Résultats : 30 texte(s)
Détail
Liste
1
p. 167-175
ARCHITECTURE.
Début :
Si les hommes n'étoient pas aussi portés qu'ils le sont à se livrer dans leurs opinions [...]
Mots clefs :
Ordre architectural, Goût, Colonnade, Arts, Architecture, Roi, Esprit
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texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE.
ARCHITECTURE .
pas
auffi portés
I les hommes n'étoient
qu'ils le font à fe livrer dans leurs opinions
à des excès toujours condamnables ,
s'ils n'autorifoient pas par des exemples
trop fouvent répétés ,à douter de l'équité de
leurs motifs , on ne pourroit leur conteſter
le droit honorable d'étendre leurs difcuffions
& leur critique fur les objets les plus
refpectables en tous genres : mais lorsqu'on
voit ( pour me reftreindre aux matieres de
goût ) qu'à peine a - t - on ofé ſubſtituer à
l'adoration d'Homere quelques recherches
fur de légers défauts , dont il eft certain
qu'il n'a pas dû être exempt , qu'auffi - tôt
on brife fes autels , on arrache fa couronne
, on méprife & on raille fes adorateurs ;
ne doit - on pas être porté à fouhaiter
qu'à l'exemple de Mahomet , on impoſe
un filence profond & mystérieux fur les
Divinités des fciences , des arts & du goût ?
Mais où fe trouvera le Légiflateur dont
la miſſion ſera affez généralement reconnue
, pour établir cette loi de prévoyance
que l'efprit impoferoit à l'efprit ? d'ailleurs,
ofer montrer de nos jours une pareille
168 MERCURE DE FRANCE.
méfiance , ne feroit- ce pas refufer à notre
fiécle ce titre refpectable de philofophe
dont il fe pare , & dont il efpere que la
postérité fera fon titre diftinctif ? Puifqu'il
en arbore l'étendart , il doit être louable
& permis aujourd'hui ou jamais de hazarder
quelques réflexions qui ont pour objet
un de ces chefs - d'oeuvres des arts faits pour
être adorés aveuglément dans un fiécle
d'enthouſiaſme & de préjugés ; mais faits
pour être difcutés dans un fiécle fage ,
éclairé , enfin dans un fiécle philofophe
comme le nôtre.
Il s'agit ici de la colonade & des projets
du rétabliſſement du Louvre.
Il est néceffaire d'établir premierement
les raifons pour lefquelles , fous le regne
de Louis XIV , les Architectes employés
à cet ouvrage ont pris pour le finir une
route différente de celle qu'avoient tenue
ceux qui l'avoient commencé.
En général , il est avantageux aux progrès
des connoiffances humaines , que les
efprits & les talens d'un fiécle profitent &
s'enrichiffent de ce que l'efprit & le talent
avoient amaffé déja de thréfors & de richeffes
; mais le profit feroit inconteſtablement
plus confidérable & plus rapide ,
fi les grands ouvrages & les vaftes projets
conduits & exécutés par la même main ,
qui
AVRIL. 11755. 1.69
qui en a tracé les efquiffes , nous offroient
plus fouvent les idées accomplies de ceux
qui les ont conçus . Il arrive malheureufement
que ces auteurs ont des jours plus
bornés que leur entreprife , & qu'après
eux on s'écarte toujours de leurs vûes , ou
bien que l'on abandonne leurs plans.
Il ne falloit pour finir l'édifice dont il
eft queftion , qu'ordonner aux Architectes
de fuivre ce qui étoit commencé , nous
aurions fous les yeux le plus fuperbe palais
de l'Europe. Louis XIV attribuant
aux artiftes les principes & les grands motifs
qui le faifoient agir , fit venir des pays
étrangers des hommes de réputation : tous
ceux qui étoient en France furent chargés
de travailler ; mais l'amour propre injufte
leur perfuada qu'il n'y avoit aucune
gloire à prétendre , s'ils fuivoient des idées
qu'ils n'auroient point créées.
On fit donc différens projets qui occafionnerent
, comme aujourd'hui , des conteftations
fans nombre parmi les artiſtes ,
& des libelles fans fin de la part des critiques,
Il fut réfolu qu'on éleveroit la colonade
pour former l'entrée du Louvre , &
que l'on doubleroit l'aîle fur la riviere ,
pour loger le Roi plus commodément dans
cette partie. 200
Réfléchiffons fur le réfultat de tant de
H
170 MERCURE DE FRANCE .
difcuffions , d'obfervations , de critiques ,
& d'avis différens .
-Quel eft - il ? 'une façade de palais fans
croifées , dont l'ufage n'a pu fe faire deviner
depuis qu'elle eft bâtie , dont les
inconvéniens font fans hombre , & dont
la beauté déplacée a cependant un droit
trop jufte fur notre admiration pour qu'on
puiffe être foupçonné de le lui refufer.
L'Architecte , emporté par le defir de concevoir
& d'enfanter une production neuve
& grande , a-t- il donc regardé comme
pen intéreffant l'ufage qu'on feroit de fes
travaux ? quelle eft la deftination de la
magnifique colonade qu'il a placée au premier
étage de cette façade L'a- t- il faite
pour placer du monde à l'arrivée , ou à la
fortie du Roi L'a - t-il ornée pour le Roi
lui-inême dans les occafions où l'on auroit
donné des fêtes dans la place fur laquelle
elle devoit dominer ? Dans l'un ou dans
l'autre cas , n'eût-il pas été encore à defirer
que la colonade fe trouvât placée dans
le milieu , comme l'endroit le plus convenable
& le plus décent ? La fuppofez - vous
propre à faciliter la communication d'un
côté du palais à l'autre ? Alors pourquoi
cette interruption ménagée pour faire une
mauvaiſe arcade , dans laquelle fe voit une
Petite porte ? C'eft ainfi que les idées de
AVRIL. 1755. 171
grandeur & cet enthouſiaſme qui femblent
pour nous un état violent , ne font pas ว
l'abri d'un mêlange de grandes & de petites
productions. J'ajoûterai encore , c'eft
ainfi que la perfection abfolue exige que
l'imagination prenne toujours l'ordre d'une
fage & utile convenance , qui eft la bafe
des fciences , des arts & du goût.
ger par
Pallons maintenant à l'examen de la façade
, qui placée du côté de la rivière , eſt
celle que l'Architecte a eu intention de
deftiner à l'appartement du Roi. A en jul'entrée
dont nous venons de parler
, & par lės progrès que doit offrir la
magnificence d'un palais , quelle devroit.
être la riche décoration de cette aîle qu'un
grand Monarque avoit choifie pour fon
féjour ? Cependant , oubliant cette conve
nance fi jufte , ou bien épuifé par l'effort
qu'il vient de faire , l'Architecte ne préfente
à notre curiofité qu'un bâtiment
froid , décoré d'architecture en bas relief,
autrement dit de pilaftres fans colonnes ,
& fans auctin avant-corps qui interrompe
par des repos & par des maffes l'ennuyeufe
monotonie qui y regne.
Des Architectes qui n'étant pas gênés ,
ont été capables de commettre des fautes
auffi avérées , ne nous autorifent - ils pas à
examiner avec moins de fertile ce qui
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
a pu
les engager à décorer la Cour d'un
troifieme ordre , par préférence à l'attique
de l'ancien projet.
Je m'imagine que deux raifons font les
principales caufes de ce changement : le
defir d'innover , & les difficultés qu'ils
ont rencontrées en voulant exécuter l'attique
, après avoir fait les façades extérieures.
Jugeons à préfent de la validité de ces
deux motifs : le premier fi général & fi
fouvent ennemi du bien , n'a pas befoin
d'une longue difcuffion . Les innovations
particulieres telles que celles - ci , ne faiſant
jamais partie d'un plan général , ont prefque
toujours l'air déplacé.
Cependant il étoit néceffaire de montrer
fa capacité : fuivre ce qui étoit commencé
, c'étoit , ou paroître plagiaire , ou
montrer un génie peu capable de reffource
& d'invention : d'ailleurs , par rapport
au dehors , qui ne peut entrer en comparaifon
avec le dedans , il falloit fe réfoudre
à fupprimer les dômes , les pavillons ,
les combles. Si l'on exécute ces retranchemens
, & fi l'on place ce feul attique , ne
paroîtra- t- il pas qu'on a cherché à appauvrir
un édifice que le projet d'un grand
Roi eft d'enrichir & d'orner ? Pourquoi
dirent- ils , cédant à toute la folidité de ces
raifons , ne formons - nous pas un troifieme
:I
AVRIL.
1755. 173
ordre qui , par fa nouveauté , fera briller
nos talens , & par fa richeffe fera conforme
au deffein de celui qui nous emploie ?
L'invention n'eft pas une déeffe docile ,
elle refuſe fouvent fes faveurs à ceux qui
les defirent . On eut beau propofer des prix
à celui qui ajoûteroit un nouvel ordre à
ceux que le caprice a fi fouvent défigurés ,
& que le bon goût a toujours rétablis ; if
ne fe trouva pas de Callimachus , & l'on
fe vit contraint de fe fervir d'une de ces
productions , dont la nouveauté fait le feut
mérite , & qu'on fe garderoit bien d'adopter
aujourd'hui.
Mais en fuppofant même que cet ordre
fût digne d'être joint à ceux que le
difcernement de tant de frécles nous a
tranfmis , feroit- il bien placé , & rendroit
il l'effet qu'on s'eft propofé ?
J'ofe répondre que non . On a eu deffein
fans doute , en fupprimant les pavillons ,
les dômes & les combles , qui ne peuvent
fubfifter relativement au dehors , de trouver
quelque chofe qui réparât cette perte.
Mais en établiffant ce troifieme ordre
dans toute l'étendue de l'édifice , tout le
bâtiment fe trouvera alors couronné à la
même hauteur & de niveau ; au lieu qu'en
confervant l'attique dans les ailes , en ádmettant
le troiſieme ordre dans les pavil-
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE .
lons des milieux , en décorant le deffus 'de
l'attique dans les quatre pavillons des angles
, cette cour intérieure préfentera une
décoration , dont le jeu détruira cette uniformité
dont l'architecture doit autant fe
garantir que les autres productions des arts.
Il feroit aifé de développer ces réflexions
& de prouver que ce projet eft celui qui
convient mieux à l'entiere perfection , fi
defirée d'un des plus beaux monumens de
la nation. Un nombre infini d'inconvéniens
dans les partis différens qu'on peut
prendre, me fourniroit une matiere qui deviendroit
infenfiblement trop abondante.
Je fouhaite feulement qu'on fe repréfente
l'effet que produira l'ordre françois exécu
té dans les petits avant- corps du milieu des
aîles , où s'en trouve à préfent le modele
en maffe. Qui pourra fupporter l'exceffive
hauteur de ces avant - corps , comparée à
leur largeur , puifqu'ils font déja trop
hauts , en y employant même l'attique.
Au refte , je ne prétens pas juftifier
abfolument l'attique des défauts qu'on
peut lui imputer ; furchargé d'ornemens ,
décoré de figures & de trophées d'une
proportion trop forte , il ne peut foutenir
fes droits avec avantage que contre
un adverfaire dont la caufe eft infiniment
moins favorable que la fienne .
AVRILIS 1755. 175
4
De plus , tout changement dans cet ouvrage
confacré par la vénération publique ,
paroîtra toujours un crime à ceux qui ,
veulent jouir du plaifir de blâmer , fans
prendre la jufte peine d'approfondir & de
s'éclairer. Mais fi la critique fondée concourt
à l'avantage des arts qu'elle éclaire ,
& à la réputation durable des artiſtes
qu'elle applaudit , ces murmures paffagers
rien n'autorife , ne doivent jamais
fufpendre des réfolutions que la raifon
& le goût d'accord ont approuvées.
pas
auffi portés
I les hommes n'étoient
qu'ils le font à fe livrer dans leurs opinions
à des excès toujours condamnables ,
s'ils n'autorifoient pas par des exemples
trop fouvent répétés ,à douter de l'équité de
leurs motifs , on ne pourroit leur conteſter
le droit honorable d'étendre leurs difcuffions
& leur critique fur les objets les plus
refpectables en tous genres : mais lorsqu'on
voit ( pour me reftreindre aux matieres de
goût ) qu'à peine a - t - on ofé ſubſtituer à
l'adoration d'Homere quelques recherches
fur de légers défauts , dont il eft certain
qu'il n'a pas dû être exempt , qu'auffi - tôt
on brife fes autels , on arrache fa couronne
, on méprife & on raille fes adorateurs ;
ne doit - on pas être porté à fouhaiter
qu'à l'exemple de Mahomet , on impoſe
un filence profond & mystérieux fur les
Divinités des fciences , des arts & du goût ?
Mais où fe trouvera le Légiflateur dont
la miſſion ſera affez généralement reconnue
, pour établir cette loi de prévoyance
que l'efprit impoferoit à l'efprit ? d'ailleurs,
ofer montrer de nos jours une pareille
168 MERCURE DE FRANCE.
méfiance , ne feroit- ce pas refufer à notre
fiécle ce titre refpectable de philofophe
dont il fe pare , & dont il efpere que la
postérité fera fon titre diftinctif ? Puifqu'il
en arbore l'étendart , il doit être louable
& permis aujourd'hui ou jamais de hazarder
quelques réflexions qui ont pour objet
un de ces chefs - d'oeuvres des arts faits pour
être adorés aveuglément dans un fiécle
d'enthouſiaſme & de préjugés ; mais faits
pour être difcutés dans un fiécle fage ,
éclairé , enfin dans un fiécle philofophe
comme le nôtre.
Il s'agit ici de la colonade & des projets
du rétabliſſement du Louvre.
Il est néceffaire d'établir premierement
les raifons pour lefquelles , fous le regne
de Louis XIV , les Architectes employés
à cet ouvrage ont pris pour le finir une
route différente de celle qu'avoient tenue
ceux qui l'avoient commencé.
En général , il est avantageux aux progrès
des connoiffances humaines , que les
efprits & les talens d'un fiécle profitent &
s'enrichiffent de ce que l'efprit & le talent
avoient amaffé déja de thréfors & de richeffes
; mais le profit feroit inconteſtablement
plus confidérable & plus rapide ,
fi les grands ouvrages & les vaftes projets
conduits & exécutés par la même main ,
qui
AVRIL. 11755. 1.69
qui en a tracé les efquiffes , nous offroient
plus fouvent les idées accomplies de ceux
qui les ont conçus . Il arrive malheureufement
que ces auteurs ont des jours plus
bornés que leur entreprife , & qu'après
eux on s'écarte toujours de leurs vûes , ou
bien que l'on abandonne leurs plans.
Il ne falloit pour finir l'édifice dont il
eft queftion , qu'ordonner aux Architectes
de fuivre ce qui étoit commencé , nous
aurions fous les yeux le plus fuperbe palais
de l'Europe. Louis XIV attribuant
aux artiftes les principes & les grands motifs
qui le faifoient agir , fit venir des pays
étrangers des hommes de réputation : tous
ceux qui étoient en France furent chargés
de travailler ; mais l'amour propre injufte
leur perfuada qu'il n'y avoit aucune
gloire à prétendre , s'ils fuivoient des idées
qu'ils n'auroient point créées.
On fit donc différens projets qui occafionnerent
, comme aujourd'hui , des conteftations
fans nombre parmi les artiſtes ,
& des libelles fans fin de la part des critiques,
Il fut réfolu qu'on éleveroit la colonade
pour former l'entrée du Louvre , &
que l'on doubleroit l'aîle fur la riviere ,
pour loger le Roi plus commodément dans
cette partie. 200
Réfléchiffons fur le réfultat de tant de
H
170 MERCURE DE FRANCE .
difcuffions , d'obfervations , de critiques ,
& d'avis différens .
-Quel eft - il ? 'une façade de palais fans
croifées , dont l'ufage n'a pu fe faire deviner
depuis qu'elle eft bâtie , dont les
inconvéniens font fans hombre , & dont
la beauté déplacée a cependant un droit
trop jufte fur notre admiration pour qu'on
puiffe être foupçonné de le lui refufer.
L'Architecte , emporté par le defir de concevoir
& d'enfanter une production neuve
& grande , a-t- il donc regardé comme
pen intéreffant l'ufage qu'on feroit de fes
travaux ? quelle eft la deftination de la
magnifique colonade qu'il a placée au premier
étage de cette façade L'a- t- il faite
pour placer du monde à l'arrivée , ou à la
fortie du Roi L'a - t-il ornée pour le Roi
lui-inême dans les occafions où l'on auroit
donné des fêtes dans la place fur laquelle
elle devoit dominer ? Dans l'un ou dans
l'autre cas , n'eût-il pas été encore à defirer
que la colonade fe trouvât placée dans
le milieu , comme l'endroit le plus convenable
& le plus décent ? La fuppofez - vous
propre à faciliter la communication d'un
côté du palais à l'autre ? Alors pourquoi
cette interruption ménagée pour faire une
mauvaiſe arcade , dans laquelle fe voit une
Petite porte ? C'eft ainfi que les idées de
AVRIL. 1755. 171
grandeur & cet enthouſiaſme qui femblent
pour nous un état violent , ne font pas ว
l'abri d'un mêlange de grandes & de petites
productions. J'ajoûterai encore , c'eft
ainfi que la perfection abfolue exige que
l'imagination prenne toujours l'ordre d'une
fage & utile convenance , qui eft la bafe
des fciences , des arts & du goût.
ger par
Pallons maintenant à l'examen de la façade
, qui placée du côté de la rivière , eſt
celle que l'Architecte a eu intention de
deftiner à l'appartement du Roi. A en jul'entrée
dont nous venons de parler
, & par lės progrès que doit offrir la
magnificence d'un palais , quelle devroit.
être la riche décoration de cette aîle qu'un
grand Monarque avoit choifie pour fon
féjour ? Cependant , oubliant cette conve
nance fi jufte , ou bien épuifé par l'effort
qu'il vient de faire , l'Architecte ne préfente
à notre curiofité qu'un bâtiment
froid , décoré d'architecture en bas relief,
autrement dit de pilaftres fans colonnes ,
& fans auctin avant-corps qui interrompe
par des repos & par des maffes l'ennuyeufe
monotonie qui y regne.
Des Architectes qui n'étant pas gênés ,
ont été capables de commettre des fautes
auffi avérées , ne nous autorifent - ils pas à
examiner avec moins de fertile ce qui
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
a pu
les engager à décorer la Cour d'un
troifieme ordre , par préférence à l'attique
de l'ancien projet.
Je m'imagine que deux raifons font les
principales caufes de ce changement : le
defir d'innover , & les difficultés qu'ils
ont rencontrées en voulant exécuter l'attique
, après avoir fait les façades extérieures.
Jugeons à préfent de la validité de ces
deux motifs : le premier fi général & fi
fouvent ennemi du bien , n'a pas befoin
d'une longue difcuffion . Les innovations
particulieres telles que celles - ci , ne faiſant
jamais partie d'un plan général , ont prefque
toujours l'air déplacé.
Cependant il étoit néceffaire de montrer
fa capacité : fuivre ce qui étoit commencé
, c'étoit , ou paroître plagiaire , ou
montrer un génie peu capable de reffource
& d'invention : d'ailleurs , par rapport
au dehors , qui ne peut entrer en comparaifon
avec le dedans , il falloit fe réfoudre
à fupprimer les dômes , les pavillons ,
les combles. Si l'on exécute ces retranchemens
, & fi l'on place ce feul attique , ne
paroîtra- t- il pas qu'on a cherché à appauvrir
un édifice que le projet d'un grand
Roi eft d'enrichir & d'orner ? Pourquoi
dirent- ils , cédant à toute la folidité de ces
raifons , ne formons - nous pas un troifieme
:I
AVRIL.
1755. 173
ordre qui , par fa nouveauté , fera briller
nos talens , & par fa richeffe fera conforme
au deffein de celui qui nous emploie ?
L'invention n'eft pas une déeffe docile ,
elle refuſe fouvent fes faveurs à ceux qui
les defirent . On eut beau propofer des prix
à celui qui ajoûteroit un nouvel ordre à
ceux que le caprice a fi fouvent défigurés ,
& que le bon goût a toujours rétablis ; if
ne fe trouva pas de Callimachus , & l'on
fe vit contraint de fe fervir d'une de ces
productions , dont la nouveauté fait le feut
mérite , & qu'on fe garderoit bien d'adopter
aujourd'hui.
Mais en fuppofant même que cet ordre
fût digne d'être joint à ceux que le
difcernement de tant de frécles nous a
tranfmis , feroit- il bien placé , & rendroit
il l'effet qu'on s'eft propofé ?
J'ofe répondre que non . On a eu deffein
fans doute , en fupprimant les pavillons ,
les dômes & les combles , qui ne peuvent
fubfifter relativement au dehors , de trouver
quelque chofe qui réparât cette perte.
Mais en établiffant ce troifieme ordre
dans toute l'étendue de l'édifice , tout le
bâtiment fe trouvera alors couronné à la
même hauteur & de niveau ; au lieu qu'en
confervant l'attique dans les ailes , en ádmettant
le troiſieme ordre dans les pavil-
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE .
lons des milieux , en décorant le deffus 'de
l'attique dans les quatre pavillons des angles
, cette cour intérieure préfentera une
décoration , dont le jeu détruira cette uniformité
dont l'architecture doit autant fe
garantir que les autres productions des arts.
Il feroit aifé de développer ces réflexions
& de prouver que ce projet eft celui qui
convient mieux à l'entiere perfection , fi
defirée d'un des plus beaux monumens de
la nation. Un nombre infini d'inconvéniens
dans les partis différens qu'on peut
prendre, me fourniroit une matiere qui deviendroit
infenfiblement trop abondante.
Je fouhaite feulement qu'on fe repréfente
l'effet que produira l'ordre françois exécu
té dans les petits avant- corps du milieu des
aîles , où s'en trouve à préfent le modele
en maffe. Qui pourra fupporter l'exceffive
hauteur de ces avant - corps , comparée à
leur largeur , puifqu'ils font déja trop
hauts , en y employant même l'attique.
Au refte , je ne prétens pas juftifier
abfolument l'attique des défauts qu'on
peut lui imputer ; furchargé d'ornemens ,
décoré de figures & de trophées d'une
proportion trop forte , il ne peut foutenir
fes droits avec avantage que contre
un adverfaire dont la caufe eft infiniment
moins favorable que la fienne .
AVRILIS 1755. 175
4
De plus , tout changement dans cet ouvrage
confacré par la vénération publique ,
paroîtra toujours un crime à ceux qui ,
veulent jouir du plaifir de blâmer , fans
prendre la jufte peine d'approfondir & de
s'éclairer. Mais fi la critique fondée concourt
à l'avantage des arts qu'elle éclaire ,
& à la réputation durable des artiſtes
qu'elle applaudit , ces murmures paffagers
rien n'autorife , ne doivent jamais
fufpendre des réfolutions que la raifon
& le goût d'accord ont approuvées.
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Résumé : ARCHITECTURE.
Le texte aborde les excès critiques en matière d'architecture et de goût, en prenant l'exemple de l'adoration d'Homère. L'auteur suggère qu'il est permis de discuter des chefs-d'œuvre des arts dans un siècle philosophe comme le sien, notamment en ce qui concerne la colonnade et les projets de rétablissement du Louvre. Sous le règne de Louis XIV, les architectes chargés de terminer le Louvre ont pris une direction différente de celle de leurs prédécesseurs. L'auteur souligne l'avantage de tirer profit des acquis des siècles précédents, mais note que des ouvrages exécutés par la même main offriraient des idées plus accomplies. Louis XIV fit venir des architectes étrangers et français pour travailler au Louvre. Cependant, l'amour-propre des architectes les poussa à proposer des projets différents, entraînant des contestations et des critiques. Il fut décidé d'élever la colonnade pour l'entrée du Louvre et de doubler l'aile sur la rivière pour loger le roi plus commodément. L'auteur critique la façade du palais sans croisées, dont l'usage n'est pas clair et présente de nombreux inconvénients. Il questionne la destination de la colonnade et son placement, ainsi que la façade côté rivière, destinée à l'appartement du roi, qu'il trouve froide et monotone. Les architectes ont choisi de décorer la cour d'un troisième ordre plutôt que l'attique de l'ancien projet, principalement par le désir d'innovation et les difficultés rencontrées. L'auteur juge ces motifs peu valables et critique la nouveauté de l'ordre architectural choisi, qui ne semble pas bien placé et ne produit pas l'effet souhaité. Il conclut en souhaitant que les décisions soient prises en accord avec la raison et le goût, et non influencées par des critiques superficielles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 188-189
ARCHITECTURE.
Début :
Le 15 Janvier 1755, M. Blondel, Architecte, Professeur & Directeur de l'Ecole [...]
Mots clefs :
Architecture, École des Arts, Jacques-François Blondel
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE.
ARCHITECTURE.
Leese,anvier &,Mr
E15 Janvier 175 § , M. Blondel , Archide
l'Eco-
LE DES ARTS , rue de la Harpe , près de la
JANVIER. 1755. 189
Sorbonne , fera l'ouverture de fon fecond
cours public élémentaire d'Architecture ,
par un difcours hiftorique qui fervira d'in
troduction à l'Architecture & aux autres
arts qui ont relation avec elle . Il fera
compofé de quarante leçons , qui feront
données régulierement tous les jeudis &
famedis de chaque femaine , depuis trois
heures jufqu'à cinq. L'objet de ce cours
élémentaire eft la connoiffance de l'Architecture
, qui eft indiſpenſablement néceffaire
aux hommes en place. Pour cela on
difcutera en général les opinions des Anciens
& des Modernes , & l'on y traitera
en particulier des principes de la décoration
, de la diftribution & de la conftruction
des bâtimens , de la convenance
de la proportion , de la fymmétrie & de
tous les arts de goût , fans lefquels il eſt
impoffible de parvenir à difcerner le bon ,
le médiocre & le défectueux .
Leese,anvier &,Mr
E15 Janvier 175 § , M. Blondel , Archide
l'Eco-
LE DES ARTS , rue de la Harpe , près de la
JANVIER. 1755. 189
Sorbonne , fera l'ouverture de fon fecond
cours public élémentaire d'Architecture ,
par un difcours hiftorique qui fervira d'in
troduction à l'Architecture & aux autres
arts qui ont relation avec elle . Il fera
compofé de quarante leçons , qui feront
données régulierement tous les jeudis &
famedis de chaque femaine , depuis trois
heures jufqu'à cinq. L'objet de ce cours
élémentaire eft la connoiffance de l'Architecture
, qui eft indiſpenſablement néceffaire
aux hommes en place. Pour cela on
difcutera en général les opinions des Anciens
& des Modernes , & l'on y traitera
en particulier des principes de la décoration
, de la diftribution & de la conftruction
des bâtimens , de la convenance
de la proportion , de la fymmétrie & de
tous les arts de goût , fans lefquels il eſt
impoffible de parvenir à difcerner le bon ,
le médiocre & le défectueux .
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Résumé : ARCHITECTURE.
Le document annonce l'ouverture d'un cours public élémentaire d'architecture par M. Blondel à l'École des Arts, rue de la Harpe, près de la Sorbonne, à partir du 18 janvier 1755. Ce cours, composé de quarante leçons, se tiendra chaque jeudi et samedi de trois à cinq heures. Il vise à fournir une connaissance indispensable de l'architecture aux hommes en place. Le programme inclut des discussions sur les opinions des Anciens et des Modernes, ainsi que des principes de la décoration, de la distribution et de la construction des bâtiments, de la convenance, de la proportion, de la symétrie et des arts de goût. Ces éléments sont jugés essentiels pour distinguer le bon, le médiocre et le défectueux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 189-192
HORLOGERIE.
Début :
Il seroit fort à souhaiter, Monsieur, que ceux que leur zele fait écrire pour le [...]
Mots clefs :
Horloges, Roi, Horlogerie, Public
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texteReconnaissance textuelle : HORLOGERIE.
HORLOGERIE .
Il feroit fort à fouhaiter , Monfieur ,
que ceux que leur zele fait écrire pour le
public , fuffent plus inftruits des matieres
qu'ils entreprennent de traiter , & que les
motifs dont ils cherchent à colorer ce zele ,
fût plus exempt de fufpicion , du moins de
vroient- ils mieux le voiler. C'eft dequoi
190 MERCURE DE FRANCE .
l'auteur anonyme des lettres inférées dans
les Mercures de Juin , premier volume ,
page 149. & de Novembre page 143. ne
s'eft pas mis beaucoup en peine . Il indique
au public une nouvelle méthode pour régler
les montres & les pendules , qui préfente
une infinité d'inconvéniens , fans
laiffer appercevoir la plus légere utilité . En
effet , la ligne du tems moyen , tracée au
Palais royal , fuivant l'idée de l'anonyme ,
peut-elle entrer en comparaifon avec les
tables d'équation , fi connues du public ,
& que chacun peut fe procurer à fi peu de
frais ? En fuivant ces tables on eft affuré
d'avoir toujours une maniere infaillible de
connoître le tems moyen par le fecours du
tems vrai. Il y avoit encore une autre reffource
qui ne s'eft pas préfentée à l'imagination
de notre Sçavant ; c'étoit de fouhaiter
que l'on fît marquer aux horloges
publiques le tems vrai & le tems moyen ;
mais la prévention de l'anonyme ne lui a
laiffé que la faculté de décrier les groffes
horloges fans diftinction. Il feint d'ignorer
qu'on y ait employé des mouvemens
à fecondes , fuivant les idées de M.Julien
Le Roi. C'est ici où la paffion fe démafque
, puifqu'il remet fous les yeux du public
des difputes affoupies depuis peu : il
4 dû voir dans les mémoires d'un des conJANVIER.
1755. 191
rendans , copie du certificat donné par ce
même M. Le Roi , dont il fe plaint que les
confeils n'ont pas été fuivis ; & ce certificat
porte néanmoins que la piéce dont il
parle , faite par M. Le Paute , eft la plus
parfaite qui ait encore paru en ce genre ,
c'est- à- dire de l'efpece de celles que femble
defirer l'anonyme . Il y en a une trèsbelle
à Sainte Genevieve , exécutée par M.
Galonde ; une aux Miffions Etrangeres
par M. Julien Le Roi. Celle de la Meute
que ce même M. Le Roi affûre , eſt ſupérieure
aux précédentes , une au Luxembourg
, une autre au pavillon de Bellevûe ,
une au château des Thermes , qui marque
les fecondes très-diftinctement , & celle de
l'Hôtel des Fermes : toutes ces horloges
font parfaites , fi l'on en doit croire le témoignage
public. Quant à moi qui les
ai toutes vifitées en place , & qui les fuis
depuis long- tems , je ne crois pas qu'elles
laiffaffent rien à defirer , fi M. Le Paute
avoit eu la précaution de leur faire marquer
le tems vrai & le tems moyen . C'eſt
le reproche que je lui ai fait à l'occafion
d'une ingénieufe pendule à fecondes qu'il
vient de placer fous les yeux du public , en
face de la petite porte du Luxembourg qui
conduit à fon logement. Ces dernieres
horloges décrivent de très-petits arcs , avec
192 MERCURE DE FRANCE.
de fort groffes lentilles , & marchent avec
environ deux livres de poids coulant. Ce
font là de ces faits qui ne peuvent être
ignorés de l'anonyme , & qui auroient dû
dui faire parler avec plus de circonfpection
des groffes horloges.
Après avoir tâché de décrier indirectement
ces fortes de piéces , il attaque de
nouveau les échappemens à repos. Il demande
quelle propriété particuliere caractérife
& diftingue ce nouvel échappement . Je
doute que L'auteur laiffe échapper une fi
belle occafion de lui apprendre ce qu'il affecte
encore d'ignorer ; en tout cas , il
pourra confulter là - deffus les mémoires
imprimés pendant le cours de la difpute ;
de rapport de l'Académie des Sciences , &
enfin une lettre de M. de la Lande , Membre
de l'Académie , inférée dans le Mercure
d'Août , où il a difcuté ces avantages.
J'ai l'honneur d'être , & c.
Il feroit fort à fouhaiter , Monfieur ,
que ceux que leur zele fait écrire pour le
public , fuffent plus inftruits des matieres
qu'ils entreprennent de traiter , & que les
motifs dont ils cherchent à colorer ce zele ,
fût plus exempt de fufpicion , du moins de
vroient- ils mieux le voiler. C'eft dequoi
190 MERCURE DE FRANCE .
l'auteur anonyme des lettres inférées dans
les Mercures de Juin , premier volume ,
page 149. & de Novembre page 143. ne
s'eft pas mis beaucoup en peine . Il indique
au public une nouvelle méthode pour régler
les montres & les pendules , qui préfente
une infinité d'inconvéniens , fans
laiffer appercevoir la plus légere utilité . En
effet , la ligne du tems moyen , tracée au
Palais royal , fuivant l'idée de l'anonyme ,
peut-elle entrer en comparaifon avec les
tables d'équation , fi connues du public ,
& que chacun peut fe procurer à fi peu de
frais ? En fuivant ces tables on eft affuré
d'avoir toujours une maniere infaillible de
connoître le tems moyen par le fecours du
tems vrai. Il y avoit encore une autre reffource
qui ne s'eft pas préfentée à l'imagination
de notre Sçavant ; c'étoit de fouhaiter
que l'on fît marquer aux horloges
publiques le tems vrai & le tems moyen ;
mais la prévention de l'anonyme ne lui a
laiffé que la faculté de décrier les groffes
horloges fans diftinction. Il feint d'ignorer
qu'on y ait employé des mouvemens
à fecondes , fuivant les idées de M.Julien
Le Roi. C'est ici où la paffion fe démafque
, puifqu'il remet fous les yeux du public
des difputes affoupies depuis peu : il
4 dû voir dans les mémoires d'un des conJANVIER.
1755. 191
rendans , copie du certificat donné par ce
même M. Le Roi , dont il fe plaint que les
confeils n'ont pas été fuivis ; & ce certificat
porte néanmoins que la piéce dont il
parle , faite par M. Le Paute , eft la plus
parfaite qui ait encore paru en ce genre ,
c'est- à- dire de l'efpece de celles que femble
defirer l'anonyme . Il y en a une trèsbelle
à Sainte Genevieve , exécutée par M.
Galonde ; une aux Miffions Etrangeres
par M. Julien Le Roi. Celle de la Meute
que ce même M. Le Roi affûre , eſt ſupérieure
aux précédentes , une au Luxembourg
, une autre au pavillon de Bellevûe ,
une au château des Thermes , qui marque
les fecondes très-diftinctement , & celle de
l'Hôtel des Fermes : toutes ces horloges
font parfaites , fi l'on en doit croire le témoignage
public. Quant à moi qui les
ai toutes vifitées en place , & qui les fuis
depuis long- tems , je ne crois pas qu'elles
laiffaffent rien à defirer , fi M. Le Paute
avoit eu la précaution de leur faire marquer
le tems vrai & le tems moyen . C'eſt
le reproche que je lui ai fait à l'occafion
d'une ingénieufe pendule à fecondes qu'il
vient de placer fous les yeux du public , en
face de la petite porte du Luxembourg qui
conduit à fon logement. Ces dernieres
horloges décrivent de très-petits arcs , avec
192 MERCURE DE FRANCE.
de fort groffes lentilles , & marchent avec
environ deux livres de poids coulant. Ce
font là de ces faits qui ne peuvent être
ignorés de l'anonyme , & qui auroient dû
dui faire parler avec plus de circonfpection
des groffes horloges.
Après avoir tâché de décrier indirectement
ces fortes de piéces , il attaque de
nouveau les échappemens à repos. Il demande
quelle propriété particuliere caractérife
& diftingue ce nouvel échappement . Je
doute que L'auteur laiffe échapper une fi
belle occafion de lui apprendre ce qu'il affecte
encore d'ignorer ; en tout cas , il
pourra confulter là - deffus les mémoires
imprimés pendant le cours de la difpute ;
de rapport de l'Académie des Sciences , &
enfin une lettre de M. de la Lande , Membre
de l'Académie , inférée dans le Mercure
d'Août , où il a difcuté ces avantages.
J'ai l'honneur d'être , & c.
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Résumé : HORLOGERIE.
Un texte critique un auteur anonyme ayant publié des lettres dans les Mercures de Juin et de Novembre, proposant une nouvelle méthode pour régler les montres et pendules. Cette méthode, jugée inefficace et inutile, suggère une ligne du temps moyen au Palais Royal, mais est comparée défavorablement aux tables d'équation, plus accessibles et précises. L'auteur anonyme ignore la possibilité de marquer à la fois le temps vrai et le temps moyen sur les horloges publiques, critiquant les grandes horloges sans distinction. Plusieurs horloges publiques parfaites, réalisées par des horlogers comme Le Paute, Galonde et Julien Le Roi, sont présentes dans divers lieux tels que Sainte-Geneviève, les Missions Étrangères et le Luxembourg. Le critique reproche à Le Paute de ne pas avoir marqué le temps vrai et le temps moyen sur ces horloges. L'anonyme est également accusé d'attaquer les échappements à repos sans connaître leurs avantages, documentés dans divers mémoires et rapports de l'Académie des Sciences.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 148-174
ARCHITECTURE. LETTRE A M. L'ABBÉ R*** fur une très-mauvaise plaisanterie qu'il a laissé imprimer dans le Mercure du mois de Décembre 1754, par une société d'Architectes, qui pourroient bien aussi prétendre être du premier mérite & de la premiere réputation, quoiqu'ils ne soient pas de l'Académie.
Début :
Nous sommes surpris, Monsieur, qu'un homme d'esprit & un aussi bon citoyen [...]
Mots clefs :
Société d'architectes, Architecture, Architecture antique, Architectes, Génie, Public, Paris, Manière, Genre, Goût, Art, Vérité, Réputation, Mérite
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texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE. LETTRE A M. L'ABBÉ R*** fur une très-mauvaise plaisanterie qu'il a laissé imprimer dans le Mercure du mois de Décembre 1754, par une société d'Architectes, qui pourroient bien aussi prétendre être du premier mérite & de la premiere réputation, quoiqu'ils ne soient pas de l'Académie.
LETTRE A M. L'ABBE' R ***
fur une très - mauvaise plaifanterie qu'il a
laiffe imprimer dans le Mercure du mois
de Décembre 17 54 › par une société d'Architectes
, qui pourroient bien auffi prétendre
être du premier mérite & de la premiere
réputation , quoiqu'ils ne foient pas
de l'Académie.
N
Ousfommes furpris, Monfieur, qu'un
homme d'efprit & un auffi bon citoyen
que vous , ait autorifé un écrit fatyrique
, dont le but eft fi évidemment de
renverser l'Architecture moderne , & de
détruire la confiance que l'on accorde aux
Architectes , en mettant le public à portée
de juger par lui-même du bien ou du mal
des ouvrages que nous faifons pour lui
FEVRIER. 1755. 149
Pouvons-nous croire que vous n'ayez pas
apperçu cette conféquence ? ou que l'ayant
vue vous n'ayez pas eu quelque fcrupule
de vous prêter à décrier des inventions
qui depuis tant de tems font les délices de
Paris , & qu'enfin les étrangers commencent
à goûter avec une avidité finguliere
Il eft aifé de deviner d'où partent ces
plaintes , & nous ne croirons pas auffi
facilement que vous que ce foient fimplement
les idées d'un feul artiſte. C'eſt
un complot formé par plufieurs qui , à la
vérité , ont da mérite dans leur genre ,
mais qui feroient mieux de s'y attacher
que de fe mêler d'un art qui eft fi fort
au- deffus de la fphere de leurs conoiffances.
Nous foupçonnons avec raifon quelques
Peintres célebres de tremper dans
cette conjuration ; malheur à eux fi nous
le découvrons. Ils ont déja pû remarquer
que pour nous avoir fâché , nous avons
fupprimé de tous les édifices modernes
la grande peinture d'hiftoire. Nous leur
avions laiffé par grace quelque deffus de
porte; mais nous les forcerons dans ce dernier
retranchement , & nous les réduirons
à ne plus faire que dé petits tableaux de
modes , & encore en camaïeux . Qu'ils faffent
attention que nous avons l'invention
des vernis : le public a beau fe plaindre de
G iij
So MERCURE DE FRANCE!
leur peu de durée , il fera verni & rever
ni. Cependant nous voulons bien ne pas
attribuer ces critiques à mauvaife volonté,
mais plutôt au malheur qu'ils ont de s'être
formé le goût en Italie. Ils y ont vû ces
reftes d'architecture antique , que tout le
monde eft convenu d'admirer , fans que
nous puiffions deviner pourquoi. C'eft ,
dit-on , un air de grandeur & de fimpli
cité qui en fait le caractere. On y trouve
une régularité fymmétrique , des richeffes
répandues avec économie & entremêlées
de grandes parties qui y donnent du repos
. Ils s'en laiffent éblouir , & reviennent
ici remplis de prétendus , principes , qui ne
font dans le fond que des préjugés , &
qui , grace à la mode agréable que nous
avons amenée , ne peuvent leur être d'aucun
ufage. Nous nous fommes bien gardés
de faire pareille folie ; & tandis que nos
camarades font allés perdre leur tems à
admirer & à étudier avec bien des fatigues
cette trifte architecture , nous nous fommes
appliqués à faire ici des connoiffan
ces & à répandre de toutes parts nos gentilles
productions.
4
On nous a des obligations infinies :
nous avons affaire à une nation gaie qu'il
faut amufer ; nous avons répandu l'agré
ment & la gaieté par tout . Au bon vieux
FEVRIER. 1755 151
4
"
tems on croyoit que les Eglifes devoient
préfenter uunn aaffppeecctt ggrraavvee & même fevere ;
les perfonnes les plus diffipées pouvoient
à peine y entrer, fans s'y trouver pénétrées
d'idées férieufes. Nous avons bien changé
tout cela ; il n'y a pas maintenant de
cabinet de toilette plus joli que les chapelles
que nous y décorons. Si l'on y met
encore quelques tombeaux , nous les contournons
gentiment , nous les dorons par
tout , enfin nous leur ôtons tout ce qu'ils
pourroient avoir de lugubre : il n'y a pas
jufquà nos confeffionaux qui ont un air
de galanterie.
Si l'on a égard à l'avancement de l'art ,
quelle extenfion ne lui avons - nous pas
procuré nous avons multiplié le nombre
des Architectes excellens à tel point que
la quantité en eft prefque innombrable.
Ce talent qui , dans le fyftême de l'architecture
antique , eft hériffé de difficultés ,
devient dans le nôtre la chofe du monde
la plus aifée ; & l'expérience fait voir que
le maître Maçon le plus borné du côté du
deffein & du goût , dès qu'il a travaillé
quelque tems fous nos ordres , fe trouve
en état de fe déclarer architecte , & à bien
peu de chofe près auffi bon que nous .
Nous ajoûterons à la gloire de la France
& à fon avantage , que les étrangers com-
Giv
152 MERCURE DE FRANCE .
mencent à adopter notre goût , & qu'il y
a apparence qu'ils viendront en foule l'apprendre
chez nous. Les Anglois même , fi
jaloux de notre fupériorité dans tous les
arts , en font devenus fi foux qu'ils en
ont abandonné leur Inigo Jones , & leur
habitude de copier exactement les ouvrages
de Palladio. Ce qui pourra peut- être
nuire à cet avantage , c'eft l'imprudence
qu'on a eu de laiffer graver quelques- unes
de nos décorations de portes & de cheminées
, qui d'abord ont apprêté à rire aux
autres nations , parce qu'ils n'en fentoient
pas toute la beauté ; mais qu'enfuite ils
n'ont pu fe refufer d'imiter. Malheureuſement
ces eftampes dévoilent notre fecret ,
qui d'ailleurs n'eft pas difficile à appren
dre , & l'on peut trouver en tout pays un
grand nombre de génies propres à faifir
ces graces légeres. Au refte , fi cela arrive ,
nous nous en confolerons en citoyens de
l'univers , & nous nous féliciterons d'avoir
rendu tous les hommes architectes à
peu
de frais. Ces grands avantages nous
ont coûté quelques peines ; on ne détruit
pas facilement les idées du beau , reçues
dans une nation éclairée & dans un fiécle
qu'on fe figuroit devoir fervir de modele à
tous ceux qui le fuivroient . Il étoit appuyé
fur les plus grands noms ; il falloit
FEVRIER . 1755 153
trouver auffi quelques noms célebres qui
puffent nous fervir d'appui. On avoit découvert
prefque tout ce qui pouvoit fe
faire de beau dans ce genre , & les génies
ordinaires ne pouvoient prétendre qu'à être
imitateurs ; deux ou trois perfonnes auroient
paru avec éclat , & les autres feroient
demeurées dans l'oubli Il falloit
donc trouver un nouveau genre d'architecture
où chacun pût fe diftinguer , &
faire goûter au public des moyens d'être
habile homme qui fuffent à la portée de
tout le monde : cependant il ne falloit pas
'choquer groffierement les préjugés reçus ,
en mettant tout d'un coup au jour des nouveautés
trop éloignées du goût 1egnant ,
& rifquer de fe faire fifler fans retour.
Le fameux Oppenor nous fervit dans ces
commencemens avec beaucoup de zéle ;
il s'étoit fait une grande réputation par fes
deffeins ; la touche hardie qu'il y donnoit ,
féduifit prefque tout le monde , & on fut
long - tems à s'appercevoir qu'ils ne faifoient
pas le même effet en exécution . Il
fe fervit abondamment de nos ornemens
favoris , & les mit en crédit. Il nous eft
même encore d'une grande utilité , & nous
pouvons compter au nombre des nôtres
ceux qui le prennent pour modele . Cependant
ce n'étoit pas encore l'homme
Gv
154 MERCURE DE FRANCE:
qu'il nous falloit ; il ne pouvoit s'empê
cher de retomber fouvent dans l'architecture
ancienne , qu'il avoit étudiée dans fa
jeuneffe. Nous trouvâmes un appui plus .
folide dans les talens du grand Meiffonnier.
Il avoit à la vérité étudié en
Italie ,
& par conféquent n'étoit pas entierement
des nôtres ; mais comme il y avoit fagement
préféré le goût de Borromini au goût
ennuyeux de l'antique , il s'étoit par là
rapproché de nous ; car le Borromini a rendu
à l'Italie le même fervice que nous
avons rendu à la France , en y introduifant
une architecture gaie & indépendante
de toutes les régles de ce que l'on appelloit
anciennement le bon goût . Les Italiens ont
depuis bien perfectionné cette premiere
tentative , & du côté de l'architecture plai
fante ils ne nous le cédent en rien . Leur
goût n'eft pas le nôtre dans ce nouveau
genre , il est beaucoup plus lourd ; mais
nous avons cela de commun , que nous
avons également abandonné toutes les
vieilles modes pour lefquelles on avoit un
refpect fuperftitieux . Meiffonnier commen-
са à détruire toutes les lignes droites qui
étoient du vieil ufage ; il tourna & fit
bomber les corniches de toutes façons , il
les ceintra en haut & en bas , en devant ,
en arriere , donna des formes à tout , mêFEVRIER.
1755 155
me aux moulures qui en paroiffoient les
moins fufceptibles ; il inventa les contraftes
, c'est-à- dire qu'il bannit la fymmétrie
& qu'il ne fit plus les deux côtés des panneaux
femblables l'un à l'autre ; au contraire
, ces côtés fembloient fe défier à qui
s'éloigneroit le plus , & de la maniere la
plus finguliere , de la ligne droite à laquelle
ils avoient jufqu'alors été affervis .
Rien n'eſt fi admirable que de voir de
-quelle maniere il engageoit les corniches
des marbres les plus durs à fe prêter avec
complaifance aux bizarreries ingénieufes
des formes de cartels ou autres chofes qui
-devoient porter deffus. Les balcons ou les
-rampes d'efcalier n'eurent plus la permiffion
de paffer droit leur chemin ; il leur
fallut ferpenter à fa volonté , & les matieres
les plus roides devinrent fouples fous
fa main triomphante. Ce fut lui qui mic
-en vogue ces charmans contours en S , que
votre auteur croit rendre ridicules , en difant
que leur origine vient des maîtres
Ecrivains ; comme fi les arts ne devoient
pas le prêter des fecours mutuels il les
employa par tout , & à proprement parler
fes deffeins , même pour des plans de bâtimens
, ne furent qu'une combinaifon de
cette forme dans tous les fens poffibles . Il
nous apprit à terminer nos moulures en
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
rouleau , lorfque nous ne fçaurions com
ment les lier les unes aux autres , & mille
autres chofes non moins admirables qu'il
feroit trop long de vous citer : enfin l'on
peut dire que nous n'avons rien produit
depuis dont on ne trouve les femences
dans fes ouvrages. Quels fervices n'a-t- il
pas rendus à l'orfevrerie ? il rejetta bien
loin toutes les formes quarrées , rondes ou
ovales , & toutes ces moulures dont les
ornemens repérés avec exactitude donnent
tant de fujétion ; avec fes chers contours
en S , il remplaça tout. Ce qu'il y a
de particulier , c'eft qu'en moins de rien
l'orfevrerie & les bijoux devinrent trèsaifés
à traiter avec génie. En vain le célebré
Germain voulut s'opposer au torrent
& foutenir le vieux goût dont il avoit été
bercé dans fon enfance , fa réputation même
en fut quelque peu éclipfée , & il fe
vit fouvent préférer Meiffonnier , par l'appui
que nous lui donnions fous main ; cependant
, le croiriez-vous ! ce grand Meiffonnier
n'étoit pas encore notre homme ,
il tenoit trop à ce qu'ils appellent grande.
maniere. De plus il eut l'imprudence de
laiffer graver plufieurs ouvrages de lui , &
mit par là le public à portée de voir que
ce génie immenfe qu'on lui croyoit , n'étoit
qu'une répétition ennuyeufe des mê
FEVRIER. 1755 157
mes formes. Il fe décrédita , & nous l'abandonnâmes
d'autant plus facilement ,
que malgré les fecours que nous lui avions
prêtés pour l'établiſſement de fa réputation
, il ne vouloit point faire corps avec
& nous traitoit hautement d'igno- nous ,
rans : quelle ingratitude !
Nous fimes enfin la découverte du héros
dont nous avions befoin. Ce fut un
Sculpteur , qui n'avoit point pû fe gâter à
Rome , car il n'y avoit point été , bien
qu'il eût vû beaucoup de pays. Il s'étoit
formé avec nous , & avoit fi bien goûté
notre maniere , & fi peu ces prétendues
régles anciennes , que rien ne pouvoit reftreindre
l'abondance de fon génie . Il fçavoit
affez d'architecture ancienne pour ne
pas contrecarrer directement ceux qui y
tenoient avec trop d'obftination ; mais il
la déguifoit avec tant d'adreffe qu'il avoit
le mérite de l'invention , & qu'on ne la
reconnoiffoit qu'à peine. Il allégea toutes
ces moulures & tous ces profils où Oppenor
& Meiffonnier avoient voulu conferver
un caractere qu'ils appelloient mâle ; il
les traita d'une délicateffe qui les fait prefque
échapper à la vûe ; il trouva dans les
mêmes efpaces le moyen d'en mettre fix
fois davantage ; il s'affranchit tout d'un
coup de la loi qu'ils s'étoient follement
18 MERCURE DE FRANCE.
impofée de lier toujours leurs ornemens les
uns aux autres ; il les divifa , les coupa
en mille pieces , toujours terminées par ce
-rouleau qui eft notre principale reffource ;
& afin que ceux qui aimoient la liaiſon
ne s'apperçuffent pas trop de ces interruptions
, il fit paroître des liaiſons apparen
tes , par le fecours d'une fleur , qui ellemême
ne tenoit à rien , ou par quelque légereté
également ingénieufe ; il renonça
pour jamais à la régle & au compas : on
avoit déja banni la fymmetrie , il rencherit
encore là-deffus . S'il lui échappa quelquefois
de faire des panneaux femblables
l'un à l'autre , il mit ces objets fymmétriques
fi loin l'un de l'autre , qu'il auroit
fallu une attention bien fuivie pour s'appercevoir
de leur reffemblance. Aux agra
fes du ceintre des croifées qui ci-devant
ne repréfentoient que la clef de l'arc décorée
, il fubftitua de petits cartels enrichis
de mille gentilleffes & pofés de travers
, dont le pendant fe trouvoit à l'au
tre extrêmité du bâtiment . C'eſt à lui qu'on
doit l'emploi abondant des palmiers , qui
à la vérité avoient été trouvés avant lui ,
& que votre auteur blâme fi ridiculement.
Il établit folidement l'ufage de fupprimer
tous les plafonds , en faifant faire à des
Sculpteurs , à bon marché , de jolies petites
FEVRIER.
1755 159
dentelles en bas- relief , qui réuffirent fi
bien , qu'on prit le fage parti de fupprimer
les corniches des appartemens pour les enrichir
de ces charmantes dentelles . C'eft
notre triomphe que cette profcription des
corniches ; rien ne nous donnoit plus de
fujétion que ces miferes antiques dont on
les ornoit , & aufquelles votre écrivain
paroît fi attaché. Il y falloit une exactitude
& une jufteffe , qui pour peu qu'on y
manquât , fe déceloit d'abord à des yeux
un peu feveres. Nous regrettons encore
ce grand homme , quoique fes merveilleux
talens ayent été remplacés fur le champ
par quantité de Sculpteurs , non moins
abondans que lui dans cette forte de génie.
C'eft à lui que nous avons l'obligation
de cette fupériorité que nous avons acqui
fe , & que nous fçaurons conferver ; & on
peut dire à fa gloire que tout ce qui s'éloigne
du goût antique lui doit fon inven
tion , ou fa perfection.
}
En fuivant fes principes , nous avons
abfolument rejetté tous ces anciens plafonds
chargés de fculptures & de dorures ,
qui à la vérité avoient de la magnificence ,
& contre lefquels nous n'avons rien à dire
, fi ce n'eft qu'ils ne font plus de mode.
En dépit des cris de toute l'Académie de
Peinture , nous avons fçu perfuader à tous
160
MERCURE DE
FRANCE.
tes les
perſonnes chez qui nous avons
quelque crédit , que les plafonds peints
obfcurciffent les
appartemens & les rendent
triftes.
Inutilement veut- on nous repréfenter
que nous avons
juſtement dans
notre fiécle des Peintres , dont la couleur
eft très-agréable , & qui aiment à rendre
leurs tableaux
lumineux ; qu'en traitant
les plafonds d'une couleur claire ils n'auroient
point le
defagrément qu'on reproche
aux anciens , & qu'ils auroient de plus
le mérite de
repréfenter quelque chofe
d'amufant par le fujet , &
d'agréable par
la variété des couleurs. Les Peintres n'y
gagneront rien , ils nous ont irrité en méprifant
nos premieres
productions ; & nous
voulons d'autant plus les perdre que nous
n'efperons pas de pouvoir les gagner ; ils
ne fe rendroient qu'avec des
reftrictions
qui ne font pas de notre goût. Les Sculp
seurs de figures feront auffi compris dans
cette
profcription ; ils feroient encore plus
à portée de nous faire de mauvaiſes chicanes.
Notre
Sculpteur favori nous a don
né mille moyens de nous paffer d'eux : aù
lieu de tout cela il a imaginé une rofette
charmante , qu'à peine on
apperçoit , &
qu'il met au milieu du plancher , à l'endroit
où
s'attache le luftre : voilà ce qu'on
préfère avec raiſon aux plus belles produce
FEVRIER. 1755
161
tions de leur art. Il y a encore un petit
nombre de criards qui répandent par-tour
que le bon goût eft perdu , & qu'il y a
très- peu d'Architectes qui entendent la
décoration ; que c'eft le grand goût de la
décoration qui fait le caractere effentiel
de l'Architecte . Nous détruifons tous ces
argumens , en foutenant hautement que
ce qui diftingue l'Architecte , eft l'art de
la diftribution. Ils ont beau dire qu'elle
n'eft pas auffi difficile que nous voulons
le faire croire , & qu'il eft évident qu'avec
un peu d'intelligence chaque particulier
peut arranger fa maifon d'une maniere
qui lui foit commode , relativement aux
befoins de fon état ; que la difficulté que
le particulier ne fçauroit lever , ni nous
non plus , & qui demande toutes les lumieres
d'un grand architecte , eft d'ajuſter
cette diftribution commode avec une décoration
exacte , fymmétrique , & dans ce
qu'ils appellent le bon goût , foit dans les
dehors , foit dans les dedans voilà juſtement
ce qui nous rendra toujours victorieux.
Comme notre architecture n'a aucunes
régles qui l'aftreignent , qu'elle eſt
commode , & qu'en quelque façon elle
prête , nous nous fommes faits un grand
nombre de partifans qui fatisfaits de notre
facilité à remplir toutes leurs fantaisies ,
162 MERCURE DE FRANCE.
›
nous foutiendront toujours. Nous voudrions
bien voir ces Meffieurs de l'antique
entreprendre de décorer l'extérieur d'un
bâtiment avec toutes les fujétions que
nous leur avons impofées. Comme les plus
grands cris avoient d'abord été contre nos
décorations extérieures , parce qu'elles
étoient expofées à la vûe de tout le monde ;
que d'ailleurs le vuide ne coûte rien à décorer
, & ne donne point de prife à la critique
, nous avons amené la multitude des
fenêtres, qui a parfaitement bien réuffi ; car
il eft infiniment agréable d'avoir trois fenê
tres dans une chambre , qui jadis en auroit
eu à peine deux. Cela donne à la vérité
plus de froid dans l'hiver & plus de chaleur
dans l'été mais que nous importe ? il n'en
-eſt
: pas moins fûr qu'à préſent chacun veut
que fa maifon foit toute percée , & que
-nos Meffieurs du goût ancien , qui ne fçavent
décorer que du plein , n'y trouvent
plus de place. Qu'ils y mettent , s'ils le peutvent
, de leurs fenêtres décorées , qu'ils
tâchent d'y placer leurs frontons à l'antique
, qui , difent - ils , décorent la fenêtre
, & mettent à couvert ceux qui y
font nous y avons remédié en élevant
les fenêtres jufques au haut du plancher.
Rien n'eft fi amufant que de voir un
pauvre architecte revenant d'Italie , à qui
:
FEVRIER. 1755 163
(
"
Ton donne une pareille cage à décorer , ſe
tordre l'imagination pour y appliquer ces
chers principes , qu'il s'eft donné tant de
peine à apprendre ; & s'il lui arrive d'y
réuffir , ce qu'il ne peut fans diminuer les
croifées , c'eſt alors que nous faifons voir
clairement combien fa production eft trifte
& mauffade . Vous ne verrez pas clair chez
vous , leur difons- nous , vous n'aurez pas
d'air pour refpirer , à peine verrez- vous le
foleil dans les beaux jours : ces nouveaux artiftes
fe retirent confus,& font enfin obligés
de fe joindre à nous , pour trouver jour à
percer dans le monde. Nous n'avons pas encore
entierement abandonné les frontons
dont les anciens fe fervoient pour terminer
le haut de leurs bâtimens , & qui repréfentoient
le toît , quoique nous aimions bien
mieux employer certaines terminaiſons en
façon d'orfevrerie , qui font de notre crû.
A l'égard des frontons , nous avons du
moins trouvé le moyen de les placer ou
on ne s'attendoit pas à les voir ; nous les
mettons au premier étage , & plus heureufement
encore au fecond ; & nous ne manquons
gueres d'élever un étage au -deffus
, afin qu'ils ayent le moins de rapport
qu'il eft poffible avec ceux des anciens.
Nous avons ou peu s'en faut , banni les
colonnes , uniquement parce que c'eft un
164 MERCURE DE FRANCE
→
des plus beaux ornemens de ce trifte goût
ancien , & nous ne les rétablirons que
lorfque nous aurons trouvé le moyen de
les rendre fi nouvelles qu'elles n'ayent plus
aucune reffemblance avec toutes ces antiquailles.
D'ailleurs elles ne fçauroient s'accommoder
avec nos gentilleffes légeres ,
elles font paroître mefquin tout ce qui
les accompagne. Beaucoup de gens tenoient
encore à cette forte d'ornement , qui leur
paroiffoit avoir une grande beauté mais
nous avons fçu perfuader aux uns , que
cela coûtoit beaucoup plus que toutes les
chofes que nous leur faifions , quoique
peut-être en économifant bien , cela pût
ne revenir qu'à la même dépenſe ; aux
autres , que cette décoration ne convenoit
point à leur état , & qu'elle étoit reſervée
pour les temples de Dieu & les palais des
Rois ; que quelques énormes dépenfes que
nous leur fiffions faire chez eux , perfonne
n'en fçauroit rien , quoiqu'ils le fiffent
voir à tout le monde ; au lieu qu'une petite
colonnade , qui ne coûteroit peut-être
gueres , feroit un bruit épouventable dans
Paris. Nous avons accepté les pilaftres jufqu'à
un certain point , c'eft- à- dire forfque
nous avons pû les dépayfer par des
chapiteaux divertiffans. Les piédeftaux font
auffi reçus chez nous , mais nous avons
FEVRIER. 1755. 165
·
trouvé l'art de les contourner , en élargiffant
par le bas , comme s'ils crevoient fous
le fardeau , ou plus gaiement encore , en
les faifant enfler du haut , & toujours en
S, comme s'ils réuniffoient leur force en
cę lieu
ce pour mieux porter. Mais où notre
génie triomphe , c'eſt dans les bordures
des deffus de porte , que nous pouvons
nous vanter d'avoir varié prefque à l'infini.
Les Peintres nous en maudiffent , parce
qu'ils ne fçavent comment compofer leurs
fujets avec les incurfions que nos ornemens
font fur leur toile ; mais tant pis
pour eux : lorfque nous faifons une fi grande
dépenfe de génie , ils peuvent bien auffi
s'évertuer ; ce font des efpéces de bouts
rimés que nous leur donnons à remplir.
Il auroit pû refter quelque reffource à la
vieille architecture pour fe produire à Paris
; mais nous avons coupé l'arbre dans fa
racine , en annonçant la mode des petits
appartemens , & nous avons fappé l'ancien
préjugé , qui vouloit que les perfonnes
diftinguées par leur état caffent un appar !
tement de répréfentation grand & magnifique.
Nous efperons que dorénavant la
regle fera que plus la perfonne fera élevée
en dignité , plus fon appartement fera
patit : vous voyez qu'alors il fera difficile
de nous faire defemparer, Ceux qui poure
GG MERCURE DE FRANCE.
ront faire de la dépenfe , ne la feront qu'en
petit , & s'adrefferont à nous. Il ne reſtera
pour occuper ces Meffieurs , que ceux qui
n'ont pas le moyen de rien faire.
Voyez , je vous prie , l'impertinence de
votre auteur critique ; il s'ennuye , dit- il ,
de voir par-tout des croifées ceintrées ,
mais il n'ofe pas difconvenir que cette forte
de croifée ne foit bonne . Peut-on avoir
trop d'une bonne chofe ? & pourquoi veutil
qu'on aille fe fatiguer l'imagination pour
trouver des variétés , lorfqu'une chofe eft
de mode , & qu'on eft fûr du fuccès ? Ne
voit-il pas que toutes nos portes , nos cheminées
, nos fenêtres , avec leur plat-bandeau
, font à peu près la même choſe :
puifqu'on en eft content , pourquoi fe tuer
à en chercher d'autres ? Il blâme nos portes
oùles moulures fe tournent circulairement ;
invention heureuſe que nous appliquons à
tout avec le plus grand fuccès. Il faut :
qu'il foit bien étranger lui-même dans
Paris , pour ne pas fçavoir de qui nous
la - tenons. C'est d'un Architecte à qui les
amateurs de l'antique donnent le nom de
grand. Le célébre François Manſard la
employée dans fon portail des Filles de :
Sainte Marie , rue Saint Antoine ; voilà
une autorité qu'il ne peut recufer.Pour vous
faire voir combien cette forte de fronton
FEVRIER. 1755 . 1671
7
réuffit quand elle eft traitée à notre façon ,
& combien elle l'emporte fur l'architecture
ancienne ; comparez le portail des Capucines
de la place de Louis le Grand ,
morceau fi admirable qu'on vient de le
reftaurer , de peur que la poſtérité n'en fût
privée ; comparez- le avec le portail à colonnes
de l'Affomption , qui n'en eft pas
loin , & vous toucherez au doigt la différence
qui eft entre nous & les Architectes:
du fiécle paffé.
Mais laiffons là ce critique ; ce feroitperdre
le tems que de s'amufer à lui démontrer
en détail l'abfurdité de fes jugemens.
Nous ne vous diffimulerons pas que
nous fommes actuellement dans une pofi-:
tion un peu critique , & qu'une révolu-.
tion dans le goût de l'architecture nous
paroîtroit prochaine fi nous la croyions
poffible. Il fe rencontre actuellement plufeurs
obftacles à nos progrès ; maudite
foit cette architecture antique , fa féduction
, dont on a bien de la peine à revenir
lorfqu'une fois on s'y eft laiffé prendre
nous a enlevé un protecteur qui auroit
peut- être été pour nous l'appui le plus fo
lide , fi nous avions été chargés du foin
de l'endocriner. Pourquoi aller chercher
bien loin ce qu'on peut trouver chez foi
nous amufons en inftruifant ; ne peut-on
168 MERCURE DE FRANCE.
pas ſe former le goût en voyant nos deffeins
de boudoirs , de garde-robes , de
pavillons à la Turque , de cabinets à la
Chinoife ? Est- ce quelque chofe de fort
agréable que cette Eglife demefurée de S.
Pierre , ou que cette rotonde antique , dont
le portail n'a qu'un ordre dans une hauteur
où nous , qui avons du génie , aurions
trouvé de la place pour en mettre au moins
trois il n'eft pas concevable qu'on puiffe
balancer. Cependant cette perte eft irrépa
rable : cela eft defolant ; car tous les projets
que nous préfentons paroiffent comiques
à des yeux ainfi prévenus . Nous avons
même tenté de mêler quelque chofe d'antique
dans nos deffeins , voyez quel facrifice
! pour faire paffer avec notre marchandife
, tout cela fans fuccès : on nous
devine d'abord.
Autre obſtacle qui eft une fuite du premier.
Les bâtimens du Roi nous ont donné
une exclufion totale ; tout ce qui s'y
fait fent la vieille architecture , & ce même
public , que nous comptions avoir ſubjugué
, s'écrie : voilà qui eft beau. Il y a
une fatalité attachée à cette vieille mode ,.
par-tout où elle fe montre elle nous dépare
; l'Académie même a peine à fe défendre
de cette contagion , il femble qu'elle
ne veuille plus donner de prix qu'à ceux
qui
FEVRIER. 1755. 169'
I
qui s'approchent le plus du goût de l'antique.
Cela nous expofe à des avanies , de
la part même de ces jeunes étourdis , qui fe
donnent les airs de rire de notre goût moderne.
Cette confpiration eft bien foutenue
; car , à ne vous rien céler , il y a encore
plufieurs Architectes de réputation
& même qui n'ont pas vû l'Italie , mais
qui par choix en ont adopté le goût , que
nous n'avons jamais pû attirer dans notre
parti . Il y a plus ; quelques - uns que nous
avons crû long tems des nôtres , à la
miere occafion qu'ils ont eu de faire quelque
chofe de remarquable , nous ont laiffés
là , & fe font jettés dans l'ancien
goût.
pre-
Vous êtes , fans doute , pénétré de compaffion
à la vûe du danger où nous nous
trouvons , & nous vous faifons pitié ; mais
confolez- vous , nous avons dés reffources
; nous fçaurons bien arrêter ces nouveaux
débarqués d'Italie . Nous leur oppoferons
tant d'obftacles que nous les empêcherons
de rien faire , & peut- être les'
forcerons-nous d'aller chez l'étranger exercer
des talens qui nous déplaifent. Ils aiment
à employer des colonnades avec des
architraves en plate - bande ; nous en déclarerons
la bâtiffe impoffible. Ils auront
beau citer la colonnade du Louvre , la
H
170 MERCURE DE FRANCE.
chapelle de Verſailles , & autres bâtimens
dont on ne peut contefter la folidité ; qui
eft - ce qui les en croira ? leur voix fera- telle
d'un plus grand poids que celle de
gens qui ont bâti des petites maifons par
milliers dans Paris ? mais voici l'argument
invincible que nous leur gardons pour le
dernier. Nous leur demanderons ce qu'ils
ont bâti : il faudra bien qu'ils conviennent
qu'ils n'en ont point encore eu l'occafion .
C'est là où nous les attendons : comment ,
dirons- nous , quelle imprudence ! confier
un bâtiment à un jeune homme fans expérience
? Cette objection eft fans réplique.
On ne s'avifera pas de faire réflexion
qu'un jeune homme de mérite , & d'un
caractere docile , peut facilement s'affocier
un homme qui , fans prétendre à la décoration
, ait une longue pratique du bâtiment
, & lui donneroit les confeils néceffaires
, en cas qu'il hazardât quelque chofe
de trop hardi ; que d'ailleurs il Y auroit
dans Paris bien des maifons en ruines , fi
le premier bâtiment de chaque Architecte
manquoit de folidité.
Au refte , ne croyez point que ce foit
dans le deffein de nuire à ces jeunes gens
que nous leur ferons ces difficultés : c'eft
uniquement pour leur bien , & pour leur
donner le tems , pendant quelques années ,
FEVRIER.
1755.171.
d'apprendre le bon goût que nous avons
établi , & de quitter leurs préjugés ultramontains
nous avons l'expérience que
cela a rarement manqué de nous réuffic .
: Si donc vous connoiffez cette fociété .
d'Artiſtes qui prend la liberté de nous blâmer
, avertiffez-les d'être plus retenus à
l'avenir ; leurs critiques font fuperflues.
Le public nous aime , nous l'avons accoutumé
à nous d'ailleurs chacun de ceux
qui font bâtir , même des édifices publics
, eft perfuadé que quiconque a les
fonds pour bâtir , a de droit les connoiffances
néceffaires pour le bien faire. Peuton
manquer de goût quand on a de l'argent
? Nous fommes déja fûrs des Procureurs
de la plupart des Communautés ,
des Marguilliers de prefque toutes les
Paroiffes , & de tant d'autres qui font
à la tête des entrepriſes. Enfin foyez certains
que nous & nos amis nous ferons
toujours le plus grand nombre. Nous fommes
, &c.
On voit que le faux bel efprit gagne les
beaux arts , ainfi que les belles- lettres . On
force la nature dans tous les genres , on
contourne les figures , on met tout en S :
qu'il y a de Meiffonniers en poëfie & en
éloquence , comme en architecture !
レン
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
ARC DE TRIOMPHE à la gloire du Roi ,
qui a été élevé, fur les deffeins du Chevalier
Servandoni , le jour que M. le Duc de Gefvres
a pofé , au nom de Sa Majefté , la premiere
pierre de la place commencée devant
l'Eglife de S. Sulpice le 2 Octobre 1754 :
dédié à M. Dulau d'Allemans , Curé de S.
Sulpice , gravé par P. Patte , & fe vend
chez lui rue des Noyers , la fixieme porte .
cochere à droite en entrant par la rue Saint·
Jacques , grandeur de la feuille du nom de
Jefus. Prix 1 liv. 10 fols. I
L'eftampe que nous annonçons eft gravée
à l'aide d'une feule taille , ou ligne , à
peu près dans la maniere dont le célébre
Piranefi s'eft fervi pour rendre fes compofitions
d'architecture , dont les connoiffeurs
font tant de cas. Il feroit peut- être à fouhaiter
que cette manoeuvre de gravûre fut
ufitée en France ; elle pourroit donner à
nos eftampes d'architecture une perfection
qu'elles n'ont point eu jufqu'à préfent. En
effet , la pratique d'exprimer les ombres
dans les gravûres ordinaires de nos édifices
par deux tailles , c'eft-à- dire par deux ;
lignes qui s'entrecoupent quarrément ou
ea lofange , rend à la vérité ce genre de
gravûre aifé & expéditif ; mais elle lui ,
donne un air froid , commun , & une dureté
qui femble faire une efpéce d'injure
FEVRIER. 1755. 173
aux yeux ; c'eſt le jugement qu'ont tou-
-jours porté nos artiftes fur ces fortes d'ef
tampes. Auffi peut-on remarquer qu'on
n'a pas crû. devoir accorder à leurs Graveurs
aucune place dans nos Académies ,
foit de peinture , foit d'architecture ; ce
que l'on eût fait affurément , fi leurs talens
euffent paru aux connoiffeurs devoir
mériter quelque diftinction . On a effayé ,
dans la planche que nous propofons , de
mettre ce genre de gravûre dans quelque
eftime , par une nouvelle manoeuvre qui
fente l'art , & qui remédie aux défauts de
l'ancienne. Chaque ombre y eft énoncée
par une feule ligne , plus ou moins groffe
ou ferrée , dont la direction exprime continuellement
la perſpective du corps d'architecture
fur lequel elle eft portée. Afin d'ôter
toute dureté , on a affecté de ne point terminer
les extrêmités de chaque ombre par
aucune ligne , mais feulement par la fin de
toutes les lignes , qui forme l'ombre , ce qui
femble affez bien imiter les arrêtes de la pierre,
lefquelles confervent toujours une efpéce
de rondeur. Toutes les teintes générales ,
quelles qu'elles foient , y font exprimées
à la pointe féche , ce qui eft propre à donner
à cette gravûre un ton fuave , qui
femble participer de cette couleur aërienne
répandue fur la furface de nos bâtimens ;
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE.
ton auquel on ne peut atteindre avec le
fecours de l'eau forte , comme on le pratique
ordinairement. Au refte , c'eft à la
-vue de cette planche à parler en faveur des
avantages de fa nouvelle manoeuvre , & on
fe flatte qu'elle convaincra fans peine que
cette maniere de faire eft bien plus favora
ble que l'autre pour les effets de la perf
pective ; qu'elle eft analogue à la maniere
dont on deffine l'architecture à la plume ,
:& que la parfaite égalité qu'elle demande
doit fatisfaire agréablement la vue des fçavans
comme des ignorans ; quelques lignes
plus ou moins ferrées dans les ombres
étant capables d'y faire une difcordance
de ton irrémédiable , & qui faute aux yeux
de chacun . Cette maniere de traiter l'architecture
eft ; il eft vrai , très-laborieufe
& difficile à bien exécuter ; mais elle
pour-
.roit donner un prix à nos eftampes d'architecture
, & les élever à décorer avec diftinction
les cabinets des curieux.
F
C'eft aux artistes à apprécier ces réflexions,
par la comparaifon de l'eftampe qu'on leur
offre , avec celles que nous avons dans le
genre oppofé. Le feul but que l'on fe propofe
en les faifant , eft de contribuer à la
perfection d'un genre de gravure que l'on
n'a peut- être pas affez cherché jufqu'ici à
rendre recommendable,
fur une très - mauvaise plaifanterie qu'il a
laiffe imprimer dans le Mercure du mois
de Décembre 17 54 › par une société d'Architectes
, qui pourroient bien auffi prétendre
être du premier mérite & de la premiere
réputation , quoiqu'ils ne foient pas
de l'Académie.
N
Ousfommes furpris, Monfieur, qu'un
homme d'efprit & un auffi bon citoyen
que vous , ait autorifé un écrit fatyrique
, dont le but eft fi évidemment de
renverser l'Architecture moderne , & de
détruire la confiance que l'on accorde aux
Architectes , en mettant le public à portée
de juger par lui-même du bien ou du mal
des ouvrages que nous faifons pour lui
FEVRIER. 1755. 149
Pouvons-nous croire que vous n'ayez pas
apperçu cette conféquence ? ou que l'ayant
vue vous n'ayez pas eu quelque fcrupule
de vous prêter à décrier des inventions
qui depuis tant de tems font les délices de
Paris , & qu'enfin les étrangers commencent
à goûter avec une avidité finguliere
Il eft aifé de deviner d'où partent ces
plaintes , & nous ne croirons pas auffi
facilement que vous que ce foient fimplement
les idées d'un feul artiſte. C'eſt
un complot formé par plufieurs qui , à la
vérité , ont da mérite dans leur genre ,
mais qui feroient mieux de s'y attacher
que de fe mêler d'un art qui eft fi fort
au- deffus de la fphere de leurs conoiffances.
Nous foupçonnons avec raifon quelques
Peintres célebres de tremper dans
cette conjuration ; malheur à eux fi nous
le découvrons. Ils ont déja pû remarquer
que pour nous avoir fâché , nous avons
fupprimé de tous les édifices modernes
la grande peinture d'hiftoire. Nous leur
avions laiffé par grace quelque deffus de
porte; mais nous les forcerons dans ce dernier
retranchement , & nous les réduirons
à ne plus faire que dé petits tableaux de
modes , & encore en camaïeux . Qu'ils faffent
attention que nous avons l'invention
des vernis : le public a beau fe plaindre de
G iij
So MERCURE DE FRANCE!
leur peu de durée , il fera verni & rever
ni. Cependant nous voulons bien ne pas
attribuer ces critiques à mauvaife volonté,
mais plutôt au malheur qu'ils ont de s'être
formé le goût en Italie. Ils y ont vû ces
reftes d'architecture antique , que tout le
monde eft convenu d'admirer , fans que
nous puiffions deviner pourquoi. C'eft ,
dit-on , un air de grandeur & de fimpli
cité qui en fait le caractere. On y trouve
une régularité fymmétrique , des richeffes
répandues avec économie & entremêlées
de grandes parties qui y donnent du repos
. Ils s'en laiffent éblouir , & reviennent
ici remplis de prétendus , principes , qui ne
font dans le fond que des préjugés , &
qui , grace à la mode agréable que nous
avons amenée , ne peuvent leur être d'aucun
ufage. Nous nous fommes bien gardés
de faire pareille folie ; & tandis que nos
camarades font allés perdre leur tems à
admirer & à étudier avec bien des fatigues
cette trifte architecture , nous nous fommes
appliqués à faire ici des connoiffan
ces & à répandre de toutes parts nos gentilles
productions.
4
On nous a des obligations infinies :
nous avons affaire à une nation gaie qu'il
faut amufer ; nous avons répandu l'agré
ment & la gaieté par tout . Au bon vieux
FEVRIER. 1755 151
4
"
tems on croyoit que les Eglifes devoient
préfenter uunn aaffppeecctt ggrraavvee & même fevere ;
les perfonnes les plus diffipées pouvoient
à peine y entrer, fans s'y trouver pénétrées
d'idées férieufes. Nous avons bien changé
tout cela ; il n'y a pas maintenant de
cabinet de toilette plus joli que les chapelles
que nous y décorons. Si l'on y met
encore quelques tombeaux , nous les contournons
gentiment , nous les dorons par
tout , enfin nous leur ôtons tout ce qu'ils
pourroient avoir de lugubre : il n'y a pas
jufquà nos confeffionaux qui ont un air
de galanterie.
Si l'on a égard à l'avancement de l'art ,
quelle extenfion ne lui avons - nous pas
procuré nous avons multiplié le nombre
des Architectes excellens à tel point que
la quantité en eft prefque innombrable.
Ce talent qui , dans le fyftême de l'architecture
antique , eft hériffé de difficultés ,
devient dans le nôtre la chofe du monde
la plus aifée ; & l'expérience fait voir que
le maître Maçon le plus borné du côté du
deffein & du goût , dès qu'il a travaillé
quelque tems fous nos ordres , fe trouve
en état de fe déclarer architecte , & à bien
peu de chofe près auffi bon que nous .
