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Liste
1
p. 143-145
Parterre qui est au dessus de l'Orangerie & ses Figures de bronze, [titre d'après la table]
Début :
Ils vinrent le jour suivant au petit Parc, & virent tout [...]
Mots clefs :
Petit parc, Figures de bronze, Figures de marbre, Bronze, Statues, Grandeur, Beau, Parterre, Orangerie
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texteReconnaissance textuelle : Parterre qui est au dessus de l'Orangerie & ses Figures de bronze, [titre d'après la table]
Ils vinrent le jour ſuivant
an petit Barc , & virent tout
ce que le coſté gauche de ce
Parc , qui n'a le nom de pe
tit qu'à cauſe de la grandeur
extraordinaire du grand
expofe & renferme de beautez.
Ils coramencerent par
le Parterre qui eft au deſſus
de la voûte de l'Orangerie ,
& furent ſurpris de voir pluſieurs
Statuës de bronze , du
nombre deſquelles font la
130 Suite du Voyage
le
Diane d'Ephefe , & le Bachus ,
dont les Marbres ſont dans
la grande Galerie de Verſailles
, peinte par Mr le Brun.
Ils virent auſſi l'Apollon ,
& pluſieurs autres Statuës
nouvellement fondues en
bronze à l'Arcenal , par
Sieur Keiler. Mr de Louvois
qui ne cherche qu'à embellir
les Baſtimens du Roy , & à
faire paroiſtre la grandeur de
Sa Majesté , s'eft imagine
de faire fondre en bronze
tout ce que l'Antique a de
plus beau en Marbre , & fon
deſſein a parfaitement réüfli ,
ces Figures eftant venues
d'une
des Amb. de Siam.
131
- d'une netteté ſurprenante.
Ainſi la France & les Arts
devront beaucoup à ce Miniftre
, & par ce moyen nous
acheverons bien - toſt d'y
voir tout ce que l'ancienne
Grece & l'Italie ont eu de
plus beau.
an petit Barc , & virent tout
ce que le coſté gauche de ce
Parc , qui n'a le nom de pe
tit qu'à cauſe de la grandeur
extraordinaire du grand
expofe & renferme de beautez.
Ils coramencerent par
le Parterre qui eft au deſſus
de la voûte de l'Orangerie ,
& furent ſurpris de voir pluſieurs
Statuës de bronze , du
nombre deſquelles font la
130 Suite du Voyage
le
Diane d'Ephefe , & le Bachus ,
dont les Marbres ſont dans
la grande Galerie de Verſailles
, peinte par Mr le Brun.
Ils virent auſſi l'Apollon ,
& pluſieurs autres Statuës
nouvellement fondues en
bronze à l'Arcenal , par
Sieur Keiler. Mr de Louvois
qui ne cherche qu'à embellir
les Baſtimens du Roy , & à
faire paroiſtre la grandeur de
Sa Majesté , s'eft imagine
de faire fondre en bronze
tout ce que l'Antique a de
plus beau en Marbre , & fon
deſſein a parfaitement réüfli ,
ces Figures eftant venues
d'une
des Amb. de Siam.
131
- d'une netteté ſurprenante.
Ainſi la France & les Arts
devront beaucoup à ce Miniftre
, & par ce moyen nous
acheverons bien - toſt d'y
voir tout ce que l'ancienne
Grece & l'Italie ont eu de
plus beau.
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Résumé : Parterre qui est au dessus de l'Orangerie & ses Figures de bronze, [titre d'après la table]
Le texte relate une visite dans un parc, probablement celui de Versailles, où les visiteurs ont admiré diverses statues. Ils ont commencé par le parterre au-dessus de la voûte de l'Orangerie, où se trouvent plusieurs statues de bronze, telles que la Diane d'Éphèse et le Bacchus. Les originaux en marbre de ces œuvres sont exposés dans la grande Galerie de Versailles, décorée par Monsieur Le Brun. Les visiteurs ont également observé l'Apollon et d'autres statues récemment fondues en bronze à l'Arsenal par le Sieur Keiler. Monsieur de Louvois a initié ce projet pour embellir les bâtiments du roi et montrer la grandeur de Sa Majesté. Les figures provenaient d'une ambassade de Siam et étaient d'une grande netteté. Cette initiative permettra à la France et aux arts de bénéficier grandement, en exposant bientôt les plus belles œuvres de l'ancienne Grèce et de l'Italie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 221-223
Remerciement des Ambassadeurs à Mr le Fevre, Intendant des Bastimens du Roy, [titre d'après la table]
Début :
Les Ambassadeurs ayant examiné la vaste étenduë de ce magnifique [...]
Mots clefs :
Monsieur Le Fèvre, Beau, Bâtiments du roi
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texteReconnaissance textuelle : Remerciement des Ambassadeurs à Mr le Fevre, Intendant des Bastimens du Roy, [titre d'après la table]
Les Ambaſſadeurs ayant
examiné la vaſte étenduë de
idce magnifique Bâtiment avec
( une attention digne de leur
curiofité , remercierent Mr le
Févre de la peine qu'il avoit
priſe desles conduire pendant
quatre jours en tant de lieux
differens , & luy dirent qu'ils
le felicitaient de l'honneur qu'il
Je
Ofe
دات
re
recevoit d'avoir tant de belles
chofesfousſa conduite , &d'appartenir
à un fi grand Maître.
Je nay crú vous devoir marquer
qu'une partie de ce qu'-
arls, dirent , en voyant tantde
par
D
S
214 Suite du Voyage
choſes ſurprenantes. Leurs
exclamations continuelles firent
voir leur continuelle ſurpriſe
; tout ce qu'ils virent
leur parut de plus beau en
plus beau , ils divent que
tant de merveilles leur faisoient
connoiſtre qu'il estoit impoſſible
de porter la magnificence au delà
de celle du Roy.
examiné la vaſte étenduë de
idce magnifique Bâtiment avec
( une attention digne de leur
curiofité , remercierent Mr le
Févre de la peine qu'il avoit
priſe desles conduire pendant
quatre jours en tant de lieux
differens , & luy dirent qu'ils
le felicitaient de l'honneur qu'il
Je
Ofe
دات
re
recevoit d'avoir tant de belles
chofesfousſa conduite , &d'appartenir
à un fi grand Maître.
Je nay crú vous devoir marquer
qu'une partie de ce qu'-
arls, dirent , en voyant tantde
par
D
S
214 Suite du Voyage
choſes ſurprenantes. Leurs
exclamations continuelles firent
voir leur continuelle ſurpriſe
; tout ce qu'ils virent
leur parut de plus beau en
plus beau , ils divent que
tant de merveilles leur faisoient
connoiſtre qu'il estoit impoſſible
de porter la magnificence au delà
de celle du Roy.
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Résumé : Remerciement des Ambassadeurs à Mr le Fevre, Intendant des Bastimens du Roy, [titre d'après la table]
Les Ambassadeurs ont visité divers lieux magnifiques pendant quatre jours, guidés par Monsieur le Fèvre. Ils l'ont remercié pour son dévouement et ont exprimé leur admiration pour les beautés appartenant à un grand maître. Ils ont conclu que la magnificence du Roi était inégalable.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 208-225
Particularitez touchant le Cap de Bonne-Esperance. [titre d'après la table]
Début :
Comme les Relations des mesmes endroits faites par divers Voyageurs [...]
Mots clefs :
Cap de Bonne-Espérance, Officiers, Montagne, Siam, Jésuites, Missionnaires, Le Cap, France, Lettre, Voile, Voyage, Dieu, Beau, Hollandais, Femmes, Animaux, Chemin, Soldats, Singes
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texteReconnaissance textuelle : Particularitez touchant le Cap de Bonne-Esperance. [titre d'après la table]
Comme les Relations des
mefmes endroits faites par
divers Voyageurs ont toûjours
quelque chofe de diffe
rent & que fouvent dans un
mefme Païs , les uns font des
remarques que les autres ne
fonr pas , & voyent des choles
pour lefquelles ces derniers
n'ont point de curiofité
, j'ay cru vous devoir encore
faire part d'une Lettre
qui eft tombée entre mes
GALANT. 2c9
mains , & qui eft fur le mefme
fujet que la precedente :
Quoy que la matiere n'en foit
pas nouvelles tout ne laiffera
pas d'en paroiftre nouveau .
Il ne vous fera pas difficile de
connoiftre qu'elle eſt d'un
des Peres Jefuites qui font
allez à Siam en qualité de
Miffionnaires..
ALABAYE DELA TABLE
au Cap de Bonne- Efpe--
rance , ce 24. Juin 1684
Uit jours aprés nostre départ
de Breft, ayant dou-
Hpar
blé le Cap de Finifterre , nous :
S
Novemb. 1687 .
210 MERCURE
effuyafmes une tempefte de deux
jours , qui nous mit en fi grand
danger, que noftre grand mast
eftant éclaté par le pied , on eut
recours auxprieres, en attachant
une Image de noftre Apoftre S.
Xavier , par l'interceffion du
quel nous fufmes garantis. J'a
voue que je me crus bien des fois
preft à perir. Aprés cet accident
nous eûmes une navigation affez
heureufe , & fans les Flûtes de
nostre Efcadre , Baftimens fort
difficiles à la voile , nous ferions
arrivez prés d'un mois plûtost ,
ronobftant quinze jours ou trois
femaines de calme ,fous la Ligne.
GALANT. 211
fait encore Ainfi nous aurions fait ·
plus de diligence qu'au premier
Voyage. Le retardement de nos
Fluftes , qui ne font point agreables
pour ces Voyages de long
cours , à caufe que pourfe conformer
à leur voilure on eft obligé
d'aller lentement, nousfaifoit
croire nofire voyage perdu pour
cette année; mais, graces à Dieu,
nous commençons à mieux efperer
, voila la moitié de noftre
courfe faite & mesme affez
doucement. Je fuis dans un bon
Vaiffeau , avec de tres - hon--
neftes gens. Dans le beau temps,
fur toutfous la Ligne , nous nous
Sij
212 MERCURE
rendifmes vifite de Bord à Bord.
M. desFarges eft venufouvent
nous voir. Nous avons beu
"
enfemble a vofire Santé fur
les Bords diftinguez , auffi bien
qu'avec M. Bruant. C'est un
homme de coeur , & qui paffe
pour une des meilleures Testes
que nous ayons parmy les Officiers
des Troupes . Le fejour du
Cap eft charmant , & l'établif
fement des Hollandois y eft parfaitement
beau. Tout y abende,
la chaffe , le poiffon , le bled , le
vin , les fruits , les legumes , les
beftiaux , belles eaux , beaux
Jardins, Habitans en fort grand
GALANT. 213
nombre, un Fort regulier de cing
Bions , & une quantité prodigieufe
de gibier . Mrs nos Officiers
en ont rapporté beaucoup
en quatre ou cinq fois qu'ils ont
efté à la Chaffe .Le Commandeur
du Fort,nomméVadeftes , amy des
François , leur fourniffoit quinze
on vingt Chevaux avec des
Chiens , & il y a eu une grande
déconfiture de Gibier. M du
Bruant qui a avancé dans les
terres , eft enchanté de ce Payslà.
La terre y eft admirable , les
moutons gros & grands comme
des Afnes & des Beufs , qui ont
cela de particulier qu'eftant at214
MERCURE
telez à des Chariots , ils vont
duffi vifte que les meilleurs chevaux
de Carroffe. Les Sauva
ges Outentos font les plus infames
& les plus laids de toute la
Terre habitable. On n'en a pas
affez dit dans toutes les Peintures
qu'on a faites d'eux.Ils vont tout
nuds ne fe couvrant que ce
que la nature apprend à cas
cher , & dans le froid ils fe fer
vent d'une peau de Mouton ou
d'Ours qu'ils mettent fur leurs
épaules comme un Manteau. Ils
fe frottent degraiffe huileufe
puante avec ducharbon pilé, &
ffoonntt.hhiiddeeuuxx à voir& àfenti
GALANT 215
·
Les Femmes ont dans leurs che
veux quifont comme de la laine
de Mouton , noirs & huileux
de leur vilaine graiffe puante ,
des coquillages & des jettons de
cuivre rouge. Elles entortillent
le gras de leursjambes de boyause
de toutes fortes d'Animaux, &
quand ils fontfecs , elles enfont
unregale à leurs Maris les bonnes
Feftes. Leurs Cazes font
baffes , couvertes de nattes de
jonc. Ellesfont fept ou buit femmes
avec un bomme dans ces
Cazes. Ils travaillent quelquefois
pour les Hollandois afin d'avoirdequoyfefaculer
, mais dés
216 MERCURE
qu'ilsfontfaouls , ils ne veulent
rienfaire. A douze ans les femmes
ont des enfans, & dés qu'ils
font nez, ils courent & grimpent
comme de plus grands enfans
. Je montay avant hier fur
la montagne de la Table , d'où
je vis omnia regna mundi .
Cette expedition est une folie ,
car il faut grimper de rocher en
rocher par des herbes ,
des herbes , par un
chemin le plus rode du monde .
Il fandroit eftre chevreau pour
bien monter fur cette affreuse.
montagne. Le chemin eft de
quatre ou cinq heures. Tout est
Rocplat fur la Table du cofté du
2
Nord.
GALANT
217
هللا
e font
Nord. Il y a furle Roc une ef
pece de
Marais , car ce ne
que joncs , & de l'eau . Le påffage
de la Mer du cofté du Nord
de l'Ifle
Robin , est
beaucoup
plus
grand que
l'autre par où
nous
fommes
entrez
dans la
Baye de la Table . Je vis une
plus belle Baye
plus
grande ,
paralelle
à celle de la Table . S'il
euft fait un plus beau jour , j'en
aurois tracé une Carte exacte ;
mais je ne pusfaire qu'un crayon
leger & à la haste . Dans de
certains momens je le
décriray
plus au net.
Ily auroit bien des chofes à
Novembre 1687 .
T
218 MERCURE
vous dire de ce Pays , fi le temps
me lepermettoit,auffi- bien que de
noftre occupation fur les Vaif
feaux. Nous y avons commencé
noftre Miffion par des Predications
frequentes aux Soldats &
aux Matelots. Les Officiers y
donnent un grand exemple, les
prieres y font reglées comme
dans un Seminaire . Tous les
jours au matin on fait la Priere,
& l'on dit plufieurs Mcffes.
Nous avons eu le bonheur de la
dire tous les jours , hors trois fois
le
que temps eftoit trop rude.
L'apréfmidy nous eftions trois à
faire le Catechisme dans trois
GALANT. 219
>
poftes differens. Sur les cing
heures l'on fait la Priere comme
dans tous les Vaiffeaux du Roy.
à huit heures on chante les
Litanies de la Sainte Vierge ,
l'on fait faire l'examen de
confcience ; aprés quoy nous
nous partageons par bandes pour
faire dire le Chapelet tout haut
aux Soldats & aux Matelots,
les Officiers fe mettent fouvent
de la partie, celafinit toujours
par un petit mot qui regarde le
falut. Le reste du temps eft employé
à l'Etude. Le Soir & le
matin nous avons fait une leçon
de Fortification & de Geometrie
Tij
220 MERCURE
&
aux Officiers aux Cadets qui
viennent écrire comme des Ecoliers.
On vient me demander
mes Lettres , car l'on met à la
Voile . Fauray l'honneur de
vous écrire dans quatre mois fi
Dieu nous continue un vent favorable.
L'on nous menace de
Mers fort rudes jufques à Bantam
; mais de Batavia à Siam ,
de fort belles. Dieu nousy conduife.
C'est par le Vaiffeau la Maligne
que l'on a trouvé à propos
de renvoyer en France , que je
vous écris. F'oubliois une circonftance
à vous remarquer affez
GALANT. 221
effentielle. C'eft que la Flûte le
Dromadaire qui dans la tem
pefte du Cap de Finisterre s'eftoit
Separée de noftre Efcadre fans
que nous l'avons pu réjoindre ,
arriva le 9. Juin au Cap deux
jours avant noftre Flotte. Les
Hollandois alarmez de cette
arrivée , avoient mis en déliberation
de ne leur point permettre
de mettre à terre leurs Malades ;
maispar le refpect qu'ils eurent
pour les Vaiffeaux de Sa Majefté
, la chofe fut accommodée
au contentement des uns & des
autres. L'on avoit befoin de
trouver un tel azile aprés une
Tiij
222 MERCURE
routefilongue, car les Equipages
& les Soldats eftoient malades »
l'air de la terre & les bonnes
nourritures les ont remis en
fort pett
de temps. Nous avons
laiffé le Pere de Chats au Cap
tombé malade depuis noftre dé
barquement. Il etoit defefpere
quand nous mifmes à la voile.
Ce feroit une grande perte que
ce faint Miffionnaire.
Je dois ajoûter icy qu'on
lit dans une autre Lettre écrite
par une perfonne qui a
auffi monté au haut de la
Montagne dont il eſt parlé
dans celle- cy , que ceux qui
GALANT. 223
,
avoient entrepris de monter
au fommer d'un lieu fi élevé ,
étant environ aux trois quarts
de la
Montagne entendirent
un fort grand bruit ;
& virent tomber des pier
res , qui paroiffoient plûtoft
être jettées,que tomber naturellement
. Ils s'arrefterent , &
demeurerent quelque temps
incertains s'ils acheveroient
leur voyage ; mais enfin la
fermeté Françoife l'emporta
fur la crainte , & ils pourfuivirent
leur chemin. Ils trouverent
au haut de ce lieu, un
fi grand nombre de Singes ,
Tiiij
224 MERCURE
qu'on peut dire qu'il y en
avoit une armée . Les Fran-:
çois commencerent â déliberer
s'ils tireroient fur
ces animaux , & peut- eftre
auroient-ils fait une décharge
fi l'un d'eux ne fe fuft
fouveņu , que quand les Singes
voyent leur fang , ils fe
jettent fur ceux qui les ont
bleffez , & que les autres , s'il
s'en trouve quelque nombre
, s'y jettent pareillement.
Les Singes fe retirerent en
faifant grand , bruit , & def
cendirent par un autre endroit
de la Montagne . On
GALANT. 225
trouva auffi fur le haut de
cette mefmeMontagne beaucoup
d'offemens de divers
Animaux .
mefmes endroits faites par
divers Voyageurs ont toûjours
quelque chofe de diffe
rent & que fouvent dans un
mefme Païs , les uns font des
remarques que les autres ne
fonr pas , & voyent des choles
pour lefquelles ces derniers
n'ont point de curiofité
, j'ay cru vous devoir encore
faire part d'une Lettre
qui eft tombée entre mes
GALANT. 2c9
mains , & qui eft fur le mefme
fujet que la precedente :
Quoy que la matiere n'en foit
pas nouvelles tout ne laiffera
pas d'en paroiftre nouveau .
Il ne vous fera pas difficile de
connoiftre qu'elle eſt d'un
des Peres Jefuites qui font
allez à Siam en qualité de
Miffionnaires..
ALABAYE DELA TABLE
au Cap de Bonne- Efpe--
rance , ce 24. Juin 1684
Uit jours aprés nostre départ
de Breft, ayant dou-
Hpar
blé le Cap de Finifterre , nous :
S
Novemb. 1687 .
210 MERCURE
effuyafmes une tempefte de deux
jours , qui nous mit en fi grand
danger, que noftre grand mast
eftant éclaté par le pied , on eut
recours auxprieres, en attachant
une Image de noftre Apoftre S.
Xavier , par l'interceffion du
quel nous fufmes garantis. J'a
voue que je me crus bien des fois
preft à perir. Aprés cet accident
nous eûmes une navigation affez
heureufe , & fans les Flûtes de
nostre Efcadre , Baftimens fort
difficiles à la voile , nous ferions
arrivez prés d'un mois plûtost ,
ronobftant quinze jours ou trois
femaines de calme ,fous la Ligne.
GALANT. 211
fait encore Ainfi nous aurions fait ·
plus de diligence qu'au premier
Voyage. Le retardement de nos
Fluftes , qui ne font point agreables
pour ces Voyages de long
cours , à caufe que pourfe conformer
à leur voilure on eft obligé
d'aller lentement, nousfaifoit
croire nofire voyage perdu pour
cette année; mais, graces à Dieu,
nous commençons à mieux efperer
, voila la moitié de noftre
courfe faite & mesme affez
doucement. Je fuis dans un bon
Vaiffeau , avec de tres - hon--
neftes gens. Dans le beau temps,
fur toutfous la Ligne , nous nous
Sij
212 MERCURE
rendifmes vifite de Bord à Bord.
M. desFarges eft venufouvent
nous voir. Nous avons beu
"
enfemble a vofire Santé fur
les Bords diftinguez , auffi bien
qu'avec M. Bruant. C'est un
homme de coeur , & qui paffe
pour une des meilleures Testes
que nous ayons parmy les Officiers
des Troupes . Le fejour du
Cap eft charmant , & l'établif
fement des Hollandois y eft parfaitement
beau. Tout y abende,
la chaffe , le poiffon , le bled , le
vin , les fruits , les legumes , les
beftiaux , belles eaux , beaux
Jardins, Habitans en fort grand
GALANT. 213
nombre, un Fort regulier de cing
Bions , & une quantité prodigieufe
de gibier . Mrs nos Officiers
en ont rapporté beaucoup
en quatre ou cinq fois qu'ils ont
efté à la Chaffe .Le Commandeur
du Fort,nomméVadeftes , amy des
François , leur fourniffoit quinze
on vingt Chevaux avec des
Chiens , & il y a eu une grande
déconfiture de Gibier. M du
Bruant qui a avancé dans les
terres , eft enchanté de ce Payslà.
La terre y eft admirable , les
moutons gros & grands comme
des Afnes & des Beufs , qui ont
cela de particulier qu'eftant at214
MERCURE
telez à des Chariots , ils vont
duffi vifte que les meilleurs chevaux
de Carroffe. Les Sauva
ges Outentos font les plus infames
& les plus laids de toute la
Terre habitable. On n'en a pas
affez dit dans toutes les Peintures
qu'on a faites d'eux.Ils vont tout
nuds ne fe couvrant que ce
que la nature apprend à cas
cher , & dans le froid ils fe fer
vent d'une peau de Mouton ou
d'Ours qu'ils mettent fur leurs
épaules comme un Manteau. Ils
fe frottent degraiffe huileufe
puante avec ducharbon pilé, &
ffoonntt.hhiiddeeuuxx à voir& àfenti
GALANT 215
·
Les Femmes ont dans leurs che
veux quifont comme de la laine
de Mouton , noirs & huileux
de leur vilaine graiffe puante ,
des coquillages & des jettons de
cuivre rouge. Elles entortillent
le gras de leursjambes de boyause
de toutes fortes d'Animaux, &
quand ils fontfecs , elles enfont
unregale à leurs Maris les bonnes
Feftes. Leurs Cazes font
baffes , couvertes de nattes de
jonc. Ellesfont fept ou buit femmes
avec un bomme dans ces
Cazes. Ils travaillent quelquefois
pour les Hollandois afin d'avoirdequoyfefaculer
, mais dés
216 MERCURE
qu'ilsfontfaouls , ils ne veulent
rienfaire. A douze ans les femmes
ont des enfans, & dés qu'ils
font nez, ils courent & grimpent
comme de plus grands enfans
. Je montay avant hier fur
la montagne de la Table , d'où
je vis omnia regna mundi .
Cette expedition est une folie ,
car il faut grimper de rocher en
rocher par des herbes ,
des herbes , par un
chemin le plus rode du monde .
Il fandroit eftre chevreau pour
bien monter fur cette affreuse.
montagne. Le chemin eft de
quatre ou cinq heures. Tout est
Rocplat fur la Table du cofté du
2
Nord.
GALANT
217
هللا
e font
Nord. Il y a furle Roc une ef
pece de
Marais , car ce ne
que joncs , & de l'eau . Le påffage
de la Mer du cofté du Nord
de l'Ifle
Robin , est
beaucoup
plus
grand que
l'autre par où
nous
fommes
entrez
dans la
Baye de la Table . Je vis une
plus belle Baye
plus
grande ,
paralelle
à celle de la Table . S'il
euft fait un plus beau jour , j'en
aurois tracé une Carte exacte ;
mais je ne pusfaire qu'un crayon
leger & à la haste . Dans de
certains momens je le
décriray
plus au net.
Ily auroit bien des chofes à
Novembre 1687 .
T
218 MERCURE
vous dire de ce Pays , fi le temps
me lepermettoit,auffi- bien que de
noftre occupation fur les Vaif
feaux. Nous y avons commencé
noftre Miffion par des Predications
frequentes aux Soldats &
aux Matelots. Les Officiers y
donnent un grand exemple, les
prieres y font reglées comme
dans un Seminaire . Tous les
jours au matin on fait la Priere,
& l'on dit plufieurs Mcffes.
Nous avons eu le bonheur de la
dire tous les jours , hors trois fois
le
que temps eftoit trop rude.
L'apréfmidy nous eftions trois à
faire le Catechisme dans trois
GALANT. 219
>
poftes differens. Sur les cing
heures l'on fait la Priere comme
dans tous les Vaiffeaux du Roy.
à huit heures on chante les
Litanies de la Sainte Vierge ,
l'on fait faire l'examen de
confcience ; aprés quoy nous
nous partageons par bandes pour
faire dire le Chapelet tout haut
aux Soldats & aux Matelots,
les Officiers fe mettent fouvent
de la partie, celafinit toujours
par un petit mot qui regarde le
falut. Le reste du temps eft employé
à l'Etude. Le Soir & le
matin nous avons fait une leçon
de Fortification & de Geometrie
Tij
220 MERCURE
&
aux Officiers aux Cadets qui
viennent écrire comme des Ecoliers.
