Résultats : 8 texte(s)
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1
p. 174-177
SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES,
Début :
LE Mardi 1 Février les Comédiens François représenterent le Glorieux [...]
Mots clefs :
Comédie, Spectacles, Ballet, Musique
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texteReconnaissance textuelle : SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES,
SPECTACLES DE LA COUR A VER
SAILLES,
LE Mardi 1 Février les Comédiens
François repréfenterent le Glorieux
Comédie en cinq Actes & en vers du
feu fieur NÉRICAULT DESTOUCHES .
Le fieur BELCOUR y jouoit le principal
rôle ( a ) . Pour feconde Piéce les
Orignaux , Comédie en un Acte , en
profe , du feu fieur FAGAN (b).
(a) Premiére Repréſentation en 17320
(b ) En 1737.
}
座
MARS. 1763. 175
€ Le Mercredi il n'y a point eu de
fpectacle à caufe de la Fête .
Le Jeudi les mêmes Comédiens re-
3
préfenterent Zulime , Tragédie du fieur
de VOLTAIRE (c). La Dile CLAIRON
jouoit le rôle de Zulime. La Dlle Du-
BOIS celui d'Atide ; la Dile PREVILLE
celui de Serame. Les rôles de Benafar
& de fon confident étoient remplis par
les fieurs BRISART & DUBOIS : ceux
de Ramir & du Confident, par les fieurs
le KAIN & d'AUBERVAL. La Tragédie
fut fuivie de l'Indifcret , Comédie
en un Acte en vers du même Auteur
(d) ..
"
Le Mardi 8 on repréfenta l'Esprit
follet , Comédie en 5 Actes & en vers
du feu fieur HAUTEROCHE ( e) , qui
fut fuivie du Cocherfuppofé (f) , Comédie
en un Acte & en profe du même
Auteur.
Le lendemain 9 les Comédiens Italiens
repréſenterent la Cantatrice , Comédie
Italienne , dans laquelle la Dlle
PICCINELLI exécutoit le rôle de Cantatrice.
Cette Comédie précédoit Ver-
(c) En 2740.
( d) En 1725.11
( e )En 1684.
f)Dans la même année.
Ħ iv
176 MERCURE DE FRANCE.
tumne & Pomone , ballet en un Acte ;
( extrait du ballet des Elémens ) repréfenté
par l'Académie Royale de Mufique
, conjointement avec la Mufique du
Roi. Le Poëme de ce Ballet eft du fieur
ROY , Chevalier de l'Ordre de S. Michel.
La Mufique , du feu fieur DESTOUCHES
. Les rôles de Vertumne & de
Pan furent exécutés par les fieurs GELIOTE
& GELIN ; celui de Pomone
par la Dile ARNOULD. Les Grâces &
l'expreffion des chants de ce ballet , l'ef
prit & l'agrément qui régnent dans le
Poëme , les talens fi connus & fi admirés
des Acteurs qui en rendoient les
principaux rôles , tant de charmes réunis
ne pouvoient manquer de plaire & de
rendre cette repréſentation très-agréable.
La Dlle LANI danfoit feule une
principale entrée dans les Bergeres . Le
fieur CAMPIONI & la Dlle DUMONCEAU
un pas de deux, Les fieurs LAVAL
& GARDEL danfoient dans les
Faunes , ainfi que les fieurs d'AUBERVAL
, GROSSET & CAMPIONI . Le
fieur LANI & la Dlle ALLARD exécutoient
les principales entrées dans les
Paftres.
"
Le Jeudi 10 , les Comédiens François
repréſenterent Mérope , Tragédie du
fieur de VOLTAIRE , dans laquelle la
MARS. 1763 . 177
Dlle DUMESNIL joua le rôle de Mérope.
(g).
Pour feconde Pièce le Galant Coureur
, Comédie en un Acte en profe du
feu fieur le GRAND ( h ) . Le fieur Mo-
LE y jouoit le principal rôle .
Le Mardi 15 , dernier jour du Carnaval
, par extraordinaire , les Sujets de la
Comédie Italienne -exécuterent à la
Cour deux Opéra- Comiques ; le Roi &
le Fermier , Paroles du fieur SEDAINE ,
Mufique du fieur MONCIGNI & On ne
s'avife jamais de tout.
On donnera dans le Mercure prochain
le Journal des autres repréfentations
jufques à la clôture.
.. N. B. Nous n'avons fait qu'annoncer
fommairement , dans le précédent
Vol. les premiers BALS DE LA COUR.
Nous ne doutons pas que nos Lecteurs
n'en defirent une relation détaillée jufques
à la fin du Carnaval : mais comme
ce genre de Spectacles doit à tous égards
être diftingué des repréfentations theatrales
dont nous venons de rendre compte
, on en a fait un Article particulier.
que l'on trouvera après notre Article des
Théâtres & autres Spectacles ordinaires .
(g) Première fois en 1743-
(h) En 1722.
SAILLES,
LE Mardi 1 Février les Comédiens
François repréfenterent le Glorieux
Comédie en cinq Actes & en vers du
feu fieur NÉRICAULT DESTOUCHES .
Le fieur BELCOUR y jouoit le principal
rôle ( a ) . Pour feconde Piéce les
Orignaux , Comédie en un Acte , en
profe , du feu fieur FAGAN (b).
(a) Premiére Repréſentation en 17320
(b ) En 1737.
}
座
MARS. 1763. 175
€ Le Mercredi il n'y a point eu de
fpectacle à caufe de la Fête .
Le Jeudi les mêmes Comédiens re-
3
préfenterent Zulime , Tragédie du fieur
de VOLTAIRE (c). La Dile CLAIRON
jouoit le rôle de Zulime. La Dlle Du-
BOIS celui d'Atide ; la Dile PREVILLE
celui de Serame. Les rôles de Benafar
& de fon confident étoient remplis par
les fieurs BRISART & DUBOIS : ceux
de Ramir & du Confident, par les fieurs
le KAIN & d'AUBERVAL. La Tragédie
fut fuivie de l'Indifcret , Comédie
en un Acte en vers du même Auteur
(d) ..
"
Le Mardi 8 on repréfenta l'Esprit
follet , Comédie en 5 Actes & en vers
du feu fieur HAUTEROCHE ( e) , qui
fut fuivie du Cocherfuppofé (f) , Comédie
en un Acte & en profe du même
Auteur.
Le lendemain 9 les Comédiens Italiens
repréſenterent la Cantatrice , Comédie
Italienne , dans laquelle la Dlle
PICCINELLI exécutoit le rôle de Cantatrice.
Cette Comédie précédoit Ver-
(c) En 2740.
( d) En 1725.11
( e )En 1684.
f)Dans la même année.
Ħ iv
176 MERCURE DE FRANCE.
tumne & Pomone , ballet en un Acte ;
( extrait du ballet des Elémens ) repréfenté
par l'Académie Royale de Mufique
, conjointement avec la Mufique du
Roi. Le Poëme de ce Ballet eft du fieur
ROY , Chevalier de l'Ordre de S. Michel.
La Mufique , du feu fieur DESTOUCHES
. Les rôles de Vertumne & de
Pan furent exécutés par les fieurs GELIOTE
& GELIN ; celui de Pomone
par la Dile ARNOULD. Les Grâces &
l'expreffion des chants de ce ballet , l'ef
prit & l'agrément qui régnent dans le
Poëme , les talens fi connus & fi admirés
des Acteurs qui en rendoient les
principaux rôles , tant de charmes réunis
ne pouvoient manquer de plaire & de
rendre cette repréſentation très-agréable.
La Dlle LANI danfoit feule une
principale entrée dans les Bergeres . Le
fieur CAMPIONI & la Dlle DUMONCEAU
un pas de deux, Les fieurs LAVAL
& GARDEL danfoient dans les
Faunes , ainfi que les fieurs d'AUBERVAL
, GROSSET & CAMPIONI . Le
fieur LANI & la Dlle ALLARD exécutoient
les principales entrées dans les
Paftres.
"
Le Jeudi 10 , les Comédiens François
repréſenterent Mérope , Tragédie du
fieur de VOLTAIRE , dans laquelle la
MARS. 1763 . 177
Dlle DUMESNIL joua le rôle de Mérope.
(g).
Pour feconde Pièce le Galant Coureur
, Comédie en un Acte en profe du
feu fieur le GRAND ( h ) . Le fieur Mo-
LE y jouoit le principal rôle .
Le Mardi 15 , dernier jour du Carnaval
, par extraordinaire , les Sujets de la
Comédie Italienne -exécuterent à la
Cour deux Opéra- Comiques ; le Roi &
le Fermier , Paroles du fieur SEDAINE ,
Mufique du fieur MONCIGNI & On ne
s'avife jamais de tout.
On donnera dans le Mercure prochain
le Journal des autres repréfentations
jufques à la clôture.
.. N. B. Nous n'avons fait qu'annoncer
fommairement , dans le précédent
Vol. les premiers BALS DE LA COUR.
Nous ne doutons pas que nos Lecteurs
n'en defirent une relation détaillée jufques
à la fin du Carnaval : mais comme
ce genre de Spectacles doit à tous égards
être diftingué des repréfentations theatrales
dont nous venons de rendre compte
, on en a fait un Article particulier.
que l'on trouvera après notre Article des
Théâtres & autres Spectacles ordinaires .
(g) Première fois en 1743-
(h) En 1722.
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Résumé : SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES,
En février et mars 1763, la cour de Versailles a organisé divers spectacles. Le 1er février, les comédiens français ont joué 'Le Glorieux' de Néricault Destouches, avec Belcour dans le rôle principal, et 'Les Orignaux' de Fagan. Le 3 mars, ils ont représenté 'Zulime' et 'L'Indiscret' de Voltaire, avec Clairon dans le rôle-titre de la première pièce. Le 8 mars, 'L'Esprit follet' de Hauteroche et 'Le Cocher supposé' ont été présentés. Le 9 mars, les comédiens italiens ont joué 'La Cantatrice', suivi du ballet 'Vertumne et Pomone' de l'Académie Royale de Musique. Le 10 mars, 'Mérope' de Voltaire et 'Le Galant Coureur' de Le Grand ont été présentés. Le 15 mars, les sujets de la comédie italienne ont exécuté les opéras-comiques 'Le Roi et le Fermier' de Sedaine et Moncigni. Le texte mentionne également des bals de la cour et des représentations théâtrales ordinaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 178-181
SPECTACLES DE PARIS. OPERA.
Début :
L'ACADÉMIE Royale de Musique a remis au Théâtre le Mardi 22 Février [...]
Mots clefs :
Opéra, Musique, Prologue, Ouvrage, Succès
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texteReconnaissance textuelle : SPECTACLES DE PARIS. OPERA.
SPECTACLES DE PARIS.
OPERA.
L'ACADÉMIE Royale de Mufique
a remis au Théâtre le Mardi 22 Février
TITON & L'AURORE, Paftorale Héroïque
en en 3 Actes, précédée d'un Prologue,
dont le Sujet eft PROMETHEE animant
des Statues d'hommes & de femmes
avec le feu du Ciel qu'il a dérobé .
Cet Opéra a été repréſenté pour la
première fois , au mois de Janvier 1753 .
Il eut alors le fuccès le plus éclatant &
le plus longtemps foutenu , qu'on ait
vu fur ce Théâtre. Une époque mémorable
, mais affligeante pour les Amateurs
de ce Spectacle , ajoute encore à
fa célébrité , en ce que cet Opéra a été
le dernier dans lequel M. GELIOTE
a chanté fur le Théâtre de Paris.
Le Public a prouvé dès la première
repréſentation de cette Remife que l'ouvrage
devoit à fon propre mérite , &
non pas aux circonftances , l'avantage
de lui plaire. M. PILLOT qui joue le
rôle de Titon , eft applaudi avec juftice
dans plufieurs endroits éffentiels de ce.
MARS. 1763 . 179
,
rôle. La mémoire récente encore de
M. GELIOTTE , & renouvellée journellement
par les repréſentations de la Cour
eft une ennemie qui fait honneur , même
en triomphant , au talent & à l'application
de M. PILLOT , bien moins
fecondé par l'organe que fon célébre
Prédéceffeur. Mlle LE MIERRE ( époufe
de M. LARRIVÉE ) fans avoir eu
les mêmes obftacles de comparaifon à
vaincre fe fait beaucoup d'honneur
dans le rôle de l'Aurore qu'elle chante
& qu'elle joue avec un égal fuccès . Les
rôles de Palès & d'Eole , quoique moins
intéreffans dans le fujet que les deux précédens
, font beaucoup d'effet , & font
très bien rendus ; le premier , par Mlle
CHEVALIER ; l'autre , par M. GELIN.
Ce dernier eft particuliérement très -applaudi
dans le grand morceau du fecond
Acte Vents furieux , &c , dans
lequel fa belle voix eft déployée avec
tous fes avantages. Mais ce qui , avec
beaucoup de plaifir , fait l'étonnement
& l'attention du Public , c'eft la manière -
dont M.MUGUETchante la célébre Ariette
du Dieu des coeurs &c. On peut avec
autant de justice lui attribuer ce que
nous venons de dire à l'occafion de
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
M. PILLOT , puifque cette Ariette étoit
exécutée par M. GELIOTE , & faifoit ,
une partie très - brillante du rôle de
Titon. On doit ajouter au fujet de
M. MUGUET qu'en donnant de juftes
éloges aux foins qu'il a pris de
chanter avec art ce Morceau , il eft redevable
auffi à l'avantage de fa voix du
plaifir que le Public trouve à l'entendre.
