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1
p. 26-46
A MADAME la Marquise de **
Début :
Le Vendredy premier jour de l'An, les Comédiens de l'Hôtel / Puis que vous souhaitez, Madame, que je vous mande des [...]
Mots clefs :
Hôtel de Bourgogone, Phèdre, Théâtre français et italien, Opéra, Corneille, Racine, Lully, Banboches, Quinault, Habits
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texteReconnaissance textuelle : A MADAME la Marquise de **
Le Vendredy premier
jour def An, les Comédiens
de l Hôtel de Bourgogne
donnèrent la première Reprefentation de la Phedre
deMonfieur Racine; &le
Dimanche fuivanr, ceux de
la Troupe du Roy luy oppoferent la Phedre de
Monfieur Pradon. Je croy
ne pouvoir mieux entretenir le Public, qu’en luy fai-
G A L A N T . i?
fant part d’une Lettre qui
m ’eft tombée entre les
mains, adreïfée à une Perfonne de qualité, par laquelle onluy rend compte
non feulement de ces deux
Pièces, mais de tout ce qui
a paru fur le. Theatre François & Italien, depuis ce
commencement de l’Année jufques à la fin du Carnaval.
*■ •
Cii
lP |U is que vous fouhai-
| tez, Madame, que je
vous mande des nouvelles
de tout ce qui a paru de
nouveau au Theatre depuis le premier de Janvier,
je vous parleray d ’abord
des deux Phedres : Elles
ont fait icy beaucoup de
bruit, & j’ay peine à concevoir d ’où vient qu’on
G A L A N T . 19
i s eft'avifé d’en vouloir juger par comparaifon de
l’une à l’autre, puis quelles
n’ont rien de commun que
le nom des Perfonnages
■ qu’on y fait encrer j car je
tiens qu’il y a une fore
grande dife'rence à faire, O
de Phedre amoureule du
Fils de fon Mary, & de
Phedre qui aime feulement
le Fils de celuy quelle n’a
pas encor époufë. Il eft fi
naturel de préférer un jeune Prince à un Roy qui en
eft le Pere, que pour peindre la paflian de l’une, on
, C iij .
*
jo LE MERCURE
n’a befoin que de fuivre le
train ordinaire des chofes;
c’elt un Tableau dont les
couleurs font faciles à trouver, & on n’eft point embarafle fur le choix des ombres qui le doivent adoucir:
mais quand il faut reprefenter une Femme qui n’envifageant fon amour qu’avec horreur, oppofe fans
celTe le nom de Belle-mere • * •
à celuy d’Amante, qui dételle fa paflîon, & ne lailfe
pas de s’y abandonner par
la force de la deftinée, qui
vou droit fe cacher à elle-
GALANT. 31
mefme ce qu’elle fcnt, &
ne foufre qu’on luy en arrache le fecret que dans le
temps où elle fe voit prefte
d’expirer-, c’eft ce qui demande l’adrefle d’un grand
Maiftre ; & ces chofesfont
tellement eflentielles au
Sujet d’Hippoly te,que c’eft
ne l’avoir pas traité, que
d’avoir éloigné l’image de
l ’amour inceftucux qu’il
faloit neceflairement faire
paroiftre. Ainfi, Madame,
je ne voy point qu’on ait
eu aucune raifon d’exami-
. ner laquelle des deux Pie-
3
i LE MERCURE
ces intérefte plus agréablement l’Auditeur, puis qu’
elles n ’ont aucun raport
cnfemble du cofté de la
principale matière. 11 eft
vray qu’il n’y a pas la mefme horreur dans le Sujet de
la Phèdre du Fauxbourg
S.Germain; mais, comme
je vous ay déjà dir, ce n’eft
pas le véritable Sujet que
1Autheur de cette derniere
a traité; & puis qu’il s’eft
permis d’y changer ce qu’il
y avoit de plus eflentiel, il
eft d’autant plus refponfàble de tout ce qui a pii
G A L A N T . 55.
blefTer les délicats. Vous
jugerez vous-mefme du
relie par la leélure de ces
deux Pièces qu’on achevé
d’imprimer, &que je vous
envoîray la Semaine prochaine. Je ne doy pas oublier de vous dire qu’on a
fait revivre une Piece dont
vous n’oliez dire il y a cinq
ou Cix ans tout le bien que
vous en pendez, à caufe de
certaines chofes qui bleffoient la délicatefle des
Scrupuleux : Elle en eft à
prefent tout-à-fait purgée,
& au lieu quelle eftoic en
j4 LE MERCURE
Proie, elle a efté mife eh
Vers d’une maniéré qui a
fait dire qu’elle n’a rien
perdu des beautez de fon
Original, qui mefmes y en
a fait trouver denouvelles.
Vous voyez bien que c’cft
du Fcftin de Pierre du fameux Moliere donc je vous
parle. Il a efté extraordinairement fuivy pendant
lesfix Reprefentations qui
en ont efté données -, & il
auroit efté fans-doute fort
loin, fi les Comédiens qui
font plus religieux qu’on ne
les veut faire croire, n’cufi
G A L A N T . 35
fentpas pris d’eux-mefmes
la Publication du Jubilé
pour un Ordre de feïmer
le Theatre. Le grand fuccés de cette Piece eft un
effet de la prudence de
Monfîéur de Corneille le
jeune, qui en a fait les Vers,
& qui n’y a mis que des
Scenes agréables en la
place de celles qu’il en a
retranchées. Il me fouvient, Madame, que vous
m’avez autrefois demandé
pourquoy cette Piece s’appelloit le Feftin de Pierre,
n’y trouvant rien qui con-
5
6 LE MERCURE
vinft parfaitement à ce titre. Vous aviez fujet de
foûtenir qu’il n’y avoir pas
d ’apparence que ce fut
parce que le Commandeur
tué par D. Juan fe nommoit D.Pedre,ou D.Pierre.
Un Cavalier qui a fait le
Voyage d’Efpagne, m’en
apprit il y a quelques jours
la véritable raifon. C’eft là
qu’il prétend que cette
Avanture foit arrivée, <5c
on y voit encor (dit-il) les
relies de la Statue du Commandeur ; mais cela ne
conclud pas qu’il foit vray. .
V
G A L A N T .
que cette Statue ait remué
la telle, & quelle ait efté
fe mettre à table chez le
D. Juan de la Comédie,
comme on l’aifure en Efpagne. Ce qu’il y a de certain, c’eft que les Elpagnols font les premiers qui
ont mis ce Sujet fur le
Theatre, & que Tirfo de
Molinaqui l’a traité, l’a intitulé , El Combidado de
Picdra,, ce qui a efté malrendu en noftre Langue par
Le Pefiin de Pierre ; ces paroles ne lignifiant rien autre chofe que le Convié de
9
$8 LE MERCURE
Pierre, c’eft à dire la Statué
de marbre convie'e à un
Repas. Apres vous avoir
parlé des Efpagnols, jedoy
vous dire deux mots des
Italiens: Ils nous ont donné cet Hyver trente Reprefentations d ’une fort
agréable Comédie, qui a
pour titre, Scaramouche
& Arlequin , Juifs errans
de Babylone : Elle eft de
l ’invention de Monfieur
de S... Autheur desTrompeurs trompez. Elle a
non feulement ,fait rire le
Peuple, mais elle a attiré
G A L A N T . 39
en foule toute la Cour, qui
fembloit ne fe pouvoir laffer de s’y venir divertir. Je
croy qu’on ne peut rien
dire de plus avantageux
pour cette Piece: Elle finit
par un Récit qu’Arlequin
fait d’une manière fi a^rea-.
ble & fi divertiflante, que
tous ceux qui l ’ont oüy
font demeurez d ’accord,
que ce n’eft pas fans raifon
que ce merveilleux Auteur
attire tous les jours tant de
monde au Theatre Italien.
11 ne me refte plus qu’à
vous parler de celuy qu’on
4
■4
o LE MERCURE
a nouvellement ouvert au
'M arais, dont les Aéteurs
font appeliez Banboches.
Ce mot eft dans la bouche
de bien des Gens qui n’en
Fçavent pas l’origine. Banboche eft le nom d’un fameux Peintre qui ne faifoit que de petites Figures
quelesCuricux appelloient
des Banboches-, & il fut
donné depuis indifércmment à toutes les petites
Figures de quelque Peintre
qu’elles fuffent. Je n’ay
encor rien à vous dire de<
celles du Marais-, mais
- G A L A N T . 4
i
peut-eftre que fi on les laiC
foie croiftre, elles feroient
parler d’elles : elles fe fonc
déjà perfectionnées, elles
ne dançent pas mal, mais
elles chantent trop haut
pour pouvoir chanter bien
longtemps .; & fi on devient confidérable quand
on commence à fe faire
craindre, il faut quelles
ayent plus de mérité que
le Peuple de Paris ne leur
-en a crû : mais tout fait
ombrage à qui veut regner
feul ; cependant il-eft trescertain que lors qu’on^raI D
41 LE MERCURE
vaille trop ouvertement à
détruire de méchantes chofes, on les fait toujours
réüftir.
( L’Opéra eftant en France fur le pied de la Comédie , & les fuccés de tous
ceux qu’on nous donne de
nouveaux, n’eftans grands
que félon qu’ils ont plus ou
moins de beautez, je ne
doy pas oublier de vousdire
quliïs Opéra nouveau a
efté reprefenréà S.Germain
pendant unèpartie duCarnaval. Si cet Ouvrage meritelfeuelaue sloire, elle eft uelque gloire, elle eft
•*
*• •
G A L A N T . 45
deuë à Monfieur Quinaut.