On vient me demander
mes Lettres , car l'on met à la
Voile . Fauray l'honneur de
vous écrire dans quatre mois fi
Dieu nous continue un vent favorable.
L'on nous menace de
Mers fort rudes jufques à Bantam
; mais de Batavia à Siam ,
de fort belles. Dieu nousy conduife.
C'est par le Vaiffeau la Maligne
que l'on a trouvé à propos
de renvoyer en France , que je
vous écris. F'oubliois une circonftance
à vous remarquer affez
GALANT. 221
effentielle. C'eft que la Flûte le
Dromadaire qui dans la tem
pefte du Cap de Finisterre s'eftoit
Separée de noftre Efcadre fans
que nous l'avons pu réjoindre ,
arriva le 9. Juin au Cap deux
jours avant noftre Flotte. Les
Hollandois alarmez de cette
arrivée , avoient mis en déliberation
de ne leur point permettre
de mettre à terre leurs Malades ;
maispar le refpect qu'ils eurent
pour les Vaiffeaux de Sa Majefté
, la chofe fut accommodée
au contentement des uns & des
autres. L'on avoit befoin de
trouver un tel azile aprés une
Tiij
222 MERCURE
routefilongue, car les Equipages
& les Soldats eftoient malades »
l'air de la terre & les bonnes
nourritures les ont remis en
fort pett
de temps. Nous avons
laiffé le Pere de Chats au Cap
tombé malade depuis noftre dé
barquement. Il etoit defefpere
quand nous mifmes à la voile.
Ce feroit une grande perte que
ce faint Miffionnaire.
Je dois ajoûter icy qu'on
lit dans une autre Lettre écrite
par une perfonne qui a
auffi monté au haut de la
Montagne dont il eſt parlé
dans celle- cy , que ceux qui
GALANT. 223
,
avoient entrepris de monter
au fommer d'un lieu fi élevé ,
étant environ aux trois quarts
de la
Montagne entendirent
un fort grand bruit ;
& virent tomber des pier
res , qui paroiffoient plûtoft
être jettées,que tomber naturellement
. Ils s'arrefterent , &
demeurerent quelque temps
incertains s'ils acheveroient
leur voyage ; mais enfin la
fermeté Françoife l'emporta
fur la crainte , & ils pourfuivirent
leur chemin. Ils trouverent
au haut de ce lieu, un
fi grand nombre de Singes ,
Tiiij
224 MERCURE
qu'on peut dire qu'il y en
avoit une armée . Les Fran-:
çois commencerent â déliberer
s'ils tireroient fur
ces animaux , & peut- eftre
auroient-ils fait une décharge
fi l'un d'eux ne fe fuft
fouveņu , que quand les Singes
voyent leur fang , ils fe
jettent fur ceux qui les ont
bleffez , & que les autres , s'il
s'en trouve quelque nombre
, s'y jettent pareillement.
Les Singes fe retirerent en
faifant grand , bruit , & def
cendirent par un autre endroit
de la Montagne . On
GALANT. 225
trouva auffi fur le haut de
cette mefmeMontagne beaucoup
d'offemens de divers
Animaux .
Fermer
4
p. 53-105
ARTICLE BURLESQUE. SUITE DU PARALLELE d'Homere & de Rabelais.
Début :
J'ay cru que rien ne rendroit ce Parallele plus [...]
Mots clefs :
Homère, Rabelais, Comique, Sublime, Sujet, Éloquence, Auteur, Génie, Neptune, Beau, Idée, Paris, Vers, Paradoxe, Comparaison , Parallèle, Grandeur, Dieux, Sérieux, Combat, Tempête, Panurge, Pantagruel
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texteReconnaissance textuelle : ARTICLE BURLESQUE. SUITE DU PARALLELE d'Homere & de Rabelais.
ARTICLE BURLESQUE.
SUITE DV PARALLELE
d'Homere&de Rabelais.
*
J'Ay cru que rien ne
rendroit ce Parallele
plus amusantque d'y
mêler de petits contes,
dontle fond estdeRabelais;
mais que j'ai accommodez
de maniere
à pouvoir être lûs des
Dames,& à moins ennuyer
ceux qui ne sont
point afeZj erudits &
"affedwnnez^ Pentagruelistes,
poursavourer,
mâcher&remâcherjusqu'aux
moindres roga-*
tons, & avaler à longs
traits sa -desfuavitezRabelaisiennes
en faveur de
quelques grains de gros
sel,semez par ci par là,
ez., salmigondis & pots
pouris de Maître François.
Pour assortir, ou plûtôrpour
opposer à ces
contes, en trouverai
bien encor quelqu'un
dans Homere, mais je
respecte trop son grand
nom, pour oser rien
mettre du mien dans
ses ouvrages; à peine
ai-je osé retrancher une
bonne moitié du conte
du Cyclope, afin de
rendre l'autre moins
ennuyeuse.
: Pour oposer au grand
& au sublime du Poëte
grec, on trouvera
peut-être dans Maître
François quelques endroits
assez solides pour
faire avouer que Rabelais
cût mieux réussi
dans le sérieux, qu'Homere
n'a réussi dans le
comique, & de là je
prendrai occasion d'avancer
quelques propositions
qui seroient
hardies, téméraires,ridicules
même si on les
avançoit sérieusement,
& dont je n'ose prouver
laveritéqu'en plaisantant;
je les proposeray
donc d'abord
comme des Paradoxes
badins ; tcbadinageaT
cela de bon qu'il peut
éclaircir certaines veritez
qu'une dispute serieuse
ne seroit qu'obscurcirjlcbadinageaencore
cet avanta ge sur la
dispute, qu'au lieud'attirerla*
colere des difputcurs
graves, il n'en
attire qu'un fîlencedédaigneux
, & c'es en
être quitte à bon marché
j car la force des raisonnemens
ne fait que
les irriter au lieu de les
convaincre.
La prévention s'irrite
par la resistance, cest un
animal feroce qu'Homere
eut comparé àun
Taureau furieux
J
qui
parcourant les njaftes
campa?nes de la Lybie,
d'autre but dans sa
fureur que de heurtertête
baiJJie) & de renverser
IÙS plus fortsanimaux
qui oseront l'attaquer
de front.
C'est ainsi que dans
les vastes ambiguitez
dela dispure,les plus
fortes raisons ne tiennent
point contre la
prévention.
Comparons à present
le badinage à l'Abeille
legere, qui voltige en
folâtrant autour de ce
Taureau furieux; elle
badine en fureté entre
ses cornes, lepique legerement,
il ne fait que
secoücr l'oreille,autre
coup d'aiguillon qu'il
méprise, il ne voit point
d'ennemy, cependant
la mouche le pique, ses
piquûres sontlegeres:
maisc11es sontréïterées,
la mouc he se porte avec
agilité par tous les endroits
sensibles, les piqueures
redoublent,il
commence à s'irriter,
se ne voyant à qui s'en
prendre, il tourne sa
colerecontrelui- même,
il s'agite,ilse mord,il
se tourmente, &enfin
il s'épuise,s'affoiblit&
tombe. Procumbithumi
Bos.
Nôtre comparaison
nous a fortéloignez de
nostresujet:tant mieux,
elle n'en est que plus
Homerienne,s'il y a
quelque chose de faux
dans l'application, tant
mieux encore. Homere
est un modele qu'il faut
imiter : ses comparaisons
sont longues, fausses
& semblables les
unes aux autres, il n'importe;
c'est toûjours le
second &C le parfait
Homere.
Les comparaisons de
Rabelais sont plus variées,
plus justes,mais
elles ne sont pas
moins allongées, & la
plûpart sont si basses,
qu'àcet égard ilfaut
bien pour l'honneur du
goût donner la préferenceau
Prince des
Poëtes.
Avantcettedigression
j'ay promis,à propos
d'Homere & de Rabelais
, d'avancer pour rire
quelques proportions
étonnantes, le
premier de ces Paradoxes
c'est :
Qu'il faut pins d'étendue
d'esprit & peutcireplus
d'élévationpour
exceller dans le beau comique
, qu'il n'en faut
pour réussir dansle serieux.
Cette proposition va
révolter d'abord ceux
qui prévenus par refpcâ
pour tout ce qui
a l'air sérieux:
admirent en baillant
un ennuyeux tragique,
Et riant d'une Jjlgne's,
méprisentlecomique.
Le
Le second Paradoxe,
e'est. Que les plus excellentes
piecesserieuses
font mêlées d'excellent
comique
, & par consesquent
qu'un Authtur ne
peut excellerdans lesérieuxy
s'iln'a du talent
pour le comique.r
On trouveroitdans
tous; les siecles, 8cmême
dans lenôtrçxque
les plus grands genies
ont mêlé du winique,
dans leurs ouvrages SC
dans leurs discours,&
les genies mediocres
dérogent même quelquefois
aux prérogatives
de leur gravité,
pour hazarder d'être
plaisans; j'en ai vû s'arrêter
tout court, par
vanité, s'appercevant
qu'ils plaisantoient de
mauvaise grace, & se
déchaîner le moment
d'après contre le meilleur
genre de plaisanterie.
-
Toi qui debite gravement
Tafademédisance,
Caustique par tempec.
ramment,
Serieuxparprudence,
Tumtprifes d'un hon
r, plaisant
La comique élegance,
Comme un gouteux foi- ble&pesant
Mépriseroit la danse.
Les Vers ci-dejjus peuvent Je
chanter sur l'AirdeJÓconde.
Avantque d'avancer
mon troisiéme Paradoxe
,
il faudroit avoir
bien défini le mot de
comique, & celui de subhme
y &C aprés celà
même il seroitpeut-être
encor ridicule de
dire:Quenon-seulement
lè Jubltmerieft pas incompatibleavec<
li\comiqu^
ymais,qmlpssd-J
avoir dans certain comiquedestraitssuperieurs
ausublimeserieux. Voila
unepropositionétonnante,
par rapport à l'idée
qu'on a du sublimc,
que je définirois
volontiers, laperfection
dans le grand : mais on
peut en donner encor
d'autres définitions,&
c'est ce qui nous meneroit
trop loin, il faudroit
trop1 de temps
pourdonneràces trois
Paradoxes toutes les ex*
plications& modifications
qui pourroient
les rendre sérieusement
vrayes > c'est ce que
j'entreprendrai peutêtre
quelque jour,sij'ai
le loisir de mettre en
oeuvre les reflexions
que j'ai faites sur les
fesses idées qu'on a du
sublime, du sérieux &
du comique; contentons-
nous ici de badiner
sur nôtre dernier Paradoxe,
qui nous donnera
occasion de comparer
quelques mor-*
ceaux des deux Autheurs,
dont jecontinuë
le Parallele.
Pour parler selon les
idées communes, disons
: que le comique
nest point sublimepar
lui-mesme
,
mais qu'il
peut renfermer des sens
& des veritez sublimes,
& c'est pour sçavoir
renfermer ces grandes
veritez dans le comique,
qu'il faut un genie
tres étendu.
Ilenfaut moins,par
exemple, pour soûtenirune
morale sublime
par des expressions
fortes & nobles, qui lui
font propres, que pour
la traitter comiquement,
sansl'affoiblir,
&:. sans la dégrader.
Il est'vray que le genre
serieux est plus grand
par luy-même que le
sgaennsre comique, iltient
doute le premier
rang, mais il n'y a point.
au
au Parnasse de ceremonial
qui donne le pas a un Autheur sérieux
surun comique. Ilest
plus grand parexemple,
de traitter la guerre
de Troye ,causée
par lenlevement d'une
Princesse, que la guerre
causéepar l'enlevement
d'un Seau, La
sequi à rapita,mais cette
grandeur est dans le
sujet, & non dans TAutheur
qui le traitte.,8c
celui qui daps le Poème
del'enlevement d'un
Seau, feroit entrer les
idées les plushéroïques
, feroit sansdoute
un plus grand genie"
que celui à qui la grandeur
du sujet fournit
naturellement de grandes
idées.
On ne peut pas soûtenirqu'ily
ait quantité
de hautes idées renfermées
dans le comique
de Rabelais, mais
on prouveroit peut- être
qu'Homere doit une
bonne partie deson sublime
à la grandeurde
son sujet.; ?;!> JU ;
.,' La bassesse des sujets
que Rabelais à traitez
auroit sait tomber son
ouvrage,s'iln'avoit pas étésoustenu par: des
partiesexcellentes;
L'élévation Se lrrraportance
du sujet de
rmiadercûcsoustenuë
qu^îidniémeil yauroit
eu moins de beautez
quon,ny en trouve.
Nous voyons clairementpar
la connolt:
sance dusiecle où Rabelais
avescu, que la
plûpart de ses expressiós
fortes&naïves lui font
propres a lui seul.
Mais les sçavans sans
prévention avouent
-qu:on- neconnoist pas
assez le siecle d'Homere
pour sçavoirenquoi
il dl original:ceuxqui
connoissent le genie
oriental croiront plustost
que ses expressions
nobles& figurées, que
ses comparaisons magnifiques,&
mesme la
pluspart de sesideés
Poëtiques pouvoient
estreaussi communes
aux Grecsde son temps
que les proverbes sensez
le sont à Paris parmi
le peu ple.
Al'égard du sublime
de Rabelais, il faut convenir
qu'il est bien malâisé
de l'appercevoirà
travers le bascomique,
dont il est offusqué, il
dit en parlant de la
Loy comrnentée & embrouillée
par nos Juris-
Confulres
, que c'est
une belle robe à fondd'or
brodée de crote
: j'en dirois
autant de son sublime
,
qu'on me passe
ce mot en attendant
la définition : Mais appellez
comme il vous
plaira l'idée qu'il donne.
de la vraye & naturelle
Eloquence, par la décision
de Pcntagruel
sur le verbiage du li-,
centié, il paroit qu'elle
fit excellente: en voici
l'idée en abbregé.
LAVRAYE ELOQUENCE.
1 uN jour Penragruel
rencontra certainLice-nti.é,,
non autrement sçavant es;
sciences de son métier de
Docteur:mais en recompense
sçachant tres-foncicierement
danser & joüer
à la paume,lequel donc
rencontrépar Pentagruel,
fut interrogé d'où il venoit
5
& luy répondit,je
liens de l'urbe&citécelebrisjimt
quevulgairement onvocite
Lutece.Qu'est-ce à dire,
dit Pentagruel
,
à son truchementordinaire?
je suis
tout ebahi de tel jargon.
C'efc, répond letruchemenrjqu'il
vient de Paris:
Hé,reprit Pentagruel,.
à quoy passez-vous le
temps à Paris vous autres
licentiez^Nflw^repondit le
Licentié
, en nos occupations
dit: Quel diable de langa
ge est-cecy ? Ce nest que latinécorché, dit le Truchement,
& luy semble
qu'il est éloquent Orateur,
pource qu'ildédaigne
l'usance commune de
parler: or le Licentié
croyant que l'étonnement
Se ébahissement dePentagruel
venoit pour admirer
la haute beauté de cette
élocution, se reguinda encore
plus haut &: plus obleur,
si que par longueur
de periodes,poussa patience
à bout. Parbleu, dità
part-foi Pentagruel,je tapprendrai
quelle est vraie Se
naturelle éloquence ;puis
demadaauLicêciédequel
païs il étoit, à quoy répond
ainsi le Licencié.L'illustre
&honoriferantepropagation
demesaves&ataves, tire
son origine primordiale des
Régions Limosiniennes.J'entens
bien, dit Pentagruel,
tu n'es qu'un Limosin de
Limoge, & tu veux faire
5 le Demosthenes de Grece;
Or viens-cà que je te donne
un tour de peigne, lors
le prit à la gorge,disant :
tu écorches le Latin, moy
j'écorcheray le latiniseur,
si fort lui serroit la gorge
que le pauvre Limosin
commence à crier en Limosin,
vée Dicou Gentil.
latre : Hosaint Marsau !
secourami,bau,bau, laisias k
qu'ou AU nom de Dtous
y
dm
ne me tou cas grou.Ah5 dit
Pentagruel en le laissant ;
voila comment je te voulois
remettre en droit chemin
de vraye éloquence;
car à cette, heure viens-tu
de p, rler comme nature,
&, grand biente fasse icelle.
corrp&ion,-v.
Quoique je trouve
dans; cette;idéeune e fpece
de sublime, je ne
le. compareraipas sans
doute,à ce sublime
d'Homere, dans son
Vingtième Livre,oùil
Ïaicporter ainsiJupiter fàcNrëeibptluéendee4s'aDniseTuxA/tsembléedesDieux,
- '.i! r
Je vaisdonc m'asseoir
sur le sommet de l'Olimpe,
ôcregarder le combat :
mais pour vous autres vous
pouvez descendre,& prendre
ouvertement le party
deceux quevous favorilez,
car si Achille attaque
seullesTroyens,ils ne le
soûtiendront pas un moment
:comment le soû-
,tiendroient-ils aujourd'hui
qu'il est armé ,ôc que là
valeur est encoreaiguisée
par la douleur qu'il a de
la
mort de son amy J
qu'-
hier le voyant mêmesans
armes, ils furent remplis
/deterreur^,ôc..,
- E.î:n(.fuiteHomr ere fait
descendre les Dieux de
YOUmpC) qui animant
les troupes des deuxpartisye.
ng,agIentldfbataille, &se mêlenteux-mêmes
days le combat.
En cet endroit -je
quitte lebadinage par
respect, non pour la reputationseule
d'Homere,
mais pour la grandeur,
la majesté&l'élévation
de sa PoëGe;
quel genie! Se avec
quel art inceresse-t-il
icileCiel, la terre &
toute la nature au grad
fpe&acle qu'ilvanous
donner?il nous forceà
nousy interesser nousmêmes;&
voilal'effet
dusublime.
Pédantcecombat,continué
Homere, le Souverainmaître
des Dieux
tonne du haut duCiel,
'& Neptune élevant ses
flots ébranle laterre,
lescimes du Mont Ida
tremblent jusques dans
leurs
leursfondemens,Troye,
le champ de bataille&
les vaisseaux sontagitez.
par des secousses
violentes,le Roy; des
Enfers, épouvanté au
fond de son Palais, s'élance
de son Trône, &
s'écrie de toute sa force
dans la frayeur où il
est, que Neptune, d'un
coup de son Trident,
n'entrouvre laTerre
qui couvre les ombres,
&, qiie cet affreux séjour,
demeure éternelle
des tenebres & de la
mort, abhorré des Hommes8£
craint même des
Dieux,nereçoive pour
la premiere fois la lumiere,&
ne paroisse à
découvert, si grand eil
le bruit que font ces
Dieux, qui marchent
trleess/unsilco'rn*tre les au- ab-quor
Apollon armé detous
ses traits, attaque Neptune
; Minerves'oppose
à Mars, Diane
marche contre Junon,
mais Achille n'en
veut qu'à Hector, il le
cherche dans la mêlée,
impatient de verser le
fang deceHeros,sous
les yeux même du Dieu
Mars qui le protege.
Voila du beau, du
grand, il se fait sentir
par luy-même, il n'a
pasbesoin de Cõmentaire,
comme mille autres
endroits des anciens
Autheurs, qui ne
sont beaux qu'à proportion
de la creduliré
de ceux qui veulent
bien se prester aux. décisionsdes
Commentateurs.
Comparonsàpresent
., deux tableaux de nos
deux Autheurs sur le
même sujet, ils veulent
runU. l'autre representer
unetempeste..
,
Tout ~~p~
en peinture, en mufiqne,
En prose comme en vers.
sérieux ou comique,
Tempeste de Rubens;.
tempefle de Rablais,
jMrwe du grand Poëte
tragique*.
L'on pourroit comparer
la tempeste heroïque,.
Ala tempeste de Ma, -rais.
Ces vers sepeuvent chanter fit- PairdeJoconde.
TEMPESTE
DE
RABELAIS.
EN. nôtre nauf étions
avec Pentagruel le bon,
joyeusementtranquiles,&
étoit la mer tranquillement
triste; car Neptune
en son naturel est melancolique
& fonge-creux
pource qu'il est plus flegmatique
que sanguin.
Bonasse traîtreuse nous
invitoit à molle oisiveté
>1
ôc oisiveté nous invitoit à
boire,or à boisson vineuse
mêlions saucisses,boutargue
& jambons outrement
salez,pour plus vcu
luptueufement faire sentir,
& contraster suavité
nectarine ,douce non
comme,mais plus que lait.
O que feriez mieux, nous
cria le pilote au lieu d'icelles
salinesmangerviandes
douces,pource qu'incontinent
ne boirez peutêtreque
trop salé ; ce que
disoitlepilote par pronom
c::1:
stication; car pilotes ainsi
que chats en goutieres,
fleurent par instincpluyes
& orages.
Et de fait le beau
clair jour qui luisoit perdant
peu à peu sa transparence,
lumineuse
,
devint
d'abord comme entre
chien & loup,puis brun,
obscur, puis presquenoir,
puis si noir,si noir que
fumes saisis de mal peur;
* car autrelumiere n'éclaira
plus nos faces blêmes
&effrayées, que lueurs
d'éclairsfulminantspar
'Tecrevements
de flambantes
nuées, avec millions
de tonnerres tonigrondants
sur tous les tons
&intonations des orgues
de Jupin, les pedales ,
pou, dou ,dou
,
dou3
icy cromornes,Ton, ron,
ron ) ron &C cla
,
cla y
cla
,
clacla
,
misericorde
, crioit Panurge; détournez
l'orage, Tonnez
les cloches, mais cloches
ne sonnerent ,car en
avoit pour lors: voilà
tout en feu, voilà tout en
eau, bourasques de vents,
fiflemens horrifiques, ce1
la fait trois élements
dont de chacun , trop a-
Ivioiis n'y avoit que terre
qui nous manquoit,si
non pourtant que fondrieres
marines furent si
profondes,qu'en fin fond
d'abîmes ouverts eût-on
pu voir,harangs sur sable
-&C moruës engravées, or
'-du fio,nd d'iceuxabysmes r
vagues montoient aux
nuës
,
& d'icelles nûës.
fc precipitoient comme
torrents , montagnes
d'eau, foy disant vagues,
desquelles aucunes
tombant sur la nauf, Panurge
, qui de frayeur
extravaguoit, disoit ho
ho ho, quelle pluye estce
cy 5 vit-on jamais
pleuvoir vagues toutes
brandies: helas,helas
be be be be, , je nage, bou
bou bou bou, ha maudit
cordonnier, mes souliers
prennent l'eau par
le colet de mon pourpoint.
Ha que cette boit:
son est amere ! hala,
hola
,
je n'ay plus soif.
Te tairas - tu ?
crioit
Frere Jean, & viens
plustost nous aider à
manouvrer ,
où sont
nos boulingues
,
noftrc
trinquet est avau l'eau,
amis à ces rambades
Enfans, n'abandonnons,
le tirados, à moy, à moy.
Par icy, par la haut ,
par là bas.
Viens donc, Pcanurge,
viens, ventre de solles,
viens donc. Hé! ne jurons
point, disoit piteusement
Panurge, ne ju.
rons aujourd'huy, mais
demain tant que tu voudras
,
il est maintenant
heure de faire voeux,Se
promettre pelerinages :
ha ha
,
ha ha, ho ho
ho , ho, je nage, bou bi,
bou bous, sommes-nous
au fond? Ah je me
meurs! mais viens donc
icy nous aider, crioit
Frere Jean, au lieu de
moribonder,met la main
à l'estaransol
, gare la
pane, hau amure, amure
bas , peste soit du
pleurard qui nous est
nuisible au lieu de nous
aider. Ha! oüy oüy oüy,
reprenoit Panurge,vous
fuis nuisible
, mettezmoy
donc à terre afin
que puissiez à l'aise manouvrer
tout vostre soul-
Or icelle tempeste
ou tourmente, ou tourmentante
,comme voudrez
, commença à prendre
fin à force de durer,
comme toutes choses
mondaines: terre, terre,
cria le Pilote,& jugez
bien quelle jubilation
senfUlVlt
, a quoy prit
la plus forte part le
craintif Panurge, qui
defeendant le premier
sur l'arene,disoit,ôtrois
& quatre fois heureux.
Jardinier qui plante
choux, car au moins a-til
un pied sur terre, &
l'autre n'en est esloigné
que d'un fer de besche.
Or remettons tempeste
d'Homere à la pro- „ chaine mercuriale ainsi
que plusieurs autres bribes
des deux Autheurs
que nous paralelliferons
par maniere de passetemps
Rabelaisien, & -
non dogmatiquement ,
chose que- trop repeter
ne puis ; car pires sourds
n'y a que ceux qui ne
veulent point entendre.
SUITE DV PARALLELE
d'Homere&de Rabelais.
*
J'Ay cru que rien ne
rendroit ce Parallele
plus amusantque d'y
mêler de petits contes,
dontle fond estdeRabelais;
mais que j'ai accommodez
de maniere
à pouvoir être lûs des
Dames,& à moins ennuyer
ceux qui ne sont
point afeZj erudits &
"affedwnnez^ Pentagruelistes,
poursavourer,
mâcher&remâcherjusqu'aux
moindres roga-*
tons, & avaler à longs
traits sa -desfuavitezRabelaisiennes
en faveur de
quelques grains de gros
sel,semez par ci par là,
ez., salmigondis & pots
pouris de Maître François.
