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1
p. 244-251
Adresse de l'Université de Cambridge à la Reine.
Début :
Madame, Bien que nous ayions eu souvent l'honneur d'apporter [...]
Mots clefs :
Université de Cambridge, Reine, Trône, Honneur, Angleterre, Royaume
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texteReconnaissance textuelle : Adresse de l'Université de Cambridge à la Reine.
Adreffe de l'Univerfité de
Cambridge à la Reine.
Madame ,
Bien que nous avions eu
fouvent l'honneur d'approcher du Trône avec nos
Adreffes de joye , pour des
victoires remportées en
guerre , nous avons preſentement une occafion plus
convenable & plus confor-
GALANT. 245
de
me à nôtre profeſſion , de
congratuler Vôtre Majeſté
& vos Royaumes fur la vûë
prochaine d'une paix honorable & avantageuſe.
C'eft vôtre prerogative
inconteftable , de conclure
la paix , auffi - bien que
la commencer, & nous avons crû que nos interêts
dans la paix refidoient juftement en vôtre pouvoir ,
& étoient fûrement confiez
à vôtre ſageſle , même pendant que les negociations
étoient tenuës fecretes. Les
artifices même employez à
X iij
246 MERCURE
d'illa traverfer n'ont produit
aucun autre effet , que
luftrer la bonté de V. M.
& de hâter la joye de vos
fujets , lorfque pour arrêter
les fauffes clameur de l'envie & des factions , vous
avez la condeſcendance de
faire part à vos peuples des
conditions glorieuſes fur
lefquelles vous negocież
pour eux.
VospredeceffeursRoïaux
ont fouvent pouffé des guer
res avec fuccés , & la valeur
Angloife a été long - temps
fameuſe par toutes les na-
GALANT. 247
tions du monde : mais alors
les avantages qu'on en pouvoit tirer échapoient ordinairement en perdant le
temps propre de traiter , &
laiffant marcher d'autres
gens devant nous , pour tirer leurs propres avantages
de nôtre fang & de nôtre
argent. Mais à cette heure
nôtre nation tirera un grand
honneur fous la conduite
vigilante de V. M. & la prudence fera une partie de
nôtre caractere , auffi-bien
que le courage &la magnanimité.
X iiij
248 MERCURE
le
C'étoit une chofe digne
dujugement &de la fageffe
de V. M. de fçavoir quand
il faudroit arrefter
cours de vos victoires , de
peur de renverser l'équili
bre de vôtre pouvoir , dans
les pays étrangers que vous
avez travaillé à établir , ou
d'épuifer entierement la
fource de la puiffance dans
le Royaume , en la dépenfant trop prodigalement &
trop inégalement , pour faire gagner de vaſtes acquifitions à d'autres gens , &
en tirer peu de profit pour
nous.
GALANT. 249
L'établiſſement que vous
avez fait de la fucceffion à
ces Royaumes dans vos illuftres affinitez de la Maifon d'Hanover , & vôtre
pieux interêt pour les Proteftans d'Allemagne , qui
avoit été negligé dans un
traité fait ci- devant , exigent que vôtre ClergéVous
en remercie avec une particuliere reconnoiffance.
L'affermiffement & l'étenduë de nôtre commerce national dans toutes fes parties , que vous avez pouſſez
plus loin quela Grande Bre-
250 MERCURE
tagne n'en a jamais joüi ,
ni à quoy elle n'avoit jamais
auparavant aſpiré , excitent
une reconnoiffance univerfelle dans les cœurs de vôtre peuple , & le foin genereux que vous prenez de
vos alliez , en époufant vigoureuſement leurs juftes
interêts , & en leur procurant une barriere fuffifante,
rendra cette paix prochaifans doute Dieu
vous mettra en état de finir,
auffi generale & d'autant
d'étenduë que les limites
de l'Europe , & auſſi durane , que
GALANT 25¹
ble que les affaires humaines le peuvent permettre ;
de maniere qu'elle fera deformaisla gloire la plus brillante du regne heureux de
V. M. au-deffus des autres
lauriers que vous avez
cüeillis pendant une longue
guerre , accompagnée de
profperitez.
