemens
de plusieurs natures , tant de Religion ,
de Science , que de Politique ; et que
chacune de ces choses avoit ses figures
propres à sonexpression ; ce qui fait que
les unes de ces figures paroissent souvent
dans un endroit , et bien moins dans un
autre , où il s'en trouve d'autres qui n'avoient
point encore paru.
Souvent pour donner à un Hyerogli
phe la force d'exprimer une action complete
, ou une pensée entiere , on étoit
obligé de le faire d'un composé de différens
membres d'animaux , et alors cette
figure devenoit monstrueuse ; tels étoient
les Hyérogliphes d'hommes à tête de
Chien , d'Oyseaux à face humaine , de
Corps à plusieurs têtes , et de têtes à plusieurs
visages ; ce dernier qui servit aux
Romains à symboliser leur Dieu Janus
étoit donc un Hyerogliphe plus ancien
qu'eux , il représentoit chez les Perses
Orimase et Arimane , et chez les Egyp-
1. Vola Cv tiens
2598 MERCURE DE FRANCE
tiens Osiris et Tiphon , c'est -à- dire , les
deux principes que les premiers Philosophes
admettoient pour Auteurs de toutes
choses , bonnes et mauvaises.
A l'égard des Hyerogrammes ou marques
fantasques , les plus simples comme
Le Cercle , le Triangle , le Quarré , le
Chevron, la Croix droite et la Croix panchée
composerent dans la suite les Caracteres
Litteraires , comme l'Omicron
le Delta , le Mi , l'Alpha, le Tau , le Chi
et autres , dont on se servit en quittant
P'Ecriture Hyerogliphique. Celle qui étoit
composée de Lettres , paroissant plus aisée
et plus propre à lier les pensées , et
à les produire dans un Discours suivi .
Je me sers de l'exemple des Caracteres
Grecs , parce que c'est par les Grecs que
nous avons la premiere connoissance de
T'usage que les Egyptiens faisoient de
leurs Hyerogliphes.
Les Hiérogrammes joints aux Hyerogliphes
, ne laissoient pas dans les temps où
l'on n'eut que cette sorte d'Ecriture
d'expliquer assez parfaitement les choses
dont les hommes 'devoient être instruits,
le faisant seulement plus en abrégé que
ne le fait l'Ecriture courante , ainsi il faut
croire que l'Ecriture figurée a toujours
été plus difficile à expliquer , sur tout l'étude
des Hyerogliphes Monstres deman-
1. Vol.
doit
DECEMBRE. 1733 2559
doit une grande attention et une grande
connoissance, puisqu'un seul pouvoit renfermer
un mystere de Religion , ou la
maniere de réussir dans un Ouvrage scientifique
, au lieu qu'il auroit fallu plusieurs
Hyérogrammes pour enseigner ces
choses ; cependant ces marques- cy firent
évanouir les autres ; kes Arabes , Mahométans
, à qui la Religion ne permettoit
pas d'écrire avec des figures d'hommes
et d'animaux , ne conserverent que les
Hyérogrammes, et quoiqu'ils eussent des
Caracteres Litteraires , ils se servirent des
premiers pour l'expression plus abrégée
et plus simple de leurs opérations Philosophiques
et Chimiques , continuant
par- là de faire de ces marques le même
usage qu'en faisoient les Egyptiens , qui
étoit de montrer par elles , la maniere de
décomposer et de recomposer les Corps
élémentaires. Ces mêmes marques ont
passé jusqu'à nos Phisiciens , qui les emploient
aux mêmes usages.
Le monde et toutes les sciences qu'on
peut acquerir se symbolisoient sous un
Hyerogliphe de figure tres bizare. C'étoit
un Globe avec des aîles , et des Serpens
autour de son Disque ; ce qui fait appeller
ce Hyérogliphe par le Pere Kirker :
Ali-Sphero Serpenti formem. On le voit
I. Vola
C vj paz
2600 MERCURE DE FRANCE
ན
paroître au haut de presque tous les
Obélisques , et on le mettoit là , comme
un titre , qui annonçoit que tout le Discours
qui alloit suivre , n'étoit que pour
instruire des choses connues dans l'Univers
, dont ce Globe volant étoit le type,
du mouvement , er des actions qui agitent
eet Univers .
Les Phéniciens , les Egyptiens et les
Chinois sont les premiers peuples qui firent
usage des Hyerogliphes , et qui leur
donnerent l'arrangement méthodique
dont je viens de parler , les divisant par
Classes , pour s'en servir aux différentes
applications qu'ils avoient à en faire s
leur figure fut d'abord fort simple dans
les premiers temps ; le trafic ne se faisoit
que par l'échange des Denrées; pour
le faire ( quand on n'étoit pas present )
on n'avoit d'autres moyens que d'envoyer
la figure gravée sur quelque chose
de ce qu'on vouloit vendre , et de ce
qu'on vouloit en retour. Un homme ,
par exemple , qui vouloit vendre un
Boeuf pour des Moutons , envoyoit à un
autre homme la figure d'autant de Moutons
qu'il prétendoit en avoir pour l'échange
du Boeuf, l'échange des Oyseaux
et des fruits de la terre se faisoit de même;
un Arbre se désignoit par un Arbre,
J.Val
DECEMBR E. 1733 . 260
et une personne qui auroit voulu faire
couper des Bois , en envoyoit l'ordre par
un Arbre renversé . On verra facilement
par ces seuls exemples, comment un hom
me pouvoit faire sçavoir ses volontez à
un autre , par le moyen des Hyérogli
phes, qui furent les premieres Monnoyes,
quoiqu'il n'eussent point de valeur en
eux-mêmes ; les accidens avoient leur
marque , la maladie avoit la sienne , une
personne qui vouloit faire consulter le
mal dont elle étoit affligée , envoyoit au
Médecin le symbole general de la maladie
, auquel étoit joint le symbole particulier
de la partie du corps qui étoit affectée
; si c'étoit le coeur , on mettoit un
coeur , et un oeil , ou un pied , si c'érbit
l'oeil ou le pied qui fut malade. Cela se
fait encore à peu près de même chez les
Chinois , qui ont beaucoup de Caracteres
figurez pour les mêmes choses , qu'ils
ont besoin d'exprimer.
Suivant l'explication qu'un de nos Académiciens
a donnée de la Fable des Gorgones
, il paroît que ce n'est qu'une action
de commerce que P'on avoit mis par
écrit en Hyérogliphes , et qu'après qu'on
eut perdu l'intelligence de ces marques,
en voyant des Yeux , des Dents , des Serpens
, qui n'étoient que la Relation du
LVel
voya
2602 MERCURE DE FRANCE
yoyage et l'énumération
des Marchandises
qu'une Flotte , partant de la Mer Méditerranée
, avoit rapporté des Terres situées
sur la Mer Océane , où le commerce
l'avoit attiré. On a cru que c'étoit
toute autre chose : et sur cela les Poëtes
composerent une Fiction Historique , où
de ces Gorgones , qui n'étoient que des
Vaisseaux revenus , chargez de Diamans ',
de Poudre d'or , et de Dents d'Eléphans ;
ils en firent des Filles horribles , qui
avoient la tête pleine de Serpens .
Parmi les Hyérogliphes il y en avoit
de plus simples les uns que les autres ;
les simples étoient les figures naturelles ,
véritables , et sans exagération ; au lieu
que les autres étoient des figures de pure
imagination; c'est ceux - cy qui ont donné
naissance à certains monstres qui ne
peuvent point avoir existé ; plusieurs
choses ont pû occasionner l'invention de
ces figures si extraordinaires ; par exemple
, un Chef de Nation qui vainquoit
différens ennemis , marquoit son triomphe
par une Bête allégorique , à qui on
donnoit autant de têtes que ce Chef avoit
terrassé de Peuples, ennemis. Voilà d'où
viennent les ( 1 ) Amphisbenes , les Cerbe-
( 1 ) Serpent qui pique par les deux extrémitez de
son corps.
1. Vol. ECS,
DECEMBRE. 1733 280g.
res et les Hydres , représentez avec 2 , 3 ,
et jusqu'à 7 têtes.
Apollon fut surnommé Pythiep , pour
avoir tué , disent les Mythologues , le Ser
pent Python , Monstre affreux qui s'étoie
formé du Limon échauffé , que les eaux
du Déluge avoient laissé sur la terre d'Egypte
; mais il est plus croyable que cette
Fable est une allégorie d'un effet naturel
que le Soleil opére tous les ans par sa
chaleur , qui desseche le Limon du Nil
et que les Rayons de l'astre sont les Flé
ches qui détruisent une pourriture , qui
infecteroit la terre sans ce secours annuel,
auquel on donna un mérite particulier
la premiere fois qu'on remarqua ce salutaire
effet , wu , en grec , signifie putrefaction
.
J'ai déja dit qu'entre les Hyérogliphes il
y en avoit de plus propres les uns que
les autres à caractériser certaines choses,
ainsi en suivant ce principe , la Religion
devoit avoir les siens , et les actions et
passions humaines les leurs ; ce que je
viens de remarquer des Gorgones , et de
ces guerriers symbolisés par des Monstres
suffira pour faire voir quels pouvoient
être les Hyérogliphes d'actions. Passons
présentement à la connoissance de quelques-
uns de ceux de passion , pour venir
I. Vol.
enfin
2604 MERCURE DE FRANCE
enfin à connoître quels étoient ceux de
Religion .
Il faut distinguer les passions humaines
en actives et en passives ; c'est nous
qui agissons dans les unes et nous recevons
l'action dans les autres les premiers
se symbolisoient par des marques fort
simples et les secondes par de plus composées,
un seul exemple suffira pour preu
ve de ce qu'étoient les dernieres , qui fera
l'explication du Hyérogliphe de la fortune
; cette Divinité fantasque , qui malgré
ses caprices , a toujours été l'objet
des désirs de tous les hommes , elle se
symbolisoit diversement selon le gout, le
sexe , l'âge et la condition de ses adorateurs
; on la faisoit tantôt homme , tantôt
femme , tantôt vieille et tantôt jeune,
en l'invoquant sous des noms qui avoient
rapport à ces changemens de figures.
>
Comme fortune aimée , fortuna primis
genia , elle étoit proprement le hazard
que quelques Philosophes soutenoient
avoir seul servi au débrouillement duz
Cahos . Les autres surnoms de la fortune
étoient , fortuna obsequens , l'obéissante
patrone des gens heureux ; privata , la
médiocre , qui est celle qui contente les
Sçavans ; fortuna mulier et virgo ; celle des
femmes et des filles,fortuna virilis;celle des
I, Vol
hom
DECEMBRE . 1733. 2605
hommes qui se représentoit de sexe mas
culin , il y avoit même la fortune des
vieillards , représentée avec une longue
barbe , et celle-cy étoit sans doute de
toutes les fortunes celle qu'on honoroit
le plus tard .
Cette Divinité se représentoit en general
avec tout l'appareil significatif des
effets que ses caprices produisoient dans
le monde , montée sur une roue, avec des
aîles sur le dos , un bandeau sur les yeux,
ses cheveux assemblez sur le devant de
la tête , et chauve par derriere , tout cela
pour montrer son instabilité , son inconstance
, son aveuglement dans la dispensation
de ses dons , et la difficulté de
la ratraper quand elle nous a tourné le
dos ; on lui mettoit aussi un Globe en
une main , et un Gouvernail ou une Corne
d'abondance en l'autre , pour mon
trer qu'elle gouverne le Monde , et y répand
les biens à sa volonté , ce qui étoit
encore signifié par un Soleil et une Lune
qui accompagnoient sa tête ; enfin cette
Deïté , qui est , pour ainsi dire, l'ame du
monde , pouvoit- elle manquer d'être fi
gurée par un Hierogliphe des plus composez
? C'est peut- être celui qui donna
l'idée de faire les figures panthées dont
je parlerai bien-tôt.
1. Vet. Quan
2606 MERCURE DE FRANCE
:
Quant aux Hierogliphes des passions
actives qui sont au - dedans de nous - mê
mes , ils étoient tous simples quand on
n'avoit à lés représenter que chacun séparément
; la Genisse , l'Agneau , la Colombe
, la Tourterelle , & c. marquoient
la pureté , l'innocence , l'amitié et la
constance. La virginité paroissoit sous la
marque d'une fille échevelée , vétuë de
blanc , les Vertus étoient symbolisées par
des Animaux de figures aimables , et les
vices , au contraire , étoient figurez par
des Animaux affreux , dont la seule vûe
causoit de l'horreur ; la Religion Chrétienne
a conservé ces usages , on a dé
signé les pechez capitaux par les plus
hideuses bêtes que nous connoissions , à
l'imitation des Anciens qui inventerent
des Monstres qui n'existoient point, pour
dépeindre les vices avec des couleurs plus
effrayantes.
Ils imaginerent un Basilic qui tuë de
son regard ; un Serpent qui empoisonne
de son écume toutes les herbes où il se
traîne; une infinité d'autres bêtes affreuses
étoient les Symboles des deffauts les plus
nuisibles à la Societé , comme la calomnie
, le mensonge et d'autres ; l'Hiene
étoit la marque de la cruauté ; et comme
les femmes ne sont pas exemptes de ce
I. Vol. vice
DECEMBRE . 1733. 2607
vice , on fit cet Animal hermaphrodite.
Toutes ces Images que je viens de représenter
, étoient simples ; mais quand
il falloit caracteriser en un même Symbole
plusieurs vices ou plusieurs vertus ,
il falloit bien composer un Hierogliphe
dans lequel les Symboles particuliers de
toutes ces choses entrassent , et cela formoit
des Panthées de passions , semblables
aux Panthées sacrez.
L'Antiquité eut des Héros et des braves
, qui ainsi que nos Chevaliers Errans
du temps de Charlemagne , se dévoüoient
à passer leur vie en courant le Monde
pour secourir les foibles et purger la Terre
des brigands , qui en étoient les veritables
Monstres ; tels furent parmi les
Gercs Hercule , Thesée , Jason , Persée ,
et autres. Je métonne que les Auteurs
zelez pour la gloire de notre ancienne
Chevalerie , ayent borné son origine
aux Chevaliers Romains , et qu'ils ne
l'ayent pas remontée jusqu'aux demi-
Dieux de la Grece , nos vieux Romanciers
leur en avoient donné l'ouverture ,
par le merveilleux qu'ils ont répandu sur
les avantures de nos valeureux Paladins ,
Renaud , Roland et Amadis , en leur
fournissant à point nommé des montures
diaboliques pour les conduire plus
par
B.I. Vel
prem
2303 MERCURE DE FRANCE
promptement vers les Géants qu'ils devoient
exterminer , à l'exemple des Poëtes
Grecs qui trouvoient des Pégases pour
en fournir fort à propos aux Deffenseurs
des Dames , télles qu'Andromede et Hésione.
Michel de Cervantes et Rabelais , pour
se mocquer des idées folles des Auteurs
de Romans , ont imaginé les Oriflants ,
les Hippogriphes et les Chevillards , don't
ils ont parlé , l'un dans son Don Quichote
, et l'autre dans son Gargantua .
›
Ce sont ces Chevaux ailez de la Fable
qui ont pû persuader qu'il y avoit des
Licornes ( autres animaux aussi fabuleux )
il est aisé de voir de quelle source partoit
cette fausse persuasion . L'Yvoire venoir
, à ce qu'on disoit d'une Corne de
bête qui se trouvoit en Afrique et
Pline dans son Histoire Naturelle ( L. 8.
C. 21. ) admet des Chevaux volants et
des Chevaux à Cornes , à qui il donne
également le nom de Pégase , et les fait
trouver en Ethiopie , Pays voisin des
Monts Athlas , où Persée eut occasion
de se servir d'un de ces Chevaux . Æthiopia
generat , multaque alia Monstro similia
Pennatos equos et Cornibus armatos
quos Pegasos vocant ; ce Passage ne m'empêchera
pas de conclure que , puisque
I. Vol. los
DECEMBRE . 1733. 2609
tes Pégases sont chimeriques , les Licornes
ne le sont pas moins , et la description
que continue d'en faire le méme
Auteur , achevera de prouver que ces
Animaux ne doivent être regardez que
comme des chimeres , ou plutôt ce sont
des Hierogliphes qui ont eu cette forme
, la Licorne a pû êrre une image
Panthée propre à désigner la fécondité
cu les perfections dans le genre animal ,,
elle avoit le corps d'un Cheval , la tête
d'un Cerf , les pieds d'Elephant , sa
queue d'un Sanglier , avec une corne de
deux coudées de long , placée au milieu
du front.
"
L'Auteur promet la suite.
leurs usages dans l'Antiquité. Discours
où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de
tous les Monstres et de tous les Animaux
chimeriques dont les Anciens nous ont
parlé. Par M. Beneton de Perrin .
Es premiers hommes , avec la seule
Lfaculté du langage par les organes
de la voix , auroient manqué de moyens
pour s'entretenir absents les uns des
-autres , et n'auroient pû avoir commerce
entre eux que difficilement, Pour remedier
à ces inconveniens , ils inventerent
des figures et convinrent qu'elles serviroient
à représenter leurs pensées , pour
ne les découvrir qu'à ceux qui en auroient
l'intelligence. Les actions et les
passions étant des accidens qui agitent
également la Nature et les hommes ;
ces figures emblêmatiques servirent d'a
bord à exprimer les unes et les autres
de ces choses , et formerent par-là un
langage muet , qui montroit le coeur
de l'homme aux yeux sans le secours
de la parole.
Les Grecs nommerent ces figures Hie-
1. Vol.
roglyphes
2588 MERCURE DE FRANCE
rogliphes , des mots Ιερος et γλύφος , com .
me qui diroit Sacra Sculptura , parce que
ce furent les Prêtres qui les premiers s'en
servirent pour écrire sur la Religion , et
envelopper par là les Mysteres. Le Pere
Kirker dérive le terme d'Hierogliphe des
mots da T. espos na gaúços , ce qui revient
assez à ce que j'ai dit qu'ils servoient
à une Ecriture sacrée , faite pour
être gravée ou taillée sur le bois ou sur
la pierre , Quasi sacra scalpendo ; les Hierogliphes
se multiplierent à mesure que
Part de parler se perfectionna et que les
Sciences se formerent.
Je les distingue en deux classes ; sçavoir
, les Hierogliphes animez , qui se
représentoient sous des formes de bêtes
soit Quadrupedes , Reptiles , Oiseaux ,
"Poissons et Plantes vegétatives , et les
Hierogliphes inanimez , qu'il faut plutôt
nommer Hierogrammes , parce qu'ils n'étoient
que des figures que les hommes
se firent à leur fantaisie , la plupart desquelles
formerent les Lettres qu'on nomma
Alphabetiques , en s'en servant pour
une autre Ecriture que le Hierogliphique
, comme j'aurai occasion de le faire
voir dans la suite. Les Chaldéens ayant
les premiers observé les Cieux et considere
l'ordre que semblent garder entre
I. Vol. elles
DECEMBRE. 1733. 2589
elles les Etoilles rassemblées , comme par
pelotons , dans ce vaste espace , ils tracerent
des figures dans le même arrangement
, et comme dans les choses mises
en confusion , on croit voir tout ce
qu'on a dessein d'y voir ; ils crurent
avoir remarqué dans ces assemblages d'Etoilles
, des formes distinctes d'hommes ,
d'oiseaux et d'animaux , ce qui leur fit
donner à ces amas ou conjonctions d'Astres
, les noms de Sagittaire , de Vierge ,
de Cigne , d'Ours , de Chien , &c. les
marquant des mêmes figures sur leurs
Tables Astronomiques.
>
Les Grecs nommerent aussi beaucoup
'de Constellations , les appellant du nom
de leurs Héros , et sur tout de ceux qui
se distinguerent dans l'Expedition de la
Colchide , sous le nom d'Argonautes
parce que ces Braves ayant été les
miers hommes qui eussent osé s'exposer
en pleine Mer , et ne se guidant que
par les Etoilles , les Poëtes jugerent qu'u
ne pareille hardie se méritoit que ces
Etoilles portassent leurs noms .
pre-
Les Astres une fois personnifiez , firent
naître l'Idolatrie ; on adora non - seulement
l'Astre en original , que l'on croyoit
influer sur un Pays ; mais encore sa figure
taillée et son Symbole ou Hiero-
I. Vol
C gliphes
2890 MERCURE DE FRANCE
gliphes, devinrent une chose respectable.
On alla même encore plus loin dans la
Deification des Corps de l'Univers ; car
la Terre étant deifiée comme les autres
Corps , on partagea sa divinité pour mul
tiplier les Dieux. Chacune de ces productions
eut séparément cet avantage , et
furent symbolisées par de nouveaux Hicrogliphes
, ce qui augmenta considerablement
et le nombre des cultes et celui
des figures.
Enfin le comble de l'Idolatrie fut qu'on
déïfia les hommes , regardant comme
des Dieux les Héros et les Inventeurs des
Sciences et des Arts. Alors on acheva de
faire porter aux Astres les noms des
personnes illustres , et confondant l'homme
et l'Astre , on honora le tout ensemble
sous la Statue ou le Hierogliphe
qui désignoit également ces deux choses
confonduës.
Par exemple , la Lyre , le Serpent ,
le Centaure , étoient des Signes Celestes ,
ces mêmes Signes ou Hierogliphes , désignoient
un Apollon , Pere prétendu
des Poëtes et des Musiciens ; un Esculape ,
Pere de la Médecine , et un Neptune ,
qui le premier dompta des Chevaux pour
s'en servir à la guerre et à la Chasse.
Mais ce qui embroüilla beaucoup la
I, Vol, signifi
DECEMBRE. 1733. 259%
signification des Hierogliphes , et quit
commença à en rendre l'explication malaisée
, c'est que tous les Personnages qui
réüssissoient dans les Sciences , et qui par
conséquent marchoient sur les traces de
ces hommes déïfiez pour en avoir été
les Inventeurs , se disoient leurs Enfans ;
de bons Poëtes et Musiciens étoient dits
Enfans d'Apollon ; un bon Médecin se
disoit fils d'Esculape , et d'habiles Cavaliers
se mettoient au nombre des descendans
de Neptune , le dompteur de
Chevaux. On qualifioit d'Enfans de Vulcain
tous ceux qui travailloient à forger
les Armes et les Outils pour l'Agriculture.