Pour assortir, ou plûtôrpour
opposer à ces
contes, en trouverai
bien encor quelqu'un
dans Homere, mais je
respecte trop son grand
nom, pour oser rien
mettre du mien dans
ses ouvrages; à peine
ai-je osé retrancher une
bonne moitié du conte
du Cyclope, afin de
rendre l'autre moins
ennuyeuse.
: Pour oposer au grand
& au sublime du Poëte
grec, on trouvera
peut-être dans Maître
François quelques endroits
assez solides pour
faire avouer que Rabelais
cût mieux réussi
dans le sérieux, qu'Homere
n'a réussi dans le
comique, & de là je
prendrai occasion d'avancer
quelques propositions
qui seroient
hardies, téméraires,ridicules
même si on les
avançoit sérieusement,
& dont je n'ose prouver
laveritéqu'en plaisantant;
je les proposeray
donc d'abord
comme des Paradoxes
badins ; tcbadinageaT
cela de bon qu'il peut
éclaircir certaines veritez
qu'une dispute serieuse
ne seroit qu'obscurcirjlcbadinageaencore
cet avanta ge sur la
dispute, qu'au lieud'attirerla*
colere des difputcurs
graves, il n'en
attire qu'un fîlencedédaigneux
, & c'es en
être quitte à bon marché
j car la force des raisonnemens
ne fait que
les irriter au lieu de les
convaincre.
La prévention s'irrite
par la resistance, cest un
animal feroce qu'Homere
eut comparé àun
Taureau furieux
J
qui
parcourant les njaftes
campa?nes de la Lybie,
d'autre but dans sa
fureur que de heurtertête
baiJJie) & de renverser
IÙS plus fortsanimaux
qui oseront l'attaquer
de front.
C'est ainsi que dans
les vastes ambiguitez
dela dispure,les plus
fortes raisons ne tiennent
point contre la
prévention.
Comparons à present
le badinage à l'Abeille
legere, qui voltige en
folâtrant autour de ce
Taureau furieux; elle
badine en fureté entre
ses cornes, lepique legerement,
il ne fait que
secoücr l'oreille,autre
coup d'aiguillon qu'il
méprise, il ne voit point
d'ennemy, cependant
la mouche le pique, ses
piquûres sontlegeres:
maisc11es sontréïterées,
la mouc he se porte avec
agilité par tous les endroits
sensibles, les piqueures
redoublent,il
commence à s'irriter,
se ne voyant à qui s'en
prendre, il tourne sa
colerecontrelui- même,
il s'agite,ilse mord,il
se tourmente, &enfin
il s'épuise,s'affoiblit&
tombe. Procumbithumi
Bos.
Nôtre comparaison
nous a fortéloignez de
nostresujet:tant mieux,
elle n'en est que plus
Homerienne,s'il y a
quelque chose de faux
dans l'application, tant
mieux encore. Homere
est un modele qu'il faut
imiter : ses comparaisons
sont longues, fausses
& semblables les
unes aux autres, il n'importe;
c'est toûjours le
second &C le parfait
Homere.
Les comparaisons de
Rabelais sont plus variées,
plus justes,mais
elles ne sont pas
moins allongées, & la
plûpart sont si basses,
qu'àcet égard ilfaut
bien pour l'honneur du
goût donner la préferenceau
Prince des
Poëtes.
Avantcettedigression
j'ay promis,à propos
d'Homere & de Rabelais
, d'avancer pour rire
quelques proportions
étonnantes, le
premier de ces Paradoxes
c'est :
Qu'il faut pins d'étendue
d'esprit & peutcireplus
d'élévationpour
exceller dans le beau comique
, qu'il n'en faut
pour réussir dansle serieux.
Cette proposition va
révolter d'abord ceux
qui prévenus par refpcâ
pour tout ce qui
a l'air sérieux:
admirent en baillant
un ennuyeux tragique,
Et riant d'une Jjlgne's,
méprisentlecomique.
Le
Le second Paradoxe,
e'est. Que les plus excellentes
piecesserieuses
font mêlées d'excellent
comique
, & par consesquent
qu'un Authtur ne
peut excellerdans lesérieuxy
s'iln'a du talent
pour le comique.r
On trouveroitdans
tous; les siecles, 8cmême
dans lenôtrçxque
les plus grands genies
ont mêlé du winique,
dans leurs ouvrages SC
dans leurs discours,&
les genies mediocres
dérogent même quelquefois
aux prérogatives
de leur gravité,
pour hazarder d'être
plaisans; j'en ai vû s'arrêter
tout court, par
vanité, s'appercevant
qu'ils plaisantoient de
mauvaise grace, & se
déchaîner le moment
d'après contre le meilleur
genre de plaisanterie.
-
Toi qui debite gravement
Tafademédisance,
Caustique par tempec.
ramment,
Serieuxparprudence,
Tumtprifes d'un hon
r, plaisant
La comique élegance,
Comme un gouteux foi- ble&pesant
Mépriseroit la danse.
Les Vers ci-dejjus peuvent Je
chanter sur l'AirdeJÓconde.
Avantque d'avancer
mon troisiéme Paradoxe
,
il faudroit avoir
bien défini le mot de
comique, & celui de subhme
y &C aprés celà
même il seroitpeut-être
encor ridicule de
dire:Quenon-seulement
lè Jubltmerieft pas incompatibleavec<
li\comiqu^
ymais,qmlpssd-J
avoir dans certain comiquedestraitssuperieurs
ausublimeserieux. Voila
unepropositionétonnante,
par rapport à l'idée
qu'on a du sublimc,
que je définirois
volontiers, laperfection
dans le grand : mais on
peut en donner encor
d'autres définitions,&
c'est ce qui nous meneroit
trop loin, il faudroit
trop1 de temps
pourdonneràces trois
Paradoxes toutes les ex*
plications& modifications
qui pourroient
les rendre sérieusement
vrayes > c'est ce que
j'entreprendrai peutêtre
quelque jour,sij'ai
le loisir de mettre en
oeuvre les reflexions
que j'ai faites sur les
fesses idées qu'on a du
sublime, du sérieux &
du comique; contentons-
nous ici de badiner
sur nôtre dernier Paradoxe,
qui nous donnera
occasion de comparer
quelques mor-*
ceaux des deux Autheurs,
dont jecontinuë
le Parallele.
Pour parler selon les
idées communes, disons
: que le comique
nest point sublimepar
lui-mesme
,
mais qu'il
peut renfermer des sens
& des veritez sublimes,
& c'est pour sçavoir
renfermer ces grandes
veritez dans le comique,
qu'il faut un genie
tres étendu.
Ilenfaut moins,par
exemple, pour soûtenirune
morale sublime
par des expressions
fortes & nobles, qui lui
font propres, que pour
la traitter comiquement,
sansl'affoiblir,
&:. sans la dégrader.
Il est'vray que le genre
serieux est plus grand
par luy-même que le
sgaennsre comique, iltient
doute le premier
rang, mais il n'y a point.
au
au Parnasse de ceremonial
qui donne le pas a un Autheur sérieux
surun comique. Ilest
plus grand parexemple,
de traitter la guerre
de Troye ,causée
par lenlevement d'une
Princesse, que la guerre
causéepar l'enlevement
d'un Seau, La
sequi à rapita,mais cette
grandeur est dans le
sujet, & non dans TAutheur
qui le traitte.,8c
celui qui daps le Poème
del'enlevement d'un
Seau, feroit entrer les
idées les plushéroïques
, feroit sansdoute
un plus grand genie"
que celui à qui la grandeur
du sujet fournit
naturellement de grandes
idées.
On ne peut pas soûtenirqu'ily
ait quantité
de hautes idées renfermées
dans le comique
de Rabelais, mais
on prouveroit peut- être
qu'Homere doit une
bonne partie deson sublime
à la grandeurde
son sujet.; ?;!> JU ;
.,' La bassesse des sujets
que Rabelais à traitez
auroit sait tomber son
ouvrage,s'iln'avoit pas étésoustenu par: des
partiesexcellentes;
L'élévation Se lrrraportance
du sujet de
rmiadercûcsoustenuë
qu^îidniémeil yauroit
eu moins de beautez
quon,ny en trouve.
Nous voyons clairementpar
la connolt:
sance dusiecle où Rabelais
avescu, que la
plûpart de ses expressiós
fortes&naïves lui font
propres a lui seul.
Mais les sçavans sans
prévention avouent
-qu:on- neconnoist pas
assez le siecle d'Homere
pour sçavoirenquoi
il dl original:ceuxqui
connoissent le genie
oriental croiront plustost
que ses expressions
nobles& figurées, que
ses comparaisons magnifiques,&
mesme la
pluspart de sesideés
Poëtiques pouvoient
estreaussi communes
aux Grecsde son temps
que les proverbes sensez
le sont à Paris parmi
le peu ple.
Al'égard du sublime
de Rabelais, il faut convenir
qu'il est bien malâisé
de l'appercevoirà
travers le bascomique,
dont il est offusqué, il
dit en parlant de la
Loy comrnentée & embrouillée
par nos Juris-
Confulres
, que c'est
une belle robe à fondd'or
brodée de crote
: j'en dirois
autant de son sublime
,
qu'on me passe
ce mot en attendant
la définition : Mais appellez
comme il vous
plaira l'idée qu'il donne.
de la vraye & naturelle
Eloquence, par la décision
de Pcntagruel
sur le verbiage du li-,
centié, il paroit qu'elle
fit excellente: en voici
l'idée en abbregé.
LAVRAYE ELOQUENCE.
1 uN jour Penragruel
rencontra certainLice-nti.é,,
non autrement sçavant es;
sciences de son métier de
Docteur:mais en recompense
sçachant tres-foncicierement
danser & joüer
à la paume,lequel donc
rencontrépar Pentagruel,
fut interrogé d'où il venoit
5
& luy répondit,je
liens de l'urbe&citécelebrisjimt
quevulgairement onvocite
Lutece.Qu'est-ce à dire,
dit Pentagruel
,
à son truchementordinaire?
je suis
tout ebahi de tel jargon.
C'efc, répond letruchemenrjqu'il
vient de Paris:
Hé,reprit Pentagruel,.
à quoy passez-vous le
temps à Paris vous autres
licentiez^Nflw^repondit le
Licentié
, en nos occupations
dit: Quel diable de langa
ge est-cecy ? Ce nest que latinécorché, dit le Truchement,
& luy semble
qu'il est éloquent Orateur,
pource qu'ildédaigne
l'usance commune de
parler: or le Licentié
croyant que l'étonnement
Se ébahissement dePentagruel
venoit pour admirer
la haute beauté de cette
élocution, se reguinda encore
plus haut &: plus obleur,
si que par longueur
de periodes,poussa patience
à bout. Parbleu, dità
part-foi Pentagruel,je tapprendrai
quelle est vraie Se
naturelle éloquence ;puis
demadaauLicêciédequel
païs il étoit, à quoy répond
ainsi le Licencié.L'illustre
&honoriferantepropagation
demesaves&ataves, tire
son origine primordiale des
Régions Limosiniennes.J'entens
bien, dit Pentagruel,
tu n'es qu'un Limosin de
Limoge, & tu veux faire
5 le Demosthenes de Grece;
Or viens-cà que je te donne
un tour de peigne, lors
le prit à la gorge,disant :
tu écorches le Latin, moy
j'écorcheray le latiniseur,
si fort lui serroit la gorge
que le pauvre Limosin
commence à crier en Limosin,
vée Dicou Gentil.
latre : Hosaint Marsau !
secourami,bau,bau, laisias k
qu'ou AU nom de Dtous
y
dm
ne me tou cas grou.Ah5 dit
Pentagruel en le laissant ;
voila comment je te voulois
remettre en droit chemin
de vraye éloquence;
car à cette, heure viens-tu
de p, rler comme nature,
&, grand biente fasse icelle.
corrp&ion,-v.
Quoique je trouve
dans; cette;idéeune e fpece
de sublime, je ne
le. compareraipas sans
doute,à ce sublime
d'Homere, dans son
Vingtième Livre,oùil
Ïaicporter ainsiJupiter fàcNrëeibptluéendee4s'aDniseTuxA/tsembléedesDieux,
- '.i! r
Je vaisdonc m'asseoir
sur le sommet de l'Olimpe,
ôcregarder le combat :
mais pour vous autres vous
pouvez descendre,& prendre
ouvertement le party
deceux quevous favorilez,
car si Achille attaque
seullesTroyens,ils ne le
soûtiendront pas un moment
:comment le soû-
,tiendroient-ils aujourd'hui
qu'il est armé ,ôc que là
valeur est encoreaiguisée
par la douleur qu'il a de
la
mort de son amy J
qu'-
hier le voyant mêmesans
armes, ils furent remplis
/deterreur^,ôc..,
- E.î:n(.fuiteHomr ere fait
descendre les Dieux de
YOUmpC) qui animant
les troupes des deuxpartisye.
ng,agIentldfbataille, &se mêlenteux-mêmes
days le combat.
En cet endroit -je
quitte lebadinage par
respect, non pour la reputationseule
d'Homere,
mais pour la grandeur,
la majesté&l'élévation
de sa PoëGe;
quel genie! Se avec
quel art inceresse-t-il
icileCiel, la terre &
toute la nature au grad
fpe&acle qu'ilvanous
donner?il nous forceà
nousy interesser nousmêmes;&
voilal'effet
dusublime.
Pédantcecombat,continué
Homere, le Souverainmaître
des Dieux
tonne du haut duCiel,
'& Neptune élevant ses
flots ébranle laterre,
lescimes du Mont Ida
tremblent jusques dans
leurs
leursfondemens,Troye,
le champ de bataille&
les vaisseaux sontagitez.
par des secousses
violentes,le Roy; des
Enfers, épouvanté au
fond de son Palais, s'élance
de son Trône, &
s'écrie de toute sa force
dans la frayeur où il
est, que Neptune, d'un
coup de son Trident,
n'entrouvre laTerre
qui couvre les ombres,
&, qiie cet affreux séjour,
demeure éternelle
des tenebres & de la
mort, abhorré des Hommes8£
craint même des
Dieux,nereçoive pour
la premiere fois la lumiere,&
ne paroisse à
découvert, si grand eil
le bruit que font ces
Dieux, qui marchent
trleess/unsilco'rn*tre les au- ab-quor
Apollon armé detous
ses traits, attaque Neptune
; Minerves'oppose
à Mars, Diane
marche contre Junon,
mais Achille n'en
veut qu'à Hector, il le
cherche dans la mêlée,
impatient de verser le
fang deceHeros,sous
les yeux même du Dieu
Mars qui le protege.
Voila du beau, du
grand, il se fait sentir
par luy-même, il n'a
pasbesoin de Cõmentaire,
comme mille autres
endroits des anciens
Autheurs, qui ne
sont beaux qu'à proportion
de la creduliré
de ceux qui veulent
bien se prester aux. décisionsdes
Commentateurs.
Comparonsàpresent
., deux tableaux de nos
deux Autheurs sur le
même sujet, ils veulent
runU. l'autre representer
unetempeste..
,
Tout ~~p~
en peinture, en mufiqne,
En prose comme en vers.
sérieux ou comique,
Tempeste de Rubens;.
tempefle de Rablais,
jMrwe du grand Poëte
tragique*.
L'on pourroit comparer
la tempeste heroïque,.
Ala tempeste de Ma, -rais.
Ces vers sepeuvent chanter fit- PairdeJoconde.
TEMPESTE
DE
RABELAIS.
EN. nôtre nauf étions
avec Pentagruel le bon,
joyeusementtranquiles,&
étoit la mer tranquillement
triste; car Neptune
en son naturel est melancolique
& fonge-creux
pource qu'il est plus flegmatique
que sanguin.
Bonasse traîtreuse nous
invitoit à molle oisiveté
>1
ôc oisiveté nous invitoit à
boire,or à boisson vineuse
mêlions saucisses,boutargue
& jambons outrement
salez,pour plus vcu
luptueufement faire sentir,
& contraster suavité
nectarine ,douce non
comme,mais plus que lait.
O que feriez mieux, nous
cria le pilote au lieu d'icelles
salinesmangerviandes
douces,pource qu'incontinent
ne boirez peutêtreque
trop salé ; ce que
disoitlepilote par pronom
c::1:
stication; car pilotes ainsi
que chats en goutieres,
fleurent par instincpluyes
& orages.
Et de fait le beau
clair jour qui luisoit perdant
peu à peu sa transparence,
lumineuse
,
devint
d'abord comme entre
chien & loup,puis brun,
obscur, puis presquenoir,
puis si noir,si noir que
fumes saisis de mal peur;
* car autrelumiere n'éclaira
plus nos faces blêmes
&effrayées, que lueurs
d'éclairsfulminantspar
'Tecrevements
de flambantes
nuées, avec millions
de tonnerres tonigrondants
sur tous les tons
&intonations des orgues
de Jupin, les pedales ,
pou, dou ,dou
,
dou3
icy cromornes,Ton, ron,
ron ) ron &C cla
,
cla y
cla
,
clacla
,
misericorde
, crioit Panurge; détournez
l'orage, Tonnez
les cloches, mais cloches
ne sonnerent ,car en
avoit pour lors: voilà
tout en feu, voilà tout en
eau, bourasques de vents,
fiflemens horrifiques, ce1
la fait trois élements
dont de chacun , trop a-
Ivioiis n'y avoit que terre
qui nous manquoit,si
non pourtant que fondrieres
marines furent si
profondes,qu'en fin fond
d'abîmes ouverts eût-on
pu voir,harangs sur sable
-&C moruës engravées, or
'-du fio,nd d'iceuxabysmes r
vagues montoient aux
nuës
,
& d'icelles nûës.
fc precipitoient comme
torrents , montagnes
d'eau, foy disant vagues,
desquelles aucunes
tombant sur la nauf, Panurge
, qui de frayeur
extravaguoit, disoit ho
ho ho, quelle pluye estce
cy 5 vit-on jamais
pleuvoir vagues toutes
brandies: helas,helas
be be be be, , je nage, bou
bou bou bou, ha maudit
cordonnier, mes souliers
prennent l'eau par
le colet de mon pourpoint.
Ha que cette boit:
son est amere ! hala,
hola
,
je n'ay plus soif.
Te tairas - tu ?
crioit
Frere Jean, & viens
plustost nous aider à
manouvrer ,
où sont
nos boulingues
,
noftrc
trinquet est avau l'eau,
amis à ces rambades
Enfans, n'abandonnons,
le tirados, à moy, à moy.
Par icy, par la haut ,
par là bas.
Viens donc, Pcanurge,
viens, ventre de solles,
viens donc. Hé! ne jurons
point, disoit piteusement
Panurge, ne ju.
rons aujourd'huy, mais
demain tant que tu voudras
,
il est maintenant
heure de faire voeux,Se
promettre pelerinages :
ha ha
,
ha ha, ho ho
ho , ho, je nage, bou bi,
bou bous, sommes-nous
au fond? Ah je me
meurs! mais viens donc
icy nous aider, crioit
Frere Jean, au lieu de
moribonder,met la main
à l'estaransol
, gare la
pane, hau amure, amure
bas , peste soit du
pleurard qui nous est
nuisible au lieu de nous
aider. Ha! oüy oüy oüy,
reprenoit Panurge,vous
fuis nuisible
, mettezmoy
donc à terre afin
que puissiez à l'aise manouvrer
tout vostre soul-
Or icelle tempeste
ou tourmente, ou tourmentante
,comme voudrez
, commença à prendre
fin à force de durer,
comme toutes choses
mondaines: terre, terre,
cria le Pilote,& jugez
bien quelle jubilation
senfUlVlt
, a quoy prit
la plus forte part le
craintif Panurge, qui
defeendant le premier
sur l'arene,disoit,ôtrois
& quatre fois heureux.
Jardinier qui plante
choux, car au moins a-til
un pied sur terre, &
l'autre n'en est esloigné
que d'un fer de besche.
Or remettons tempeste
d'Homere à la pro- „ chaine mercuriale ainsi
que plusieurs autres bribes
des deux Autheurs
que nous paralelliferons
par maniere de passetemps
Rabelaisien, & -
non dogmatiquement ,
chose que- trop repeter
ne puis ; car pires sourds
n'y a que ceux qui ne
veulent point entendre.
Fermer
Résumé : ARTICLE BURLESQUE. SUITE DU PARALLELE d'Homere & de Rabelais.
L'article compare les œuvres d'Homère et de Rabelais, en soulignant les différences de style et de réception. L'auteur décide de rendre les contes de Rabelais plus accessibles et moins ennuyeux, notamment en retranchant une partie du conte du Cyclope d'Homère pour le rendre moins ennuyeux. Il propose plusieurs paradoxes, comme l'idée que le comique nécessite plus d'étendue d'esprit que le sérieux, et que les œuvres sérieuses excellentes contiennent du comique. L'auteur utilise une métaphore pour comparer la prévention à un taureau furieux et le badinage à une abeille légère qui le pique sans le blesser gravement. Il discute de la difficulté de percevoir le sublime dans les œuvres de Rabelais en raison de leur comique bas. Il cite un exemple de la vraie éloquence dans 'Pantagruel' et le compare à un passage sublime de l'Iliade. Le texte compare également deux descriptions de tempêtes, mettant en avant la tempête de Rubens, celle de Rabelais et la tempête héroïque d'Homère. Il décrit en détail la tempête narrée par Rabelais dans 'Pantagruel'. Cette tempête commence par une mer tranquille et mélancolique, puis se transforme en un chaos de vents, d'éclairs et de vagues monumentales. Les personnages, notamment Panurge et Frère Jean, réagissent avec peur et désespoir, mais aussi avec des tentatives de manœuvre pour sauver le navire. La tempête finit par s'apaiser, apportant un soulagement général, surtout à Panurge, qui exprime sa joie d'avoir enfin un pied sur terre. L'auteur admire la grandeur et la majesté de la poésie d'Homère, qui parvient à impliquer le ciel, la terre et toute la nature dans ses descriptions. Il conclut en quittant le badinage par respect pour Homère. Le texte mentionne la comparaison des tempêtes des deux auteurs comme un passe-temps, sans intention dogmatique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 174-183
MARIAGE.
Début :
Le trente Janvier dernier Mr. Henault Président au Parlement, Fils [...]
Mots clefs :
Dieu, Beau, Amour, Raison, Président Hénault, Yeux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MARIAGE.
MARIAGE:
LE
trente Janvier dernier
Mr. Henault Président
au Parlement, Fils
de Monsieur Henaulc Fermier
General
,
épousa
Mademoiselle de Montargis,
Fille de Mr. de Montargis
Garde du Trésor
Royal.
Voici des Vers qui ont
esté faits à l'occasion de
ce mariage.
l PArunJ beau jour de la
nouvelle année
Rendit visite à messer
Hymenée
Dame raison
;
dessein ju:
f, dicieux
! Guidoit ses pas, elle s'of-
| freà ses yeux.
| Qui fust sur pris n'est be-
1 foin de le dire
bien l'entendez, à son
abord7leSire'P
Fait grisemine,oh
,
dit-il,
par mon chef
Là, donc icyvientJ nous
:' porter mechef
,
Car long-temps qu'en mes
estats pour cause
Detout sans elleà mon
gré je dispose ;
La pour détruire un injuste
soupçon
Raison sourit
,
& parla
surceton.
Dieu des Epoux dont le
trop dur empire
Contre ton joug révolte
maint beau Sire,
Et qui veras si reglement
n'y mettre
Ton regne choir par faute
de sujets)
Escoute moy ; tes avares
l, ministres, .;
L'humble interest, & les
fraudes sinistres
le faux honneur
,
qui souvent
fuit tes pas ,
Font seuls le mal qui regne
en tes Estats ;
1 Bannis,crois-moy
) cette
troupe perfide,
Qu'àtes conseils au lieu
j d'eux je préside
,
f Tu regneras paisible
, &:
1
les mortels
Viendront en foule encenfer
tes Autels;
Que si ne veux croire à
mon témoignage,
Eprouve au moinsque
, mon conseil est sage.
Prés d'un Hostel par Thémis
habité
Azile sur contre l'iniquité,
Chez Mecenas est gentille
Donzelle
Que je cheris par grand
excés de zele,
Car sa jeunesseinstruiseen
mes devis
Oncques ne fust rebelleà
mes avis
,
- Mon amitié ja long-tems
luy reserve
Un favori de Thémis, de
Minerve ,
A mes leçons tres- docile
sujet
Et qui sans moy ne forme
aucun projet,
Que si son nomtu ne connois
encore Damon s'appelle, Apollo,-n
qu'il honore
N'a gueres encor charmé
de ses écrits
Du beau parler luy decerne
le prix; Enfin tousdeuxsemblen-t
faits l'un pour ràutrel
Et ton aveu doit suivre icy
le nostre, Amour fera de la feste
} &
je crois
Qu'il m'obéit pour la premiere
fois,
A ces propos hymen
rompt le silence
Et sans tenir sa répons,e en
balance
C'a repon d-il éprouvons,
j'y consens
Si tant de mauxdouloureux
& cuifans
N'adviendroient point aux
époux en ménage
Faute d'avoir pris de roy
conseil fage»
Allons, je cede à tes empressements
Et vais unir a tes yeux nos
Amans;
Il dit bien-tostl'un & l'au..
tre ils arrivent
Au lieu marqué, les ris les
jeux les suivent,
Ils sont surpris d'y rencontrer
l'amour
Qu'ils n'attendoient que
vers la fin du jour,
Le couple heureux joint
d'un lien durable 1
Dans beau Palais trouve
excellente table <
Dieu desfestinsd'y repan-
, dre ses mers, ,.,.