Cambridge à la Reine.
Madame ,
Bien que nous avions eu
fouvent l'honneur d'approcher du Trône avec nos
Adreffes de joye , pour des
victoires remportées en
guerre , nous avons preſentement une occafion plus
convenable & plus confor-
GALANT. 245
de
me à nôtre profeſſion , de
congratuler Vôtre Majeſté
& vos Royaumes fur la vûë
prochaine d'une paix honorable & avantageuſe.
C'eft vôtre prerogative
inconteftable , de conclure
la paix , auffi - bien que
la commencer, & nous avons crû que nos interêts
dans la paix refidoient juftement en vôtre pouvoir ,
& étoient fûrement confiez
à vôtre ſageſle , même pendant que les negociations
étoient tenuës fecretes. Les
artifices même employez à
X iij
246 MERCURE
d'illa traverfer n'ont produit
aucun autre effet , que
luftrer la bonté de V. M.
& de hâter la joye de vos
fujets , lorfque pour arrêter
les fauffes clameur de l'envie & des factions , vous
avez la condeſcendance de
faire part à vos peuples des
conditions glorieuſes fur
lefquelles vous negocież
pour eux.
VospredeceffeursRoïaux
ont fouvent pouffé des guer
res avec fuccés , & la valeur
Angloife a été long - temps
fameuſe par toutes les na-
GALANT. 247
tions du monde : mais alors
les avantages qu'on en pouvoit tirer échapoient ordinairement en perdant le
temps propre de traiter , &
laiffant marcher d'autres
gens devant nous , pour tirer leurs propres avantages
de nôtre fang & de nôtre
argent. Mais à cette heure
nôtre nation tirera un grand
honneur fous la conduite
vigilante de V. M. & la prudence fera une partie de
nôtre caractere , auffi-bien
que le courage &la magnanimité.
X iiij
248 MERCURE
le
C'étoit une chofe digne
dujugement &de la fageffe
de V. M. de fçavoir quand
il faudroit arrefter
cours de vos victoires , de
peur de renverser l'équili
bre de vôtre pouvoir , dans
les pays étrangers que vous
avez travaillé à établir , ou
d'épuifer entierement la
fource de la puiffance dans
le Royaume , en la dépenfant trop prodigalement &
trop inégalement , pour faire gagner de vaſtes acquifitions à d'autres gens , &
en tirer peu de profit pour
nous.
GALANT. 249
L'établiſſement que vous
avez fait de la fucceffion à
ces Royaumes dans vos illuftres affinitez de la Maifon d'Hanover , & vôtre
pieux interêt pour les Proteftans d'Allemagne , qui
avoit été negligé dans un
traité fait ci- devant , exigent que vôtre ClergéVous
en remercie avec une particuliere reconnoiffance.
L'affermiffement & l'étenduë de nôtre commerce national dans toutes fes parties , que vous avez pouſſez
plus loin quela Grande Bre-
250 MERCURE
tagne n'en a jamais joüi ,
ni à quoy elle n'avoit jamais
auparavant aſpiré , excitent
une reconnoiffance univerfelle dans les cœurs de vôtre peuple , & le foin genereux que vous prenez de
vos alliez , en époufant vigoureuſement leurs juftes
interêts , & en leur procurant une barriere fuffifante,
rendra cette paix prochaifans doute Dieu
vous mettra en état de finir,
auffi generale & d'autant
d'étenduë que les limites
de l'Europe , & auſſi durane , que
GALANT 25¹
ble que les affaires humaines le peuvent permettre ;
de maniere qu'elle fera deformaisla gloire la plus brillante du regne heureux de
V. M. au-deffus des autres
lauriers que vous avez
cüeillis pendant une longue
guerre , accompagnée de
profperitez.
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Résumé : Adresse de l'Université de Cambridge à la Reine.