La Fable ne donne qu'un oeil aux
Cyclopes , pour signifier que les Ouvriers
qui travailloient aux Mines dans les en
trailles de la Terre , séjour continuellement
ténebreux , ne joüissoient que
d'un des deux avantages communs aux
autres hommes qui voyent alternativement
la luraiere du Soleil après l'obscu
rité de la nuit ; d'habiles Pilotes et Mariniers
étoient considerez comme fils
d'Eole et de l'Ocean.
Toutes ces personnes désignoient leur
Art sous un Hierogliphe , lequel souvent
les désignoit aussi eux - mêmes. La marque
étoit relative à la Profession et à
1. Vol. Cij l'Ou2592
MERCURE DE FRANCE
l'Ouvrier , et ces deux qualitez à la Divinité
Protectrice de l'Ouvrage , celafait
qu'un même Hierogliphe pouvoit signifier
trois choses bien differentes , une Sacrée ,
comme marque du Dieu d'un Art ; unc
Méchanique , comme marque de l'Art
même ; enfin une simple marque d'Ouvrier
Ainsi le même Hierogliphe qui
désignoit un Dieu , se mettoit souvent
sur le Tombeau d'un homme , pour montrer
la Profession dont il avoit été . Je
me servirai pour donner de cela un exem
ple sensible , d'un usage observé égale
ment par les Payens et par les premiers
Chrétiens en enterrant leurs Morts , les
uns mettoient souvent une hache sur
leurs Tombeaux , ce qui ne désignoit
pas toujours que celui qui étoit renfermé ||
dedans eût été un Ouvrier , ce pouvoit
être une personne de consideration qui
avoit eu pour Patron quelque Dieu Protecteur
d'un Art ou d'une Science , et
la hache étoit alors le Hierogliphe du
Dieu et non pas celui du Mort . Voilà
selon moi , ce qu'on doit entendre par
les Tombeaux érigez Sub ascia. Pan étoit
le Dieu des Campagnes , on n'enterroit
que là ; il a pû se faire que la hache ou
le hoyau , Instrumens propres à couper
les bois ou à remuer les terres
1. Vel
?
>
ont été
Les
DECEMBRE. 1733 2393
les Symboles des Dieux Champêtres , et
én mettant les Morts sous la protection
de ces Dieux , on mettoit leur Symbole
sur les Tombeaux .
A l'égard des Chrétiens , ils gravoient
une Pale sur les Sépulchres de feurs Martyrs
; ce Hierogliphe avoit une double
signification , l'une de passion , qui étoft
la gloire que s'étoient procuré ces Saints
par la souffrance , et l'autre de Religion , *
qui faisoit connoître celle dont ces illustres
avoient été les soutiens .
La représentation de differentes choses
par le même Hierogliphe , est ce qui
rend aujourd'hui presque impossible l'explication
des Monumens écrits avec ces ·
figures.
Comme je m'étendrai plus sur les Hierogliphes
que sur les Hierogrammes
quoique le mêlange des uns avec les
autres servit à fournir plus de moyens
d'exprimer ce qu'on avoit à faire sentir ;
je ne puis m'empêcher de faire une reflexion
qui tombe également sur tou
tes ces marques , c'est qu'il seroit à
souhaiter que les personnes qui s'appliquent
à les étudier , s'attachassent
bien à distinguer les deux especes dont
je parle , et les differents sujets ausquels
elles convenoient. Chacune de
1. Vol. Cij nos
2594 MERCURE DE FRANCE
nos Sciences a ses termes propres , il
en devoit être de même des Sciences
anciennes qui devoient par la même
Taison avoir aussi leurs marques propres.
Je ne dis pas que l'attention que
j'exige des Etudians en Hierogliphes fût
suffisante pour les conduire à une entiere
connoissance de ces figures énig .
matiques , on sçait assez que les Prêtres
et les Philosophes qui se servirent d'elles
depuis que l'on eut les Caracteres alphabetiques
, ne le faisoient que pour ca
cher une partie des choses dont ils ne
vouloient pas que le commun du peuple
fût instruit , mais du moins pár la
distinction des Hierogliphes on pourroit
en apprendre assez pour distinguer dans
les Monumens qui en sont chargez , ce qui
est de sacré d'avec ce qui est de prophane,
on tiendroit par là en bride les Charlatans
de la Litterature , qui trouvant
dans ces Monumens tout ce que leur
imagination y veut mettre , ne font
qu'embrouiller l'Histoire , loin de l'éclaircir
, et ils se trouveroient par ce
moyen hors d'état d'en imposer et d'ébloüir
les ignorans .
Revenons presentement à l'objet prin
cipal de cet Ouvrage , qui est de montrer
qu'entre toutes ces figures dont les
1. Vol. hommes
DECEMBRE. 1733. 2595
hommes se servirent pour expliquer leurs
connoissances , celles qui représentoient
des Animaux de differente nature , devinrent
dans les siecles où l'intelligence
de ces figures se trouva perduë, des Monstres
que l'ignorance fit croire avoir été
ou être existans. Je pense neanmoins que
dès - lors les Sçavans qui voulurent se mêler
de l'explication de ces Emblêmes , le
firent à l'avanture , et n'ont pas eu sur
cela plus d'avantage que ceux qui ont
voulu marcher sur leurs traces dans des
temps posterieurs , tels qu'Horus Apollo,
Pierrius Valerianus , les sieurs Langlois ,
et Dinet , et les Peres Kirker et Caussini
qui ont donné de ces Explications autant
justes qu'il est possible de le faire
dans une matiere aussi obscure ;il ne faut
pas douter que ce nombre infini de marques
de choses , tant animées qu'inanimées
qui se trouvent rangées dans un si bel ordre
sur les vieux Monumens Egyptiens , ne
contiennent des narrations bien suivies
sur differentes choses dont il falloit être
Instruit , tout s'écrivoit ainsi , et la connoissance
de la Religion , des Sciences ,
et de l'Histoire , ne se conservoit que
par le moyen de cette écriture figurée ,
la preuve de cela s'en peut tirer ( selon
moi ) de ce que dans ces longues nar-
L. Vol Ciiij rations
2596 MERCURE DE FRANCE
rations , certains Caracteres y sont répétez
souvent , et d'autres moins ; il y en
a même qui sont uniques , ou qui ne se.
trouvent répétez que deux ou trois fois
dans une longue Inscription ; ce qui devoit
faire la même chose que ce qu'on
peut remarquer dans notre écriture , où
nous avons des Lettres , comme les cinq
Voyelles qui reviennent souvent, pendant
que les K , les X , les Y , et les Z , y pa
roissent bien moins.
Il y avoit des Hyerogliphes qui contenoient
seuls un sens complet , ou une
pensée entiere; d'autres qui étoient d'abréviation
, et d'autres qui pouvoient ne former
que des demi mots et des mots dont
il étoit nécessaire de joindre plusieurs
ensemble,pour en former une expression
ou un sens déterminés de même que nous
employons en écrivant plusieurs mots ,
composés de différentes syllabes , pour
former une Phrase parfaite. J'ai fait cette
remarque en étudiant avec un peu d'attention
l'Obélisque Pamphile , que nous
a donné le Pere Kirker.
On y voit de fréquentes répétitions de
bras posez en fasce , les uns à mains ouvertes
, et les autres à poing fermé ; beaucoup
de signes en ziguezagues ; des Enfans
assis sur leur cul , le Panier de Séra-
1. Vol.
pis
DECEMBRE . 1733 . 2597
pis sur la tête , de Serpents , d'Anubis, de
Cynocéphales , &c. pendant qu'entre toutes
ces marques , souvent répétées , on ne
trouve qu'un seul sautoir , un seul tourteau
, qui est chargé d'une Croix pattée ,
quelques Etoiles , mais en petit nombre ;
tout cela donne lieu de conjecturer que
cet Obélisque contient des Enseignemens
de plusieurs natures , tant de Religion ,
de Science , que de Politique ; et que
chacune de ces choses avoit ses figures
propres à sonexpression ; ce qui fait que
les unes de ces figures paroissent souvent
dans un endroit , et bien moins dans un
autre , où il s'en trouve d'autres qui n'avoient
point encore paru.
Souvent pour donner à un Hyerogli
phe la force d'exprimer une action complete
, ou une pensée entiere , on étoit
obligé de le faire d'un composé de différens
membres d'animaux , et alors cette
figure devenoit monstrueuse ; tels étoient
les Hyérogliphes d'hommes à tête de
Chien , d'Oyseaux à face humaine , de
Corps à plusieurs têtes , et de têtes à plusieurs
visages ; ce dernier qui servit aux
Romains à symboliser leur Dieu Janus
étoit donc un Hyerogliphe plus ancien
qu'eux , il représentoit chez les Perses
Orimase et Arimane , et chez les Egyp-
1. Vola Cv tiens
2598 MERCURE DE FRANCE
tiens Osiris et Tiphon , c'est -à- dire , les
deux principes que les premiers Philosophes
admettoient pour Auteurs de toutes
choses , bonnes et mauvaises.
A l'égard des Hyerogrammes ou marques
fantasques , les plus simples comme
Le Cercle , le Triangle , le Quarré , le
Chevron, la Croix droite et la Croix panchée
composerent dans la suite les Caracteres
Litteraires , comme l'Omicron
le Delta , le Mi , l'Alpha, le Tau , le Chi
et autres , dont on se servit en quittant
P'Ecriture Hyerogliphique. Celle qui étoit
composée de Lettres , paroissant plus aisée
et plus propre à lier les pensées , et
à les produire dans un Discours suivi .
Je me sers de l'exemple des Caracteres
Grecs , parce que c'est par les Grecs que
nous avons la premiere connoissance de
T'usage que les Egyptiens faisoient de
leurs Hyerogliphes.
Les Hiérogrammes joints aux Hyerogliphes
, ne laissoient pas dans les temps où
l'on n'eut que cette sorte d'Ecriture
d'expliquer assez parfaitement les choses
dont les hommes 'devoient être instruits,
le faisant seulement plus en abrégé que
ne le fait l'Ecriture courante , ainsi il faut
croire que l'Ecriture figurée a toujours
été plus difficile à expliquer , sur tout l'étude
des Hyerogliphes Monstres deman-
1. Vol.
doit
DECEMBRE. 1733 2559
doit une grande attention et une grande
connoissance, puisqu'un seul pouvoit renfermer
un mystere de Religion , ou la
maniere de réussir dans un Ouvrage scientifique
, au lieu qu'il auroit fallu plusieurs
Hyérogrammes pour enseigner ces
choses ; cependant ces marques- cy firent
évanouir les autres ; kes Arabes , Mahométans
, à qui la Religion ne permettoit
pas d'écrire avec des figures d'hommes
et d'animaux , ne conserverent que les
Hyérogrammes, et quoiqu'ils eussent des
Caracteres Litteraires , ils se servirent des
premiers pour l'expression plus abrégée
et plus simple de leurs opérations Philosophiques
et Chimiques , continuant
par- là de faire de ces marques le même
usage qu'en faisoient les Egyptiens , qui
étoit de montrer par elles , la maniere de
décomposer et de recomposer les Corps
élémentaires. Ces mêmes marques ont
passé jusqu'à nos Phisiciens , qui les emploient
aux mêmes usages.
Le monde et toutes les sciences qu'on
peut acquerir se symbolisoient sous un
Hyerogliphe de figure tres bizare. C'étoit
un Globe avec des aîles , et des Serpens
autour de son Disque ; ce qui fait appeller
ce Hyérogliphe par le Pere Kirker :
Ali-Sphero Serpenti formem. On le voit
I. Vola
C vj paz
2600 MERCURE DE FRANCE
ན
paroître au haut de presque tous les
Obélisques , et on le mettoit là , comme
un titre , qui annonçoit que tout le Discours
qui alloit suivre , n'étoit que pour
instruire des choses connues dans l'Univers
, dont ce Globe volant étoit le type,
du mouvement , er des actions qui agitent
eet Univers .
Les Phéniciens , les Egyptiens et les
Chinois sont les premiers peuples qui firent
usage des Hyerogliphes , et qui leur
donnerent l'arrangement méthodique
dont je viens de parler , les divisant par
Classes , pour s'en servir aux différentes
applications qu'ils avoient à en faire s
leur figure fut d'abord fort simple dans
les premiers temps ; le trafic ne se faisoit
que par l'échange des Denrées; pour
le faire ( quand on n'étoit pas present )
on n'avoit d'autres moyens que d'envoyer
la figure gravée sur quelque chose
de ce qu'on vouloit vendre , et de ce
qu'on vouloit en retour. Un homme ,
par exemple , qui vouloit vendre un
Boeuf pour des Moutons , envoyoit à un
autre homme la figure d'autant de Moutons
qu'il prétendoit en avoir pour l'échange
du Boeuf, l'échange des Oyseaux
et des fruits de la terre se faisoit de même;
un Arbre se désignoit par un Arbre,
J.Val
DECEMBR E. 1733 . 260
et une personne qui auroit voulu faire
couper des Bois , en envoyoit l'ordre par
un Arbre renversé . On verra facilement
par ces seuls exemples, comment un hom
me pouvoit faire sçavoir ses volontez à
un autre , par le moyen des Hyérogli
phes, qui furent les premieres Monnoyes,
quoiqu'il n'eussent point de valeur en
eux-mêmes ; les accidens avoient leur
marque , la maladie avoit la sienne , une
personne qui vouloit faire consulter le
mal dont elle étoit affligée , envoyoit au
Médecin le symbole general de la maladie
, auquel étoit joint le symbole particulier
de la partie du corps qui étoit affectée
; si c'étoit le coeur , on mettoit un
coeur , et un oeil , ou un pied , si c'érbit
l'oeil ou le pied qui fut malade. Cela se
fait encore à peu près de même chez les
Chinois , qui ont beaucoup de Caracteres
figurez pour les mêmes choses , qu'ils
ont besoin d'exprimer.
Suivant l'explication qu'un de nos Académiciens
a donnée de la Fable des Gorgones
, il paroît que ce n'est qu'une action
de commerce que P'on avoit mis par
écrit en Hyérogliphes , et qu'après qu'on
eut perdu l'intelligence de ces marques,
en voyant des Yeux , des Dents , des Serpens
, qui n'étoient que la Relation du
LVel
voya
2602 MERCURE DE FRANCE
yoyage et l'énumération
des Marchandises
qu'une Flotte , partant de la Mer Méditerranée
, avoit rapporté des Terres situées
sur la Mer Océane , où le commerce
l'avoit attiré. On a cru que c'étoit
toute autre chose : et sur cela les Poëtes
composerent une Fiction Historique , où
de ces Gorgones , qui n'étoient que des
Vaisseaux revenus , chargez de Diamans ',
de Poudre d'or , et de Dents d'Eléphans ;
ils en firent des Filles horribles , qui
avoient la tête pleine de Serpens .
Parmi les Hyérogliphes il y en avoit
de plus simples les uns que les autres ;
les simples étoient les figures naturelles ,
véritables , et sans exagération ; au lieu
que les autres étoient des figures de pure
imagination; c'est ceux - cy qui ont donné
naissance à certains monstres qui ne
peuvent point avoir existé ; plusieurs
choses ont pû occasionner l'invention de
ces figures si extraordinaires ; par exemple
, un Chef de Nation qui vainquoit
différens ennemis , marquoit son triomphe
par une Bête allégorique , à qui on
donnoit autant de têtes que ce Chef avoit
terrassé de Peuples, ennemis. Voilà d'où
viennent les ( 1 ) Amphisbenes , les Cerbe-
( 1 ) Serpent qui pique par les deux extrémitez de
son corps.
1. Vol. ECS,
DECEMBRE. 1733 280g.
res et les Hydres , représentez avec 2 , 3 ,
et jusqu'à 7 têtes.
Apollon fut surnommé Pythiep , pour
avoir tué , disent les Mythologues , le Ser
pent Python , Monstre affreux qui s'étoie
formé du Limon échauffé , que les eaux
du Déluge avoient laissé sur la terre d'Egypte
; mais il est plus croyable que cette
Fable est une allégorie d'un effet naturel
que le Soleil opére tous les ans par sa
chaleur , qui desseche le Limon du Nil
et que les Rayons de l'astre sont les Flé
ches qui détruisent une pourriture , qui
infecteroit la terre sans ce secours annuel,
auquel on donna un mérite particulier
la premiere fois qu'on remarqua ce salutaire
effet , wu , en grec , signifie putrefaction
.
J'ai déja dit qu'entre les Hyérogliphes il
y en avoit de plus propres les uns que
les autres à caractériser certaines choses,
ainsi en suivant ce principe , la Religion
devoit avoir les siens , et les actions et
passions humaines les leurs ; ce que je
viens de remarquer des Gorgones , et de
ces guerriers symbolisés par des Monstres
suffira pour faire voir quels pouvoient
être les Hyérogliphes d'actions. Passons
présentement à la connoissance de quelques-
uns de ceux de passion , pour venir
I. Vol.
enfin
2604 MERCURE DE FRANCE
enfin à connoître quels étoient ceux de
Religion .
Il faut distinguer les passions humaines
en actives et en passives ; c'est nous
qui agissons dans les unes et nous recevons
l'action dans les autres les premiers
se symbolisoient par des marques fort
simples et les secondes par de plus composées,
un seul exemple suffira pour preu
ve de ce qu'étoient les dernieres , qui fera
l'explication du Hyérogliphe de la fortune
; cette Divinité fantasque , qui malgré
ses caprices , a toujours été l'objet
des désirs de tous les hommes , elle se
symbolisoit diversement selon le gout, le
sexe , l'âge et la condition de ses adorateurs
; on la faisoit tantôt homme , tantôt
femme , tantôt vieille et tantôt jeune,
en l'invoquant sous des noms qui avoient
rapport à ces changemens de figures.
>
Comme fortune aimée , fortuna primis
genia , elle étoit proprement le hazard
que quelques Philosophes soutenoient
avoir seul servi au débrouillement duz
Cahos . Les autres surnoms de la fortune
étoient , fortuna obsequens , l'obéissante
patrone des gens heureux ; privata , la
médiocre , qui est celle qui contente les
Sçavans ; fortuna mulier et virgo ; celle des
femmes et des filles,fortuna virilis;celle des
I, Vol
hom
DECEMBRE . 1733. 2605
hommes qui se représentoit de sexe mas
culin , il y avoit même la fortune des
vieillards , représentée avec une longue
barbe , et celle-cy étoit sans doute de
toutes les fortunes celle qu'on honoroit
le plus tard .
Cette Divinité se représentoit en general
avec tout l'appareil significatif des
effets que ses caprices produisoient dans
le monde , montée sur une roue, avec des
aîles sur le dos , un bandeau sur les yeux,
ses cheveux assemblez sur le devant de
la tête , et chauve par derriere , tout cela
pour montrer son instabilité , son inconstance
, son aveuglement dans la dispensation
de ses dons , et la difficulté de
la ratraper quand elle nous a tourné le
dos ; on lui mettoit aussi un Globe en
une main , et un Gouvernail ou une Corne
d'abondance en l'autre , pour mon
trer qu'elle gouverne le Monde , et y répand
les biens à sa volonté , ce qui étoit
encore signifié par un Soleil et une Lune
qui accompagnoient sa tête ; enfin cette
Deïté , qui est , pour ainsi dire, l'ame du
monde , pouvoit- elle manquer d'être fi
gurée par un Hierogliphe des plus composez
? C'est peut- être celui qui donna
l'idée de faire les figures panthées dont
je parlerai bien-tôt.
1. Vet. Quan
2606 MERCURE DE FRANCE
:
Quant aux Hierogliphes des passions
actives qui sont au - dedans de nous - mê
mes , ils étoient tous simples quand on
n'avoit à lés représenter que chacun séparément
; la Genisse , l'Agneau , la Colombe
, la Tourterelle , & c. marquoient
la pureté , l'innocence , l'amitié et la
constance. La virginité paroissoit sous la
marque d'une fille échevelée , vétuë de
blanc , les Vertus étoient symbolisées par
des Animaux de figures aimables , et les
vices , au contraire , étoient figurez par
des Animaux affreux , dont la seule vûe
causoit de l'horreur ; la Religion Chrétienne
a conservé ces usages , on a dé
signé les pechez capitaux par les plus
hideuses bêtes que nous connoissions , à
l'imitation des Anciens qui inventerent
des Monstres qui n'existoient point, pour
dépeindre les vices avec des couleurs plus
effrayantes.
Ils imaginerent un Basilic qui tuë de
son regard ; un Serpent qui empoisonne
de son écume toutes les herbes où il se
traîne; une infinité d'autres bêtes affreuses
étoient les Symboles des deffauts les plus
nuisibles à la Societé , comme la calomnie
, le mensonge et d'autres ; l'Hiene
étoit la marque de la cruauté ; et comme
les femmes ne sont pas exemptes de ce
I. Vol. vice
DECEMBRE . 1733. 2607
vice , on fit cet Animal hermaphrodite.
Toutes ces Images que je viens de représenter
, étoient simples ; mais quand
il falloit caracteriser en un même Symbole
plusieurs vices ou plusieurs vertus ,
il falloit bien composer un Hierogliphe
dans lequel les Symboles particuliers de
toutes ces choses entrassent , et cela formoit
des Panthées de passions , semblables
aux Panthées sacrez.
L'Antiquité eut des Héros et des braves
, qui ainsi que nos Chevaliers Errans
du temps de Charlemagne , se dévoüoient
à passer leur vie en courant le Monde
pour secourir les foibles et purger la Terre
des brigands , qui en étoient les veritables
Monstres ; tels furent parmi les
Gercs Hercule , Thesée , Jason , Persée ,
et autres. Je métonne que les Auteurs
zelez pour la gloire de notre ancienne
Chevalerie , ayent borné son origine
aux Chevaliers Romains , et qu'ils ne
l'ayent pas remontée jusqu'aux demi-
Dieux de la Grece , nos vieux Romanciers
leur en avoient donné l'ouverture ,
par le merveilleux qu'ils ont répandu sur
les avantures de nos valeureux Paladins ,
Renaud , Roland et Amadis , en leur
fournissant à point nommé des montures
diaboliques pour les conduire plus
par
B.I. Vel
prem
2303 MERCURE DE FRANCE
promptement vers les Géants qu'ils devoient
exterminer , à l'exemple des Poëtes
Grecs qui trouvoient des Pégases pour
en fournir fort à propos aux Deffenseurs
des Dames , télles qu'Andromede et Hésione.