Cette favorable circonftance doit
fans doute encourager ce Sujet à redoubler
d'efforts & d'application pour
profiter du même avantage dans d'autres
occafions , & pour faire valoir par le
talent la faveur que la Nature lui a donnée
du côté de l'organe.
Nous ne parlerons point des parties
acceffoires dans cet Opéra ; les vers
& la Mufique fuffifent au fuccès de
l'ouvrage .
Les vers du Prologue font de feu M.
de la MOTHE . Le Poëme de feu M. de
la MARRE , Auteur du Poëme de Zaïde
(a). La Mufique de M. de MONDONVILLE.
(a)Nous ignorons par quel motif dans l'édition
des paroles de cet Opéra , on n'a fait ,
contre l'uſage mention uniquement que de
Auteur de la Mufique . Comme nous n'avons
aucune raifon pour priver la mémoire de feu Made
?
MAR S. 1763. 181
L'Extrait du Poëme fe trouve au Mercure
de Février 1753 .
On continue les Fêtes Grecques & :
Romaines les Jeudis . Le Public y entend
avec beaucoup de plaifir entr'autres
talens de ce Théatre M. LARRIVÉE
dans le rôle d'Alcibiade , ainfi que
dans le rôle de Prométhée au Prologue
de Titon & l'Aurore.
la MARRE de la gloire d'un ouvrage auffi agréable,
nous avons cru , conformément à tous les Journaliſtes
& les Bibliographes de ce Théâtre, devoir
la lui reftituer ici .
OPERA.
L'ACADÉMIE Royale de Mufique
a remis au Théâtre le Mardi 22 Février
TITON & L'AURORE, Paftorale Héroïque
en en 3 Actes, précédée d'un Prologue,
dont le Sujet eft PROMETHEE animant
des Statues d'hommes & de femmes
avec le feu du Ciel qu'il a dérobé .
Cet Opéra a été repréſenté pour la
première fois , au mois de Janvier 1753 .
Il eut alors le fuccès le plus éclatant &
le plus longtemps foutenu , qu'on ait
vu fur ce Théâtre. Une époque mémorable
, mais affligeante pour les Amateurs
de ce Spectacle , ajoute encore à
fa célébrité , en ce que cet Opéra a été
le dernier dans lequel M. GELIOTE
a chanté fur le Théâtre de Paris.
Le Public a prouvé dès la première
repréſentation de cette Remife que l'ouvrage
devoit à fon propre mérite , &
non pas aux circonftances , l'avantage
de lui plaire. M. PILLOT qui joue le
rôle de Titon , eft applaudi avec juftice
dans plufieurs endroits éffentiels de ce.
MARS. 1763 . 179
,
rôle. La mémoire récente encore de
M. GELIOTTE , & renouvellée journellement
par les repréſentations de la Cour
eft une ennemie qui fait honneur , même
en triomphant , au talent & à l'application
de M. PILLOT , bien moins
fecondé par l'organe que fon célébre
Prédéceffeur. Mlle LE MIERRE ( époufe
de M. LARRIVÉE ) fans avoir eu
les mêmes obftacles de comparaifon à
vaincre fe fait beaucoup d'honneur
dans le rôle de l'Aurore qu'elle chante
& qu'elle joue avec un égal fuccès . Les
rôles de Palès & d'Eole , quoique moins
intéreffans dans le fujet que les deux précédens
, font beaucoup d'effet , & font
très bien rendus ; le premier , par Mlle
CHEVALIER ; l'autre , par M. GELIN.
Ce dernier eft particuliérement très -applaudi
dans le grand morceau du fecond
Acte Vents furieux , &c , dans
lequel fa belle voix eft déployée avec
tous fes avantages. Mais ce qui , avec
beaucoup de plaifir , fait l'étonnement
& l'attention du Public , c'eft la manière -
dont M.MUGUETchante la célébre Ariette
du Dieu des coeurs &c. On peut avec
autant de justice lui attribuer ce que
nous venons de dire à l'occafion de
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
M. PILLOT , puifque cette Ariette étoit
exécutée par M. GELIOTE , & faifoit ,
une partie très - brillante du rôle de
Titon. On doit ajouter au fujet de
M. MUGUET qu'en donnant de juftes
éloges aux foins qu'il a pris de
chanter avec art ce Morceau , il eft redevable
auffi à l'avantage de fa voix du
plaifir que le Public trouve à l'entendre.
Cette favorable circonftance doit
fans doute encourager ce Sujet à redoubler
d'efforts & d'application pour
profiter du même avantage dans d'autres
occafions , & pour faire valoir par le
talent la faveur que la Nature lui a donnée
du côté de l'organe.
Nous ne parlerons point des parties
acceffoires dans cet Opéra ; les vers
& la Mufique fuffifent au fuccès de
l'ouvrage .
Les vers du Prologue font de feu M.
de la MOTHE . Le Poëme de feu M. de
la MARRE , Auteur du Poëme de Zaïde
(a). La Mufique de M. de MONDONVILLE.
(a)Nous ignorons par quel motif dans l'édition
des paroles de cet Opéra , on n'a fait ,
contre l'uſage mention uniquement que de
Auteur de la Mufique . Comme nous n'avons
aucune raifon pour priver la mémoire de feu Made
?
MAR S. 1763. 181
L'Extrait du Poëme fe trouve au Mercure
de Février 1753 .
On continue les Fêtes Grecques & :
Romaines les Jeudis . Le Public y entend
avec beaucoup de plaifir entr'autres
talens de ce Théatre M. LARRIVÉE
dans le rôle d'Alcibiade , ainfi que
dans le rôle de Prométhée au Prologue
de Titon & l'Aurore.
la MARRE de la gloire d'un ouvrage auffi agréable,
nous avons cru , conformément à tous les Journaliſtes
& les Bibliographes de ce Théâtre, devoir
la lui reftituer ici .
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Résumé : SPECTACLES DE PARIS. OPERA.
Le 22 février, l'opéra 'Titon et l'Aurore' a été représenté à l'Académie Royale de Musique à Paris. Cet opéra pastoral héroïque en trois actes, précédé d'un prologue, raconte l'histoire de Prométhée animant des statues avec le feu du ciel. Créé en janvier 1753, il a connu un succès retentissant et fut le dernier opéra dans lequel M. GELIOTE chanta à Paris. Le public a apprécié l'œuvre pour son mérite propre, indépendamment des circonstances. M. PILLOT, interprétant Titon, fut acclamé, bien que comparé à M. GELIOTE. Mlle LE MIERRE, épouse de M. LARRIVÉE, a également reçu des éloges pour son rôle d'Aurore. Les rôles de Palès et d'Éole, joués par Mlle CHEVALIER et M. GELIN, furent bien accueillis, ce dernier étant particulièrement applaudi pour son interprétation des 'Vents furieux'. M. MUGUET fut remarqué pour son interprétation de l'ariette 'Dieu des cœurs'. Les vers du prologue sont de M. de la MOTHE, le poème de M. de la MARRE, et la musique de M. de MONDONVILLE. Les fêtes grecques et romaines continuent les jeudis, avec des performances notables de M. LARRIVÉE dans les rôles d'Alcibiade et de Prométhée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 181-182
COMÉDIE FRANÇOISE.
Début :
LE 26 Février on joua pour la 17e représentation Dupuis & des Ronais [...]
Mots clefs :
Éloge, Édition, Ouvrage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMÉDIE FRANÇOISE.
COMÉDIE
FRANÇOISE.
LE
$
E 26 Février on joua pour la 17ª
repréſentation Dupuis & des Ronais
Comédie dont nous avons déja parlé
dans le Mercure précédent. Il eft , depuis
longtemps fi peu d'exemples d'un
pareil nombre de repréſentations fur ce
Théâtre , que cette feule circonstance
fait mieux que tout ce que nous
pourrions ajouter l'éloge le moins
fufpect de cet Ouvrage. L'analyfe
que nous en donnons ici , n'eft que
pour fatisfaire la première curiofité des
,
182 MERCURE DE FRANCE:
Lecteurs qui n'auroient pu fe procurer
l'édition de cette Piéce. Quand nous.
aurions étendu davantage notre Extrait
nous aurions toujours fait perdre trop
de
plaifir aux Lecteurs & fupprimé trop
de beautés dans le coloris de l'Ouvrage
, pour difpenfer de recourir à l'Ouvrage
même.
FRANÇOISE.
LE
$
E 26 Février on joua pour la 17ª
repréſentation Dupuis & des Ronais
Comédie dont nous avons déja parlé
dans le Mercure précédent. Il eft , depuis
longtemps fi peu d'exemples d'un
pareil nombre de repréſentations fur ce
Théâtre , que cette feule circonstance
fait mieux que tout ce que nous
pourrions ajouter l'éloge le moins
fufpect de cet Ouvrage. L'analyfe
que nous en donnons ici , n'eft que
pour fatisfaire la première curiofité des
,
182 MERCURE DE FRANCE:
Lecteurs qui n'auroient pu fe procurer
l'édition de cette Piéce. Quand nous.
aurions étendu davantage notre Extrait
nous aurions toujours fait perdre trop
de
plaifir aux Lecteurs & fupprimé trop
de beautés dans le coloris de l'Ouvrage
, pour difpenfer de recourir à l'Ouvrage
même.
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Résumé : COMÉDIE FRANÇOISE.
Le texte évoque la 17e représentation de la comédie 'Françoise' le 26 février, un exploit rare pour ce théâtre. Il propose une analyse pour les lecteurs absents, tout en déconseillant les résumés étendus pour préserver le plaisir de la découverte.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 183-200
EXTRAIT DE DUPUIS ET DES RONAIS, Comédie en trois Actes en vers libres ; par M. COLLÉ, Lecteur de Monseigneur le Duc d'Orléans.
Début :
PERSONNAGES. M. DUPUIS, homme de Finance, père de MARIANE, ACTEURS. M. Brisard. MARIANE [...]
Mots clefs :
Amour, Cœur, Mariage, Tendresse, Hymen, Sentiment
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT DE DUPUIS ET DES RONAIS, Comédie en trois Actes en vers libres ; par M. COLLÉ, Lecteur de Monseigneur le Duc d'Orléans.
EXTRAIT
DE DUPUIS ET DES RONAIS,
Comédie en trois Actes en vers libres ;
par M. COLLÉ , Lecteur de Monfeigneur
le Duc d'Orléans.
PERSONNAGES.
M. DUPUIS , homme de Finance ,
père de MARIANE ,
MARIANE , fa fille , amoureuſe
de DES RONAIS ,
DES RONAIS , auffi Financier
ACTEURS.
M. Brifard.
Mlle Gauffin.
amoureux de MARIANE , M. Mollé.
CLÉNARD , ci - devant Précepteur du
feu neveu de DUPUIS ,
GASPARD , Notaire ,
M. Dubois.
M. d'Auberyal.
LAVIOLETTE , Valet de Chambre.
La Scène eft à Paris , dans le Salon de M. Dupuis.
LEE vieux Dupuis a deſtiné fa fille à
Des Ronais . Les deux Amans , qui s'aï
ment avec une égale tendreffe , n'afpirent
qu'après le jour de leur union ,
& fe flattent que cet hymen n'eſt pas
éloigné. Mariane a vingt - cinq ans ;
184 MERCURE DE FRANCE.
Dupuis approuve leur amour & defire
ce mariage ; il a engagé Des Ronais
qu'il aime , à venir demeurer dans fa
maifon il fe dépouille en fa faveur
d'une Charge de Finance qu'il a occupée
l'espace de trente - deux ans: il a fait venir
un Notaire ; Des Ronais & Mariane
ont ordre de fe rendre dans fon appartement
; tout cela femble annoncer un
mariage prochain , & ce mariage néanmoins
paroît devoir être encore différé;
en voici la raifon .
DUPUIS.
A cet hymen fije donnois les mains ,
Abandonné dans ma vieilleſſe ,
Réduit à cet état dont j'ai cent fois frémi ,
Je vivrois feul & mourrois de triſteſſe ,
De perdre en même temps ma fille & mon ami.
C'eft cette jufte défiance
Que je renferme dans mon ſein ,
Dont j'épargne à leur coeur la trifte connoiſſance,
Qui ne feroit qu'augmenter leur chagrin :
Et pour donner en apparence
Quelque motif à mes délais ,
Sur les exploits galans j'attaque Des Ronais.
Ce n'eft qu'un voile adroit pour couvrir le myf
tère
Que de mon ſecret je leur fais.
C'est dans ces quatorze vers qu'et.
MARS. 1763. 185
renfermé tout le fujet de cette Comédie..
Dupuis , pour juſtifier ſes délais , dont
il vient d'expofer le motif, attribue à
Des Ronais des intrigues galantes qui
pourroient faire le malheur de fa fille
fi elle devenoit fon époufe. Cette galanterie
de Des Ronais n'eft pas une
pure fuppofition ; & les bruits qui s'en
répandent ne font point fans fondement.