L'Université de Cambridge adresse une lettre à la Reine pour la féliciter de la perspective d'une paix honorable et avantageuse. L'Université souligne que la Reine détient le pouvoir incontestable de conclure la paix et que les intérêts de la nation reposent sur sa sagesse. Les négociations secrètes et les artifices employés ont révélé la bonté de la Reine et hâté la joie de ses sujets. La Reine a partagé les conditions glorieuses des négociations avec son peuple pour apaiser les fausses clameurs de l'envie et des factions. Les prédécesseurs royaux ont souvent mené des guerres avec succès, mais les avantages étaient souvent perdus en raison d'un mauvais timing. Sous la conduite vigilante de la Reine, la nation tirera un grand honneur grâce à la prudence, le courage et la magnanimité. La Reine a su arrêter le cours de ses victoires pour éviter de renverser l'équilibre de son pouvoir et d'épuiser la force du Royaume. La Reine a établi la succession des Royaumes dans la Maison d'Hanover et a montré un intérêt pieux pour les protestants d'Allemagne, négligés dans un traité précédent. Le clergé la remercie avec une particulière reconnaissance. L'affermissement et l'extension du commerce national, poussés plus loin que jamais, excitent une reconnaissance universelle. Le soin généreux que la Reine porte à ses alliés, en protégeant vigoureusement leurs justes intérêts, rendra cette paix prochaine durable et étendue, formant la gloire la plus brillante de son règne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 251-252
Réponse de la Reine.
Début :
Je reçois avec affection cette Adresse de ma bonne Université [...]
Mots clefs :
Réponse, Université de Cambridge, Intérêt protestant
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texteReconnaissance textuelle : Réponse de la Reine.
éponse de la Reine.
Je reçois avec affection
cette Adreſſe de ma bonne
Univerfité de Cambridge.
La joye que j'ai euë de
252 MERCURE
tant de victoires que Dieu
a données à nos forces , a
été afin qu'elles puffent procurer une bonne paix , &
j'eſpere qu'avec l'aide de
Dieu ce que je fais répondra à vôtre attente , puifque
ce fera une chofe avantageuſe à monpeuple , aſſurée
à nos alliez , & une force à
l'interêt Proteftant de toutes parts.
Je reçois avec affection
cette Adreſſe de ma bonne
Univerfité de Cambridge.
La joye que j'ai euë de
252 MERCURE
tant de victoires que Dieu
a données à nos forces , a
été afin qu'elles puffent procurer une bonne paix , &
j'eſpere qu'avec l'aide de
Dieu ce que je fais répondra à vôtre attente , puifque
ce fera une chofe avantageuſe à monpeuple , aſſurée
à nos alliez , & une force à
l'interêt Proteftant de toutes parts.
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3
p. 28-34
EXTRAIT de la vie du Professeur Saunderson, tiré d'un Journal anglois, qui a pour titre le Magazin du Gentilhomme.
Début :
Le pere de ce grand Mathématicien jouissoit d'un bien médiocre dans la [...]
Mots clefs :
Journal anglais, Nicholas Saunderson, Connaissances, Cambridge, Université, Aveugle, Université de Cambridge, Mathématiques, Mathématicien
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de la vie du Professeur Saunderson, tiré d'un Journal anglois, qui a pour titre le Magazin du Gentilhomme.
EXTRAIT de la vie du Profeffeur
Saunderson , tiré d'un Journal anglois
qui a pour titre le Magazin du Gentilhomme.
Ljuffit d'un bien médiocre dans la
E pere de ce grand Mathématicien
province d'York en Angleterre . Il eut
plufieurs enfans. Nicolas Saunderfon fut
l'aîné de tous ; il naquit au mois de
Janvier en 1682. A l'âge d'un an il fut
privé de la vûe par la petite vérole , &
fe trouva dans le cas d'un aveugle de
naiffance . Il ne lui reftoit pas la moindre
idée d'avoir jamais vû la lumiere ; il n'en
avoit aucune perception non plus que des
couleurs . On l'envoya de bonne heure aux
écoles des humanités , où il fit , en écoutant
les autres , un progrès des plus rapides.