Michel de Cervantes et Rabelais , pour
se mocquer des idées folles des Auteurs
de Romans , ont imaginé les Oriflants ,
les Hippogriphes et les Chevillards , don't
ils ont parlé , l'un dans son Don Quichote
, et l'autre dans son Gargantua .
›
Ce sont ces Chevaux ailez de la Fable
qui ont pû persuader qu'il y avoit des
Licornes ( autres animaux aussi fabuleux )
il est aisé de voir de quelle source partoit
cette fausse persuasion . L'Yvoire venoir
, à ce qu'on disoit d'une Corne de
bête qui se trouvoit en Afrique et
Pline dans son Histoire Naturelle ( L. 8.
C. 21. ) admet des Chevaux volants et
des Chevaux à Cornes , à qui il donne
également le nom de Pégase , et les fait
trouver en Ethiopie , Pays voisin des
Monts Athlas , où Persée eut occasion
de se servir d'un de ces Chevaux . Æthiopia
generat , multaque alia Monstro similia
Pennatos equos et Cornibus armatos
quos Pegasos vocant ; ce Passage ne m'empêchera
pas de conclure que , puisque
I. Vol. los
DECEMBRE . 1733. 2609
tes Pégases sont chimeriques , les Licornes
ne le sont pas moins , et la description
que continue d'en faire le méme
Auteur , achevera de prouver que ces
Animaux ne doivent être regardez que
comme des chimeres , ou plutôt ce sont
des Hierogliphes qui ont eu cette forme
, la Licorne a pû êrre une image
Panthée propre à désigner la fécondité
cu les perfections dans le genre animal ,,
elle avoit le corps d'un Cheval , la tête
d'un Cerf , les pieds d'Elephant , sa
queue d'un Sanglier , avec une corne de
deux coudées de long , placée au milieu
du front.
"
L'Auteur promet la suite.
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Résumé : DES HIEROGLYPHES, et de leurs usages dans l'Antiquité. Discours où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de tous les Monstres et de tous les Animaux chimeriques dont les Anciens nous ont parlé. Par M. Beneton de Perrin.
Le texte 'Des hiéroglyphes, et de leurs usages dans l'Antiquité' de M. Beneton de Perrin explore l'origine et l'évolution des hiéroglyphes. Les premiers hommes, limités par la communication orale, inventèrent des figures pour représenter leurs pensées, appelées hiéroglyphes. Ces figures servaient à exprimer les actions et les passions, formant un langage muet. Les Grecs nommèrent ces figures hiéroglyphes, dérivant du terme 'sacra sculptura' car les prêtres les utilisaient pour écrire sur la religion et envelopper les mystères. Les hiéroglyphes se multiplièrent avec le perfectionnement du langage et des sciences. Ils sont distingués en deux classes : les hiéroglyphes animés, représentant des formes de bêtes ou de plantes, et les hiéroglyphes inanimés, ou hiérogrammes, qui étaient des figures fantaisistes formant souvent les lettres alphabétiques. Les Chaldéens, observant les cieux, traçaient des figures correspondant aux constellations, nommant des amas d'étoiles comme le Sagittaire ou la Vierge. Les Grecs nommèrent également des constellations d'après leurs héros, notamment les Argonautes. Cette personnification des astres conduisit à l'idolatrie, où les figures taillées et les symboles hiéroglyphiques devinrent respectables. L'idolatrie s'intensifia avec la déification des hommes illustres, comme Apollon ou Esculape, et des arts qu'ils inventèrent. Les hiéroglyphes devinrent complexes, signifiant parfois trois choses différentes : sacrée, mécanique, et personnelle. Par exemple, une hache sur un tombeau pouvait désigner un ouvrier ou une personne protégée par un dieu. Les hiéroglyphes étaient utilisés pour conserver la connaissance de la religion, des sciences et de l'histoire. Leur interprétation est rendue difficile par le mélange des hiéroglyphes et des hiérogrammes. Le texte souligne l'importance de distinguer ces figures pour éviter les erreurs historiques et les interprétations trompeuses. Les hiéroglyphes représentaient des concepts complexes et des principes philosophiques, comme Orimase et Arimane chez les Perses, et Osiris et Tiphon chez les Égyptiens, symbolisant les forces du bien et du mal. Les hiérogrammes, des marques plus simples comme le cercle, le triangle, et la croix, ont évolué pour former des caractères littéraires utilisés dans l'écriture courante. Les hiéroglyphes étaient utilisés pour représenter des idées abstraites et des concepts religieux, souvent difficiles à interpréter et nécessitant une grande connaissance pour être compris. Les Arabes, en raison de leurs restrictions religieuses, ont conservé les hiérogrammes pour des usages philosophiques et chimiques, une pratique adoptée par les physiciens modernes. Le texte mentionne également un hiéroglyphe particulier, un globe ailé avec des serpents, souvent trouvé sur les obélisques, symbolisant l'univers et ses mouvements. Les Phéniciens, les Égyptiens et les Chinois sont cités comme les premiers peuples à avoir utilisé les hiéroglyphes de manière méthodique. Les hiéroglyphes étaient utilisés pour diverses applications, comme le commerce et la médecine. Par exemple, une figure d'un animal ou d'une partie du corps pouvait indiquer une maladie ou une demande de traitement. Les hiéroglyphes étaient également utilisés pour représenter des passions humaines, des vertus et des vices, souvent symbolisés par des animaux. Le texte explore également les hiéroglyphes liés à la fortune, représentée par une divinité capricieuse et instable, souvent figurée avec une roue, des ailes et un bandeau sur les yeux. Les passions actives et passives étaient symbolisées par des marques simples ou composées, respectivement. Enfin, le texte compare les héros grecs, comme Hercule et Thésée, aux chevaliers errants de la chevalerie médiévale, notant les similitudes dans leurs quêtes pour secourir les faibles et combattre les monstres.
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116
117
p. 2666-2668
RÉPONSE à la Lettre de Brest sur le Sistême du Bureau Tipographique, inserée dans le Mercure du mois d'Octobre dernier 1733.
Début :
Il est vrai, Monsieur, que le Mercure de France tient lieu du plus commode Bureau d'adresse [...]
Mots clefs :
Système typographique, Bureau typographique, Abc français, Enfants, Système du bureau typographique, Pratique, Abc latin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à la Lettre de Brest sur le Sistême du Bureau Tipographique, inserée dans le Mercure du mois d'Octobre dernier 1733.
REPONSE à la Lettre de Brest
sur le Sistême du Bureau Tipographique,
inserée dans le Mercure du mois d'Octobre
dernier 1733 .
L est vrai , Monsieur, que le Mercure de France
tient lieu du plus commode Bureau d'adresse
qu'on puisse établir dans la Répblique des Lettres
, puisque par cette voye , des personnes qui
ne se sont jamais vûës, peuvent aisément se transmettre
leurs Reflexions , dans quelque éloignement
et dans quelque situation qu'elles se trouvent.
Je profite volontiers d'un moyen si facile
pour répondre à laLettre que vous avez fait inserer
dans le Mercure du mois d'Oct . dernier , et pour
vous apprendre que l'impression du Livre inti-
\ tulé , La Bibliotheque des Enfans , & c. vient en◄
fin d'être achevée . Ce Livre sera mis en vente a
commencement de l'année 1734. chez Pierre Simon
, Imprimeur du Parlement , rue de la Harpe
, à l'Hercule , et chez Pierre Vvitte , ruë saing
Jacques , proche S. Yve , à l'Ange Gardien .
Cet Ouvrage in quarto comprend quatre Parties.
La premiere de 28. feuilles , contient le Sistême
du Bureau Tipographique , ou l'Art de met
tre å profit les premieres années de l'enfance . La
seconde , en 15. feuilles , contient les Leçons du
nouvel Abécé Latin pour les Maîtres et pour les
Enfans , La troisiéme en 31. feiulles , contient les
306. Leçons du nouvel Abécé François , et du
I. Vol.
Su
DECEMBRE. 17337 2667
Supplément de lecture sur l'Arithmétique , sur
le Calendrier et sur l'Ecriture . Ces trois volumes
se vendront ensemble , comme faisant us
seul Ouvrage de Litterature . On vendra séparément
le quatriéme volume qui est en 20. feuilles
in quarto , et contient le Rudiment pratique de la
Langue Latine pour les garçons , et une Introduction
à la Langue Françoise pour les filles. On
vendra aussi séparément et en petit , pour l'Exemplaire
de chaque Enfant , le nouvel Abécé
Latin, le nouvel Abécé François et le Rudiment
pratique.
Vous trouverez , Monsieur , dans cet Ouvra-'
ge le développement du Sistême Tipographique
et les Eclaircissemens que vous demandez sur le
détail des operations et des lectures qui convien
nent le plus à la meilleure institution de l'Enfance.
L'Auteur a répondu aux objections de l'ignorance
, du préjugé , de l'envie , de la mauvaise
foi et de l'avarice , il a cité quelques Enfans Tipographes
en faveur des personnes qui se détérminent
et se conduisent par l'autorité et par l'exemple
de la pratique plutôt que par les raisonnemens
abstraits de la théorie. Vous serez peut-
Etre bien aise d'apprendre en même temps qu'il ,
y a déja à Paris une vingtaine de filles et une.
quarantaine de garçons exercez utilement selon
le Sistême du Bureau. Ne croyez pas au reste .
que cette nouvelle maniere d'instruire les enfans
ne puisse être pratiquée que dans les maisons des
gens de qualité ; un Marchand de Soye ,un Mer- ,
cier , un Orfévre , font actuellement usage du
Bureau . Un Tailleur ingénieux dans la rue du
Four , vient d'en faire un lui- même pour sa fille
et pour son garçon. Les petites Ecoles de M.
Chompré l'aîné , dans la ruë des Carines , et de
1. Vol.
FM.
1768 MERCURE DE FRANCE
M. Chompré le cadet , dans la rue S. Louis du
Palais , ont déja fait l'heureuse experience de
cette Machine. Mais ce qui vous surprendra le
plus , c'est que de simples Bourgeois, sans étude,
comprennent assez facilement l'utilité et l'avantage
de ce nouveau Sistême , pendant qu'il paroît
un scandale scolastique aux yeux de quelques
Docteurs du Païs Latin. Vir bonus quod honestè
se facturum putaverit , faciet , etiamsi laboriosum
erit faciet etiamsi damnosum erit ; faciet etiamsi
periculosum erit. Senec. Epist. 76. J'ai l'honneur
d'être , &c.
A Paris ce 18. Novembre 1733 .
sur le Sistême du Bureau Tipographique,
inserée dans le Mercure du mois d'Octobre
dernier 1733 .
L est vrai , Monsieur, que le Mercure de France
tient lieu du plus commode Bureau d'adresse
qu'on puisse établir dans la Répblique des Lettres
, puisque par cette voye , des personnes qui
ne se sont jamais vûës, peuvent aisément se transmettre
leurs Reflexions , dans quelque éloignement
et dans quelque situation qu'elles se trouvent.
Je profite volontiers d'un moyen si facile
pour répondre à laLettre que vous avez fait inserer
dans le Mercure du mois d'Oct . dernier , et pour
vous apprendre que l'impression du Livre inti-
\ tulé , La Bibliotheque des Enfans , & c. vient en◄
fin d'être achevée . Ce Livre sera mis en vente a
commencement de l'année 1734. chez Pierre Simon
, Imprimeur du Parlement , rue de la Harpe
, à l'Hercule , et chez Pierre Vvitte , ruë saing
Jacques , proche S. Yve , à l'Ange Gardien .
Cet Ouvrage in quarto comprend quatre Parties.
La premiere de 28. feuilles , contient le Sistême
du Bureau Tipographique , ou l'Art de met
tre å profit les premieres années de l'enfance . La
seconde , en 15. feuilles , contient les Leçons du
nouvel Abécé Latin pour les Maîtres et pour les
Enfans , La troisiéme en 31. feiulles , contient les
306. Leçons du nouvel Abécé François , et du
I. Vol.
Su
DECEMBRE. 17337 2667
Supplément de lecture sur l'Arithmétique , sur
le Calendrier et sur l'Ecriture . Ces trois volumes
se vendront ensemble , comme faisant us
seul Ouvrage de Litterature . On vendra séparément
le quatriéme volume qui est en 20. feuilles
in quarto , et contient le Rudiment pratique de la
Langue Latine pour les garçons , et une Introduction
à la Langue Françoise pour les filles. On
vendra aussi séparément et en petit , pour l'Exemplaire
de chaque Enfant , le nouvel Abécé
Latin, le nouvel Abécé François et le Rudiment
pratique.
Vous trouverez , Monsieur , dans cet Ouvra-'
ge le développement du Sistême Tipographique
et les Eclaircissemens que vous demandez sur le
détail des operations et des lectures qui convien
nent le plus à la meilleure institution de l'Enfance.
L'Auteur a répondu aux objections de l'ignorance
, du préjugé , de l'envie , de la mauvaise
foi et de l'avarice , il a cité quelques Enfans Tipographes
en faveur des personnes qui se détérminent
et se conduisent par l'autorité et par l'exemple
de la pratique plutôt que par les raisonnemens
abstraits de la théorie. Vous serez peut-
Etre bien aise d'apprendre en même temps qu'il ,
y a déja à Paris une vingtaine de filles et une.
quarantaine de garçons exercez utilement selon
le Sistême du Bureau. Ne croyez pas au reste .
que cette nouvelle maniere d'instruire les enfans
ne puisse être pratiquée que dans les maisons des
gens de qualité ; un Marchand de Soye ,un Mer- ,
cier , un Orfévre , font actuellement usage du
Bureau . Un Tailleur ingénieux dans la rue du
Four , vient d'en faire un lui- même pour sa fille
et pour son garçon. Les petites Ecoles de M.
Chompré l'aîné , dans la ruë des Carines , et de
1. Vol.
FM.
1768 MERCURE DE FRANCE
M. Chompré le cadet , dans la rue S. Louis du
Palais , ont déja fait l'heureuse experience de
cette Machine. Mais ce qui vous surprendra le
plus , c'est que de simples Bourgeois, sans étude,
comprennent assez facilement l'utilité et l'avantage
de ce nouveau Sistême , pendant qu'il paroît
un scandale scolastique aux yeux de quelques
Docteurs du Païs Latin. Vir bonus quod honestè
se facturum putaverit , faciet , etiamsi laboriosum
erit faciet etiamsi damnosum erit ; faciet etiamsi
periculosum erit. Senec. Epist. 76. J'ai l'honneur
d'être , &c.
A Paris ce 18. Novembre 1733 .
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Résumé : RÉPONSE à la Lettre de Brest sur le Sistême du Bureau Tipographique, inserée dans le Mercure du mois d'Octobre dernier 1733.
Le document est une réponse à une lettre publiée dans le Mercure de France d'octobre 1733. L'auteur confirme que le Mercure de France sert de bureau d'adresse pour les intellectuels, facilitant la communication entre personnes éloignées. Il annonce l'imminente publication de 'La Bibliothèque des Enfants', disponible au début de l'année 1734 chez Pierre Simon et Pierre Vvitte. Cet ouvrage, en format in-quarto, se compose de quatre parties : la première (28 feuilles) présente le système du Bureau Tipographique pour l'éducation des jeunes enfants ; la deuxième (15 feuilles) contient des leçons pour un nouvel abécédaire latin ; la troisième (31 feuilles) inclut 306 leçons pour un nouvel abécédaire français et des suppléments sur l'arithmétique, le calendrier et l'écriture ; la quatrième (20 feuilles) propose des rudiments pratiques de la langue latine pour les garçons et une introduction à la langue française pour les filles. Les trois premiers volumes seront vendus ensemble, tandis que le quatrième et les abécédaires pourront être achetés séparément. L'auteur répond aux objections sur le système tipographique et mentionne que plusieurs enfants, filles et garçons, sont déjà formés selon ce système, y compris des enfants de marchands et d'artisans. Il souligne également que des écoles et des bourgeois trouvent ce système utile, contrairement à certains docteurs du Pays Latin.
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118
p. 2873-2875
RÉPONSE à la Lettre de Périgueux, sur le Systême du Bureau Typographique, inséré dans le Mercure du mois de Novembre dernier.
Début :
Je vois Monsieur, par votre Lettre, que vous serez bien-tôt au fait du Systême Typografique, [...]
Mots clefs :
Bureau typographique, Enfants, Système, Enfant, Écriture
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à la Lettre de Périgueux, sur le Systême du Bureau Typographique, inséré dans le Mercure du mois de Novembre dernier.
REPONSE à la Leure de Périgueux , sur
Le Systême du Bureau Typographique, inséré
dans le Mercure du mois de Novem
bre dernier.
J
E vois Monsieur, par votre Lettre , que vous
serez bien-tôt au fait du Systême Typogratique
, et que par le moyen de la troisiéine Clas- ,
se du Bureau que vous avez reçue il vous sera aisé
d'y faire ajouter les deux rangs de la quatrié-,
me Classe , sur tout lorsque vous aurez lû le
Tipografaire qui est dans Particle 9. du premier"
volume de la Biblioteque des enfans , page 68 .
vous trouverez , Monsieur , dans l'Ouvrage du
Systême Tipografique qu'un enfant de deux ans
nest point trop jeune pour être mis à la premiere
et à la seconde Classe du Bureau. Nous avons
II. Vol. F à
2074 MERCURE DE FRANCE
à Paris des enfans de vingt mois , amuzez utilement
par le jeu instructif des lettres , et des enfans
de deux ans qui les connoissent toutes.
Vous trouverez aussi dans le premier , dans le
second et dans le troisiéme volume les raisons
qui doivent obliger les Maîtres à faire commencer
les enfans par la lecture du latin, plutôt que
par celle du françois , et sur tout quand on ne
fait pas usage du Bureau ; car ce sistême met à
profit en même- remps l'exercice journalier en
P'une et en l'autre Langue ; Méthode heureusement
confirmée par l'expérience . Cette vérité est
démontrée dans plusieurs endroits où l'on réfute
les préjugez et la pratique erronnée de la Méthode
vulgaire , qui en garrotant , pour ainsi dire,
les enfans dans une chaise , et en leur mettant
aux mains un Livre et une Touche, pour ne pas
dire des Menottes , les menacent du fouet s'ils
détournent les yeux de dessus leur livre ; quelle
différence pour un enfant qu'on laisse marcher ,
eourir et sauter librement devant la Table de
son Bureau ?
Je croi avoir aussi démontré la bonne dénom .
mination des lettres , dans le premier volume ,
art. 10. page 77. §. 1. 2. 3. 4. 5. 6. un enfant
de 6 à 8 ans , au reste qui ne sçait pas lire , peut
et doit l'apprendre par le moyen de l'écriture ,
ainsi que je l'ai fait remarquer dans le troisiéme
volume , et il est inutile d'attendre qu'il sçathe
lire pour le mettre à l'écriture. A l'égard des
Elemens du Rudiment pratique de la Langue
latine , pourquoi ne pouira- t -on pas les mettre
sur des cartes et sur du bois , comme sur du papier
et sur du carton ? Si la matiere peut avoir
quelque préférence , le Bureau outre l'équivalent
des Livres a l'avanage de l'outil amusant et ins-
II. Vol.
tructif,
DECEMBK E. 1733. 2575
tructif , par un exercice agréable et varié que
ne peut jamais donner le livre le mieux fait . Je
vous prie , M.de vouloir bien parcourir les articles
5. 6. 7. 14. 15. du premier volume, et vous
y trouverez la réponse à toutes vos autres objec¬
tions . J'ai Phonneur d'être , &c.
AVIS. Les Personnes de Bourg en Bresse et
de Neuchatel en Suisse , qui ont fait demander
des Bureaux , pourront à présent les faire faire
chez eux à beaucoup meilleur matché qu'à Paris,
et épargner en même- temps les frais et les droite
de la voiture.
NOTA . Pour rendre plus utile au public les lettres
sur le sisteme du Bureau Tipografique , nous
nous avons jugé à propos de les communiquer a
l'Auteur, afin de les donner dans le même mois avec
·leurs réponses , plntôt que de les séparer dans deux
mois differens , lorsqu'elles seront courtes de part et
d'autre.
Le Systême du Bureau Typographique, inséré
dans le Mercure du mois de Novem
bre dernier.
J
E vois Monsieur, par votre Lettre , que vous
serez bien-tôt au fait du Systême Typogratique
, et que par le moyen de la troisiéine Clas- ,
se du Bureau que vous avez reçue il vous sera aisé
d'y faire ajouter les deux rangs de la quatrié-,
me Classe , sur tout lorsque vous aurez lû le
Tipografaire qui est dans Particle 9. du premier"
volume de la Biblioteque des enfans , page 68 .
vous trouverez , Monsieur , dans l'Ouvrage du
Systême Tipografique qu'un enfant de deux ans
nest point trop jeune pour être mis à la premiere
et à la seconde Classe du Bureau. Nous avons
II. Vol. F à
2074 MERCURE DE FRANCE
à Paris des enfans de vingt mois , amuzez utilement
par le jeu instructif des lettres , et des enfans
de deux ans qui les connoissent toutes.
Vous trouverez aussi dans le premier , dans le
second et dans le troisiéme volume les raisons
qui doivent obliger les Maîtres à faire commencer
les enfans par la lecture du latin, plutôt que
par celle du françois , et sur tout quand on ne
fait pas usage du Bureau ; car ce sistême met à
profit en même- remps l'exercice journalier en
P'une et en l'autre Langue ; Méthode heureusement
confirmée par l'expérience . Cette vérité est
démontrée dans plusieurs endroits où l'on réfute
les préjugez et la pratique erronnée de la Méthode
vulgaire , qui en garrotant , pour ainsi dire,
les enfans dans une chaise , et en leur mettant
aux mains un Livre et une Touche, pour ne pas
dire des Menottes , les menacent du fouet s'ils
détournent les yeux de dessus leur livre ; quelle
différence pour un enfant qu'on laisse marcher ,
eourir et sauter librement devant la Table de
son Bureau ?