On fait qu'une Comteffe lui a fait
des avances , auxquelles il a paru répondre
; & le hazard veut qu'une Lettre
de cette femme à Des Ronais tombe
entre les mains du vieux Dupuis , qui
triomphe d'avoir cette piéce à oppofer
aux inftances des deux Amans . La Scène
où il leur fait part de cette Lettre , a
paru un chef-d'oeuvre. Nous en rapporterons
quelques traits qui pourront en
donner une idée .
DUPUIS à Mariane.
། Ecoute
Le billet qu'on écrit à cet homme galant :
Tu verras que tantôt j'avois raiſon fans doure.
Pour l'époufer fi vîte il eft trop fémillant.
( il veut lire. )
Ce Lundi.....
la
DESRONAIS , l'interrompant , & le tirant par
manche , en fe cachant de Mariane ; & voulant
l'empêcher de lire.">
186 MERCURE DE FRANCE .
Eh ! par grace ! ...
DUPUIS ,fecouant la tête.
Oh ! non pas. Sans votre façon dure ,
Vos reproches amers fur ma mauvaiſe foi ,
Ce n'eût été qu'entre vous ſeul & moi ,
Que j'cuffe fait cette lecture.
Mais , pour me difculper de tous mes torts , je voi
Qu'à ma fille , à préfent , malgré moi je la doi .
› ( Se retournant vers fa fille:)
Lifons donc , pour cela , la lettre de la Dame.
( Il lit. )
Ce lundi.
Comment donc ! depuis plus d'un mois , vous
tournez la tête à votre Comteffe ; & il y a huit
grands jours qu'elle n'a entendu parler de vous.
Voilà une bonne folie ! ceci auroit tout l'air d'une
rupture , fi je voulois y entendre ; furtout depuis la
dernière lettre que j'ai reçue de vous , & qui étoit
fi gauche. Mais finiffons ceci ; les ruptures m'excédent
; tout cela m'ennuie ; & je vous pardonne.
Au fond , pourtant , c'eſt une bonne femme !
Quelle clémence ! la belle âme !
( Il continue de lire. )
C'eftjeudi lejour de ma loge à l'Opéra ; venezy.
Je reviens exprès de la Campagne , ce jour-là ,
pour fouper avec vous ; je vous menerai & vous ramenerai
. A jeudi , donc ; je le veux ; entendez-
·vous queje le veux ? Tâchez de quitter vos Dupuis
debonne heure.. S'interrompant , vOS DUPUIS ? ·
Je vous défends , furtout , de me parler de cette
MARS. 1763. 187
&
petite fille , ( Il ôte fon chapeau à Mariane ) ,
de m'en dite tant de merveilles . Il y a dequoi en
périr d'ennui ; ou , ce qui feroit cent fois pis encore
, il faudroit en devenirjaloufe. A jeudi , mon
cher Des Ronais . Rancune tenanté , au moins.
( Il les regarde,& ils reftent tous un moment fans
parler. )
Qu'est-ce ? Eh bien ! ... ...
pétrifiés !
Vous voilà tous deux
Ma fille , vous voyez , fans que je le prononce ,
Tous mes délais juftifiés.
( A Des Ronais , en lui remettant la lettre de la
Comtete. )
Comme un homme poli , vous vous devez
réponſe
"
Ace billet galant , vif & des plus inftans ;
Er pour la faire , moi , je vous donne du temps :
Mais , mais , beaucoup ;.... un temps confidé
rable.
MARIANE ,
du ton dufentiment .
Quoi ; vous me trompiez ? Vous ! Quoi ! vous ,
Des Ronais , vous ! .
DUPUIS , d'un ton de gaîté . '
Eh vraiment , il nous trompoit tous !
DES RONAIS , d'un air modefte & afflige.
Eh ! Monfieur ! eft- ce à vous de me trouver coupable
? ...
J'aurois bien des moyens pour me juſtifier :
Si je n'avois en vous un Juge qui m'accable ,
188 MERCURE DE FRANCE.
Et qui ne veut que me facrifier.
MARIAN E.
avec un peu de dédain,
Vous vous juftifiriez !
On peut l'en défier .
DUPUIS , d'un air triomphant.
DES RONAIS , vivement.
Non , vis-à-vis de vous , divine Mariane ,
Je fuis un criminel qui tombe à
Je mérite votre courroux ;
VOS genoux;
Et moi-même je me condamne
Je m'abhorre. Qui ? moi !... J'ai pu bleſſer l'amour! ..
L'amour que j'ai pour vous ! par un juſte retour
Puniffez-moi , foyez impitoyable ;
De votre colère équitable
Faites-moi fentir tous les coups ,
Je ne m'en plaindrai pas. Mais vous , Monfieur,
mais vous !
Si vous ne cherchiez pas des prétextes plaufibles ,
Pour pallier vos réfus éternels ,
Tous mes torts , à vos yeux , feroient moins
criminels ,
Ils feroient moins irrémiſſibles.
DUPUIS.
DESRONAIS.
Vous le
croyez ?
Oui , fans cela , Monfieur ,
Nous ne me feriez pas un crime d'une erreur,
Que l'on pardonne à l'âge , & qu'il m'a fait come
mettre.
MARS. 1763. 189
Vous me juſtifîriez vous - même , & par la lettre,
Dont ici , contre moi , vous venez d'abuſer.
Dupuis marquefa furprife .
Rien n'eſt plus vrai , vous avez trop d'uſage ,
D'habitude du monde , & vous êtes trop fage,
Pour que ce vain écrit , qui fert à m'accufer ,
Ne pût , fi vous vouliez , tourner à m'excuſer.
Èxaminons- le , & voyons ce qu'il prouve ,
Voici d'abord ce que j'y trouve : ;
( Il lit. )
Comment donc ! depuis plus d'un mois , vous
tournez la tête à votre Comteffe.
Depuis un mois. Ce fut au Bal de l'Opéra.
Que s'engagea cette fotte aventure ...
Voyez ... Mais , pefez donc fur le temps qu'elle
dure.
(Il lit. )
Et il y a huit grands jours qu'elle n'a entendu
parler de vous... ( Plus bas. ) Ceci auroit tout l'air
d'une rupture ... Oui ! L'air d'une rupture ;
C'en eſt une , bien une , une qui durera ,
Une bien complette , bien fure ,
Ou jamais femme n'y croira.
MARIANE ,
en foupirant & fans le regarder.
Comment vous croire , vous ?
DES RONAIS.
Que vous m'affligeriez
Si vous penfiez qu'en cette aventure fatale ,
190 MERCURE DE FRANCE.
Elle ait , un feul inftant , été votre rivale;
Ne l'imaginez pas . Vous vous dégraderiez.
DUPUIS.
Qu'il connoît bien le coeur des femmes !
Il eft vif, éloquent. Je ne fuis plus ſurpris ,
S'il fait tourrner la tête à de fort grandes Dames
MARIAN E.
Infidéle ! eh ! voilà le prix ...
DUPUIS.
Voilà comme l'amour échauffant fes efprits ;
Et lui prêtant fon éloquente ivreſſe ,
Il enflâma cette Comteſſe ,
Dont il étoit; & dont il eft encore épris.
DES RONAIS.
Moi ! de l'amour pour elle ! Eft-ce ainſi qu'on
profane
Le nom d'amour : Le plus profond mépris
Eft le feul fentiment ; oui , le feul , Mariane ,
Qu'elle ait excité dans mon coenr.
Je le prouve encor , par fa lettre :
Surtoutje vous défends de me parler de Mariane...
DUPUIS , l'interrompant.
Ah ! tout beau ! daignez me permettre ;
Lifez comme on a mis
mettre.
Cette petite Fille.
>
comme on a voulu
DES RONAIS.
Eh bien ! foit. Oui , Monfieur.
( ILIA. 5
MARS. 1763.
Surtout je vous défends de me parler de cette
petite Fille. ( Il mâchonne les derniers mots à
» Mariane . ) Et de m'en dire tant de merveilles .
>
Pendant le peu de temps qu'a duré mon erreur
Je n'étois plein que de vous- même ;
Je ne lui parlois que de vous ;
De votre coeur , de mon amour extrême ,
De nos fentimens les plus doux ;
Du defir vif , & du bonheur fuprême
De me voir un jour votre Epoux ....
Son orgueil ; non , fon coeur meparoiffoit jalous
De ces objets toujours préfens à ma pensée ,
Mais fans ceffe mon coeur les lui préfentoit tous !
Et quoiqu'au fond de l'âme , elle enfût offenſée , ]
Elle- même , elle étoit forcée
De ne me parler que de vous.
Pendant le couplet précédent , Mariane s'atten
drit par degrés , & prépare le foupir qui doit lui
échapper à la fin de ce même couplet.
Hélas !
MARIANÉ.
DUPUIS , du ton du dépit.
Tu t'attendris
Quelle foibleffe extrême !
MARIANE , pleurant prèfque.
Moi ! je m'attendris , moi !
DUPUIS.
Eh ! mais , fans doute. Eh ! parbleu ! je le voi.
93. MERCURE DE FRANCE.
Pauvre dupe ! .... crois-tu que fans partage il
aime?
MARIAN E.
Mon Père! Eh , Je ne crois rien , moi.
DESRONAIS , à Marianne.
Ah! croyez que vous feule & toujours adorée ,
Vous regnates toujours fur ce coeur emporté ,
Par une folle ardeur de fi peu de durée ....
( S'adreffant à Dupuis . )
Et pour vous pénétrer de cette vérité ,
Regardez Mariane ... Et voyez , d'un côté ,
La décence & l'honnêteté ,
Le fentiment ; une ame .... Eh ! quelle âme adorable
!
Sa tendreffe pour moi ; .... mais que j'ai mérité
De perdre , en me rendant coupable ...
Et voyez de l'autre côté .....
DUPUIS..
Phoebus , que tout cela !
MARIANE ,
Mais non. En vérité ,
Je fuis bien loin , ici , de prendre fa défenſe ;
Ni même , dans l'aveu de fon extravagance ,
De vous faire obſerver , au moins , ſa bonne foi.
Non , la légèreté m'offenſe ;
Je fuis fenfible ; je ia voi ;
vous mon Père , hélas ! pourquoi
En
MARS. 1763. 193
Èn montrez - vous encor plus de courroux que
(
moi ?
Malgré toute la complaiſance ,
Et le refpect que je vous doi ,
Voulez-vous enfin que je penfe! ...
DUPUIS.
Quoi donc ! Que penfes-tu ? ( à part. ) J'enrage.
MARIANE.
Mais je croi ,
Sans m'éloigner trop de la vraisemblance
Que les torts , ( trop réels ) de Monfieur Dès Røg
nais ,
Vous fervent bien dans les projets ,
Que vous vous étiez faits d'avance.
DUPUIS.
Quels projets ! Ma conduite eft toute fimple. Eh !
mais ,
C'eſt le fait feul qui parle , & que je te préfente ;
Des Ronais aime ailleurs.
MARIAN E.
Aimer ! c'eft bientôt dit.
Aimer ! Que votre âme eft contente
D'appuyer fur ce mot , ( à part. ) que mon coeur
contredit !
DUPUIS.
Eh ! Oui , flatte-toi donc que cette grande Dame
N'a plus aucuns droits fur fon âme ,
Et ne lui fera pas négliger les Dupuis.
Et la petite Fille ?
I
194 MERCURE DE FRANCE.
1
DES RONAIS.
Ah ! Monfieur , je ne puis
Tenir à ce reproche horrible.
MARIANE , à part.
Eh ! Son projet eft bien viſible !
DES RONAIS.
Mariane , de mille coups ,
Je percerois ce coeur, s'il eût été fenfible ,
Un feul inftant , pour un autre que vous.
DUPUIS.
Bon ! bon ! difcours d'amans . Ils fe reffemblent
tous.
MARIANE.
Non , ceux-là font fentis.
DES RONAIS.
Sans doute , & c'est mon âme ,
Qui parle , qui vous peint , qui veut, en traits de
flâme ,
Dans votre coeur graver mon repentir,
Dans le mien le remords s'eft déja fait ſentir ;
Ce n'eft pas d'aujourd'hui , que mon amour réclame
Contre l'erreur qui l'a furpris.
Si vous fçaviez tout le mépris
Que , dès cet inſtant- là , j'ai conçu pour moimême,
Pour ma fatuité , pour ma foibleffe extrême ;
Qui , Mariane , ici , je le jure à vos pieds
MARS. 1763.
195
Malgré votre courroux , malgré vos juftes
plaintes ,
Si vous aviez pu voir mes remords & mescraintes;
Vous-même vous me plaindriez.
Sena MARIANE.C
Ecoutez , Des Ronais : je veux votre parole
De ne revoir jamais la Comteffe ...
DES RONAIS.
Ah !l'honneur
L'amour font le ferment ! Et fi je le viole ,
Que je perde à la fois la vie & votre coeur.
MARIAN E.
^ Je le reçois , & vous pardonne.
DES RONAIS , voulant fe jetter aux pieds
to ban stunde Marianers.
Trop généreufe Amante!
MLA D´UPUIS.
Eh ! comment donc ! comment !:
C'eſt au moment où je vous donne
Une preuve invincible.