Euclide , Archimede & Diophante
étoient les auteurs Grecs qu'il étudioit par
préférence en fe les faifant lire. Il apprit
de fon pere l'arithmétique , & fe trouva
bientôt en état de faire de pénibles calculs.
Il inventa , par la feule force de l'imagination
& de la mémoire , de nouvelles regles
pour réfoudre les problêmes de cette fcience
, faifant toutes les opérations avec auJUIN.
17553 29
tant de promptitude que de jufteffe.
C'eft ainfi que l'efprit actif & pénétrant ,
quand le malheur a fermé quelques- unes
de fes portes , redoublant d'effort & d'attention
, veille aux autres avenues de fes
connoiffances qu'il élargit , pour ainfi dire,
comme pour fe dédommager de fa perte.
Deux Gentilshommes du voisinage amis
de fa famille , enchantés des grands talens
de notre aveugle , fe firent un plaifir de
lui apprendre l'algébre & la géométrie.
Son pere , quelque zélé qu'il fût pour faire
cultiver de fi rares talens , étant chargé
d'une nombreuſe famille , ſe vit hors d'état
d'envoyer fon fils à l'Univerfité d'Oxford
ou de Cambridge : il prit donc le parti de
le mettre dans une petite Académie du
village d'Attercliff. Ayant bientôt épuisé
le fond des connoiffances de cette école ,
où il ne lui reftoit plus rien à apprendre ,
il fe retira dans la maifon paternelle . Ré
duit à fes propres reffources , il y continua
fes études, & à l'aide d'un lecteur qu'il avoit
inftruit lui -même , il y fit de nouveaux
progrès. Au bout de quelque tems , on
réfolut de l'envoyer à Cambridge pour y
profeffer la philofophie. Il y parut fous
un caractere fingulier , puifqu'il eft peutêtre
le feul qui foit entré pour la premiere
fois dans une Univerfité , non pour acque
Biij
30 MERCURE DE FRANCE.
7
rir , mais pour communiquer des connoiffances.
La Société charmée de l'acquifition d'un
fi bon fujet , lui affigna un appartement, lui
permit l'ufage de la bibliothèque , lui donna
un lecteur en conféquence , & l'adinit à tous
les privileges d'un Membre de l'Univerfité,
à l'exception du titre qu'il ne pouvoit prendre
, n'étant pas gradué . Malgré ces avantages
, il lui reftoit encore bien des difficultés
à furmonter : âgé de vingt - cinq ans
fans fortune , aveugle , & deſtiné à enfeigner
la philofophie en concurrence avec
M. Whifton , ce grand Mathématicien
qui occupoit une chaire dans la même
'Univerfité .
›
Toutes ces circonftances qui fembloient
devoir renverfer fon projet , en hâterent
au contraire le fuccès. Il dut fa fortune à
la générofité de M. Whifton , qui fe fit
une gloire de fervir ce nouveau concurrent.
M. Whifton réunifoit à un profond
fçavoir , à toutes les lumieres de l'efprit ,
les qualités du coeur qui rendent les grands
hommes encore plus refpectables , un heureux
naturel , beaucoup d'humanité , une
eftime & une amitié fincere pour ceux en
qui il voyoit le talent & les connoiffances
qui le diftinguoient fi fort lui -même. Loin
JUIN. T 1755.
3-1
de s'opposer aux deffeins de M. Saunderfon ,
comme il étoit de fon intérêt & en fon
pouvoir de le faire , il lui accorda non
feulement une permiffion expreffe de donner
des leçons de phyfique , mais il le feconda
encore de fon crédit dans toutes les
Joccafions.
A l'ouverture de fes leçons , il y vint
une telle affluence d'auditeurs qu'il en
étoit embarraffé lui - même . Il débuta pár
f'optique de Newton , effai auffi hardi que
fingulier dans un homme privé de la vie
prefqu'en naifant ; il falloit voir ce prodige
pour le croire.