Cerés
>
Bachus, d'y verser
ses bienfaits,
Amour, Hymen, raison,
d'entrer en danse,
Jeux & plaisirs de fauter
en cadence,
Tant que ce Dieu qui
donne le repos
Sur maints beaux yeux
vientverser ses pavots, Alors amour luy mesme
deshabille,
Dans litbenit met pucelle
: -- gentille
Et qui bien-tost pucelle ne
sera,
Le mesme Dieu bon ordre
y donnera;
Enfin ayant fait Harangue
à sa mode
Promet Poupons comme
q
c'est la méthode,
Ferme rideaux & delo-1
geant sans bruit J
Laisse à l'Amour le foin
de cette nuit.
LE
trente Janvier dernier
Mr. Henault Président
au Parlement, Fils
de Monsieur Henaulc Fermier
General
,
épousa
Mademoiselle de Montargis,
Fille de Mr. de Montargis
Garde du Trésor
Royal.
Voici des Vers qui ont
esté faits à l'occasion de
ce mariage.
l PArunJ beau jour de la
nouvelle année
Rendit visite à messer
Hymenée
Dame raison
;
dessein ju:
f, dicieux
! Guidoit ses pas, elle s'of-
| freà ses yeux.
| Qui fust sur pris n'est be-
1 foin de le dire
bien l'entendez, à son
abord7leSire'P
Fait grisemine,oh
,
dit-il,
par mon chef
Là, donc icyvientJ nous
:' porter mechef
,
Car long-temps qu'en mes
estats pour cause
Detout sans elleà mon
gré je dispose ;
La pour détruire un injuste
soupçon
Raison sourit
,
& parla
surceton.
Dieu des Epoux dont le
trop dur empire
Contre ton joug révolte
maint beau Sire,
Et qui veras si reglement
n'y mettre
Ton regne choir par faute
de sujets)
Escoute moy ; tes avares
l, ministres, .;
L'humble interest, & les
fraudes sinistres
le faux honneur
,
qui souvent
fuit tes pas ,
Font seuls le mal qui regne
en tes Estats ;
1 Bannis,crois-moy
) cette
troupe perfide,
Qu'àtes conseils au lieu
j d'eux je préside
,
f Tu regneras paisible
, &:
1
les mortels
Viendront en foule encenfer
tes Autels;
Que si ne veux croire à
mon témoignage,
Eprouve au moinsque
, mon conseil est sage.
Prés d'un Hostel par Thémis
habité
Azile sur contre l'iniquité,
Chez Mecenas est gentille
Donzelle
Que je cheris par grand
excés de zele,
Car sa jeunesseinstruiseen
mes devis
Oncques ne fust rebelleà
mes avis
,
- Mon amitié ja long-tems
luy reserve
Un favori de Thémis, de
Minerve ,
A mes leçons tres- docile
sujet
Et qui sans moy ne forme
aucun projet,
Que si son nomtu ne connois
encore Damon s'appelle, Apollo,-n
qu'il honore
N'a gueres encor charmé
de ses écrits
Du beau parler luy decerne
le prix; Enfin tousdeuxsemblen-t
faits l'un pour ràutrel
Et ton aveu doit suivre icy
le nostre, Amour fera de la feste
} &
je crois
Qu'il m'obéit pour la premiere
fois,
A ces propos hymen
rompt le silence
Et sans tenir sa répons,e en
balance
C'a repon d-il éprouvons,
j'y consens
Si tant de mauxdouloureux
& cuifans
N'adviendroient point aux
époux en ménage
Faute d'avoir pris de roy
conseil fage»
Allons, je cede à tes empressements
Et vais unir a tes yeux nos
Amans;
Il dit bien-tostl'un & l'au..
tre ils arrivent
Au lieu marqué, les ris les
jeux les suivent,
Ils sont surpris d'y rencontrer
l'amour
Qu'ils n'attendoient que
vers la fin du jour,
Le couple heureux joint
d'un lien durable 1
Dans beau Palais trouve
excellente table <
Dieu desfestinsd'y repan-
, dre ses mers, ,.,.
Cerés
>
Bachus, d'y verser
ses bienfaits,
Amour, Hymen, raison,
d'entrer en danse,
Jeux & plaisirs de fauter
en cadence,
Tant que ce Dieu qui
donne le repos
Sur maints beaux yeux
vientverser ses pavots, Alors amour luy mesme
deshabille,
Dans litbenit met pucelle
: -- gentille
Et qui bien-tost pucelle ne
sera,
Le mesme Dieu bon ordre
y donnera;
Enfin ayant fait Harangue
à sa mode
Promet Poupons comme
q
c'est la méthode,
Ferme rideaux & delo-1
geant sans bruit J
Laisse à l'Amour le foin
de cette nuit.
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Résumé : MARIAGE.
Le texte décrit le mariage de Monsieur Henault, Président au Parlement et fils de Monsieur Henault, Fermier Général, avec Mademoiselle de Montargis, fille de Monsieur de Montargis, Garde du Trésor Royal, célébré le 30 janvier précédent. À cette occasion, des vers ont été composés. Ces vers relatent une visite de Dame Raison à Hymenée, le dieu du mariage, pour discuter d'un projet divin. Raison critique les maux régissant les États, attribués à l'intérêt personnel, aux fraudes et au faux honneur. Elle conseille à Hymenée de bannir ces influences néfastes pour régner paisiblement. Raison mentionne une jeune femme, Damon, instruite par ses conseils, et son ami Apollon, faits l'un pour l'autre. Hymenée accepte ce conseil et unit les amants. La cérémonie se déroule dans un beau palais où les dieux des festins, des plaisirs et de l'amour participent. La nuit se termine par des promesses de bonheur et de progéniture, laissant les jeunes mariés à leur intimité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 266-271
NARCICE. FABLE.
Début :
Jadis vivoit au pied du Mont Parnasse [...]
Mots clefs :
Narcisse, Coeur, Nymphes, Berger, Beau, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : NARCICE. FABLE.
NARCICE
FABLE.
Adis vivoit au pied du
Mont Parnaffe
Un Berger plus beau que
le jour ,
Qui préferoit le plaifir de
GALANT. 267
la
Chaffe
Aux tendres douceurs de
l'Amour.
C'eftoit en vain que Nymphes
& Bergeres
Abandonnoient le foin de
leurs affaires ,
Pour aller groffirfa Cours
Carplutoft avec un crible
On euft deffeché la Mer,
Que porté cet Infenfible ,
En charmant tout , à fe
Laiffercharmer.
a
C'eftoit enfin une chofe im
poffible ,
Z
ij
268 MERCURE
Temoin l'avanture d'Echo.
Cette Nymphe trop fufceptible
,
Avoit de
l'embonpoint , les
yeux vifs , le teint beau,
L'air enchanté , la taille
faite à peindre ,
A la voir on euft
aiſement
Juré qu'ellen'auroitjamais
lieu de fe plaindre
De la cruauté d'un Amant.
Cependant de fonfort admirezl'injustice,
GALANT . 269
Elle fecha furfespieds de
douleur
,
Devoirnoftre Berger
ciffe
Nar
Luy refufer l'empire defon
coeur .
Auffi ne tarda-t ilguére
D'enpayerlafolle encheres
Carunjourqu'ilrefvoitfur
les bords d'un Ruiffeau
Aux cruels effets de fes
charmes ,
Quiportant dans les coeurs.
de charmantes allarmes,
Mettoient pourtant les
Z iij
270 MERCURE
Nymphes au tombeau ,
Il apperceut fa figure dans
l'eau.
A cette veuë ilfentit dans
fon ame
Naître des mouvemens de
tendreffe de flame.
Ilfe méconnut & foudain
De la raifon ayant perdus
Pufage,
Dans les convulfions d'une
amoureuse rage
Ilplongea tout veftu (fans
doute dans fonfein ,
Amour, tu mis ce funefte
GALANT . 271
deffein )
Defirant de jouir par un
prompt Mariage
De fa froide & mouvante
Image.
C'est ainsi que noftre Blondin
Périt à la fleur de fon age,
Pour avoi, eu le coeur trop
libertin.
Quiconque l'imite eft peu
Jage ,
Et court rifque d'avoir un
Semblable deftin.
FABLE.
Adis vivoit au pied du
Mont Parnaffe
Un Berger plus beau que
le jour ,
Qui préferoit le plaifir de
GALANT. 267
la
Chaffe
Aux tendres douceurs de
l'Amour.
C'eftoit en vain que Nymphes
& Bergeres
Abandonnoient le foin de
leurs affaires ,
Pour aller groffirfa Cours
Carplutoft avec un crible
On euft deffeché la Mer,
Que porté cet Infenfible ,
En charmant tout , à fe
Laiffercharmer.
a
C'eftoit enfin une chofe im
poffible ,
Z
ij
268 MERCURE
Temoin l'avanture d'Echo.
Cette Nymphe trop fufceptible
,
Avoit de
l'embonpoint , les
yeux vifs , le teint beau,
L'air enchanté , la taille
faite à peindre ,
A la voir on euft
aiſement
Juré qu'ellen'auroitjamais
lieu de fe plaindre
De la cruauté d'un Amant.
Cependant de fonfort admirezl'injustice,
GALANT . 269
Elle fecha furfespieds de
douleur
,
Devoirnoftre Berger
ciffe
Nar
Luy refufer l'empire defon
coeur .
Auffi ne tarda-t ilguére
D'enpayerlafolle encheres
Carunjourqu'ilrefvoitfur
les bords d'un Ruiffeau
Aux cruels effets de fes
charmes ,
Quiportant dans les coeurs.
de charmantes allarmes,
Mettoient pourtant les
Z iij
270 MERCURE
Nymphes au tombeau ,
Il apperceut fa figure dans
l'eau.
A cette veuë ilfentit dans
fon ame
Naître des mouvemens de
tendreffe de flame.
Ilfe méconnut & foudain
De la raifon ayant perdus
Pufage,
Dans les convulfions d'une
amoureuse rage
Ilplongea tout veftu (fans
doute dans fonfein ,
Amour, tu mis ce funefte
GALANT . 271
deffein )
Defirant de jouir par un
prompt Mariage
De fa froide & mouvante
Image.
C'est ainsi que noftre Blondin
Périt à la fleur de fon age,
Pour avoi, eu le coeur trop
libertin.
Quiconque l'imite eft peu
Jage ,
Et court rifque d'avoir un
Semblable deftin.
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Résumé : NARCICE. FABLE.
Le texte présente la fable de 'Narcisse', un berger vivant au pied du Mont Parnasse, passionné par la chasse et indifférent aux charmes amoureux. Plusieurs nymphes et bergères tentèrent de capter son attention sans succès. La fable met en scène Écho, une nymphe séduisante, qui fut également rejetée par Narcisse. Un jour, en se penchant sur un ruisseau, Narcisse aperçut son reflet et en tomba amoureux, incapable de se reconnaître. Il plongea dans l'eau et se noya, désirant épouser son image. La fable conclut que quiconque imite Narcisse risque de subir un destin similaire en raison de son cœur libertin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 2016-2022
LE VENDANGEUR. TRIOLETS POUR LE MOIS DE SEPTEMBRE, DIALOGUE. Cupidon, Chasseur. Septembre, Vendangeur.
Début :
Cupidon. Te voilà plaisamment bâti, [...]
Mots clefs :
Cupidon, Septembre, Vendangeur, Vin, Beau, Gibier, Lieux, Amour, Emploi, Mets
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texteReconnaissance textuelle : LE VENDANGEUR. TRIOLETS POUR LE MOIS DE SEPTEMBRE, DIALOGUE. Cupidon, Chasseur. Septembre, Vendangeur.
LE VENDANGEUR.
TRIOLETS POUR LE MOIS DE SEPTEMBRE,
DIALOGUE.
Cupidon, Chaffeur. Septembre , Vendangeur,
Cupidon.
Te voilà plaiſamment bati ,
Fils aîné de la riche Automne !
Avec ton Sur- tout de Couti ,
Te voilà plaiſamment bâti !
Vas-tu , d'Arlequin Apprenti ,
Joüer quelque Scene bouffonne ?
Te voilà plaiſamment bati ,
Fils aîné de la riche Autonne !
Septen bre.
L'emploi que j'exerce eſt plus beau ,
Que le tien , de chaſſer aux Cailles ,
De coucher en joüe un Perdreau ;
L'emploi que j'exerce eſt plus beau :
Je vais preſſer du Vin nouveau ,
Pour remplir mes vieilles futailles :
✓ L'Emploi que j'exerce eft plus beau
Que le tien , de Chaffer aux Cailles.
Cupidon
SEPTEMBRE. 1727. 2017
Cupidon
Ami, c'eſt un mets excellent ,
Qu'un Gibier dodu , jeune &tendre ,
Bien en ſaiſon , bien fucculent ,
Ami , c'eſt un mets excellent ;
Sur tout , s'il eſt pris en, volant ,
Après quelque peine à le prendre :
Ami , c'eſt un mets excellent ,
Qu'un Gibier dodu , jeune &tendre.
Septembre.
い
Ton Gibier vient à mes Appeaux ,
Lorſque tu commences , j'acheve ;
Sans rôder par monts & par vaux ,
Ton Gibier vient à mes Appeaux ,
Et tel entame les Gâteaux ,
Qui ſouvent n'en a pas la féve:
Ton Gibier vient à mes Appeaux ,
Lorſque tu commences ,j'acheve
י
Cupidon.
1
Ol qu'il nous donne de plaiſirs !
Un jeune objet quand il s'engage ,
Qu'il nous rend foupirs pour soupirs ,
O! qu'il nous donne de plaifirs
Dvj Portant
2018 MERCURE DE FRANCE,
Portant pour cacher ſes defirs ,
Belle main, fur- plus beau visage cit
O ! qu'il nous donne de plaiſirs ,
Un jeune objet, quand il s'engage.
e
Septembre.
122
Paroli , mon cher Cupidon ,
L
A tes ſoupirs & tes oeillades,
Quand ma bonne & groffe Dondon ,
Paroli , mon cher Cupidon.
Dans l'attente d'un autre don,
Me rend razades pour razades
Faroli , mon cher Cupidon ,
A tes foupirs & tes oeillades.
1
Cupidon.
Si ton ufage étoit conftant
J'aurois du vin l'ame charmée ;
J'ain ercis, à boire d'autant ,
Si ton uſage étoit conftant ;
Mais ton vin vieux eſt ſans montant
Et ton nouveau peche en fumée :
Si ton iſage étoit conſtant,
J'aurois du vin l'ame charmée.
10
T
(
1
SepSEPTEMBRE.
1727. 2019
Septembre.
Satisfais-moi ſur ces deux points ,
Qui tiennent mon choix en balance ,
A tes enſeignes je me joins;
Satisfais-moi fur ces deux points :
Nouvelle amour veut trop de foins
Vieille amour a trop d'indolence : .
Satisfais-moi ſur ces deux points ,
Qui tiennent mon choix en Balance.
Cupidon.
Groffier , il te feroit beau voir ,
Barbouillé d'écume & de lie,
Poiffé de Raifin blanc & noir ,
Groffier , il te feroit beau voir
Te mettre en amoureux devoir ,
Près d'une Bacchante jolie ;
Groffier, il te feroit beau voir ,
Barbouillé d'écume & de lie !
Septembre.
Sans ma Liqueur , dans un Feſtin ,
Onne connoît point l'allégreffe ;
Tes douceurs font du Chicotin ,
1
Sans
2020 MERCURE DE FRANCE:
Sans ma Liqueur dans un Feſtin :
L'Amour n'y tient point lieu de vin
Le vin y tient lieu de tendreſſe :
Sans ma liqueur , dans un Feſtin ,
Onne connoît point l'allegreſſe.
Cupidon.
Le Palais de Perſépolis , ( a )
Par toi fume encor ſous fa cendre;
C'eſt l'un de tes exploits jolis ,
Le Palais de Perſépolis ;
Nous devons ſes murs démolis ,
Aux fureurs du vin d'Alexandre :
Le Palais de Perſépolis ,
Par toi fume encor ſous ſa cendre.
Septembre.
De votre modération ,
Parle en tous lieux la voix publique
Fable , Hiſtoire, font mention
De votre modération ;
Et l'embraſement d'Ilion , ( 6 )
En eft foul la preuve autentique
(a) Brulé dans une débauche d'Alexandre.
(b) Troye ruinée au sujet des amours de
Paris pour Helene.
De
SEPTEMBRE. 1727. 2023
De votre moderation ,
Parle en tous lieux la voix publique.
Cupidon.
Tu m'as payé. Juſqu'à revoir :
Tous deux nous voilà quitte-à-quitte,
Si ſur ton toît j'ai fait pleuvoir ,
Tu m'as payé. Juſqu'à revoir.
O ! que vous avez le cul noir ,
Diſoit la Poële à la Marmite!
Tum'as payé. Juſqu'à revoir ;
Tous deux nous voilà quitte- à- quitte.
Septembre.
Tous deux nous avons nos accès ,
Temperez de quelque intervale 3
Ne nous faiſons point de procès ,
Tous deux nous avons nos accès :
L'Amour & le vin fans excès ,
C'eft la Pierre Philoſophale :
Tous deux nous avons nos accès,
Temperez de quelque intervale.
Cupidon.
Je cherche des lieux découverts ,
Où je puiſſe approcher ma chaffe ,
Fu
2022 MERCURE DE FRANCE.
L
Fût-ce dans le fond des Deſerts ,
Je cherche des lieux découverts :
Dans ces grands Paniers je me perds , *
Comme un Perdreau ſous la Tiraffe :
Je cherche des lieux découverts ,
Où je puiſſe approcher ma Chaffe.
Septembre.
Moi , je rejoins ma chere Eglé ,
Qui n'a ni Panier ni Fontange ,
Mais le corps droit , l'eſprit reglé ;
Moi , je rejoins ma chere Eglé ,
Dontde pied blanc & potelé ,
Foule mon coeur & ma Ven lange :
Moi , je rejoins ma chere Eglé ,
Qui n'a ni Panier ni Fontange.
* Mode trop connuë , & trop long- temps.
DE SENECE'.
TRIOLETS POUR LE MOIS DE SEPTEMBRE,
DIALOGUE.
Cupidon, Chaffeur. Septembre , Vendangeur,
Cupidon.
Te voilà plaiſamment bati ,
Fils aîné de la riche Automne !
Avec ton Sur- tout de Couti ,
Te voilà plaiſamment bâti !
Vas-tu , d'Arlequin Apprenti ,
Joüer quelque Scene bouffonne ?
Te voilà plaiſamment bati ,
Fils aîné de la riche Autonne !
Septen bre.
L'emploi que j'exerce eſt plus beau ,
Que le tien , de chaſſer aux Cailles ,
De coucher en joüe un Perdreau ;
L'emploi que j'exerce eſt plus beau :
Je vais preſſer du Vin nouveau ,
Pour remplir mes vieilles futailles :
✓ L'Emploi que j'exerce eft plus beau
Que le tien , de Chaffer aux Cailles.
Cupidon
SEPTEMBRE. 1727. 2017
Cupidon
Ami, c'eſt un mets excellent ,
Qu'un Gibier dodu , jeune &tendre ,
Bien en ſaiſon , bien fucculent ,
Ami , c'eſt un mets excellent ;
Sur tout , s'il eſt pris en, volant ,
Après quelque peine à le prendre :
Ami , c'eſt un mets excellent ,
Qu'un Gibier dodu , jeune &tendre.
Septembre.
い
Ton Gibier vient à mes Appeaux ,
Lorſque tu commences , j'acheve ;
Sans rôder par monts & par vaux ,
Ton Gibier vient à mes Appeaux ,
Et tel entame les Gâteaux ,
Qui ſouvent n'en a pas la féve:
Ton Gibier vient à mes Appeaux ,
Lorſque tu commences ,j'acheve
י
Cupidon.
1
Ol qu'il nous donne de plaiſirs !
Un jeune objet quand il s'engage ,
Qu'il nous rend foupirs pour soupirs ,
O! qu'il nous donne de plaifirs
Dvj Portant
2018 MERCURE DE FRANCE,
Portant pour cacher ſes defirs ,
Belle main, fur- plus beau visage cit
O ! qu'il nous donne de plaiſirs ,
Un jeune objet, quand il s'engage.
e
Septembre.
122
Paroli , mon cher Cupidon ,
L
A tes ſoupirs & tes oeillades,
Quand ma bonne & groffe Dondon ,
Paroli , mon cher Cupidon.
Dans l'attente d'un autre don,
Me rend razades pour razades
Faroli , mon cher Cupidon ,
A tes foupirs & tes oeillades.
1
Cupidon.
Si ton ufage étoit conftant
J'aurois du vin l'ame charmée ;
J'ain ercis, à boire d'autant ,
Si ton uſage étoit conftant ;
Mais ton vin vieux eſt ſans montant
Et ton nouveau peche en fumée :
Si ton iſage étoit conſtant,
J'aurois du vin l'ame charmée.
10
T
(
1
SepSEPTEMBRE.
1727. 2019
Septembre.
Satisfais-moi ſur ces deux points ,
Qui tiennent mon choix en balance ,
A tes enſeignes je me joins;
Satisfais-moi fur ces deux points :
Nouvelle amour veut trop de foins
Vieille amour a trop d'indolence : .
Satisfais-moi ſur ces deux points ,
Qui tiennent mon choix en Balance.
Cupidon.
Groffier , il te feroit beau voir ,
Barbouillé d'écume & de lie,
Poiffé de Raifin blanc & noir ,
Groffier , il te feroit beau voir
Te mettre en amoureux devoir ,
Près d'une Bacchante jolie ;
Groffier, il te feroit beau voir ,
Barbouillé d'écume & de lie !
Septembre.
Sans ma Liqueur , dans un Feſtin ,
Onne connoît point l'allégreffe ;
Tes douceurs font du Chicotin ,
1
Sans
2020 MERCURE DE FRANCE:
Sans ma Liqueur dans un Feſtin :
L'Amour n'y tient point lieu de vin
Le vin y tient lieu de tendreſſe :
Sans ma liqueur , dans un Feſtin ,
Onne connoît point l'allegreſſe.
Cupidon.
Le Palais de Perſépolis , ( a )
Par toi fume encor ſous fa cendre;
C'eſt l'un de tes exploits jolis ,
Le Palais de Perſépolis ;
Nous devons ſes murs démolis ,
Aux fureurs du vin d'Alexandre :
Le Palais de Perſépolis ,
Par toi fume encor ſous ſa cendre.
Septembre.
De votre modération ,
Parle en tous lieux la voix publique
Fable , Hiſtoire, font mention
De votre modération ;
Et l'embraſement d'Ilion , ( 6 )
En eft foul la preuve autentique
(a) Brulé dans une débauche d'Alexandre.
(b) Troye ruinée au sujet des amours de
Paris pour Helene.
De
SEPTEMBRE. 1727. 2023
De votre moderation ,
Parle en tous lieux la voix publique.
Cupidon.
Tu m'as payé. Juſqu'à revoir :
Tous deux nous voilà quitte-à-quitte,
Si ſur ton toît j'ai fait pleuvoir ,
Tu m'as payé. Juſqu'à revoir.
O ! que vous avez le cul noir ,
Diſoit la Poële à la Marmite!
Tum'as payé. Juſqu'à revoir ;
Tous deux nous voilà quitte- à- quitte.
Septembre.
Tous deux nous avons nos accès ,
Temperez de quelque intervale 3
Ne nous faiſons point de procès ,
Tous deux nous avons nos accès :
L'Amour & le vin fans excès ,
C'eft la Pierre Philoſophale :
Tous deux nous avons nos accès,
Temperez de quelque intervale.
Cupidon.
Je cherche des lieux découverts ,
Où je puiſſe approcher ma chaffe ,
Fu
2022 MERCURE DE FRANCE.
L
Fût-ce dans le fond des Deſerts ,
Je cherche des lieux découverts :
Dans ces grands Paniers je me perds , *
Comme un Perdreau ſous la Tiraffe :
Je cherche des lieux découverts ,
Où je puiſſe approcher ma Chaffe.
Septembre.
Moi , je rejoins ma chere Eglé ,
Qui n'a ni Panier ni Fontange ,
Mais le corps droit , l'eſprit reglé ;
Moi , je rejoins ma chere Eglé ,
Dontde pied blanc & potelé ,
Foule mon coeur & ma Ven lange :
Moi , je rejoins ma chere Eglé ,
Qui n'a ni Panier ni Fontange.
* Mode trop connuë , & trop long- temps.
DE SENECE'.
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Résumé : LE VENDANGEUR. TRIOLETS POUR LE MOIS DE SEPTEMBRE, DIALOGUE. Cupidon, Chasseur. Septembre, Vendangeur.