Le Sujet & les Vers de cette
Tragédie font dignesde cet
illuftre Autheur, & ne luy
ont point fait perdre la réputation qu’il s’eft acquife.
Monfieur de Lully en afaic
laMufique; il ne peut être
comparé à perfonne, puis
qu’il eft le feul dont on en
voitaujourd’huy en France,
Je ne parle point de la
beauté de ce dernier Ouvrage de là compofition-,
Ion génie eft fi connu, qu’il
a fait oublier celuy de tous
les autresj je m’arrefte à
44 LE mercure
ce que la Cour en a die.
Elle eft fi éclairée, que je
fuis perfuadé que perfonne
ne doit appeller de fon jugement. Le grand nombre
d ’Inftrumens touchez par
les meilleurs Maiftres de
France, a fait trouver des
beautez dans la fymphonie
de cet Opéra, & il eft impoffible que tant d’Inftrumens entre les mains de
tant d’excellens Hommes
ne produifenr pas toujours
cet effet. Les Habits ont
efté trouvez admirables,
ioit pour ce qui regarde la
G A L A N T . 4 ;
richeïfe, foie pour ce qui
regarde l’invention, & ils
ont fait un des plus beaux
ornemens de ce Spéétacle.
Monfieur Berain qui poffede prefentement la Charge de feu Monfieur Je fia y
Deflig nateur du Roy, en
avoit donné les deïTeins,
ainfi que des Coeffures.
Les Habits des Opéra de
Thefée & d’Atis font auffi
de fon invention. Meilleurs
Beauchamps& Dolivet,qui
qui depuis plufieurs années
font toutes les Entrées des
Baie ts du Roy, ont travaillé
46 LE MERCURE
à leur ordinaire pour ce
dernier, ceft à dire tresbien. Les beautez de cet
Opéra n’ont point fait perdre au Roy & à toute la
Cour le fouvenir des iniimitables Tragédies de M.
de Corneille l’aîné, qui fu>
rent reprefentées à Verfailles pendant l’Automne
dernier. Je vous envoyé la
Copie que vous m’avez demandée des Vers que fit
cet illuftre Authcur pour
en remercier Sa Majefté.
Je fuis, Madame, &c
jour def An, les Comédiens
de l Hôtel de Bourgogne
donnèrent la première Reprefentation de la Phedre
deMonfieur Racine; &le
Dimanche fuivanr, ceux de
la Troupe du Roy luy oppoferent la Phedre de
Monfieur Pradon. Je croy
ne pouvoir mieux entretenir le Public, qu’en luy fai-
G A L A N T . i?
fant part d’une Lettre qui
m ’eft tombée entre les
mains, adreïfée à une Perfonne de qualité, par laquelle onluy rend compte
non feulement de ces deux
Pièces, mais de tout ce qui
a paru fur le. Theatre François & Italien, depuis ce
commencement de l’Année jufques à la fin du Carnaval.
*■ •
Cii
lP |U is que vous fouhai-
| tez, Madame, que je
vous mande des nouvelles
de tout ce qui a paru de
nouveau au Theatre depuis le premier de Janvier,
je vous parleray d ’abord
des deux Phedres : Elles
ont fait icy beaucoup de
bruit, & j’ay peine à concevoir d ’où vient qu’on
G A L A N T . 19
i s eft'avifé d’en vouloir juger par comparaifon de
l’une à l’autre, puis quelles
n’ont rien de commun que
le nom des Perfonnages
■ qu’on y fait encrer j car je
tiens qu’il y a une fore
grande dife'rence à faire, O
de Phedre amoureule du
Fils de fon Mary, & de
Phedre qui aime feulement
le Fils de celuy quelle n’a
pas encor époufë. Il eft fi
naturel de préférer un jeune Prince à un Roy qui en
eft le Pere, que pour peindre la paflian de l’une, on
, C iij .
*
jo LE MERCURE
n’a befoin que de fuivre le
train ordinaire des chofes;
c’elt un Tableau dont les
couleurs font faciles à trouver, & on n’eft point embarafle fur le choix des ombres qui le doivent adoucir:
mais quand il faut reprefenter une Femme qui n’envifageant fon amour qu’avec horreur, oppofe fans
celTe le nom de Belle-mere • * •
à celuy d’Amante, qui dételle fa paflîon, & ne lailfe
pas de s’y abandonner par
la force de la deftinée, qui
vou droit fe cacher à elle-
GALANT. 31
mefme ce qu’elle fcnt, &
ne foufre qu’on luy en arrache le fecret que dans le
temps où elle fe voit prefte
d’expirer-, c’eft ce qui demande l’adrefle d’un grand
Maiftre ; & ces chofesfont
tellement eflentielles au
Sujet d’Hippoly te,que c’eft
ne l’avoir pas traité, que
d’avoir éloigné l’image de
l ’amour inceftucux qu’il
faloit neceflairement faire
paroiftre. Ainfi, Madame,
je ne voy point qu’on ait
eu aucune raifon d’exami-
. ner laquelle des deux Pie-
3
i LE MERCURE
ces intérefte plus agréablement l’Auditeur, puis qu’
elles n ’ont aucun raport
cnfemble du cofté de la
principale matière. 11 eft
vray qu’il n’y a pas la mefme horreur dans le Sujet de
la Phèdre du Fauxbourg
S.Germain; mais, comme
je vous ay déjà dir, ce n’eft
pas le véritable Sujet que
1Autheur de cette derniere
a traité; & puis qu’il s’eft
permis d’y changer ce qu’il
y avoit de plus eflentiel, il
eft d’autant plus refponfàble de tout ce qui a pii
G A L A N T . 55.
blefTer les délicats. Vous
jugerez vous-mefme du
relie par la leélure de ces
deux Pièces qu’on achevé
d’imprimer, &que je vous
envoîray la Semaine prochaine. Je ne doy pas oublier de vous dire qu’on a
fait revivre une Piece dont
vous n’oliez dire il y a cinq
ou Cix ans tout le bien que
vous en pendez, à caufe de
certaines chofes qui bleffoient la délicatefle des
Scrupuleux : Elle en eft à
prefent tout-à-fait purgée,
& au lieu quelle eftoic en
j4 LE MERCURE
Proie, elle a efté mife eh
Vers d’une maniéré qui a
fait dire qu’elle n’a rien
perdu des beautez de fon
Original, qui mefmes y en
a fait trouver denouvelles.
Vous voyez bien que c’cft
du Fcftin de Pierre du fameux Moliere donc je vous
parle. Il a efté extraordinairement fuivy pendant
lesfix Reprefentations qui
en ont efté données -, & il
auroit efté fans-doute fort
loin, fi les Comédiens qui
font plus religieux qu’on ne
les veut faire croire, n’cufi
G A L A N T . 35
fentpas pris d’eux-mefmes
la Publication du Jubilé
pour un Ordre de feïmer
le Theatre. Le grand fuccés de cette Piece eft un
effet de la prudence de
Monfîéur de Corneille le
jeune, qui en a fait les Vers,
& qui n’y a mis que des
Scenes agréables en la
place de celles qu’il en a
retranchées. Il me fouvient, Madame, que vous
m’avez autrefois demandé
pourquoy cette Piece s’appelloit le Feftin de Pierre,
n’y trouvant rien qui con-
5
6 LE MERCURE
vinft parfaitement à ce titre. Vous aviez fujet de
foûtenir qu’il n’y avoir pas
d ’apparence que ce fut
parce que le Commandeur
tué par D. Juan fe nommoit D.Pedre,ou D.Pierre.
Un Cavalier qui a fait le
Voyage d’Efpagne, m’en
apprit il y a quelques jours
la véritable raifon. C’eft là
qu’il prétend que cette
Avanture foit arrivée, <5c
on y voit encor (dit-il) les
relies de la Statue du Commandeur ; mais cela ne
conclud pas qu’il foit vray. .
V
G A L A N T .
que cette Statue ait remué
la telle, & quelle ait efté
fe mettre à table chez le
D. Juan de la Comédie,
comme on l’aifure en Efpagne. Ce qu’il y a de certain, c’eft que les Elpagnols font les premiers qui
ont mis ce Sujet fur le
Theatre, & que Tirfo de
Molinaqui l’a traité, l’a intitulé , El Combidado de
Picdra,, ce qui a efté malrendu en noftre Langue par
Le Pefiin de Pierre ; ces paroles ne lignifiant rien autre chofe que le Convié de
9
$8 LE MERCURE
Pierre, c’eft à dire la Statué
de marbre convie'e à un
Repas. Apres vous avoir
parlé des Efpagnols, jedoy
vous dire deux mots des
Italiens: Ils nous ont donné cet Hyver trente Reprefentations d ’une fort
agréable Comédie, qui a
pour titre, Scaramouche
& Arlequin , Juifs errans
de Babylone : Elle eft de
l ’invention de Monfieur
de S... Autheur desTrompeurs trompez. Elle a
non feulement ,fait rire le
Peuple, mais elle a attiré
G A L A N T . 39
en foule toute la Cour, qui
fembloit ne fe pouvoir laffer de s’y venir divertir. Je
croy qu’on ne peut rien
dire de plus avantageux
pour cette Piece: Elle finit
par un Récit qu’Arlequin
fait d’une manière fi a^rea-.
ble & fi divertiflante, que
tous ceux qui l ’ont oüy
font demeurez d ’accord,
que ce n’eft pas fans raifon
que ce merveilleux Auteur
attire tous les jours tant de
monde au Theatre Italien.