MARIANE.
Oui , c'eſt dans ce moment ,
Mon Pere , ou dans l'aveu naïf de ſa foiblefſe ,
Je vois moins fon aveuglement
Que fes remords & fa tendreſſe :
Où , de ce même égarement ,.
Je crois voir & trouver la caufe , ou in
Et l'excufe de vos délais.
I йj
196 MERCURE DE FRANCE .
DUPUIS.>
Parbleu ! ceci n'eft pas mauvais ,
Et c'eft fort bien prendre la choſe !
D'après cet éclairciffement ,
Qui contre moi tourne directement ,
Vous verrez que c'eſt moi qui fuis coupable. Enforte
...
MARIANE...
Men pere , pardonnez ! je fens que je m'emporte
;
Mais vous m'aimez ; vous voulez mon bon
heur ;
Moi -même à nous unir fouffrez que je vous
porte ;
•
L'hymen m'affurera de fa conftante ardeur.
Des Ronais eſt rempli d'honneur ;
Mon pardon généreux fur l'âme de Monfieur
Doit faire une impreffion forte ;
Et je vous réponds de fon coeur.
DUPUIS.
Quelle eſt'ta caution ? L'amour qui te tranſporte ?
C'eſt une déraison qui me met en fureur .
Non , non , ce n'eft qu'après les plus longues
épreuves
Que je ferai de Monfieur Des Ronais ,
Qu'il fera ton époux. Je veux qu'il le foit. Mais ,
De fa bonne conduite , il me faut d'autres
preuves.
MARS. 1763. 197
Bien perfuadés que les galanteries de
des Ronais ne font qu'un faux prétexte
pour différer leur mariage , les deux
Amans font auprès de Dupuis les plus
vives inftances pour l'obliger à s'expliquer
fur le véritable motif de fes délais,
DUPUIS , après avoir réfifté quelque temps .
Il vient d'un fentiment que vous croirez biſarre ,
( Quoique très-vrai pourtant ) & qui n'eſt point ſi
Mais
rare ;
que dans la jeuneffe , on n'a point , mon .
ami :
C'eft la défiance des hommes
Qu'en moi l'expérience a trop bien affermi ,
Surtout dans le fiécle où nous fommes.
C'eſt en partant d'après ce principe ennemi ,
Que j'entends, que je veux que votre mariage
Que vous preſſez tous deux fi fort ,
Ne fe falle qu'après ma mort.
Nous regrettons de ne pouvoir rapporter
toute la Scène qui fuit cette explication
; elle eft à la fois vive , noble,
ingénieufe & attendriffante. M. Dupuis
entreprend d'abord de juſtifier ſa façon
de penfer , & dit aux deux Amans :
Quand vous , Des Ronais , vous , ma fille
Vous ferez occupés d'abord de votre amour ,
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
Qu'après cela viendront les foins d'une famille ;
Qu'aux devoirs les plaifirs fuccédant tour-àtour
,
Vous recevrez chez vous & la Ville & la Cour
Que pour fuffire à ce brillant commerce
1
Tous vos momens feront comptés ;
Qu'enfuite enfin des deux côtés
Les paffions viendront à la traverfe ;
Je dois beaucoup compter fur vos bontés.
L'amitié des enfans paffe alors comme un fonge.
C'eſt dans le tourbillon où le monde les plonge ;
Hélas ! c'eft dans ces temps de travers & d'écart,
Qu'à peine la jeuneffe fonge
A l'existence d'un vieillard.
Ma fille , on ne voit dans le monde
Que des pères abandonnés
A leur folitude profonde ,
Pardes enfans... fouvent qui les ont ruinés.
Mais en voit -on d'affez bien nés ,
Pour ofer en public , faire leur compagnie
De ces Vieillards infortunés ??
Ils leur feront , & par cérémonie ,
Une vifite ou deux par mois ;
Seront diftraits , rêveurs , immobiles & roids ;
Dans un fauteuil viendront s'étendre ;
Parleront peu , ne diront rien de tendre ,
Et s'en iront après avoir bâillé vingt fois.
" ! 2 ། " C
1
MARS. 1763. 199
Encore font-ce les plus honnètès ;
Qui , commandés par l'abfolu pouvoir
Que fur ces Meffieurs- là peuvent encore avoir
Des bienséances méchaniques ,
Viennent ainfi fe rendre en mauvais politiques ,
A ce qu'ils nomment leur devoir ;
Nous donner , en fuivant des ufages antiques ,
Par décence , & bien moins pour nous que pour
autrui ,
De ces preuves périodiques
De leur ingratitude & de leur froid ennui.
Des Ronais ne croit pas devoir combattre
les idées de ce vieillard ; il connoît
la bonté de fon coeur , & c'eft
par le fentiment & la tendreffe qu'il effaye
de vaincre fa réſiſtance.
Non , vous n'êtes point infenfible..
Ne vous dérobez point aux tendres mouvemens ,
Très-refpectable ami , qu'il eſt prèſque impof
fible
Que vous n'éprouviez pas dans d'auffi doux momens.
Que l'amour paternel , notre commune flâme ,
Qu'une fille , un fils , deux amans ,
Que l'amitié , l'amour , la nature en votre â me ,
Par la réunion de tous ces fentimens ,
En l'embrafant du feu qui nous enflamme ,
Y fallent tout céder à leurs tranfports charmans
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
C'eſt votre coeur lui ſeul , lai feul que je reclame:
Vous vous vous attendriffez. Mon père , à vos
genoux ,
Je lis dans vos regards que j'obtiendrai de vous
Ce doux confentement où je force votre âme.
Dupuis ne fe rend point encore ; &
cette réfiftance qui met l'impétueux
Des Ronais hors de lui-même , ne lui
permet plus de fe contenir. La douceur
de Mariane , & tout ce qu'elle montre
de tendreffe , d'attachement & de foumiffion
pour fon père , triomphe enfin
de l'obſtination du vieillard qui lui dit :
Le
Je ne veux point laiſſer à ma raiſon fidèle
temps de refroidir ma fenfibilité.
Qu'aujourd'hui votre hymen fe falſe ;
Aujourd'hui donne lui la main ...
Je ne répondrois pas demain
De t'accorder la même grace.
Ainfi finit cette Piéce intéreffante .
DE DUPUIS ET DES RONAIS,
Comédie en trois Actes en vers libres ;
par M. COLLÉ , Lecteur de Monfeigneur
le Duc d'Orléans.
PERSONNAGES.
M. DUPUIS , homme de Finance ,
père de MARIANE ,
MARIANE , fa fille , amoureuſe
de DES RONAIS ,
DES RONAIS , auffi Financier
ACTEURS.
M. Brifard.
Mlle Gauffin.
amoureux de MARIANE , M. Mollé.
CLÉNARD , ci - devant Précepteur du
feu neveu de DUPUIS ,
GASPARD , Notaire ,
M. Dubois.
M. d'Auberyal.
LAVIOLETTE , Valet de Chambre.
La Scène eft à Paris , dans le Salon de M. Dupuis.
LEE vieux Dupuis a deſtiné fa fille à
Des Ronais . Les deux Amans , qui s'aï
ment avec une égale tendreffe , n'afpirent
qu'après le jour de leur union ,
& fe flattent que cet hymen n'eſt pas
éloigné. Mariane a vingt - cinq ans ;
184 MERCURE DE FRANCE.
Dupuis approuve leur amour & defire
ce mariage ; il a engagé Des Ronais
qu'il aime , à venir demeurer dans fa
maifon il fe dépouille en fa faveur
d'une Charge de Finance qu'il a occupée
l'espace de trente - deux ans: il a fait venir
un Notaire ; Des Ronais & Mariane
ont ordre de fe rendre dans fon appartement
; tout cela femble annoncer un
mariage prochain , & ce mariage néanmoins
paroît devoir être encore différé;
en voici la raifon .
DUPUIS.
A cet hymen fije donnois les mains ,
Abandonné dans ma vieilleſſe ,
Réduit à cet état dont j'ai cent fois frémi ,
Je vivrois feul & mourrois de triſteſſe ,
De perdre en même temps ma fille & mon ami.
C'eft cette jufte défiance
Que je renferme dans mon ſein ,
Dont j'épargne à leur coeur la trifte connoiſſance,
Qui ne feroit qu'augmenter leur chagrin :
Et pour donner en apparence
Quelque motif à mes délais ,
Sur les exploits galans j'attaque Des Ronais.
Ce n'eft qu'un voile adroit pour couvrir le myf
tère
Que de mon ſecret je leur fais.
C'est dans ces quatorze vers qu'et.
MARS. 1763. 185
renfermé tout le fujet de cette Comédie..
Dupuis , pour juſtifier ſes délais , dont
il vient d'expofer le motif, attribue à
Des Ronais des intrigues galantes qui
pourroient faire le malheur de fa fille
fi elle devenoit fon époufe. Cette galanterie
de Des Ronais n'eft pas une
pure fuppofition ; & les bruits qui s'en
répandent ne font point fans fondement.
On fait qu'une Comteffe lui a fait
des avances , auxquelles il a paru répondre
; & le hazard veut qu'une Lettre
de cette femme à Des Ronais tombe
entre les mains du vieux Dupuis , qui
triomphe d'avoir cette piéce à oppofer
aux inftances des deux Amans . La Scène
où il leur fait part de cette Lettre , a
paru un chef-d'oeuvre. Nous en rapporterons
quelques traits qui pourront en
donner une idée .
DUPUIS à Mariane.
། Ecoute
Le billet qu'on écrit à cet homme galant :
Tu verras que tantôt j'avois raiſon fans doure.
Pour l'époufer fi vîte il eft trop fémillant.
( il veut lire. )
Ce Lundi.....
la
DESRONAIS , l'interrompant , & le tirant par
manche , en fe cachant de Mariane ; & voulant
l'empêcher de lire.">
186 MERCURE DE FRANCE .
Eh ! par grace ! ...
DUPUIS ,fecouant la tête.
Oh ! non pas. Sans votre façon dure ,
Vos reproches amers fur ma mauvaiſe foi ,
Ce n'eût été qu'entre vous ſeul & moi ,
Que j'cuffe fait cette lecture.
Mais , pour me difculper de tous mes torts , je voi
Qu'à ma fille , à préfent , malgré moi je la doi .
› ( Se retournant vers fa fille:)
Lifons donc , pour cela , la lettre de la Dame.
( Il lit. )
Ce lundi.
Comment donc ! depuis plus d'un mois , vous
tournez la tête à votre Comteffe ; & il y a huit
grands jours qu'elle n'a entendu parler de vous.
Voilà une bonne folie ! ceci auroit tout l'air d'une
rupture , fi je voulois y entendre ; furtout depuis la
dernière lettre que j'ai reçue de vous , & qui étoit
fi gauche. Mais finiffons ceci ; les ruptures m'excédent
; tout cela m'ennuie ; & je vous pardonne.
Au fond , pourtant , c'eſt une bonne femme !
Quelle clémence ! la belle âme !
( Il continue de lire. )
C'eftjeudi lejour de ma loge à l'Opéra ; venezy.
Je reviens exprès de la Campagne , ce jour-là ,
pour fouper avec vous ; je vous menerai & vous ramenerai
. A jeudi , donc ; je le veux ; entendez-
·vous queje le veux ? Tâchez de quitter vos Dupuis
debonne heure.. S'interrompant , vOS DUPUIS ? ·
Je vous défends , furtout , de me parler de cette
MARS. 1763. 187
&
petite fille , ( Il ôte fon chapeau à Mariane ) ,
de m'en dite tant de merveilles . Il y a dequoi en
périr d'ennui ; ou , ce qui feroit cent fois pis encore
, il faudroit en devenirjaloufe. A jeudi , mon
cher Des Ronais . Rancune tenanté , au moins.
( Il les regarde,& ils reftent tous un moment fans
parler. )
Qu'est-ce ? Eh bien ! ... ...
pétrifiés !
Vous voilà tous deux
Ma fille , vous voyez , fans que je le prononce ,
Tous mes délais juftifiés.
( A Des Ronais , en lui remettant la lettre de la
Comtete. )
Comme un homme poli , vous vous devez
réponſe
"
Ace billet galant , vif & des plus inftans ;
Er pour la faire , moi , je vous donne du temps :
Mais , mais , beaucoup ;.... un temps confidé
rable.
MARIANE ,
du ton dufentiment .
Quoi ; vous me trompiez ? Vous ! Quoi ! vous ,
Des Ronais , vous ! .
DUPUIS , d'un ton de gaîté . '
Eh vraiment , il nous trompoit tous !
DES RONAIS , d'un air modefte & afflige.
Eh ! Monfieur ! eft- ce à vous de me trouver coupable
? ...
J'aurois bien des moyens pour me juſtifier :
Si je n'avois en vous un Juge qui m'accable ,
188 MERCURE DE FRANCE.
Et qui ne veut que me facrifier.
MARIAN E.
avec un peu de dédain,
Vous vous juftifiriez !
On peut l'en défier .
DUPUIS , d'un air triomphant.
DES RONAIS , vivement.