Je croi avoir aussi démontré la bonne dénom .
mination des lettres , dans le premier volume ,
art. 10. page 77. §. 1. 2. 3. 4. 5. 6. un enfant
de 6 à 8 ans , au reste qui ne sçait pas lire , peut
et doit l'apprendre par le moyen de l'écriture ,
ainsi que je l'ai fait remarquer dans le troisiéme
volume , et il est inutile d'attendre qu'il sçathe
lire pour le mettre à l'écriture. A l'égard des
Elemens du Rudiment pratique de la Langue
latine , pourquoi ne pouira- t -on pas les mettre
sur des cartes et sur du bois , comme sur du papier
et sur du carton ? Si la matiere peut avoir
quelque préférence , le Bureau outre l'équivalent
des Livres a l'avanage de l'outil amusant et ins-
II. Vol.
tructif,
DECEMBK E. 1733. 2575
tructif , par un exercice agréable et varié que
ne peut jamais donner le livre le mieux fait . Je
vous prie , M.de vouloir bien parcourir les articles
5. 6. 7. 14. 15. du premier volume, et vous
y trouverez la réponse à toutes vos autres objec¬
tions . J'ai Phonneur d'être , &c.
AVIS. Les Personnes de Bourg en Bresse et
de Neuchatel en Suisse , qui ont fait demander
des Bureaux , pourront à présent les faire faire
chez eux à beaucoup meilleur matché qu'à Paris,
et épargner en même- temps les frais et les droite
de la voiture.
NOTA . Pour rendre plus utile au public les lettres
sur le sisteme du Bureau Tipografique , nous
nous avons jugé à propos de les communiquer a
l'Auteur, afin de les donner dans le même mois avec
·leurs réponses , plntôt que de les séparer dans deux
mois differens , lorsqu'elles seront courtes de part et
d'autre.
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Résumé : RÉPONSE à la Lettre de Périgueux, sur le Systême du Bureau Typographique, inséré dans le Mercure du mois de Novembre dernier.
L'auteur répond à une lettre de Périgueux concernant le système du Bureau Typographique, publié dans le Mercure de France de novembre. Il assure que le destinataire comprendra rapidement le système grâce à la troisième classe du Bureau Typographique et aux informations dans le 'Tipografaire' de la Bibliothèque des enfants. Il cite des exemples d'enfants de vingt mois et de deux ans apprenant les lettres grâce à ce système. L'auteur défend l'idée de commencer l'apprentissage de la lecture par le latin plutôt que par le français, surtout sans le Bureau Typographique, car ce système permet de pratiquer les deux langues simultanément. Cette méthode est appuyée par l'expérience et réfute les pratiques traditionnelles contraignantes pour les enfants. Il souligne l'importance de la bonne dénomination des lettres et suggère que les enfants de 6 à 8 ans peuvent apprendre à lire par l'écriture. L'auteur propose d'utiliser des cartes et du bois pour les éléments de la langue latine, mettant en avant les avantages du Bureau Typographique par rapport aux livres. Il invite le destinataire à consulter les articles spécifiques du premier volume pour des réponses à d'autres objections. Une note mentionne que les personnes de Bourg-en-Bresse et de Neuchâtel peuvent désormais fabriquer les Bureaux Typographiques localement pour économiser les frais de transport.
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119
p. 2935-2937
LETTRE écrite de Joinville, ce 31 Decembre 1733. par M. V*** à M. D... F...
Début :
Voicy le temps, Monsieur, de vous renouveller mes voeux, et les assurances [...]
Mots clefs :
Étude, Dictionnaires, Mlle Malcrais de La Vigne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Joinville, ce 31 Decembre 1733. par M. V*** à M. D... F...
LETTRE écrite de Joinville , ce 31
Decembre 1733. par M. V ***
à M. D... F...
les assu
Oicy le temps , Monsieur , de vous
Vo
le
rances de mon attachement inviolable. La
bonne santé dont j'ai joui durant toute
l'année , m'a mis en état d'achever un
petit Ouvrage qu'il y avoit long temps
que j'avois commencé , et que j'ai intitulé
: Additions aux nouveaux Dictionnaires
de la Langue. J'en ai expliqué le
dessein et l'éxécution dans une Préface ,
que je vous communiquerai quelque
jour , avec le Livre même , si je le fais
imprimer à Paris. Je me suis encore appliqué
depuis deux ou trois mois à la révision
, à la description , et à l'explica
tion de mes Médailles Impériales , que
j'ai toutes rangées dans leur ordre chronologique
, et qui ont été pour moi une
source de belles découvertes , qui me guideront
dans l'étude de l'Histoire des Em-
II. Vol. ·PS2936
MERCURE DE FRANCE
pereurs. Mon action de graces , que je vais
vous transcrire , vous découvrira plus au
long mes sentimens et ma situation actuelle.
Je rens graces à Dieu d'être garçon , non fille
D'avoir reçu le jour en honnête famille ;
D'être par le Baptême au nombre des Chrétiens,
De vivre assez content , sans avoir de grands
biens.
D'avoir eu dès dix ans du penchant à l'Etude
D'en avoir tellement contracté l'habitude ,
Qu'elle a fait éclipser toute autre passion .
D'avoir pour l'indigent de la compassion.
D'être au monde venu sur les Terres de France;
D'être enfin pour le ciel tout rempli d'espe
rance.
Cependant , sans avoir égard à mon
premier Vers, je changerois bien de con
dition avec la Muse Bretonne , à qui j'at
consacré ce Dizain.
A Mademoiselle DE MALCRAIS de la
Vigne du Croisic en Bretagne.
MEs acclamations , en allant jusqu'à vous ,
Sçavante de Malcrais , vous rendront mon hom
mage ;
Vous sçavez satisfaire autant de divers goûts ;
Qu'il s'en rencontre à qui Mercure se partage.
Les suffrages d'accord pour vous n'en formen
qu'un ;
II. Vol
beau
DECEMBRE. 1753. 2937
Beaucoup d'admirateurs ; de Critiques , aucun ;
Jamais sur votre compte on n'eut l'ame perplexe
:
C'est à qui vous loüera parmi nos Beaux Esprits
Moins poussez par l'honneur qu'ils déférent an
Sexe ,
Qu'enchantez de ce Beau qui regne en vos Ecrits.
Le sincere Champenois.
Decembre 1733. par M. V ***
à M. D... F...
les assu
Oicy le temps , Monsieur , de vous
Vo
le
rances de mon attachement inviolable. La
bonne santé dont j'ai joui durant toute
l'année , m'a mis en état d'achever un
petit Ouvrage qu'il y avoit long temps
que j'avois commencé , et que j'ai intitulé
: Additions aux nouveaux Dictionnaires
de la Langue. J'en ai expliqué le
dessein et l'éxécution dans une Préface ,
que je vous communiquerai quelque
jour , avec le Livre même , si je le fais
imprimer à Paris. Je me suis encore appliqué
depuis deux ou trois mois à la révision
, à la description , et à l'explica
tion de mes Médailles Impériales , que
j'ai toutes rangées dans leur ordre chronologique
, et qui ont été pour moi une
source de belles découvertes , qui me guideront
dans l'étude de l'Histoire des Em-
II. Vol. ·PS2936
MERCURE DE FRANCE
pereurs. Mon action de graces , que je vais
vous transcrire , vous découvrira plus au
long mes sentimens et ma situation actuelle.
Je rens graces à Dieu d'être garçon , non fille
D'avoir reçu le jour en honnête famille ;
D'être par le Baptême au nombre des Chrétiens,
De vivre assez content , sans avoir de grands
biens.
D'avoir eu dès dix ans du penchant à l'Etude
D'en avoir tellement contracté l'habitude ,
Qu'elle a fait éclipser toute autre passion .
D'avoir pour l'indigent de la compassion.
D'être au monde venu sur les Terres de France;
D'être enfin pour le ciel tout rempli d'espe
rance.
Cependant , sans avoir égard à mon
premier Vers, je changerois bien de con
dition avec la Muse Bretonne , à qui j'at
consacré ce Dizain.
A Mademoiselle DE MALCRAIS de la
Vigne du Croisic en Bretagne.
MEs acclamations , en allant jusqu'à vous ,
Sçavante de Malcrais , vous rendront mon hom
mage ;
Vous sçavez satisfaire autant de divers goûts ;
Qu'il s'en rencontre à qui Mercure se partage.
Les suffrages d'accord pour vous n'en formen
qu'un ;
II. Vol
beau
DECEMBRE. 1753. 2937
Beaucoup d'admirateurs ; de Critiques , aucun ;
Jamais sur votre compte on n'eut l'ame perplexe
:
C'est à qui vous loüera parmi nos Beaux Esprits
Moins poussez par l'honneur qu'ils déférent an
Sexe ,
Qu'enchantez de ce Beau qui regne en vos Ecrits.
Le sincere Champenois.
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Résumé : LETTRE écrite de Joinville, ce 31 Decembre 1733. par M. V*** à M. D... F...
Dans une lettre datée du 31 décembre 1733, M. V*** écrit à M. D... F... L'auteur y exprime son attachement et mentionne qu'il a bénéficié d'une bonne santé pour achever un ouvrage intitulé 'Additions aux nouveaux Dictionnaires de la Langue'. Il a également révisé et expliqué ses Médailles Impériales, les classant par ordre chronologique, ce qui lui a permis de faire des découvertes utiles pour l'étude de l'histoire des empereurs. L'auteur transcrit ensuite une action de grâce, exprimant sa reconnaissance pour divers aspects de sa vie, notamment son éducation, sa passion pour l'étude, et sa situation actuelle. Il conclut en exprimant un souhait de changer de condition avec la Muse Bretonne, à qui il dédie un dizain. La lettre se termine par des éloges adressés à Mademoiselle DE MALCRAIS de la Vigne du Croisic en Bretagne, soulignant son talent et l'admiration qu'elle suscite.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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120
p. 118
La Bibliotheque des Enfans, [titre d'après la table]
Début :
Le Livre intitulé : La Bibliotheque des Enfans, &c. se vend chez Pierre Simon, Imprimeur du [...]
Mots clefs :
Feuilles, Nouvel abécé, Langue, Enfants
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texteReconnaissance textuelle : La Bibliotheque des Enfans, [titre d'après la table]
Le Livre intitulé : La Bibliotheque des Enfans ,
c. se vend chez Pierre Simon , Imprimeur du
Parlement , ruë de la Harpe , à Hercule, et chez
Pierre Witte , rue S. Jacques , à l'Ange Gardien
. Cet Ouvrage in 4. comprend 4 parties ; la
premiere , de 28 feuilles , contient le Systême du
Bureau Typographique. La seconde , en 15 feüilles
, contient les leçons du nouvel A b , c , la
tin , pour les Maîtres et pour les Enfans . La troisiéme
, en 31 feuilles , contient les 106 leçons.
du nouvel A, b , c ,françois , et du supplément
sur l'Arithmétique , sur le Calendrier et sur l'Ecriture.
Ces trois volumes se vendront ensemble,
comme faisant un seul Ouvrage de Litterature.
On vendra séparément le 4 volume , qui est
zo feuillets , feuilles in 4. contient le Rudiment
pratique de la Langue Latine , pour les Garçons,
et une Introduction à la Langue Françoise , pour
les Filles . On vendra aussi séparément et en pe
tit , pour l'exemplaire de chaque Enfant , le
nouvel A , b , c , Latin , le nouvel A, b , c , François
, et le Rudiment pratique de la Langue La
tine..
c. se vend chez Pierre Simon , Imprimeur du
Parlement , ruë de la Harpe , à Hercule, et chez
Pierre Witte , rue S. Jacques , à l'Ange Gardien
. Cet Ouvrage in 4. comprend 4 parties ; la
premiere , de 28 feuilles , contient le Systême du
Bureau Typographique. La seconde , en 15 feüilles
, contient les leçons du nouvel A b , c , la
tin , pour les Maîtres et pour les Enfans . La troisiéme
, en 31 feuilles , contient les 106 leçons.
du nouvel A, b , c ,françois , et du supplément
sur l'Arithmétique , sur le Calendrier et sur l'Ecriture.
Ces trois volumes se vendront ensemble,
comme faisant un seul Ouvrage de Litterature.
On vendra séparément le 4 volume , qui est
zo feuillets , feuilles in 4. contient le Rudiment
pratique de la Langue Latine , pour les Garçons,
et une Introduction à la Langue Françoise , pour
les Filles . On vendra aussi séparément et en pe
tit , pour l'exemplaire de chaque Enfant , le
nouvel A , b , c , Latin , le nouvel A, b , c , François
, et le Rudiment pratique de la Langue La
tine..
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Résumé : La Bibliotheque des Enfans, [titre d'après la table]
Le texte décrit un ouvrage intitulé 'La Bibliothèque des Enfants', disponible chez Pierre Simon, imprimeur du Parlement, rue de la Harpe, à Hercule, et chez Pierre Witte, rue Saint-Jacques, à l'Ange Gardien. Cet ouvrage, au format in-4, est structuré en quatre parties. La première partie, composée de 28 feuilles, expose le système du Bureau Typographique. La deuxième partie, en 15 feuilles, contient les leçons du nouvel alphabet pour les maîtres et les enfants. La troisième partie, en 31 feuilles, inclut 106 leçons du nouvel alphabet français, ainsi qu'un supplément sur l'arithmétique, le calendrier et l'écriture. Ces trois volumes sont vendus ensemble comme un seul ouvrage de littérature. Le quatrième volume, de 20 feuilles, propose un rudiment pratique de la langue latine pour les garçons et une introduction à la langue française pour les filles. Ce volume est également disponible séparément, ainsi que le nouvel alphabet latin, le nouvel alphabet français et le rudiment pratique de la langue latine, destinés à chaque enfant.
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121
p. 132-133
LETTRE de Clermont en Auvergne, sur le Systême du Bureau Typographique.
Début :
J'ay vû, Monsieur, avec plaisir par les derniers Mercures, que l'Auteur d[u] Bureau Typographique [...]
Mots clefs :
Enfants, Bureau typographique, Premiers éléments, Littérature, Sept ans
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de Clermont en Auvergne, sur le Systême du Bureau Typographique.
LETTRE de Clermont en Auvergne
sur le Systême du Bureau Typographique.
'Ay vá , Monsieur , avec plaisir par les derniers
Mercures, que l'Auteur de Bureau Typographique
n'étoit pas encore mort , puisqu'on
lui faisoit des objections contre cette nouvelle
invention ; et comme vous avez bien voulu les
faire paroître , souffrez aussi , Monsieur , que
j'expose en peu de mots les refléxions que j'ai
faites sur le même sujet .
Il m'a paru par tout ce que j'ai vû et entendu
de cette nouvelle façon d'instruire la premiere
enfance , que le but essentiel de l'Auteur étoit
de rendre sensible et de mettre à la portée des
enfans de deux à trois ans les premiers exercices
de la Litterature ; et même , comme il le dit en
quelque endroit , les premiers elémens des Arts
et des Sciences ; en un mot , de faire ensorte
qu'un enfant prêt de lui-même un certain goût
pour les Livres , et qu'il sçût presque à six et à
sept ans ce qu'il ne peut sçavoir d'ordinaire qu'à
neuf et dix ans.
Je ne m'amuserai point à disputer à l'Auteur
la possibilité du fait ; je ne trouve point cela impossible
dans son Sistême , d'autant plus que j'ai
vû quelques experiences qui lui sont très -favorables
, mais voici ma difficulté. A quoi bon
commencer de bonne heure l'institution des enfans
? A quoi bon tant de sollicitudes et de peines
pour les endoctriner presque en naissant , si
toute leur éducation se réduit ensuite à faire le
cours ordinaire des Classes et à sçavoir un peu
'e Latin ? Est-il nécessaire pour en venir là de
te tant de préparatifs et de dépenses ? Non , sans
douJANVIER.
1734. 133
doute,et peut-être que l'Auteur lui-même ne voudroit
pas contester cette verité. J'avoue que si l'on
faisoit entrer dans le cours des éducations publiques
des notions exactes et détaillées des Arts ou
des Sciences utiles et -pratiquées , on ne pourroit
commencer trop tôt , ni trop faciliter les premiers
élemens de la Litterature et de toutes les
Sciences ; mais puisque l'on ne vise proprement
qu'au Latin , et qu'on néglige quasi tout le reste
dans les meilleurs Colleges , il me paroît qu'il
est inutile de s'empresser si fort pour aboutir
à la simple connoissance d'une Langue morte ;
les enfans y sont bien venus jusqu'ici et ils y
viendront toujours d'une maniere ou d'autre
sans tant d'exercices prématurez et sans tout
l'attirail du Bureau Typographique. Mon raisonnement
semble être appuié par la pratique même
des Princes et des grands Seigneurs , qui ne donnent
ordinairement des Précepteurs à leurs enfans
qu'à sept ans , et qui se contentent de leur
faire un peu apprendre à lire tant qu'ils sont entre
les mains des femmes.
Quoiqu'il en soit voilà ce que j'avois à représenter
touchant la nouvelle maniere d'instruire
les enfans , maniere que je ne trouve pas mauvaise
en elle- même , mais qui paroit inutile dans
le Sistême vulgaire. Je suis , Monsieur , &c.
sur le Systême du Bureau Typographique.
'Ay vá , Monsieur , avec plaisir par les derniers
Mercures, que l'Auteur de Bureau Typographique
n'étoit pas encore mort , puisqu'on
lui faisoit des objections contre cette nouvelle
invention ; et comme vous avez bien voulu les
faire paroître , souffrez aussi , Monsieur , que
j'expose en peu de mots les refléxions que j'ai
faites sur le même sujet .
Il m'a paru par tout ce que j'ai vû et entendu
de cette nouvelle façon d'instruire la premiere
enfance , que le but essentiel de l'Auteur étoit
de rendre sensible et de mettre à la portée des
enfans de deux à trois ans les premiers exercices
de la Litterature ; et même , comme il le dit en
quelque endroit , les premiers elémens des Arts
et des Sciences ; en un mot , de faire ensorte
qu'un enfant prêt de lui-même un certain goût
pour les Livres , et qu'il sçût presque à six et à
sept ans ce qu'il ne peut sçavoir d'ordinaire qu'à
neuf et dix ans.
Je ne m'amuserai point à disputer à l'Auteur
la possibilité du fait ; je ne trouve point cela impossible
dans son Sistême , d'autant plus que j'ai
vû quelques experiences qui lui sont très -favorables
, mais voici ma difficulté. A quoi bon
commencer de bonne heure l'institution des enfans
? A quoi bon tant de sollicitudes et de peines
pour les endoctriner presque en naissant , si
toute leur éducation se réduit ensuite à faire le
cours ordinaire des Classes et à sçavoir un peu
'e Latin ? Est-il nécessaire pour en venir là de
te tant de préparatifs et de dépenses ? Non , sans
douJANVIER.
1734. 133
doute,et peut-être que l'Auteur lui-même ne voudroit
pas contester cette verité. J'avoue que si l'on
faisoit entrer dans le cours des éducations publiques
des notions exactes et détaillées des Arts ou
des Sciences utiles et -pratiquées , on ne pourroit
commencer trop tôt , ni trop faciliter les premiers
élemens de la Litterature et de toutes les
Sciences ; mais puisque l'on ne vise proprement
qu'au Latin , et qu'on néglige quasi tout le reste
dans les meilleurs Colleges , il me paroît qu'il
est inutile de s'empresser si fort pour aboutir
à la simple connoissance d'une Langue morte ;
les enfans y sont bien venus jusqu'ici et ils y
viendront toujours d'une maniere ou d'autre
sans tant d'exercices prématurez et sans tout
l'attirail du Bureau Typographique. Mon raisonnement
semble être appuié par la pratique même
des Princes et des grands Seigneurs , qui ne donnent
ordinairement des Précepteurs à leurs enfans
qu'à sept ans , et qui se contentent de leur
faire un peu apprendre à lire tant qu'ils sont entre
les mains des femmes.
Quoiqu'il en soit voilà ce que j'avois à représenter
touchant la nouvelle maniere d'instruire
les enfans , maniere que je ne trouve pas mauvaise
en elle- même , mais qui paroit inutile dans
le Sistême vulgaire. Je suis , Monsieur , &c.
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Résumé : LETTRE de Clermont en Auvergne, sur le Systême du Bureau Typographique.
La lettre de Clermont en Auvergne présente le Bureau Typographique, une méthode d'instruction pour les jeunes enfants visant à rendre les premiers exercices de littérature accessibles dès l'âge de deux ou trois ans. Cette méthode cherche à enseigner les bases des arts et des sciences, à développer un goût pour les livres et à accélérer l'apprentissage. L'objectif est que les enfants maîtrisent à six ou sept ans des connaissances habituellement acquises à neuf ou dix ans. Cependant, l'auteur remet en question l'utilité de commencer l'éducation si tôt, surtout si elle se limite à l'apprentissage du latin. Il estime que les efforts et les dépenses nécessaires sont disproportionnés par rapport aux résultats obtenus. Les princes et grands seigneurs donnent généralement des précepteurs à leurs enfants à partir de sept ans, se contentant de leur apprendre à lire avant cet âge. En conclusion, l'auteur trouve la méthode intéressante en elle-même, mais inutile dans le cadre éducatif actuel, qui se concentre principalement sur l'apprentissage du latin au détriment d'autres connaissances utiles.
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122
p. 133-136
RÉPONSE à la Lettre de Clermont en Auvergne, sur le Systême du Bureau Typographique.
Début :
Quand il seroit vrai, M. que l'éducation des Enfans se réduiroit à faire le cours ordinaire [...]
Mots clefs :
Classes, Système du bureau typographique, Enfants, Enfant, Savoir, Article, Exercices, Cours, Première enfance
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à la Lettre de Clermont en Auvergne, sur le Systême du Bureau Typographique.
REPONSE à la Lettre de Clermont
en Auvergne , sur le Systême du Burens
Typographique.