11 ne me refte plus qu’à
vous parler de celuy qu’on
4
■4
o LE MERCURE
a nouvellement ouvert au
'M arais, dont les Aéteurs
font appeliez Banboches.
Ce mot eft dans la bouche
de bien des Gens qui n’en
Fçavent pas l’origine. Banboche eft le nom d’un fameux Peintre qui ne faifoit que de petites Figures
quelesCuricux appelloient
des Banboches-, & il fut
donné depuis indifércmment à toutes les petites
Figures de quelque Peintre
qu’elles fuffent. Je n’ay
encor rien à vous dire de<
celles du Marais-, mais
- G A L A N T . 4
i
peut-eftre que fi on les laiC
foie croiftre, elles feroient
parler d’elles : elles fe fonc
déjà perfectionnées, elles
ne dançent pas mal, mais
elles chantent trop haut
pour pouvoir chanter bien
longtemps .; & fi on devient confidérable quand
on commence à fe faire
craindre, il faut quelles
ayent plus de mérité que
le Peuple de Paris ne leur
-en a crû : mais tout fait
ombrage à qui veut regner
feul ; cependant il-eft trescertain que lors qu’on^raI D
41 LE MERCURE
vaille trop ouvertement à
détruire de méchantes chofes, on les fait toujours
réüftir.
( L’Opéra eftant en France fur le pied de la Comédie , & les fuccés de tous
ceux qu’on nous donne de
nouveaux, n’eftans grands
que félon qu’ils ont plus ou
moins de beautez, je ne
doy pas oublier de vousdire
quliïs Opéra nouveau a
efté reprefenréà S.Germain
pendant unèpartie duCarnaval. Si cet Ouvrage meritelfeuelaue sloire, elle eft uelque gloire, elle eft
•*
*• •
G A L A N T . 45
deuë à Monfieur Quinaut.
Le Sujet & les Vers de cette
Tragédie font dignesde cet
illuftre Autheur, & ne luy
ont point fait perdre la réputation qu’il s’eft acquife.
Monfieur de Lully en afaic
laMufique; il ne peut être
comparé à perfonne, puis
qu’il eft le feul dont on en
voitaujourd’huy en France,
Je ne parle point de la
beauté de ce dernier Ouvrage de là compofition-,
Ion génie eft fi connu, qu’il
a fait oublier celuy de tous
les autresj je m’arrefte à
44 LE mercure
ce que la Cour en a die.
Elle eft fi éclairée, que je
fuis perfuadé que perfonne
ne doit appeller de fon jugement. Le grand nombre
d ’Inftrumens touchez par
les meilleurs Maiftres de
France, a fait trouver des
beautez dans la fymphonie
de cet Opéra, & il eft impoffible que tant d’Inftrumens entre les mains de
tant d’excellens Hommes
ne produifenr pas toujours
cet effet. Les Habits ont
efté trouvez admirables,
ioit pour ce qui regarde la
G A L A N T . 4 ;
richeïfe, foie pour ce qui
regarde l’invention, & ils
ont fait un des plus beaux
ornemens de ce Spéétacle.
Monfieur Berain qui poffede prefentement la Charge de feu Monfieur Je fia y
Deflig nateur du Roy, en
avoit donné les deïTeins,
ainfi que des Coeffures.
Les Habits des Opéra de
Thefée & d’Atis font auffi
de fon invention. Meilleurs
Beauchamps& Dolivet,qui
qui depuis plufieurs années
font toutes les Entrées des
Baie ts du Roy, ont travaillé
46 LE MERCURE
à leur ordinaire pour ce
dernier, ceft à dire tresbien. Les beautez de cet
Opéra n’ont point fait perdre au Roy & à toute la
Cour le fouvenir des iniimitables Tragédies de M.
de Corneille l’aîné, qui fu>
rent reprefentées à Verfailles pendant l’Automne
dernier. Je vous envoyé la
Copie que vous m’avez demandée des Vers que fit
cet illuftre Authcur pour
en remercier Sa Majefté.
Je fuis, Madame, &c
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Résumé : A MADAME la Marquise de **
Le 1er janvier, les Comédiens de l'Hôtel de Bourgogne présentèrent la première représentation de 'Phèdre' de Jean Racine. La Troupe du Roi opposa, le dimanche suivant, sa propre version de 'Phèdre', écrite par Pradon. Une lettre adressée à une personne de qualité rend compte de ces deux pièces et des spectacles sur les théâtres français et italien depuis le début de l'année jusqu'à la fin du carnaval. La lettre souligne les différences entre les deux 'Phèdre'. La pièce de Racine met en scène une Phèdre amoureuse du fils de son mari, tandis que celle de Pradon présente une Phèdre aimant le fils d'un homme qu'elle n'a pas encore épousé. L'auteur de la lettre estime que traiter le sujet d'une femme qui lutte contre ses sentiments incestueux nécessite un grand maître, critiquant Pradon pour n'avoir pas abordé ce thème de manière adéquate. La lettre mentionne également la réapparition du 'Festin de Pierre' de Molière, réécrit en vers par Corneille le jeune. Cette version a supprimé certaines scènes délicates. La pièce a été très bien accueillie, mais sa représentation a été interrompue à cause du Jubilé. L'auteur explique l'origine du titre 'Festin de Pierre' et mentionne des représentations à Versailles pendant l'automne précédent.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 74-81
Discours sur la Preface de la Phedre du Sieur Pradon. [titre d'après la table]
Début :
Monsieur Racine est toûjours Monsieur Racine, & ses Vers sont [...]
Mots clefs :
Phèdre, Racine, Pradon, Hôtel de Bourgogone, Théâtre
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texteReconnaissance textuelle : Discours sur la Preface de la Phedre du Sieur Pradon. [titre d'après la table]
Monfieur Racine eſt toûjours Monfieur Racine , &ſes Vers font trop beaux pour ne pas donnerà la lecture le meſme plaifir qu'ils donnent à les en- GALANT. 57 tendre reciterauTheatre.Pour Monfieur Pradon , il avouë qu'ayant eſté obligé de faire ſa Piece en trois mois , il n'a pas eu le temps d'en polir les Vers avec tout le ſoin qu'il y auroit apporté ſans cela. C'eſt une negligence forcée, qu'ap- paremmentil n'aura pas dans le premier Ouvrage qu'il fera paroiſtre ; mais il n'eſt pas af- LuréquecetOuvrage,quelque achevé qu'il nous le donne , ait un ſuccésauſſi avantageux quel'a eu ſon Hippolyte. Ily a des occurrences , qui felon qu'elles font plus ou moins favorables ,augmententoudiminuent les prixdes choses; &ie tiens que le ſecret de faire reüſſir celles de cette nature , c'eſt d'é faire parlerbeaucoup; Cv 38 LE MERCURE quand meſme on n'en feroit dire que du mal. Le bruit qui s'en répand excite une curio- fité qui attire de grandes af- femblées ; & comme le peuple ſe perfuade que les Pieces qui font ſuiviesdoiventeſtre bonnes , nous en avons veu quel- quefois de tres- heureuſes qui n'ont pas eu l'approbation des connoiffeurs. Ce que je vous dis, Madame,eſt une choſe ge- nerale , & mon deſſein n'eft pas de parler de celle de Monfieur Pradon. Quant à ſa Pre- face , dont vous voulez abſolument que ie vous réde com- pte , ie connois beaucoup de gens à qui elle plaît : il y enja mêmequi la trouvent brillace juſqu'à ébloüir, malgré tout ce qu'oppoſent certainsCritiques. GALANT. 59 difficiles à fatisfaire , qui ne- ſcauroient fouffrir qu'il s'ex cuſe ſur ce qu'Euripide n'a point fait le proceza Seneque, ny Seneque à Garnier , pour avoir traité la même matiere , àcauſe, diſent- ils, que ces Poëtes ont vécu dans des fiecles fort éloignez les uns des aur tres, & qu'il eſt inouy que per- fonne foit encor revenu de l'autre monde pourſe plaindre des injustices qu'onluya faites apres ſa mort; mais quandils auroiét vécu enſemble,quand ils auroient fait repreſenter. deuxHippolytes en un même. iour,cesCritiquestrop fcrupu leux ne prenent pas garde que Garnier & Seneque nedevant pas le fuccésde leurs premiers Ouvrages àceuxdot- ilsſeblent 60 LE MERCURE avoir doublé le ſujet , ont pû faire tout ce qu'il leur a plû, fans donner lieu qu'on les ac- cuſaſt de manquer de recon- noiſſance; & d'ailleurs comme on fait toûjours honneur à ceuxdont on met les Ouvrages enune autreLangue, ſi Eu- ripide avoit eu la liberté de fortir d'où il eſt pour venir trouver Seneque, il ne l'auroit fait que pour le remercierd'a- voir donné en Latin ce qu'il avoit composé en Grec;& fur cet exemple,j'ay entendudire àdes AmisdeMonfieur Racine, qu'il ſe feroit tenu tres re- devable à Monfieur Pradon , s'il avoit fait joüen en Italien, l'Hippolyte qui nous a eſté donnéen noſtre Langue par l'Hoſtel de Bourgogne; mais GALANT. 61 enfin , Monfieur Pradon a eu fes raiſons que ie veux croire fort bonnes , & ie le trouve loüable d'avoir reconnude fi bonne - foy dans ſa Preface, qu'il n'a point traité ce Sujet parun effet du hazard , comme tout le monde ſçait qu'il arriva des deux Berenices ; mais par un pur effet de ſon choix. Onavoit dit le contraire avant que la Piece paruſt, &il a crû que ce déguiſement démentoit la fincerité dont il fait profeſſion .
