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1
p. [3]-12
ACADEMIES.
Début :
Le Jeudy 25. Juin 1711. M. l'Abbé d'ESTRÉES, ayant [...]
Mots clefs :
Extrait, Auteur, Éloquence, Ouvrage
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texteReconnaissance textuelle : ACADEMIES.
LlTTERATVRE.
ACADEMIES.
LeJeuy2.5. Juin
1711. M.
l'jûbbe d'ESTRE'ES, ayant
esté élûparMessieurs de
l'Academie Françoise, à
la place de feu Monsieur
Boileau Sieur des Preaux,
y 'VÍnt prendre seance. L E Discours que
prononça Monsieur L.
d'Estrées,&c laRéponse
qu'yfît M.deValincour,
sont de ces pieces
d'éloquence dont il
est dangereux de faire
des extraits; comment
abbreger avec succésun
précis déja réduit
aux plus justes bornes
que l'excellence de l'art
lui puisse donner? comment
retrancher d'une
compoficion sibien ordonnée,
sans la décomposer,
pour ainsidire?
& quel choix peut-on
faire entre des pen fées
également solides
, ou
brillances, sansestreblâme
par ceux qui regretteront,
avec raison
,
les
beaucez qu'on auraobmises
Ces difficultezm'ont
décerminé à une nouvelle
maniere de faire
des extraits: c'est de
composer
, par exemple,
des propres maceriaux
d'un discours, un
petit extraitsuiviqui
contienne à peu prés en
racourci l'idée de l'original.
Par ce moyen je ne
ferai pas moins de tort
à l'ouvrage:mais l'Auteur
pourra le disculper
en jettant la faute
sur le Compilateur, &
je me disculperai moimêmed'avoir
ob mis,
peut-être, les plus
beaux endroirs
, par
la necessité de préferer
les plus convenables,
& les plus propres à
la liaison d'un extrait
suivi.
Pour conserver le
plus que je pourrai l'ef
prit de l'ouvrage & les
droits de l'Auteur, je
ne mettrai du mien que
quelques mots pour
cette liaison que je me
propose;& jedistinguerai
même par la difference
des caracteres de
l'impression,les morceaux
dont je n'aurai
rien retranché, d'avec
ceux dont j'aurai retranché
ou changé le
moindre mot. ie
Mon but principal
en essayant de cette nouvelle
methode, a esté
d'épargner au Public.
les tran sitions ennuyeuses,
qui sont inséparables
des meilleurs extraits;
on est contraint
d'y repeter sans cesse :
Icy Monsieur un tel découvre
avec une vive
penetration les causes de
tels & telseffets. Là
l'Auteur prouvepar des
reifonriemens solides,&
par une erudition profonde
que. En cet endroit
Alonfieier-*** dépeintazec
les traits les
plus vifs de l'Eloquence
la plus parfaite, &c.
Par ces explications,
on ne fait, pour alici
dire, que raconter un
ouvrage, & mettre en
récit, ce qui doit estre
en action 3 car, comme
on - sçait
, toute piece
d'Eloquence a son ac-
Don, & l'on ralentit
cette action en y mêlant
des digressions,
où l'on nevoit souvent
que les louanges de
l'ouvrage, & les décisïonsde
celui qui en fait
l'extrait ; le public est
un juge jaloux,on l'irrite
en prévenant les
jugemens; il ne veut
pas qu'on luidésigne,
qu'on lui montre au
doigt les end roi ts qu'il
doit adrriirer; faites lui
sentir les beautez de
l'ouvrage par l'ouvrage
même,il fera content:
Et voila l'Eloge de
l'Auteur fait.
Tcutes ces reflexions
me font-conclure, qu'il
vaut peut-estre encore
mieux alterer, & même
défigurer un ouvrageen
l'abbregeant,que
d'en ôter la force par
des digressions.
Quoiqu'il en soit essayons
de cette sorte de
compilation abbregée,
simple & suivie,sielle
ne réussit pas,nousen reviend
rons bien aux extraits
ordinaires, où je
me ferai toûjours honneurd'im
i ter ceux qui
sont excellens en ce
genre.
ACADEMIES.
LeJeuy2.5. Juin
1711. M.
l'jûbbe d'ESTRE'ES, ayant
esté élûparMessieurs de
l'Academie Françoise, à
la place de feu Monsieur
Boileau Sieur des Preaux,
y 'VÍnt prendre seance. L E Discours que
prononça Monsieur L.
d'Estrées,&c laRéponse
qu'yfît M.deValincour,
sont de ces pieces
d'éloquence dont il
est dangereux de faire
des extraits; comment
abbreger avec succésun
précis déja réduit
aux plus justes bornes
que l'excellence de l'art
lui puisse donner? comment
retrancher d'une
compoficion sibien ordonnée,
sans la décomposer,
pour ainsidire?
& quel choix peut-on
faire entre des pen fées
également solides
, ou
brillances, sansestreblâme
par ceux qui regretteront,
avec raison
,
les
beaucez qu'on auraobmises
Ces difficultezm'ont
décerminé à une nouvelle
maniere de faire
des extraits: c'est de
composer
, par exemple,
des propres maceriaux
d'un discours, un
petit extraitsuiviqui
contienne à peu prés en
racourci l'idée de l'original.
Par ce moyen je ne
ferai pas moins de tort
à l'ouvrage:mais l'Auteur
pourra le disculper
en jettant la faute
sur le Compilateur, &
je me disculperai moimêmed'avoir
ob mis,
peut-être, les plus
beaux endroirs
, par
la necessité de préferer
les plus convenables,
& les plus propres à
la liaison d'un extrait
suivi.
Pour conserver le
plus que je pourrai l'ef
prit de l'ouvrage & les
droits de l'Auteur, je
ne mettrai du mien que
quelques mots pour
cette liaison que je me
propose;& jedistinguerai
même par la difference
des caracteres de
l'impression,les morceaux
dont je n'aurai
rien retranché, d'avec
ceux dont j'aurai retranché
ou changé le
moindre mot. ie
Mon but principal
en essayant de cette nouvelle
methode, a esté
d'épargner au Public.
les tran sitions ennuyeuses,
qui sont inséparables
des meilleurs extraits;
on est contraint
d'y repeter sans cesse :
Icy Monsieur un tel découvre
avec une vive
penetration les causes de
tels & telseffets. Là
l'Auteur prouvepar des
reifonriemens solides,&
par une erudition profonde
que. En cet endroit
Alonfieier-*** dépeintazec
les traits les
plus vifs de l'Eloquence
la plus parfaite, &c.
Par ces explications,
on ne fait, pour alici
dire, que raconter un
ouvrage, & mettre en
récit, ce qui doit estre
en action 3 car, comme
on - sçait
, toute piece
d'Eloquence a son ac-
Don, & l'on ralentit
cette action en y mêlant
des digressions,
où l'on nevoit souvent
que les louanges de
l'ouvrage, & les décisïonsde
celui qui en fait
l'extrait ; le public est
un juge jaloux,on l'irrite
en prévenant les
jugemens; il ne veut
pas qu'on luidésigne,
qu'on lui montre au
doigt les end roi ts qu'il
doit adrriirer; faites lui
sentir les beautez de
l'ouvrage par l'ouvrage
même,il fera content:
Et voila l'Eloge de
l'Auteur fait.
Tcutes ces reflexions
me font-conclure, qu'il
vaut peut-estre encore
mieux alterer, & même
défigurer un ouvrageen
l'abbregeant,que
d'en ôter la force par
des digressions.
Quoiqu'il en soit essayons
de cette sorte de
compilation abbregée,
simple & suivie,sielle
ne réussit pas,nousen reviend
rons bien aux extraits
ordinaires, où je
me ferai toûjours honneurd'im
i ter ceux qui
sont excellens en ce
genre.
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Résumé : ACADEMIES.
Le 25 juin 1711, le marquis d'Estrées fut élu à l'Académie française pour succéder à Boileau. Lors de sa prise de fonction, il prononça un discours auquel M. de Valincour répondit. L'auteur du texte discute des difficultés de résumer des œuvres d'éloquence sans en altérer l'essence. Il propose une nouvelle méthode de résumé, visant à conserver l'esprit de l'œuvre originale. Cette méthode utilise des mots de liaison pour éviter les transitions ennuyeuses et les digressions, et distingue les passages non modifiés par des caractères d'impression différents. L'objectif est de permettre au public de ressentir les beautés de l'ouvrage sans intervention extérieure. L'auteur considère cette méthode, bien que risquée, préférable aux extraits traditionnels qui peuvent ralentir l'action et irriter le lecteur. Il se tient prêt à revenir aux extraits ordinaires si cette méthode ne réussit pas.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 2203-2204
EXTRAIT du Registre des déliberations de la societé des Arts, du Dimanche dix-septiéme Decembre 1730.
Début :
Ce jour, Messieurs Medallon, Romieu, Degua et Romond, Commissaires nommés, [...]
Mots clefs :
Société des arts, Extrait, Secrétaire
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT du Registre des déliberations de la societé des Arts, du Dimanche dix-septiéme Decembre 1730.
EXTRAIT du Registre des déliberations
de la societé des Arts , du Dimanche
dix- septiéme Decembre 1730.
CEjour ,Messieurs Medallon
Romiew
Degua et Romond , Commissaires nommés,
par déliberation. de la Societé du 27. Août dern
mier , pourl'examen d'une nouvelle Machine
servant à apprendre aux enfans plus facile
ment et plus promptement à connoître les let
tres , à les assembler , à lire , à ortographier
tant en Latin qu'en François , et même less
premiers Principes de la Langue Latine , présentée
à la Societé par le Sieur Damas , seuss
le nom de Bureau Typographique , ont fait leur ·
rapport à la Compagnie , conçu en ces termes :
Nous Commissaires nommés par la Societé pour
L'examen du Bureau Typographique , inventé:
G› vjs
1
2204 MERCURE DE FRANCE
par le Sieur Dumas ; Certifions que cette now
velle invention nous a paru mériter à plusieurs
titres une enviere préference sur toutes les mé
todes employées jusqu'à present pour l'instruc
tion des enfans , en ce qu'elle fournit un moyen
infaillible d'employer utilement les premieres
années de la plus tendre enfance , en mettant
en oeuvre la mesure d'intelligence , qui accom◄
pagne cet âge , en épargnant les préceptes , em
ne parlant qu'aux sens et à l'imagination qui
sont le seul partage de l'enfance , en profitant
même des imperfections de cet âge pour le progrès
des connoissances , puisqu'on n'y employe
que la voye du plaisir , et d'une pratique aisée
et toute mécanique , laquelle est néanmoins
fondée sur la Teorie la plus éxacte et la mieux
suivie ; Enfin en donnant aux enfans une habitude
d'ordre et de travail , et ce qui mérite
encore plus d'attention en leur épargnant le
dégout , qui , les éloignant de l'étude , décide
souvent de leur sort pour le reste de leur vie.
Nous croyons que tous ceux qui sentent l'importance
de l'employ, des premieres années de
l'enfance , regarderont avec estime une invention
dont l'utilité s'étend sur tous les âges
que l'Auteur récüeillera par le succès et l'ap-.
probation generale du Public , la seule récompense
qu'il ait attenduë de son travail.
> et
Je soussigné , Secretaire de la Societé des
Arts ; certifie que l'Extrait cy - dessus a été tiré
du Registre des déliberations de la Societé , et
qu'il est en tout conforme à son Original. Donné
à Paris , ce 14. Septembre 173 1..
HYNAULT
de la societé des Arts , du Dimanche
dix- septiéme Decembre 1730.
CEjour ,Messieurs Medallon
Romiew
Degua et Romond , Commissaires nommés,
par déliberation. de la Societé du 27. Août dern
mier , pourl'examen d'une nouvelle Machine
servant à apprendre aux enfans plus facile
ment et plus promptement à connoître les let
tres , à les assembler , à lire , à ortographier
tant en Latin qu'en François , et même less
premiers Principes de la Langue Latine , présentée
à la Societé par le Sieur Damas , seuss
le nom de Bureau Typographique , ont fait leur ·
rapport à la Compagnie , conçu en ces termes :
Nous Commissaires nommés par la Societé pour
L'examen du Bureau Typographique , inventé:
G› vjs
1
2204 MERCURE DE FRANCE
par le Sieur Dumas ; Certifions que cette now
velle invention nous a paru mériter à plusieurs
titres une enviere préference sur toutes les mé
todes employées jusqu'à present pour l'instruc
tion des enfans , en ce qu'elle fournit un moyen
infaillible d'employer utilement les premieres
années de la plus tendre enfance , en mettant
en oeuvre la mesure d'intelligence , qui accom◄
pagne cet âge , en épargnant les préceptes , em
ne parlant qu'aux sens et à l'imagination qui
sont le seul partage de l'enfance , en profitant
même des imperfections de cet âge pour le progrès
des connoissances , puisqu'on n'y employe
que la voye du plaisir , et d'une pratique aisée
et toute mécanique , laquelle est néanmoins
fondée sur la Teorie la plus éxacte et la mieux
suivie ; Enfin en donnant aux enfans une habitude
d'ordre et de travail , et ce qui mérite
encore plus d'attention en leur épargnant le
dégout , qui , les éloignant de l'étude , décide
souvent de leur sort pour le reste de leur vie.
Nous croyons que tous ceux qui sentent l'importance
de l'employ, des premieres années de
l'enfance , regarderont avec estime une invention
dont l'utilité s'étend sur tous les âges
que l'Auteur récüeillera par le succès et l'ap-.
probation generale du Public , la seule récompense
qu'il ait attenduë de son travail.
> et
Je soussigné , Secretaire de la Societé des
Arts ; certifie que l'Extrait cy - dessus a été tiré
du Registre des déliberations de la Societé , et
qu'il est en tout conforme à son Original. Donné
à Paris , ce 14. Septembre 173 1..
HYNAULT
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Résumé : EXTRAIT du Registre des déliberations de la societé des Arts, du Dimanche dix-septiéme Decembre 1730.
Le 17 décembre 1730, les commissaires Medallon, Romiew, Degua et Romond, désignés par la Société des Arts, ont soumis un rapport sur le Bureau Typographique, une invention du Sieur Damas. Cette machine est conçue pour enseigner aux enfants les lettres, la lecture, l'orthographe en latin et en français, ainsi que les bases de la langue latine. Les commissaires ont souligné plusieurs avantages de cette invention par rapport aux méthodes traditionnelles. Elle utilise les premières années de l'enfance de manière productive en stimulant les sens et l'imagination. Elle évite les préceptes théoriques en favorisant le plaisir et la pratique mécanique, tout en étant basée sur une théorie précise. De plus, elle inculque aux enfants l'habitude de l'ordre et du travail, évitant ainsi le dégoût de l'étude. Les commissaires ont estimé que cette invention serait appréciée par ceux qui reconnaissent l'importance des premières années de l'enfance et qu'elle serait utile à tous les âges. Le rapport a été certifié conforme par le secrétaire de la Société des Arts le 14 septembre 1731.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 561-571
La Tragédie d'Eriphile, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le Vendredy, 7. de ce mois, on donna au Théatre [...]
Mots clefs :
Tragédie, Eryphile, Voltaire, Extrait
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Tragédie d'Eriphile, Extrait, [titre d'après la table]
LeVendredy, 7. de ce mois , on donna
G iiij 30
562 MERCURE DE FRANCE
し
au Théatre François.la premiere Représentation de la Tragédie d'Eryphile , de
M. de Voltaire , que le Public a trouvée
pleine d'harmonie et d'élégance dans les
Vers et de pensées nobles et élevées, la diction en est mâle, et les traits heureux , les
descriptions, les images, les réfléxions, les
maximes neuves et hardies. Nous entrerons point dans quelques détails sur tout
cela, ainsi que sur le fonds et l'economie
de la Tradédie , qui est extrémement applaudie par de nombreuses assemblées.
Nous comptions ne donner l'Extrait
de ce Poëme que dans le mois d'Avril ,
mais le Memoire qu'on va lire , dans les
mêmes termes qu'il nous a été envoyé ,
nous dispense de ce soin. Nous ajouterons seulement que cette Tragédie est
parfaitement bien représentée par la Dile
Balicour , qui y jouë le principal Rôle, et
par les Srs Dufréne , Sarrazin et le Grand
qui remplissent ceux d'Alcmeon ; d'Hermogide et duGrand Prêtre. Voici le Memoire.
ERYPHILE est de la composition de l'illustre M.de Voltaire,connu dans l'Europe
comme le seul Poëte Epique de nos jours
et comme l'Auteur Tragique , qui , sans
contredit, est le plus précis dans les pensées et le plus harmonieux dans la diction ,
MARS. 1732. 563
་,
tion ; on peut encore ajoûter , depuis son
Histoire de Charles XII. qu'il est l'Historien de son siecle , le plus ingénieux er
le plus élegant ; son stile est plus vif et
plus nourri que celui de l'Abbé de Vertot , et les Refléxions sont aussi profondes et aussi bien liées au Sujet que celles
de l'Abbé de S. Réal. Il faut avouer la
verité , il n'y a eu personne dans l'Antiquité ni dans le temps present, qui se soit
distingué àla fois par tant de côtez, et qui
ait fait de bons Ouvrages dans des genres
si differens. M.de la Motteavoit vouluêtre
universel , mais avec bien de l'esprit , il
n'avoit réussi qu'à être médiocre dans bien
des genres , et ne s'étoit élevé au sublime
dans aucun. Il y a bien parû quand il voulut , pour dégradér l'Oedipe de M. de Voltaire , en donner un de sa façon. On vit en
cette occasion la difference de ces deux gé
nies, et tout le mérite de M.de la Motte le
laissa bien au- dessous de son jeune Rival.
Il paroît que le Sujet d'Eriphile est presque tout de l'invention de M. de Voltaire ; il n'a pris de la Fable autre chose
si-non quEriphile fut la cause de la mort
d'Amphiarus son mari , et fut tué part
Alcmeon son fils. Voilà sur quel fondement M. de Voltaire a construit une Tragédie dans un gout entierement nouveau.
Gv Jamais
564 MERCURE DE FRANCE
Jamais Piece ne fut plus vive et n'eut
plus d'action , sans devoir sa vivacité à
une multitude d'évenemens qui n'est que:
la ressource des Auteurs sans génie. L'Auteur a osé suivre le gout Grec ; on voit
dans sa Piece un Peuple assemblé devant
lequel on demande la Couronne ; l'Om--
bre d'Amphiarus apparoît sur le Théa
tre , on entend les cris de la mere et
ceux de son fils qui l'égorge. Et toutes.
ces hardiesses si neuves n'ont réüssi que
parce qu'elles sont conduites avec une:
extreme sagesse..
Vous voyez d'abord dans cette Piece si
originale , une femme qui avoue qu'elle:
a eû autrefois de la foiblesse pour un
Prince qui l'a trompée ; cette foiblesse :
a été cause de la mort de son mari et des
malheurs d'Argos. Cet Amant nommé
Hermogide , encouragé par les esperances
que lui a données la foible et malheureuse
Eriphile , a assassiné Amphiarus. En quels
Vers moelleux et patetiques cette triste.:
avanture est contée !
C'est cet âge fatal et sans experience ,
Ouvert aux passions , foible , plein d'imprudence
C'est cet âge indiscret qui fit tout mon malheur ;
Un traître avoit surpris le chemin de mon cœur.
P
Une::
C
MARS. 1732. 565
Une main impie ,
Ou plutôt má foiblesse a terminé sa vie.
Hermogide en secret immola sous ses coups ,
Le cruel tout couvert du sang de mon Epoux ,
Vint armé de ce fer , instrument de sa rage ,
Qui des droits à l'Empire étoit l'auguste gagey
Et d'un assassinat pour moi seul entrepris ,
Au pied de nos Autels il demanda le prix.
Grands Dieux ! qui m'inspirez mes remords le
gitimes ;
Mon cœur , vous le sçavez , n'est point fait
les crimes ;
Il est né vertueux .. .. je vis avec horreur
Lecoupable ennemi qui fut mon séducteurs
Je détestai l'Amour et le Trône et la vie. ·
pour
Voilà quel est le caractere coupable
et interressant de cette Princesse malheureuse ; les Dieux la punirent de sa
faute et empêcherent Hermogide d'en
cueillir le fruit. Argos fut desolée par des
Guerres Civiles ; les Oracles furent con--
sultez , ils ordonnerent que la Reine ne
chosit un Roy que lorsque deux Roys
seroient vaincus auprès d'Argos ; ils ajoûterent que ce jour seroit la fin de tant
de malheurs , mais qu'il en couteroit la
vie à Eriphile , et qu'elle mourroit de la
main mêmedu fils qu'elle avoit eu d'AmGvj phiarus.
"
1
566 MERCURE DE FRANCE
phiarus. La Reine fir alors éloigner ce fils
qui étoit dans sa tendre enfance ; elle le
tint dans l'ignorance de son rang , de
peur que l'envie de regner ne le portât
un jour à accomplir ces malédictions ct
à commettre un parricide. Cependant
après beaucoup de malheurs et de guerres,
le jour prédit arrive où deux Rois sont
vaincus par un jeune Guerrier , Licutenantd'Hermogide nomméAlcmeon.Voici
le temps où il faut nommer un Roy ;
Argos le demande, les Dieux Fordonnent.
Hermogide , à qui il ne manquoit que le
nom de Souverain , compte sur son pouvoir , sur la foiblesse de la Reine , et
même sur ses crimes ; il lui parle et la
fait trembler ; Eriphile qui consulte le
Ciel sur sa destinée , apprend que son
fils vit encore ; elle assemble les Chefs
et le Peuple ; elle déclare devant eux que
ce fils est vivant ; elle indique les lieux
qu'elle croit qu'il habite , et le nomme
Royenpresence même d'Hermogide. Cet
audacieuxPrince privé dans ce moment de
la Couronne où il touchoit , déclare publiquement à la Reine et au peuple , qu'il
a tué lui-même cet Enfant que les Dieux
réservoient au parricide. Il s'écrie devant
cette grande Assemblée.
J'atteste
MARS. 1732. 567
J'atteste mes Ayeux et ce jour qui m'éclaire ,
Que j'immolai le fils pour conserver la mere ;
Que si ce sang coupable a coulé sous mes coups,
J'ai prodigué le mien pour la Grece et pour yous.
Vous m'en devez le prix ; vous voulez tous us Maître ;
1
L'Oracle en promet un , je vais périr ou l'être ;
Je vais vanger mes droits contre un fils supposé;
Je vais rompre un vain charme à moi seul opposé.
Soldat par mes travaux et Roy par ma naissance,
De vingt ans de Combats j'attends la récompense,
Je vous ai tous servis ; ce rang des demi Dieux ,
Deffendu par mon bras , fondé par mes Ayeux ,
Cent fois teint de mon sang , doit être mon partage ;
Je le tiendrai de vous , de moi , de mon courage;
De ces Dieux dont je sors et qui seront pour moi.
Amis , suivez mes pas , et servez votre Roy.
A cette découverte affreuse , la Reine
menacée d'être détrônée par son ancien
Amant , privée de son fils et obligée de
faire un choix , se tourne vers Alcmeon ,
ce jeune Guerrier qu'elle aime en secret
malgré elle , et lui ordonnant de venger
son fils , le chosit pour son Epoux. Cet
Hymen à qui tout le Peuple applaudit ,
se prépare ; ces deux Amans heureux
vont
588 MERCURE DE FRANCE
vont s'unir au Temple , mais dans l'ins
tant qu'ils se vont donner la main, l'Om
bre d'Amphiarus sort de son Tombeau au
milieu du Tonnerre et des Eclairs , et
ordonne à Alcmeon de le venger de
sa mere. Cet ordre obscur et épou--
ventable , est un coup de foudre pour
Eriphile , pour Alcmeon , et pour le
Peuple.
