LETTRE écrite de Joinville , ce 31
Decembre 1733. par M. V ***
à M. D... F...
les assu
Oicy le temps , Monsieur , de vous
Vo
le
rances de mon attachement inviolable. La
bonne santé dont j'ai joui durant toute
l'année , m'a mis en état d'achever un
petit Ouvrage qu'il y avoit long temps
que j'avois commencé , et que j'ai intitulé
: Additions aux nouveaux Dictionnaires
de la Langue. J'en ai expliqué le
dessein et l'éxécution dans une Préface ,
que je vous communiquerai quelque
jour , avec le Livre même , si je le fais
imprimer à Paris. Je me suis encore appliqué
depuis deux ou trois mois à la révision
, à la description , et à l'explica
tion de mes Médailles Impériales , que
j'ai toutes rangées dans leur ordre chronologique
, et qui ont été pour moi une
source de belles découvertes , qui me guideront
dans l'étude de l'Histoire des Em-
II. Vol. ·PS2936
MERCURE DE FRANCE
pereurs. Mon action de graces , que je vais
vous transcrire , vous découvrira plus au
long mes sentimens et ma situation actuelle.
Je rens graces à Dieu d'être garçon , non fille
D'avoir reçu le jour en honnête famille ;
D'être par le Baptême au nombre des Chrétiens,
De vivre assez content , sans avoir de grands
biens.
D'avoir eu dès dix ans du penchant à l'Etude
D'en avoir tellement contracté l'habitude ,
Qu'elle a fait éclipser toute autre passion .
D'avoir pour l'indigent de la compassion.
D'être au monde venu sur les Terres de France;
D'être enfin pour le ciel tout rempli d'espe
rance.
Cependant , sans avoir égard à mon
premier Vers, je changerois bien de con
dition avec la Muse Bretonne , à qui j'at
consacré ce Dizain.
A Mademoiselle DE MALCRAIS de la
Vigne du Croisic en Bretagne.
MEs acclamations , en allant jusqu'à vous ,
Sçavante de Malcrais , vous rendront mon hom
mage ;
Vous sçavez satisfaire autant de divers goûts ;
Qu'il s'en rencontre à qui Mercure se partage.
Les suffrages d'accord pour vous n'en formen
qu'un ;
II. Vol
beau
DECEMBRE. 1753. 2937
Beaucoup d'admirateurs ; de Critiques , aucun ;
Jamais sur votre compte on n'eut l'ame perplexe
:
C'est à qui vous loüera parmi nos Beaux Esprits
Moins poussez par l'honneur qu'ils déférent an
Sexe ,
Qu'enchantez de ce Beau qui regne en vos Ecrits.
Le sincere Champenois.