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Résumé : Discours sur la Preface de la Phedre du Sieur Pradon. [titre d'après la table]
Le texte compare la réception des œuvres de Jean Racine et de Nicolas Pradon. Racine est apprécié pour la qualité de ses vers, tant à la lecture qu'au théâtre. Pradon, en revanche, admet n'avoir pas pu peaufiner ses vers en raison du délai court pour écrire sa pièce. Il espère améliorer ce point dans ses futures œuvres. Le succès d'une pièce peut également dépendre du bruit qu'elle fait, même si les critiques sont négatives, car cela attire le public. La préface de Pradon est bien accueillie, malgré les réserves de certains experts. Ces derniers estiment que Pradon n'aurait pas dû comparer son travail à celui d'Euripide, Sénèque ou Garnier, car ils vivaient à des époques différentes. Pradon a choisi de traiter le même sujet que Racine par choix personnel, contrairement aux rumeurs précédentes. Il a exprimé cette sincérité dans sa préface.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 193-243
Tout ce qui s'est passé à Fontainebleau pendant le Sejour que Leurs Majestez y ont fait. Cet Article contient ceux des Comedies, Opéra, Bals, Plan d'une Collation, Chasses, & la maniere dont les Dames ont esté parées dans tous ces Divertissemens. [titre d'après la table]
Début :
Enfin, Madame, je passe à un Article dont je n'aurois [...]
Mots clefs :
Pierreries, Fontainebleau, Plaisirs, Cour, Habits, Roi, Château, Comédie, Hôtel de Bourgogone, Opéra, Musique, Reine, Habillement, Dames, Bals, Divertissement, Dauphin, Chasse
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texteReconnaissance textuelle : Tout ce qui s'est passé à Fontainebleau pendant le Sejour que Leurs Majestez y ont fait. Cet Article contient ceux des Comedies, Opéra, Bals, Plan d'une Collation, Chasses, & la maniere dont les Dames ont esté parées dans tous ces Divertissemens. [titre d'après la table]
Enfin , Madame , je paſſe à
tin Article dont je n'aurois pas manqué à vous entretenir dés l'autre Mois , fi le Roy n'euft paffé que quinze jours à Fon- tainebleau , comme on l'avoit crû d'abord. Vous ſçavez qu'il n'en eſt party que le dernier de Septembre, &il nefaut pass'é- tonner s'il n'a pûquitter ſi toſt un ſi agreable ſejour. Ce fu- perbe &fpacieux Chaſteau qui en pourroit compoſer pluſieurs,
eſt une Maiſon vrayment Roya le. On ſe perd dans le grand nombre de Courts , d'Apartes mens , de Galeries , & de Jardins qui s'y rencontrent de tous coſtez ; & comme on y trouve par tout ſujet d'admirer , on a
dequoy exercer long-temps l'ad- miration. Ce fut dans ce magnifique Lieu , où le Chaſteau
!
2
Fiij
126 LE MERCVRE
ſeul pourroit eſtre pris pour une Ville ,qu'il plûr au Royd'aller paffer quelques - uns des der- niers beaux jours de l'Eté. Il avoit fait de grandes Conque- ſtes pendant l'Hyver. Sa pru- dence aidée de ſon Conſeil, à
qui nous n'avons jamais veu predrede fauſſes meſures, avoir diffipé les defſeins de toute l'Eu- rope , fait lever le Siege de Charleroy, & obligé les Impé- riaux à retourner ſur les bords.
du Rhin.. Il eſtoit bien juſte qu'apres des ſoins de cette im.
portance, cegrand Prince cher- chaſt à ſe delaffer , & il auroit
eu peine à le faire plus agrea- blement qu'à Fontainebleau.
Tout le temps qu'il réſolut d'y demeurer, fut deſtiné aux Plaifirs. On en prépara de toutes les fortes, & on ne chercha à
GALANT.. 127 - fenvy qu'à paroiſtre magnifique dans une Cour que la magnifi cence ne quite jamais.Monfieur le Prince de Marfillac Grand
Maiſtre de la Garderobe , ſça
chant qu'on devoit changer de Divertiſſemens chaque jour, &
quetoutlemonde ſongeoit à ſe mettre en étatde ſe faire remarquer , fit faire fans en rien dire auRoy, une douzaine d'Habits extraordinaires , outre ceux qui avoient eſté ordonnez. Sa Majeſté ayant veu le premier , les voulut voir tous , & les trouva
_auſſi beaux que galamment imaginez. Le Roy en eut encor d'autres qui auroient peur-eftre contribué quelque choſe à la bonne mine de l'Homme du
monde le mieux fait , mais qui ne pûrent augmenter l'admira-.
tion qu'on a pour un Monarque
Fij
128 LE MERCVRE
7
qui tire de luy-meſme tout fon eclat. Je croy , Madame , que vous n'attendez rien demoy fur ce qui regarde M' le Princede Marfillac, & que n'ignorantpas qu'il eſt Fils deMale Duc de la Rochefoucaut vous fçavez
qu'une fi glorieuſe naifſance ne luya pû inſpirer que des ſenti- mens dignes de luy. Onnepeut la mieux foûtenir qu'il a toû- jours fait. Iln'a pointeud'occa- fion de fignaler ſon courage &
de faire paroiſtre ſon eſprit, qu'il n'ait donné d'avantageuſes mar- quesde l'un &de l'autre,& il n'y a guére de Dames qui ne l'ayết trouvé auffi Galant que nosEn- nemis l'ont connu Brave. Jugez combien d'Avantures agreables nous ſçaurions de luy , s'il eſtoit auſſi peu difcret qu'il eſt favo- rablement reçeu du beau Sexe.
GALANT. 129 SesAmis ne l'employentjamais,
qu'il ne leur donne ſujer de ſe loüer de ſes ſoins ; &toutes ſes
belles qualitez ſont devenuës publiques &incontestables par l'eſtime qu'en fait un Roy ,qui ne voyant rien dans toute la Terre que la naiſſance puiſſe mettre au deſſus de luy , trouve tout au deſſous de la penetra- tionde fon eſprit &de la force de fon difcernement. Le pre- mierdes Divertiſſemens que Sa Majesté a voulu ſe donner à
Fontainebleau , fut celuy de la Comédie. Elle y fut jouée tous les jours alternativement avec l'Opéra. Voicy les Pieces qu'y reprefenta l'Hoſtel de Bourgogne.
Iphigénie , avec Criſpin Me-.. decin.
Le Menteur.
Ev
230 LE MERCVRE
Mariane , avec l'Apres-Son- pédes Auberges.
L'Avare..
Pompée ,avec les Nican- dres.
Mitridate..
Le Miſantrope..
Horace , avec le Deüil.
Bajazer, avec les Fragmens deMoliere.. 2
Phedre & Hippolyte.. Oedipe, avec les Plaideurs.. Jodelet Maiſtre..
Venceflas , avec le Baron de
laCraffe.
1
Cinna , avec l'Ombrede Moliere.
L'Ecole desFemmes..
Nicomede , avec le Soupé mal-apprefté.
Parmy tant de Comédies , on n'a repreſenté que trois Opéra,
àſçavoir, Alceste , Thesée &
GALANT. 131 Athis. Ils ont eſté chantez par la ſeule Muſique du Roy , aug- mentée exprés de plufieurs Per- fonnes, &entr'autres de Mademoiſelle de la Garde & deMa..
demoiselle Ferdinand. Elles ont
fait connoiſtre en peu dejours,
qu'on leur avoit rendu juſtice en les choiſiſſant pour en eſtre,
&on peut dire à leur avantage que c'eſt de plus d'unemaniere qu'elles ont plû. On.ne peut rien ajoûter aux applaudiffe- mens qu'a reçeuş M. de Saint Chriftophle , non ſeulement pour avoir bien chanté , mais poureſtreentrée dans la paffion rantoſt de la plus forte maniere,
&tantoft de la plus totichante,
felon que la diverfité du ſujet le demandoit. Le reſte de la
Muſique du Roy a fait àfon or- dinaire. Il eſt impoſſible qu'el Fvj
13.2 LE MERCVRE le faſſe mal. Elle eft compoſée des meilleures Voix de France,
&fous un Maiſtre tel que Mr de Lully , les moins habiles le deviennent en peu de temps.. Les Danfeurs qui s'y font fait admirer , ont extraordinairement fatisfait dans leurs Entrees; & ce qui n'en laiſſe pas douter , c'eſt que les SieursFa- vier,Letang, Faure, Magny , &
cinq autres , ont eu de grandes.
gratifications , outre leurs pen- fions ordinaires. De pareilsEco-- liers à qui de Beauchamp a
donné &donne encor tous les
jours des Leçons , quoy qu'ils foientdéja grands Maiſtres,font voir qu'il eſt dans ſon Art un
des plus habiles Hommes du
monde. Aufſi a -t- il eul'honneur de montrer autrefois à Sa
Majeſté. Les trois Maſcarades
GALANT. 133
remplies d'Entrées croteſques
qui ont paru parmy ces Diver- tiſſemens , estoient de fon in- vention. Elles furent ajoûtées pour nouveau Plaifir aux Re- préſentations des dernieres Co- médies qu'on joua ; &ceux qui en furent, ayant eu l'avantage de divertir le Royd'une manie- re auffi plaiſante qu'agreable,
reçeurent. beaucoup de louan- ges. M. Philibertdans le Recit d'un Suiffe qui veurparler Fra- çois ſans le ſçavoir, fitfort rire les plus ſérieux & par ces po- ſtures , & par ſon langage Suif- ſe Franciſé. Les Plaiſirs n'ont
pas eſté bornez à tout ce que je viens de vous dire. Il y a eu deux Bals où toute la Cour a
paru dans unéclat merveilleux.