Qu'un aveugle traite parfaitement des
fons , de leur nature & de leurs effets , cela
eft dans l'ordre ; mais qu'il raifonne en
philofophe fur les objets d'un fens qu'il
en'a pas , voilà qui tient du miracle . Il eft
cependant de notoriété publique qu'il expliquoit
les principes d'optique avec autant
de précifion que de clarté. A la fuite de ces
leçons , il procédoit régulierement aux
autres ouvrages de Newton, dont il devint
Pami particulier.
Peu de tems après , M. Whifton ayant
été remercié pour avoir refufé de remplir
certaines formalités , aufquelles fes principes
avoués d'arianifme ne lui permettoient
pas de fe foumettre , toutes les voix fe
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
réunirent en faveur de M. Saunderfon
pour occuper la place de ce grand philofophe.
Comme les ftatuts de l'Univerfité exigoient
dans un Profeffeur en titre le grade
de Maître- ès- Arts , on fit une démarche
fans exemple pour le lui faire déferer. Les
principaux de tous les Colleges , de l'aveu
& au nom du corps entier , préfenterent un
placet au Duc de Somerfet , pour lors
Chancelier. Ce Seigneur accompagné du
Chevalier Newton & d'autres perfonnes
de rang , s'étant rendu auprès de la Reine
Anne , obtint un ordre
pour faire expédier
à notre aveugle le grade requis , & il fut
en conféquence nommé & inſtallé Profeſfeur
de Mathématique au mois de Novembre
1711. Il fit à fa réception un difcours
plein d'efprit & d'élégance , le prononça
avec tant de nobleffe & de grace ,
qu'il eut l'applaudiffement univerfel. Il
finit ce difcours par l'éloge des mathématiques
qu'il mit bien au-deffus de toute
autre méthode de raifonner.
En 1723 il époufa la fille de M. Dickfon
, Miniftre-Curé de Bofworth dans le
Comté de Cambridge . De ce mariage il
eut un garçon & une fille , tous deux aujourd'hui
vivans.
En 1728 le Roi regnant , dans un
voyage fait à Newmarket , ayant honoré
JUIN. 1733 53
l'Univerfité d'une vifite , defira voir le
Profeffeur Saunderfon , qui s'étant rendu
aux ordres du Roi , l'accompagna au Sénat.
Là , par ordre exprès de Sa Majefté , & en
fa préfence , Saunderfon fut créé Docteurès-
Loix par le Chancelier en perfonne.
Il continua pendant onze ans à donner
des lecons qui le comblerent d'honneur &
de biens , & il mourut d'une gangrene au
pied le 11 Avril 1739 dans la 57 ° année
de fon âge.
Il étoit d'un tempéramment fort & vigoureux;
comme il aimoit paffionnément
l'exercice du cheval , il fuivoit une meutte
de chiens courans avec autant d'ardeur
que de péril pour fa perfonne . C'étoit &
à tous égards un homme de bonne compagnie.
Son difcours étoit toujours fi rempli
de traits relatifs aux objets de la vûe ,
qu'il faifoit prefque oublier qu'il fût aveugle.
Avec fes difciples , il étoit familier
& amufant ; mais lorsqu'on manquoit
de prêter à fes leçons l'attention qu'il
falloit , il s'emportoit à l'excès. Comme
les penfionnaires de qualité lui en don-:
noient de fréquens fujets , il dit un
jour tranſporté de colere : s'il me faut aller
en enfer , que pour mes péchés on m'y
condamne à donner des leçons de mathé
matiques aux jeunes Seigneurs penfion-
By
34 MERCURE DE FRANCE.
naires de l'Univerfité de Cambridge !
Il avoit imaginé plufieurs moyens pour
fuppléer au défaut de la vûe , entr'autres
une planche percée de trous . A la diſtance
égale d'un pouce , dans chaque trou étoit
une cheville. La ficelle qu'il faifoit aller à
fon gré autour de ces chevilles , lui traçoit
les figures dont il avoit befoin pour faire
fes démonftrations , & cette opération fe
faifoit en moins de tems & avec plus de
facilité que l'on ne la fait avec la plume
ou le crayon . Une feconde planche &
d'autres chevilles de grandeurs inégales ,
lui fervoient pour les opérations de calcul.