Non , vis-à-vis de vous , divine Mariane ,
Je fuis un criminel qui tombe à
Je mérite votre courroux ;
VOS genoux;
Et moi-même je me condamne
Je m'abhorre. Qui ? moi !... J'ai pu bleſſer l'amour! ..
L'amour que j'ai pour vous ! par un juſte retour
Puniffez-moi , foyez impitoyable ;
De votre colère équitable
Faites-moi fentir tous les coups ,
Je ne m'en plaindrai pas. Mais vous , Monfieur,
mais vous !
Si vous ne cherchiez pas des prétextes plaufibles ,
Pour pallier vos réfus éternels ,
Tous mes torts , à vos yeux , feroient moins
criminels ,
Ils feroient moins irrémiſſibles.
DUPUIS.
DESRONAIS.
Vous le
croyez ?
Oui , fans cela , Monfieur ,
Nous ne me feriez pas un crime d'une erreur,
Que l'on pardonne à l'âge , & qu'il m'a fait come
mettre.
MARS. 1763. 189
Vous me juſtifîriez vous - même , & par la lettre,
Dont ici , contre moi , vous venez d'abuſer.
Dupuis marquefa furprife .
Rien n'eſt plus vrai , vous avez trop d'uſage ,
D'habitude du monde , & vous êtes trop fage,
Pour que ce vain écrit , qui fert à m'accufer ,
Ne pût , fi vous vouliez , tourner à m'excuſer.
Èxaminons- le , & voyons ce qu'il prouve ,
Voici d'abord ce que j'y trouve : ;
( Il lit. )
Comment donc ! depuis plus d'un mois , vous
tournez la tête à votre Comteffe.
Depuis un mois. Ce fut au Bal de l'Opéra.
Que s'engagea cette fotte aventure ...
Voyez ... Mais , pefez donc fur le temps qu'elle
dure.
(Il lit. )
Et il y a huit grands jours qu'elle n'a entendu
parler de vous... ( Plus bas. ) Ceci auroit tout l'air
d'une rupture ... Oui ! L'air d'une rupture ;
C'en eſt une , bien une , une qui durera ,
Une bien complette , bien fure ,
Ou jamais femme n'y croira.
MARIANE ,
en foupirant & fans le regarder.
Comment vous croire , vous ?
DES RONAIS.
Que vous m'affligeriez
Si vous penfiez qu'en cette aventure fatale ,
190 MERCURE DE FRANCE.
Elle ait , un feul inftant , été votre rivale;
Ne l'imaginez pas . Vous vous dégraderiez.
DUPUIS.
Qu'il connoît bien le coeur des femmes !
Il eft vif, éloquent. Je ne fuis plus ſurpris ,
S'il fait tourrner la tête à de fort grandes Dames
MARIAN E.
Infidéle ! eh ! voilà le prix ...
DUPUIS.
Voilà comme l'amour échauffant fes efprits ;
Et lui prêtant fon éloquente ivreſſe ,
Il enflâma cette Comteſſe ,
Dont il étoit; & dont il eft encore épris.
DES RONAIS.
Moi ! de l'amour pour elle ! Eft-ce ainſi qu'on
profane
Le nom d'amour : Le plus profond mépris
Eft le feul fentiment ; oui , le feul , Mariane ,
Qu'elle ait excité dans mon coenr.
Je le prouve encor , par fa lettre :
Surtoutje vous défends de me parler de Mariane...
DUPUIS , l'interrompant.
Ah ! tout beau ! daignez me permettre ;
Lifez comme on a mis
mettre.
Cette petite Fille.
>
comme on a voulu
DES RONAIS.
Eh bien ! foit. Oui , Monfieur.
( ILIA. 5
MARS. 1763.
Surtout je vous défends de me parler de cette
petite Fille. ( Il mâchonne les derniers mots à
» Mariane . ) Et de m'en dire tant de merveilles .
>
Pendant le peu de temps qu'a duré mon erreur
Je n'étois plein que de vous- même ;
Je ne lui parlois que de vous ;
De votre coeur , de mon amour extrême ,
De nos fentimens les plus doux ;
Du defir vif , & du bonheur fuprême
De me voir un jour votre Epoux ....
Son orgueil ; non , fon coeur meparoiffoit jalous
De ces objets toujours préfens à ma pensée ,
Mais fans ceffe mon coeur les lui préfentoit tous !
Et quoiqu'au fond de l'âme , elle enfût offenſée , ]
Elle- même , elle étoit forcée
De ne me parler que de vous.
Pendant le couplet précédent , Mariane s'atten
drit par degrés , & prépare le foupir qui doit lui
échapper à la fin de ce même couplet.
Hélas !
MARIANÉ.
DUPUIS , du ton du dépit.
Tu t'attendris
Quelle foibleffe extrême !
MARIANE , pleurant prèfque.
Moi ! je m'attendris , moi !
DUPUIS.
Eh ! mais , fans doute. Eh ! parbleu ! je le voi.
93. MERCURE DE FRANCE.
Pauvre dupe ! .... crois-tu que fans partage il
aime?
MARIAN E.
Mon Père! Eh , Je ne crois rien , moi.
DESRONAIS , à Marianne.
Ah! croyez que vous feule & toujours adorée ,
Vous regnates toujours fur ce coeur emporté ,
Par une folle ardeur de fi peu de durée ....
( S'adreffant à Dupuis . )
Et pour vous pénétrer de cette vérité ,
Regardez Mariane ... Et voyez , d'un côté ,
La décence & l'honnêteté ,
Le fentiment ; une ame .... Eh ! quelle âme adorable
!
Sa tendreffe pour moi ; .... mais que j'ai mérité
De perdre , en me rendant coupable ...
Et voyez de l'autre côté .....
DUPUIS..
Phoebus , que tout cela !
MARIANE ,
Mais non. En vérité ,
Je fuis bien loin , ici , de prendre fa défenſe ;
Ni même , dans l'aveu de fon extravagance ,
De vous faire obſerver , au moins , ſa bonne foi.
Non , la légèreté m'offenſe ;
Je fuis fenfible ; je ia voi ;
vous mon Père , hélas ! pourquoi
En
MARS. 1763. 193
Èn montrez - vous encor plus de courroux que
(
moi ?
Malgré toute la complaiſance ,
Et le refpect que je vous doi ,
Voulez-vous enfin que je penfe! ...
DUPUIS.
Quoi donc ! Que penfes-tu ? ( à part. ) J'enrage.
MARIANE.
Mais je croi ,
Sans m'éloigner trop de la vraisemblance
Que les torts , ( trop réels ) de Monfieur Dès Røg
nais ,
Vous fervent bien dans les projets ,
Que vous vous étiez faits d'avance.
DUPUIS.
Quels projets ! Ma conduite eft toute fimple. Eh !
mais ,
C'eſt le fait feul qui parle , & que je te préfente ;
Des Ronais aime ailleurs.
MARIAN E.
Aimer ! c'eft bientôt dit.
Aimer ! Que votre âme eft contente
D'appuyer fur ce mot , ( à part. ) que mon coeur
contredit !
DUPUIS.
Eh ! Oui , flatte-toi donc que cette grande Dame
N'a plus aucuns droits fur fon âme ,
Et ne lui fera pas négliger les Dupuis.
Et la petite Fille ?
I
194 MERCURE DE FRANCE.
1
DES RONAIS.
Ah ! Monfieur , je ne puis
Tenir à ce reproche horrible.
MARIANE , à part.
Eh ! Son projet eft bien viſible !
DES RONAIS.
Mariane , de mille coups ,
Je percerois ce coeur, s'il eût été fenfible ,
Un feul inftant , pour un autre que vous.
DUPUIS.
Bon ! bon ! difcours d'amans . Ils fe reffemblent
tous.
MARIANE.
Non , ceux-là font fentis.
DES RONAIS.
Sans doute , & c'est mon âme ,
Qui parle , qui vous peint , qui veut, en traits de
flâme ,
Dans votre coeur graver mon repentir,
Dans le mien le remords s'eft déja fait ſentir ;
Ce n'eft pas d'aujourd'hui , que mon amour réclame
Contre l'erreur qui l'a furpris.
Si vous fçaviez tout le mépris
Que , dès cet inſtant- là , j'ai conçu pour moimême,
Pour ma fatuité , pour ma foibleffe extrême ;
Qui , Mariane , ici , je le jure à vos pieds
MARS. 1763.
195
Malgré votre courroux , malgré vos juftes
plaintes ,
Si vous aviez pu voir mes remords & mescraintes;
Vous-même vous me plaindriez.
Sena MARIANE.C
Ecoutez , Des Ronais : je veux votre parole
De ne revoir jamais la Comteffe ...
DES RONAIS.
Ah !l'honneur
L'amour font le ferment ! Et fi je le viole ,
Que je perde à la fois la vie & votre coeur.
MARIAN E.
^ Je le reçois , & vous pardonne.
DES RONAIS , voulant fe jetter aux pieds
to ban stunde Marianers.
Trop généreufe Amante!
MLA D´UPUIS.
Eh ! comment donc ! comment !:
C'eſt au moment où je vous donne
Une preuve invincible.
MARIANE.
Oui , c'eſt dans ce moment ,
Mon Pere , ou dans l'aveu naïf de ſa foiblefſe ,
Je vois moins fon aveuglement
Que fes remords & fa tendreſſe :
Où , de ce même égarement ,.
Je crois voir & trouver la caufe , ou in
Et l'excufe de vos délais.
I йj
196 MERCURE DE FRANCE .
DUPUIS.>
Parbleu ! ceci n'eft pas mauvais ,
Et c'eft fort bien prendre la choſe !
D'après cet éclairciffement ,
Qui contre moi tourne directement ,
Vous verrez que c'eſt moi qui fuis coupable. Enforte
...
MARIANE...
Men pere , pardonnez ! je fens que je m'emporte
;
Mais vous m'aimez ; vous voulez mon bon
heur ;
Moi -même à nous unir fouffrez que je vous
porte ;
•
L'hymen m'affurera de fa conftante ardeur.
Des Ronais eſt rempli d'honneur ;
Mon pardon généreux fur l'âme de Monfieur
Doit faire une impreffion forte ;
Et je vous réponds de fon coeur.
DUPUIS.
Quelle eſt'ta caution ? L'amour qui te tranſporte ?
C'eſt une déraison qui me met en fureur .
Non , non , ce n'eft qu'après les plus longues
épreuves
Que je ferai de Monfieur Des Ronais ,
Qu'il fera ton époux. Je veux qu'il le foit. Mais ,
De fa bonne conduite , il me faut d'autres
preuves.
MARS. 1763. 197
Bien perfuadés que les galanteries de
des Ronais ne font qu'un faux prétexte
pour différer leur mariage , les deux
Amans font auprès de Dupuis les plus
vives inftances pour l'obliger à s'expliquer
fur le véritable motif de fes délais,
DUPUIS , après avoir réfifté quelque temps .
Il vient d'un fentiment que vous croirez biſarre ,
( Quoique très-vrai pourtant ) & qui n'eſt point ſi
Mais
rare ;
que dans la jeuneffe , on n'a point , mon .
ami :
C'eft la défiance des hommes
Qu'en moi l'expérience a trop bien affermi ,
Surtout dans le fiécle où nous fommes.
C'eſt en partant d'après ce principe ennemi ,
Que j'entends, que je veux que votre mariage
Que vous preſſez tous deux fi fort ,
Ne fe falle qu'après ma mort.
Nous regrettons de ne pouvoir rapporter
toute la Scène qui fuit cette explication
; elle eft à la fois vive , noble,
ingénieufe & attendriffante. M. Dupuis
entreprend d'abord de juſtifier ſa façon
de penfer , & dit aux deux Amans :
Quand vous , Des Ronais , vous , ma fille
Vous ferez occupés d'abord de votre amour ,
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
Qu'après cela viendront les foins d'une famille ;
Qu'aux devoirs les plaifirs fuccédant tour-àtour
,
Vous recevrez chez vous & la Ville & la Cour
Que pour fuffire à ce brillant commerce
1
Tous vos momens feront comptés ;
Qu'enfuite enfin des deux côtés
Les paffions viendront à la traverfe ;
Je dois beaucoup compter fur vos bontés.
L'amitié des enfans paffe alors comme un fonge.
C'eſt dans le tourbillon où le monde les plonge ;
Hélas ! c'eft dans ces temps de travers & d'écart,
Qu'à peine la jeuneffe fonge
A l'existence d'un vieillard.
Ma fille , on ne voit dans le monde
Que des pères abandonnés
A leur folitude profonde ,
Pardes enfans... fouvent qui les ont ruinés.
Mais en voit -on d'affez bien nés ,
Pour ofer en public , faire leur compagnie
De ces Vieillards infortunés ??
Ils leur feront , & par cérémonie ,
Une vifite ou deux par mois ;
Seront diftraits , rêveurs , immobiles & roids ;
Dans un fauteuil viendront s'étendre ;
Parleront peu , ne diront rien de tendre ,
Et s'en iront après avoir bâillé vingt fois.
" ! 2 ། " C
1
MARS. 1763. 199
Encore font-ce les plus honnètès ;
Qui , commandés par l'abfolu pouvoir
Que fur ces Meffieurs- là peuvent encore avoir
Des bienséances méchaniques ,
Viennent ainfi fe rendre en mauvais politiques ,
A ce qu'ils nomment leur devoir ;
Nous donner , en fuivant des ufages antiques ,
Par décence , & bien moins pour nous que pour
autrui ,
De ces preuves périodiques
De leur ingratitude & de leur froid ennui.