Le texte présente un dialogue sous forme de triolets entre Cupidon, dieu de l'amour, et Septembre, le vendangeur. Chacun vante les mérites de ses activités respectives. Cupidon se félicite de la chasse au gibier et des plaisirs amoureux, soulignant que ces activités procurent des joies intenses. Septembre, quant à lui, met en avant la beauté de son métier de vendangeur et la production de vin nouveau, affirmant que sans vin, il n'y a pas de joie dans les festins. Il insiste également sur le fait que l'amour ne remplace pas le vin. Le dialogue révèle une interaction où Cupidon reconnaît que le gibier vient aux appâts de Septembre lorsque l'amour commence, mais il insiste sur les plaisirs que l'amour procure. Septembre, de son côté, affirme que sans vin, les festins perdent de leur joie et que l'amour ne peut pas remplacer le vin. Le dialogue se termine par une reconnaissance mutuelle de leurs accès respectifs, tempérés par des intervalles, et par la recherche de lieux appropriés pour leurs activités. Cupidon préfère les lieux découverts pour chasser, tandis que Septembre rejoint sa chère Églé, appréciant sa simplicité et sa régularité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 95-100
Abregé de l'Histoire des 24. Peres de l'Eglise, &c. [titre d'après la table]
Début :
ABREGÉ de l'Histoire des 24. Peres de l'Eglise. HISTOIRE abregée des Empereurs [...]
Mots clefs :
Style, Empereurs romains, Beau, Poètes, Règne, Auteurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Abregé de l'Histoire des 24. Peres de l'Eglise, &c. [titre d'après la table]
Anneau’ dePHistoire de 24. Peres de
PEglise} Hrsrome abregée des Empereurs
Romains , depuis JulesÎCesar jusqu?
Constantin le Grand. CARACTERES de 58 A
des meilleurs Historiens , Orareurs , et
Poëtes Grecs , Latins et François. Brochu
re in-u, Le prix est 1g sols. A Pari; f
' - chez‘,
9?,‘ ME RCU RE DE FRANC Ë
1
cheg. ‘Tintin , rua? Judas , Montagne sainte
Genwiéw , 173 z. -
Cet Ouvrage est propre à orner l’es-‘
prit des jeunes gens des deux sexes, qui
pourront acquérir en très-peu de tems une_
connaissance generale des matieres qui y
sont traitées. Il est coznposé de trois par
ties. Dans la premier-e , l’Auteur rapporte
en peu de mots la vie de chacun des 2.4.
Petes de l’E lise. Dans la seconde , il dé-L
crit d’un stiFe vif et animé la vie des an
ciens Empereurs Romains , avec les traits
les plus frapans et les mieux marquez qui
ont signalé leur Empire. On n’a qu’à_lire,
entr’auttes,l’article de Neton et de Dio-À
cletien. Dans la troisième , il marque d’u
ne manière nette et concise, quel a été.
le caractere des Auteurs dont il traite _,’
les bonnes et les mauvaises qualirez de
leur stile. Il n’a dit que deux mots de nos
Poëtes François , Corneille , Racine, Boi
leau, Moliete , 8C0. parce qu'ils sont assez -
con nus.
Cet Ouvrage en general est bien écrit.‘
Le stile des Caracteres est fleuri et bril-j
lant. O'n en pourra juger si on lit l’arti—‘
cle de Tire-Live , page 12,4. Les Çarac-Ï
reres de Fenelon , page 145. et les suivans
jusqu’à la page r55. La beauté du papier:
ctdes caradtcres répondent à la maniete
- ’ ' ‘ dont
u
a
JANVIE R. 1733. 97
dont il est écrit , mais pour mettre sous
les yeux du Lecteur quelque chose qui
_ lui donne une idée de ces Portraits, choi
sissons celui-ci parmi les Empereurs Ro
mains. '
. v
Au meilleur de tous les Peres succeda a
le plus méchant derous les fils. Commo
de ayant pris les Rênes de l’Empire dans
un âge encore tendre , se iaissa entiere
ment corrompre par les flateurs ; de sorte
que sans avoir aucune des qualitez de
Marc-Aurele , il eut presque tous les via
ces de Neron ', quoique son extrême
cruauté cr ses infames débauches eussent
fait revivre le tems malheureux de Domi
tien et de Caligula , il voulut cependant
que son Règne fut appellé le siècle d’or.
"Les Palmes fréquentes qu’il remporta
dans les Combats des Gladiateurs , étoient
quelque chose pour lui de plus grand que
les Triomphes les plus honorables et les
plus glorieux. Il étoit si adroit à lancer le
Javelot et à tirer de l’A rc,qu’il tuoit quel-a
‘quefois en un seul jour cent bêtes sauva
ges. Il lançoit ensuite les Javelots et les
Flèches sur le peuple pour couronner un‘
si beau spectacle. Fier de semblables Ex
ploits , il ajoûta au grand nombre des tia
tres magnifiques qu'il s’étoit déja donnés ,
çeluî dflnvincible et d’Hercule Romaicn.
e
98-M'ERCURE DE FRANCE.‘
Ce monstre plus féroce que toutes les
bêtes qu’il avoir fait périr , fut empoison
né par sa Maîtresse Marcia , e: ensuite
étranglé par un Athlète nommé Narcis
'se ,.la r56 année de son Règne , et la 32.5
“de son âge.
MALHERBE est un des Auteurs à qui la
. Poésie Françoise a le plus dbbligarion.
C’est lui quile premier fit sentir une jus
te cadence dans nos Vers , et qui nous
apprit le choix et Parrangement des mots.
La Nature ne l’avoit pas faitgrand Poëte t,
mais il cortigea cedéfaut par son esprit
et par son travail. (Qelques-unes de ses,
Odes ne vieilliront jamais , parce que le
bon goût est de tous les siécles. Il y mon;
tre d’un stile plein et uniforme tout ce
que la Nature a de plus sublime et de
plus beau , de plus naïf et de plus sim
ple. Ses pensées sont justes , ses expresà
rions sont nobles , son vers aisé , sesifign
tes variées , mais il ne s’en permet jamais
de trop hardies , et sage jusques dans ses
cmportemens , il a presque toujours fait
voit qu’en peut être raisonnable sans être
froid.
-“ Rousseau s’est rendu très-celébre par‘
ses Poésies. C’est un des Auteurs de notre
siecle qu’on lit et qu’en estime le plus.
Le Poëte , mais leaPoëtc admirable {par
J. a roi:
Ï JANVIER)‘ 1733.
‘toit dans plusieurs de ses Odes. On
toit , en lisant sa Traduction des Pseaue
mes de David , qu’il étoit animé du mê- u
‘ me feu dont ce Prophete étoit embrasé.‘
Son Ode contre la Fortune , vaut seule
un long Poëme , et surpasse tout ce que
les Anciens ont jamais fait de meilleur en
ce genre , 86C. * ,.
. LA M o -r r s. La Politesse de lîexpresa
sion , et la justesse du raisonnement," forà
ment le caractere propre de cet Illustre
Académicien , 8m. .
LA FONTAINE , qu’on peut appeller le
Phedre François , est dans toutes ses fa.
‘blcs ingénieux , naïf et charmant a on ne
peut le lire sans être agréablement ÏDSÂ
truie , et on n’en peut quitter la lecture,
tans souhaiter de la reprendre. .
t CLsMaNr MARDI‘ vivoit sous le Regne
de François I. c’est le plus ancien de nos
bons Poëtes; mais il semble renaître tous
les ans; sa vivacité naturelle er son agré
ment lui donnentun air de jeunesse qui’
brille jusques dans son vieux langage. Il
afait en qznelque- sorte la fortune de beau
coup d’anciens motsnqubn emprunte
volontiers de lui , et qu on employe mê
me à titre d'ornement. Jamais il ne fiat
plus à la mode qu'à ptesent ',.il est du hel
esprit de le copier t, et on est presque sûr
d’être
t
äooMEiRCURiîeDEFRANCËg
d’êtte applaudi de certaines gcns,avcc
une piece Marotique. .
Du CsaceAu a mieux imité que per.‘
sonne, l'élégant badinage de Marot. La
charmante naïveté qui se trouve dans ses
pensées, ses tours ingénieux, sa diction
pure et enjoüée ne sont pas ses seuls ta
ens , il sçait aussi répandre une noblesse
et une dignité merveilleuse sur les cho
ses qui en patoissent le moins suscepti
bles. Cc qu’il dit,est ordinairement assez
commun pour le Fond , mais il le presen
te sous des jours qui lui donnent un
air de nouveauté et quelque chose de pi-q
quant. Le naturel et le vrai sont , pour
ainsi dire, le fond et la matiere de ses
Ouvrages. Rien de plus simple pour l’ot
dinairc que ses sujets ; mais il a soin de
les relever par une ‘versification aisée et
coulante; par une fécondité, une délicaé
tesse 5 une netteté d'expression , et , si
j'ose le dire , par une qui plaisent infinimentl.égSèareMtéusdee Pesitncgeaayu;‘ l
ct badine , mais elle ne s’écarte jamais des
regles de la bienséance et du devoir.
PEglise} Hrsrome abregée des Empereurs
Romains , depuis JulesÎCesar jusqu?
Constantin le Grand. CARACTERES de 58 A
des meilleurs Historiens , Orareurs , et
Poëtes Grecs , Latins et François. Brochu
re in-u, Le prix est 1g sols. A Pari; f
' - chez‘,
9?,‘ ME RCU RE DE FRANC Ë
1
cheg. ‘Tintin , rua? Judas , Montagne sainte
Genwiéw , 173 z. -
Cet Ouvrage est propre à orner l’es-‘
prit des jeunes gens des deux sexes, qui
pourront acquérir en très-peu de tems une_
connaissance generale des matieres qui y
sont traitées. Il est coznposé de trois par
ties. Dans la premier-e , l’Auteur rapporte
en peu de mots la vie de chacun des 2.4.
Petes de l’E lise. Dans la seconde , il dé-L
crit d’un stiFe vif et animé la vie des an
ciens Empereurs Romains , avec les traits
les plus frapans et les mieux marquez qui
ont signalé leur Empire. On n’a qu’à_lire,
entr’auttes,l’article de Neton et de Dio-À
cletien. Dans la troisième , il marque d’u
ne manière nette et concise, quel a été.
le caractere des Auteurs dont il traite _,’
les bonnes et les mauvaises qualirez de
leur stile. Il n’a dit que deux mots de nos
Poëtes François , Corneille , Racine, Boi
leau, Moliete , 8C0. parce qu'ils sont assez -
con nus.
Cet Ouvrage en general est bien écrit.‘
Le stile des Caracteres est fleuri et bril-j
lant. O'n en pourra juger si on lit l’arti—‘
cle de Tire-Live , page 12,4. Les Çarac-Ï
reres de Fenelon , page 145. et les suivans
jusqu’à la page r55. La beauté du papier:
ctdes caradtcres répondent à la maniete
- ’ ' ‘ dont
u
a
JANVIE R. 1733. 97
dont il est écrit , mais pour mettre sous
les yeux du Lecteur quelque chose qui
_ lui donne une idée de ces Portraits, choi
sissons celui-ci parmi les Empereurs Ro
mains. '
. v
Au meilleur de tous les Peres succeda a
le plus méchant derous les fils. Commo
de ayant pris les Rênes de l’Empire dans
un âge encore tendre , se iaissa entiere
ment corrompre par les flateurs ; de sorte
que sans avoir aucune des qualitez de
Marc-Aurele , il eut presque tous les via
ces de Neron ', quoique son extrême
cruauté cr ses infames débauches eussent
fait revivre le tems malheureux de Domi
tien et de Caligula , il voulut cependant
que son Règne fut appellé le siècle d’or.
"Les Palmes fréquentes qu’il remporta
dans les Combats des Gladiateurs , étoient
quelque chose pour lui de plus grand que
les Triomphes les plus honorables et les
plus glorieux. Il étoit si adroit à lancer le
Javelot et à tirer de l’A rc,qu’il tuoit quel-a
‘quefois en un seul jour cent bêtes sauva
ges. Il lançoit ensuite les Javelots et les
Flèches sur le peuple pour couronner un‘
si beau spectacle. Fier de semblables Ex
ploits , il ajoûta au grand nombre des tia
tres magnifiques qu'il s’étoit déja donnés ,
çeluî dflnvincible et d’Hercule Romaicn.
e
98-M'ERCURE DE FRANCE.‘
Ce monstre plus féroce que toutes les
bêtes qu’il avoir fait périr , fut empoison
né par sa Maîtresse Marcia , e: ensuite
étranglé par un Athlète nommé Narcis
'se ,.la r56 année de son Règne , et la 32.5
“de son âge.
MALHERBE est un des Auteurs à qui la
. Poésie Françoise a le plus dbbligarion.
C’est lui quile premier fit sentir une jus
te cadence dans nos Vers , et qui nous
apprit le choix et Parrangement des mots.
La Nature ne l’avoit pas faitgrand Poëte t,
mais il cortigea cedéfaut par son esprit
et par son travail. (Qelques-unes de ses,
Odes ne vieilliront jamais , parce que le
bon goût est de tous les siécles. Il y mon;
tre d’un stile plein et uniforme tout ce
que la Nature a de plus sublime et de
plus beau , de plus naïf et de plus sim
ple. Ses pensées sont justes , ses expresà
rions sont nobles , son vers aisé , sesifign
tes variées , mais il ne s’en permet jamais
de trop hardies , et sage jusques dans ses
cmportemens , il a presque toujours fait
voit qu’en peut être raisonnable sans être
froid.
-“ Rousseau s’est rendu très-celébre par‘
ses Poésies. C’est un des Auteurs de notre
siecle qu’on lit et qu’en estime le plus.
Le Poëte , mais leaPoëtc admirable {par
J. a roi:
Ï JANVIER)‘ 1733.
‘toit dans plusieurs de ses Odes. On
toit , en lisant sa Traduction des Pseaue
mes de David , qu’il étoit animé du mê- u
‘ me feu dont ce Prophete étoit embrasé.‘
Son Ode contre la Fortune , vaut seule
un long Poëme , et surpasse tout ce que
les Anciens ont jamais fait de meilleur en
ce genre , 86C. * ,.
. LA M o -r r s. La Politesse de lîexpresa
sion , et la justesse du raisonnement," forà
ment le caractere propre de cet Illustre
Académicien , 8m. .
LA FONTAINE , qu’on peut appeller le
Phedre François , est dans toutes ses fa.
‘blcs ingénieux , naïf et charmant a on ne
peut le lire sans être agréablement ÏDSÂ
truie , et on n’en peut quitter la lecture,
tans souhaiter de la reprendre. .
t CLsMaNr MARDI‘ vivoit sous le Regne
de François I. c’est le plus ancien de nos
bons Poëtes; mais il semble renaître tous
les ans; sa vivacité naturelle er son agré
ment lui donnentun air de jeunesse qui’
brille jusques dans son vieux langage. Il
afait en qznelque- sorte la fortune de beau
coup d’anciens motsnqubn emprunte
volontiers de lui , et qu on employe mê
me à titre d'ornement. Jamais il ne fiat
plus à la mode qu'à ptesent ',.il est du hel
esprit de le copier t, et on est presque sûr
d’être
t
äooMEiRCURiîeDEFRANCËg
d’êtte applaudi de certaines gcns,avcc
une piece Marotique. .
Du CsaceAu a mieux imité que per.‘
sonne, l'élégant badinage de Marot. La
charmante naïveté qui se trouve dans ses
pensées, ses tours ingénieux, sa diction
pure et enjoüée ne sont pas ses seuls ta
ens , il sçait aussi répandre une noblesse
et une dignité merveilleuse sur les cho
ses qui en patoissent le moins suscepti
bles. Cc qu’il dit,est ordinairement assez
commun pour le Fond , mais il le presen
te sous des jours qui lui donnent un
air de nouveauté et quelque chose de pi-q
quant. Le naturel et le vrai sont , pour
ainsi dire, le fond et la matiere de ses
Ouvrages. Rien de plus simple pour l’ot
dinairc que ses sujets ; mais il a soin de
les relever par une ‘versification aisée et
coulante; par une fécondité, une délicaé
tesse 5 une netteté d'expression , et , si
j'ose le dire , par une qui plaisent infinimentl.égSèareMtéusdee Pesitncgeaayu;‘ l
ct badine , mais elle ne s’écarte jamais des
regles de la bienséance et du devoir.
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Résumé : Abregé de l'Histoire des 24. Peres de l'Eglise, &c. [titre d'après la table]
Le document présente un ouvrage intitulé 'Anneau de l'Histoire de 24 Pères de l'Église et des Empereurs Romains, depuis Jules César jusqu'à Constantin le Grand'. Cet ouvrage est structuré en trois parties. La première partie expose brièvement la vie de 24 Pères de l'Église. La seconde partie décrit de manière vivante la vie des anciens empereurs romains, en mettant en avant leurs traits les plus marquants. La troisième partie évalue de façon concise les caractéristiques des auteurs grecs, latins et français, en mentionnant brièvement des poètes français tels que Corneille, Racine, Boileau et Molière. L'ouvrage est bien écrit, avec un style fleuri et brillant, et est destiné à enrichir l'esprit des jeunes gens des deux sexes en leur offrant une connaissance générale des matières traitées. Parmi les empereurs romains, le texte mentionne Commode, fils de Marc-Aurèle, qui se laissa corrompre par les flatteurs. Son règne fut marqué par la cruauté et les débauches. Commode fut empoisonné par sa maîtresse Marcia et ensuite étranglé par un athlète nommé Narcisse. Le document mentionne également des poètes français tels que Malherbe, connu pour avoir introduit une juste cadence dans la poésie française, et Rousseau, célèbre pour ses poésies et sa traduction des Psaumes de David. La Fontaine est décrit comme le Phèdre français, ingénieux et charmant. Marot, vivant sous le règne de François I, est loué pour sa vivacité et son agrément, tandis que Du Bellay est apprécié pour son élégant badinage et sa diction pure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 422-423
A MLLE ROSE de S... N... en lui envoyant des Vers Provençaux.
Début :
Dans l'aimable Saison où les Ris et les Graces [...]
Mots clefs :
Rose, Vers, Jeux, Beau, Belle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MLLE ROSE de S... N... en lui envoyant des Vers Provençaux.
A MLLE ROSE de S ... N ... en
lui envoyant des Vers Provençaux.
Ans l'aimable Saison où les Ris et les Gráces
S'empressent , jeune Rose , à marcher sur vos
traces ;
Dois -je me flatter que des Vers ,
Enfans engourdis d'une Muse ,
Qui compte déja trente hyvers ,
Seront pour vous des jeux où votre esprit s'amuse
?
Mais songez que ces jeux ont emprunté de vous ,
Ce qu'ils ont d'amusant , ce qu'ils ont d'agréable;
Passe- temps d'une Enfance aimable ,
Vous devez passer jusqu'à nous .
Recevez , belle Rose , un légitime hommage ,
Je ne viens vous offrir que votre propre Ouvrage.
Pour bannir l'Art et son secours ,
Je vais me servir du langage ,
Dont se servoient les Troubadours ,
Qui les premiers sur ce Rivage ,
Ont mis en rime des Discours.
Vous qui nâquites toute belle ,
Vous qu'on ne sçauroit voir sans qu'on en soit
épris ,
Qui serez du beau Sexe à jamais le moż
dele ,
SouMARS.
1733
423
Soutenez mes accords , animez mes esprits
D'une beauté toûjours nouvelle ;
Heureux , si je la fais passer en mes Ecrits !
Mille Rivaux jaloux respecteront ma gloire ,
Mes Vers vainqueurs de l'Onde noire ,
A l'abri de votre beau noin ,
Loin de l'Empire de Pluton ,
Iront au Temple de Memoire.
lui envoyant des Vers Provençaux.
Ans l'aimable Saison où les Ris et les Gráces
S'empressent , jeune Rose , à marcher sur vos
traces ;
Dois -je me flatter que des Vers ,
Enfans engourdis d'une Muse ,
Qui compte déja trente hyvers ,
Seront pour vous des jeux où votre esprit s'amuse
?
Mais songez que ces jeux ont emprunté de vous ,
Ce qu'ils ont d'amusant , ce qu'ils ont d'agréable;
Passe- temps d'une Enfance aimable ,
Vous devez passer jusqu'à nous .
Recevez , belle Rose , un légitime hommage ,
Je ne viens vous offrir que votre propre Ouvrage.
Pour bannir l'Art et son secours ,
Je vais me servir du langage ,
Dont se servoient les Troubadours ,
Qui les premiers sur ce Rivage ,
Ont mis en rime des Discours.
Vous qui nâquites toute belle ,
Vous qu'on ne sçauroit voir sans qu'on en soit
épris ,
Qui serez du beau Sexe à jamais le moż
dele ,
SouMARS.
1733
423
Soutenez mes accords , animez mes esprits
D'une beauté toûjours nouvelle ;
Heureux , si je la fais passer en mes Ecrits !
Mille Rivaux jaloux respecteront ma gloire ,
Mes Vers vainqueurs de l'Onde noire ,
A l'abri de votre beau noin ,
Loin de l'Empire de Pluton ,
Iront au Temple de Memoire.
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Résumé : A MLLE ROSE de S... N... en lui envoyant des Vers Provençaux.
En 1733, 'SouMARS' adresse une lettre poétique à Mlle Rose de S... N..., comparant cette dernière à une rose, symbole de jeunesse et de beauté. L'auteur espère que ses vers provençaux, bien que écrits par une muse âgée, divertiront et amuseront Mlle Rose. Il souligne que ses vers tirent leur charme de la personne même de Mlle Rose. Il se propose d'utiliser le langage des troubadours, les premiers poètes provençaux, et de bannir l'artifice. L'auteur loue la beauté et le charme de Mlle Rose, affirmant qu'elle sera à jamais le modèle du beau sexe. Il souhaite que ses écrits soient inspirés par la beauté de Mlle Rose et trouvent une place durable dans le Temple de la Mémoire, loin des rivaux jaloux et des dangers représentés par Pluton.
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10
p. 1210-1212
EPITRE, A Mlle Dufresne, sur les deux premiers Rôles qu'elle a jouëz, en paroissant sur la Scene.
Début :
Je ne résiste plus, c'est trop long-temps me taire ; [...]
Mots clefs :
Dufresne, Scène, Beau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE, A Mlle Dufresne, sur les deux premiers Rôles qu'elle a jouëz, en paroissant sur la Scene.
EPITRE ,
A Me Dufresne , sur les deux premiers
Rôles qu'elle a jouez , en paroissant
sur la Scene.
J
E ne résiste plus , c'est trop long-temps me
taire ;
Mes transports sont trop vifs , pour ne pas
éclater ;
DUFRESNE , j'ose te chanter ;
Voi , d'un oeil favorable , un hommage sincere ,
Pour me désabuser d'un projet téméraire ,
J'ai beau me dire à tout moment ,
Que pour te louer dignement ,
C'est peu de brûler , d'un beau zéle ,
Qu'il faut encor , d'une plume immor
telle ,
Pouvoir faire couler des Vers aussi pompeux ;
Aussi touchants que ceux ,
A qui tu sçais prêter une grace nouvelle.
Mais si l'infléxible Apollon ,
A mes désirs, refuse un si beau don ;
1. Vol.
Je
JUIN. 1733. 1211
Je me fate du moins d'avoir , pour mon par◄
tage ,
Uu coeur qui sçait sentir ;
Une ame prompte à compatir :
Pour rehausser ta gloire , en faut - il davantage
Tu la tires du sentiment ;
Tu le sçais mieux qu'un autre , exprimer vive
ment ;
C'est à lui seul d'achever mon ouvrage.
Où suis -je ! Quels sanglots ont fait couler mes
pleurs ?
Je n'en sçaurois douter, c'est Electre , elle- mêmes
Je gémis de ses maux , je sens tous ses malheurs;
Que je hais ses persécuteurs !
Ah ! si bien-tôt sensible à ta tendresse extrême ,
Ton cher Oreste enfin n'appaisoit tes douleurs
La pitié m'animant d'une audace intrépide ,
Egiste éprouveroit le courroux qui me guide ,
Princesse , par sa mort , j'irois briser tes fers ,
Trop heureux de pouvoir , au péril de ma vie ,
Apprendre à l'Univers ,
Combien de tes tourmens mon ame est atteng
drie !
Mais quels nouveaux accents , viennent troubles
mon coeur !
Ah ! je la reconnois ! c'est Camille en fureur ;
2-1. Vol. H Elle
1212 MERCURE DE FRANCE
1
Elle demande compte à son barbare frere ,
D'un sang que son amour lui rendoit précieux ;
J'approuve déja sa colere ;
Le farouche vainqueur , me devient odieux ,
Et ne m'attachant plus à la gloire d'Horace
Je souhaite plutôt le sort de Curiace ;
Je le trouve trop doux , puisque si vivement ,
Il avoit pu toucher l'objet le plus charmant,
Poursais , Actrice inimitable !
Nos coeurs émus au gré de tes désirs
Feront , de ton art admirable ,
Leurs plus agréables plaisirs.
Quand sur la Scene on te voit reparoître ,
Qui ne croit voir renaître ,
La Champ-meslé , là le Couvreur ?
Surton art et le leur ,
De décider sans doute il seroit difficile ;
Mais je sçais , qu'à leur voix , Electre ni Cas
mille ,
N'auroient pû , dans mes sens ,
terreur,
A Me Dufresne , sur les deux premiers
Rôles qu'elle a jouez , en paroissant
sur la Scene.