Il avoit l'oreille & le tact de la derniere
fineffe ; les moindres objets de ces deux
fens , imperceptibles à tout autre , étoient
pour lui très-fenfibles . Il diftinguoit la
cinquieme partie d'une note , jouoit de la
flûte admirablement bien ; il ne lui falloit
que frapper du pied fur le plancher , le
bruit lui fervoit de regle sûre pour donner
fur le champ toutes les dimenfions d'une
chambre , de quelque façon qu'elle fût conftruite.
Saunderson , tiré d'un Journal anglois
qui a pour titre le Magazin du Gentilhomme.
Ljuffit d'un bien médiocre dans la
E pere de ce grand Mathématicien
province d'York en Angleterre . Il eut
plufieurs enfans. Nicolas Saunderfon fut
l'aîné de tous ; il naquit au mois de
Janvier en 1682. A l'âge d'un an il fut
privé de la vûe par la petite vérole , &
fe trouva dans le cas d'un aveugle de
naiffance . Il ne lui reftoit pas la moindre
idée d'avoir jamais vû la lumiere ; il n'en
avoit aucune perception non plus que des
couleurs . On l'envoya de bonne heure aux
écoles des humanités , où il fit , en écoutant
les autres , un progrès des plus rapides.
Euclide , Archimede & Diophante
étoient les auteurs Grecs qu'il étudioit par
préférence en fe les faifant lire. Il apprit
de fon pere l'arithmétique , & fe trouva
bientôt en état de faire de pénibles calculs.
Il inventa , par la feule force de l'imagination
& de la mémoire , de nouvelles regles
pour réfoudre les problêmes de cette fcience
, faifant toutes les opérations avec auJUIN.
17553 29
tant de promptitude que de jufteffe.
C'eft ainfi que l'efprit actif & pénétrant ,
quand le malheur a fermé quelques- unes
de fes portes , redoublant d'effort & d'attention
, veille aux autres avenues de fes
connoiffances qu'il élargit , pour ainfi dire,
comme pour fe dédommager de fa perte.
Deux Gentilshommes du voisinage amis
de fa famille , enchantés des grands talens
de notre aveugle , fe firent un plaifir de
lui apprendre l'algébre & la géométrie.
Son pere , quelque zélé qu'il fût pour faire
cultiver de fi rares talens , étant chargé
d'une nombreuſe famille , ſe vit hors d'état
d'envoyer fon fils à l'Univerfité d'Oxford
ou de Cambridge : il prit donc le parti de
le mettre dans une petite Académie du
village d'Attercliff. Ayant bientôt épuisé
le fond des connoiffances de cette école ,
où il ne lui reftoit plus rien à apprendre ,
il fe retira dans la maifon paternelle . Ré
duit à fes propres reffources , il y continua
fes études, & à l'aide d'un lecteur qu'il avoit
inftruit lui -même , il y fit de nouveaux
progrès. Au bout de quelque tems , on
réfolut de l'envoyer à Cambridge pour y
profeffer la philofophie. Il y parut fous
un caractere fingulier , puifqu'il eft peutêtre
le feul qui foit entré pour la premiere
fois dans une Univerfité , non pour acque
Biij
30 MERCURE DE FRANCE.
7
rir , mais pour communiquer des connoiffances.
La Société charmée de l'acquifition d'un
fi bon fujet , lui affigna un appartement, lui
permit l'ufage de la bibliothèque , lui donna
un lecteur en conféquence , & l'adinit à tous
les privileges d'un Membre de l'Univerfité,
à l'exception du titre qu'il ne pouvoit prendre
, n'étant pas gradué . Malgré ces avantages
, il lui reftoit encore bien des difficultés
à furmonter : âgé de vingt - cinq ans
fans fortune , aveugle , & deſtiné à enfeigner
la philofophie en concurrence avec
M. Whifton , ce grand Mathématicien
qui occupoit une chaire dans la même
'Univerfité .
›
Toutes ces circonftances qui fembloient
devoir renverfer fon projet , en hâterent
au contraire le fuccès. Il dut fa fortune à
la générofité de M. Whifton , qui fe fit
une gloire de fervir ce nouveau concurrent.