Nous ajoûterons à la gloire de la France
& à fon avantage , que les étrangers com-
Giv
152 MERCURE DE FRANCE .
mencent à adopter notre goût , & qu'il y
a apparence qu'ils viendront en foule l'apprendre
chez nous. Les Anglois même , fi
jaloux de notre fupériorité dans tous les
arts , en font devenus fi foux qu'ils en
ont abandonné leur Inigo Jones , & leur
habitude de copier exactement les ouvrages
de Palladio. Ce qui pourra peut- être
nuire à cet avantage , c'eft l'imprudence
qu'on a eu de laiffer graver quelques- unes
de nos décorations de portes & de cheminées
, qui d'abord ont apprêté à rire aux
autres nations , parce qu'ils n'en fentoient
pas toute la beauté ; mais qu'enfuite ils
n'ont pu fe refufer d'imiter. Malheureuſement
ces eftampes dévoilent notre fecret ,
qui d'ailleurs n'eft pas difficile à appren
dre , & l'on peut trouver en tout pays un
grand nombre de génies propres à faifir
ces graces légeres. Au refte , fi cela arrive ,
nous nous en confolerons en citoyens de
l'univers , & nous nous féliciterons d'avoir
rendu tous les hommes architectes à
peu
de frais. Ces grands avantages nous
ont coûté quelques peines ; on ne détruit
pas facilement les idées du beau , reçues
dans une nation éclairée & dans un fiécle
qu'on fe figuroit devoir fervir de modele à
tous ceux qui le fuivroient . Il étoit appuyé
fur les plus grands noms ; il falloit
FEVRIER . 1755 153
trouver auffi quelques noms célebres qui
puffent nous fervir d'appui. On avoit découvert
prefque tout ce qui pouvoit fe
faire de beau dans ce genre , & les génies
ordinaires ne pouvoient prétendre qu'à être
imitateurs ; deux ou trois perfonnes auroient
paru avec éclat , & les autres feroient
demeurées dans l'oubli Il falloit
donc trouver un nouveau genre d'architecture
où chacun pût fe diftinguer , &
faire goûter au public des moyens d'être
habile homme qui fuffent à la portée de
tout le monde : cependant il ne falloit pas
'choquer groffierement les préjugés reçus ,
en mettant tout d'un coup au jour des nouveautés
trop éloignées du goût 1egnant ,
& rifquer de fe faire fifler fans retour.
Le fameux Oppenor nous fervit dans ces
commencemens avec beaucoup de zéle ;
il s'étoit fait une grande réputation par fes
deffeins ; la touche hardie qu'il y donnoit ,
féduifit prefque tout le monde , & on fut
long - tems à s'appercevoir qu'ils ne faifoient
pas le même effet en exécution . Il
fe fervit abondamment de nos ornemens
favoris , & les mit en crédit. Il nous eft
même encore d'une grande utilité , & nous
pouvons compter au nombre des nôtres
ceux qui le prennent pour modele . Cependant
ce n'étoit pas encore l'homme
Gv
154 MERCURE DE FRANCE:
qu'il nous falloit ; il ne pouvoit s'empê
cher de retomber fouvent dans l'architecture
ancienne , qu'il avoit étudiée dans fa
jeuneffe. Nous trouvâmes un appui plus .
folide dans les talens du grand Meiffonnier.
Il avoit à la vérité étudié en
Italie ,
& par conféquent n'étoit pas entierement
des nôtres ; mais comme il y avoit fagement
préféré le goût de Borromini au goût
ennuyeux de l'antique , il s'étoit par là
rapproché de nous ; car le Borromini a rendu
à l'Italie le même fervice que nous
avons rendu à la France , en y introduifant
une architecture gaie & indépendante
de toutes les régles de ce que l'on appelloit
anciennement le bon goût . Les Italiens ont
depuis bien perfectionné cette premiere
tentative , & du côté de l'architecture plai
fante ils ne nous le cédent en rien . Leur
goût n'eft pas le nôtre dans ce nouveau
genre , il est beaucoup plus lourd ; mais
nous avons cela de commun , que nous
avons également abandonné toutes les
vieilles modes pour lefquelles on avoit un
refpect fuperftitieux . Meiffonnier commen-
са à détruire toutes les lignes droites qui
étoient du vieil ufage ; il tourna & fit
bomber les corniches de toutes façons , il
les ceintra en haut & en bas , en devant ,
en arriere , donna des formes à tout , mêFEVRIER.
1755 155
me aux moulures qui en paroiffoient les
moins fufceptibles ; il inventa les contraftes
, c'est-à- dire qu'il bannit la fymmétrie
& qu'il ne fit plus les deux côtés des panneaux
femblables l'un à l'autre ; au contraire
, ces côtés fembloient fe défier à qui
s'éloigneroit le plus , & de la maniere la
plus finguliere , de la ligne droite à laquelle
ils avoient jufqu'alors été affervis .
Rien n'eſt fi admirable que de voir de
-quelle maniere il engageoit les corniches
des marbres les plus durs à fe prêter avec
complaifance aux bizarreries ingénieufes
des formes de cartels ou autres chofes qui
-devoient porter deffus. Les balcons ou les
-rampes d'efcalier n'eurent plus la permiffion
de paffer droit leur chemin ; il leur
fallut ferpenter à fa volonté , & les matieres
les plus roides devinrent fouples fous
fa main triomphante. Ce fut lui qui mic
-en vogue ces charmans contours en S , que
votre auteur croit rendre ridicules , en difant
que leur origine vient des maîtres
Ecrivains ; comme fi les arts ne devoient
pas le prêter des fecours mutuels il les
employa par tout , & à proprement parler
fes deffeins , même pour des plans de bâtimens
, ne furent qu'une combinaifon de
cette forme dans tous les fens poffibles . Il
nous apprit à terminer nos moulures en
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
rouleau , lorfque nous ne fçaurions com
ment les lier les unes aux autres , & mille
autres chofes non moins admirables qu'il
feroit trop long de vous citer : enfin l'on
peut dire que nous n'avons rien produit
depuis dont on ne trouve les femences
dans fes ouvrages. Quels fervices n'a-t- il
pas rendus à l'orfevrerie ? il rejetta bien
loin toutes les formes quarrées , rondes ou
ovales , & toutes ces moulures dont les
ornemens repérés avec exactitude donnent
tant de fujétion ; avec fes chers contours
en S , il remplaça tout. Ce qu'il y a
de particulier , c'eft qu'en moins de rien
l'orfevrerie & les bijoux devinrent trèsaifés
à traiter avec génie. En vain le célebré
Germain voulut s'opposer au torrent
& foutenir le vieux goût dont il avoit été
bercé dans fon enfance , fa réputation même
en fut quelque peu éclipfée , & il fe
vit fouvent préférer Meiffonnier , par l'appui
que nous lui donnions fous main ; cependant
, le croiriez-vous ! ce grand Meiffonnier
n'étoit pas encore notre homme ,
il tenoit trop à ce qu'ils appellent grande.
maniere. De plus il eut l'imprudence de
laiffer graver plufieurs ouvrages de lui , &
mit par là le public à portée de voir que
ce génie immenfe qu'on lui croyoit , n'étoit
qu'une répétition ennuyeufe des mê
FEVRIER. 1755 157
mes formes. Il fe décrédita , & nous l'abandonnâmes
d'autant plus facilement ,
que malgré les fecours que nous lui avions
prêtés pour l'établiſſement de fa réputation
, il ne vouloit point faire corps avec
& nous traitoit hautement d'igno- nous ,
rans : quelle ingratitude !
Nous fimes enfin la découverte du héros
dont nous avions befoin. Ce fut un
Sculpteur , qui n'avoit point pû fe gâter à
Rome , car il n'y avoit point été , bien
qu'il eût vû beaucoup de pays. Il s'étoit
formé avec nous , & avoit fi bien goûté
notre maniere , & fi peu ces prétendues
régles anciennes , que rien ne pouvoit reftreindre
l'abondance de fon génie . Il fçavoit
affez d'architecture ancienne pour ne
pas contrecarrer directement ceux qui y
tenoient avec trop d'obftination ; mais il
la déguifoit avec tant d'adreffe qu'il avoit
le mérite de l'invention , & qu'on ne la
reconnoiffoit qu'à peine. Il allégea toutes
ces moulures & tous ces profils où Oppenor
& Meiffonnier avoient voulu conferver
un caractere qu'ils appelloient mâle ; il
les traita d'une délicateffe qui les fait prefque
échapper à la vûe ; il trouva dans les
mêmes efpaces le moyen d'en mettre fix
fois davantage ; il s'affranchit tout d'un
coup de la loi qu'ils s'étoient follement
18 MERCURE DE FRANCE.
impofée de lier toujours leurs ornemens les
uns aux autres ; il les divifa , les coupa
en mille pieces , toujours terminées par ce
-rouleau qui eft notre principale reffource ;
& afin que ceux qui aimoient la liaiſon
ne s'apperçuffent pas trop de ces interruptions
, il fit paroître des liaiſons apparen
tes , par le fecours d'une fleur , qui ellemême
ne tenoit à rien , ou par quelque légereté
également ingénieufe ; il renonça
pour jamais à la régle & au compas : on
avoit déja banni la fymmetrie , il rencherit
encore là-deffus . S'il lui échappa quelquefois
de faire des panneaux femblables
l'un à l'autre , il mit ces objets fymmétriques
fi loin l'un de l'autre , qu'il auroit
fallu une attention bien fuivie pour s'appercevoir
de leur reffemblance. Aux agra
fes du ceintre des croifées qui ci-devant
ne repréfentoient que la clef de l'arc décorée
, il fubftitua de petits cartels enrichis
de mille gentilleffes & pofés de travers
, dont le pendant fe trouvoit à l'au
tre extrêmité du bâtiment . C'eſt à lui qu'on
doit l'emploi abondant des palmiers , qui
à la vérité avoient été trouvés avant lui ,
& que votre auteur blâme fi ridiculement.
Il établit folidement l'ufage de fupprimer
tous les plafonds , en faifant faire à des
Sculpteurs , à bon marché , de jolies petites
FEVRIER.
1755 159
dentelles en bas- relief , qui réuffirent fi
bien , qu'on prit le fage parti de fupprimer
les corniches des appartemens pour les enrichir
de ces charmantes dentelles . C'eft
notre triomphe que cette profcription des
corniches ; rien ne nous donnoit plus de
fujétion que ces miferes antiques dont on
les ornoit , & aufquelles votre écrivain
paroît fi attaché. Il y falloit une exactitude
& une jufteffe , qui pour peu qu'on y
manquât , fe déceloit d'abord à des yeux
un peu feveres. Nous regrettons encore
ce grand homme , quoique fes merveilleux
talens ayent été remplacés fur le champ
par quantité de Sculpteurs , non moins
abondans que lui dans cette forte de génie.
C'eft à lui que nous avons l'obligation
de cette fupériorité que nous avons acqui
fe , & que nous fçaurons conferver ; & on
peut dire à fa gloire que tout ce qui s'éloigne
du goût antique lui doit fon inven
tion , ou fa perfection.
}
En fuivant fes principes , nous avons
abfolument rejetté tous ces anciens plafonds
chargés de fculptures & de dorures ,
qui à la vérité avoient de la magnificence ,
& contre lefquels nous n'avons rien à dire
, fi ce n'eft qu'ils ne font plus de mode.
En dépit des cris de toute l'Académie de
Peinture , nous avons fçu perfuader à tous
160
MERCURE DE
FRANCE.
tes les
perſonnes chez qui nous avons
quelque crédit , que les plafonds peints
obfcurciffent les
appartemens & les rendent
triftes.
Inutilement veut- on nous repréfenter
que nous avons
juſtement dans
notre fiécle des Peintres , dont la couleur
eft très-agréable , & qui aiment à rendre
leurs tableaux
lumineux ; qu'en traitant
les plafonds d'une couleur claire ils n'auroient
point le
defagrément qu'on reproche
aux anciens , & qu'ils auroient de plus
le mérite de
repréfenter quelque chofe
d'amufant par le fujet , &
d'agréable par
la variété des couleurs. Les Peintres n'y
gagneront rien , ils nous ont irrité en méprifant
nos premieres
productions ; & nous
voulons d'autant plus les perdre que nous
n'efperons pas de pouvoir les gagner ; ils
ne fe rendroient qu'avec des
reftrictions
qui ne font pas de notre goût. Les Sculp
seurs de figures feront auffi compris dans
cette
profcription ; ils feroient encore plus
à portée de nous faire de mauvaiſes chicanes.
Notre
Sculpteur favori nous a don
né mille moyens de nous paffer d'eux : aù
lieu de tout cela il a imaginé une rofette
charmante , qu'à peine on
apperçoit , &
qu'il met au milieu du plancher , à l'endroit
où
s'attache le luftre : voilà ce qu'on
préfère avec raiſon aux plus belles produce
FEVRIER. 1755
161
tions de leur art. Il y a encore un petit
nombre de criards qui répandent par-tour
que le bon goût eft perdu , & qu'il y a
très- peu d'Architectes qui entendent la
décoration ; que c'eft le grand goût de la
décoration qui fait le caractere effentiel
de l'Architecte . Nous détruifons tous ces
argumens , en foutenant hautement que
ce qui diftingue l'Architecte , eft l'art de
la diftribution. Ils ont beau dire qu'elle
n'eft pas auffi difficile que nous voulons
le faire croire , & qu'il eft évident qu'avec
un peu d'intelligence chaque particulier
peut arranger fa maifon d'une maniere
qui lui foit commode , relativement aux
befoins de fon état ; que la difficulté que
le particulier ne fçauroit lever , ni nous
non plus , & qui demande toutes les lumieres
d'un grand architecte , eft d'ajuſter
cette diftribution commode avec une décoration
exacte , fymmétrique , & dans ce
qu'ils appellent le bon goût , foit dans les
dehors , foit dans les dedans voilà juſtement
ce qui nous rendra toujours victorieux.
Comme notre architecture n'a aucunes
régles qui l'aftreignent , qu'elle eſt
commode , & qu'en quelque façon elle
prête , nous nous fommes faits un grand
nombre de partifans qui fatisfaits de notre
facilité à remplir toutes leurs fantaisies ,
162 MERCURE DE FRANCE.
›
nous foutiendront toujours. Nous voudrions
bien voir ces Meffieurs de l'antique
entreprendre de décorer l'extérieur d'un
bâtiment avec toutes les fujétions que
nous leur avons impofées. Comme les plus
grands cris avoient d'abord été contre nos
décorations extérieures , parce qu'elles
étoient expofées à la vûe de tout le monde ;
que d'ailleurs le vuide ne coûte rien à décorer
, & ne donne point de prife à la critique
, nous avons amené la multitude des
fenêtres, qui a parfaitement bien réuffi ; car
il eft infiniment agréable d'avoir trois fenê
tres dans une chambre , qui jadis en auroit
eu à peine deux. Cela donne à la vérité
plus de froid dans l'hiver & plus de chaleur
dans l'été mais que nous importe ? il n'en
-eſt
: pas moins fûr qu'à préſent chacun veut
que fa maifon foit toute percée , & que
-nos Meffieurs du goût ancien , qui ne fçavent
décorer que du plein , n'y trouvent
plus de place. Qu'ils y mettent , s'ils le peutvent
, de leurs fenêtres décorées , qu'ils
tâchent d'y placer leurs frontons à l'antique
, qui , difent - ils , décorent la fenêtre
, & mettent à couvert ceux qui y
font nous y avons remédié en élevant
les fenêtres jufques au haut du plancher.
Rien n'eft fi amufant que de voir un
pauvre architecte revenant d'Italie , à qui
:
FEVRIER. 1755 163
(
"
Ton donne une pareille cage à décorer , ſe
tordre l'imagination pour y appliquer ces
chers principes , qu'il s'eft donné tant de
peine à apprendre ; & s'il lui arrive d'y
réuffir , ce qu'il ne peut fans diminuer les
croifées , c'eſt alors que nous faifons voir
clairement combien fa production eft trifte
& mauffade . Vous ne verrez pas clair chez
vous , leur difons- nous , vous n'aurez pas
d'air pour refpirer , à peine verrez- vous le
foleil dans les beaux jours : ces nouveaux artiftes
fe retirent confus,& font enfin obligés
de fe joindre à nous , pour trouver jour à
percer dans le monde. Nous n'avons pas encore
entierement abandonné les frontons
dont les anciens fe fervoient pour terminer
le haut de leurs bâtimens , & qui repréfentoient
le toît , quoique nous aimions bien
mieux employer certaines terminaiſons en
façon d'orfevrerie , qui font de notre crû.
A l'égard des frontons , nous avons du
moins trouvé le moyen de les placer ou
on ne s'attendoit pas à les voir ; nous les
mettons au premier étage , & plus heureufement
encore au fecond ; & nous ne manquons
gueres d'élever un étage au -deffus
, afin qu'ils ayent le moins de rapport
qu'il eft poffible avec ceux des anciens.
Nous avons ou peu s'en faut , banni les
colonnes , uniquement parce que c'eft un
164 MERCURE DE FRANCE
→
des plus beaux ornemens de ce trifte goût
ancien , & nous ne les rétablirons que
lorfque nous aurons trouvé le moyen de
les rendre fi nouvelles qu'elles n'ayent plus
aucune reffemblance avec toutes ces antiquailles.
D'ailleurs elles ne fçauroient s'accommoder
avec nos gentilleffes légeres ,
elles font paroître mefquin tout ce qui
les accompagne. Beaucoup de gens tenoient
encore à cette forte d'ornement , qui leur
paroiffoit avoir une grande beauté mais
nous avons fçu perfuader aux uns , que
cela coûtoit beaucoup plus que toutes les
chofes que nous leur faifions , quoique
peut-être en économifant bien , cela pût
ne revenir qu'à la même dépenſe ; aux
autres , que cette décoration ne convenoit
point à leur état , & qu'elle étoit reſervée
pour les temples de Dieu & les palais des
Rois ; que quelques énormes dépenfes que
nous leur fiffions faire chez eux , perfonne
n'en fçauroit rien , quoiqu'ils le fiffent
voir à tout le monde ; au lieu qu'une petite
colonnade , qui ne coûteroit peut-être
gueres , feroit un bruit épouventable dans
Paris. Nous avons accepté les pilaftres jufqu'à
un certain point , c'eft- à- dire forfque
nous avons pû les dépayfer par des
chapiteaux divertiffans. Les piédeftaux font
auffi reçus chez nous , mais nous avons
FEVRIER. 1755. 165
·
trouvé l'art de les contourner , en élargiffant
par le bas , comme s'ils crevoient fous
le fardeau , ou plus gaiement encore , en
les faifant enfler du haut , & toujours en
S, comme s'ils réuniffoient leur force en
cę lieu
ce pour mieux porter. Mais où notre
génie triomphe , c'eſt dans les bordures
des deffus de porte , que nous pouvons
nous vanter d'avoir varié prefque à l'infini.
Les Peintres nous en maudiffent , parce
qu'ils ne fçavent comment compofer leurs
fujets avec les incurfions que nos ornemens
font fur leur toile ; mais tant pis
pour eux : lorfque nous faifons une fi grande
dépenfe de génie , ils peuvent bien auffi
s'évertuer ; ce font des efpéces de bouts
rimés que nous leur donnons à remplir.
Il auroit pû refter quelque reffource à la
vieille architecture pour fe produire à Paris
; mais nous avons coupé l'arbre dans fa
racine , en annonçant la mode des petits
appartemens , & nous avons fappé l'ancien
préjugé , qui vouloit que les perfonnes
diftinguées par leur état caffent un appar !
tement de répréfentation grand & magnifique.
Nous efperons que dorénavant la
regle fera que plus la perfonne fera élevée
en dignité , plus fon appartement fera
patit : vous voyez qu'alors il fera difficile
de nous faire defemparer, Ceux qui poure
GG MERCURE DE FRANCE.
ront faire de la dépenfe , ne la feront qu'en
petit , & s'adrefferont à nous. Il ne reſtera
pour occuper ces Meffieurs , que ceux qui
n'ont pas le moyen de rien faire.
Voyez , je vous prie , l'impertinence de
votre auteur critique ; il s'ennuye , dit- il ,
de voir par-tout des croifées ceintrées ,
mais il n'ofe pas difconvenir que cette forte
de croifée ne foit bonne . Peut-on avoir
trop d'une bonne chofe ? & pourquoi veutil
qu'on aille fe fatiguer l'imagination pour
trouver des variétés , lorfqu'une chofe eft
de mode , & qu'on eft fûr du fuccès ? Ne
voit-il pas que toutes nos portes , nos cheminées
, nos fenêtres , avec leur plat-bandeau
, font à peu près la même choſe :
puifqu'on en eft content , pourquoi fe tuer
à en chercher d'autres ? Il blâme nos portes
oùles moulures fe tournent circulairement ;
invention heureuſe que nous appliquons à
tout avec le plus grand fuccès. Il faut :
qu'il foit bien étranger lui-même dans
Paris , pour ne pas fçavoir de qui nous
la - tenons. C'est d'un Architecte à qui les
amateurs de l'antique donnent le nom de
grand. Le célébre François Manſard la
employée dans fon portail des Filles de :
Sainte Marie , rue Saint Antoine ; voilà
une autorité qu'il ne peut recufer.Pour vous
faire voir combien cette forte de fronton
FEVRIER. 1755 . 1671
7
réuffit quand elle eft traitée à notre façon ,
& combien elle l'emporte fur l'architecture
ancienne ; comparez le portail des Capucines
de la place de Louis le Grand ,
morceau fi admirable qu'on vient de le
reftaurer , de peur que la poſtérité n'en fût
privée ; comparez- le avec le portail à colonnes
de l'Affomption , qui n'en eft pas
loin , & vous toucherez au doigt la différence
qui eft entre nous & les Architectes:
du fiécle paffé.
Mais laiffons là ce critique ; ce feroitperdre
le tems que de s'amufer à lui démontrer
en détail l'abfurdité de fes jugemens.
Nous ne vous diffimulerons pas que
nous fommes actuellement dans une pofi-:
tion un peu critique , & qu'une révolu-.
tion dans le goût de l'architecture nous
paroîtroit prochaine fi nous la croyions
poffible. Il fe rencontre actuellement plufeurs
obftacles à nos progrès ; maudite
foit cette architecture antique , fa féduction
, dont on a bien de la peine à revenir
lorfqu'une fois on s'y eft laiffé prendre
nous a enlevé un protecteur qui auroit
peut- être été pour nous l'appui le plus fo
lide , fi nous avions été chargés du foin
de l'endocriner. Pourquoi aller chercher
bien loin ce qu'on peut trouver chez foi
nous amufons en inftruifant ; ne peut-on
168 MERCURE DE FRANCE.
pas ſe former le goût en voyant nos deffeins
de boudoirs , de garde-robes , de
pavillons à la Turque , de cabinets à la
Chinoife ? Est- ce quelque chofe de fort
agréable que cette Eglife demefurée de S.
Pierre , ou que cette rotonde antique , dont
le portail n'a qu'un ordre dans une hauteur
où nous , qui avons du génie , aurions
trouvé de la place pour en mettre au moins
trois il n'eft pas concevable qu'on puiffe
balancer. Cependant cette perte eft irrépa
rable : cela eft defolant ; car tous les projets
que nous préfentons paroiffent comiques
à des yeux ainfi prévenus . Nous avons
même tenté de mêler quelque chofe d'antique
dans nos deffeins , voyez quel facrifice
! pour faire paffer avec notre marchandife
, tout cela fans fuccès : on nous
devine d'abord.
Autre obſtacle qui eft une fuite du premier.
Les bâtimens du Roi nous ont donné
une exclufion totale ; tout ce qui s'y
fait fent la vieille architecture , & ce même
public , que nous comptions avoir ſubjugué
, s'écrie : voilà qui eft beau. Il y a
une fatalité attachée à cette vieille mode ,.
par-tout où elle fe montre elle nous dépare
; l'Académie même a peine à fe défendre
de cette contagion , il femble qu'elle
ne veuille plus donner de prix qu'à ceux
qui
FEVRIER. 1755. 169'
I
qui s'approchent le plus du goût de l'antique.
Cela nous expofe à des avanies , de
la part même de ces jeunes étourdis , qui fe
donnent les airs de rire de notre goût moderne.
Cette confpiration eft bien foutenue
; car , à ne vous rien céler , il y a encore
plufieurs Architectes de réputation
& même qui n'ont pas vû l'Italie , mais
qui par choix en ont adopté le goût , que
nous n'avons jamais pû attirer dans notre
parti . Il y a plus ; quelques - uns que nous
avons crû long tems des nôtres , à la
miere occafion qu'ils ont eu de faire quelque
chofe de remarquable , nous ont laiffés
là , & fe font jettés dans l'ancien
goût.
pre-
Vous êtes , fans doute , pénétré de compaffion
à la vûe du danger où nous nous
trouvons , & nous vous faifons pitié ; mais
confolez- vous , nous avons dés reffources
; nous fçaurons bien arrêter ces nouveaux
débarqués d'Italie . Nous leur oppoferons
tant d'obftacles que nous les empêcherons
de rien faire , & peut- être les'
forcerons-nous d'aller chez l'étranger exercer
des talens qui nous déplaifent. Ils aiment
à employer des colonnades avec des
architraves en plate - bande ; nous en déclarerons
la bâtiffe impoffible. Ils auront
beau citer la colonnade du Louvre , la
H
170 MERCURE DE FRANCE.
chapelle de Verſailles , & autres bâtimens
dont on ne peut contefter la folidité ; qui
eft - ce qui les en croira ? leur voix fera- telle
d'un plus grand poids que celle de
gens qui ont bâti des petites maifons par
milliers dans Paris ? mais voici l'argument
invincible que nous leur gardons pour le
dernier. Nous leur demanderons ce qu'ils
ont bâti : il faudra bien qu'ils conviennent
qu'ils n'en ont point encore eu l'occafion .
C'est là où nous les attendons : comment ,
dirons- nous , quelle imprudence ! confier
un bâtiment à un jeune homme fans expérience
? Cette objection eft fans réplique.
On ne s'avifera pas de faire réflexion
qu'un jeune homme de mérite , & d'un
caractere docile , peut facilement s'affocier
un homme qui , fans prétendre à la décoration
, ait une longue pratique du bâtiment
, & lui donneroit les confeils néceffaires
, en cas qu'il hazardât quelque chofe
de trop hardi ; que d'ailleurs il Y auroit
dans Paris bien des maifons en ruines , fi
le premier bâtiment de chaque Architecte
manquoit de folidité.
Au refte , ne croyez point que ce foit
dans le deffein de nuire à ces jeunes gens
que nous leur ferons ces difficultés : c'eft
uniquement pour leur bien , & pour leur
donner le tems , pendant quelques années ,
FEVRIER.
1755.171.
d'apprendre le bon goût que nous avons
établi , & de quitter leurs préjugés ultramontains
nous avons l'expérience que
cela a rarement manqué de nous réuffic .
: Si donc vous connoiffez cette fociété .
d'Artiſtes qui prend la liberté de nous blâmer
, avertiffez-les d'être plus retenus à
l'avenir ; leurs critiques font fuperflues.
Le public nous aime , nous l'avons accoutumé
à nous d'ailleurs chacun de ceux
qui font bâtir , même des édifices publics
, eft perfuadé que quiconque a les
fonds pour bâtir , a de droit les connoiffances
néceffaires pour le bien faire. Peuton
manquer de goût quand on a de l'argent
? Nous fommes déja fûrs des Procureurs
de la plupart des Communautés ,
des Marguilliers de prefque toutes les
Paroiffes , & de tant d'autres qui font
à la tête des entrepriſes. Enfin foyez certains
que nous & nos amis nous ferons
toujours le plus grand nombre. Nous fommes
, &c.
On voit que le faux bel efprit gagne les
beaux arts , ainfi que les belles- lettres . On
force la nature dans tous les genres , on
contourne les figures , on met tout en S :
qu'il y a de Meiffonniers en poëfie & en
éloquence , comme en architecture !
レン
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
ARC DE TRIOMPHE à la gloire du Roi ,
qui a été élevé, fur les deffeins du Chevalier
Servandoni , le jour que M. le Duc de Gefvres
a pofé , au nom de Sa Majefté , la premiere
pierre de la place commencée devant
l'Eglife de S. Sulpice le 2 Octobre 1754 :
dédié à M. Dulau d'Allemans , Curé de S.
Sulpice , gravé par P. Patte , & fe vend
chez lui rue des Noyers , la fixieme porte .
cochere à droite en entrant par la rue Saint·
Jacques , grandeur de la feuille du nom de
Jefus. Prix 1 liv. 10 fols. I
L'eftampe que nous annonçons eft gravée
à l'aide d'une feule taille , ou ligne , à
peu près dans la maniere dont le célébre
Piranefi s'eft fervi pour rendre fes compofitions
d'architecture , dont les connoiffeurs
font tant de cas. Il feroit peut- être à fouhaiter
que cette manoeuvre de gravûre fut
ufitée en France ; elle pourroit donner à
nos eftampes d'architecture une perfection
qu'elles n'ont point eu jufqu'à préfent. En
effet , la pratique d'exprimer les ombres
dans les gravûres ordinaires de nos édifices
par deux tailles , c'eft-à- dire par deux ;
lignes qui s'entrecoupent quarrément ou
ea lofange , rend à la vérité ce genre de
gravûre aifé & expéditif ; mais elle lui ,
donne un air froid , commun , & une dureté
qui femble faire une efpéce d'injure
FEVRIER. 1755. 173
aux yeux ; c'eſt le jugement qu'ont tou-
-jours porté nos artiftes fur ces fortes d'ef
tampes. Auffi peut-on remarquer qu'on
n'a pas crû. devoir accorder à leurs Graveurs
aucune place dans nos Académies ,
foit de peinture , foit d'architecture ; ce
que l'on eût fait affurément , fi leurs talens
euffent paru aux connoiffeurs devoir
mériter quelque diftinction . On a effayé ,
dans la planche que nous propofons , de
mettre ce genre de gravûre dans quelque
eftime , par une nouvelle manoeuvre qui
fente l'art , & qui remédie aux défauts de
l'ancienne. Chaque ombre y eft énoncée
par une feule ligne , plus ou moins groffe
ou ferrée , dont la direction exprime continuellement
la perſpective du corps d'architecture
fur lequel elle eft portée. Afin d'ôter
toute dureté , on a affecté de ne point terminer
les extrêmités de chaque ombre par
aucune ligne , mais feulement par la fin de
toutes les lignes , qui forme l'ombre , ce qui
femble affez bien imiter les arrêtes de la pierre,
lefquelles confervent toujours une efpéce
de rondeur. Toutes les teintes générales ,
quelles qu'elles foient , y font exprimées
à la pointe féche , ce qui eft propre à donner
à cette gravûre un ton fuave , qui
femble participer de cette couleur aërienne
répandue fur la furface de nos bâtimens ;
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE.
ton auquel on ne peut atteindre avec le
fecours de l'eau forte , comme on le pratique
ordinairement. Au refte , c'eft à la
-vue de cette planche à parler en faveur des
avantages de fa nouvelle manoeuvre , & on
fe flatte qu'elle convaincra fans peine que
cette maniere de faire eft bien plus favora
ble que l'autre pour les effets de la perf
pective ; qu'elle eft analogue à la maniere
dont on deffine l'architecture à la plume ,
:& que la parfaite égalité qu'elle demande
doit fatisfaire agréablement la vue des fçavans
comme des ignorans ; quelques lignes
plus ou moins ferrées dans les ombres
étant capables d'y faire une difcordance
de ton irrémédiable , & qui faute aux yeux
de chacun . Cette maniere de traiter l'architecture
eft ; il eft vrai , très-laborieufe
& difficile à bien exécuter ; mais elle
pour-
.roit donner un prix à nos eftampes d'architecture
, & les élever à décorer avec diftinction
les cabinets des curieux.
F
C'eft aux artistes à apprécier ces réflexions,
par la comparaifon de l'eftampe qu'on leur
offre , avec celles que nous avons dans le
genre oppofé. Le feul but que l'on fe propofe
en les faifant , eft de contribuer à la
perfection d'un genre de gravure que l'on
n'a peut- être pas affez cherché jufqu'ici à
rendre recommendable,
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Résumé : ARCHITECTURE. LETTRE A M. L'ABBÉ R*** fur une très-mauvaise plaisanterie qu'il a laissé imprimer dans le Mercure du mois de Décembre 1754, par une société d'Architectes, qui pourroient bien aussi prétendre être du premier mérite & de la premiere réputation, quoiqu'ils ne soient pas de l'Académie.
En décembre 1754, une lettre critique une plaisanterie publiée dans le Mercure, visant les architectes modernes. L'auteur s'étonne que M. l'Abbé R, homme d'esprit, ait autorisé cette satire, qui cherche à discréditer l'architecture moderne et à détruire la confiance du public. La lettre suggère un complot impliquant des peintres jaloux, influencés par l'architecture antique italienne, cherchant à imposer des préjugés obsolètes. Les architectes modernes se défendent en soulignant leur contribution à l'agrément de Paris et à l'extension de l'art architectural, adoptée même par les étrangers, comme les Anglais. Les architectes modernes critiquent l'imprudence de graver des décorations révélant leurs secrets. Ils ont trouvé des moyens pour que chacun puisse apprécier l'architecture, s'opposant aux idées du beau reçues dans une nation éclairée. Ils citent des figures comme Oppenord et Meissonnier, innovateurs en architecture. Ils célèbrent également un sculpteur formé en France, rompant avec les règles anciennes et les symétries rigides. Un architecte influent a popularisé l'utilisation abondante de palmiers et supprimé les plafonds traditionnels, les remplaçant par des dentelles en bas-relief sculptées. Cette approche a conduit à l'abandon des corniches ornées dans les appartements. L'auteur regrette la perte de cet architecte, bien que ses talents aient été rapidement remplacés par d'autres sculpteurs. Le texte critique les plafonds anciens, jugés démodés, et préfère les plafonds peints. Les sculpteurs de figures sont exclus en faveur de rosettes discrètes. L'auteur souligne la commodité et la flexibilité de leur architecture, permettant de satisfaire toutes les fantaisies des clients. Les fenêtres multiples sont préférées, malgré les inconvénients climatiques, et les frontons antiques sont modifiés pour éviter toute ressemblance avec les styles anciens. Les colonnes sont bannies en raison de leur association avec le goût ancien, et les pilastres sont acceptés seulement s'ils sont modifiés par des chapiteaux divertissants. La mode des petits appartements est promue, rendant les grands appartements de représentation obsolètes. Le texte critique un auteur s'ennuyant des croisées cintrées mais reconnaît leur qualité. Il défend l'utilisation des moulures circulaires, inspirées par François Mansart. En février 1755, une controverse architecturale en France oppose les architectes modernes à ceux influencés par le goût antique, souvent revenus d'Italie. Les auteurs expriment leur intention de contrer ces nouveaux architectes en remettant en question leur expérience et leur capacité à construire des bâtiments solides. Ils mentionnent une nouvelle technique de gravure architecturale, inspirée par Piranesi, visant à améliorer la qualité des estampes en France. Cette technique utilise une seule ligne pour exprimer les ombres, offrant une perspective plus douce et plus réaliste. Les auteurs espèrent que cette innovation sera reconnue et valorisée par les connaisseurs.
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4
5
p. 156-158
HORLOGERIE.
Début :
La simplicité est le caractere distinctif des ouvrages de la nature ; les grands [...]
Mots clefs :
Horlogerie, Cadrans
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texteReconnaissance textuelle : HORLOGERIE.
HORLOGERIE .
Ldesouvrages de la nature ; les grands
A fimplicité eft le caractere diftin & if
artiftes qui s'efforcent de l'imiter , ont d'ail
leurs trop de raifon de fimplifier leurs ouvrages
pour n'y pas employer toutes les
reffources de leur art & celles de leur génie
: auffi l'Horlogerie fe perfectionne tous
les jours à cet égard par les foins de ceux
qui , conduits par l'efprit plus que par
leur routine , & plus jaloux de leur gloire
que de leur intérêt , s'occupent de tout ce
qui peut contribuer à l'avancement & au
progrès de l'art .
Une nouvelle production de ce zéle induſtrieux
vient d'attirer l'attention des cuMARS.
1755. 157.
rieux , quoique fimple en elle -même , c'eft
par fa fimplicité qu'elle doit mériter des
éloges .
Les cadrans , cette partie néceffaire des
piéces d'Horlogerie , ont fait jufqu'ici un
objet de dépenfe confidérable ; s'ils ont
fubi dans les différens tems divers changemens
, ces changemens , loin d'en rendre
la conftruction plus facile & le prix
plus modique , n'ont fait qu'en augmenrer
les difficultés & la dépenfe , en les rendant
plus défectueux par rapport au méchaniſme
même : une fimple obfervation en
convaincra . Tout cadran émaillé de dix
pouces de diametre , emporte néceffairement
environ un pouce de convexité , par
l'impoffibilité où font les Emailleurs d'en
faire de plats : cette convexité en exige une
dans le cryſtal de la lunette , qui doit être
encore plus confidérable , pour laiffer libre
le mouvement des éguilles , ce qui enchérit
tout à la fois & le cadran & le cryſtal.
Mais il en résulte un autre inconvénient
nuifible au méchaniſme , comme on vient
de le dire ; c'eft que le canon & les chauffées
doivent être allongées confidérablement
, à caufe de la convexité du cadran ,
ainfi que la tige du rochet dans les pendules
à fecondes : cette tige devient par
cet allongement d'une exécution beaucoup
158 MERCURE DE FRANCE.
plus difficile ; elle en devient auffi plus
flexible , & par conféquent fujette à des
frémiffemens continuels , qui à chaque
vibration doivent altérer la juſteſſe de la
pendule. On fent par là combien les cadrans
plats doivent être plus avantageux.
par cet endroit même. Il faut dire enfin à
la louange de MM. Le Paute , auteurs de
ceux dont on rend compte ici , que cet,
objet de dépenfe , qui étoit quelquefois
de cent cinquante livres en émail , fans
compter plus de foixante livres pour le
prix du cryftal , fe trouve réduit , par les
foins de ces ingénieux artiftes , à vingtquatre
livres tout au plus. Ils ont d'ailleurs
tout le brillant & toute la blancheur
de l'émail , au point que les gens de l'art
même y font trompés. Chacun a la liberté
de s'affurer par foi-même de l'avantage de
ces nouveaux cadrans. Le laboratoire de
M. Le Paute eft ouvert à tous les honnêtesgens
, à qui il ne fait aucun myftere de
fon fecret.
Ldesouvrages de la nature ; les grands
A fimplicité eft le caractere diftin & if
artiftes qui s'efforcent de l'imiter , ont d'ail
leurs trop de raifon de fimplifier leurs ouvrages
pour n'y pas employer toutes les
reffources de leur art & celles de leur génie
: auffi l'Horlogerie fe perfectionne tous
les jours à cet égard par les foins de ceux
qui , conduits par l'efprit plus que par
leur routine , & plus jaloux de leur gloire
que de leur intérêt , s'occupent de tout ce
qui peut contribuer à l'avancement & au
progrès de l'art .
Une nouvelle production de ce zéle induſtrieux
vient d'attirer l'attention des cuMARS.
1755. 157.
rieux , quoique fimple en elle -même , c'eft
par fa fimplicité qu'elle doit mériter des
éloges .
Les cadrans , cette partie néceffaire des
piéces d'Horlogerie , ont fait jufqu'ici un
objet de dépenfe confidérable ; s'ils ont
fubi dans les différens tems divers changemens
, ces changemens , loin d'en rendre
la conftruction plus facile & le prix
plus modique , n'ont fait qu'en augmenrer
les difficultés & la dépenfe , en les rendant
plus défectueux par rapport au méchaniſme
même : une fimple obfervation en
convaincra . Tout cadran émaillé de dix
pouces de diametre , emporte néceffairement
environ un pouce de convexité , par
l'impoffibilité où font les Emailleurs d'en
faire de plats : cette convexité en exige une
dans le cryſtal de la lunette , qui doit être
encore plus confidérable , pour laiffer libre
le mouvement des éguilles , ce qui enchérit
tout à la fois & le cadran & le cryſtal.
Mais il en résulte un autre inconvénient
nuifible au méchaniſme , comme on vient
de le dire ; c'eft que le canon & les chauffées
doivent être allongées confidérablement
, à caufe de la convexité du cadran ,
ainfi que la tige du rochet dans les pendules
à fecondes : cette tige devient par
cet allongement d'une exécution beaucoup
158 MERCURE DE FRANCE.
plus difficile ; elle en devient auffi plus
flexible , & par conféquent fujette à des
frémiffemens continuels , qui à chaque
vibration doivent altérer la juſteſſe de la
pendule. On fent par là combien les cadrans
plats doivent être plus avantageux.
par cet endroit même. Il faut dire enfin à
la louange de MM. Le Paute , auteurs de
ceux dont on rend compte ici , que cet,
objet de dépenfe , qui étoit quelquefois
de cent cinquante livres en émail , fans
compter plus de foixante livres pour le
prix du cryftal , fe trouve réduit , par les
foins de ces ingénieux artiftes , à vingtquatre
livres tout au plus. Ils ont d'ailleurs
tout le brillant & toute la blancheur
de l'émail , au point que les gens de l'art
même y font trompés. Chacun a la liberté
de s'affurer par foi-même de l'avantage de
ces nouveaux cadrans. Le laboratoire de
M. Le Paute eft ouvert à tous les honnêtesgens
, à qui il ne fait aucun myftere de
fon fecret.
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Résumé : HORLOGERIE.
Le texte aborde l'évolution de l'horlogerie, mettant en avant la simplicité et l'innovation. Les horlogers, motivés par l'amélioration, contribuent au progrès de cet art. Une récente innovation, simple mais notable, a captivé l'intérêt des passionnés. Les cadrans, éléments cruciaux des pièces d'horlogerie, ont toujours été coûteux et complexes à fabriquer. Les modifications au fil du temps ont accru les difficultés et les coûts, tout en augmentant les défauts mécaniques. Par exemple, les cadrans émaillés nécessitent une convexité qui complique les mécanismes et augmente les coûts du cristal de la lunette. Cette convexité oblige à allonger le canon et les chaînettes, rendant la fabrication plus ardue et les pièces plus flexibles, ce qui affecte la précision des pendules. Les cadrans plats, récemment développés par MM. Le Paute, offrent une solution avantageuse. Ils réduisent significativement les coûts, passant de cent cinquante livres pour l'émail et soixante livres pour le cristal à vingt-quatre livres au maximum. Ces cadrans imitent brillamment l'émail, au point de tromper les experts. Le laboratoire de M. Le Paute est ouvert à tous pour vérifier les avantages de ces nouvelles créations.
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6
p. 175-176
MANUFACTURES.
Début :
Comme l'article des Nouvelles littéraires s'est trouvé rempli, nous avons [...]
Mots clefs :
Commerce des laines, Laine, Manufactures
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MANUFACTURES.
MANUFACTURES.
Omme l'article des Nouvelles litté
Cairess eft trouvé remplis nous avons
cru pouvoir inférer dans celui des arts ce
précis d'un mémoire fur les laines , où
l'on examine , 1°. quelles font les différentes
qualités des laines propres aux manu
factures de France 2. fi on ne pourroit
pas fe paffer de laines étrangeres ; com
ment on pourroit perfectionner la quali
té , & augmenter la qualité de nos laines.
Le titre fenl annonce la divifion de tout
J'ouvrage. Le mémoite eft précédé d'un
avertiffement , dans lequel on prévient
qu'il doit fa naiffance au zele de M. le
Duc de Chaulnes pour l'avancement des
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
L'académie
arts , & que les trois questions qu'on y difcute
, ont été propofées par l'Académie
d'Amiens , pour le fujet du prix de 1754
On finit ce prélude par prévenir ceux qui
prennent quelqu'intérêt au commerce desi
laines , de ne pas acquérir le même ouvrage
imprimé à Amiens ; l'édition de cette
ville ayant été faite à l'infeu & fans la
participation de l'auteur qui a préfidé à
celle- ci , & l'a augmentée d'obfervations ,
& rectifié le ftyle dans tous les endroits où
il étoit défectueux.usb.copa o ibon said
Le commerce des laines eft un des objets
les plus importans qui puiffent occuper
fe
gouvernement. L'accroiffement du nombre
de nos manufactures , & la multipli
cation des métiers rendant chaque jour
plus rares les laines de la meilleure efpéce
, c'eft rendre fervice à la patrie que
de s'étudier aux moyens de perfectionner
celles que nous avons , & d'en augmenter
la quantité. La recherche de ces moyens
occupe principalement l'auteur de ce mé4
moire ; & nous penfons qu'il procéde avec
l'ordre & la clarté dont cette queftion in
portante étoit fufceptible ; que l'ouvrage
eft bienfait , & que la lecture n'en fera pas
moins agréable qu'utile. Il fe vend à Paris
, chez Guillyn , Libraire , quai des Au
guftins , au Lys d'or.1755.5
Omme l'article des Nouvelles litté
Cairess eft trouvé remplis nous avons
cru pouvoir inférer dans celui des arts ce
précis d'un mémoire fur les laines , où
l'on examine , 1°. quelles font les différentes
qualités des laines propres aux manu
factures de France 2. fi on ne pourroit
pas fe paffer de laines étrangeres ; com
ment on pourroit perfectionner la quali
té , & augmenter la qualité de nos laines.
Le titre fenl annonce la divifion de tout
J'ouvrage. Le mémoite eft précédé d'un
avertiffement , dans lequel on prévient
qu'il doit fa naiffance au zele de M. le
Duc de Chaulnes pour l'avancement des
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
L'académie
arts , & que les trois questions qu'on y difcute
, ont été propofées par l'Académie
d'Amiens , pour le fujet du prix de 1754
On finit ce prélude par prévenir ceux qui
prennent quelqu'intérêt au commerce desi
laines , de ne pas acquérir le même ouvrage
imprimé à Amiens ; l'édition de cette
ville ayant été faite à l'infeu & fans la
participation de l'auteur qui a préfidé à
celle- ci , & l'a augmentée d'obfervations ,
& rectifié le ftyle dans tous les endroits où
il étoit défectueux.usb.copa o ibon said
Le commerce des laines eft un des objets
les plus importans qui puiffent occuper
fe
gouvernement. L'accroiffement du nombre
de nos manufactures , & la multipli
cation des métiers rendant chaque jour
plus rares les laines de la meilleure efpéce
, c'eft rendre fervice à la patrie que
de s'étudier aux moyens de perfectionner
celles que nous avons , & d'en augmenter
la quantité. La recherche de ces moyens
occupe principalement l'auteur de ce mé4
moire ; & nous penfons qu'il procéde avec
l'ordre & la clarté dont cette queftion in
portante étoit fufceptible ; que l'ouvrage
eft bienfait , & que la lecture n'en fera pas
moins agréable qu'utile. Il fe vend à Paris
, chez Guillyn , Libraire , quai des Au
guftins , au Lys d'or.1755.5
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Résumé : MANUFACTURES.
Le texte présente un mémoire sur les laines, publié dans les Nouvelles littéraires, qui examine les différentes qualités des laines adaptées aux manufactures françaises et explore la possibilité de se passer de laines étrangères. Ce mémoire, divisé en trois questions proposées par l'Académie d'Amiens pour le prix de 1754, est motivé par le zèle du Duc de Chaulnes pour l'avancement des arts. Il met en garde contre l'achat de l'édition d'Amiens, réalisée sans la participation de l'auteur. Le commerce des laines est considéré comme crucial pour le gouvernement en raison de l'accroissement des manufactures et de la rareté des laines de bonne qualité. L'auteur s'efforce de trouver des moyens pour améliorer et augmenter la production de laines françaises. Le texte conclut en soulignant que l'ouvrage est bien structuré, clair et utile, et est disponible à Paris chez Guillyn, libraire.
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7
p. 135-143
ARCHITECTURE. Observations sur la maniere dont sont decorés les extéieurs de nos églises ; par M. Patte, Architecte.
Début :
Quelque libre que paroisse la composition des édifices, il est, pour ainsi [...]
Mots clefs :
Églises, Extérieurs, Décoration, Portail, Ordres, Architectes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE. Observations sur la maniere dont sont decorés les extéieurs de nos églises ; par M. Patte, Architecte.
ARCHITECTURE .
Obfervationsfur la maniere dont font decorés
les extérieurs de nos églifes ; par M. Patte,,
Architecte.
Uelque libre
que paroiffe la compofition
des édifices , il eft , pour ainfi
dire , une forte de coftume de décoration ,
tant intérieure qu'extérieure
, que l'on doit
obferver relativement
à leurs ufages & à
leurs deſtinations
: la décoration qui convient
à une fontaine , ne doit pas convenir
à un retable d'autel , celle d'un Palais à
un Hôpital ; & il ne feroit pas moins ridicule
d'affecter à une maifon ordinaire
la décoration
qui convient
à une égliſe ,
que d'affecter à une égliſe la décoration
d'un bâtiment ordinaire ; cependant il eſt
rare & très- rare qu'un édifice foit compofé
de maniere à annoncer fa deftination
,
de forte qu'on ne puiffe s'y méprendre
.
Cette partie de l'art eft des plus difficiles ,
& il n'appartient qu'aux Architectes du
premier ordre d'y réuffir ..
Nous n'avons point d'édifices publics
où ce défaut foit plus fenfible que dans
l'extérieur de nos églifes ; & il eft étonnant
que nos Architectes françois ayent
136 MERCURE DE FRANCE.
-
été jufqu'ici fi peu attentifs à la convenance
de leurs compofitions. En effet eft il
naturel d'élever , ainfi qu'on le pratique
tous les jours , plufieurs ordres de colonnes
les uns au- deffus des autres pour décorer
leurs portails cette ordonnance ne femble
- t - elle pas donner au dehors de nos
temples l'air d'un édifice fait pour être habité?
car les différens ordres extérieurs ont
toujours coutume d'annoncer les différens
étages de l'intérieur d'un bâtiment , ce
qu'il eft affûrement abfurde de fuppofer
dans une églife .
Pour mieux faire fentir le vice de cette
décoration , oppofons-lui par contraſte la
maniere dont les anciens, nos Maîtres dans
les beaux Arts , décoroient ces fortes d'édifices
; ils penfoient avec raifon devoir
caractériſer les dehors de la demeure de
l'Etre fuprême par un enfemble grand &
majestueux , qui écartât toute idée d'un bâtiment
ordinaire ; ils employoient pourcet
effet un feul ordre coloffal , formant un
periftyle ou porche au pourtour , & cou-.
ronné par un fronton du côté de l'entrée ,
dans le tympan duquel étoit repréſenté
un bas - relief en rapport avec la dédicace
de leurs temples.
C'eft ainfi qu'étoient décorés les plus
beaux temples de la Grece & de l'Italie ,
MA I. 1755. 137
y
dont nous avons , foit des defcriptions ,
foit de précieux reftes, qui font encore aujourd'hui
, jufques dans leurs ruines , l'étonnement
des plus grands Maîtres ; c'eſt
ainfi que Michel Ange & Palladio , les
deux plus habiles Architectes modernes de
l'Italie , ont compofé les différens portails
qu'ils ont fait exécuter à Rome , à Venife
& autres lieux.
Pour quelle raifon les Architectes de
nos jours fe font- ils donc écartés d'une
compofition fi judicieufe aux portails des
églifes de S. Gervais , de la Sorbonne , du
Val-de- Grace , des Invalides , de S. Roch ,
de S. Sulpice , de l'Oratoire , des Petits Pe
de S. Euftache , qu'on conftruit actuellement
, & autres ?On voit par-tout dans
res ,
* Outre le défaut de plufieurs ordres élevés les
uns au - deffus des autres qu'aura ce porrail que
l'on diftribue gravé dans le public , il en aura un
fingulier , & qu'il eft étonnant qu'on n'ait pas prévú
lors de fa compofition . Au fecond ordre ionique
les deux colonnes du milieu qui font retraite
, afin de laiffer profiler les deux tours , paroîtront
par l'optique , tronquées plufieurs pieds au- deffus
de leurs bafes , à caufe de la grande faillie de
l'entablement dorique , qui aura vis- à-vis de ces
colonnes environ neuf à dix pieds ; ce qui fera
un très- mauvais effet en exécution. On commence
à mettre la main à l'oeuvre , & on réfléchit
enfuite ; ne devroit-ce pas toujours être le con
traire ?
138 MERCURE DE FRANCE.
leurs élévations deux ou trois ordres , furmontés
les uns au- deffus des autres, contre
toute idée de convenance. Entrons un peu
dans l'examen de ce qui a pu donner lieu
à cette forte de décoration .
L'Architecture fortoit à peine de la barbarie
gothique où elle étoit demeurée
plongée depuis tant de fiécles , que l'on
vit élever par De Broffes le portail de l'églife
de S. Gervais ; la réputation que s'acquit
d'abord ce monument par fa nouveauté
& par la beauté de l'exécution de fes
différens ordres , féduifit au point defaire
illufion au vice radical de l'ordonnance
de fa compofition : les éloges que l'on prodigua
à cet édifice firent croire aux Architectes
qui vinrem enfuite , que c'étoit
un modele qu'ils ne pouvoient fe difpenfer
d'imiter en de femblables occafions ;
de la font venus tous ces portails compofés
, pour ainfi dire , fur le même moule
& tous également repréhenfibles , puifqu'ils
s'écartent d'une fage & judicieufe
convenance qui doit être la baſe des arts
& du goût.
On pourra peut - être objecter que la
grande élévation des couvertures de nos
églifes oblige d'élever ainfi plufieurs ordres
pour pouvoir les cacher. A cela il eft
facile de répondre qu'il n'y a qu'à fuppri
MA I. 1755. 139
mer ces énormes toîts de charpente , qui
ne font qu'un ufage abufif fans aucune néceffité
, la voûte plein- ceintre de la nef
d'une égliſe couverte de dalles de pierre à
recouvrement , & jointoyées avec de la limaille
d'acier & de l'urine , eft le feul toît
qui convienne au fanctuaire de la Divinité
on a une expérience reconnue de
cette conftruction , & c'eft ainfi qu'étoient
couverts la plupart des temples des Grecs
& des Romains.
De plus , à l'aide de la maniere de décorer
des anciens , il eſt toujours poffible
d'atteindre à toutes les hauteurs que l'on
peut defirer fans le fecours de plufieurs
ordres , ainfi qu'on pourra le remarquer
dans un projet * que j'ai compofé à ce
deffein pour le grand portail de l'églife
de S. Euftache , en m'affujettiffant à la
hauteur de la nef , qui eft affurement une
des plus élevées de nos Eglifes de Paris.
La vûe de cette eftampe pourra fervir à
convaincre par comparaifon , combien
* Ce projet , auffi -bien que celui qui a été compofé
par Louis le Vau , célebre Architecte , fous
le miniftere de M. de Colbert , & dont on a vu le
modele expofé pendant quelque tems dans l'églife
de S. Euftache , fe vendent à Paris chez l'auteur
rue des Noyers , la fixieme porte cochere à droite:
en entrant par la rue S. Jacques. Prix 1 liv. 4 £.
140 MERCURE DE FRANCE.
cette maniere de traiter ces fortes d'édifices
eft préférable à tous égards à celle
qui a été ufitée jufqu'ici en France.
Un autre avantage qui réfulteroit de
l'emploi d'un ordre coloffal dans nos portails
, eft qu'en le faiſant regner à l'entour
de nos églifes , leur extérieur qui a
coutume d'être fi fort négligé , feroit décoré
naturellement , & cacheroit les arcsboutans
qui font toujours à l'oeil un effer
defagréable ; & quoique par la même raifon
les croifées de la nef ne s'apperçuffent
pas en dehors , l'intérieur de nos églifes
n'en feroit pas moins éclairé , comme on
peut le remarquer dans celle de S. Pierre
de Rome .
Ce défaut de difcernement de nos Architectes
dans la maniere de décorer les
portails , n'eft pas le feul qu'on puiffe leur
reprocher : eft- il décent que la plupart de
nos églifes modernes , ( j'en excepte celle
de S. Sulpice ) ne foient pas toujours précédées
de porches ou veftibules où l'on puiffe
fe préparer au recueillement convenable
avant d'y entrer ? c'eft , ( le dirai - je à notre
honte ) une attention à laquelle les anciens
ne manquoient point ; un réglement
fur la décence de la conftruction de nos
églifes honoreroit affurément la pieté de
nos Magiſtrats.
MA I. 1755. 141
Enfin eft- il convenable de placer les armes
d'un Prince ou d'un homme en place
dans le tympan des frontons de nos portails
, ainfi qu'on le pratique affez fouvent ?
& ne feroit -il pas plus raifonnable de fubftituer
à ces ornemens mondains , & étrangers
à la religion , des bas- reliefs relatifs à
la piété & à la dédicace de nos temples ?
Efperons que le nouveau plan qu'on fe
propofe d'exécuter pour l'églife de fainte
Génevieve nous donnera un modele en
ce genre , & que Paris , l'émule de l'ancienne
Rome , fera décoré d'un temple qui
en fera l'ornement ; l'emplacement
eft des
plus favorables pour exécuter du beau , &
fans doute les voeux du public feront remplis
à cet égard, Dans une grande ville qui
abonde en étrangers & en connoiffeurs
de
toutes les nations , il n'eft rien de plus facile
que d'avoir des confeils éclairés , il
ne faut dans les perfonnes en place que la
bonne volonté de les mettre à profit . Il y
a deux moyens ufités pour réuffir à faire
exécuter du beau en architecture ; l'un de
choifir un Architecte reconnu pour habile ,
l'autre de propofer un concours dont le
public foit juge : le premier n'eft pas toujours
auffi für que le fecond ; on a pour
expérience que les plus habiles gens ne fe
montrent pas toujours tels. Si la réputa142
MERCURE DE FRANCE.
tion eût dû faire préférer un Architecte
pour la conftruction du Louvre , affurément
le Bernin * auroit eu la préférence
fur Perrault ; aucun Artiſte de fon tems ne
jouiffoit d'une réputation auffi brillante
dans l'Europe ; & cependant fi fon projet
qui eft gravé , avoit eu lieu , il ne feroit pas
à la France l'honneur que lui fait celui qui
a été exécuté. On pourroit citer nombre
d'exemples femblables , où de célebres Artiftes
, dans de grandes occafions , fe font
fait voir au -deffous de leur réputation.
Le fecond ( je veux dire un concours ) eft
prefque infaillible ; mais pour qu'il ait fon
efficacité , il faut que l'on foit bien perfuadé
que les perfonnes en place ont une
ferme réfolution de couronner le meilleur
projet par l'exécution ; que les recommendations
& les titres ne feront point admis
en concurrence , c'eſt le moyen d'encourager
le talent ; & plus d'une fois l'on a vû
* Pour attirer le Cavalier Bernin en France
pour la conftruction du Louvre , Louis XIV lui
affûra une penfion de fix mille livres pendant fa
vie , & une gratification de cinquante mille écus ;
il lui envoya en même tems fon portrait orné de
diamans. Outre les frais de fon voyage qui devoient
lui être payés , on lui promit encore cent
livres par jour pendant fon féjour à Paris , tant
étoit grande l'eftime que l'on avoit conçue pour
la haute capacité de cet artiſte.
1
MA I. 1755. 143
en pareil cas l'émulation faire enfanter des
merveilles , qui ne fe feroient jamais produites
fans cette voie. A la fin d'un falon
de MM. les Peintres du Roi , on ſçait , à
n'en pas douter , quels font les meilleurs
tableaux ; on fçauroit pareillement quels
feroient les meilleurs projets. Combien de
monumens embelliroient Paris & nos provinces
, fi l'on s'étoit fouvent fervi de cette
voie ?
Obfervationsfur la maniere dont font decorés
les extérieurs de nos églifes ; par M. Patte,,
Architecte.
Uelque libre
que paroiffe la compofition
des édifices , il eft , pour ainfi
dire , une forte de coftume de décoration ,
tant intérieure qu'extérieure
, que l'on doit
obferver relativement
à leurs ufages & à
leurs deſtinations
: la décoration qui convient
à une fontaine , ne doit pas convenir
à un retable d'autel , celle d'un Palais à
un Hôpital ; & il ne feroit pas moins ridicule
d'affecter à une maifon ordinaire
la décoration
qui convient
à une égliſe ,
que d'affecter à une égliſe la décoration
d'un bâtiment ordinaire ; cependant il eſt
rare & très- rare qu'un édifice foit compofé
de maniere à annoncer fa deftination
,
de forte qu'on ne puiffe s'y méprendre
.
Cette partie de l'art eft des plus difficiles ,
& il n'appartient qu'aux Architectes du
premier ordre d'y réuffir ..
Nous n'avons point d'édifices publics
où ce défaut foit plus fenfible que dans
l'extérieur de nos églifes ; & il eft étonnant
que nos Architectes françois ayent
136 MERCURE DE FRANCE.
-
été jufqu'ici fi peu attentifs à la convenance
de leurs compofitions. En effet eft il
naturel d'élever , ainfi qu'on le pratique
tous les jours , plufieurs ordres de colonnes
les uns au- deffus des autres pour décorer
leurs portails cette ordonnance ne femble
- t - elle pas donner au dehors de nos
temples l'air d'un édifice fait pour être habité?
car les différens ordres extérieurs ont
toujours coutume d'annoncer les différens
étages de l'intérieur d'un bâtiment , ce
qu'il eft affûrement abfurde de fuppofer
dans une églife .
Pour mieux faire fentir le vice de cette
décoration , oppofons-lui par contraſte la
maniere dont les anciens, nos Maîtres dans
les beaux Arts , décoroient ces fortes d'édifices
; ils penfoient avec raifon devoir
caractériſer les dehors de la demeure de
l'Etre fuprême par un enfemble grand &
majestueux , qui écartât toute idée d'un bâtiment
ordinaire ; ils employoient pourcet
effet un feul ordre coloffal , formant un
periftyle ou porche au pourtour , & cou-.
ronné par un fronton du côté de l'entrée ,
dans le tympan duquel étoit repréſenté
un bas - relief en rapport avec la dédicace
de leurs temples.
C'eft ainfi qu'étoient décorés les plus
beaux temples de la Grece & de l'Italie ,
MA I. 1755. 137
y
dont nous avons , foit des defcriptions ,
foit de précieux reftes, qui font encore aujourd'hui
, jufques dans leurs ruines , l'étonnement
des plus grands Maîtres ; c'eſt
ainfi que Michel Ange & Palladio , les
deux plus habiles Architectes modernes de
l'Italie , ont compofé les différens portails
qu'ils ont fait exécuter à Rome , à Venife
& autres lieux.
Pour quelle raifon les Architectes de
nos jours fe font- ils donc écartés d'une
compofition fi judicieufe aux portails des
églifes de S. Gervais , de la Sorbonne , du
Val-de- Grace , des Invalides , de S. Roch ,
de S. Sulpice , de l'Oratoire , des Petits Pe
de S. Euftache , qu'on conftruit actuellement
, & autres ?On voit par-tout dans
res ,
* Outre le défaut de plufieurs ordres élevés les
uns au - deffus des autres qu'aura ce porrail que
l'on diftribue gravé dans le public , il en aura un
fingulier , & qu'il eft étonnant qu'on n'ait pas prévú
lors de fa compofition . Au fecond ordre ionique
les deux colonnes du milieu qui font retraite
, afin de laiffer profiler les deux tours , paroîtront
par l'optique , tronquées plufieurs pieds au- deffus
de leurs bafes , à caufe de la grande faillie de
l'entablement dorique , qui aura vis- à-vis de ces
colonnes environ neuf à dix pieds ; ce qui fera
un très- mauvais effet en exécution. On commence
à mettre la main à l'oeuvre , & on réfléchit
enfuite ; ne devroit-ce pas toujours être le con
traire ?
138 MERCURE DE FRANCE.
leurs élévations deux ou trois ordres , furmontés
les uns au- deffus des autres, contre
toute idée de convenance. Entrons un peu
dans l'examen de ce qui a pu donner lieu
à cette forte de décoration .
L'Architecture fortoit à peine de la barbarie
gothique où elle étoit demeurée
plongée depuis tant de fiécles , que l'on
vit élever par De Broffes le portail de l'églife
de S. Gervais ; la réputation que s'acquit
d'abord ce monument par fa nouveauté
& par la beauté de l'exécution de fes
différens ordres , féduifit au point defaire
illufion au vice radical de l'ordonnance
de fa compofition : les éloges que l'on prodigua
à cet édifice firent croire aux Architectes
qui vinrem enfuite , que c'étoit
un modele qu'ils ne pouvoient fe difpenfer
d'imiter en de femblables occafions ;
de la font venus tous ces portails compofés
, pour ainfi dire , fur le même moule
& tous également repréhenfibles , puifqu'ils
s'écartent d'une fage & judicieufe
convenance qui doit être la baſe des arts
& du goût.
On pourra peut - être objecter que la
grande élévation des couvertures de nos
églifes oblige d'élever ainfi plufieurs ordres
pour pouvoir les cacher. A cela il eft
facile de répondre qu'il n'y a qu'à fuppri
MA I. 1755. 139
mer ces énormes toîts de charpente , qui
ne font qu'un ufage abufif fans aucune néceffité
, la voûte plein- ceintre de la nef
d'une égliſe couverte de dalles de pierre à
recouvrement , & jointoyées avec de la limaille
d'acier & de l'urine , eft le feul toît
qui convienne au fanctuaire de la Divinité
on a une expérience reconnue de
cette conftruction , & c'eft ainfi qu'étoient
couverts la plupart des temples des Grecs
& des Romains.
De plus , à l'aide de la maniere de décorer
des anciens , il eſt toujours poffible
d'atteindre à toutes les hauteurs que l'on
peut defirer fans le fecours de plufieurs
ordres , ainfi qu'on pourra le remarquer
dans un projet * que j'ai compofé à ce
deffein pour le grand portail de l'églife
de S. Euftache , en m'affujettiffant à la
hauteur de la nef , qui eft affurement une
des plus élevées de nos Eglifes de Paris.
La vûe de cette eftampe pourra fervir à
convaincre par comparaifon , combien
* Ce projet , auffi -bien que celui qui a été compofé
par Louis le Vau , célebre Architecte , fous
le miniftere de M. de Colbert , & dont on a vu le
modele expofé pendant quelque tems dans l'églife
de S. Euftache , fe vendent à Paris chez l'auteur
rue des Noyers , la fixieme porte cochere à droite:
en entrant par la rue S. Jacques. Prix 1 liv. 4 £.
140 MERCURE DE FRANCE.
cette maniere de traiter ces fortes d'édifices
eft préférable à tous égards à celle
qui a été ufitée jufqu'ici en France.
Un autre avantage qui réfulteroit de
l'emploi d'un ordre coloffal dans nos portails
, eft qu'en le faiſant regner à l'entour
de nos églifes , leur extérieur qui a
coutume d'être fi fort négligé , feroit décoré
naturellement , & cacheroit les arcsboutans
qui font toujours à l'oeil un effer
defagréable ; & quoique par la même raifon
les croifées de la nef ne s'apperçuffent
pas en dehors , l'intérieur de nos églifes
n'en feroit pas moins éclairé , comme on
peut le remarquer dans celle de S. Pierre
de Rome .
Ce défaut de difcernement de nos Architectes
dans la maniere de décorer les
portails , n'eft pas le feul qu'on puiffe leur
reprocher : eft- il décent que la plupart de
nos églifes modernes , ( j'en excepte celle
de S. Sulpice ) ne foient pas toujours précédées
de porches ou veftibules où l'on puiffe
fe préparer au recueillement convenable
avant d'y entrer ? c'eft , ( le dirai - je à notre
honte ) une attention à laquelle les anciens
ne manquoient point ; un réglement
fur la décence de la conftruction de nos
églifes honoreroit affurément la pieté de
nos Magiſtrats.
MA I. 1755. 141
Enfin eft- il convenable de placer les armes
d'un Prince ou d'un homme en place
dans le tympan des frontons de nos portails
, ainfi qu'on le pratique affez fouvent ?
& ne feroit -il pas plus raifonnable de fubftituer
à ces ornemens mondains , & étrangers
à la religion , des bas- reliefs relatifs à
la piété & à la dédicace de nos temples ?
Efperons que le nouveau plan qu'on fe
propofe d'exécuter pour l'églife de fainte
Génevieve nous donnera un modele en
ce genre , & que Paris , l'émule de l'ancienne
Rome , fera décoré d'un temple qui
en fera l'ornement ; l'emplacement
eft des
plus favorables pour exécuter du beau , &
fans doute les voeux du public feront remplis
à cet égard, Dans une grande ville qui
abonde en étrangers & en connoiffeurs
de
toutes les nations , il n'eft rien de plus facile
que d'avoir des confeils éclairés , il
ne faut dans les perfonnes en place que la
bonne volonté de les mettre à profit . Il y
a deux moyens ufités pour réuffir à faire
exécuter du beau en architecture ; l'un de
choifir un Architecte reconnu pour habile ,
l'autre de propofer un concours dont le
public foit juge : le premier n'eft pas toujours
auffi für que le fecond ; on a pour
expérience que les plus habiles gens ne fe
montrent pas toujours tels. Si la réputa142
MERCURE DE FRANCE.
tion eût dû faire préférer un Architecte
pour la conftruction du Louvre , affurément
le Bernin * auroit eu la préférence
fur Perrault ; aucun Artiſte de fon tems ne
jouiffoit d'une réputation auffi brillante
dans l'Europe ; & cependant fi fon projet
qui eft gravé , avoit eu lieu , il ne feroit pas
à la France l'honneur que lui fait celui qui
a été exécuté. On pourroit citer nombre
d'exemples femblables , où de célebres Artiftes
, dans de grandes occafions , fe font
fait voir au -deffous de leur réputation.
Le fecond ( je veux dire un concours ) eft
prefque infaillible ; mais pour qu'il ait fon
efficacité , il faut que l'on foit bien perfuadé
que les perfonnes en place ont une
ferme réfolution de couronner le meilleur
projet par l'exécution ; que les recommendations
& les titres ne feront point admis
en concurrence , c'eſt le moyen d'encourager
le talent ; & plus d'une fois l'on a vû
* Pour attirer le Cavalier Bernin en France
pour la conftruction du Louvre , Louis XIV lui
affûra une penfion de fix mille livres pendant fa
vie , & une gratification de cinquante mille écus ;
il lui envoya en même tems fon portrait orné de
diamans. Outre les frais de fon voyage qui devoient
lui être payés , on lui promit encore cent
livres par jour pendant fon féjour à Paris , tant
étoit grande l'eftime que l'on avoit conçue pour
la haute capacité de cet artiſte.
1
MA I. 1755. 143
en pareil cas l'émulation faire enfanter des
merveilles , qui ne fe feroient jamais produites
fans cette voie. A la fin d'un falon
de MM. les Peintres du Roi , on ſçait , à
n'en pas douter , quels font les meilleurs
tableaux ; on fçauroit pareillement quels
feroient les meilleurs projets. Combien de
monumens embelliroient Paris & nos provinces
, fi l'on s'étoit fouvent fervi de cette
voie ?
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Résumé : ARCHITECTURE. Observations sur la maniere dont sont decorés les extéieurs de nos églises ; par M. Patte, Architecte.
Dans son texte 'Observations sur la manière dont font décorés les extérieurs de nos églises', l'architecte M. Patte critique les erreurs courantes dans la décoration des églises françaises. Il insiste sur l'importance de choisir une décoration adaptée à la fonction de chaque type de bâtiment. Patte reproche l'utilisation de plusieurs ordres de colonnes superposés sur les portails des églises, une pratique qui, selon lui, donne l'impression que les églises sont des bâtiments habités. Il compare cette approche à la manière dont les anciens décoraient leurs temples, en utilisant un seul ordre colossal pour créer une apparence majestueuse et grandiose. Patte mentionne que les architectes français ont souvent imité le portail de l'église Saint-Gervais, conçu par De Broffes, malgré ses défauts. Il propose de supprimer les toits de charpente et d'utiliser des voûtes en plein cintre pour les églises, comme le faisaient les Grecs et les Romains. Il suggère également d'utiliser des ordres colossaux pour décorer les extérieurs des églises, ce qui cacherait les arcs-boutants et améliorerait l'esthétique. Le texte critique également l'absence de porches ou de vestibules dans les églises modernes, ainsi que la présence d'armes profanes dans les tympans des frontons. Patte espère que le nouveau plan pour l'église Sainte-Geneviève servira de modèle. Il recommande de choisir des architectes compétents ou d'organiser des concours pour garantir la qualité des projets architecturaux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 143-174
RESULTAT de la dispute entre le P. Laugier & M. Frezier, concernant le Goût de l'Architecture.
Début :
Si l'on ne connoissoit l'esprit de l'homme, on auroit lieu de s'étonner que [...]
Mots clefs :
Dispute, Architecture, Architectes, Murs, Porte, Voûte, Église, Angle, Colonne, Marc-Antoine Laugier, Amédée-François Frézier, Vitraux, Colonnade, Nef, Construction, Ordre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RESULTAT de la dispute entre le P. Laugier & M. Frezier, concernant le Goût de l'Architecture.
RESULTAT de la difpute entre le P.
Laugier & M. Frezier , concernant le
Goût de l'Architecture.
Sm
I l'on ne connoiffoit
l'efprit de l'homme
, on auroit lieu de s'étonner
que
de toutes les difputes
littéraires
il ne réfulte
prefque
aucun accord entre les parties conteftantes
, ni même un fimple aveu de
conviction
de la validité des raifons alléguées
d'un adverfaire
à l'autre , quoiqu'il
foit rare qu'elles
puiffent
être d'une égalité
de poids à devoir être mifes dans la balance
du doute.
J'avois premierement établi dans mes
Remarques , inférées dans le Mercure du
mois de Juillet dernier , que je ne croyois
pas qu'il y eût un beau effentiel en architec
144 MERCURE DE FRANCE .
C
ture , fondé fur les variétés des goûts particuliers
de chaque nation , & de plus des
variations de la même en différens tems ,
comme je l'ai vû de nos jours.
à
à
Le R. Pere Laugier , qui eft d'un fentiment
contraire , a fait de beaux raifonnemens
pour prouver ( non l'exiſtence de
cette chimere ) mais la poffibilité , convenant
qu'actuellement aucun des architectes
de tous les pays connus n'eft parvenu
la montrer dans fes ouvrages. Le public m'a
l'obligation de lui avoir procuré ce beau
diſcours , dont j'abandonne l'examen , n'étant
pas dans le goût d'une difpute métaphyfique
fur les arts , où je me contente de
raifonner conféquemment aux faits qui me
font connus ,
propos de quoi je ne puis
m'empêcher de faire une remarque fur la
contradiction de ce que le R. P. dit d'une
égliſe bâtie à Pekin , à la maniere Européenne
, par les Jéfuites , qui n'a pas femblé
, dit- il , aux Chinois indigne de leur admiration
, avec ce qu'en dit le Frere Attiret
, dans les Lettres édifiantes & curieufes
que j'ai cité , qu'il ne faut pas leur vanter
l'architecture Grecque & Romaine , qu'ils
ne goûtent en aucune façon . Il en pouvoit
parler pertinemment , étant lui -même peintre
& architecte à la Cour de l'Empereur .
Tel eſt le réſultat de la premiere partie de
nos
&
MAI. 1755.
145
nos altercations. Dans la feconde , le R.
Pere , après s'être rangé du côté de mon
opinion , contre cette prétendue origine
de la vraie beauté qu'on veut tirer des
proportions harmoniques employées en architecture
, fe détache de mon parti pour
m'attaquer fur ce que j'ai dit que les architectes
anciens , & la plupart des modernes
, n'ont jamais penfé à ces principes
fcientifiques ; ce que j'ai prouvé par le filence
de tous leurs auteurs . Cette réflexion ,
dit- il , eft plus maligne que folide , comme s'il
vouloit me brouiller avec les vivans : mais
comment prouve - t-il fa conjecture à l'égard
de la folidité ? c'eft en difant qu'il
peut fort bien fe faire que fans y penfer , &
comme à tâtons , les architectes ayent rencon-
· tré le vrai.
Ainfi fon induction n'étoit pas plus jufte
que celle qui lui a fait conjecturer , mal à
propos , que j'étois infenfible à la vûe des
belles chofes , comme un ftupide qui lui
fait pitié. Je le plains , dit il , du tort que
lui a fait la nature ; il eft privé d'une grande
fource de plaifirs , de n'avoir point éprouvé
de ces mouvemens
enchanteurs qu'excite la
préfence des belles chofes , lefquels vont ( de
l'aveu du R. P. * ) juſqu'à l'extafe & au
* Voyez fon Effai fur l'Architecture.
G
146 MERCURE DE FRANCE.
•
transport ; fon ame , continue- t- il , en parlant
de moi , eft vraisemblablement de celles
qui ont été battues à froid. Belle métaphore
tirée apparemment de la rhétorique des Cyclopes
, pour égayer une matiere férieufe ,
par un peu de mêlange du ftyle des farces ,
à laquelle je pourrois répondre , & montrer
en quoi confifte fon erreur , par un
proverbe du même ton , que les délicats
font difficiles à nourrir.
Les deux premieres parties de mes remarques
ne regardoient point le P. Lau--
gier , il s'y eft mêlé fans vocation ; mais
nous voici arrivés à ceux qui peuvent l'intéreffer
.
Il commence par m'attaquer fur ce que
j'ai dit , que le petit Traité d'Architecture
de M. ( où comme l'appelle le Dictionnaire
de Trévoux , au mot Eglife ) le R.
Pere de Cordemoy , Chanoine Régulier ,
ne contient rien de nouveau ; il qualifie ce
difcours , tout fimple qu'il eft , d'invective
indecente , parce qu'il l'a pris pour fon
coryphée. Y avoit- il là matiere à un propos
qui annonce trop de fenfibilité au refus
que j'ai fait d'applaudir à la prééminence
qu'il veut donner à ce Chanoine
fur tous nos Architectes , avec d'autant
moins de raifon que je lui avois fait remarquer
que cet auteur en convenoit lui-
1 7
MAI
1755 147
même dans fon Epitre dédicatoire à M. le
Duc d'Orléans , en 1706 , à qui il ne le
préfentoit que comme un Recueil de ce
qui fe trouve difperfe dans les ouvrages des
plus habiles , foit anciens ou modernes ? Ce
qu'il n'eft pas difficile de reconnoître à
ceux qui ont puifé dans les fources , car
les approbations ou critiques n'entrent
point en compte de nouveauté du fond de
la doctrine.
t
Il vient enfuite à un des points principaux
de notre difpute concernant les pilaftres
, qu'il abhorre comme des enfans
batards de l'architecture , engendrés par l'ignorance.
Il dit qu'il s'eft mis en devoir de
justifier fon averfion dans le premier chapitre
defan effai , où il n'a pas mieux réuffi
fur cet article qu'en bien d'autres , fi l'on
en juge par l'examen de cet effai , auquel
il a fourni une matiere de critique affez
ample pour être prefque auffi étendue que
le texte , fans y comprendre ce qu'on y
peut, ajouter , comme il confte en partie
-par mes remarques & ma réplique , qui
- n'ont pas épuifé la matiere. Il dit cependant
qu'il a raisonné par une
confequence
logique néceffaire du principe qui fert de
2fondement à tout le reste.
Quel eft ce principe ? j'ai beau lire ce
chapitre , je n'y en trouve aucun , à
a moins
Gij
148 MERCURE
DE FRANCE.
que
It qu'il ne l'établiffe fur ce qu'il dit
pilaftre représente une colonne . Il faut convenir
qu'il la repréfente bien imparfaitement
, comme le quarré repréfente le rond.
Car puifque les cylindres & les prifmes
de même hauteur font entr'eux comme
leurs bafes , le quarré circonfcrit repréfente
le cercle infcrit
par une confé
quence
mathématique .