Alcmeon qui n'a plus de mere , et
qui s'est toujours crû fils d'un Esclave ,
avoüe enfin ce secret humiliant; mais cet
aveu ne fait qu'augmenter l'horreur et
l'attendrissement de la Reine ; elle se ressouvient qu'elle a autrefois donné son
propre fils à élever à une Esclave. Pendant que la Reine et Alcmeon se font
mutuellement des questions qui les jettent dans un trouble nouveau , arrive
le Grand- Prêtre , une épée à la main ; lại
Reine reconnoît l'épée Royale d'Amphiarus ; c'est cette même épée dont Her.
mogide s'étoit emparé , et dont il avoit
percé le jeune Alcmeon dans son Berceau.
Voici, dit le Grand-Prêtre ::
Voici ce même fer qui frappa votre enfance ,
Qu'un cruel, malgré lui, Ministre du Destin ,
Troublé par ses forfaits , laissa dans votre sein,
Le Dieu qui dans le crime effraya cet Impie,
Qui
MARS. 1732. 5699
Qui fit trembler son bras , qui sauva votre vie , ›
Qui commande à la mort , ouvre et ferme le flane,,
Vange un meurtre par l'autre , et le sang par le
sang,
M'ordonna de garder ce fer toûjours funeste."
La Reine →
alors reconnoît son fils , mais
dans quel moment , dans quelle situation
nouvelle , lorsque ce fils est prêt de
l'épouser , et qu'il se trouve armé pour
l'immoler. Eriphile veut appaiser l'Ombre d'Amphiarus , elle va sur son Tombeau pour offrir un Sacrifice ; mais c'est
là que les Dieux l'attendent pour punir
une foiblesse criminelle par la vengeance
la plus terrible. Alcmeon possedé des Furies , tuë Hermogide sur cette Tombe ;;
et prenant sa mere pour Hermogide même , qui blessé à mort , lui demande :
la vie , il croit achever Hermogide et il
massacre sa mere qui expire dans ses bras,
en lui pardonnant sa mort , et en l'accablant des marques les plus touchantes de
sa tendresse maternelle.
Ce sujet a quelque chose d'Electre
ou plutôt de Clitermnestre tuée par Ores te; les anciens traitoient l'un et l'autre
indifféremment. Mais combien la manie.
re interessante dont M. de Voltaire a
ménagé cette: Tragédie est elle au-dessus
de l'attrocité de l'Electre, -
$70 MERCURE DE FRANCE
Il a sur tout donné à Eriphile , une
vie immortelle par les beaux Vers dont
elle est remplie. Voici ceux qui sont sur la
Naissance,qui ont reçû tant d'applaudissemens et qui ne sont pas cependant les
plus travaillez et les plus parfaits de la
Piece.
Eh! c'est ce qui m'accable et qui me désespere :
Il faut rougir de moi , trembler au nom d'un Pere ,
Me cacher par foiblesse aux moindres Citoyens,
Et reprocher ma vie à ceux dont je la tiens.
Préjugé malheureux , éclatante chimere ,
Que l'orgueil inventa , que, la fable révere ,
Dar qui j'ai vu languir le mérite abatu ,
Aux pieds d'un Prince indigne ou d'un Grand
sans vertu.
Les Mortels sont égaux ; ce n'est point la nais- sance,
C'est la seule vertu qui fait leur difference ,
C'est elle qui met l'homme au rang des demi Dieux ,
Et qui sert son Pays n'a pas besoin d'Ayeux.
Princes , Rois , la fortune a fait votre partage ;
Mes grandeurs sont à moi , mon sort est mon
ouvrage,
Et ces fers si honteux , ces fers où je nâquis ,
Je les ai fait porter aux mains des Ennemis ;
Je n'ai plus rien du Sang qui m'a donué la vie;
MARS.
571 1732.
Il a dans les Combats coulé pour la Patrie.
Je vois ce que je suis et non ce que je fus ,
Et croisvaloir au moins des Rois que j'ai vaincus
L. D. M.
G iiij 30
562 MERCURE DE FRANCE
し
au Théatre François.la premiere Représentation de la Tragédie d'Eryphile , de
M. de Voltaire , que le Public a trouvée
pleine d'harmonie et d'élégance dans les
Vers et de pensées nobles et élevées, la diction en est mâle, et les traits heureux , les
descriptions, les images, les réfléxions, les
maximes neuves et hardies. Nous entrerons point dans quelques détails sur tout
cela, ainsi que sur le fonds et l'economie
de la Tradédie , qui est extrémement applaudie par de nombreuses assemblées.
Nous comptions ne donner l'Extrait
de ce Poëme que dans le mois d'Avril ,
mais le Memoire qu'on va lire , dans les
mêmes termes qu'il nous a été envoyé ,
nous dispense de ce soin. Nous ajouterons seulement que cette Tragédie est
parfaitement bien représentée par la Dile
Balicour , qui y jouë le principal Rôle, et
par les Srs Dufréne , Sarrazin et le Grand
qui remplissent ceux d'Alcmeon ; d'Hermogide et duGrand Prêtre. Voici le Memoire.
ERYPHILE est de la composition de l'illustre M.de Voltaire,connu dans l'Europe
comme le seul Poëte Epique de nos jours
et comme l'Auteur Tragique , qui , sans
contredit, est le plus précis dans les pensées et le plus harmonieux dans la diction ,
MARS. 1732. 563
་,
tion ; on peut encore ajoûter , depuis son
Histoire de Charles XII. qu'il est l'Historien de son siecle , le plus ingénieux er
le plus élegant ; son stile est plus vif et
plus nourri que celui de l'Abbé de Vertot , et les Refléxions sont aussi profondes et aussi bien liées au Sujet que celles
de l'Abbé de S. Réal. Il faut avouer la
verité , il n'y a eu personne dans l'Antiquité ni dans le temps present, qui se soit
distingué àla fois par tant de côtez, et qui
ait fait de bons Ouvrages dans des genres
si differens. M.de la Motteavoit vouluêtre
universel , mais avec bien de l'esprit , il
n'avoit réussi qu'à être médiocre dans bien
des genres , et ne s'étoit élevé au sublime
dans aucun. Il y a bien parû quand il voulut , pour dégradér l'Oedipe de M. de Voltaire , en donner un de sa façon. On vit en
cette occasion la difference de ces deux gé
nies, et tout le mérite de M.de la Motte le
laissa bien au- dessous de son jeune Rival.
Il paroît que le Sujet d'Eriphile est presque tout de l'invention de M. de Voltaire ; il n'a pris de la Fable autre chose
si-non quEriphile fut la cause de la mort
d'Amphiarus son mari , et fut tué part
Alcmeon son fils. Voilà sur quel fondement M. de Voltaire a construit une Tragédie dans un gout entierement nouveau.
Gv Jamais
564 MERCURE DE FRANCE
Jamais Piece ne fut plus vive et n'eut
plus d'action , sans devoir sa vivacité à
une multitude d'évenemens qui n'est que:
la ressource des Auteurs sans génie. L'Auteur a osé suivre le gout Grec ; on voit
dans sa Piece un Peuple assemblé devant
lequel on demande la Couronne ; l'Om--
bre d'Amphiarus apparoît sur le Théa
tre , on entend les cris de la mere et
ceux de son fils qui l'égorge. Et toutes.
ces hardiesses si neuves n'ont réüssi que
parce qu'elles sont conduites avec une:
extreme sagesse..
Vous voyez d'abord dans cette Piece si
originale , une femme qui avoue qu'elle:
a eû autrefois de la foiblesse pour un
Prince qui l'a trompée ; cette foiblesse :
a été cause de la mort de son mari et des
malheurs d'Argos. Cet Amant nommé
Hermogide , encouragé par les esperances
que lui a données la foible et malheureuse
Eriphile , a assassiné Amphiarus. En quels
Vers moelleux et patetiques cette triste.:
avanture est contée !
C'est cet âge fatal et sans experience ,
Ouvert aux passions , foible , plein d'imprudence
C'est cet âge indiscret qui fit tout mon malheur ;
Un traître avoit surpris le chemin de mon cœur.
P
Une::
C
MARS. 1732. 565
Une main impie ,
Ou plutôt má foiblesse a terminé sa vie.
Hermogide en secret immola sous ses coups ,
Le cruel tout couvert du sang de mon Epoux ,
Vint armé de ce fer , instrument de sa rage ,
Qui des droits à l'Empire étoit l'auguste gagey
Et d'un assassinat pour moi seul entrepris ,
Au pied de nos Autels il demanda le prix.
Grands Dieux ! qui m'inspirez mes remords le
gitimes ;
Mon cœur , vous le sçavez , n'est point fait
les crimes ;
Il est né vertueux .. .. je vis avec horreur
Lecoupable ennemi qui fut mon séducteurs
Je détestai l'Amour et le Trône et la vie. ·
pour
Voilà quel est le caractere coupable
et interressant de cette Princesse malheureuse ; les Dieux la punirent de sa
faute et empêcherent Hermogide d'en
cueillir le fruit. Argos fut desolée par des
Guerres Civiles ; les Oracles furent con--
sultez , ils ordonnerent que la Reine ne
chosit un Roy que lorsque deux Roys
seroient vaincus auprès d'Argos ; ils ajoûterent que ce jour seroit la fin de tant
de malheurs , mais qu'il en couteroit la
vie à Eriphile , et qu'elle mourroit de la
main mêmedu fils qu'elle avoit eu d'AmGvj phiarus.
"
1
566 MERCURE DE FRANCE
phiarus. La Reine fir alors éloigner ce fils
qui étoit dans sa tendre enfance ; elle le
tint dans l'ignorance de son rang , de
peur que l'envie de regner ne le portât
un jour à accomplir ces malédictions ct
à commettre un parricide. Cependant
après beaucoup de malheurs et de guerres,
le jour prédit arrive où deux Rois sont
vaincus par un jeune Guerrier , Licutenantd'Hermogide nomméAlcmeon.Voici
le temps où il faut nommer un Roy ;
Argos le demande, les Dieux Fordonnent.
Hermogide , à qui il ne manquoit que le
nom de Souverain , compte sur son pouvoir , sur la foiblesse de la Reine , et
même sur ses crimes ; il lui parle et la
fait trembler ; Eriphile qui consulte le
Ciel sur sa destinée , apprend que son
fils vit encore ; elle assemble les Chefs
et le Peuple ; elle déclare devant eux que
ce fils est vivant ; elle indique les lieux
qu'elle croit qu'il habite , et le nomme
Royenpresence même d'Hermogide. Cet
audacieuxPrince privé dans ce moment de
la Couronne où il touchoit , déclare publiquement à la Reine et au peuple , qu'il
a tué lui-même cet Enfant que les Dieux
réservoient au parricide. Il s'écrie devant
cette grande Assemblée.
J'atteste
MARS. 1732. 567
J'atteste mes Ayeux et ce jour qui m'éclaire ,
Que j'immolai le fils pour conserver la mere ;
Que si ce sang coupable a coulé sous mes coups,
J'ai prodigué le mien pour la Grece et pour yous.
Vous m'en devez le prix ; vous voulez tous us Maître ;
1
L'Oracle en promet un , je vais périr ou l'être ;
Je vais vanger mes droits contre un fils supposé;
Je vais rompre un vain charme à moi seul opposé.
Soldat par mes travaux et Roy par ma naissance,
De vingt ans de Combats j'attends la récompense,
Je vous ai tous servis ; ce rang des demi Dieux ,
Deffendu par mon bras , fondé par mes Ayeux ,
Cent fois teint de mon sang , doit être mon partage ;
Je le tiendrai de vous , de moi , de mon courage;
De ces Dieux dont je sors et qui seront pour moi.
Amis , suivez mes pas , et servez votre Roy.
A cette découverte affreuse , la Reine
menacée d'être détrônée par son ancien
Amant , privée de son fils et obligée de
faire un choix , se tourne vers Alcmeon ,
ce jeune Guerrier qu'elle aime en secret
malgré elle , et lui ordonnant de venger
son fils , le chosit pour son Epoux. Cet
Hymen à qui tout le Peuple applaudit ,
se prépare ; ces deux Amans heureux
vont
588 MERCURE DE FRANCE
vont s'unir au Temple , mais dans l'ins
tant qu'ils se vont donner la main, l'Om
bre d'Amphiarus sort de son Tombeau au
milieu du Tonnerre et des Eclairs , et
ordonne à Alcmeon de le venger de
sa mere. Cet ordre obscur et épou--
ventable , est un coup de foudre pour
Eriphile , pour Alcmeon , et pour le
Peuple.
Alcmeon qui n'a plus de mere , et
qui s'est toujours crû fils d'un Esclave ,
avoüe enfin ce secret humiliant; mais cet
aveu ne fait qu'augmenter l'horreur et
l'attendrissement de la Reine ; elle se ressouvient qu'elle a autrefois donné son
propre fils à élever à une Esclave. Pendant que la Reine et Alcmeon se font
mutuellement des questions qui les jettent dans un trouble nouveau , arrive
le Grand- Prêtre , une épée à la main ; lại
Reine reconnoît l'épée Royale d'Amphiarus ; c'est cette même épée dont Her.
mogide s'étoit emparé , et dont il avoit
percé le jeune Alcmeon dans son Berceau.
Voici, dit le Grand-Prêtre ::
Voici ce même fer qui frappa votre enfance ,
Qu'un cruel, malgré lui, Ministre du Destin ,
Troublé par ses forfaits , laissa dans votre sein,
Le Dieu qui dans le crime effraya cet Impie,
Qui
MARS. 1732. 5699
Qui fit trembler son bras , qui sauva votre vie , ›
Qui commande à la mort , ouvre et ferme le flane,,
Vange un meurtre par l'autre , et le sang par le
sang,
M'ordonna de garder ce fer toûjours funeste."
La Reine →
alors reconnoît son fils , mais
dans quel moment , dans quelle situation
nouvelle , lorsque ce fils est prêt de
l'épouser , et qu'il se trouve armé pour
l'immoler. Eriphile veut appaiser l'Ombre d'Amphiarus , elle va sur son Tombeau pour offrir un Sacrifice ; mais c'est
là que les Dieux l'attendent pour punir
une foiblesse criminelle par la vengeance
la plus terrible. Alcmeon possedé des Furies , tuë Hermogide sur cette Tombe ;;
et prenant sa mere pour Hermogide même , qui blessé à mort , lui demande :
la vie , il croit achever Hermogide et il
massacre sa mere qui expire dans ses bras,
en lui pardonnant sa mort , et en l'accablant des marques les plus touchantes de
sa tendresse maternelle.
Ce sujet a quelque chose d'Electre
ou plutôt de Clitermnestre tuée par Ores te; les anciens traitoient l'un et l'autre
indifféremment. Mais combien la manie.
re interessante dont M. de Voltaire a
ménagé cette: Tragédie est elle au-dessus
de l'attrocité de l'Electre, -
$70 MERCURE DE FRANCE
Il a sur tout donné à Eriphile , une
vie immortelle par les beaux Vers dont
elle est remplie. Voici ceux qui sont sur la
Naissance,qui ont reçû tant d'applaudissemens et qui ne sont pas cependant les
plus travaillez et les plus parfaits de la
Piece.
Eh! c'est ce qui m'accable et qui me désespere :
Il faut rougir de moi , trembler au nom d'un Pere ,
Me cacher par foiblesse aux moindres Citoyens,
Et reprocher ma vie à ceux dont je la tiens.
Préjugé malheureux , éclatante chimere ,
Que l'orgueil inventa , que, la fable révere ,
Dar qui j'ai vu languir le mérite abatu ,
Aux pieds d'un Prince indigne ou d'un Grand
sans vertu.
Les Mortels sont égaux ; ce n'est point la nais- sance,
C'est la seule vertu qui fait leur difference ,
C'est elle qui met l'homme au rang des demi Dieux ,
Et qui sert son Pays n'a pas besoin d'Ayeux.
Princes , Rois , la fortune a fait votre partage ;
Mes grandeurs sont à moi , mon sort est mon
ouvrage,
Et ces fers si honteux , ces fers où je nâquis ,
Je les ai fait porter aux mains des Ennemis ;
Je n'ai plus rien du Sang qui m'a donué la vie;
MARS.
571 1732.
Il a dans les Combats coulé pour la Patrie.
Je vois ce que je suis et non ce que je fus ,
Et croisvaloir au moins des Rois que j'ai vaincus
L. D. M.
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Résumé : La Tragédie d'Eriphile, Extrait, [titre d'après la table]
Le 7 mars 1732, la tragédie 'Éryphile' de Voltaire fut représentée pour la première fois au Théâtre Français. Le public a salué l'harmonie et l'élégance des vers, ainsi que les pensées nobles et élevées. La diction fut décrite comme mâle, avec des traits heureux, des descriptions, des images, des réflexions, des maximes neuves et hardies. La pièce fut extrêmement applaudie par de nombreuses assemblées. Les acteurs principaux incluaient la Dile Balicour dans le rôle principal, ainsi que Dufréne, Sarrazin et le Grand, interprétant respectivement les rôles d'Alcméon, d'Hermogide et du Grand Prêtre. 'Éryphile' est une œuvre de Voltaire, reconnu comme le seul poète épique de son temps et l'auteur tragique le plus précis dans les pensées et le plus harmonieux dans la diction. Le sujet de la tragédie est presque entièrement de l'invention de Voltaire, qui a construit une tragédie dans un goût entièrement nouveau. La pièce est vive et pleine d'action sans recourir à une multitude d'événements. Elle suit le goût grec, avec des scènes comme l'apparition de l'ombre d'Amphiaraus et les cris de la mère et de son fils. L'intrigue raconte l'histoire d'Éryphile, une femme qui avoue avoir eu une faiblesse pour un prince qui l'a trompée, causant la mort de son mari et les malheurs d'Argos. Hermogide, l'amant d'Éryphile, a assassiné Amphiaraus. La pièce explore les conséquences de cette faiblesse et les malheurs qui en découlent, y compris les guerres civiles et les oracles qui prédisent la mort d'Éryphile de la main de son fils. La tragédie se conclut par un dénouement tragique où Alcmeon, le fils d'Éryphile, tue sa mère par erreur, croyant qu'elle est Hermogide.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 571-588
Extrait de l'Opéra de Jephté, [titre d'après la table]
Début :
L'Académie Royale de Musique donna la premiere Representation de [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Jepthé, Tragédie, Théâtre, Prologue, Spectacle, Théâtre de l'Académie, Extrait, Musique, Ballet, Acteurs, Danse, Chant, Opéra
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Extrait de l'Opéra de Jephté, [titre d'après la table]
L'Académie Royale de Musique donna
la premiere Representation de Jephie,
Tragédie , tirée de l'Ecriture sainte , le
premier Jeudy de Carême ; la nouveauté
du genre en avoit rendu le succès si
douteux, qu'on ne croioit pas qu'elle pût
être jouée deux fois ; cette prévention
presque générale n'a pas tenu contre les
beautez du Poëme et de la Musique , et
M. l'Abbé Pellegrin et M. de Monteclair qui en sont les Auteurs , peuvent
se vanter qu'il y a tres- peu d'Opéra que
le Public ait honoré de plus d'applaudissemens. Nos Lecteurs pourront juger du
Poëme par cet Extrait. Pour la Musique ,
les plus grands connoisseurs la trouvent
tres-digne de Lully , et on ne les contredit point.
Au Prologue , le Théatre représente
un lieu orné pour des Spectacles , c'està dire,
*
72 MERCURE DE FRANCE
à- dire , le Théatre même de l'Académie,
dont tous les Dieux fabuleux se sont em
parez , comme du seul Temple qui leur
reste depuis l'extinction du Paganisme :
Apollon invite Polhymnie et Terpsicore à
le seconder dans le dessein qu'il a de
maintenir le culte qu'on leur rend encore sur ce Théatre. Il s'exprime ainsi :
>
Vous , qu'avec Apollon , en ces lieux on adore,
Sçavante Polhymnie , aimable Terpsicore
Par vos chants , par vos jeux , secondez mes´ désirs ;
Ce Temple seul , nous reste encore ;
Faisons-y regner les plaisirs.
Les deux Muses exécutent ces ordres ;*
elles étalent , à l'envi , ce qu'elles ont de
plus flateur , pour séduire les mortels ;
mais leur regne n'est pas de longue durée; la Verité descend des Cieux , suivie
des vertus qui forment sa brillante Cour.
Elle leur parle ainsi :
Phantômes séduisans , Enfans de l'imposture
Osez-vous soûtenir ma clarté vivé et pure ›
Cachez, vous dans l'obscurité ,
Où mon brillant aspect vous plonge ;
Il est temps que la verité ,
Fasseévanouir le mensonge.
C'est
MARS. 1732. $73 .
C'est trop abuser l'Univers ;
Rentrez dans les Enfers.
Les faux Dieux , dont l'Ecriture dit :-
Dii autem Gentium dæmonia , sont forcez
de s'abîmer.
La verité expose le Sujet de la Tragédie qu'on va representer , par ces Vers
qu'elle addresse aux Vertus qui l'accompagnent.
Troupe , immortelle comme moy;
Vertus , ornez ces lieux pour un nouveau Spec tacle ;
Annoncez aux Mortels la redoutable loy,
Du Dieu seul , dont je suis l'Oracle 9.3
Retirez du Tombeau le malheureux Jephté ;,
Rappellez son vœu téméraire ;
Au soin d'instruire , ajoutez l'art de plaire
Vous pouvez adoucir votre sévérité ;
Mais qu'aucun faux brillant n'altere
La splendeur de la vérité.
Le Chœur des Vertus, Suivantes de la
Verité , l'invite à faire briller sur la Terre
sa celeste lumiere. Le Prologue finit par
cet éloge, d'autant plus beau qu'il est dans
la bouche de la Vérité même,
Un Roy qui me chérit dès l'âge le plus ten- dre ,
Bait
son
unique
soin
de marcher
sur
mes
pas.
M
$74 MERCURE DE FRANCE
Il veut qu'en ces heureux climats ,
Ma seule voix se fasse entendre.
Qu'il triomphe par moi , quand je regne par lui,
Que la terre , le ciel , qu'à l'envi tout conspires
Afaire fleurir un Empire ,
Dontje suis le plus ferme appuy.
La DileHerremens, qui remplit le Rôle
dè la Vérité , y réussit parfaitement; mais
passons à la Tragédie.
Le Théatre représente d'abord le Fleuve du Jourdain , dont les Flots séparent
l'Armée des Israëlites de celle des Ammonites.
Jephté ouvre la Scene ; il témoigne d'abort le plaisir qu'il a de revoir Maspha
sa chere Patrie , après un long exil ; la
tristesse succede à la joye quand il voit
les Etendards des Ammonites plantez sur
les bords du Jourd in.
Abdon , l'un des Officiers Généraux
de l'Armée Israëlite , lui vient ` annoncer que l'Arche sainte va paroître à la
tête des Troupes , dont on lui a donné le commandement. A cette heureuse nouvelle Jephté est transporté de joie et
rempli de confiance. C'est icy la Scene
d'exposition ; l'Auteur y apprend aux
Spectateurs des choses essentielles à sa
Piece, et qui servent de base à la situation
MARS. 1732. 57.5
tion la plus frappante ; sçavoir , qu'il n'a
point vû sa fille depuis son enfance ; et
qu'il ne veut la voir qu'après qu'il aura
rempli son premier devoir. Il s'exprime
ainsi :
La gloire du Seigneur, fait mon premier devoir;
Nos Tribus , mes Soldats , sont toute ma Fa- mille.
Quoi ? lui dit Abdon , l'amour ni le
sang , ne peut vous émouvoir ?
Jephte lui répond !
Dis plutôt que je me défie ,
D'un cœur trop prompt à s'attendrir ;
Non ; je ne veux rien voir qui m'attache à la vie,
Quand pour sauver mon Peuple , il faut vaincre ou mourir.