LesPierreries ontbrille de tou
134 LE MERCVRE
ves parts , &jamais on n'ena
tant ver..
Le Roy s'y fir voir avec un Habitde lames d'or, fur lequel il y avoitune broderie or &ar- gent, l'arrangement de ſes Pier- reries eſtoit enboucles de Baudrier. Vous aurez de la peine à
bien concevoirles brillans effets
qu'elles produiſentainſi arran- gées. La beauté en redouble d'autant plus , que cette maniere donne lieu de les meſſer ſelonlesgroffeurs;&quelque prix qu'ayent les choſesd'elles-mefmes, vous ſçavez que l'induſtrie desHommes nelaiffe pas quel quesfois d'y contribuer. Outre
toutes ces Pierreries , le Roy portoitune Epée ſur laquelleil y en avoit pour plus de quinze censmille livres..
GALANT. 135 La Reyne en ſembloit eſtre toute couverte. Elle en avoit
d'une groffeur extraordinaire.
Son Habit eſtoit noir , & fon
Etofe ne ſervantqu'àenrelever Héclat , on peut dire qu'elle ébloüiffoit..
L'ajustementde Monſeigneur leDauphin eſtoitd'une grande magnificence. Rien ne pouvoit eftre mieux imaginé ; & ce qu'il y avoitd'avantageux pour luy ,
e'eſt qu'il'en effaçoit l'éclat par la vivacité de ſon teint, &par les autres charmes de fa Per--
fonne..
Monfieur, qui réüffit entou- tes choſes , &àqui la galanterie eſt naturelle , ſe met toûjours d'un fi bon air , qu'il ne faut pas eſtre ſurpris s'il ſe fit admi rerde tout le monde. Son Habit eftoit tout couvert de Pier
136 LE MERCVRE reries arrangées , comme le font les longues Boutonnieres des Caſaques à la Brandebourg.
r. On ne peut eftre mieuxqu'e- ſtoient Madame & Mademoifelle. Tout brilloit en elles , tout
yeſtoit riche & bien enten.
du.
Je me fuis fervy juſqu'icydes termes de magnifique , de bril- lant, &d'éclatant, &j'encher- che inutilement quelqu'un qui fignifie plus que tout cela pour exprimer cequ'eſtoitMademoi- felle de Blois dans l'ün & dans
l'autre Bal. Jamais parure ne fit de fi grands effets. Vous n'en douterez point , quand vous ſçaurez que cette jeune Prin- ceffe, quoy qu'elle foit une des plus belles Perſonnes du mon- de , laiſſa perdre des regards qu'attiroient de temps en temp's
GALANT. 137 la richeffe de ſon Habillement,
&l'air tout particulier dont elle
eftoit miſe. Ce fut un amas de
Pierreries le premier jour , qui ne ſe peut concevoir qu'en le voyant;&elle en eſtoit fi cou
verte , que lebas de ſa Robe en eſtoit chargé tout autour. Elle
parut en gris de lin dans le ſe- cond Bal , & toûjours avec
avantage.
Vous pouvez juger que les Dames en general n'avoient rien épargnépourparoiftrema- gnifiques. Elles eſtoient toutes coifées avec une groſſe nate fort large , ou avec une corde, ayant les cheveuxfriſez juſqu'au mi- lieu de la teſte , qui paroif- foit toute en boucles. Elles en
avoient deux ou trois grandes inégales qui leur pendoient de chaque coſté avec une autre ex
138 LE MERCVRE trémement longue. Toute la coifure eſtoit accompagnée de Poinçons de Pierreries , &d'au- tres faits de Perles. Des nœuds
de toutes fortes de Pierreries &
de Perles qui tenoient lieu de Rubans, en garnifſfoient les co- ſtez. D'autres y faifoient des Bouquets , & le Rond de quel- ques-unes eſtoit garny comme le devant. Celles dont les cheveux pouvoient s'accommoder de la poudre , en avoient beau- coup. Pour leurs Habits , comme en Campagne elles enpeu- vent porter de couleur à la Cour ,elles en avoient preſque toutes de gris , qui ne laiſſoient -pourtant pas d'eſtre diferens.Les uns eſtoient d'un gris perlé , &
les autres d'un gris cendré , avec de petites Broderies fines &des plus belles , ou de petits Bou
GALAN T. 139 quetsde broderie appliquez par leBrodeur, ou brodez ſur l'E
tofe mefme.Ces Habits estoient
tous chamarrezde Pierreries fur
- les Echarpes ouTailles , &elles en avoient de gros nœuds de- vant. Des Attaches de Pierre
ries , des Chatons , &des Boutons , ornoient leurs manches
de diférentes manieres.Toutle
devantde leurs Jupes eſtoit auſſi chamarré , & de groſſes Atta- ches de Diamans les retrouf
foient enquelques endroits.Plu- fieurs Pierreries formoient le
nœud de derriere , &il y avoit quelques Robes quien estoient chamarrées par demy lez Les manches de deſſous eſtoient de
Point de France , tailladées en
long , & relevées par le basavec un Point de France godronné.
Ily avoit des Pierreries entre les
140 LEMERCVRE
godrons , &des noœuds de Pier- reries deſſous les mancheres. La
plûpart enavoientdes Bracelets tout autour,&toutes des Co
lerêtes comme on enmet quand on eſt en Habitgris. Si ce mot deColerete n'eſt pas remis en vſage , corrigez-moy je vous prie. Jetraite une matiere où vous devez eſtre plus ſçavante que je ne fuis , &je ne répons pas que ce ſoit leſeul terme que jaye mal appliqué. LesDames n'ont pas eſte ſeulement ainfi parées pour les deux grands Bals , qui ont faitparoiſtre avec tant d'éclat la magnificence &
la galanterie de la premiere Courdu monde; elles ſe ſont
trouvées tous les ſoirs à la Co- médie , ou à l'Opéra , dans le meſme ajustement où je viens de vous les dépeindre , & il
GALAN T. 141
1
1
redoubla dans les jours de la Naiſſance duRoy &dela Rey- : ne , qui ſe rencontrerent le ( meſme Mois , ſur tout à l'égard des Pierreries. Le nombre en
eſtoitpreſque infiny ; &comme il n'y en avoit que de fines , on peut jugerdu merveilleux effet qu'elles firent toutes enſemble,
quand tous ceux qui s'eſtoient parez pourdanſer furent aſſemblez ; car vous remarquerez ,
Madame , que chez le Roy il n'yaperſonne de nommé pour le Bal , & qu'il ſuffit d'eſtre d'une Qualité conſidérable pour avoir la libertéd'y danſer.
Le Roy mena la Reyne ; mon- ſeigneur leDauphin , мадетоі- felle ; Monfieur , мадате ; м. le
Prince de Conty , Mademoiselle de Blois ; M. de мопmouth, маdame la Comteſſe de Gramont;
142 LE MERCVRE M. le Comte d'Armagnac , ма- dame la Princeſſe d'Elbeuf; м.
le Comte de Brionne , madame
la marquiſe de la Ferté ; M. de Tilladet, Madamede Soubiſe'; м.
le Comtede Louvigny,Madame de Louvois ; M' de Beaumont,
Madame de Ventadour ; м² le
Chevalier de Chaſtillon , Madame de S. Valier; & M. le
Comte de Fieſque , Mademoi- ſelle de Grance. Il ſeroit difficile de ſçavoir les noms de tous ceux qui furent de ces deux Bals , & le rang qu'ils eurent à
danſer. Les uns ſe trouverent
au premier,les autres au ſecond,
&beaucoup àtous les deux.On y vit Madame la Ducheſſe de Chevreuſe , Mademoiselle de
Thiange , Mademoiſelle des
Adrets , & Mademoiselle de
Beauvais. Ces deux dernieres
{ GALANT. 143
ſont Filles d'Honneurde Madame. Onyvit encor M. le Duc de Vermandois , Monfieur le Chevalier de Lorraine M.
de Vendoſme , M. le marquis de мігероїх, м.Ле marquis de Rho- des , & quelques autres. Vous ſerez aiſément perfuadée que le Roy s'y fit diftinguer. Son grand air ,& la grace qui l'ac- compagne entoutes chofes, font des avantages qui ne ſont com- muns à perſonne; & quand il ne ſeroit point ce qu'il eſt , je vous jure , madame, que je ne m'empeſcherois point de vous dire qu'il donna ſujet de l'admi- rer au deſſus de tous les autres.