Mais , dira-t -on , c'est parce qu'il en
Occupe la place : cette interprétation feroit
jufte , fi on faifoit un portique tout
de pilaftres ifolés , excepté aux angles faillans
des entablemens , fous lefquels une
colonne ne peut être admife fans faute de
jugement ; parce qu'elle ne peut y faire
les fonctions de pilaftre , en ce qu'elle
laiffe du porte-à-faux de cet angle , comme
je l'ai démontré ; & fi l'on rapporte les
piéces d'architecture à la charpente d'une
cabane , le pilaftre en cet endroit y repréfente
un potean cornier , qui eft auffi effentiellement
équarri qu'un fomier repréfenté
par l'architrave . En effet , pour foutenir
une encoignure en retour d'équerre ( pour
parler en termes de l'art ) , il faut un fupport
quarré ; le quart de cercle infcrit dans
un angle droit n'occupe qu'environ les
deux tiers de fa furface , ou plus précifément
onze quatorziemes ; de forte que le
M.Aha1735 31% 149
triangle mixte reftant,compris par les deux
lignes droites tangentes & le quart de cercle
concave , eft l'étendue de la furface
qui porte à faux , c'est - à-dire fans appui.
Donc la colonne ne peut être fubftituée
au pilaftre dont elle ne peut faire pleinement
les fonctions ; donc la conféquence logique
du R. Pere étant tirée d'un faux principe
, eft invalide pour juftifier fon averfion
qui lui eft particuliere & unique.
Sa logique l'a mieux fervi à refuter la
contradiction qu'on lui avoit reprochée ,
d'avoir appellé les pilaftres des innovations,
après en avoir reconnu l'ancienneté dans
les antiques. On voit bien par la fubtilité
de fa folution , qu'il a enfeigné le grand
art, de ne refter jamais court dans la difpute
, que les facétieux appellent l'art de
fendre un argument en deux par un diftingo
, pour le fauver par la breche ,
Mais voyons comment il réfout l'ob
jection du porte-à- faux fous l'angle faillant
d'un entablement , le faifant foutenir par
des colonnes ; il croit avoir imaginé un
expédient pour l'éviter : il faut le lire attentivement
, car il le mérite. Je ne mettrai
rien ( dit -il ) dans l'angle même ; je rangerai
mes colonnes aux deux côtés le plus près
de l'angle qu'ilme fera poffible . Cela eft clair,
c'est - à - dire jufqu'à ce que les deux chapi
Giij
6 MERCURE DE FRANCE.
teaux fe touchent fur la diagonale de l'an
gle. Mais comment appellera-t- on cet ef
pace quarré , dont les colonnes feront fé
parées en dehors , lequel eft formié par la
prolongation de l'alignement des faces intérieures
de l'architrave jufqu'à la rencon
tre des extérieures avec lefquelles elles
forment un quarré , dont la longueur des
côtés eft déterminée par l'épaiffeur della
colonnade , fuppofant l'angle faillant droit ,
ou bien un trapézoïde s'il eft aigu ou ob-
Eus ? N'eft- ce pas un porte- à- faux tout en
Fair , au dire de tous les Architectes de
Europe ? fans doute . Done ce prétendu
moyen imaginé pour Péviter ; Faugmente
ridiculement , par un effet contraire à fon
Intention , & d'une maniere fi choquante
que fans être architecte , tout fpectateur
un peu judicieux ne manqueroit pas d'en
être frappé , & de Te récriér quel ele
rignorant qui a été capable d'une telle bafourdife
? C'eft içi un de ces cas doit parle
HR . Pere dans fon préludes on la difpute
eft neceffaire pour fournir des préfervatifs
contre le poifon des vaines imaginations . On
ne peut concevoir comment un homme
defprit , tel qu'il eft , & qui s'annonce
pour avoir des connoillances dans l'art de
batir moins bornées a
qu'on ne le préfume, a pu
fe tromper fi étonnamment ; il faut quiP
M A I. 1755
V
alt raifonné fur l'apparence de l'angle
rentrant , au lieu du faillant dont il s'agit.
Pour montrer l'utilité des pilaftres pré- *
férablement aux colonnes dans les parties'
des édifices deſtinées à l'habitation , j'avois
fait remarquer qu'une colonnade ne pou-'
voit y fervir, de l'aveu du R.Pere , qui convient
qu'on ne peut habiter fous une balle
ouverte , & qu'on ne pouvoit s'y mettre
à l'abri des injures de l'air qu'en la fermant
par un mur de cloifon , dont la pofition
à l'égard des colonnes entraîne l'inconvénient
que j'ai fpécifié par un difcours
très fuccint , qui lui a cependant paru long
& obfcur. Le premier de ces défauts n'étoit
que pour lui , en ce qu'un difcours contredifant
porte l'ennui & déplaît pour
peu qu'il foit déployé aux yeux de celui
qui le lit à regret. Quant à l'obfcurité reprochée
, il eft jufte que je l'éclairciffe.
Voici comme j'argumente à mon tour.
Ce mur fera placé , ou dans le milieu de
l'épaiffeur de la colonnade , ou au dedans
ou au dehors .
Dans la premiere pofition il corrompra
la proportion de la largeur apparente à la
hauteur de la colonne. Dans la feconde.
il mafquera la colonnade au dedans , &
dans la troifieme au dehors.
La preuve du premier inconvénient eft
G iiij
152 MERCURE DE FRANCE.
que
il
fi
vifible , en ce que pour peu d'épaiſſeur
qu'on donne à ce mur de part & d'autre
de l'alignement des axes des colonnes ,
en embraffera & cachera une partie au
dedans & au dehors de leur circonférence
apparente ; alors ce qui reftera découvert
en largeur ne fera plus un diametre ,
mais une corde plus ou moins grande
felon l'épaiffeur du mur ; de forte
on faifoit fon épaiffeur égale au diametre
de la colonne , il embrafferoit la moitié
de chaque côté , & la feroit enfin diſparoître
, ainfi les furfaces de fes paremens
deviendroient des plans tangens , qui ne la
toucheroient que fuivant une ligne fi elle
étoit cylindrique , & l'angle mixte de la
furface plane & de la courbe deviendroit
infiniment aigu , de forte qu'à moins que
d'ufer d'un maftic adhérent , on ne pourroit
le remplir folidement des matériaux
dont le 'mur feroit bâti.
>
L'inconvénient de la pofition du mur
en dedans ne mérite pas d'être prouvé ,
puifque la colonnade eftun ornement dont
on veut décorer le dedans de l'habitation ,
lequel ornement feroit rejetté en faveur
du dehors , où les colonnes ne paroîtroient
faire fonction que de contre- forts . Il ne
refte donc à choisir que la pofition du mur
en dehors ; alors , ou fa furface fera tanMAT
1755 371755.
753
-
gente de la colonnade , ou bien fon épaiffeur
recevra une partie du diametre de
chaque colonne , fi elle avance dans leur
intervalle. Dans le premier cas , il fe for
mera un angle mixte , dont nous venons
de parler , entre la furface plane du mur
& la convexe de la colonne , lequel étant
infiniment aigu deviendra un réceptacle
de pouffiere & d'araignée , dont on ne
pourra le nettoyer , par conféquent fujet
à un entretien perpétuel de propreté.
Dans le fecond cas , cet angle mixte deviendra
plus ouvert , mais préfentera toujours
un objet defagréable à la vûe , felon
qu'il fera plus ou moins aigu ou obtus ; &
ce qui eft pire & inévitable , il cachera
toujours une partie de la colonne , qu'on
reconnoît pour n'être pas deftinée à être
enclavée dans un mur , fans perdre de fa
largeur apparente , étant vue de différens
côtés , & par conféquent de cette proportion
de la largeur à la hauteur , qui conſtitue
la différence & la beauté des ordres
d'architecture ; cette proportion ne pourra
fubfifter que lorfque la colonne fera vue
perpendiculairement à la furface du mur
fuppofant qu'il n'avance pas au dedans de
l'alignement des axes des colonnes , car
alors il eft évident qu'il abforberoit plus
de la moitié de leur épaiffeur . Il n'eft pas
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
jen si
moins évident que la colonne érant vue
un peu à droite ou à gauche de laperpen
diculaire au mur , paffant par fon axe fon
épaiffeur apparente entre l'axe & fa futface
du mur fera moindre qu'entre l'axe & le
rayon tangent du côté du vuide intérieur.
Une figure auroit été ici néceffaire pour
aider l'imagination du lecteur qui n'eft
pas un peu initié dans la Géometrie , Je vais
m'expliquer par un exemple. nuog
Suppofons tn fpectateur voyant " de
côté une colonne enclavée à demi dans un
mur, fous un angle , par exemple , de trené
te dégrés , ce qui arrive en fe promenand
devant une colonnade , fans affecter de fi
ruation recherchée exprès ; alors favûe
fera bornée d'un côte au fond de l'angle
mixte de la rencontre des deux furfaces
plane & convexe , & de l'autre au rayon
vifuel tangent à la colonne en faillie hors
du mur , lequel feta avec celui qui doit
paffer par fon axé un angle plus ou moins
aigu , felon qu'il en fera plus près ou plus
foin , parce qu'il fera le complement de
celui du rayon de la colonne ,fire au point
de l'attouchement & toujours momdre que
le droit , quelque éloigné qu'en foit le
fpectateur. Mais pour la commodité de la
fuppofition la plus avantageufe , fuppo
fons -le de 20 dégrés , leſquels érant jõims
9
M A 1. 1755 . iss
aux 30 de l'obliquité donnée , il réfultera
un angle de 120 dégrés , mefuré par la
circonférence , qui n'eft qu'un tiers de celle
de la colonne , dont la corde eft moindre
d'environ un feptieme du diametre par
conféquent la largeur apparente étant die
minuée , l'oeil n'appercevra plus cette proportion
à fa hauteur , qui eft eftimée effentielle
à la beauté de l'architecture .
Donc l'enclavement ne peut fe faire fans
inconvénient , quelque profondeur qu'on
fuppofe de la colonne dans le mur. Il n'en
eft pas de même à l'égard de celui des pilaftres
, dont la face antérieure de fa lar
geur eft inaltérable , quelque profondeur
d'enclavement qu'on lui fuppofe ; done if
n'y repréfente point la colonne , mais un
poteau montant de cloifon de pan de bois ,
ou , fi l'on veut , une chaîne de pierre pour
la folidité. Je ne fçai fi de que je viens de
dire , joint à ce qui a précédé , pourra
établir la légitimité de ce que le R. Pere
appelle les enfans bâtards de l'architecture
qu'il ne veut pas reconnoître pár averfion
naturelle. Je crains qu'elle ne foir plus for
te que mes bonnes raifons , & que le ré
fultat de nos altercations fur cet article
n'ait abouti à rien qu'à mettre le lecteur
én état de prononcer avec plus ample connoiffance
de caufe , fur quoi on peut éta
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
blir un jugement ; fçavoir , qu'il n'y a que
de l'averfion d'un côté , & des raifons de
l'autre , avec l'approbation des Architectes
de toute l'Europe.
Venons préfentement à ce qui concerne
les difpofitions de l'églife qu'il propofe
pour modele. J'avois cru bien faire de la
comparer à celle des premiers fiécles du
Chriftianifme , & de montrer par l'hiſtoire
eccléfiaftique & quelques paffages des Peres
, qu'elle n'y étoit point conforme ; mais
le R. Pere me dit que tout ce que j'expoſe
d'érudition tombe en pure perte. Les anciens
ufages ( dit- il ) n'ont rien de commun
avec l'objet en question. » Il s'eft propofé de
» chercher la difpofition la plus avantageufe
, fans fe mettre en peine qu'elle fût
conforme ou non conforme à ce qui fe
» pratiquoit autrefois ; ce qui nous met hors
» de cour & de procès : il lui reftera feulement
à prouver que celle qu'il a imaginé
eft la plus avantageufe , ce qu'il ne fera
pas aifément.
D'où l'on peut inférer qu'il confidere
nos églifes comme des bâtimens livrés au
caprice de la compofition des Architectes ,
fans égard aux anciens ufages relatifs aux
cérémonies du fervice divin , fuivant la
lithurgie, & à la majeſté du lieu , à laquelle
un Architecte peut beaucoup contribuer
M A I. 1755. 157
1
par une fage difpofition des parties & dif
tribution de la lumiere.
و د
Cette conféquence n'eft pas une conjecture
, elle eft clairement énoncée à la
page 241 de fon Effai , où il dit : » qu'on
» peut donner aux Eglifes toutes les for-
» mes imaginables. Il eft bon même (ajoute-
il ) de ne les pas faire toutes fur
» le même plan : toutes les figures géométriques
, depuis le triangle jufqu'au
» cercle , peuvent fervir à varier fans ceffe
» ces édifices.
""
"
Comment concilier cette liberté avec
l'embarras où il s'eft trouvé dans l'ordonnance
de fon plan , pour le feul arrondiffement
du chevet dont il n'a pû venir
à bout , y rencontrant des inconvéniens
inévitables , de fon aveu ? ce qui l'a fait
conclure , fur ces confidérations , que le
mieux feroit de fe paſſer de rond - point :
c'eft auffi le parti qu'il a pris , fe réduifant
à la fimple ligne droite & aux angles
droits.
Cependant les célebres Architectes de
la nouvelle Rome , qui ont penfé (comme
lui ) qu'il fuffifoit de faire un édifice quel
conque d'une belle architecture , fans vifer
qu'à la fingularité de la compofition ,
n'ont pas été arrêtés par les difficultés
qui ont effrayé le nôtre , comme on le
1
158 MERCURE DE FRANCE.
w
A
voit dans les Eglifes dont Bonarotti
( ou Michel Ange ) les Cavaliers Bernin
, Borromini , Rainaldi , Volateran
Berretin , & quelques autres , ont été
les Architectes faifant des arrangemens
circulaires ou elliptiques de plu
fieurs chapelles autour du grand corps
de l'édifice , variées de toutes fortes de
figures agréables à la vûe , mais déplacées
pour une églife , en ce qu'elles en divifent
trop les objets , obligeant les fideles
affiftant au facrifice célebré fur différens
autels en même tems , de fe tourner
en tout tems , en fituations relativement
indécentes , dos à dos , de côté
& en face affez près pour fe toucher ,
ce qui ne peut manquer de caufer des
diftractions involontaires. Tel eft auffi à
peu près l'effet de la diftribution de lu
miere dans l'églife dont il s'agit , de la
compofition de notre auteur , dont les
rayons venant de tous côtés comme d'une
lanterne de vitraux qui enveloppent'
fans interruption fon fecond ordre de ,
colonnes ifolées , ne peuvent manquer
d'occuper , d'éblouir & de diftraire les fideles
en prieres , particulierement ceux
qui feront tournés au grand autel , dont
les yeux feront directement frappés des
rayons du haut & du bas ; en quoi n'ont
MAT 1755 154
92
pas péché nos Architectes modernes qui
ont appliqué l'autel principal contre le
mur de fond , qu'ils ont décoré d'un ta
bleau , & c. mais auffi ils ont péché contre
l'ancien ufage d'ifoler l'autel , autour du?
quel les cérémonies de l'Eglife exigent
qu'on puiffe tourner en certaines occa
fions , fuivant le rituel où il eft dit , Sacerdos
circuit ter altare , ufages dont ils n'ont
peut- être pas été inftruits , ou auxquels ils
ne fe font pas cru obligés d'avoir égards
comme le nôtre , en ce qui concerne la
figure des autels . 9al soulmů 33 un dị
Il veut , d'après une nouvelle mode qui
s'établit depuis peu , qu'on le faffe en tombeau
, fur un faux préjugé que ceux des
premiers fiecles étoient de même , parce
qu'on célébroit les faints myfleres fur les
tombeaux des Martirs ; ce qu'il faut entendre
des feuils endroits où il s'en trouvoir
, car il n'y en avoit pas par-tours &
quand il y en auroit eu , ce n'eft pas une rai
fon, car ils n'étoientpas immédiatement ſur
la caille ? mais au deffus du lieu où
repo
foient leurs corps , comme il confte par le
grand autel de S. Pierre de Rome , qui
eft bien fitué au deffus de ce qui nous
refté de feliques de S. Pierre & de S.
Paul ; cependant il n'eft pas fait en forme
de tombeau , quoiqu'il fort au deffus de
160 MERCURE DE FRANCE.
la chapelle fouterreine où elles font , à
laquelle on defcend ( comme je l'ai fait )
par un magnifique efcalier , dont la baluftrade
de marbre eft bordée d'une trèsgrande
quantité de lampes toujours allu
mées. Il fe peut qu'on ait fait fervir ,
par extraordinaire , la couverture d'un
tombeau de table pour le facrifice ; mais
j'ai prouvé que dans toutes les églifes
qui ont été faites neuves pendant les premiers
fiecles , l'autel y a toujours été fait
en forme de table , laquelle eft plus analogue
& fignificative que toute autre ,
de l'inftitution du S. Sacrement , faite
pendant le foupé de la Pâques , ce que
tout le monde fçait , & que l'Eglife
chante de la profe de S. Thomas d'Aquin
, quod in facra menfâ coena datum
non ambigitur.
1
Puifque le R. P. n'a rien répliqué aux
preuves que j'en ai données , il femble
que je puis préfumer qu'il en convient
fuivant la maxime que qui tacet commentire
videtur ; en ce cas il auroit pû, fe
faire honneur de cette docilité qu'il avoit
annoncée , en difant qu'on ne lui trouve
roit point d'entêtement.
Après avoir difcuté la difpofition de
fon églife , il refte à examiner fa confruction
, dont l'auteur de l'examen de
MA I..
1755.
161
fon effai fur Architecture a dreffé un
plan que le R. P. n'a point méconnu ,
quoiqu'il ait été gravé & publié , parce
qu'il eft exactement conforme au fien , qui
contient des chofes fi extraordinaires qu'on
ne peut s'empêcher d'en appercevoir les
défauts de régularité & de folidité.
Premierement quant à la régularité ,
à la feule infpection
de ce plan on eft
choqué du défaut de fymmétrie
dans l'arrangement
de fa colonnade
le long de
la nef & de la croifée , en ce que les
colonnes font accouplées
fuivant le modele
du portique
du Louvre , excepté
aux angles faillans de la rencontre
des
files de la nef & de la croifée , au fommet
defquels
il n'y en a qu'une à chacun
: or il eſt évident que c'eft là tout au
contraire
où cet accouplement
étoit plus
convenable
, & même plus néceffaire
qu'ailleurs
, pour donner de la culée à la
pouffée
des platebandes
, qui forment
les architraves
en retour à angle droit
de forte qu'outre
la beauté de la fymmétrie
il fe trouve de plus une néceffité
de
folidité.
Je fens bien que notre Architecte ayant
eu intention de prolonger l'alignement.
de fes bas côtés , comme il le dit dans
fon Effai , ( page 217 ) il n'auroit pu
162 MERCURE DE FRANCE.
ajouter une colonne à chaque retour de
l'angle , fans interrompre cet alignement ,
à quoi je ne lui vois pas de réponſe , que
celle qu'il a faite au reproche de l'enga
gement de fes colonnes dans les murs ,
qu'à néceffité il n'y a point de loi ; mais
celui qui péche dans la caufe n'eſt pas
excufable dans l'effet , c'eſt une maxime reçue
; il ne devoit donc pas s'engager dans
une ordonnance de deffein qui entraînoit
une telle faute néceffairement. Lorfque
le P. Cordemoy , dont il adopte les
idées jufqu'à les copier par-tout , propo
foit celle de Perrault fur l'accouplement
des colonnes , il ne parloit que d'une
nef d'églife , fans faire mention des retours
de la croifée , où l'on ne peut en
mettre moins de trois à chaque angle
faillant , celle du fommet ou pointe de
cet angle étant équivalente à deux , pour
faire face d'un couple de côté & d'au-'
tre.
Le fecond défaut qui concerne la folidité
, a été fuffifamment démontré dans
le livre intitulé , Examen de l'Efai fur
Achitecture de notre Auteur ; il eft er
effet vifible à tour homme qui eft initié
dans la conftruction , qu'une feule
colonne eft abfolument incapable de réfifrer
à une double pouffée des plateban
M A I. 1755. 163
1
des qui concourent à un angle droit ,
où elles pouffent au vuidé fuivant la
prolongation de la diagonale , quand
même ces platebandes ne feroient char
gées que du poids de leurs claveaux . II
n'eft pas néceffaire que j'infifte fur les
défauts déployés dans une douzaine des
pages du livre que je cite.
Cependant le R. P. ne fé tient pas pour
convaincu du rifque d'une fubverfion de
fon édifice , depuis qu'il a appris qu'on
faifoit préfentement des voûtes extrêmement
legeres , & fi bien liées dans les
parties qui la compofent , qu'on prétend
qu'elles ne pouffent point ; ce qui tran
che ( dit-il toutes les difficultés de folidi
té qu'on trouve à fon idée d'églife. Ce
font ces voûtes de briques pofées de plat
& doublées de même en plâtre , qui ont
été exécutées depuis long- tems en Rouffillon
, dont M. le Maréchal de Belle
Ifle a fait des épreuves il y a cinq ou
fix ans. S'il eft vrai ( ajoute cet Auteur )
qu'elles ne pouffent point , je n'en fais point
d'autres , me voilà délivré de l'embarras
» de la dépenfe , & de la mauffaderie
» des contreforts ; toute ma nef du haur
en bas eft en colonnes ifolées , je me
» contente d'envelopper tout le fecond
ordre par des vitraux continus , & fans
•
164 MERCURE DE FRANCE :
>> interruption- mon églife devient l'ou
" vrage le plus noble & le plus délicat ».
On pourroit ajouter & tellement foible ,
qu'il ne feroit pas étonnant qu'il fût culbuté
par un coup de vent , comme un
jeu de quilles , fuppofé qu'il eût été affez
équilibré pour ne s'être pas écroulé
avant que d'avoir été totalement achevé.
Avant que de donner fa confiance à
cette nouveauté , il y a encore bien des
chofes à confidérer .
Premierement qu'on ne peut indifféremment
exécuter ces voûtes en tous
lieux , parce qu'il y a plufieurs cantons
de provinces où il n'y a ni bonnes briques
, ni plâtre , mais feulement de la
chaux , du moilon & des pierres detaille
, comme ici à Breft , où l'on eft obligé
de faire venir de loin ces matériaux.
D'où il fuit que la dépenfe de ces auvrages
douteux excéderoit de beaucoup
celle de l'exécution fûre des yoûtes faites
à l'ordinaire , avec les bons matériaux
que l'on trouve fur les lieux.
Secondement qu'il eft fort incertain
que ces voûtes legeres en briques de plat
ne pouffent point du tout. Cette affertion
n'eft fondée que fur la fuppofition d'une
liaifon i folide , que les parties ne
forment plus qu'un feul corps d'égale
MA I. 1755. 165
confiftance , & par-tout uniforme , puifque
leur arrangement de pofition ne
concourt en rien à les foutenir mutuellement
, comme dans celui des voûtes de
pierres en coupe , auquel cas la folidité
dépend uniquement des excellentes qualités
des matériaux , lefquelles ne font ni
par- tout , ni toujours également conftantes
, de forte qu'on rifque tout fur leurs
moindres défauts ; les briques mal cuites
, ou de mauvaife pâte de terre , le
plâtre éventé ou mal gâché , ou employé
à contre-tems , peuvent empêcher cetre
confiftance uniforme & inébranlable qui
doit en réfulter . Puis le plâtre s'énerve
par les impreffions de l'air dans une fucceffion
de tems qui ne va pas à un fiecle
, mais feulement ( à ce qu'on dit ) a
la durée de la vie d'un homme bien
conftitué , après quoi il devient pouf,
c'eft-à-dire farineux ( fuivant le langage
des ouvriers ) ; ainfi il n'y auroit pas de
prudence de hazarder la perte d'un édi-
-fice auffi confidérable qu'eft celui d'une
églife , qui doit être faite pour durer
des fiecles , fur une conjecture qui fuppofe
qu'une voûte ne doit point pouffer , &
toujours fubfifter , quoique d'une largeur
de diametre ordinairement de 36 à 42
pieds d'étendue , qui excéde de beaucoup
་
166 MERCURE DE FRANCE.
celle des édifices pour l'habitation , dong
on a fait des épreuves.
"
On fçait que la pefanteur agit continuellement
, quoiqu'infenfiblement ; nous
en avons l'exemple dans les bois de la
meilleure confiftance , dont elle fait
alonger les fibres qu'elle ne peut
ne peut caffer.
Une poutre bien dreffée & pofée de niveau
, fans être chargée d'aucun poids
que de celui de fes parties , fe courbe
peu à peu en contre-bas ; & l'on voit
tous les jours des voûtes de bonne maçonnerie
, dont le mortier a fait le corps
depuis long-tems , s'ouvrir vers les reins ,
environ à 45 degrés , lorfque la réfiftan-
-ce des piédroits s'eft trouvée trop équilibrée
, ou diminuée par les moindres
accidens. On en a une preuve bien facheufe
& inquiétante encore aujourd'hui,
par la lézarde ou crevaffe qui s'eft faire
au grand dôme de l'églife de S. Pierre
de Rome , plus de 80 ans après fon édification
& perfection . Sur de telles ex-
-périences , un Architecte feroit inexcufable
de rifquer une conftruction vifiblement
trop foible.
-
•
C
On peut mettre dans le rang des idées
pittorefques celle d'envelopper tout le fecond
ordre de fon église , qui n'est que de
colonnes ifoléés par des vitraux continus
MAI.
1755 167
>
fans interruption , laquelle étant une
nouveauté inattendue fait tomber les
objections que j'avois fait concernant la
néceffité des bafes au rez de chauffée ,
pour foutenir un mur d'enceinte au fecond
ordre , où je comptois que devoient
être les bayes des vitraux , ouverts à dif
tances convenables dans les entre- colonnemens.
Mais il dit formellement que
tout eft vuide d'une colonne à l'autre , fans
aucune espece de piédroit . Tout étant
fupprimé par ce fyftême , l'objection que
je faifois eft du vieux ftyle , on ne bâtira
plus comme par le paſſé.
.
Il nous refte encore à examiner fon
idée d'une voûte à faire fur le milieu
de la croifée des deux berceaux qui couvrent
la nef & la traverfe de la croix de
fon plan , laquelle feroit ( comme je l'ai
dit ) tout naturellement une voûte d'arête
, qu'il trouve , ainfi que la plupart
des Architectes , trop fimple pour une
églife de goût , à laquelle on fubftitue
ordinairement un dôme , fuivant l'Architecture
moderne de la plupart des églifes
d'Italie , pour donner de la nouveauté ;
il rejette cette conftruction , & en fubftitue
une autre , qu'il avoit annoncée
dans fon Effai , d'une maniere fi myſtéricufe
qu'on ne pouvoit deviner que ce
168 MERCURE DE FRANCE.
fût la chofe du monde la plus ordinaire
qu'il a dévoilé dans fa réponſe à mes
remarques , par laquelle on voit que ce
n'eft plus qu'une voûte fphérique en pan .
dantif : en cet endroit ( dit - il ) on peut
» conftruire toute forte de voûte en cul-
» de-four , & en pandantif , qui empêche
( ajoute-t- il ) que fur les quatre
grands arcs-doubleaux , on éleve des
>> enroulemens qui , fuivant la diminution
» pyramidale , aillent ſe réunir à un couronnement
en portion de ſphere , rempli
par une Gloire ou une Apothéose.
» Ce centre de croifée couvert par une
» voûte ainfi percée à jour & décorée avec
» hardieffe , n'auroit- il pas quelque chofe
» de très-brillant & tout- à- fait pittoref
que ? Sans doute , c'eft un beau fujer de
décoration de théatre , fi les édifices fe
faifoient avec la même facilité que les
peintures , & n'exigeoient pas plus de
précaution ; mais malheureufement on
eft affujetti à la folidité & aux moyens
de prendre le jour fans percer plus haut
qu'il ne faut pour le ménager , & pourvoir
à l'écoulement des eaux de pluie ,
enforte qu'elles ne tombent point par ces
pans de la couverture
des combles qui fe croifent , ainfi que
les yoûtes des berceaux qu'ils couvrent ,
ouvertures : or les
ne
MA I.
1755. 169
ne laiffent pas de paffage à la lumiere fi
on ne s'élève au-deffus , auquel cas on,
retombe dans la néceflité de la conftruction
d'un dôme fur une tour à l'ordinaire , que
PAuteur condamne d'après fon maître le
P. Cordemoy , qui leur reproche du porteà-
faux .
On a lieu d'être furpris que quoiqu'il
ait profcrit les arcs doubleaux dans fon
effai , il en fafle ici mention , & qu'il y appuie
les enroulemens qui doivent porter la
coupole de l'apothéofe en cul de four , parce
qu'on y trouve plufieurs inconvéniens ;
l'un , que les affiettes de leur baſe devant
être de niveau entr'elles , elles ne peuvent
être pofées que fur les quatre clefs des arcs
doubleaux qui font dans cette fituation relative
, & ces parties ( les plus foibles des
voûtes ) ne paroiffent gueres convenables
pour foutenir ces enroulemens , qui , comme
de fimples nervûres , font chargées du
poids de la calotte fphérique . Secondement
parce que leur nombre ne fuffiroit pas pour
porter le contour de ce fegment , ainfi
percé à jour , à moins qu'il ne fût très-petit
, en approchant beaucoup de fon pôle ,
auquel cas , fi l'on enveloppe les enroulemens
de vitraux continus , comme il fait
à l'égard des colonnes du fecond ordre , ils
deviendront auffi fphériques en portions
H
170 MERCURE
DE FRANCE.
inclinés en furde
trapezes
courbes
plomb.
:
,
Les fera - t - on ainfi alors il faut renvoyer
l'exécution de ce projet à la côte du
Pérou , comme à Lima où il ne pleut jamais
mais fi l'on ne croit pas pouvoir les
faire de même à caufe de l'inconvénient de
l'écoulement des eaux de pluie , on fera
obligé , pour le faire à plomb & en abajour
, d'élever une tour fur la croifée des
berceaux , portant à faux fur les pandantifs,
& alors on retombe dans la conftruction.
ordinaire des dômes , ou du moins des
demi- dômes , plus ou moins élevés extérieurement
, fuivant le diametre de la voû
te fphérique , à laquelle cette tour fera
circonfcrite , fans paroître dans l'intérieur
que comme un-cul- de four en pandantif ,
portant immédiatement fur les panaches ,
élevés fur un pan coupé des angles faillans
de la croifée.
Cette conftruction n'a rien d'extraordi
naire ; nous en avons mille exemples , particulierement
à Rome dans les églifes de
Sainte Marie in Porticu , du deffein du Cavalier
Rainaldi ; à Sainte Marie in Vallicella
, de celui du vieux Longo ; à S. Charles
des quatre Fontaines , de celui du Cavalier
Borromini ; & fans aller fi loin , au Noviciat
des Jéfuites de Paris , excepté que cetMAI.
1755. 171
7
tere conftruction y eft fans grace , en ce que
les pandantifs n'y font pas féparés de la
calotte fphérique par une corniche horizontale
, qui lui forme une baſe , & met
à part une figure réguliere plus agréable à
la vûe que celle qui eft échancrée par les
lunettes des berceaux pénétrant la furface
fphérique ; fecondement , parce que le
fommet , ou fond de cette furface concave,
y eft obfcur , fon enfoncement n'étant pas
éclairé d'une lanterne comme dans les
églifes citées , où cette partie eft brillante
par une lumiere célefte , qui y defcend
naturellement , au lieu qu'au Noviciat elle
ne l'eft que par un peu de reflet qui renvoie
la lumiere de bas en haut ; ce défaut
que l'auteur de l'examen de l'Effai a déja
remarqué au fommet des berceaux qui
couvrent la nef & la croifée de fon églife
, eft encore ici plus remarquable , parce
que le reflet vient de plus loin , & remonte
plus haut . Je paffe fur un autre défaut
de largeur du pan coupé à chaque
angle de la croifée , lequel eft trop petit
pour fervir de baſe au panache.
Nous voilà donc au fait de cette voûte
de croifée d'églife , qui avoit été annoncée
comme une nouvelle invention , & qui
n'eſt rien moins . » C'étoit ( dit- on ) une
»forte de baldaquin , en façon de dôme ›
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
ود
» d'un deffein léger , qui puiffe fympathi
» fer avec l'idée de voûte ; dès lors ( ajoû
» toit l'auteur ) point de colonne , & rien
» de ce qui a befoin de porter dès les fondemens
, & un Architecte comprendra
fans peine les raifons qui me détermi-
» nent de propofer ainfi pour défigner une
» voûte qui aura toute la fingularité , tous
» les avantages des dômes fans en avoir les
inconvéniens .
"
,
11 eft clair qu'en admettant toutes ces
conditions à la lettre , il ne fatisfait en
aucune façon au problême. 1 ° . On ne peut
fon cul-de-four en pandantif pas dire que
ne porte fur rien qui vienne des fondemens
& qu'il n'y ait point de colonne , puifqu'il
y en a quatre , une à chaque angle faillant
de la croifée au rez de chauffée , & une
feconde en échafaudage au - deffus pour le
fecond ordre , ce qui en fait huit , à tout
compter ; la fupérieure fervant à porter le
pied du pandantif , porte fur la premiere
établie au rez de chauffée , par conféquent
dès lesfondemens : enfuite , le pandantif
établi fur ces colonnes , porte & rachete la
calotte fphérique de l'apothéofe ; donc par
une induction bien raifonnée , elle porte
dès les fondemens ; donc cette conſtruction
ne fatisfait point au problême.
Mais oferoit - on faire l'analyfe de ce
M.A I. 1755 173
fupport de tant de fardeaux ? on trouvera
qu'il fe réduit à une arête verticale de
l'angle faillant de l'architrave du premier
ordre , laquelle porte elle-même à faux ,
comme nous l'avons démontré ci - devant
dans l'examen de la fonction d'une colonne
fous un angle faillant.
Nos Architectes qui refpectent les principes
de l'art , font ordinairement un pan
coupé dans les angles de cette efpece, pour
y trouver un peu de baſe horizontale au
panache qui doit racheter le cul-de-four .
Pour finir , je pafferai fous filence bien
des chofes que j'aurois à dire fur la nouvelle
architecture en filigramme ; par
exemple , fur les pentes à ménager aux toîts
des bas côtés pour l'écoulement des eaux de
pluie , qu'on ne peut diriger qu'en s'élevant
du côté de la nef , & mafquant une
partie des vitraux du fecond ordre , lequel
eft établi immédiatement au -deffus de l'architrave
du premier , regnant de niveau
avec l'égoût extérieur des plafonds des bas
côtés , & de plus des chapelles qui l'écartent
encore du corps de la nef , d'où fuit
une plus grande hauteur de pente à donner
à cette partie inférieure qui reçoit auffi
l'égoût d'un côté du grand comble. J'en
pourrois dire autant & plus à l'égard du
baldaquin pittoresque ; mais je veux mon-
Hiij
374 MERCURE DE FRANCE.
trer que je ne cherche pas matiere à criti
quer , n'ayant d'autre intention que celle
de rendre ma réplique utile.
Au refte , je fuis très - obligé au R. Pere
Laugier de la maniere obligeante dont il
a parlé de moi dans fon prélude ; je lui en
fais mes très-humbles remercimens , fans
attention à ce que ce procédé de politeffe
ne s'eft pas toujours foutenu dans certains
momens où il lui a échapé des qualifications
de difcours , dont j'ai montré l'injuftice
; de forte qu'elles étoient réversibles
de droit à celui qui les avoit données malà-
propos , fi la qualité de Philofophe dont il
m'honore , & que je fais gloire de foutenir
en bonne part , ne me mettoit infiniment
au- deffus de ces petiteffes.
A Breft , le 2 Nov. 1754. FREZIER.
Laugier & M. Frezier , concernant le
Goût de l'Architecture.
Sm
I l'on ne connoiffoit
l'efprit de l'homme
, on auroit lieu de s'étonner
que
de toutes les difputes
littéraires
il ne réfulte
prefque
aucun accord entre les parties conteftantes
, ni même un fimple aveu de
conviction
de la validité des raifons alléguées
d'un adverfaire
à l'autre , quoiqu'il
foit rare qu'elles
puiffent
être d'une égalité
de poids à devoir être mifes dans la balance
du doute.
J'avois premierement établi dans mes
Remarques , inférées dans le Mercure du
mois de Juillet dernier , que je ne croyois
pas qu'il y eût un beau effentiel en architec
144 MERCURE DE FRANCE .
C
ture , fondé fur les variétés des goûts particuliers
de chaque nation , & de plus des
variations de la même en différens tems ,
comme je l'ai vû de nos jours.
à
à
Le R. Pere Laugier , qui eft d'un fentiment
contraire , a fait de beaux raifonnemens
pour prouver ( non l'exiſtence de
cette chimere ) mais la poffibilité , convenant
qu'actuellement aucun des architectes
de tous les pays connus n'eft parvenu
la montrer dans fes ouvrages. Le public m'a
l'obligation de lui avoir procuré ce beau
diſcours , dont j'abandonne l'examen , n'étant
pas dans le goût d'une difpute métaphyfique
fur les arts , où je me contente de
raifonner conféquemment aux faits qui me
font connus ,
propos de quoi je ne puis
m'empêcher de faire une remarque fur la
contradiction de ce que le R. P. dit d'une
égliſe bâtie à Pekin , à la maniere Européenne
, par les Jéfuites , qui n'a pas femblé
, dit- il , aux Chinois indigne de leur admiration
, avec ce qu'en dit le Frere Attiret
, dans les Lettres édifiantes & curieufes
que j'ai cité , qu'il ne faut pas leur vanter
l'architecture Grecque & Romaine , qu'ils
ne goûtent en aucune façon . Il en pouvoit
parler pertinemment , étant lui -même peintre
& architecte à la Cour de l'Empereur .
Tel eſt le réſultat de la premiere partie de
nos
&
MAI. 1755.
145
nos altercations. Dans la feconde , le R.
Pere , après s'être rangé du côté de mon
opinion , contre cette prétendue origine
de la vraie beauté qu'on veut tirer des
proportions harmoniques employées en architecture
, fe détache de mon parti pour
m'attaquer fur ce que j'ai dit que les architectes
anciens , & la plupart des modernes
, n'ont jamais penfé à ces principes
fcientifiques ; ce que j'ai prouvé par le filence
de tous leurs auteurs . Cette réflexion ,
dit- il , eft plus maligne que folide , comme s'il
vouloit me brouiller avec les vivans : mais
comment prouve - t-il fa conjecture à l'égard
de la folidité ? c'eft en difant qu'il
peut fort bien fe faire que fans y penfer , &
comme à tâtons , les architectes ayent rencon-
· tré le vrai.
Ainfi fon induction n'étoit pas plus jufte
que celle qui lui a fait conjecturer , mal à
propos , que j'étois infenfible à la vûe des
belles chofes , comme un ftupide qui lui
fait pitié. Je le plains , dit il , du tort que
lui a fait la nature ; il eft privé d'une grande
fource de plaifirs , de n'avoir point éprouvé
de ces mouvemens
enchanteurs qu'excite la
préfence des belles chofes , lefquels vont ( de
l'aveu du R. P. * ) juſqu'à l'extafe & au
* Voyez fon Effai fur l'Architecture.
G
146 MERCURE DE FRANCE.
•
transport ; fon ame , continue- t- il , en parlant
de moi , eft vraisemblablement de celles
qui ont été battues à froid. Belle métaphore
tirée apparemment de la rhétorique des Cyclopes
, pour égayer une matiere férieufe ,
par un peu de mêlange du ftyle des farces ,
à laquelle je pourrois répondre , & montrer
en quoi confifte fon erreur , par un
proverbe du même ton , que les délicats
font difficiles à nourrir.
Les deux premieres parties de mes remarques
ne regardoient point le P. Lau--
gier , il s'y eft mêlé fans vocation ; mais
nous voici arrivés à ceux qui peuvent l'intéreffer
.
Il commence par m'attaquer fur ce que
j'ai dit , que le petit Traité d'Architecture
de M. ( où comme l'appelle le Dictionnaire
de Trévoux , au mot Eglife ) le R.
Pere de Cordemoy , Chanoine Régulier ,
ne contient rien de nouveau ; il qualifie ce
difcours , tout fimple qu'il eft , d'invective
indecente , parce qu'il l'a pris pour fon
coryphée. Y avoit- il là matiere à un propos
qui annonce trop de fenfibilité au refus
que j'ai fait d'applaudir à la prééminence
qu'il veut donner à ce Chanoine
fur tous nos Architectes , avec d'autant
moins de raifon que je lui avois fait remarquer
que cet auteur en convenoit lui-
1 7
MAI
1755 147
même dans fon Epitre dédicatoire à M. le
Duc d'Orléans , en 1706 , à qui il ne le
préfentoit que comme un Recueil de ce
qui fe trouve difperfe dans les ouvrages des
plus habiles , foit anciens ou modernes ? Ce
qu'il n'eft pas difficile de reconnoître à
ceux qui ont puifé dans les fources , car
les approbations ou critiques n'entrent
point en compte de nouveauté du fond de
la doctrine.
t
Il vient enfuite à un des points principaux
de notre difpute concernant les pilaftres
, qu'il abhorre comme des enfans
batards de l'architecture , engendrés par l'ignorance.
Il dit qu'il s'eft mis en devoir de
justifier fon averfion dans le premier chapitre
defan effai , où il n'a pas mieux réuffi
fur cet article qu'en bien d'autres , fi l'on
en juge par l'examen de cet effai , auquel
il a fourni une matiere de critique affez
ample pour être prefque auffi étendue que
le texte , fans y comprendre ce qu'on y
peut, ajouter , comme il confte en partie
-par mes remarques & ma réplique , qui
- n'ont pas épuifé la matiere. Il dit cependant
qu'il a raisonné par une
confequence
logique néceffaire du principe qui fert de
2fondement à tout le reste.
Quel eft ce principe ? j'ai beau lire ce
chapitre , je n'y en trouve aucun , à
a moins
Gij
148 MERCURE
DE FRANCE.
que
It qu'il ne l'établiffe fur ce qu'il dit
pilaftre représente une colonne . Il faut convenir
qu'il la repréfente bien imparfaitement
, comme le quarré repréfente le rond.
Car puifque les cylindres & les prifmes
de même hauteur font entr'eux comme
leurs bafes , le quarré circonfcrit repréfente
le cercle infcrit
par une confé
quence
mathématique .
Mais , dira-t -on , c'est parce qu'il en
Occupe la place : cette interprétation feroit
jufte , fi on faifoit un portique tout
de pilaftres ifolés , excepté aux angles faillans
des entablemens , fous lefquels une
colonne ne peut être admife fans faute de
jugement ; parce qu'elle ne peut y faire
les fonctions de pilaftre , en ce qu'elle
laiffe du porte-à-faux de cet angle , comme
je l'ai démontré ; & fi l'on rapporte les
piéces d'architecture à la charpente d'une
cabane , le pilaftre en cet endroit y repréfente
un potean cornier , qui eft auffi effentiellement
équarri qu'un fomier repréfenté
par l'architrave . En effet , pour foutenir
une encoignure en retour d'équerre ( pour
parler en termes de l'art ) , il faut un fupport
quarré ; le quart de cercle infcrit dans
un angle droit n'occupe qu'environ les
deux tiers de fa furface , ou plus précifément
onze quatorziemes ; de forte que le
M.Aha1735 31% 149
triangle mixte reftant,compris par les deux
lignes droites tangentes & le quart de cercle
concave , eft l'étendue de la furface
qui porte à faux , c'est - à-dire fans appui.
Donc la colonne ne peut être fubftituée
au pilaftre dont elle ne peut faire pleinement
les fonctions ; donc la conféquence logique
du R. Pere étant tirée d'un faux principe
, eft invalide pour juftifier fon averfion
qui lui eft particuliere & unique.
Sa logique l'a mieux fervi à refuter la
contradiction qu'on lui avoit reprochée ,
d'avoir appellé les pilaftres des innovations,
après en avoir reconnu l'ancienneté dans
les antiques. On voit bien par la fubtilité
de fa folution , qu'il a enfeigné le grand
art, de ne refter jamais court dans la difpute
, que les facétieux appellent l'art de
fendre un argument en deux par un diftingo
, pour le fauver par la breche ,
Mais voyons comment il réfout l'ob
jection du porte-à- faux fous l'angle faillant
d'un entablement , le faifant foutenir par
des colonnes ; il croit avoir imaginé un
expédient pour l'éviter : il faut le lire attentivement
, car il le mérite. Je ne mettrai
rien ( dit -il ) dans l'angle même ; je rangerai
mes colonnes aux deux côtés le plus près
de l'angle qu'ilme fera poffible . Cela eft clair,
c'est - à - dire jufqu'à ce que les deux chapi
Giij
6 MERCURE DE FRANCE.
teaux fe touchent fur la diagonale de l'an
gle. Mais comment appellera-t- on cet ef
pace quarré , dont les colonnes feront fé
parées en dehors , lequel eft formié par la
prolongation de l'alignement des faces intérieures
de l'architrave jufqu'à la rencon
tre des extérieures avec lefquelles elles
forment un quarré , dont la longueur des
côtés eft déterminée par l'épaiffeur della
colonnade , fuppofant l'angle faillant droit ,
ou bien un trapézoïde s'il eft aigu ou ob-
Eus ? N'eft- ce pas un porte- à- faux tout en
Fair , au dire de tous les Architectes de
Europe ? fans doute . Done ce prétendu
moyen imaginé pour Péviter ; Faugmente
ridiculement , par un effet contraire à fon
Intention , & d'une maniere fi choquante
que fans être architecte , tout fpectateur
un peu judicieux ne manqueroit pas d'en
être frappé , & de Te récriér quel ele
rignorant qui a été capable d'une telle bafourdife
? C'eft içi un de ces cas doit parle
HR . Pere dans fon préludes on la difpute
eft neceffaire pour fournir des préfervatifs
contre le poifon des vaines imaginations . On
ne peut concevoir comment un homme
defprit , tel qu'il eft , & qui s'annonce
pour avoir des connoillances dans l'art de
batir moins bornées a
qu'on ne le préfume, a pu
fe tromper fi étonnamment ; il faut quiP
M A I. 1755
V
alt raifonné fur l'apparence de l'angle
rentrant , au lieu du faillant dont il s'agit.
Pour montrer l'utilité des pilaftres pré- *
férablement aux colonnes dans les parties'
des édifices deſtinées à l'habitation , j'avois
fait remarquer qu'une colonnade ne pou-'
voit y fervir, de l'aveu du R.Pere , qui convient
qu'on ne peut habiter fous une balle
ouverte , & qu'on ne pouvoit s'y mettre
à l'abri des injures de l'air qu'en la fermant
par un mur de cloifon , dont la pofition
à l'égard des colonnes entraîne l'inconvénient
que j'ai fpécifié par un difcours
très fuccint , qui lui a cependant paru long
& obfcur. Le premier de ces défauts n'étoit
que pour lui , en ce qu'un difcours contredifant
porte l'ennui & déplaît pour
peu qu'il foit déployé aux yeux de celui
qui le lit à regret. Quant à l'obfcurité reprochée
, il eft jufte que je l'éclairciffe.
Voici comme j'argumente à mon tour.
Ce mur fera placé , ou dans le milieu de
l'épaiffeur de la colonnade , ou au dedans
ou au dehors .
Dans la premiere pofition il corrompra
la proportion de la largeur apparente à la
hauteur de la colonne. Dans la feconde.
il mafquera la colonnade au dedans , &
dans la troifieme au dehors.
La preuve du premier inconvénient eft
G iiij
152 MERCURE DE FRANCE.
que
il
fi
vifible , en ce que pour peu d'épaiſſeur
qu'on donne à ce mur de part & d'autre
de l'alignement des axes des colonnes ,
en embraffera & cachera une partie au
dedans & au dehors de leur circonférence
apparente ; alors ce qui reftera découvert
en largeur ne fera plus un diametre ,
mais une corde plus ou moins grande
felon l'épaiffeur du mur ; de forte
on faifoit fon épaiffeur égale au diametre
de la colonne , il embrafferoit la moitié
de chaque côté , & la feroit enfin diſparoître
, ainfi les furfaces de fes paremens
deviendroient des plans tangens , qui ne la
toucheroient que fuivant une ligne fi elle
étoit cylindrique , & l'angle mixte de la
furface plane & de la courbe deviendroit
infiniment aigu , de forte qu'à moins que
d'ufer d'un maftic adhérent , on ne pourroit
le remplir folidement des matériaux
dont le 'mur feroit bâti.
>
L'inconvénient de la pofition du mur
en dedans ne mérite pas d'être prouvé ,
puifque la colonnade eftun ornement dont
on veut décorer le dedans de l'habitation ,
lequel ornement feroit rejetté en faveur
du dehors , où les colonnes ne paroîtroient
faire fonction que de contre- forts . Il ne
refte donc à choisir que la pofition du mur
en dehors ; alors , ou fa furface fera tanMAT
1755 371755.
753
-
gente de la colonnade , ou bien fon épaiffeur
recevra une partie du diametre de
chaque colonne , fi elle avance dans leur
intervalle. Dans le premier cas , il fe for
mera un angle mixte , dont nous venons
de parler , entre la furface plane du mur
& la convexe de la colonne , lequel étant
infiniment aigu deviendra un réceptacle
de pouffiere & d'araignée , dont on ne
pourra le nettoyer , par conféquent fujet
à un entretien perpétuel de propreté.
Dans le fecond cas , cet angle mixte deviendra
plus ouvert , mais préfentera toujours
un objet defagréable à la vûe , felon
qu'il fera plus ou moins aigu ou obtus ; &
ce qui eft pire & inévitable , il cachera
toujours une partie de la colonne , qu'on
reconnoît pour n'être pas deftinée à être
enclavée dans un mur , fans perdre de fa
largeur apparente , étant vue de différens
côtés , & par conféquent de cette proportion
de la largeur à la hauteur , qui conſtitue
la différence & la beauté des ordres
d'architecture ; cette proportion ne pourra
fubfifter que lorfque la colonne fera vue
perpendiculairement à la furface du mur
fuppofant qu'il n'avance pas au dedans de
l'alignement des axes des colonnes , car
alors il eft évident qu'il abforberoit plus
de la moitié de leur épaiffeur . Il n'eft pas
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
jen si
moins évident que la colonne érant vue
un peu à droite ou à gauche de laperpen
diculaire au mur , paffant par fon axe fon
épaiffeur apparente entre l'axe & fa futface
du mur fera moindre qu'entre l'axe & le
rayon tangent du côté du vuide intérieur.
Une figure auroit été ici néceffaire pour
aider l'imagination du lecteur qui n'eft
pas un peu initié dans la Géometrie , Je vais
m'expliquer par un exemple. nuog
Suppofons tn fpectateur voyant " de
côté une colonne enclavée à demi dans un
mur, fous un angle , par exemple , de trené
te dégrés , ce qui arrive en fe promenand
devant une colonnade , fans affecter de fi
ruation recherchée exprès ; alors favûe
fera bornée d'un côte au fond de l'angle
mixte de la rencontre des deux furfaces
plane & convexe , & de l'autre au rayon
vifuel tangent à la colonne en faillie hors
du mur , lequel feta avec celui qui doit
paffer par fon axé un angle plus ou moins
aigu , felon qu'il en fera plus près ou plus
foin , parce qu'il fera le complement de
celui du rayon de la colonne ,fire au point
de l'attouchement & toujours momdre que
le droit , quelque éloigné qu'en foit le
fpectateur. Mais pour la commodité de la
fuppofition la plus avantageufe , fuppo
fons -le de 20 dégrés , leſquels érant jõims
9
M A 1. 1755 . iss
aux 30 de l'obliquité donnée , il réfultera
un angle de 120 dégrés , mefuré par la
circonférence , qui n'eft qu'un tiers de celle
de la colonne , dont la corde eft moindre
d'environ un feptieme du diametre par
conféquent la largeur apparente étant die
minuée , l'oeil n'appercevra plus cette proportion
à fa hauteur , qui eft eftimée effentielle
à la beauté de l'architecture .
Donc l'enclavement ne peut fe faire fans
inconvénient , quelque profondeur qu'on
fuppofe de la colonne dans le mur. Il n'en
eft pas de même à l'égard de celui des pilaftres
, dont la face antérieure de fa lar
geur eft inaltérable , quelque profondeur
d'enclavement qu'on lui fuppofe ; done if
n'y repréfente point la colonne , mais un
poteau montant de cloifon de pan de bois ,
ou , fi l'on veut , une chaîne de pierre pour
la folidité. Je ne fçai fi de que je viens de
dire , joint à ce qui a précédé , pourra
établir la légitimité de ce que le R. Pere
appelle les enfans bâtards de l'architecture
qu'il ne veut pas reconnoître pár averfion
naturelle. Je crains qu'elle ne foir plus for
te que mes bonnes raifons , & que le ré
fultat de nos altercations fur cet article
n'ait abouti à rien qu'à mettre le lecteur
én état de prononcer avec plus ample connoiffance
de caufe , fur quoi on peut éta
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
blir un jugement ; fçavoir , qu'il n'y a que
de l'averfion d'un côté , & des raifons de
l'autre , avec l'approbation des Architectes
de toute l'Europe.
Venons préfentement à ce qui concerne
les difpofitions de l'églife qu'il propofe
pour modele. J'avois cru bien faire de la
comparer à celle des premiers fiécles du
Chriftianifme , & de montrer par l'hiſtoire
eccléfiaftique & quelques paffages des Peres
, qu'elle n'y étoit point conforme ; mais
le R. Pere me dit que tout ce que j'expoſe
d'érudition tombe en pure perte. Les anciens
ufages ( dit- il ) n'ont rien de commun
avec l'objet en question. » Il s'eft propofé de
» chercher la difpofition la plus avantageufe
, fans fe mettre en peine qu'elle fût
conforme ou non conforme à ce qui fe
» pratiquoit autrefois ; ce qui nous met hors
» de cour & de procès : il lui reftera feulement
à prouver que celle qu'il a imaginé
eft la plus avantageufe , ce qu'il ne fera
pas aifément.
D'où l'on peut inférer qu'il confidere
nos églifes comme des bâtimens livrés au
caprice de la compofition des Architectes ,
fans égard aux anciens ufages relatifs aux
cérémonies du fervice divin , fuivant la
lithurgie, & à la majeſté du lieu , à laquelle
un Architecte peut beaucoup contribuer
M A I. 1755. 157
1
par une fage difpofition des parties & dif
tribution de la lumiere.
و د
Cette conféquence n'eft pas une conjecture
, elle eft clairement énoncée à la
page 241 de fon Effai , où il dit : » qu'on
» peut donner aux Eglifes toutes les for-
» mes imaginables. Il eft bon même (ajoute-
il ) de ne les pas faire toutes fur
» le même plan : toutes les figures géométriques
, depuis le triangle jufqu'au
» cercle , peuvent fervir à varier fans ceffe
» ces édifices.
""
"
Comment concilier cette liberté avec
l'embarras où il s'eft trouvé dans l'ordonnance
de fon plan , pour le feul arrondiffement
du chevet dont il n'a pû venir
à bout , y rencontrant des inconvéniens
inévitables , de fon aveu ? ce qui l'a fait
conclure , fur ces confidérations , que le
mieux feroit de fe paſſer de rond - point :
c'eft auffi le parti qu'il a pris , fe réduifant
à la fimple ligne droite & aux angles
droits.
Cependant les célebres Architectes de
la nouvelle Rome , qui ont penfé (comme
lui ) qu'il fuffifoit de faire un édifice quel
conque d'une belle architecture , fans vifer
qu'à la fingularité de la compofition ,
n'ont pas été arrêtés par les difficultés
qui ont effrayé le nôtre , comme on le
1
158 MERCURE DE FRANCE.
w
A
voit dans les Eglifes dont Bonarotti
( ou Michel Ange ) les Cavaliers Bernin
, Borromini , Rainaldi , Volateran
Berretin , & quelques autres , ont été
les Architectes faifant des arrangemens
circulaires ou elliptiques de plu
fieurs chapelles autour du grand corps
de l'édifice , variées de toutes fortes de
figures agréables à la vûe , mais déplacées
pour une églife , en ce qu'elles en divifent
trop les objets , obligeant les fideles
affiftant au facrifice célebré fur différens
autels en même tems , de fe tourner
en tout tems , en fituations relativement
indécentes , dos à dos , de côté
& en face affez près pour fe toucher ,
ce qui ne peut manquer de caufer des
diftractions involontaires. Tel eft auffi à
peu près l'effet de la diftribution de lu
miere dans l'églife dont il s'agit , de la
compofition de notre auteur , dont les
rayons venant de tous côtés comme d'une
lanterne de vitraux qui enveloppent'
fans interruption fon fecond ordre de ,
colonnes ifolées , ne peuvent manquer
d'occuper , d'éblouir & de diftraire les fideles
en prieres , particulierement ceux
qui feront tournés au grand autel , dont
les yeux feront directement frappés des
rayons du haut & du bas ; en quoi n'ont
MAT 1755 154
92
pas péché nos Architectes modernes qui
ont appliqué l'autel principal contre le
mur de fond , qu'ils ont décoré d'un ta
bleau , & c. mais auffi ils ont péché contre
l'ancien ufage d'ifoler l'autel , autour du?
quel les cérémonies de l'Eglife exigent
qu'on puiffe tourner en certaines occa
fions , fuivant le rituel où il eft dit , Sacerdos
circuit ter altare , ufages dont ils n'ont
peut- être pas été inftruits , ou auxquels ils
ne fe font pas cru obligés d'avoir égards
comme le nôtre , en ce qui concerne la
figure des autels . 9al soulmů 33 un dị
Il veut , d'après une nouvelle mode qui
s'établit depuis peu , qu'on le faffe en tombeau
, fur un faux préjugé que ceux des
premiers fiecles étoient de même , parce
qu'on célébroit les faints myfleres fur les
tombeaux des Martirs ; ce qu'il faut entendre
des feuils endroits où il s'en trouvoir
, car il n'y en avoit pas par-tours &
quand il y en auroit eu , ce n'eft pas une rai
fon, car ils n'étoientpas immédiatement ſur
la caille ? mais au deffus du lieu où
repo
foient leurs corps , comme il confte par le
grand autel de S. Pierre de Rome , qui
eft bien fitué au deffus de ce qui nous
refté de feliques de S. Pierre & de S.
Paul ; cependant il n'eft pas fait en forme
de tombeau , quoiqu'il fort au deffus de
160 MERCURE DE FRANCE.
la chapelle fouterreine où elles font , à
laquelle on defcend ( comme je l'ai fait )
par un magnifique efcalier , dont la baluftrade
de marbre eft bordée d'une trèsgrande
quantité de lampes toujours allu
mées. Il fe peut qu'on ait fait fervir ,
par extraordinaire , la couverture d'un
tombeau de table pour le facrifice ; mais
j'ai prouvé que dans toutes les églifes
qui ont été faites neuves pendant les premiers
fiecles , l'autel y a toujours été fait
en forme de table , laquelle eft plus analogue
& fignificative que toute autre ,
de l'inftitution du S. Sacrement , faite
pendant le foupé de la Pâques , ce que
tout le monde fçait , & que l'Eglife
chante de la profe de S. Thomas d'Aquin
, quod in facra menfâ coena datum
non ambigitur.
1
Puifque le R. P. n'a rien répliqué aux
preuves que j'en ai données , il femble
que je puis préfumer qu'il en convient
fuivant la maxime que qui tacet commentire
videtur ; en ce cas il auroit pû, fe
faire honneur de cette docilité qu'il avoit
annoncée , en difant qu'on ne lui trouve
roit point d'entêtement.
Après avoir difcuté la difpofition de
fon églife , il refte à examiner fa confruction
, dont l'auteur de l'examen de
MA I..
1755.
161
fon effai fur Architecture a dreffé un
plan que le R. P. n'a point méconnu ,
quoiqu'il ait été gravé & publié , parce
qu'il eft exactement conforme au fien , qui
contient des chofes fi extraordinaires qu'on
ne peut s'empêcher d'en appercevoir les
défauts de régularité & de folidité.
Premierement quant à la régularité ,
à la feule infpection
de ce plan on eft
choqué du défaut de fymmétrie
dans l'arrangement
de fa colonnade
le long de
la nef & de la croifée , en ce que les
colonnes font accouplées
fuivant le modele
du portique
du Louvre , excepté
aux angles faillans de la rencontre
des
files de la nef & de la croifée , au fommet
defquels
il n'y en a qu'une à chacun
: or il eſt évident que c'eft là tout au
contraire
où cet accouplement
étoit plus
convenable
, & même plus néceffaire
qu'ailleurs
, pour donner de la culée à la
pouffée
des platebandes
, qui forment
les architraves
en retour à angle droit
de forte qu'outre
la beauté de la fymmétrie
il fe trouve de plus une néceffité
de
folidité.
Je fens bien que notre Architecte ayant
eu intention de prolonger l'alignement.
de fes bas côtés , comme il le dit dans
fon Effai , ( page 217 ) il n'auroit pu
162 MERCURE DE FRANCE.
ajouter une colonne à chaque retour de
l'angle , fans interrompre cet alignement ,
à quoi je ne lui vois pas de réponſe , que
celle qu'il a faite au reproche de l'enga
gement de fes colonnes dans les murs ,
qu'à néceffité il n'y a point de loi ; mais
celui qui péche dans la caufe n'eſt pas
excufable dans l'effet , c'eſt une maxime reçue
; il ne devoit donc pas s'engager dans
une ordonnance de deffein qui entraînoit
une telle faute néceffairement. Lorfque
le P. Cordemoy , dont il adopte les
idées jufqu'à les copier par-tout , propo
foit celle de Perrault fur l'accouplement
des colonnes , il ne parloit que d'une
nef d'églife , fans faire mention des retours
de la croifée , où l'on ne peut en
mettre moins de trois à chaque angle
faillant , celle du fommet ou pointe de
cet angle étant équivalente à deux , pour
faire face d'un couple de côté & d'au-'
tre.
Le fecond défaut qui concerne la folidité
, a été fuffifamment démontré dans
le livre intitulé , Examen de l'Efai fur
Achitecture de notre Auteur ; il eft er
effet vifible à tour homme qui eft initié
dans la conftruction , qu'une feule
colonne eft abfolument incapable de réfifrer
à une double pouffée des plateban
M A I. 1755. 163
1
des qui concourent à un angle droit ,
où elles pouffent au vuidé fuivant la
prolongation de la diagonale , quand
même ces platebandes ne feroient char
gées que du poids de leurs claveaux . II
n'eft pas néceffaire que j'infifte fur les
défauts déployés dans une douzaine des
pages du livre que je cite.
Cependant le R. P. ne fé tient pas pour
convaincu du rifque d'une fubverfion de
fon édifice , depuis qu'il a appris qu'on
faifoit préfentement des voûtes extrêmement
legeres , & fi bien liées dans les
parties qui la compofent , qu'on prétend
qu'elles ne pouffent point ; ce qui tran
che ( dit-il toutes les difficultés de folidi
té qu'on trouve à fon idée d'églife. Ce
font ces voûtes de briques pofées de plat
& doublées de même en plâtre , qui ont
été exécutées depuis long- tems en Rouffillon
, dont M. le Maréchal de Belle
Ifle a fait des épreuves il y a cinq ou
fix ans. S'il eft vrai ( ajoute cet Auteur )
qu'elles ne pouffent point , je n'en fais point
d'autres , me voilà délivré de l'embarras
» de la dépenfe , & de la mauffaderie
» des contreforts ; toute ma nef du haur
en bas eft en colonnes ifolées , je me
» contente d'envelopper tout le fecond
ordre par des vitraux continus , & fans
•
164 MERCURE DE FRANCE :
>> interruption- mon églife devient l'ou
" vrage le plus noble & le plus délicat ».
On pourroit ajouter & tellement foible ,
qu'il ne feroit pas étonnant qu'il fût culbuté
par un coup de vent , comme un
jeu de quilles , fuppofé qu'il eût été affez
équilibré pour ne s'être pas écroulé
avant que d'avoir été totalement achevé.
Avant que de donner fa confiance à
cette nouveauté , il y a encore bien des
chofes à confidérer .
Premierement qu'on ne peut indifféremment
exécuter ces voûtes en tous
lieux , parce qu'il y a plufieurs cantons
de provinces où il n'y a ni bonnes briques
, ni plâtre , mais feulement de la
chaux , du moilon & des pierres detaille
, comme ici à Breft , où l'on eft obligé
de faire venir de loin ces matériaux.
D'où il fuit que la dépenfe de ces auvrages
douteux excéderoit de beaucoup
celle de l'exécution fûre des yoûtes faites
à l'ordinaire , avec les bons matériaux
que l'on trouve fur les lieux.
Secondement qu'il eft fort incertain
que ces voûtes legeres en briques de plat
ne pouffent point du tout. Cette affertion
n'eft fondée que fur la fuppofition d'une
liaifon i folide , que les parties ne
forment plus qu'un feul corps d'égale
MA I. 1755. 165
confiftance , & par-tout uniforme , puifque
leur arrangement de pofition ne
concourt en rien à les foutenir mutuellement
, comme dans celui des voûtes de
pierres en coupe , auquel cas la folidité
dépend uniquement des excellentes qualités
des matériaux , lefquelles ne font ni
par- tout , ni toujours également conftantes
, de forte qu'on rifque tout fur leurs
moindres défauts ; les briques mal cuites
, ou de mauvaife pâte de terre , le
plâtre éventé ou mal gâché , ou employé
à contre-tems , peuvent empêcher cetre
confiftance uniforme & inébranlable qui
doit en réfulter . Puis le plâtre s'énerve
par les impreffions de l'air dans une fucceffion
de tems qui ne va pas à un fiecle
, mais feulement ( à ce qu'on dit ) a
la durée de la vie d'un homme bien
conftitué , après quoi il devient pouf,
c'eft-à-dire farineux ( fuivant le langage
des ouvriers ) ; ainfi il n'y auroit pas de
prudence de hazarder la perte d'un édi-
-fice auffi confidérable qu'eft celui d'une
églife , qui doit être faite pour durer
des fiecles , fur une conjecture qui fuppofe
qu'une voûte ne doit point pouffer , &
toujours fubfifter , quoique d'une largeur
de diametre ordinairement de 36 à 42
pieds d'étendue , qui excéde de beaucoup
་
166 MERCURE DE FRANCE.
celle des édifices pour l'habitation , dong
on a fait des épreuves.
"
On fçait que la pefanteur agit continuellement
, quoiqu'infenfiblement ; nous
en avons l'exemple dans les bois de la
meilleure confiftance , dont elle fait
alonger les fibres qu'elle ne peut
ne peut caffer.
Une poutre bien dreffée & pofée de niveau
, fans être chargée d'aucun poids
que de celui de fes parties , fe courbe
peu à peu en contre-bas ; & l'on voit
tous les jours des voûtes de bonne maçonnerie
, dont le mortier a fait le corps
depuis long-tems , s'ouvrir vers les reins ,
environ à 45 degrés , lorfque la réfiftan-
-ce des piédroits s'eft trouvée trop équilibrée
, ou diminuée par les moindres
accidens. On en a une preuve bien facheufe
& inquiétante encore aujourd'hui,
par la lézarde ou crevaffe qui s'eft faire
au grand dôme de l'églife de S. Pierre
de Rome , plus de 80 ans après fon édification
& perfection . Sur de telles ex-
-périences , un Architecte feroit inexcufable
de rifquer une conftruction vifiblement
trop foible.
-
•
C
On peut mettre dans le rang des idées
pittorefques celle d'envelopper tout le fecond
ordre de fon église , qui n'est que de
colonnes ifoléés par des vitraux continus
MAI.
1755 167
>
fans interruption , laquelle étant une
nouveauté inattendue fait tomber les
objections que j'avois fait concernant la
néceffité des bafes au rez de chauffée ,
pour foutenir un mur d'enceinte au fecond
ordre , où je comptois que devoient
être les bayes des vitraux , ouverts à dif
tances convenables dans les entre- colonnemens.
Mais il dit formellement que
tout eft vuide d'une colonne à l'autre , fans
aucune espece de piédroit . Tout étant
fupprimé par ce fyftême , l'objection que
je faifois eft du vieux ftyle , on ne bâtira
plus comme par le paſſé.
.
Il nous refte encore à examiner fon
idée d'une voûte à faire fur le milieu
de la croifée des deux berceaux qui couvrent
la nef & la traverfe de la croix de
fon plan , laquelle feroit ( comme je l'ai
dit ) tout naturellement une voûte d'arête
, qu'il trouve , ainfi que la plupart
des Architectes , trop fimple pour une
églife de goût , à laquelle on fubftitue
ordinairement un dôme , fuivant l'Architecture
moderne de la plupart des églifes
d'Italie , pour donner de la nouveauté ;
il rejette cette conftruction , & en fubftitue
une autre , qu'il avoit annoncée
dans fon Effai , d'une maniere fi myſtéricufe
qu'on ne pouvoit deviner que ce
168 MERCURE DE FRANCE.
fût la chofe du monde la plus ordinaire
qu'il a dévoilé dans fa réponſe à mes
remarques , par laquelle on voit que ce
n'eft plus qu'une voûte fphérique en pan .
dantif : en cet endroit ( dit - il ) on peut
» conftruire toute forte de voûte en cul-
» de-four , & en pandantif , qui empêche
( ajoute-t- il ) que fur les quatre
grands arcs-doubleaux , on éleve des
>> enroulemens qui , fuivant la diminution
» pyramidale , aillent ſe réunir à un couronnement
en portion de ſphere , rempli
par une Gloire ou une Apothéose.
» Ce centre de croifée couvert par une
» voûte ainfi percée à jour & décorée avec
» hardieffe , n'auroit- il pas quelque chofe
» de très-brillant & tout- à- fait pittoref
que ? Sans doute , c'eft un beau fujer de
décoration de théatre , fi les édifices fe
faifoient avec la même facilité que les
peintures , & n'exigeoient pas plus de
précaution ; mais malheureufement on
eft affujetti à la folidité & aux moyens
de prendre le jour fans percer plus haut
qu'il ne faut pour le ménager , & pourvoir
à l'écoulement des eaux de pluie ,
enforte qu'elles ne tombent point par ces
pans de la couverture
des combles qui fe croifent , ainfi que
les yoûtes des berceaux qu'ils couvrent ,
ouvertures : or les
ne
MA I.
1755. 169
ne laiffent pas de paffage à la lumiere fi
on ne s'élève au-deffus , auquel cas on,
retombe dans la néceflité de la conftruction
d'un dôme fur une tour à l'ordinaire , que
PAuteur condamne d'après fon maître le
P. Cordemoy , qui leur reproche du porteà-
faux .
On a lieu d'être furpris que quoiqu'il
ait profcrit les arcs doubleaux dans fon
effai , il en fafle ici mention , & qu'il y appuie
les enroulemens qui doivent porter la
coupole de l'apothéofe en cul de four , parce
qu'on y trouve plufieurs inconvéniens ;
l'un , que les affiettes de leur baſe devant
être de niveau entr'elles , elles ne peuvent
être pofées que fur les quatre clefs des arcs
doubleaux qui font dans cette fituation relative
, & ces parties ( les plus foibles des
voûtes ) ne paroiffent gueres convenables
pour foutenir ces enroulemens , qui , comme
de fimples nervûres , font chargées du
poids de la calotte fphérique . Secondement
parce que leur nombre ne fuffiroit pas pour
porter le contour de ce fegment , ainfi
percé à jour , à moins qu'il ne fût très-petit
, en approchant beaucoup de fon pôle ,
auquel cas , fi l'on enveloppe les enroulemens
de vitraux continus , comme il fait
à l'égard des colonnes du fecond ordre , ils
deviendront auffi fphériques en portions
H
170 MERCURE
DE FRANCE.
inclinés en furde
trapezes
courbes
plomb.
:
,
Les fera - t - on ainfi alors il faut renvoyer
l'exécution de ce projet à la côte du
Pérou , comme à Lima où il ne pleut jamais
mais fi l'on ne croit pas pouvoir les
faire de même à caufe de l'inconvénient de
l'écoulement des eaux de pluie , on fera
obligé , pour le faire à plomb & en abajour
, d'élever une tour fur la croifée des
berceaux , portant à faux fur les pandantifs,
& alors on retombe dans la conftruction.
ordinaire des dômes , ou du moins des
demi- dômes , plus ou moins élevés extérieurement
, fuivant le diametre de la voû
te fphérique , à laquelle cette tour fera
circonfcrite , fans paroître dans l'intérieur
que comme un-cul- de four en pandantif ,
portant immédiatement fur les panaches ,
élevés fur un pan coupé des angles faillans
de la croifée.
Cette conftruction n'a rien d'extraordi
naire ; nous en avons mille exemples , particulierement
à Rome dans les églifes de
Sainte Marie in Porticu , du deffein du Cavalier
Rainaldi ; à Sainte Marie in Vallicella
, de celui du vieux Longo ; à S. Charles
des quatre Fontaines , de celui du Cavalier
Borromini ; & fans aller fi loin , au Noviciat
des Jéfuites de Paris , excepté que cetMAI.
1755. 171
7
tere conftruction y eft fans grace , en ce que
les pandantifs n'y font pas féparés de la
calotte fphérique par une corniche horizontale
, qui lui forme une baſe , & met
à part une figure réguliere plus agréable à
la vûe que celle qui eft échancrée par les
lunettes des berceaux pénétrant la furface
fphérique ; fecondement , parce que le
fommet , ou fond de cette furface concave,
y eft obfcur , fon enfoncement n'étant pas
éclairé d'une lanterne comme dans les
églifes citées , où cette partie eft brillante
par une lumiere célefte , qui y defcend
naturellement , au lieu qu'au Noviciat elle
ne l'eft que par un peu de reflet qui renvoie
la lumiere de bas en haut ; ce défaut
que l'auteur de l'examen de l'Effai a déja
remarqué au fommet des berceaux qui
couvrent la nef & la croifée de fon églife
, eft encore ici plus remarquable , parce
que le reflet vient de plus loin , & remonte
plus haut . Je paffe fur un autre défaut
de largeur du pan coupé à chaque
angle de la croifée , lequel eft trop petit
pour fervir de baſe au panache.
Nous voilà donc au fait de cette voûte
de croifée d'églife , qui avoit été annoncée
comme une nouvelle invention , & qui
n'eſt rien moins . » C'étoit ( dit- on ) une
»forte de baldaquin , en façon de dôme ›
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
ود
» d'un deffein léger , qui puiffe fympathi
» fer avec l'idée de voûte ; dès lors ( ajoû
» toit l'auteur ) point de colonne , & rien
» de ce qui a befoin de porter dès les fondemens
, & un Architecte comprendra
fans peine les raifons qui me détermi-
» nent de propofer ainfi pour défigner une
» voûte qui aura toute la fingularité , tous
» les avantages des dômes fans en avoir les
inconvéniens .
"
,
11 eft clair qu'en admettant toutes ces
conditions à la lettre , il ne fatisfait en
aucune façon au problême. 1 ° . On ne peut
fon cul-de-four en pandantif pas dire que
ne porte fur rien qui vienne des fondemens
& qu'il n'y ait point de colonne , puifqu'il
y en a quatre , une à chaque angle faillant
de la croifée au rez de chauffée , & une
feconde en échafaudage au - deffus pour le
fecond ordre , ce qui en fait huit , à tout
compter ; la fupérieure fervant à porter le
pied du pandantif , porte fur la premiere
établie au rez de chauffée , par conféquent
dès lesfondemens : enfuite , le pandantif
établi fur ces colonnes , porte & rachete la
calotte fphérique de l'apothéofe ; donc par
une induction bien raifonnée , elle porte
dès les fondemens ; donc cette conſtruction
ne fatisfait point au problême.
Mais oferoit - on faire l'analyfe de ce
M.A I. 1755 173
fupport de tant de fardeaux ? on trouvera
qu'il fe réduit à une arête verticale de
l'angle faillant de l'architrave du premier
ordre , laquelle porte elle-même à faux ,
comme nous l'avons démontré ci - devant
dans l'examen de la fonction d'une colonne
fous un angle faillant.
Nos Architectes qui refpectent les principes
de l'art , font ordinairement un pan
coupé dans les angles de cette efpece, pour
y trouver un peu de baſe horizontale au
panache qui doit racheter le cul-de-four .
Pour finir , je pafferai fous filence bien
des chofes que j'aurois à dire fur la nouvelle
architecture en filigramme ; par
exemple , fur les pentes à ménager aux toîts
des bas côtés pour l'écoulement des eaux de
pluie , qu'on ne peut diriger qu'en s'élevant
du côté de la nef , & mafquant une
partie des vitraux du fecond ordre , lequel
eft établi immédiatement au -deffus de l'architrave
du premier , regnant de niveau
avec l'égoût extérieur des plafonds des bas
côtés , & de plus des chapelles qui l'écartent
encore du corps de la nef , d'où fuit
une plus grande hauteur de pente à donner
à cette partie inférieure qui reçoit auffi
l'égoût d'un côté du grand comble. J'en
pourrois dire autant & plus à l'égard du
baldaquin pittoresque ; mais je veux mon-
Hiij
374 MERCURE DE FRANCE.
trer que je ne cherche pas matiere à criti
quer , n'ayant d'autre intention que celle
de rendre ma réplique utile.
Au refte , je fuis très - obligé au R. Pere
Laugier de la maniere obligeante dont il
a parlé de moi dans fon prélude ; je lui en
fais mes très-humbles remercimens , fans
attention à ce que ce procédé de politeffe
ne s'eft pas toujours foutenu dans certains
momens où il lui a échapé des qualifications
de difcours , dont j'ai montré l'injuftice
; de forte qu'elles étoient réversibles
de droit à celui qui les avoit données malà-
propos , fi la qualité de Philofophe dont il
m'honore , & que je fais gloire de foutenir
en bonne part , ne me mettoit infiniment
au- deffus de ces petiteffes.
A Breft , le 2 Nov. 1754. FREZIER.
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Résumé : RESULTAT de la dispute entre le P. Laugier & M. Frezier, concernant le Goût de l'Architecture.