Le Grand Prêtre Phinée vient annoncer à Jephté que la voix du Seigneur confirme le choix que les Hebreux ont fait
de lui , pour regner sur eux ; il lui apprend qu'Ammon , Fils du Roy des Ammonites et Prisonnier dans Maspha, a corrompu la Tribu d'Ephraim , ce qui donné lieu à un très- beau duo:
Les Guerriers Israëlites , assemblez par
l'ordre de Jephté , viennent attendre
l'Arche sainte. Le Grand-Prêtre et Jephté
leur annoncent les prodiges que Dieu a
faits
$76 MERCURE DE FRANCE
faits en faveur de son Peuple. Les Guerriers se mêlent à ce récit. Voicy les Vers
qui forment ce beau Chœur , qui fait
Fadmiration de tout Paris.
Phinée.
Ennemis du Maître suprême ,
Redoutez son couroux vangeur
La Terre , l'Enfer , le Ciel même
Tout tremble devant le Seigneur.
Le Chœur répete : La terre , &c.
Phinée et Fephté.
Le Jourdain retourne en arriere
Le Soleil suspend sa carriere ;
La Mer désarme sa fureur ,
En faveur d'un Peuple qu'il aime.
Le Chœur reprend : La terre , &c.
Phinée et Jephté.
La bruyante Trompette , à l'égal du Tonnerre
Brise les Murs d'airain , jette les Tours par terre ,
Et déclare Israël vainqueur ;
Elle va porter la terreur
Chez l'Idolatre qui blasphême.
Le Chœur.
La Terre , l'Enfer , le Ciel même ,
Tout tremble devant le Seigneur.
L'Arche
MARS. 1732. 577
L'Arche paroît de loin aux yeux dụ
Grand- Prêtre ; il ordonne aux Guerriers
de détourner la vûë; un nuage lumineux
la couvre , comme il arriva la premiere
fois Moïse la voulut offrir aux yeux
duPeuple.
que
Abdon annonce à Jephté que les Ammonites viennent de fondre sur le Camp
des Israëlites. Jephté ordonne qu'on assemble ses Guerriers sous ses Etendards
au son de la Trompette sacrée ; et c'est
dans ce pressant péril qu'il fait ce serment.
Grand Dieu , sois attentif au serment que je fais
Contre tes Ennemis , si je soûtiens ta gloire ,
Le premier qu'à mes yeux offrira mon Palais
Sera sur tes Autels le prix de ma victoire.
Je jure de te l'immoler ;
C'est à toy de choisir le sang qui doit couler
A peine le serment est - il prononcé
que le Jourdain se sépare en deux , et
forme deux remparts , au travers desquels l'armée Israëlite passe au son des
Trompettes.
Au II. Acte , le Théatre représente le
Palais de Jephté ; Ammon ouvre la Scene. Abner, son confident , l'exhorte à
mettre à profit la liberté que la Tribu
d'Ephraim vient de lui rendre , et à se
sauver
3-8 MERCURE DE FRANCE
sauver d'un lieu où il périra, si Jephté revient victorieux. Ammon lui dit qu'il ne
sçauroit quitter Iphise , fille de Jephté ,
dont il est amoureux. Iphise vient ; Am-
'mon lui déclare son amour. Eile le veut
fuïr ; il la retient ; et comme il blaspheme
contre le Dieu des Hébreux , elle lui dit :
Arrête. A l'Univers craint de servir d'exemple ;
Outrage à ton gré tes faux Dieux
Mais au Dieu d'Israël ne livre point la guerre ,
Il régit la terte et les cieux.
;
+
Et sur le Sacrilege , il lance le tonnerrè ;
Tremble , son bras vangeur , est prêt à t'im.
moler.
Elle lui ordonne de se retirer ; il lui
obéit. Iphise fait connoître dans un Monologue l'amour qu'elle sent, malgré elle,
pour Ammon; elle s'exprime ainsi :
Mes yeux , éteignez dans vos larmes
Des feux qui dans mon cœur s'allument malgré moi.
Tu vois mes mortelles allarmes ,
Dieu puissant , j'ai recours à toy.
Pourquoi faut-il , hélas ! que je trouve des char- : mes
Dans un fatal panchant , condamné par ta loy ?
Mes yeux , &c.
Almasie , mere d'Iphise , vient s'affliger
avec
MARS. 1732. 579
avec sa fille , d'un songe terrible qu'elle
a fait , et dans lequel elle a vû tomber
la foudre sur elle : Iphise ne doute point.
que ce ne soit un châtiment que Dieu lui
destine pour la punir de son amour pour
un Idolâtre ; elle en fait un aveu à sa
mere à la fin de la Scene. Abdon leur annonce la victoire de Jephté ; les Peuples
viennent s'en réjouir dans leur Palais. Almasie ordonne à sa Fille de présider aux
jeux , tandis qu'elle va dans le Temple
rendre graces à Dieu d'une si heureuse
victoire. Iphise lui dit qu'elle ira bientôt l'y trouver dans un même esprit de
reconnoissance envers Dieu. Un bruit de
Trompettes annonce l'arrivée de Jephté;
les Peuples se mettent en état d'aller au
devant de lui ; Iphise ne peut s'empêcher
d'y aller à son tour ; elle le fait connoître
par ces Vers qu'elle addresse à Dieu :
Je ne puis résister à mon impatience ;
Seigneur , un seul moment , je ne veux que le voir ,
Et je vole où m'appelle un plus sacré devoir.
C'est-à- dire , au Temple, où elle a promis à sa mere de l'aller joindre.
Le Théatre représente au troisiéme Ac
te une avant- court du Palais de Jephté ,
ornée d'Arcs de Triomphe ; on y a élevé
H au
$80 MERCURE DE FRANCE
un Trône.Jephté troublé de son serment,
fait retirer tous ceux qui le suivent. 11
fait entendre qu'il a vû sa Victime et
qu'il n'a osé lui prononcer l'Arrêt de sa
mort. Il ne sçait pas que cette Victime
est sa propre fille. Il se représente, en frémissant , quelle eût été la rigueur de son
sort si son Epouse ou sa fille eussent paru
les premieres à ses yeux ; on lui à dit
qu'elles sont dans le Temple , ce qui le
met dans une entiere securité ; cependant
il plaint les parens de celle qu'il a vüe
la premiere par ces Vers :
O toi que mon ame attendrie ,
A laissé sans obstacle éloigner de ces lieux ,
Quel pleurs tu vas coûter aux Auteurs de ta vie,
S'il faut que je remplisse un serment odieux !
Almasie vient; Jephté la prie d'excuser
le trouble dont elle le trouve agité ; elle
lui confirme que sa fille est dans le Temple. Iphise arrives Jephté frémit en la
voyant , parce qu'il la reconnoît pour
celle qu'il a vûë la premiere ; mais de
quel coup n'est-il pas frappé quand il
entend ces mots d'Almasie!
Approchez- vous , ma fille,
. Cette situation à tiré des larmes ; voici
la fin de cette interessante Scene.
Iphise
MARS. 1732. 581
Iphise.
Votre présence m'est si chere ,
Pourquoi détournez-vous les yeux ?
Fephré.
Je devrois les fermer à la clarté des Cieux.
Iphise.
O mon pere , envers vous de quoi suis - je coupable?
Ai-je à vos yeux montré trop peu d'amour
Au bruit de votre heureux retour
J'ai volé la premiere.
Jephté.
Eh! c'est ce qui m'accable ;
Et mon malheur est confirmé.
Iphise.
Votre malheur ! Parlez ; quelle douleur vous
presse ?
Me reprochez vous ma tendresse a
Jephie.
Vous ne m'avez que trop aimé ?
Hela's !
Iphise.
Jephte.
Votre présence augmente mon supplices
Eloignez-vous.
Almasie.
Quelle est votre injustice !
Hij Jephti
•
82 MERCURE DE FRANCE
Jephte.
Otez-moi çet objet ; il me perce le cœur. &c.
La Scene entre Jephté et Almasie n'est
gueres moins interressante. Jephté lui
apprend son serment ; elle lui répond
avec transport :
Non , Dieu n'accepte pas un vœu si témeraire.
Mais pensez- vous, cruel, que nos saintes Tribus ,
Malgré vos ordres absolus ,
Ne conserveront pas une fille à sa mere?
Tout Israël lui servira de pere ,
·Puisqu'enfin vous ne l'êtes plus. &c.
Ce troisiéme Acte finit par cette leçon , que Phinée fait à Jephté , après la Fête du Couronnement.
Phinée.
“Jephté , si tu veux qu'on te craigne ,
La crainte du Seigneur doit regler tes projets.
Ce n'est pas toi , c'est Dieu qui regne ;
Sois le premier de ses Sujets.
Grave au fond de ton coeur sa parole éternelle ;
Tiens sans cesse tes yeux attachez sur sa Loy;
Dans ses sermens il est fidelle ;
Ne lui manque jamais de foy.
Ces dernieres paroles prononcées au
hazard
MA'R S. 1732. 58.3
hasard , rappellent à Jephté le fatal serment, et font finir l'Acte d'une maniere
plus interressante et plus propre à augmenter le péril.
Au quatriéme Acte , le Théatre représenteun Jardin, où Almasie a dit à sa fille
dans l'Acte précedent de l'aller attendre.
Iphise ouvre la Scene par ce Monologue
qui convient à sa situation.
Ruisseaux, qui serpentez sur ces fertiles bords ,
Allez loin de mes yeux répandre les trésors ,
Qu'on voit couler avec votre Onde.
Dans le cours de vos flots, l'un par l'autre chassez,
Ruisseaux , hélas ! vous me tracez ,
L'image des grandeurs du monde.
Ruisseaux , &c.
Les Bergers et les Bergeres des Rives
du Jourdain , viennent rendre hommage.
à la fille de leur nouveau Souverain , et lui
présentent les prémices de leurs Champs,
qu'elle rapporte à Dieu par ces Vers :
J'aime à voir vos soins empressez ;
Mais à l'Auteur de la Nature ,
Vos chants doivent être adressez.
Ces fruits , ces fleurs , cette verdure ,
Tout appartient à ce supréme Roy ;
Il en demande les prémices.
H iij Pour
$ 84 MERCURE DE FRANCE
J
Pour attirer sur vous des regards plus propices ,
Immolez-lui vos cœurs , c'est sa premiere Loys
Puissiez-vous dans vos Sacrifices *
Estre plus fidelle que moi !
Cetre Fête , qui est , sans contredit , l'a
plus gracieuse de la Piece , et qu'on compare , à bon droit , à celle du quatriéme
Acte de l'Opera de Roland, est interrompue par Almasie , qui après avoir fait
éloigner les Bergers , annonce à 1phise
qu'elle doit être sacrifiée. Voici comme
elle lui parle :
Par le Grand- Prêtre et par Jephté,
L'Eternel à mes yeux vient d'être consulté.
Que d'horreurs à la fois ! je tremble à te le dire.
Le Ciel gronde , l'Autel que je vois s'ébranler ,
Semble se refuser au sang qui doit couler.
Le Voile sacré se déchire ;
Le Grand-Prêtre saisi d'effroi ,
Jene un sombre regard sur ton pere et sur moi.
Vers l'Arche redoutable en tremblant il s'avanee;
Il l'interroge sur ton sort.
L'Arche garde un triste silence ,
Et ce silence est l'Arrêt de ta mort.
Iphise apprenant que són sang est le
prix de la victoire qui a sauvé le Peuple,
se
MARS. 173-2 585
se dévotie à la mort avec joye ; Almasie
sort pour aller du moins retarder le fatal
Sacrifice. Iphise refléchit sur sa triste situation par ce Monologue.
C'en est donc fait ! bientôt cette Terre, ces Cieux,
Ce Soleil , pourjamais tout se voile à mes yeux !
Malheureux un cœur qui se livre ,
Au vain bonheur qui vient s'offrir !
A peine je commence à vivre ,
Qu'il faut me résoudre à mourir.
Du comble des grandeurs dont l'éclat m'envi
ronne ,
Je cours d'un pas rapide à mes derniers instans;
Je ressemble à ces fleurs que l'Aquilon moissonne ?
Dès les premiers jours du Printemps.
Malheureux un cœur , &c.
L'Acte finit que une Scene les Con- par noisseurs trouvent la plus belle de la Piece. Ammon veut sauver Iphise ; elle refuse le secours qu'il vient lui offrir , soutenu de toute la Tribu d'Ephraïm ; le
désespoir d'Ammon qui veut perir , lui
arrache des sentimens qui Aattent l'amour dont il brule pour elle , mais elle
lui ôte toute esperance par ces Vers :
Apprens que pour sentir une fatale flamme ,
Un grand cœur n'est pas abbattu.
Hiiij L'A-
586 MERCURE DE FRANCE
L'Amour peut entrer dans une ame ,
Sans triompher de la vertu.
Ammon désesperé , lui dit qu'il entrera
dans le Temple , la vengeance à la main
elle se résout à aller se livrer à l'Autel
pour prévenir la fureur de son Amant.
Comme cet Extrait n'est déja que trop
long , nous ne dirons plus que ce qui concerne l'Action théatrale du V. Acte.
Jephté déplore sa situation , et la comparant à celle d'Abraham , il demande à
Dieu la même clémence qu'il fit autrefois éclater en faveur de ce Patriarche.
Iphise vient se livrer à l'Autel malgré le
Peuple qui veut la retenir ; la Scene envers son Pere est des plus touchantes.
Unbruit de guerre oblige Jephté à aller deffendre le Temple qu'Ammon assiege avec la Tribu d'Ephraïm. Ammon
entre dans la partie exterieure du Temple pour enlever Iphise ; elle se sauve
dans l'interieure. Ammon la suit jusques
dans le Sanctuaire , en blasphemant.
Jephté revient , l'épée à la main , et
voyant le Temple forcé , y veut entrer.
Phinée l'arrête, en lui disant, que le Dieu
des Armées n'a pas besoin du secours
d'un foible Mortel ; l'Ange Exterminateur descend dans un Globe de feu. Ammon
MARS. 1732.
587
mon par et les Rebelles font entendre
des voix mourantes qu'ils périssent tous.
•
On amene Iphise pour la sacrifier ; la
résignation de la fille , l'étonnement du
Grand-Prêtre , et la douleur du Pere et
de la Mere , font un tableau qui inspire
tout- à-la fois la pieté et la terreur. Iphise
est sauvée par une inspiration du GrandPrêtre , qui lui annonce que Dieu luj
fait grace en faveur de son repentir.
On a ajoûté une Fête en action de
grace , dont on convient que le Poëme n'avoit pas besoin pour s'assurer un succès des plus complets.
Au surplus cet Opera est executé d'une maniere à satisfaire les Spectateurs les
plus difficiles et les plus délicats. Le sieur
Chassé fait voir dans le premier Rôle ,
par l'expression de son jeu et par la fléxibilité de sa voix , qu'il est capable de
remplir avantageusement tous les Rôles
dont il voudra se charger. La Dile Antier
ne dément point la grande réputation
qu'elle s'est si justement acquise jusqu'aujourd'hui , et la Dile le Maure , dans le
Rôle d'Iphise , joint à la plus belle voix
du monde , toutes les graces , toute la
sensibilité et toute la noblesse qu'on peut
souhaiter. Tous les autres Acteurs , tant
chantans que dansans , se sont distinH v guez
588 MERCURE DE FRANCE
guez;et le sieurBlondi s'est fait un honneur
infini dans la composition d'un Balet, dont
le genre etoit inconnu à ses Prédeceseurs ;
les Diles Camargo et Salé , l'y ont secondé
avec leur legereté et leurs graces ordinaires. Nous apprenons que le succès de cet
Opera augmente de jour en jour , et le
Public se promet avec plaisir de le revoir
le Carême prochain.
la premiere Representation de Jephie,
Tragédie , tirée de l'Ecriture sainte , le
premier Jeudy de Carême ; la nouveauté
du genre en avoit rendu le succès si
douteux, qu'on ne croioit pas qu'elle pût
être jouée deux fois ; cette prévention
presque générale n'a pas tenu contre les
beautez du Poëme et de la Musique , et
M. l'Abbé Pellegrin et M. de Monteclair qui en sont les Auteurs , peuvent
se vanter qu'il y a tres- peu d'Opéra que
le Public ait honoré de plus d'applaudissemens. Nos Lecteurs pourront juger du
Poëme par cet Extrait. Pour la Musique ,
les plus grands connoisseurs la trouvent
tres-digne de Lully , et on ne les contredit point.
Au Prologue , le Théatre représente
un lieu orné pour des Spectacles , c'està dire,
*
72 MERCURE DE FRANCE
à- dire , le Théatre même de l'Académie,
dont tous les Dieux fabuleux se sont em
parez , comme du seul Temple qui leur
reste depuis l'extinction du Paganisme :
Apollon invite Polhymnie et Terpsicore à
le seconder dans le dessein qu'il a de
maintenir le culte qu'on leur rend encore sur ce Théatre. Il s'exprime ainsi :
>
Vous , qu'avec Apollon , en ces lieux on adore,
Sçavante Polhymnie , aimable Terpsicore
Par vos chants , par vos jeux , secondez mes´ désirs ;
Ce Temple seul , nous reste encore ;
Faisons-y regner les plaisirs.
Les deux Muses exécutent ces ordres ;*
elles étalent , à l'envi , ce qu'elles ont de
plus flateur , pour séduire les mortels ;
mais leur regne n'est pas de longue durée; la Verité descend des Cieux , suivie
des vertus qui forment sa brillante Cour.
Elle leur parle ainsi :
Phantômes séduisans , Enfans de l'imposture
Osez-vous soûtenir ma clarté vivé et pure ›
Cachez, vous dans l'obscurité ,
Où mon brillant aspect vous plonge ;
Il est temps que la verité ,
Fasseévanouir le mensonge.
C'est
MARS. 1732. $73 .
C'est trop abuser l'Univers ;
Rentrez dans les Enfers.
Les faux Dieux , dont l'Ecriture dit :-
Dii autem Gentium dæmonia , sont forcez
de s'abîmer.
La verité expose le Sujet de la Tragédie qu'on va representer , par ces Vers
qu'elle addresse aux Vertus qui l'accompagnent.
Troupe , immortelle comme moy;
Vertus , ornez ces lieux pour un nouveau Spec tacle ;
Annoncez aux Mortels la redoutable loy,
Du Dieu seul , dont je suis l'Oracle 9.3
Retirez du Tombeau le malheureux Jephté ;,
Rappellez son vœu téméraire ;
Au soin d'instruire , ajoutez l'art de plaire
Vous pouvez adoucir votre sévérité ;
Mais qu'aucun faux brillant n'altere
La splendeur de la vérité.
Le Chœur des Vertus, Suivantes de la
Verité , l'invite à faire briller sur la Terre
sa celeste lumiere. Le Prologue finit par
cet éloge, d'autant plus beau qu'il est dans
la bouche de la Vérité même,
Un Roy qui me chérit dès l'âge le plus ten- dre ,
Bait
son
unique
soin
de marcher
sur
mes
pas.
M
$74 MERCURE DE FRANCE
Il veut qu'en ces heureux climats ,
Ma seule voix se fasse entendre.
Qu'il triomphe par moi , quand je regne par lui,
Que la terre , le ciel , qu'à l'envi tout conspires
Afaire fleurir un Empire ,
Dontje suis le plus ferme appuy.
La DileHerremens, qui remplit le Rôle
dè la Vérité , y réussit parfaitement; mais
passons à la Tragédie.
Le Théatre représente d'abord le Fleuve du Jourdain , dont les Flots séparent
l'Armée des Israëlites de celle des Ammonites.
Jephté ouvre la Scene ; il témoigne d'abort le plaisir qu'il a de revoir Maspha
sa chere Patrie , après un long exil ; la
tristesse succede à la joye quand il voit
les Etendards des Ammonites plantez sur
les bords du Jourd in.
Abdon , l'un des Officiers Généraux
de l'Armée Israëlite , lui vient ` annoncer que l'Arche sainte va paroître à la
tête des Troupes , dont on lui a donné le commandement. A cette heureuse nouvelle Jephté est transporté de joie et
rempli de confiance. C'est icy la Scene
d'exposition ; l'Auteur y apprend aux
Spectateurs des choses essentielles à sa
Piece, et qui servent de base à la situation
MARS. 1732. 57.5
tion la plus frappante ; sçavoir , qu'il n'a
point vû sa fille depuis son enfance ; et
qu'il ne veut la voir qu'après qu'il aura
rempli son premier devoir. Il s'exprime
ainsi :
La gloire du Seigneur, fait mon premier devoir;
Nos Tribus , mes Soldats , sont toute ma Fa- mille.
Quoi ? lui dit Abdon , l'amour ni le
sang , ne peut vous émouvoir ?
Jephte lui répond !
Dis plutôt que je me défie ,
D'un cœur trop prompt à s'attendrir ;
Non ; je ne veux rien voir qui m'attache à la vie,
Quand pour sauver mon Peuple , il faut vaincre ou mourir.
Le Grand Prêtre Phinée vient annoncer à Jephté que la voix du Seigneur confirme le choix que les Hebreux ont fait
de lui , pour regner sur eux ; il lui apprend qu'Ammon , Fils du Roy des Ammonites et Prisonnier dans Maspha, a corrompu la Tribu d'Ephraim , ce qui donné lieu à un très- beau duo:
Les Guerriers Israëlites , assemblez par
l'ordre de Jephté , viennent attendre
l'Arche sainte. Le Grand-Prêtre et Jephté
leur annoncent les prodiges que Dieu a
faits
$76 MERCURE DE FRANCE
faits en faveur de son Peuple. Les Guerriers se mêlent à ce récit. Voicy les Vers
qui forment ce beau Chœur , qui fait
Fadmiration de tout Paris.
Phinée.
Ennemis du Maître suprême ,
Redoutez son couroux vangeur
La Terre , l'Enfer , le Ciel même
Tout tremble devant le Seigneur.
Le Chœur répete : La terre , &c.
Phinée et Fephté.
Le Jourdain retourne en arriere
Le Soleil suspend sa carriere ;
La Mer désarme sa fureur ,
En faveur d'un Peuple qu'il aime.
Le Chœur reprend : La terre , &c.
Phinée et Jephté.
La bruyante Trompette , à l'égal du Tonnerre
Brise les Murs d'airain , jette les Tours par terre ,
Et déclare Israël vainqueur ;
Elle va porter la terreur
Chez l'Idolatre qui blasphême.
Le Chœur.
La Terre , l'Enfer , le Ciel même ,
Tout tremble devant le Seigneur.
L'Arche
MARS. 1732. 577
L'Arche paroît de loin aux yeux dụ
Grand- Prêtre ; il ordonne aux Guerriers
de détourner la vûë; un nuage lumineux
la couvre , comme il arriva la premiere
fois Moïse la voulut offrir aux yeux
duPeuple.
que
Abdon annonce à Jephté que les Ammonites viennent de fondre sur le Camp
des Israëlites. Jephté ordonne qu'on assemble ses Guerriers sous ses Etendards
au son de la Trompette sacrée ; et c'est
dans ce pressant péril qu'il fait ce serment.
Grand Dieu , sois attentif au serment que je fais
Contre tes Ennemis , si je soûtiens ta gloire ,
Le premier qu'à mes yeux offrira mon Palais
Sera sur tes Autels le prix de ma victoire.
Je jure de te l'immoler ;
C'est à toy de choisir le sang qui doit couler
A peine le serment est - il prononcé
que le Jourdain se sépare en deux , et
forme deux remparts , au travers desquels l'armée Israëlite passe au son des
Trompettes.