Des Ronais ne croit pas devoir combattre
les idées de ce vieillard ; il connoît
la bonté de fon coeur , & c'eft
par le fentiment & la tendreffe qu'il effaye
de vaincre fa réſiſtance.
Non , vous n'êtes point infenfible..
Ne vous dérobez point aux tendres mouvemens ,
Très-refpectable ami , qu'il eſt prèſque impof
fible
Que vous n'éprouviez pas dans d'auffi doux momens.
Que l'amour paternel , notre commune flâme ,
Qu'une fille , un fils , deux amans ,
Que l'amitié , l'amour , la nature en votre â me ,
Par la réunion de tous ces fentimens ,
En l'embrafant du feu qui nous enflamme ,
Y fallent tout céder à leurs tranfports charmans
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
C'eſt votre coeur lui ſeul , lai feul que je reclame:
Vous vous vous attendriffez. Mon père , à vos
genoux ,
Je lis dans vos regards que j'obtiendrai de vous
Ce doux confentement où je force votre âme.
Dupuis ne fe rend point encore ; &
cette réfiftance qui met l'impétueux
Des Ronais hors de lui-même , ne lui
permet plus de fe contenir. La douceur
de Mariane , & tout ce qu'elle montre
de tendreffe , d'attachement & de foumiffion
pour fon père , triomphe enfin
de l'obſtination du vieillard qui lui dit :
Le
Je ne veux point laiſſer à ma raiſon fidèle
temps de refroidir ma fenfibilité.
Qu'aujourd'hui votre hymen fe falſe ;
Aujourd'hui donne lui la main ...
Je ne répondrois pas demain
De t'accorder la même grace.
Ainfi finit cette Piéce intéreffante .
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Résumé : EXTRAIT DE DUPUIS ET DES RONAIS, Comédie en trois Actes en vers libres ; par M. COLLÉ, Lecteur de Monseigneur le Duc d'Orléans.
La pièce 'De Dupuis et des Ronais' est une comédie en trois actes en vers libres écrite par M. Collé. Elle met en scène M. Dupuis, un homme de finance, sa fille Mariane, et Des Ronais, un autre financier. Mariane et Des Ronais sont amoureux et s'attendent à se marier prochainement. Dupuis, bien que favorable à cette union, retarde le mariage en prétextant des intrigues galantes de Des Ronais. Dupuis découvre une lettre compromettante adressée à Des Ronais par une comtesse, ce qui le conforte dans sa méfiance. Lors d'une scène clé, Dupuis lit cette lettre en présence de Mariane et Des Ronais, révélant ainsi les avances de la comtesse. Des Ronais, bien que troublé, explique que cette relation est terminée et que son cœur appartient uniquement à Mariane. Mariane, émue, finit par pardonner à Des Ronais après avoir obtenu sa promesse de ne plus revoir la comtesse. Dupuis, convaincu par les remords et la sincérité de Des Ronais, reconnaît finalement ses propres torts et accepte le mariage. La pièce se conclut par la réconciliation des personnages et la préparation du mariage entre Mariane et Des Ronais. Cependant, Dupuis exprime ses craintes concernant l'ingratitude des enfants envers leurs parents. Il refuse de consentir au mariage avant sa mort, redoutant que les jeunes époux, occupés par leurs devoirs et plaisirs, finissent par négliger leur vieillard de père. Des Ronais et Mariane insistent, mais Dupuis résiste, évoquant l'abandon des pères par leurs enfants dans la société. Finalement, ému par la tendresse et la soumission de Mariane, Dupuis consent au mariage, mais à condition qu'il se fasse immédiatement, sans garantie pour le lendemain.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 201-204
OBSERVATIONS sur la Comédie de DUPUIS & DES RONAIS.
Début :
COMBIEN il seroit agréable pour nous de n'avoir jamais à rendre compte au Public, que d'Ouvrages [...]
Mots clefs :
Action, Genre, Comédie, Personnages
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : OBSERVATIONS sur la Comédie de DUPUIS & DES RONAIS.
OBSERVATIONS fur la Comédie de
DUPUIS & DES RONAIS.
COMBIEN il feroit agréable pour nous de n'avoir
jamais à rendre compte au Public , que d'Ouvrages
tels que celui dont nous venons de faire l'Extrait
! Certains de n'être pas contredits fur les
éloges , nous aurions la fatisfaction d'exercer une
critique , utile au progrès de l'art , fans bleffer
l'amour-propre des Auteurs.
Dans ce que nous avons déja dit au fujet de
cette Comédie ( a ) , nous avions réfumé à- peuprès
ce que le Public avoit le plus applaudi , & ce
qu'il a confirmé depuis par des fuffrages réfléchis.
Intérêt touchant fans trifteffe ; morale fans
pédanterie ; détails toujours agréables fans affectation
de tours brillans , d'où réſulte la jufteſſe
& la facilité dans le Dialogue ; par - tout un fentiment
puifé dans la nature & non dans le Roman
du coeur. Telle eft l'idée générale qui nous a paru
refter de cette Piéce à tous ceux qui la connoiffent.
Qu'il nous foit permis , pour notre
propre inftruction, d'y ajouter quelques réflexions.
particulières que l'ou vrage nous a fait naître.
Le fujer eft fort fimple. L'emploi qu'en a fair
l'Auteur pour fournir à trois Actes , fait d'autant
plus d'honneur à fon talent , qu'il ne laifie
appercevoir aucune extenfion forcée. Examinons
fes moyens.
Il ne pouvoit y avoir dans cette Piéce beaucoup
(a) Voyez le Mercure de Février , Article des
Spectacles de la Cour,
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
de ce qu'on appelle communément ACTION . Un
Sujet auffi peu compliqué ne pouvant & ne devant
admettre la multiplicité des incidens , ni un
mouvement bien apparent dans la marche ou
dans la conduite du Drame . Mais quand d'autres
Modernes , furtout parmi les François , ne
nous auroient pas appris par leurs fuccès qu'il
y a différens genres d'ACTION , cette Piéce fuf
firoit peut-être pour nous le faire appercevoir.
Je ne fais fi l'on ne trouvera pas trop d'affectation
dans les termes , lorfque nous diftinguons
l'ACTION DRAMATIQUE en action phyfique & en
action morale. Je crois au moins pouvoir m'af
furer qu'il y a de la vérité dans la diſtinction
& que la Comédie dont il s'agit eft du genre
d'ACTION morale.
"
Ne pourroit-on pas confidérer comme action
phyfique ou matériele , celle qui par la force de
l'intrigue , par l'enchaînement des incidens , met
les perfonnages dans des fituations opposées.
l'une à l'autre , celle qui change alternativement
la fortune de divers projets , par des événemens
préparés mais imprévus , & enfin par
d'autres événemens indépendans de la volonté
'ou des fentimens de quelques perfonnages , rapproche
le terme ou dénoûment que cette même
ACTION avoit tendu à éloigner ?
Il devoit le rencontrer très - peu d'ACTION
de ce genre dans la Comédie de Dupuis & Des
Ronais. Tout ce qui peut avoir rapport au premier
genre eft l'incident très - ingénieu fement
trouvé , & très - habilement mis en oeuvre ) de la
Lettre de la Comtelle à Des Ronais entre les
mains de Dupuis , Nous reviendrons au mérite
de ce moyen.
Au contraire , ne pourroit- on pas placer dans
MARS. 1763. 203
le fecond genre d'ACTION , qu'on nous permertra
de nommer morale ou métaphysique , les ob f
acles qui résultent feulement du contraſte des
caractères ou d'un intérêt actif & puiffant oppofé
aux vues & aux défirs des perfonnages intérel
fans ?Ne peut- on pas ranger dans la même claſſe
un jeu de refforts que produit la feule gradation
de fentiment entre les perfonnages , & qui donne
aux uns une certaine force , indépendante des
événemens , fur les volontés des autres ? Le mouvement
qui résulte de cette forte de moyens
n'a fon principe & fon action que dans le coeur
& ne peut être fans doute bien ſaiſi que par l'efprit.
C'eft de ce fecond genre , tel que nous éffayons
de le définir , que l'Auteur a tiré le plus grand
parti dans fa Piéce . C'eſt par là que l'incident de
la lettre , qui pouvoit donner à Dupuis les plus
fortes armes contre l'importunité des deux Amans ,
& qui femble devoir , finon détruire , au moins
altérer cruellement le concert de leurs fentimens ,
devient au contraire l'occafion du triomphe qu'ils
remportent fur la volonté la plus obſtinément
affermie. C'eft la jufteffe avec laquelle Marian.
voit l'égarement momentané de fon Amant ,
dans la conviction d'un fait que les feuls foupçons
auroient pu lui exagérer ; c'eft le pardon
généreux & tendre qui en réfulte ; c'eft enfuire
la violence de Des Ronais qui donne lieu au facrifice
héroïque, mais naturel , que fait cette fille de
l'amour le plus légitime & le plus ardent , à la
feule manie de fon Père , qui , en le touchant invinciblement,
améne par une voie fort naturelle au
dénoûment qui paroiffoit défefpéré ; fans qu'aucun
des Perfonnages foit forti du caractère primitif
que l'Auteur leur a donné.Voilà des moyens
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
qui tiennent tous au coeur , fans fecours d'evénement,
Voilà donc cette gradation , ce reffort
de fentiment qui agit avec une force pour
ainfi dire coactive , & qui opére toute la condutte
& le dénoûment de ce Drame dont le fond eſt
un des plus fimples qui foit au Théâtre.
En applaudiflant avec tout le Public au talent
de l'Auteur & à l'art qu'il a employé dans cette
Comédie , nous n'en exhorterons pas moins les
Auteurs à fe défendre de la féduction de l'exemple.
Nous nous garderons bien d'encourager à
courir les hazards d'un genre , où les chûtes
feroient fans reffources , & où il ne faut pas moins.
qu'un fuccès auffi décidé pour juſtifier la hardielle
de l'entrepriſe.
Le Public , après avoir quelque temps balance
fur le caractère fingulier de Dupuis , ſemble avoir
reconnu combien il étoit néceffaire au jeu des
autres caractères . Peut- être on ne le foupçonnoit
pas dans la Nature , que par faute de réfléxions
, & encore plus faute de cette bonne foi
dont on manque avec foi-même auffi fouvent
au moins qu'avec les autres. D'ailleurs , on eft
obligé de convenir que tout ce que l'art le plus
délicat & le mieux raifonné peut fournir , a été
employé pour adoucir ce que ce caractère offre
d'abord d'injurieux à l'humanité.
N. B. En publiant la Lettre fuivante fur un
événement qui doit caufer tant de regrets au Public,,
nous tâchons de continuer de marquer notre empreffement
fur le tribut d'éloges qu'on doit aux per
fonnes célèbres . Ongoûte une espéce de confolation ,
en lifant l'hommage qu'on leur rend ; & notre
recenoiffance envers elles nous fais fouhaiter que
la pofléritéfe les repréfente telles que nous les avons
mais cela eft impoffible à l'égard de l'Actrice
charmante dont la perte nous eft fi ſenſible.
DUPUIS & DES RONAIS.
COMBIEN il feroit agréable pour nous de n'avoir
jamais à rendre compte au Public , que d'Ouvrages
tels que celui dont nous venons de faire l'Extrait
! Certains de n'être pas contredits fur les
éloges , nous aurions la fatisfaction d'exercer une
critique , utile au progrès de l'art , fans bleffer
l'amour-propre des Auteurs.
Dans ce que nous avons déja dit au fujet de
cette Comédie ( a ) , nous avions réfumé à- peuprès
ce que le Public avoit le plus applaudi , & ce
qu'il a confirmé depuis par des fuffrages réfléchis.
Intérêt touchant fans trifteffe ; morale fans
pédanterie ; détails toujours agréables fans affectation
de tours brillans , d'où réſulte la jufteſſe
& la facilité dans le Dialogue ; par - tout un fentiment
puifé dans la nature & non dans le Roman
du coeur. Telle eft l'idée générale qui nous a paru
refter de cette Piéce à tous ceux qui la connoiffent.
Qu'il nous foit permis , pour notre
propre inftruction, d'y ajouter quelques réflexions.
particulières que l'ou vrage nous a fait naître.
Le fujer eft fort fimple. L'emploi qu'en a fair
l'Auteur pour fournir à trois Actes , fait d'autant
plus d'honneur à fon talent , qu'il ne laifie
appercevoir aucune extenfion forcée. Examinons
fes moyens.
Il ne pouvoit y avoir dans cette Piéce beaucoup
(a) Voyez le Mercure de Février , Article des
Spectacles de la Cour,
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
de ce qu'on appelle communément ACTION . Un
Sujet auffi peu compliqué ne pouvant & ne devant
admettre la multiplicité des incidens , ni un
mouvement bien apparent dans la marche ou
dans la conduite du Drame . Mais quand d'autres
Modernes , furtout parmi les François , ne
nous auroient pas appris par leurs fuccès qu'il
y a différens genres d'ACTION , cette Piéce fuf
firoit peut-être pour nous le faire appercevoir.