Le texte présente une dispute littéraire entre le Père Laugier et M. Frezier concernant le goût en architecture. Frezier affirme qu'il n'existe pas de beau essentiel en architecture, en raison des variétés des goûts particuliers de chaque nation et de leurs variations au fil du temps. Laugier, au contraire, soutient la possibilité d'une telle beauté, bien que aucun architecte n'ait encore réussi à la montrer dans ses ouvrages. Frezier critique Laugier pour sa contradiction concernant une église bâtie à Pékin, appréciée par les Chinois selon Laugier, mais non par le frère Attiret. Dans la seconde partie de la dispute, Laugier change d'avis et attaque Frezier sur la question des proportions harmoniques en architecture. Frezier répond que les architectes anciens et modernes n'ont jamais pensé à ces principes scientifiques, ce que Laugier conteste en suggérant que les architectes pourraient avoir trouvé le vrai par intuition. La dispute se poursuit sur la question des pilastres, que Laugier considère comme des innovations issues de l'ignorance. Frezier démontre que les pilastres sont essentiels pour soutenir les angles des entablements, contrairement aux colonnes. Laugier propose une solution pour éviter le porte-à-faux, mais Frezier la critique comme étant ridicule et ignorante. Frezier explique ensuite l'utilité des pilastres dans les habitations, soulignant que les colonnes ne peuvent pas servir de support dans ces contextes. Il conclut que les pilastres sont préférables aux colonnes pour des raisons pratiques et esthétiques. Le texte aborde également les proportions et la beauté des ordres architecturaux, soulignant que la colonne doit être vue perpendiculairement au mur pour que sa proportion soit respectée. Il critique l'enclavement des colonnes dans les murs, affirmant que cela altère leur beauté architecturale. Il compare les colonnes aux pilastres, notant que ces derniers, contrairement aux colonnes, ne perdent pas leur apparence en étant enclavés. Le texte discute des dispositions des églises, soulignant que le Père propose des plans sans se soucier de la conformité avec les usages anciens. Il critique la liberté excessive dans la conception des églises modernes, qui néglige la majesté du lieu et les cérémonies liturgiques. Il examine la construction de l'église proposée par le Père, critiquant le manque de symétrie et de solidité dans le plan. Il souligne que les colonnes isolées aux angles ne peuvent résister aux poussées des platebandes, ce qui compromet la stabilité de l'édifice. Enfin, le texte aborde les défis et les incertitudes liés à l'utilisation de nouvelles techniques de construction pour les voûtes d'églises. Il souligne plusieurs points critiques : l'indisponibilité de matériaux de qualité dans certaines régions, la solidité des voûtes légères en briques de plat, et les effets de la pesanteur sur les structures. Il critique une proposition de voûte sphérique en pendentif, jugée trop fragile et inadaptée aux contraintes climatiques. Le texte conclut que la nouvelle proposition de voûte ne répond pas aux exigences de solidité et de durabilité, et qu'elle nécessite des fondations et des supports similaires aux méthodes traditionnelles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 174-176
HORLOGERIE. Lettre de M. le Paute à M. de Boissy.
Début :
Monsieur, la personne qui a bien voulu se charger à mon insçu de faire annoncer [...]
Mots clefs :
Cadrans
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HORLOGERIE. Lettre de M. le Paute à M. de Boissy.
HORLOGERIE.
Lettre de M. le Paute à M. de Boiffy.
Moni
Onfieur, la perfonne qui a bien voulu
fe charger à mon infçu de faire annoncer
dans le Mercure de Mars dernier
lesnouveaux cadrans que je fubftitue depuis
quelque tems aux cadrans d'émail , ignoroit
probablement que l'on avoit tenté avant
MA I. 1755. 175
moi divers moyens pour remplir le même
objet , ou a négligé d'en faire mention .
Cette omiffion a donné lieu à M. Dupont ,
Horloger de Paris , de croire que c'étoit
d'après lui que j'avois travaillé ; & j'ai
appris que plufieurs perfonnes croyoient
qu'en effer mes cadrans étoient les mêmes
que les fiens. Il eft vrai que depuis quelques
que tems il a employé des cadrans plats
dans lesquels les heures & minutes font
peintes für le verre , & dont le fond eft
une couche de maftic d'un affez beau blanc
appliquée fur le verre ; le prix d'ailleurs
de ces cadrans eft confidérable. Comme
ceux que l'on a vûs chez moi , Monfieur ,
font abfolument différens de ceux -là , qu'ils
n'y ont même aucun rapport , puifque je
n'emploie ni couleurs ni inaftic , ni quoi .
que ce foit qui ait rapport à la peinture
& qu'ils font imprimés , je vous prie de
vouloir bien prévenir l'erreur à cet égard .
Les miens d'ailleurs font d'un blanc plus
éclatant , d'un prix beaucoup moindre
ceux dont je viens de parler , le verre peut
être brifé fans perdre pour cela le cadran ;
chacun peut s'en affurer
foi-même en
les voyant chez moi.
par
J'ai l'honneur d'être , &c.
Ces Avril 1755.
que
LE PAUTE:
>
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
LE S. LE
MAZURIER ,
Horlogeri
eft auteur d'une pendule à fecondes ,
fonnerie & à remontoir , dont le mouvement
n'a qu'une feule roue. Nous donnerons
le mois prochain le rapport de l'Académie
royale des Sciences fur cette piéce.
L'Artiſte , non content de la grande fimplicité
où il a fçu l'amener , a eu l'attention
d'y obferver une forme
extrêmement
gracieufe ; ce qui lui a donné lieu d'y ajuſter
un cadran de glace , au travers duquel
on apperçoit tous les effets.
On pourra la voir chez l'auteur tous les
jours de travail , depuis trois heures après
midi jufqu'à cinq.
Il demeure rue de la Harpe , à la Pendule
, au premier étage , près le College
d'Harcourt.
Lettre de M. le Paute à M. de Boiffy.
Moni
Onfieur, la perfonne qui a bien voulu
fe charger à mon infçu de faire annoncer
dans le Mercure de Mars dernier
lesnouveaux cadrans que je fubftitue depuis
quelque tems aux cadrans d'émail , ignoroit
probablement que l'on avoit tenté avant
MA I. 1755. 175
moi divers moyens pour remplir le même
objet , ou a négligé d'en faire mention .
Cette omiffion a donné lieu à M. Dupont ,
Horloger de Paris , de croire que c'étoit
d'après lui que j'avois travaillé ; & j'ai
appris que plufieurs perfonnes croyoient
qu'en effer mes cadrans étoient les mêmes
que les fiens. Il eft vrai que depuis quelques
que tems il a employé des cadrans plats
dans lesquels les heures & minutes font
peintes für le verre , & dont le fond eft
une couche de maftic d'un affez beau blanc
appliquée fur le verre ; le prix d'ailleurs
de ces cadrans eft confidérable. Comme
ceux que l'on a vûs chez moi , Monfieur ,
font abfolument différens de ceux -là , qu'ils
n'y ont même aucun rapport , puifque je
n'emploie ni couleurs ni inaftic , ni quoi .
que ce foit qui ait rapport à la peinture
& qu'ils font imprimés , je vous prie de
vouloir bien prévenir l'erreur à cet égard .
Les miens d'ailleurs font d'un blanc plus
éclatant , d'un prix beaucoup moindre
ceux dont je viens de parler , le verre peut
être brifé fans perdre pour cela le cadran ;
chacun peut s'en affurer
foi-même en
les voyant chez moi.
par
J'ai l'honneur d'être , &c.
Ces Avril 1755.
que
LE PAUTE:
>
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
LE S. LE
MAZURIER ,
Horlogeri
eft auteur d'une pendule à fecondes ,
fonnerie & à remontoir , dont le mouvement
n'a qu'une feule roue. Nous donnerons
le mois prochain le rapport de l'Académie
royale des Sciences fur cette piéce.
L'Artiſte , non content de la grande fimplicité
où il a fçu l'amener , a eu l'attention
d'y obferver une forme
extrêmement
gracieufe ; ce qui lui a donné lieu d'y ajuſter
un cadran de glace , au travers duquel
on apperçoit tous les effets.
On pourra la voir chez l'auteur tous les
jours de travail , depuis trois heures après
midi jufqu'à cinq.
Il demeure rue de la Harpe , à la Pendule
, au premier étage , près le College
d'Harcourt.
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Résumé : HORLOGERIE. Lettre de M. le Paute à M. de Boissy.
La lettre de M. le Paute à M. de Boiffy clarifie la confusion entourant les nouveaux cadrans d'horlogerie introduits par M. le Paute. Une annonce dans le Mercure de France a omis de mentionner que d'autres méthodes avaient été tentées auparavant, ce qui a conduit M. Dupont, un horloger parisien, à croire que M. le Paute avait utilisé ses idées. Plusieurs personnes pensaient également que les cadrans de M. le Paute étaient identiques à ceux de M. Dupont. Cependant, les cadrans de M. Dupont sont plats, avec des heures et des minutes peintes sur le verre et un fond en mastic blanc, à un prix élevé. En revanche, ceux de M. le Paute sont imprimés sans couleurs ni mastic, d'un blanc plus éclatant et à un prix plus bas. De plus, le verre peut être brisé sans endommager le cadran. M. le Paute demande à M. de Boiffy de corriger cette erreur. Par ailleurs, M. Mazurier a créé une pendule à secondes, sonnerie et remontoir, avec un mouvement simplifié à une seule roue. Cette pendule, d'une forme gracieuse, est équipée d'un cadran en glace permettant de voir tous les effets. Elle est visible chez l'auteur, rue de la Harpe, à la Pendule, au premier étage, près du Collège d'Harcourt, tous les jours de travail de 15h à 17h.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 198-207
ARCHITECTURE.
Début :
Nous avons eu plusieurs fois occasion de parler de l'utilité & du progrès de [...]
Mots clefs :
Jacques-François Blondel, Émulation, Leçon, Dessin, Architecture, Progrès, Goût, Art, Cours d'architecture, Élèves
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE.
ARCHITECTURE.
N de parler de Futilité & du progrès de
Ous avons eu plufieurs fois occafion
l'Ecole des Arts , établie à Paris par M."
Blondel, Profeffeur d'Architecture , rue de
ta Harpe ; mais les foins continuels que
fe donne cet Artifte pour le bien public &
la gloire de fon art , nous fourniffent fouvent
de nouveaux fujets de renouveller les
éloges que nous avons donnés au chef &
aux éleves. Les cours publics d'architecture
que M. Blondel donne chez lui gratuitement
les Jeudis , Samedis & DimanJUI
N. 1755
THELLE
J
ches , divifés
en Cours élémentaires
, de
YON
93
*
tique & de théorie , & que nous avons
annoncés dans les Mercures de Juin 17
& Juillet 1754 , n'ont point diminué fes
attentions pour les élèves qui lui font
confiés ; mais pour rendre fes contemporains
témoins des espérances que
l'on
peut
concevoir des talens naiffans de fes difciples
, M. Blondel a diftribué le 26 du mois
d'Octobre dernier , en préfence d'une affemblée
nombreufe & choifie , les prix
qu'il avoit propofés par divers programmes.
>
Les projets admis au concours furent
jugés par les Académiciens & les Artiſtes
les plus célebres , par les amateurs & les
connoiffeurs les plus éclairés , que le Profeffeur
avoit invités chez lui , & qui fe
font fait un plaifir de feconder par leur
préfence l'émulation des éleves & le zéle de
l'auteur. Douze de ces éleves ont concouru
dans quatre différens genres de talens
dont plufieurs d'entr'eux avoient déja remporté
des prix les années précédentes,
Par le premier programme pour les prix
d'architecture , on demandoit un édifice
public contenant diverfes galeries au
premier étage qui devoit être élevé fur
» un foubaſſement ; quelques -unes de ces
y galeries devoient être deftinées en parti,
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE .
ور
» culier à contenir une bibliothéque , ainfi
» que la collection des eftampes & des
» deffeins des grands maîtres ; les autres
» devoient fervir de dépôt pour les antiques
; les médailles , &c. Il falloit auffi
» dans cet édifice deux magnifiques fal
» lons ; l'un pour contenir les tableaux des
» différentes écoles de l'Europe ; l'autre
" pour raffenibler les diverfes curiofités
» concernant l'hiftoire naturelle ; enforte
que ce temple des fciences , des arts &
» du goût , diftribué avec fymmétrie , &
compofé de formes régulieres & graves (
» devoit fuppofer pouvoir contenir dans
» un même lieu les livres , les manuf
crits , les eftampes , les médailles & les
bronzes qui fe voient à la Bibliothéque
du Roi , rue de Richelieu ; les antiques
» du Louvre , les tableaux du Luxem
bourg , & les cabinets d'hiftoire naturelle
du Jardin royal. Toutes ces diffé
rentes piéces devoient avoir chacune les
dépendances de leur reffort , & fe communiquer
par de grands efcaliers , auf
quels il falloit arriver à couvert dès la
principale entrée de l'édifice .
3
On diftribua pour ce projet trois prix ,
qui confiftoient en trois médailles d'argent
, la premiere d'un marc , &c. Celleci
fut adjugée à Samuel- Bernard Perron s
JUIN. 1755. 201
le cadet , de Poiffi ; la feconde à Jacques
Dumont , de Limoges , & la troiſieme â
Jean-Baptifte Daubenton de Paris .
ខ
"
Par le fecond programme , on exigebit
le projet d'une fontaine propre à être
R érigée au milieu d'une grande place ,
» telle que l'efplanade du pont tournant.
» Cette fontaine devoit être dans le goût:
de celle de la Place Navonne , à Rome ;
le bas pouvoit être compofé d'une archi
» tecture ferme & ruftique , élevée au mi-
» lieu d'un grand baffin de forme variée ;
» ou bien , au lieu d'architecture , on pouvoit
faire ufage de rochers , dont la plus
grande partie percée à jour laifferoit voirt
» des nappes , ou torrens d'eau d'un aſſez ,
gros volume. Au deffus de cette archi-
» tecture ou rocher pouvoient être pla-
» cées plufieurs figures , telles que celles dé
la ville de Paris , celles du commerce ,
» l'abondance , la Seine , la Marne , des
» Nymphes , des Tritons , &c. au milieu
» defquelles devoit s'élever une grande.
"pyramide ou colonne.coloffale enrichie.
» de fculptures relatives au fujet , & termi-,
» née ( en fuppofant qu'on préférât la co-
» lonne à la pyramide ) de la ftatue pé-
» deftre du Prince , ou autrement de fes
armes & fupports . Biogr
Ce prixa été remporté par Jean Raphaël
1
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Servandoni , fils du célebre Peintre &
Architecte de ce nom ; il avoit préferé l'o
bélifque à la colonne.
Le troifieme prix étoit deftiné à celui
des douze concourans qui auroit le mieux
imité un fort beau deffein en encre de
la Chine de Gilles Oppenor , repréſentant
un morceau d'architecture mêlé de figures
& de payfages , du cabinet de M. Perronet.
Il fut adjugé à Bernard Jofeph Perron ;
Paîné , de Poiffi .
·
Le quatrieme enfin étoit un Deffein fur
papier bleu, du cabinet de M. d'Argenville,
original de Noël Coypel , repréfentant un
fujet d'hiftoire romaine : il fut décerné à
Jacques Dumont , de Limoges.
Dans les compofitions qui n'ont point
remporté de prix , on en a remarqué plu
fieurs dignes d'applaudiffemens ; ce qui fir
fouhaiter aux amateurs d'avoir une plus
grande quantité de médailles à diftribuer.
De ce nombre étoient les projets de René
Lamboth ; de Paris ; de Charles Gontard
de Bareith , & de Jacques Heumann ,
d'Hanovre , & c .
A propos de la diftribution de ces prix ,
nous allons donner une idée du plan de
cette école des arts : nous croyons qu'on
verra avec plaifir l'ordre & l'enchaînement
des leçons publiques & particulieres qui
JUIN. 1755. 203
4
teur en a dic s'y donnent. Voici à peu près ce que l'au
lui - même dans divers programmes
qu'il a fait imprimer,
Après plufieurs années d'études , dit- il ,
& après avoir formé plufieurs éleves , dont
quelques- uns font penfionnaires de Sa
Majesté à Rome , & d'autres font de retour
en France , il avoit fenti que fon travail
feroit infuffifant s'il ne le portoit plus
loin , parce qu'il entendoit continuellement
ces élèves même s'écrier , que l'étude que
le Profeffeur leur propofoit , ainfi que
la
connoiffance directe de tous les arts, étoient
ignorées de la plupart des perfonnes de la
profeffion ; que Meffieurs tels & tels ne
fçavoient rien ou très - peu de chofe ; que
la plupart de ceux - même qui ont le plus
de réputation , n'avoient aucune teinture
des mathématiques , & qu'ils deffinoient
médiocrement ; que celui - ci ne poffedoir
bien que la diftribution ; que celui - là n'entendoit
que la partie de la décoration intérieure
, l'un la conftruction , l'autre la
partie du jardinage , &c. que d'ailleurs
la plus grande partie des hommes en place
méconnoiffoient les talens , eftimoient peu
les arts , & regardoient avec indifférence
les Artiftes. Ce langage , qui n'eft que trop
commun & qui n'eft pas fans fondement
eft presque toujours celui de la multitude
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
il contribue infenfiblement à déterminer
moins d'excellens fujets ; il amene au relâ
chement de l'étude , & ne nous fournit
que des hommes fuperficiels.
Pour remédier à un abus auffi préjudiciable
au progrès des arts , pour arrêter le
cours d'un propos fi funefte , & exciter une
véritable émulation chez nos citoyens , M.
Blondel a ouvert gratuitement des leçons
publiques mais pour que ces leçons puffent
tourner au profit de la fociété en
général , il les a préfentées fous différentes
faces , fuivant qu'il a reconnu la néceffité
de parler à chacun le langage qui lui convenoit
. Ce moyen lui a réuffi , ainfi que
l'on devoit s'y attendre . En effet , fon cours
élémentaire conduit néceffairement les
hommes bien nés aux connoiffances dur
beau , leur fraye une route sûre pour juger
pertinemment de nos édifices , les accoutume
à fe dépouiller de tout préjugé natio
nal , & leur fait connoître les auteurs &
les Artiftes les plus célebres : ces lumieres
acquifes de la part des amateurs , devien
nent fans doute une faveur de plus pour
l'Artifte qui veut devenir habile , parce
qu'il conçoit par- là que fes talens feront
préconisés par des hommes éclairés , &
que ce fera autant d'obftacles pour les
hommes médiocres qui oferont moins fe
JUIN. 1755. 205-
: montrer au grand jour. D'ailleurs le
nombre des honnêtes gens qui font attirés
à ce cours élémentaire , contribue à l'ému-}
lation qui regne dans cette école : il infpire
aux éleves qui font confiés au Profeffeur
le defir de s'inftruire , les engage à la dé->
cence , & excite en eux l'amour du bien ;
autant de motifs infaillibles pour former à
l'avenir des chefs intelligens..
Son cours de théorie eft deſtiné , non
feulement aux jeunes Architectes , mais
aux Peintres , Sculpteurs , Décorateurs ,
Graveurs , qui fe trouvant ainfi raffemblés , 1
& conférant enfemble à certains jours !
nommés , s'entrecommuniquent leurs dis
verfes connoiffances , leurs découvertes ,
leurs productions , & s'entretiennent utilement
des fciences & des arts. Le Géomé-:
tre acquiert du goût ; l'Artifte regle fes :
idées par le fecours du Mathématicien :>
tous fe réuniffent avec le Profeffeur. pour
vifiter avec fuccès les édifices du fiecle
paffé , & fe procurent une entrée libre
dans les atteliers de nos célebres Artiftes.i
Les bibliothèques , les édifices facrés , les
maifons royales , les cabinets des curieux ,
s'offrent à leurs regards ; en un mot , tout
devient commun entr'eux ; de là la route
des arts plus facile , l'étude plus agréable ,
& les progrès plus sûts.
206 MERCURE DE FRANCE.
Son cours de pratique deſtiné aux ouvriers
du bâtiment , met le comble à l'entrepriſe.
Quatre - vingt hommes tous les
Dimanches & Fêtes occupent pendant la
matinée leur loifir à puifer dans cette,
école les différentes connoiffances dont ils
ont befoin. Le Maçon , le Charpentier , le
Menuifier , le Serrurier , y viennent ap-;.
prendre la géométrie pratique , & les prin- i
cipes relatifs à leur profeffion ; tout l'après-
midi ces mêmes hommes font occupés
à l'exercice du deffein dans différens gen-:
res. Mais pour porter plus loin la perfection
du goût , M. Blondel reçoit auffi dans
fes leçons l'Orfevre , le Bijoutier , le Cifeleur
, & c. on leur communique d'excel
lens originaux , & ils font corrigés exac
tement par des Profeffeurs & par les plus!
anciens éleves reconnus capables ; enforte
que le praticien , le théoricien , l'homme
de goût , font un tout qui encourage le
débutant , affermit l'homme déja capable ,
& donne lieu d'efpérer qu'avant peu d'années
la beauté des formes , l'élégance des
contours , la fymmétrie , reprendront le
deffus & la place des ornemens chiméri- .
ques & hazardés , dont tous les arts de
goût fe font reffentis depuis près de vingt
années *.
* J'ai eu la curiofité d'aller un Dimanche
JUIN. 175.5. 207
En un mot , cette école renouvellant
dans Paris celle d'Athènes , réunit les arts
utiles & les arts agréables : l'architecture ,
les mathématiques , la figure & le deffein
en général , la ſculpture , les fortifications,
la coupe des pierres , font autant de parties
qu'on y enfeigne avec émulation & fuccès.
Quels éloges ne mérite donc pas le fondateur
d'un établiffement fi avantageux à la
fociété ! peut-il être trop préconifé , foutenu
& autorifé ? Le zele infatigable & les
talens décidés de l'Auteur ne font-ils pas
dignes des plus hautes récompenfes & de
la reconnoiffance du public ?
matin fur les dix heures , pour juger par moimême
de l'utilité de ce cours dont on m'avoit
parlé fi avantageufement , & je dois avouer que
j'ai été frappé de l'ordre , de l'exactitude , de l'ardeur
& de l'émulation que j'ai remarquées , tant de
la part des artifans , que de celle des Profeffeurs &
du Chef, dent la capacité , la politeffe & le zele
ne fçauroient être trop applaudis,
N de parler de Futilité & du progrès de
Ous avons eu plufieurs fois occafion
l'Ecole des Arts , établie à Paris par M."
Blondel, Profeffeur d'Architecture , rue de
ta Harpe ; mais les foins continuels que
fe donne cet Artifte pour le bien public &
la gloire de fon art , nous fourniffent fouvent
de nouveaux fujets de renouveller les
éloges que nous avons donnés au chef &
aux éleves. Les cours publics d'architecture
que M. Blondel donne chez lui gratuitement
les Jeudis , Samedis & DimanJUI
N. 1755
THELLE
J
ches , divifés
en Cours élémentaires
, de
YON
93
*
tique & de théorie , & que nous avons
annoncés dans les Mercures de Juin 17
& Juillet 1754 , n'ont point diminué fes
attentions pour les élèves qui lui font
confiés ; mais pour rendre fes contemporains
témoins des espérances que
l'on
peut
concevoir des talens naiffans de fes difciples
, M. Blondel a diftribué le 26 du mois
d'Octobre dernier , en préfence d'une affemblée
nombreufe & choifie , les prix
qu'il avoit propofés par divers programmes.
>
Les projets admis au concours furent
jugés par les Académiciens & les Artiſtes
les plus célebres , par les amateurs & les
connoiffeurs les plus éclairés , que le Profeffeur
avoit invités chez lui , & qui fe
font fait un plaifir de feconder par leur
préfence l'émulation des éleves & le zéle de
l'auteur. Douze de ces éleves ont concouru
dans quatre différens genres de talens
dont plufieurs d'entr'eux avoient déja remporté
des prix les années précédentes,
Par le premier programme pour les prix
d'architecture , on demandoit un édifice
public contenant diverfes galeries au
premier étage qui devoit être élevé fur
» un foubaſſement ; quelques -unes de ces
y galeries devoient être deftinées en parti,
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE .
ور
» culier à contenir une bibliothéque , ainfi
» que la collection des eftampes & des
» deffeins des grands maîtres ; les autres
» devoient fervir de dépôt pour les antiques
; les médailles , &c. Il falloit auffi
» dans cet édifice deux magnifiques fal
» lons ; l'un pour contenir les tableaux des
» différentes écoles de l'Europe ; l'autre
" pour raffenibler les diverfes curiofités
» concernant l'hiftoire naturelle ; enforte
que ce temple des fciences , des arts &
» du goût , diftribué avec fymmétrie , &
compofé de formes régulieres & graves (
» devoit fuppofer pouvoir contenir dans
» un même lieu les livres , les manuf
crits , les eftampes , les médailles & les
bronzes qui fe voient à la Bibliothéque
du Roi , rue de Richelieu ; les antiques
» du Louvre , les tableaux du Luxem
bourg , & les cabinets d'hiftoire naturelle
du Jardin royal. Toutes ces diffé
rentes piéces devoient avoir chacune les
dépendances de leur reffort , & fe communiquer
par de grands efcaliers , auf
quels il falloit arriver à couvert dès la
principale entrée de l'édifice .
3
On diftribua pour ce projet trois prix ,
qui confiftoient en trois médailles d'argent
, la premiere d'un marc , &c. Celleci
fut adjugée à Samuel- Bernard Perron s
JUIN. 1755. 201
le cadet , de Poiffi ; la feconde à Jacques
Dumont , de Limoges , & la troiſieme â
Jean-Baptifte Daubenton de Paris .
ខ
"
Par le fecond programme , on exigebit
le projet d'une fontaine propre à être
R érigée au milieu d'une grande place ,
» telle que l'efplanade du pont tournant.
» Cette fontaine devoit être dans le goût:
de celle de la Place Navonne , à Rome ;
le bas pouvoit être compofé d'une archi
» tecture ferme & ruftique , élevée au mi-
» lieu d'un grand baffin de forme variée ;
» ou bien , au lieu d'architecture , on pouvoit
faire ufage de rochers , dont la plus
grande partie percée à jour laifferoit voirt
» des nappes , ou torrens d'eau d'un aſſez ,
gros volume. Au deffus de cette archi-
» tecture ou rocher pouvoient être pla-
» cées plufieurs figures , telles que celles dé
la ville de Paris , celles du commerce ,
» l'abondance , la Seine , la Marne , des
» Nymphes , des Tritons , &c. au milieu
» defquelles devoit s'élever une grande.
"pyramide ou colonne.coloffale enrichie.
» de fculptures relatives au fujet , & termi-,
» née ( en fuppofant qu'on préférât la co-
» lonne à la pyramide ) de la ftatue pé-
» deftre du Prince , ou autrement de fes
armes & fupports . Biogr
Ce prixa été remporté par Jean Raphaël
1
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Servandoni , fils du célebre Peintre &
Architecte de ce nom ; il avoit préferé l'o
bélifque à la colonne.
Le troifieme prix étoit deftiné à celui
des douze concourans qui auroit le mieux
imité un fort beau deffein en encre de
la Chine de Gilles Oppenor , repréſentant
un morceau d'architecture mêlé de figures
& de payfages , du cabinet de M. Perronet.
Il fut adjugé à Bernard Jofeph Perron ;
Paîné , de Poiffi .
·
Le quatrieme enfin étoit un Deffein fur
papier bleu, du cabinet de M. d'Argenville,
original de Noël Coypel , repréfentant un
fujet d'hiftoire romaine : il fut décerné à
Jacques Dumont , de Limoges.
Dans les compofitions qui n'ont point
remporté de prix , on en a remarqué plu
fieurs dignes d'applaudiffemens ; ce qui fir
fouhaiter aux amateurs d'avoir une plus
grande quantité de médailles à diftribuer.
De ce nombre étoient les projets de René
Lamboth ; de Paris ; de Charles Gontard
de Bareith , & de Jacques Heumann ,
d'Hanovre , & c .
A propos de la diftribution de ces prix ,
nous allons donner une idée du plan de
cette école des arts : nous croyons qu'on
verra avec plaifir l'ordre & l'enchaînement
des leçons publiques & particulieres qui
JUIN. 1755. 203
4
teur en a dic s'y donnent. Voici à peu près ce que l'au
lui - même dans divers programmes
qu'il a fait imprimer,
Après plufieurs années d'études , dit- il ,
& après avoir formé plufieurs éleves , dont
quelques- uns font penfionnaires de Sa
Majesté à Rome , & d'autres font de retour
en France , il avoit fenti que fon travail
feroit infuffifant s'il ne le portoit plus
loin , parce qu'il entendoit continuellement
ces élèves même s'écrier , que l'étude que
le Profeffeur leur propofoit , ainfi que
la
connoiffance directe de tous les arts, étoient
ignorées de la plupart des perfonnes de la
profeffion ; que Meffieurs tels & tels ne
fçavoient rien ou très - peu de chofe ; que
la plupart de ceux - même qui ont le plus
de réputation , n'avoient aucune teinture
des mathématiques , & qu'ils deffinoient
médiocrement ; que celui - ci ne poffedoir
bien que la diftribution ; que celui - là n'entendoit
que la partie de la décoration intérieure
, l'un la conftruction , l'autre la
partie du jardinage , &c. que d'ailleurs
la plus grande partie des hommes en place
méconnoiffoient les talens , eftimoient peu
les arts , & regardoient avec indifférence
les Artiftes. Ce langage , qui n'eft que trop
commun & qui n'eft pas fans fondement
eft presque toujours celui de la multitude
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
il contribue infenfiblement à déterminer
moins d'excellens fujets ; il amene au relâ
chement de l'étude , & ne nous fournit
que des hommes fuperficiels.
Pour remédier à un abus auffi préjudiciable
au progrès des arts , pour arrêter le
cours d'un propos fi funefte , & exciter une
véritable émulation chez nos citoyens , M.
Blondel a ouvert gratuitement des leçons
publiques mais pour que ces leçons puffent
tourner au profit de la fociété en
général , il les a préfentées fous différentes
faces , fuivant qu'il a reconnu la néceffité
de parler à chacun le langage qui lui convenoit
. Ce moyen lui a réuffi , ainfi que
l'on devoit s'y attendre . En effet , fon cours
élémentaire conduit néceffairement les
hommes bien nés aux connoiffances dur
beau , leur fraye une route sûre pour juger
pertinemment de nos édifices , les accoutume
à fe dépouiller de tout préjugé natio
nal , & leur fait connoître les auteurs &
les Artiftes les plus célebres : ces lumieres
acquifes de la part des amateurs , devien
nent fans doute une faveur de plus pour
l'Artifte qui veut devenir habile , parce
qu'il conçoit par- là que fes talens feront
préconisés par des hommes éclairés , &
que ce fera autant d'obftacles pour les
hommes médiocres qui oferont moins fe
JUIN. 1755. 205-
: montrer au grand jour. D'ailleurs le
nombre des honnêtes gens qui font attirés
à ce cours élémentaire , contribue à l'ému-}
lation qui regne dans cette école : il infpire
aux éleves qui font confiés au Profeffeur
le defir de s'inftruire , les engage à la dé->
cence , & excite en eux l'amour du bien ;
autant de motifs infaillibles pour former à
l'avenir des chefs intelligens..
Son cours de théorie eft deſtiné , non
feulement aux jeunes Architectes , mais
aux Peintres , Sculpteurs , Décorateurs ,
Graveurs , qui fe trouvant ainfi raffemblés , 1
& conférant enfemble à certains jours !
nommés , s'entrecommuniquent leurs dis
verfes connoiffances , leurs découvertes ,
leurs productions , & s'entretiennent utilement
des fciences & des arts. Le Géomé-:
tre acquiert du goût ; l'Artifte regle fes :
idées par le fecours du Mathématicien :>
tous fe réuniffent avec le Profeffeur. pour
vifiter avec fuccès les édifices du fiecle
paffé , & fe procurent une entrée libre
dans les atteliers de nos célebres Artiftes.i
Les bibliothèques , les édifices facrés , les
maifons royales , les cabinets des curieux ,
s'offrent à leurs regards ; en un mot , tout
devient commun entr'eux ; de là la route
des arts plus facile , l'étude plus agréable ,
& les progrès plus sûts.
206 MERCURE DE FRANCE.
Son cours de pratique deſtiné aux ouvriers
du bâtiment , met le comble à l'entrepriſe.
Quatre - vingt hommes tous les
Dimanches & Fêtes occupent pendant la
matinée leur loifir à puifer dans cette,
école les différentes connoiffances dont ils
ont befoin. Le Maçon , le Charpentier , le
Menuifier , le Serrurier , y viennent ap-;.
prendre la géométrie pratique , & les prin- i
cipes relatifs à leur profeffion ; tout l'après-
midi ces mêmes hommes font occupés
à l'exercice du deffein dans différens gen-:
res. Mais pour porter plus loin la perfection
du goût , M. Blondel reçoit auffi dans
fes leçons l'Orfevre , le Bijoutier , le Cifeleur
, & c. on leur communique d'excel
lens originaux , & ils font corrigés exac
tement par des Profeffeurs & par les plus!
anciens éleves reconnus capables ; enforte
que le praticien , le théoricien , l'homme
de goût , font un tout qui encourage le
débutant , affermit l'homme déja capable ,
& donne lieu d'efpérer qu'avant peu d'années
la beauté des formes , l'élégance des
contours , la fymmétrie , reprendront le
deffus & la place des ornemens chiméri- .
ques & hazardés , dont tous les arts de
goût fe font reffentis depuis près de vingt
années *.
* J'ai eu la curiofité d'aller un Dimanche
JUIN. 175.5. 207
En un mot , cette école renouvellant
dans Paris celle d'Athènes , réunit les arts
utiles & les arts agréables : l'architecture ,
les mathématiques , la figure & le deffein
en général , la ſculpture , les fortifications,
la coupe des pierres , font autant de parties
qu'on y enfeigne avec émulation & fuccès.
Quels éloges ne mérite donc pas le fondateur
d'un établiffement fi avantageux à la
fociété ! peut-il être trop préconifé , foutenu
& autorifé ? Le zele infatigable & les
talens décidés de l'Auteur ne font-ils pas
dignes des plus hautes récompenfes & de
la reconnoiffance du public ?
matin fur les dix heures , pour juger par moimême
de l'utilité de ce cours dont on m'avoit
parlé fi avantageufement , & je dois avouer que
j'ai été frappé de l'ordre , de l'exactitude , de l'ardeur
& de l'émulation que j'ai remarquées , tant de
la part des artifans , que de celle des Profeffeurs &
du Chef, dent la capacité , la politeffe & le zele
ne fçauroient être trop applaudis,
Fermer
Résumé : ARCHITECTURE.
Jacques-François Blondel a fondé à Paris une École des Arts, où il dispensait des cours publics gratuits les jeudis, samedis et dimanches. Ces cours étaient divisés en trois catégories : élémentaires, de pratique et de théorie. Leur objectif principal était de former des élèves talentueux et de favoriser le progrès des arts. En octobre 1755, Blondel a organisé une assemblée pour distribuer des prix. Douze élèves ont participé à cette compétition, qui était structurée en quatre genres différents. Les projets des élèves ont été évalués par des académiciens, des artistes renommés, des amateurs et des connaisseurs éclairés. Les prix ont été attribués pour divers programmes, incluant la conception d'un édifice public avec des galeries, une fontaine, et des imitations de dessins. L'École des Arts de Blondel visait à combler les lacunes dans la connaissance des arts parmi les professionnels. Elle offrait des leçons publiques et privées, réunissant architectes, peintres, sculpteurs, décorateurs, graveurs et ouvriers du bâtiment. Les cours couvraient divers domaines tels que l'architecture, les mathématiques, la sculpture et les fortifications. L'objectif était de former des artisans compétents et de promouvoir l'excellence dans les arts.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
11
p. 208-212
HORLOGERIE.
Début :
Mémoire sur une nouvelle maniere de faire les Cadrans de pendules, barometres, hygrometres, &c. présenté le 12 Avril 1755, à l'Académie royale des Sciences, par M. Dupont, Horloger privilégié du Roi. [...]
Mots clefs :
Académie royale des sciences, Horloger, Cadrans, Baromètres, Pendules
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HORLOGERIE.
HORLOGERIE .
, barometres
Memoire fur une nouvelle maniere de faire
les Cadrans de pendules
hygrometres , &c. préfenté le 12 Avril
1755 , à l'Académie royale des Sciences ,
par M. Dupont , Horloger privilégié du
I
Roi.
Left fans doute avantageux pour la
perfection des pendules que leurs cadrans
foient exactement divifés , & qu'ils
nous préfentent conftamment un aspect
agréable. Cette partie de l'horloge eft celle
fur laquelle les yeux s'arrêtent d'abord , &
la pofition exacte des divifions qui y font
marquées , eft effentielle pour nous montrer
les parties de l'heure avec préciſion .
Par ces deux confidérations , je crois les
cadrans que j'ai l'honneur de préfenter à
l'Académie fupérieurs aux autres ; ils font
compofés d'un cercle de verre blanc , fur
lequel l'on peint à rebours les heures & les
minutes * , & d'une efpece de maftic blanc
*Pour peindre ces heures , &c. il faut commencer
par mettre un cadran de papier fous le verre
ce qui dirige en quelque forte l'opération . On
fentira donc aisément que l'idée de me borner à
›
JU I N. 1755. 2091
qui s'applique exactement fur le verre
fait corps avec lui , forme un total qui:
imite l'émail , & que même plufieurs perfonnes
lui préferent , fur - tout dans les .
grands cadrans ; car ceux d'émail d'une
certaine étendue ont un ait de fayence , &,
font prefque toujours défectueux ..
7
A l'égard des divifions , elles feront toujours
plus exactes dans les nouveaux ca→
drans que dans ceux d'émail , parce qu'ils
ne paffent pas au feu comme ces derniers .
Les cadrans de cuivre gravés & recouverts
d'une couche d'argenture , ont à la vérité,
cette derniere propriété , mais on fçait :
qu'ils fe noirciffent en peu de tems. Pour
ce qui eft des cadrans à cartouche , per-.
fonne n'ignore qu'ils font très -imparfaitst
à tous égards. དྭེ ནཱ ཝཱ
ce cadran de papier dût fe préfenter d'abord à
mon imagination ; mais je m'apperçus bientôt
que fi un tel cadran étoit fupportable de loin , il
ne le feroit pas de près , les pores du papier s'appercevant
; je reconnus encore que ce papier ne
tarderoit pas à fe jaunir , fur-tout dans les endroits
où la fumée pouvoit pénétrer.
M. Gallonde s'étoit appercu avant moi de ces
inconvéniens , la dépenſe conſidérable qu'entraîne
les cadrans d'émail , avoit engagé cet habile Artifte
à faire fes cadrans de barometre en papier
mais auffi- tôt qu'il eut connoiffance de ma nouvelle
conftruction , il les abandonna entierement.
210 MERCURE DE FRANCE.
Je ne m'étendrai pas plus , Meffieurs
fur l'avantage de cette nouvelle maniere
de faire les cadrans ; il eft aifé de voir
qu'elle est également applicable à tous les
inftrumens qui ont befoin de divifions.
exactes , comme barometres , thermometres
, & c.
Telles font les différentes propriétés des
cadrans qui font le fujet de ce mémoire .
Je n'ai point cru , Meffieurs , qu'ils formaffent
un objet affez important pour mériter
l'honneur de votre attention : fi j'ofe
aujourd'hui les foumettre à votre jugement,
ce n'eft pas que j'aie changé de fentiment
à cet égards; mais j'ai été enhardi par
le fuffrage des habiles Horlogers qui en
font ufage depuis près d'un an & demi , &
encore plus par votre indulgence pour
tout ce qui peut contribuer au progrès
des arts.
Copie de l'Extrait des Registres de l'Académie
royale des Sciences .
Du 2
23 Avril 175 .
Meffieurs l'Abbé Nollet & Deparcieux .
qui avoient été nommés pour examiner
des cadrans de pendules
barometres ,
→
?
hygrometres &c. formés d'une glace
peinte & enfuite recouverte d'une espece
JUIN. 1755 . 211
de maftic blanc par fa face poftérieure ,
propofés par M. Dupont , Horloger ; en
ayant fait leur rapport , dans lequel ils
ont énoncé plufieurs certificats des meilleurs
Horlogers , qui prouvent que des
cadrans de cette efpece ont fubfifté fans
aucune altération depuis le mois de Juillet
1753 jufqu'à préfent.
L'Académie a jugé que ces cadrans qui
imitent parfaitement les cadrans d'émail ,
& qui font cependant d'un beaucoup
moindre prix, pourroient être avantageux,
& qu'on devoit fçavoir gré à M. Dupont
d'avoir imaginé cette conftruction . En foi
de quoi j'ai figné le préfent certificat' , à
Paris le 24 Avril 1755 .
Signé , GRANDJEAN DE FOUCHY ,
Secretaire perpétuel de l'Académie
royale des Sciences.
Les perfonnes qui voudront fe convaincre
par elles- mêmes de l'agrément &
de l'utilité de ces cadrans , auront la bonté
de s'adreffer à Mademoiſelle Oulfon "
niéce de l'Auteur , qui les exécute fous fes
yeux & dans fa maifon , rue de Richelieu ,
vis-vis la fontaine. Elle fe fera toujours
un devoir de fatisfaire les perfonnes qui
212 MERCURE DE FRANCE.
lui feront l'honneur de l'employer dans
ces fortes d'ouvrages.
- Le
rapport de l'Académie
royale
des
Sciences
, fur une pendule
à fecondes
, à
fonnerie
& à remontoir
du fieur le Mazu
rier , auroit
dû trouver
ici fa place ; mais
le peu qui nous en refte ; nous
force
à le
renvoyer
au Mercure
prochain
, ainfi qu'une
Lettres
fur le rétabliſſement
du Louvre
que nous avions
promis
d'inférer
.
, barometres
Memoire fur une nouvelle maniere de faire
les Cadrans de pendules
hygrometres , &c. préfenté le 12 Avril
1755 , à l'Académie royale des Sciences ,
par M. Dupont , Horloger privilégié du
I
Roi.
Left fans doute avantageux pour la
perfection des pendules que leurs cadrans
foient exactement divifés , & qu'ils
nous préfentent conftamment un aspect
agréable. Cette partie de l'horloge eft celle
fur laquelle les yeux s'arrêtent d'abord , &
la pofition exacte des divifions qui y font
marquées , eft effentielle pour nous montrer
les parties de l'heure avec préciſion .
Par ces deux confidérations , je crois les
cadrans que j'ai l'honneur de préfenter à
l'Académie fupérieurs aux autres ; ils font
compofés d'un cercle de verre blanc , fur
lequel l'on peint à rebours les heures & les
minutes * , & d'une efpece de maftic blanc
*Pour peindre ces heures , &c. il faut commencer
par mettre un cadran de papier fous le verre
ce qui dirige en quelque forte l'opération . On
fentira donc aisément que l'idée de me borner à
›
JU I N. 1755. 2091
qui s'applique exactement fur le verre
fait corps avec lui , forme un total qui:
imite l'émail , & que même plufieurs perfonnes
lui préferent , fur - tout dans les .
grands cadrans ; car ceux d'émail d'une
certaine étendue ont un ait de fayence , &,
font prefque toujours défectueux ..
7
A l'égard des divifions , elles feront toujours
plus exactes dans les nouveaux ca→
drans que dans ceux d'émail , parce qu'ils
ne paffent pas au feu comme ces derniers .
Les cadrans de cuivre gravés & recouverts
d'une couche d'argenture , ont à la vérité,
cette derniere propriété , mais on fçait :
qu'ils fe noirciffent en peu de tems. Pour
ce qui eft des cadrans à cartouche , per-.
fonne n'ignore qu'ils font très -imparfaitst
à tous égards. དྭེ ནཱ ཝཱ
ce cadran de papier dût fe préfenter d'abord à
mon imagination ; mais je m'apperçus bientôt
que fi un tel cadran étoit fupportable de loin , il
ne le feroit pas de près , les pores du papier s'appercevant
; je reconnus encore que ce papier ne
tarderoit pas à fe jaunir , fur-tout dans les endroits
où la fumée pouvoit pénétrer.
M. Gallonde s'étoit appercu avant moi de ces
inconvéniens , la dépenſe conſidérable qu'entraîne
les cadrans d'émail , avoit engagé cet habile Artifte
à faire fes cadrans de barometre en papier
mais auffi- tôt qu'il eut connoiffance de ma nouvelle
conftruction , il les abandonna entierement.
210 MERCURE DE FRANCE.
Je ne m'étendrai pas plus , Meffieurs
fur l'avantage de cette nouvelle maniere
de faire les cadrans ; il eft aifé de voir
qu'elle est également applicable à tous les
inftrumens qui ont befoin de divifions.
exactes , comme barometres , thermometres
, & c.
Telles font les différentes propriétés des
cadrans qui font le fujet de ce mémoire .
Je n'ai point cru , Meffieurs , qu'ils formaffent
un objet affez important pour mériter
l'honneur de votre attention : fi j'ofe
aujourd'hui les foumettre à votre jugement,
ce n'eft pas que j'aie changé de fentiment
à cet égards; mais j'ai été enhardi par
le fuffrage des habiles Horlogers qui en
font ufage depuis près d'un an & demi , &
encore plus par votre indulgence pour
tout ce qui peut contribuer au progrès
des arts.
Copie de l'Extrait des Registres de l'Académie
royale des Sciences .
Du 2
23 Avril 175 .
Meffieurs l'Abbé Nollet & Deparcieux .
qui avoient été nommés pour examiner
des cadrans de pendules
barometres ,
→
?
hygrometres &c. formés d'une glace
peinte & enfuite recouverte d'une espece
JUIN. 1755 . 211
de maftic blanc par fa face poftérieure ,
propofés par M. Dupont , Horloger ; en
ayant fait leur rapport , dans lequel ils
ont énoncé plufieurs certificats des meilleurs
Horlogers , qui prouvent que des
cadrans de cette efpece ont fubfifté fans
aucune altération depuis le mois de Juillet
1753 jufqu'à préfent.
L'Académie a jugé que ces cadrans qui
imitent parfaitement les cadrans d'émail ,
& qui font cependant d'un beaucoup
moindre prix, pourroient être avantageux,
& qu'on devoit fçavoir gré à M. Dupont
d'avoir imaginé cette conftruction . En foi
de quoi j'ai figné le préfent certificat' , à
Paris le 24 Avril 1755 .
Signé , GRANDJEAN DE FOUCHY ,
Secretaire perpétuel de l'Académie
royale des Sciences.
Les perfonnes qui voudront fe convaincre
par elles- mêmes de l'agrément &
de l'utilité de ces cadrans , auront la bonté
de s'adreffer à Mademoiſelle Oulfon "
niéce de l'Auteur , qui les exécute fous fes
yeux & dans fa maifon , rue de Richelieu ,
vis-vis la fontaine. Elle fe fera toujours
un devoir de fatisfaire les perfonnes qui
212 MERCURE DE FRANCE.
lui feront l'honneur de l'employer dans
ces fortes d'ouvrages.
- Le
rapport de l'Académie
royale
des
Sciences
, fur une pendule
à fecondes
, à
fonnerie
& à remontoir
du fieur le Mazu
rier , auroit
dû trouver
ici fa place ; mais
le peu qui nous en refte ; nous
force
à le
renvoyer
au Mercure
prochain
, ainfi qu'une
Lettres
fur le rétabliſſement
du Louvre
que nous avions
promis
d'inférer
.
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Résumé : HORLOGERIE.
Le document expose un mémoire de M. Dupont, horloger privilégié du Roi, présenté à l'Académie royale des Sciences le 12 avril 1755. Dupont y propose une nouvelle méthode pour fabriquer des cadrans pour pendules, hygromètres et autres instruments nécessitant des divisions précises. Ses cadrans sont constitués d'un cercle de verre blanc sur lequel les heures et les minutes sont peintes à rebours, puis recouvertes d'une substance similaire à du mastic blanc. Cette technique imite l'émail et évite les défauts des cadrans émaillés ou en cuivre argenté, qui ont tendance à noircir ou à présenter des imperfections. Les divisions sur ces nouveaux cadrans sont plus exactes car elles ne passent pas au feu, contrairement aux méthodes traditionnelles. Dupont souligne également les inconvénients des cadrans en papier, qui jaunissent et révèlent leurs pores de près. M. Gallonde, ayant observé ces problèmes, a abandonné l'utilisation des cadrans en papier après avoir découvert la méthode de Dupont. L'Académie, après examen par l'Abbé Nollet et Deparcieux, a conclu que ces cadrans imitent parfaitement les cadrans émaillés à un coût moindre et a reconnu la contribution de Dupont. Les cadrans sont fabriqués par Mademoiselle Oulfon, nièce de Dupont, rue de Richelieu à Paris.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 144-155
ARCHITECTURE. Lettre de M.... à M. le Comte de Ch. sur le Louvre. (a)
Début :
Je veux vous faire part, Monsieur, d'une critique du péristile du Louvre que je [...]
Mots clefs :
Architecture, Façade, Louvre, Monument, Édifices, Péristyle, Palais
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE. Lettre de M.... à M. le Comte de Ch. sur le Louvre. (a)
ARCHITECTURE.
Lettre de M.... à M. le Comte de Ch.
fur le Louvre. (a )
E veux vous faire part, Monfieur , d'une
queje
viens de voir dans le Mercure d'Avril . Je
connois la chaleur de votre intérêt pour ce
célebre monument , & je crois vous donner
une preuve finguliere de mon amitié ,
en vous expofant les prétendus défauts
qu'attaque ce cenfeur anonyme.
Il m'a paru un homme de l'art , mais on
découvre aifément à travers les éloges qu'il
donne à ce beau monument , que fon admiration
eft plus contrainte que fincere. Il
demande d'abord qu'on lui permette quelques
réflexions hazardées fur un de ces chefsd'oeuvres
des arts ( b ) faits pour être adorés
aveuglément dans un fiecle d'enthousiasme
& de préjugés ( reconnoît- on à ces traits
le fiécle de Louis XIV ? ) ( c) maisfaits pour
( a ) Les notes qui accompagnent cette lettre
Tont d'un Artiſte auffi éclairé qu'impartial.
(6) Le périftile.
(c) Non fans doute , le Cenfeur a pu le dire
être
JUIN. 1755. 145
être difcutés dans un fiècle fage , éclairé
enfin dans un fiécle philofophe comme le nôtre.
Ce fiécle , tout philofophe qu'il eft ,
pourra-t-il nous indiquer quelques- uns de
Les chefs - d'oeuvres qui ayent furpaffé ou
même approché de ceux du fiécle dernier
dans tous les genres ? ›
Une nouvelle du
preuve peu d'équité ,
& j'oſe dire du peu de goût de ce nouveau
cenfeur , c'eft qu'au lieu de faire élever
cette admirable façade , il eût fouhaité de
faire achever le Louvre fur les mêmes deffeins
de l'ancien ; & nous aurions , dit - il ,
fous les yeux le plus fuperbe palais de l'Europe.
L'on ne fçauroit marquer un mépris
plus injurieux pour l'architecture de Perrault
qu'en lui préférant un édifice où l'on
ne trouve ni compofition , ni proportions ,
en général de tout fiécle où l'on n'auroit pas les
lumieres néceflaires pour diftinguer ce qui eft digne
d'admiration de ce qui eft repréhensible ; il
n'y a nulle apparence que dans le fiécle paffé ce
grand ouvrage ait échappé à la critique de tant
d'habiles Artiftes qui fe diftinguerent alors ; mais
il eft arrivé ce qui arrivera toujours : quelques
défauts qu'on puiffe démontrer dans un bel ou
vrage , ce qu'il a de beau lui attirera l'admiration
, & payera avec ufure pour les défauts qui
peuvent s'y rencontrer : de là l'inutilité des critiques
, fi ce n'eft pour l'inftruction de ceux qui
étudient , de peur qu'ils n'imitent ces défauts
comme confacrés.
II. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
ni régles. Trois frontons enclavés les
uns dans les autres , des Caryatides placées
à un fecond étage , des ornemens à la
vérité d'un bon deffein & d'une belle exécution
, mais prefque tous déplacés , fuperflus
& prodigués fans choix. ( d )
Sur quel fondement attribuer enfuite à
l'injuftice de l'amour propre des Architectes
de Louis XIV , le refus de fuivre cet
ancien plan qu'il eftime fi fort , pour y
fubftituer par vanité leurs propres idées ?
Ne fe préfentoit- il pas un motif plus naturel
& plus équitable ? celui de mettre à
profit dans une occafion fi heureuſe & fi
rare les progrès de l'efprit humain , celui
des connoiffances & des talens , la fcience
des vraies proportions , l'eftime & la pré-
( d ) L'Auteur tombe ici dans le même défaut
qu'il reproche à fon adverſaire , en faiſant la cririque
d'un morceau qui eft rempli d'affez de
beautés pour mériter fon refpect ; d'ailleurs, quand
fon antagoniſte a dit ce qu'il lui reproche , ce
n'eft point à cette partie du Louvre qu'il faifoit
allufion , mais à celle qui du côté de la riviere ſe
trouve maſquée par ce que M. Perrault a bâti devant
, & on a en effet lieu d'en regretter la perte ,
cette partie étant , au fentiment de plufieurs , plus
belle que ce qui la cache : il eft vrai qu'elle ne
pouvoit s'allier avec le périftile du Louvre ; mais
e - il ridicule de defirer que Perrault eût trouvé
le moyen
de faire une belle chofe fans en facri
fier une autre déja faite ?
JUIN. · 1755. 147
férence de ce beau fimple à l'abondance &
à la profufion des ornemens , reffource ordinaire
de l'ignorance & du défaut de goût ?
Que réfulte - t - il du fentiment de notre
Ariftarque ? une façade de palais fans
croifées , dont on n'a pu deviner jusqu'à
préfent l'ufage & la deftination , & dont les
inconvéniens font fans nombre , & les beautés
déplacées ? Il fe donne bien de garde de
nous détailler aucune de ces beautés , ni
d'en louer les perfections. Il commence par
chercher des défauts à cette façade , pour
affoiblir l'impreffion d'admiration dont
elle frappe tous les regards , en s'efforçant
de rendre cette admiration injufte & pref
que ridicule ; mais il n'eſt aifé de combattre
avec fuccès une approbation univerfelle
, & foutenue pendant le cours de
près d'un fiécle.
pas
Il dir que l'on n'a pu deviner jufqu'à
préfent la deftination de cette façade ; mais
n'auroit-il pas dû s'en informer avant de la
condamner ? Je crois pouvoir l'en inftruire
après avoir répondu à un reproche qu'il
fait à M. Perrault , & que ce grand architecte
n'a point mérité.
Il l'accufe de n'avoir interrompu la
communication de ce périftile que pour
faire une mauvaiſe arcade & une petite
porte . Quelle apparence qu'une porte auffi
Gij
148 MERCURE DE FRANCE,
fimple ait été chez un auffi grand compofiteur
l'objet de cette interruption ! le bon
fens peut-il adopter une idée fifinguliere ?
Ces deux périftiles ont chacun deux portes
à leurs deux extrêmités , qui leur font
fuffifantes. Etoit - il fenfé que l'architecte .
fupprimât ou gâtât ce beau pavillon du
milieu pour donner plus d'étendue à deux
périftiles qui ont chacun plus de trentecinq
toifes : d'ailleurs quelle raiſon a- t- il
d'appeller une mauvaife arcade une porte
dont les proportions font excellentes , & à
laquelle on ne pouvoit donner qu'une forme
ceintrée fans la rendre défectueufe ?
Eft-il mieux fondé de blâmer la petite.
porte placée dans un renfoncement de
douze pieds de profondeur , & fans laquelle
il eût été impoffible de fermer le
Louvre ? Eût-on pû mettre des venteaux à
une ouverture de quarante-deux pieds de
hauteur ? Il étoit donc indifpenfable d'en
menager avec art une plus petite , que l'on
pûr ouvrir & fermer(e). Je reviens à l'ufage
f. 1
-L'Auteur.veut ici excufer un défaut inexcu→
fable , & qui eft reconnu univerfellement pour tel.
Je parle de cette porte ceintrée qui interrompt le
périftile en dedans & en dehors , ce n'eft pas là
deffus qu'il faut défendre Perrault : d'ailleurs it
eft inutile qu'une porte foit dans une autre , la
porte quarrée fufifoite, qus der
A
JUIN. 1755 . 149
& à la deſtination de cette façade , qui eft
pour notre critique un problême , & dont
je lui ai promis la folution .
Il est très- certain , & je l'ai fçu par Mrs
Defgot & Boffrand qui avoient connu M.
Perrault dans leur jeuneffe , que lorfque
Louis XIV déclara qu'il vouloit le frontifpice
de fon Louvre enrichi de tout ce
que l'architecture avoit acquis de perfection
fous fon regne , & de tout ce qu'elle
pouvoit produire de plus régulier en même-
tems , & de plus conforme aux belles
proportions & à la majeftueufe fimplicité
de l'architecture antique , il n'eut aucune
intention d'habiter jamais ce Palais , mais
feulement d'élever à fon entrée un édifice
dont la magnificence égalât & la grandeur
de fes idées , & la dignité d'une maifon que
la nation regardoit comme celle de fon
Roi , par les honneurs qu'il avoit attachés
à fes entrées. Il vouloit encore qu'elle pût
fervir aux fiécles à venir de monument &
de témoin évident & inconteſtable des
merveilles de fon regne dans tous les genres
, mais fur-tout dans celui de la perfection
des beaux Arts . Il y eut encore un autre
motif qui détermina à employer dans
cette façade tout ce que l'architecture avoit
de plus majestueux & de plus frappant . Le
deffein de M. Colbert étoit d'ouvrir une
Giij
150 MERCURE DE FRANCE .
large & belle rue vis- à-vis le Louvre , qui
auroit été continuée jufques à l'arc de
triomphe du fauxbourg S. Antoine , & qui
auroit fervi d'avenue au plus vafte palais
par fon enceinte qu'il y eût eu en Europe ,
puifqu'il étoit décidé qu'on éleveroit du
côté de la rue S. Honoré une galerie parallele
à l'ancienne qui eft fur la riviere ,
& qu'il n'y auroit aucun bâtiment entre le
Louvre & le palais des Tuileries. Quelle
décoration n'exigeoit pas l'objet d'un point
de vue d'une fi prodigieufe étendue ( ƒ) !
Louis XIV , en qui l'excellence d'un
goût naturel égaloit fon amour pour le
grand en tout , ne fut point fatisfait de
plufieurs deffeins qui lui furent préfentés ,
où les croifées n'avoient point été oubliées,
& fur-tout dans celui du Cavalier Bernin
(g ) : mais Perrault fçut faifir en ha-
(f)Toutes les raifons que l'Auteur apporte ici
autorifent Perrault à faire un monument de la
plus grande magnificence & d'une grandeur coloffale
, mais nullement à interrompre par une
arcade fon architecture , & à faire le milieu plein
& maffif comme il eft . A l'égard du défaut de croifées
, il est très-bien juftifié , parce qu'en effet les
niches préfenteront toujours un plus riche fpectacle
que des fenêtres.
(g ) Le projet du Bernin n'étoit pas à rejetter
parce qu'il y avoit des croifées , mais parce
qu'il ne valoit rien d'ailleurs.
JUIN. 1755- 151
bile homme l'avantage unique de la deftination
de cet édifice , & compofer cet admirable
frontifpice , où il n'étoit affervi
ni à la ftructure des palais ordinaires ni à
leurs façades percées à jour ; c'eft ce qui
lui fit concevoir & enfanter ce fublime
deffein , qui fut dans le même inſtant préfenté
, admiré & agréé par Louis XIV.
Voilà ce qui a échappé aux connoiffan
ces de l'auteur de la critique , & qui détruit
tous fes efforts pour dégrader ce bel
édifice . L'ignorance à la vérité de ce que
je viens de lui expofer , peut excufer &
même autorifer les erreurs qu'on trouve
dans la fuite de l'examen de cette façade
au fujet de fa deftination . Telle est l'impoffibilité
où l'on eût été d'y placer des
fpectateurs dans le milieu , à l'occafion des
fêtes qui auroient été données dans l'efpace
en face de ce Château ( b ) . Il n'eft cependant
pas vraisemblable qu'il n'ait jamais
oui parler du fuperbe carroufel donné
par Louis XIV dans la cour du palais
(b ) Il ne s'enfuit pas de ce que les fêtes publiques
pouvoient fe donner dans la cour des Tuileries
, qu'il fût néceffaire de remplir le milieu
du périftile , de telle maniere que perfonne ne pût
s'y placer pour voir le beau coup d'oeil de cette
grande rue , projettée jufqu'à l'arc de triomphe da
fauxbourg S, Antoine.
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
·
des Tuileries qui en a gardé le nom , &
que cette cour étant beaucoup plus fpacieufe
que celle du Louvre , elle eût par
conféquent toujours été choifie pour des
fêtes . Notre Cenfeur auroit encore pû deviner
la deſtination de ce palais par une
réflexion bien fimple : c'eft que le palais
le plus fuperbe ne fçauroit être digne d'un
Roi , s'il n'a fous fes yeux & à fa bienſéance
les agrémens & la promenade d'un magnifique
jardin. Ces réflexions euffent peutêtre
moderé la vivacité de fa critique , &
l'euffent obligé de donner à Perrault les éloges
qu'il mérite , quoique l'on apperçoive
dans fes remarques une confpiration déclarée
contre notre admiration. Ce Cenfeur
peu équitable n'ayant pû fe faire illufion fur
la foibleffe des coups qu'il a portés à cette
façade admirable , qui fe bornent à fon
inutilité apparente & à l'interruption des
deux périftiles , a cherché des défauts
dans l'architecture de la façade de ce palais
du côté de la riviere , mais avec auffi
peu de fuccès. Il prétend que c'eft dans
cette partie du Louvre que Perrault avoit
eu intention de placer l'appartement du
Roi dans cette fuppofition il s'éleve vivement
contre la fimplicité indécente de
fa décoration extérieure ; il la blâme d'être
fans avant corps qui interrompent par -
UIN. 1755.
153
des repos & des maffes l'ennuyeufe monotonie
qui y regne. Cette premiere critique
tombe d'elle- même , puifque l'on
voit dans cette façade trois avant-corps ,
l'un dans le milieu qui devoit être couronné
d'un grand fronton orné de fculptures
, tel qu'il eft gravé dans les plans du
Louvre , d'après le deffein original de
Perrault , & qui font entre les mains de
tout le monde ; les deux autres font placés
aux pavillons des deux extrêmités. ( ż)
En fecond lieu , ce bâtiment dont la fimplicité
l'offenfe fi fort & le rend froid à
Les yeux , ne l'auroit point été fi les pilaftres
qui en décorent la face étoient cannelés
comme ils le doivent être , les chapitaux
corinthiens fculptés & les trois
corps décorés de médaillons couronnés de
mafques & de guirlandes , & de tous les
ornemens dont ils devoient être enrichis.
Lorfqu'il defire dans ce palais un progrès
A
(i ) L'Auteur défend mieux la façade du côté
de la riviere , qui feroit en effet plus riche fi les
pilaftres étoient cannelés & les ornemens finis ;
mais on ne peut nier que cette fuite de pilaftres
n'ait quelque chofe de nonotone , & que fi les
avant- corps étoient ornés de colonnes il en réfulteroit
plus d'agrément & de variété , fans qu'el-
Tes ôtaffent le jour, comme il le croit , puifqu'il y
en a à la façade de Verfailles qui n'obfcurciffent
point la grande galerie .
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
de magnificence fupérieure , ou au moins
égale à celle de la façade de l'entrée , il
auroit voulu fans doute le même périftile ,
mais percé par des croifées , ce qui eût
été impoffible. Ces croifées placées dans
un renfoncement de dix-fept pieds , auroient-
elles éclairé fuffifamment les
appartemens
, & n'y auroient- elles pas plutôt
jetté le fombre & la trifteffe d'un faux jour
plus infupportable que l'entiere obfcurité ?
Un autre inconvénient que l'on n'auroit
jamais pû fauver dans la continuation du
périftile , c'étoit de ne pouvoir rendre les
appartemens de cette partie doubles , &
par conféquent habitables par Sa Majefté
dans des jours de fêtes .
Je paffe fous filence ce qu'il dit de l'intérieur
de la cour : il convient avec raifon
de l'embarras prefque invincible où
furent alors les Architectes , ou de continuer
l'attique , ou en le fupprimant , de
raccorder la nouvelle architecture avec
l'ancienne. Les plus habiles de nos jours
ont tenté d'imaginer pour cet accord un
meilleur deffein que celui qu'on a exécuté
en partie , & ils ont tous avoué que leurs
efforts ont été fans fuccès.
L'Auteur finit fa critique par une affertion
dont on pourra lui difputer la vérité ;
c'eft que tout changement dans un ouvra
JUIN. 1755. 155
ge
confacré à la vénération publique , paroîtra
toujours un crime. Je puis lui répondre
que s'il eût propofé quelque chofe
de nouveau & d'un meilleur accord que
ce que l'on a exécuté dans les façades intérieures
, le public fenfé & éclairé en eût
été très - reconnoiffant , & auroit penſé
comme luis qu'une critique fondée concourt
à l'avantage des arts qu'elle éclaire , & que
les murmures ne doivent jamais empêcher
de publier ce que le goût , d'accord avec la
raison , ont approuvé. ( k )
(k ) Le réſultat de ces deux écrits eft que l'Auteur
de la lettre eft fondé dans le reproche qu'il
fait au Cenfeur du Louvre d'avoir parlé avec trop
peu de ménagement d'un édifice qui fait & qui
fera toujours , malgré fes défauts , l'admiration
de tous les gens de goût ; cependant on ne peut
pas dire que la cenfure de ce Critique manque
de jufteffe , mais qu'elle eft déplacée , dans un
tems où tous les vrais citoyens voyent avec un
plaifir qui tient du transport les préparatifs qu'on
fait pour achever ce ſuperbe monument, Elle paroit
d'autant plus repréhenfible que la multitude
non inftruite peut en conclure , que ce n'eft pas
la peine de finir un ouvrage dont on releve les
défauts avec tant d'amertume , & que d'ailleurs
il y a quelque ingratitude à reconnoître fi mal
le zéle de ceux qui s'occupent du foin de le faire
porter à fon entiere perfection.
Lettre de M.... à M. le Comte de Ch.
fur le Louvre. (a )
E veux vous faire part, Monfieur , d'une
queje
viens de voir dans le Mercure d'Avril . Je
connois la chaleur de votre intérêt pour ce
célebre monument , & je crois vous donner
une preuve finguliere de mon amitié ,
en vous expofant les prétendus défauts
qu'attaque ce cenfeur anonyme.
Il m'a paru un homme de l'art , mais on
découvre aifément à travers les éloges qu'il
donne à ce beau monument , que fon admiration
eft plus contrainte que fincere. Il
demande d'abord qu'on lui permette quelques
réflexions hazardées fur un de ces chefsd'oeuvres
des arts ( b ) faits pour être adorés
aveuglément dans un fiecle d'enthousiasme
& de préjugés ( reconnoît- on à ces traits
le fiécle de Louis XIV ? ) ( c) maisfaits pour
( a ) Les notes qui accompagnent cette lettre
Tont d'un Artiſte auffi éclairé qu'impartial.
(6) Le périftile.
(c) Non fans doute , le Cenfeur a pu le dire
être
JUIN. 1755. 145
être difcutés dans un fiècle fage , éclairé
enfin dans un fiécle philofophe comme le nôtre.
Ce fiécle , tout philofophe qu'il eft ,
pourra-t-il nous indiquer quelques- uns de
Les chefs - d'oeuvres qui ayent furpaffé ou
même approché de ceux du fiécle dernier
dans tous les genres ? ›
Une nouvelle du
preuve peu d'équité ,
& j'oſe dire du peu de goût de ce nouveau
cenfeur , c'eft qu'au lieu de faire élever
cette admirable façade , il eût fouhaité de
faire achever le Louvre fur les mêmes deffeins
de l'ancien ; & nous aurions , dit - il ,
fous les yeux le plus fuperbe palais de l'Europe.
L'on ne fçauroit marquer un mépris
plus injurieux pour l'architecture de Perrault
qu'en lui préférant un édifice où l'on
ne trouve ni compofition , ni proportions ,
en général de tout fiécle où l'on n'auroit pas les
lumieres néceflaires pour diftinguer ce qui eft digne
d'admiration de ce qui eft repréhensible ; il
n'y a nulle apparence que dans le fiécle paffé ce
grand ouvrage ait échappé à la critique de tant
d'habiles Artiftes qui fe diftinguerent alors ; mais
il eft arrivé ce qui arrivera toujours : quelques
défauts qu'on puiffe démontrer dans un bel ou
vrage , ce qu'il a de beau lui attirera l'admiration
, & payera avec ufure pour les défauts qui
peuvent s'y rencontrer : de là l'inutilité des critiques
, fi ce n'eft pour l'inftruction de ceux qui
étudient , de peur qu'ils n'imitent ces défauts
comme confacrés.
II. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
ni régles. Trois frontons enclavés les
uns dans les autres , des Caryatides placées
à un fecond étage , des ornemens à la
vérité d'un bon deffein & d'une belle exécution
, mais prefque tous déplacés , fuperflus
& prodigués fans choix. ( d )
Sur quel fondement attribuer enfuite à
l'injuftice de l'amour propre des Architectes
de Louis XIV , le refus de fuivre cet
ancien plan qu'il eftime fi fort , pour y
fubftituer par vanité leurs propres idées ?
Ne fe préfentoit- il pas un motif plus naturel
& plus équitable ? celui de mettre à
profit dans une occafion fi heureuſe & fi
rare les progrès de l'efprit humain , celui
des connoiffances & des talens , la fcience
des vraies proportions , l'eftime & la pré-
( d ) L'Auteur tombe ici dans le même défaut
qu'il reproche à fon adverſaire , en faiſant la cririque
d'un morceau qui eft rempli d'affez de
beautés pour mériter fon refpect ; d'ailleurs, quand
fon antagoniſte a dit ce qu'il lui reproche , ce
n'eft point à cette partie du Louvre qu'il faifoit
allufion , mais à celle qui du côté de la riviere ſe
trouve maſquée par ce que M. Perrault a bâti devant
, & on a en effet lieu d'en regretter la perte ,
cette partie étant , au fentiment de plufieurs , plus
belle que ce qui la cache : il eft vrai qu'elle ne
pouvoit s'allier avec le périftile du Louvre ; mais
e - il ridicule de defirer que Perrault eût trouvé
le moyen
de faire une belle chofe fans en facri
fier une autre déja faite ?
JUIN. · 1755. 147
férence de ce beau fimple à l'abondance &
à la profufion des ornemens , reffource ordinaire
de l'ignorance & du défaut de goût ?
Que réfulte - t - il du fentiment de notre
Ariftarque ? une façade de palais fans
croifées , dont on n'a pu deviner jusqu'à
préfent l'ufage & la deftination , & dont les
inconvéniens font fans nombre , & les beautés
déplacées ? Il fe donne bien de garde de
nous détailler aucune de ces beautés , ni
d'en louer les perfections. Il commence par
chercher des défauts à cette façade , pour
affoiblir l'impreffion d'admiration dont
elle frappe tous les regards , en s'efforçant
de rendre cette admiration injufte & pref
que ridicule ; mais il n'eſt aifé de combattre
avec fuccès une approbation univerfelle
, & foutenue pendant le cours de
près d'un fiécle.
pas
Il dir que l'on n'a pu deviner jufqu'à
préfent la deftination de cette façade ; mais
n'auroit-il pas dû s'en informer avant de la
condamner ? Je crois pouvoir l'en inftruire
après avoir répondu à un reproche qu'il
fait à M. Perrault , & que ce grand architecte
n'a point mérité.
Il l'accufe de n'avoir interrompu la
communication de ce périftile que pour
faire une mauvaiſe arcade & une petite
porte . Quelle apparence qu'une porte auffi
Gij
148 MERCURE DE FRANCE,
fimple ait été chez un auffi grand compofiteur
l'objet de cette interruption ! le bon
fens peut-il adopter une idée fifinguliere ?
Ces deux périftiles ont chacun deux portes
à leurs deux extrêmités , qui leur font
fuffifantes. Etoit - il fenfé que l'architecte .
fupprimât ou gâtât ce beau pavillon du
milieu pour donner plus d'étendue à deux
périftiles qui ont chacun plus de trentecinq
toifes : d'ailleurs quelle raiſon a- t- il
d'appeller une mauvaife arcade une porte
dont les proportions font excellentes , & à
laquelle on ne pouvoit donner qu'une forme
ceintrée fans la rendre défectueufe ?
Eft-il mieux fondé de blâmer la petite.
porte placée dans un renfoncement de
douze pieds de profondeur , & fans laquelle
il eût été impoffible de fermer le
Louvre ? Eût-on pû mettre des venteaux à
une ouverture de quarante-deux pieds de
hauteur ? Il étoit donc indifpenfable d'en
menager avec art une plus petite , que l'on
pûr ouvrir & fermer(e). Je reviens à l'ufage
f. 1
-L'Auteur.veut ici excufer un défaut inexcu→
fable , & qui eft reconnu univerfellement pour tel.
Je parle de cette porte ceintrée qui interrompt le
périftile en dedans & en dehors , ce n'eft pas là
deffus qu'il faut défendre Perrault : d'ailleurs it
eft inutile qu'une porte foit dans une autre , la
porte quarrée fufifoite, qus der
A
JUIN. 1755 . 149
& à la deſtination de cette façade , qui eft
pour notre critique un problême , & dont
je lui ai promis la folution .
Il est très- certain , & je l'ai fçu par Mrs
Defgot & Boffrand qui avoient connu M.
Perrault dans leur jeuneffe , que lorfque
Louis XIV déclara qu'il vouloit le frontifpice
de fon Louvre enrichi de tout ce
que l'architecture avoit acquis de perfection
fous fon regne , & de tout ce qu'elle
pouvoit produire de plus régulier en même-
tems , & de plus conforme aux belles
proportions & à la majeftueufe fimplicité
de l'architecture antique , il n'eut aucune
intention d'habiter jamais ce Palais , mais
feulement d'élever à fon entrée un édifice
dont la magnificence égalât & la grandeur
de fes idées , & la dignité d'une maifon que
la nation regardoit comme celle de fon
Roi , par les honneurs qu'il avoit attachés
à fes entrées. Il vouloit encore qu'elle pût
fervir aux fiécles à venir de monument &
de témoin évident & inconteſtable des
merveilles de fon regne dans tous les genres
, mais fur-tout dans celui de la perfection
des beaux Arts . Il y eut encore un autre
motif qui détermina à employer dans
cette façade tout ce que l'architecture avoit
de plus majestueux & de plus frappant . Le
deffein de M. Colbert étoit d'ouvrir une
Giij
150 MERCURE DE FRANCE .
large & belle rue vis- à-vis le Louvre , qui
auroit été continuée jufques à l'arc de
triomphe du fauxbourg S. Antoine , & qui
auroit fervi d'avenue au plus vafte palais
par fon enceinte qu'il y eût eu en Europe ,
puifqu'il étoit décidé qu'on éleveroit du
côté de la rue S. Honoré une galerie parallele
à l'ancienne qui eft fur la riviere ,
& qu'il n'y auroit aucun bâtiment entre le
Louvre & le palais des Tuileries. Quelle
décoration n'exigeoit pas l'objet d'un point
de vue d'une fi prodigieufe étendue ( ƒ) !
Louis XIV , en qui l'excellence d'un
goût naturel égaloit fon amour pour le
grand en tout , ne fut point fatisfait de
plufieurs deffeins qui lui furent préfentés ,
où les croifées n'avoient point été oubliées,
& fur-tout dans celui du Cavalier Bernin
(g ) : mais Perrault fçut faifir en ha-
(f)Toutes les raifons que l'Auteur apporte ici
autorifent Perrault à faire un monument de la
plus grande magnificence & d'une grandeur coloffale
, mais nullement à interrompre par une
arcade fon architecture , & à faire le milieu plein
& maffif comme il eft . A l'égard du défaut de croifées
, il est très-bien juftifié , parce qu'en effet les
niches préfenteront toujours un plus riche fpectacle
que des fenêtres.
(g ) Le projet du Bernin n'étoit pas à rejetter
parce qu'il y avoit des croifées , mais parce
qu'il ne valoit rien d'ailleurs.
JUIN. 1755- 151
bile homme l'avantage unique de la deftination
de cet édifice , & compofer cet admirable
frontifpice , où il n'étoit affervi
ni à la ftructure des palais ordinaires ni à
leurs façades percées à jour ; c'eft ce qui
lui fit concevoir & enfanter ce fublime
deffein , qui fut dans le même inſtant préfenté
, admiré & agréé par Louis XIV.
Voilà ce qui a échappé aux connoiffan
ces de l'auteur de la critique , & qui détruit
tous fes efforts pour dégrader ce bel
édifice . L'ignorance à la vérité de ce que
je viens de lui expofer , peut excufer &
même autorifer les erreurs qu'on trouve
dans la fuite de l'examen de cette façade
au fujet de fa deftination . Telle est l'impoffibilité
où l'on eût été d'y placer des
fpectateurs dans le milieu , à l'occafion des
fêtes qui auroient été données dans l'efpace
en face de ce Château ( b ) . Il n'eft cependant
pas vraisemblable qu'il n'ait jamais
oui parler du fuperbe carroufel donné
par Louis XIV dans la cour du palais
(b ) Il ne s'enfuit pas de ce que les fêtes publiques
pouvoient fe donner dans la cour des Tuileries
, qu'il fût néceffaire de remplir le milieu
du périftile , de telle maniere que perfonne ne pût
s'y placer pour voir le beau coup d'oeil de cette
grande rue , projettée jufqu'à l'arc de triomphe da
fauxbourg S, Antoine.
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
·
des Tuileries qui en a gardé le nom , &
que cette cour étant beaucoup plus fpacieufe
que celle du Louvre , elle eût par
conféquent toujours été choifie pour des
fêtes . Notre Cenfeur auroit encore pû deviner
la deſtination de ce palais par une
réflexion bien fimple : c'eft que le palais
le plus fuperbe ne fçauroit être digne d'un
Roi , s'il n'a fous fes yeux & à fa bienſéance
les agrémens & la promenade d'un magnifique
jardin. Ces réflexions euffent peutêtre
moderé la vivacité de fa critique , &
l'euffent obligé de donner à Perrault les éloges
qu'il mérite , quoique l'on apperçoive
dans fes remarques une confpiration déclarée
contre notre admiration. Ce Cenfeur
peu équitable n'ayant pû fe faire illufion fur
la foibleffe des coups qu'il a portés à cette
façade admirable , qui fe bornent à fon
inutilité apparente & à l'interruption des
deux périftiles , a cherché des défauts
dans l'architecture de la façade de ce palais
du côté de la riviere , mais avec auffi
peu de fuccès. Il prétend que c'eft dans
cette partie du Louvre que Perrault avoit
eu intention de placer l'appartement du
Roi dans cette fuppofition il s'éleve vivement
contre la fimplicité indécente de
fa décoration extérieure ; il la blâme d'être
fans avant corps qui interrompent par -
UIN. 1755.
153
des repos & des maffes l'ennuyeufe monotonie
qui y regne. Cette premiere critique
tombe d'elle- même , puifque l'on
voit dans cette façade trois avant-corps ,
l'un dans le milieu qui devoit être couronné
d'un grand fronton orné de fculptures
, tel qu'il eft gravé dans les plans du
Louvre , d'après le deffein original de
Perrault , & qui font entre les mains de
tout le monde ; les deux autres font placés
aux pavillons des deux extrêmités. ( ż)
En fecond lieu , ce bâtiment dont la fimplicité
l'offenfe fi fort & le rend froid à
Les yeux , ne l'auroit point été fi les pilaftres
qui en décorent la face étoient cannelés
comme ils le doivent être , les chapitaux
corinthiens fculptés & les trois
corps décorés de médaillons couronnés de
mafques & de guirlandes , & de tous les
ornemens dont ils devoient être enrichis.
Lorfqu'il defire dans ce palais un progrès
A
(i ) L'Auteur défend mieux la façade du côté
de la riviere , qui feroit en effet plus riche fi les
pilaftres étoient cannelés & les ornemens finis ;
mais on ne peut nier que cette fuite de pilaftres
n'ait quelque chofe de nonotone , & que fi les
avant- corps étoient ornés de colonnes il en réfulteroit
plus d'agrément & de variété , fans qu'el-
Tes ôtaffent le jour, comme il le croit , puifqu'il y
en a à la façade de Verfailles qui n'obfcurciffent
point la grande galerie .