Au II. Acte , le Théatre représente le
Palais de Jephté ; Ammon ouvre la Scene. Abner, son confident , l'exhorte à
mettre à profit la liberté que la Tribu
d'Ephraim vient de lui rendre , et à se
sauver
3-8 MERCURE DE FRANCE
sauver d'un lieu où il périra, si Jephté revient victorieux. Ammon lui dit qu'il ne
sçauroit quitter Iphise , fille de Jephté ,
dont il est amoureux. Iphise vient ; Am-
'mon lui déclare son amour. Eile le veut
fuïr ; il la retient ; et comme il blaspheme
contre le Dieu des Hébreux , elle lui dit :
Arrête. A l'Univers craint de servir d'exemple ;
Outrage à ton gré tes faux Dieux
Mais au Dieu d'Israël ne livre point la guerre ,
Il régit la terte et les cieux.
;
+
Et sur le Sacrilege , il lance le tonnerrè ;
Tremble , son bras vangeur , est prêt à t'im.
moler.
Elle lui ordonne de se retirer ; il lui
obéit. Iphise fait connoître dans un Monologue l'amour qu'elle sent, malgré elle,
pour Ammon; elle s'exprime ainsi :
Mes yeux , éteignez dans vos larmes
Des feux qui dans mon cœur s'allument malgré moi.
Tu vois mes mortelles allarmes ,
Dieu puissant , j'ai recours à toy.
Pourquoi faut-il , hélas ! que je trouve des char- : mes
Dans un fatal panchant , condamné par ta loy ?
Mes yeux , &c.
Almasie , mere d'Iphise , vient s'affliger
avec
MARS. 1732. 579
avec sa fille , d'un songe terrible qu'elle
a fait , et dans lequel elle a vû tomber
la foudre sur elle : Iphise ne doute point.
que ce ne soit un châtiment que Dieu lui
destine pour la punir de son amour pour
un Idolâtre ; elle en fait un aveu à sa
mere à la fin de la Scene. Abdon leur annonce la victoire de Jephté ; les Peuples
viennent s'en réjouir dans leur Palais. Almasie ordonne à sa Fille de présider aux
jeux , tandis qu'elle va dans le Temple
rendre graces à Dieu d'une si heureuse
victoire. Iphise lui dit qu'elle ira bientôt l'y trouver dans un même esprit de
reconnoissance envers Dieu. Un bruit de
Trompettes annonce l'arrivée de Jephté;
les Peuples se mettent en état d'aller au
devant de lui ; Iphise ne peut s'empêcher
d'y aller à son tour ; elle le fait connoître
par ces Vers qu'elle addresse à Dieu :
Je ne puis résister à mon impatience ;
Seigneur , un seul moment , je ne veux que le voir ,
Et je vole où m'appelle un plus sacré devoir.
C'est-à- dire , au Temple, où elle a promis à sa mere de l'aller joindre.
Le Théatre représente au troisiéme Ac
te une avant- court du Palais de Jephté ,
ornée d'Arcs de Triomphe ; on y a élevé
H au
$80 MERCURE DE FRANCE
un Trône.Jephté troublé de son serment,
fait retirer tous ceux qui le suivent. 11
fait entendre qu'il a vû sa Victime et
qu'il n'a osé lui prononcer l'Arrêt de sa
mort. Il ne sçait pas que cette Victime
est sa propre fille. Il se représente, en frémissant , quelle eût été la rigueur de son
sort si son Epouse ou sa fille eussent paru
les premieres à ses yeux ; on lui à dit
qu'elles sont dans le Temple , ce qui le
met dans une entiere securité ; cependant
il plaint les parens de celle qu'il a vüe
la premiere par ces Vers :
O toi que mon ame attendrie ,
A laissé sans obstacle éloigner de ces lieux ,
Quel pleurs tu vas coûter aux Auteurs de ta vie,
S'il faut que je remplisse un serment odieux !
Almasie vient; Jephté la prie d'excuser
le trouble dont elle le trouve agité ; elle
lui confirme que sa fille est dans le Temple. Iphise arrives Jephté frémit en la
voyant , parce qu'il la reconnoît pour
celle qu'il a vûë la premiere ; mais de
quel coup n'est-il pas frappé quand il
entend ces mots d'Almasie!
Approchez- vous , ma fille,
. Cette situation à tiré des larmes ; voici
la fin de cette interessante Scene.
Iphise
MARS. 1732. 581
Iphise.
Votre présence m'est si chere ,
Pourquoi détournez-vous les yeux ?
Fephré.
Je devrois les fermer à la clarté des Cieux.
Iphise.
O mon pere , envers vous de quoi suis - je coupable?
Ai-je à vos yeux montré trop peu d'amour
Au bruit de votre heureux retour
J'ai volé la premiere.
Jephté.
Eh! c'est ce qui m'accable ;
Et mon malheur est confirmé.
Iphise.
Votre malheur ! Parlez ; quelle douleur vous
presse ?
Me reprochez vous ma tendresse a
Jephie.
Vous ne m'avez que trop aimé ?
Hela's !
Iphise.
Jephte.
Votre présence augmente mon supplices
Eloignez-vous.
Almasie.
Quelle est votre injustice !
Hij Jephti
•
82 MERCURE DE FRANCE
Jephte.
Otez-moi çet objet ; il me perce le cœur. &c.
La Scene entre Jephté et Almasie n'est
gueres moins interressante. Jephté lui
apprend son serment ; elle lui répond
avec transport :
Non , Dieu n'accepte pas un vœu si témeraire.
Mais pensez- vous, cruel, que nos saintes Tribus ,
Malgré vos ordres absolus ,
Ne conserveront pas une fille à sa mere?
Tout Israël lui servira de pere ,
·Puisqu'enfin vous ne l'êtes plus. &c.
Ce troisiéme Acte finit par cette leçon , que Phinée fait à Jephté , après la Fête du Couronnement.
Phinée.
“Jephté , si tu veux qu'on te craigne ,
La crainte du Seigneur doit regler tes projets.
Ce n'est pas toi , c'est Dieu qui regne ;
Sois le premier de ses Sujets.
Grave au fond de ton coeur sa parole éternelle ;
Tiens sans cesse tes yeux attachez sur sa Loy;
Dans ses sermens il est fidelle ;
Ne lui manque jamais de foy.
Ces dernieres paroles prononcées au
hazard
MA'R S. 1732. 58.3
hasard , rappellent à Jephté le fatal serment, et font finir l'Acte d'une maniere
plus interressante et plus propre à augmenter le péril.
Au quatriéme Acte , le Théatre représenteun Jardin, où Almasie a dit à sa fille
dans l'Acte précedent de l'aller attendre.
Iphise ouvre la Scene par ce Monologue
qui convient à sa situation.
Ruisseaux, qui serpentez sur ces fertiles bords ,
Allez loin de mes yeux répandre les trésors ,
Qu'on voit couler avec votre Onde.
Dans le cours de vos flots, l'un par l'autre chassez,
Ruisseaux , hélas ! vous me tracez ,
L'image des grandeurs du monde.
Ruisseaux , &c.
Les Bergers et les Bergeres des Rives
du Jourdain , viennent rendre hommage.
à la fille de leur nouveau Souverain , et lui
présentent les prémices de leurs Champs,
qu'elle rapporte à Dieu par ces Vers :
J'aime à voir vos soins empressez ;
Mais à l'Auteur de la Nature ,
Vos chants doivent être adressez.
Ces fruits , ces fleurs , cette verdure ,
Tout appartient à ce supréme Roy ;
Il en demande les prémices.
H iij Pour
$ 84 MERCURE DE FRANCE
J
Pour attirer sur vous des regards plus propices ,
Immolez-lui vos cœurs , c'est sa premiere Loys
Puissiez-vous dans vos Sacrifices *
Estre plus fidelle que moi !
Cetre Fête , qui est , sans contredit , l'a
plus gracieuse de la Piece , et qu'on compare , à bon droit , à celle du quatriéme
Acte de l'Opera de Roland, est interrompue par Almasie , qui après avoir fait
éloigner les Bergers , annonce à 1phise
qu'elle doit être sacrifiée. Voici comme
elle lui parle :
Par le Grand- Prêtre et par Jephté,
L'Eternel à mes yeux vient d'être consulté.
Que d'horreurs à la fois ! je tremble à te le dire.
Le Ciel gronde , l'Autel que je vois s'ébranler ,
Semble se refuser au sang qui doit couler.
Le Voile sacré se déchire ;
Le Grand-Prêtre saisi d'effroi ,
Jene un sombre regard sur ton pere et sur moi.
Vers l'Arche redoutable en tremblant il s'avanee;
Il l'interroge sur ton sort.
L'Arche garde un triste silence ,
Et ce silence est l'Arrêt de ta mort.
Iphise apprenant que són sang est le
prix de la victoire qui a sauvé le Peuple,
se
MARS. 173-2 585
se dévotie à la mort avec joye ; Almasie
sort pour aller du moins retarder le fatal
Sacrifice. Iphise refléchit sur sa triste situation par ce Monologue.
C'en est donc fait ! bientôt cette Terre, ces Cieux,
Ce Soleil , pourjamais tout se voile à mes yeux !
Malheureux un cœur qui se livre ,
Au vain bonheur qui vient s'offrir !
A peine je commence à vivre ,
Qu'il faut me résoudre à mourir.
Du comble des grandeurs dont l'éclat m'envi
ronne ,
Je cours d'un pas rapide à mes derniers instans;
Je ressemble à ces fleurs que l'Aquilon moissonne ?
Dès les premiers jours du Printemps.
Malheureux un cœur , &c.
L'Acte finit que une Scene les Con- par noisseurs trouvent la plus belle de la Piece. Ammon veut sauver Iphise ; elle refuse le secours qu'il vient lui offrir , soutenu de toute la Tribu d'Ephraïm ; le
désespoir d'Ammon qui veut perir , lui
arrache des sentimens qui Aattent l'amour dont il brule pour elle , mais elle
lui ôte toute esperance par ces Vers :
Apprens que pour sentir une fatale flamme ,
Un grand cœur n'est pas abbattu.
Hiiij L'A-
586 MERCURE DE FRANCE
L'Amour peut entrer dans une ame ,
Sans triompher de la vertu.
Ammon désesperé , lui dit qu'il entrera
dans le Temple , la vengeance à la main
elle se résout à aller se livrer à l'Autel
pour prévenir la fureur de son Amant.
Comme cet Extrait n'est déja que trop
long , nous ne dirons plus que ce qui concerne l'Action théatrale du V. Acte.
Jephté déplore sa situation , et la comparant à celle d'Abraham , il demande à
Dieu la même clémence qu'il fit autrefois éclater en faveur de ce Patriarche.
Iphise vient se livrer à l'Autel malgré le
Peuple qui veut la retenir ; la Scene envers son Pere est des plus touchantes.
Unbruit de guerre oblige Jephté à aller deffendre le Temple qu'Ammon assiege avec la Tribu d'Ephraïm. Ammon
entre dans la partie exterieure du Temple pour enlever Iphise ; elle se sauve
dans l'interieure. Ammon la suit jusques
dans le Sanctuaire , en blasphemant.
Jephté revient , l'épée à la main , et
voyant le Temple forcé , y veut entrer.
Phinée l'arrête, en lui disant, que le Dieu
des Armées n'a pas besoin du secours
d'un foible Mortel ; l'Ange Exterminateur descend dans un Globe de feu. Ammon
MARS. 1732.
587
mon par et les Rebelles font entendre
des voix mourantes qu'ils périssent tous.
•
On amene Iphise pour la sacrifier ; la
résignation de la fille , l'étonnement du
Grand-Prêtre , et la douleur du Pere et
de la Mere , font un tableau qui inspire
tout- à-la fois la pieté et la terreur. Iphise
est sauvée par une inspiration du GrandPrêtre , qui lui annonce que Dieu luj
fait grace en faveur de son repentir.
On a ajoûté une Fête en action de
grace , dont on convient que le Poëme n'avoit pas besoin pour s'assurer un succès des plus complets.
Au surplus cet Opera est executé d'une maniere à satisfaire les Spectateurs les
plus difficiles et les plus délicats. Le sieur
Chassé fait voir dans le premier Rôle ,
par l'expression de son jeu et par la fléxibilité de sa voix , qu'il est capable de
remplir avantageusement tous les Rôles
dont il voudra se charger. La Dile Antier
ne dément point la grande réputation
qu'elle s'est si justement acquise jusqu'aujourd'hui , et la Dile le Maure , dans le
Rôle d'Iphise , joint à la plus belle voix
du monde , toutes les graces , toute la
sensibilité et toute la noblesse qu'on peut
souhaiter. Tous les autres Acteurs , tant
chantans que dansans , se sont distinH v guez
588 MERCURE DE FRANCE
guez;et le sieurBlondi s'est fait un honneur
infini dans la composition d'un Balet, dont
le genre etoit inconnu à ses Prédeceseurs ;
les Diles Camargo et Salé , l'y ont secondé
avec leur legereté et leurs graces ordinaires. Nous apprenons que le succès de cet
Opera augmente de jour en jour , et le
Public se promet avec plaisir de le revoir
le Carême prochain.
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Résumé : Extrait de l'Opéra de Jephté, [titre d'après la table]
L'Académie Royale de Musique présenta 'Jephte', une tragédie biblique, le premier jeudi de Carême. Malgré des doutes initiaux, l'œuvre fut acclamée pour la qualité de son poème et de sa musique, respectivement écrits par l'abbé Pellegrin et M. de Montéclair. Le prologue met en scène Apollon, Polhymnie et Terpsichore, interrompus par la Vérité et ses vertus, qui condamnent les faux dieux et annoncent le sujet de la tragédie. La pièce commence avec Jephté, qui exprime sa joie de revoir sa patrie, Maspha, mais sa tristesse en voyant les étendards des Ammonites. Abdon, un officier, lui annonce l'arrivée de l'Arche sainte. Jephté, déterminé à sauver son peuple, refuse de voir sa fille avant la bataille. Le Grand Prêtre Phinée confirme son choix et révèle la corruption de la tribu d'Éphraïm par Ammon. Les guerriers israéliens, inspirés par les prodiges de Dieu, se préparent au combat. Jephté fait un serment solennel, promettant d'immoler le premier être vivant qu'il verra à son retour. Dans le deuxième acte, Ammon, prisonnier, exprime son amour pour Iphise, la fille de Jephté. Iphise, déchirée entre son amour et sa loyauté envers Dieu, prie pour être délivrée de ses sentiments. Almasie, la mère d'Iphise, partage son inquiétude après un rêve prémonitoire. La victoire de Jephté est annoncée, et Iphise se rend au temple pour remercier Dieu. Le troisième acte montre Jephté troublé par son serment. Il voit Iphise, qu'il reconnaît comme la première personne qu'il a vue à son retour, et est accablé par la nécessité de l'immoler. Almasie et Iphise tentent de le réconforter, mais Jephté est déchiré entre son devoir et son amour paternel. Phinée rappelle à Jephté que ses actions doivent être guidées par la crainte de Dieu. Dans le quatrième acte, Iphise attend dans un jardin, exprimant sa détresse. Des bergers et bergères lui rendent hommage, et elle leur rappelle de louer Dieu pour leurs récoltes. La pièce se conclut sur cette note de dévotion et de sacrifice. Dans la scène suivante, Almasie annonce à Iphise qu'elle doit être sacrifiée. Le Grand-Prêtre, après avoir consulté l'Éternel, décide que le sang d'Iphise est le prix de la victoire. Iphise accepte son destin avec joie, tandis qu'Almasie tente de retarder le sacrifice. Iphise exprime sa tristesse et son acceptation de la mort dans un monologue. Ammon, amoureux d'Iphise, tente de la sauver, mais elle refuse son aide, affirmant que l'amour ne peut triompher de la vertu. Ammon, désespéré, menace de se venger. Dans le cinquième acte, Jephté déplore sa situation et demande clémence à Dieu. Iphise se livre à l'autel malgré les tentatives du peuple de la retenir. Une bataille éclate entre Ammon et Jephté, et Ammon est finalement vaincu par l'Ange Exterminateur. Iphise est amenée pour le sacrifice, mais elle est sauvée grâce à une inspiration du Grand-Prêtre, qui annonce que Dieu lui fait grâce en faveur de son repentir. L'opéra fut exécuté avec succès, avec des performances remarquables des acteurs, notamment Chassé, Dile Antier, et Dile le Maure dans le rôle d'Iphise. Le ballet, composé par le sieur Blondi, fut également salué pour son originalité et l'exécution des danseurs comme Camargo et Salé. Le public apprécia l'opéra et se promit de le revoir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 1417-1422
EXTRAIT du Procès des Sens.
Début :
Cette Comédie en un Acte en Vers est une forme [...]
Mots clefs :
Comédie, Extrait, Procès des Sens
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT du Procès des Sens.
EXTRAITdu Procès des Sens.
Cette Comédie en un Acte en Vers est
une forme de Critique nouvelle , risquée:
heureusement sur un Théatre qui n'avoit
encore rien donné dans ce goût-là ; l'Auteur ne doit pas se repentir de cet essai 2
11. Vol. puis-
1418 MERCURE DE FRANCE
puisque le Public , loin de le regarder
comme une témerité , l'a honoré de ses
applaudissemens. Le Ballet des Sens a
donné occasion à la Comédie, où les Sens
personifiés sur la Scene Françoise , font
de courtes et justes Analyses des Entrées
qu'on leur a assignées sur la Scene Lyrique.
L'action du Procès des Sens se passe
dans les Jardins d'Hebé , où le Goût
trouve l'Amour établi Juge de la contestation par un Edit de Jupiter , apporté
par Mercure. L'Amour demande au Goût
quel sujet a pû brouiller les Sens ; le Goût
lui répond que l'Opera s'étant avisé de
leur faire chanter des Brunettes , et danser des Musettes , cela a occasionné cent
discours partiaux sur leurs prééminences ,
qui ont semé la division entr'eux . Il lui
rapporte de suite les décisions d'un Abbé d'un Caissier et d'un Gascon , et
ajoûte :
Seigneur Amour , Voilà
Comme tous cinq on nous balote.
L'Amour réplique :
Tous cinq , calculez bien , qui de cinq ôte deux ,
Reste trois en Eté ce nombre est plus heu- reux.
11. Vol. Ah!
A
JUIN... 17326 1479
Ah ! dit le Goût ,
Vous voulez badiner sur le Goût et l'Ouic
Que l'on a retranchés dans le nouveau Ballet ;
Quant à l'Acte du Goût qui pour moi pa- roîtra
Quand les jours baisseront , à moins que d'être souche ,
De mon retranchement rien l'on ne conclura ,
Sinon que l'Opera
Me garde pour la bonne bouche.
Un petit Amour vient annoncer l'Odorat , qui paroît chargé de fleurs , et se
caracterise par sa délicatesse sur lesOdeurs,
l'Ouie et la Vue le suivent de près. L'Amour se place sur son Tribunal , et les
Sens plaident alternativement leur cause :
nous ne donnerons pour échantillon des
traits de critique , que celui qui tombe
sur l'Acte où triomphe la Dlle le Maure.
L'Amour Chantant , ( dit l'Amour declamant )
Devroit être honteux ,
De son avanture nouvelle ,
Et ne pas s'en vanter comme il fait ; elle est
belle;
L'Opera complaisant détache son bandeau ,
Disant pour raison de son zele ,
Que son illuminé nouveau
II. Vol.
Va
#420 MERCURE DE FRANCE
*Varégler sa main témeraire,
C'est pour le bien descœurs que le Destin l'éclaire,
Quel usage fait- il de ce don précieux ?
De quoi s'occupe - t ilen ouvrant ses beaux
yeux ?
Semblable à l'Ecolier qui sort de la jaquette
• Il vole du facile an superficiel ,
Et le premier regard que notre Bambin jette ,
C'est pour admirer l'Arc- en- Ciel
Et se coiffer d'une Grisette.
Kris, Grisette !
La Vue.
L'Amour
Et qui pis est soubrette.
Dans le fort de la plus vive dispute des
Sens ; le Sens commun arrive ; le Public a
trouvé qu'il parle comme il doit parler.
Décision très glorieuse pour l'Auteur.
Voici la définition du bon Sens tel qu'il
la fait lui-même.
Sans éclat j'illumine
Mais j'illumine nettement ;
Je n'aventure rien; à pas lents je chemine ,..
Mais je chemine sûrement
Le Sens commun n'a pas toujours de grace fine
2. Vers du Balle
II. Vol. Le
JUIN. 1732. 1420
Mais il y a du solide , il pense éxactement
Enfin il est le jugement,
Il est l'esprit sensé que le vrai détermine ,
Que le Bon touche fortement ;
;
Et par fois l'Esprit vif n'est dans son enjou
ment
Que la sotise qui badine,
Le Sens commun expose qu'il craint
que les Sens ne s'approprient ses droits.en
détaillant les leurs. Sa Requête n'est pas
malfondée , tant sur le Théatre que dans
les conversations les plus éclairées ; il n'est
que trop ordinaire de confondre les opérations de l'Esprit avec celies des Sens.
Le Toucher qui s'est amusé , suivant sa
coûtume , ne paroît qu'après la sortie du
Sens commun et passe son tems et le
reste de l'Audience à badiner ; l'Amour
leve le siége , et finit par un compliment
dû aux Spectateurs , où il les invite à
faire durer le Procès des Sens , et à lui
rêter leurs lumieres pour lejuger bien.
La Dile Dangeville la jeune , qui remplit le Rôle de l'Amour , le joue avec
cette figure aimable et piquante , qui fait
si grand plaisir aux yeux , et avec toutes
les graces , la finesse et la legereté imaginable. Elle est très-bien secondée par les
II.Vol sieurs
122 MERCURE DE FRANCE
Srs Dangeville l'Oncle , Poissons, Montmesnil , qui y jouent les Rôles du Toucher , du Goût et du bon Sens , et par
ses autres Camarades , car la Piéce est
très-bien et très- vivement jouée.
Cette Comédie en un Acte en Vers est
une forme de Critique nouvelle , risquée:
heureusement sur un Théatre qui n'avoit
encore rien donné dans ce goût-là ; l'Auteur ne doit pas se repentir de cet essai 2
11. Vol. puis-
1418 MERCURE DE FRANCE
puisque le Public , loin de le regarder
comme une témerité , l'a honoré de ses
applaudissemens. Le Ballet des Sens a
donné occasion à la Comédie, où les Sens
personifiés sur la Scene Françoise , font
de courtes et justes Analyses des Entrées
qu'on leur a assignées sur la Scene Lyrique.
L'action du Procès des Sens se passe
dans les Jardins d'Hebé , où le Goût
trouve l'Amour établi Juge de la contestation par un Edit de Jupiter , apporté
par Mercure. L'Amour demande au Goût
quel sujet a pû brouiller les Sens ; le Goût
lui répond que l'Opera s'étant avisé de
leur faire chanter des Brunettes , et danser des Musettes , cela a occasionné cent
discours partiaux sur leurs prééminences ,
qui ont semé la division entr'eux . Il lui
rapporte de suite les décisions d'un Abbé d'un Caissier et d'un Gascon , et
ajoûte :
Seigneur Amour , Voilà
Comme tous cinq on nous balote.
L'Amour réplique :
Tous cinq , calculez bien , qui de cinq ôte deux ,
Reste trois en Eté ce nombre est plus heu- reux.
11. Vol. Ah!
A
JUIN... 17326 1479
Ah ! dit le Goût ,
Vous voulez badiner sur le Goût et l'Ouic
Que l'on a retranchés dans le nouveau Ballet ;
Quant à l'Acte du Goût qui pour moi pa- roîtra
Quand les jours baisseront , à moins que d'être souche ,
De mon retranchement rien l'on ne conclura ,
Sinon que l'Opera
Me garde pour la bonne bouche.
