A MADLLE DE LA GUYTERIE.
BOUQUET.
PEu ne s'en faut , ravissante Chichon ,
Que je ne puisse obtenir de ma Muse
Des Vers pour toi : j'aurois plus d'une excuse
Je ne sçavois qu'on te nommât Fanchon ;
Si j'avois sçû , prenant bien mes mesures
Depuis long- temps Balades ou Sonnets ,
Rondeaux , Chansons , à force de ratures.
Eussent trouvé place entre tes Bouquets.
Non que ce soit une chose facile ,.
De te chanter ... mais quelques Triolets ,
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I. Vol. Ou
JUI N. 1731. 1253
Où j'aurois fait passer tes Briolets .... *
Ah ! par ma foi je deviens imbécile ,
Parler pour vingt , ce n'est chose facile ,
Et c'est pourtant moins qu'on ne t'en connoît
Il me restoit pour me tirer d'affaire ,
D'avoir au moins des fleurs à présenter ;
Assez n'y font pas de plus grand mystere ?
Mais le moyen ? autant vaudroit brouter.
De la saison la constante froidure
A tout gelé , pas même de verdure ;
Mais pour Chichon , rien n'étant mal- aisé ,
Voicy ce dont je me suis avisé.
Flore , ai- je dit , bon gré malgré la bise ,
Ne peut manquer de telle Marchandise ;
Il ne s'agit donc pour en obtenir ,
Que de sçavoir ce qui peut convenir .
Nommer la. Belle , est justement l'affaire ,,
Son nom vaut seul un éloquent Discours
Et j'ai trouvé le seul point necessaire ,
Puisqu'elle sçait.commander aux Amours ;
Fut dit et fait , je cours avec vîtesse ;
En arrivant je vois les Jeux , les Ris ,
Qui recevoient des mains de la Déesse ;.
Bouquets de goût pour leur mere Cypris ;;
( Car c'est demain qu'on celebre à Cythere ,
Le jour natal.de cette Deïté ;
Terme du Pays pour dire Amans.
29
I.. Vol. Vous DV
1284 MERCURE DE FRANCE
Vous entendez à demi mot l'affaire ;
Vous deux avez même solemnité . )
Zéphir, de Flore excitoit la tendresse
Flore à Zéphir faisoit mainte caresse ,
Et Cupidon étoit à leur côté ,
Qui finissoit d'orner une Guirlande,
Dont à Venus il destinoit l'offrande ;
En te nommant il me donna le choix ,
De mille fleurs nouvellement écloses,
Chichon , lui dis- je , aime sur tout les Roses
Il en tenoit une en ses petits doigts ,
Dont je croyois qu'il dût payer mon zele ,
Lors qu'il me dit n'aspire à tant d'honneur
C'est de ma main qu'elle aura cette fleur ,
Le seul Amour peut l'offrir à la Belle.
*
Le Chevalier de Neufville de Montador ;
Enseigne au Régiment de la Marche.
A Auch , le 8. Mars 1731 ..