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
de magnificence fupérieure , ou au moins
égale à celle de la façade de l'entrée , il
auroit voulu fans doute le même périftile ,
mais percé par des croifées , ce qui eût
été impoffible. Ces croifées placées dans
un renfoncement de dix-fept pieds , auroient-
elles éclairé fuffifamment les
appartemens
, & n'y auroient- elles pas plutôt
jetté le fombre & la trifteffe d'un faux jour
plus infupportable que l'entiere obfcurité ?
Un autre inconvénient que l'on n'auroit
jamais pû fauver dans la continuation du
périftile , c'étoit de ne pouvoir rendre les
appartemens de cette partie doubles , &
par conféquent habitables par Sa Majefté
dans des jours de fêtes .
Je paffe fous filence ce qu'il dit de l'intérieur
de la cour : il convient avec raifon
de l'embarras prefque invincible où
furent alors les Architectes , ou de continuer
l'attique , ou en le fupprimant , de
raccorder la nouvelle architecture avec
l'ancienne. Les plus habiles de nos jours
ont tenté d'imaginer pour cet accord un
meilleur deffein que celui qu'on a exécuté
en partie , & ils ont tous avoué que leurs
efforts ont été fans fuccès.
L'Auteur finit fa critique par une affertion
dont on pourra lui difputer la vérité ;
c'eft que tout changement dans un ouvra
JUIN. 1755. 155
ge
confacré à la vénération publique , paroîtra
toujours un crime. Je puis lui répondre
que s'il eût propofé quelque chofe
de nouveau & d'un meilleur accord que
ce que l'on a exécuté dans les façades intérieures
, le public fenfé & éclairé en eût
été très - reconnoiffant , & auroit penſé
comme luis qu'une critique fondée concourt
à l'avantage des arts qu'elle éclaire , & que
les murmures ne doivent jamais empêcher
de publier ce que le goût , d'accord avec la
raison , ont approuvé. ( k )
(k ) Le réſultat de ces deux écrits eft que l'Auteur
de la lettre eft fondé dans le reproche qu'il
fait au Cenfeur du Louvre d'avoir parlé avec trop
peu de ménagement d'un édifice qui fait & qui
fera toujours , malgré fes défauts , l'admiration
de tous les gens de goût ; cependant on ne peut
pas dire que la cenfure de ce Critique manque
de jufteffe , mais qu'elle eft déplacée , dans un
tems où tous les vrais citoyens voyent avec un
plaifir qui tient du transport les préparatifs qu'on
fait pour achever ce ſuperbe monument, Elle paroit
d'autant plus repréhenfible que la multitude
non inftruite peut en conclure , que ce n'eft pas
la peine de finir un ouvrage dont on releve les
défauts avec tant d'amertume , & que d'ailleurs
il y a quelque ingratitude à reconnoître fi mal
le zéle de ceux qui s'occupent du foin de le faire
porter à fon entiere perfection.
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Résumé : ARCHITECTURE. Lettre de M.... à M. le Comte de Ch. sur le Louvre. (a)
La lettre de M.... à M. le Comte de Ch. aborde une critique anonyme publiée dans le Mercure d'avril concernant l'architecture du Louvre. L'auteur de la lettre reconnaît l'intérêt du comte pour ce monument et partage les critiques formulées par le censeur anonyme, qualifié d'homme de l'art. Ce dernier propose des réflexions sur le Louvre, affirmant que les œuvres du siècle de Louis XIV doivent être adorées aveuglément, tandis que le siècle actuel, plus sage et éclairé, peut les discuter. Le censeur critique la façade actuelle, préférant l'achèvement du Louvre selon les anciens plans, qu'il juge plus superbe. Il reproche à l'architecture de Perrault son manque de composition et de proportions, et déplore l'absence de croisées. La lettre défend Perrault en expliquant que Louis XIV n'avait pas l'intention d'habiter le Louvre, mais de créer un monument magnifiquement décoré pour témoigner de la grandeur de son règne. Elle souligne également que la façade actuelle répondait à un projet urbanistique ambitieux, incluant une large rue et une galerie parallèle. La critique du censeur est jugée inéquitable et manquant de goût, notamment en ce qui concerne l'interruption des péristyles et l'absence de croisées. Le texte discute également des défis architecturaux rencontrés lors de la construction de la façade du château de Versailles. L'auteur souligne que, bien que la grande galerie soit bien éclairée, il aurait été impossible de percer des croisées dans la façade pour éclairer les appartements sans créer une lumière insupportable. De plus, la continuité du péristyle aurait empêché de rendre les appartements doubles et habitables lors des jours de fête. L'auteur reconnaît les difficultés rencontrées par les architectes pour concilier l'ancienne et la nouvelle architecture, et mentionne que même les experts actuels n'ont pas trouvé de meilleure solution. La critique se termine par une réflexion sur les changements apportés aux ouvrages consacrés à la vénération publique, qualifiés de 'crime'. L'auteur répond que des critiques constructives peuvent contribuer à l'amélioration des arts. La censure du critique est jugée mal placée, surtout en période de préparatifs pour achever le monument, et pourrait décourager le public non instruit et sembler ingrate envers ceux qui travaillent à la perfection de l'ouvrage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 156-157
HORLOGERIE. Avertissement du sieur le Mazurier.
Début :
La simplicité fut toujours le caractere distinctif des bonnes machines ; c'est [...]
Mots clefs :
Horlogerie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HORLOGERIE. Avertissement du sieur le Mazurier.
HORLOGERIE.
Avertiſſement du fieur le Mazurier .
Ldiftinctif des bonnes machines ; c'eſt
un principe dont conviennent tous ceux
qui ont quelques connoiffances des méchaniques.
On fçait que bien des chofes
égales en foi , ont fouvent le même effet ;
mais que cet effet eft d'autant plus fûrement
produit , qu'il faut moins d'agens
pour le produire ; c'eft pour cette raifon
que le public s'eft intéreffé au travail de
M. le Roi fils , & qu'on a applaudi aux
moyens qu'il a propofés pour fupprimer
dans nos pendules ce grand nombre de
rouesqui ne peuvent qu'altérer leur jufteffe
en y multipliant l'ouvrage & la dépenfe.
En rendant à M. le Roi la juftice qui lui
eft dûe en qualité de premier inventeur
de ces fortes de conftructions le fieur
le Mazurier a cru qu'on ne lui fçauroit
pas mauvais gré d'entrer dans la même
carriere , & que ce feroit une entreprife
utile que de chercher quelqu'autre moyen
encore plus fimple de parvenir au but que
M. le Roi fe propofoit : c'est ce qui la
A fimplicité fut toujours le caractere
>
JUIN. 1755- I 57
porté à exécuter la conftruction de pendule
qu'il publie aujourd'hui ; non content de
la grande fimplicité où il l'a amenée , il lui
a donné une forme extrêmement gracieufe
, ce qui lui a donné lieu d'y ajufter un
cadran de glace , au travers duquel on voit
l'opération de tous ces effets : cette pendule
marque l'heure , la minute , la feconde ;
elle fonne l'heure & le quart à la feconde
précisément , ce qu'on n'avoit pû exécuter
jufqu'à ce jour , & elle n'a qu'une roue
pour fon mouvement & une pour fa fonnerie
; elle donne en outre l'équation du
foleil par un moyen fimple , ce que l'on
verra plus en détail dans le rapport fuivant
, & ce dont on pourra s'inftruire par
fes yeux fi l'on veut fe donner la peine de
la venir voir , rue de la Harpe , où il demeure
, tous les jours de travail , depuis
trois heures d'après- midi jufqu'à cinq , où
il fe fera un devoir de recevoir les avis des
gens de l'art , & des amateurs qui voudront
l'en honorer.
Avertiſſement du fieur le Mazurier .
Ldiftinctif des bonnes machines ; c'eſt
un principe dont conviennent tous ceux
qui ont quelques connoiffances des méchaniques.
On fçait que bien des chofes
égales en foi , ont fouvent le même effet ;
mais que cet effet eft d'autant plus fûrement
produit , qu'il faut moins d'agens
pour le produire ; c'eft pour cette raifon
que le public s'eft intéreffé au travail de
M. le Roi fils , & qu'on a applaudi aux
moyens qu'il a propofés pour fupprimer
dans nos pendules ce grand nombre de
rouesqui ne peuvent qu'altérer leur jufteffe
en y multipliant l'ouvrage & la dépenfe.
En rendant à M. le Roi la juftice qui lui
eft dûe en qualité de premier inventeur
de ces fortes de conftructions le fieur
le Mazurier a cru qu'on ne lui fçauroit
pas mauvais gré d'entrer dans la même
carriere , & que ce feroit une entreprife
utile que de chercher quelqu'autre moyen
encore plus fimple de parvenir au but que
M. le Roi fe propofoit : c'est ce qui la
A fimplicité fut toujours le caractere
>
JUIN. 1755- I 57
porté à exécuter la conftruction de pendule
qu'il publie aujourd'hui ; non content de
la grande fimplicité où il l'a amenée , il lui
a donné une forme extrêmement gracieufe
, ce qui lui a donné lieu d'y ajufter un
cadran de glace , au travers duquel on voit
l'opération de tous ces effets : cette pendule
marque l'heure , la minute , la feconde ;
elle fonne l'heure & le quart à la feconde
précisément , ce qu'on n'avoit pû exécuter
jufqu'à ce jour , & elle n'a qu'une roue
pour fon mouvement & une pour fa fonnerie
; elle donne en outre l'équation du
foleil par un moyen fimple , ce que l'on
verra plus en détail dans le rapport fuivant
, & ce dont on pourra s'inftruire par
fes yeux fi l'on veut fe donner la peine de
la venir voir , rue de la Harpe , où il demeure
, tous les jours de travail , depuis
trois heures d'après- midi jufqu'à cinq , où
il fe fera un devoir de recevoir les avis des
gens de l'art , & des amateurs qui voudront
l'en honorer.
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Résumé : HORLOGERIE. Avertissement du sieur le Mazurier.
Le texte aborde les innovations en horlogerie, notamment celles du sieur le Mazurier et de M. le Roi. Le Mazurier insiste sur la simplicité et l'efficacité dans la construction des machines, particulièrement des pendules. M. le Roi a proposé des méthodes pour réduire le nombre de roues dans les pendules, augmentant ainsi leur précision et diminuant les coûts. Inspiré par ces idées, le Mazurier crée une pendule plus simple et élégante. Cette pendule indique l'heure, la minute et la seconde avec précision, et sonne l'heure et le quart à la seconde près, une fonction inédite à l'époque. Elle utilise seulement deux roues pour son mouvement et sa sonnerie, et affiche l'équation du soleil par un moyen simple. Le Mazurier invite les experts et les amateurs à visiter sa pendule rue de la Harpe, où il est disponible pour des consultations les jours de travail de 15h à 17h.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 158-176
EXTRAIT DES REGISTRES De l'Académie royale des Sciences, du 22 Mars 1755.
Début :
Nous avons examiné par ordre de l'Académie, une pendule du sieur le Mazurier [...]
Mots clefs :
Pendule, Le Mazurier, Mouvement, Roue, Sonnerie, Vibrations, Académie royale des sciences, Horloger, Détente, Chevilles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT DES REGISTRES De l'Académie royale des Sciences, du 22 Mars 1755.
EXTRAIT DES REGISTRES
De l'Académie royale des Sciences , du 22
Mars 1755.
Nous avons examiné par ordre de l'Académie
, une pendule du fieur le Mazurier
, Horloger , à fecondes , à fonnerie &
à remontoir , dont le mouvement n'a qu'une
feule roue , ainfi que la fonnerie
. Ces
deux parties
de la pendule
étant diftinctes
l'une de l'autre
, nous les décrirons
féparément
, afin d'en donner
une idée plus
nette , & de le faire d'une
maniere
plus
préciſe
; mais avant que d'en venir là , il eft
à propos de reprendre
les chofes
de plus
haut , & de faire quelques
réflexions
relativement
à la conftruction
des pendules
de
cette
espéce .
On fçait que les premiers régulateurs
des horloges , comme le balancier , n'agiffant
pour en régler le mouvement que
par leur inertie , n'avoient en eux , avant
l'application du reffort fpiral , aucun principe
de mouvement alternatif : pour que
le balancier fît des vibrations , il falloit
donc que la conftruction de l'échappement
fût telle que par fon moyen la roue de
rencontre ayant fait faire une excurfion à
ce régulateur , elle continuât d'agir fur lui
JUIN. 1755. 159
pour pouvoir le ramener & lui en faire
faire une autre en fens contraire : car fi
dans l'inftant où elle auroit fait faire la
premiere excurfion , elle avoit ceffé d'agir
de cette maniere fur le balancier , il n'auroit
point fait de vibration , puiſque par
fon inertie il ſe ſeroit mû , ou auroit tendu
à fe mouvoir dans la premiere direction
qui lui auroit été imprimée. Le premier
échappement qu'on employa dans les horloges
devoit donc par fa conftruction produire
l'effet dont nous venons de parler ;
auffi l'échappement à roue de rencontre &
à palettes , le plus ancien de tous , eft- il
très- bien conftruit pour cela. Mais l'application
du pendule aux horloges & du reffort
fpiral au balancier , fit bientôt connoître
que la difpofition de cet échappement ,
relativement à la production de cet effet ,
n'étoit pas abfolument néceffaire . En effet ,
le pendule & le balancier , aidés du reffort
fpiral , pouvant , lorfqu'ils font une fois
mis en mouvement , faire des vibrations
indépendamment de l'action de la force
motrice , la difpofition de l'échappement
par laquelle la roue de rencontre agiffoit
continuellement fur le régulateur pour le
faire vibrer , devenoit inutile , & pouvoit
même ne pas procurer à l'horloge toute la
juſteſſe dont elle étoit fufceptible ; car les
160 MERCURE DE FRANCE.
petites vibrations de ces deux régulateurs
étant ifochrones * , il fembloit que pour
en rendre le mouvement plus jufte , il
falloit laiffer autant qu'il étoit poffible
leurs vibrations libres ce fut vraisemblablement
cette confidération qui donna
lieu à l'invention des échappemens à repos.
On fçait que dans ces échappemens ,
lorfque la dent de la roue de rencontre a
écarté le régulateur , elle échappe , & elle ,
ou une autre de la même roue , va fe
repofer
fur une partie faifant corps avec l'axe
de ce même régulateur , conftruite de façon
que pendant que le régulateur acheve fon
excurfion , le mouvement de cette roue fe
trouve fufpendu ; qu'enfuite lorfqu'il revient
en arriere , il détend , fi cela fe peut
dire , le rouage , en laiffant paffer une dent
de la roue de rencontre qui agit de nouveau
fur lui , & ainfi de fuite. De là on
pourroit appeller encore ces échappemens ,
échappemens à détente ; mais cette dénomination
nous paroît mieux convenir à
ceux dont nous allons parler.
La fufpenfion du mouvement de la
roue de rencontre pourroit encore être
• Terme de phyfique & de mathématique , qui
fignifie qui fe fait en tems égaux : les vibrations
d'un pendule font toutes ifochrones , c'est-à - dire
qu'elles fe font toutes dans le même efpace de tems
JUIN. 1755. 161
produite d'une maniere différente de
celle que nous venons de décrire ; elle
pourroit fe faire au moyen d'une piéce
étrangere au régulateur ( comme un lévier ,
une bafcule ) , & immobile pendant toute
la vibration , dont une partie fe feroit engagée
entre les dents de cette roue & fe
feroit dégagée par le mouvement de ce
même régulateur ; & c'eft ainfi que cela
s'exécutoit dans un échappement que feu
M. du Tartre , habile Horloger , imagina
vers l'an 1730. Nous l'avons vu de même
dans un autre échappement , très différent
d'ailleurs , que l'aîné des fils de M. Julien
le Roi préfenta à cette Académie en 1748 .
Enfin la fufpenfion du mouvement de la
roue de rencontre fur le régulateur , eft
encore exécutée d'une maniere toute nouvelle
dans la pendule dont nous rendons
compte : ce font ces échappemens que nous
appellerons à l'avenir , échappemens à détente
, parce que ce nom nous paroît les
bien caractérifer , & leur convenir , comme
nous l'avons dit , beaucoup mieux qu'aux
précédens : en effet , le jeu de la piéce dont
une partie , en s'engageant dans les dents
de la roue de rencontre , ou s'en dégageant
, arrête cette roue , ou lui permet
de fe mouvoir , reffemble tout - à-fait à celui
d'une détente.
162 MERCURE DE FRANCE.
C'étoit avoir déja fait un certain chemin
que d'avoir inventé l'échappement à
repos , & il fembloit qu'avec un régulateur
tel que le pendule , il n'y avoit pas bien
loin de ce pas à un autre , par lequel on
auroit fimplifié les horloges où on l'emploie
; car ce régulateur pouvant faire les
vibrations par lui-même , & confervant
fon mouvement auffi long-tems qu'il le
conferve , il paroiffoit qu'on pouvoit conftruire
ces horloges de maniere que ce régulateur
fît non feulement une vibration
libre , mais encore dix , vingt , trente &
foixante , fans recevoir de nouveau mouvement
de la force motrice , c'est- à- dire
que la reſtitution au lieu de fe faire , par
exemple toutes les fecondes dans les
pendules à fecondes , ne fe fit que toutes
dix , vingt , trente ou foixante fecondes
; par là on pouvoit retrancher plufieurs
roues , & ainfi diminuer beaucoup les frottemens
, & en général fimplifier toute la
machine. Mais foit qu'un pareil changement
dans la conftruction de ces horloges
fût plus difficile à faire qu'il ne le paroît ,
foit par quelqu'autre caufe , ce ne fut que
long-tems après la découverte des échappemens
à repos qu'on fit des pendules fur
ce principe on les doit au fils de M. le
Roi dont nous avons déja parlé , qui les
JUIN. 2755% 163
inventa en 1751. Cependant un de nous
( M. le Camus ) ainfi que quelques Horlogers
de Paris , entr'autres M. Julien le Roi ,
ont vû chez feu M. l'Abbé d'Andeleau ,
vers l'an 1727 , non une pendule , mais
un échappement dans lequel la reftitution
ne fe faifoit qu'après plufieurs vibrations
du régulateur. Voici comment il étoit
conftruit.
Deux rochets d'inégale grandeur étoient
portés par un même arbre à quelque diftance
l'un de l'autre ; le plus grand étoit
divifé en trente dents , & l'autre en un
nombre plus petit aliquote du premier ,
comme quinze , dix , fix ou cinq : les dents
du premier fe repofoient alternativement
fur la circonférence convexe & concave
d'une efpéce de cylindre creux que portoit
l'axe du pendule ; lorfque plufieurs de ces
dents étoient paffées , une de celles du petit
rochet rencontroit une palette que portoit
le même axe du pendule , & lui reſtituoit
le mouvement qu'il avoit perdu dans
les vibrations précédentes. Mais on voit
par cette conftruction que cet échappement
étoit au plus auffi bon que les échappemens
ordinaires , où la reftitution fe fait
à toutes les vibrations , & que ce fçavant
Abbé n'avoit pas fenti les avantages que
l'on pouvoit obtenir , comme nous l'avons
164 MERCURE DE FRANCE .
dit , en ne faifant reftituer le mouvement
au pendule qu'après un certain nombre de
vibrations en effet , fon grand rochet
ayant trente dents , comme ceux des pendules
à fecondes ordinaires , & devant faire
comme eux une révolution par minute ,
il devoit néceffairement avoir la même
vîteffe , qui étoit auffi celle du petit rochet.
Il s'enfuit donc que les pendules où M.
l'Abbé d'Andeleau auroit employé cet
échappement , n'auroient pû en aucune
maniere avoir un rouage plus fimple que
celui des autres. }
Dans la pendule de M. le Mazurier , les
deux platines font réduites à deux piéces
de trois branches chacune en forme d'y ,
renverfées , très - évafées , & faites d'un
cuivre fort épais ; fur l'y ou platine de
devant on voit en dehors , ou du côté de la
cadrature , la roue qui porte l'aiguille des
fecondes ; elle a trente dents , & porte une
palette vers l'extrêmité de la tige , qui paffe
travers la platine dont nous venons de
parler , fon pivot étant porté par un pont :
cette roue ne reçoit point de mouvement
de la force motrice , mais uniquement du
pendule , de la maniere ſuivante.
Sur l'axe du pendule qui déborde un
peu la platine de devant , eft attachée perpendiculairement
& par le milieu
une
JUIN. 1755. 165
traverſe formant avec cet axe une figure
de T ; cette traverſe porte à chacune de fes
extrêmités une efpéce de béquille ; les
bouts des tiges de ces béquilles qui font
fort longues , vont s'engager du même côté
dans différens intervalles des dents de la
roue qui porte l'aiguille des fecondes ; par
cette difpofition on voit que ces béquilles
forment un lévier de La Garoufte , de forte
que deux vibrations du pendule font paffer
une dent de cette roue ; ainfi au bout
de foixante vibrations , elle a fait fon tour.
Voyons maintenant de quelle façon
Faction de la roue fur le pendule eft fufpendue
pour lui laiffer faire fes vibrations
en liberté , comment elle eft dégagée , &
comment elle agit fur le pendule pour lui
reftituer le mouvement qu'il pouvoit avoir
perdu pendant une minute .
Une piéce en forme d'équerre mobile
fur une cheville qui traverfe fa branche
horizontale , & porte fur fa branche verticale
& fupérieure un doigt , fur l'extrê
mité duquel viennent s'appuyer les chevilles
de la roue ; ce doigt eft mobile ſur
une cheville & taillé en bifeau par- deffous ,
afin qu'il ne puiffe heurter contre aucunes
chevilles , & qu'il ne manque jamais de
paffer entre deux chevilles : au haut de la
même branche verticale , eft placée une
166 MERCURE DE FRANCE.
cheville , par laquelle cette équerre peut
être prife pour être renversée par la piéce
qui fert à dégager la roue : une longue
piéce fufpendue par fon extrêmité fupérieure
par une cheville , autour de laquelle
elle peut fe mouvoir très- librement , porte
vers fon extrêmité inférieure la cheville
ou appui d'un lévier de la premiere efpéce.
L'extrêmité du petit bras de ce lévier eft
articulée avec une petite verge verticale ,
qui porte un petit talon , fur lequel la
palette de la tige de la roue qui porte l'aiguille
des fecondes vient s'appuyer à la fin
de chaque minute : au moyen de cette action
de la palette , le petit bras de ce lévier
s'abaiffe & le plus grand s'éleve , & par là
un talon qui eft à fon extrêmité , eft rencontré
par une pièce ou doigt qui tient à
la verge du pendule. Le pendule continuant
fa vibration , entraîne dans fon
mouvement le lévier & la longue piéce
pendante qui le porte.
Pendant que cette vibration ſe fait , un
fe
crochet dont le centre du mouvement eft
placé tout au bas de la piéce pendante qui
porte le lévier , accroche la cheville qui
eft tout au haut de la branche verticale de
l'équerre dont nous avons parlé , & retirant
cette branche de fa fituation verticale ,
dégage en même tems le doigt fur lequel
JUIN. 1755: 167
une cheville de la roue étoit appuyée ; alors
cette roue étant libre , une de fes chevilles
rencontre une palette d'agarhe fixée ſur la
verge du pendule , & lui reftitue pendant
une grande partie de cette vibration le
mouvement qu'il avoit perdu pendant une
minute . Comme le centre du mouvement
de l'équerre eft vers le milieu de fa branche
horizontale , la branche verticale s'abaiffe
en même tems qu'elle s'écarte de fa fituation
verticale , & la cheville placée à l'extrêmité
de cette branche , fe dégage du crochet
qui la renverfoit avant que la vibration
foit totalement firie ; enforte que
pendant que cette même vibration s'acheve
, l'équerre a la liberté de reprendre fa
premiere pofition , & le doigt qu'elle porte,
fa fituation , pour arrêter & foutenir la
cheville fuivante .
On connoît trop la conftruction ordinaire
des fonneries , pour qu'il foit néceffaire
de s'étendre fur ce fuiet. Nous ferons
remarquer feulement qu'elles font compofées
de plufieurs roues ( communément au
nombre de quatre ) & d'un volant , qui fervent
à moderer la vîteffe du rouage , pour
qu'il y ait un intervalle fuffifant entre chaque
coup de marteau : fi donc par quelque
moyen fimple on pouvoit empêcher que le
poids ou le reffort ne fe muffent avec
168 MERCURE DE FRANCE .
trop de rapidité , on trouveroit par là celui
de fe paffer de ces roues & de ce volant ;
c'eft ce que le fils de M. le Roi , déja cité , a
exécuté le premier , par le moyen du régulateur
du mouvement , dans une pendule
qu'il préfenta à l'Académie le 19 Avril
1752. Dans la defcription que l'on en
trouve dans le Mercure d'Août de la
même année , page 161 , on voit qu'il n'y
a dans cette fonnerie qu'une roue unique ,
fervant tout à la fois de roue , de cheville
& de chaperon , dont l'action eft ralentie &
reglée par le régulateur même , &c.
Dans la fonnerie du fieur le Mazurier ,
il n'y a auffi qu'une feule roue , portant le
poids & faifant la fonction de la roue de
chevilles & de chaperon , faifant fonner
les heures & tous les quarts . Le mouvement
de cette roue y eft auffi moderé
par celui
du régulateur ; mais cet effet s'y exécute ,
ainfi que les autres appartenant à la fonnerie
, d'une maniere bien fimple & bien
fûre , toute différente de ce qu'a fait M. le
Roi fils .
Pour s'en former une idée , fuppofons
qu'on regarde la pendule du côté du cadran
, on voit à droite la roue de fonnerie
,
, portant fur l'une de fes faces les chevilles
qui font fonner les quarts , & fur
l'autre celles qui font fonner les heures :
dans
JUIN. 1755.
169
dans les entailles qui font à la circonféren
ce , s'engage une détente lorfqu'elle doit
ceffer de tourner à la gauche de cette roue
& un peu au- deffus de fon diametre horizontal,
font placés fur un même axe parallele
à celui de la roue , les marteaux au
nombre de quatre ; chaque marteau à tout
près de l'axe un bec , que les chevilles de la
roue accrochent pour les lever ; & fur le
côté oppofé à ce bec , une queue de laiton.
recourbée , fort déliée & flexible. Enfin la
verge du pendule porte une efpéce de plan ,
fur lequel s'appuient ( la verge étant aux
environs de l'aplomb ) les bouts recourbés
des queues de ces marteaux , lorfqu'ils font
aux trois quarts lleevvééss ,, oouu àà peu près , &
prêts à échapper des chevilles du chaperon
pour frapper fur les timbres. Voici comment
s'exécute cette fonnerie . Sur la roue
des minutes , ou celle qui fait fon tour en
une heure , font placées quatre chevilles à
go dégrés l'une de l'autre une longué
piéce de cuivre qui part de la détente , &
qu'on en peut nommer la queue , s'étend
diagonalement en enbas de droite à gauche
, fe préfente par fon extrêmité à celle
de ces quatre chevilles qui fe trouve
perpendiculairement ou à peu près au-deffus
du centre de la roue ; cette cheville
pouffant légerement la détente , la fait
II.Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE .
lever , & par ce moyen dégage le chaperon.
La roue des minutes n'ayant de mouvement
qu'à la foixantieme feconde de chaque
minute , fait affez de chemin à la fin
de chaque minute pour que les chevilles
qui répondent à l'heure , au , à la ½ , &
aux , puiffent dégager la détente , & fe
dégager elles -mêmes de la queue de cette
piéce dans l'intervalle d'une feconde : ce
dégagement eft encore facilité par un petit
crochet articulé avec la queue de la détente
; le chaperon tournant , fes chevilles levent
fucceffivement les marteaux ; mais
leurs queues appuyant fur le plan porté par
la verge du pendule dont nous avons déja
parlé , le marteau ne peut achever de s'élever
que lorfque le pendule approche de
la fin de chaque vibration ; les queues recourbées
des marteaux échappant les unes
à droite , les autres à gauche du petit plan
que porte la verge du pendule , on ne doit
craindre que cette action des queues
des marteaux fur le petit plan altere le
mouvement du pendule , parce que les
queues de ces marteaux étant fort longues
& leurs levées fort courtes , la force avec
laquelle elles preffent fur le plan eft trèslégere
de plus , il eft limé en talut vers
fes bords , afin que lorfque les queues
échappent de deffus le plan , elles reftituent
pas
JUIN. 1755. 175
au pendule le peu de mouvement qu'il auroit
pû perdre par leur preffion.
Quant au remontoir de cette pendule
qui entre en action toutes les douze heures,
il est fort fimple : la corde fans fin qui
porte le poids & le contre-poids de la fonnerie
, paffe d'une part fur une poulie.
adaptée fur l'arbre de la roue de la fonnerie
, & de l'autre fur une poulie qui tient
au remontoir : à l'extrêmité de l'arbre de
cette roue , de l'autre côté de la platine de
derriere , il y a une levée ; cette levée
vient s'appuyer contre une efpéce de détente
, qui s'engageant dans une entaille
faite au remontoir , l'empêche de tourner ;
lorfque cette levée fait fon effet , elle dégage
la détente de l'entaille du remontoir ,
au moyen de quoi fon poids le faifant
tourner , celui de la fonnerie eft remonté
d'une hauteur égale à la demi- circonférence
de la poulie de ce remontoir , pendant
qu'il tourne une cheville qu'il porte , fait
baiffer une détente ou bafcule , & par là
dégage le remontoir du mouvement que
cette bafcule arrêtoit auparavant , lequel
étant libre , tourne & remonte le poids du
mouvement.
Enfin l'auteur a fçu tirer parti de ce
dernier remontoir pour faire mouvoir un
cercle annuel , fur lequel font marqués les
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
jours de chaque mois , & la quantité déquation
appartenante à chaque jour.
Après cette defcription , il eft à propos
de réfumer ce que nous avons dit fur cette
pendule. On voit que quant à l'idée générale
de faire une pendule à une feule
roue pour le mouvement , & à une feule
pour la fonnerie , elle n'eft pas nouvelle ,
puifque le fils de M. le Roi l'avoit exécutée
long - tems auparavant. Mais comme ¹en
méchanique les mêmes effets peuvent s'exé
cuter de différentes manieres , le fieur le
Mazurier a rendu fa pendule très- différente
de celle de M. le Roi ; les fecondes y font
marquées par une aiguille qui fait une
révolution entiere ( avantage qui n'eft pas
dans les premieres pendules à une roue ) ;
l'action de la roue fur le pendule eft ici
fufpendue pendant une minute entiere ,
& à la fin de chaque minute elle n'agit
que pendant une demi -feconde ou environ
, pour reftituer au pendule ce qu'il a
pû perdre de mouvement pendant la minute
; au lieu que dans celles que nous
venons de citer , l'action de la roue , out
celle d'un corps élevé par la roue , de demiminute
en demi-minute , agiffent continuellement.
Nous concluons de tout ceci que cette
pendule , qui eft d'ailleurs bien exécutée ,
JUI N. 1755. 173
eft nouvelle , quant à la maniere dont elle
eft conftruite pour produire les effets
qu'exigent des pendules del cette efpéce ,
& que ces effets s'y exécutent d'une façon
fure & capable de la faire aller avec beaecoup
de juſtelle : nous croyons donc qu'elle
mérite l'approbation de l'Académie , &
d'être inférée dans le recueil des machines.
Le fieur le Paute ayant écrit à M. de
Fouchy , le 18 Décembre 1754 , une lettre
où il dit , qu'il lui paroît que le fieur le Ma-
Kurier a employé les mêmes principes que
lui , foit pour les deux léviers , foit pour la
fonnerie fans rouage , il eft à propos de
difcuter ici fes prétentions .
Le fieur le Mazurier convient d'avoir
yû chez le fieur le Paute , par la face feulement
, une pendule où il y avoit deux
béquilles , faifant comme dans la fienne la
fonction de lávier de La Garoufte ,
fans avoir rien vû de l'intérieur de cette
pendule ; mais par les deux certificats
fuivans , fignés de perfonnes dignes de foi ,
il paroît quele feur de Mazurier avoit employé
dès le mois de Mai 1751 le même
moyen pour faire mouvoir une roue dans
une autre pendule de fon invention .
Voici comment ces certificats s'expri
ment of spillud ma nuolat
nem & .
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE .
» Vers le commencement de l'été de
»l'année 1751 , j'ai vû chez le fieur le
» Mazurier , Horloger , deux bras de lé-
>> vier attachés au deffus du coûteau d'un
pendule , & pendant à droite contre les
» dents d'une roue verticale en forme de
rochet : le bras droit pouffoit une dent
» dans une vibration du pendule , & le
bras gauche en pouffoit une autre dans
» la vibration fuivante : ce que je certifie
» véritable. A Paris , ce 15 Février 1755 .
Signé , Joly , Avocat , Confeiller au
" Confeil de M. le Duc d'Orléans , Lieu-
» nant général de la Capitainerie de Vincennes.
Je , fouffigné , Prieur du Collège de
Grammont , à Paris , attefte à tous qu'il
appartiendra avoir vû chez le fieur le
» Mazurier , Horloger , rue de la Harpe ,
»vers les fêtes de la Pentecôte de l'année
» 1751 , les mêmes léviers avec leurs
»mouvemens énoncés ci -deffus pour la
pendule de nouvelle invention , que j'ai
vû même commencer chez ledit fieur le
Mazurier dans les années antérieures. En
» foi de quoi j'ai figné le préfent certificat .
» A Paris , le 16 de Février 1755. Signé ,
» F. Vitecoq , Prieur du Collège de Grama
mont.
JUIN. 1755. 173
⚫On voit donc qu'à cet égard le fieur le
Mazurier n'a rien emprunté du fieur le
Paute.
Quant à l'idée de la fonnerie exécutée
en général par le moyen d'une feule roue ,
il eft clair par ce que nous avons rapporté ,
que le fieur le Paute n'eft nullement fondé
à la revendiquer ; car le fils de M. le Roi
avoit préfenté à l'Académie une pendule à
fonnerie conftruite fur ce principe au mois
d'Avril 1752 , c'eſt- à-dire plus de fix mois
avant qu'il eût parlé de la fienne dans le
Mercure d'Octobre de la même année , &
il en avoit donné la defcription générale
dans le Mercure d'Août , ou deux mois
avant l'annonce de celle du fieur le Paute.
Enfin en comparant la fonnerie du
fieur le Mazurier avec les deux deffeins
de fonnerie , dépofés à l'Académie le 22
Janvier 1754 , par le fieur le Paute , &
dont il a defiré que nous euffions communication
, on voit clairement que ces
deux Horlogers ne fe font pas rencontrés ,
le Geur le Paute ayant employé deux chaperons
, l'un pour faire fonner les heures ,
l'autre pour faire fonner les quarts , & le
fieur le Mazurier n'en ayant employé
qu'un pour produire les mêmes effets :
d'ailleurs on ne voit rien dans ces def
feins qui defigne de quelle maniere de
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
fieur le Paute fe propofoit d'exécuter les
autres effets appartenant à la fonnerie.
Ainfi il paroît que le fieur le Mazurier
n'a rien emprunté du fieur le Paute.
Signé , Camus , de Montigny , de Parcieux .
De l'Académie royale des Sciences , du 22
Mars 1755.
Nous avons examiné par ordre de l'Académie
, une pendule du fieur le Mazurier
, Horloger , à fecondes , à fonnerie &
à remontoir , dont le mouvement n'a qu'une
feule roue , ainfi que la fonnerie
. Ces
deux parties
de la pendule
étant diftinctes
l'une de l'autre
, nous les décrirons
féparément
, afin d'en donner
une idée plus
nette , & de le faire d'une
maniere
plus
préciſe
; mais avant que d'en venir là , il eft
à propos de reprendre
les chofes
de plus
haut , & de faire quelques
réflexions
relativement
à la conftruction
des pendules
de
cette
espéce .
On fçait que les premiers régulateurs
des horloges , comme le balancier , n'agiffant
pour en régler le mouvement que
par leur inertie , n'avoient en eux , avant
l'application du reffort fpiral , aucun principe
de mouvement alternatif : pour que
le balancier fît des vibrations , il falloit
donc que la conftruction de l'échappement
fût telle que par fon moyen la roue de
rencontre ayant fait faire une excurfion à
ce régulateur , elle continuât d'agir fur lui
JUIN. 1755. 159
pour pouvoir le ramener & lui en faire
faire une autre en fens contraire : car fi
dans l'inftant où elle auroit fait faire la
premiere excurfion , elle avoit ceffé d'agir
de cette maniere fur le balancier , il n'auroit
point fait de vibration , puiſque par
fon inertie il ſe ſeroit mû , ou auroit tendu
à fe mouvoir dans la premiere direction
qui lui auroit été imprimée. Le premier
échappement qu'on employa dans les horloges
devoit donc par fa conftruction produire
l'effet dont nous venons de parler ;
auffi l'échappement à roue de rencontre &
à palettes , le plus ancien de tous , eft- il
très- bien conftruit pour cela. Mais l'application
du pendule aux horloges & du reffort
fpiral au balancier , fit bientôt connoître
que la difpofition de cet échappement ,
relativement à la production de cet effet ,
n'étoit pas abfolument néceffaire . En effet ,
le pendule & le balancier , aidés du reffort
fpiral , pouvant , lorfqu'ils font une fois
mis en mouvement , faire des vibrations
indépendamment de l'action de la force
motrice , la difpofition de l'échappement
par laquelle la roue de rencontre agiffoit
continuellement fur le régulateur pour le
faire vibrer , devenoit inutile , & pouvoit
même ne pas procurer à l'horloge toute la
juſteſſe dont elle étoit fufceptible ; car les
160 MERCURE DE FRANCE.
petites vibrations de ces deux régulateurs
étant ifochrones * , il fembloit que pour
en rendre le mouvement plus jufte , il
falloit laiffer autant qu'il étoit poffible
leurs vibrations libres ce fut vraisemblablement
cette confidération qui donna
lieu à l'invention des échappemens à repos.
On fçait que dans ces échappemens ,
lorfque la dent de la roue de rencontre a
écarté le régulateur , elle échappe , & elle ,
ou une autre de la même roue , va fe
repofer
fur une partie faifant corps avec l'axe
de ce même régulateur , conftruite de façon
que pendant que le régulateur acheve fon
excurfion , le mouvement de cette roue fe
trouve fufpendu ; qu'enfuite lorfqu'il revient
en arriere , il détend , fi cela fe peut
dire , le rouage , en laiffant paffer une dent
de la roue de rencontre qui agit de nouveau
fur lui , & ainfi de fuite. De là on
pourroit appeller encore ces échappemens ,
échappemens à détente ; mais cette dénomination
nous paroît mieux convenir à
ceux dont nous allons parler.
La fufpenfion du mouvement de la
roue de rencontre pourroit encore être
• Terme de phyfique & de mathématique , qui
fignifie qui fe fait en tems égaux : les vibrations
d'un pendule font toutes ifochrones , c'est-à - dire
qu'elles fe font toutes dans le même efpace de tems
JUIN. 1755. 161
produite d'une maniere différente de
celle que nous venons de décrire ; elle
pourroit fe faire au moyen d'une piéce
étrangere au régulateur ( comme un lévier ,
une bafcule ) , & immobile pendant toute
la vibration , dont une partie fe feroit engagée
entre les dents de cette roue & fe
feroit dégagée par le mouvement de ce
même régulateur ; & c'eft ainfi que cela
s'exécutoit dans un échappement que feu
M. du Tartre , habile Horloger , imagina
vers l'an 1730. Nous l'avons vu de même
dans un autre échappement , très différent
d'ailleurs , que l'aîné des fils de M. Julien
le Roi préfenta à cette Académie en 1748 .
Enfin la fufpenfion du mouvement de la
roue de rencontre fur le régulateur , eft
encore exécutée d'une maniere toute nouvelle
dans la pendule dont nous rendons
compte : ce font ces échappemens que nous
appellerons à l'avenir , échappemens à détente
, parce que ce nom nous paroît les
bien caractérifer , & leur convenir , comme
nous l'avons dit , beaucoup mieux qu'aux
précédens : en effet , le jeu de la piéce dont
une partie , en s'engageant dans les dents
de la roue de rencontre , ou s'en dégageant
, arrête cette roue , ou lui permet
de fe mouvoir , reffemble tout - à-fait à celui
d'une détente.
162 MERCURE DE FRANCE.
C'étoit avoir déja fait un certain chemin
que d'avoir inventé l'échappement à
repos , & il fembloit qu'avec un régulateur
tel que le pendule , il n'y avoit pas bien
loin de ce pas à un autre , par lequel on
auroit fimplifié les horloges où on l'emploie
; car ce régulateur pouvant faire les
vibrations par lui-même , & confervant
fon mouvement auffi long-tems qu'il le
conferve , il paroiffoit qu'on pouvoit conftruire
ces horloges de maniere que ce régulateur
fît non feulement une vibration
libre , mais encore dix , vingt , trente &
foixante , fans recevoir de nouveau mouvement
de la force motrice , c'est- à- dire
que la reſtitution au lieu de fe faire , par
exemple toutes les fecondes dans les
pendules à fecondes , ne fe fit que toutes
dix , vingt , trente ou foixante fecondes
; par là on pouvoit retrancher plufieurs
roues , & ainfi diminuer beaucoup les frottemens
, & en général fimplifier toute la
machine. Mais foit qu'un pareil changement
dans la conftruction de ces horloges
fût plus difficile à faire qu'il ne le paroît ,
foit par quelqu'autre caufe , ce ne fut que
long-tems après la découverte des échappemens
à repos qu'on fit des pendules fur
ce principe on les doit au fils de M. le
Roi dont nous avons déja parlé , qui les
JUIN. 2755% 163
inventa en 1751. Cependant un de nous
( M. le Camus ) ainfi que quelques Horlogers
de Paris , entr'autres M. Julien le Roi ,
ont vû chez feu M. l'Abbé d'Andeleau ,
vers l'an 1727 , non une pendule , mais
un échappement dans lequel la reftitution
ne fe faifoit qu'après plufieurs vibrations
du régulateur. Voici comment il étoit
conftruit.
Deux rochets d'inégale grandeur étoient
portés par un même arbre à quelque diftance
l'un de l'autre ; le plus grand étoit
divifé en trente dents , & l'autre en un
nombre plus petit aliquote du premier ,
comme quinze , dix , fix ou cinq : les dents
du premier fe repofoient alternativement
fur la circonférence convexe & concave
d'une efpéce de cylindre creux que portoit
l'axe du pendule ; lorfque plufieurs de ces
dents étoient paffées , une de celles du petit
rochet rencontroit une palette que portoit
le même axe du pendule , & lui reſtituoit
le mouvement qu'il avoit perdu dans
les vibrations précédentes. Mais on voit
par cette conftruction que cet échappement
étoit au plus auffi bon que les échappemens
ordinaires , où la reftitution fe fait
à toutes les vibrations , & que ce fçavant
Abbé n'avoit pas fenti les avantages que
l'on pouvoit obtenir , comme nous l'avons
164 MERCURE DE FRANCE .
dit , en ne faifant reftituer le mouvement
au pendule qu'après un certain nombre de
vibrations en effet , fon grand rochet
ayant trente dents , comme ceux des pendules
à fecondes ordinaires , & devant faire
comme eux une révolution par minute ,
il devoit néceffairement avoir la même
vîteffe , qui étoit auffi celle du petit rochet.
Il s'enfuit donc que les pendules où M.
l'Abbé d'Andeleau auroit employé cet
échappement , n'auroient pû en aucune
maniere avoir un rouage plus fimple que
celui des autres. }
Dans la pendule de M. le Mazurier , les
deux platines font réduites à deux piéces
de trois branches chacune en forme d'y ,
renverfées , très - évafées , & faites d'un
cuivre fort épais ; fur l'y ou platine de
devant on voit en dehors , ou du côté de la
cadrature , la roue qui porte l'aiguille des
fecondes ; elle a trente dents , & porte une
palette vers l'extrêmité de la tige , qui paffe
travers la platine dont nous venons de
parler , fon pivot étant porté par un pont :
cette roue ne reçoit point de mouvement
de la force motrice , mais uniquement du
pendule , de la maniere ſuivante.
Sur l'axe du pendule qui déborde un
peu la platine de devant , eft attachée perpendiculairement
& par le milieu
une
JUIN. 1755. 165
traverſe formant avec cet axe une figure
de T ; cette traverſe porte à chacune de fes
extrêmités une efpéce de béquille ; les
bouts des tiges de ces béquilles qui font
fort longues , vont s'engager du même côté
dans différens intervalles des dents de la
roue qui porte l'aiguille des fecondes ; par
cette difpofition on voit que ces béquilles
forment un lévier de La Garoufte , de forte
que deux vibrations du pendule font paffer
une dent de cette roue ; ainfi au bout
de foixante vibrations , elle a fait fon tour.
Voyons maintenant de quelle façon
Faction de la roue fur le pendule eft fufpendue
pour lui laiffer faire fes vibrations
en liberté , comment elle eft dégagée , &
comment elle agit fur le pendule pour lui
reftituer le mouvement qu'il pouvoit avoir
perdu pendant une minute .
Une piéce en forme d'équerre mobile
fur une cheville qui traverfe fa branche
horizontale , & porte fur fa branche verticale
& fupérieure un doigt , fur l'extrê
mité duquel viennent s'appuyer les chevilles
de la roue ; ce doigt eft mobile ſur
une cheville & taillé en bifeau par- deffous ,
afin qu'il ne puiffe heurter contre aucunes
chevilles , & qu'il ne manque jamais de
paffer entre deux chevilles : au haut de la
même branche verticale , eft placée une
166 MERCURE DE FRANCE.
cheville , par laquelle cette équerre peut
être prife pour être renversée par la piéce
qui fert à dégager la roue : une longue
piéce fufpendue par fon extrêmité fupérieure
par une cheville , autour de laquelle
elle peut fe mouvoir très- librement , porte
vers fon extrêmité inférieure la cheville
ou appui d'un lévier de la premiere efpéce.
L'extrêmité du petit bras de ce lévier eft
articulée avec une petite verge verticale ,
qui porte un petit talon , fur lequel la
palette de la tige de la roue qui porte l'aiguille
des fecondes vient s'appuyer à la fin
de chaque minute : au moyen de cette action
de la palette , le petit bras de ce lévier
s'abaiffe & le plus grand s'éleve , & par là
un talon qui eft à fon extrêmité , eft rencontré
par une pièce ou doigt qui tient à
la verge du pendule. Le pendule continuant
fa vibration , entraîne dans fon
mouvement le lévier & la longue piéce
pendante qui le porte.
Pendant que cette vibration ſe fait , un
fe
crochet dont le centre du mouvement eft
placé tout au bas de la piéce pendante qui
porte le lévier , accroche la cheville qui
eft tout au haut de la branche verticale de
l'équerre dont nous avons parlé , & retirant
cette branche de fa fituation verticale ,
dégage en même tems le doigt fur lequel
JUIN. 1755: 167
une cheville de la roue étoit appuyée ; alors
cette roue étant libre , une de fes chevilles
rencontre une palette d'agarhe fixée ſur la
verge du pendule , & lui reftitue pendant
une grande partie de cette vibration le
mouvement qu'il avoit perdu pendant une
minute . Comme le centre du mouvement
de l'équerre eft vers le milieu de fa branche
horizontale , la branche verticale s'abaiffe
en même tems qu'elle s'écarte de fa fituation
verticale , & la cheville placée à l'extrêmité
de cette branche , fe dégage du crochet
qui la renverfoit avant que la vibration
foit totalement firie ; enforte que
pendant que cette même vibration s'acheve
, l'équerre a la liberté de reprendre fa
premiere pofition , & le doigt qu'elle porte,
fa fituation , pour arrêter & foutenir la
cheville fuivante .
On connoît trop la conftruction ordinaire
des fonneries , pour qu'il foit néceffaire
de s'étendre fur ce fuiet. Nous ferons
remarquer feulement qu'elles font compofées
de plufieurs roues ( communément au
nombre de quatre ) & d'un volant , qui fervent
à moderer la vîteffe du rouage , pour
qu'il y ait un intervalle fuffifant entre chaque
coup de marteau : fi donc par quelque
moyen fimple on pouvoit empêcher que le
poids ou le reffort ne fe muffent avec
168 MERCURE DE FRANCE .
trop de rapidité , on trouveroit par là celui
de fe paffer de ces roues & de ce volant ;
c'eft ce que le fils de M. le Roi , déja cité , a
exécuté le premier , par le moyen du régulateur
du mouvement , dans une pendule
qu'il préfenta à l'Académie le 19 Avril
1752. Dans la defcription que l'on en
trouve dans le Mercure d'Août de la
même année , page 161 , on voit qu'il n'y
a dans cette fonnerie qu'une roue unique ,
fervant tout à la fois de roue , de cheville
& de chaperon , dont l'action eft ralentie &
reglée par le régulateur même , &c.
Dans la fonnerie du fieur le Mazurier ,
il n'y a auffi qu'une feule roue , portant le
poids & faifant la fonction de la roue de
chevilles & de chaperon , faifant fonner
les heures & tous les quarts . Le mouvement
de cette roue y eft auffi moderé
par celui
du régulateur ; mais cet effet s'y exécute ,
ainfi que les autres appartenant à la fonnerie
, d'une maniere bien fimple & bien
fûre , toute différente de ce qu'a fait M. le
Roi fils .
Pour s'en former une idée , fuppofons
qu'on regarde la pendule du côté du cadran
, on voit à droite la roue de fonnerie
,
, portant fur l'une de fes faces les chevilles
qui font fonner les quarts , & fur
l'autre celles qui font fonner les heures :
dans
JUIN. 1755.
169
dans les entailles qui font à la circonféren
ce , s'engage une détente lorfqu'elle doit
ceffer de tourner à la gauche de cette roue
& un peu au- deffus de fon diametre horizontal,
font placés fur un même axe parallele
à celui de la roue , les marteaux au
nombre de quatre ; chaque marteau à tout
près de l'axe un bec , que les chevilles de la
roue accrochent pour les lever ; & fur le
côté oppofé à ce bec , une queue de laiton.
recourbée , fort déliée & flexible. Enfin la
verge du pendule porte une efpéce de plan ,
fur lequel s'appuient ( la verge étant aux
environs de l'aplomb ) les bouts recourbés
des queues de ces marteaux , lorfqu'ils font
aux trois quarts lleevvééss ,, oouu àà peu près , &
prêts à échapper des chevilles du chaperon
pour frapper fur les timbres. Voici comment
s'exécute cette fonnerie . Sur la roue
des minutes , ou celle qui fait fon tour en
une heure , font placées quatre chevilles à
go dégrés l'une de l'autre une longué
piéce de cuivre qui part de la détente , &
qu'on en peut nommer la queue , s'étend
diagonalement en enbas de droite à gauche
, fe préfente par fon extrêmité à celle
de ces quatre chevilles qui fe trouve
perpendiculairement ou à peu près au-deffus
du centre de la roue ; cette cheville
pouffant légerement la détente , la fait
II.Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE .
lever , & par ce moyen dégage le chaperon.
La roue des minutes n'ayant de mouvement
qu'à la foixantieme feconde de chaque
minute , fait affez de chemin à la fin
de chaque minute pour que les chevilles
qui répondent à l'heure , au , à la ½ , &
aux , puiffent dégager la détente , & fe
dégager elles -mêmes de la queue de cette
piéce dans l'intervalle d'une feconde : ce
dégagement eft encore facilité par un petit
crochet articulé avec la queue de la détente
; le chaperon tournant , fes chevilles levent
fucceffivement les marteaux ; mais
leurs queues appuyant fur le plan porté par
la verge du pendule dont nous avons déja
parlé , le marteau ne peut achever de s'élever
que lorfque le pendule approche de
la fin de chaque vibration ; les queues recourbées
des marteaux échappant les unes
à droite , les autres à gauche du petit plan
que porte la verge du pendule , on ne doit
craindre que cette action des queues
des marteaux fur le petit plan altere le
mouvement du pendule , parce que les
queues de ces marteaux étant fort longues
& leurs levées fort courtes , la force avec
laquelle elles preffent fur le plan eft trèslégere
de plus , il eft limé en talut vers
fes bords , afin que lorfque les queues
échappent de deffus le plan , elles reftituent
pas
JUIN. 1755. 175
au pendule le peu de mouvement qu'il auroit
pû perdre par leur preffion.
Quant au remontoir de cette pendule
qui entre en action toutes les douze heures,
il est fort fimple : la corde fans fin qui
porte le poids & le contre-poids de la fonnerie
, paffe d'une part fur une poulie.
adaptée fur l'arbre de la roue de la fonnerie
, & de l'autre fur une poulie qui tient
au remontoir : à l'extrêmité de l'arbre de
cette roue , de l'autre côté de la platine de
derriere , il y a une levée ; cette levée
vient s'appuyer contre une efpéce de détente
, qui s'engageant dans une entaille
faite au remontoir , l'empêche de tourner ;
lorfque cette levée fait fon effet , elle dégage
la détente de l'entaille du remontoir ,
au moyen de quoi fon poids le faifant
tourner , celui de la fonnerie eft remonté
d'une hauteur égale à la demi- circonférence
de la poulie de ce remontoir , pendant
qu'il tourne une cheville qu'il porte , fait
baiffer une détente ou bafcule , & par là
dégage le remontoir du mouvement que
cette bafcule arrêtoit auparavant , lequel
étant libre , tourne & remonte le poids du
mouvement.
Enfin l'auteur a fçu tirer parti de ce
dernier remontoir pour faire mouvoir un
cercle annuel , fur lequel font marqués les
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
jours de chaque mois , & la quantité déquation
appartenante à chaque jour.
Après cette defcription , il eft à propos
de réfumer ce que nous avons dit fur cette
pendule. On voit que quant à l'idée générale
de faire une pendule à une feule
roue pour le mouvement , & à une feule
pour la fonnerie , elle n'eft pas nouvelle ,
puifque le fils de M. le Roi l'avoit exécutée
long - tems auparavant. Mais comme ¹en
méchanique les mêmes effets peuvent s'exé
cuter de différentes manieres , le fieur le
Mazurier a rendu fa pendule très- différente
de celle de M. le Roi ; les fecondes y font
marquées par une aiguille qui fait une
révolution entiere ( avantage qui n'eft pas
dans les premieres pendules à une roue ) ;
l'action de la roue fur le pendule eft ici
fufpendue pendant une minute entiere ,
& à la fin de chaque minute elle n'agit
que pendant une demi -feconde ou environ
, pour reftituer au pendule ce qu'il a
pû perdre de mouvement pendant la minute
; au lieu que dans celles que nous
venons de citer , l'action de la roue , out
celle d'un corps élevé par la roue , de demiminute
en demi-minute , agiffent continuellement.
Nous concluons de tout ceci que cette
pendule , qui eft d'ailleurs bien exécutée ,
JUI N. 1755. 173
eft nouvelle , quant à la maniere dont elle
eft conftruite pour produire les effets
qu'exigent des pendules del cette efpéce ,
& que ces effets s'y exécutent d'une façon
fure & capable de la faire aller avec beaecoup
de juſtelle : nous croyons donc qu'elle
mérite l'approbation de l'Académie , &
d'être inférée dans le recueil des machines.
Le fieur le Paute ayant écrit à M. de
Fouchy , le 18 Décembre 1754 , une lettre
où il dit , qu'il lui paroît que le fieur le Ma-
Kurier a employé les mêmes principes que
lui , foit pour les deux léviers , foit pour la
fonnerie fans rouage , il eft à propos de
difcuter ici fes prétentions .
Le fieur le Mazurier convient d'avoir
yû chez le fieur le Paute , par la face feulement
, une pendule où il y avoit deux
béquilles , faifant comme dans la fienne la
fonction de lávier de La Garoufte ,
fans avoir rien vû de l'intérieur de cette
pendule ; mais par les deux certificats
fuivans , fignés de perfonnes dignes de foi ,
il paroît quele feur de Mazurier avoit employé
dès le mois de Mai 1751 le même
moyen pour faire mouvoir une roue dans
une autre pendule de fon invention .
Voici comment ces certificats s'expri
ment of spillud ma nuolat
nem & .
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE .
» Vers le commencement de l'été de
»l'année 1751 , j'ai vû chez le fieur le
» Mazurier , Horloger , deux bras de lé-
>> vier attachés au deffus du coûteau d'un
pendule , & pendant à droite contre les
» dents d'une roue verticale en forme de
rochet : le bras droit pouffoit une dent
» dans une vibration du pendule , & le
bras gauche en pouffoit une autre dans
» la vibration fuivante : ce que je certifie
» véritable. A Paris , ce 15 Février 1755 .
Signé , Joly , Avocat , Confeiller au
" Confeil de M. le Duc d'Orléans , Lieu-
» nant général de la Capitainerie de Vincennes.
Je , fouffigné , Prieur du Collège de
Grammont , à Paris , attefte à tous qu'il
appartiendra avoir vû chez le fieur le
» Mazurier , Horloger , rue de la Harpe ,
»vers les fêtes de la Pentecôte de l'année
» 1751 , les mêmes léviers avec leurs
»mouvemens énoncés ci -deffus pour la
pendule de nouvelle invention , que j'ai
vû même commencer chez ledit fieur le
Mazurier dans les années antérieures. En
» foi de quoi j'ai figné le préfent certificat .
» A Paris , le 16 de Février 1755. Signé ,
» F. Vitecoq , Prieur du Collège de Grama
mont.
JUIN. 1755. 173
⚫On voit donc qu'à cet égard le fieur le
Mazurier n'a rien emprunté du fieur le
Paute.
Quant à l'idée de la fonnerie exécutée
en général par le moyen d'une feule roue ,
il eft clair par ce que nous avons rapporté ,
que le fieur le Paute n'eft nullement fondé
à la revendiquer ; car le fils de M. le Roi
avoit préfenté à l'Académie une pendule à
fonnerie conftruite fur ce principe au mois
d'Avril 1752 , c'eſt- à-dire plus de fix mois
avant qu'il eût parlé de la fienne dans le
Mercure d'Octobre de la même année , &
il en avoit donné la defcription générale
dans le Mercure d'Août , ou deux mois
avant l'annonce de celle du fieur le Paute.
Enfin en comparant la fonnerie du
fieur le Mazurier avec les deux deffeins
de fonnerie , dépofés à l'Académie le 22
Janvier 1754 , par le fieur le Paute , &
dont il a defiré que nous euffions communication
, on voit clairement que ces
deux Horlogers ne fe font pas rencontrés ,
le Geur le Paute ayant employé deux chaperons
, l'un pour faire fonner les heures ,
l'autre pour faire fonner les quarts , & le
fieur le Mazurier n'en ayant employé
qu'un pour produire les mêmes effets :
d'ailleurs on ne voit rien dans ces def
feins qui defigne de quelle maniere de
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
fieur le Paute fe propofoit d'exécuter les
autres effets appartenant à la fonnerie.
Ainfi il paroît que le fieur le Mazurier
n'a rien emprunté du fieur le Paute.
Signé , Camus , de Montigny , de Parcieux .
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Résumé : EXTRAIT DES REGISTRES De l'Académie royale des Sciences, du 22 Mars 1755.
Le document, daté du 22 mars 1755, est un extrait des registres de l'Académie royale des Sciences décrivant une pendule innovante conçue par le horloger Le Mazurier. Cette pendule se distingue par un mécanisme unique utilisant une seule roue pour le mouvement et la sonnerie, simplifiant ainsi la structure traditionnelle des horloges. Les premiers régulateurs des horloges, comme le balancier, ne possédaient pas de mouvement alternatif avant l'introduction du ressort spiral. L'échappement à roue de rencontre et à palettes était le plus ancien et le plus efficace pour produire des vibrations. L'adoption du pendule et du ressort spiral a permis aux régulateurs de vibrer indépendamment de la force motrice, rendant certains échappements inutiles. Le texte mentionne l'invention des échappements à repos, permettant au régulateur de faire plusieurs vibrations libres avant de recevoir un nouveau mouvement. Cette innovation a conduit à la simplification des horloges en réduisant le nombre de roues et les frottements. La pendule de Le Mazurier utilise un mécanisme où deux vibrations du pendule font passer une dent de la roue des secondes, permettant ainsi à la roue de faire un tour complet en soixante vibrations. Le mouvement de la roue est suspendu pour laisser le pendule vibrer librement, puis il est restitué par une palette. Le remontoir de la pendule, actionné toutes les douze heures, est simple et efficace. Une corde sans fin porte le poids et le contre-poids, passant sur des poulies pour remonter le mécanisme. Le Mazurier a également intégré un cercle annuel pour marquer les jours de chaque mois et les équations correspondantes. Le texte souligne que, bien que l'idée d'une pendule à une seule roue ne soit pas nouvelle, la réalisation du sieur Le Mazurier diffère de celle du fils de M. le Roi. La pendule du sieur Le Mazurier est considérée comme nouvelle et bien exécutée, méritant l'approbation de l'Académie. Le sieur Le Paute avait affirmé que le sieur Le Mazurier avait emprunté ses principes, mais des certificats attestent que Le Mazurier utilisait déjà des mécanismes similaires dès 1751. De plus, le fils de M. le Roi avait présenté une pendule à sonnerie unique avant que Le Paute ne parle de la sienne. Ainsi, il est clair que Le Mazurier n'a rien emprunté à Le Paute.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 176-178
Autre Extrait des mêmes Registres de l'Académie royale des Sciences, du 12 Avril suivant.
Début :
Depuis la lecture de ce rapport à l'Académie, le sieur le Mazurier a fait un [...]
Mots clefs :
Le Mazurier, Académie royale des sciences, Pendule
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Autre Extrait des mêmes Registres de l'Académie royale des Sciences, du 12 Avril suivant.
Autre Extrait des mêmes Regiftres de l'Acas
démie royale des Sciences , du 12 Avril
Juivant.
Depuis la lecture de ce rapport à l'Académie
, le fieur le Mazurier a fait un
changement affez confidérable à l'échappement
de fa pendule pour le fimplifier.
Dans fa nouvelle conftruction , la branche
verticale de l'équerre qui porte le doigt
fur lequel s'appuient fucceffivement les
chevilles de la roue motrice , porte à fon
extrêmité fupérieure un lévier de la premiere
efpéce à bras fort inégaux : le petit
bras de ce lévier eft rencontré & abaiffé
par la palette de la tige de la roue des
fecondes pendant la derniere vibration de
chaque minute ; l'autre bras étant alors
élevé , le mantonnet qu'il porte à fon
extrêmité , eft rencontré par le doigt qui
tient à la verge du pendule : le pendule
continuant fa vibration , entraîne ce lévier
& la branche verticale de l'équerre qui le
porte ; alors le doigt ou verrou qui fufSHAJUINUM
677
pendoit l'action de la roue motrice , eft
retiré en partie dê deffous la cheville qu'il
-foutenoit & cette cheville arrivant vets
l'extrêmité du verrou taillé en biſeau ,
nacheve de chaffer ce verrous comme
-elle lui donne un mouvement plus prompt
que celui du pendule qui le retiroit , te
mantonnet du lévier fe dégage du doigt
du pendule , & la branche horizontale de
l'équerre agiffant par fa pefanteur , ramene
toutes ces piéces à leur premier état avant
que la vibration foit achevée. Cette nouvelle
conftruction d'échappement , plus
fimple que la premiere , nous paroît avan
tageufe , & nous croyons qu'elle mérite
l'approbation de l'Académie . Signé , le
Camus , de Montigny de Parcieux.
Au bas eft écrit : » Je certifie les pré-
» fens Extraits conformes à leurs originaux
» & au jugement de la Compagnie. A
Paris , ce 14 Avril 1755. Signé , Grand-
Jean de Fouchy , Secrétaire perpétuel de
» l'Académie royale des Sciences.
Hy
378 MERCURE DE FRANCE.
abrem eres el ob poll
Les perfonnes qui defireront fe procurer
la Médaille de feu M. Charles de Secondat
, Baron de Montefquieu , gravée par
le célebre M. Daffier , pourront s'adreffer
à M. Balleaferd , Négociant , Place Dauphine.
démie royale des Sciences , du 12 Avril
Juivant.
Depuis la lecture de ce rapport à l'Académie
, le fieur le Mazurier a fait un
changement affez confidérable à l'échappement
de fa pendule pour le fimplifier.
Dans fa nouvelle conftruction , la branche
verticale de l'équerre qui porte le doigt
fur lequel s'appuient fucceffivement les
chevilles de la roue motrice , porte à fon
extrêmité fupérieure un lévier de la premiere
efpéce à bras fort inégaux : le petit
bras de ce lévier eft rencontré & abaiffé
par la palette de la tige de la roue des
fecondes pendant la derniere vibration de
chaque minute ; l'autre bras étant alors
élevé , le mantonnet qu'il porte à fon
extrêmité , eft rencontré par le doigt qui
tient à la verge du pendule : le pendule
continuant fa vibration , entraîne ce lévier
& la branche verticale de l'équerre qui le
porte ; alors le doigt ou verrou qui fufSHAJUINUM
677
pendoit l'action de la roue motrice , eft
retiré en partie dê deffous la cheville qu'il
-foutenoit & cette cheville arrivant vets
l'extrêmité du verrou taillé en biſeau ,
nacheve de chaffer ce verrous comme
-elle lui donne un mouvement plus prompt
que celui du pendule qui le retiroit , te
mantonnet du lévier fe dégage du doigt
du pendule , & la branche horizontale de
l'équerre agiffant par fa pefanteur , ramene
toutes ces piéces à leur premier état avant
que la vibration foit achevée. Cette nouvelle
conftruction d'échappement , plus
fimple que la premiere , nous paroît avan
tageufe , & nous croyons qu'elle mérite
l'approbation de l'Académie . Signé , le
Camus , de Montigny de Parcieux.
Au bas eft écrit : » Je certifie les pré-
» fens Extraits conformes à leurs originaux
» & au jugement de la Compagnie. A
Paris , ce 14 Avril 1755. Signé , Grand-
Jean de Fouchy , Secrétaire perpétuel de
» l'Académie royale des Sciences.
Hy
378 MERCURE DE FRANCE.
abrem eres el ob poll
Les perfonnes qui defireront fe procurer
la Médaille de feu M. Charles de Secondat
, Baron de Montefquieu , gravée par
le célebre M. Daffier , pourront s'adreffer
à M. Balleaferd , Négociant , Place Dauphine.
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Résumé : Autre Extrait des mêmes Registres de l'Académie royale des Sciences, du 12 Avril suivant.
Le document décrit une amélioration de l'échappement d'une pendule réalisée par le sieur Le Mazurier. Cette innovation simplifie le mécanisme en utilisant une branche verticale d'une équerre qui porte un levier à bras inégaux. Le petit bras du levier est abaissé par la palette de la tige de la roue des secondes pendant la dernière vibration de chaque minute. L'autre bras, élevé, porte un mantonnet libéré par le doigt attaché à la verge du pendule. Le pendule, continuant sa vibration, entraîne le levier et la branche verticale, retirant partiellement le verrou qui retenait la cheville de la roue motrice. Cette cheville, arrivant à l'extrémité du verrou taillé en biseau, achève de chasser le verrou plus rapidement que le pendule ne le retirait. Le mantonnet se dégage alors du doigt du pendule, et la branche horizontale de l'équerre, par sa pesanteur, ramène toutes les pièces à leur état initial avant la fin de la vibration. Cette nouvelle construction, jugée plus simple et avantageuse, a reçu l'approbation de l'Académie. Le document est signé par le Camus, de Montigny et de Parcieux, et certifié conforme par Grandjean de Fouchy, Secrétaire perpétuel de l'Académie royale des Sciences, le 14 avril 1755. De plus, le texte mentionne la disponibilité d'une médaille gravée par Daffier en mémoire de Charles de Secondat, Baron de Montesquieu, auprès de M. Balleaferd, négociant à la Place Dauphine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 159-172
ARCHITECTURE. Mercure du mois de Juin de l'année 2355.
Début :
Une société de Gens de Lettres, vient de publier un nouveau volume de ses [...]
Mots clefs :
Architecture, Architecte, Mémoires, Gloire, Architecture antique, Église, Édifices, Goût, Portail, Marchés, Louvre, Bâtiment, Société de gens de Lettres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE. Mercure du mois de Juin de l'année 2355.
ARCHITECTURE.
Mercure du mois de Juin de l'année 2355-
Ne fociété de Gens de Lettres , vient
de publier un nouveau volume de fes
Mémoires *.
C'eft une chofe admirable que la vertueuſe
ténacité avec laquelle cet illuftre
corps s'attache à multiplier fes découvertes
fur nos antiquités françoiſes .
J'en rendrai compte , non fuivant l'ordre
felon lequel les Mémoires font arrangés
dans le volume , mais en mettant de
* Ces mémoires fontd'autant plus rares , qu'ils
font l'ouvrage des fçavans qui font à naître , &
qu'ils ont été faits plufieurs fiecles après le nôtre.
Jufqu'ici l'érudition avoit employé fa fagacité à
débrouiller le cahos des tems paffés , mais elle
étend aujourd'hui fes lumieres jufqu'à percer les
ténébres d'un âge à venir. C'eſt donner un être à
la poffibilité , c'eft réaliſer les conjectures , & ( ce
que j'eftime le plus dans ce morceau , ) c'est trouver
une maniere auffi nouvelle qu'ingénieufe , de
louer le fiecle préfent , fans bleffer la modeftie de
perfonne. Je crois faire un vrai préſent au public
de l'inférer dans mon journal.
160 MERCURE DE FRANCE.
fuite ceux qui traittent des matieres qui ont
du rapport les unes aux autres. Ainfi , je
rapporterai d'abord ceux qui concernent
l'Architecture antique.
Le premier eft celui du célébre M. Scarcher
, déja connu par tant d'ouvrages remplis
de la plus profonde érudition , il Y
traite des reftes d'Architecture de l'ancienne
ville de Paris. Il prouve d'abord d'une
maniere irréfiftible que le quartier de la
Cour , que nous diftinguons fous le nom
de quartier de Verfailles , étoit autrefois
hors de la ville de Paris , & qu'il y avoit
même une étendue confidérable de terrein
inhabité entre l'une & l'autre , il prétend
qu'alors la ville n'avoit qu'environ une
lieue d'étendue. On eft furpris , fans doute ,
de voir que cette ville magnifique ait eû
de fifoibles commencemens. Cependant il
eft difficile de fe refufer à la force des
ves qu'il a recueillies avec un courage infatigable
dans une quantité prodigieufe
d'anciens livres qu'il lui a fallu parcourir.
Il entreprend de prouver que la ville finiffoit
où l'on voit à préfent cette admirable
ftatue du grand Roi Louis XV. qui fut
furnommé par fes fujets le Bien -aimé
comme on le voit par les infcriptions de
la ftatue qui nous refte auffi bien confervée
que fi elle fortoit de la fonte , & qui
preuJUILLET.
1755 161
durera moins encore que la mémoire d'un
fi beau titre & la gloire de ce grand Monarque.
Enfuite il fait voir par un raifonnement
très étendu & plein d'érudition , que le
pont qu'on nomme Royal a pris fon nom
de cette ſtatue, contre le fentiment de quelques-
uns qui croyent qu'il fe nommoit
ainfi avant qu'elle fut érigée, Ce qu'il dit
fur ce fujer eft fi evident qu'il ne femble
pas qu'on puiffe le contefter d'avantage.
Il paffe enfuite à des recherches trèscurieufes
fur le merveilleux bâtiment du
Louvre , il réfute furabondamment le mémoire
donné dans la même Société l'année
précédente où l'on avoit avancé que ce fuperbe
édifice avoit été achevé & porté à fon
entiere perfection fous le regne de Louis
XIV. fondé fur l'autorité des Hiftoires ,
confervées dans les anciennes bibliothetheques
; il fait voir qu'il a été long- temps
abandonné à caufe des guerres qui ont troublé
la fin du XVIIe fiécle & le commencement
du XVIII , & qui ont affuré à la
France la fupériorité fur fes voifins , la
fplendeur & le repos dont elle jouit depuis
ces deux fiécles également célébres . Il rapporte
à ce fujet un trait d'hiftoire curieux
où l'on voit que celui qui étoit alors à la
tête des Arts , fecondant avec zele & avec
162 MERCURE DE FRANCE.
un goût peu commun , les intentions & l'inclination
du Roy régnant , pour les grandes
chofes , entreprit de reftaurer & d'achever
cet édifice , dont une partie tomboit
en ruine. Il fixe la datte de cet important
événement vers le milieu du XVIIIe fiécle .
"
Il détruit enfuite entiérement l'objection
la plus impofante que fon antagoniſte
avoit alléguée contre la vérité de ce fait
qui étoit le peu de vraisemblance qu'il
trouvoit à croire qu'une perfonne en place
pût avoir abandonné la gloire de conftruire
de nouveaux édifices , & s'être contentée
de celle d'amener à leur fin les ouvrages
commencés par fes prédéceffeurs , qui
méritoient d'être confervés à la postérité.
M. Scarcher fait voir combien cette idée
eft fauffe , & qu'elle n'eft fondée que fur
la reffemblance que nous fuppofons entre
les hommes d'alors , & ceux du temps où
nous vivons. Il eſt bien vrai que de nos
jours nous voyons rarement achever les
grandes entrepriſes , parce qu'il eft du bon
air de ne point fuivre les maximes ni les
idées de fes prédéceffeurs , mais il n'en
étoit pas ainfi dans ces temps héroïques ;
chacun mettoit fa gloire à contribuer autant
qu'il étoit en lui à celle du Roy
régnant , & lorfque le moyen le plus digne
avoit été trouvé par fon devancier , on le
JUILLET. 1755. 163
fuivoit fans difficulté. D'ailleurs , on ne
peut pas dire que le Supérieur de ces tempslà
fe foit uniquement borné à fuivre ou à
finir ce que les autres avoient tracé . Il nous
refte plufieurs édifices très confidérables
& d'une grande beauté qui ont été commencés
& achevés fous ce regne.
On ne peut trop admirer la facilité & la
juftefle avec laquelle notre Sçavant éclaircit
ces temps que leur éloignement nous
rend fi obfcurs . Si d'une part il nous fait
voir avec certitude que ce fuperbe bâtiment
a été négligé pendant quelques années
, en même temps il s'éleve avec la plus
grande force contre ceux qui ont avancé
que pendant long-temps cet édifice a été
environné d'écuries , de petites maiſons ,
même d'échoppes. Il fait voir quelle abfurdité
il y a à penfer que dans un fiècle auffi
éclairé , on ait fouffert une pareille profanation
, ce qu'il dit là- deffus eft rempli
d'éloquence.
J'abrege quantité de réflexions non moins
curieufes qu'il fait fur les beautés du Lou
vre & qu'il faut lire dans l'original , pour
paffer à ce qu'il dit fur l'Eglife antique de
fainte Génevieve de la montagne. Il croit
que cet admirable édifice a été bâti par le
même architecte que le fuperbe périftile du
Louvre. La tradition reçue jufqu'à préfent
164 MERCURE DE FRANCE.
étoit que cette églife avoit été commencée
vers le milieu du dix -huitiéme fiécle : en
admettant fes preuves , il faudroit en établir
la datte environ un fiécle plûtôt , ce
qui répugne un peu à la beauté de fa confervation
, cependant les raifons qu'il apporte
ne font point à rejetter. Il s'appuie
fur le fentiment de nos plus habiles architectes
, qui en conſidérant la noble ſimplicité
du goût de cette architecture , y reconnoiffent
le même ſtile qu'au Louvre , quoique
dans une compofition différente. Ils
prétendent que le goût du dix- huitiéme
fiécle a été inférieur , à en juger par quelques
reftes de bâtimens dont la datte eft
certaine & par quelques écrits de ces
temps- là qui font remplis de plaintes contre
le mauvais goût qui régnoit alors , &
où l'on en explique les défauts de maniere
à nous en donner une idée affez diftincte.
Or , on ne voit aucun de ces défauts ni
dans cette églife , ni au Louvre ; au contraire
ces édifices font encore les regles du
vrai beau .
La feconde preuve qu'il tire du nom
de l'architecte , fait voir avec quelle fagacité
il éclaircit les antiquités les plus épineuſes.
L'hiſtoire nous a confervé le nom
de l'architecte de ce beau periftile du Louvre
qui regarde le Levant , il fe nommoit
JUILLE T. 1755. 165
Perrault. M. Scarcher prouve à travers
mille difficultés que c'eft ce même nom qui
eft tracé à fainte Genevieve , & qui eft tellement
effacé , qu'il n'y a qu'un homme
auffi verfé dans les antiquités que M. Scarcher
, qui puiffe nous en donner l'intelligence.
La premiere difficulté qui fe rencontre
eft que le nom de Perrault eft compofé
de huit lettres & qu'on n'en apperçoit
que fept dans les foibles traces qui restent
fur ce marbre ; mais nous verrons bien-tôt
comment on doit expliquer cela. Les deux
dernieres lettres de ce nom , qui fe voyent
encore affez diftin&tement , font OT, & il
ya tout lieu de croire que celle qui les
précede eft une L. M. Scarcher prouve premierement
par un grand nombre d'autorités
refpectables que les anciens François
prononçoient la diphtongue an , de même
que la lettre o , & qu'ainfi ils mettoient indifféremment
l'une pour l'autre. Cette découverte
répond en même temps d'une ma
niere évidente à la premiere difficulté des
fept premieres lettres qui fe trouvent à
fainte Génevieve au lieu de huit , que demande
fa fuppofition , car il eft clair qu'ici
la lettre o tient lieu de deux . Il reste la difficulté
de L qui fe trouve avant l'O , au
lieu que dans le nom de Perrault , elle ſe
trouve après an. 11 y fatisfait du moins
曩
166 MERCURE DE FRANCE .
d'une maniere probable , en difant qu'il eft
poffible que la modeſtie de l'architecte
l'ayant empêché d'y mettre lui-même fon
nom , il n'a été mis qu'après la mort , &
que ceux qui l'ont gravé , l'ont ainfi défiguré
, ou par corruption , ou plûtôt parce
que c'étoit en effet la véritable prononciation
de ce temps- là , comme nous voyons
encore dans le nôtre que les Allemands
prononcent Makre quoiqu'ils écrivent Maker
, ainfi on peut avoir prononcé OLT,
quoiqu'il foit écrit LOT. Nous nous fommes
un peu étendus fur cet article , quoique
nous l'ayons beaucoup abrégé , parce
que c'eft un des plus importans de ce fçavant
mémoire & celui où l'on découvre la
plus rare érudition ; s'il y a quelque choſe
qui paroiffe inadmiffible , c'eft cet excès
de modeſtie qu'il ſuppoſe dans un architecte
; mais encore une fois , nous ne deyons
pas juger des hommes de ces fiécles
vertueux par ceux du nôtre. Il reſte encore
une objection. Plufieurs fçavans ont prétendu
que la premiere lettre de ce nom eft
une S , & qu'il eft difficile avec les traces
qui en reftent d'en faire un P * . C'eſt là
* Il y en a qui vont plus loin . Ayant de meilleurs
yeux , ils ont cru entrevoir uneƒavant l , &
fuppléant à la diphtongue qui manque , ils ont
conjecturé que le véritable nom de l'architecte
JUILLET. 1755- 167
qu'il faut voir M. Scarcher employer toutes
les forces de fon éloquence pour y trouver
un P , il faut le lire dans l'original ,
mais il eft vrai qu'il eft bien difficile quand
on l'a lû de ne l'y pas trouver avec lui ,
malgré les difficultés que préfente l'infpection
du marbre.
M. Scarcher traite enfuite des reftes antiques
de l'Eglife de faint Pierre & faint
Paul , qu'une tradition fans fondement
nomme faint Sulpice. Il démontre que nous
n'avons pas cet édifice ( dont il ne refte
prefque que le portail ) tel qu'il a été bâti .