Un petit Amour vient annoncer l'Odorat , qui paroît chargé de fleurs , et se
caracterise par sa délicatesse sur lesOdeurs,
l'Ouie et la Vue le suivent de près. L'Amour se place sur son Tribunal , et les
Sens plaident alternativement leur cause :
nous ne donnerons pour échantillon des
traits de critique , que celui qui tombe
sur l'Acte où triomphe la Dlle le Maure.
L'Amour Chantant , ( dit l'Amour declamant )
Devroit être honteux ,
De son avanture nouvelle ,
Et ne pas s'en vanter comme il fait ; elle est
belle;
L'Opera complaisant détache son bandeau ,
Disant pour raison de son zele ,
Que son illuminé nouveau
II. Vol.
Va
#420 MERCURE DE FRANCE
*Varégler sa main témeraire,
C'est pour le bien descœurs que le Destin l'éclaire,
Quel usage fait- il de ce don précieux ?
De quoi s'occupe - t ilen ouvrant ses beaux
yeux ?
Semblable à l'Ecolier qui sort de la jaquette
• Il vole du facile an superficiel ,
Et le premier regard que notre Bambin jette ,
C'est pour admirer l'Arc- en- Ciel
Et se coiffer d'une Grisette.
Kris, Grisette !
La Vue.
L'Amour
Et qui pis est soubrette.
Dans le fort de la plus vive dispute des
Sens ; le Sens commun arrive ; le Public a
trouvé qu'il parle comme il doit parler.
Décision très glorieuse pour l'Auteur.
Voici la définition du bon Sens tel qu'il
la fait lui-même.
Sans éclat j'illumine
Mais j'illumine nettement ;
Je n'aventure rien; à pas lents je chemine ,..
Mais je chemine sûrement
Le Sens commun n'a pas toujours de grace fine
2. Vers du Balle
II. Vol. Le
JUIN. 1732. 1420
Mais il y a du solide , il pense éxactement
Enfin il est le jugement,
Il est l'esprit sensé que le vrai détermine ,
Que le Bon touche fortement ;
;
Et par fois l'Esprit vif n'est dans son enjou
ment
Que la sotise qui badine,
Le Sens commun expose qu'il craint
que les Sens ne s'approprient ses droits.en
détaillant les leurs. Sa Requête n'est pas
malfondée , tant sur le Théatre que dans
les conversations les plus éclairées ; il n'est
que trop ordinaire de confondre les opérations de l'Esprit avec celies des Sens.
Le Toucher qui s'est amusé , suivant sa
coûtume , ne paroît qu'après la sortie du
Sens commun et passe son tems et le
reste de l'Audience à badiner ; l'Amour
leve le siége , et finit par un compliment
dû aux Spectateurs , où il les invite à
faire durer le Procès des Sens , et à lui
rêter leurs lumieres pour lejuger bien.
La Dile Dangeville la jeune , qui remplit le Rôle de l'Amour , le joue avec
cette figure aimable et piquante , qui fait
si grand plaisir aux yeux , et avec toutes
les graces , la finesse et la legereté imaginable. Elle est très-bien secondée par les
II.Vol sieurs
122 MERCURE DE FRANCE
Srs Dangeville l'Oncle , Poissons, Montmesnil , qui y jouent les Rôles du Toucher , du Goût et du bon Sens , et par
ses autres Camarades , car la Piéce est
très-bien et très- vivement jouée.
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Résumé : EXTRAIT du Procès des Sens.
Le texte présente une critique de la comédie en un acte en vers intitulée 'Le Procès des Sens'. Cette œuvre, bien que risquée, a été bien accueillie par le public, qui l'a applaudie. L'action se déroule dans les jardins d'Hébé, où l'Amour, désigné juge par Jupiter, doit trancher une dispute entre les Sens. Cette querelle a été déclenchée par une représentation d'opéra où les Sens ont été mis en scène de manière controversée. Les Sens, personnifiés, plaident leur cause devant l'Amour. Le Goût explique que l'opéra a semé la division en faisant chanter et danser des personnages inappropriés. L'Amour suggère de réduire les Sens à trois pour simplifier la situation. Les Sens de l'Odorat, de l'Ouïe et de la Vue interviennent tour à tour, critiquant notamment une performance de la demoiselle Le Maure. Au cœur de la dispute, le Sens commun arrive et expose sa définition : il éclaire nettement et sûrement, sans éclat superflu. Il craint que les Sens ne s'approprient ses droits et rappelle l'importance de distinguer les opérations de l'esprit de celles des Sens. Le Toucher, dernier à intervenir, passe son temps à badiner. La pièce est jouée avec succès par des acteurs renommés, notamment la demoiselle Dangeville dans le rôle de l'Amour, qui est saluée pour son interprétation pleine de grâce et de finesse. L'Amour conclut en invitant le public à prolonger le débat et à partager leurs lumières pour juger la pièce.
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6
p. 2454-2467
LA FAUSSE INCONSTANCE. Comédie en trois Actes. Extrait.
Début :
Bien des Juges sans prévention ont cru que cette Piéce méritoit un meilleur [...]
Mots clefs :
La Fausse Inconstance, Extrait, Comédiens, Spectacle, Ouvrages de théâtre, Père, Fortune, Fille, Famille, Épouser
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texteReconnaissance textuelle : LA FAUSSE INCONSTANCE. Comédie en trois Actes. Extrait.
LA FAUSSE INCONTANCE
Comédie en trois Actes. Extrait.
B
Ien des Juges sans prévention ont
cru que cette Piéce méritoit un meilleur sort , et qu'elle auroit pû réüssir si elle cut été donnée dans un temps.
plus favorable aux Spectacles. L'absence
de la Cour , des Officiers, des Bourgeois ,
et des meilleurs Comédiens nuiroit aux
meilleurs Ouvrages de Théatre; d'ailleurs
le peu qui reste d'amateurs de Spectacles,
s'attendent plutôt à des pieces ornées de
danses et de chants , qu'à un genre de
Comique , qui ne rit qu'à l'esprit et à la
raison ; celle dont il s'agit a peut être dégénéré en froideur par trop d'exactitude.
Le Lecteur en va juger.
Un Pere défiant , et d'ailleurs peu favori-
NOVEMBRE. 1732. 2455
vorisé de la Fortune , est chargé d'une
Fille qu'il voudroit pourvoir.CePere s'appelle Géronte , et Angelique est le nom de
sa Fille; un Frere beaucoup plus indigent
que lui , est allé faire ressource dans la
nouvelle France , et lui a laissé un Fils et
une Fille;le Fils se nomme Valere et la fille
s'appelle Mariane. Araminte , sœur de Géronte , s'est chargée de Mariane, et Valere
est échu en partage à Géronte. Voilà l'état
de la famille dont Géronte et Araminte
sont les chefs ; ils logent tous dans la même maison , mais en deux différens corps
de logis. Léandre , Fils de Lisimon , riche
Président , aime Mariane ; mais il feint
d'aimer Angelique , pour la conserver à
Valere qui en est éperdûment amoureux ,
jusqu'au retour de Chrysante son Pere ;
ce dernier est ce Frere de Géronte , qui est
allé dans la nouvelle France , et dont on
n'a point de nouvelles.
Géronte , dans le premier Acte, annonce à sa sœur Araminte que Léandre , Fils
de Lisimon , doit épouser sa Fille Angé
lique. Cette sœur , dont l'humeur toujours riante , contraste parfaitement avec
l'humeur triste de son Frere , et qui d'ailleurs est au fait des véritables sentimens
des Amans qui doivent jouer les principaux Rôles dans la Piéce , dit à son Frere
Gij qu'elle
2456 MERCURE DE FRANCE
qu'elle ne donnera point son consentement à l'Hymen proposé, si l'amour n'en
forme les nœuds ; Lisimon qu'on attend
pour achever ce projet de mariage, annonce à Géronte que l'Hymen est plus éloigné qu'ils n'avoient pensé , et que son
Fils Léandre vient de lui déclarer qu'il
croit qu'Angélique ne l'aime point , et
qu'il est trop galant homme pour la contraindre. Lisimon se retire voïant approcherAngélique.Géronte prie brusquement
Araminte de rentrer dans son apparte.
ment. Elle ne se retire qu'après avoir dit
à Angelique enl'embrassant :
Tien bon , ma chere Enfant , si tu n'és pas contente
Laisse gronder le Pere, et viens trouver la Tante.
Géronte dissimule sa colere aux yeux
de sa Fille Angelique; il lui dit qu'il ne
tient qu'à elle d'être heureuse , et que
Léandre la demande en mariage. Angelique toute interdite , ne sçait comment
parer le coup fatal qu'on veut lui porter.
Nérine , sa suivante , feint hardiment
qu'Angelique lui a avoué qu'elle aime
Léandre , et dit à Géronte qu'elle lui répond du consentement de sa Fille , qui
n'est timideque par pudeur, Géronte court
annoncer cette heureuse nouvelle à Lisimon. La
NOVEMBRE. 1732 2457
La Scene qui se passe entre Angelique
et Nérine est très- vive de la part de cette
derniere. Angélique lui dit qu'elle l'a perdue, en disant à son Pere qu'elle aime
Léandre. O Ciel ! lui répond Nérine en
colere, vous m'auriez donc trompée ! Angelique n'oublie rien pour l'appaiser
et s'excuse de la tromperie qu'elle lui a
faite , sur la défiance que lui donnoit son
attachement à son Pere. Nérine paroît in
fléxible , et lui dit avec beaucoup de vivacité.
Quel emploi près de vous est- ce donc que le inien ?
Vous donnez votre cœur sans que j'en sçache rien !
Quedis-je ? un faux Amant me fait prendre le
change !
Ah ! de l'un et de l'autre il faut que je me vange ;
Léandre à me tromper , conspiroit avec vous ;
Pour vous punir tous deux , il sera votre Epoux
Elle lui reproche sur tout de lui avoir
préféré Araminte pour confidente , et lur
dit que c'est à cette Tante si chere à la
tirer d'un si mauvais pas ; elle s'exprime
ainsi :
De quoi s'avise-t- elle ?
Paris est un Théatre , où l'on voit aujourd'hui ,
G iij Chaque
2458 MERCURE DE FRANCE
Chaque Acteur ne jouer que le Rôle d'autrui.
On n'y paroit jamais tel que l'on doit paroître ;
Le jeune Magistrat s'érige en petit Maître ;
Le petit Maître fronde et tranche du Docteur
Le Pié plat enrichi prend des airs de hauteur.
La Bourgeoise superbe , en Or , en Pierreries ,
Efface la Duchesse au Cours , aux Tuilleries.
Tout est si dérangé qu'on ne se connoît plus ,
Voyez à quel excès on a porté l'abus ;
Dans un projet d'amour, on confie à des Tantes
Des emplois jusqu'icy , remplis par des Sui vantes.
2
Nérine s'appaise enfin et promet à Angélique de la servir dans son Amour.
Valere vient , il garde d'abord le silence; mais ayant appris d'Angelique que
Nérine a tout découvert , et qu'elle veut
s'interresser pour eux ; il lui promet des
effets de sa reconnoissance.
Ce premier Acte finit par l'arrivée de
Lepine , Valet de Chrysante. Valere lut
demande des nouvelles de son Pere ; Lepine lui dit qu'il est riche autant qu'il étoit gueux.
Ne m'a- t-il point écrit ? lui dit Valere
charmé : Oui , lui répond Lepine , en faisant semblant de chercher la lettre qu'il
n'a pas ; il le prie de lui permettre auparavant de lui faire un récit de toutes ses
avan-
NOVEMBRE. 1732. 2459
avantures , droit de Voyageur , dont il
ne veut point démordre. Valere consent
à tout. Ce récit est des plus comiques , et
n'aboutit qu'à lui faire entendre quedes
Flibustiers qui ont pris le Vaisseau sur
lequel il étoit , lui ont tout volé , jusqu'à
son Portefeuille. Valere lui demandant
sa Lettre , il lui répond :
Pour lapouvoir donner, il la faudroit avoir.
Le sort du Porte-feuille a dû vous faire entendre
Qu'à moins qu'un Flibustier , exprès pour vous- la rendre ,
Ne traverse les Flots-au gré de vos souhaits ,
Votre Lettre en vos mains ne parviendra jamais.
Valére court annoncer à son oncle
l'heureuse nouvelle que Lepine vient de
Jui apporter breh ar an I
Valere et Léandre commencent le second Acte. Valere apprend à son ami
Léandre que son oncle se défie de Lepine et de lui , que cette Lettre prise par
des Flibustiers , lui est si suspecte , qu'il
va presser l'Hymen projetté. Araminte
Suivie d'Angelique , de Mariane et de
Nérine , vient les rassurer , et leur dit
en entrant :
Ca , ferme, mes Enfans ; laissons gronder l'o- Frage ;
G iiij C'est
2460 MERCURE DE FRANCE
C'est dans les grands périls qu'éclatte un grand
courage ;
{
Mon Frere vainement croit traverser vos vœux
Je prétends malgré lui vous rendre tous heu- reux &c. >
Valere prie sa sœur Mariane de l'acquiter envers son cher Léandre ; il lui
demande toute sa tendresse pour lui;
Mariane lui répond que son cœur est
déja donné. Valere et Léandre sont également étonnés d'une réponse àlaquelle
ils ne s'étoient pas attendus ; mais Angelique les tire d'erreur par ces Vers qu'elle
adresse à Léandre.
Quoique mon frere ait sur moi de puis- sance ,
Mon cœur n'est pas un don de la reconnois
› sance ;
Je devois à vos feux un plus juste retour ;
Vous ne l'avez reçû que des mains de l'A- nour
A ces mots , Léandre se jette à ses
pieds Geronte arrive et le surprend en
cet état ; Nerine l'ayant apperçû a recours
à l'artifice , et dit à Araminte de la seconder ; voici comme elle parle.
Vous êtes fou , Léandre , Angelique vous aime ;
Près
NOVEMBRE. 1732 2461
:
Près d'elle , croyez- moi , n'employez que vous même , &c.
à Geronte.
Ah! Monsieur , vous voilà !
J'épuise vainement toute ma Rethorique ;
Léandre doute encor de l'amour d'Angelique ,.
Et ce timide Amant implore notre appui
Pour un heureux Hymen qu'il ne devra qu'à
Il
lui...
presse Mariane , Araminte , moi- même ,
De daigner le servir auprès de ce qu'il aime 3.
Il se jette à nos pieds , &c.
Geronte soupçonne Nerine d'artifices
Araminte se retire avec tous ces Amans
qu'elle a pris sous sa protection.
Nerine n'oublie rien pour sejustifierdans
l'esprit de Geronte ; il ne veut s'y fier
que de la bonne sorte ; il lui dit d'aller
faire venir Valère , sans lui faire part dü
stratagême qu'il vient d'imaginer ; elle
obéit à regret ; voici l'artifice dont cet
Oncle défiant se sert pour tromper son
Neveu.
Il lui représente le mauvais état de sa
fortune ; il lui demande des preuves dè
sa reconnoissance pour les soins qu'il a
pris de son enfance , et le prie d'em
ployer le pouvoir qu'il a sur l'esprit d'Angelique pour la porter à accepter Léan
Gv dre
2462 MERCURE DE FRANCE
dre pour époux. Valere est frappé d'une commission si fatale à son amour ; il
promet pourtant à son Oncle de lui obéïr ;
mais ce qui acheve de l'accabler , c'est
que Geronte veut entendre , d'un endroit
où il sera caché,la conversation qu'il aura
avec sa chere Angelique ; voici ce que
son Oncle lui dit.
Caché dans cet endroit , et sans qu'elle s'en doute
Invisible et présent , il faut que je l'écoute :
C'est peu de l'écouter , j'observerai ses yeux ,
Ses gestes. , . &c... et , pour faire enco mieux 2
J'observerai les tiens , ton amitié fidelle ,
Te porteroit toi- même à te trahir pour elle..
Geronte va envoyer Angelique à Valere , dont la situation est des plus tristes
il se flatte pourtant de désabuser Angelique dès qu'il la revera. Cette Scene a
parû très-bien dialoguée. Angelique picquée du conseil que Valere lui donne.
d'épouser Léandre , s'y résout par dépit
et dit à Gerante qui revient de l'endroit
où il étoit caché , qu'elle est prête à donner la main à Léandre; à peine s'est- elle
retirée , que Geronte remercie Valere du
bon office qu'il vient de lui rendre , et lui die
NOVEMBRE. 1732. 2463
dit qu'il veut que cet Hymen s'acheve dès
le jour même l'embarras de Valere redoublant sa défiance , il ajoute que puisque , malgré lui , il a sçû se faire aimer
d'Angeliqué , il est à propos qu'il la dispose par quelques jours d'absence à n'aimer que Léandre ; et comme Valere se
plaint de la dureté d'un Oncle qui lui est
si cher , il lui répond ironiquement.
Oui , mon très- cher neveu , ni Lepine , ni vous ,
Jusques après P'Hymen n'entrerez point chez
nous ,
Taurai soin de la porte.
que
Geronte s'applaudit du prochain succès de sa supercherie ; il en agit de même
auprès de Mariane ; il lui fait entendre
Léandre dont elle se croit aimée , n'a
jamais aimé qu'Angelique qu'il va épouser , et que c'est Valere qui a fait cet heureux mariage ; il ajoûte qu'elle n'a qu'à
interroger Angelique , pour n'avoir plus à douter de cette verité ! il sort pour aller dresser le Contrat. Léandre vient
Mariane le croyant infidele le fuit après
lui avoir fait entendre qu'elle ne l'a jamais aimé. Léandre la suit , pour être
mieux éclairci d'un aveu qui le déses
pere.
Gvj Léan
2464 MERCURE DE FRANCE
Léandre et Nerinc commencent le trofsiéme Acte ; Nerine lui dit que Mariane
lui a donné ordre de lui fermer tout accès auprès d'elle.
Angelique vient , et confirme à Léan
dre un Hymen qu'il a peine à comprendre ; elle le surprend encore plus en lui
apprenant que cet Hymen est l'ouvrage
de Valere , elle s'exprime ainsi : こ
Oui , tantôt dans ces lieux , seul à seul aves moi ,
L'ingrat m'a conseillé de vous donner ma foi.[
Léandre n'ose encore soupçonner son
ami Valere de cette trahison quoique
tout semble l'en convaincre. Nerine attribue le changement de Valere à la nouvelle fortune de Chrysante , son pere's
elle veut tirer parti de cette infidelité en
mariant Angelique avec Léandre ; elle
leur conseille de s'épouser par dépit, si ce
n'est par amour ; ils semblent vouloir s'y
résoudre, ce qui fait une petite Scene assez plaisante entr'eux , tandis que Nerine
court à la porte , où elle a entendu du
bruit ; elle revient avec une Lettre de VaTere , par laquelle il se justifie , en apprenant à Angelique , que lorsqu'il lui conseilloit d'épouser Leandre , Geronte les
écou
NOVEMBRE. 1732 2455
écoutoit et observoit jusqu'au moindre
regard et au moindre geste ; . Valere est
rappellé par sa chere Angelique. Léandre
seul se croit malheureux ; il se plaint à
son ami de l'infidelité de sa sœur Mariane. Nerine prend sa défense , et s'explique ainsi.
En amour , que vous êtes novice !
Pour la sincerité vous prenez l'artifice !
Il est de certains cas ; où la feinte est vertu.
Devoit- on à vos yeux , d'un air triste , aba
batu ,
Lorsque d'un autre Hymen on sentoit les ap
proches ,
S'exhaler en regrets ? éclater en reproches ?
Vous appeller ingrat ? vous dire tendrement :
Je t'aimerai toujours malgré ton change
ment ;
Tu vois mes yeux en pleurs , er d'autres bali
vernes ,
Lieux communs d'Opéras, tant anciens, que mo
dernés ?
Vraiment , c'est bien ainsi qu'on doit traiter
l'Amour ;
Tu me quittes et bien je te quitte à mon
tour ;
Tu vas te marier et moi , je te déclare ,
Qu'une perte pareille aisément se répare ;
Que de peur d'en avoir un jour le démenti
2465 MERCURE DE FRANCE
De ne point aimer j'avois pris le parti.
C'est ainsi qu'à présent on bourre un infi dele ;
Mariane l'a fait , et j'aurois fait pis qu'elle..
Les Amans raccommodez , il ne rester
à Nerine qu'à détourner , ou du moins
à différer le mariage de Léandre et d'An
gelique, voici l'artifice qu'elle imagine :
c'est un feint enlevement ; elle dit à Valere , à Angelique et à Léandre de s'aller
enfermer chez Araminte à peine sontils sortis , qu'elle fait de grands cris ;
Geronte arrive ; elle lui dit que Valere:
vient d'enlever Angelique ; Araminte accourt aux cris de Geronte , et favorise le
stratagême avec sa gayeté ordinaire ;
Geronte sort pour aller faire courir après
le prétendu ravisseur. Lepine vient et de
mande à parler à Valere ; il fait entendre.
par un à parte qu'il vient lui apprendre
que Chrisante son pere est de retour.
Geronte revient ; il demande à Lépine ce
qu'il a fait d'Angelique ; Lépine lui répond qu'il n'est pas chargé du soin de
toute la famille , et que tout ce qu'il peut
faire , c'est de lui rendre son frere. Ge
ronte est frappé de ce surcroît de mal---
heur , il demande à Lepine s'il lui a dit
yrai quand il lui a annoncé que son frere
NOVEMBRE. 1732. 2467
re étoit riche ; Lepine , pour le punir de
son avarice et de sa défiance lui avoue qu'il
a menti ; ce dernier mensonge produit
une Scene très- comique entre les deux
freres ; Géronte reçoit Chrysante avecune froideur qui le surprend Chrysantelui en demandant la raison , il lui dit que
Valere vient d'enlever Angelique ; à ces.
mots , Chrysante indigné contre son fils ,
jure de le desheriter et de donner à Mariane cent mille écus , qu'il avoit apportez pour marier Valere avec Angelique.
Araminte qui survient , rit de cet enlevement prétendu , et dit à Chrysante que
son Neveu et sa Niéce n'ont bougé de
chez elle ; Nerine les va chercher par son
ordre ; Lisimon instruit de l'enlevement
d'Angelique vient retirer sa parole; Chrysante propose le mariage de sa fille avec
Léandre ; ce dernier y consent , et demande pardon à son pere , qui le lui accorde , après en avoir appris le motif; il
finit le Piéce par ces deux Vers :
Ah ! que de son bon cœur une preuve m'es chere !
Que ne fera-t'il pas quelque jour pour son
pere!
Comédie en trois Actes. Extrait.
B
Ien des Juges sans prévention ont
cru que cette Piéce méritoit un meilleur sort , et qu'elle auroit pû réüssir si elle cut été donnée dans un temps.
plus favorable aux Spectacles. L'absence
de la Cour , des Officiers, des Bourgeois ,
et des meilleurs Comédiens nuiroit aux
meilleurs Ouvrages de Théatre; d'ailleurs
le peu qui reste d'amateurs de Spectacles,
s'attendent plutôt à des pieces ornées de
danses et de chants , qu'à un genre de
Comique , qui ne rit qu'à l'esprit et à la
raison ; celle dont il s'agit a peut être dégénéré en froideur par trop d'exactitude.
Le Lecteur en va juger.
Un Pere défiant , et d'ailleurs peu favori-
NOVEMBRE. 1732. 2455
vorisé de la Fortune , est chargé d'une
Fille qu'il voudroit pourvoir.CePere s'appelle Géronte , et Angelique est le nom de
sa Fille; un Frere beaucoup plus indigent
que lui , est allé faire ressource dans la
nouvelle France , et lui a laissé un Fils et
une Fille;le Fils se nomme Valere et la fille
s'appelle Mariane. Araminte , sœur de Géronte , s'est chargée de Mariane, et Valere
est échu en partage à Géronte. Voilà l'état
de la famille dont Géronte et Araminte
sont les chefs ; ils logent tous dans la même maison , mais en deux différens corps
de logis. Léandre , Fils de Lisimon , riche
Président , aime Mariane ; mais il feint
d'aimer Angelique , pour la conserver à
Valere qui en est éperdûment amoureux ,
jusqu'au retour de Chrysante son Pere ;
ce dernier est ce Frere de Géronte , qui est
allé dans la nouvelle France , et dont on
n'a point de nouvelles.