M. Whifton réunifoit à un profond
fçavoir , à toutes les lumieres de l'efprit ,
les qualités du coeur qui rendent les grands
hommes encore plus refpectables , un heureux
naturel , beaucoup d'humanité , une
eftime & une amitié fincere pour ceux en
qui il voyoit le talent & les connoiffances
qui le diftinguoient fi fort lui -même. Loin
JUIN. T 1755.
3-1
de s'opposer aux deffeins de M. Saunderfon ,
comme il étoit de fon intérêt & en fon
pouvoir de le faire , il lui accorda non
feulement une permiffion expreffe de donner
des leçons de phyfique , mais il le feconda
encore de fon crédit dans toutes les
Joccafions.
A l'ouverture de fes leçons , il y vint
une telle affluence d'auditeurs qu'il en
étoit embarraffé lui - même . Il débuta pár
f'optique de Newton , effai auffi hardi que
fingulier dans un homme privé de la vie
prefqu'en naifant ; il falloit voir ce prodige
pour le croire.
Qu'un aveugle traite parfaitement des
fons , de leur nature & de leurs effets , cela
eft dans l'ordre ; mais qu'il raifonne en
philofophe fur les objets d'un fens qu'il
en'a pas , voilà qui tient du miracle . Il eft
cependant de notoriété publique qu'il expliquoit
les principes d'optique avec autant
de précifion que de clarté. A la fuite de ces
leçons , il procédoit régulierement aux
autres ouvrages de Newton, dont il devint
Pami particulier.
Peu de tems après , M. Whifton ayant
été remercié pour avoir refufé de remplir
certaines formalités , aufquelles fes principes
avoués d'arianifme ne lui permettoient
pas de fe foumettre , toutes les voix fe
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
réunirent en faveur de M. Saunderfon
pour occuper la place de ce grand philofophe.
Comme les ftatuts de l'Univerfité exigoient
dans un Profeffeur en titre le grade
de Maître- ès- Arts , on fit une démarche
fans exemple pour le lui faire déferer. Les
principaux de tous les Colleges , de l'aveu
& au nom du corps entier , préfenterent un
placet au Duc de Somerfet , pour lors
Chancelier. Ce Seigneur accompagné du
Chevalier Newton & d'autres perfonnes
de rang , s'étant rendu auprès de la Reine
Anne , obtint un ordre
pour faire expédier
à notre aveugle le grade requis , & il fut
en conféquence nommé & inſtallé Profeſfeur
de Mathématique au mois de Novembre
1711. Il fit à fa réception un difcours
plein d'efprit & d'élégance , le prononça
avec tant de nobleffe & de grace ,
qu'il eut l'applaudiffement univerfel. Il
finit ce difcours par l'éloge des mathématiques
qu'il mit bien au-deffus de toute
autre méthode de raifonner.
En 1723 il époufa la fille de M. Dickfon
, Miniftre-Curé de Bofworth dans le
Comté de Cambridge . De ce mariage il
eut un garçon & une fille , tous deux aujourd'hui
vivans.
En 1728 le Roi regnant , dans un
voyage fait à Newmarket , ayant honoré
JUIN. 1733 53
l'Univerfité d'une vifite , defira voir le
Profeffeur Saunderfon , qui s'étant rendu
aux ordres du Roi , l'accompagna au Sénat.
Là , par ordre exprès de Sa Majefté , & en
fa préfence , Saunderfon fut créé Docteurès-
Loix par le Chancelier en perfonne.
Il continua pendant onze ans à donner
des lecons qui le comblerent d'honneur &
de biens , & il mourut d'une gangrene au
pied le 11 Avril 1739 dans la 57 ° année
de fon âge.
Il étoit d'un tempéramment fort & vigoureux;
comme il aimoit paffionnément
l'exercice du cheval , il fuivoit une meutte
de chiens courans avec autant d'ardeur
que de péril pour fa perfonne . C'étoit &
à tous égards un homme de bonne compagnie.