Que les arcades qui font au fecond ordre ,
y ont été conftruites depuis par quelque
raifon de folidité occafionnée par les ravages
du temps , & qu'il n'y a nulle apparènce
qu'un architecte de ce mérite eut mis ces
maffifs au fecond ordre n'en ayant pas mis
au premier , c'eft- à-dire , le fort fur le
foible. Il prouve encore que les coloffes
monftrueux qui font fur les tours , ont été
pareillement ajoûtés par quelque raifon de
dévotion populaire , qui a voulu que l'on
vit les patrons de cette églife les plus
grands qu'il étoit poffible ; que les tours
ont été terminées en ligne droite par l'architecte
premier auteur de cet édifice , &
étoit Sauflot ou Souflot. J'avoue que je ferois affez
de ce dernier ſentiment,
168 MERCURE DE FRANCE:
que le couronnement que nous y voyons
maintenant eft une augmentation faite
dans un fiecle où le goût avoit dégénéré.
Il ne paroît pas auffi bien fondé , lorfqu'il
foutient que le fronton eft dans le même
cas d'être venu après coup. Il prétend
décider le problême qui embarraffe tous
nos architectes , c'est - à - dire , l'impoffibilité
qu'il y a que l'églife dont nous jugeons
par quelques arcades demi ruinées
qui fubfiftent encore , puiffe avoir été liée
avec ce portail . En effet , on ne voit aucune
hauteur ni aucune ligne qui y ait du rapport.
Il dit qu'alors l'intérieur de l'égliſe
étoit à deux ordres l'un fur l'autre femblables
à ceux du portail avec un rang de galleries
regnant tout au tour, que cette églife
ayant été détruite ou par quelque accident
ou par la barbarie des fiecles fuivans , on a
édifié à fa place ce bâtiment irrégulier qui
s'y accorde fi peu ; ce qui donne quelque
vraisemblance à fa fuppofition , c'eft qu'indépendamment
de leur peu de rapport avec
le portail ces fragmens qui nous reftent
n'en ont pas même entr'eux . Ce fentiment
n'eft cependant pas fans difficulté , on a
peine à concevoir que dans l'efpace de
temps qui s'est écoulé depuis fa premiere
conftruction , une égliſe auffi bien bâtie
que celle qui devoit tenir à ce portail , ait
été
JUILLET. 1755. 169
été détruite , relevée une feconde fois aufli
folidement que nous le voyons par ces
reftes , & encore ruinée . On ne peut que
difficilement fuppofer qu'elle ait été abbattue
exprès , d'ailleurs nous ne connoiffons
point de fiecle de barbarie depuis ces temps
mémorables. Les arts ont toujours été floriffans
, & n'ont fait que fe perfectionner
jufqu'au point d'élévation où nous les
voyons maintenant. M. Scarcher permettra
que nous ne nous rendions pas encore
fur cet article , & que nous attendions des
preuves plus fortes que le temps & fon
profond fçavoir lui feront découvrir.
Notre favant auteur paffe enfuite à un
refte de bâtiment ancien qu'on croit avoir
été une églife fous l'invocation de faint
Roch. Ce qu'on trouve de plus fatisfaiſant
dans les réflexions de M. Scarcher fur cette
églife , ce font les raifons dont il s'appuye
pour détruire le fentiment de ceux qui foutiennent
que le double focle qui porte les
arcades de la nef a été apparent dans fa
premiere conftruction . Il fait voir que le
focle d'enbas étoit la fondation qui fe trouvoit
enfevelie dans l'intérieur du terrein
qu'il n'eft vifible que parce qu'on a baiffé
le terrein intérieur de l'églife , & combien
il eft ridicule de penfer que jamais aucun
architecte fe foit avifé de mettre deux fo-
H
170 MERCURE DE FRANCE.
cles l'un fur l'autre , & fi élévés que les
bazes des colonnes font de beaucoup audeffus
de la vue. Il établit une feconde
preuve fur ce qu'on trouve par d'anciennes
eftampes qu'on croit gravées dans ces mêmes
tems , qu'il y a eu 15 ou 16 marches
pour monter à cette églife , au lieu qu'à
préfent il ne s'en trouve que cinq. Selon
fon idée , on a détruit les marches qui
montoient jufqu'au niveau du premier
focle. Ce fentiment n'eft probable que dans
la fuppofition que les marches que l'on y
voit maintenant ne font point du tout les
anciennes , car il auroit fallu pour monter
jufqu'à la hauteur des bazes du portail
qu'elles n'euffent laiffé aucun pallier ; ce
qui , quoique poffible , laiffe quelque doute
, d'autant plus qu'en calculant la hauteur
& l'enfoncement que produifent un
nombre de marches femblables à celles qui
reftent , on n'y trouve pas un rapport jufte
avec le nombre des marches indiquées dans
l'eftampe , il eft vrai qu'il ajoute une raifon
plaufible pour remédier au défaut de
juftelle du calcul de ces marches , il fait
remarquer que naturellement le terrein
des villes fe hauffe par un abus auquel on
ne fonge point à tenir la main , parce que
l'on apporte toujours & qu'on ne remporte
jamais. Tout ceci porta un caractere de
JUILLET. 1755. 171
vraisemblance auquel on a peine à ſe
refufer.
·
Il entreprend de prouver que cette églife
précede au moins d'un fiecle le bâtiment
du Louvre , c'est- à- dire , avant que la bonne
architecture fut bien connue . Premierement
par le défaut infupportable des bazes
& des chapiteaux des colomnes qui ſe pénetrent
avec les pilaftres , défaut ridicule
qu'on n'eut jamais fouffert dans un fiecle
plus éclairé. Secondement , par les fauffes
courbes qui font l'enfoncement des efpeces
de niches où font les petites portes de
l'églife . Il prétend que ces courbes font
les effais par où l'on a commencé avant
que de trouver les formes régulieres . Cette
feconde preuve n'eſt pas de la force de la
premiere , car on trouve plufieurs édifices
dont la datte eft certaine , & qui font conftruits
plus d'un fiecle & demi après , où
l'on voit ces mêmes courbes employées &
de plus mauvaiſes encore , d'ailleurs plufieurs
fçavans prétendent quele propre de
l'efprit humain , eft de trouver d'abord
tour naturellement le fimple qui eft le vrai
beau ; & que le goût ne fe corrompt qu'à
force de vouloir aller au-delà.
Au refte , il eft fi difficile de pénétrer
dans ces tems anciens , que les conjectures
vraisemblables doivent être regardées
Hij
172 MERCURE DE FRANCE:
comme des démonftrations . Ce mémoire
renferme quantité de recherches intéreſfantes
aufquelles je renvoye le lecteur
pour ne pas être trop long.
Mercure du mois de Juin de l'année 2355-
Ne fociété de Gens de Lettres , vient
de publier un nouveau volume de fes
Mémoires *.
C'eft une chofe admirable que la vertueuſe
ténacité avec laquelle cet illuftre
corps s'attache à multiplier fes découvertes
fur nos antiquités françoiſes .
J'en rendrai compte , non fuivant l'ordre
felon lequel les Mémoires font arrangés
dans le volume , mais en mettant de
* Ces mémoires fontd'autant plus rares , qu'ils
font l'ouvrage des fçavans qui font à naître , &
qu'ils ont été faits plufieurs fiecles après le nôtre.
Jufqu'ici l'érudition avoit employé fa fagacité à
débrouiller le cahos des tems paffés , mais elle
étend aujourd'hui fes lumieres jufqu'à percer les
ténébres d'un âge à venir. C'eſt donner un être à
la poffibilité , c'eft réaliſer les conjectures , & ( ce
que j'eftime le plus dans ce morceau , ) c'est trouver
une maniere auffi nouvelle qu'ingénieufe , de
louer le fiecle préfent , fans bleffer la modeftie de
perfonne. Je crois faire un vrai préſent au public
de l'inférer dans mon journal.
160 MERCURE DE FRANCE.
fuite ceux qui traittent des matieres qui ont
du rapport les unes aux autres. Ainfi , je
rapporterai d'abord ceux qui concernent
l'Architecture antique.
Le premier eft celui du célébre M. Scarcher
, déja connu par tant d'ouvrages remplis
de la plus profonde érudition , il Y
traite des reftes d'Architecture de l'ancienne
ville de Paris. Il prouve d'abord d'une
maniere irréfiftible que le quartier de la
Cour , que nous diftinguons fous le nom
de quartier de Verfailles , étoit autrefois
hors de la ville de Paris , & qu'il y avoit
même une étendue confidérable de terrein
inhabité entre l'une & l'autre , il prétend
qu'alors la ville n'avoit qu'environ une
lieue d'étendue. On eft furpris , fans doute ,
de voir que cette ville magnifique ait eû
de fifoibles commencemens. Cependant il
eft difficile de fe refufer à la force des
ves qu'il a recueillies avec un courage infatigable
dans une quantité prodigieufe
d'anciens livres qu'il lui a fallu parcourir.
Il entreprend de prouver que la ville finiffoit
où l'on voit à préfent cette admirable
ftatue du grand Roi Louis XV. qui fut
furnommé par fes fujets le Bien -aimé
comme on le voit par les infcriptions de
la ftatue qui nous refte auffi bien confervée
que fi elle fortoit de la fonte , & qui
preuJUILLET.
1755 161
durera moins encore que la mémoire d'un
fi beau titre & la gloire de ce grand Monarque.
Enfuite il fait voir par un raifonnement
très étendu & plein d'érudition , que le
pont qu'on nomme Royal a pris fon nom
de cette ſtatue, contre le fentiment de quelques-
uns qui croyent qu'il fe nommoit
ainfi avant qu'elle fut érigée, Ce qu'il dit
fur ce fujer eft fi evident qu'il ne femble
pas qu'on puiffe le contefter d'avantage.
Il paffe enfuite à des recherches trèscurieufes
fur le merveilleux bâtiment du
Louvre , il réfute furabondamment le mémoire
donné dans la même Société l'année
précédente où l'on avoit avancé que ce fuperbe
édifice avoit été achevé & porté à fon
entiere perfection fous le regne de Louis
XIV. fondé fur l'autorité des Hiftoires ,
confervées dans les anciennes bibliothetheques
; il fait voir qu'il a été long- temps
abandonné à caufe des guerres qui ont troublé
la fin du XVIIe fiécle & le commencement
du XVIII , & qui ont affuré à la
France la fupériorité fur fes voifins , la
fplendeur & le repos dont elle jouit depuis
ces deux fiécles également célébres . Il rapporte
à ce fujet un trait d'hiftoire curieux
où l'on voit que celui qui étoit alors à la
tête des Arts , fecondant avec zele & avec
162 MERCURE DE FRANCE.
un goût peu commun , les intentions & l'inclination
du Roy régnant , pour les grandes
chofes , entreprit de reftaurer & d'achever
cet édifice , dont une partie tomboit
en ruine. Il fixe la datte de cet important
événement vers le milieu du XVIIIe fiécle .
"
Il détruit enfuite entiérement l'objection
la plus impofante que fon antagoniſte
avoit alléguée contre la vérité de ce fait
qui étoit le peu de vraisemblance qu'il
trouvoit à croire qu'une perfonne en place
pût avoir abandonné la gloire de conftruire
de nouveaux édifices , & s'être contentée
de celle d'amener à leur fin les ouvrages
commencés par fes prédéceffeurs , qui
méritoient d'être confervés à la postérité.
M. Scarcher fait voir combien cette idée
eft fauffe , & qu'elle n'eft fondée que fur
la reffemblance que nous fuppofons entre
les hommes d'alors , & ceux du temps où
nous vivons. Il eſt bien vrai que de nos
jours nous voyons rarement achever les
grandes entrepriſes , parce qu'il eft du bon
air de ne point fuivre les maximes ni les
idées de fes prédéceffeurs , mais il n'en
étoit pas ainfi dans ces temps héroïques ;
chacun mettoit fa gloire à contribuer autant
qu'il étoit en lui à celle du Roy
régnant , & lorfque le moyen le plus digne
avoit été trouvé par fon devancier , on le
JUILLET. 1755. 163
fuivoit fans difficulté. D'ailleurs , on ne
peut pas dire que le Supérieur de ces tempslà
fe foit uniquement borné à fuivre ou à
finir ce que les autres avoient tracé . Il nous
refte plufieurs édifices très confidérables
& d'une grande beauté qui ont été commencés
& achevés fous ce regne.
On ne peut trop admirer la facilité & la
juftefle avec laquelle notre Sçavant éclaircit
ces temps que leur éloignement nous
rend fi obfcurs . Si d'une part il nous fait
voir avec certitude que ce fuperbe bâtiment
a été négligé pendant quelques années
, en même temps il s'éleve avec la plus
grande force contre ceux qui ont avancé
que pendant long-temps cet édifice a été
environné d'écuries , de petites maiſons ,
même d'échoppes. Il fait voir quelle abfurdité
il y a à penfer que dans un fiècle auffi
éclairé , on ait fouffert une pareille profanation
, ce qu'il dit là- deffus eft rempli
d'éloquence.
J'abrege quantité de réflexions non moins
curieufes qu'il fait fur les beautés du Lou
vre & qu'il faut lire dans l'original , pour
paffer à ce qu'il dit fur l'Eglife antique de
fainte Génevieve de la montagne. Il croit
que cet admirable édifice a été bâti par le
même architecte que le fuperbe périftile du
Louvre. La tradition reçue jufqu'à préfent
164 MERCURE DE FRANCE.
étoit que cette églife avoit été commencée
vers le milieu du dix -huitiéme fiécle : en
admettant fes preuves , il faudroit en établir
la datte environ un fiécle plûtôt , ce
qui répugne un peu à la beauté de fa confervation
, cependant les raifons qu'il apporte
ne font point à rejetter. Il s'appuie
fur le fentiment de nos plus habiles architectes
, qui en conſidérant la noble ſimplicité
du goût de cette architecture , y reconnoiffent
le même ſtile qu'au Louvre , quoique
dans une compofition différente. Ils
prétendent que le goût du dix- huitiéme
fiécle a été inférieur , à en juger par quelques
reftes de bâtimens dont la datte eft
certaine & par quelques écrits de ces
temps- là qui font remplis de plaintes contre
le mauvais goût qui régnoit alors , &
où l'on en explique les défauts de maniere
à nous en donner une idée affez diftincte.
Or , on ne voit aucun de ces défauts ni
dans cette églife , ni au Louvre ; au contraire
ces édifices font encore les regles du
vrai beau .
La feconde preuve qu'il tire du nom
de l'architecte , fait voir avec quelle fagacité
il éclaircit les antiquités les plus épineuſes.
L'hiſtoire nous a confervé le nom
de l'architecte de ce beau periftile du Louvre
qui regarde le Levant , il fe nommoit
JUILLE T. 1755. 165
Perrault. M. Scarcher prouve à travers
mille difficultés que c'eft ce même nom qui
eft tracé à fainte Genevieve , & qui eft tellement
effacé , qu'il n'y a qu'un homme
auffi verfé dans les antiquités que M. Scarcher
, qui puiffe nous en donner l'intelligence.
La premiere difficulté qui fe rencontre
eft que le nom de Perrault eft compofé
de huit lettres & qu'on n'en apperçoit
que fept dans les foibles traces qui restent
fur ce marbre ; mais nous verrons bien-tôt
comment on doit expliquer cela. Les deux
dernieres lettres de ce nom , qui fe voyent
encore affez diftin&tement , font OT, & il
ya tout lieu de croire que celle qui les
précede eft une L. M. Scarcher prouve premierement
par un grand nombre d'autorités
refpectables que les anciens François
prononçoient la diphtongue an , de même
que la lettre o , & qu'ainfi ils mettoient indifféremment
l'une pour l'autre. Cette découverte
répond en même temps d'une ma
niere évidente à la premiere difficulté des
fept premieres lettres qui fe trouvent à
fainte Génevieve au lieu de huit , que demande
fa fuppofition , car il eft clair qu'ici
la lettre o tient lieu de deux . Il reste la difficulté
de L qui fe trouve avant l'O , au
lieu que dans le nom de Perrault , elle ſe
trouve après an. 11 y fatisfait du moins
曩
166 MERCURE DE FRANCE .
d'une maniere probable , en difant qu'il eft
poffible que la modeſtie de l'architecte
l'ayant empêché d'y mettre lui-même fon
nom , il n'a été mis qu'après la mort , &
que ceux qui l'ont gravé , l'ont ainfi défiguré
, ou par corruption , ou plûtôt parce
que c'étoit en effet la véritable prononciation
de ce temps- là , comme nous voyons
encore dans le nôtre que les Allemands
prononcent Makre quoiqu'ils écrivent Maker
, ainfi on peut avoir prononcé OLT,
quoiqu'il foit écrit LOT. Nous nous fommes
un peu étendus fur cet article , quoique
nous l'ayons beaucoup abrégé , parce
que c'eft un des plus importans de ce fçavant
mémoire & celui où l'on découvre la
plus rare érudition ; s'il y a quelque choſe
qui paroiffe inadmiffible , c'eft cet excès
de modeſtie qu'il ſuppoſe dans un architecte
; mais encore une fois , nous ne deyons
pas juger des hommes de ces fiécles
vertueux par ceux du nôtre. Il reſte encore
une objection. Plufieurs fçavans ont prétendu
que la premiere lettre de ce nom eft
une S , & qu'il eft difficile avec les traces
qui en reftent d'en faire un P * . C'eſt là
* Il y en a qui vont plus loin . Ayant de meilleurs
yeux , ils ont cru entrevoir uneƒavant l , &
fuppléant à la diphtongue qui manque , ils ont
conjecturé que le véritable nom de l'architecte
JUILLET. 1755- 167
qu'il faut voir M. Scarcher employer toutes
les forces de fon éloquence pour y trouver
un P , il faut le lire dans l'original ,
mais il eft vrai qu'il eft bien difficile quand
on l'a lû de ne l'y pas trouver avec lui ,
malgré les difficultés que préfente l'infpection
du marbre.
M. Scarcher traite enfuite des reftes antiques
de l'Eglife de faint Pierre & faint
Paul , qu'une tradition fans fondement
nomme faint Sulpice. Il démontre que nous
n'avons pas cet édifice ( dont il ne refte
prefque que le portail ) tel qu'il a été bâti .
Que les arcades qui font au fecond ordre ,
y ont été conftruites depuis par quelque
raifon de folidité occafionnée par les ravages
du temps , & qu'il n'y a nulle apparènce
qu'un architecte de ce mérite eut mis ces
maffifs au fecond ordre n'en ayant pas mis
au premier , c'eft- à-dire , le fort fur le
foible. Il prouve encore que les coloffes
monftrueux qui font fur les tours , ont été
pareillement ajoûtés par quelque raifon de
dévotion populaire , qui a voulu que l'on
vit les patrons de cette églife les plus
grands qu'il étoit poffible ; que les tours
ont été terminées en ligne droite par l'architecte
premier auteur de cet édifice , &
étoit Sauflot ou Souflot. J'avoue que je ferois affez
de ce dernier ſentiment,
168 MERCURE DE FRANCE:
que le couronnement que nous y voyons
maintenant eft une augmentation faite
dans un fiecle où le goût avoit dégénéré.
Il ne paroît pas auffi bien fondé , lorfqu'il
foutient que le fronton eft dans le même
cas d'être venu après coup. Il prétend
décider le problême qui embarraffe tous
nos architectes , c'est - à - dire , l'impoffibilité
qu'il y a que l'églife dont nous jugeons
par quelques arcades demi ruinées
qui fubfiftent encore , puiffe avoir été liée
avec ce portail . En effet , on ne voit aucune
hauteur ni aucune ligne qui y ait du rapport.
Il dit qu'alors l'intérieur de l'égliſe
étoit à deux ordres l'un fur l'autre femblables
à ceux du portail avec un rang de galleries
regnant tout au tour, que cette églife
ayant été détruite ou par quelque accident
ou par la barbarie des fiecles fuivans , on a
édifié à fa place ce bâtiment irrégulier qui
s'y accorde fi peu ; ce qui donne quelque
vraisemblance à fa fuppofition , c'eft qu'indépendamment
de leur peu de rapport avec
le portail ces fragmens qui nous reftent
n'en ont pas même entr'eux . Ce fentiment
n'eft cependant pas fans difficulté , on a
peine à concevoir que dans l'efpace de
temps qui s'est écoulé depuis fa premiere
conftruction , une égliſe auffi bien bâtie
que celle qui devoit tenir à ce portail , ait
été
JUILLET. 1755. 169
été détruite , relevée une feconde fois aufli
folidement que nous le voyons par ces
reftes , & encore ruinée . On ne peut que
difficilement fuppofer qu'elle ait été abbattue
exprès , d'ailleurs nous ne connoiffons
point de fiecle de barbarie depuis ces temps
mémorables. Les arts ont toujours été floriffans
, & n'ont fait que fe perfectionner
jufqu'au point d'élévation où nous les
voyons maintenant. M. Scarcher permettra
que nous ne nous rendions pas encore
fur cet article , & que nous attendions des
preuves plus fortes que le temps & fon
profond fçavoir lui feront découvrir.
Notre favant auteur paffe enfuite à un
refte de bâtiment ancien qu'on croit avoir
été une églife fous l'invocation de faint
Roch. Ce qu'on trouve de plus fatisfaiſant
dans les réflexions de M. Scarcher fur cette
églife , ce font les raifons dont il s'appuye
pour détruire le fentiment de ceux qui foutiennent
que le double focle qui porte les
arcades de la nef a été apparent dans fa
premiere conftruction . Il fait voir que le
focle d'enbas étoit la fondation qui fe trouvoit
enfevelie dans l'intérieur du terrein
qu'il n'eft vifible que parce qu'on a baiffé
le terrein intérieur de l'églife , & combien
il eft ridicule de penfer que jamais aucun
architecte fe foit avifé de mettre deux fo-
H
170 MERCURE DE FRANCE.
cles l'un fur l'autre , & fi élévés que les
bazes des colonnes font de beaucoup audeffus
de la vue. Il établit une feconde
preuve fur ce qu'on trouve par d'anciennes
eftampes qu'on croit gravées dans ces mêmes
tems , qu'il y a eu 15 ou 16 marches
pour monter à cette églife , au lieu qu'à
préfent il ne s'en trouve que cinq. Selon
fon idée , on a détruit les marches qui
montoient jufqu'au niveau du premier
focle. Ce fentiment n'eft probable que dans
la fuppofition que les marches que l'on y
voit maintenant ne font point du tout les
anciennes , car il auroit fallu pour monter
jufqu'à la hauteur des bazes du portail
qu'elles n'euffent laiffé aucun pallier ; ce
qui , quoique poffible , laiffe quelque doute
, d'autant plus qu'en calculant la hauteur
& l'enfoncement que produifent un
nombre de marches femblables à celles qui
reftent , on n'y trouve pas un rapport jufte
avec le nombre des marches indiquées dans
l'eftampe , il eft vrai qu'il ajoute une raifon
plaufible pour remédier au défaut de
juftelle du calcul de ces marches , il fait
remarquer que naturellement le terrein
des villes fe hauffe par un abus auquel on
ne fonge point à tenir la main , parce que
l'on apporte toujours & qu'on ne remporte
jamais. Tout ceci porta un caractere de
JUILLET. 1755. 171
vraisemblance auquel on a peine à ſe
refufer.
·
Il entreprend de prouver que cette églife
précede au moins d'un fiecle le bâtiment
du Louvre , c'est- à- dire , avant que la bonne
architecture fut bien connue . Premierement
par le défaut infupportable des bazes
& des chapiteaux des colomnes qui ſe pénetrent
avec les pilaftres , défaut ridicule
qu'on n'eut jamais fouffert dans un fiecle
plus éclairé. Secondement , par les fauffes
courbes qui font l'enfoncement des efpeces
de niches où font les petites portes de
l'églife . Il prétend que ces courbes font
les effais par où l'on a commencé avant
que de trouver les formes régulieres . Cette
feconde preuve n'eſt pas de la force de la
premiere , car on trouve plufieurs édifices
dont la datte eft certaine , & qui font conftruits
plus d'un fiecle & demi après , où
l'on voit ces mêmes courbes employées &
de plus mauvaiſes encore , d'ailleurs plufieurs
fçavans prétendent quele propre de
l'efprit humain , eft de trouver d'abord
tour naturellement le fimple qui eft le vrai
beau ; & que le goût ne fe corrompt qu'à
force de vouloir aller au-delà.
Au refte , il eft fi difficile de pénétrer
dans ces tems anciens , que les conjectures
vraisemblables doivent être regardées
Hij
172 MERCURE DE FRANCE:
comme des démonftrations . Ce mémoire
renferme quantité de recherches intéreſfantes
aufquelles je renvoye le lecteur
pour ne pas être trop long.
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Résumé : ARCHITECTURE. Mercure du mois de Juin de l'année 2355.
Le Mercure de juin 1755 présente un nouveau volume des Mémoires de la Société de Gens de Lettres, qui se distingue par son exploration des antiquités françaises, y compris celles des siècles futurs. Le journal souligne la ténacité et l'érudition de cette société, qui étend ses recherches au-delà des temps passés pour éclairer les époques à venir. L'article se concentre sur les mémoires relatifs à l'architecture antique, notamment ceux de M. Scarcher. Ce dernier traite des vestiges architecturaux de l'ancienne ville de Paris, prouvant que le quartier de la Cour, aujourd'hui connu sous le nom de quartier de Versailles, était autrefois en dehors de la ville. Il démontre également que Paris avait une étendue limitée à l'époque, environ une lieue. Scarcher examine ensuite la statue de Louis XV et le pont Royal, affirmant que ce dernier tire son nom de la statue. Il réfute une affirmation précédente selon laquelle le Louvre aurait été achevé sous le règne de Louis XIV, expliquant que l'édifice a été négligé en raison des guerres et restauré au milieu du XVIIIe siècle. Le texte aborde également l'église Sainte-Geneviève, que Scarcher attribue au même architecte que le péristyle du Louvre, Perrault. Il discute des difficultés de lecture des inscriptions et des preuves historiques pour soutenir ses assertions. Scarcher traite également des vestiges de l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul, aujourd'hui connue sous le nom de Saint-Sulpice, démontrant que l'édifice a subi des modifications au fil du temps. Il conclut que l'église actuelle ne correspond pas à l'original et que certaines parties ont été ajoutées pour des raisons de solidité ou de dévotion populaire. Scarcher conteste l'idée que le double socle des arcades de la nef de l'église dédiée à saint Roch ait été visible lors de la première construction. Il argue que le socle inférieur était enfoui et n'est visible que parce que le terrain intérieur a été abaissé. Il trouve ridicule l'hypothèse que deux socles aient été construits l'un sur l'autre à une telle hauteur. Scarcher présente des preuves basées sur des anciennes estampes montrant 15 ou 16 marches pour accéder à l'église, contre cinq actuellement. Il suggère que les marches originales ont été détruites et que le terrain des villes tend à s'élever naturellement. Enfin, Scarcher tente de démontrer que cette église précède de plus d'un siècle le bâtiment du Louvre, avant que l'architecture ne soit bien maîtrisée. Il cite des défauts dans les bases et chapiteaux des colonnes, ainsi que des courbes incorrectes dans les niches des portes. Cependant, cette seconde preuve est contestée par des savants qui affirment que l'esprit humain trouve d'abord le beau simple et que le goût se corrompt en cherchant à aller au-delà.
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17
p. 172-177
Nouveau projet de décoration pour les Théatres.
Début :
L'économie d'accord avec le bon goût & la raison, a porté M*** à construire [...]
Mots clefs :
Goût, Bon goût, Décoration pour les théâtres, Machine, Représentation, Scène
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texteReconnaissance textuelle : Nouveau projet de décoration pour les Théatres.
Nouveau projet de décoration pour les
L
Théatres.
'Économie d'accord avec le bon goût
& la raiſon , a porté M *** à conftruire
un théatre dans fon château , où il
a fupprimé les couliffes & les bandes
du haut de la ſcene , qui repréſentent tantôt
le ciel , d'autres fois le plafond d'un
appartement , des berceaux d'allées , ou la
voûte d'une caverne . Toute la fcene con--
fifte en un très- beau fallon , figuré par des
peintures plates , tant en haut qu'en bas ;
& quand cela a été fait , on a trouvé
cela étoit bon.
que
Au fond du théatre il y a deux piliers
de chaque côté ; ils font fort éclairés par
derriere , & font voir un tableau qui
change felon les pieces que l'on repréſente.
Tantôt c'est une place publique que
l'on voit , tantôt un palais , une forêt , la
mer , ou des jardins.
Ainfi l'endroit de la ſcene eft dormant ;
il eft composé d'un plafond , & de deux
côtés richement ornés d'architecture , méJUILLET.
1755. 173
nuiferie fculptée , ftatues & glaces , des
chandeliers à plufieurs branches , torcheres
& bras qui éclairent fort la fcene. On
y a ménagé deux portes de chaque côté
pour l'entrée & la fortie des Acteurs , ce
qui fait le même effet que les couliffes .
Aux quatre coins de la fcene font quatre
gros piliers , deux fur le devant furmontés
d'un fronton d'où defcend la toile ,
& les deux du fond avec pareil fronton ,
ou corniche pour encadrer la ferme ,
comme j'ai dit . Une de ces fermes ou décorations
, peut être affortie avec la ſcene,
& ne former qu'un bel appartement.
Il m'a paru que cette maniere de décorer
un théatre avoit de grands avantages
fur celle des couliffes changeantes & des
bandes d'en- haut qui les accompagnent
.
Toute illufion de l'art doit être rendue la
plus vraisemblable qu'il eft poffible ; celle
des couliffes approche trop près de l'oeil
du fpectateur , pour ne pas paroître pauvre
& groffiere. La perfpective , la dégradation
de lumiere , & les proportions des
perfonnages avec le lieu de la fcene ne
peuvent jamais s'y rencontrer. L'on apperçoit
par les couliffes le jeu des machines
& le travail des Machiniſtes : l'on y
voit tous les coopérateurs étrangers au
fpectacle , & on y place même des fpecta-
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
teurs , dont la préfence & les mouvemens
choquent toujours la vérité des repréfentations.
Remarquons à ce fujet deux chofes intéreffantes
; l'une , combien les loges , balcons
, ou amphithéatre placés fur le théatre
, jettent de confufion dans les repréfentations
de l'Opéra ou de la Comédie ,
& combien les fpectateurs mêlés avec les
Acteurs y font nuifibles & indécens ; l'autre
obſervation eft que par ce même ufage
auquel on a accoutumé le public , on a
déja adopté mon fyftême , en deftinant
pour la fcene un lieu différent de celui
des décorations . Au théatre de Fontainebleau
, par exemple , la fcene fe paffe entre
deux rangs de loges , & la décoration
ne change qu'au fond du théatre ; mais
il feroit bien mieux d'adopter entierement
, ou de rejetter tout - à - fait ce ſyſtême.
Il confifte à deftiner un lieu exprès &
exclufivement pour la fcene , à l'imitation
des anciens. Ce lieu ne peut être mieux
entendu qu'en un très- beau fallon , & tout
un côté en feroit ouvert pour laiffer voir
celui que defire le fujet de la piece , on le
fuppoferoit joint aux lieux divers où fe
paffe l'action . Illufion pour illufion , le
fpectateur fe prêtera facilement à la moinJUILLET.
1755 175
dre des deux. Tout eft orné dans les repréfentations
dramatiques ; on y parle en
vers ou en chants ; les perfonnages les plus
fatigués fortans d'un naufrage , y font parés
& bien mis , les payfans y font galamment
vêtus. Ne peut-on pas fuppofer de
même qu'ils s'avancent vers le public , &
dans un lieu qui eft au public pour parler
de leurs intérêts , lorfqu'on voit par le
fond du théatre qu'ils en traitent dans
une chambre , dans une place , ou dans
une campagne ? L'on fuppofera que ce fallon
eft bâti fur le bord d'une forêt ou
d'une rue par cette illufion on ennoblit
la repréfentation , & par celle des couliffes
& de tout ce qui s'y paffe , on l'avilir.
Le jeu des machines , comme vols ,
chars , gloires , doit fe paffer au fond du
théatre & hors du lieu de la ſcene , pour
en mieux cacher les défauts.
La raifon d'économie feroit miférable
fi le ſpectacle ne s'en trouvoit pas mieux ;
en récompenfe fi l'on veut calculer les
frais , on pourra augmenter de dépense &
de magnificence fur d'autres chofes . La
fcene en fera mieux éclairée par des flambeaux
apparens que par ceux qui font à
moitié cachés derriere les couliffes ; l'on
pourra renouveller plus fouvent les décotations
& le fallon de la fcene ; l'on pro-
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
1
fitera des progrès de l'architecture moderne
& du deffein d'ornement.
La falle ( ou lieu des loges & des fpectateurs
) ne doit jamais avoir rien de commun
avec la fcene qui fe cache derriere
un rideau jufqu'au commencement de la
repréfentation : ce font , pour ainfi dire ,
deux pays différens ; l'on ne devroit orner
la falle qu'avec la plus grande fimplicité
pour contrafter & faire briller davantage
la magnificence & l'éclat du fpectacle
quand la toile fe leve .
On ne doit rien épargner pour la beauté
de la ferme du : ond du théatre. Dans
le plan que je propofe , ce devroit être
autant de tableaux exquis peints par les
meilleurs Maîtres , & toujours d'un coloris
frais ; ils ne doivent jamais être difpofés
en deux parties , ce qui y y forme au
milieu une raye noire & defagréable ; ces
tableaux feroient plus ou moins reculés &
diftans des deux colonnes de la fcene , felon
les lieux qu'ils repréſenteroient & les
machines qui devroient paroître dans cette
diſtance. On y verroit donc quelquefois
le théatre très- profond avec des morceaux
avancés ,, comme portiques , tours , arbres ,
rochers , &c. mais jamais de couliffes.
L'on pourroit effſayer ce projet au théatre
de l'Opéra qui y eft tout difpofé , l'on
JUILLE T. 1755. 177
formeroit un fallon des fix premieres couliffes
de chaque côté , & le goût du public
décideroit.
L
Théatres.
'Économie d'accord avec le bon goût
& la raiſon , a porté M *** à conftruire
un théatre dans fon château , où il
a fupprimé les couliffes & les bandes
du haut de la ſcene , qui repréſentent tantôt
le ciel , d'autres fois le plafond d'un
appartement , des berceaux d'allées , ou la
voûte d'une caverne . Toute la fcene con--
fifte en un très- beau fallon , figuré par des
peintures plates , tant en haut qu'en bas ;
& quand cela a été fait , on a trouvé
cela étoit bon.
que
Au fond du théatre il y a deux piliers
de chaque côté ; ils font fort éclairés par
derriere , & font voir un tableau qui
change felon les pieces que l'on repréſente.
Tantôt c'est une place publique que
l'on voit , tantôt un palais , une forêt , la
mer , ou des jardins.
Ainfi l'endroit de la ſcene eft dormant ;
il eft composé d'un plafond , & de deux
côtés richement ornés d'architecture , méJUILLET.
1755. 173
nuiferie fculptée , ftatues & glaces , des
chandeliers à plufieurs branches , torcheres
& bras qui éclairent fort la fcene. On
y a ménagé deux portes de chaque côté
pour l'entrée & la fortie des Acteurs , ce
qui fait le même effet que les couliffes .
Aux quatre coins de la fcene font quatre
gros piliers , deux fur le devant furmontés
d'un fronton d'où defcend la toile ,
& les deux du fond avec pareil fronton ,
ou corniche pour encadrer la ferme ,
comme j'ai dit . Une de ces fermes ou décorations
, peut être affortie avec la ſcene,
& ne former qu'un bel appartement.
Il m'a paru que cette maniere de décorer
un théatre avoit de grands avantages
fur celle des couliffes changeantes & des
bandes d'en- haut qui les accompagnent
.
Toute illufion de l'art doit être rendue la
plus vraisemblable qu'il eft poffible ; celle
des couliffes approche trop près de l'oeil
du fpectateur , pour ne pas paroître pauvre
& groffiere. La perfpective , la dégradation
de lumiere , & les proportions des
perfonnages avec le lieu de la fcene ne
peuvent jamais s'y rencontrer. L'on apperçoit
par les couliffes le jeu des machines
& le travail des Machiniſtes : l'on y
voit tous les coopérateurs étrangers au
fpectacle , & on y place même des fpecta-
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
teurs , dont la préfence & les mouvemens
choquent toujours la vérité des repréfentations.
Remarquons à ce fujet deux chofes intéreffantes
; l'une , combien les loges , balcons
, ou amphithéatre placés fur le théatre
, jettent de confufion dans les repréfentations
de l'Opéra ou de la Comédie ,
& combien les fpectateurs mêlés avec les
Acteurs y font nuifibles & indécens ; l'autre
obſervation eft que par ce même ufage
auquel on a accoutumé le public , on a
déja adopté mon fyftême , en deftinant
pour la fcene un lieu différent de celui
des décorations . Au théatre de Fontainebleau
, par exemple , la fcene fe paffe entre
deux rangs de loges , & la décoration
ne change qu'au fond du théatre ; mais
il feroit bien mieux d'adopter entierement
, ou de rejetter tout - à - fait ce ſyſtême.
Il confifte à deftiner un lieu exprès &
exclufivement pour la fcene , à l'imitation
des anciens. Ce lieu ne peut être mieux
entendu qu'en un très- beau fallon , & tout
un côté en feroit ouvert pour laiffer voir
celui que defire le fujet de la piece , on le
fuppoferoit joint aux lieux divers où fe
paffe l'action . Illufion pour illufion , le
fpectateur fe prêtera facilement à la moinJUILLET.
1755 175
dre des deux. Tout eft orné dans les repréfentations
dramatiques ; on y parle en
vers ou en chants ; les perfonnages les plus
fatigués fortans d'un naufrage , y font parés
& bien mis , les payfans y font galamment
vêtus. Ne peut-on pas fuppofer de
même qu'ils s'avancent vers le public , &
dans un lieu qui eft au public pour parler
de leurs intérêts , lorfqu'on voit par le
fond du théatre qu'ils en traitent dans
une chambre , dans une place , ou dans
une campagne ? L'on fuppofera que ce fallon
eft bâti fur le bord d'une forêt ou
d'une rue par cette illufion on ennoblit
la repréfentation , & par celle des couliffes
& de tout ce qui s'y paffe , on l'avilir.
Le jeu des machines , comme vols ,
chars , gloires , doit fe paffer au fond du
théatre & hors du lieu de la ſcene , pour
en mieux cacher les défauts.
La raifon d'économie feroit miférable
fi le ſpectacle ne s'en trouvoit pas mieux ;
en récompenfe fi l'on veut calculer les
frais , on pourra augmenter de dépense &
de magnificence fur d'autres chofes . La
fcene en fera mieux éclairée par des flambeaux
apparens que par ceux qui font à
moitié cachés derriere les couliffes ; l'on
pourra renouveller plus fouvent les décotations
& le fallon de la fcene ; l'on pro-
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
1
fitera des progrès de l'architecture moderne
& du deffein d'ornement.
La falle ( ou lieu des loges & des fpectateurs
) ne doit jamais avoir rien de commun
avec la fcene qui fe cache derriere
un rideau jufqu'au commencement de la
repréfentation : ce font , pour ainfi dire ,
deux pays différens ; l'on ne devroit orner
la falle qu'avec la plus grande fimplicité
pour contrafter & faire briller davantage
la magnificence & l'éclat du fpectacle
quand la toile fe leve .
On ne doit rien épargner pour la beauté
de la ferme du : ond du théatre. Dans
le plan que je propofe , ce devroit être
autant de tableaux exquis peints par les
meilleurs Maîtres , & toujours d'un coloris
frais ; ils ne doivent jamais être difpofés
en deux parties , ce qui y y forme au
milieu une raye noire & defagréable ; ces
tableaux feroient plus ou moins reculés &
diftans des deux colonnes de la fcene , felon
les lieux qu'ils repréſenteroient & les
machines qui devroient paroître dans cette
diſtance. On y verroit donc quelquefois
le théatre très- profond avec des morceaux
avancés ,, comme portiques , tours , arbres ,
rochers , &c. mais jamais de couliffes.
L'on pourroit effſayer ce projet au théatre
de l'Opéra qui y eft tout difpofé , l'on
JUILLE T. 1755. 177
formeroit un fallon des fix premieres couliffes
de chaque côté , & le goût du public
décideroit.
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Résumé : Nouveau projet de décoration pour les Théatres.
Le texte présente un projet de décoration pour les théâtres, visant à allier économie et esthétique. L'auteur propose de supprimer les coulisses et les bandes au-dessus de la scène, remplacées par des peintures plates figurant un fallon. La scène est ainsi composée d'un plafond et de deux côtés richement ornés d'architecture, de menuiserie sculptée, de statues, de glaces, de chandeliers et de torches. Au fond du théâtre, deux piliers de chaque côté sont fortement éclairés par derrière, affichant des tableaux changeants selon les pièces représentées, tels qu'une place publique, un palais, une forêt, la mer ou des jardins. Deux portes de chaque côté permettent l'entrée et la sortie des acteurs, remplaçant ainsi les coulisses. L'auteur critique les coulisses changeantes et les bandes du haut, jugées trop proches de l'œil du spectateur, révélant les machines et le travail des machinistes, ce qui perturbe l'illusion du spectacle. Les loges et balcons placés sur le théâtre créent de la confusion et nuisent à la représentation. Le projet propose de définir un lieu exclusif pour la scène, imitant les anciens théâtres, avec un côté ouvert pour montrer le décor souhaité par la pièce. Les machines, comme les vols ou les chars, devraient se passer au fond du théâtre pour mieux cacher leurs défauts. L'auteur estime que, bien que l'économie soit une raison misérable, le spectacle en bénéficierait. La scène serait mieux éclairée par des flambeaux apparents, et les décorations pourraient être renouvelées plus souvent. La salle des spectateurs ne doit avoir rien en commun avec la scène, qui se cache derrière un rideau jusqu'au début de la représentation. La ferme du fond du théâtre devrait être ornée de tableaux exquis peints par les meilleurs maîtres, toujours d'un coloris frais, et jamais divisés en deux parties. Ce projet pourrait être testé au théâtre de l'Opéra, en utilisant les premières coulisses de chaque côté, et le goût du public déciderait de son succès.
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18
p. 177-183
HORLOGERIE. Lettre du sieur Caron fils, Horloger du Roi, à l'Auteur du Mercure.
Début :
MONSIEUR, je suis un jeune artiste qui n'ai l'honneur d'être connu du [...]
Mots clefs :
Académie des sciences, Horloger du roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HORLOGERIE. Lettre du sieur Caron fils, Horloger du Roi, à l'Auteur du Mercure.
HORLOGERI E.
Lettre du fieur Caron fils , Horloger du Roi ,
à l'Auteur du Mercure.
M
ONSIEUR , je fuis un jeune artiſte
qui n'ai l'honneur d'être connu du
public que par l'invention d'un nouvel
échappement à repos pour les montres , que
l'Académie a honoré de fon approbation
& dont les Journaux ont fait mention l'année
paffée. Ce fuccès me fixe à l'état d'horloger
, & je borne toute mon ambition à
acquerir la fcience de mon art ; je n'ai jamais
porté un oeil d'envie fur les productions
de mes confreres :( cette lettre le
prouve ) mais j'ai le malheur de fouffrir
fort impatiemment qu'on veuille m'enle- ver le peu de terrein que l'étude & le travail
m'ont fait défricher ; c'eſt cette chaleur
de fang dont je crains bien que l'âge
ne me corrige pas , qui m'a fait défendre
avec tant d'ardeur les juftes prétentions
que j'avois fur l'invention de mon échappement
, lorſqu'elle me fut conteſtée il y
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
,
a environ dix-huit mois. L'Académie des
Sciences , non feulement me déclara auteur
de cet échappement , mais elle jugea
qu'il étoit dans fon état actuel le plus parfait
qu'on eut encore adapté aux montres ;
cependant elle fçavoit , & je voyois bien
qu'il étoit fufceptible de quelques perfections
mais la néceffité de conftater
promptement mon titre , à laquelle mon
adverfaire me força en publiant fes fauffes
prétentions , m'empêcha de les y ajouter.
Alors devenu poffeffeur tranquille de mon
échappement , j'ai donné tous mes foins
à le rendre encore fupérieur à lui- même ,
& c'eft l'état où il eft maintenant ; mais
en même-tems trop bon citoyen pour en
faire un myftere , je l'ai rendu public autant
qu'il m'a été poffible. Les divers écrits
que cet échappement a occafionné & le
jugement que l'Académie en a porté , attirant
fur lui l'attention des Horlogers , il
devint l'objet des réflexions & des recherches
de quelques- uns des plus habiles d'entr'eux
: deforte que pendant que j'y ajoutois
les petites perfections qui lui manquoient
, M. de Romilly s'apperçut qu'effectivement
il en étoit fufceptible ; il y travailla
de fon côté , & préfenta à l'Académie
en Décembre 1754 le changement
qu'il y avoit fait ; le ſoir même de ſa préJUILLET.
1755. 179
fentation M. Le Roy m'en ayant apporté la
nouvelle , je demandai fur le champ à
l'Académie , qu'en faveur de ma qualité
d'Auteur , elle voulut bien examiner avant
tout l'état de perfection auquel j'avois moimême
porté mon échappement . Cette perfection
étoit des repos plus près du centre
& des arcs de vibrations plus étendus ,
elle y confentit , & l'examen qu'elle fit
des piéces que nous préfentâmes , l'un &
l'autre lui montra que M. Romilly avoit
atteint le même but que moi en travaillant
fur le même fujet : ainfi l'Académie
toujours équitable dans les jugemens , ne
voulant pas accorder plus d'avantage fur
cette perfection à ma qualité d'Auteur de
l'échappement qu'à l'antériorité de préfentation
de M. de Romilly , qui n'eft
effectivement que d'un feul jour , a dévré
à chacun de nous le certificat fuivant
, que je publie d'autant plus volontiers
que M. de Romilly qui a jugé mon
échappement digne de fes recherches , eft
un très - galant homme , & que j'eftime véritablement
d'ailleurs je ferois fâché que
cette petite concurrence entre lui & mor
pût être envisagée comme une difpute femblable
à la premiere ; l'émulation qui anime
les honnêtes gens mérite un nom plus
honorable. J'ai l'honneur d'être , & c.
Extrait des Regiftres de l'Académie royale
des Sciences , du 11 Juin 1755.
>
MM . de Mairan, de Montigni & Le Roi,
qui avoient été nommés pour examiner une
montre à fecondes , à laquelle eft adapté
l'échappement du fieur Caron fils , perfectionné
par le fieur Romilly , Horloger ,
citoyen de Genêve , & par lui préfentée
à l'Académie , avec un mémoire fur les
échappemens en général , en ayant fait
leur rapport , l'Académie a jugé que le
changement fait à cet échappement , &
qui permet d'en rendre le cylindre auffr
petit qu'on le juge à propos : de rapprocher
les points de repos du centre , & de
donner aux arcs du balancier plus de trois
cens dégrés d'étendue , étoit ingénieux &
utile , mais en même- tems elle ne peut douter
que le fieur Caron n'ait de fon côté
porté fon échappement au même dégré de
perfection ; puifque le jour même que M.
Le Roi , l'un des Commiffaires, lui en donna
connoiffance en Décembre 1754 , cet
Horloger lui fit voir un modele de fon
échappement qu'il avoit perfectionné , auquel
il travailloit alors, & dont la roue d'échappement
avoit les dents fouillées par
derriere , & étoit exactement femblable.
à la conftruction du fieur Romilly , dont
JUILLET. 1755. 181
il n'avoit cependant point eu de communication
; d'ailleurs dans la boîte de preuve
que le fieur Caron dépofa en Septembre
1753 au Secrétariat de l'Académie , &
qui eft jufques à préfent reftée entre les
mains de MM. les Commiffaires , il y a
plufieurs petits cylindres dont les repos
font très- près du centre , mais qu'il n'eut
pas alors le tems de perfectionner.
Ainfi le mérite d'avoir amené cette invention
au point de perfection dont elle
étoit fufceptible , appartient également au
fieur Romilly & au fieur Caron fon auteur
; mais le fieur Romilly en a préſenté
la premiere exécution : en foi de quoi j'ai
figné le préfent certificat . A Paris , ce 14
Juin 1715.
Grandjean de Fouchy , Secrétaire
perpétuel de l'Académie royale
des Sciences .
Je profite de cette occafion pour répondre
à quelques objections qu'on a faites fur
mon échappement dans divers écrits rendus
publics. En fe fervant de cet échappement
, a-t-on dit , on ne peut pas faire des
montres plates , ni même de petites montres.
Ce qui fuppofé vrai , rendroit le meilleur
échappement connu très-incommode , des
182 MERCURE DE FRANCE.
faits feront toute ma réponſe . Plufieurs
expériences m'ayaut démontré que mon
échappement corrigeoit par fa nature les
inégalités du grand reffort fans aucun befoin
d'un autre régulateur , j'ai fupprimé
de mes montres toutes les pièces qui exigeoient
de la hauteur au mouvement ,
comme la fufée , la chaîne , la potence ,
toute roue à couronne , fur- tout celles dont
l'axe eft parallele aux platines dans les
montres ordinaires , & toutes les piéces
que ces principales entraînoient à leur fuite.
Par ce moyen je fais des montres aufſi
plates qu'on le juge à propos , & plus plates
qu'on en ait encore faites , fans que
cette commodité diminue en rien de leur
bonté. La premiere de ces montres fimplifiées
eft entre les mains du Roi. Sa Majefté
la porte depuis un an , & en eft trèscontente.
Si des faits répondent à la premiere
objection , des faits répondent également
à la feconde . J'ai eu l'honneur de
préfenter à Mme de Pompadour ces jours
paffés une montre dans une bague, de cette
nouvelle conftruction fimplifiée , la plus
petite qui ait encore été faite ; elle n'a que
quatre lignes & demie de diametre , &
une ligne moins un tiers de hauteur entre
les platines . Pour rendre cette bague plus
commode , j'ai imaginé en place de clef
JUILLE T. 1755. 183
un cercle autour du cadran , portant un
petit crochet faillant ; en tirant ce crochet
avec l'ongle , environ les deux tiers
du tour du cadran , la bague eft remontée ,
& elle va trente heures. Avant que de la
porter à Mme de Pompadour , j'ai vû cette
bague fuivre exactement pendant cinq
jours ma pendule à fecondes , ainfi en
fe fervant de mon échappement & de ma
conftruction on peut donc faire d'excellentes
montres auffi plates:& auffi petites
qu'on le jugera à propos.
J'ai l'honneur d'être , &c.
CARON fils , Horloger du Roi.
Rue S. Denis , près celle de la Chanvererie.
A Paris , le 16 Juin 1755 .
Lettre du fieur Caron fils , Horloger du Roi ,
à l'Auteur du Mercure.
M
ONSIEUR , je fuis un jeune artiſte
qui n'ai l'honneur d'être connu du
public que par l'invention d'un nouvel
échappement à repos pour les montres , que
l'Académie a honoré de fon approbation
& dont les Journaux ont fait mention l'année
paffée. Ce fuccès me fixe à l'état d'horloger
, & je borne toute mon ambition à
acquerir la fcience de mon art ; je n'ai jamais
porté un oeil d'envie fur les productions
de mes confreres :( cette lettre le
prouve ) mais j'ai le malheur de fouffrir
fort impatiemment qu'on veuille m'enle- ver le peu de terrein que l'étude & le travail
m'ont fait défricher ; c'eſt cette chaleur
de fang dont je crains bien que l'âge
ne me corrige pas , qui m'a fait défendre
avec tant d'ardeur les juftes prétentions
que j'avois fur l'invention de mon échappement
, lorſqu'elle me fut conteſtée il y
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
,
a environ dix-huit mois. L'Académie des
Sciences , non feulement me déclara auteur
de cet échappement , mais elle jugea
qu'il étoit dans fon état actuel le plus parfait
qu'on eut encore adapté aux montres ;
cependant elle fçavoit , & je voyois bien
qu'il étoit fufceptible de quelques perfections
mais la néceffité de conftater
promptement mon titre , à laquelle mon
adverfaire me força en publiant fes fauffes
prétentions , m'empêcha de les y ajouter.
Alors devenu poffeffeur tranquille de mon
échappement , j'ai donné tous mes foins
à le rendre encore fupérieur à lui- même ,
& c'eft l'état où il eft maintenant ; mais
en même-tems trop bon citoyen pour en
faire un myftere , je l'ai rendu public autant
qu'il m'a été poffible. Les divers écrits
que cet échappement a occafionné & le
jugement que l'Académie en a porté , attirant
fur lui l'attention des Horlogers , il
devint l'objet des réflexions & des recherches
de quelques- uns des plus habiles d'entr'eux
: deforte que pendant que j'y ajoutois
les petites perfections qui lui manquoient
, M. de Romilly s'apperçut qu'effectivement
il en étoit fufceptible ; il y travailla
de fon côté , & préfenta à l'Académie
en Décembre 1754 le changement
qu'il y avoit fait ; le ſoir même de ſa préJUILLET.
1755. 179
fentation M. Le Roy m'en ayant apporté la
nouvelle , je demandai fur le champ à
l'Académie , qu'en faveur de ma qualité
d'Auteur , elle voulut bien examiner avant
tout l'état de perfection auquel j'avois moimême
porté mon échappement . Cette perfection
étoit des repos plus près du centre
& des arcs de vibrations plus étendus ,
elle y confentit , & l'examen qu'elle fit
des piéces que nous préfentâmes , l'un &
l'autre lui montra que M. Romilly avoit
atteint le même but que moi en travaillant
fur le même fujet : ainfi l'Académie
toujours équitable dans les jugemens , ne
voulant pas accorder plus d'avantage fur
cette perfection à ma qualité d'Auteur de
l'échappement qu'à l'antériorité de préfentation
de M. de Romilly , qui n'eft
effectivement que d'un feul jour , a dévré
à chacun de nous le certificat fuivant
, que je publie d'autant plus volontiers
que M. de Romilly qui a jugé mon
échappement digne de fes recherches , eft
un très - galant homme , & que j'eftime véritablement
d'ailleurs je ferois fâché que
cette petite concurrence entre lui & mor
pût être envisagée comme une difpute femblable
à la premiere ; l'émulation qui anime
les honnêtes gens mérite un nom plus
honorable. J'ai l'honneur d'être , & c.
Extrait des Regiftres de l'Académie royale
des Sciences , du 11 Juin 1755.
>
MM . de Mairan, de Montigni & Le Roi,
qui avoient été nommés pour examiner une
montre à fecondes , à laquelle eft adapté
l'échappement du fieur Caron fils , perfectionné
par le fieur Romilly , Horloger ,
citoyen de Genêve , & par lui préfentée
à l'Académie , avec un mémoire fur les
échappemens en général , en ayant fait
leur rapport , l'Académie a jugé que le
changement fait à cet échappement , &
qui permet d'en rendre le cylindre auffr
petit qu'on le juge à propos : de rapprocher
les points de repos du centre , & de
donner aux arcs du balancier plus de trois
cens dégrés d'étendue , étoit ingénieux &
utile , mais en même- tems elle ne peut douter
que le fieur Caron n'ait de fon côté
porté fon échappement au même dégré de
perfection ; puifque le jour même que M.
Le Roi , l'un des Commiffaires, lui en donna
connoiffance en Décembre 1754 , cet
Horloger lui fit voir un modele de fon
échappement qu'il avoit perfectionné , auquel
il travailloit alors, & dont la roue d'échappement
avoit les dents fouillées par
derriere , & étoit exactement femblable.
à la conftruction du fieur Romilly , dont
JUILLET. 1755. 181
il n'avoit cependant point eu de communication
; d'ailleurs dans la boîte de preuve
que le fieur Caron dépofa en Septembre
1753 au Secrétariat de l'Académie , &
qui eft jufques à préfent reftée entre les
mains de MM. les Commiffaires , il y a
plufieurs petits cylindres dont les repos
font très- près du centre , mais qu'il n'eut
pas alors le tems de perfectionner.
Ainfi le mérite d'avoir amené cette invention
au point de perfection dont elle
étoit fufceptible , appartient également au
fieur Romilly & au fieur Caron fon auteur
; mais le fieur Romilly en a préſenté
la premiere exécution : en foi de quoi j'ai
figné le préfent certificat . A Paris , ce 14
Juin 1715.
Grandjean de Fouchy , Secrétaire
perpétuel de l'Académie royale
des Sciences .
Je profite de cette occafion pour répondre
à quelques objections qu'on a faites fur
mon échappement dans divers écrits rendus
publics. En fe fervant de cet échappement
, a-t-on dit , on ne peut pas faire des
montres plates , ni même de petites montres.
Ce qui fuppofé vrai , rendroit le meilleur
échappement connu très-incommode , des
182 MERCURE DE FRANCE.
faits feront toute ma réponſe . Plufieurs
expériences m'ayaut démontré que mon
échappement corrigeoit par fa nature les
inégalités du grand reffort fans aucun befoin
d'un autre régulateur , j'ai fupprimé
de mes montres toutes les pièces qui exigeoient
de la hauteur au mouvement ,
comme la fufée , la chaîne , la potence ,
toute roue à couronne , fur- tout celles dont
l'axe eft parallele aux platines dans les
montres ordinaires , & toutes les piéces
que ces principales entraînoient à leur fuite.
Par ce moyen je fais des montres aufſi
plates qu'on le juge à propos , & plus plates
qu'on en ait encore faites , fans que
cette commodité diminue en rien de leur
bonté. La premiere de ces montres fimplifiées
eft entre les mains du Roi. Sa Majefté
la porte depuis un an , & en eft trèscontente.
Si des faits répondent à la premiere
objection , des faits répondent également
à la feconde . J'ai eu l'honneur de
préfenter à Mme de Pompadour ces jours
paffés une montre dans une bague, de cette
nouvelle conftruction fimplifiée , la plus
petite qui ait encore été faite ; elle n'a que
quatre lignes & demie de diametre , &
une ligne moins un tiers de hauteur entre
les platines . Pour rendre cette bague plus
commode , j'ai imaginé en place de clef
JUILLE T. 1755. 183
un cercle autour du cadran , portant un
petit crochet faillant ; en tirant ce crochet
avec l'ongle , environ les deux tiers
du tour du cadran , la bague eft remontée ,
& elle va trente heures. Avant que de la
porter à Mme de Pompadour , j'ai vû cette
bague fuivre exactement pendant cinq
jours ma pendule à fecondes , ainfi en
fe fervant de mon échappement & de ma
conftruction on peut donc faire d'excellentes
montres auffi plates:& auffi petites
qu'on le jugera à propos.
J'ai l'honneur d'être , &c.
CARON fils , Horloger du Roi.
Rue S. Denis , près celle de la Chanvererie.
A Paris , le 16 Juin 1755 .
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Résumé : HORLOGERIE. Lettre du sieur Caron fils, Horloger du Roi, à l'Auteur du Mercure.
Caron fils, horloger du Roi, adresse une lettre à l'auteur du Mercure pour présenter son nouvel échappement à repos pour montres, inventé et approuvé par l'Académie des Sciences. Il exprime son désir de se concentrer sur l'amélioration de son art sans envie envers ses confrères, mais défend ses inventions lorsqu'elles sont contestées. En 1754, l'Académie des Sciences a reconnu Caron fils comme l'auteur de cet échappement, le jugeant le plus parfait à l'époque, bien que susceptible de perfectionnements. Forcé de confirmer rapidement sa paternité, il n'a pas pu ajouter immédiatement ces améliorations. Par la suite, il a continué à perfectionner son échappement et l'a rendu public. L'échappement a attiré l'attention de plusieurs horlogers, dont M. de Romilly, qui a également apporté des améliorations. En décembre 1754, Romilly a présenté ses modifications à l'Académie. Caron fils a alors demandé à l'Académie d'examiner son propre échappement perfectionné. L'Académie a conclu que les deux horlogers avaient atteint un même niveau de perfection, et a délivré un certificat reconnaissant leurs contributions égales, tout en notant que Romilly avait présenté ses modifications en premier. Caron fils répond également à des objections sur son échappement, affirmant qu'il permet de fabriquer des montres plates et petites. Il mentionne que le Roi possède une montre simplifiée selon sa nouvelle construction et que Mme de Pompadour a reçu une montre-bague extrêmement petite et précise.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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19
p. 183-192
Remarques de M. de Lalande de l'Académie royale des Sciences sur un ouvrage d'Horlogerie.
Début :
Monsieur J.... ci-devant Horloger à Saint-Germain-en-laye vient de publier [...]
Mots clefs :
Horlogerie, Échappement, Académie royale des sciences, Montres, Roue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Remarques de M. de Lalande de l'Académie royale des Sciences sur un ouvrage d'Horlogerie.
Remarques de M. de Lalande de l'Académie
royale des Sciences fur un ouvrage d'Horlogerie.
M pu-
Onfieur J.... ci-devant Horloger à
Saint-Germain-en- laye vient de
blier ces jours paffés une addition à * fon
Traité des échappemens , dans laquelle il con-
*
Ce traité , ainfi que l'addition , fe trouve chez
Jombert , rue Dauphine.
184 MERCURE DE FRANCE.
tinue des confidérations fur le nouvel
échappement de M. Lepaute qu'il avoit
commencées en 1754. dans le fecond volume
du mercure de Juin . Depuis un an il
a eu le tems d'accroître fes prétentions ,
aufli ne fe contente- t-il plus comme auparavant
de reprocher à cet échappement en
montres des défauts qu'il n'a pas , il ofe
aujourd'hui s'en attribuer à lui-même les
perfections , & comme le feul juge du mérite
d'une nouvelle invention , il entreprend
de montrer les erreurs où il prétend que
l'Académie eft tombée .
Cependant M. J. ne fait que répéter ce
qu'il avoit déja dit fur les chûtes des chevilles
& fur l'inégalité des rayons de la
roue , j'ai fait voir dans une lettre inférée
au mercure du mois d'Août 1754 , qu'il étoit
abfolument faux que cet échappement ,
bien exécuté , eut aucune chûte , ou que
les rayons de la roue fuffent inégaux , la
difficulté ne peut donc venir que de ce que
M. J. n'a point encore conçu la véritable
difpofition de cet échappement.
Il faut mettre au même rang ce que dit
M. J. de l'impulfion de la roue fur les
plans au moment ou chaque cheville quitte
les arcs de repos ; rien n'empêche qu'on ne
donne à ces plans , tout comme aux courbes
de l'échappement à cylindre , une
JUILLET . 1755 185
courbure fuffifante pour imprimer peu de
force au balancier dans le commencement
de la pulfion . Cette courbure n'augmentera
point l'arc conftant ou la levée de l'échappement
au-delà de trente ou quarante
degrés , qui eft celle de toutes les bonnes
montres .
Il y a beaucoup de vaine gloire de la
part de M. J. à prétendre que les perfections
que j'ai fait valoir dans cet échappe
ment , étoient le fruit de ſes converſations ; la
prétention à cet égard eft auffi fauffe qu'injurieufe
; cet échappement fortit en 1753
des mains de M. Lepaute dans le même
état de perfection où il eft actuellement :
fi l'on eut eu befoin de fecours , les auroiton
demandé à M. J. qui non - feulement
n'entendoit point alors l'échappement , mais
qui prouve encore aujourd'hui par des objections
triviales que faute de s'y être exercé
lui-même , il ne l'a point entendu . M. J.
dit encore page 239 , qu'il a connoiffance
de la variété des montres où cet échappement
eft appliqué ; c'eft un fait fuppofé
dont le public d'ailleurs pourra juger fans
lui , & le jugement du public a été juſqu'à
préfent fort contraire à cette allégation
puifque le grand nombre de montres où il
a été appliqué , vont avec toute la préci-
Lon poffible.
186 MERCURE DE FRANCE.
Pour ce qui eft de la diffipation de l'huile
, l'expérience a prouvé qu'en en mettant
fur le cylindre ( qui eft un peu arrondi de
bas en haut , & qui ne touche point à la
roue ) elle s'y étendoit & s'y confervoit
fort long-temps. L'huile fait même ici
beaucoup mieux fon effet que dans l'échappement
à cylindre , où l'on voit très - fouvent
une rainure profonde faite dans le
cylindre par les pointes des dents , ce qui
ruine en peu de temps toute l'exactitude
d'une montre. Au refte , M. J. fait un raifonnement
( page 220 ) fur l'attraction ou
fur la direction des huiles qui tendroit à
prouver que l'huile ne fe conferve ja
mais dans une même place , ce qui eft
contraire à l'expérience ; il ne fuffit pas de
connoître la regle , il faut fçavoir en ménager
l'application .
Le prix des montres faites avec le nouvel
échappement , n'ôte rien , ce me femble
, à leur bonté ; il eſt bien fûr qu'elles
coûtent moins que les montres à cylindre
ne coûtoient dans les premiers tems qu'elles
parurent ; elles ne coûtent pas aujourd'hui
plus que les montres à cylindre les
plus parfaites ; au refte, cela ne dépend que
du nombre plus ou moins grand des artiſtes
qui y travaillent. Lorfque Charles V. fut
obligé d'appeller du fond de l'Allemagne
JUILLET. 1755. 187
Henri de Vic , pour faire à Paris une horloge
, elle coûta fans doute plus que
celles
qui fe font aujourd'hui beaucoup mieux
par les ouvriers de tourne- broches .
J'ai répondu dans la lettre que je viens
de citer , à toutes les autres difficultés que
M. J. avoit faites ; mais je ne fçai pourquoi
ce que j'ai dit des montres plattes lui paroît
fi éloigné des regles de la pratique ; quelque
foit fon avis là- deffus , on ne peut
s'empêcher de reconnoître avec tout le
monde dans les montres abfolument plates,
un reffort trop foible , une réſiſtance trop
grande de la part des frottemens ; des roues
trop nombrées par rapport à leurs pignons ,
qui par conféquent doivent produi.e
moins d'uniformité dans le rouage , le dófaut
des jours , la trop grande proximité
des pieces , qui caufe toujours au bout de
peu de temps des frottemens du barillet
contre la petite platine & fur la grande
roue moyenne , de la roue de longue tige
avec la platine des pilliers , une grande
variation dans l'engrénage de la roue de
champ , tout cela eft de théorie autant que
de pratique.
Ce que M. J. appelle théorie , n'eft
qu'un bon fens éclairé qu'il auroit grand
tort de rejetter , ce n'eft pas en exécutant
d'une maniere fupérieure qu'on perfection188
MERCURE DE FRANCE.
quant
nera l'horlogerie , c'eſt par la réflexion , le
raifonnement , l'examen , le calcul , la
combinaiſon des forces , des frottemens ;
à la difficulté d'exécution , c'est une
chofe affez arbitraire , qui dépend prefque
uniquement de l'habitude que plufieurs
perfonnes ont contractée , on fçait que ce
qui étoit d'abord très- difficile , peut devenir
fort aifé & fort commun ..
Après cela , j'imagine que
l'on trouvera
un peu de petiteffe & de ridicule dans le
confeil que me donne M. J. page 230 de
refter dans les bornes de la théorie jusqu'à
nouvel ordre , & de ne point raiſonner fur
les chofes de pratique ; faut-il avoir limé
pendant trente ans pour connoître la force
d'un reffort , le mauvais effet d'un frottement
, pour diftinguer un grand arc d'un
plus petit , & une forme rectiligne d'une
forme circulaire . Pour voir fi les aîles d'un
pignon font égales , faut-il en avoir travaillé
deux ou trois mille ; la juſteſſe de
l'oeil , l'ufage du compas ou des verres eftil
réſervé exclufivement aux horlogers ; je
demande enfin en quoi confiftent les principes
particuliers de l'art ( page 228 ) que
M. J. prétend me faire regarder comme
un miftère impénétrable pour moi , & fans
lequel je ne fçaurois juger du mécanifme
d'un échappement ; s'il ne me fuffit pas
JUILLET.
189
d'en avoir vû faire , d'en avoir examiné , 1755
d'en avoir fait , d'en avoir éprouvé plufieurs
, pour en connoître les
propriétés &
les défauts ;
j'attendrai avec plaifir qu'on
m'inftruife de ce j'ignore à cet égard.
J'avouerai
cependant que les
avantages
de cette grande
pratique qui forme l'entouſiaſme
de M. J. me
paroiffent bien méprifables
dans la
circonftance
préfente , en
voyant
malgré fa
fupériorité dans ce genre,
les
contradictions où il tombe toutes les
fois qu'il s'agit de
raifonner ou
d'approfondir
.
Il nous rappelle , par exemple , ( page
222 ) que dans fes premieres
confidérations
, il avoit
démontré les vices de la manivelle
qu'on
employe dans le nouvel
échappement ; il infifte encore fur la divifion
qu'elle apporte dans la grandeur des arcs,
L'espace qu'elle occupe
inutilement , le poids
dont elle charge les pivots , la prife qu'elle
donne à l'air , les défauts de
conftruction , les
difficultés
d'exécution , qui ne croiroit après
cela M. J. bien affermi dans fon préjugé
contre cette
manivelle ; on fe
tromperoit
cependant
beaucoup , puiſqu'à la page fuivante
223 , ligne 3 , il dit que l'obftacle de
la
manivelle eft plus dans
Pimagination que
dans la réalité furtout
relativement à la prife
qu'elle peut
donner à l'air.
190 MERCURE DE FRANCE.
Mais
pour
faire
voir
encore
mieux
combien
la grande
pratique
de M. J. eft aveugle
, stérile
, incertaine
& peu
propre
à le
faire
juger
fainement
d'une
nouvelle
invention
d'horlogerie
, je vais
montrer
en
comparant
deux
paffages
de fon livre
, qu'il
ne connoît
pas même
en véritable
artiſte
,
l'échappement
à cylindre
auquel
il travaille
depuis
quinze
ans .
M. J. nous dit page 103 de fon Traité
des échappemens , qu'il a enfin déterminé la
nature des courbes qui doivent être placées
à la circonférence de la roue , en leur donnant
cette propriété , qu'étant divisées en
parties égales , ces parties operent chacune des
quantités de levée égales , il employe pluheurs
pages pour apprendre à former cette
courbe , & il lui donne de grands éloges ;
on s'imagine d'abord que ces recherches
font le fruit d'une expérience confommée
& que fans aller plus loin , elles peuvent
fervir de regle à tout le monde. On doit
être fort étonné en lifant un autre chapitre
de trouver ( page 116 ) en parlant de la
même courbe , que s'étant attaché à cette
courbe , il n'en avoit pas été plus fatisfait
que d'une autre qui après une très- profonde
ſpéculation , lui avoit fait faire les plus
mauvais échappemens ; il ajoûte qu'il n'eft
d'aucune importance que chacune des par,
JUILLET. 1755. 191
ties de la courbe faffe décrire des arcs
égaux , & il démontre enfin qu'on doit rejetter
cette courbe . M. J. étoit-il moins éclairé,
lorfqu'il fit fa démonftration de la page.
103 , qu'en faifant celle de la page 116 ,
ou a-t-il mis vingt ans d'intervalle entre
ces deux chapitres ?
Il eft donc clair que pour bien faire
une piece d'horlogerie , il n'eft pas toujours
néceffaire de fçavoir ce que l'on fait , ni
pourquoi l'on opere ; le coup de main qui
eft la feule qualité effentielle dans la
tique n'apprend point à juger des effets que
doit avoir une machine , avant que de les
avoir éprouvé dans toutes les fituations &
dans toutes les circonftances .
pra-
Ainfi M. J. réduit lui-même à rien tout
ce qu'il a écrit là - deffus , & montre que
ce n'eft qu'au hazard qu'il nous a fatigué
jufqu'à préfent de fes réflexions fur ces
matieres : l'intérêt fut d'abord fon principal
motif , il ſe perfuada que venant demeurer
à Paris , & étant obligé de s'y faire
connoître, il falloit s'annoncer par un livre,
il prit pour fon fujet l'échappement à cylindre
, il apprit aux horlogers la maniere
dont il s'y prenoit pour le bien exécuter ;
il falloit s'en tenir- là ; l'adreſſe & le talent
d'une heureuſe exécution , ne pouvoient
ſe tranſmettre au public ; mais en voulant
192 MERCURE DE FRANCE .
approfondir il s'égara ; il a cru depuis être
obligé de défendre l'échappement qu'il
avoit adopté contre un nouvel échappement
qui lui eft fupérieur , & qui alloit
faire abandonner l'ufage du premier ; mais
fes idées fe font confondues en voulant
foutenir un jugement qu'il avoit d'abord
hafardé. Il l'a fait fans équité , fans connoiffances
, fans égards , & il a préfervé le
public par fes contradictions des erreurs
qu'il avoit entrepris de répandre.
A Paris , le 22 Juin 1755 .
royale des Sciences fur un ouvrage d'Horlogerie.
M pu-
Onfieur J.... ci-devant Horloger à
Saint-Germain-en- laye vient de
blier ces jours paffés une addition à * fon
Traité des échappemens , dans laquelle il con-
*
Ce traité , ainfi que l'addition , fe trouve chez
Jombert , rue Dauphine.
184 MERCURE DE FRANCE.
tinue des confidérations fur le nouvel
échappement de M. Lepaute qu'il avoit
commencées en 1754. dans le fecond volume
du mercure de Juin . Depuis un an il
a eu le tems d'accroître fes prétentions ,
aufli ne fe contente- t-il plus comme auparavant
de reprocher à cet échappement en
montres des défauts qu'il n'a pas , il ofe
aujourd'hui s'en attribuer à lui-même les
perfections , & comme le feul juge du mérite
d'une nouvelle invention , il entreprend
de montrer les erreurs où il prétend que
l'Académie eft tombée .
Cependant M. J. ne fait que répéter ce
qu'il avoit déja dit fur les chûtes des chevilles
& fur l'inégalité des rayons de la
roue , j'ai fait voir dans une lettre inférée
au mercure du mois d'Août 1754 , qu'il étoit
abfolument faux que cet échappement ,
bien exécuté , eut aucune chûte , ou que
les rayons de la roue fuffent inégaux , la
difficulté ne peut donc venir que de ce que
M. J. n'a point encore conçu la véritable
difpofition de cet échappement.
Il faut mettre au même rang ce que dit
M. J. de l'impulfion de la roue fur les
plans au moment ou chaque cheville quitte
les arcs de repos ; rien n'empêche qu'on ne
donne à ces plans , tout comme aux courbes
de l'échappement à cylindre , une
JUILLET . 1755 185
courbure fuffifante pour imprimer peu de
force au balancier dans le commencement
de la pulfion . Cette courbure n'augmentera
point l'arc conftant ou la levée de l'échappement
au-delà de trente ou quarante
degrés , qui eft celle de toutes les bonnes
montres .
Il y a beaucoup de vaine gloire de la
part de M. J. à prétendre que les perfections
que j'ai fait valoir dans cet échappe
ment , étoient le fruit de ſes converſations ; la
prétention à cet égard eft auffi fauffe qu'injurieufe
; cet échappement fortit en 1753
des mains de M. Lepaute dans le même
état de perfection où il eft actuellement :
fi l'on eut eu befoin de fecours , les auroiton
demandé à M. J. qui non - feulement
n'entendoit point alors l'échappement , mais
qui prouve encore aujourd'hui par des objections
triviales que faute de s'y être exercé
lui-même , il ne l'a point entendu . M. J.
dit encore page 239 , qu'il a connoiffance
de la variété des montres où cet échappement
eft appliqué ; c'eft un fait fuppofé
dont le public d'ailleurs pourra juger fans
lui , & le jugement du public a été juſqu'à
préfent fort contraire à cette allégation
puifque le grand nombre de montres où il
a été appliqué , vont avec toute la préci-
Lon poffible.
186 MERCURE DE FRANCE.
Pour ce qui eft de la diffipation de l'huile
, l'expérience a prouvé qu'en en mettant
fur le cylindre ( qui eft un peu arrondi de
bas en haut , & qui ne touche point à la
roue ) elle s'y étendoit & s'y confervoit
fort long-temps. L'huile fait même ici
beaucoup mieux fon effet que dans l'échappement
à cylindre , où l'on voit très - fouvent
une rainure profonde faite dans le
cylindre par les pointes des dents , ce qui
ruine en peu de temps toute l'exactitude
d'une montre. Au refte , M. J. fait un raifonnement
( page 220 ) fur l'attraction ou
fur la direction des huiles qui tendroit à
prouver que l'huile ne fe conferve ja
mais dans une même place , ce qui eft
contraire à l'expérience ; il ne fuffit pas de
connoître la regle , il faut fçavoir en ménager
l'application .
Le prix des montres faites avec le nouvel
échappement , n'ôte rien , ce me femble
, à leur bonté ; il eſt bien fûr qu'elles
coûtent moins que les montres à cylindre
ne coûtoient dans les premiers tems qu'elles
parurent ; elles ne coûtent pas aujourd'hui
plus que les montres à cylindre les
plus parfaites ; au refte, cela ne dépend que
du nombre plus ou moins grand des artiſtes
qui y travaillent. Lorfque Charles V. fut
obligé d'appeller du fond de l'Allemagne
JUILLET. 1755. 187
Henri de Vic , pour faire à Paris une horloge
, elle coûta fans doute plus que
celles
qui fe font aujourd'hui beaucoup mieux
par les ouvriers de tourne- broches .
J'ai répondu dans la lettre que je viens
de citer , à toutes les autres difficultés que
M. J. avoit faites ; mais je ne fçai pourquoi
ce que j'ai dit des montres plattes lui paroît
fi éloigné des regles de la pratique ; quelque
foit fon avis là- deffus , on ne peut
s'empêcher de reconnoître avec tout le
monde dans les montres abfolument plates,
un reffort trop foible , une réſiſtance trop
grande de la part des frottemens ; des roues
trop nombrées par rapport à leurs pignons ,
qui par conféquent doivent produi.e
moins d'uniformité dans le rouage , le dófaut
des jours , la trop grande proximité
des pieces , qui caufe toujours au bout de
peu de temps des frottemens du barillet
contre la petite platine & fur la grande
roue moyenne , de la roue de longue tige
avec la platine des pilliers , une grande
variation dans l'engrénage de la roue de
champ , tout cela eft de théorie autant que
de pratique.
Ce que M. J. appelle théorie , n'eft
qu'un bon fens éclairé qu'il auroit grand
tort de rejetter , ce n'eft pas en exécutant
d'une maniere fupérieure qu'on perfection188
MERCURE DE FRANCE.
quant
nera l'horlogerie , c'eſt par la réflexion , le
raifonnement , l'examen , le calcul , la
combinaiſon des forces , des frottemens ;
à la difficulté d'exécution , c'est une
chofe affez arbitraire , qui dépend prefque
uniquement de l'habitude que plufieurs
perfonnes ont contractée , on fçait que ce
qui étoit d'abord très- difficile , peut devenir
fort aifé & fort commun ..
Après cela , j'imagine que
l'on trouvera
un peu de petiteffe & de ridicule dans le
confeil que me donne M. J. page 230 de
refter dans les bornes de la théorie jusqu'à
nouvel ordre , & de ne point raiſonner fur
les chofes de pratique ; faut-il avoir limé
pendant trente ans pour connoître la force
d'un reffort , le mauvais effet d'un frottement
, pour diftinguer un grand arc d'un
plus petit , & une forme rectiligne d'une
forme circulaire . Pour voir fi les aîles d'un
pignon font égales , faut-il en avoir travaillé
deux ou trois mille ; la juſteſſe de
l'oeil , l'ufage du compas ou des verres eftil
réſervé exclufivement aux horlogers ; je
demande enfin en quoi confiftent les principes
particuliers de l'art ( page 228 ) que
M. J. prétend me faire regarder comme
un miftère impénétrable pour moi , & fans
lequel je ne fçaurois juger du mécanifme
d'un échappement ; s'il ne me fuffit pas
JUILLET.