Géronte , dans le premier Acte, annonce à sa sœur Araminte que Léandre , Fils
de Lisimon , doit épouser sa Fille Angé
lique. Cette sœur , dont l'humeur toujours riante , contraste parfaitement avec
l'humeur triste de son Frere , et qui d'ailleurs est au fait des véritables sentimens
des Amans qui doivent jouer les principaux Rôles dans la Piéce , dit à son Frere
Gij qu'elle
2456 MERCURE DE FRANCE
qu'elle ne donnera point son consentement à l'Hymen proposé, si l'amour n'en
forme les nœuds ; Lisimon qu'on attend
pour achever ce projet de mariage, annonce à Géronte que l'Hymen est plus éloigné qu'ils n'avoient pensé , et que son
Fils Léandre vient de lui déclarer qu'il
croit qu'Angélique ne l'aime point , et
qu'il est trop galant homme pour la contraindre. Lisimon se retire voïant approcherAngélique.Géronte prie brusquement
Araminte de rentrer dans son apparte.
ment. Elle ne se retire qu'après avoir dit
à Angelique enl'embrassant :
Tien bon , ma chere Enfant , si tu n'és pas contente
Laisse gronder le Pere, et viens trouver la Tante.
Géronte dissimule sa colere aux yeux
de sa Fille Angelique; il lui dit qu'il ne
tient qu'à elle d'être heureuse , et que
Léandre la demande en mariage. Angelique toute interdite , ne sçait comment
parer le coup fatal qu'on veut lui porter.
Nérine , sa suivante , feint hardiment
qu'Angelique lui a avoué qu'elle aime
Léandre , et dit à Géronte qu'elle lui répond du consentement de sa Fille , qui
n'est timideque par pudeur, Géronte court
annoncer cette heureuse nouvelle à Lisimon. La
NOVEMBRE. 1732 2457
La Scene qui se passe entre Angelique
et Nérine est très- vive de la part de cette
derniere. Angélique lui dit qu'elle l'a perdue, en disant à son Pere qu'elle aime
Léandre. O Ciel ! lui répond Nérine en
colere, vous m'auriez donc trompée ! Angelique n'oublie rien pour l'appaiser
et s'excuse de la tromperie qu'elle lui a
faite , sur la défiance que lui donnoit son
attachement à son Pere. Nérine paroît in
fléxible , et lui dit avec beaucoup de vivacité.
Quel emploi près de vous est- ce donc que le inien ?
Vous donnez votre cœur sans que j'en sçache rien !
Quedis-je ? un faux Amant me fait prendre le
change !
Ah ! de l'un et de l'autre il faut que je me vange ;
Léandre à me tromper , conspiroit avec vous ;
Pour vous punir tous deux , il sera votre Epoux
Elle lui reproche sur tout de lui avoir
préféré Araminte pour confidente , et lur
dit que c'est à cette Tante si chere à la
tirer d'un si mauvais pas ; elle s'exprime
ainsi :
De quoi s'avise-t- elle ?
Paris est un Théatre , où l'on voit aujourd'hui ,
G iij Chaque
2458 MERCURE DE FRANCE
Chaque Acteur ne jouer que le Rôle d'autrui.
On n'y paroit jamais tel que l'on doit paroître ;
Le jeune Magistrat s'érige en petit Maître ;
Le petit Maître fronde et tranche du Docteur
Le Pié plat enrichi prend des airs de hauteur.
La Bourgeoise superbe , en Or , en Pierreries ,
Efface la Duchesse au Cours , aux Tuilleries.
Tout est si dérangé qu'on ne se connoît plus ,
Voyez à quel excès on a porté l'abus ;
Dans un projet d'amour, on confie à des Tantes
Des emplois jusqu'icy , remplis par des Sui vantes.
2
Nérine s'appaise enfin et promet à Angélique de la servir dans son Amour.
Valere vient , il garde d'abord le silence; mais ayant appris d'Angelique que
Nérine a tout découvert , et qu'elle veut
s'interresser pour eux ; il lui promet des
effets de sa reconnoissance.
Ce premier Acte finit par l'arrivée de
Lepine , Valet de Chrysante. Valere lut
demande des nouvelles de son Pere ; Lepine lui dit qu'il est riche autant qu'il étoit gueux.
Ne m'a- t-il point écrit ? lui dit Valere
charmé : Oui , lui répond Lepine , en faisant semblant de chercher la lettre qu'il
n'a pas ; il le prie de lui permettre auparavant de lui faire un récit de toutes ses
avan-
NOVEMBRE. 1732. 2459
avantures , droit de Voyageur , dont il
ne veut point démordre. Valere consent
à tout. Ce récit est des plus comiques , et
n'aboutit qu'à lui faire entendre quedes
Flibustiers qui ont pris le Vaisseau sur
lequel il étoit , lui ont tout volé , jusqu'à
son Portefeuille. Valere lui demandant
sa Lettre , il lui répond :
Pour lapouvoir donner, il la faudroit avoir.
Le sort du Porte-feuille a dû vous faire entendre
Qu'à moins qu'un Flibustier , exprès pour vous- la rendre ,
Ne traverse les Flots-au gré de vos souhaits ,
Votre Lettre en vos mains ne parviendra jamais.
Valére court annoncer à son oncle
l'heureuse nouvelle que Lepine vient de
Jui apporter breh ar an I
Valere et Léandre commencent le second Acte. Valere apprend à son ami
Léandre que son oncle se défie de Lepine et de lui , que cette Lettre prise par
des Flibustiers , lui est si suspecte , qu'il
va presser l'Hymen projetté. Araminte
Suivie d'Angelique , de Mariane et de
Nérine , vient les rassurer , et leur dit
en entrant :
Ca , ferme, mes Enfans ; laissons gronder l'o- Frage ;
G iiij C'est
2460 MERCURE DE FRANCE
C'est dans les grands périls qu'éclatte un grand
courage ;
{
Mon Frere vainement croit traverser vos vœux
Je prétends malgré lui vous rendre tous heu- reux &c. >
Valere prie sa sœur Mariane de l'acquiter envers son cher Léandre ; il lui
demande toute sa tendresse pour lui;
Mariane lui répond que son cœur est
déja donné. Valere et Léandre sont également étonnés d'une réponse àlaquelle
ils ne s'étoient pas attendus ; mais Angelique les tire d'erreur par ces Vers qu'elle
adresse à Léandre.
Quoique mon frere ait sur moi de puis- sance ,
Mon cœur n'est pas un don de la reconnois
› sance ;
Je devois à vos feux un plus juste retour ;
Vous ne l'avez reçû que des mains de l'A- nour
A ces mots , Léandre se jette à ses
pieds Geronte arrive et le surprend en
cet état ; Nerine l'ayant apperçû a recours
à l'artifice , et dit à Araminte de la seconder ; voici comme elle parle.
Vous êtes fou , Léandre , Angelique vous aime ;
Près
NOVEMBRE. 1732 2461
:
Près d'elle , croyez- moi , n'employez que vous même , &c.
à Geronte.
Ah! Monsieur , vous voilà !
J'épuise vainement toute ma Rethorique ;
Léandre doute encor de l'amour d'Angelique ,.
Et ce timide Amant implore notre appui
Pour un heureux Hymen qu'il ne devra qu'à
Il
lui...
presse Mariane , Araminte , moi- même ,
De daigner le servir auprès de ce qu'il aime 3.
Il se jette à nos pieds , &c.
Geronte soupçonne Nerine d'artifices
Araminte se retire avec tous ces Amans
qu'elle a pris sous sa protection.
Nerine n'oublie rien pour sejustifierdans
l'esprit de Geronte ; il ne veut s'y fier
que de la bonne sorte ; il lui dit d'aller
faire venir Valère , sans lui faire part dü
stratagême qu'il vient d'imaginer ; elle
obéit à regret ; voici l'artifice dont cet
Oncle défiant se sert pour tromper son
Neveu.
Il lui représente le mauvais état de sa
fortune ; il lui demande des preuves dè
sa reconnoissance pour les soins qu'il a
pris de son enfance , et le prie d'em
ployer le pouvoir qu'il a sur l'esprit d'Angelique pour la porter à accepter Léan
Gv dre
2462 MERCURE DE FRANCE
dre pour époux. Valere est frappé d'une commission si fatale à son amour ; il
promet pourtant à son Oncle de lui obéïr ;
mais ce qui acheve de l'accabler , c'est
que Geronte veut entendre , d'un endroit
où il sera caché,la conversation qu'il aura
avec sa chere Angelique ; voici ce que
son Oncle lui dit.
Caché dans cet endroit , et sans qu'elle s'en doute
Invisible et présent , il faut que je l'écoute :
C'est peu de l'écouter , j'observerai ses yeux ,
Ses gestes. , . &c... et , pour faire enco mieux 2
J'observerai les tiens , ton amitié fidelle ,
Te porteroit toi- même à te trahir pour elle..
Geronte va envoyer Angelique à Valere , dont la situation est des plus tristes
il se flatte pourtant de désabuser Angelique dès qu'il la revera. Cette Scene a
parû très-bien dialoguée. Angelique picquée du conseil que Valere lui donne.
d'épouser Léandre , s'y résout par dépit
et dit à Gerante qui revient de l'endroit
où il étoit caché , qu'elle est prête à donner la main à Léandre; à peine s'est- elle
retirée , que Geronte remercie Valere du
bon office qu'il vient de lui rendre , et lui die
NOVEMBRE. 1732. 2463
dit qu'il veut que cet Hymen s'acheve dès
le jour même l'embarras de Valere redoublant sa défiance , il ajoute que puisque , malgré lui , il a sçû se faire aimer
d'Angeliqué , il est à propos qu'il la dispose par quelques jours d'absence à n'aimer que Léandre ; et comme Valere se
plaint de la dureté d'un Oncle qui lui est
si cher , il lui répond ironiquement.
Oui , mon très- cher neveu , ni Lepine , ni vous ,
Jusques après P'Hymen n'entrerez point chez
nous ,
Taurai soin de la porte.
que
Geronte s'applaudit du prochain succès de sa supercherie ; il en agit de même
auprès de Mariane ; il lui fait entendre
Léandre dont elle se croit aimée , n'a
jamais aimé qu'Angelique qu'il va épouser , et que c'est Valere qui a fait cet heureux mariage ; il ajoûte qu'elle n'a qu'à
interroger Angelique , pour n'avoir plus à douter de cette verité ! il sort pour aller dresser le Contrat. Léandre vient
Mariane le croyant infidele le fuit après
lui avoir fait entendre qu'elle ne l'a jamais aimé. Léandre la suit , pour être
mieux éclairci d'un aveu qui le déses
pere.
Gvj Léan
2464 MERCURE DE FRANCE
Léandre et Nerinc commencent le trofsiéme Acte ; Nerine lui dit que Mariane
lui a donné ordre de lui fermer tout accès auprès d'elle.
Angelique vient , et confirme à Léan
dre un Hymen qu'il a peine à comprendre ; elle le surprend encore plus en lui
apprenant que cet Hymen est l'ouvrage
de Valere , elle s'exprime ainsi : こ
Oui , tantôt dans ces lieux , seul à seul aves moi ,
L'ingrat m'a conseillé de vous donner ma foi.[
Léandre n'ose encore soupçonner son
ami Valere de cette trahison quoique
tout semble l'en convaincre. Nerine attribue le changement de Valere à la nouvelle fortune de Chrysante , son pere's
elle veut tirer parti de cette infidelité en
mariant Angelique avec Léandre ; elle
leur conseille de s'épouser par dépit, si ce
n'est par amour ; ils semblent vouloir s'y
résoudre, ce qui fait une petite Scene assez plaisante entr'eux , tandis que Nerine
court à la porte , où elle a entendu du
bruit ; elle revient avec une Lettre de VaTere , par laquelle il se justifie , en apprenant à Angelique , que lorsqu'il lui conseilloit d'épouser Leandre , Geronte les
écou
NOVEMBRE. 1732 2455
écoutoit et observoit jusqu'au moindre
regard et au moindre geste ; . Valere est
rappellé par sa chere Angelique. Léandre
seul se croit malheureux ; il se plaint à
son ami de l'infidelité de sa sœur Mariane. Nerine prend sa défense , et s'explique ainsi.
En amour , que vous êtes novice !
Pour la sincerité vous prenez l'artifice !
Il est de certains cas ; où la feinte est vertu.
Devoit- on à vos yeux , d'un air triste , aba
batu ,
Lorsque d'un autre Hymen on sentoit les ap
proches ,
S'exhaler en regrets ? éclater en reproches ?
Vous appeller ingrat ? vous dire tendrement :
Je t'aimerai toujours malgré ton change
ment ;
Tu vois mes yeux en pleurs , er d'autres bali
vernes ,
Lieux communs d'Opéras, tant anciens, que mo
dernés ?
Vraiment , c'est bien ainsi qu'on doit traiter
l'Amour ;
Tu me quittes et bien je te quitte à mon
tour ;
Tu vas te marier et moi , je te déclare ,
Qu'une perte pareille aisément se répare ;
Que de peur d'en avoir un jour le démenti
2465 MERCURE DE FRANCE
De ne point aimer j'avois pris le parti.
C'est ainsi qu'à présent on bourre un infi dele ;
Mariane l'a fait , et j'aurois fait pis qu'elle..
Les Amans raccommodez , il ne rester
à Nerine qu'à détourner , ou du moins
à différer le mariage de Léandre et d'An
gelique, voici l'artifice qu'elle imagine :
c'est un feint enlevement ; elle dit à Valere , à Angelique et à Léandre de s'aller
enfermer chez Araminte à peine sontils sortis , qu'elle fait de grands cris ;
Geronte arrive ; elle lui dit que Valere:
vient d'enlever Angelique ; Araminte accourt aux cris de Geronte , et favorise le
stratagême avec sa gayeté ordinaire ;
Geronte sort pour aller faire courir après
le prétendu ravisseur. Lepine vient et de
mande à parler à Valere ; il fait entendre.
par un à parte qu'il vient lui apprendre
que Chrisante son pere est de retour.
Geronte revient ; il demande à Lépine ce
qu'il a fait d'Angelique ; Lépine lui répond qu'il n'est pas chargé du soin de
toute la famille , et que tout ce qu'il peut
faire , c'est de lui rendre son frere. Ge
ronte est frappé de ce surcroît de mal---
heur , il demande à Lepine s'il lui a dit
yrai quand il lui a annoncé que son frere
NOVEMBRE. 1732. 2467
re étoit riche ; Lepine , pour le punir de
son avarice et de sa défiance lui avoue qu'il
a menti ; ce dernier mensonge produit
une Scene très- comique entre les deux
freres ; Géronte reçoit Chrysante avecune froideur qui le surprend Chrysantelui en demandant la raison , il lui dit que
Valere vient d'enlever Angelique ; à ces.
mots , Chrysante indigné contre son fils ,
jure de le desheriter et de donner à Mariane cent mille écus , qu'il avoit apportez pour marier Valere avec Angelique.
Araminte qui survient , rit de cet enlevement prétendu , et dit à Chrysante que
son Neveu et sa Niéce n'ont bougé de
chez elle ; Nerine les va chercher par son
ordre ; Lisimon instruit de l'enlevement
d'Angelique vient retirer sa parole; Chrysante propose le mariage de sa fille avec
Léandre ; ce dernier y consent , et demande pardon à son pere , qui le lui accorde , après en avoir appris le motif; il
finit le Piéce par ces deux Vers :
Ah ! que de son bon cœur une preuve m'es chere !
Que ne fera-t'il pas quelque jour pour son
pere!
Fermer
Résumé : LA FAUSSE INCONSTANCE. Comédie en trois Actes. Extrait.
La pièce 'La Fausse Inconstance' est une comédie en trois actes qui relate l'histoire de Géronte, un père défiant et peu fortuné, souhaitant marier sa fille Angelique. Géronte est également responsable de Valere, le fils de son frère Chrysante parti en Nouvelle-France. Valere est amoureux d'Angelique, mais Léandre, fils de Lisimon, feint d'aimer Angelique pour la conserver à Valere. Dans le premier acte, Géronte annonce à sa sœur Araminte que Léandre doit épouser Angelique. Araminte refuse son consentement si l'amour ne forme pas les nœuds du mariage. Lisimon informe Géronte que Léandre croit qu'Angelique ne l'aime pas et ne veut pas la contraindre. Nérine, la suivante d'Angelique, feint que cette dernière aime Léandre, permettant à Géronte d'annoncer cette 'bonne nouvelle' à Lisimon. Angelique est interdite et Nérine la réconforte en lui promettant son aide. Valere apprend que son père Chrysante est riche, mais sa lettre a été volée par des flibustiers. Dans le second acte, Valere et Léandre discutent de leurs amours. Araminte révèle que Mariane, la sœur de Valere, est également amoureuse de Léandre. Angelique avoue son amour pour Léandre, surprenant Géronte. Nérine et Araminte utilisent des artifices pour convaincre Géronte de l'amour d'Angelique pour Léandre. Géronte teste Valere en lui demandant de convaincre Angelique d'épouser Léandre. Valere, accablé, promet d'obéir. Angelique, piquée par le conseil de Valere, accepte d'épouser Léandre par dépit. Géronte se réjouit de sa supercherie et informe Mariane de l'infidélité supposée de Léandre. Mariane, croyant Léandre infidèle, le fuit. Dans le troisième acte, Nérine informe Léandre que Mariane lui a fermé l'accès. Angelique confirme à Léandre leur mariage imminent, attribuant ce tournant à Valere. Nérine explique que Valere a agi ainsi parce que Géronte les écoutait. Valere revient et se justifie. Léandre, seul, se plaint de l'infidélité de Mariane. Nérine défend Mariane, expliquant que sa feinte était une vertu en amour. Les amants se réconcilient. Nérine organise un faux enlèvement d'Angelique par Valère. Valère, Angelique et Léandre se cachent chez Araminte, qui soutient le plan. Géronte, alerté par les cris de Nérine, part à la recherche du prétendu ravisseur. Pendant ce temps, Lépine informe Valère du retour de son père, Chrysante. Géronte apprend de Lépine que son frère n'est pas riche, provoquant une scène comique. Chrysante, furieux contre Valère pour l'enlèvement supposé, jure de déshériter son fils et de donner cent mille écus à Mariane. Araminte révèle ensuite que l'enlèvement était feint et que les jeunes sont chez elle. Lisimon, informé de l'enlèvement, retire sa parole. Chrysante propose alors le mariage de sa fille avec Léandre, qui accepte et demande pardon à son père. La pièce se conclut par une preuve de l'attachement filial de Léandre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 2853-2864
Le Repos de Cyrus, ou l'Histoire, &c. [titre d'après la table]
Début :
LE REPOS DE CYRUS, ou l'Histoire de sa vie, depuis sa 16. jusqu'à sa 40. année. [...]
Mots clefs :
Repos de Cyrus, Abbé Pernetti, Ouvrage, Héros, Allégorie, Extrait
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Repos de Cyrus, ou l'Histoire, &c. [titre d'après la table]
LE REPOS DE CYRUS , ou l'Histoire de
sa vie , depuis sa 16. jusqu'à sa 40. an-.
née. Chez Briasson , rue S. Jacques 1732.
in- 12 . de 380. pages , les trois Tomes.
L'Auteur de ce Livre est M. l'Abbé
Pernetti. Le dessein de son Ouvrage est de
faire voir en quoi consiste la veritable
grandeur d'un Roi , et les differentes vertus qui doivent former son caractere.
Comme la Fable étoit le meilleur moyen
pour développer les idées qu'on avoit sur
ce sujet , on s'en est servi , mais en temII. Vol. Fij pé-
2854 MERCURE DE FRANCE
pérant ce qu'elle a d'outré. par la sagesse
du style et de l'invention , Cyrus est le
Heros qu'on fait agir et parler.
Dans le premier Livre on le met aux
prises avec les passions , et par la maniere
dont il se défait de leurs pieges , il peut
servir de modele aux jeunes cœurs pour
se deffendre contre les charmes de la volupté. Dans le second , on le représente
occupé des Arts et des Sciences ; là , sẹ
trouve une Allegorie interessante des
progrès de la Litterature dans le dernier
siecle , et plusieurs Portraits achevez de
nos Illustres. Dans le troisiéme , on nous
le montre uniquement appliqué aux affaires et à l'administration de l'Etat ; ce
ne sont que Maximes sages sur le Gouver
nement , que traits de grandeur et d'équi
té , et que moyens prudemment imagi
nés pour rendre les peuples heureux. Tout
cela est écrit d'un style fort naturel , et se
trouve entremêlé de plusieurs Episodes
qui sont autant de morceaux d'histoire
très-attachants.
Dans une Préface de 16 pages , l'Auteur rend compte du choix et du dessein
de son Ouvrage. Les Maîtres et les Voyages peuvent rendre un Prince plus sçavant, dit il, ils ne peuvent en faire un Heros , le vrai Heroïsme est l'ouvrage de la
11. Vol. Na
DECEMBRE. 1732 2855
Nature , Alexandre n'avoit appris de
personne à pleurer au récit des Conquê
tes de son Pere. Qui ne sçait que l'éducation ordinaire sert plus à étouffer l'heroï'sme qu'à le produire ; et qu'en voulant
réformer la Nature , que l'on croit corrompue en tout , on la corrompt quelquefois dans ce qu'elle a de plus parfait ?
il n'y a qu'une maniere de l'aider , c'est
de la connoître , de la suivre , et de ne la
corriger , en quelque sorte , que par elle-.
même , en opposant ce qu'elle à de bon
à ce qu'elle peut avoir de vicieux.
a
Au second Tome , page 12. Gyrus établit dans sa Capitale des Tribunaux , où
se décidoit sans appel tout ce qui concernoit les Arts et les Sciences , c'est-àdire , qu'il créa six Académies. La premiere avoit pour objet la Géometric , la
Philosophie , la Physique , la Chimie et
la Médecine ; la seconde étoit consacrée
à l'Eloquence et à la Poësie ; la troisiéme
travailloit sur l'Histoire , les Langues
Etrangeres et les Antiquitez ; les autres
se partageoient , la Musique ; la Peinture
et la Sculpture. Il n'étoit permis à personne de mettre au jour aucun Ouvrage¸
qui n'eut été approuvé par l'Académie
dont il dépendoit : cette régle empêcha
qu'on ne multipliat les Livres . et ( ce
II. Vol. Fiij qui
2856 MERCURE DE FRANCE
qui en est une suite nécessaire ) qu'il n'en
parut beaucoup de mauvais.
Cyrus fait demander en mariage la fille
du Roi d'Armenie ; ses Ambassadeurs
P'obtiennent facilement de son Pere , lequel donne les ordres necessaires pour le
prompt départ de la Princesse. Il ne pouvoit ignorer son impatience ; elle n'avoit
pas employé auprès de lui ces ménagemens
équivoques , qui confondent si souvent en ces sortes d'occasions le véritable amour
avec le faux; elle avoit déclaré à son pere
toute sa tendresse pour Cyrus , elle la
trouvoit trop pure et trop raisonnable
pour en rougir ; on ne doit pas craindre
d'avouer qu'on aime quand on aime comme on doit aimer. Malgré tout son empressement , elle ne put se séparer de son
pere sans s'attendrir , elle lui avoüa qu'il
n'y avoit que Cyrus au monde qui put
adoucir le chagrin qu'elle avoit de le quitter ; ils se dirent adieu avec beaucoup de
larmes, l'amour vertueux fortifie les senti
mens de la nature au lieu de les détruire....