La Colation du premier Bal fut
fuperbe , la France augmente tous les jours en magnificence,
&peut- eſtre ne s'eſt-il jamais tien veude pareil. Comme je
144 LE MERCVRE ſçay que vous aimez tout ce qui marque de la grandeur, j'ay crû que vous me ſçauriez bon gré du Plan quejevous ay fait graver de cette Royale Cola-.
tion. Prenez la peine de jetter les yeux deſſus , le voicy; vous comprendrez plus aisément en le regardant, ce que j'ay àvous en dire. Les grands Quarrez qui font marquez Gradins, por- toient par le bas huit grandes Corbeilles de Fruit cru. Il y
avoit de petits Ronds de Con- fitures ſeches dans les encognures. Le ſecond rang portoit en- cor quatre Corbeilles , & les encognures eſtoient remplies comme celles du premier. Un grand Quarré de Fruit portant deux pieds de hauteur, faiſoit le deffus. Tous les Ronds &
Ovales marquez estoient de
Fruit
GALANT. 145 Fruit cru , &des Confitures ſe- ches rempliſſoient tous les
Quarrez qui font le tour de la Table. Par tout où vous voyez
de petits &de grāds Ronds noirs ( c ) maginez-vous des Flam- beaux dans les premiers , &des Girandoles dans les autres. La
meſime choſe des petits & des grands Ronds qui font blancs,
( OO ) Des Soucoupes de cri- ſtal garnies de quantité deGo- belets pleins d'Eaux glacées,te- noient la place des grands ; &
les petits que vous remarquez dans tout le tour de la Table ,
eſtoient des Porcelaines fines
en hors d'œuvre , remplies de toutes fortes de Compotes. Je puis abufer de quelques termes,
pardonnez- le moy. Une Balu- ſtrade un peu éloignée de la Table , la tenoit comme enferTome VIII. G
146 LE MERCVRE mée , &il y avoit des Bufets au delà. Je voudrois bien ſçavoir ce que voſtre imagination vous repreſente de toutes ces cho- ſes. Les yeux en devoient eſtre charmez , & je ne ſçay s'ils les pouvoient long-temps ſuporter.
Peignez-vous bien cet ébloüif- fant amas de Lumieres qui s'ai- doient les unes les autres,quand celles des Flambeaux donnant
fur le criftal des Girandoles, &
celles desGirandoles fur l'or des
Flambeaux, elles trouvoient encor à s'augmenter par ce qui réjallifſoit d'éclat des Caramels déja brillans d'eux-meſmes , &
du candy des Confitures per- lées. Adjoûtez - y ce que les Fruits diverſement colorez , les Rubans des Corbeilles , & le
Criftal des Soucoupes , en pou- voient avoir , &àtout cela joi
GALANT. 147
gnez l'effet que produiſoient les Pierreries de Leurs Maje- ſtez , & celles de quarante Da- mes qui estoient à table , &
qu'on en voyoit toutes couver- tes , il eſt impoſſible que vous ne conceviezquelque choſe au delà de tout ce qu'on a jamais veu de plus éclatant. LesHom- mes qui s'eſtoient mis tous en Juft-au-corps , ne brilloient pas moins de leur coſté. On n'en
pouvoit aſſez admirer la brode- rie , qui paroiſſoit d'autant plus,
que ce n'eſtoit que lumiere par tout. Ils eſtoient derriere les
Dames , & elles leur faifoient
partde tout ce qu'il y avoit fur laTable. Il faut rendre juſtice àM' BigotControlleur ordinai- redelaMaiſon du Roy. Il n'y a point d'Homme plus ineelli- gent, ny qui ſçache mieux re Gij
148 LE MERCVRE
gler ces fortes de choſes. Tout le temps qu'on a paffé à Fon- tainebleau, atellement eſté don- né aux Plaiſirs , que les jour de Media noche , quand l'Opéra ou la Comédie finiſſoit trop toſt , il y avoit de petits Bals particu- liers juſqu'à minuit. Vous ſca- vez , madame, ceque veut dire Medianoche,&que c'eſtunemo- dequinous eſt venuëd'Eſpagne,
où l'on attend àSouper en vian- de , que le Samedy ou un au -
tre jour d'abſtinence , s'il ſe ren- contre das quelque Semaine, ſoit expiré. Parmy tant de Divertif- ſemens , la Chaſſe n'a pas eſté oubliée. Ily en a eu tour à tour de pluſieurs fortes. Un jour apres que le Roy fut arrivé à
Fontainebleau , il les commen- ça par celle du Lievre avec la Meute deMonſeigneurleDau-
GALANT. 149 phin , commandée par M. de Selincourt. Sa Majeſté témoi- gna eſtre fort fatisfaite del'équi- page. Le lendemain Elle courut le Cerf avec une Meute nouvelle qu'Elle avoit faite Elle- meſme des trois meilleures
qu'on luy avoit pû choiſir. La Chaffe du Sanglier ſuivit. Le Roy entua trois à coupsd'Epée;
&ces diferentes Chaſſes ſuccederent pendant quelques jours .
lune à l'autre , tantoſt avec les
Chiens deMonfeigneurle Dau- phin , tantoſt avec les Chiens de Monfieur , & quelquefois ;
avec ceux de M. l'Abbé de
Sainte-Croix. En ſuite il ne fe
paſſa point de jour où l'on ne couruft le Cerf. Le's Chiens de
Sa majeſté on eu l'avantage. Ils en ont pris quinze; les Chiens de Monfieur , neuf; ceux de M.
Giij
IJO LE MERCVRE de Vendoſme , neuf; &ceux de
M. l'Abbé de Sainte-Croix,dix.
Le Roy a eſté tirerdes Faifans,
&couru une fois leChevreüil.
Il arriva unjour aux Toiles dans le temps qu'un Cerf que les Chiens de M. de Sainte-Croix
couroient fort loin de là , vint
s'y mettre , comme s'il euſt eu deſſeindedonnerle plaifir de ſa fin àSa Majefté. C'eſtoitle plus grand qui euſt eſté pris à Fon- minebleau. La teſte en a eſté
trouvée ſi belle , que le Roy l'a fait mettre dans la Galerie des
Cerfs. Je vous ay trop de fois nommé M. l'Abbé de SainteCroix, pourne vous le faire pas connoiftre. Il eſt Fils de feu M.
le Premier Prefident molé ,Garde des Sceaux , Frere de M. le
Prefident de Champlaſtreux ,
& maiſtre des Requeſtes. On ne
GALAN Τ. 151I
R
peut voir un plus honneſte- Homme, ny un meilleur Amy.
Toutes ſes manieres font enga- geantes , & ſes dépenſes d'un grand Seigneur. Dans la dernie- re Chaſſe le Roy laiſſa courre un Cerf à ſa troiſiéme teſte ,
qui dura preſque tout le jour. Il yen a eu detres-méchans &qui ont tuébien des Chiens. Il s'eſt
fait encor une Chafſe extraordinaire à l'occafion de Monfieur
deVerneüil, qui eſtantvenu au Leverdu Roy, eut l'honneurde
luydonner ſa Chemiſe. Sa Majeſté s'eſtant divertie àluy par- ler de pluſieurs choſes , tomba fur la Chaffe , & luy dit qu'Elle luy en vouloit donner le plaifir le lendemain. Monfieur deSoye- courGrand-Veneurde France,
reçeut l'ordre , & fit préparer
deux Cerfs au lieu d'un. La
Giiij
152 LE MERCVRE Reyne a veu une fois la Chaf- ſe en Carroffe , &Monſeigneur leDauphin les a fait toutes avec leRoy. Il n'y a rien de ſi ſurpre- nant que l'adreſſe &la vigueur qu'a fait paroiſtre cejeunePrin- ceau delà de ce que ſon âge luy devroit permettre. Mada- me s'est fait admirer à ſon ordinaire. C'eſt un Charme que de la voir à cheval. Rien ne
l'étonne , elle fait ſon plaifirde la fatigue ; & fon Sexe ne luy permettant pas d'aller àlaGuer- re , elle en va voir les Images ,
comme je l'ay déja marqué. Ce n'eſt pas ſeulementpar làqu'el- le merite d'eſtre estimée Tous
les Ouvrages d'eſprit la tou- chent. Elle carreſſe les Autheurs, &juge mieux que per- fonne de tout ce qu'on voit de
beau au Theatre. Madame la
GALANT. 153 Ducheffe de Toſcane s'eſt auſſi
trouvée à ces Parties. On ne
peutmontrer plus d'eſprit qu'el- le en fait paroiſtre. Elle fait tout avec grace , eft bonne , gené- reuſe , & fidelle Amie , &n'oublie jamais dans l'éloignement ceux qu'elle hon ore de ſa bien- veillance. Il n'est pas beſoin de vous dire qu'elle eft.Fille de feu
M. le Duc d'Orleans , Oncle du
Roy. Monfieur le Prince de Conty , quoy que jeune encor ,
n'a pas eſté un des moins ardens
pour cet Exercice.J'aurois peine àvous exprimer combien M.
le Duede Monmouth y amontré de vigueur. C'eſtoit quelque choſe de fi bouillant , qu'on l'en a veu quelquefois emporté juf- que parmy les Rochers. Il a
beaucoup paru au Bal , & on lny a trouvé un air tout-à-fair- G
154 LE MERCVRE digne de ce qu'il eſt. Vous pou- vez croire que Madame la Du- cheſſe de Boüillon aimant autant laChaffe qu'elle fait ,laiſſa échaper peu d'occaſionsd'y fui- vre le Roy. Elle a une adreſſe merveilleuſe en tout ce qu'elle
veut faire , & jamais on n'a mieux tiré en volant. Vous avez
eſté charmée des agrémens de ſa Perſonne , & de la vivacité
de ſon teint ; mais vous la ſeriez
encor davantage , fi vous con- noiſliez parfaitement la force &
la délicateſſe de ſon Eſprit. Elle l'a penetrant ; & comme il eſt
capablede toutes les belles con- noiffances , elle a un attachement inconcevable pourles Li- vres ,&va juſqu'à ce qui s'ap- pelle ſçavoir les chofes profon- dement. Mademoiſelle deGrancé a eſtédu nombre de ces Il-
GALANT. 155
:
:
Huſtres Chaſſereſſes. Elle eſt belle , ade la bonté , & un Efprit qui répond à ſa Naiſſance. Ma- demoiſelle des Adrets a fait auſſi
voir que la fatigue qui fuit ces fortes de Plaiſirs , ne l'étonne
pas. Je n'ay point ſçeu le nom des autres. J'ay apris feulement que les Dames ont eſté à la Chaſſe en Jupes , Juſt-au-corps de broderie , &Coifures de Plumes. Jenepuis m'empeſcherde vous dire encor que Mademoi- felle dança tres-bien , & fe fir admirer au Bal. Quelques autres , tant Hommes que Femmes , s'y firent auſſi diſtinguer.