189
d'en avoir vû faire , d'en avoir examiné , 1755
d'en avoir fait , d'en avoir éprouvé plufieurs
, pour en connoître les
propriétés &
les défauts ;
j'attendrai avec plaifir qu'on
m'inftruife de ce j'ignore à cet égard.
J'avouerai
cependant que les
avantages
de cette grande
pratique qui forme l'entouſiaſme
de M. J. me
paroiffent bien méprifables
dans la
circonftance
préfente , en
voyant
malgré fa
fupériorité dans ce genre,
les
contradictions où il tombe toutes les
fois qu'il s'agit de
raifonner ou
d'approfondir
.
Il nous rappelle , par exemple , ( page
222 ) que dans fes premieres
confidérations
, il avoit
démontré les vices de la manivelle
qu'on
employe dans le nouvel
échappement ; il infifte encore fur la divifion
qu'elle apporte dans la grandeur des arcs,
L'espace qu'elle occupe
inutilement , le poids
dont elle charge les pivots , la prife qu'elle
donne à l'air , les défauts de
conftruction , les
difficultés
d'exécution , qui ne croiroit après
cela M. J. bien affermi dans fon préjugé
contre cette
manivelle ; on fe
tromperoit
cependant
beaucoup , puiſqu'à la page fuivante
223 , ligne 3 , il dit que l'obftacle de
la
manivelle eft plus dans
Pimagination que
dans la réalité furtout
relativement à la prife
qu'elle peut
donner à l'air.
190 MERCURE DE FRANCE.
Mais
pour
faire
voir
encore
mieux
combien
la grande
pratique
de M. J. eft aveugle
, stérile
, incertaine
& peu
propre
à le
faire
juger
fainement
d'une
nouvelle
invention
d'horlogerie
, je vais
montrer
en
comparant
deux
paffages
de fon livre
, qu'il
ne connoît
pas même
en véritable
artiſte
,
l'échappement
à cylindre
auquel
il travaille
depuis
quinze
ans .
M. J. nous dit page 103 de fon Traité
des échappemens , qu'il a enfin déterminé la
nature des courbes qui doivent être placées
à la circonférence de la roue , en leur donnant
cette propriété , qu'étant divisées en
parties égales , ces parties operent chacune des
quantités de levée égales , il employe pluheurs
pages pour apprendre à former cette
courbe , & il lui donne de grands éloges ;
on s'imagine d'abord que ces recherches
font le fruit d'une expérience confommée
& que fans aller plus loin , elles peuvent
fervir de regle à tout le monde. On doit
être fort étonné en lifant un autre chapitre
de trouver ( page 116 ) en parlant de la
même courbe , que s'étant attaché à cette
courbe , il n'en avoit pas été plus fatisfait
que d'une autre qui après une très- profonde
ſpéculation , lui avoit fait faire les plus
mauvais échappemens ; il ajoûte qu'il n'eft
d'aucune importance que chacune des par,
JUILLET. 1755. 191
ties de la courbe faffe décrire des arcs
égaux , & il démontre enfin qu'on doit rejetter
cette courbe . M. J. étoit-il moins éclairé,
lorfqu'il fit fa démonftration de la page.
103 , qu'en faifant celle de la page 116 ,
ou a-t-il mis vingt ans d'intervalle entre
ces deux chapitres ?
Il eft donc clair que pour bien faire
une piece d'horlogerie , il n'eft pas toujours
néceffaire de fçavoir ce que l'on fait , ni
pourquoi l'on opere ; le coup de main qui
eft la feule qualité effentielle dans la
tique n'apprend point à juger des effets que
doit avoir une machine , avant que de les
avoir éprouvé dans toutes les fituations &
dans toutes les circonftances .
pra-
Ainfi M. J. réduit lui-même à rien tout
ce qu'il a écrit là - deffus , & montre que
ce n'eft qu'au hazard qu'il nous a fatigué
jufqu'à préfent de fes réflexions fur ces
matieres : l'intérêt fut d'abord fon principal
motif , il ſe perfuada que venant demeurer
à Paris , & étant obligé de s'y faire
connoître, il falloit s'annoncer par un livre,
il prit pour fon fujet l'échappement à cylindre
, il apprit aux horlogers la maniere
dont il s'y prenoit pour le bien exécuter ;
il falloit s'en tenir- là ; l'adreſſe & le talent
d'une heureuſe exécution , ne pouvoient
ſe tranſmettre au public ; mais en voulant
192 MERCURE DE FRANCE .
approfondir il s'égara ; il a cru depuis être
obligé de défendre l'échappement qu'il
avoit adopté contre un nouvel échappement
qui lui eft fupérieur , & qui alloit
faire abandonner l'ufage du premier ; mais
fes idées fe font confondues en voulant
foutenir un jugement qu'il avoit d'abord
hafardé. Il l'a fait fans équité , fans connoiffances
, fans égards , & il a préfervé le
public par fes contradictions des erreurs
qu'il avoit entrepris de répandre.
A Paris , le 22 Juin 1755 .
Fermer
Résumé : Remarques de M. de Lalande de l'Académie royale des Sciences sur un ouvrage d'Horlogerie.
Le document expose une critique de M. de Lalande à l'encontre d'un ouvrage d'horlogerie de M. J., ancien horloger à Saint-Germain-en-Laye. M. J. a publié une addition à son traité sur les échappements, dans laquelle il critique le nouvel échappement introduit par M. Lepaute en 1753. M. de Lalande conteste les affirmations de M. J., affirmant que les défauts reprochés à l'échappement de M. Lepaute sont infondés et que les prétentions de M. J. sont exagérées. Il souligne que M. J. répète des arguments déjà réfutés et ne comprend pas la véritable disposition de l'échappement de M. Lepaute. M. de Lalande défend la courbure des plans et l'efficacité de l'huile dans le nouvel échappement, tout en critiquant les contradictions et l'absence de fondement théorique dans les arguments de M. J. Il conclut que la pratique seule ne suffit pas pour juger une invention et que M. J. a été motivé par l'intérêt personnel plutôt que par la rigueur scientifique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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20
p. 214-220
ARCHITECTURE. Suite du Mercure du mois de Juin de l'année 2355.
Début :
M. Diver rend compte dans un second mémoire, d'une antiquité découverte auprès [...]
Mots clefs :
Architecture, Église, Décoration, Bois, Vase, Prédicateur, Statue, Tribune, Antiquité
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texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE. Suite du Mercure du mois de Juin de l'année 2355.
ARCHITECTURE.
Suite du Mercure du mois de Juin de l'année
2355
M. Diver rend compte dans un fecond
un
mémoire , d'une antiquité découverte auprès
de l'églife de Sainte Génevieve de la
Montagne. C'eſt une forte de vafe de bois,
orné de bas reliefs & figures de fculpture
de même matiere , très - délicatement travaillées.
Il a été trouvé fous des monceaux
de petites pierres , qui paroiffent être les
ruines de quelque bâtiment confidérable.
Dans la defcription qu'il fait de ce vaſe,
il fe fert d'une comparaifon un peu triviale
, que cependant nous ne pouvons nous
difpenfer de rapporter , parce qu'elle donne
une idée précife de la forme de cette
forte de vaſe inconnu jufqu'ici. Il le compare
à l'égrugeoir qui nous fert à broyer
le fel en effet c'est une forte de demi
tonneau , d'un plus grand diametre qu'aucun
de ceux qui font en ufage ; il eft terminé
en cul de lampe. Les figures qui le
décorent , & qui repréfentent des vertus
AOUST. 1755. 215
chrétiennes , donnent lieu de croire qu'il
-étoit deftiné à quelque ufage religieux.
La difficulté eft de deviner cet ufage.
Quelques auteurs qui avoient été inftruits
des premiers de cette découverte , ont
prétendu que c'étoit une chaire à prêcher.
Ils avançoient fans aucune apparence que
cette machine étoit en l'air clouée contre
un pilier , & que l'on y montoit par une
échelle ; en effet on trouve une partie de
la rondeur interrompue , qu'ils prétendent
être l'ouverture par laquelle le Prédicateur
entroit. Ils ont été jufqu'à croire que
quelques reftes fculptés en bois , auffi de
forme ronde & convexe qu'on a trouvés au
même lieu , étoient une forte de couver-
-cle qu'on mettoit deffus , qui fermoit ce
vafe , lorfque le Prédicateur n'y étoit pas ,
& qui pouvoit s'élever par des machines
pour laiffer deffous l'efpace néceffaire à
Ï'Orateur ; alors , difent -ils , il fervoit comme
d'un rabat-voix pour empêcher qu'elle
.ne fe perdit dans l'immensité de l'églife.
Ils avancent encore pour comble d'abfurdité
, qu'une groffe ftatue de bois dont
on a trouvé quelques fragmens dans ce
même lieu , & qui n'a nulle proportion
-avec les figures qui entourent le vafe ,
étoit placée fur ce couvercle, & lui fervoit
comme de bouton .
216 MERCURE DE FRANCE.
"
·
M. Diver refute toutes ces extravagantes
idées , & ne laiffe aucun lieu à la replique
, nous donnerons ici en entier ſes
preuves , parce que c'eft un objet de curiofité
très important. " Remarquez que
quand on fuppoferoit qu'on ne dût faire
» remonter l'antiquité de ce vafe qu'au
» dix feptiéme fiécle. ( il prouve plus, bas
qu'il doit être beaucoup plus ancien, ) il eft
toujours vrai que les François de ces.tems
là pouvoient voir encore affez de reftes
» de l'ancienne Rome , & particulierement
» de la fameufe tribune aux harangues
» pour n'avoir pu adopter une forme auffi
» ridicule pour y placer l'Orateur chrétien :
de plus , comment fe figurer que cette
lourde machine ait été fimplement atta-
» chée à un pilier , & du reſte toute en l'air,
» de maniere à donner à l'Auditeur l'in-
» quiétude de voir tomber la chaire & le
»Prédicateur.
و د
39
و د
» La fuppofition qu'on y foit monté
par
» une échelle , eſt tout-à - fait indécente ,
3 ils devroient du moins fuppofer qu'il y
" avoit un escalier tournoyant autour du
pilier ; il eft vrai qu'un efcalier de cette
»forme paroît affez ridicule à imaginer
» dans une églife où tout doit être de for-
»mes fimples & grandes.
"
» De quelle utilité feroit un couvercle
1
qui
AOUS T. 1755 217
qui dans cette fuppofition ne couvriroit
» le vafe que lorfqu'il n'y a rien dedans .
» De plus il eft impoffible qu'on fe foit jamais
figuré que ce couvercle pût empêcher
la voix de fe perdre ou la réfléchir.
Le cône de voix qui fort de la bouche
» du Prédicateur ne pourroit jamais frap-
» per ce couvercle , qui n'avanceroit audeffus
de lui que d'un pied au plus , fi ce
n'eft lorfqu'il leveroit la tête d'une maniere
forcée , & dans les apoftrophes &
» exclamations vers le ciel , qui font fort
» rares dans un difcours. Si l'on prétend
33
qu'il arrête les ondulations de la voix
» & augmente leur force du côté où il eft
✯ beſoin d'être entendu , je réponds qu'une
» ſurface de fix ou fept pieds au plus , eft
de nulle valeur par rapport à l'efpace
vuide , & fans obftacle prochain pour
réfléchir la voix , qui refte dans l'églife ,
devant , au - deffus & aux côtés du Prédicateur.
Il est évident qu'on n'a point
» pu lui attribuer cette utilité. La fuppofi-
» tion même qu'on fait que ce vafe ait été
attaché à un pilier qui ne préfentoit
» derriere le Prédicateur qu'une furface
» étroite , feroit contradictoire à ce qu'on
fuppofe , & prouveroit qu'on ne cherchoit
pas même alors le moyen le plus
fimple pour arrêter les ondulations 'fu
"
20
K
1
218 MERCURE DE FRANCE.
"3
?
perflues de la voix , qui eft de préfenter
derriere le Prédicateur la plus grande
» furface poffible , fans gâter la décoration
de l'églife . Les habiles Architectes
» à qui l'on a montré les deffeins faits fur
» cette fuppofition , où l'on a cru fuppléer
» aux parties qu'on n'a pu retrouver , ont
» déclaré qu'il étoit impoffible que dans
» les fiécles où le bon goût a été connu ,
» on ait fuivi une conftruction auffi bizar-
» re pour une tribune aux harangues. Ils
» remarquent que tout architecte dès
qu'il y en a eus de dignes de porter ce
» nom , a infailliblement penfé aux principales
deſtinations pour lefquelles on
» conftruit des églifes. La premiere eft ,
» poury offrir le faint facrifice de la meffe,
» ainfi il a fallu compofer d'abord un au-
» tel , & le placer dans le lieu le plus ap-
» parent. La feconde eft , pour y prêcher
» la parole de Dieu , ainfi la tribune con-
» facrée à cette fonction doit être très- ap-
» parente & très - confidérable , compofée
» avec l'églife , conftruite folidement , ainſi
que le refte , & non pas une machine de
» bois , poftiche , & qui auroit l'air d'y
» avoir été ajoutée après coup ; cet objet
« a toujours dû être lié avec la décoration
générale , de maniere à en augmenter
» la majesté.
39
"
મું
ود
A O UST. 1755 219
» que
J
D'ailleurs , l'efpace eft confidérable-
» ment trop borné pour laiffer la liberté
demandent les grands mouvemens
» de l'art oratoire . Un homme ne pourroit
» ſe remuer là - dedans, qu'il ne parût à tout
inftant prêt à fe jetter dehors ; encore
» moins pourroit-on fuppofer qu'il ait pû
» contenir deux interlocuteurs , ce qui eft
»pourtant néceffaire dans les conférences.
» İls affurent donc que les chaires ont toujours
été ce qu'elles font à préfent , c'eſt-
» à- dire une grande tribune placée au mi-
» lieu de la plus grande arcade de l'églife ,
» ornée d'une baluftrade , terminée de part
» & d'autre par deux efcaliers ; le fond en
» doit préfenter une belle décoration d'ar-
" chitecture , & le couronnement , noble-
» ment élevé à une belle hauteur au- deflus
» des Orateurs chrétiens , les couvre com-
» me d'un dais , mais peu faillant , & non
» point pour réfléchir leur voix , ce qui
» feroit une idée tout -à- fait dépourvûe de
>> raifon , puifqu'ils ne fe tournent pas en
parlant vers la partie de l'églife qui eft
» directement au- deffus de leur tête. »
Pour abréger , M. Diver prouve que c'étoit
un baptiſtère , il en fait remonter l'antiquité
jufqu'au tems où le baptême par immerfion
étoit encore en ufage. Quand on
lui conteſteroit cette date par la difficulté
»
Kij
220 MERCURE DE FRANCE.
il
qu'il y a qu'un ouvrage en bois fe foit
confervé entier pendant tant de fiécles, en
lui fuppofant une date plus récente ,
s'enfuivroit que la forme qui y avoit été
donnée pour leur destination primitive ,
s'eft confervée long-tems après que cet
ufage a été changé. Ce qu'il y a de certain
, c'eſt que cette fuppofition répond
pleinement à tout , & que M. Diver l'appuie
d'argumens irréffiftibles.
Suite du Mercure du mois de Juin de l'année
2355
M. Diver rend compte dans un fecond
un
mémoire , d'une antiquité découverte auprès
de l'églife de Sainte Génevieve de la
Montagne. C'eſt une forte de vafe de bois,
orné de bas reliefs & figures de fculpture
de même matiere , très - délicatement travaillées.
Il a été trouvé fous des monceaux
de petites pierres , qui paroiffent être les
ruines de quelque bâtiment confidérable.
Dans la defcription qu'il fait de ce vaſe,
il fe fert d'une comparaifon un peu triviale
, que cependant nous ne pouvons nous
difpenfer de rapporter , parce qu'elle donne
une idée précife de la forme de cette
forte de vaſe inconnu jufqu'ici. Il le compare
à l'égrugeoir qui nous fert à broyer
le fel en effet c'est une forte de demi
tonneau , d'un plus grand diametre qu'aucun
de ceux qui font en ufage ; il eft terminé
en cul de lampe. Les figures qui le
décorent , & qui repréfentent des vertus
AOUST. 1755. 215
chrétiennes , donnent lieu de croire qu'il
-étoit deftiné à quelque ufage religieux.
La difficulté eft de deviner cet ufage.
Quelques auteurs qui avoient été inftruits
des premiers de cette découverte , ont
prétendu que c'étoit une chaire à prêcher.
Ils avançoient fans aucune apparence que
cette machine étoit en l'air clouée contre
un pilier , & que l'on y montoit par une
échelle ; en effet on trouve une partie de
la rondeur interrompue , qu'ils prétendent
être l'ouverture par laquelle le Prédicateur
entroit. Ils ont été jufqu'à croire que
quelques reftes fculptés en bois , auffi de
forme ronde & convexe qu'on a trouvés au
même lieu , étoient une forte de couver-
-cle qu'on mettoit deffus , qui fermoit ce
vafe , lorfque le Prédicateur n'y étoit pas ,
& qui pouvoit s'élever par des machines
pour laiffer deffous l'efpace néceffaire à
Ï'Orateur ; alors , difent -ils , il fervoit comme
d'un rabat-voix pour empêcher qu'elle
.ne fe perdit dans l'immensité de l'églife.
Ils avancent encore pour comble d'abfurdité
, qu'une groffe ftatue de bois dont
on a trouvé quelques fragmens dans ce
même lieu , & qui n'a nulle proportion
-avec les figures qui entourent le vafe ,
étoit placée fur ce couvercle, & lui fervoit
comme de bouton .
216 MERCURE DE FRANCE.
"
·
M. Diver refute toutes ces extravagantes
idées , & ne laiffe aucun lieu à la replique
, nous donnerons ici en entier ſes
preuves , parce que c'eft un objet de curiofité
très important. " Remarquez que
quand on fuppoferoit qu'on ne dût faire
» remonter l'antiquité de ce vafe qu'au
» dix feptiéme fiécle. ( il prouve plus, bas
qu'il doit être beaucoup plus ancien, ) il eft
toujours vrai que les François de ces.tems
là pouvoient voir encore affez de reftes
» de l'ancienne Rome , & particulierement
» de la fameufe tribune aux harangues
» pour n'avoir pu adopter une forme auffi
» ridicule pour y placer l'Orateur chrétien :
de plus , comment fe figurer que cette
lourde machine ait été fimplement atta-
» chée à un pilier , & du reſte toute en l'air,
» de maniere à donner à l'Auditeur l'in-
» quiétude de voir tomber la chaire & le
»Prédicateur.
و د
39
و د
» La fuppofition qu'on y foit monté
par
» une échelle , eſt tout-à - fait indécente ,
3 ils devroient du moins fuppofer qu'il y
" avoit un escalier tournoyant autour du
pilier ; il eft vrai qu'un efcalier de cette
»forme paroît affez ridicule à imaginer
» dans une églife où tout doit être de for-
»mes fimples & grandes.
"
» De quelle utilité feroit un couvercle
1
qui
AOUS T. 1755 217
qui dans cette fuppofition ne couvriroit
» le vafe que lorfqu'il n'y a rien dedans .
» De plus il eft impoffible qu'on fe foit jamais
figuré que ce couvercle pût empêcher
la voix de fe perdre ou la réfléchir.
Le cône de voix qui fort de la bouche
» du Prédicateur ne pourroit jamais frap-
» per ce couvercle , qui n'avanceroit audeffus
de lui que d'un pied au plus , fi ce
n'eft lorfqu'il leveroit la tête d'une maniere
forcée , & dans les apoftrophes &
» exclamations vers le ciel , qui font fort
» rares dans un difcours. Si l'on prétend
33
qu'il arrête les ondulations de la voix
» & augmente leur force du côté où il eft
✯ beſoin d'être entendu , je réponds qu'une
» ſurface de fix ou fept pieds au plus , eft
de nulle valeur par rapport à l'efpace
vuide , & fans obftacle prochain pour
réfléchir la voix , qui refte dans l'églife ,
devant , au - deffus & aux côtés du Prédicateur.
Il est évident qu'on n'a point
» pu lui attribuer cette utilité. La fuppofi-
» tion même qu'on fait que ce vafe ait été
attaché à un pilier qui ne préfentoit
» derriere le Prédicateur qu'une furface
» étroite , feroit contradictoire à ce qu'on
fuppofe , & prouveroit qu'on ne cherchoit
pas même alors le moyen le plus
fimple pour arrêter les ondulations 'fu
"
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K
1
218 MERCURE DE FRANCE.
"3
?
perflues de la voix , qui eft de préfenter
derriere le Prédicateur la plus grande
» furface poffible , fans gâter la décoration
de l'églife . Les habiles Architectes
» à qui l'on a montré les deffeins faits fur
» cette fuppofition , où l'on a cru fuppléer
» aux parties qu'on n'a pu retrouver , ont
» déclaré qu'il étoit impoffible que dans
» les fiécles où le bon goût a été connu ,
» on ait fuivi une conftruction auffi bizar-
» re pour une tribune aux harangues. Ils
» remarquent que tout architecte dès
qu'il y en a eus de dignes de porter ce
» nom , a infailliblement penfé aux principales
deſtinations pour lefquelles on
» conftruit des églifes. La premiere eft ,
» poury offrir le faint facrifice de la meffe,
» ainfi il a fallu compofer d'abord un au-
» tel , & le placer dans le lieu le plus ap-
» parent. La feconde eft , pour y prêcher
» la parole de Dieu , ainfi la tribune con-
» facrée à cette fonction doit être très- ap-
» parente & très - confidérable , compofée
» avec l'églife , conftruite folidement , ainſi
que le refte , & non pas une machine de
» bois , poftiche , & qui auroit l'air d'y
» avoir été ajoutée après coup ; cet objet
« a toujours dû être lié avec la décoration
générale , de maniere à en augmenter
» la majesté.
39
"
મું
ود
A O UST. 1755 219
» que
J
D'ailleurs , l'efpace eft confidérable-
» ment trop borné pour laiffer la liberté
demandent les grands mouvemens
» de l'art oratoire . Un homme ne pourroit
» ſe remuer là - dedans, qu'il ne parût à tout
inftant prêt à fe jetter dehors ; encore
» moins pourroit-on fuppofer qu'il ait pû
» contenir deux interlocuteurs , ce qui eft
»pourtant néceffaire dans les conférences.
» İls affurent donc que les chaires ont toujours
été ce qu'elles font à préfent , c'eſt-
» à- dire une grande tribune placée au mi-
» lieu de la plus grande arcade de l'églife ,
» ornée d'une baluftrade , terminée de part
» & d'autre par deux efcaliers ; le fond en
» doit préfenter une belle décoration d'ar-
" chitecture , & le couronnement , noble-
» ment élevé à une belle hauteur au- deflus
» des Orateurs chrétiens , les couvre com-
» me d'un dais , mais peu faillant , & non
» point pour réfléchir leur voix , ce qui
» feroit une idée tout -à- fait dépourvûe de
>> raifon , puifqu'ils ne fe tournent pas en
parlant vers la partie de l'églife qui eft
» directement au- deffus de leur tête. »
Pour abréger , M. Diver prouve que c'étoit
un baptiſtère , il en fait remonter l'antiquité
jufqu'au tems où le baptême par immerfion
étoit encore en ufage. Quand on
lui conteſteroit cette date par la difficulté
»
Kij
220 MERCURE DE FRANCE.
il
qu'il y a qu'un ouvrage en bois fe foit
confervé entier pendant tant de fiécles, en
lui fuppofant une date plus récente ,
s'enfuivroit que la forme qui y avoit été
donnée pour leur destination primitive ,
s'eft confervée long-tems après que cet
ufage a été changé. Ce qu'il y a de certain
, c'eſt que cette fuppofition répond
pleinement à tout , & que M. Diver l'appuie
d'argumens irréffiftibles.
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Résumé : ARCHITECTURE. Suite du Mercure du mois de Juin de l'année 2355.
Le texte du Mercure de juin 2355 rapporte la découverte d'une antiquité près de l'église Sainte-Geneviève de la Montagne par M. Diver. Il s'agit d'un vase en bois de forme semi-cylindrique, orné de bas-reliefs et de sculptures délicates représentant des vertus chrétiennes. Cet objet a été trouvé sous des ruines et est comparé à un égrugeoir, suggérant un usage religieux. Plusieurs hypothèses ont été proposées concernant l'usage de ce vase. Certains auteurs ont suggéré qu'il pourrait s'agir d'une chaire à prêcher, suspendue contre un pilier et accessible par une échelle. Ils ont également avancé que des fragments de bois trouvés sur place pourraient être un couvercle servant de rabat-voix. Cependant, M. Diver réfute ces idées, estimant improbable que les Français aient adopté une telle forme pour une chaire à prêcher. M. Diver argue que la forme du vase et son décor ne correspondent pas à une chaire à prêcher. Il souligne l'inconfort et l'instabilité d'une telle structure, ainsi que l'inutilité d'un couvercle pour réfléchir la voix. Il conclut que le vase est plus probablement un baptistère, utilisé à une époque où le baptême par immersion était pratiqué. Cette hypothèse est appuyée par des arguments solides, bien que la conservation d'un tel objet en bois sur une longue période reste discutable.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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21
p. 131-134
ARCHITECTURE.
Début :
MESSIEURS les Commissaires dénommés par l'Académie Royale d'Architecture à l'examen [...]
Mots clefs :
Académie royale d'architecture, Commissaires, Sacristie de Notre-Dame de Paris, Contrôleur des bâtiments du roi, Gravures
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE.
MESSIEURS ESSIEURS les Commiffaires dénommés
par l'Académie Royale d'Architecture
à l'examen des gravures du
fieur Dumont , ayant marqué par leur
rapport lé defir de voir augmenter la
-collection de cet Artite fur S. Pierre
de Rome, de nombre d'autres détails:
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
de cette Bafilique & continuer cet Ouvrage
autant pour l'utilité des Artiſtes
& Amateurs & la fatisfaction du Public
, que pour l'honneur de cet Architecte
, ont déterminé par leur rapport
-cet Artiſte à nous donner un fupplément
de 7 planches des détails de ce
Monument. La précifion & l'exactitude
de ces dernieres planches répond au
précieux que ces Meffieurs ont reconnu
aux premieres, Cette collection fe trouve
actuellement fixée à 30 planches fur
S. Pierre feul ; le prix en feuilles eft de
71.4 f.
Les portes du chevet de Ste Marie
Majeure ainfi que le profil & l'élévation
de la porte Farméfe qu'il avoit mis
à la fuite de fa collection de S. Pierre ,
font partie d'un fecond Cahier où il
joint une des Campaniles de Sté Agnès
avec fept croifées des plus beaux Palais
de Rome , imprimées deux à deux fur
une même feuille , ce qui fe monte à
12 études particulieres dont le prix en
grand papier eft de 3 l.
En petit papier ,
21. 10 f.
Les élévations , profils & détails de
la Sacriftie de Notre- Dame de Paris ,
gravées d'après les deffeins de M. Soufflot
, Architecte & Contrôleur des BâJANVIER.
1763. 133
timens du Roi forment un cahier de 6
planches , le prix en feuilles grand papier
,
Petit papier ,
I l. 10 f.
1 1. 4 f.
Divers projets de l'Auteur , cahier de
9 planches en feuilles , grand papier ,
I l. 10 f.
Une Fontaine de Bernin , exécutée à
la vigne Panphile, jointe au plan géométral
& élévation perfpective d'un Temple
des Arts , compofition de l'Auteur
pour fa réception à l'Académie de Rome,
en feuilles & grand papier , 1 1. 16f.
Petit papier ,
Il. Io f.
Les quatre petits cahiers de diverfes
parties d'Architecture , dont nous avons
ci-devant parlé , fe trouvent chez l'Auteur
également en grand papier à raifon
I l. 10 f
Et de même en petit papier à 1 1.5 f
Il les débite auffi tous quatre reliés
enfemble . Prix , .61.
de
A ces augmentations ci - deffus l'Auteur
met actuellement au jour douze plan .
ches fur les Salles de Spectacle . Ce cahier
renferme quatre plans des plus belles
Salles d'Italie . La cinquiéme eft occupée
par la fameufe Salle de Turin . La fixiéme
nous donne un projet de Salle de
l'Auteur. La feptiéme contient les plans ,
134 MERCURE DE FRANCE.
coupe & profil de la Salle de l'Opéra-
Comique , Foire S. Laurent. La huitiéme
donne tous les détails néceffaires à l'établiffement
des théâtres , & les quatre
dernieres les plans , coupes & profils
d'une petite Salle de machine , très - curieufe
par la fimplicité de fa méchanique
& par le peu de frais qu'elle entraîne
dans fes opérations . Ce cahier n'eft pas
le moins intéreffant des gravures que le
fieur Dumont vient de mettre au jour.
Les notes qu'il a eu foin de faire appofer
autant qu'elles étoient néceffaires
avec une échelle commune à la plus
grande partie de ces plans , donnent
Féclairciffement de leur rapport entre
elles. Le prix de ce cahier eft de 3 liv.
Une nouvelle perfpective repréfentant
l'intérieur d'un Sallon à l'Italienne
, compofition de l'Auteur auffi proprement
gravée que deffinée avec précifion
de perſpective. Prix , 11.4 £
Toutes ces gravures fe debitent toujours
chez l'Auteur, rue neuve S. Merry,
à l'hôtel de Jabac.
par l'Académie Royale d'Architecture
à l'examen des gravures du
fieur Dumont , ayant marqué par leur
rapport lé defir de voir augmenter la
-collection de cet Artite fur S. Pierre
de Rome, de nombre d'autres détails:
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
de cette Bafilique & continuer cet Ouvrage
autant pour l'utilité des Artiſtes
& Amateurs & la fatisfaction du Public
, que pour l'honneur de cet Architecte
, ont déterminé par leur rapport
-cet Artiſte à nous donner un fupplément
de 7 planches des détails de ce
Monument. La précifion & l'exactitude
de ces dernieres planches répond au
précieux que ces Meffieurs ont reconnu
aux premieres, Cette collection fe trouve
actuellement fixée à 30 planches fur
S. Pierre feul ; le prix en feuilles eft de
71.4 f.
Les portes du chevet de Ste Marie
Majeure ainfi que le profil & l'élévation
de la porte Farméfe qu'il avoit mis
à la fuite de fa collection de S. Pierre ,
font partie d'un fecond Cahier où il
joint une des Campaniles de Sté Agnès
avec fept croifées des plus beaux Palais
de Rome , imprimées deux à deux fur
une même feuille , ce qui fe monte à
12 études particulieres dont le prix en
grand papier eft de 3 l.
En petit papier ,
21. 10 f.
Les élévations , profils & détails de
la Sacriftie de Notre- Dame de Paris ,
gravées d'après les deffeins de M. Soufflot
, Architecte & Contrôleur des BâJANVIER.
1763. 133
timens du Roi forment un cahier de 6
planches , le prix en feuilles grand papier
,
Petit papier ,
I l. 10 f.
1 1. 4 f.
Divers projets de l'Auteur , cahier de
9 planches en feuilles , grand papier ,
I l. 10 f.
Une Fontaine de Bernin , exécutée à
la vigne Panphile, jointe au plan géométral
& élévation perfpective d'un Temple
des Arts , compofition de l'Auteur
pour fa réception à l'Académie de Rome,
en feuilles & grand papier , 1 1. 16f.
Petit papier ,
Il. Io f.
Les quatre petits cahiers de diverfes
parties d'Architecture , dont nous avons
ci-devant parlé , fe trouvent chez l'Auteur
également en grand papier à raifon
I l. 10 f
Et de même en petit papier à 1 1.5 f
Il les débite auffi tous quatre reliés
enfemble . Prix , .61.
de
A ces augmentations ci - deffus l'Auteur
met actuellement au jour douze plan .
ches fur les Salles de Spectacle . Ce cahier
renferme quatre plans des plus belles
Salles d'Italie . La cinquiéme eft occupée
par la fameufe Salle de Turin . La fixiéme
nous donne un projet de Salle de
l'Auteur. La feptiéme contient les plans ,
134 MERCURE DE FRANCE.
coupe & profil de la Salle de l'Opéra-
Comique , Foire S. Laurent. La huitiéme
donne tous les détails néceffaires à l'établiffement
des théâtres , & les quatre
dernieres les plans , coupes & profils
d'une petite Salle de machine , très - curieufe
par la fimplicité de fa méchanique
& par le peu de frais qu'elle entraîne
dans fes opérations . Ce cahier n'eft pas
le moins intéreffant des gravures que le
fieur Dumont vient de mettre au jour.
Les notes qu'il a eu foin de faire appofer
autant qu'elles étoient néceffaires
avec une échelle commune à la plus
grande partie de ces plans , donnent
Féclairciffement de leur rapport entre
elles. Le prix de ce cahier eft de 3 liv.
Une nouvelle perfpective repréfentant
l'intérieur d'un Sallon à l'Italienne
, compofition de l'Auteur auffi proprement
gravée que deffinée avec précifion
de perſpective. Prix , 11.4 £
Toutes ces gravures fe debitent toujours
chez l'Auteur, rue neuve S. Merry,
à l'hôtel de Jabac.
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Résumé : ARCHITECTURE.
Le rapport des commissaires de l'Académie Royale d'Architecture concerne les gravures de l'artiste Dumont. Ils souhaitent enrichir la collection de gravures sur la basilique Saint-Pierre de Rome en ajoutant 7 planches détaillées, portant la collection à 30 planches au total, vendues 71 livres 4 sols en feuilles. Dumont a également réalisé des gravures sur divers sujets architecturaux, comme les portes du chevet de Sainte-Marie-Majeure, des profils et élévations de portes, des campaniles et des croisées de palais romains, regroupés en un second cahier de 12 études particulières, vendu 3 livres en grand papier et 21 livres 10 sols en petit papier. Il a aussi gravé des élévations, profils et détails de la sacristie de Notre-Dame de Paris d'après les dessins de Soufflot, regroupés en un cahier de 6 planches, vendu 1 livre 10 sols en grand papier et 1 livre 4 sols en petit papier. Parmi ses autres travaux, on trouve des projets divers, une fontaine de Bernin et des plans d'un temple des Arts. Dumont propose également un cahier de 12 planches sur les salles de spectacle, vendu 3 livres, et une nouvelle perspective représentant l'intérieur d'un salon à l'italienne, vendue 1 livre 4 sols. Toutes ces gravures sont disponibles chez l'auteur, rue neuve Saint-Merry, à l'hôtel de Jabac.
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22
p. 135-137
PRIX proposé par l'Académie Royale de Chirurgie, pour l'année 1764.
Début :
L'ACADEMIE Royale de Chirurgie avoit proposé pour le Prix de l'année [...]
Mots clefs :
Abcès, Médaille d'or, Devise, Régnicole
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PRIX proposé par l'Académie Royale de Chirurgie, pour l'année 1764.
PRIX propofé par l'Académie Royale
de
Chirurgie , pour L'année 1764...
L'ACADEMIE
' ACADEMIE Royale de Chirurgie
avoit propofé pour le Prix de l'année
1762 le Sujet fuivant :
Déterminer la manière d'ouvrir les
abfcès , & leur traitement méthodique fuivant
les différentes parties du corps .
•
De quatorze Mémoires reçus , un
feul dont la Devife eft : Inter utrumque
tene , medio tutiffimus ibis : a paru mériter
des éloges ; mais une mariere auffi
importante n'ayant pas été fuffifantment
approfondie , l'Académie a cru devoir
propofer le même fujet pour l'année
1764.
Le prix eft une médaille d'or de la valeur
de cinq cens livres , fondée par M.
de la Peyronie , & il fera double pour
cette année , c'eft -à-dire que celui qui
au jugement de l'Académie , aura fait
le meilleur ouvrage fur le fijet propofé ,
recevra les deux médailles d'or , ou une
-médaille & la valeur de l'autre , au choix
de l'Auteur.
Ceux qui envoyeront des Mémoires
136 MERCURE DE FRANCE.
-font priés de les écrire en François ou
en Latin , & d'avoir attention qu'ils
foient fort lifibles...
Ceux qui ont déja compofé pourront
faire à leurs Mémoires tels changemens
qu'ils voudront , & les renvoyeront
écrits de nouveau.
Les Auteurs mettront fimplement une
devife à leurs ouvrages ; mais , pour fe
faire connoître , ils y joindront à part
dans un papier cacheté & écrit de leur
propre main , leurs nom , qualité & demeure
, & ce papier ne fera ouvert qu'en
cas que la Piéce ait remporté le prix .
Ils adrefferont leurs ouvrages franc de
port à M. Morand , Secrétaire perpétuel
de l'Académie Royale de Chirurgie , a
Paris , ou les lui feront remettre entre
les mains.
Toutes perfonnes de quelque qualité
& pays qu'elles foient , pourront afpirer
au prix on n'en excepte que les Membres
de l'Académie .
Qu'au
La médaille fera délivrée à l'Auteur
même qui fe fera fait connoître
porteur d'une procuration de fa part ;
l'un ou l'autre repréfentant la marque
diſtinctive , ou une copie nette du Mémoire.
Les ouvrages feront reçus jufqu'au
JANVIER. 1763 . 137
dernier jour de Décembre 1763 inclufivement
; & l'Académie , à fon Affemblée
publique de 1764 , qui fe tiendra
le Jeudi d'après la quinzaine de Pâques
proclamera la Piéce qui aura remporté
le prix.
L'Académie ayant établi qu'elle donneroit
tous les ans fur les fonds qui lui
ont été légués par M. de la Peyronie
- une médaille d'or de 200 1. à celui des
Chirurgiens Etrangers ou Regnicoles ,
non membres de l'Académie , qui l'aura
mérité par un ouvrage fur quelque matiere
de Chirurgie que ce foit , au choix
de l'Auteur , elle l'adjugera à celui qui
aura envoyé le meilleur ouvrage dans le
courant de l'année 1763. Ce prix d'émulation
fera proclamé le jour de la Séance
publique .
Le même jour elle diftribuera cinq
médailles d'or de cent frans chacune à
cinq Chirurgiens , foit Académiciens de
la Claffe des Libres , foit fimplement
Regnicoles , qui auront fourni dans le
cours de l'année 1763 un Mémoire ou
trois obfervations intéreſſantes .
de
Chirurgie , pour L'année 1764...
L'ACADEMIE
' ACADEMIE Royale de Chirurgie
avoit propofé pour le Prix de l'année
1762 le Sujet fuivant :
Déterminer la manière d'ouvrir les
abfcès , & leur traitement méthodique fuivant
les différentes parties du corps .
•
De quatorze Mémoires reçus , un
feul dont la Devife eft : Inter utrumque
tene , medio tutiffimus ibis : a paru mériter
des éloges ; mais une mariere auffi
importante n'ayant pas été fuffifantment
approfondie , l'Académie a cru devoir
propofer le même fujet pour l'année
1764.
Le prix eft une médaille d'or de la valeur
de cinq cens livres , fondée par M.
de la Peyronie , & il fera double pour
cette année , c'eft -à-dire que celui qui
au jugement de l'Académie , aura fait
le meilleur ouvrage fur le fijet propofé ,
recevra les deux médailles d'or , ou une
-médaille & la valeur de l'autre , au choix
de l'Auteur.
Ceux qui envoyeront des Mémoires
136 MERCURE DE FRANCE.
-font priés de les écrire en François ou
en Latin , & d'avoir attention qu'ils
foient fort lifibles...
Ceux qui ont déja compofé pourront
faire à leurs Mémoires tels changemens
qu'ils voudront , & les renvoyeront
écrits de nouveau.
Les Auteurs mettront fimplement une
devife à leurs ouvrages ; mais , pour fe
faire connoître , ils y joindront à part
dans un papier cacheté & écrit de leur
propre main , leurs nom , qualité & demeure
, & ce papier ne fera ouvert qu'en
cas que la Piéce ait remporté le prix .
Ils adrefferont leurs ouvrages franc de
port à M. Morand , Secrétaire perpétuel
de l'Académie Royale de Chirurgie , a
Paris , ou les lui feront remettre entre
les mains.
Toutes perfonnes de quelque qualité
& pays qu'elles foient , pourront afpirer
au prix on n'en excepte que les Membres
de l'Académie .
Qu'au
La médaille fera délivrée à l'Auteur
même qui fe fera fait connoître
porteur d'une procuration de fa part ;
l'un ou l'autre repréfentant la marque
diſtinctive , ou une copie nette du Mémoire.
Les ouvrages feront reçus jufqu'au
JANVIER. 1763 . 137
dernier jour de Décembre 1763 inclufivement
; & l'Académie , à fon Affemblée
publique de 1764 , qui fe tiendra
le Jeudi d'après la quinzaine de Pâques
proclamera la Piéce qui aura remporté
le prix.
L'Académie ayant établi qu'elle donneroit
tous les ans fur les fonds qui lui
ont été légués par M. de la Peyronie
- une médaille d'or de 200 1. à celui des
Chirurgiens Etrangers ou Regnicoles ,
non membres de l'Académie , qui l'aura
mérité par un ouvrage fur quelque matiere
de Chirurgie que ce foit , au choix
de l'Auteur , elle l'adjugera à celui qui
aura envoyé le meilleur ouvrage dans le
courant de l'année 1763. Ce prix d'émulation
fera proclamé le jour de la Séance
publique .
Le même jour elle diftribuera cinq
médailles d'or de cent frans chacune à
cinq Chirurgiens , foit Académiciens de
la Claffe des Libres , foit fimplement
Regnicoles , qui auront fourni dans le
cours de l'année 1763 un Mémoire ou
trois obfervations intéreſſantes .
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Résumé : PRIX proposé par l'Académie Royale de Chirurgie, pour l'année 1764.
L'Académie Royale de Chirurgie a proposé un prix pour 1764 sur l'ouverture et le traitement des abcès selon les différentes parties du corps. En 1762, quatorze mémoires avaient été soumis, mais aucun n'avait suffisamment approfondi le sujet. L'Académie a donc reconduit le même sujet pour 1764, offrant une médaille d'or d'une valeur de cinq cents livres, doublée pour cette année. Les mémoires doivent être rédigés en français ou en latin et être lisibles. Les auteurs peuvent modifier leurs travaux précédents et les soumettre à nouveau, en incluant une devise et leurs informations personnelles dans un papier cacheté. Les mémoires doivent être envoyés à M. Morand, Secrétaire perpétuel de l'Académie, à Paris, avant le 31 décembre 1763. La proclamation du lauréat aura lieu lors de l'assemblée publique de 1764, après la quinzaine de Pâques. De plus, l'Académie attribuera une médaille d'or de 200 livres à un chirurgien non membre pour un ouvrage sur une matière de chirurgie, et cinq médailles d'or de cent francs chacune pour des mémoires ou observations intéressantes réalisés en 2013.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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23
p. 100-104
ÉCOLE Royale vétérinaire, établie à Lyon sous la direction de M. BOURGELAT, Ecuyer du Roi, & Correspondant de l'Académie Royale des Sciences de Paris.
Début :
LE Lundi 20 Décembre 1762, on a décerné à Lyon dans l'Hôtel de l'Ecole [...]
Mots clefs :
Hôtel de l'école royale vétérinaire, Anatomie, Os
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ÉCOLE Royale vétérinaire, établie à Lyon sous la direction de M. BOURGELAT, Ecuyer du Roi, & Correspondant de l'Académie Royale des Sciences de Paris.
ARTS UTILE S.
ÉCOLE Royale vétérinaire , établie à
Lyon fous la direction de M. BOURGELAT
, Ecuyer du Roi , & Corref
pondant de l'Académie Royale des
Sciences de Paris
LE Lundi 20 Décembre 1762 , on a
décerné à Lyon dans l'Hôtel de l'Ecole
Royale vétérinaire une fomme de cinquante
livres , qui devoit être la récompenfe
accordée à celui des Eléves qui
l'emporteroit dans un concours fur l'Anatomie
en général , & fur les os en général
& en particulier,
M. l'Intendant a honoré l'Affemblée
de fa préfence , & a bien voulu y préfi
der. M. de Fleurieu , premier Préſident
du Bureau des Finances , & M. Fay
Confeiller en la Cour des Monnoyes ,
JANVIER. 1763. ΙΟΙ
députés l'un & l'autre par Meffieurs de
la Société d'Agriculture , ont fait auffi
aux Elèves l'honneur d'y affifter , ainfi
que plufieurs citoyens & plufieurs étrangers
invités à s'y rendre .
Dix - neuf des Elèves ont concouru .
La forme obfervée dans cette circonftance
ne laiffoit aucune reffource à la
prédilection & à la faveur. On avoit
divifé & réparti environ trois cens quatrevingt
queſtions dans dix - neuf billets cachetés.
Ces billets remis à M. l'Intendant
, on a nommé à haute voix les contendans
qui ont tiré chacun un de ces
billets , ainfi que le fort le leur a préfenté.
Chaque Elève a été oppofé à un autre
Elève qui lui a été indiqué , & ils fe
font mutuellement interrogés d'après les
queftions inférées dans le billet qui leur
eft échu. Le dix -neuviéme a répondu à
celui qui eft le chef de la Brigade dont
il fait partie.
On a jugé qu'aucun des Elèves ne
pouvoit être regardé comme indigne du
concours ; mais cinq d'entre eux ont été
déclarés fupérieurs aux autres .
Ces cinq Elèves font les fieurs Cofme ,
de la ville de Lyon; Jofeph Defchaux ,
âgé d'onze ans , de la ville de Lyon ;
Denguien , âgé de quatorze ans , de la
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
ville de Lyon ; Bauvais , envoyé & entretenu
à l'Ecole par M. l'Intendant de
Picardie ; Bredin , de la ville d'Auxonne
, déja connu par fes fervices dans les
Provinces de Dauphiné & d'Auvergne .
L'embarras de prononcer entre ces
contendans a obligé de les admettre à
un fécond concours dans lequel les
fieurs Cofme , Bredin & d'Enguien ont
obtenu la préférence fur les deux autres .
Ces trois Elèves , en qui la fupériorité
étoit la même ont été jugés dignes
d'obtenir le prix . Ils ont tiré au fort , &
le hafard qui a enfin prononcé en faveur
du fieur Cofme , n'a pu diminuer
l'honneur que les fieurs Bredin & d'Enguien
fe font acquis .
"
Le fieur Bauvais a eu le premier
acceffit : il eft d'autant plus louable , qu'il
n'y a que quatre mois qu'il eft admis au
rang des Elèves , & qu'il a été malade
un mois & demi.
Le fieur Jofeph Defchaux , le fecond.
Le fieur Brachet , de la Province du
Bugey , Eléve envoyé & entretenu à
l'Ecole par cette Province , à eu le troifiéme
.
Et le fieur Preflier , Elève entretenu
M. l'Intendant de Moulins , a merité
le quatriéme.
par
JANVIER. 1763. 103
NOMS DES ELEVES QUI ONT CONCOURU.
Les Sieurs
Cofme .
Defchaux .
Moret.
Detuncq.
Defavenieres.
Brachet.
Preflier. Bloufard.
Bredin . Kamerlet.
Rambert. Uderville.
Saunier le cadet.
D'Enguien.
Gautier, Rouffet.
Bauvais . Pufenas .
Guillin , interrogé par le fieur Cofme.
L'émulation que ces Elèves ont fait
paroître , & le fuccès avec lequel ils
ont montré leur favoir en préfence
d'une affemblée nombreuſe & choifie
fait un honneur infini aux foins , au
zèle & aux lumières de M. Bourgelat ,.
que le Roi a mis à la tête de cette Ecole
fi utile . On a déja vu dans les nouvelles
publiques les fervices que les Elèves de
cette Ecole , établie depuis très- peu de
temps , ont rendu dans différentes Provinces
du Royaume , pour arrêter une
maladie épidémique des beftiaux . Tous
les bons citoyens doivent s'intéreffer à
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
cet établiſſement , & nous nous ferons
un devoir de rendre compte au Public
des grands avantages qui en réfulteront ,
& qui s'annoncent déja de fi bonne
heure.
ÉCOLE Royale vétérinaire , établie à
Lyon fous la direction de M. BOURGELAT
, Ecuyer du Roi , & Corref
pondant de l'Académie Royale des
Sciences de Paris
LE Lundi 20 Décembre 1762 , on a
décerné à Lyon dans l'Hôtel de l'Ecole
Royale vétérinaire une fomme de cinquante
livres , qui devoit être la récompenfe
accordée à celui des Eléves qui
l'emporteroit dans un concours fur l'Anatomie
en général , & fur les os en général
& en particulier,
M. l'Intendant a honoré l'Affemblée
de fa préfence , & a bien voulu y préfi
der. M. de Fleurieu , premier Préſident
du Bureau des Finances , & M. Fay
Confeiller en la Cour des Monnoyes ,
JANVIER. 1763. ΙΟΙ
députés l'un & l'autre par Meffieurs de
la Société d'Agriculture , ont fait auffi
aux Elèves l'honneur d'y affifter , ainfi
que plufieurs citoyens & plufieurs étrangers
invités à s'y rendre .
Dix - neuf des Elèves ont concouru .
La forme obfervée dans cette circonftance
ne laiffoit aucune reffource à la
prédilection & à la faveur. On avoit
divifé & réparti environ trois cens quatrevingt
queſtions dans dix - neuf billets cachetés.
Ces billets remis à M. l'Intendant
, on a nommé à haute voix les contendans
qui ont tiré chacun un de ces
billets , ainfi que le fort le leur a préfenté.
Chaque Elève a été oppofé à un autre
Elève qui lui a été indiqué , & ils fe
font mutuellement interrogés d'après les
queftions inférées dans le billet qui leur
eft échu. Le dix -neuviéme a répondu à
celui qui eft le chef de la Brigade dont
il fait partie.
On a jugé qu'aucun des Elèves ne
pouvoit être regardé comme indigne du
concours ; mais cinq d'entre eux ont été
déclarés fupérieurs aux autres .
Ces cinq Elèves font les fieurs Cofme ,
de la ville de Lyon; Jofeph Defchaux ,
âgé d'onze ans , de la ville de Lyon ;
Denguien , âgé de quatorze ans , de la
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
ville de Lyon ; Bauvais , envoyé & entretenu
à l'Ecole par M. l'Intendant de
Picardie ; Bredin , de la ville d'Auxonne
, déja connu par fes fervices dans les
Provinces de Dauphiné & d'Auvergne .
L'embarras de prononcer entre ces
contendans a obligé de les admettre à
un fécond concours dans lequel les
fieurs Cofme , Bredin & d'Enguien ont
obtenu la préférence fur les deux autres .
Ces trois Elèves , en qui la fupériorité
étoit la même ont été jugés dignes
d'obtenir le prix . Ils ont tiré au fort , &
le hafard qui a enfin prononcé en faveur
du fieur Cofme , n'a pu diminuer
l'honneur que les fieurs Bredin & d'Enguien
fe font acquis .
"
Le fieur Bauvais a eu le premier
acceffit : il eft d'autant plus louable , qu'il
n'y a que quatre mois qu'il eft admis au
rang des Elèves , & qu'il a été malade
un mois & demi.
Le fieur Jofeph Defchaux , le fecond.
Le fieur Brachet , de la Province du
Bugey , Eléve envoyé & entretenu à
l'Ecole par cette Province , à eu le troifiéme
.
Et le fieur Preflier , Elève entretenu
M. l'Intendant de Moulins , a merité
le quatriéme.
par
JANVIER. 1763. 103
NOMS DES ELEVES QUI ONT CONCOURU.
Les Sieurs
Cofme .
Defchaux .
Moret.
Detuncq.
Defavenieres.
Brachet.
Preflier. Bloufard.
Bredin . Kamerlet.
Rambert. Uderville.
Saunier le cadet.
D'Enguien.
Gautier, Rouffet.
Bauvais . Pufenas .
Guillin , interrogé par le fieur Cofme.
L'émulation que ces Elèves ont fait
paroître , & le fuccès avec lequel ils
ont montré leur favoir en préfence
d'une affemblée nombreuſe & choifie
fait un honneur infini aux foins , au
zèle & aux lumières de M. Bourgelat ,.
que le Roi a mis à la tête de cette Ecole
fi utile . On a déja vu dans les nouvelles
publiques les fervices que les Elèves de
cette Ecole , établie depuis très- peu de
temps , ont rendu dans différentes Provinces
du Royaume , pour arrêter une
maladie épidémique des beftiaux . Tous
les bons citoyens doivent s'intéreffer à
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
cet établiſſement , & nous nous ferons
un devoir de rendre compte au Public
des grands avantages qui en réfulteront ,
& qui s'annoncent déja de fi bonne
heure.
Fermer
Résumé : ÉCOLE Royale vétérinaire, établie à Lyon sous la direction de M. BOURGELAT, Ecuyer du Roi, & Correspondant de l'Académie Royale des Sciences de Paris.
Le 20 décembre 1762, à Lyon, une somme de cinquante livres a été attribuée à l'École Royale vétérinaire dirigée par M. Bourgelat. Cette récompense visait à distinguer l'élève le plus méritant dans un concours portant sur l'anatomie générale et les os. L'événement a été marqué par la présence de personnalités influentes, dont M. l'Intendant, M. de Fleurieu et M. Fay, ainsi que des membres de la Société d'Agriculture et des citoyens étrangers. Dix-neuf élèves ont participé au concours, qui comportait environ trois cent quatre-vingts questions réparties dans dix-neuf billets cachetés. Chaque élève a tiré un billet et a été opposé à un autre pour répondre aux questions. Aucun élève n'a été jugé indigne, mais cinq ont été déclarés supérieurs : les sieurs Cofme, Joseph Deschaux, Denguien, Bauvais et Bredin. Un second concours a départagé les cinq meilleurs, désignant le sieur Cofme comme lauréat, suivi des sieurs Bredin et Denguien. Les élèves ont démontré une grande émulation et ont montré leurs compétences devant une assemblée nombreuse. Cet événement a souligné les compétences et le zèle de M. Bourgelat, ainsi que les services rendus par les élèves de l'école dans diverses provinces du royaume, notamment pour lutter contre une maladie épidémique des bestiaux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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24
p. 104-105
HORLOGERIE.
Début :
NOUVEL Échapement applicable aux Montres & Pendules, approuvé par l'Académie [...]
Mots clefs :
Académie royale des sciences de Paris, Montres, Pendules, Échappement, Pendule à secondes portative
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texteReconnaissance textuelle : HORLOGERIE.
HORLOGER I E.
NOUVEL Échapement applicable aux
PA-
>
Montres & Pendules, approuvé par
cadémie Royale des Sciences de Paris
inventé par M. Millot , Horloger du Roi
rue S. Dominique , Faubourg S. Germain
, Auteur de la nouvelle Pendule
aftronomique annoncée au Mercure de
Mars dernier,
Outre la propriété qu'a cet échapement
de vibrer avec très - peu de
force , il a celle de battre les fecondes
d'un feul temps avec une Pendule de
neuf pouces
, fans aucun ajoutement
ni rapport ; l'éguille des fecondes eft
directement placée fur la tige du rochet
d'échapement à l'ordinaire ; il fait
le même effet à la montre lorsqu'il y
eft dirigé en faifant battre 14400 coups
par heures au balancier , de forte que
l'on peut avoir une Pendule à fecondes
portative pour MM , les Aftronomes
JANVIER. 1763. 165
C
qui vont en campagne faire leurs obfervations
, & que
l'on peut même pofer
fur une cheminée , comme l'Académie
l'a jugé.
NOUVEL Échapement applicable aux
PA-
>
Montres & Pendules, approuvé par
cadémie Royale des Sciences de Paris
inventé par M. Millot , Horloger du Roi
rue S. Dominique , Faubourg S. Germain
, Auteur de la nouvelle Pendule
aftronomique annoncée au Mercure de
Mars dernier,
Outre la propriété qu'a cet échapement
de vibrer avec très - peu de
force , il a celle de battre les fecondes
d'un feul temps avec une Pendule de
neuf pouces
, fans aucun ajoutement
ni rapport ; l'éguille des fecondes eft
directement placée fur la tige du rochet
d'échapement à l'ordinaire ; il fait
le même effet à la montre lorsqu'il y
eft dirigé en faifant battre 14400 coups
par heures au balancier , de forte que
l'on peut avoir une Pendule à fecondes
portative pour MM , les Aftronomes
JANVIER. 1763. 165
C
qui vont en campagne faire leurs obfervations
, & que
l'on peut même pofer
fur une cheminée , comme l'Académie
l'a jugé.
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Résumé : HORLOGERIE.
En janvier 1763, M. Millot, horloger du Roi, invente un nouvel échappement approuvé par l'Académie Royale des Sciences de Paris. Cet échappement vibre avec peu de force et bat les secondes avec précision. Une pendule de neuf pouces ou une montre équipée de cet échappement peut indiquer les secondes sans ajoutement. L'échappement peut aussi être utilisé sur une cheminée.
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25
p. 114-118
CHIRURGIE. EXTRAIT de deux Lettres de M. DUMONT fils, Lithotomiste à Bruxelles, à M. LE CAT, Ecuyer Sécretaire perpétuel de l'Académie des Sciences de Rouen, &c. sur la méthode de tailler de ce dernier.
Début :
MONSIEUR, Si la seule inspection de votre gorgeret cistitôme ( * ) nous a épris en sa [...]
Mots clefs :
Cystitome, Instrument, Gorgeret, Méthode, Opération
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texteReconnaissance textuelle : CHIRURGIE. EXTRAIT de deux Lettres de M. DUMONT fils, Lithotomiste à Bruxelles, à M. LE CAT, Ecuyer Sécretaire perpétuel de l'Académie des Sciences de Rouen, &c. sur la méthode de tailler de ce dernier.
CHIRURGIE.
EXTRAIT de deux Lettres de M.
DUMONT fils , Lithotomifte à
Bruxelles , à M. LE CAT , Ecuyer
Sécretaire perpétuel de l'Académie
des Sciences de Rouen , & c. fur la
méthode de tailler de ce dernier.
MONSIEUR ,
Si la feule inſpection de votre gor
geret ciftitôme ( * ) nous a épris en fa
faveur , avant même que nous euffions
lû votre recueil & votre parallèle , tellement
que nous renonçâmes dabord ,
( * ) On trouve ce Gorgeret ciftitôme , à Paris ,
chez Perret , Coutellier , à la Coupe d'Or , rue
de la Tixérandrie.
FEVRIER. 1763 . IIS
mon Père & moi , à nos propres inventions
pour ne nous fervir que de
lui ; fi la lecture que nous fimes enfuite
des Ouvrages cités ci- deffus nous
confirma de plus en plus dans notre
projet , en conféquence de la folidité
des preuves , tant de fait que de raiſon
que nous rencontrâmes partout dans
ces Ouvrages ; jugez , Monfieur , combien
peu nous fommes difpofés à renoncer
à le faire , ainfi qu'aux inſtrumens
avec lefquels vous exécutez vos
opérations , à préfent que nous fommes
convaincus de leur bonté par des
expériences réitérées fur les morts & les
vivans. Oui , Monfieur , les éffais que
nous avons faits de votre inftrument
fur les cadavres , nous ont toujours f
conftamment donné une opération latérale
des plus parfaites , que nous n'afpirâmes
dès-lors , mon Père & moi ,
qu'à l'occafion d'en faire l'éffai fur le
vivant : feuls éffais vraiment décififs de
la bonté d'une méthode ou d'un inftrument
, quand des fuccès conftans en
Couronnent l'ufage . C'eft le cas où nous
nous trouvons , Monfieur , par rapport
à votre gorgeret çiftitôme , d'après les
obfervations , dont voici l'hiſtoire. &
Nous avons taillé cette année avec
116 MERCURE DE FRANCE.
cet inftrument , ttrrooiiss ffuujjeettss , fçavoir ,
deux ce Printemps , & le troifiéme cet
Eté.
·
Le premier étoit un garçon de vingt
ans , affez bien conftitué en apparence ,
dont le père , auffi pierreux , périt il y
a quatre ans dans l'efpace de trois à
quatre jours , fous le tranchant du lithotome
caché , qui lui avoit caufé une hémorragie
interne , dont toute la veffie
avoit été remplie , ainfi que le baffin *.
Son fils fut taillé par mon père en fept
minutes avec votre gorgeret ciftitôme :
fa pierre , d'un très -grand volume , pefoit
environ trois onces. Il n'y eut point
d'hémorragie de conféquence , & le
malade fe portoit très - bien en tout jufqu'au
troifiéme jour , que fon imagination
frappée qu'il alloit mourir ce
jour-là , comme l'avoit fait fon père
il fe fit en lui une révolution fi terrible ,
qu'il tomba plufieurs fois en fyncope .
& manqua de mourir de peur. Mais àpeine
fut-il entré dans le quatriéme
jour , qu'il commença à fe tranquillifer ::
il fe porta enfuite de mieux en mieux
& fe trouva enfin guéri parfaitement
au bout de cinq femaines .
* C'eſt là un des inconvéniens nombreux que
M. Le Cat a démontré dans l'uſage du lithoto
me caché .
FEVRIER. 1763. 117
Le fecond , qui étoit un garçon âgé
de quinze ans , fut taillé par moi dans
notre Hôpital : je lui tirai en moins d'un
demi - quart-d'heure une pierre murale
de la groffeur d'un petit oeuf de poule ,
en partie brifée. Le malade , auffi - tôt
après l'opération , dormit plufieurs heures
, encore mieux les nuits fuivantes :
il retint parfaitement fes urines , & urina
à volonté le fixiéme jour , & fut parfaitement
guéri le neuvième jour.
Mon père opéra le 17 de ce mois
d'Août , en deux minutes , un garçon
de quinze ans , fort exténué des douleurs
de fa pierre , qui étoit murale &
groffe comme un maron. Le fixiéme
jour il n'urinoit plus du tout par la
playe , & aujourd'hui onzième jour la
cicatrice des tégumens eft telle que je
compte dans trois jours le voir parfaitement
guéri .
" Quoiqu'il foit vrai , Monfieur , que
nous ayons eu différentes fois des fuccès
pareils , en opérant à notre façon
( qui ne différe en rien de la vôtre, quant
aux principes , ) & avec des inftrumens
de notre invention , il faut cependant
vous avouer que nous faifons cette opération
bien plus facilement , plus promptement
& plus parfaitement avec votre
118 MERCURE DE FRANCE.
,
gorgeret ciftitôme , qu'avec tout autre
inftrument même les nôtres. Qui
Monfieur , nous y avons rencontré , par
l'ufage que nous en avons fait , un fi
grand nombre d'avantages fupérieurs à
ceux de tout autre lithotome quelconque
connu jufqu'à préfent , qu'il me
femble que vous n'en avez point encore
dit tout le bien qu'il y a à en
dire : c'eſt le témoignage que la vérité
nous force de vous rendre en faveur
de votre inftrument , lequel nous n'abandonnerons
point , que quelque génie
heureux & fupérieur nous en montre
un meilleur. C'eft ce que je crois
être très- difficile , pour ne point dire
impoffible .
J'ai l'honneur d'être , &c.
DUMONT , fils , Lithotomifte à Bruxelles.
Voyez dans le Journal de Médecine
mois de Septembre 1762 , p . 277 , les
fuccès de la même méthode à Rouen.
EXTRAIT de deux Lettres de M.
DUMONT fils , Lithotomifte à
Bruxelles , à M. LE CAT , Ecuyer
Sécretaire perpétuel de l'Académie
des Sciences de Rouen , & c. fur la
méthode de tailler de ce dernier.
MONSIEUR ,
Si la feule inſpection de votre gor
geret ciftitôme ( * ) nous a épris en fa
faveur , avant même que nous euffions
lû votre recueil & votre parallèle , tellement
que nous renonçâmes dabord ,
( * ) On trouve ce Gorgeret ciftitôme , à Paris ,
chez Perret , Coutellier , à la Coupe d'Or , rue
de la Tixérandrie.
FEVRIER. 1763 . IIS
mon Père & moi , à nos propres inventions
pour ne nous fervir que de
lui ; fi la lecture que nous fimes enfuite
des Ouvrages cités ci- deffus nous
confirma de plus en plus dans notre
projet , en conféquence de la folidité
des preuves , tant de fait que de raiſon
que nous rencontrâmes partout dans
ces Ouvrages ; jugez , Monfieur , combien
peu nous fommes difpofés à renoncer
à le faire , ainfi qu'aux inſtrumens
avec lefquels vous exécutez vos
opérations , à préfent que nous fommes
convaincus de leur bonté par des
expériences réitérées fur les morts & les
vivans. Oui , Monfieur , les éffais que
nous avons faits de votre inftrument
fur les cadavres , nous ont toujours f
conftamment donné une opération latérale
des plus parfaites , que nous n'afpirâmes
dès-lors , mon Père & moi ,
qu'à l'occafion d'en faire l'éffai fur le
vivant : feuls éffais vraiment décififs de
la bonté d'une méthode ou d'un inftrument
, quand des fuccès conftans en
Couronnent l'ufage . C'eft le cas où nous
nous trouvons , Monfieur , par rapport
à votre gorgeret çiftitôme , d'après les
obfervations , dont voici l'hiſtoire. &
Nous avons taillé cette année avec
116 MERCURE DE FRANCE.
cet inftrument , ttrrooiiss ffuujjeettss , fçavoir ,
deux ce Printemps , & le troifiéme cet
Eté.
·
Le premier étoit un garçon de vingt
ans , affez bien conftitué en apparence ,
dont le père , auffi pierreux , périt il y
a quatre ans dans l'efpace de trois à
quatre jours , fous le tranchant du lithotome
caché , qui lui avoit caufé une hémorragie
interne , dont toute la veffie
avoit été remplie , ainfi que le baffin *.
Son fils fut taillé par mon père en fept
minutes avec votre gorgeret ciftitôme :
fa pierre , d'un très -grand volume , pefoit
environ trois onces. Il n'y eut point
d'hémorragie de conféquence , & le
malade fe portoit très - bien en tout jufqu'au
troifiéme jour , que fon imagination
frappée qu'il alloit mourir ce
jour-là , comme l'avoit fait fon père
il fe fit en lui une révolution fi terrible ,
qu'il tomba plufieurs fois en fyncope .
& manqua de mourir de peur. Mais àpeine
fut-il entré dans le quatriéme
jour , qu'il commença à fe tranquillifer ::
il fe porta enfuite de mieux en mieux
& fe trouva enfin guéri parfaitement
au bout de cinq femaines .
* C'eſt là un des inconvéniens nombreux que
M. Le Cat a démontré dans l'uſage du lithoto
me caché .
FEVRIER. 1763. 117
Le fecond , qui étoit un garçon âgé
de quinze ans , fut taillé par moi dans
notre Hôpital : je lui tirai en moins d'un
demi - quart-d'heure une pierre murale
de la groffeur d'un petit oeuf de poule ,
en partie brifée. Le malade , auffi - tôt
après l'opération , dormit plufieurs heures
, encore mieux les nuits fuivantes :
il retint parfaitement fes urines , & urina
à volonté le fixiéme jour , & fut parfaitement
guéri le neuvième jour.
Mon père opéra le 17 de ce mois
d'Août , en deux minutes , un garçon
de quinze ans , fort exténué des douleurs
de fa pierre , qui étoit murale &
groffe comme un maron. Le fixiéme
jour il n'urinoit plus du tout par la
playe , & aujourd'hui onzième jour la
cicatrice des tégumens eft telle que je
compte dans trois jours le voir parfaitement
guéri .
" Quoiqu'il foit vrai , Monfieur , que
nous ayons eu différentes fois des fuccès
pareils , en opérant à notre façon
( qui ne différe en rien de la vôtre, quant
aux principes , ) & avec des inftrumens
de notre invention , il faut cependant
vous avouer que nous faifons cette opération
bien plus facilement , plus promptement
& plus parfaitement avec votre
118 MERCURE DE FRANCE.
,
gorgeret ciftitôme , qu'avec tout autre
inftrument même les nôtres. Qui
Monfieur , nous y avons rencontré , par
l'ufage que nous en avons fait , un fi
grand nombre d'avantages fupérieurs à
ceux de tout autre lithotome quelconque
connu jufqu'à préfent , qu'il me
femble que vous n'en avez point encore
dit tout le bien qu'il y a à en
dire : c'eſt le témoignage que la vérité
nous force de vous rendre en faveur
de votre inftrument , lequel nous n'abandonnerons
point , que quelque génie
heureux & fupérieur nous en montre
un meilleur. C'eft ce que je crois
être très- difficile , pour ne point dire
impoffible .
J'ai l'honneur d'être , &c.
DUMONT , fils , Lithotomifte à Bruxelles.
Voyez dans le Journal de Médecine
mois de Septembre 1762 , p . 277 , les
fuccès de la même méthode à Rouen.
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Résumé : CHIRURGIE. EXTRAIT de deux Lettres de M. DUMONT fils, Lithotomiste à Bruxelles, à M. LE CAT, Ecuyer Sécretaire perpétuel de l'Académie des Sciences de Rouen, &c. sur la méthode de tailler de ce dernier.
La lettre de Dumont fils, lithotomiste à Bruxelles, est adressée à M. Le Cat, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences de Rouen. Dumont fils et son père ont adopté la méthode de lithotomie de Le Cat après avoir été convaincus par l'inspection de son instrument, le gorgeret cistitôme, et par la lecture de ses ouvrages. Ils ont effectué des expériences sur des cadavres et des vivants, confirmant l'efficacité de cet instrument. Cette année, ils ont opéré trois patients avec le gorgeret cistitôme. Le premier patient, un garçon de vingt ans, a été opéré en sept minutes, et sa pierre, pesant environ trois onces, a été retirée sans hémorragie. Le patient s'est rétabli après une crise d'imagination. Le second patient, un garçon de quinze ans, a été opéré en moins de dix minutes, et sa pierre, de la taille d'un petit œuf de poule, a été retirée en partie brisée. Il a uriné normalement le sixième jour et était guéri le neuvième jour. Le troisième patient, également un garçon de quinze ans, a été opéré en deux minutes, et sa pierre, de la taille d'une marron, a été retirée. Il était en voie de guérison complète le onzième jour. Dumont fils souligne que, bien qu'ils aient eu des succès avec leurs propres instruments, le gorgeret cistitôme de Le Cat permet une opération plus facile, rapide et parfaite. Ils n'envisagent pas d'abandonner cet instrument tant qu'un meilleur ne sera pas trouvé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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26
p. 119-129
HORLOGERIE. ÉSSAI sur l'Horlogerie ; Par M. FERDINAND BERTHOUD, Horloger à Paris.*
Début :
L'ART de l'Horlogerie si long-temps ignoré a acquis de nos jours un très grand [...]
Mots clefs :
Montres, Pendules, Horloges, Horlogerie, Construction, Machine, Perfection
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texteReconnaissance textuelle : HORLOGERIE. ÉSSAI sur l'Horlogerie ; Par M. FERDINAND BERTHOUD, Horloger à Paris.*
HORLOGERIE.
ÉSSAI fur l'Horlogerie ; Par M. FERDIN
AND BERTHOUD , Horloger
à Paris. *
-
L'ART de l'Horlogerie fi long-temps
ignoré a acquis de nos jours un trèsgrand
degré de perfection du côté de la
main-d'oeuvre ; mais on n'avoit pas encore
tenté de réduire cette Science en
principes. Les Auteurs qui en ont écrit
jufqu'à préfent , fe font contentés de
décrire les piéces d'Horlogerie les plus
en ufage , & de traiter chacun à ſa maniere
de quelques foins de pratique . Delà
eft venue la variété que l'on s'eft
permife dans la fabrication des Pendules
& des Montres. Ce n'eft cependant
* Cet Auteur eft déjà connu par les Articles
Horlogerie qu'il a faits pour l'Encyclopédie ;
par différens Ouvrages de fon invention , préfentés
à l'Académie Royale des Sciences ; par le Livre
de l'Art de conduire & de régler les Pendules &
les Montres &c.
On trouvera auffi chez les mêmes Libraires le Livre
de l'Art de conduire & de régler les Pendules
& les Montres.
120 MERCURE DE FRANCE.
que d'après des principes bien établis
que l'on peut parvenir au point de conftruire
& d'éxécuter ces Machines , pour
les mettre en état de mefurer le temps
avec la plus grande précifion.
C'est pour répondre au défir des Amateurs
de cet Art, & au befoin des fabricateurs
d'Horlogerie que l'Auteur de cet
Ouvrage s'eft déterminé à faire part au
Public de tout ce qu'il eft parvenu à
découvrir fur cette fcience par un travail
conftant & defintéreffé qui l'occupe
depuis plus de dix ans & par
l'étude particulière qu'il a faite des principes
de méchanique , & furtout par un
grand nombre d'expériences tendantes
vérifier ces principes .
,
Cet Ouvrage eft donc le fruit d'une
étude longue & pénible , & l'Auteur
n'y fait myſtère d'aucune des chofes qu'il
a apprifes ; il y expofe les principes fur
Lefquels il eft parvenu à compofer non
feulement des Horloges à pendule , qui
ne varient ni par le chaud ni par le froid ;
des Horloges marines pour fervir aux
longitudes , & c ; mais encore à établir
une théorie fur les Montres , vérifiée
par l'expérience , & au moyen de laquelle
il conftruit auffi des Montres
qui ne varient point par les différentes
températures ;
FEVRIER. 1763. 12.1
températures ; chofe à laquelle on n'avoit
ofé penfer jufqu'à préfent .
Le but de l'Auteur étant d'inftruire
les Artiſtes & les Amateurs , il ne fe
contente pas de les guider par des principes
mis à leur porté , il entre encore
dans tous les détails de pratique fur les
Pendules & les Montres ; enforte qu'avec
un peu de réflexion une perfonne
qui n'auroit même aucune teinture de
l'Art , pourroit parvenir à exécuter des
Pendules & des Montres qui marcheroient
avec jufteffe .
L'Ouvrage entier eft divifé en deux
Parties , qui forment chacune un Volume.
La première Partie comprend
trente-fix Chapitres , qui traitent principalement
des defcriptions des Machines
ordinaires d'Horlogerie , comme Pendules
à fecondes , fonnerie d'un an
an ,
Horloges à répétition , à équation , & c.
Des Montres ; Montres à réveil , à répétition
, à équation , à quatre parties ,
& plufieurs inftrumens & outils les plus
éffentiels , & c ; de tous les détails de
main-d'oeuvre d'une Répétition en Pendule.
Dix-neuf Planches jointes au premier
Volume , font relatives à l'objet
de cette Partie .
La feconde Partie eft divifée en qua-
F
122 MERCURE DE FRANCE.
rante-fept Chapitres , qui traitent particuliérement
des principes & de la théorie
de l'art , de la meſure du temps ;
grand nombre d'expériences & de machines
faites pour vérifier ces principes ;
la conftruction qu'il faut donner aux
machines qui mefurent le temps , tant
dans les Horloges aftronomiques , que
dans les Montres & les Horloges Marines
, &c. Dix- neuf Planches gravées
en taille-douce , font relatives aux matières
traitées dans ce Volume. Nous
allons parcourir la totalité de cet Ouvrage
, pour donner une notice de ce
qu'il contient.
PREMIERE PARTIE . Le Chapitre L
traite de la divifion du temps , qui eft
mefuré par les révolutions du foleil': on
fait voir que le foleil varie , & l'on explique
les caufes de ces écarts : Chap. II.
Pour parvenir à faire concevoir parfairement
les divers effets de cette partie
d'une Horloge qui mefure le temps ,
l'Auteur fuppofe que n'ayant aucune
notion des machines qui mefurent le
temps , on veut en compofer une. Pour
cet effet il paffe des idées les plus fimples
& par gradation , au point de former la
machine ; & l'on acquiert par cette mé-
-thode des idées générales , nettes &
FEVRIER. 1763. 123
justes de chaque partie des Horloges ;
Au Chap. III , Defcription d'une Pendule
à fecondes , à fonnerie : Chap. IV
& V , fur les fonneries . Defcription
d'une fonnerie d'un an. Chap . VI &
VII , Notion générale des répétitions ,
avec la defcription de ce méchaniſme.
Pour parvenir à donner des notions nettes
des Montres , l'Auteur fuppofe que
l'on ne connoît point le méchaniſme de
ces ingénieuſes machines , & que l'on
veut en compofer une ; il fait voir par
gradation comment on pourroit y parvenir
c'est l'objet du Chap . VIII. Le
IX eft la defcription d'une Montre ordinaire
Chap . X , Defcription d'une
Montre à répétition : Chap . XI , Defcription
d'une Montre à réveil : Chap.
XII , de l'Équation ; fes effets. Les
Chap . XIII , XIV , XV , XVI , XVII
& XVIII , contiennent des defcriptions
de différentes fortes d'Equation pour les
Pendules & pour les Montres : Montres
d'un mois fans monter à répétition , fecondes
, équation , & c. Chap. XIX , on
entre dans les détails d'exécution de ces
machines : Chap. XX , de l'uſage des
Tables d'équation jointes à ce Livre .
Les Chap . XXI , XXII , XXIII & XXIV
font des defcriptions d'échappemens
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
pour les Pendules ou pour les Montres :
Chap. XXV , de la machine à fendre
les roues Chap . XXVI , de l'outil à
tailler les fufées. Les Chap. XXVII ,
XXVIII & XXIX font des defcriptions
des outils les plus éffentiels qui fervent à
la pratique de l'Art. Chap . XXX , Defcription
d'une Montre à trois parties.
Chap . XXXI , de quelques foins de
conftruction & d'exécution des Montres.
Chap. XXXII & XXXIII , Examen
des caufes d'arrêts & de variations
des Montres & des Pendules. Chap.
XXXIV , fur les nouvelles productions
d'Horlogerie. Chap. XXXV, des Baromêtres
& Thermomêtres à aiguille. Enfin
on termine cette première Partie
par tous les détails de main-d'oeuvre pour
l'entière exécution d'une Pendule à répétition
: celaforme le Chapitre XXXVI,
qui eft de 260 pages.
II. PARTIE
,
POUR parvenir à établir une théorie
fur les machines qui mefurent le temps ,
objet de la feconde Partie l'Auteurcommence
dans le premier Chapitre par
démontrer les loix de l'équilibre dans le
fimple levier. Ce principe établi il
l'employe à faire entendre comment les
,
FEVRIER. 1763. 125
roues , qui ne font que des compofés de
leviers , agiffent les unes fur les autres :
c'eft le but du Chapitre II . Dans le III ,
on donne des règles générales pour mefurer
la force tranfmife par le moteur à
la dernière roue d'un rouage. On examine
dans le Chap. IV les effets des
mauvais engrénages. Au Chap . V , on
démontre les courbés que doivent avoir
les dents des roues & pignons. Les Chapitres
VI , VII & VIII , traitent du
calcul des rouages , foit pour trouver les
nombres des dents des roues & pignons,
quand on compofe un Pendule ; ou ,
cette machine ou Pendule étant faite ,
pour favoir les révolutions que les roues
font , & pour trouver le nombre de
dents de rochets relativement à la longueur
d'un Pendule donné. Les Chapitres
IX & X traitent des loix du Pendule
fimple & de fes propriétés. On recherche
dans le Chapitre XI la meilleure
manière de fufpendre un Pendule ; &
dans le XII , comment doit être la lentille
pour éprouver une moindre réfiftance
de l'air. Chap. XIII , Expériences
fur les réfiftances de l'air . Chap. XIV &
XV , calcul de la force requife pour entretenir
en mouvement un Pendule :
ce qui conduit à la meilleure manière
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
de régulateur . L'Auteur traite dans les
Chapitres XVI & XXVII des Pendules
qui font mus par l'action inégale des
refforts ; des effets des échappemens ; &
de la machine qu'il a conftruite pour
faire des expériences fur cette matière ,
& c. Il traite dans le Chap. XVIII , de
la dilatation & contraction des métaux
par le chaud & le froid . Chap. XIX , du
Pyrometre qu'il a compofé pour mefurer
les effets des métaux ; & Chap . XX ,
il donne le précis des expériences qu'il
a faites là -deffus. Chap . XXI , des écarts
que la différence de la température caufe
aux Horloges à pendule. L'Auteur
traite dans les Chap . XXII & XXIII
de la conftruction de plufieurs verges
compofées pour compenfer les effets du
chaud & du froid. Chap . XXIV , Defcription
d'une Horloge aftronomique ,
à fecondes concentriques , allant un an :
Sonnerie de fecondes pour faciliter les
obfervations pour les Aftronomes.