Tout l'Ouvrage , pour le dire en passant ,
est extrêmement.fourni de ces Reflexions
justes et sensées.
On se prépara à Hecatompyle à recevoir Cassandane ; Cyrus n'oublia rien
pour faire éclater sonamour ; il sçavoit
II. Vol. le
DECEMBRE. 1732 2857
le goût de la Princesse d'Armenie pour
les Arts et pour les Sciences ; il voulut que
toutes les Académies lui préparassent des
hommages à son arrivée, on n'en avoit jamais rendu à une femme qui les méritât
mieux qu'elle , ni qui fut plus capable
d'en connoître le prix. De toutes les Académies , celle qui pouvoit se distinguer
le plus en cette occasion , étoit celle de
Musique , elle avoit pour chef un de ces
hommes rares sur qui la nature semble
quelquefois vouloir essayer ce qu'elle
peut produire de plus parfait en un genre.Il étoit Grec d'origine et avoit été conduit par hazard à Hécatompyle dans sa
premierejeunesse jamais homme ne sentit mieux l'harmonie et tous les ressorts secrets qui la produisent ;
il étoit simple
dans sa composition ; on retenoit ses airs
les entendre une fois ; il étoit varié , et
dans des Piéces sans nombre , il ne s'est jamais repeté précis et caracterisé jusqu'à
ôter la liberté d'appliquer ses airs à quelqu'autre sujet qu'à celui qu'il avoit eu en
vie; dans la fureur et dans la tendresse
allant aussi loin que ces passions....
Il composa un grand divertissement en
Musique dont on eut dit qu'il à composé les vers tant ils convenoient, à la
Musique ; cependant il n'en étoit pas l'AuLI. Vol Fiiij teur
2858 MERCURE DE FRANCE
›
teur : c'étoit un Poëte qu'il avoit pris soin
de former à cette espece de Poësie , et qui
se rendit presque aussi inimitable , tant
il est vrai que les Arts s'aident les uns les
autres, et qu'il ne faut quelquefois qu'un
grand homme pour en faire briller d'autres qui seroient restez inconnus.... L'Amour et la Musique ont plus de rapport
qu'on ne pense ; l'un et l'autre se prêtent
un secours mutuel ; les cœurs tendres sont
generalement plus touchez de la Musique
que les autres ; la Musique à son tour augmente leur sensibilité , et elle devient un
vrai plaisir pour eux, quand ils aiment."
Indépendemment des dispositions où se
trouvoit Cassandane à cet égard , elle aimoit la Musique par inclination ; de tous
les Arts que les hommes ont inventez
c'étoit à son gré celui qui faisoit le plus
d'honneur à l'esprit humain et qui l'étonnoit davantage par la diversité et par
la multitude des combinaisons dont elle
est formée; elle ne voyoit rien dans la
nature qui en eut pu faire naître l'idée :
la prétendue harmonie des Cieux , le choc
des Elémens , le chant, des Oiseaux , et
les autres sources d'où on suppose que
les hommes ont tiré la Musique , lui paroi oient trop éloignées de la vrai- semblai.ce , elle en auroit attribué la naissance
II. Vol
DECEMBRE. 1732. 2859.
à la mélancolie , parce qu'elle en est le remede le plus efficace.
On établit un Théatre &c. Deux Poëtes qui avoient en quelque sorte ouvert
la Scene , étoient rivaux sans être ennemis ,
et plaisoient tous deux , sans se ressemblers le plus âgé avoit un génie noble ,
élevé , plein de force , fécond , énergique , faisant des Héros de tous ses personnages , il est vrai qu'il les avoit pris
dans l'Histoire du peuple le plus fertile
en Grands Hommes , flatant ses Auditeurs
en leur présentant des modeles au dessus
d'eux, et qu'ils se croyent capables d'imi
ter: le plus jeune , avec un génie moins
étendu , moins élevé , moins fort , moins
fertile même , mais plus soutenu plus
égal , plus doux , avoit trouvé le chemin
du cœur et le secret de l'interesser toujours ; toutes les passions qui en dépendent avoient place dans ses Piéces ; on l'écoutoit aussi volontiers que l'autre, quoique
par un motif bien opposé ; ses Auditeurs
⚫croyoient leurs passions pardonnables , en
les voyant authorisées dans les personna->
ges illustres qu'il mettoit sur la Scene ;
on sortoit des Piéces du premier , l'ame
remplie de grands sentimens et se croyant
capable de ce qu'il y a de plus héroïque :
les Piéces du second attendrissoient le
11. Vol. Fv
و
* cœur
2860 MERCURE DE FRANCE
,
cœur et arrachoient des larmes pleines de
douceur; on devenoit plus honnête homme de l'Ecole de l'un , et plus galant à
celle de l'autre , celui là avoit peint les
vertus des hommes , et celui cy leurs défauts ; le premier étoit répréhensible dans
son langage qu'il sacrifioit souvent à la
pensée ; il étoit même inégal , et après
s'être élevé jusqu'aux nuë; il rampoit
jusqu'à la terre : le second étoit toujours
le même ; sa Poësie liée , son expression
pure ; il est plus difficile d'être egal dans
le grand que dans le tendre ; on disoit que
la perfection eut été de rassembler dans
un troisiéme Poëte ce qu'ils avoient de
meilleur l'un et l'autre ; je ne sçai si on
avoit droit de l'esperer , et si le même génie est capable de réunir des qualités si
opposées ; ce qui en fait voir au moins la
difficulté , c'est que non seulement il n'y
a eu aucun Poëte en Perse qui en soit venu à bout , mais il n'y en a pas eu qui ait
véritablement remplacé l'un des deux.
Cassandane étoit enchantée de tout ce
'elle voyoit ; elle ne contribua pas peu
dans la suite au dessein de Cyrus ; capable d'être Juge en toutes sortes de sciences , elle ne se réserva que le droit communément accordé aux Dames , de juger
du langage ; elle le perfectionna en effet
qu'
.
II. Vol.
si Ab
DECEMBRE. 1732. 2861
si bien , que les Académiciens avouerent
qu'ils lui devoient le stile naturel , simple
et noble qui prit la place du stile ampoulé,
précieux ou obscur même à force d'être
spirituel et trop du goût de la Nation dans
les commencemens de sa réformation,
Cyrus aprit qu'un Poëte travailloit à
des Satyres , on en louoit la versification,
quoiqu'un peu dure , elle disoit beaucoup
en peu de paroles , on sentoit qu'elle avoit
coûté à son Auteur , qu'il n'y avoit que
le plaisir de médire qui eut pu lui faire dévorer un si pénible travail. On en récital
quelques vers à Cyrus , leur beauté ne
surprit point son admiration , il les trouva pleins de malignité , il ne confondit
pourtant point le Poëte avec son Ouvrage,
il distingua le genie de l'abus qu'il en faisoit , il chercha à le rendre utile et non à
le détruire ; il étoit convaincu que ceux
qui ont des talens méritent des égards ; il
ne croyoit pas au dessous de lui d'en avoir
pour un Poëte , il le fit venir en sa préşence , il le reçut avec bonté , il loua son
genie pour la Poësie , et il lui conseilla de
donner à ses vers un meilleur objet que
la Satyre. Ce n'est point en décriant les
hommes , lui dit- il , que vous les rendrez
meilleurs , c'est les irriter plutôt que les
réformer , la vertu n'a jamais employé les
1. 11. Vol.
F vj armes
2862 MERCURE DE FRANCE
armes de la satyre pour faire haïr le vice
et se faire aimer ; il est d'ailleurs de votre
interêt de ne pas vous rendre haïssable
on craint toujours pour soi ce qu'on aime à entendre dire contre les autres , et
la haine contre le satyrique vange au
moins les gens vicieux d'avoir été censurez.
UnPoëte comique pensa être découragé,
croyant que Cyrus pensoit de la Comédie comme de la Satyre , mais on le dé-·
trompa sur ce que ce Prince éclairé distinguoit très bien la satyre , qui en attaquant les vicieux ne corrigeoi: personne, de
la Comédie qui n'attaque que les vices.Ce
Pote travailloit avec une facilité d'autant
plus étonnante , qu'elle n'ôtoit rien à la
perfection de ses Ouvrages ; il étoit deve
nu la ressource des plaisirs et des fêtes
son génie étoit aussi inépuisable qu'ilétoit
prompt ; il trouvoit dans les differens caracteres un fond infini de morale ; on ne
pouvoit lui sçavoir mauvais gré d'avoir
voula corriger les hommes en les amusant :
son goût et son discernement dans le
choix et dans l'arrangement des sujets ,
qu'il avoit à traiter , étoient inimitables ,
il ne présentoit que ce qui devoit plaire s
la diversité et la multitude des spectateurs qu'il avoit à contenter, n'ont ser-
•
II. Vol. vi
DECEMBRE. 1732. 2863
vi qu'à augmenter sa gloire; il se reproduisoit en quelque sorte lui- même , et on
retrouvoit en lui les qualitez de mille
Auteurs differens.... On lui attribue la
gloire d'avoir corrigé à la Cour beaucoup
de r dicules , celui des femmes qui font
les sçavantes , fut le plus marqué. Il n'est
pas étonnant que la science étant venue
à la mode en Perse , les femmes à qui la.
nouveauté plaît , ne voulussent se distinguer aussi par la science ,
il peut leur
convenir d'être scavantes , mais il ne leur
sied jamais d'en affecter le titre ; il semble que la science qui gêne , s'assortit
mal avec ses graces naturelles qui font leur partage ; on exige d'elles de l'esprit ,
et la beauté même la plus parfaite ne les
en dispense pas longtems ; on leur passe
composer des Ouvrages qui ne dépendent que de l'esprit... Les sentimens et
la délicatesse sont leur caractère principal &c.
de
On vit s'élever un homme admirable ;
qui sous le voile des Fables déguisa sa morale : le grand et le tendre , le serieux et
le badin , le naturel et le naïf même , tout
étoit de son ressort ; il n'est point d'état
ni de caractere qui n'y trouvat des leçons,
il employoit à son gré la tendresse du
cœur , la sagacité de l'esprit , le badinage
II.Vol le
2864 MERCURE DE FRANCE
le plus aimable ; il apprenoit à penser aux
uns , il donnoit des sentimens aux autres,
il persuadoirà tous , et il est le premier
qui ait introduit dans la Poésie cette justesse et cette précision même, qui paroît
lui être opposée , sans lui faire rien perdre
de ces images brillantes et de ces expressions heureuses qui distinguent si fort la
Poësie du discours ordinaire. . .
Insensiblement cet Extrait devient long,
malgré notre attention à nous contenir
dans de justes bornes ; finissons- le par ce
Portrait. Parmi ce grand nombre d'hommes qui se distinguerent , il n'y en eut
qu'un qui fut tout à la fois Poëte , Orateur , Historien , Philosophe , Géometre ,
que ne fut il pas ? admirable dans tous
les genres où il voulut travailler , il épuisa
sa vie avant que d'avoir épuisé son génie ,
et les divers Ouvrages qu'il a laissés auroient fait la gloire de plusieurs hommes
sa vie , depuis sa 16. jusqu'à sa 40. an-.
née. Chez Briasson , rue S. Jacques 1732.
in- 12 . de 380. pages , les trois Tomes.
L'Auteur de ce Livre est M. l'Abbé
Pernetti. Le dessein de son Ouvrage est de
faire voir en quoi consiste la veritable
grandeur d'un Roi , et les differentes vertus qui doivent former son caractere.
Comme la Fable étoit le meilleur moyen
pour développer les idées qu'on avoit sur
ce sujet , on s'en est servi , mais en temII. Vol. Fij pé-
2854 MERCURE DE FRANCE
pérant ce qu'elle a d'outré. par la sagesse
du style et de l'invention , Cyrus est le
Heros qu'on fait agir et parler.
Dans le premier Livre on le met aux
prises avec les passions , et par la maniere
dont il se défait de leurs pieges , il peut
servir de modele aux jeunes cœurs pour
se deffendre contre les charmes de la volupté. Dans le second , on le représente
occupé des Arts et des Sciences ; là , sẹ
trouve une Allegorie interessante des
progrès de la Litterature dans le dernier
siecle , et plusieurs Portraits achevez de
nos Illustres. Dans le troisiéme , on nous
le montre uniquement appliqué aux affaires et à l'administration de l'Etat ; ce
ne sont que Maximes sages sur le Gouver
nement , que traits de grandeur et d'équi
té , et que moyens prudemment imagi
nés pour rendre les peuples heureux. Tout
cela est écrit d'un style fort naturel , et se
trouve entremêlé de plusieurs Episodes
qui sont autant de morceaux d'histoire
très-attachants.
Dans une Préface de 16 pages , l'Auteur rend compte du choix et du dessein
de son Ouvrage. Les Maîtres et les Voyages peuvent rendre un Prince plus sçavant, dit il, ils ne peuvent en faire un Heros , le vrai Heroïsme est l'ouvrage de la
11. Vol. Na
DECEMBRE. 1732 2855
Nature , Alexandre n'avoit appris de
personne à pleurer au récit des Conquê
tes de son Pere. Qui ne sçait que l'éducation ordinaire sert plus à étouffer l'heroï'sme qu'à le produire ; et qu'en voulant
réformer la Nature , que l'on croit corrompue en tout , on la corrompt quelquefois dans ce qu'elle a de plus parfait ?
il n'y a qu'une maniere de l'aider , c'est
de la connoître , de la suivre , et de ne la
corriger , en quelque sorte , que par elle-.
même , en opposant ce qu'elle à de bon
à ce qu'elle peut avoir de vicieux.
a
Au second Tome , page 12. Gyrus établit dans sa Capitale des Tribunaux , où
se décidoit sans appel tout ce qui concernoit les Arts et les Sciences , c'est-àdire , qu'il créa six Académies. La premiere avoit pour objet la Géometric , la
Philosophie , la Physique , la Chimie et
la Médecine ; la seconde étoit consacrée
à l'Eloquence et à la Poësie ; la troisiéme
travailloit sur l'Histoire , les Langues
Etrangeres et les Antiquitez ; les autres
se partageoient , la Musique ; la Peinture
et la Sculpture. Il n'étoit permis à personne de mettre au jour aucun Ouvrage¸
qui n'eut été approuvé par l'Académie
dont il dépendoit : cette régle empêcha
qu'on ne multipliat les Livres . et ( ce
II. Vol. Fiij qui
2856 MERCURE DE FRANCE
qui en est une suite nécessaire ) qu'il n'en
parut beaucoup de mauvais.
Cyrus fait demander en mariage la fille
du Roi d'Armenie ; ses Ambassadeurs
P'obtiennent facilement de son Pere , lequel donne les ordres necessaires pour le
prompt départ de la Princesse. Il ne pouvoit ignorer son impatience ; elle n'avoit
pas employé auprès de lui ces ménagemens
équivoques , qui confondent si souvent en ces sortes d'occasions le véritable amour
avec le faux; elle avoit déclaré à son pere
toute sa tendresse pour Cyrus , elle la
trouvoit trop pure et trop raisonnable
pour en rougir ; on ne doit pas craindre
d'avouer qu'on aime quand on aime comme on doit aimer. Malgré tout son empressement , elle ne put se séparer de son
pere sans s'attendrir , elle lui avoüa qu'il
n'y avoit que Cyrus au monde qui put
adoucir le chagrin qu'elle avoit de le quitter ; ils se dirent adieu avec beaucoup de
larmes, l'amour vertueux fortifie les senti
mens de la nature au lieu de les détruire....
Tout l'Ouvrage , pour le dire en passant ,
est extrêmement.fourni de ces Reflexions
justes et sensées.
On se prépara à Hecatompyle à recevoir Cassandane ; Cyrus n'oublia rien
pour faire éclater sonamour ; il sçavoit
II. Vol. le
DECEMBRE. 1732 2857
le goût de la Princesse d'Armenie pour
les Arts et pour les Sciences ; il voulut que
toutes les Académies lui préparassent des
hommages à son arrivée, on n'en avoit jamais rendu à une femme qui les méritât
mieux qu'elle , ni qui fut plus capable
d'en connoître le prix. De toutes les Académies , celle qui pouvoit se distinguer
le plus en cette occasion , étoit celle de
Musique , elle avoit pour chef un de ces
hommes rares sur qui la nature semble
quelquefois vouloir essayer ce qu'elle
peut produire de plus parfait en un genre.Il étoit Grec d'origine et avoit été conduit par hazard à Hécatompyle dans sa
premierejeunesse jamais homme ne sentit mieux l'harmonie et tous les ressorts secrets qui la produisent ;
il étoit simple
dans sa composition ; on retenoit ses airs
les entendre une fois ; il étoit varié , et
dans des Piéces sans nombre , il ne s'est jamais repeté précis et caracterisé jusqu'à
ôter la liberté d'appliquer ses airs à quelqu'autre sujet qu'à celui qu'il avoit eu en
vie; dans la fureur et dans la tendresse
allant aussi loin que ces passions....
Il composa un grand divertissement en
Musique dont on eut dit qu'il à composé les vers tant ils convenoient, à la
Musique ; cependant il n'en étoit pas l'AuLI. Vol Fiiij teur
2858 MERCURE DE FRANCE
›
teur : c'étoit un Poëte qu'il avoit pris soin
de former à cette espece de Poësie , et qui
se rendit presque aussi inimitable , tant
il est vrai que les Arts s'aident les uns les
autres, et qu'il ne faut quelquefois qu'un
grand homme pour en faire briller d'autres qui seroient restez inconnus.... L'Amour et la Musique ont plus de rapport
qu'on ne pense ; l'un et l'autre se prêtent
un secours mutuel ; les cœurs tendres sont
generalement plus touchez de la Musique
que les autres ; la Musique à son tour augmente leur sensibilité , et elle devient un
vrai plaisir pour eux, quand ils aiment."
Indépendemment des dispositions où se
trouvoit Cassandane à cet égard , elle aimoit la Musique par inclination ; de tous
les Arts que les hommes ont inventez
c'étoit à son gré celui qui faisoit le plus
d'honneur à l'esprit humain et qui l'étonnoit davantage par la diversité et par
la multitude des combinaisons dont elle
est formée; elle ne voyoit rien dans la
nature qui en eut pu faire naître l'idée :
la prétendue harmonie des Cieux , le choc
des Elémens , le chant, des Oiseaux , et
les autres sources d'où on suppose que
les hommes ont tiré la Musique , lui paroi oient trop éloignées de la vrai- semblai.ce , elle en auroit attribué la naissance
II. Vol
DECEMBRE. 1732. 2859.
à la mélancolie , parce qu'elle en est le remede le plus efficace.
On établit un Théatre &c. Deux Poëtes qui avoient en quelque sorte ouvert
la Scene , étoient rivaux sans être ennemis ,
et plaisoient tous deux , sans se ressemblers le plus âgé avoit un génie noble ,
élevé , plein de force , fécond , énergique , faisant des Héros de tous ses personnages , il est vrai qu'il les avoit pris
dans l'Histoire du peuple le plus fertile
en Grands Hommes , flatant ses Auditeurs
en leur présentant des modeles au dessus
d'eux, et qu'ils se croyent capables d'imi
ter: le plus jeune , avec un génie moins
étendu , moins élevé , moins fort , moins
fertile même , mais plus soutenu plus
égal , plus doux , avoit trouvé le chemin
du cœur et le secret de l'interesser toujours ; toutes les passions qui en dépendent avoient place dans ses Piéces ; on l'écoutoit aussi volontiers que l'autre, quoique
par un motif bien opposé ; ses Auditeurs
⚫croyoient leurs passions pardonnables , en
les voyant authorisées dans les personna->
ges illustres qu'il mettoit sur la Scene ;
on sortoit des Piéces du premier , l'ame
remplie de grands sentimens et se croyant
capable de ce qu'il y a de plus héroïque :
les Piéces du second attendrissoient le
11. Vol. Fv
و
* cœur
2860 MERCURE DE FRANCE
,
cœur et arrachoient des larmes pleines de
douceur; on devenoit plus honnête homme de l'Ecole de l'un , et plus galant à
celle de l'autre , celui là avoit peint les
vertus des hommes , et celui cy leurs défauts ; le premier étoit répréhensible dans
son langage qu'il sacrifioit souvent à la
pensée ; il étoit même inégal , et après
s'être élevé jusqu'aux nuë; il rampoit
jusqu'à la terre : le second étoit toujours
le même ; sa Poësie liée , son expression
pure ; il est plus difficile d'être egal dans
le grand que dans le tendre ; on disoit que
la perfection eut été de rassembler dans
un troisiéme Poëte ce qu'ils avoient de
meilleur l'un et l'autre ; je ne sçai si on
avoit droit de l'esperer , et si le même génie est capable de réunir des qualités si
opposées ; ce qui en fait voir au moins la
difficulté , c'est que non seulement il n'y
a eu aucun Poëte en Perse qui en soit venu à bout , mais il n'y en a pas eu qui ait
véritablement remplacé l'un des deux.
Cassandane étoit enchantée de tout ce
'elle voyoit ; elle ne contribua pas peu
dans la suite au dessein de Cyrus ; capable d'être Juge en toutes sortes de sciences , elle ne se réserva que le droit communément accordé aux Dames , de juger
du langage ; elle le perfectionna en effet
qu'
.
II. Vol.
si Ab
DECEMBRE. 1732. 2861
si bien , que les Académiciens avouerent
qu'ils lui devoient le stile naturel , simple
et noble qui prit la place du stile ampoulé,
précieux ou obscur même à force d'être
spirituel et trop du goût de la Nation dans
les commencemens de sa réformation,
Cyrus aprit qu'un Poëte travailloit à
des Satyres , on en louoit la versification,
quoiqu'un peu dure , elle disoit beaucoup
en peu de paroles , on sentoit qu'elle avoit
coûté à son Auteur , qu'il n'y avoit que
le plaisir de médire qui eut pu lui faire dévorer un si pénible travail. On en récital
quelques vers à Cyrus , leur beauté ne
surprit point son admiration , il les trouva pleins de malignité , il ne confondit
pourtant point le Poëte avec son Ouvrage,
il distingua le genie de l'abus qu'il en faisoit , il chercha à le rendre utile et non à
le détruire ; il étoit convaincu que ceux
qui ont des talens méritent des égards ; il
ne croyoit pas au dessous de lui d'en avoir
pour un Poëte , il le fit venir en sa préşence , il le reçut avec bonté , il loua son
genie pour la Poësie , et il lui conseilla de
donner à ses vers un meilleur objet que
la Satyre. Ce n'est point en décriant les
hommes , lui dit- il , que vous les rendrez
meilleurs , c'est les irriter plutôt que les
réformer , la vertu n'a jamais employé les
1. 11. Vol.
F vj armes
2862 MERCURE DE FRANCE
armes de la satyre pour faire haïr le vice
et se faire aimer ; il est d'ailleurs de votre
interêt de ne pas vous rendre haïssable
on craint toujours pour soi ce qu'on aime à entendre dire contre les autres , et
la haine contre le satyrique vange au
moins les gens vicieux d'avoir été censurez.