Mais ma Lettre eſt déja ſi lon- gue , que je paſſe au Te-Deum de M. Lully , qui peut eſtre compté parmy les Plaiſirs de Fontainebleau. Ille fit chanter
devant le Roy le jour que Sa Gvj
136 LE MERCVRE Majesté luy fit l'honneur de nommer fon Fils. Toutes fortes
d'Inftrumens l'acompagnerent ;
les Tymbales & les Trompetes n'y furent point oubliez. Il eſtoit deMonfieur Luvy, c'eſt tout di-- re. Ce qu'on y admira particu- lierement , c'eſt que chaque Couplet eſtoit de diferente Mu- fique. Le Roy le trouva fi beau,
qu'il voulut l'entendre plus d'une fois.
tin Article dont je n'aurois pas manqué à vous entretenir dés l'autre Mois , fi le Roy n'euft paffé que quinze jours à Fon- tainebleau , comme on l'avoit crû d'abord. Vous ſçavez qu'il n'en eſt party que le dernier de Septembre, &il nefaut pass'é- tonner s'il n'a pûquitter ſi toſt un ſi agreable ſejour. Ce fu- perbe &fpacieux Chaſteau qui en pourroit compoſer pluſieurs,
eſt une Maiſon vrayment Roya le. On ſe perd dans le grand nombre de Courts , d'Apartes mens , de Galeries , & de Jardins qui s'y rencontrent de tous coſtez ; & comme on y trouve par tout ſujet d'admirer , on a
dequoy exercer long-temps l'ad- miration. Ce fut dans ce magnifique Lieu , où le Chaſteau
!
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126 LE MERCVRE
ſeul pourroit eſtre pris pour une Ville ,qu'il plûr au Royd'aller paffer quelques - uns des der- niers beaux jours de l'Eté. Il avoit fait de grandes Conque- ſtes pendant l'Hyver. Sa pru- dence aidée de ſon Conſeil, à
qui nous n'avons jamais veu predrede fauſſes meſures, avoir diffipé les defſeins de toute l'Eu- rope , fait lever le Siege de Charleroy, & obligé les Impé- riaux à retourner ſur les bords.
du Rhin.. Il eſtoit bien juſte qu'apres des ſoins de cette im.
portance, cegrand Prince cher- chaſt à ſe delaffer , & il auroit
eu peine à le faire plus agrea- blement qu'à Fontainebleau.
Tout le temps qu'il réſolut d'y demeurer, fut deſtiné aux Plaifirs. On en prépara de toutes les fortes, & on ne chercha à
GALANT.. 127 - fenvy qu'à paroiſtre magnifique dans une Cour que la magnifi cence ne quite jamais.Monfieur le Prince de Marfillac Grand
Maiſtre de la Garderobe , ſça
chant qu'on devoit changer de Divertiſſemens chaque jour, &
quetoutlemonde ſongeoit à ſe mettre en étatde ſe faire remarquer , fit faire fans en rien dire auRoy, une douzaine d'Habits extraordinaires , outre ceux qui avoient eſté ordonnez. Sa Majeſté ayant veu le premier , les voulut voir tous , & les trouva
_auſſi beaux que galamment imaginez. Le Roy en eut encor d'autres qui auroient peur-eftre contribué quelque choſe à la bonne mine de l'Homme du
monde le mieux fait , mais qui ne pûrent augmenter l'admira-.
tion qu'on a pour un Monarque
Fij
128 LE MERCVRE
7
qui tire de luy-meſme tout fon eclat. Je croy , Madame , que vous n'attendez rien demoy fur ce qui regarde M' le Princede Marfillac, & que n'ignorantpas qu'il eſt Fils deMale Duc de la Rochefoucaut vous fçavez
qu'une fi glorieuſe naifſance ne luya pû inſpirer que des ſenti- mens dignes de luy. Onnepeut la mieux foûtenir qu'il a toû- jours fait. Iln'a pointeud'occa- fion de fignaler ſon courage &
de faire paroiſtre ſon eſprit, qu'il n'ait donné d'avantageuſes mar- quesde l'un &de l'autre,& il n'y a guére de Dames qui ne l'ayết trouvé auffi Galant que nosEn- nemis l'ont connu Brave. Jugez combien d'Avantures agreables nous ſçaurions de luy , s'il eſtoit auſſi peu difcret qu'il eſt favo- rablement reçeu du beau Sexe.
GALANT. 129 SesAmis ne l'employentjamais,
qu'il ne leur donne ſujer de ſe loüer de ſes ſoins ; &toutes ſes
belles qualitez ſont devenuës publiques &incontestables par l'eſtime qu'en fait un Roy ,qui ne voyant rien dans toute la Terre que la naiſſance puiſſe mettre au deſſus de luy , trouve tout au deſſous de la penetra- tionde fon eſprit &de la force de fon difcernement. Le pre- mierdes Divertiſſemens que Sa Majesté a voulu ſe donner à
Fontainebleau , fut celuy de la Comédie. Elle y fut jouée tous les jours alternativement avec l'Opéra. Voicy les Pieces qu'y reprefenta l'Hoſtel de Bourgogne.
Iphigénie , avec Criſpin Me-.. decin.
Le Menteur.
Ev
230 LE MERCVRE
Mariane , avec l'Apres-Son- pédes Auberges.
L'Avare..
Pompée ,avec les Nican- dres.
Mitridate..
Le Miſantrope..
Horace , avec le Deüil.
Bajazer, avec les Fragmens deMoliere.. 2
Phedre & Hippolyte.. Oedipe, avec les Plaideurs.. Jodelet Maiſtre..
Venceflas , avec le Baron de
laCraffe.
1
Cinna , avec l'Ombrede Moliere.
L'Ecole desFemmes..
Nicomede , avec le Soupé mal-apprefté.
Parmy tant de Comédies , on n'a repreſenté que trois Opéra,
àſçavoir, Alceste , Thesée &
GALANT. 131 Athis. Ils ont eſté chantez par la ſeule Muſique du Roy , aug- mentée exprés de plufieurs Per- fonnes, &entr'autres de Mademoiſelle de la Garde & deMa..
demoiselle Ferdinand. Elles ont
fait connoiſtre en peu dejours,
qu'on leur avoit rendu juſtice en les choiſiſſant pour en eſtre,
&on peut dire à leur avantage que c'eſt de plus d'unemaniere qu'elles ont plû. On.ne peut rien ajoûter aux applaudiffe- mens qu'a reçeuş M. de Saint Chriftophle , non ſeulement pour avoir bien chanté , mais poureſtreentrée dans la paffion rantoſt de la plus forte maniere,
&tantoft de la plus totichante,
felon que la diverfité du ſujet le demandoit. Le reſte de la
Muſique du Roy a fait àfon or- dinaire. Il eſt impoſſible qu'el Fvj
13.2 LE MERCVRE le faſſe mal. Elle eft compoſée des meilleures Voix de France,
&fous un Maiſtre tel que Mr de Lully , les moins habiles le deviennent en peu de temps.. Les Danfeurs qui s'y font fait admirer , ont extraordinairement fatisfait dans leurs Entrees; & ce qui n'en laiſſe pas douter , c'eſt que les SieursFa- vier,Letang, Faure, Magny , &
cinq autres , ont eu de grandes.
gratifications , outre leurs pen- fions ordinaires. De pareilsEco-- liers à qui de Beauchamp a
donné &donne encor tous les
jours des Leçons , quoy qu'ils foientdéja grands Maiſtres,font voir qu'il eſt dans ſon Art un
des plus habiles Hommes du
monde. Aufſi a -t- il eul'honneur de montrer autrefois à Sa
Majeſté. Les trois Maſcarades
GALANT. 133
remplies d'Entrées croteſques
qui ont paru parmy ces Diver- tiſſemens , estoient de fon in- vention. Elles furent ajoûtées pour nouveau Plaifir aux Re- préſentations des dernieres Co- médies qu'on joua ; &ceux qui en furent, ayant eu l'avantage de divertir le Royd'une manie- re auffi plaiſante qu'agreable,
reçeurent. beaucoup de louan- ges. M. Philibertdans le Recit d'un Suiffe qui veurparler Fra- çois ſans le ſçavoir, fitfort rire les plus ſérieux & par ces po- ſtures , & par ſon langage Suif- ſe Franciſé. Les Plaiſirs n'ont
pas eſté bornez à tout ce que je viens de vous dire. Il y a eu deux Bals où toute la Cour a
paru dans unéclat merveilleux.