Après avoir traité des parties les plus
éffentielles des Horloges à pendule ,
l'Auteur a entrepris de parcourir tour
ce qui peut contribuer à la jufteffe des
Horloges portatives , & à établir une
théorie fur les Montres . Pour cet effet ,
il examine dans le Chapitre XXV , le
FEVRIER . 1763. 127
Balancier fimple ; & Chap. XXVI , les
propriétés du Spiral. Chap . XXVII ,
les conditions du meilleur régulateur de
Montre. Il démontre dans le Chapitre
XXVIII , tout ce qui eft relatif au Balancier
, poids , grandeurs , vîteffes ,
&c. Chap. XXIX , l'Auteur traite des
frottemens , de leurs effets , des huiles ,
& c. Il donne dans le Chap. XXX deux
propofitions qui fervent de baſe à la
théorie qu'il établit pour les compenfations
du chaud & du froid fur les Montres.
Le Chap. XXXI contient plufieurs
expériences qui confirment cette théorie.
Chap. XXXII , des effets des échappemens
dans les Montres , leurs propriétés
, &c. Il donne dans le Chapitre
XXXIII des principes fur la force de
mouvement des Balanciers , & on en
fait l'application dans le Chap . XXXIV ,
pour trouver les pefanteurs des Balanciers
, forces de refforts , étendue de
vibration , & c. Chap. XXXV , l'Auteur
y établit quelques principes fur les Ref
forts on trouve dans le Chap. XXXVI
la deſcription d'une Montre à fecondes
concentriques de fa façon ; & Chapitre
XXXVII , la defcription d'une Montre à
huit jours à fecondes , régulateur à deux
balanciers.
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE .
L'Horloge aftronomique décrite dans
le Chap. XXIV n'ayant pas autant approché
de la perfection que l'Auteur le
defiroit , il a travaillé à une nouvelle
Horloge , dans la conftruction de laquelle
il a raffemblé tout ce que l'étude
& l'expérience ont pu lui apprendre ;
auffi a -t- elle parfaitement réuffi . Cette
Horloge a fait l'objet des Chapitres
XXXVIII & XXXIX.
Après avoir travaillé avec fuccès à
la perfection des Horloges aftronomiques
& des Montres , l'Auteur a formé
le projet de conftruire une Horloge marine
pour fervir aux longitudes : c'eſt
l'objet de quatre Chapitres. Pour parvenir
au but qu'il fe propofe ; il donne
dans le Chapitre XL une notion des longitudes
& de leur utilité en mer ; de
l'ufage de l'Horlogerie pour parvenir à
leur découverte . Le Chap. XLI traite
des principes qu'il a fuivis pour la compofition
d'une Horloge marine , laquelle
ell décrite Chap. XLII ; & d'après l'exétion
qu'il en a faite , il donne dans le
Chapitre XLIII les détails de maind'oeuvre
, & les expériences faites avec
cette machine. Il propofe dans le Chapitre
XLIV la conftruction d'une Horloge
marine plus fimple & moins coû
FEVRIER . 1763. 129
-
•
teufe que celle qu'il a exécutée . Il donne
auffi le plan de cette machine. Ce Chapitre
eft terminé par la defcription d'une
troifiéme Horloge , qu'il croit préférable
aux précédentes : il ne l'a pas exécutée
, mais il en donne le plan.
Le Chap. XLV contient quelques
additions & expériences relatives à la
perfection des Horloges aftronomiques .
Le Chapitre XLVI contient des additions
à plufieurs parties des Montres ; fur
les frottemens , compenfations du chaud
& du froid , & c : on y trouvera la defcription
de plufieurs inftrumens éffentiels
à la perfection des Montres , & entr'autres
une machine à fendre & à tailler
les roues de cylindre & roues de rencontres
enarbrées ; de l'exécution de l'échappement
à cylindre , &c . Enfin , pour
terminer cet Ouvrage , l'Auteur traite
dans le Chap. XLVII de la conftruction
& de l'exécution d'une bonne Montre
& il fait concourir tout ce qui peut la
porter à la plus grande perfection , &
entre dans tous les détails de fa conftruction
& dans les plus éffentiels de
fon exécution.
ÉSSAI fur l'Horlogerie ; Par M. FERDIN
AND BERTHOUD , Horloger
à Paris. *
-
L'ART de l'Horlogerie fi long-temps
ignoré a acquis de nos jours un trèsgrand
degré de perfection du côté de la
main-d'oeuvre ; mais on n'avoit pas encore
tenté de réduire cette Science en
principes. Les Auteurs qui en ont écrit
jufqu'à préfent , fe font contentés de
décrire les piéces d'Horlogerie les plus
en ufage , & de traiter chacun à ſa maniere
de quelques foins de pratique . Delà
eft venue la variété que l'on s'eft
permife dans la fabrication des Pendules
& des Montres. Ce n'eft cependant
* Cet Auteur eft déjà connu par les Articles
Horlogerie qu'il a faits pour l'Encyclopédie ;
par différens Ouvrages de fon invention , préfentés
à l'Académie Royale des Sciences ; par le Livre
de l'Art de conduire & de régler les Pendules &
les Montres &c.
On trouvera auffi chez les mêmes Libraires le Livre
de l'Art de conduire & de régler les Pendules
& les Montres.
120 MERCURE DE FRANCE.
que d'après des principes bien établis
que l'on peut parvenir au point de conftruire
& d'éxécuter ces Machines , pour
les mettre en état de mefurer le temps
avec la plus grande précifion.
C'est pour répondre au défir des Amateurs
de cet Art, & au befoin des fabricateurs
d'Horlogerie que l'Auteur de cet
Ouvrage s'eft déterminé à faire part au
Public de tout ce qu'il eft parvenu à
découvrir fur cette fcience par un travail
conftant & defintéreffé qui l'occupe
depuis plus de dix ans & par
l'étude particulière qu'il a faite des principes
de méchanique , & furtout par un
grand nombre d'expériences tendantes
vérifier ces principes .
,
Cet Ouvrage eft donc le fruit d'une
étude longue & pénible , & l'Auteur
n'y fait myſtère d'aucune des chofes qu'il
a apprifes ; il y expofe les principes fur
Lefquels il eft parvenu à compofer non
feulement des Horloges à pendule , qui
ne varient ni par le chaud ni par le froid ;
des Horloges marines pour fervir aux
longitudes , & c ; mais encore à établir
une théorie fur les Montres , vérifiée
par l'expérience , & au moyen de laquelle
il conftruit auffi des Montres
qui ne varient point par les différentes
températures ;
FEVRIER. 1763. 12.1
températures ; chofe à laquelle on n'avoit
ofé penfer jufqu'à préfent .
Le but de l'Auteur étant d'inftruire
les Artiſtes & les Amateurs , il ne fe
contente pas de les guider par des principes
mis à leur porté , il entre encore
dans tous les détails de pratique fur les
Pendules & les Montres ; enforte qu'avec
un peu de réflexion une perfonne
qui n'auroit même aucune teinture de
l'Art , pourroit parvenir à exécuter des
Pendules & des Montres qui marcheroient
avec jufteffe .
L'Ouvrage entier eft divifé en deux
Parties , qui forment chacune un Volume.
La première Partie comprend
trente-fix Chapitres , qui traitent principalement
des defcriptions des Machines
ordinaires d'Horlogerie , comme Pendules
à fecondes , fonnerie d'un an
an ,
Horloges à répétition , à équation , & c.
Des Montres ; Montres à réveil , à répétition
, à équation , à quatre parties ,
& plufieurs inftrumens & outils les plus
éffentiels , & c ; de tous les détails de
main-d'oeuvre d'une Répétition en Pendule.
Dix-neuf Planches jointes au premier
Volume , font relatives à l'objet
de cette Partie .
La feconde Partie eft divifée en qua-
F
122 MERCURE DE FRANCE.
rante-fept Chapitres , qui traitent particuliérement
des principes & de la théorie
de l'art , de la meſure du temps ;
grand nombre d'expériences & de machines
faites pour vérifier ces principes ;
la conftruction qu'il faut donner aux
machines qui mefurent le temps , tant
dans les Horloges aftronomiques , que
dans les Montres & les Horloges Marines
, &c. Dix- neuf Planches gravées
en taille-douce , font relatives aux matières
traitées dans ce Volume. Nous
allons parcourir la totalité de cet Ouvrage
, pour donner une notice de ce
qu'il contient.
PREMIERE PARTIE . Le Chapitre L
traite de la divifion du temps , qui eft
mefuré par les révolutions du foleil': on
fait voir que le foleil varie , & l'on explique
les caufes de ces écarts : Chap. II.
Pour parvenir à faire concevoir parfairement
les divers effets de cette partie
d'une Horloge qui mefure le temps ,
l'Auteur fuppofe que n'ayant aucune
notion des machines qui mefurent le
temps , on veut en compofer une. Pour
cet effet il paffe des idées les plus fimples
& par gradation , au point de former la
machine ; & l'on acquiert par cette mé-
-thode des idées générales , nettes &
FEVRIER. 1763. 123
justes de chaque partie des Horloges ;
Au Chap. III , Defcription d'une Pendule
à fecondes , à fonnerie : Chap. IV
& V , fur les fonneries . Defcription
d'une fonnerie d'un an. Chap . VI &
VII , Notion générale des répétitions ,
avec la defcription de ce méchaniſme.
Pour parvenir à donner des notions nettes
des Montres , l'Auteur fuppofe que
l'on ne connoît point le méchaniſme de
ces ingénieuſes machines , & que l'on
veut en compofer une ; il fait voir par
gradation comment on pourroit y parvenir
c'est l'objet du Chap . VIII. Le
IX eft la defcription d'une Montre ordinaire
Chap . X , Defcription d'une
Montre à répétition : Chap . XI , Defcription
d'une Montre à réveil : Chap.
XII , de l'Équation ; fes effets. Les
Chap . XIII , XIV , XV , XVI , XVII
& XVIII , contiennent des defcriptions
de différentes fortes d'Equation pour les
Pendules & pour les Montres : Montres
d'un mois fans monter à répétition , fecondes
, équation , & c. Chap. XIX , on
entre dans les détails d'exécution de ces
machines : Chap. XX , de l'uſage des
Tables d'équation jointes à ce Livre .
Les Chap . XXI , XXII , XXIII & XXIV
font des defcriptions d'échappemens
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
pour les Pendules ou pour les Montres :
Chap. XXV , de la machine à fendre
les roues Chap . XXVI , de l'outil à
tailler les fufées. Les Chap. XXVII ,
XXVIII & XXIX font des defcriptions
des outils les plus éffentiels qui fervent à
la pratique de l'Art. Chap . XXX , Defcription
d'une Montre à trois parties.
Chap . XXXI , de quelques foins de
conftruction & d'exécution des Montres.
Chap. XXXII & XXXIII , Examen
des caufes d'arrêts & de variations
des Montres & des Pendules. Chap.
XXXIV , fur les nouvelles productions
d'Horlogerie. Chap. XXXV, des Baromêtres
& Thermomêtres à aiguille. Enfin
on termine cette première Partie
par tous les détails de main-d'oeuvre pour
l'entière exécution d'une Pendule à répétition
: celaforme le Chapitre XXXVI,
qui eft de 260 pages.
II. PARTIE
,
POUR parvenir à établir une théorie
fur les machines qui mefurent le temps ,
objet de la feconde Partie l'Auteurcommence
dans le premier Chapitre par
démontrer les loix de l'équilibre dans le
fimple levier. Ce principe établi il
l'employe à faire entendre comment les
,
FEVRIER. 1763. 125
roues , qui ne font que des compofés de
leviers , agiffent les unes fur les autres :
c'eft le but du Chapitre II . Dans le III ,
on donne des règles générales pour mefurer
la force tranfmife par le moteur à
la dernière roue d'un rouage. On examine
dans le Chap. IV les effets des
mauvais engrénages. Au Chap . V , on
démontre les courbés que doivent avoir
les dents des roues & pignons. Les Chapitres
VI , VII & VIII , traitent du
calcul des rouages , foit pour trouver les
nombres des dents des roues & pignons,
quand on compofe un Pendule ; ou ,
cette machine ou Pendule étant faite ,
pour favoir les révolutions que les roues
font , & pour trouver le nombre de
dents de rochets relativement à la longueur
d'un Pendule donné. Les Chapitres
IX & X traitent des loix du Pendule
fimple & de fes propriétés. On recherche
dans le Chapitre XI la meilleure
manière de fufpendre un Pendule ; &
dans le XII , comment doit être la lentille
pour éprouver une moindre réfiftance
de l'air. Chap. XIII , Expériences
fur les réfiftances de l'air . Chap. XIV &
XV , calcul de la force requife pour entretenir
en mouvement un Pendule :
ce qui conduit à la meilleure manière
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
de régulateur . L'Auteur traite dans les
Chapitres XVI & XXVII des Pendules
qui font mus par l'action inégale des
refforts ; des effets des échappemens ; &
de la machine qu'il a conftruite pour
faire des expériences fur cette matière ,
& c. Il traite dans le Chap. XVIII , de
la dilatation & contraction des métaux
par le chaud & le froid . Chap. XIX , du
Pyrometre qu'il a compofé pour mefurer
les effets des métaux ; & Chap . XX ,
il donne le précis des expériences qu'il
a faites là -deffus. Chap . XXI , des écarts
que la différence de la température caufe
aux Horloges à pendule. L'Auteur
traite dans les Chap . XXII & XXIII
de la conftruction de plufieurs verges
compofées pour compenfer les effets du
chaud & du froid. Chap . XXIV , Defcription
d'une Horloge aftronomique ,
à fecondes concentriques , allant un an :
Sonnerie de fecondes pour faciliter les
obfervations pour les Aftronomes.
Après avoir traité des parties les plus
éffentielles des Horloges à pendule ,
l'Auteur a entrepris de parcourir tour
ce qui peut contribuer à la jufteffe des
Horloges portatives , & à établir une
théorie fur les Montres . Pour cet effet ,
il examine dans le Chapitre XXV , le
FEVRIER . 1763. 127
Balancier fimple ; & Chap. XXVI , les
propriétés du Spiral. Chap . XXVII ,
les conditions du meilleur régulateur de
Montre. Il démontre dans le Chapitre
XXVIII , tout ce qui eft relatif au Balancier
, poids , grandeurs , vîteffes ,
&c. Chap. XXIX , l'Auteur traite des
frottemens , de leurs effets , des huiles ,
& c. Il donne dans le Chap. XXX deux
propofitions qui fervent de baſe à la
théorie qu'il établit pour les compenfations
du chaud & du froid fur les Montres.
Le Chap. XXXI contient plufieurs
expériences qui confirment cette théorie.
Chap. XXXII , des effets des échappemens
dans les Montres , leurs propriétés
, &c. Il donne dans le Chapitre
XXXIII des principes fur la force de
mouvement des Balanciers , & on en
fait l'application dans le Chap . XXXIV ,
pour trouver les pefanteurs des Balanciers
, forces de refforts , étendue de
vibration , & c. Chap. XXXV , l'Auteur
y établit quelques principes fur les Ref
forts on trouve dans le Chap. XXXVI
la deſcription d'une Montre à fecondes
concentriques de fa façon ; & Chapitre
XXXVII , la defcription d'une Montre à
huit jours à fecondes , régulateur à deux
balanciers.
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE .
L'Horloge aftronomique décrite dans
le Chap. XXIV n'ayant pas autant approché
de la perfection que l'Auteur le
defiroit , il a travaillé à une nouvelle
Horloge , dans la conftruction de laquelle
il a raffemblé tout ce que l'étude
& l'expérience ont pu lui apprendre ;
auffi a -t- elle parfaitement réuffi . Cette
Horloge a fait l'objet des Chapitres
XXXVIII & XXXIX.
Après avoir travaillé avec fuccès à
la perfection des Horloges aftronomiques
& des Montres , l'Auteur a formé
le projet de conftruire une Horloge marine
pour fervir aux longitudes : c'eſt
l'objet de quatre Chapitres. Pour parvenir
au but qu'il fe propofe ; il donne
dans le Chapitre XL une notion des longitudes
& de leur utilité en mer ; de
l'ufage de l'Horlogerie pour parvenir à
leur découverte . Le Chap. XLI traite
des principes qu'il a fuivis pour la compofition
d'une Horloge marine , laquelle
ell décrite Chap. XLII ; & d'après l'exétion
qu'il en a faite , il donne dans le
Chapitre XLIII les détails de maind'oeuvre
, & les expériences faites avec
cette machine. Il propofe dans le Chapitre
XLIV la conftruction d'une Horloge
marine plus fimple & moins coû
FEVRIER . 1763. 129
-
•
teufe que celle qu'il a exécutée . Il donne
auffi le plan de cette machine. Ce Chapitre
eft terminé par la defcription d'une
troifiéme Horloge , qu'il croit préférable
aux précédentes : il ne l'a pas exécutée
, mais il en donne le plan.
Le Chap. XLV contient quelques
additions & expériences relatives à la
perfection des Horloges aftronomiques .
Le Chapitre XLVI contient des additions
à plufieurs parties des Montres ; fur
les frottemens , compenfations du chaud
& du froid , & c : on y trouvera la defcription
de plufieurs inftrumens éffentiels
à la perfection des Montres , & entr'autres
une machine à fendre & à tailler
les roues de cylindre & roues de rencontres
enarbrées ; de l'exécution de l'échappement
à cylindre , &c . Enfin , pour
terminer cet Ouvrage , l'Auteur traite
dans le Chap. XLVII de la conftruction
& de l'exécution d'une bonne Montre
& il fait concourir tout ce qui peut la
porter à la plus grande perfection , &
entre dans tous les détails de fa conftruction
& dans les plus éffentiels de
fon exécution.
Fermer
Résumé : HORLOGERIE. ÉSSAI sur l'Horlogerie ; Par M. FERDINAND BERTHOUD, Horloger à Paris.*
Le texte présente un ouvrage sur l'horlogerie rédigé par Ferdinand Berthoud, horloger à Paris. Berthoud observe que, bien que l'art de l'horlogerie ait progressé en termes de main-d'œuvre, il manquait de principes scientifiques formalisés. Les auteurs précédents se limitaient à décrire les pièces et les pratiques courantes, entraînant une grande diversité dans la fabrication des pendules et des montres. Berthoud a donc entrepris de structurer cette science en principes établis, après plus de dix ans de travail et d'expériences. Son ouvrage vise à instruire les artisans et les amateurs en exposant les principes mécaniques et les détails pratiques nécessaires à la construction de machines précises. Il aborde la fabrication de pendules et de montres résistantes aux variations de température, ainsi que des horloges marines pour la détermination des longitudes. L'ouvrage est divisé en deux parties. La première partie, composée de trente-six chapitres, décrit les machines ordinaires d'horlogerie, les montres et les outils essentiels. La seconde partie, en quarante-sept chapitres, traite des principes théoriques, des expériences et des constructions de machines précises, y compris les horloges astronomiques et marines. Berthoud inclut également des planches illustratives et des détails techniques pour chaque type de machine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
27
p. 130-135
AUTRES OBSERVATIONS sur une Opération de la Taille.
Début :
NICOLAS Mouttier, agé de 67 ans, demeurant à Guitrancourt près de Mantes [...]
Mots clefs :
Opération, Vessie, Plaie, Pierre, Graviers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRES OBSERVATIONS sur une Opération de la Taille.
AUTRES OBSERVATIONS fur une
Opération de la Taille.
NICOLAS Moutier, agé de 67 ans,
demeurant à Guitrancourt près de Mantes
fur Seine , fouffroit beaucoup depuis
longtemps d'une pierre qu'il avoit dans
la veffie ; les douleurs devenant chaque
jour plus aigues , il fe détermina
à venir à Paris ; m'ayant confulté für
fon état , je lui dis qu'il ne pouvoit
efpérer de foulagement que par l'opération
de la taille . S'y étant réfolu , il
entra chez moi le premier Août 1762.
Je le difpofai par quelques préparatifs.
J'en retranchai les faignées comme préjudiciables
à fon tempérament & à
fon âge ; je m'en tins à deux purgations
pour vuider les gros boyaux ; cette précaution
étant utile , parce qu'il pourroit
arriver que le rectum faifant faillie
par la préfence de quelques matières
fécales, on l'ouvrît ; dans la même
vue d'obvier à cet inconvénient , je
lui fis prendre également deux lavemens
quelques heures avant l'opération .
En cet état je la lui fis le cinquiéme
jour. Voici ce qui fe paffa de parFEVRIER.
1763 . 131
:
ticulier dès que j'eus faifi la pierre avec
la tenette elle étoit fi molle qu'à la
plus légère preffion que je fis elle s'écrafa
; il s'agiffoit de parvenir à nétoyer
tout-à-fait la veffie des fragmens de
pierre briſée . Ne pouvant le faire avec
des inftruments ordinaires , je fis ufage
des injections ; le fuccès n'ayant point
répondu à mes efpérances , je pris le
parti de faire mettre le malade dans le
it & de le laiffer un peu tranquille.
Pendant ce temps je fongeai à ce qu'il
y auroit à faire ; car fi j'en fuffe refté
là , ce pauvre homme auroit paffé par
une cruelle épreuve , fans en retirer de
grands avantages. Conduit par
nité , & l'honneur de ma profeflion ,
j'examinai d'abord pourquoi les injections
que j'avois faites lors de l'opération
avoient été infructueufes ; la caufe
m'en parut fenfible : c'eft que lorf
que je ceffois de pouffer l'injection, les
parois de la playe fe rapprochant , formoient
un obstacle à l'iffue des graviers ;
& il n'y avoit alors que le fluide qui
pût refortir.
l'huma-
Pour ne rien donner au hazard , je
paffai fcrupuleufement en revue tous
les moyens que l'art offre en pareil
cas ; ce fut la canulle que je crus pro-
F vi
132 MERCURE DE FRANCE .
pre à remplir mon deffein ; pour cela
je penfai qu'il n'étoit queſtion que
de la faire faire affez groffe pour que
les graviers puffent aifément paffer par
fon embouchure. Après que j'eus placé
cette canulle , comme cela ſe pratique
ordinairement , j'eus la fatisfaction
dès la premiere injection que je fis dans
la vente par fon moyen , de voir fortir
beaucoup de graviers;l'ayant répété dans
le même moment jufqu'à trois fois , il
en fortit avec la même abondance. Le
foir il en parut moins ; ayant continué
d'injecter le lendemain matin & le
foir il n'en fortit point du tout , ce qui
me donna lieu de penfer qu'il n'y en
avoit plus. La canulle devenant pour
lors corps inutile & étranger capable
de s'opposer à la réunion de la playe
je l'ôtai & abandonnai le tout à la nature
; il vint en même temps plufieurs
graviers qui s'étoient mis entre fes parois
& celle de la playe ; ils s'y étoient
fans doute gliffés dans le moment de
l'injection , & il n'y a rien d'étonnant ,
parce que je l'avois pouffée avec affez
de force.
,
Quoi qu'il en foit , après avoir enlevé
la canulle en queftion , l'urine commença
à reprendre fon cours par la
FEVRIER . 1763. 133
verge , ce qui alla toujours en aug-
-mentant au point que le douziéme
jour elle ceffa entierement
de paffer
par la playe pour fuivre fa route naturelle
; & le malade fe portant de mieux
en mieux , obtint enfin fa guérifon radicale
au bout de vingt- cinq jours. De
même qu'il n'avoit point été faigné
avant l'opération , il ne le fut point
non plus après , je le mis feulement
pendant quatre jours au fimple bouillon;
& malgré qu'il eût un peu de fiévre
, comme elle n'étoit que l'effet de
l'opération , je ne laiffai pas d'augmen laiſſai
ter promptement
l'ufage des alimens ,
& je lui fis boire de bon vin en quantité
fuffifante . Par cette conduite , je
parvins à tirer mon malade d'affaire ;
j'eus la fatisfaction de lui voir prendre
vigueur , fes forces s'accroître , & la
fiévre difparoître fucceflivement
.
Si j'euffe agi différemment , c'est- àdire
que je lui euffe fait faire plufieurs
faignées , & que je l'euffe privé pendant
trop longtemps d'alimens , je l'au
rois jetté dans l'affaiffement & par
conféquent dans la mélancolie , puifqu'il
eft vrai que la mauvaiſe fituation
du corps influe toujours fur celle
de l'âme.
,
134 MERCURE DE FRANCE.
Il auroit également pu arriver que
dans ce Sujet déja débile par l'âge &
fa mauvaiſe nourriture habituelle , on
eût encore diminué l'action du coeur
& celle des vaiffeaux ; qu'alors le fluide
artériel n'étant plus pouffé avec force
fuffifante pour pénétrer les plus petits
vaiffeaux , du nombre defquels font
ceux de la veffie , ces derniers n'euffent
point reçu affez de fang pour la nourrir
& revivifier les fluides , qui y féjournoient
par les contufions qui avoient
été les effets de l'opération & qu'en
cet état la veffie s'étant gangrénée le
malade eût péri.
Ce raifonnement fait bien voir qu'il
eft des cas où on peut s'éloigner de la
regle générale avec prudence ; on fçait
d'ailleurs qu'il faut des fucs nourriciers
pour la réunion d'une playe ; auffi celle
en queſtion étoit-elle baveufe dans les
commencemens : mais peu- à - peu & à
mefure des reftaurans que j'ai fait prendre
, elle eft devenue d'une bonne couleur
& la fuppuration s'y eft établie
parfaitement ; l'abondance des fucs &
leur bonne qualité ont même été
telles , que la réunion de la playe , ainſi
que je l'ai dit , s'eft faite en vingt -cinq
ours
FEVRIER. 1763. 135
Toutes ces circonftances annoncent
évidemment qu'outre la main , le Chirurgien
doit avoir une connoiffance
éxacte de l'oeconomie animale ; & lorfqu'il
ne la point , c'eft un navigateur
fans bouffole , incapable de prévoir aucun
danger.
Ce qu'il y a de certain , l'opération
dont je viens de rendre compte , n'eft
devenue laborieufe que par l'infuffifance
des inftrumens ordinaires ; fi je me
trouvois dans le même cas , je n'aurois
pas les mêmes embarras , au moyen de
ce que j'ai imaginé depuis un inftrument
qui forme une efpèce de cuillier de
plombier courbée & d'une grandeur à
pouvoir être introduite dans la veffie ,
& par fa courbure pouvoir auffi être
portée dans tous les endroits de la veffie :
ce qui donnera la facilité d'avoir la
pierre lorfqu'elle ne fera pas groffe fans
le fecours des pinces ; & ce qui peut être
avantageux non-feulement lorfque la
pierre eft molle , mais pour en avoir les
fragmens , en fuppofant qu'on n'eût pas
prévu cet inconvénient.
Par M. DEJEAN , Maître en Chirurgie
de Paris.
Opération de la Taille.
NICOLAS Moutier, agé de 67 ans,
demeurant à Guitrancourt près de Mantes
fur Seine , fouffroit beaucoup depuis
longtemps d'une pierre qu'il avoit dans
la veffie ; les douleurs devenant chaque
jour plus aigues , il fe détermina
à venir à Paris ; m'ayant confulté für
fon état , je lui dis qu'il ne pouvoit
efpérer de foulagement que par l'opération
de la taille . S'y étant réfolu , il
entra chez moi le premier Août 1762.
Je le difpofai par quelques préparatifs.
J'en retranchai les faignées comme préjudiciables
à fon tempérament & à
fon âge ; je m'en tins à deux purgations
pour vuider les gros boyaux ; cette précaution
étant utile , parce qu'il pourroit
arriver que le rectum faifant faillie
par la préfence de quelques matières
fécales, on l'ouvrît ; dans la même
vue d'obvier à cet inconvénient , je
lui fis prendre également deux lavemens
quelques heures avant l'opération .
En cet état je la lui fis le cinquiéme
jour. Voici ce qui fe paffa de parFEVRIER.
1763 . 131
:
ticulier dès que j'eus faifi la pierre avec
la tenette elle étoit fi molle qu'à la
plus légère preffion que je fis elle s'écrafa
; il s'agiffoit de parvenir à nétoyer
tout-à-fait la veffie des fragmens de
pierre briſée . Ne pouvant le faire avec
des inftruments ordinaires , je fis ufage
des injections ; le fuccès n'ayant point
répondu à mes efpérances , je pris le
parti de faire mettre le malade dans le
it & de le laiffer un peu tranquille.
Pendant ce temps je fongeai à ce qu'il
y auroit à faire ; car fi j'en fuffe refté
là , ce pauvre homme auroit paffé par
une cruelle épreuve , fans en retirer de
grands avantages. Conduit par
nité , & l'honneur de ma profeflion ,
j'examinai d'abord pourquoi les injections
que j'avois faites lors de l'opération
avoient été infructueufes ; la caufe
m'en parut fenfible : c'eft que lorf
que je ceffois de pouffer l'injection, les
parois de la playe fe rapprochant , formoient
un obstacle à l'iffue des graviers ;
& il n'y avoit alors que le fluide qui
pût refortir.
l'huma-
Pour ne rien donner au hazard , je
paffai fcrupuleufement en revue tous
les moyens que l'art offre en pareil
cas ; ce fut la canulle que je crus pro-
F vi
132 MERCURE DE FRANCE .
pre à remplir mon deffein ; pour cela
je penfai qu'il n'étoit queſtion que
de la faire faire affez groffe pour que
les graviers puffent aifément paffer par
fon embouchure. Après que j'eus placé
cette canulle , comme cela ſe pratique
ordinairement , j'eus la fatisfaction
dès la premiere injection que je fis dans
la vente par fon moyen , de voir fortir
beaucoup de graviers;l'ayant répété dans
le même moment jufqu'à trois fois , il
en fortit avec la même abondance. Le
foir il en parut moins ; ayant continué
d'injecter le lendemain matin & le
foir il n'en fortit point du tout , ce qui
me donna lieu de penfer qu'il n'y en
avoit plus. La canulle devenant pour
lors corps inutile & étranger capable
de s'opposer à la réunion de la playe
je l'ôtai & abandonnai le tout à la nature
; il vint en même temps plufieurs
graviers qui s'étoient mis entre fes parois
& celle de la playe ; ils s'y étoient
fans doute gliffés dans le moment de
l'injection , & il n'y a rien d'étonnant ,
parce que je l'avois pouffée avec affez
de force.
,
Quoi qu'il en foit , après avoir enlevé
la canulle en queftion , l'urine commença
à reprendre fon cours par la
FEVRIER . 1763. 133
verge , ce qui alla toujours en aug-
-mentant au point que le douziéme
jour elle ceffa entierement
de paffer
par la playe pour fuivre fa route naturelle
; & le malade fe portant de mieux
en mieux , obtint enfin fa guérifon radicale
au bout de vingt- cinq jours. De
même qu'il n'avoit point été faigné
avant l'opération , il ne le fut point
non plus après , je le mis feulement
pendant quatre jours au fimple bouillon;
& malgré qu'il eût un peu de fiévre
, comme elle n'étoit que l'effet de
l'opération , je ne laiffai pas d'augmen laiſſai
ter promptement
l'ufage des alimens ,
& je lui fis boire de bon vin en quantité
fuffifante . Par cette conduite , je
parvins à tirer mon malade d'affaire ;
j'eus la fatisfaction de lui voir prendre
vigueur , fes forces s'accroître , & la
fiévre difparoître fucceflivement
.
Si j'euffe agi différemment , c'est- àdire
que je lui euffe fait faire plufieurs
faignées , & que je l'euffe privé pendant
trop longtemps d'alimens , je l'au
rois jetté dans l'affaiffement & par
conféquent dans la mélancolie , puifqu'il
eft vrai que la mauvaiſe fituation
du corps influe toujours fur celle
de l'âme.
,
134 MERCURE DE FRANCE.
Il auroit également pu arriver que
dans ce Sujet déja débile par l'âge &
fa mauvaiſe nourriture habituelle , on
eût encore diminué l'action du coeur
& celle des vaiffeaux ; qu'alors le fluide
artériel n'étant plus pouffé avec force
fuffifante pour pénétrer les plus petits
vaiffeaux , du nombre defquels font
ceux de la veffie , ces derniers n'euffent
point reçu affez de fang pour la nourrir
& revivifier les fluides , qui y féjournoient
par les contufions qui avoient
été les effets de l'opération & qu'en
cet état la veffie s'étant gangrénée le
malade eût péri.
Ce raifonnement fait bien voir qu'il
eft des cas où on peut s'éloigner de la
regle générale avec prudence ; on fçait
d'ailleurs qu'il faut des fucs nourriciers
pour la réunion d'une playe ; auffi celle
en queſtion étoit-elle baveufe dans les
commencemens : mais peu- à - peu & à
mefure des reftaurans que j'ai fait prendre
, elle eft devenue d'une bonne couleur
& la fuppuration s'y eft établie
parfaitement ; l'abondance des fucs &
leur bonne qualité ont même été
telles , que la réunion de la playe , ainſi
que je l'ai dit , s'eft faite en vingt -cinq
ours
FEVRIER. 1763. 135
Toutes ces circonftances annoncent
évidemment qu'outre la main , le Chirurgien
doit avoir une connoiffance
éxacte de l'oeconomie animale ; & lorfqu'il
ne la point , c'eft un navigateur
fans bouffole , incapable de prévoir aucun
danger.
Ce qu'il y a de certain , l'opération
dont je viens de rendre compte , n'eft
devenue laborieufe que par l'infuffifance
des inftrumens ordinaires ; fi je me
trouvois dans le même cas , je n'aurois
pas les mêmes embarras , au moyen de
ce que j'ai imaginé depuis un inftrument
qui forme une efpèce de cuillier de
plombier courbée & d'une grandeur à
pouvoir être introduite dans la veffie ,
& par fa courbure pouvoir auffi être
portée dans tous les endroits de la veffie :
ce qui donnera la facilité d'avoir la
pierre lorfqu'elle ne fera pas groffe fans
le fecours des pinces ; & ce qui peut être
avantageux non-feulement lorfque la
pierre eft molle , mais pour en avoir les
fragmens , en fuppofant qu'on n'eût pas
prévu cet inconvénient.
Par M. DEJEAN , Maître en Chirurgie
de Paris.
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Résumé : AUTRES OBSERVATIONS sur une Opération de la Taille.
Le texte décrit l'opération d'un patient nommé Nicolas Moutier, âgé de 67 ans, souffrant d'une pierre dans la vessie. Les douleurs intenses l'ont poussé à consulter un chirurgien à Paris. Après évaluation, le chirurgien a recommandé une intervention chirurgicale. Moutier a été préparé par des purgations et des lavements avant l'opération, qui a eu lieu le 5 août 1762. Lors de l'intervention, la pierre s'est révélée molle et s'est brisée facilement, mais des fragments sont restés dans la vessie. Les injections initiales n'ont pas réussi à nettoyer complètement la vessie, obligeant le chirurgien à utiliser une canule pour extraire les graviers. Après plusieurs injections, la vessie a été nettoyée et la canule retirée. La guérison s'est achevée en vingt-cinq jours sans complications majeures. Le chirurgien a souligné l'importance de la nutrition et de l'hydratation pour éviter l'affaiblissement et la mélancolie du patient. Il a également insisté sur la nécessité pour un chirurgien de posséder une connaissance approfondie de l'anatomie et des techniques adaptées pour éviter les dangers. Enfin, il a mentionné l'invention d'un nouvel instrument destiné à faciliter les opérations futures.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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28
p. 136-137
ANATOMIE. EXPOSITION ANATOMIQUE de la structure du corps humain, en vingt grandes Planches imprimées en couleurs naturelles, avec des Tables explicatives très détaillées, par M. GAUTIER, Pensionnaire du Roi, de l'Académie de Dijon, avec privilége de Sa Majesté ; se distribue à Paris chez le sieur Leroy, Marchand , vis-a-vis de la Comédie Françoise, & à Marseille, chez le sieur Feraud, Négociant, rue Caisserie.
Début :
CET Ouvrage, qui s'est d'abord donné par distributions, & pour lequel il [...]
Mots clefs :
Parties, Planches, Couleurs, Coupes
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texteReconnaissance textuelle : ANATOMIE. EXPOSITION ANATOMIQUE de la structure du corps humain, en vingt grandes Planches imprimées en couleurs naturelles, avec des Tables explicatives très détaillées, par M. GAUTIER, Pensionnaire du Roi, de l'Académie de Dijon, avec privilége de Sa Majesté ; se distribue à Paris chez le sieur Leroy, Marchand , vis-a-vis de la Comédie Françoise, & à Marseille, chez le sieur Feraud, Négociant, rue Caisserie.
ANATOMIE.
EXPOSITION AN ATOMIQUE
ftructure du corps humain , en vingt
grandes Planches imprimées en couleurs
naturelles , avec des Tables explicatives
très détaillées , par M.
GAUTIER , Penfionnaire du Roi ,
de l'Académie de Dijon , avec privilége
de Sa Majesté ; fe diftribue à
Paris chezlefieur Leroy , Marchand ,
vis-a-vis de la Comédie Françoife , & à
Marfeille , chez le fieur Feraud , Négociant
, rue Caiſſerie.
CET Ouvrage , qui s'eft d'abord donné
par diftributions , & pour lequel il
y a eu beaucoup de Soufcripteurs , eſt
préfentement complet , & forme un traité
particulier d'Anatomie. Il fert d'ailieurs
de fupplément à la premiere Edition
d'Anatomie , que l'Auteur a déja
donnée au Public , ainfi qu'à la feconde
qu'il fe propofe de donner par la fuite .
C'eft auffi fous le titre de Supplément
qu'il a d'abord été annoncé .
FEVRIER . 1763. 137
Les vingt planches repréfentent à
demi nature & fous les couleurs les
plus naturelles de nouvelles fituations
& coupes de tous les vifcères ; une femme
enceinte fur pied , ayant la Matrice
ouverte , le foetus en fituation &
toutes fes parties difféquées ; une fille
pareillement difféquée ; l'accouchement
& le foetus avec fes parties détachées ;
l'homme fur pied difféqué avec les
mufcles , les nerfs , les vaiffeaux , le
coeur , &c. Une angéologie complette
depuis la tête jufqu'aux extrémités inférieures
; les parties de la génération
de la femme & celles de l'Homme difféquées
, & fous des points de vue nouveaux
; un fquelete entier & garni de
plufieurs parties éffentielles ; des coupes
de la tête & du cerveau nouvelles &
intéreffantes ; enfin , une névrologie
qui offre le plus grand dérail , le tout
compofant dix figures entières , eft exécutée
magnifiquement fur papier de
grand colombier. Les tables explicatives
de même grandeur & fur même papier
font remplies de differtations &
des defcriptions de chaque partie.
Le prix de l'exemplaire complet en
feuilles eft de 108 liv.
EXPOSITION AN ATOMIQUE
ftructure du corps humain , en vingt
grandes Planches imprimées en couleurs
naturelles , avec des Tables explicatives
très détaillées , par M.
GAUTIER , Penfionnaire du Roi ,
de l'Académie de Dijon , avec privilége
de Sa Majesté ; fe diftribue à
Paris chezlefieur Leroy , Marchand ,
vis-a-vis de la Comédie Françoife , & à
Marfeille , chez le fieur Feraud , Négociant
, rue Caiſſerie.
CET Ouvrage , qui s'eft d'abord donné
par diftributions , & pour lequel il
y a eu beaucoup de Soufcripteurs , eſt
préfentement complet , & forme un traité
particulier d'Anatomie. Il fert d'ailieurs
de fupplément à la premiere Edition
d'Anatomie , que l'Auteur a déja
donnée au Public , ainfi qu'à la feconde
qu'il fe propofe de donner par la fuite .
C'eft auffi fous le titre de Supplément
qu'il a d'abord été annoncé .
FEVRIER . 1763. 137
Les vingt planches repréfentent à
demi nature & fous les couleurs les
plus naturelles de nouvelles fituations
& coupes de tous les vifcères ; une femme
enceinte fur pied , ayant la Matrice
ouverte , le foetus en fituation &
toutes fes parties difféquées ; une fille
pareillement difféquée ; l'accouchement
& le foetus avec fes parties détachées ;
l'homme fur pied difféqué avec les
mufcles , les nerfs , les vaiffeaux , le
coeur , &c. Une angéologie complette
depuis la tête jufqu'aux extrémités inférieures
; les parties de la génération
de la femme & celles de l'Homme difféquées
, & fous des points de vue nouveaux
; un fquelete entier & garni de
plufieurs parties éffentielles ; des coupes
de la tête & du cerveau nouvelles &
intéreffantes ; enfin , une névrologie
qui offre le plus grand dérail , le tout
compofant dix figures entières , eft exécutée
magnifiquement fur papier de
grand colombier. Les tables explicatives
de même grandeur & fur même papier
font remplies de differtations &
des defcriptions de chaque partie.
Le prix de l'exemplaire complet en
feuilles eft de 108 liv.
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Résumé : ANATOMIE. EXPOSITION ANATOMIQUE de la structure du corps humain, en vingt grandes Planches imprimées en couleurs naturelles, avec des Tables explicatives très détaillées, par M. GAUTIER, Pensionnaire du Roi, de l'Académie de Dijon, avec privilége de Sa Majesté ; se distribue à Paris chez le sieur Leroy, Marchand , vis-a-vis de la Comédie Françoise, & à Marseille, chez le sieur Feraud, Négociant, rue Caisserie.
Le document décrit une exposition anatomique intitulée 'Structure du corps humain', composée de vingt planches imprimées en couleurs naturelles et accompagnées de tables explicatives détaillées. Réalisée par M. Gautier, pensionnaire du Roi et membre de l'Académie de Dijon, l'œuvre bénéficie d'un privilège royal. Elle est distribuée à Paris chez le sieur Leroy et à Marseille chez le sieur Feraud. Initialement distribuée par souscriptions, cette œuvre est maintenant complète et constitue un traité particulier d'anatomie, servant de supplément à la première édition de l'auteur et annonçant une seconde édition future. Les planches illustrent diverses situations et coupes des viscères, incluant des représentations d'une femme enceinte, d'une fille disséquée, d'un accouchement, d'un homme disséqué avec les muscles, les nerfs, les vaisseaux et le cœur, ainsi qu'une angiologie complète. Elles montrent également les parties génitales de la femme et de l'homme sous de nouveaux points de vue, un squelette entier avec plusieurs parties essentielles, des coupes nouvelles de la tête et du cerveau, et une névrologie détaillée. Les tables explicatives, de même grandeur et sur le même papier, contiennent des dissertations et des descriptions de chaque partie. Le prix de l'exemplaire complet en feuilles est de 108 livres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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28
ANATOMIE. EXPOSITION ANATOMIQUE de la structure du corps humain, en vingt grandes Planches imprimées en couleurs naturelles, avec des Tables explicatives très détaillées, par M. GAUTIER, Pensionnaire du Roi, de l'Académie de Dijon, avec privilége de Sa Majesté ; se distribue à Paris chez le sieur Leroy, Marchand , vis-a-vis de la Comédie Françoise, & à Marseille, chez le sieur Feraud, Négociant, rue Caisserie.
29
p. 133-141
CHIRURGIE. LETTRE d'un Élève en Chirurgie de L'HOPITAL DE LA CHARITÉ, à l'Auteur du Mercure, sur l'opération de la Taille.
Début :
MONSIEUR, Les Belles Lettres & les Sciences agréables ne sont pas les seules qui fixent [...]
Mots clefs :
Opération, Succès, Choses utiles, Chirurgie, Frère Cosme
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CHIRURGIE. LETTRE d'un Élève en Chirurgie de L'HOPITAL DE LA CHARITÉ, à l'Auteur du Mercure, sur l'opération de la Taille.
LETTRE d'un Élève en Chirurgie de
L'HOPITAL DE LA CHARITÉ , à
l'Auteur du Mercure , fur l'opération
de la Taille.
MONSIEUR,
-
Les Belles Lettres & les Sciences
agréables ne font pas les feules qui fixent
votre attention ; vous paroiffez mê
me toujours prendre un nouveau plaifir
à inftruire le Public de chofes utiles.
Cette réfléxion me donne lieu d'efpérer
que vous voudrez bien informer ce même
Public, dans votre Mercure prochain,
du fuccès des tailles faites à l'Hôpital de
la Charité avec l'inftrument , & par le
neveu du célébre Frère Cofme.
La grace que je vous demande vous
134 MERCURE DE FRANCE.
,
paroîtra jufte & néceffaire fi vous
voulez bien confidérer qu'elle a pour
objet de répondre à la lettre d'un Éléve
en Chirurgie de Paris inférée à la
page 132 du fecond volume du Mercure
de ce mois , par laquelle on cherche à
jetter des doutes fur la réuffite des opé-.
rations de la taille faites à la Charité par
le Neveu & l'Éléve du Frère Cofme.
Je fuis Eléve en Chirurgie , Monfieur
, ainfi que celui qui a écrit la
lettre dont je vous parle ; mais je fuis
l'un des Éléves de l'Hôpital de la Charité
, & par conféquent témoin & obfervateur
des chofes dont je vais vous
rendre compte.
;
La lettre de mon Confrère à un Mat
tre de Province fe termine par cette
phrafe , en parlant du LITHOTOME
CACHÉ. On s'en eft fervi à la Charité
le neveu du Frère Cofme eft un des Chirurgiens
de eet Hôpital . C'eft pour moi ,
ajoute celui qui écrit , vous en dire affez;
les fuccès vous diront le refte.
,
Eh bien , Monfieur , puifqu'il eft nécéffaire
de les publier ces fuccès. je
veux dire ceux du neveu du Frère Cofme
& ceux de l'excellente méthode
de fon oncle apprenez , je vous en
fupplie , au Public & à mon Confrère
MARS. 1763 . 135
que depuis la déclaration du Roi qui
a rétabli les Réligieux de la Charité
dans leurs premiers droits , quant aux
Chirugiens de leurs Hopitaux , on a
fait dans celui de Paris l'opération de
la taille par la méthode du Frére Cofme
fur des fujets de tout âge & par
différentes mains avec un fuccès égal.
De 14 malades affligés de la pièrre qui
font venu cette année, trois ont été opérés
par M. Bafcilac neveu du Frère Cofme
& Chirurgiens gagnans maîtriſe dans
cet Hôpital , tous trois ont été parfaitement
guéris en moins de 20 jours . N'eftce
pas là de ma part vous en dire affes? pour
qu'il ne foit plus permis à mon Confrère
de laiffer le Public en doute fur
la capacité & les fuccès du neveu du
Frère Cofme à la Charité.
Quatre autres Sujets affligés de la
Pierre ont été opérés par le Religieux
Chirurgien en Chef de cette Maiſon
avec le même lithotome & en fuivant
les préceptes du Frère Cofme . Trois ont
été guéris avec le plus grand fuccès. Un
feul a péri plus de douze jours après fon
opération , des fuites d'une fiévre putride
furvenue après l'opération . On a
trouvé après fa mort plus d'une chopine
de férofité bilieufe & purulente épan136
MERCURE DE FRANCE.
chée dans la poitrine du défunt dont
les poulmons étoient remplis de tubercules
partie en fuppuration & partie
dans l'état d'endurciffement ; les parties
opérées ont été examinées trèsfcrupuleuſement
& ont été trouvées fans
aucune lézion ; la caufe de mort enfin
a été déclarée celle du vice de lapoitrine.
Un procès verbal figné des Médecins, &
du Maître en Chirurgie de la maiſon,fait
la preuve légale de ce que j'ai l'honneur
de vous dire fur la mort de celui des
quatre malades opérés de la pierre à la
Charité par le Religieux Chirurgien en
chef , avec l'inftrument du Frère Cofme
& en fuivant fa méthode .
Sept autres Sujets également affligés
de la pierre , ont été opérés avec l'inftrument
du Frère Cofme , par M. Sue ,
Chirurgien-Major du même Hôpital ;
cinq ont également guéri en peu de
temps , ainfi que cela eft ordinaire , par
l'excellente méthode de Frère Cofme
quand il n'arrive pas d'accidens étrangers
à l'opération ; un des fept , opéré
par M. Sue , eft mort plufieurs jours
après l'opération ; c'étoit un vieillard de
plus de foixante- dix ans ; il étoit affligé
de la pierre depuis fa naiffance . MM.
Sue , Bafcilac & le Religieux Chirur
MARS. 1763.
137
gien en chef firent l'impoffible pour perfuader
au malade d'achever fa carrière
avec fon ennemi. Mais le malade preffé
par les plus vives douleurs répondit
qu'il ne pouvoit plus y furvivre & qu'il
vouloit courir les rifques de l'opération .
La charité des Religieux les força à recevoir
le malade ; mais la prudence des
Chirurgiens les détermina à demander
l'affiftance des Médecins & des Chirurgiens
confultans de la Maiſon. M. Pibrac
, l'un des deux Chirurgiens confultans
, fe rendit à l'invitation avec MM .
Verdelhan & Maloette , Médecins ordinaires
de la Charité. Tous virent un
vieillard décrépit & défféché ; M. Pibrac
reconnut une Pierre d'un diamètre confidérable.
On opina pour la néceffité de
l'opération ; le malade fut préparé , &
M. Sue l'opéra. Il tira plufieurs fragmens
de pierre & il toucha enfuite au
fond de la veffie une maffe dure qui
fut imprenable par les tenettes ; la foibleffe
du malade ne permit pas de faire
de plus longues tentatives ; on le porta
au lit & il mourut fix jours après ; fa foibleffe
n'ayant pas permis de faire aucune
autre tentative pour tirer la maffe
l'on avoit été forcé de laiffer.
que
Je laiffe à MM , les Médecins & aux
138 MERCURE DE FRANCE.
Chirurgiens de l'Hôpital de la Charité
à apprendre au Public ainfi qu'aux
Maîtres de l'art de la Ville & des Provinces
, s'il étoit aucun moyen poffible
pour opérer non-feulement la guériſon
du malade , mais encore de faire l'extraction
de cette portion de pièrre fermée
& refferrée dans le fond de la
veffie par le rétréciffement d'une portion
de la veffie qui s'étoit racornie &
qui ne formoit plus qu'une enveloppe
ferrée , ou pour mieux figurer la chofe
le moule dur & racorni de la maffe de
pièrre que M. Sue n'avoit pu extraire
dans l'opération . C'eſt par
l'ouverture
du cadavre qu'on a manifefté cette vésité.
Le feptiéme malade affligé de la pièrre
& opéré par M. Sue n'eft pas à la vérité
fans danger au moment préfent ;
c'eft un homme d'un tempérament noir
& bilieux , qui depuis fon bas âge eſt
fujet à des coliques , & à des rétentions
d'urine ; il a été fondé ; la pièrre
a été reconnue ; il a été opéré . M.
Sue a retiré plufieurs fragmens de pièrre .
Le Malade a été pendant les douze
premiers jours de l'opération fans douleurs
, fans fiévre & avec appétit ; il
lui eft furvenu depuis des douleurs aux.
MARS. 1763. 139
reins , aux hypocondres , un vomiffemens
avec des friffons qui font fuivis
de fiévre avec chaleur ; les urines paffent
néanmoins avec abondance dans
les momens de relâche & plus volontiers
par la voye ordinaire que par la
plaie.
Tels font , Mr , les fuites exactes des
opérations de la pierre que j'ai vu faire
à la Charité depuis l'année derniere par .
la méthode du Frère Cofme.
Il ne faut cependant pas croire que
nos Maîtres à la Charité ne fçachent fe
fervir que du lithotome caché ; ( car par
exemple , ) deux malades qui avoient
chacun une pierre confidérable engagée
au col de la veffie , ont été opérés au
petit appareil par M. Sue : mais ils ont
été traités à la méthode du Frère Cofme ,
je veux dire , fans leur faire fouffrir aucun
panfement , & ils ont été tous deux
parfaitement guéris en peu de temps .
Le premier de ces deux malades avoit
été ci- devant opéré trois fois ; la premiere
par feu M. de la Peyronie , la feconde
par M. le Cat , & la troifiéme par
feu M. Thomas . Le malade a déclaré qu'à
chaque opération il avoit été panfé , &
qu'à chaque fois il étoit demeuré à guérir
plus de fept & huit femaines ; au lieu,
140 MERCURE DE FRANCE .
·
qu'à la quatriéme opération par laquelle
M. Sue a fait l'extraction d'une pierre
d'un volume plus gros que celui d'un
euf de poule , la guérifon parfaite du
malade s'eft opérée en trois femaines
de temps
.
Le fecond de ces deux malades opéré
au petit appareil , a eu le même fuccès
que le premier fans avoir été panfé.
Voila encore une fois , Monfieur
ce que j'ai obfervé à la Charité depuis
que l'on y pratique l'opération de la
taille avec l'inftrument du Frère Cofme
& en fuivant fes maximes. J'y trouve
des avantages ineftimables pour opérer
les vivans ; mais comme mon confrère
nous apprend dans fa Lettre à un Maître
de Province , qu'en prenant d'une
main le Lithotome caché, & de l'autre
les Mémoires de l'Académie de Chirur
gie , on fent en opérant SUR LES CADAVRES
, naître fous la main tous les
dangers de cet inftrument. J'ai fait emplette
de l'un & de l'autre pour m'éffayer
cet hyver fur des cadavres , & fuivant
littéralement les Mémoires de l'Académie
de Chirurgie ; mais je vous affure ,
Monfieur , que fi je m'apperçois qu'en
fuivant ce qui nous eft préfcrit dans
ces Mémoires il en naiffe fous- la
2.
MARS. 1763. 141
main les dangers , que mon confrère
nous annonce pour les cadavres , je
fupprimerai les Mémoires de l'Académie
de ma bibliothèque , & je garderai
l'excellent Lithotome caché du Frère Cofme
, pour m'en fervir à la façon de
nos Maîtres de la Charité qui s'en fervent
pour les vivans avec les plus
grands avantages fans aucun danger &
avec un fuccès plus certain que toutes
les autres méthodes.
>
J'ai l'honneur d'être , & c.
A Paris , ce 26 Octobre 1762 .
L'HOPITAL DE LA CHARITÉ , à
l'Auteur du Mercure , fur l'opération
de la Taille.
MONSIEUR,
-
Les Belles Lettres & les Sciences
agréables ne font pas les feules qui fixent
votre attention ; vous paroiffez mê
me toujours prendre un nouveau plaifir
à inftruire le Public de chofes utiles.
Cette réfléxion me donne lieu d'efpérer
que vous voudrez bien informer ce même
Public, dans votre Mercure prochain,
du fuccès des tailles faites à l'Hôpital de
la Charité avec l'inftrument , & par le
neveu du célébre Frère Cofme.
La grace que je vous demande vous
134 MERCURE DE FRANCE.
,
paroîtra jufte & néceffaire fi vous
voulez bien confidérer qu'elle a pour
objet de répondre à la lettre d'un Éléve
en Chirurgie de Paris inférée à la
page 132 du fecond volume du Mercure
de ce mois , par laquelle on cherche à
jetter des doutes fur la réuffite des opé-.
rations de la taille faites à la Charité par
le Neveu & l'Éléve du Frère Cofme.
Je fuis Eléve en Chirurgie , Monfieur
, ainfi que celui qui a écrit la
lettre dont je vous parle ; mais je fuis
l'un des Éléves de l'Hôpital de la Charité
, & par conféquent témoin & obfervateur
des chofes dont je vais vous
rendre compte.
;
La lettre de mon Confrère à un Mat
tre de Province fe termine par cette
phrafe , en parlant du LITHOTOME
CACHÉ. On s'en eft fervi à la Charité
le neveu du Frère Cofme eft un des Chirurgiens
de eet Hôpital . C'eft pour moi ,
ajoute celui qui écrit , vous en dire affez;
les fuccès vous diront le refte.
,
Eh bien , Monfieur , puifqu'il eft nécéffaire
de les publier ces fuccès. je
veux dire ceux du neveu du Frère Cofme
& ceux de l'excellente méthode
de fon oncle apprenez , je vous en
fupplie , au Public & à mon Confrère
MARS. 1763 . 135
que depuis la déclaration du Roi qui
a rétabli les Réligieux de la Charité
dans leurs premiers droits , quant aux
Chirugiens de leurs Hopitaux , on a
fait dans celui de Paris l'opération de
la taille par la méthode du Frére Cofme
fur des fujets de tout âge & par
différentes mains avec un fuccès égal.
De 14 malades affligés de la pièrre qui
font venu cette année, trois ont été opérés
par M. Bafcilac neveu du Frère Cofme
& Chirurgiens gagnans maîtriſe dans
cet Hôpital , tous trois ont été parfaitement
guéris en moins de 20 jours . N'eftce
pas là de ma part vous en dire affes? pour
qu'il ne foit plus permis à mon Confrère
de laiffer le Public en doute fur
la capacité & les fuccès du neveu du
Frère Cofme à la Charité.
Quatre autres Sujets affligés de la
Pierre ont été opérés par le Religieux
Chirurgien en Chef de cette Maiſon
avec le même lithotome & en fuivant
les préceptes du Frère Cofme . Trois ont
été guéris avec le plus grand fuccès. Un
feul a péri plus de douze jours après fon
opération , des fuites d'une fiévre putride
furvenue après l'opération . On a
trouvé après fa mort plus d'une chopine
de férofité bilieufe & purulente épan136
MERCURE DE FRANCE.
chée dans la poitrine du défunt dont
les poulmons étoient remplis de tubercules
partie en fuppuration & partie
dans l'état d'endurciffement ; les parties
opérées ont été examinées trèsfcrupuleuſement
& ont été trouvées fans
aucune lézion ; la caufe de mort enfin
a été déclarée celle du vice de lapoitrine.
Un procès verbal figné des Médecins, &
du Maître en Chirurgie de la maiſon,fait
la preuve légale de ce que j'ai l'honneur
de vous dire fur la mort de celui des
quatre malades opérés de la pierre à la
Charité par le Religieux Chirurgien en
chef , avec l'inftrument du Frère Cofme
& en fuivant fa méthode .
Sept autres Sujets également affligés
de la pierre , ont été opérés avec l'inftrument
du Frère Cofme , par M. Sue ,
Chirurgien-Major du même Hôpital ;
cinq ont également guéri en peu de
temps , ainfi que cela eft ordinaire , par
l'excellente méthode de Frère Cofme
quand il n'arrive pas d'accidens étrangers
à l'opération ; un des fept , opéré
par M. Sue , eft mort plufieurs jours
après l'opération ; c'étoit un vieillard de
plus de foixante- dix ans ; il étoit affligé
de la pierre depuis fa naiffance . MM.
Sue , Bafcilac & le Religieux Chirur
MARS. 1763.
137
gien en chef firent l'impoffible pour perfuader
au malade d'achever fa carrière
avec fon ennemi. Mais le malade preffé
par les plus vives douleurs répondit
qu'il ne pouvoit plus y furvivre & qu'il
vouloit courir les rifques de l'opération .
La charité des Religieux les força à recevoir
le malade ; mais la prudence des
Chirurgiens les détermina à demander
l'affiftance des Médecins & des Chirurgiens
confultans de la Maiſon. M. Pibrac
, l'un des deux Chirurgiens confultans
, fe rendit à l'invitation avec MM .
Verdelhan & Maloette , Médecins ordinaires
de la Charité. Tous virent un
vieillard décrépit & défféché ; M. Pibrac
reconnut une Pierre d'un diamètre confidérable.
On opina pour la néceffité de
l'opération ; le malade fut préparé , &
M. Sue l'opéra. Il tira plufieurs fragmens
de pierre & il toucha enfuite au
fond de la veffie une maffe dure qui
fut imprenable par les tenettes ; la foibleffe
du malade ne permit pas de faire
de plus longues tentatives ; on le porta
au lit & il mourut fix jours après ; fa foibleffe
n'ayant pas permis de faire aucune
autre tentative pour tirer la maffe
l'on avoit été forcé de laiffer.
que
Je laiffe à MM , les Médecins & aux
138 MERCURE DE FRANCE.
Chirurgiens de l'Hôpital de la Charité
à apprendre au Public ainfi qu'aux
Maîtres de l'art de la Ville & des Provinces
, s'il étoit aucun moyen poffible
pour opérer non-feulement la guériſon
du malade , mais encore de faire l'extraction
de cette portion de pièrre fermée
& refferrée dans le fond de la
veffie par le rétréciffement d'une portion
de la veffie qui s'étoit racornie &
qui ne formoit plus qu'une enveloppe
ferrée , ou pour mieux figurer la chofe
le moule dur & racorni de la maffe de
pièrre que M. Sue n'avoit pu extraire
dans l'opération . C'eſt par
l'ouverture
du cadavre qu'on a manifefté cette vésité.
Le feptiéme malade affligé de la pièrre
& opéré par M. Sue n'eft pas à la vérité
fans danger au moment préfent ;
c'eft un homme d'un tempérament noir
& bilieux , qui depuis fon bas âge eſt
fujet à des coliques , & à des rétentions
d'urine ; il a été fondé ; la pièrre
a été reconnue ; il a été opéré . M.
Sue a retiré plufieurs fragmens de pièrre .
Le Malade a été pendant les douze
premiers jours de l'opération fans douleurs
, fans fiévre & avec appétit ; il
lui eft furvenu depuis des douleurs aux.
MARS. 1763. 139
reins , aux hypocondres , un vomiffemens
avec des friffons qui font fuivis
de fiévre avec chaleur ; les urines paffent
néanmoins avec abondance dans
les momens de relâche & plus volontiers
par la voye ordinaire que par la
plaie.
Tels font , Mr , les fuites exactes des
opérations de la pierre que j'ai vu faire
à la Charité depuis l'année derniere par .
la méthode du Frère Cofme.
Il ne faut cependant pas croire que
nos Maîtres à la Charité ne fçachent fe
fervir que du lithotome caché ; ( car par
exemple , ) deux malades qui avoient
chacun une pierre confidérable engagée
au col de la veffie , ont été opérés au
petit appareil par M. Sue : mais ils ont
été traités à la méthode du Frère Cofme ,
je veux dire , fans leur faire fouffrir aucun
panfement , & ils ont été tous deux
parfaitement guéris en peu de temps .
Le premier de ces deux malades avoit
été ci- devant opéré trois fois ; la premiere
par feu M. de la Peyronie , la feconde
par M. le Cat , & la troifiéme par
feu M. Thomas . Le malade a déclaré qu'à
chaque opération il avoit été panfé , &
qu'à chaque fois il étoit demeuré à guérir
plus de fept & huit femaines ; au lieu,
140 MERCURE DE FRANCE .
·
qu'à la quatriéme opération par laquelle
M. Sue a fait l'extraction d'une pierre
d'un volume plus gros que celui d'un
euf de poule , la guérifon parfaite du
malade s'eft opérée en trois femaines
de temps
.
Le fecond de ces deux malades opéré
au petit appareil , a eu le même fuccès
que le premier fans avoir été panfé.
Voila encore une fois , Monfieur
ce que j'ai obfervé à la Charité depuis
que l'on y pratique l'opération de la
taille avec l'inftrument du Frère Cofme
& en fuivant fes maximes. J'y trouve
des avantages ineftimables pour opérer
les vivans ; mais comme mon confrère
nous apprend dans fa Lettre à un Maître
de Province , qu'en prenant d'une
main le Lithotome caché, & de l'autre
les Mémoires de l'Académie de Chirur
gie , on fent en opérant SUR LES CADAVRES
, naître fous la main tous les
dangers de cet inftrument. J'ai fait emplette
de l'un & de l'autre pour m'éffayer
cet hyver fur des cadavres , & fuivant
littéralement les Mémoires de l'Académie
de Chirurgie ; mais je vous affure ,
Monfieur , que fi je m'apperçois qu'en
fuivant ce qui nous eft préfcrit dans
ces Mémoires il en naiffe fous- la
2.
MARS. 1763. 141
main les dangers , que mon confrère
nous annonce pour les cadavres , je
fupprimerai les Mémoires de l'Académie
de ma bibliothèque , & je garderai
l'excellent Lithotome caché du Frère Cofme
, pour m'en fervir à la façon de
nos Maîtres de la Charité qui s'en fervent
pour les vivans avec les plus
grands avantages fans aucun danger &
avec un fuccès plus certain que toutes
les autres méthodes.
>
J'ai l'honneur d'être , & c.
A Paris , ce 26 Octobre 1762 .
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Résumé : CHIRURGIE. LETTRE d'un Élève en Chirurgie de L'HOPITAL DE LA CHARITÉ, à l'Auteur du Mercure, sur l'opération de la Taille.
Un élève en chirurgie de l'Hôpital de la Charité répond à une lettre précédente qui mettait en doute les succès des opérations de la taille réalisées à l'hôpital par le neveu du célèbre Frère Côme. L'élève, témoin des opérations, rapporte les succès obtenus grâce à la méthode du Frère Côme. Depuis la déclaration royale rétablissant les droits des Religieux de la Charité, plusieurs opérations de la taille ont été réalisées avec succès. Sur 14 malades, trois opérés par M. Bafcilac, neveu du Frère Côme, ont été guéris en moins de 20 jours. Quatre autres, opérés par le Religieux Chirurgien en Chef, ont également connu un succès, avec un seul décès attribué à des complications pulmonaires. Sept autres malades opérés par M. Sue ont majoritairement guéri, avec un décès dû à la faiblesse du patient. L'élève souligne les avantages de la méthode du Frère Côme, qui évite les pansements douloureux et permet une guérison rapide. Il mentionne également des opérations réussies avec le petit appareil, suivant les préceptes du Frère Côme. L'élève conclut en affirmant la supériorité de la méthode du Frère Côme pour les opérations sur les vivants, malgré les dangers signalés sur les cadavres.
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30
p. 152-157
GÉOGRAPHIE.
Début :
PLAN de la Ville & Fauxbourgs de Paris, divisè en vingt Quartiers, dont [...]
Mots clefs :
Auteur, Ville, Atlas, Paris, Faubourgs, Veau
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texteReconnaissance textuelle : GÉOGRAPHIE.
GÉOGRAPHIE.
PLAN de la Ville & Fauxbourgs de
Paris , divifè en vingt Quartiers , dont
la plus grande partie a été rectifiée d'après
les différens deffeins , levés géométriquement
, tirés du Cabinet de M.
le Chevalier de Beaurain , Géographe
AVRIL. 1763. 153
Ordinaire du Roi , & de beaucoup
d'obfervations faites fur les lieux par
l'Auteur , qui ont fervi a réformer plufieur
obmiffions qu'on a laiffé ſubfifter
dans ceux qui ont précédé celui- ci.
L'on y a joint celles qui indiquent les
Meffageries , les Coches , Caroffes &
Rouliers des différens endroits de la
France & le jour de leur départ , les
Boëtes aux lettres de la Grande- Pofte &
les principaux paffages d'une rue à l'autre
: Ouvrage utile à toutes perfonnes ,
principalement à celles de Cabinet . Dédié
& préfenté à Meffire LE CAMUS DE
PONTCARRÉ, Seigneur de Viarme ,&e.
Confeiller d'Etat , Prévôt des Marchands
, par le Sieur DE HARME ,
Topographe du Roi.
On y a joint un Plan général de la
Ville , Cité , Univerfité & Fauxbourgs
de Paris , divifé en vingt Quartiers ,
fait pour fervir à orienter les trentecinq
feuilles du grand Plan de Paris.
Se vend chez l'Auteur , rue S. Honoré
, paffage des Grandes Ecuries du
Roi , vis-à -vis S. Roch , & chez le
fieur Lattré , Graveur , rue S. Jacques ,
près la Fontaine S. Severin , à la Ville
de Bordeaux .
Nous ne pouvons mieux faire l'élo-
Gv
154 MERCURE DE FRANCE .
圈
ge de cet Ouvrage , qu'en rapportant
le Brevet accordé par Sa Majefté à.
l'Auteur.
!
Aujourd'hui cinq Mars mil fept cent
foixante-trois , le Roi étant à Verſailles ,
voulant donner au Sieur Louis - François
DE HARME , une marque de fa
bienveillance , & mettant d'ailleurs en
confidération les progrès qu'il a faits
dans la Topographie , reconnus par
les ouvrages qu'il a donnés & particulièrement
par le Plan de la Ville de
Paris , qu'il a levé & diftribué en cinquante
feuilles , indépendamment de
plufieurs autres plans agréables & utiles:
Sa Majefté toujours attentive à récompenſer
le mérite & les talens , a accordé
audit fieur de Harme , le titre de
Topographe de Sa Majefté , lui permet
d'en prendre la qualité en tous.
lieux & à fes Héritiers ; & pour af
furance de fà volonté , Sa Majesté m'a
commandé de lui expédier le préfent
Brevet , qu'elle a figné de fa main-
& fait contrefigner par moi Confeiller
Secrétaire d'Etat & de fes Commandemens
& Finances.
-
Le fieur Latré , Graveur , ci- devant
au coin de la rue de la Parcheminerie ,
AVRIL. 1763. 155
& actuellement demeurant rue S. Jacques
, près la Fontaine S. Severin , du
côté de la rue Galande , à l'Enfeigne
de la Ville de Bordeaux ; vient de mettre
au jour une Carte marine des Côtes
d'Angleterre , d'Ecoffe & d'Irlande , dédiée
à S. A. S.Mgr le Duc de Penthiévre,
avec une Analyfe des principaux fondemens
fur lesquels cette Carte eft appuyée.
M. Bonne , Auteur de cer Ouvrage
, a eu égard dans la projection à
l'applatiffement de la terre vers les Poles
Pour rendre cette Carte plus intéreffante
& plus utile , il y a marqué les fondes,
la variation de l'aiguille aimantée, l'heure
& la hauteur des marées.
Le fieur Lattré a publié l'Atlas mo
derne , format in -fol. de Librairie , pour
fervir à la Géographie de M. l'Abbé
Nicole de la Croix & à toute : a
autre Géographie , pour lire les voyageurs
& fuivre les opérations militaires;
il eft auffi utile pour l'hiftoire moderne .
Il fe vend relié en carton 19 liv . 10 f...
en veau 24 liv . en papier fin lavé . & .
relié en veau , 30 liv.
L'Atlas militaire de toutes les Côtes
de France , avec le plan des Villes &
principaux Ports de ce Royaume , relié
en veau , 9 liv . en papier d'hollande
G-vj
156 MERCURE DE FRANCE.
(
lavé & relié en maroquin , 15 liv.
L'Atlas topographique des Environs
de Paris , en 24 feuilles , avec une Table
alphabétique , relié en veau 6 liv.
lavé & relié en maroquin , 10 liv. 4 f.
collé fur taffetas , lavé avec étui 10 liv.
fur toile avec étui fans lavure 6 1. avec
lavure 8 l. 10 f.
L'Atlas , ou Etrènnes Géographiques,
contenant la Mappemonde , les 4 Parties
& les Etats d'Europe augmenté cetre
année de 4 Cartes & un Traité de
Sphère , relié en veau 9 liv . 10 f. en
maroquin II liv .
L'Atlas militaire , où font marqués
les marches & campemens des Armées ,
avec un journal depuis le commencement
de la derniere guerre jufqu'aux
préliminaires de la Paix fignée le trois
Novembre dernier.
Un petit plan de Paris , au même
point d'échelle que ceux de l'Atlas maritime
, que l'on peut joindre aux différens
Atlas ci - deffus. Il fe vend féparément
, lavé , 2 liv . 10 f. monté fous
verre 4 liv. ou 4 liv . 10 f.fuivant la bor
dure.
On trouve auffi dans fon fond différentes
Mappe-mondes , les quatre parties
& les différens Etats d'Europe avec
AVRIL. 1763. 157
plufieurs plans de Ville , le tout en grandes
feuilles d'Atlas ordinaire , il a auffi
des Cartes de différens Auteurs.
PLAN de la Ville & Fauxbourgs de
Paris , divifè en vingt Quartiers , dont
la plus grande partie a été rectifiée d'après
les différens deffeins , levés géométriquement
, tirés du Cabinet de M.
le Chevalier de Beaurain , Géographe
AVRIL. 1763. 153
Ordinaire du Roi , & de beaucoup
d'obfervations faites fur les lieux par
l'Auteur , qui ont fervi a réformer plufieur
obmiffions qu'on a laiffé ſubfifter
dans ceux qui ont précédé celui- ci.
L'on y a joint celles qui indiquent les
Meffageries , les Coches , Caroffes &
Rouliers des différens endroits de la
France & le jour de leur départ , les
Boëtes aux lettres de la Grande- Pofte &
les principaux paffages d'une rue à l'autre
: Ouvrage utile à toutes perfonnes ,
principalement à celles de Cabinet . Dédié
& préfenté à Meffire LE CAMUS DE
PONTCARRÉ, Seigneur de Viarme ,&e.
Confeiller d'Etat , Prévôt des Marchands
, par le Sieur DE HARME ,
Topographe du Roi.
On y a joint un Plan général de la
Ville , Cité , Univerfité & Fauxbourgs
de Paris , divifé en vingt Quartiers ,
fait pour fervir à orienter les trentecinq
feuilles du grand Plan de Paris.
Se vend chez l'Auteur , rue S. Honoré
, paffage des Grandes Ecuries du
Roi , vis-à -vis S. Roch , & chez le
fieur Lattré , Graveur , rue S. Jacques ,
près la Fontaine S. Severin , à la Ville
de Bordeaux .
Nous ne pouvons mieux faire l'élo-
Gv
154 MERCURE DE FRANCE .
圈
ge de cet Ouvrage , qu'en rapportant
le Brevet accordé par Sa Majefté à.
l'Auteur.
!
Aujourd'hui cinq Mars mil fept cent
foixante-trois , le Roi étant à Verſailles ,
voulant donner au Sieur Louis - François
DE HARME , une marque de fa
bienveillance , & mettant d'ailleurs en
confidération les progrès qu'il a faits
dans la Topographie , reconnus par
les ouvrages qu'il a donnés & particulièrement
par le Plan de la Ville de
Paris , qu'il a levé & diftribué en cinquante
feuilles , indépendamment de
plufieurs autres plans agréables & utiles:
Sa Majefté toujours attentive à récompenſer
le mérite & les talens , a accordé
audit fieur de Harme , le titre de
Topographe de Sa Majefté , lui permet
d'en prendre la qualité en tous.
lieux & à fes Héritiers ; & pour af
furance de fà volonté , Sa Majesté m'a
commandé de lui expédier le préfent
Brevet , qu'elle a figné de fa main-
& fait contrefigner par moi Confeiller
Secrétaire d'Etat & de fes Commandemens
& Finances.
-
Le fieur Latré , Graveur , ci- devant
au coin de la rue de la Parcheminerie ,
AVRIL. 1763. 155
& actuellement demeurant rue S. Jacques
, près la Fontaine S. Severin , du
côté de la rue Galande , à l'Enfeigne
de la Ville de Bordeaux ; vient de mettre
au jour une Carte marine des Côtes
d'Angleterre , d'Ecoffe & d'Irlande , dédiée
à S. A. S.Mgr le Duc de Penthiévre,
avec une Analyfe des principaux fondemens
fur lesquels cette Carte eft appuyée.
M. Bonne , Auteur de cer Ouvrage
, a eu égard dans la projection à
l'applatiffement de la terre vers les Poles
Pour rendre cette Carte plus intéreffante
& plus utile , il y a marqué les fondes,
la variation de l'aiguille aimantée, l'heure
& la hauteur des marées.
Le fieur Lattré a publié l'Atlas mo
derne , format in -fol. de Librairie , pour
fervir à la Géographie de M. l'Abbé
Nicole de la Croix & à toute : a
autre Géographie , pour lire les voyageurs
& fuivre les opérations militaires;
il eft auffi utile pour l'hiftoire moderne .
Il fe vend relié en carton 19 liv . 10 f...
en veau 24 liv . en papier fin lavé . & .
relié en veau , 30 liv.
L'Atlas militaire de toutes les Côtes
de France , avec le plan des Villes &
principaux Ports de ce Royaume , relié
en veau , 9 liv . en papier d'hollande
G-vj
156 MERCURE DE FRANCE.
(
lavé & relié en maroquin , 15 liv.
L'Atlas topographique des Environs
de Paris , en 24 feuilles , avec une Table
alphabétique , relié en veau 6 liv.
lavé & relié en maroquin , 10 liv. 4 f.
collé fur taffetas , lavé avec étui 10 liv.
fur toile avec étui fans lavure 6 1. avec
lavure 8 l. 10 f.
L'Atlas , ou Etrènnes Géographiques,
contenant la Mappemonde , les 4 Parties
& les Etats d'Europe augmenté cetre
année de 4 Cartes & un Traité de
Sphère , relié en veau 9 liv . 10 f. en
maroquin II liv .
L'Atlas militaire , où font marqués
les marches & campemens des Armées ,
avec un journal depuis le commencement
de la derniere guerre jufqu'aux
préliminaires de la Paix fignée le trois
Novembre dernier.
Un petit plan de Paris , au même
point d'échelle que ceux de l'Atlas maritime
, que l'on peut joindre aux différens
Atlas ci - deffus. Il fe vend féparément
, lavé , 2 liv . 10 f. monté fous
verre 4 liv. ou 4 liv . 10 f.fuivant la bor
dure.
On trouve auffi dans fon fond différentes
Mappe-mondes , les quatre parties
& les différens Etats d'Europe avec
AVRIL. 1763. 157
plufieurs plans de Ville , le tout en grandes
feuilles d'Atlas ordinaire , il a auffi
des Cartes de différens Auteurs.
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Résumé : GÉOGRAPHIE.
Le document présente un plan de la ville de Paris et de ses faubourgs, divisé en vingt quartiers, rectifié à partir de divers relevés géométriques et observations personnelles. Ce plan, daté d'avril 1763, inclut des informations détaillées sur les messageries, les coches, les carrosses et les rouleurs des différents endroits de la France, ainsi que les jours de départ, les boîtes aux lettres de la Grande-Poste et les principaux passages d'une rue à l'autre. Il est dédié à Monsieur Le Camus de Pontcarré, Seigneur de Viarme, Conseiller d'État et Prévôt des Marchands, et présenté par le Sieur De Harme, Topographe du Roi. Un plan général de la ville, de la Cité, de l'Université et des faubourgs de Paris est également inclus pour orienter les trente-cinq feuilles du grand plan de Paris. Le texte mentionne un brevet accordé par le Roi à Louis-François De Harme, le nommant Topographe du Roi en mars 1763. De plus, le Sieur Lattré, Graveur, a publié diverses cartes et atlas, notamment une carte marine des côtes d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande, un Atlas moderne, un Atlas militaire des côtes de France, un Atlas topographique des environs de Paris, et un Atlas militaire des marches et campements des armées. Ces ouvrages sont disponibles à la vente chez l'auteur et chez le Sieur Lattré.
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