Q
Uand il seroit vrai , M. que l'éducation
des Enfans se réduiroit à faire le cours ordinaire
des Classes et à sçavoir un peu le Latin
et de Grec , il ne s'ensuivroit pas qu'il fût inutile
G iij
de
134 MERCURE DE FRANCE
commencer de bonne heure l'institution de la
premiere enfance . Je vous prie de lire dans le
premier volume de la Bibliotheque des Enfans ,
Particle premier et l'article second ; qui traitent
cette question . Les préparatifs et les dépenses
que l'on fait de bons Sujets aux Régens des basses
Classes , influent , n'en doutez pas , dans les
plus hautes , dans tous les exercices et dans toute
la vie . Ne contez - vous pour rien , M. de pouvoir
briller parmi ses Camarades , de pouvoir
remporter les premiers Prix , d'obtenir les premieres
places , et d'avoir ensuite du goût pour
tout ce que l'on fait ? Or un enfant qui aura
appris de bonne heure les élemens des Lettres par
le Systême du Bureau Typographique , cet enfant
sera plutôt en état d'acquerir ce goût , il sera
moins exposé à l'ennui et au dégoût de la plupart
des autres Ecoliers enseignez d'abord par la
Méthode ordinaire , cet enfant instruit de bonne
heure et jeune , sera en état , si les parens les
souhaitent , de doubler quelques Classes pour se
rendre encore plus fort dans tous ses exercices.
On pourra pour lors s'appliquer à bien d'autres
choses qu'à son Latin , et il n'y a point de parens
qui n'en soient bien aises.
Un Ecolier fort et diligent , trouve dans les
basses Classes le temps d'apprendre à écrire et
P'Arithmetique ; dans d'autres Classes le Dessein
le Blason et la Géographie viennent à propos
pour perfectionner l'étude de l'Histoire et de la
Chronologie , qu'on fera dans toutes les Classes ;
les Méchaniques et la Physique experimentale ,
pourront instruire et amuser les enfans, il ne s'agit
que de choisir à propos le temps et les matieres.
Dans le cours de Philosophie le moral conduic
au Droit des Gens et au Droit Public ; l'on trou-
C
20
V
E
ye
JANVIER.
135
1734.
Semaine
ve sur ces matieres et sur les interêts des Princes, >
des Textes Latins et François , propres à occuper,
à instruire et à former un jeune homme pendant
dix ans de College . Vous verrez , M. dans
le premier volume , article XIV . pag. 119.
qu'une Gazette de France , préparée par
est le meilleur Texte François que l'on puisse
donner à un jeune Seigneur. Ce Texte vivant est
le plus instructif , le plus varié et le plus agrable
que l'on puisse trouver pour la réunion et la
complication des idées philosophiques . On passe
peu à peu à la Gazette d'Hollande , au Mercure
Historique , au Mercure de France , au Journal de
Verdun , au Journal des Sçavans , et à tous les
Ouvrages périodiques , que l'on apprendra à par
courir chaque mois , afin que le jeune homme, se
fortifiant peu à peu sur cet exercice , se mette on
état d'en tirer avantage pour toute sa vie . Il est
vrai que puur lors en élevant les enfans on leur
donneroit les premieres notions des Arts et des
Sciences et vous convenez , M. en ce cas là de
toute la bonté du Systême Typographique. Vous
pourrez voir plus au long dans l'article XI. du
premier vol . p . 91. le détail des avantages du
Systême Typographique , vous y trouverez N°.
38. que l'enfant du Bureau Typographique est
mis en état d'aller plutôt et plus sçavant au College
, et parconsequent d'entrer plutôt à l'Académie
pour y faire tous ses exercices ; avantage
considerable pour la jeunesse destinée et appellée
au noble et glorieux métier des Armes. Ce seul
motifpourra déterminer les gens de guerre en fa
veur du nouveau Systême. J'ajoûterai que si les
Ecoles , comme vous le dites , ne visent proprement
.qu'au Latin , et qu'on néglige quasi tout le
reste dans les meilleurs Colleges , on ne doit pas
G iiij être
136 MERCURE DE FRANCE
être surpris de trouver si peu de science et de sçavoir
dans le grand nombre des Etudians , mais à
qui en est la faute ? N'est - ce pas le préjugé de la
Méthode vulgaire qui cause ce malheur ? Il seroit
donc mieux de faire étudier un peu plus les,
choses en faisant étudier les mois , et nous sommes
encore d'accord là - dessus .
A l'égard des Princes et des grands Seigneurs ,
on peut dire qu'ils sentent aujourd'hui plus que
jamais , l'importance de la premieré éducation .
L'esprit méthodique et philosophique a ses Partisans
à la Cour et à la Ville , l'on n'attend plus
l'âge de sept ans pour apprendre aux jeunes Princes
les premiers élemens des Lettres et de l'Histoire
. Il reste au surplus une question importante
à examiner , sçavoir si le choix d'un Précep
teur pour la premiere enfance jusqu'à l'âge de
à 14. 15. ans, est de plus grande importance que
le choix d'un Gouverneur pour unjeune homme
de Is. à 20. ans ; je vous prie d'agréer que ce
soit pour une autre fois, et de me croire avec, & c.
en Auvergne , sur le Systême du Burens
Typographique.
Q
Uand il seroit vrai , M. que l'éducation
des Enfans se réduiroit à faire le cours ordinaire
des Classes et à sçavoir un peu le Latin
et de Grec , il ne s'ensuivroit pas qu'il fût inutile
G iij
de
134 MERCURE DE FRANCE
commencer de bonne heure l'institution de la
premiere enfance . Je vous prie de lire dans le
premier volume de la Bibliotheque des Enfans ,
Particle premier et l'article second ; qui traitent
cette question . Les préparatifs et les dépenses
que l'on fait de bons Sujets aux Régens des basses
Classes , influent , n'en doutez pas , dans les
plus hautes , dans tous les exercices et dans toute
la vie . Ne contez - vous pour rien , M. de pouvoir
briller parmi ses Camarades , de pouvoir
remporter les premiers Prix , d'obtenir les premieres
places , et d'avoir ensuite du goût pour
tout ce que l'on fait ? Or un enfant qui aura
appris de bonne heure les élemens des Lettres par
le Systême du Bureau Typographique , cet enfant
sera plutôt en état d'acquerir ce goût , il sera
moins exposé à l'ennui et au dégoût de la plupart
des autres Ecoliers enseignez d'abord par la
Méthode ordinaire , cet enfant instruit de bonne
heure et jeune , sera en état , si les parens les
souhaitent , de doubler quelques Classes pour se
rendre encore plus fort dans tous ses exercices.
On pourra pour lors s'appliquer à bien d'autres
choses qu'à son Latin , et il n'y a point de parens
qui n'en soient bien aises.
Un Ecolier fort et diligent , trouve dans les
basses Classes le temps d'apprendre à écrire et
P'Arithmetique ; dans d'autres Classes le Dessein
le Blason et la Géographie viennent à propos
pour perfectionner l'étude de l'Histoire et de la
Chronologie , qu'on fera dans toutes les Classes ;
les Méchaniques et la Physique experimentale ,
pourront instruire et amuser les enfans, il ne s'agit
que de choisir à propos le temps et les matieres.
Dans le cours de Philosophie le moral conduic
au Droit des Gens et au Droit Public ; l'on trou-
C
20
V
E
ye
JANVIER.
135
1734.
Semaine
ve sur ces matieres et sur les interêts des Princes, >
des Textes Latins et François , propres à occuper,
à instruire et à former un jeune homme pendant
dix ans de College . Vous verrez , M. dans
le premier volume , article XIV . pag. 119.
qu'une Gazette de France , préparée par
est le meilleur Texte François que l'on puisse
donner à un jeune Seigneur. Ce Texte vivant est
le plus instructif , le plus varié et le plus agrable
que l'on puisse trouver pour la réunion et la
complication des idées philosophiques . On passe
peu à peu à la Gazette d'Hollande , au Mercure
Historique , au Mercure de France , au Journal de
Verdun , au Journal des Sçavans , et à tous les
Ouvrages périodiques , que l'on apprendra à par
courir chaque mois , afin que le jeune homme, se
fortifiant peu à peu sur cet exercice , se mette on
état d'en tirer avantage pour toute sa vie . Il est
vrai que puur lors en élevant les enfans on leur
donneroit les premieres notions des Arts et des
Sciences et vous convenez , M. en ce cas là de
toute la bonté du Systême Typographique. Vous
pourrez voir plus au long dans l'article XI. du
premier vol . p . 91. le détail des avantages du
Systême Typographique , vous y trouverez N°.
38. que l'enfant du Bureau Typographique est
mis en état d'aller plutôt et plus sçavant au College
, et parconsequent d'entrer plutôt à l'Académie
pour y faire tous ses exercices ; avantage
considerable pour la jeunesse destinée et appellée
au noble et glorieux métier des Armes. Ce seul
motifpourra déterminer les gens de guerre en fa
veur du nouveau Systême. J'ajoûterai que si les
Ecoles , comme vous le dites , ne visent proprement
.qu'au Latin , et qu'on néglige quasi tout le
reste dans les meilleurs Colleges , on ne doit pas
G iiij être
136 MERCURE DE FRANCE
être surpris de trouver si peu de science et de sçavoir
dans le grand nombre des Etudians , mais à
qui en est la faute ? N'est - ce pas le préjugé de la
Méthode vulgaire qui cause ce malheur ? Il seroit
donc mieux de faire étudier un peu plus les,
choses en faisant étudier les mois , et nous sommes
encore d'accord là - dessus .
A l'égard des Princes et des grands Seigneurs ,
on peut dire qu'ils sentent aujourd'hui plus que
jamais , l'importance de la premieré éducation .
L'esprit méthodique et philosophique a ses Partisans
à la Cour et à la Ville , l'on n'attend plus
l'âge de sept ans pour apprendre aux jeunes Princes
les premiers élemens des Lettres et de l'Histoire
. Il reste au surplus une question importante
à examiner , sçavoir si le choix d'un Précep
teur pour la premiere enfance jusqu'à l'âge de
à 14. 15. ans, est de plus grande importance que
le choix d'un Gouverneur pour unjeune homme
de Is. à 20. ans ; je vous prie d'agréer que ce
soit pour une autre fois, et de me croire avec, & c.
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Résumé : RÉPONSE à la Lettre de Clermont en Auvergne, sur le Systême du Bureau Typographique.
Le texte est une réponse à une lettre discutant de l'éducation des enfants et de l'utilité du système du Bureau Typographique. L'auteur affirme que l'éducation des enfants ne doit pas se limiter à l'apprentissage du latin et du grec, mais doit commencer dès le plus jeune âge. Il recommande de consulter la 'Bibliothèque des Enfants' pour des arguments détaillés. Les préparatifs et les dépenses pour les régents des classes inférieures influencent les performances ultérieures des élèves. L'auteur souligne que les enfants instruits tôt par le système typographique acquièrent un goût pour l'apprentissage, évitent l'ennui, et peuvent doubler des classes pour progresser plus rapidement. Un écolier diligent peut ainsi apprendre à écrire, l'arithmétique, le dessin, la géographie, les mécaniques, et la physique expérimentale, en fonction des classes. Dans le cours de philosophie, les matières morales conduisent au droit des gens et au droit public. L'auteur suggère d'utiliser des textes latins et français, comme la Gazette de France, pour instruire et former les jeunes pendant dix ans de collège. Il passe ensuite à d'autres journaux et ouvrages périodiques pour renforcer les compétences des élèves. L'auteur conclut que le système typographique permet aux enfants d'entrer plus tôt à l'Académie et de se préparer au métier des armes. Il critique la méthode vulgaire qui néglige les sciences et les arts, et note que les princes et grands seigneurs reconnaissent aujourd'hui l'importance de la première éducation. Une question importante reste à examiner : l'importance du choix d'un précepteur pour la première enfance par rapport à celle d'un gouverneur pour un jeune homme.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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123
p. 465-469
LETTRE de M. R. L. D. au sujet d'un Manuscrit de la Bibliothéque Séguier.
Début :
J'ai fait, Monsieur, ce que vous avez souhaité de moi, j'ai consulté [...]
Mots clefs :
Manuscrit, Séguier, Manuscrit, Bibliothèque, Qualifications, Vieux, Villes, Proverbe, Nom, Orléans, Proverbes, Marchandises, Ville, Orléanais
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. R. L. D. au sujet d'un Manuscrit de la Bibliothéque Séguier.
LETTRE de M. R. L. D. au sujet
d'un Manuscrit de la Bibliothéque Séguier.
J'A
'Ai fait , Monsieur , ce que vous
avez souhaité de moi , j'ai consulté
à l'Abbaye de S. Germain des Prez le
Manuscrit en question , pour voir si on
en avoit extrait fidelement les qualifications
de Villes, que vous m'avez indiquées.
Je me suis apperçû de la fidelité
de votre copie : mais comme vous dîtes
que vous n'avez plus que.
dix- huit autres
qualifications de Villes à m'envoyer , je
veux vous prévenir là - dessus , et vous
faire plus riche que vous ne pensiez. Il
faut croire que le copiste étoit pressé
lorsqu'il a parcouru ce Manuscrit ; car .
il y reste encore bien d'autres Proverbes
usitez autrefois en France , dont il ne
vous a pas donné connoissance. Ce Livre
est un in folio cotté 1520 il ne contient
que de la Poësie en langage vulgaire ; il
est bien conditionné et assez bien écrit
pour le temps de Philippe le Bel , ou
environ. Le P. Felibien , Benedictin
duquel on a des Ouvrages que vous con-
Boissez , avoit examiné soigneusement
Cx CO
466 MERCURE DE FRANCE
ce volume , ainsi qu'il paroît par des
observations qui y sont de sa main sur
un papier volant , que j'ai attaché au
Livre même. Voici donc , M. la suite de
vôtre Kyrielle fidelement copiée du Manuscrit.
Li Cler Notre- Dame de Chartres.
Li Chanoine de Paris .
La boule de Noyon.
La Ribaudie de Soissons.
Li Cheitif de Senlis.
Li Cointerel de Troyes.
La Crote de Mialz .
Li Perdrier de Nevers.
Li Buveor d'Aucerre.
Li Maistre de Lions.
Li Larron de Mascom.
Li Musart de Verdun.
Li Usuriez de Mez.
Li Poissonniers de Nantes
Li Sonneor d'Angers.
Li Papelart du Mans.
Li Mengeor de Poitiers.
Li Chicor de Borges.)
De toutes ces 18 qualifications il n'y
en a que deux dont la Clef me paroît
aisée à trouver , sçavoir Li Usuriez de
Mez. Il est évident que ce sont les Juifs
de Metz que le Proverbe a eu en vûë.
Li
MARS 1734 . 467
Li Sonneor d'Angers , me paroît aussi
venir d'une chose fort simple ; c'est que
dans cette Ville , quoique plus petite que
d'autres , il y a tant de Chapitres et de
Communautez qu'on y entend perpetuellement
sonner. On dit aussi en Proverbe,
comme vous sçavez , Angers , Basse
Ville et hauts Clochers. Je vous laisse la
recherche à faire sur les autres Villes .
En attendant , agréez le surplus des Proverbes
que je vous ai promis , et qu'il
m'a été loisible de transcrire , ayant joui
du Manuscrit un temps considérable.
On lit au feuillet 71.
y
Li plus enquerrant en Normandie.
Li plus belles femmes sont en Flandres.
Li plus bel home en Allemagne.
Li meilleor Sailleor en Poitou.
Li meillor Arch. ( apparemment Archers
) en Anjou.
Li meildre jugleor en Gascogne.
Li plus roignox en Limosin.
Chevalier de Champaigne.
Escuyer de Borgoigne.
Champion de Eu.
Vilain de Beauvoisin.
Usurier de Chaorse.
Remarquez que dès ce temps- là , c'està-
dire il y a plus de quatre cent ans
ans , les
C vj
Gas468
MERCURE DE FRANCE
Gascons passoient pour être les meilleurs
Jongleurs : Ce vieux mot François vient
de Joculator. A l'idée attachée à ce nom
vous ne méconnoissez point cette nation .
Elle ne dégénére point, et soyez persuadé
qu'elle ne dégénérera jamais .
Si vous étiez curieux de sçavoir par
quel commerce plusieurs Villes ou Provinces
étoient alors renommées dans le
Royaume , soit en Marchandises d'Etoffe
ou autres , ou en Marchandises de bouche
, j'aurois de quoi en remplir ici une
page. Cette longue Litanie finit par
Moutarde de Digon , et c'est ainsi que le
proverbe est écrit ; ce qui fait voir que
ceux-là se sont trompez qui ont cru que
ce proverbe venoit du cry de moult me
tarde , qui auroit été usité dans les Armées
des derniers Ducs de Bourgogne
et qui auroit passé en devise , employée
autour des Armories de la Ville de Dijon.
Mais je ne puis concevoir pourquoi
l'Ecrivain a mis parmi les proverbes de
Marchandises : les Peletiers de Blois . Camus
d'Orliens. La mocquerie de Chasteau-
Landon . Bains de Bourbon . Voilà quatre
caractéres ou désignations un peu dépla
cées. La derniere est connuë : A l'égard
des trois autres je vous laisse le soin
d'en chercher le dénouement. J'avois
,
"
>
bien
MARR 1734. 469
bien oui dire Les bossus d'Orleans , mais
non pas les Camus. Vous connoissez le
Poëte qui a dit que la nature ayant purgé
de Montagnes la Beausse , les a transportées
sur le dos des Orleanóis . Un Religieux
de mes amis m'a même fait voir un
vieux Rituel d'Orleans où dans la formule
du Prône le Curé demande au nom
des Paroissiens d'être préservé de boces.
Il en vouloit tire , parce qu'il a eu affaire
avec quelques Guêpins ( c'est le nom qu'il
donnoit aux Orleanois . ) Mais je lui fis
comprendre qu'il n'étoit pas question en
cet endroit du vieux Rituel d'Orleans ,
des bosses qui constituent ce qu'on appelle
en latín gibbus ou gibbosus ; et que
le mal dont on demandoit à Dieu d'être
préservé étoient des especes de galles ,
ou mal épidémique , qu'on appelle feux,
cloux , &c. C'est ainsi que nos vieux mots
François ont besoin d'être examinez
afin qu'on n'en tire point de fausses conséquences.
Je souhaiterois que celles des
qualifications cy - dessus qui en valent la
peine , fussent aussi bien développées ,
que l'origine du nom de Guêpin par
rapport aux Orleanois , l'a été dans les
Mercures de l'année 1732. Invitez vos
amis à se divertir à cette recherche , et
vous nous ferez plaisir , aussi bien qu'au
Public. Je suis & c.
d'un Manuscrit de la Bibliothéque Séguier.
J'A
'Ai fait , Monsieur , ce que vous
avez souhaité de moi , j'ai consulté
à l'Abbaye de S. Germain des Prez le
Manuscrit en question , pour voir si on
en avoit extrait fidelement les qualifications
de Villes, que vous m'avez indiquées.
Je me suis apperçû de la fidelité
de votre copie : mais comme vous dîtes
que vous n'avez plus que.
dix- huit autres
qualifications de Villes à m'envoyer , je
veux vous prévenir là - dessus , et vous
faire plus riche que vous ne pensiez. Il
faut croire que le copiste étoit pressé
lorsqu'il a parcouru ce Manuscrit ; car .
il y reste encore bien d'autres Proverbes
usitez autrefois en France , dont il ne
vous a pas donné connoissance. Ce Livre
est un in folio cotté 1520 il ne contient
que de la Poësie en langage vulgaire ; il
est bien conditionné et assez bien écrit
pour le temps de Philippe le Bel , ou
environ. Le P. Felibien , Benedictin
duquel on a des Ouvrages que vous con-
Boissez , avoit examiné soigneusement
Cx CO
466 MERCURE DE FRANCE
ce volume , ainsi qu'il paroît par des
observations qui y sont de sa main sur
un papier volant , que j'ai attaché au
Livre même. Voici donc , M. la suite de
vôtre Kyrielle fidelement copiée du Manuscrit.
Li Cler Notre- Dame de Chartres.
Li Chanoine de Paris .
La boule de Noyon.
La Ribaudie de Soissons.
Li Cheitif de Senlis.
Li Cointerel de Troyes.
La Crote de Mialz .
Li Perdrier de Nevers.
Li Buveor d'Aucerre.
Li Maistre de Lions.
Li Larron de Mascom.
Li Musart de Verdun.
Li Usuriez de Mez.
Li Poissonniers de Nantes
Li Sonneor d'Angers.
Li Papelart du Mans.
Li Mengeor de Poitiers.
Li Chicor de Borges.)
De toutes ces 18 qualifications il n'y
en a que deux dont la Clef me paroît
aisée à trouver , sçavoir Li Usuriez de
Mez. Il est évident que ce sont les Juifs
de Metz que le Proverbe a eu en vûë.
Li
MARS 1734 . 467
Li Sonneor d'Angers , me paroît aussi
venir d'une chose fort simple ; c'est que
dans cette Ville , quoique plus petite que
d'autres , il y a tant de Chapitres et de
Communautez qu'on y entend perpetuellement
sonner. On dit aussi en Proverbe,
comme vous sçavez , Angers , Basse
Ville et hauts Clochers. Je vous laisse la
recherche à faire sur les autres Villes .
En attendant , agréez le surplus des Proverbes
que je vous ai promis , et qu'il
m'a été loisible de transcrire , ayant joui
du Manuscrit un temps considérable.
On lit au feuillet 71.
y
Li plus enquerrant en Normandie.
Li plus belles femmes sont en Flandres.
Li plus bel home en Allemagne.
Li meilleor Sailleor en Poitou.
Li meillor Arch. ( apparemment Archers
) en Anjou.
Li meildre jugleor en Gascogne.
Li plus roignox en Limosin.
Chevalier de Champaigne.
Escuyer de Borgoigne.
Champion de Eu.
Vilain de Beauvoisin.
Usurier de Chaorse.
Remarquez que dès ce temps- là , c'està-
dire il y a plus de quatre cent ans
ans , les
C vj
Gas468
MERCURE DE FRANCE
Gascons passoient pour être les meilleurs
Jongleurs : Ce vieux mot François vient
de Joculator. A l'idée attachée à ce nom
vous ne méconnoissez point cette nation .