UnPoëte comique pensa être découragé,
croyant que Cyrus pensoit de la Comédie comme de la Satyre , mais on le dé-·
trompa sur ce que ce Prince éclairé distinguoit très bien la satyre , qui en attaquant les vicieux ne corrigeoi: personne, de
la Comédie qui n'attaque que les vices.Ce
Pote travailloit avec une facilité d'autant
plus étonnante , qu'elle n'ôtoit rien à la
perfection de ses Ouvrages ; il étoit deve
nu la ressource des plaisirs et des fêtes
son génie étoit aussi inépuisable qu'ilétoit
prompt ; il trouvoit dans les differens caracteres un fond infini de morale ; on ne
pouvoit lui sçavoir mauvais gré d'avoir
voula corriger les hommes en les amusant :
son goût et son discernement dans le
choix et dans l'arrangement des sujets ,
qu'il avoit à traiter , étoient inimitables ,
il ne présentoit que ce qui devoit plaire s
la diversité et la multitude des spectateurs qu'il avoit à contenter, n'ont ser-
•
II. Vol. vi
DECEMBRE. 1732. 2863
vi qu'à augmenter sa gloire; il se reproduisoit en quelque sorte lui- même , et on
retrouvoit en lui les qualitez de mille
Auteurs differens.... On lui attribue la
gloire d'avoir corrigé à la Cour beaucoup
de r dicules , celui des femmes qui font
les sçavantes , fut le plus marqué. Il n'est
pas étonnant que la science étant venue
à la mode en Perse , les femmes à qui la.
nouveauté plaît , ne voulussent se distinguer aussi par la science ,
il peut leur
convenir d'être scavantes , mais il ne leur
sied jamais d'en affecter le titre ; il semble que la science qui gêne , s'assortit
mal avec ses graces naturelles qui font leur partage ; on exige d'elles de l'esprit ,
et la beauté même la plus parfaite ne les
en dispense pas longtems ; on leur passe
composer des Ouvrages qui ne dépendent que de l'esprit... Les sentimens et
la délicatesse sont leur caractère principal &c.
de
On vit s'élever un homme admirable ;
qui sous le voile des Fables déguisa sa morale : le grand et le tendre , le serieux et
le badin , le naturel et le naïf même , tout
étoit de son ressort ; il n'est point d'état
ni de caractere qui n'y trouvat des leçons,
il employoit à son gré la tendresse du
cœur , la sagacité de l'esprit , le badinage
II.Vol le
2864 MERCURE DE FRANCE
le plus aimable ; il apprenoit à penser aux
uns , il donnoit des sentimens aux autres,
il persuadoirà tous , et il est le premier
qui ait introduit dans la Poésie cette justesse et cette précision même, qui paroît
lui être opposée , sans lui faire rien perdre
de ces images brillantes et de ces expressions heureuses qui distinguent si fort la
Poësie du discours ordinaire. . .
Insensiblement cet Extrait devient long,
malgré notre attention à nous contenir
dans de justes bornes ; finissons- le par ce
Portrait. Parmi ce grand nombre d'hommes qui se distinguerent , il n'y en eut
qu'un qui fut tout à la fois Poëte , Orateur , Historien , Philosophe , Géometre ,
que ne fut il pas ? admirable dans tous
les genres où il voulut travailler , il épuisa
sa vie avant que d'avoir épuisé son génie ,
et les divers Ouvrages qu'il a laissés auroient fait la gloire de plusieurs hommes
Fermer
Résumé : Le Repos de Cyrus, ou l'Histoire, &c. [titre d'après la table]
'Le Repos de Cyrus' est une œuvre de l'Abbé Pernetti publiée en 1732, composée de trois tomes totalisant 380 pages. L'auteur utilise la fable pour illustrer les vertus nécessaires à un roi, en tempérant l'outrance par la sagesse du style et de l'invention. Le héros, Cyrus, sert de modèle aux jeunes cœurs face aux passions, aux arts et sciences, et à l'administration de l'État. Dans le premier tome, Cyrus lutte contre les passions et sert de modèle pour résister à la volupté. Le second tome le montre promouvant les arts et les sciences, avec une allégorie des progrès littéraires du siècle et des portraits d'illustres personnages. Le troisième tome le dépeint en tant qu'administrateur sage et équitable, offrant des maximes de gouvernement et des moyens pour le bonheur des peuples. L'ouvrage est écrit dans un style naturel et inclut des épisodes historiques attachants. Dans la préface, l'auteur explique que l'éducation ordinaire peut étouffer l'héroïsme, et que connaître et suivre la nature est la meilleure approche. Cyrus établit des académies pour réguler les arts et les sciences, évitant ainsi la prolifération de mauvais livres. Le texte décrit également des événements comme le mariage de Cyrus avec Cassandane, la fille du roi d'Arménie, et les préparatifs pour son accueil, incluant des hommages des académies, notamment celle de musique. L'ouvrage est riche en réflexions justes et sensées, et met en avant des personnages comme des poètes et des musiciens qui contribuent à la culture et à la moralité de la cour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 208-212
AVIS sur la Loterie accordée par le Roi à son Ecole Royale Militaire, par Arrêt du Conseil du 15 Octobre 1757.
Début :
La Loterie accordée par Sa Majesté à son Ecole Militaire, est composée sur les principes [...]
Mots clefs :
Loterie de l'école royale militaire, Numéros, Roue de Fortune, Tirage, Sommes, Ambe, Extrait, Terne, Explications
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVIS sur la Loterie accordée par le Roi à son Ecole Royale Militaire, par Arrêt du Conseil du 15 Octobre 1757.
AVIS fur la Loterie accordée par le Roi à fon Ecole
Royale Militaire , par Arrêt du Conseil du 15
Octobre 1757.
LA Loterie accordée par Sa Majeſté à ſon Ecole
Militaire , eft compofée fur les principes de celles
qui font établies depuis long - temps à Genes ,
Rome , à Venife , à Milan , à Naples , & en
dernier lieu par l'Impératrice Reine dans fes Etats
héréditaires d'Allemagne , & à Prague.
Cette Loterie confifte en 90 numéros , depuis
1 jufques & compris 90 , à chacun defquels on a
joint , fuivant l'ufage d'Italie , un nom de Fille ,
pour les mieux diftinguer. De ces 90 numéros ,
renfermés tous dans une roue de fortune , on en
tire cinq feulement au hazard à chaque tirage ,
& ces cinq numéros décident de la perte ou du
gain de tous ceux qui ont mis à la Loterie. Il y
aura huit tirages par an .
On met à cette Loterie de trois manieres différentes
, par Extrait , par Ambe & par Terne.
Par Extrait : c'eft placer une fomme quelconque
fur un feul numéro . Si le numéro que l'on
aura choifi fe trouve parmi les cinq numéros
fortis de la roue , on gagnera is fois fa mife.
Si la mife eft de 24 livres , le lot fera de 360 liv.
on pourra mettre de cette maniere fur chaque
numéro , depuis 12 fols jufqu'à 6000 livres.
Par Ambe : c'eft placer une fomme quelconque
fur deux numéros enfemble. Si les deux numéros
que l'on aura ainfi choifis , fe trouvent
tous les deux parmi les cinq numéros fortis de
la roue , on gagnera un lot de 270 fois la miſe.
FEVRIER. 1758. 209
Si la mife eft de 24 liv. le lot fera de 6480 liv.
S'il ne fort qu'un des deux numéros , on ne gagnera
rien : on peut mettre de cette maniere depuis
12 fols jufqu'à 300 liv.
Par Terne : c'eft placer une fomme quelconque
fur trois numéros enfemble. Si les trois numéros
que l'on aura ainfi choifis , fe trouvent
tous les trois parmi les cinq numéros fortis de
la roue , on gagnera un lot de 5200 fois la
mife. Si la mife eft de 24 liv. le lot fera de
124800 liv. Si des trois numéros choifis il n'en
fort qu'un ou deux , on ne gagnera rien : on peut
mettre de cette maniere depuis 12 fols jufqu'à
150 liv.
On eft le maître du choix des numéros : ainfi
les mêmes numéros peuvent être pris concurremment
par 50 , 100 ou mille perfonnes plus ou
moins l'événement des numéros qu'elles ont
choifis , leur eft commun à toutes.
On peut mettre par Extrait fur plufieurs nu
méros , dans un feul & même billet , en plaçant
fur chacun une fomme quelconque ; on le peut
faire également par Ambe & par Terne, en payang
autant de fois la mife quelconque , que la quan
tité des numéros que l'on aura choifis , pourra
produire d'Ambes ou de Ternes : 3 numéros font
3 Ambes , 4 numéros font 6 Ambes , s numéros
font 10 Ambes , & c.
Am-
Exemple. Soient les numéros 7 , 15 , 22 .
bes qui en résultent : 7-15 . 7-22 . 15-22.
Soient les quatre numéros 10 , 25 , 60 , 71 .
Ambes qui en résultent : 10-25. 10-60. 10-71 .
25-60. 25-71.60-71.
Soient les cinq numéros 11 , 22 , 26 , 30 , 60:
Ambes qui en résultent : 11-22. 11-26.11-30.
11-60. 22-26 . 22-30. 22-60 , 26-30, 26-604
30-60.
210 MERCURE DE FRANCE.
Par conféquent , fi on veut mettre 24 liv . par
Ambe fur 3 numéros , il faudra payer 72 livres.
On payera 144 liv . pour 4 numéros ,
& 240 liv.
pours numéros.
Il en fera de même fi on veut mettre par
Terne fur plufieurs numéros . Quatre numéros
font 4 Ternes ; cinq numéros font 10 Ternes , &c.
Exemple. Soient les 4 numéros 71 , 83 , 88 , 90 .
Ternes qui en résultent : 71 - 83 - 88. 71-83-90.
71-88-90 . 83 - 88 - 90 .
Soient les numéros 50 , 57 , 67 , 81 , 86.
Ternes qui en réfultent : 50-57-67 . 50-57-81 .
50-57-86. 50-67-81 . 50-67-86. 50-81-86.
57-67-81 . 57-67-86. 57-81-86 . 67-81-86.
On voit clairement que fi on veut mettre 6 liv.
par Terne fur quatre numéros , il faudra payer
24 livres . Si on veut placer la même miſe de
6 livres par Terne fur cinq numéros , il faudra
payer 60 liv. Si on a mis 6 liv . par Terne fur
cinq numéros , c'est - à -dire 60 liv. & que des cinq
numéros que l'on aura choifis , il en forte quatre,
on gagnera quatre lots de Terne , chacun de
5200 fois la mife , c'est-à- dire de 31200 liv . chacun.
Si les numéros choifis fortent tous les cinq
de la roue , on gagnera dix lots de Terne , faifanr
enfemble 3120co liv . On peut faire le calcul des
autres mifes fur la même regle.
Quoiqu'on ne puiffe jamais gagner à la Loterie
plus de cinq Extraits , dix Ambes & dix Ternes,
parce que les cinq numéros que l'on tire de la
roue , n'en font pas davantage , il est évident
cependant qu'en prenant une plus grande quantité
de numéros , on en a moins de contraires ;
& la chance par- là devient beaucoup plus avantageufe.
Enfin on peut mettre à cette Loterie fur telle
quantité de numéros qu'on veut.
Q
FEVRIER. 1758 . 211
Enſemble par Extrait & par Ambe.
Enſemble par Extrait & par Terne.
Enſemble par Ambe & par Terne.
Enſemble par Extrait , par Ambe & par Terne.
On va voir , par l'exemple ci-après , l'avantage
qu'on peut retirer en mettant à la Loterie de
cette derniere maniere . Suppofons la mife de
6 liv. fur cinq numéros quelconques , par Extrait,
par Ambe & par Terne : comme cinq numéros
font cinq Extraits , dix Ambes & dix Ternes , on
payera vingt- cinq fois 6 liv . qui font 150 livres.
Si un feul des cinq numéros fort de la roue ,
on gagnera un feul lot d'Extrait de quinze fois
la mife , c'eſt- à- dire 90 livres . S'il fort de la roue
deux numéros , on gagnera trois lots , deux lots
d'Extrait & un lot d'Ambe , pour chaque lot
d'Extrait 90 liv. & pour le lot d'Ambe 270 fois
la mife , ce qui fait 1620 liv. & en total 1800 liv .
S'il fort trois numéros des cinq qu'on aura choifis ,
on gagnera fept lots , trois lots d'Extrait , trois
lots d'Ambe & un lot de Terne ; pour chacun
des lots d'Extrait 90 liv. pour chacun des lots
d'Ambe 1620 liv . & pour le lot de Terne 5200
fois la mife de 6 liv. c'eft- à-dire 31200 liv. & en
total 36330 livres . S'il fort quatre numéros , on
gagnera quatorze lots ; fçavoir , quatre lots d'Extrait
, fix lots d'Ambe , quatre lots de Terne : ce
qui fera en total 134880 liv. Enfin fi tous les
cinq numéros fortent de la roue , on gagnera
vingt-cinq lots ; fçavoir , cinq lots d'Extrait , dix
lots d'Ambe & dix lots de Terne ; ce qui fera en
total 328650 livres.
On peut appliquer ce principe généralement
à toutes les mifes quelconques , plus ou moins
confidérables , ou par Extrait & par Ambe , ou
par Extrait & par Terne , ou par Ambe & par
212 MERCURE DE FRANCE .
Terne , ou par Extrait , par Ambe & par Terne:
On peut ajouter à ce détail une réflexion fort
fimple ; c'eft que cette Loterie pouvant perdre &
gagner , toutes les chances qu'elle offre font donc
plus égales & plus intéreffantes.
On pourra s'adreffer , pour mettre cette Lo
terie , à Paris , chez Lambert , Libraire & Receveur
de ladite Loterie ,rue & à côté de la Comédie
Françoile , en obfervant d'affranchir les lettres
& l'argent qu'on lui enverra. Il donnera aux
perfonnes qui le défireront , tous les éclairciffemens
dont elles auront beſoin , & leur enverra
même , fi elles le fouhaitent , l'Arrêt du Conſeil ,
qui fera imprimé inceffamment , & dont cet Avis
n'eft que l'extrait . Et à M. Ducoin , Négociant ,
rue du Mail , vis - à- vis l'hôtel d'Angleterre .
Royale Militaire , par Arrêt du Conseil du 15
Octobre 1757.
LA Loterie accordée par Sa Majeſté à ſon Ecole
Militaire , eft compofée fur les principes de celles
qui font établies depuis long - temps à Genes ,
Rome , à Venife , à Milan , à Naples , & en
dernier lieu par l'Impératrice Reine dans fes Etats
héréditaires d'Allemagne , & à Prague.
Cette Loterie confifte en 90 numéros , depuis
1 jufques & compris 90 , à chacun defquels on a
joint , fuivant l'ufage d'Italie , un nom de Fille ,
pour les mieux diftinguer. De ces 90 numéros ,
renfermés tous dans une roue de fortune , on en
tire cinq feulement au hazard à chaque tirage ,
& ces cinq numéros décident de la perte ou du
gain de tous ceux qui ont mis à la Loterie. Il y
aura huit tirages par an .
On met à cette Loterie de trois manieres différentes
, par Extrait , par Ambe & par Terne.
Par Extrait : c'eft placer une fomme quelconque
fur un feul numéro . Si le numéro que l'on
aura choifi fe trouve parmi les cinq numéros
fortis de la roue , on gagnera is fois fa mife.
Si la mife eft de 24 livres , le lot fera de 360 liv.
on pourra mettre de cette maniere fur chaque
numéro , depuis 12 fols jufqu'à 6000 livres.
Par Ambe : c'eft placer une fomme quelconque
fur deux numéros enfemble. Si les deux numéros
que l'on aura ainfi choifis , fe trouvent
tous les deux parmi les cinq numéros fortis de
la roue , on gagnera un lot de 270 fois la miſe.
FEVRIER. 1758. 209
Si la mife eft de 24 liv. le lot fera de 6480 liv.
S'il ne fort qu'un des deux numéros , on ne gagnera
rien : on peut mettre de cette maniere depuis
12 fols jufqu'à 300 liv.
Par Terne : c'eft placer une fomme quelconque
fur trois numéros enfemble. Si les trois numéros
que l'on aura ainfi choifis , fe trouvent
tous les trois parmi les cinq numéros fortis de
la roue , on gagnera un lot de 5200 fois la
mife. Si la mife eft de 24 liv. le lot fera de
124800 liv. Si des trois numéros choifis il n'en
fort qu'un ou deux , on ne gagnera rien : on peut
mettre de cette maniere depuis 12 fols jufqu'à
150 liv.
On eft le maître du choix des numéros : ainfi
les mêmes numéros peuvent être pris concurremment
par 50 , 100 ou mille perfonnes plus ou
moins l'événement des numéros qu'elles ont
choifis , leur eft commun à toutes.
On peut mettre par Extrait fur plufieurs nu
méros , dans un feul & même billet , en plaçant
fur chacun une fomme quelconque ; on le peut
faire également par Ambe & par Terne, en payang
autant de fois la mife quelconque , que la quan
tité des numéros que l'on aura choifis , pourra
produire d'Ambes ou de Ternes : 3 numéros font
3 Ambes , 4 numéros font 6 Ambes , s numéros
font 10 Ambes , & c.
Am-
Exemple. Soient les numéros 7 , 15 , 22 .
bes qui en résultent : 7-15 . 7-22 . 15-22.
Soient les quatre numéros 10 , 25 , 60 , 71 .
Ambes qui en résultent : 10-25. 10-60. 10-71 .
25-60. 25-71.60-71.
Soient les cinq numéros 11 , 22 , 26 , 30 , 60:
Ambes qui en résultent : 11-22. 11-26.11-30.
11-60. 22-26 . 22-30. 22-60 , 26-30, 26-604
30-60.
210 MERCURE DE FRANCE.
Par conféquent , fi on veut mettre 24 liv . par
Ambe fur 3 numéros , il faudra payer 72 livres.
On payera 144 liv . pour 4 numéros ,
& 240 liv.
pours numéros.
Il en fera de même fi on veut mettre par
Terne fur plufieurs numéros . Quatre numéros
font 4 Ternes ; cinq numéros font 10 Ternes , &c.
Exemple. Soient les 4 numéros 71 , 83 , 88 , 90 .
Ternes qui en résultent : 71 - 83 - 88. 71-83-90.
71-88-90 . 83 - 88 - 90 .
Soient les numéros 50 , 57 , 67 , 81 , 86.
Ternes qui en réfultent : 50-57-67 . 50-57-81 .
50-57-86. 50-67-81 . 50-67-86. 50-81-86.
57-67-81 . 57-67-86. 57-81-86 . 67-81-86.
On voit clairement que fi on veut mettre 6 liv.
par Terne fur quatre numéros , il faudra payer
24 livres . Si on veut placer la même miſe de
6 livres par Terne fur cinq numéros , il faudra
payer 60 liv. Si on a mis 6 liv . par Terne fur
cinq numéros , c'est - à -dire 60 liv. & que des cinq
numéros que l'on aura choifis , il en forte quatre,
on gagnera quatre lots de Terne , chacun de
5200 fois la mife , c'est-à- dire de 31200 liv . chacun.
Si les numéros choifis fortent tous les cinq
de la roue , on gagnera dix lots de Terne , faifanr
enfemble 3120co liv . On peut faire le calcul des
autres mifes fur la même regle.
Quoiqu'on ne puiffe jamais gagner à la Loterie
plus de cinq Extraits , dix Ambes & dix Ternes,
parce que les cinq numéros que l'on tire de la
roue , n'en font pas davantage , il est évident
cependant qu'en prenant une plus grande quantité
de numéros , on en a moins de contraires ;
& la chance par- là devient beaucoup plus avantageufe.
Enfin on peut mettre à cette Loterie fur telle
quantité de numéros qu'on veut.
Q
FEVRIER. 1758 . 211
Enſemble par Extrait & par Ambe.
Enſemble par Extrait & par Terne.
Enſemble par Ambe & par Terne.
Enſemble par Extrait , par Ambe & par Terne.
On va voir , par l'exemple ci-après , l'avantage
qu'on peut retirer en mettant à la Loterie de
cette derniere maniere . Suppofons la mife de
6 liv. fur cinq numéros quelconques , par Extrait,
par Ambe & par Terne : comme cinq numéros
font cinq Extraits , dix Ambes & dix Ternes , on
payera vingt- cinq fois 6 liv . qui font 150 livres.
Si un feul des cinq numéros fort de la roue ,
on gagnera un feul lot d'Extrait de quinze fois
la mife , c'eſt- à- dire 90 livres . S'il fort de la roue
deux numéros , on gagnera trois lots , deux lots
d'Extrait & un lot d'Ambe , pour chaque lot
d'Extrait 90 liv. & pour le lot d'Ambe 270 fois
la mife , ce qui fait 1620 liv. & en total 1800 liv .
S'il fort trois numéros des cinq qu'on aura choifis ,
on gagnera fept lots , trois lots d'Extrait , trois
lots d'Ambe & un lot de Terne ; pour chacun
des lots d'Extrait 90 liv. pour chacun des lots
d'Ambe 1620 liv . & pour le lot de Terne 5200
fois la mife de 6 liv. c'eft- à-dire 31200 liv. & en
total 36330 livres . S'il fort quatre numéros , on
gagnera quatorze lots ; fçavoir , quatre lots d'Extrait
, fix lots d'Ambe , quatre lots de Terne : ce
qui fera en total 134880 liv. Enfin fi tous les
cinq numéros fortent de la roue , on gagnera
vingt-cinq lots ; fçavoir , cinq lots d'Extrait , dix
lots d'Ambe & dix lots de Terne ; ce qui fera en
total 328650 livres.
On peut appliquer ce principe généralement
à toutes les mifes quelconques , plus ou moins
confidérables , ou par Extrait & par Ambe , ou
par Extrait & par Terne , ou par Ambe & par
212 MERCURE DE FRANCE .
Terne , ou par Extrait , par Ambe & par Terne:
On peut ajouter à ce détail une réflexion fort
fimple ; c'eft que cette Loterie pouvant perdre &
gagner , toutes les chances qu'elle offre font donc
plus égales & plus intéreffantes.
On pourra s'adreffer , pour mettre cette Lo
terie , à Paris , chez Lambert , Libraire & Receveur
de ladite Loterie ,rue & à côté de la Comédie
Françoile , en obfervant d'affranchir les lettres
& l'argent qu'on lui enverra. Il donnera aux
perfonnes qui le défireront , tous les éclairciffemens
dont elles auront beſoin , & leur enverra
même , fi elles le fouhaitent , l'Arrêt du Conſeil ,
qui fera imprimé inceffamment , & dont cet Avis
n'eft que l'extrait . Et à M. Ducoin , Négociant ,
rue du Mail , vis - à- vis l'hôtel d'Angleterre .
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Résumé : AVIS sur la Loterie accordée par le Roi à son Ecole Royale Militaire, par Arrêt du Conseil du 15 Octobre 1757.
L'arrêt du Conseil du 15 octobre 1757 autorise la création d'une loterie au profit de l'École Royale Militaire, s'inspirant des loteries existantes à Gênes, Rome, Venise, Milan, Naples, dans les États héréditaires d'Allemagne et à Prague. Cette loterie, composée de 90 numéros associés chacun à un nom de fille, fonctionne par tirages de cinq numéros parmi les 90, avec huit tirages annuels. Les mises peuvent être placées de trois manières : par Extrait, par Ambe et par Terne. Par Extrait, une somme est placée sur un seul numéro, offrant un gain de 15 fois la mise si le numéro est tiré. Par Ambe, une somme est placée sur deux numéros, avec un gain de 270 fois la mise si les deux numéros sont tirés. Par Terne, une somme est placée sur trois numéros, avec un gain de 5200 fois la mise si les trois numéros sont tirés. Les mises minimales et maximales varient selon le type de mise. Les participants peuvent choisir librement les numéros et plusieurs personnes peuvent miser sur les mêmes numéros. Il est également possible de miser sur plusieurs numéros dans un même billet, en payant proportionnellement au nombre de combinaisons possibles. Les gains sont limités à cinq Extraits, dix Ambes et dix Ternes par tirage. Les mises peuvent être effectuées à Paris chez Lambert, libraire et receveur de la loterie, ou chez M. Ducoin, négociant. Les détails complets seront disponibles dans l'arrêt du Conseil, qui sera imprimé prochainement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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