J
E ne résiste plus , c'est trop long-temps me
taire ;
Mes transports sont trop vifs , pour ne pas
éclater ;
DUFRESNE , j'ose te chanter ;
Voi , d'un oeil favorable , un hommage sincere ,
Pour me désabuser d'un projet téméraire ,
J'ai beau me dire à tout moment ,
Que pour te louer dignement ,
C'est peu de brûler , d'un beau zéle ,
Qu'il faut encor , d'une plume immor
telle ,
Pouvoir faire couler des Vers aussi pompeux ;
Aussi touchants que ceux ,
A qui tu sçais prêter une grace nouvelle.
Mais si l'infléxible Apollon ,
A mes désirs, refuse un si beau don ;
1. Vol.
Je
JUIN. 1733. 1211
Je me fate du moins d'avoir , pour mon par◄
tage ,
Uu coeur qui sçait sentir ;
Une ame prompte à compatir :
Pour rehausser ta gloire , en faut - il davantage
Tu la tires du sentiment ;
Tu le sçais mieux qu'un autre , exprimer vive
ment ;
C'est à lui seul d'achever mon ouvrage.
Où suis -je ! Quels sanglots ont fait couler mes
pleurs ?
Je n'en sçaurois douter, c'est Electre , elle- mêmes
Je gémis de ses maux , je sens tous ses malheurs;
Que je hais ses persécuteurs !
Ah ! si bien-tôt sensible à ta tendresse extrême ,
Ton cher Oreste enfin n'appaisoit tes douleurs
La pitié m'animant d'une audace intrépide ,
Egiste éprouveroit le courroux qui me guide ,
Princesse , par sa mort , j'irois briser tes fers ,
Trop heureux de pouvoir , au péril de ma vie ,
Apprendre à l'Univers ,
Combien de tes tourmens mon ame est atteng
drie !
Mais quels nouveaux accents , viennent troubles
mon coeur !
Ah ! je la reconnois ! c'est Camille en fureur ;
2-1. Vol. H Elle
1212 MERCURE DE FRANCE
1
Elle demande compte à son barbare frere ,
D'un sang que son amour lui rendoit précieux ;
J'approuve déja sa colere ;
Le farouche vainqueur , me devient odieux ,
Et ne m'attachant plus à la gloire d'Horace
Je souhaite plutôt le sort de Curiace ;
Je le trouve trop doux , puisque si vivement ,
Il avoit pu toucher l'objet le plus charmant,
Poursais , Actrice inimitable !
Nos coeurs émus au gré de tes désirs
Feront , de ton art admirable ,
Leurs plus agréables plaisirs.
Quand sur la Scene on te voit reparoître ,
Qui ne croit voir renaître ,
La Champ-meslé , là le Couvreur ?
Surton art et le leur ,
De décider sans doute il seroit difficile ;
Mais je sçais , qu'à leur voix , Electre ni Cas
mille ,
N'auroient pû , dans mes sens ,
terreur,
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Résumé : EPITRE, A Mlle Dufresne, sur les deux premiers Rôles qu'elle a jouëz, en paroissant sur la Scene.
L'épître est adressée à Me Dufresne et met en lumière les deux rôles interprétés par une actrice sur scène. L'auteur exprime son admiration et son émotion face aux performances de l'actrice, notamment dans les personnages d'Électre et de Camille. Il souligne la capacité de l'actrice à susciter des émotions intenses, telles que la pitié et la colère, chez les spectateurs. L'auteur compare également l'actrice à des figures légendaires du théâtre, comme La Champmeslé et Le Couvreur, soulignant la difficulté de les départager en termes de talent. Il conclut en louant l'art de l'actrice, capable de toucher profondément les cœurs des spectateurs.
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11
p. 1309-1322
REFLÉXIONS sur la Nature et la source du Sublime dans le Discours : sur le vrai philosophique du Discours Poëtique, et sur l'Analogie qui est la clef des Découvertes. Par L. P. C. J.
Début :
I. Ce Titre paroît annoncer des sujets fort differens. Mals la Philosophie [...]
Mots clefs :
Sublime, Vérité, Vrai, Pensée, Bien, Poète, Philosophe, Virgile, Beau, Esprit, Rapport, Analogie, Découverte, Sens, Traits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REFLÉXIONS sur la Nature et la source du Sublime dans le Discours : sur le vrai philosophique du Discours Poëtique, et sur l'Analogie qui est la clef des Découvertes. Par L. P. C. J.
REFLEXIONS sur la Nature et la
source du Sublime dans le Discours : sur
le vrai philosophique du Discours Poëtique
, et sur l'Analogie qui est la clef
des Découvertes. Par L. P. C. J.
€
I.
C
E Titre paroît annoncer des sujets
fort differens . Mais la Philosophie
raproche souvent les extrémitez
en ramenant la multitude des apparences
à la réalité d'un Principe très- simple. Et
c'est par l'Analogie que la Philosophie
II. Vol. Cilj atteint
1310 MERCURE DE FRANCE
atteint à cette simplicité féconde de la
Nature.
2. En general cette Analogie nous apprend
, que s'il y a bien des Sciences et
des Arts , il n'y a pourtant qu'une verité ,
dont ces Arts et ces Sciences ne sont
,
que les differens points- de- vûë , les divers
aspects. La Poësie en particulier et
la Philosophie , quelque irréconciliables
qu'elles paroissent , ne different que par
là , par le point- de- vûë , par l'expression.
3. Le Poëte pense et parle. Le Philosophe
refléchit
raisonne et discourt ;
c'est- à- dire , le Poëte enveloppe dans une
pensée et souvent dans un mot le raisonnement
du Philosophe , et le Philophe
dans un raisonnement étendu , developpe
la pensée , le mot du Poëte.
C'est cet enveloppement et ce développement
seuls qui caracterisent les deux
genres , relativement l'un à l'autre.
4. Mais c'est toujours le même objet ,
la même nature , la même vérité , que
le Poëte et le Philosophe peignent également
, l'un en grand, l'autre en racour
ci et comme en miniature.
5. Lorsque cet objet est nouveau ,
merveilleux
élevé , interessant , qu'il
donne à penser , qu'il étend les vûës de
l'esprit , le Raisonnement philosophique
II. Vol.
JUIN. 1733 1311
que qui le développe , prend le nom de
Découverte , la pensée poetique qui le
révele , prend celui de Pensée sublime.
Venons à des Exemples.
6. Mais auparavant je dois poser comme
un Principe , cette maxime sublime
elle- même , de Despreaux , que
Rien n'est beau que le vrai, le vrai feul est aimable ,
Il doit degner par tout et même dans la Fable.
En effet la découverte du faux ne
peut être une vraye decouverte ; car découvrir
ce qui n'est pas, c'est bien pis que
de ne rien découvrir ; et une pensée fausse
ne sera jamais une belle pensée .
7. Cela supposé , Virgile peint la nuit,
en disant qu'elle ôte aux choses leurs
couleurs , rebus nox abstulit atra colores.
Cette idée est sublime , belle du moins ,
car je ne veux point de dispute. Or qu'estce
qui en fait la beauté ? Je le demande
aux Commentateurs. Mais que nous en
ont ils dit ? Des Tropes , des figures , des
allégories , des métaphores. Je ne connois
point tout cela. Mais je demande
encore si c'est du vrai , si c'est du faux
que Virgile nous donne- là.
8. Aristote nous a tracé les vrayes regles
de la Poëtique et même de la Rhéto
rique. Ce sera donc un Philosophe , ce
sera Descartes qui nous apprendra que
11. Vol
CY les
1212 MERCURE DE FRANCE
les couleurs n'étant qu'une lumiere mo
difiée , la nuit en chassant la lumiere a
chassé les couleurs ; et qu'ainsi la pensée de
Virgile a tous les caracteres du sublime
du grand , du beau , étant d'abord vraye ,
et ensuite nouvelle , merveilleuse,profonde
paradoxe même , et contraire au préjugé.
9. Car je pense que c'est par rapport
à nous et pour nous qu'une pensée est
sublime , c'est-à- dire , comme placée en
un lieu sublime , escarpé , difficile à atteindre
, et par là très - merveilleuse et
toute aimable , lorsqu'elle daigne en quel
que sorte s'abaisser jusqu'à nous qui n'aurions
pû , sans le secours du Poëte comme
inspiré et sans une espece
de secours
divin , nous élever jusqu'à elle.
10. Virgile dit ailleurs :
Provehimur portu terraque urbesque receduns.
"Nous sortons du Port , et nous voyons
les terres et les Villes se retirer . Cette image
est magnifique; mais ce n'est que parce
qu'elle est d'après nature et qu'elle renferme
une verité philosophique que le tems
nous a revelée , quoiqu'elle soit encore toute
paradoxe , toute sublime , toute poëtique
; Car l'Auteur n'est pas encore dans
le cas du sublatam ex oculis , & c. d'Horace .
11. Quelle est donc cette verité ? C'est
11. Vol.
eelle
JUIN. 1733. 1313
celle de la nature du mouvement , qui
n'a d'absolu que son existence , et dont
l'essence consiste dans un simple chan
gement de rapport de distance de divers
termes , dont l'un ne peut se mou .
voir sans qué les autres se meuvent aussi
je m'éloigne du Port , le Port s'éloigne
de moi , je fuis les terres et les Villes ,
les terres et les Villes me fuyent .
12. Cela est fort ; car les voila toujours
à la même place. Oui , les unes
par rapport aux autres ; et dans ce sens
me voila immobile moi- même à la même
place dans le Vaisseau qui m'emporte.-
Mais par rapport à ce Vaisseau et par
rapport à moi , tout l'Univers se remuë
lorsque nous nous remuons. La Rame ;
repousse le rivage ou Feau ; l'eau ou le
rivage repousse la Rame et le Vaisseau ;*
l'action et la réaction sont égales , la séparation
est réciproque. Mais ce siecle ..
n'a droit de jouir que des découvertes ›
du précedent , qui s'en mocquoit..
13. Laissons les discussions philosophi
ques écoutons les Commentateurs. Vous
êtes , me disent- ils , vous êtes duppe de
votre imagination. Il est vrai que les .
terres et les Villes semblent fuir . On s'imagine
qu'elles fuyent , c'est tout comme
si elles fayoient ; mais elles ne fuyent pass
II.. Vol. Cvjs poure
1314 M'ERCURE DE FRANCE
pour cela. L'expression de Virgile n'est
qu'une comparai on , une Analogie sousentendue
, une allégorie , une, métaphore.
Fort bien .
14. Mais je reviens à ma Regle , qui
n'est pas e imagination , et qui est ,
ce me semble , la plus solide Regie de
bon sens qu'on puisse consulter. Cela
est -il vrai ? cela est - il faux ? Virgile
ment-il? Virgile dit- il la vérité? S'il ment,
si sa pensée est fausse , elle n'est donc
pas belle , elle est frivole , sophistique ,
miserable ; fi elle est belle , admirable
sublime , comme on l'a cru jusqu'icy ,
je reviens à Despreaux , et je dis avec lui,
Rien n'est beau que le vrai , le vrai seul
&c. est ,
15. Je puis me tromper , mais il me
semble que bien des gens se repaissent
de choses vagues et qu'ils aiment à s'en
repaître , même dans les Sciences , et
sur tout dans ce qui s'appelle Belles- Lettres
. Tout y est plein de je ne sçai quoi
On diroir
que la précision des idées les
gêne , les contraint , leur paroît insup
portable. Ils sont toûjours en garde et
prets à combattre contre cette précision ,
comme les Romains pour leur liberté.
C'est la liberté d'esprit , en effet , qu'on
retrouve dans ces idées vagues qui le
II. Val. ber
JUIN. 1733 . ·1315
bercent doucement et le balancent entre
le oui et le non , entre le vrai et le faux.
Il en coûte , et il faut une espece d'effort
d'esprit pour se fixer à une verité
précise et indivisible.
"
16. Outre la paresse de l'esprit , il y a
encore un interêt de coeur , qui fait qu'on
aime à se tenir comme neutre entre la
plupart des veritez et des erreurs qui
leur sont opposées. Moyennant cette nou
tralité que l'inattention de l'esprit rend
facile , on est toujours prêt à se ranger
au parti que la passion du coeur rend le
plus agréable. Mais c'est là de la moralité .
17. Victrix causa Diis placuit, fed victa Catoni ,
dit Lucain , que Brebeuf,a rendu parc vers
Les Dieux servent Cesar , mais Caton fuit Pom
péc.
Cette pensée a eû des Approbateurs et
des Critiques. Les uns en ont fait un modele
de sublime , les autres l'ont cruë fausse
et purement enflée. C'est bien pis , d'autres.
l'ont traitée d'impie et de sacrilege . La
Philosophie seule a droit d'en décider .
18. Rien n'est plus simple que le fond
de verité philosophique , morale même
et presque théologique , que ce Vers de
Lucain renferme ou suppose. Les Dieux
ou plutôt Dieu tout miséricordieux et très
lent à punir , laisse souvent prosperer le
II. Vol. crime
T316 MERCURE DE FRANCE
crime dans cette vie et pour un temps.
Et bien nous en prend à tous ; que deviendrions-
nous si la peine suivoit de si
près le peché? Il n'en est pas de- même
des hommes ; il leur est expressément
enjoint de s'attacher immuablement au
parti de la justice ou de la verité connuë
,, sans en juger par les apparences
ni par aucune sorte d'évenement. Le
Commentaire est donc facile désormais.
Les Dieux servent César parce qu'il leur
plaît , placuit. Caton suit Pompée, parce
qu'il le doit.
19. Lucain est outré , dit-on ; cela se
peut quelquefois ; mais quelquefois il
peut n'
n'être que fort élevé , fort sublime..
Une verité n'est pas toujours mûre , même
pour la Poësie . Corneille n'a pas
laissé de meurir quelque traits de Lucain;
mais Corneille lui - même passe pour être
souvent guindé.
20. Ces quatre Vers ont été fort cri
tiquez.
Pleurez , pleurez mes yeux , et fondez - vous en eau,
La moitié de ma vie à mis l'autre au tombeau ,
Et me laisse à venger après ce coup funeste ,
Celle queje n'ai plus sur cellè qui me reste.
Je ne disconviendrai pas que la Poësie ,
sur tout la Dramatique , étant faite pour
II. Vol.
tout
JUI N. 1733. 1317
tout le monde , et ses beautez devant
consister dans des traits détachez et commeimperceptibles
plutôt que dans desRaisonnemens
Philosophiques un peu étendus
et développez . il n'y ait du trop dansces
Vers de Corneille.
21. Si le Poëte avoit pû renfermer lesmêmes
beautez dans un seul Vers ou deux
tout au plus , en jettant même un petit
nuage sur des veritez qu'il a renduës
trop sensibles , trop précises , trop dogmatiques
, rien n'auroit été plus sublime .
Car du reste je ne conviendrai pas qu'il
y ait du faux dans sa pensée . Chimene
peut regarder la vie de son Pere comme
la moitié de sa vie , aussi bien que celle
de son mari futur , puisque , selon l'Ecriture
, erunt duo in carne una. Et il n'y
a rien d'outré à dire qu'une fille se
partage entre ce Pere et ce Mari , et que
toute sa vie dépend des deux. Oui , mais
-H y en a donc trois parties ; celle du Pere,
celle du Mari et la sienne ? Et ce sont
des tiers et non des moitiez. Mauvaise
plaisanterie que celle-là . Chimene ne vit
plus en elle-même dès qu'elle se partage
ainsi Ce qui est si vrai , que si son Perc
et Rodrigue meurent , on ne s'attend
qu'à la voir mourir . Mais la verité ellemême
dépend de l'expression .
II. Vol.
22.
7318 MERCURE DE FRANCE
22. En géneral toute verité a droit de
plaire ; mais toute verité nouvelle , profonde,
sublime , éblouit et révolte même l'esprit
et souvent le coeur. Pour la faire
goûter il faut en temperer l'éclat. Or on
tempere cet éclat en l'enveloppant et ne
le laissant qu'entrevoir à demi comme
un trait vif qui perce et qui disparoît. Et
voilà le devoir et l'avantage de la Poësie.
23. Naturellement elle enveloppe et
elle doit envelopper les véritez. Double
avantage du Poëte . Sous cette enveloppe
et sous cet air mysterieux , qui n'est
qu'une affaire d'expression , les veritez
communes deviennent souvent nouvelles
et sublimes ; et les veritez nouvelles
et sublimes par elles mêmes, brillent toujours
assez sans ébloüir. L'enveloppe picque
toujours la curiosité , d'autant plus
qu'elle la satisfait moins.
24. Toute la gloire du Philosophe consiste
dans la découverte de la verité . Mais
une verité toute découverte , lorsqu'elle
est neuve , blesse la vûë et réveille souvent
la jalousie contre son Auteur. Un
génie à découvertes , comme un Descartes
, devroit , s'il étoit bien consulté , ne
proposer son sistême que sous l'envelope
de la Poësie et de la fiction. Il n'y perdroit
rien ; car tout nouveau sistême est
II. Vol.
toujours
JUIN. 1733 1319
toujours traité de fiction et de Roman ;
il y gagneroit même beaucoup. On court
après une verité qui se dérobe ; et un
bon Commentaire feroit bien - tôt adopter
comme philosophiques des veritez
qu'on auroit goûtées d'abord comme Poëtiques.
C'est par la fiction , c'est - à- dire ,
par l'invention qu'on est Poëte ; et lorsqu'on
est né Poëte , les Vers ou la Profe
ne sont plus que des formalitez , des expressions
arbitraires . Mais ces refléxions
viennent quelquefois trop tard .
25. Cependant la gloire du Philosophe
paroît l'emporter en un sens sur celle du
Poete. Celui cy a beau semer les plus
profondes veritez , il n'est jamais censé
parvenir jusqu'à la découverte , qui est
presque l'unique gloire de l'esprit humain.
Il n'y parvient pas non - plus ; il ne
voit la verité que comme il la présente
sous le voile , dans le nuage. C'est par
une espece d'instinct ou d'enthousiasme
et à la pointe de l'esprit , qu'il la saisiť
comme en passant. C'est inspiration , c'est
révélation , si l'on veut . Mais les Prophetes
ne comprennent pas toujours tout ce
que Dieu révele par leur organe à l'Univers.
Virgile , après avoir dit que la
nuit emporte les couleurs , auroit bien
pû n'être pas Cartésien sur l'article.
II. Vol. 26.
1320 MERCURE DE FRANCE
26. Mais comme c'est toujours la Nature
que le Poëte peint , le Philosophe
ne sçauroit trop méditer le sens profond
de tous les traits véritablement sublimes
qui sont répandus chez les Poëtes plus
que chez aucune autre sorte d'Ecrivains.
C'est- là le véritable emploi du Philosophe
, de comprendre ce que les autres
ne font que sentir , de tourner l'instinct
en pensée , la pensée en refléxion , la refléxion
en raisonnement. Je regarde tous
ces grands traits qu'on admire dans les
Poëtes comme autant de semences de dé-
Couvertes.
27. Or c'est l'Analogie qui rend ces
traits poëtiques , féconds en découvertes
Car ce qu'on appelle chez les Poëtes ou
chez les Orateurs , Métaphore, similitude ,
allégorie , figure ; un Philosophe , un
Géometre non hérissé l'appelle Analogie,
proportion , rapport. Toutes nos décou
vertes , toutes nos veritez scientifiques ,
ne sont que des veritez de rapport . Et
par là souvent le sens figuré dégenere
en sens propre , et la figure en réalité.
28. Je dirai quelle est ma regle en ce
point. Lorsque je rencontre quelqu'un de
ces traits poëtiques ou autres , concernant
la Nature , ou tout autre objet philosophique
, et que ce trait me paroît
1. Vol. beau
JUIN. 1733. 1321
beau et sublime , sur tout s'il paroît tel
au commun des Lecteurs , je commence
selon la Méthode de l'Analise géométrique,
par le supposer vrai , même litteralement
vrai. Ensuite par les conséquences
que j'en tire selon les regles du même
Art , je le vérifie . Et enfin après me l'être
démontré à moi -même , je me mets
en état de le démontrer aux autres.
29. Par exemple , tout ce que je viens
de dire , je crois le devoir à la maxime
de Despreaux ; que rien n'est beau que le
vrai. Ce Vers m'a bien mieux appris ce
que c'est que le sublime que tout le
Traité de Longin , traduit par le même
Despreaux ; Traité que j'avoue qui m'a
toujours paru fort beau , mais un peu
vague , un peu oratoire , et plus enflé
de discours , que nourri d'explication et
d'idées philosophiques.
30. Au lieu qu'en supposant la Maxime
en question , et partant de -là , il m'a
été facile de conclure que le sublime
consistoit dans une verité toute neuve
en elle même , ou dans son point-de- vûë,
ou par son expression , et présentée sous
une espece d'envelope qui en rehausse
l'éclat en le temperant. Le Fiat bux que
Longin trouve si sublime , ne l'est que par
le vrai nouveau , profond , merveilleux.
L.
II. Vol. 3L.
1322 MERCURE DE FRANCE
31. Qu'on parle d'un Ouvrage des
hommes , il faut bien des paroles , des
discours , des descriptions pour en faire
connoître la façon . Pour les Ouvrages
de Dieu , comme il n'a fallu qu'un mot
pour les faire , dixit et facta sunt , il ne
faut qu'un mot pour les peindre , et cette
peinture est toujours sublime , parce
qu'elle est extraordinaire , unique , divine.
source du Sublime dans le Discours : sur
le vrai philosophique du Discours Poëtique
, et sur l'Analogie qui est la clef
des Découvertes. Par L. P. C. J.
€
I.
C
E Titre paroît annoncer des sujets
fort differens . Mais la Philosophie
raproche souvent les extrémitez
en ramenant la multitude des apparences
à la réalité d'un Principe très- simple. Et
c'est par l'Analogie que la Philosophie
II. Vol. Cilj atteint
1310 MERCURE DE FRANCE
atteint à cette simplicité féconde de la
Nature.
2. En general cette Analogie nous apprend
, que s'il y a bien des Sciences et
des Arts , il n'y a pourtant qu'une verité ,
dont ces Arts et ces Sciences ne sont
,
que les differens points- de- vûë , les divers
aspects. La Poësie en particulier et
la Philosophie , quelque irréconciliables
qu'elles paroissent , ne different que par
là , par le point- de- vûë , par l'expression.
3. Le Poëte pense et parle. Le Philosophe
refléchit
raisonne et discourt ;
c'est- à- dire , le Poëte enveloppe dans une
pensée et souvent dans un mot le raisonnement
du Philosophe , et le Philophe
dans un raisonnement étendu , developpe
la pensée , le mot du Poëte.
C'est cet enveloppement et ce développement
seuls qui caracterisent les deux
genres , relativement l'un à l'autre.
4. Mais c'est toujours le même objet ,
la même nature , la même vérité , que
le Poëte et le Philosophe peignent également
, l'un en grand, l'autre en racour
ci et comme en miniature.
5. Lorsque cet objet est nouveau ,
merveilleux
élevé , interessant , qu'il
donne à penser , qu'il étend les vûës de
l'esprit , le Raisonnement philosophique
II. Vol.
JUIN. 1733 1311
que qui le développe , prend le nom de
Découverte , la pensée poetique qui le
révele , prend celui de Pensée sublime.
Venons à des Exemples.
6. Mais auparavant je dois poser comme
un Principe , cette maxime sublime
elle- même , de Despreaux , que
Rien n'est beau que le vrai, le vrai feul est aimable ,
Il doit degner par tout et même dans la Fable.
En effet la découverte du faux ne
peut être une vraye decouverte ; car découvrir
ce qui n'est pas, c'est bien pis que
de ne rien découvrir ; et une pensée fausse
ne sera jamais une belle pensée .
7. Cela supposé , Virgile peint la nuit,
en disant qu'elle ôte aux choses leurs
couleurs , rebus nox abstulit atra colores.
Cette idée est sublime , belle du moins ,
car je ne veux point de dispute. Or qu'estce
qui en fait la beauté ? Je le demande
aux Commentateurs. Mais que nous en
ont ils dit ? Des Tropes , des figures , des
allégories , des métaphores. Je ne connois
point tout cela. Mais je demande
encore si c'est du vrai , si c'est du faux
que Virgile nous donne- là.
8. Aristote nous a tracé les vrayes regles
de la Poëtique et même de la Rhéto
rique. Ce sera donc un Philosophe , ce
sera Descartes qui nous apprendra que
11. Vol
CY les
1212 MERCURE DE FRANCE
les couleurs n'étant qu'une lumiere mo
difiée , la nuit en chassant la lumiere a
chassé les couleurs ; et qu'ainsi la pensée de
Virgile a tous les caracteres du sublime
du grand , du beau , étant d'abord vraye ,
et ensuite nouvelle , merveilleuse,profonde
paradoxe même , et contraire au préjugé.
9. Car je pense que c'est par rapport
à nous et pour nous qu'une pensée est
sublime , c'est-à- dire , comme placée en
un lieu sublime , escarpé , difficile à atteindre
, et par là très - merveilleuse et
toute aimable , lorsqu'elle daigne en quel
que sorte s'abaisser jusqu'à nous qui n'aurions
pû , sans le secours du Poëte comme
inspiré et sans une espece
de secours
divin , nous élever jusqu'à elle.
10. Virgile dit ailleurs :
Provehimur portu terraque urbesque receduns.
"Nous sortons du Port , et nous voyons
les terres et les Villes se retirer . Cette image
est magnifique; mais ce n'est que parce
qu'elle est d'après nature et qu'elle renferme
une verité philosophique que le tems
nous a revelée , quoiqu'elle soit encore toute
paradoxe , toute sublime , toute poëtique
; Car l'Auteur n'est pas encore dans
le cas du sublatam ex oculis , & c. d'Horace .