Je ne fais fi l'on ne trouvera pas trop d'affectation
dans les termes , lorfque nous diftinguons
l'ACTION DRAMATIQUE en action phyfique & en
action morale. Je crois au moins pouvoir m'af
furer qu'il y a de la vérité dans la diſtinction
& que la Comédie dont il s'agit eft du genre
d'ACTION morale.
"
Ne pourroit-on pas confidérer comme action
phyfique ou matériele , celle qui par la force de
l'intrigue , par l'enchaînement des incidens , met
les perfonnages dans des fituations opposées.
l'une à l'autre , celle qui change alternativement
la fortune de divers projets , par des événemens
préparés mais imprévus , & enfin par
d'autres événemens indépendans de la volonté
'ou des fentimens de quelques perfonnages , rapproche
le terme ou dénoûment que cette même
ACTION avoit tendu à éloigner ?
Il devoit le rencontrer très - peu d'ACTION
de ce genre dans la Comédie de Dupuis & Des
Ronais. Tout ce qui peut avoir rapport au premier
genre eft l'incident très - ingénieu fement
trouvé , & très - habilement mis en oeuvre ) de la
Lettre de la Comtelle à Des Ronais entre les
mains de Dupuis , Nous reviendrons au mérite
de ce moyen.
Au contraire , ne pourroit- on pas placer dans
MARS. 1763. 203
le fecond genre d'ACTION , qu'on nous permertra
de nommer morale ou métaphysique , les ob f
acles qui résultent feulement du contraſte des
caractères ou d'un intérêt actif & puiffant oppofé
aux vues & aux défirs des perfonnages intérel
fans ?Ne peut- on pas ranger dans la même claſſe
un jeu de refforts que produit la feule gradation
de fentiment entre les perfonnages , & qui donne
aux uns une certaine force , indépendante des
événemens , fur les volontés des autres ? Le mouvement
qui résulte de cette forte de moyens
n'a fon principe & fon action que dans le coeur
& ne peut être fans doute bien ſaiſi que par l'efprit.
C'eft de ce fecond genre , tel que nous éffayons
de le définir , que l'Auteur a tiré le plus grand
parti dans fa Piéce . C'eſt par là que l'incident de
la lettre , qui pouvoit donner à Dupuis les plus
fortes armes contre l'importunité des deux Amans ,
& qui femble devoir , finon détruire , au moins
altérer cruellement le concert de leurs fentimens ,
devient au contraire l'occafion du triomphe qu'ils
remportent fur la volonté la plus obſtinément
affermie. C'eft la jufteffe avec laquelle Marian.
voit l'égarement momentané de fon Amant ,
dans la conviction d'un fait que les feuls foupçons
auroient pu lui exagérer ; c'eft le pardon
généreux & tendre qui en réfulte ; c'eft enfuire
la violence de Des Ronais qui donne lieu au facrifice
héroïque, mais naturel , que fait cette fille de
l'amour le plus légitime & le plus ardent , à la
feule manie de fon Père , qui , en le touchant invinciblement,
améne par une voie fort naturelle au
dénoûment qui paroiffoit défefpéré ; fans qu'aucun
des Perfonnages foit forti du caractère primitif
que l'Auteur leur a donné.Voilà des moyens
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
qui tiennent tous au coeur , fans fecours d'evénement,
Voilà donc cette gradation , ce reffort
de fentiment qui agit avec une force pour
ainfi dire coactive , & qui opére toute la condutte
& le dénoûment de ce Drame dont le fond eſt
un des plus fimples qui foit au Théâtre.
En applaudiflant avec tout le Public au talent
de l'Auteur & à l'art qu'il a employé dans cette
Comédie , nous n'en exhorterons pas moins les
Auteurs à fe défendre de la féduction de l'exemple.
Nous nous garderons bien d'encourager à
courir les hazards d'un genre , où les chûtes
feroient fans reffources , & où il ne faut pas moins.
qu'un fuccès auffi décidé pour juſtifier la hardielle
de l'entrepriſe.
Le Public , après avoir quelque temps balance
fur le caractère fingulier de Dupuis , ſemble avoir
reconnu combien il étoit néceffaire au jeu des
autres caractères . Peut- être on ne le foupçonnoit
pas dans la Nature , que par faute de réfléxions
, & encore plus faute de cette bonne foi
dont on manque avec foi-même auffi fouvent
au moins qu'avec les autres. D'ailleurs , on eft
obligé de convenir que tout ce que l'art le plus
délicat & le mieux raifonné peut fournir , a été
employé pour adoucir ce que ce caractère offre
d'abord d'injurieux à l'humanité.
N. B. En publiant la Lettre fuivante fur un
événement qui doit caufer tant de regrets au Public,,
nous tâchons de continuer de marquer notre empreffement
fur le tribut d'éloges qu'on doit aux per
fonnes célèbres . Ongoûte une espéce de confolation ,
en lifant l'hommage qu'on leur rend ; & notre
recenoiffance envers elles nous fais fouhaiter que
la pofléritéfe les repréfente telles que nous les avons
mais cela eft impoffible à l'égard de l'Actrice
charmante dont la perte nous eft fi ſenſible.
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Résumé : OBSERVATIONS sur la Comédie de DUPUIS & DES RONAIS.
La critique de la comédie de Dupuis et Des Ronais met en lumière son succès auprès du public et des critiques. La pièce est louée pour son intérêt touchant, sa morale sans pédanterie, et ses dialogues naturels et justes. L'intrigue, bien que simple, est efficace et ne nécessite pas d'extensions forcées. La critique distingue deux types d'action dramatique : l'action physique, basée sur des événements extérieurs, et l'action morale, basée sur les caractères et les sentiments des personnages. La comédie de Dupuis et Des Ronais appartient à cette seconde catégorie, utilisant des obstacles résultant du contraste des caractères et des intérêts opposés. Par exemple, l'incident de la lettre devient une occasion de triomphe pour les amants grâce à la justice et au pardon de Marianne. Le dénouement est naturel et respecte les caractères initiaux des personnages. La critique conclut en exhortant les auteurs à éviter les dangers d'un genre où les échecs sont sans recours, tout en reconnaissant le talent de Dupuis et l'art employé dans la pièce. Le public a finalement reconnu la nécessité du caractère singulier de Dupuis pour le jeu des autres personnages.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 205-207
LETTRE de M. DE SAINT FOIX à M.****
Début :
Vous me demandez mon sentiment, Monsieur, sur l'idée d'un tableau auquel [...]
Mots clefs :
Actrice, Sentiment, Comédie, Talent
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. DE SAINT FOIX à M.****
LETTRE de M. DE SAINT FOIX &
V
M.****
ous me demandez mon fentiment,
Monfieur , fur l'idée d'un tableau auquel
vous travaillez . Il repréfentera
dites-vous , Thalie éplorée , qui fait tous
fes efforts pour retenir une Actrice qui
veut la quitter. Je ne doute point de
l'habileté de votre pinceau ; je vous
dirai feulement qu'il y a des objets qui
font moins du reffort de l'imagination
que du fentiment ; je fuis perfuadé que
Thalie aura l'attitude & toute l'expreffion
convenables ; mais l'Actrice
Monfieur cette A&trice divine
, fon front , fes yeux , fon nez
fa bouche, tous fes traits fi délicatement
affortis pour lui compofer la phifionomie
la plus aimable & la plus piquante ;
fa taille de nymphe ; fon maintien libre ,
aifé & toujours décent , Mademoiſelle
Dangeville enfin ( car fa retraite duThéâtre
eft le fijet de votre tableau ) Mademoifelle
Dangeville , Monfieur , peuton
eípérer de la bien peindre ! Avec de
l'intelligence , du fentiment , de l'étude
& de la réflexion , on peut fe perfection-
,
&
206 MERCURE DE FRANCE.
bien rare ,
ner le goût , & devenir une Actrice trèsbrillante
; mais l'Actrice de génie eſt
& il y a la même différence
qu'entre Moliere & un Auteur qui n'a
que de l'efprit. Nous avons vu Mlle
Dangeville jouer dans les caractères les
plus oppofés , & les faifir toujours de
façon que nous en fommes encore à
ne pouvoir nous dire dans lequel nous
l'aimions le plus. On aura de la peine à
s'imaginer que la même perfonne ait
pû jouer avec une égale fupériorité l'Indifcrète
dans l'Ambitieux ; Martine dans
les Femmes fçavantes ; la Comteſſe dans
les Moeurs du temps ; Colette dans les
trois Coufines ; Me Orgon dans le Complaifant
; la fauffe Agnès dans le Poëte
campagnard ; la Baronne d'Olban dans
Nanine ; l'Amour dans les Grâces , &
tant d'autres rôles fi différens . Combien
de fois,à la premiere repréfentation
d'une Comédie , a-t-elle procuré des applaudiffemens
à des endroits où l'Auteur
n'en attendoit pas ! Je me fouviens
que le célébre Néricaut Deftouches
dont on alloit jouer une Piéce nouvelle,
craignoit pour un monologue & quelques
traits dans le cinquiéme A&te ; il
vouloit les fupprimer : donnez- vous- en
bien de garde , lui dit- elle , je vous réMAR'S.
1763. 207
ponds que ces traits & ce monologue feront
très- applaudis. En effet , elle joua
le tout avec un naturel , des grâces , une
naïveté qui déciderent la réuffite , &
triompherent de tous les efforts qu'une
indigne cabale avoit faits , pendant les
quatre premiers Actes , pour faire tomber
cette Comédie. Ce qui acheve de
caractèrifer la perfonne de génie dans
Mlle Dangeville , c'eft qu'elle eft fimple
, vraie , modefte , timide même ,
n'ayant jamais le ton orgueilleux du talent
, mais toujours celui d'une fille
bien élevée ; ignorant d'ailleurs toute
cabale , & dans le centre de la tracafferie
, n'en ayant jamais fait aucune.
J'ai cru Monfieur , puifque vous me
confultiez , que je devois vous communiquer
mes idées fur fon caractère , parce
qu'il me femble qu'il faut commencer
par connoître celui de la perfonne que
l'on veut peindre. Je fouhaite que vous
réuffiffiez ; je fouhaite que vous puiffiez
faifir cette âme fine , naturelle , délicate
& fenfible , qui vit , qui parle , qui voltige
& badine fans ceffe dans fes yeux
fur fa bouche & dans tous fes traits. Je
fuis , Monfieur , votre très- humble &
très-obéiffant Serviteur
,
SAINT FOIX,
V
M.****
ous me demandez mon fentiment,
Monfieur , fur l'idée d'un tableau auquel
vous travaillez . Il repréfentera
dites-vous , Thalie éplorée , qui fait tous
fes efforts pour retenir une Actrice qui
veut la quitter. Je ne doute point de
l'habileté de votre pinceau ; je vous
dirai feulement qu'il y a des objets qui
font moins du reffort de l'imagination
que du fentiment ; je fuis perfuadé que
Thalie aura l'attitude & toute l'expreffion
convenables ; mais l'Actrice
Monfieur cette A&trice divine
, fon front , fes yeux , fon nez
fa bouche, tous fes traits fi délicatement
affortis pour lui compofer la phifionomie
la plus aimable & la plus piquante ;
fa taille de nymphe ; fon maintien libre ,
aifé & toujours décent , Mademoiſelle
Dangeville enfin ( car fa retraite duThéâtre
eft le fijet de votre tableau ) Mademoifelle
Dangeville , Monfieur , peuton
eípérer de la bien peindre ! Avec de
l'intelligence , du fentiment , de l'étude
& de la réflexion , on peut fe perfection-
,
&
206 MERCURE DE FRANCE.
bien rare ,
ner le goût , & devenir une Actrice trèsbrillante
; mais l'Actrice de génie eſt
& il y a la même différence
qu'entre Moliere & un Auteur qui n'a
que de l'efprit. Nous avons vu Mlle
Dangeville jouer dans les caractères les
plus oppofés , & les faifir toujours de
façon que nous en fommes encore à
ne pouvoir nous dire dans lequel nous
l'aimions le plus. On aura de la peine à
s'imaginer que la même perfonne ait
pû jouer avec une égale fupériorité l'Indifcrète
dans l'Ambitieux ; Martine dans
les Femmes fçavantes ; la Comteſſe dans
les Moeurs du temps ; Colette dans les
trois Coufines ; Me Orgon dans le Complaifant
; la fauffe Agnès dans le Poëte
campagnard ; la Baronne d'Olban dans
Nanine ; l'Amour dans les Grâces , &
tant d'autres rôles fi différens . Combien
de fois,à la premiere repréfentation
d'une Comédie , a-t-elle procuré des applaudiffemens
à des endroits où l'Auteur
n'en attendoit pas ! Je me fouviens
que le célébre Néricaut Deftouches
dont on alloit jouer une Piéce nouvelle,
craignoit pour un monologue & quelques
traits dans le cinquiéme A&te ; il
vouloit les fupprimer : donnez- vous- en
bien de garde , lui dit- elle , je vous réMAR'S.