Son difcours étoit toujours fi rempli
de traits relatifs aux objets de la vûe ,
qu'il faifoit prefque oublier qu'il fût aveugle.
Avec fes difciples , il étoit familier
& amufant ; mais lorsqu'on manquoit
de prêter à fes leçons l'attention qu'il
falloit , il s'emportoit à l'excès. Comme
les penfionnaires de qualité lui en don-:
noient de fréquens fujets , il dit un
jour tranſporté de colere : s'il me faut aller
en enfer , que pour mes péchés on m'y
condamne à donner des leçons de mathé
matiques aux jeunes Seigneurs penfion-
By
34 MERCURE DE FRANCE.
naires de l'Univerfité de Cambridge !
Il avoit imaginé plufieurs moyens pour
fuppléer au défaut de la vûe , entr'autres
une planche percée de trous . A la diſtance
égale d'un pouce , dans chaque trou étoit
une cheville. La ficelle qu'il faifoit aller à
fon gré autour de ces chevilles , lui traçoit
les figures dont il avoit befoin pour faire
fes démonftrations , & cette opération fe
faifoit en moins de tems & avec plus de
facilité que l'on ne la fait avec la plume
ou le crayon . Une feconde planche &
d'autres chevilles de grandeurs inégales ,
lui fervoient pour les opérations de calcul.
Il avoit l'oreille & le tact de la derniere
fineffe ; les moindres objets de ces deux
fens , imperceptibles à tout autre , étoient
pour lui très-fenfibles . Il diftinguoit la
cinquieme partie d'une note , jouoit de la
flûte admirablement bien ; il ne lui falloit
que frapper du pied fur le plancher , le
bruit lui fervoit de regle sûre pour donner
fur le champ toutes les dimenfions d'une
chambre , de quelque façon qu'elle fût conftruite.
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Résumé : EXTRAIT de la vie du Professeur Saunderson, tiré d'un Journal anglois, qui a pour titre le Magazin du Gentilhomme.
Nicolas Saunderson, mathématicien aveugle, naquit en janvier 1682 dans la province d'York en Angleterre. À l'âge d'un an, il perdit la vue à cause de la petite vérole, ne connaissant jamais la lumière ou les couleurs. Malgré ce handicap, il fit des progrès rapides en mathématiques, apprenant l'arithmétique de son père et étudiant les œuvres d'Euclide, Archimède et Diophante. Il inventa des méthodes pour résoudre des problèmes mathématiques en utilisant son imagination et sa mémoire. Deux gentilshommes voisins, impressionnés par ses talents, lui enseignèrent l'algèbre et la géométrie. En raison de la situation financière de sa famille, Saunderson fut envoyé dans une petite académie à Attercliff, où il épuisa rapidement les connaissances disponibles. Il retourna ensuite chez ses parents et continua ses études avec l'aide d'un lecteur formé par lui-même. En 1711, il fut envoyé à l'Université de Cambridge pour enseigner la philosophie. Bien qu'il ne puisse obtenir le titre de gradué, il fut accueilli favorablement et reçut divers privilèges. Saunderson dut affronter plusieurs difficultés, notamment la concurrence avec le mathématicien M. Whifton. Ce dernier, admirant ses talents, l'aida à obtenir une permission pour donner des leçons de physique. Ses cours attirèrent une grande affluence et il devint un expert des œuvres de Newton. En 1711, après le départ de M. Whifton, Saunderson fut nommé professeur de mathématiques à Cambridge. Il se maria en 1723 et eut deux enfants. En 1728, il fut créé Docteur ès-Lois en présence du roi. Saunderson continua d'enseigner pendant onze ans avant de mourir d'une gangrène au pied le 11 avril 1739, à l'âge de 57 ans. Il était connu pour son tempérament vigoureux et son amour pour l'exercice. Il inventa des moyens pour suppléer à son handicap, comme des planches percées de trous pour tracer des figures et effectuer des calculs. Son oreille et son tact extrêmement sensibles lui permettaient de distinguer des sons et des dimensions imperceptibles pour d'autres.
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