11. Quelle est donc cette verité ? C'est
11. Vol.
eelle
JUIN. 1733. 1313
celle de la nature du mouvement , qui
n'a d'absolu que son existence , et dont
l'essence consiste dans un simple chan
gement de rapport de distance de divers
termes , dont l'un ne peut se mou .
voir sans qué les autres se meuvent aussi
je m'éloigne du Port , le Port s'éloigne
de moi , je fuis les terres et les Villes ,
les terres et les Villes me fuyent .
12. Cela est fort ; car les voila toujours
à la même place. Oui , les unes
par rapport aux autres ; et dans ce sens
me voila immobile moi- même à la même
place dans le Vaisseau qui m'emporte.-
Mais par rapport à ce Vaisseau et par
rapport à moi , tout l'Univers se remuë
lorsque nous nous remuons. La Rame ;
repousse le rivage ou Feau ; l'eau ou le
rivage repousse la Rame et le Vaisseau ;*
l'action et la réaction sont égales , la séparation
est réciproque. Mais ce siecle ..
n'a droit de jouir que des découvertes ›
du précedent , qui s'en mocquoit..
13. Laissons les discussions philosophi
ques écoutons les Commentateurs. Vous
êtes , me disent- ils , vous êtes duppe de
votre imagination. Il est vrai que les .
terres et les Villes semblent fuir . On s'imagine
qu'elles fuyent , c'est tout comme
si elles fayoient ; mais elles ne fuyent pass
II.. Vol. Cvjs poure
1314 M'ERCURE DE FRANCE
pour cela. L'expression de Virgile n'est
qu'une comparai on , une Analogie sousentendue
, une allégorie , une, métaphore.
Fort bien .
14. Mais je reviens à ma Regle , qui
n'est pas e imagination , et qui est ,
ce me semble , la plus solide Regie de
bon sens qu'on puisse consulter. Cela
est -il vrai ? cela est - il faux ? Virgile
ment-il? Virgile dit- il la vérité? S'il ment,
si sa pensée est fausse , elle n'est donc
pas belle , elle est frivole , sophistique ,
miserable ; fi elle est belle , admirable
sublime , comme on l'a cru jusqu'icy ,
je reviens à Despreaux , et je dis avec lui,
Rien n'est beau que le vrai , le vrai seul
&c. est ,
15. Je puis me tromper , mais il me
semble que bien des gens se repaissent
de choses vagues et qu'ils aiment à s'en
repaître , même dans les Sciences , et
sur tout dans ce qui s'appelle Belles- Lettres
. Tout y est plein de je ne sçai quoi
On diroir
que la précision des idées les
gêne , les contraint , leur paroît insup
portable. Ils sont toûjours en garde et
prets à combattre contre cette précision ,
comme les Romains pour leur liberté.
C'est la liberté d'esprit , en effet , qu'on
retrouve dans ces idées vagues qui le
II. Val. ber
JUIN. 1733 . ·1315
bercent doucement et le balancent entre
le oui et le non , entre le vrai et le faux.
Il en coûte , et il faut une espece d'effort
d'esprit pour se fixer à une verité
précise et indivisible.
"
16. Outre la paresse de l'esprit , il y a
encore un interêt de coeur , qui fait qu'on
aime à se tenir comme neutre entre la
plupart des veritez et des erreurs qui
leur sont opposées. Moyennant cette nou
tralité que l'inattention de l'esprit rend
facile , on est toujours prêt à se ranger
au parti que la passion du coeur rend le
plus agréable. Mais c'est là de la moralité .
17. Victrix causa Diis placuit, fed victa Catoni ,
dit Lucain , que Brebeuf,a rendu parc vers
Les Dieux servent Cesar , mais Caton fuit Pom
péc.
Cette pensée a eû des Approbateurs et
des Critiques. Les uns en ont fait un modele
de sublime , les autres l'ont cruë fausse
et purement enflée. C'est bien pis , d'autres.
l'ont traitée d'impie et de sacrilege . La
Philosophie seule a droit d'en décider .
18. Rien n'est plus simple que le fond
de verité philosophique , morale même
et presque théologique , que ce Vers de
Lucain renferme ou suppose. Les Dieux
ou plutôt Dieu tout miséricordieux et très
lent à punir , laisse souvent prosperer le
II. Vol. crime
T316 MERCURE DE FRANCE
crime dans cette vie et pour un temps.
Et bien nous en prend à tous ; que deviendrions-
nous si la peine suivoit de si
près le peché? Il n'en est pas de- même
des hommes ; il leur est expressément
enjoint de s'attacher immuablement au
parti de la justice ou de la verité connuë
,, sans en juger par les apparences
ni par aucune sorte d'évenement. Le
Commentaire est donc facile désormais.
Les Dieux servent César parce qu'il leur
plaît , placuit. Caton suit Pompée, parce
qu'il le doit.
19. Lucain est outré , dit-on ; cela se
peut quelquefois ; mais quelquefois il
peut n'
n'être que fort élevé , fort sublime..
Une verité n'est pas toujours mûre , même
pour la Poësie . Corneille n'a pas
laissé de meurir quelque traits de Lucain;
mais Corneille lui - même passe pour être
souvent guindé.
20. Ces quatre Vers ont été fort cri
tiquez.
Pleurez , pleurez mes yeux , et fondez - vous en eau,
La moitié de ma vie à mis l'autre au tombeau ,
Et me laisse à venger après ce coup funeste ,
Celle queje n'ai plus sur cellè qui me reste.
Je ne disconviendrai pas que la Poësie ,
sur tout la Dramatique , étant faite pour
II. Vol.
tout
JUI N. 1733. 1317
tout le monde , et ses beautez devant
consister dans des traits détachez et commeimperceptibles
plutôt que dans desRaisonnemens
Philosophiques un peu étendus
et développez . il n'y ait du trop dansces
Vers de Corneille.
21. Si le Poëte avoit pû renfermer lesmêmes
beautez dans un seul Vers ou deux
tout au plus , en jettant même un petit
nuage sur des veritez qu'il a renduës
trop sensibles , trop précises , trop dogmatiques
, rien n'auroit été plus sublime .
Car du reste je ne conviendrai pas qu'il
y ait du faux dans sa pensée . Chimene
peut regarder la vie de son Pere comme
la moitié de sa vie , aussi bien que celle
de son mari futur , puisque , selon l'Ecriture
, erunt duo in carne una. Et il n'y
a rien d'outré à dire qu'une fille se
partage entre ce Pere et ce Mari , et que
toute sa vie dépend des deux. Oui , mais
-H y en a donc trois parties ; celle du Pere,
celle du Mari et la sienne ? Et ce sont
des tiers et non des moitiez. Mauvaise
plaisanterie que celle-là . Chimene ne vit
plus en elle-même dès qu'elle se partage
ainsi Ce qui est si vrai , que si son Perc
et Rodrigue meurent , on ne s'attend
qu'à la voir mourir . Mais la verité ellemême
dépend de l'expression .
II. Vol.
22.
7318 MERCURE DE FRANCE
22. En géneral toute verité a droit de
plaire ; mais toute verité nouvelle , profonde,
sublime , éblouit et révolte même l'esprit
et souvent le coeur. Pour la faire
goûter il faut en temperer l'éclat. Or on
tempere cet éclat en l'enveloppant et ne
le laissant qu'entrevoir à demi comme
un trait vif qui perce et qui disparoît. Et
voilà le devoir et l'avantage de la Poësie.
23. Naturellement elle enveloppe et
elle doit envelopper les véritez. Double
avantage du Poëte . Sous cette enveloppe
et sous cet air mysterieux , qui n'est
qu'une affaire d'expression , les veritez
communes deviennent souvent nouvelles
et sublimes ; et les veritez nouvelles
et sublimes par elles mêmes, brillent toujours
assez sans ébloüir. L'enveloppe picque
toujours la curiosité , d'autant plus
qu'elle la satisfait moins.
24. Toute la gloire du Philosophe consiste
dans la découverte de la verité . Mais
une verité toute découverte , lorsqu'elle
est neuve , blesse la vûë et réveille souvent
la jalousie contre son Auteur. Un
génie à découvertes , comme un Descartes
, devroit , s'il étoit bien consulté , ne
proposer son sistême que sous l'envelope
de la Poësie et de la fiction. Il n'y perdroit
rien ; car tout nouveau sistême est
II. Vol.
toujours
JUIN. 1733 1319
toujours traité de fiction et de Roman ;
il y gagneroit même beaucoup. On court
après une verité qui se dérobe ; et un
bon Commentaire feroit bien - tôt adopter
comme philosophiques des veritez
qu'on auroit goûtées d'abord comme Poëtiques.
C'est par la fiction , c'est - à- dire ,
par l'invention qu'on est Poëte ; et lorsqu'on
est né Poëte , les Vers ou la Profe
ne sont plus que des formalitez , des expressions
arbitraires . Mais ces refléxions
viennent quelquefois trop tard .
25. Cependant la gloire du Philosophe
paroît l'emporter en un sens sur celle du
Poete. Celui cy a beau semer les plus
profondes veritez , il n'est jamais censé
parvenir jusqu'à la découverte , qui est
presque l'unique gloire de l'esprit humain.
Il n'y parvient pas non - plus ; il ne
voit la verité que comme il la présente
sous le voile , dans le nuage. C'est par
une espece d'instinct ou d'enthousiasme
et à la pointe de l'esprit , qu'il la saisiť
comme en passant. C'est inspiration , c'est
révélation , si l'on veut . Mais les Prophetes
ne comprennent pas toujours tout ce
que Dieu révele par leur organe à l'Univers.
Virgile , après avoir dit que la
nuit emporte les couleurs , auroit bien
pû n'être pas Cartésien sur l'article.
II. Vol. 26.
1320 MERCURE DE FRANCE
26. Mais comme c'est toujours la Nature
que le Poëte peint , le Philosophe
ne sçauroit trop méditer le sens profond
de tous les traits véritablement sublimes
qui sont répandus chez les Poëtes plus
que chez aucune autre sorte d'Ecrivains.
C'est- là le véritable emploi du Philosophe
, de comprendre ce que les autres
ne font que sentir , de tourner l'instinct
en pensée , la pensée en refléxion , la refléxion
en raisonnement. Je regarde tous
ces grands traits qu'on admire dans les
Poëtes comme autant de semences de dé-
Couvertes.
27. Or c'est l'Analogie qui rend ces
traits poëtiques , féconds en découvertes
Car ce qu'on appelle chez les Poëtes ou
chez les Orateurs , Métaphore, similitude ,
allégorie , figure ; un Philosophe , un
Géometre non hérissé l'appelle Analogie,
proportion , rapport. Toutes nos décou
vertes , toutes nos veritez scientifiques ,
ne sont que des veritez de rapport . Et
par là souvent le sens figuré dégenere
en sens propre , et la figure en réalité.
28. Je dirai quelle est ma regle en ce
point. Lorsque je rencontre quelqu'un de
ces traits poëtiques ou autres , concernant
la Nature , ou tout autre objet philosophique
, et que ce trait me paroît
1. Vol. beau
JUIN. 1733. 1321
beau et sublime , sur tout s'il paroît tel
au commun des Lecteurs , je commence
selon la Méthode de l'Analise géométrique,
par le supposer vrai , même litteralement
vrai. Ensuite par les conséquences
que j'en tire selon les regles du même
Art , je le vérifie . Et enfin après me l'être
démontré à moi -même , je me mets
en état de le démontrer aux autres.
29. Par exemple , tout ce que je viens
de dire , je crois le devoir à la maxime
de Despreaux ; que rien n'est beau que le
vrai. Ce Vers m'a bien mieux appris ce
que c'est que le sublime que tout le
Traité de Longin , traduit par le même
Despreaux ; Traité que j'avoue qui m'a
toujours paru fort beau , mais un peu
vague , un peu oratoire , et plus enflé
de discours , que nourri d'explication et
d'idées philosophiques.
30. Au lieu qu'en supposant la Maxime
en question , et partant de -là , il m'a
été facile de conclure que le sublime
consistoit dans une verité toute neuve
en elle même , ou dans son point-de- vûë,
ou par son expression , et présentée sous
une espece d'envelope qui en rehausse
l'éclat en le temperant. Le Fiat bux que
Longin trouve si sublime , ne l'est que par
le vrai nouveau , profond , merveilleux.
L.
II. Vol. 3L.
1322 MERCURE DE FRANCE
31. Qu'on parle d'un Ouvrage des
hommes , il faut bien des paroles , des
discours , des descriptions pour en faire
connoître la façon . Pour les Ouvrages
de Dieu , comme il n'a fallu qu'un mot
pour les faire , dixit et facta sunt , il ne
faut qu'un mot pour les peindre , et cette
peinture est toujours sublime , parce
qu'elle est extraordinaire , unique , divine.
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Résumé : REFLÉXIONS sur la Nature et la source du Sublime dans le Discours : sur le vrai philosophique du Discours Poëtique, et sur l'Analogie qui est la clef des Découvertes. Par L. P. C. J.
Le texte 'Réflexions sur la Nature et la source du Sublime dans le Discours' examine la relation entre la poésie et la philosophie, soulignant que ces deux disciplines, bien que différentes dans leur expression, partagent une même vérité. Le poète et le philosophe se distinguent par leur manière de présenter cette vérité : le poète l'enveloppe dans une pensée ou un mot, tandis que le philosophe la développe dans un raisonnement étendu. Les deux disciplines peignent le même objet, la même nature, mais différemment. Le texte insiste sur l'importance de la vérité dans la création poétique, citant la maxime de Boileau : 'Rien n'est beau que le vrai'. Il utilise des exemples, comme un vers de Virgile décrivant la nuit, pour illustrer comment une pensée poétique peut être sublime si elle est vraie et nouvelle. La philosophie, représentée par Descartes, explique que la pensée de Virgile est sublime car elle est basée sur une vérité scientifique. Le texte critique ceux qui préfèrent les idées vagues aux idées précises, soulignant que la vérité, même si elle est nouvelle et profonde, doit être enveloppée pour être appréciée. La poésie a ainsi le devoir d'envelopper les vérités pour les rendre sublimes et accessibles. La gloire du philosophe réside dans la découverte de la vérité, mais le poète, par son instinct et son enthousiasme, saisit la vérité de manière inspirée. Le philosophe doit méditer les traits sublimes des poètes pour en comprendre le sens profond. L'auteur décrit sa méthode pour vérifier les traits poétiques ou philosophiques. Lorsqu'il rencontre un trait beau et sublime, il le suppose vrai et le vérifie par les conséquences qu'il en tire. Par exemple, la maxime de Boileau 'rien n'est beau que le vrai' a mieux enseigné à l'auteur le sublime que le traité de Longin, jugé vague et oratoire. Le sublime est défini comme une vérité nouvelle, soit en elle-même, soit par son expression, présentée sous une forme qui en rehausse l'éclat. Pour les œuvres de Dieu, un seul mot suffit pour les décrire de manière sublime, car elles sont extraordinaires et divines.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 698-706
LETTRE de ..... à M. Pilleret, Maître d'Ecole à Cousance en Barrois, au sujet du Systême Typographique.
Début :
Enfin, Monsieur, le Systême Typographique paroît en son entier ; il y a des Bureaux, [...]
Mots clefs :
Système typographique, Système, Enfant, Bureau, Maître, Livre, Jouer, Travailler, Enfants, Règles, Beau, Apprendre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de ..... à M. Pilleret, Maître d'Ecole à Cousance en Barrois, au sujet du Systême Typographique.
LETTRE de ..... à M. Pilleret
Maitre d'Ecole à Cousance en Barrois ,
au sujet du Systême Typographique .
Enfin,
Nfin , Monsieur , le Systême Typographique
paroît en son entier ; il y a des Bureaux ,
et nous avons le Livre dans lequel cette matiere
est amplement traitée . Tout préambule à part ,
je vous dirai librement ce que je pense et du Systême
et du Livre.
Un Sçavant du premier ordre dit qu'une des
premieres regles de critique , pour entrer dans l'esprit
d'un Auteur est d'examiner quel caractere il
soutient dans l'Ouvrage dont il est question . Ce
n'est , sans doute , qu'en partant de ce principe
et en s'y tenant fortement attaché , qu'on peut
éviter deux écueils également dangereux , ou de
tout approuver sans discernement , ou de tout
condamner sans réserve . Telle est cependant la
disposition des Partisans et des ennemis du nouveau
Systême , que les premiers suivent aveuglement
toutes les idées de l'Auteur et que les autres
ne veulent y reconnoître rien de bon.
Qu'on se donne donc la peine d'étudier le caractere
de M.D.M.soit dans son Systême , soit dans
ce qu'il en a écrit , on y découvrira par tout cet
esprit de franchise et d'amour pour la Patrie
qui doit toujours être l'ame de ce que nous entreprenons.
On y verra sans peine que c'est uniquement
pour le bien et l'avancement de notre
Jeunesse, qui , après s'être rendu habile dans les
Sciences les plus abstraites et les plus épineuses,
M.
AVRIL. 1734. 699
M. D. ne dédaigne pas de descendre jusqu'à
l'A. B. C. il se montre peu jaloux de l'encens
après lequel nous voyons courir tant de froids
Ecrivains , et que nous prodiguons sottement à
ceux qui pour faire parade d'une vaine érudition
plutôt que pour se rendre utiles au Public , composent
des Ouvrages dont il est vrai que souvent
la lecture est agréable ; mais qui ne contribuent
en rien ni à nous rendre meilleurs , ni à nous
faciliter les moyens de le devenir. Encore si nous
nous contentions de ceux-cy ; mais n'est - il pas
honteux que tant de conteurs de nouveaux riens
et de riens dangereux , enlevent notre estime et
notre approbation , que nous ne devons qu'au
vrai que nous négligeons , que nous méprisons
et que souvent nous combattons.
Nous faisons cas du beau , nous méprisons l'utile .
Voila le mal commun ; et si quelques génies
supérieurs se sont élevez au - dessus et nous en
ont fait voir le danger et le ridicule , nous les
admirons ; mais nous en demeurons-là , nous
persuadant facilement que nous ne sommes pas
dans le cas. Ce qui nous trompe en cela , c'est
que nous prenons le faux pour le vrai , le beau
pour l'utile , le brillant pour le veritable beau ;
que nous croyons veritablement tenir pour le
bon , et que ceux qui ne pensent pas comme
nous sont dans l'erreur . C'est aussi ce qui a suscité
tant d'adversaires aux nouvelles idées de
M. D. qui fait tout revenir dans son Systême ,
au point de vue que se doit proposer tout Auteur
désinteressé, c'est - à - dire , au vrai , à l'utile , au
veritable beau . Des intentions si droites , quand
elles ne se trouveroient pas exactement remplies,
devroient , sans doute , imposer silence à l'envie
D iiij
et
700 MERCURE DE + FRANCE
et à la mauvaise humeur de quelques petits esprits
pleins d'eux- mêmes ; mais dès-lors ils ne
seroient plus ce qu'ils sont,
-
L'usage du Bureau Typographique a de grands
avantages , il en faut convenir ; mais on les trouve
mêlez avec des inconveniens très considerables
qui en ralentiront peut - être encore
long-temps le succès . Je ne parle pas de la dépense
de la machine que tout le monde ne peut
pas faire , ni de la difficulté de trouver des Maîtres
instruits du Systême , ce qu'on a déja objecté
à l'Auteur ; mais il n'est pas facile de comprendre
comment un Maître d'Ecole pourroit
s'en servir utilement . J'ai vu travailler des Enfans
au Bureau , je les ai suivis , et s'il y a un profil réel
dans l'usage de cette Machine , je crois que ce ne
peut être que dans la pratique assidue, le Maître
toujours présent et attentifà ce que fait l'Enfant.
On ne peut faire travailler qu'un Enfant à la fois ;
s'ils sont deux ou trois , ils s'embarassent, ilsjouent
et perdent leur temps. De plus l'étude , pour lui
être utile, doit être d'une heure au moins le matin
et autant le soir. Où en seroit un Maître qui
auroit , je ne dis pas cent , mais seulement quinze
ou vingt Ecoliers ? Comment exercer chacun
d'eux en particulier ? Lui donner une heure le
matin et autant le soir ? Etre présent là pendant
qu'il opere ? Le guider , l'animer , et rire ? Car
tout cela est du Systême. Que feront tous les
autres pendant ce temps-là ? Leur donner des leçons
à apprendre ? Rien n'est plus ridicule selon
le nouveau Systême , c'est même une injustice.On
doit toujours travailler avec l'Enfant , aller au devant
de toutes les difficultez , et étudier avec lui.
Qu'on les oblige d'écouter et de voir celui qui
travaille , cela est , sans doute , impraticable . Il
faudra
AVRIL. 1734 .
701
faudra donc
que tous les autres demeurent oisifs,
tandis qu'un seul sera occupé. Il est vrai que
tous ces inconveniens se trouvent aussi liez avec
la Méthode ordinaire ; mais le nouveau Systême
n'y obviant pas , et ayant même ceci de plus qu'il
coûte et qu'il est d'un grand embarras , je ne
yois pas pourquoi on le préfereroit.
Ce qui fait le fort du Systême Typographi
que , c'est que l'Enfant passant continuellement
d'un objet à un autre , peut bien apprendre avec
plus d'agrément et peut- être avec plus de profit
pour le présent ; mais il y a tout lieu de Graindre
qu'il ne s'y forme un grand fond d'inconstance
et de legereté , ce qui n'est pas un petit défaut.
Je me trouvai un jour chez un des plus zelez
Typographistes , où , après avoir caressé un
Enfant qu'il instruisoit selon le Systême , je lui
témoignai l'envie que j'avois de le voir travailler
au Bureau.La personne qui le conduisoit, s'étant
approchée , m'avertit secrettement de ne point
me servir du mot travailler , mais de jouer ; et
en même-temps prenant la parole , eh bien , mon
fils , dit- il , voulez- vous jouer à present. Comment
un Enfant élevé de cette maniere , passera- t'il à
une étude sérieuse ? Comment en supportera- t'il
la peine et le travail , lui à qui on n'aura jamais
parlé que de jeu ? Comment enfin y apporterat'il
une application qu'on ne lui aura jamais demandée.
C'est pour entretenir dans l'Enfant cet
esprit de satisfaction que lui procure cette pensée
qu'il joue ; qu'il ne faut jamais le contraindre
; que s'il ne lui plaisoir pas de jouer , il
ne faudroit pas l'y forcer. Il faut attendre ses
momens et se conformer à ses petites volontez.
Ces caprices doivent servir de regles , et ce seroit
une injustice que de vouloir que les regles res-
DY traignissent
702 MERCURE DE FRANCE
traignissent ses fantaisies. Dira - t'on que tout
cela n'est rien ; que ce ne sont que préventions ,
que préjugez.
Ce que je crois de plus fort contre le nouveau
Systême , c'est que l'amour propre y est érigé en
premier Maître des Enfans , et que ce vice dangereux
s'y trouve l'ame et le grand mobile de
tout ce qu'on leur fait faire. Leur petite imagination
se repaît agréablement des loüanges qu'il
faut leur prodiguer , ce qui les remplit insensiblement
de sentimens d'estime pour eux - mêmes
et de mépris pour les autres. En voici un trait
que je tiens de personnes non suspectes. On faisoit
jouer un Enfant au Bureau , ou plutôt on
jouoit avec lui . Le pere voulut aussi s'en mêler ;
mais par malheur ayant mis une lettre pour une
autre , un j consone , à ce qu'on m'a dit , pour
un i voyele dans le mot jgnorant au lieu -d'ignorant
; l'enfant se retourna et dit tout bas à l'oreille
de son Maître , je crois que mon cher Pere
est un peu bête ; on l'entendit , mais on jugea à
propos de faire la sourde oreille. Que n'y a t'il
pas à craindre pour des Enfans élevez dans ces
principes ! Ajoutons à cela que la conviction du
Mérite qu'ils s'imaginent avoir , les remplit
de vanité , de hauteur et d'impatience . J'en ai vû
qui écoutoient d'un air dédaigneux et moqueur
d'autres Enfans qui n'avoient pas été élevez
comme eux , et qui railloient des personnes qu'ils
devoient respecter , parce qu'ils prononçoient leslettres
autrement qu'eux . Quand une fois ils ont
fait ce qu'on appelle leurs Thêmes , on n'oseroit
y toucher, c'est -à - dire , y déranger quelque cho
se , sans les irriter. Je fus un jour témoin oculaire
d'un soufflet très - sec qu'un Enfant élevé
selon le Systême , donna à un autre Enfant qui
Dai
AVRIL 1734. 703
lui avoit brouillé un mot qu'il venoit d'imprimer.
Voilà , Monsieur , ce qui a suspendu jusqu'ici
le jugement de plusieurs ; la difficulté ou
plutot l'impossibilité de se servir du Bureau dans
les Ecoles publiques ; la nécessité de la préfence
du Maître à tout ce que fait l'Enfant , si on veut
qu'il avance plus que par la Méthode ordinaire ;
celle de jouer , de badiner et de rire avec l'Enfant,
quand il opere , le danger qu'il y a que l'Enfant
ne retire de tout ce manége , qu'un esprit d'inconstance
et de legereté , et enfin celui de prendre
l'Enfant la vanité et de faire l'amour
par
propre l'ame et le grand mobile de son étude.