Elle ne dégénére point, et soyez persuadé
qu'elle ne dégénérera jamais .
Si vous étiez curieux de sçavoir par
quel commerce plusieurs Villes ou Provinces
étoient alors renommées dans le
Royaume , soit en Marchandises d'Etoffe
ou autres , ou en Marchandises de bouche
, j'aurois de quoi en remplir ici une
page. Cette longue Litanie finit par
Moutarde de Digon , et c'est ainsi que le
proverbe est écrit ; ce qui fait voir que
ceux-là se sont trompez qui ont cru que
ce proverbe venoit du cry de moult me
tarde , qui auroit été usité dans les Armées
des derniers Ducs de Bourgogne
et qui auroit passé en devise , employée
autour des Armories de la Ville de Dijon.
Mais je ne puis concevoir pourquoi
l'Ecrivain a mis parmi les proverbes de
Marchandises : les Peletiers de Blois . Camus
d'Orliens. La mocquerie de Chasteau-
Landon . Bains de Bourbon . Voilà quatre
caractéres ou désignations un peu dépla
cées. La derniere est connuë : A l'égard
des trois autres je vous laisse le soin
d'en chercher le dénouement. J'avois
,
"
>
bien
MARR 1734. 469
bien oui dire Les bossus d'Orleans , mais
non pas les Camus. Vous connoissez le
Poëte qui a dit que la nature ayant purgé
de Montagnes la Beausse , les a transportées
sur le dos des Orleanóis . Un Religieux
de mes amis m'a même fait voir un
vieux Rituel d'Orleans où dans la formule
du Prône le Curé demande au nom
des Paroissiens d'être préservé de boces.
Il en vouloit tire , parce qu'il a eu affaire
avec quelques Guêpins ( c'est le nom qu'il
donnoit aux Orleanois . ) Mais je lui fis
comprendre qu'il n'étoit pas question en
cet endroit du vieux Rituel d'Orleans ,
des bosses qui constituent ce qu'on appelle
en latín gibbus ou gibbosus ; et que
le mal dont on demandoit à Dieu d'être
préservé étoient des especes de galles ,
ou mal épidémique , qu'on appelle feux,
cloux , &c. C'est ainsi que nos vieux mots
François ont besoin d'être examinez
afin qu'on n'en tire point de fausses conséquences.
Je souhaiterois que celles des
qualifications cy - dessus qui en valent la
peine , fussent aussi bien développées ,
que l'origine du nom de Guêpin par
rapport aux Orleanois , l'a été dans les
Mercures de l'année 1732. Invitez vos
amis à se divertir à cette recherche , et
vous nous ferez plaisir , aussi bien qu'au
Public. Je suis & c.
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Résumé : LETTRE de M. R. L. D. au sujet d'un Manuscrit de la Bibliothéque Séguier.
La lettre de M. R. L. D. discute d'un manuscrit consulté à l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés. L'auteur valide les qualifications de villes fournies par le destinataire et indique que le manuscrit contient d'autres proverbes non encore transmis. Ce manuscrit, un in-folio coté 1520, date de l'époque de Philippe le Bel et contient de la poésie en langage vulgaire. Le Père Felibien, bénédictin, a examiné ce volume, comme en témoignent ses observations. La lettre énumère 18 qualifications de villes, certaines étant expliquées. Par exemple, 'Li Usuriez de Mez' fait référence aux Juifs de Metz, et 'Li Sonneor d'Angers' évoque les nombreux chapitres et communautés de cette ville. D'autres proverbes mentionnés incluent 'Li plus belles femmes sont en Flandres' et 'Li plus roignox en Limosin'. L'auteur note des anomalies dans certains proverbes, comme 'les Peletiers de Blois' et 'Camus d'Orléans', et suggère des recherches supplémentaires pour en comprendre l'origine. Il insiste sur l'importance d'examiner les vieux mots français pour éviter les fausses interprétations. La lettre se conclut par une invitation à des amis pour se divertir à cette recherche.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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124
p. 551-552
EXTRAIT des Remarques sur l'innovation de l'Orthographe, trouvées dans un vieux Manuscrit.
Début :
Il y a long-temps que les bons Grammairiens et les ueritables Sçauans en general, se sont [...]
Mots clefs :
Orthographe, Langue, Écrire, Goût, Lieu, Mots, Belles-lettres
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT des Remarques sur l'innovation de l'Orthographe, trouvées dans un vieux Manuscrit.
EXTRAIT des Remarques sur l'innovation
de l'Orthographe , trouvées dans
un vieux Manuscrit.
L y
*
I a long- temps que les bons Grammairiens
et les ueritables Sçauans en general , se sont
plaincts des innouations de l'Orthographe Moderne.
Il semble qu'on veuille entierement abbolir
la trace de toute étymologie. C'est vn principe
de corruption dans la Langue qu'vne maniere
d'escripre jausitée , et qui renuerse toutes les
constructions . Ceulx qui n'ont pas abbandonné
entierement le goust des belles-lettres doiuent
s'opposer uiuement au progrez d'vn abus si generalement
répandu. Peut - on n'estre pas choqué
en lisant , par exemple , fantaisie , fantôme , Faisan
, au lieu de Phantasie , Phantosme , Phasian?
Le plaisir des bonnes tables n'est-il pas plus grand
quand on sçaict que cet Oiseau a pris son nom
du Fleuve Phasis , et que lês Cuisiniers des Argonautes
l'apporterent les premiers en Grece ?
2
On retranche la lettre b dans bien des mots ,
et les t , les g , les b , les l , les d , les c , les f , &c.
auant les s à tous les mots pluriers des noms ,
aux singuliers des verbes , & c . on escript desja ,
Caldéen , Calcedoine , sepulcre corde , colere , Cameléon
, Canon , Caron , Baccus , gens , gans ,
plons , je dois , chevaux , respects , baillis , rans
bans , fau-bours , aune , veaux , enfans , & c. aulieu
d'escripre auec nos Ancestres , Chaldéen ,
Chalcedoine , Sepulchre , Chorde , Cholere , Chaneléon
, Chanon, Charon , Bacchus , gents , gands
plombs
552 MERCURE DE FRANCE
plombs , je doibs , cheuaulx , respecs , baillifs , rangs;
Fauxbourgs , aulne , uiaulx , enfants , ¿c.
Je ne puis lire sans baillemens les mots , j'aimois
, points , doigts , uint , un , ¿c. au lieu de
' amabois, poings , poincts, doigts, uingts , ung, & c.
et ce dernier mot un me fait douter si je dois lire
les v11. sept , ou les ungs . On escripra bien-tost
homme , Afriquain . republiquain , persone , lân ,
pân , Can . fân , mou , cou , fou : sou , artisan ,
livre , cuivre , lievre , François , Normand , &c.
au lieu d'escripre home , Aphricain , respublicain
persone , Laon , Caen , Paon , faon , mol , col ,fol ,
sol , artife , optife , libure , liepure , cuibure , Francois
, Norman , &c.
Le mauuais goust ramene jnsensiblement la
Barbarie et les rauages de la Barbarie influent sur
tous les obiects qui sont de la plus grande conséquence
pour la Societé. Rien ne contribue tant
à la politesse d'une Nation et au progrez des
belles - lettres que la pureté de la langue , et la
langue ne peut auoir d'ennemi plus dangereux
que le mauluais goust de l'Orthographe et de
l'Escripture.
Nota. Les Remarques paroissent être une Paree
de celles du Mercure d'Octobre dernier p . 2153 .
de l'Orthographe , trouvées dans
un vieux Manuscrit.
L y
*
I a long- temps que les bons Grammairiens
et les ueritables Sçauans en general , se sont
plaincts des innouations de l'Orthographe Moderne.
Il semble qu'on veuille entierement abbolir
la trace de toute étymologie. C'est vn principe
de corruption dans la Langue qu'vne maniere
d'escripre jausitée , et qui renuerse toutes les
constructions . Ceulx qui n'ont pas abbandonné
entierement le goust des belles-lettres doiuent
s'opposer uiuement au progrez d'vn abus si generalement
répandu. Peut - on n'estre pas choqué
en lisant , par exemple , fantaisie , fantôme , Faisan
, au lieu de Phantasie , Phantosme , Phasian?
Le plaisir des bonnes tables n'est-il pas plus grand
quand on sçaict que cet Oiseau a pris son nom
du Fleuve Phasis , et que lês Cuisiniers des Argonautes
l'apporterent les premiers en Grece ?
2
On retranche la lettre b dans bien des mots ,
et les t , les g , les b , les l , les d , les c , les f , &c.
auant les s à tous les mots pluriers des noms ,
aux singuliers des verbes , & c . on escript desja ,
Caldéen , Calcedoine , sepulcre corde , colere , Cameléon
, Canon , Caron , Baccus , gens , gans ,
plons , je dois , chevaux , respects , baillis , rans
bans , fau-bours , aune , veaux , enfans , & c. aulieu
d'escripre auec nos Ancestres , Chaldéen ,
Chalcedoine , Sepulchre , Chorde , Cholere , Chaneléon
, Chanon, Charon , Bacchus , gents , gands
plombs
552 MERCURE DE FRANCE
plombs , je doibs , cheuaulx , respecs , baillifs , rangs;
Fauxbourgs , aulne , uiaulx , enfants , ¿c.
Je ne puis lire sans baillemens les mots , j'aimois
, points , doigts , uint , un , ¿c. au lieu de
' amabois, poings , poincts, doigts, uingts , ung, & c.
et ce dernier mot un me fait douter si je dois lire
les v11. sept , ou les ungs . On escripra bien-tost
homme , Afriquain . republiquain , persone , lân ,
pân , Can . fân , mou , cou , fou : sou , artisan ,
livre , cuivre , lievre , François , Normand , &c.
au lieu d'escripre home , Aphricain , respublicain
persone , Laon , Caen , Paon , faon , mol , col ,fol ,
sol , artife , optife , libure , liepure , cuibure , Francois
, Norman , &c.
Le mauuais goust ramene jnsensiblement la
Barbarie et les rauages de la Barbarie influent sur
tous les obiects qui sont de la plus grande conséquence
pour la Societé. Rien ne contribue tant
à la politesse d'une Nation et au progrez des
belles - lettres que la pureté de la langue , et la
langue ne peut auoir d'ennemi plus dangereux
que le mauluais goust de l'Orthographe et de
l'Escripture.
Nota. Les Remarques paroissent être une Paree
de celles du Mercure d'Octobre dernier p . 2153 .
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Résumé : EXTRAIT des Remarques sur l'innovation de l'Orthographe, trouvées dans un vieux Manuscrit.
Le texte 'Remarques sur l'innovation de l'Orthographe' critique les modifications apportées à l'orthographe moderne. Les auteurs déplorent que ces innovations effacent les traces étymologiques et corrompent la langue. Ils expriment leur choc face à des mots comme 'fantaisie' ou 'faisan' au lieu de 'Phantasie' ou 'Phasian'. Ils regrettent également la suppression de certaines lettres, comme le 'b' dans plusieurs mots, et la simplification des pluriels et des verbes. Par exemple, 'gens' remplace 'gents' et 'cheval' remplace 'cheuaulx'. Les auteurs déplorent aussi les nouvelles orthographes de mots comme 'un', 'aimois', 'points' et 'doigts'. Ils craignent que ces changements ne ramènent la barbarie et nuisent à la politesse de la nation et au progrès des belles-lettres. La pureté de la langue est menacée par le mauvais goût en orthographe et en écriture.
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125
p. 552-555
SUITE des Nouvelles touchant le Systême du Bureau Tipograpique.
Début :
Voici, Monsieur, l'Extrait d'une Lettre écrite de Leipzig le 21. Janvier 1734. [...]
Mots clefs :
Bureau typographique, Enfants, Professeur, Lettres, Langue, Premiers éléments, Instruction des enfants, Paris, Chompré, Université de Paris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE des Nouvelles touchant le Systême du Bureau Tipograpique.
SUITE des Nouvelles touchant le
Systême du Bureau Tipograpique.
Voici , Monsieur , l'Extrait d'une Lettre écrite
de Leipzig le 21. Janvier 1734.
Nous avons vu dans les Mercures de France
Finvention d'un Bureau Typographique qui nous
paroît être de grande utilité pour l'instruction des
Enfans; un de nos Professeurs a entrepris de traduire
ce qui a parû jusquiei à ce sujet , et je vous
prieⓇ
MARS . 1774. 553
que
prie de m'envoyer un Exemplaire de chaque Livre
l'Auteur de cette ingenieuse Machine donnera
aujour; nous tâcherons de l'ajuster à notre Langue
pour l'utilité publique , &c .
Lequel est le plus surprenant de trouver un
tel Professeur à Leipzig , ou de trouver un Professeur
contre le Systême du Bureau Tipographique
dans l'Université de Paris ? M. Gr ...
Professeur de Philosophie au College Royal de
Navarre a d'avance décidé la question en faveur
du nouveau Systême ; et M. l'Abbé Rollin n'a
point trouvé de meilleure Méthode pour la premiere
instruction de l'enfance.
Par des Lettres de Toulouse , de Besançon et
d'Arles , il paroît qu'on voudroit y pratiquer la
nouvelle maniere de montrer aux enfans les premiers
Elémens des Lettres. Voici le prix des Livres
qui enseignent le Sistême.
Le vol. contenant le Systême.
Le 2 vol . ou le nouvel A , B ,
latin.
C , in quarto
et en blanc
11 livres. Le 3 vol . ou le nouvel A , B , C ,
françois.
Le 4 vol. ou le Rudiment Pratique de la Langue.
Françoise et de la Langue Latine , pour les
Garçons et pour les Filles , in 4. en blanc, 2 liv.
Ces quatre volumes reliez ensemble pour les
gens de Lettres ou de Bibliotheque ; et reliez séparément
pour les Maîtres et pour les Enfans riches
, contiennent tous l'élémentaire du nouveau
Sistême.
A l'égard des enfans et des petites Ecoles , qui
sans faire usage du Bureau , voudront suivre la
Nouvelle dénomination des Lettres . On a fait
G im554
MERCURE DE FRANCE
imprimer séparément et en petite forme les trois
derniers volumes de cet Ouvrage ; sçavoir ,
Le petit A , B , C , latin , in 12. en blanc ,
L'A , B , C , françois , in 8. en blanc ,
Le Rudiment pratique , in 8. en blanc ,
9 f.
24 f.
40
f On trouvera chez les mêmes Libraires,P.Witte
et P. Simon , la Réponse de M. Perquis , à la tête
d'un Professeur anonime de l'Université de Paris
insérée dans le Mercure du mois de Février, 1731.
1
I
•
Isic.
in 12.
On trouvera
dans
l'article
XXIV
. du 1 vol.
pag. 214, le prix
de chaque
Classe
du Bureau
Typografique
; la seconde
contient
la premiere
,
la troisiéme
contient
les deux
précédentes
, et la
quatriéme
les contient
toutes
. Les parens
qui auront
chez
eux le Livre
complet
de la Biblioteque
des enfans
, verront
facilement
si les Maîtres
de Tipographie
se négligent
, au lieu
de suivre
exactement
le sistème
.
Les personnes curieuses de voir la pratique du
Bureau , prendront la peine d'aller dans la ruë
S. Jean de Beauvais , chez M. Chompré l'aîné ,
Maître de pension, quia cinq Bureaux en exercice
; chez M. Chompré le cadet , Maître de petite
Ecole ; à l'entrée de la ruë S. Louis du Palais
, au bas du Pont S. Michel ; le Maître qui
fait pratiquer toutes les Classes du sistême ;
chez M. Darras et Madame de Nanriat , ruë
S. Martin , du côté de la ruë Venise , pour voir
les exercices du petit Lorin; et d'aller dans la ruë
S. Denis , derriere S. Oportune , vis - à- vis Sainte
Catherine , chez M.Henry , Marchand de Soye ,
au Bras d'or ; on trouvera chez ce Marchand
une petite Demoiselle de 5 à 6 ans , assez avancée
sur l'ortografe, et sur la Gramaire françoise,
›
lisanc
MARS 17 4.
555
fisant bien le Latin le François , le Manuscrit et
les Chifres ...
Chaque mois on tâchera , 1º de donner les
instructions necessaires pour éclaircir les articles
qui regardent la pratique du nouveau sistème .
2. De répondre aux objections qui auront été
faites . 3. De donner les nouvelles Litteraires qui
auront quelque rapport à cette maniere d'enseigner
les enfans ; en voici une : Le R. P. Charles
de Dourlan , Capucin , nommé pour l'instruction
des Enfans de Langue , que le Roy entretient
à Constantinople , ayant entendu parler du
Sistème Tipografique à M. Duhamel , et à quelques
autres Membres de l'Académie des Sciences,
prit la peine d'aller voir travailler des enfans Tipografes
, chez M. Chompré l'aîné, ruë des Carmes
, qui a plusieurs Bureaux en exercice.
Ce zélé Missionnaire au dessus des préjugez ,
en fait d'institution Litteraire , se munit d'abord
de la Biblioteque dos Enfans , &c. et après la lec
ture de ce Livre , bien loin de rougir du nouvel
A , B, C , résolut d'en faire usage dans le Levant.
Ce Pere comprit bien- tôt qu'on pouvoit
ajuster ce Sistème à toutes les Langues dont on
vouloit montrer les Caracteres , les Combinaisons
des Lettres , les Sons et les premiers Elemens
de la Grammaire. Ce Religieux âgé de 27
ans , partit le premier de ce mois de Mars , pour
s'iller embarquer à Marseille , nouvelle qui sans
doute , fera plaisir au digne Professeur de Leipsic
, et aux Esprits Philosophes , Partisans du
Bureau. J'ai l'honneur d'être , &c.
A Paris , ce S Mars 1734.
Systême du Bureau Tipograpique.
Voici , Monsieur , l'Extrait d'une Lettre écrite
de Leipzig le 21. Janvier 1734.
Nous avons vu dans les Mercures de France
Finvention d'un Bureau Typographique qui nous
paroît être de grande utilité pour l'instruction des
Enfans; un de nos Professeurs a entrepris de traduire
ce qui a parû jusquiei à ce sujet , et je vous
prieⓇ
MARS . 1774. 553
que
prie de m'envoyer un Exemplaire de chaque Livre
l'Auteur de cette ingenieuse Machine donnera
aujour; nous tâcherons de l'ajuster à notre Langue
pour l'utilité publique , &c .
Lequel est le plus surprenant de trouver un
tel Professeur à Leipzig , ou de trouver un Professeur
contre le Systême du Bureau Tipographique
dans l'Université de Paris ? M. Gr ...
Professeur de Philosophie au College Royal de
Navarre a d'avance décidé la question en faveur
du nouveau Systême ; et M. l'Abbé Rollin n'a
point trouvé de meilleure Méthode pour la premiere
instruction de l'enfance.
Par des Lettres de Toulouse , de Besançon et
d'Arles , il paroît qu'on voudroit y pratiquer la
nouvelle maniere de montrer aux enfans les premiers
Elémens des Lettres. Voici le prix des Livres
qui enseignent le Sistême.
Le vol. contenant le Systême.
Le 2 vol . ou le nouvel A , B ,
latin.
C , in quarto
et en blanc
11 livres. Le 3 vol . ou le nouvel A , B , C ,
françois.
Le 4 vol. ou le Rudiment Pratique de la Langue.
Françoise et de la Langue Latine , pour les
Garçons et pour les Filles , in 4. en blanc, 2 liv.
Ces quatre volumes reliez ensemble pour les
gens de Lettres ou de Bibliotheque ; et reliez séparément
pour les Maîtres et pour les Enfans riches
, contiennent tous l'élémentaire du nouveau
Sistême.
A l'égard des enfans et des petites Ecoles , qui
sans faire usage du Bureau , voudront suivre la
Nouvelle dénomination des Lettres . On a fait
G im554
MERCURE DE FRANCE
imprimer séparément et en petite forme les trois
derniers volumes de cet Ouvrage ; sçavoir ,
Le petit A , B , C , latin , in 12. en blanc ,
L'A , B , C , françois , in 8. en blanc ,
Le Rudiment pratique , in 8. en blanc ,
9 f.
24 f.
40
f On trouvera chez les mêmes Libraires,P.Witte
et P. Simon , la Réponse de M. Perquis , à la tête
d'un Professeur anonime de l'Université de Paris
insérée dans le Mercure du mois de Février, 1731.
1
I
•
Isic.
in 12.
On trouvera
dans
l'article
XXIV
. du 1 vol.
pag. 214, le prix
de chaque
Classe
du Bureau
Typografique
; la seconde
contient
la premiere
,
la troisiéme
contient
les deux
précédentes
, et la
quatriéme
les contient
toutes
. Les parens
qui auront
chez
eux le Livre
complet
de la Biblioteque
des enfans
, verront
facilement
si les Maîtres
de Tipographie
se négligent
, au lieu
de suivre
exactement
le sistème
.
Les personnes curieuses de voir la pratique du
Bureau , prendront la peine d'aller dans la ruë
S. Jean de Beauvais , chez M. Chompré l'aîné ,
Maître de pension, quia cinq Bureaux en exercice
; chez M. Chompré le cadet , Maître de petite
Ecole ; à l'entrée de la ruë S. Louis du Palais
, au bas du Pont S. Michel ; le Maître qui
fait pratiquer toutes les Classes du sistême ;
chez M. Darras et Madame de Nanriat , ruë
S. Martin , du côté de la ruë Venise , pour voir
les exercices du petit Lorin; et d'aller dans la ruë
S. Denis , derriere S. Oportune , vis - à- vis Sainte
Catherine , chez M.Henry , Marchand de Soye ,
au Bras d'or ; on trouvera chez ce Marchand
une petite Demoiselle de 5 à 6 ans , assez avancée
sur l'ortografe, et sur la Gramaire françoise,
›
lisanc
MARS 17 4.
555
fisant bien le Latin le François , le Manuscrit et
les Chifres ...
Chaque mois on tâchera , 1º de donner les
instructions necessaires pour éclaircir les articles
qui regardent la pratique du nouveau sistème .