1763. 207
ponds que ces traits & ce monologue feront
très- applaudis. En effet , elle joua
le tout avec un naturel , des grâces , une
naïveté qui déciderent la réuffite , &
triompherent de tous les efforts qu'une
indigne cabale avoit faits , pendant les
quatre premiers Actes , pour faire tomber
cette Comédie. Ce qui acheve de
caractèrifer la perfonne de génie dans
Mlle Dangeville , c'eft qu'elle eft fimple
, vraie , modefte , timide même ,
n'ayant jamais le ton orgueilleux du talent
, mais toujours celui d'une fille
bien élevée ; ignorant d'ailleurs toute
cabale , & dans le centre de la tracafferie
, n'en ayant jamais fait aucune.
J'ai cru Monfieur , puifque vous me
confultiez , que je devois vous communiquer
mes idées fur fon caractère , parce
qu'il me femble qu'il faut commencer
par connoître celui de la perfonne que
l'on veut peindre. Je fouhaite que vous
réuffiffiez ; je fouhaite que vous puiffiez
faifir cette âme fine , naturelle , délicate
& fenfible , qui vit , qui parle , qui voltige
& badine fans ceffe dans fes yeux
fur fa bouche & dans tous fes traits. Je
fuis , Monfieur , votre très- humble &
très-obéiffant Serviteur
,
SAINT FOIX,
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Résumé : LETTRE de M. DE SAINT FOIX à M.****
La lettre de M. de Saint Foix répond à une demande d'avis sur un tableau représentant Thalie éplorée tentant de retenir une actrice qui souhaite quitter la scène. L'auteur admire l'habileté du peintre mais estime que certains sujets nécessitent plus de sentiment que d'imagination. Il exprime des doutes sur la possibilité de bien représenter Mademoiselle Dangeville, connue pour sa retraite du théâtre. Saint Foix décrit les qualités exceptionnelles de cette actrice, soulignant sa capacité à incarner divers personnages avec une égale maîtrise, allant de l'Indiscrète dans *L'Ambitieux* à la Comtesse dans *Les Moeurs du temps*. Il raconte également un épisode où elle a sauvé une pièce grâce à son interprétation remarquable. Saint Foix loue son génie, sa simplicité, sa modestie et son absence de cabale. Il conclut en espérant que le peintre réussira à capturer l'essence de cette actrice exceptionnelle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 208-210
COMÉDIE ITALIENNE.
Début :
ON a repris sur ce Théâtre Sancho-Pança dans fon Isle, Opéra bouffon [...]
Mots clefs :
Comédie, Acte, Succès
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMÉDIE ITALIENNE.
COMÉDIE ITALIENNE..
ONa Na repris fur ce Théâtre Sancho-
Pança dans fon Ifle , Opéra bouffon
dont la Mufique admirable de M. Philidor
avoit fait le fuccès.
On a continué pendant le mois précédent
les repréfentations de la jolie
Comédie , mêlée d'Ariettes intitulée
Te Guy de Chêne , dont nous avons déja
parlé.
,
Le 4 Février on donna la première
repréſentation de l'Amour Paternel, ou
la Suivante reconnoiſſante, Comédie Italienne
en 3 Actes en profe de M. GOLDONI.
C'eft la première que ce célebre
Auteur ait compofée & fait repréſenter
depuis fon féjour en France . Elle a été
très-applaudie par les Spectateurs en état
de fentir les beautés de la langue Italienne,&
le genre caractériſtique de ce théâtre
, on pourroit dire même en général
celui de la vraie Comédie , que l'illuftre
M. GOLDONI a rétabli dans fa Patrie.
Cette Piéce a été interrompue après la
deuxiéme repréfentation par l'indifpofition
fucceffive de plufieurs Acteurs
qui ne pouvoient y être remplacés.
MARS. 1763. 209
Le 10 on donna la première & l'unique
repréfentation de la Bagarre ,
Comédie en un Acte , mêlée d'Ariettes.
Dans quelque indulgence que le goût
du Public l'eût entraîné jufqu'alors pour
certains Drames de quelques Opéra-
Comiques du nouveau genre , il n'a pas
jugé apparemment devoir faire grace à
celui-ci , qui a éprouvé toute la justice
de fes jugemens & la févérité de fes
cenfures. Il n'a pas réparu fur le théâtre.
Cette Piéce a été le premier Opéra-
Comique qui ait éprouvé ce fort ,
depuis la réunion au théâtre Italien.
Par une jufte prévoyance , l'Auteur
des paroles les avoit fait imprimer
avant la repréſentation . Il y a joint
une Préface , où en fe plaignant
de ce qu'il appelle les petits chagrins
qu'il a reçus du Public , il lui laiffe entrevoir
trop clairement l'opinion qu'il a
de fon goût & de fes jugemens. Il ménage
encore moins ( par la même prévoyance
) les Journaliſtes forcés par
état de rendre compte des petits chagrins
de certains Auteurs .
Il faut bien remarquer à l'égard de
cette Piéce , que la Mufique , dont il
refte une idée favorable , ne doit pas
être confondue dans la chûte.
210 MERCURE DE FRANCE .
Le 19 le Bon Seigneur , Comédie
nouvelle en un Acte en profe , mêlée
d'Ariettes , fut donnée pour la première
fois fur ce théâtre , & n'eut pas un fuccès
heureux mais il eft jufte d'obferver
que cette Piéce a éprouvé en cela,
le fort commun à tous les ouvrages faits
pour une fociété & pour une circonftance
particulière. Tout le mérite qu'ils
avoient eft perdu auprès du Public , qui
ne peut y être fenfible. C'eft une erreur
dans laquelle font tombés tant d'Auteurs
, dont la réputation même étoit
conftatée , qu'elle ne doit ni ne peut porter
atteinte à celle des Auteurs de cet
ouvrage , ni prévenir déſavantageuſement
fur leurs talens.
On a donné le 22 la troifiéme repréfentation
de l'Amour paternel , que l'on
continue depuis avec fuccès , ainfi que
celles d'Arlequin cru mort , Comédie
Italienne en un Acte de M. GOLDONI
repréſentée pour la première fois, le 24,
avec beaucoup d'applaudiffemens . L'abondance
des matières nous contraint à
remettre au Mercure prochain le plaifir
de parler avec plus d'étendue des ouvrages
& du génie de cet Auteur.
ONa Na repris fur ce Théâtre Sancho-
Pança dans fon Ifle , Opéra bouffon
dont la Mufique admirable de M. Philidor
avoit fait le fuccès.
On a continué pendant le mois précédent
les repréfentations de la jolie
Comédie , mêlée d'Ariettes intitulée
Te Guy de Chêne , dont nous avons déja
parlé.
,
Le 4 Février on donna la première
repréſentation de l'Amour Paternel, ou
la Suivante reconnoiſſante, Comédie Italienne
en 3 Actes en profe de M. GOLDONI.
C'eft la première que ce célebre
Auteur ait compofée & fait repréſenter
depuis fon féjour en France . Elle a été
très-applaudie par les Spectateurs en état
de fentir les beautés de la langue Italienne,&
le genre caractériſtique de ce théâtre
, on pourroit dire même en général
celui de la vraie Comédie , que l'illuftre
M. GOLDONI a rétabli dans fa Patrie.
Cette Piéce a été interrompue après la
deuxiéme repréfentation par l'indifpofition
fucceffive de plufieurs Acteurs
qui ne pouvoient y être remplacés.
MARS. 1763. 209
Le 10 on donna la première & l'unique
repréfentation de la Bagarre ,
Comédie en un Acte , mêlée d'Ariettes.
Dans quelque indulgence que le goût
du Public l'eût entraîné jufqu'alors pour
certains Drames de quelques Opéra-
Comiques du nouveau genre , il n'a pas
jugé apparemment devoir faire grace à
celui-ci , qui a éprouvé toute la justice
de fes jugemens & la févérité de fes
cenfures. Il n'a pas réparu fur le théâtre.
Cette Piéce a été le premier Opéra-
Comique qui ait éprouvé ce fort ,
depuis la réunion au théâtre Italien.
Par une jufte prévoyance , l'Auteur
des paroles les avoit fait imprimer
avant la repréſentation . Il y a joint
une Préface , où en fe plaignant
de ce qu'il appelle les petits chagrins
qu'il a reçus du Public , il lui laiffe entrevoir
trop clairement l'opinion qu'il a
de fon goût & de fes jugemens. Il ménage
encore moins ( par la même prévoyance
) les Journaliſtes forcés par
état de rendre compte des petits chagrins
de certains Auteurs .
Il faut bien remarquer à l'égard de
cette Piéce , que la Mufique , dont il
refte une idée favorable , ne doit pas
être confondue dans la chûte.
210 MERCURE DE FRANCE .
Le 19 le Bon Seigneur , Comédie
nouvelle en un Acte en profe , mêlée
d'Ariettes , fut donnée pour la première
fois fur ce théâtre , & n'eut pas un fuccès
heureux mais il eft jufte d'obferver
que cette Piéce a éprouvé en cela,
le fort commun à tous les ouvrages faits
pour une fociété & pour une circonftance
particulière. Tout le mérite qu'ils
avoient eft perdu auprès du Public , qui
ne peut y être fenfible. C'eft une erreur
dans laquelle font tombés tant d'Auteurs
, dont la réputation même étoit
conftatée , qu'elle ne doit ni ne peut porter
atteinte à celle des Auteurs de cet
ouvrage , ni prévenir déſavantageuſement
fur leurs talens.
On a donné le 22 la troifiéme repréfentation
de l'Amour paternel , que l'on
continue depuis avec fuccès , ainfi que
celles d'Arlequin cru mort , Comédie
Italienne en un Acte de M. GOLDONI
repréſentée pour la première fois, le 24,
avec beaucoup d'applaudiffemens . L'abondance
des matières nous contraint à
remettre au Mercure prochain le plaifir
de parler avec plus d'étendue des ouvrages
& du génie de cet Auteur.
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Résumé : COMÉDIE ITALIENNE.
En février 1763, plusieurs œuvres théâtrales ont été présentées. Le 4 février, la comédie italienne 'L'Amour Paternel, ou la Suivante reconnaissante' de Carlo Goldoni a été jouée pour la première fois et a été très applaudie. Cependant, elle a été interrompue après la deuxième représentation en raison de l'indisposition de plusieurs acteurs. Le 10 mars, 'La Bagarre', une comédie en un acte mêlée d'ariettes, a été représentée une seule fois et n'a pas été bien accueillie par le public, bien que la musique ait été jugée favorablement. Le 19 mars, 'Le Bon Seigneur', une comédie nouvelle en un acte en prose mêlée d'ariettes, a été donnée sans succès notable. Le 22 mars, 'L'Amour Paternel' a été rejoué avec succès. Le 24 mars, 'Arlequin cru mort', une comédie italienne en un acte de Goldoni, a été représentée pour la première fois avec beaucoup d'applaudissements.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 211
CONCERT SPIRITUEL du 2 Février, Fête de la Purification.
Début :
On a éxécuté deux grands Motets, l'un le Magnificat de feu M. BELISSEN, l'autre In exitu de [...]
Mots clefs :
Motet, Musique, Chapelle du Roi, Concerto
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONCERT SPIRITUEL du 2 Février, Fête de la Purification.
CONCERT SPIRITUEL
du 2 Février , Fête de la Purification .
On a éxécuté deux grands Motets , l'un le Magnificat
de feu M. BELISSEN , l'autre In exitu de
M. BLANCHARD , Maître de Mufique de la Chapelle
du Roi. M. BESCHE a chanté dans ces deux
Motets. M. JOLY a chanté avec fuccès Coronate
petit Motet de M. LE FEVRE , & felon l'ufage ,
Mlle FEL n petit Motet italien . M. GAVINIES
joua un nouveau Concerto de fa compofition qui
fut très- applaudi. On parut content de l'éxécution
& de la compofition de M. LE GRAND dans le Concerto
qu'il éxécuta fur l'Orgue. Le concours de
monde à ce Concert ainfi qu'aux précédens , continue
de marquer la fatisfaction du Public.
du 2 Février , Fête de la Purification .
On a éxécuté deux grands Motets , l'un le Magnificat
de feu M. BELISSEN , l'autre In exitu de
M. BLANCHARD , Maître de Mufique de la Chapelle
du Roi. M. BESCHE a chanté dans ces deux
Motets. M. JOLY a chanté avec fuccès Coronate
petit Motet de M. LE FEVRE , & felon l'ufage ,
Mlle FEL n petit Motet italien . M. GAVINIES
joua un nouveau Concerto de fa compofition qui
fut très- applaudi. On parut content de l'éxécution
& de la compofition de M. LE GRAND dans le Concerto
qu'il éxécuta fur l'Orgue. Le concours de
monde à ce Concert ainfi qu'aux précédens , continue
de marquer la fatisfaction du Public.
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Résumé : CONCERT SPIRITUEL du 2 Février, Fête de la Purification.
Le concert spirituel du 2 février a célébré la Fête de la Purification avec deux grands motets : le Magnificat de Belissen et In exitu de Blanchard. Besche a chanté dans ces deux motets. Joly a interprété Coronate de Le Fèvre, et Fel a chanté un motet italien. Gaviniès a joué un concerto applaudi, et Le Grand a bien exécuté un concerto à l'orgue. Le public a montré sa satisfaction.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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