Mais venons au Livre.
Tout Livre de Grammaire porte avec soi quelque
chose d'aride , le titre même rebute et ne
rappelle point le Lecteur. Il faut donc , pour
vaincre ce dégoût , présenter cette sorte de matiere
avec quelque apprêt , sans quoi un Livrede.
cette espece ne sera jamais lû que par ceux qui en
ont unbesoin extrême . Beaucoup de gens croyent
en sçavoir assez , et il y en a peu qui en fassent
une étude sérieuse. Le Systême Typographique
a cela de particulier , qu'il ett susceptible d'une
infinité d'agrémens , malgré la secheiesse apparente
des instructions qu'il renferme, et l'Auteur,
par je ne sçai quelles idées , a répandu sur tout
son Ouvrage une mélancolie , une tristesse qui
rebutera bien des Lecteurs ; et par consequent
arrêtera dès le commencement , les progrès de
cette invention . On rencontre presque à chaque
page un M. G. Professeur de l'Université , qui
semble être l'unique objet de l'Auteur , pour qui
ce Régent est une source perpetuelle de chagrin
et de déclamations qui n'éclaircissent en rien le
fond du Systême. C'eût été répondre solidement
D vj
aux
704 MERCURE DE FRANCE.
aux frivoles objections de ce Professeur , que de
garder un silence profond à cet égard ; enfin ôtez
de tout le Livre ce qui regarde cete dispute particuliere
, les redites fréquentes des mêmes choses
, les citations trop réiterées de gens favorables
au Systême et d'Enfans qu'on instruit
par le Bureau , choses qui interessent fort peu lc
Lecteur avide d'être au fait ; voici à quoi se reduit
cet Ouvrage.
i
Il faut , suivant l'Auteur , nommer un C. lé ké;
PF. fé ; le Ph. fé ; le G. gné, guéné ; le H. hê ;
le J. je -ja ; le K. ka- ku ; le L. lé ; le M. mé ; le
Q. qu - ka ; le R. rê ; le S. lé- zé; le T. te-ci ; le
V. vé ; le X. ksé , quézé ; le Y. i- ié , le Z. zé- sé ;
le &t . cté- csi ; le ft. sté ; le &. et ; le æ. é ; le oe . é;
le è. ais ; le ê. ais ; le ch. ché- ké , &c. Il faut remarquer
que ces lettres ausquelles il a donné une
double valeur , comme au C. ne seront appelées
que d'une de ces valeurs , suivant le lieu où elles
se trouveront , par exemple , dans Ciconia , on
dira sé , i , ci : ké , o , co : cico , & c ainsi des
autres.
De-là on vient aux sons , découverte des plus
importantes qu'on ait jamais faites pour faciliter
la lecture et abreger le temps qu'on y employe
ordinairement ; il appelle donc par un seul son
toutes les lettres qui , unies ensemble , n'en font
qu'un. Par exemple , Caux , on l'appelle o simplement.
Les nazales an , en , in , on , un. Ensuite
les autres sons que vous pourrez voir dans son
A. B. C. comme oient , qu'il appelle ais ou ê.
Voilà pour la lecture.
A l'égard des premiers principes de la Langue
Latine ou de la Grecque , car ce seroit la même
chose , il faut donner un thême ou une version
interlineaire à l'Enfant , qu'il imprimera sur le
Bureau
AVRIL 1734 70s
Bureau. Donnons un exemble dans lequel on
peat voit tout le Systême , tant pour apprendre
à lire , que pour apprendre les principes de la
Langue Latine, ou de telle autre qu'on voudra enseigner
à l'Enfant . On pourroit faire un Thême
ou un Exemple dans lequel se trouveroit une
chose de chaque Logette du Bureau. Mais comme
cela nous meneroit trop loin , contentonsnous
de celui - cy : Mon Dieu , je vous aime bienè
Supposons qu'un Enfant connoît déja les lettres
simplement sans les sons , on lui fait ranger sur
le Bureau : m , o , n , D , i , c , u , j , e , v , o , u , s,
a , i , m , e , b e , n. S'il connoît les sons ,
en lui fait ranger de cette sorte ; m, on, D, i , eu,
j , e , v , ou , s , ai , m , e , b , i ,en.
S'il commence à lire , on lui fait ranger par
mots de cette maniere : mon , dans le pronom
possessif. Dieu , dans les noms substantifs . je,
dans le pronom de la premiere personne . vous
dans le pronom de la seconde personne. aime ,
dans les verbes François. bien , dans les indéclinables
François. Voilà pour la Langue Françoise,'
ainsi de même pour le Latin. Car les Logettes
pour le Latin sont aussi dans le Bureau . Il faut
donner le Thême tout fait à l'Enfant ; et en lui
faisant prendre mi dans la Logette des pronoms
possessifs , on lui fait remarquer que s'est le vocatif
: Deus , dans les noms substantifs Latins
&c. on doir en même- temps lui expliquer les
regles de la Sintaxe. Voilà à peu près à quoi se
réduit tout le Systême . L'Auteur ayant une fois
posé ses principes , pouvoit , par le moyen d'un
seul exemple , mettre le Lecteur au fait , et il se
seroit épargné la dépense d'un gros Livre , qui
dans l'état où il est , ne servira qu'à rebuter
ceux qui veulent sçavoir son Systême. J'ai l'hon
neur d'être , Monsieur , &c.
>
706 MERCURE DE FRANCE
Nota. Nous donnerons dans le mois prochain la
Réponse à cette Lettre , que la longueur ne nous
permet pas d'inserer ici . comme nous l'avions déja
promis sur cette matiere.
Maitre d'Ecole à Cousance en Barrois ,
au sujet du Systême Typographique .
Enfin,
Nfin , Monsieur , le Systême Typographique
paroît en son entier ; il y a des Bureaux ,
et nous avons le Livre dans lequel cette matiere
est amplement traitée . Tout préambule à part ,
je vous dirai librement ce que je pense et du Systême
et du Livre.
Un Sçavant du premier ordre dit qu'une des
premieres regles de critique , pour entrer dans l'esprit
d'un Auteur est d'examiner quel caractere il
soutient dans l'Ouvrage dont il est question . Ce
n'est , sans doute , qu'en partant de ce principe
et en s'y tenant fortement attaché , qu'on peut
éviter deux écueils également dangereux , ou de
tout approuver sans discernement , ou de tout
condamner sans réserve . Telle est cependant la
disposition des Partisans et des ennemis du nouveau
Systême , que les premiers suivent aveuglement
toutes les idées de l'Auteur et que les autres
ne veulent y reconnoître rien de bon.
Qu'on se donne donc la peine d'étudier le caractere
de M.D.M.soit dans son Systême , soit dans
ce qu'il en a écrit , on y découvrira par tout cet
esprit de franchise et d'amour pour la Patrie
qui doit toujours être l'ame de ce que nous entreprenons.
On y verra sans peine que c'est uniquement
pour le bien et l'avancement de notre
Jeunesse, qui , après s'être rendu habile dans les
Sciences les plus abstraites et les plus épineuses,
M.
AVRIL. 1734. 699
M. D. ne dédaigne pas de descendre jusqu'à
l'A. B. C. il se montre peu jaloux de l'encens
après lequel nous voyons courir tant de froids
Ecrivains , et que nous prodiguons sottement à
ceux qui pour faire parade d'une vaine érudition
plutôt que pour se rendre utiles au Public , composent
des Ouvrages dont il est vrai que souvent
la lecture est agréable ; mais qui ne contribuent
en rien ni à nous rendre meilleurs , ni à nous
faciliter les moyens de le devenir. Encore si nous
nous contentions de ceux-cy ; mais n'est - il pas
honteux que tant de conteurs de nouveaux riens
et de riens dangereux , enlevent notre estime et
notre approbation , que nous ne devons qu'au
vrai que nous négligeons , que nous méprisons
et que souvent nous combattons.
Nous faisons cas du beau , nous méprisons l'utile .
Voila le mal commun ; et si quelques génies
supérieurs se sont élevez au - dessus et nous en
ont fait voir le danger et le ridicule , nous les
admirons ; mais nous en demeurons-là , nous
persuadant facilement que nous ne sommes pas
dans le cas. Ce qui nous trompe en cela , c'est
que nous prenons le faux pour le vrai , le beau
pour l'utile , le brillant pour le veritable beau ;
que nous croyons veritablement tenir pour le
bon , et que ceux qui ne pensent pas comme
nous sont dans l'erreur . C'est aussi ce qui a suscité
tant d'adversaires aux nouvelles idées de
M. D. qui fait tout revenir dans son Systême ,
au point de vue que se doit proposer tout Auteur
désinteressé, c'est - à - dire , au vrai , à l'utile , au
veritable beau . Des intentions si droites , quand
elles ne se trouveroient pas exactement remplies,
devroient , sans doute , imposer silence à l'envie
D iiij
et
700 MERCURE DE + FRANCE
et à la mauvaise humeur de quelques petits esprits
pleins d'eux- mêmes ; mais dès-lors ils ne
seroient plus ce qu'ils sont,
-
L'usage du Bureau Typographique a de grands
avantages , il en faut convenir ; mais on les trouve
mêlez avec des inconveniens très considerables
qui en ralentiront peut - être encore
long-temps le succès . Je ne parle pas de la dépense
de la machine que tout le monde ne peut
pas faire , ni de la difficulté de trouver des Maîtres
instruits du Systême , ce qu'on a déja objecté
à l'Auteur ; mais il n'est pas facile de comprendre
comment un Maître d'Ecole pourroit
s'en servir utilement . J'ai vu travailler des Enfans
au Bureau , je les ai suivis , et s'il y a un profil réel
dans l'usage de cette Machine , je crois que ce ne
peut être que dans la pratique assidue, le Maître
toujours présent et attentifà ce que fait l'Enfant.
On ne peut faire travailler qu'un Enfant à la fois ;
s'ils sont deux ou trois , ils s'embarassent, ilsjouent
et perdent leur temps. De plus l'étude , pour lui
être utile, doit être d'une heure au moins le matin
et autant le soir. Où en seroit un Maître qui
auroit , je ne dis pas cent , mais seulement quinze
ou vingt Ecoliers ? Comment exercer chacun
d'eux en particulier ? Lui donner une heure le
matin et autant le soir ? Etre présent là pendant
qu'il opere ? Le guider , l'animer , et rire ? Car
tout cela est du Systême. Que feront tous les
autres pendant ce temps-là ? Leur donner des leçons
à apprendre ? Rien n'est plus ridicule selon
le nouveau Systême , c'est même une injustice.On
doit toujours travailler avec l'Enfant , aller au devant
de toutes les difficultez , et étudier avec lui.
Qu'on les oblige d'écouter et de voir celui qui
travaille , cela est , sans doute , impraticable . Il
faudra
AVRIL. 1734 .
701
faudra donc
que tous les autres demeurent oisifs,
tandis qu'un seul sera occupé. Il est vrai que
tous ces inconveniens se trouvent aussi liez avec
la Méthode ordinaire ; mais le nouveau Systême
n'y obviant pas , et ayant même ceci de plus qu'il
coûte et qu'il est d'un grand embarras , je ne
yois pas pourquoi on le préfereroit.
Ce qui fait le fort du Systême Typographi
que , c'est que l'Enfant passant continuellement
d'un objet à un autre , peut bien apprendre avec
plus d'agrément et peut- être avec plus de profit
pour le présent ; mais il y a tout lieu de Graindre
qu'il ne s'y forme un grand fond d'inconstance
et de legereté , ce qui n'est pas un petit défaut.
Je me trouvai un jour chez un des plus zelez
Typographistes , où , après avoir caressé un
Enfant qu'il instruisoit selon le Systême , je lui
témoignai l'envie que j'avois de le voir travailler
au Bureau.La personne qui le conduisoit, s'étant
approchée , m'avertit secrettement de ne point
me servir du mot travailler , mais de jouer ; et
en même-temps prenant la parole , eh bien , mon
fils , dit- il , voulez- vous jouer à present. Comment
un Enfant élevé de cette maniere , passera- t'il à
une étude sérieuse ? Comment en supportera- t'il
la peine et le travail , lui à qui on n'aura jamais
parlé que de jeu ? Comment enfin y apporterat'il
une application qu'on ne lui aura jamais demandée.
C'est pour entretenir dans l'Enfant cet
esprit de satisfaction que lui procure cette pensée
qu'il joue ; qu'il ne faut jamais le contraindre
; que s'il ne lui plaisoir pas de jouer , il
ne faudroit pas l'y forcer. Il faut attendre ses
momens et se conformer à ses petites volontez.
Ces caprices doivent servir de regles , et ce seroit
une injustice que de vouloir que les regles res-
DY traignissent
702 MERCURE DE FRANCE
traignissent ses fantaisies. Dira - t'on que tout
cela n'est rien ; que ce ne sont que préventions ,
que préjugez.
Ce que je crois de plus fort contre le nouveau
Systême , c'est que l'amour propre y est érigé en
premier Maître des Enfans , et que ce vice dangereux
s'y trouve l'ame et le grand mobile de
tout ce qu'on leur fait faire. Leur petite imagination
se repaît agréablement des loüanges qu'il
faut leur prodiguer , ce qui les remplit insensiblement
de sentimens d'estime pour eux - mêmes
et de mépris pour les autres. En voici un trait
que je tiens de personnes non suspectes. On faisoit
jouer un Enfant au Bureau , ou plutôt on
jouoit avec lui . Le pere voulut aussi s'en mêler ;
mais par malheur ayant mis une lettre pour une
autre , un j consone , à ce qu'on m'a dit , pour
un i voyele dans le mot jgnorant au lieu -d'ignorant
; l'enfant se retourna et dit tout bas à l'oreille
de son Maître , je crois que mon cher Pere
est un peu bête ; on l'entendit , mais on jugea à
propos de faire la sourde oreille. Que n'y a t'il
pas à craindre pour des Enfans élevez dans ces
principes ! Ajoutons à cela que la conviction du
Mérite qu'ils s'imaginent avoir , les remplit
de vanité , de hauteur et d'impatience . J'en ai vû
qui écoutoient d'un air dédaigneux et moqueur
d'autres Enfans qui n'avoient pas été élevez
comme eux , et qui railloient des personnes qu'ils
devoient respecter , parce qu'ils prononçoient leslettres
autrement qu'eux . Quand une fois ils ont
fait ce qu'on appelle leurs Thêmes , on n'oseroit
y toucher, c'est -à - dire , y déranger quelque cho
se , sans les irriter. Je fus un jour témoin oculaire
d'un soufflet très - sec qu'un Enfant élevé
selon le Systême , donna à un autre Enfant qui
Dai
AVRIL 1734. 703
lui avoit brouillé un mot qu'il venoit d'imprimer.
Voilà , Monsieur , ce qui a suspendu jusqu'ici
le jugement de plusieurs ; la difficulté ou
plutot l'impossibilité de se servir du Bureau dans
les Ecoles publiques ; la nécessité de la préfence
du Maître à tout ce que fait l'Enfant , si on veut
qu'il avance plus que par la Méthode ordinaire ;
celle de jouer , de badiner et de rire avec l'Enfant,
quand il opere , le danger qu'il y a que l'Enfant
ne retire de tout ce manége , qu'un esprit d'inconstance
et de legereté , et enfin celui de prendre
l'Enfant la vanité et de faire l'amour
par
propre l'ame et le grand mobile de son étude.
Mais venons au Livre.
Tout Livre de Grammaire porte avec soi quelque
chose d'aride , le titre même rebute et ne
rappelle point le Lecteur. Il faut donc , pour
vaincre ce dégoût , présenter cette sorte de matiere
avec quelque apprêt , sans quoi un Livrede.
cette espece ne sera jamais lû que par ceux qui en
ont unbesoin extrême . Beaucoup de gens croyent
en sçavoir assez , et il y en a peu qui en fassent
une étude sérieuse. Le Systême Typographique
a cela de particulier , qu'il ett susceptible d'une
infinité d'agrémens , malgré la secheiesse apparente
des instructions qu'il renferme, et l'Auteur,
par je ne sçai quelles idées , a répandu sur tout
son Ouvrage une mélancolie , une tristesse qui
rebutera bien des Lecteurs ; et par consequent
arrêtera dès le commencement , les progrès de
cette invention . On rencontre presque à chaque
page un M. G. Professeur de l'Université , qui
semble être l'unique objet de l'Auteur , pour qui
ce Régent est une source perpetuelle de chagrin
et de déclamations qui n'éclaircissent en rien le
fond du Systême. C'eût été répondre solidement
D vj
aux
704 MERCURE DE FRANCE.
aux frivoles objections de ce Professeur , que de
garder un silence profond à cet égard ; enfin ôtez
de tout le Livre ce qui regarde cete dispute particuliere
, les redites fréquentes des mêmes choses
, les citations trop réiterées de gens favorables
au Systême et d'Enfans qu'on instruit
par le Bureau , choses qui interessent fort peu lc
Lecteur avide d'être au fait ; voici à quoi se reduit
cet Ouvrage.
i
Il faut , suivant l'Auteur , nommer un C. lé ké;
PF. fé ; le Ph. fé ; le G. gné, guéné ; le H. hê ;
le J. je -ja ; le K. ka- ku ; le L. lé ; le M. mé ; le
Q. qu - ka ; le R. rê ; le S. lé- zé; le T. te-ci ; le
V. vé ; le X. ksé , quézé ; le Y. i- ié , le Z. zé- sé ;
le &t . cté- csi ; le ft. sté ; le &. et ; le æ. é ; le oe . é;
le è. ais ; le ê. ais ; le ch. ché- ké , &c. Il faut remarquer
que ces lettres ausquelles il a donné une
double valeur , comme au C. ne seront appelées
que d'une de ces valeurs , suivant le lieu où elles
se trouveront , par exemple , dans Ciconia , on
dira sé , i , ci : ké , o , co : cico , & c ainsi des
autres.
De-là on vient aux sons , découverte des plus
importantes qu'on ait jamais faites pour faciliter
la lecture et abreger le temps qu'on y employe
ordinairement ; il appelle donc par un seul son
toutes les lettres qui , unies ensemble , n'en font
qu'un. Par exemple , Caux , on l'appelle o simplement.
Les nazales an , en , in , on , un. Ensuite
les autres sons que vous pourrez voir dans son
A. B. C. comme oient , qu'il appelle ais ou ê.
Voilà pour la lecture.
A l'égard des premiers principes de la Langue
Latine ou de la Grecque , car ce seroit la même
chose , il faut donner un thême ou une version
interlineaire à l'Enfant , qu'il imprimera sur le
Bureau
AVRIL 1734 70s
Bureau. Donnons un exemble dans lequel on
peat voit tout le Systême , tant pour apprendre
à lire , que pour apprendre les principes de la
Langue Latine, ou de telle autre qu'on voudra enseigner
à l'Enfant . On pourroit faire un Thême
ou un Exemple dans lequel se trouveroit une
chose de chaque Logette du Bureau. Mais comme
cela nous meneroit trop loin , contentonsnous
de celui - cy : Mon Dieu , je vous aime bienè
Supposons qu'un Enfant connoît déja les lettres
simplement sans les sons , on lui fait ranger sur
le Bureau : m , o , n , D , i , c , u , j , e , v , o , u , s,
a , i , m , e , b e , n. S'il connoît les sons ,
en lui fait ranger de cette sorte ; m, on, D, i , eu,
j , e , v , ou , s , ai , m , e , b , i ,en.
S'il commence à lire , on lui fait ranger par
mots de cette maniere : mon , dans le pronom
possessif. Dieu , dans les noms substantifs . je,
dans le pronom de la premiere personne . vous
dans le pronom de la seconde personne. aime ,
dans les verbes François. bien , dans les indéclinables
François. Voilà pour la Langue Françoise,'
ainsi de même pour le Latin. Car les Logettes
pour le Latin sont aussi dans le Bureau . Il faut
donner le Thême tout fait à l'Enfant ; et en lui
faisant prendre mi dans la Logette des pronoms
possessifs , on lui fait remarquer que s'est le vocatif
: Deus , dans les noms substantifs Latins
&c. on doir en même- temps lui expliquer les
regles de la Sintaxe. Voilà à peu près à quoi se
réduit tout le Systême . L'Auteur ayant une fois
posé ses principes , pouvoit , par le moyen d'un
seul exemple , mettre le Lecteur au fait , et il se
seroit épargné la dépense d'un gros Livre , qui
dans l'état où il est , ne servira qu'à rebuter
ceux qui veulent sçavoir son Systême. J'ai l'hon
neur d'être , Monsieur , &c.
>
706 MERCURE DE FRANCE
Nota. Nous donnerons dans le mois prochain la
Réponse à cette Lettre , que la longueur ne nous
permet pas d'inserer ici . comme nous l'avions déja
promis sur cette matiere.
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Résumé : LETTRE de ..... à M. Pilleret, Maître d'Ecole à Cousance en Barrois, au sujet du Systême Typographique.
La lettre traite du Système Typographique, récemment publié dans un livre et disponible dans divers bureaux. L'auteur examine les critiques et les partisans du système, notant que les premiers approuvent sans discernement tandis que les seconds ne reconnaissent rien de bon. Il recommande d'évaluer le caractère de l'auteur, M. D. M., qui démontre un esprit de franchise et d'amour pour la patrie, visant à l'avancement de la jeunesse. L'auteur critique les écrivains qui cherchent la reconnaissance plutôt que l'utilité. Il souligne que, bien que le système typographique présente des avantages, il comporte des inconvénients majeurs, notamment la difficulté de son utilisation dans les écoles publiques. Ce système nécessite la présence constante du maître pour chaque élève, ce qui est impraticable avec un grand nombre d'élèves. Le texte mentionne également les dangers de l'inconstance et de la légèreté chez les enfants formés par ce système, ainsi que le risque de développer de la vanité et de l'amour-propre. Les enfants élevés selon ce système peuvent devenir impatients et moqueurs envers ceux qui ne suivent pas la même méthode. Concernant le livre, l'auteur note qu'il est aride et rebutant, malgré les efforts de l'auteur pour le rendre agréable. Le livre contient des disputes inutiles et des redites fréquentes, ce qui le rend peu attrayant pour les lecteurs. Le système typographique propose de nommer les lettres et les sons de manière spécifique pour faciliter la lecture et l'apprentissage des langues. Par exemple, les lettres comme le C peuvent avoir une double valeur selon leur position dans un mot. Le texte fournit un exemple pratique avec la phrase 'Mon Dieu, je vous aime bien' pour illustrer l'application du système. Le texte discute également d'une méthode pédagogique pour enseigner la grammaire latine. L'auteur suggère de présenter directement le thème à l'élève et de lui faire comprendre l'utilisation des pronoms possessifs et du vocatif dans les noms substantifs latins. Il insiste sur l'importance d'expliquer simultanément les règles de la syntaxe. Selon l'auteur, ce système pourrait être expliqué en un seul exemple, rendant ainsi inutile la publication d'un gros livre qui pourrait décourager les lecteurs intéressés par ce système. Le Mercure de France annonce qu'il publiera la réponse à cette lettre dans le mois suivant, en raison de la longueur qui ne permet pas son insertion immédiate.
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13
p. 1377
SONNET.
Début :
Vous voulez un Sonnet, quelle étrange manie ? [...]
Mots clefs :
Beau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SONNET.
SONNE T.
Ous voulez un Sonnet
manie ?
, quelle étrange
Que cet ordre à mes soins impose un lourd
fardeau :
Un esprit délicat veut du grand et du beau ?
Hé le puis-je trouver dans mon foible gé
mie ?
Il faudroit pour vous plaire une Piéce suivie ;
Ou tout fut arrangé dans le gout de Boileau
;
Mais l'attendre de moi , c'est espérer de l'eau ,
-Au milieu des sablons de l'ardente Libie :
On ne me vit jamais dans le sacré Vallon .
L'Amour dans ma jeunesse étoit mon Apol
lon ;
Lui seul eut l'art d'ouvrir , et mon coeur et
ma veine :
Dix-huit Lustres complets ont éteint son flam
beau.
Je ne cultive plus ni Muse, ni Climene ;
Un soupir et deux Vers m'envoyeroient au tombeau
Ous voulez un Sonnet
manie ?
, quelle étrange
Que cet ordre à mes soins impose un lourd
fardeau :
Un esprit délicat veut du grand et du beau ?
Hé le puis-je trouver dans mon foible gé
mie ?
Il faudroit pour vous plaire une Piéce suivie ;
Ou tout fut arrangé dans le gout de Boileau
;
Mais l'attendre de moi , c'est espérer de l'eau ,
-Au milieu des sablons de l'ardente Libie :
On ne me vit jamais dans le sacré Vallon .
L'Amour dans ma jeunesse étoit mon Apol
lon ;
Lui seul eut l'art d'ouvrir , et mon coeur et
ma veine :
Dix-huit Lustres complets ont éteint son flam
beau.
Je ne cultive plus ni Muse, ni Climene ;
Un soupir et deux Vers m'envoyeroient au tombeau
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Résumé : SONNET.
L'auteur exprime son incapacité à écrire un sonnet, regrettant de ne pouvoir offrir une œuvre structurée. Il compare cette tâche à trouver de l'eau dans le désert. Il avoue que l'amour, autrefois sa source d'inspiration, a disparu après dix-huit années. Il conclut en disant qu'un soupir et deux vers suffiraient à le conduire au tombeau.
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