2. De répondre aux objections qui auront été
faites . 3. De donner les nouvelles Litteraires qui
auront quelque rapport à cette maniere d'enseigner
les enfans ; en voici une : Le R. P. Charles
de Dourlan , Capucin , nommé pour l'instruction
des Enfans de Langue , que le Roy entretient
à Constantinople , ayant entendu parler du
Sistème Tipografique à M. Duhamel , et à quelques
autres Membres de l'Académie des Sciences,
prit la peine d'aller voir travailler des enfans Tipografes
, chez M. Chompré l'aîné, ruë des Carmes
, qui a plusieurs Bureaux en exercice.
Ce zélé Missionnaire au dessus des préjugez ,
en fait d'institution Litteraire , se munit d'abord
de la Biblioteque dos Enfans , &c. et après la lec
ture de ce Livre , bien loin de rougir du nouvel
A , B, C , résolut d'en faire usage dans le Levant.
Ce Pere comprit bien- tôt qu'on pouvoit
ajuster ce Sistème à toutes les Langues dont on
vouloit montrer les Caracteres , les Combinaisons
des Lettres , les Sons et les premiers Elemens
de la Grammaire. Ce Religieux âgé de 27
ans , partit le premier de ce mois de Mars , pour
s'iller embarquer à Marseille , nouvelle qui sans
doute , fera plaisir au digne Professeur de Leipsic
, et aux Esprits Philosophes , Partisans du
Bureau. J'ai l'honneur d'être , &c.
A Paris , ce S Mars 1734.
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Résumé : SUITE des Nouvelles touchant le Systême du Bureau Tipograpique.
Le document est une lettre datée du 21 janvier 1734, provenant de Leipzig, qui traite de l'invention d'un Bureau Typographique conçu pour l'instruction des enfants. Un professeur de Leipzig a entrepris de traduire les publications sur ce système afin de l'adapter à la langue locale. À Paris, le système est soutenu par M. Gr..., professeur de philosophie au Collège Royal de Navarre, et par l'Abbé Rollin. Des lettres provenant de Toulouse, Besançon et Arles montrent un intérêt croissant pour ce nouveau système d'enseignement des lettres. Le texte énumère les prix des ouvrages relatifs au système typographique, incluant des volumes en latin et en français, ainsi que des rudiments pratiques destinés aux garçons et aux filles. Ces ouvrages sont disponibles en différentes formes et reliures, adaptées aux besoins des lecteurs et des écoles. Des informations pratiques sont fournies pour observer le système en action chez divers maîtres de pension et d'écoles à Paris. Chaque mois, des instructions et des réponses aux objections concernant le système seront publiées, ainsi que des nouvelles littéraires pertinentes. Le Père Charles de Dourlan, un capucin, a visité des enfants utilisant le système typographique et a décidé de l'adopter pour l'instruction des enfants de langue à Constantinople. Il a compris que le système pouvait être adapté à diverses langues. Le Père de Dourlan, âgé de 27 ans, s'est rendu à Marseille afin de s'embarquer pour Constantinople, une nouvelle qui sera appréciée par les partisans du Bureau Typographique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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126
p. 698-706
LETTRE de ..... à M. Pilleret, Maître d'Ecole à Cousance en Barrois, au sujet du Systême Typographique.
Début :
Enfin, Monsieur, le Systême Typographique paroît en son entier ; il y a des Bureaux, [...]
Mots clefs :
Système typographique, Système, Enfant, Bureau, Maître, Livre, Jouer, Travailler, Enfants, Règles, Beau, Apprendre
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de ..... à M. Pilleret, Maître d'Ecole à Cousance en Barrois, au sujet du Systême Typographique.
LETTRE de ..... à M. Pilleret
Maitre d'Ecole à Cousance en Barrois ,
au sujet du Systême Typographique .
Enfin,
Nfin , Monsieur , le Systême Typographique
paroît en son entier ; il y a des Bureaux ,
et nous avons le Livre dans lequel cette matiere
est amplement traitée . Tout préambule à part ,
je vous dirai librement ce que je pense et du Systême
et du Livre.
Un Sçavant du premier ordre dit qu'une des
premieres regles de critique , pour entrer dans l'esprit
d'un Auteur est d'examiner quel caractere il
soutient dans l'Ouvrage dont il est question . Ce
n'est , sans doute , qu'en partant de ce principe
et en s'y tenant fortement attaché , qu'on peut
éviter deux écueils également dangereux , ou de
tout approuver sans discernement , ou de tout
condamner sans réserve . Telle est cependant la
disposition des Partisans et des ennemis du nouveau
Systême , que les premiers suivent aveuglement
toutes les idées de l'Auteur et que les autres
ne veulent y reconnoître rien de bon.
Qu'on se donne donc la peine d'étudier le caractere
de M.D.M.soit dans son Systême , soit dans
ce qu'il en a écrit , on y découvrira par tout cet
esprit de franchise et d'amour pour la Patrie
qui doit toujours être l'ame de ce que nous entreprenons.
On y verra sans peine que c'est uniquement
pour le bien et l'avancement de notre
Jeunesse, qui , après s'être rendu habile dans les
Sciences les plus abstraites et les plus épineuses,
M.
AVRIL. 1734. 699
M. D. ne dédaigne pas de descendre jusqu'à
l'A. B. C. il se montre peu jaloux de l'encens
après lequel nous voyons courir tant de froids
Ecrivains , et que nous prodiguons sottement à
ceux qui pour faire parade d'une vaine érudition
plutôt que pour se rendre utiles au Public , composent
des Ouvrages dont il est vrai que souvent
la lecture est agréable ; mais qui ne contribuent
en rien ni à nous rendre meilleurs , ni à nous
faciliter les moyens de le devenir. Encore si nous
nous contentions de ceux-cy ; mais n'est - il pas
honteux que tant de conteurs de nouveaux riens
et de riens dangereux , enlevent notre estime et
notre approbation , que nous ne devons qu'au
vrai que nous négligeons , que nous méprisons
et que souvent nous combattons.
Nous faisons cas du beau , nous méprisons l'utile .
Voila le mal commun ; et si quelques génies
supérieurs se sont élevez au - dessus et nous en
ont fait voir le danger et le ridicule , nous les
admirons ; mais nous en demeurons-là , nous
persuadant facilement que nous ne sommes pas
dans le cas. Ce qui nous trompe en cela , c'est
que nous prenons le faux pour le vrai , le beau
pour l'utile , le brillant pour le veritable beau ;
que nous croyons veritablement tenir pour le
bon , et que ceux qui ne pensent pas comme
nous sont dans l'erreur . C'est aussi ce qui a suscité
tant d'adversaires aux nouvelles idées de
M. D. qui fait tout revenir dans son Systême ,
au point de vue que se doit proposer tout Auteur
désinteressé, c'est - à - dire , au vrai , à l'utile , au
veritable beau . Des intentions si droites , quand
elles ne se trouveroient pas exactement remplies,
devroient , sans doute , imposer silence à l'envie
D iiij
et
700 MERCURE DE + FRANCE
et à la mauvaise humeur de quelques petits esprits
pleins d'eux- mêmes ; mais dès-lors ils ne
seroient plus ce qu'ils sont,
-
L'usage du Bureau Typographique a de grands
avantages , il en faut convenir ; mais on les trouve
mêlez avec des inconveniens très considerables
qui en ralentiront peut - être encore
long-temps le succès . Je ne parle pas de la dépense
de la machine que tout le monde ne peut
pas faire , ni de la difficulté de trouver des Maîtres
instruits du Systême , ce qu'on a déja objecté
à l'Auteur ; mais il n'est pas facile de comprendre
comment un Maître d'Ecole pourroit
s'en servir utilement . J'ai vu travailler des Enfans
au Bureau , je les ai suivis , et s'il y a un profil réel
dans l'usage de cette Machine , je crois que ce ne
peut être que dans la pratique assidue, le Maître
toujours présent et attentifà ce que fait l'Enfant.
On ne peut faire travailler qu'un Enfant à la fois ;
s'ils sont deux ou trois , ils s'embarassent, ilsjouent
et perdent leur temps. De plus l'étude , pour lui
être utile, doit être d'une heure au moins le matin
et autant le soir. Où en seroit un Maître qui
auroit , je ne dis pas cent , mais seulement quinze
ou vingt Ecoliers ? Comment exercer chacun
d'eux en particulier ? Lui donner une heure le
matin et autant le soir ? Etre présent là pendant
qu'il opere ? Le guider , l'animer , et rire ? Car
tout cela est du Systême. Que feront tous les
autres pendant ce temps-là ? Leur donner des leçons
à apprendre ? Rien n'est plus ridicule selon
le nouveau Systême , c'est même une injustice.On
doit toujours travailler avec l'Enfant , aller au devant
de toutes les difficultez , et étudier avec lui.
Qu'on les oblige d'écouter et de voir celui qui
travaille , cela est , sans doute , impraticable . Il
faudra
AVRIL. 1734 .
701
faudra donc
que tous les autres demeurent oisifs,
tandis qu'un seul sera occupé. Il est vrai que
tous ces inconveniens se trouvent aussi liez avec
la Méthode ordinaire ; mais le nouveau Systême
n'y obviant pas , et ayant même ceci de plus qu'il
coûte et qu'il est d'un grand embarras , je ne
yois pas pourquoi on le préfereroit.
Ce qui fait le fort du Systême Typographi
que , c'est que l'Enfant passant continuellement
d'un objet à un autre , peut bien apprendre avec
plus d'agrément et peut- être avec plus de profit
pour le présent ; mais il y a tout lieu de Graindre
qu'il ne s'y forme un grand fond d'inconstance
et de legereté , ce qui n'est pas un petit défaut.
Je me trouvai un jour chez un des plus zelez
Typographistes , où , après avoir caressé un
Enfant qu'il instruisoit selon le Systême , je lui
témoignai l'envie que j'avois de le voir travailler
au Bureau.La personne qui le conduisoit, s'étant
approchée , m'avertit secrettement de ne point
me servir du mot travailler , mais de jouer ; et
en même-temps prenant la parole , eh bien , mon
fils , dit- il , voulez- vous jouer à present. Comment
un Enfant élevé de cette maniere , passera- t'il à
une étude sérieuse ? Comment en supportera- t'il
la peine et le travail , lui à qui on n'aura jamais
parlé que de jeu ? Comment enfin y apporterat'il
une application qu'on ne lui aura jamais demandée.
C'est pour entretenir dans l'Enfant cet
esprit de satisfaction que lui procure cette pensée
qu'il joue ; qu'il ne faut jamais le contraindre
; que s'il ne lui plaisoir pas de jouer , il
ne faudroit pas l'y forcer. Il faut attendre ses
momens et se conformer à ses petites volontez.
Ces caprices doivent servir de regles , et ce seroit
une injustice que de vouloir que les regles res-
DY traignissent
702 MERCURE DE FRANCE
traignissent ses fantaisies. Dira - t'on que tout
cela n'est rien ; que ce ne sont que préventions ,
que préjugez.
Ce que je crois de plus fort contre le nouveau
Systême , c'est que l'amour propre y est érigé en
premier Maître des Enfans , et que ce vice dangereux
s'y trouve l'ame et le grand mobile de
tout ce qu'on leur fait faire. Leur petite imagination
se repaît agréablement des loüanges qu'il
faut leur prodiguer , ce qui les remplit insensiblement
de sentimens d'estime pour eux - mêmes
et de mépris pour les autres. En voici un trait
que je tiens de personnes non suspectes. On faisoit
jouer un Enfant au Bureau , ou plutôt on
jouoit avec lui . Le pere voulut aussi s'en mêler ;
mais par malheur ayant mis une lettre pour une
autre , un j consone , à ce qu'on m'a dit , pour
un i voyele dans le mot jgnorant au lieu -d'ignorant
; l'enfant se retourna et dit tout bas à l'oreille
de son Maître , je crois que mon cher Pere
est un peu bête ; on l'entendit , mais on jugea à
propos de faire la sourde oreille. Que n'y a t'il
pas à craindre pour des Enfans élevez dans ces
principes ! Ajoutons à cela que la conviction du
Mérite qu'ils s'imaginent avoir , les remplit
de vanité , de hauteur et d'impatience . J'en ai vû
qui écoutoient d'un air dédaigneux et moqueur
d'autres Enfans qui n'avoient pas été élevez
comme eux , et qui railloient des personnes qu'ils
devoient respecter , parce qu'ils prononçoient leslettres
autrement qu'eux . Quand une fois ils ont
fait ce qu'on appelle leurs Thêmes , on n'oseroit
y toucher, c'est -à - dire , y déranger quelque cho
se , sans les irriter. Je fus un jour témoin oculaire
d'un soufflet très - sec qu'un Enfant élevé
selon le Systême , donna à un autre Enfant qui
Dai
AVRIL 1734. 703
lui avoit brouillé un mot qu'il venoit d'imprimer.
Voilà , Monsieur , ce qui a suspendu jusqu'ici
le jugement de plusieurs ; la difficulté ou
plutot l'impossibilité de se servir du Bureau dans
les Ecoles publiques ; la nécessité de la préfence
du Maître à tout ce que fait l'Enfant , si on veut
qu'il avance plus que par la Méthode ordinaire ;
celle de jouer , de badiner et de rire avec l'Enfant,
quand il opere , le danger qu'il y a que l'Enfant
ne retire de tout ce manége , qu'un esprit d'inconstance
et de legereté , et enfin celui de prendre
l'Enfant la vanité et de faire l'amour
par
propre l'ame et le grand mobile de son étude.
Mais venons au Livre.
Tout Livre de Grammaire porte avec soi quelque
chose d'aride , le titre même rebute et ne
rappelle point le Lecteur. Il faut donc , pour
vaincre ce dégoût , présenter cette sorte de matiere
avec quelque apprêt , sans quoi un Livrede.
cette espece ne sera jamais lû que par ceux qui en
ont unbesoin extrême . Beaucoup de gens croyent
en sçavoir assez , et il y en a peu qui en fassent
une étude sérieuse. Le Systême Typographique
a cela de particulier , qu'il ett susceptible d'une
infinité d'agrémens , malgré la secheiesse apparente
des instructions qu'il renferme, et l'Auteur,
par je ne sçai quelles idées , a répandu sur tout
son Ouvrage une mélancolie , une tristesse qui
rebutera bien des Lecteurs ; et par consequent
arrêtera dès le commencement , les progrès de
cette invention . On rencontre presque à chaque
page un M. G. Professeur de l'Université , qui
semble être l'unique objet de l'Auteur , pour qui
ce Régent est une source perpetuelle de chagrin
et de déclamations qui n'éclaircissent en rien le
fond du Systême. C'eût été répondre solidement
D vj
aux
704 MERCURE DE FRANCE.
aux frivoles objections de ce Professeur , que de
garder un silence profond à cet égard ; enfin ôtez
de tout le Livre ce qui regarde cete dispute particuliere
, les redites fréquentes des mêmes choses
, les citations trop réiterées de gens favorables
au Systême et d'Enfans qu'on instruit
par le Bureau , choses qui interessent fort peu lc
Lecteur avide d'être au fait ; voici à quoi se reduit
cet Ouvrage.
i
Il faut , suivant l'Auteur , nommer un C. lé ké;
PF. fé ; le Ph. fé ; le G. gné, guéné ; le H. hê ;
le J. je -ja ; le K. ka- ku ; le L. lé ; le M. mé ; le
Q. qu - ka ; le R. rê ; le S. lé- zé; le T. te-ci ; le
V. vé ; le X. ksé , quézé ; le Y. i- ié , le Z. zé- sé ;
le &t . cté- csi ; le ft. sté ; le &. et ; le æ. é ; le oe . é;
le è. ais ; le ê. ais ; le ch. ché- ké , &c. Il faut remarquer
que ces lettres ausquelles il a donné une
double valeur , comme au C. ne seront appelées
que d'une de ces valeurs , suivant le lieu où elles
se trouveront , par exemple , dans Ciconia , on
dira sé , i , ci : ké , o , co : cico , & c ainsi des
autres.
De-là on vient aux sons , découverte des plus
importantes qu'on ait jamais faites pour faciliter
la lecture et abreger le temps qu'on y employe
ordinairement ; il appelle donc par un seul son
toutes les lettres qui , unies ensemble , n'en font
qu'un. Par exemple , Caux , on l'appelle o simplement.
Les nazales an , en , in , on , un. Ensuite
les autres sons que vous pourrez voir dans son
A. B. C. comme oient , qu'il appelle ais ou ê.
Voilà pour la lecture.
A l'égard des premiers principes de la Langue
Latine ou de la Grecque , car ce seroit la même
chose , il faut donner un thême ou une version
interlineaire à l'Enfant , qu'il imprimera sur le
Bureau
AVRIL 1734 70s
Bureau. Donnons un exemble dans lequel on
peat voit tout le Systême , tant pour apprendre
à lire , que pour apprendre les principes de la
Langue Latine, ou de telle autre qu'on voudra enseigner
à l'Enfant . On pourroit faire un Thême
ou un Exemple dans lequel se trouveroit une
chose de chaque Logette du Bureau. Mais comme
cela nous meneroit trop loin , contentonsnous
de celui - cy : Mon Dieu , je vous aime bienè
Supposons qu'un Enfant connoît déja les lettres
simplement sans les sons , on lui fait ranger sur
le Bureau : m , o , n , D , i , c , u , j , e , v , o , u , s,
a , i , m , e , b e , n. S'il connoît les sons ,
en lui fait ranger de cette sorte ; m, on, D, i , eu,
j , e , v , ou , s , ai , m , e , b , i ,en.
S'il commence à lire , on lui fait ranger par
mots de cette maniere : mon , dans le pronom
possessif. Dieu , dans les noms substantifs . je,
dans le pronom de la premiere personne . vous
dans le pronom de la seconde personne. aime ,
dans les verbes François. bien , dans les indéclinables
François. Voilà pour la Langue Françoise,'
ainsi de même pour le Latin. Car les Logettes
pour le Latin sont aussi dans le Bureau . Il faut
donner le Thême tout fait à l'Enfant ; et en lui
faisant prendre mi dans la Logette des pronoms
possessifs , on lui fait remarquer que s'est le vocatif
: Deus , dans les noms substantifs Latins
&c. on doir en même- temps lui expliquer les
regles de la Sintaxe. Voilà à peu près à quoi se
réduit tout le Systême . L'Auteur ayant une fois
posé ses principes , pouvoit , par le moyen d'un
seul exemple , mettre le Lecteur au fait , et il se
seroit épargné la dépense d'un gros Livre , qui
dans l'état où il est , ne servira qu'à rebuter
ceux qui veulent sçavoir son Systême. J'ai l'hon
neur d'être , Monsieur , &c.
>
706 MERCURE DE FRANCE
Nota. Nous donnerons dans le mois prochain la
Réponse à cette Lettre , que la longueur ne nous
permet pas d'inserer ici . comme nous l'avions déja
promis sur cette matiere.
Maitre d'Ecole à Cousance en Barrois ,
au sujet du Systême Typographique .
Enfin,
Nfin , Monsieur , le Systême Typographique
paroît en son entier ; il y a des Bureaux ,
et nous avons le Livre dans lequel cette matiere
est amplement traitée . Tout préambule à part ,
je vous dirai librement ce que je pense et du Systême
et du Livre.
Un Sçavant du premier ordre dit qu'une des
premieres regles de critique , pour entrer dans l'esprit
d'un Auteur est d'examiner quel caractere il
soutient dans l'Ouvrage dont il est question . Ce
n'est , sans doute , qu'en partant de ce principe
et en s'y tenant fortement attaché , qu'on peut
éviter deux écueils également dangereux , ou de
tout approuver sans discernement , ou de tout
condamner sans réserve . Telle est cependant la
disposition des Partisans et des ennemis du nouveau
Systême , que les premiers suivent aveuglement
toutes les idées de l'Auteur et que les autres
ne veulent y reconnoître rien de bon.
Qu'on se donne donc la peine d'étudier le caractere
de M.D.M.soit dans son Systême , soit dans
ce qu'il en a écrit , on y découvrira par tout cet
esprit de franchise et d'amour pour la Patrie
qui doit toujours être l'ame de ce que nous entreprenons.
On y verra sans peine que c'est uniquement
pour le bien et l'avancement de notre
Jeunesse, qui , après s'être rendu habile dans les
Sciences les plus abstraites et les plus épineuses,
M.
AVRIL. 1734. 699
M. D. ne dédaigne pas de descendre jusqu'à
l'A. B. C. il se montre peu jaloux de l'encens
après lequel nous voyons courir tant de froids
Ecrivains , et que nous prodiguons sottement à
ceux qui pour faire parade d'une vaine érudition
plutôt que pour se rendre utiles au Public , composent
des Ouvrages dont il est vrai que souvent
la lecture est agréable ; mais qui ne contribuent
en rien ni à nous rendre meilleurs , ni à nous
faciliter les moyens de le devenir. Encore si nous
nous contentions de ceux-cy ; mais n'est - il pas
honteux que tant de conteurs de nouveaux riens
et de riens dangereux , enlevent notre estime et
notre approbation , que nous ne devons qu'au
vrai que nous négligeons , que nous méprisons
et que souvent nous combattons.
Nous faisons cas du beau , nous méprisons l'utile .
Voila le mal commun ; et si quelques génies
supérieurs se sont élevez au - dessus et nous en
ont fait voir le danger et le ridicule , nous les
admirons ; mais nous en demeurons-là , nous
persuadant facilement que nous ne sommes pas
dans le cas. Ce qui nous trompe en cela , c'est
que nous prenons le faux pour le vrai , le beau
pour l'utile , le brillant pour le veritable beau ;
que nous croyons veritablement tenir pour le
bon , et que ceux qui ne pensent pas comme
nous sont dans l'erreur . C'est aussi ce qui a suscité
tant d'adversaires aux nouvelles idées de
M. D. qui fait tout revenir dans son Systême ,
au point de vue que se doit proposer tout Auteur
désinteressé, c'est - à - dire , au vrai , à l'utile , au
veritable beau . Des intentions si droites , quand
elles ne se trouveroient pas exactement remplies,
devroient , sans doute , imposer silence à l'envie
D iiij
et
700 MERCURE DE + FRANCE
et à la mauvaise humeur de quelques petits esprits
pleins d'eux- mêmes ; mais dès-lors ils ne
seroient plus ce qu'ils sont,
-
L'usage du Bureau Typographique a de grands
avantages , il en faut convenir ; mais on les trouve
mêlez avec des inconveniens très considerables
qui en ralentiront peut - être encore
long-temps le succès . Je ne parle pas de la dépense
de la machine que tout le monde ne peut
pas faire , ni de la difficulté de trouver des Maîtres
instruits du Systême , ce qu'on a déja objecté
à l'Auteur ; mais il n'est pas facile de comprendre
comment un Maître d'Ecole pourroit
s'en servir utilement . J'ai vu travailler des Enfans
au Bureau , je les ai suivis , et s'il y a un profil réel
dans l'usage de cette Machine , je crois que ce ne
peut être que dans la pratique assidue, le Maître
toujours présent et attentifà ce que fait l'Enfant.
On ne peut faire travailler qu'un Enfant à la fois ;
s'ils sont deux ou trois , ils s'embarassent, ilsjouent
et perdent leur temps. De plus l'étude , pour lui
être utile, doit être d'une heure au moins le matin
et autant le soir. Où en seroit un Maître qui
auroit , je ne dis pas cent , mais seulement quinze
ou vingt Ecoliers ? Comment exercer chacun
d'eux en particulier ? Lui donner une heure le
matin et autant le soir ? Etre présent là pendant
qu'il opere ? Le guider , l'animer , et rire ? Car
tout cela est du Systême. Que feront tous les
autres pendant ce temps-là ? Leur donner des leçons
à apprendre ? Rien n'est plus ridicule selon
le nouveau Systême , c'est même une injustice.On
doit toujours travailler avec l'Enfant , aller au devant
de toutes les difficultez , et étudier avec lui.
Qu'on les oblige d'écouter et de voir celui qui
travaille , cela est , sans doute , impraticable . Il
faudra
AVRIL. 1734 .
701
faudra donc
que tous les autres demeurent oisifs,
tandis qu'un seul sera occupé. Il est vrai que
tous ces inconveniens se trouvent aussi liez avec
la Méthode ordinaire ; mais le nouveau Systême
n'y obviant pas , et ayant même ceci de plus qu'il
coûte et qu'il est d'un grand embarras , je ne
yois pas pourquoi on le préfereroit.
Ce qui fait le fort du Systême Typographi
que , c'est que l'Enfant passant continuellement
d'un objet à un autre , peut bien apprendre avec
plus d'agrément et peut- être avec plus de profit
pour le présent ; mais il y a tout lieu de Graindre
qu'il ne s'y forme un grand fond d'inconstance
et de legereté , ce qui n'est pas un petit défaut.
Je me trouvai un jour chez un des plus zelez
Typographistes , où , après avoir caressé un
Enfant qu'il instruisoit selon le Systême , je lui
témoignai l'envie que j'avois de le voir travailler
au Bureau.La personne qui le conduisoit, s'étant
approchée , m'avertit secrettement de ne point
me servir du mot travailler , mais de jouer ; et
en même-temps prenant la parole , eh bien , mon
fils , dit- il , voulez- vous jouer à present. Comment
un Enfant élevé de cette maniere , passera- t'il à
une étude sérieuse ? Comment en supportera- t'il
la peine et le travail , lui à qui on n'aura jamais
parlé que de jeu ? Comment enfin y apporterat'il
une application qu'on ne lui aura jamais demandée.
C'est pour entretenir dans l'Enfant cet
esprit de satisfaction que lui procure cette pensée
qu'il joue ; qu'il ne faut jamais le contraindre
; que s'il ne lui plaisoir pas de jouer , il
ne faudroit pas l'y forcer. Il faut attendre ses
momens et se conformer à ses petites volontez.
Ces caprices doivent servir de regles , et ce seroit
une injustice que de vouloir que les regles res-
DY traignissent
702 MERCURE DE FRANCE
traignissent ses fantaisies. Dira - t'on que tout
cela n'est rien ; que ce ne sont que préventions ,
que préjugez.
Ce que je crois de plus fort contre le nouveau
Systême , c'est que l'amour propre y est érigé en
premier Maître des Enfans , et que ce vice dangereux
s'y trouve l'ame et le grand mobile de
tout ce qu'on leur fait faire. Leur petite imagination
se repaît agréablement des loüanges qu'il
faut leur prodiguer , ce qui les remplit insensiblement
de sentimens d'estime pour eux - mêmes
et de mépris pour les autres. En voici un trait
que je tiens de personnes non suspectes. On faisoit
jouer un Enfant au Bureau , ou plutôt on
jouoit avec lui . Le pere voulut aussi s'en mêler ;
mais par malheur ayant mis une lettre pour une
autre , un j consone , à ce qu'on m'a dit , pour
un i voyele dans le mot jgnorant au lieu -d'ignorant
; l'enfant se retourna et dit tout bas à l'oreille
de son Maître , je crois que mon cher Pere
est un peu bête ; on l'entendit , mais on jugea à
propos de faire la sourde oreille. Que n'y a t'il
pas à craindre pour des Enfans élevez dans ces
principes ! Ajoutons à cela que la conviction du
Mérite qu'ils s'imaginent avoir , les remplit
de vanité , de hauteur et d'impatience . J'en ai vû
qui écoutoient d'un air dédaigneux et moqueur
d'autres Enfans qui n'avoient pas été élevez
comme eux , et qui railloient des personnes qu'ils
devoient respecter , parce qu'ils prononçoient leslettres
autrement qu'eux . Quand une fois ils ont
fait ce qu'on appelle leurs Thêmes , on n'oseroit
y toucher, c'est -à - dire , y déranger quelque cho
se , sans les irriter. Je fus un jour témoin oculaire
d'un soufflet très - sec qu'un Enfant élevé
selon le Systême , donna à un autre Enfant qui
Dai
AVRIL 1734. 703
lui avoit brouillé un mot qu'il venoit d'imprimer.
Voilà , Monsieur , ce qui a suspendu jusqu'ici
le jugement de plusieurs ; la difficulté ou
plutot l'impossibilité de se servir du Bureau dans
les Ecoles publiques ; la nécessité de la préfence
du Maître à tout ce que fait l'Enfant , si on veut
qu'il avance plus que par la Méthode ordinaire ;
celle de jouer , de badiner et de rire avec l'Enfant,
quand il opere , le danger qu'il y a que l'Enfant
ne retire de tout ce manége , qu'un esprit d'inconstance
et de legereté , et enfin celui de prendre
l'Enfant la vanité et de faire l'amour
par
propre l'ame et le grand mobile de son étude.
Mais venons au Livre.
Tout Livre de Grammaire porte avec soi quelque
chose d'aride , le titre même rebute et ne
rappelle point le Lecteur. Il faut donc , pour
vaincre ce dégoût , présenter cette sorte de matiere
avec quelque apprêt , sans quoi un Livrede.
cette espece ne sera jamais lû que par ceux qui en
ont unbesoin extrême . Beaucoup de gens croyent
en sçavoir assez , et il y en a peu qui en fassent
une étude sérieuse. Le Systême Typographique
a cela de particulier , qu'il ett susceptible d'une
infinité d'agrémens , malgré la secheiesse apparente
des instructions qu'il renferme, et l'Auteur,
par je ne sçai quelles idées , a répandu sur tout
son Ouvrage une mélancolie , une tristesse qui
rebutera bien des Lecteurs ; et par consequent
arrêtera dès le commencement , les progrès de
cette invention . On rencontre presque à chaque
page un M. G. Professeur de l'Université , qui
semble être l'unique objet de l'Auteur , pour qui
ce Régent est une source perpetuelle de chagrin
et de déclamations qui n'éclaircissent en rien le
fond du Systême. C'eût été répondre solidement
D vj
aux
704 MERCURE DE FRANCE.
aux frivoles objections de ce Professeur , que de
garder un silence profond à cet égard ; enfin ôtez
de tout le Livre ce qui regarde cete dispute particuliere
, les redites fréquentes des mêmes choses
, les citations trop réiterées de gens favorables
au Systême et d'Enfans qu'on instruit
par le Bureau , choses qui interessent fort peu lc
Lecteur avide d'être au fait ; voici à quoi se reduit
cet Ouvrage.
i
Il faut , suivant l'Auteur , nommer un C. lé ké;
PF. fé ; le Ph. fé ; le G. gné, guéné ; le H. hê ;
le J. je -ja ; le K. ka- ku ; le L. lé ; le M. mé ; le
Q. qu - ka ; le R. rê ; le S. lé- zé; le T. te-ci ; le
V. vé ; le X. ksé , quézé ; le Y. i- ié , le Z. zé- sé ;
le &t . cté- csi ; le ft. sté ; le &. et ; le æ. é ; le oe . é;
le è. ais ; le ê. ais ; le ch. ché- ké , &c. Il faut remarquer
que ces lettres ausquelles il a donné une
double valeur , comme au C. ne seront appelées
que d'une de ces valeurs , suivant le lieu où elles
se trouveront , par exemple , dans Ciconia , on
dira sé , i , ci : ké , o , co : cico , & c ainsi des
autres.
De-là on vient aux sons , découverte des plus
importantes qu'on ait jamais faites pour faciliter
la lecture et abreger le temps qu'on y employe
ordinairement ; il appelle donc par un seul son
toutes les lettres qui , unies ensemble , n'en font
qu'un. Par exemple , Caux , on l'appelle o simplement.
Les nazales an , en , in , on , un. Ensuite
les autres sons que vous pourrez voir dans son
A. B. C. comme oient , qu'il appelle ais ou ê.
Voilà pour la lecture.
A l'égard des premiers principes de la Langue
Latine ou de la Grecque , car ce seroit la même
chose , il faut donner un thême ou une version
interlineaire à l'Enfant , qu'il imprimera sur le
Bureau
AVRIL 1734 70s
Bureau. Donnons un exemble dans lequel on
peat voit tout le Systême , tant pour apprendre
à lire , que pour apprendre les principes de la
Langue Latine, ou de telle autre qu'on voudra enseigner
à l'Enfant . On pourroit faire un Thême
ou un Exemple dans lequel se trouveroit une
chose de chaque Logette du Bureau. Mais comme
cela nous meneroit trop loin , contentonsnous
de celui - cy : Mon Dieu , je vous aime bienè
Supposons qu'un Enfant connoît déja les lettres
simplement sans les sons , on lui fait ranger sur
le Bureau : m , o , n , D , i , c , u , j , e , v , o , u , s,
a , i , m , e , b e , n. S'il connoît les sons ,
en lui fait ranger de cette sorte ; m, on, D, i , eu,
j , e , v , ou , s , ai , m , e , b , i ,en.
S'il commence à lire , on lui fait ranger par
mots de cette maniere : mon , dans le pronom
possessif. Dieu , dans les noms substantifs . je,
dans le pronom de la premiere personne . vous
dans le pronom de la seconde personne. aime ,
dans les verbes François. bien , dans les indéclinables
François. Voilà pour la Langue Françoise,'
ainsi de même pour le Latin. Car les Logettes
pour le Latin sont aussi dans le Bureau . Il faut
donner le Thême tout fait à l'Enfant ; et en lui
faisant prendre mi dans la Logette des pronoms
possessifs , on lui fait remarquer que s'est le vocatif
: Deus , dans les noms substantifs Latins
&c. on doir en même- temps lui expliquer les
regles de la Sintaxe. Voilà à peu près à quoi se
réduit tout le Systême . L'Auteur ayant une fois
posé ses principes , pouvoit , par le moyen d'un
seul exemple , mettre le Lecteur au fait , et il se
seroit épargné la dépense d'un gros Livre , qui
dans l'état où il est , ne servira qu'à rebuter
ceux qui veulent sçavoir son Systême. J'ai l'hon
neur d'être , Monsieur , &c.
>
706 MERCURE DE FRANCE
Nota. Nous donnerons dans le mois prochain la
Réponse à cette Lettre , que la longueur ne nous
permet pas d'inserer ici . comme nous l'avions déja
promis sur cette matiere.
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Résumé : LETTRE de ..... à M. Pilleret, Maître d'Ecole à Cousance en Barrois, au sujet du Systême Typographique.
La lettre traite du Système Typographique, récemment publié dans un livre et disponible dans divers bureaux. L'auteur examine les critiques et les partisans du système, notant que les premiers approuvent sans discernement tandis que les seconds ne reconnaissent rien de bon. Il recommande d'évaluer le caractère de l'auteur, M. D. M., qui démontre un esprit de franchise et d'amour pour la patrie, visant à l'avancement de la jeunesse. L'auteur critique les écrivains qui cherchent la reconnaissance plutôt que l'utilité. Il souligne que, bien que le système typographique présente des avantages, il comporte des inconvénients majeurs, notamment la difficulté de son utilisation dans les écoles publiques. Ce système nécessite la présence constante du maître pour chaque élève, ce qui est impraticable avec un grand nombre d'élèves. Le texte mentionne également les dangers de l'inconstance et de la légèreté chez les enfants formés par ce système, ainsi que le risque de développer de la vanité et de l'amour-propre. Les enfants élevés selon ce système peuvent devenir impatients et moqueurs envers ceux qui ne suivent pas la même méthode. Concernant le livre, l'auteur note qu'il est aride et rebutant, malgré les efforts de l'auteur pour le rendre agréable. Le livre contient des disputes inutiles et des redites fréquentes, ce qui le rend peu attrayant pour les lecteurs. Le système typographique propose de nommer les lettres et les sons de manière spécifique pour faciliter la lecture et l'apprentissage des langues. Par exemple, les lettres comme le C peuvent avoir une double valeur selon leur position dans un mot. Le texte fournit un exemple pratique avec la phrase 'Mon Dieu, je vous aime bien' pour illustrer l'application du système. Le texte discute également d'une méthode pédagogique pour enseigner la grammaire latine. L'auteur suggère de présenter directement le thème à l'élève et de lui faire comprendre l'utilisation des pronoms possessifs et du vocatif dans les noms substantifs latins. Il insiste sur l'importance d'expliquer simultanément les règles de la syntaxe. Selon l'auteur, ce système pourrait être expliqué en un seul exemple, rendant ainsi inutile la publication d'un gros livre qui pourrait décourager les lecteurs intéressés par ce système. Le Mercure de France annonce qu'il publiera la réponse à cette lettre dans le mois suivant, en raison de la longueur qui ne permet pas son insertion immédiate.
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127
p. 938
« On apprend de Madrid, que le 16. du mois dernier, les Académiciens de l'Académie [...] »
Début :
On apprend de Madrid, que le 16. du mois dernier, les Académiciens de l'Académie [...]
Mots clefs :
Audience, Pape, Académie royale espagnole, Dictionnaire de la langue castillane, Bullaire romain, Statue du gladiateur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « On apprend de Madrid, que le 16. du mois dernier, les Académiciens de l'Académie [...] »
On apprend de Madrid , que le 16. du
mois dernier , les Académiciens de l'Académie
Royale Espagnole , ayant à leur tête le
Marquis de Villena , Directeur de leur Compagnie
, eurent Audience de Leurs Majestez , à qui
ils présenterent le quatriéme Tome du Dictionnaire
de la Langue Castillane. La même Académie
fut admise le lendemain à l'Audience du
Frince et de la Princesse des Asturies , et à celles,
des Infans Don Philippe et Don Louis , et des
Infantes Dona Marie - Thereze et Dona Marie-
Antoinette Ferdinande..
On écrit de Rome , qu'on a commencé sur la
fin du moir dernier , à distribuer le 8e Tome du
Bullaire Romain ce Volume contient 208..
Constitutions du feu Pape Innocent XI.
;
Sa Sainteté a fait achever la celebre Statuë du
Gladiateur , qui étoit dans le Palais de la Prinaesse
de Piombino , morte il y a quelque temps ;;
le Pape doit la faire placer dans le Capitole ..
mois dernier , les Académiciens de l'Académie
Royale Espagnole , ayant à leur tête le
Marquis de Villena , Directeur de leur Compagnie
, eurent Audience de Leurs Majestez , à qui
ils présenterent le quatriéme Tome du Dictionnaire
de la Langue Castillane. La même Académie
fut admise le lendemain à l'Audience du
Frince et de la Princesse des Asturies , et à celles,
des Infans Don Philippe et Don Louis , et des
Infantes Dona Marie - Thereze et Dona Marie-
Antoinette Ferdinande..
On écrit de Rome , qu'on a commencé sur la
fin du moir dernier , à distribuer le 8e Tome du
Bullaire Romain ce Volume contient 208..
Constitutions du feu Pape Innocent XI.
;
Sa Sainteté a fait achever la celebre Statuë du
Gladiateur , qui étoit dans le Palais de la Prinaesse
de Piombino , morte il y a quelque temps ;;
le Pape doit la faire placer dans le Capitole ..
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Résumé : « On apprend de Madrid, que le 16. du mois dernier, les Académiciens de l'Académie [...] »
Le 16 du mois dernier, les Académiciens de l'Académie Royale Espagnole ont présenté à Madrid le quatrième tome du Dictionnaire de la Langue Castillane au roi et à la reine. Ils ont également été reçus par le Prince et la Princesse des Asturies, ainsi que par les Infants et les Infantes. À Rome, la distribution du huitième tome du Bullaire Romain, contenant 208 constitutions du pape Innocent XI, a commencé. Le pape a fait achever la statue du Gladiateur pour le Capitole.
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128
p. 1401-1402
« MEMOIRES HISTORIQUES ET CRITIQUES sur divers points de l'Histoire de France, [...] »
Début :
MEMOIRES HISTORIQUES ET CRITIQUES sur divers points de l'Histoire de France, [...]
Mots clefs :
Mémoires historiques et critiques sur divers points de l'histoire de France, Nouveau Dictionnaire français et latin, Journaliste amusant, Lettre, Recherche philosophique sur la source physique des actions de l'homme
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texteReconnaissance textuelle : « MEMOIRES HISTORIQUES ET CRITIQUES sur divers points de l'Histoire de France, [...] »
MEMOIRES HISTORIQUES ET CRITIQUES
sur divers points de l'Histoire de France,
et plusieurs autres Sujets curieux , par
François Eudes de Mezeray , Amsterdam ,
bez Jean-Frederic Bernard , 2 vol. in 8.
- NOUVEAU DICTIONNAIRE François
et Latin , enrichi des meilleures façons
de parler en l'une et l'autre Langue . in
septiéme Edition .
LE JOURNALISTE A MUSANT ,
ou le Monde sérieux et comique , in 12.
ART. I V. du 2 tome p. 368. LETTRE
11 Vol. G de
1402 MERCURE DE FRANCE
de M. de S. Hyacinte à M. de la Motte,
touchant un Écrit de M. de S. Pierre ,
sur l'Origine du Droit et des Devoirs.
LETTRE au R. P. Niceron , sur un
article du XI. vol. de ses Memoires pour
servir à l'Histoire des Hommes Illustres ;
ou Justification de M. Arnauld , Docteur
de Sorbonne , au sujet de M. Deslyons ,
Doyen de Senlis , & c.
On a traduit Sethos en Anglois , en
2. vol. in 8. aussi bien que l'abregé de
'Histoire de France du P. Daniel , en s
vol. in 8.
RECHERCHE PHYLOSOPHIQUE sur la
Source physique des actions de l'homme
et la cause immédiate de la pensée . A
Londres , in 8. en Anglois.
sur divers points de l'Histoire de France,
et plusieurs autres Sujets curieux , par
François Eudes de Mezeray , Amsterdam ,
bez Jean-Frederic Bernard , 2 vol. in 8.
- NOUVEAU DICTIONNAIRE François
et Latin , enrichi des meilleures façons
de parler en l'une et l'autre Langue . in
septiéme Edition .
LE JOURNALISTE A MUSANT ,
ou le Monde sérieux et comique , in 12.
ART. I V. du 2 tome p. 368. LETTRE
11 Vol. G de
1402 MERCURE DE FRANCE
de M. de S. Hyacinte à M. de la Motte,
touchant un Écrit de M. de S. Pierre ,
sur l'Origine du Droit et des Devoirs.
LETTRE au R. P. Niceron , sur un
article du XI. vol. de ses Memoires pour
servir à l'Histoire des Hommes Illustres ;
ou Justification de M. Arnauld , Docteur
de Sorbonne , au sujet de M. Deslyons ,
Doyen de Senlis , & c.
On a traduit Sethos en Anglois , en
2. vol. in 8. aussi bien que l'abregé de
'Histoire de France du P. Daniel , en s
vol. in 8.
RECHERCHE PHYLOSOPHIQUE sur la
Source physique des actions de l'homme
et la cause immédiate de la pensée . A
Londres , in 8. en Anglois.
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Résumé : « MEMOIRES HISTORIQUES ET CRITIQUES sur divers points de l'Histoire de France, [...] »
Le document énumère diverses publications et correspondances historiques et littéraires. François Eudes de Mezeray a publié 'Mémoires historiques et critiques sur divers points de l'Histoire de France' en deux volumes. D'autres ouvrages mentionnés incluent un 'Nouveau Dictionnaire François et Latin' dans sa septième édition et 'Le Journaliste à Musant, ou le Monde sérieux et comique'. Le texte cite également une lettre de M. de Saint Hyacinthe à M. de la Motte, discutant d'un écrit de M. de Saint Pierre sur l'origine du droit et des devoirs. Une autre lettre, adressée au R. P. Niceron, défend M. Arnauld, Docteur de Sorbonne, concernant M. Deslyons, Doyen de Senlis. Parmi les traductions notables figurent 'Sethos' en anglais et l'abrégé de l'Histoire de France du Père Daniel. Enfin, une 'Recherche philosophique sur la source physique des actions de l'homme et la cause immédiate de la pensée' a été publiée à Londres en anglais.
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135
p. 2177-2178
LOGOGRYPHES Adressés à Mlle ***. par A. X. Harduin d'Arras. I. ENVOI.
Début :
Non, je ne trouve point d'assés forte couleur, [...]
Mots clefs :
Lettres C, E, N, O
136
p. 2629
LOGOGRYPHUS.
Début :
Sunt mihi multiplices diverso nomine, Lector, [...]
Mots clefs :
Lettre M
150
p. 147
ENIGME.
Début :
Nous sommes bien des soeurs, & toutes rassemblées [...]
Mots clefs :
Vingt-quatre lettres de l'alphabet