LesPierreries ontbrille de tou
134 LE MERCVRE
ves parts , &jamais on n'ena
tant ver..
Le Roy s'y fir voir avec un Habitde lames d'or, fur lequel il y avoitune broderie or &ar- gent, l'arrangement de ſes Pier- reries eſtoit enboucles de Baudrier. Vous aurez de la peine à
bien concevoirles brillans effets
qu'elles produiſentainſi arran- gées. La beauté en redouble d'autant plus , que cette maniere donne lieu de les meſſer ſelonlesgroffeurs;&quelque prix qu'ayent les choſesd'elles-mefmes, vous ſçavez que l'induſtrie desHommes nelaiffe pas quel quesfois d'y contribuer. Outre
toutes ces Pierreries , le Roy portoitune Epée ſur laquelleil y en avoit pour plus de quinze censmille livres..
GALANT. 135 La Reyne en ſembloit eſtre toute couverte. Elle en avoit
d'une groffeur extraordinaire.
Son Habit eſtoit noir , & fon
Etofe ne ſervantqu'àenrelever Héclat , on peut dire qu'elle ébloüiffoit..
L'ajustementde Monſeigneur leDauphin eſtoitd'une grande magnificence. Rien ne pouvoit eftre mieux imaginé ; & ce qu'il y avoitd'avantageux pour luy ,
e'eſt qu'il'en effaçoit l'éclat par la vivacité de ſon teint, &par les autres charmes de fa Per--
fonne..
Monfieur, qui réüffit entou- tes choſes , &àqui la galanterie eſt naturelle , ſe met toûjours d'un fi bon air , qu'il ne faut pas eſtre ſurpris s'il ſe fit admi rerde tout le monde. Son Habit eftoit tout couvert de Pier
136 LE MERCVRE reries arrangées , comme le font les longues Boutonnieres des Caſaques à la Brandebourg.
r. On ne peut eftre mieuxqu'e- ſtoient Madame & Mademoifelle. Tout brilloit en elles , tout
yeſtoit riche & bien enten.
du.
Je me fuis fervy juſqu'icydes termes de magnifique , de bril- lant, &d'éclatant, &j'encher- che inutilement quelqu'un qui fignifie plus que tout cela pour exprimer cequ'eſtoitMademoi- felle de Blois dans l'ün & dans
l'autre Bal. Jamais parure ne fit de fi grands effets. Vous n'en douterez point , quand vous ſçaurez que cette jeune Prin- ceffe, quoy qu'elle foit une des plus belles Perſonnes du mon- de , laiſſa perdre des regards qu'attiroient de temps en temp's
GALANT. 137 la richeffe de ſon Habillement,
&l'air tout particulier dont elle
eftoit miſe. Ce fut un amas de
Pierreries le premier jour , qui ne ſe peut concevoir qu'en le voyant;&elle en eſtoit fi cou
verte , que lebas de ſa Robe en eſtoit chargé tout autour. Elle
parut en gris de lin dans le ſe- cond Bal , & toûjours avec
avantage.
Vous pouvez juger que les Dames en general n'avoient rien épargnépourparoiftrema- gnifiques. Elles eſtoient toutes coifées avec une groſſe nate fort large , ou avec une corde, ayant les cheveuxfriſez juſqu'au mi- lieu de la teſte , qui paroif- foit toute en boucles. Elles en
avoient deux ou trois grandes inégales qui leur pendoient de chaque coſté avec une autre ex
138 LE MERCVRE trémement longue. Toute la coifure eſtoit accompagnée de Poinçons de Pierreries , &d'au- tres faits de Perles. Des nœuds
de toutes fortes de Pierreries &
de Perles qui tenoient lieu de Rubans, en garnifſfoient les co- ſtez. D'autres y faifoient des Bouquets , & le Rond de quel- ques-unes eſtoit garny comme le devant. Celles dont les cheveux pouvoient s'accommoder de la poudre , en avoient beau- coup. Pour leurs Habits , comme en Campagne elles enpeu- vent porter de couleur à la Cour ,elles en avoient preſque toutes de gris , qui ne laiſſoient -pourtant pas d'eſtre diferens.Les uns eſtoient d'un gris perlé , &
les autres d'un gris cendré , avec de petites Broderies fines &des plus belles , ou de petits Bou
GALAN T. 139 quetsde broderie appliquez par leBrodeur, ou brodez ſur l'E
tofe mefme.Ces Habits estoient
tous chamarrezde Pierreries fur
- les Echarpes ouTailles , &elles en avoient de gros nœuds de- vant. Des Attaches de Pierre
ries , des Chatons , &des Boutons , ornoient leurs manches
de diférentes manieres.Toutle
devantde leurs Jupes eſtoit auſſi chamarré , & de groſſes Atta- ches de Diamans les retrouf
foient enquelques endroits.Plu- fieurs Pierreries formoient le
nœud de derriere , &il y avoit quelques Robes quien estoient chamarrées par demy lez Les manches de deſſous eſtoient de
Point de France , tailladées en
long , & relevées par le basavec un Point de France godronné.
Ily avoit des Pierreries entre les
140 LEMERCVRE
godrons , &des noœuds de Pier- reries deſſous les mancheres. La
plûpart enavoientdes Bracelets tout autour,&toutes des Co
lerêtes comme on enmet quand on eſt en Habitgris. Si ce mot deColerete n'eſt pas remis en vſage , corrigez-moy je vous prie. Jetraite une matiere où vous devez eſtre plus ſçavante que je ne fuis , &je ne répons pas que ce ſoit leſeul terme que jaye mal appliqué. LesDames n'ont pas eſte ſeulement ainfi parées pour les deux grands Bals , qui ont faitparoiſtre avec tant d'éclat la magnificence &
la galanterie de la premiere Courdu monde; elles ſe ſont
trouvées tous les ſoirs à la Co- médie , ou à l'Opéra , dans le meſme ajustement où je viens de vous les dépeindre , & il
GALAN T. 141
1
1
redoubla dans les jours de la Naiſſance duRoy &dela Rey- : ne , qui ſe rencontrerent le ( meſme Mois , ſur tout à l'égard des Pierreries. Le nombre en
eſtoitpreſque infiny ; &comme il n'y en avoit que de fines , on peut jugerdu merveilleux effet qu'elles firent toutes enſemble,
quand tous ceux qui s'eſtoient parez pourdanſer furent aſſemblez ; car vous remarquerez ,
Madame , que chez le Roy il n'yaperſonne de nommé pour le Bal , & qu'il ſuffit d'eſtre d'une Qualité conſidérable pour avoir la libertéd'y danſer.
Le Roy mena la Reyne ; mon- ſeigneur leDauphin , мадетоі- felle ; Monfieur , мадате ; м. le
Prince de Conty , Mademoiselle de Blois ; M. de мопmouth, маdame la Comteſſe de Gramont;
142 LE MERCVRE M. le Comte d'Armagnac , ма- dame la Princeſſe d'Elbeuf; м.
le Comte de Brionne , madame
la marquiſe de la Ferté ; M. de Tilladet, Madamede Soubiſe'; м.
le Comtede Louvigny,Madame de Louvois ; M' de Beaumont,
Madame de Ventadour ; м² le
Chevalier de Chaſtillon , Madame de S. Valier; & M. le
Comte de Fieſque , Mademoi- ſelle de Grance. Il ſeroit difficile de ſçavoir les noms de tous ceux qui furent de ces deux Bals , & le rang qu'ils eurent à
danſer. Les uns ſe trouverent
au premier,les autres au ſecond,
&beaucoup àtous les deux.On y vit Madame la Ducheſſe de Chevreuſe , Mademoiselle de
Thiange , Mademoiſelle des
Adrets , & Mademoiselle de
Beauvais. Ces deux dernieres
{ GALANT. 143
ſont Filles d'Honneurde Madame. Onyvit encor M. le Duc de Vermandois , Monfieur le Chevalier de Lorraine M.
de Vendoſme , M. le marquis de мігероїх, м.Ле marquis de Rho- des , & quelques autres. Vous ſerez aiſément perfuadée que le Roy s'y fit diftinguer. Son grand air ,& la grace qui l'ac- compagne entoutes chofes, font des avantages qui ne ſont com- muns à perſonne; & quand il ne ſeroit point ce qu'il eſt , je vous jure , madame, que je ne m'empeſcherois point de vous dire qu'il donna ſujet de l'admi- rer au deſſus de tous les autres.
La Colation du premier Bal fut
fuperbe , la France augmente tous les jours en magnificence,
&peut- eſtre ne s'eſt-il jamais tien veude pareil. Comme je
144 LE MERCVRE ſçay que vous aimez tout ce qui marque de la grandeur, j'ay crû que vous me ſçauriez bon gré du Plan quejevous ay fait graver de cette Royale Cola-.
tion. Prenez la peine de jetter les yeux deſſus , le voicy; vous comprendrez plus aisément en le regardant, ce que j'ay àvous en dire. Les grands Quarrez qui font marquez Gradins, por- toient par le bas huit grandes Corbeilles de Fruit cru. Il y
avoit de petits Ronds de Con- fitures ſeches dans les encognures. Le ſecond rang portoit en- cor quatre Corbeilles , & les encognures eſtoient remplies comme celles du premier. Un grand Quarré de Fruit portant deux pieds de hauteur, faiſoit le deffus. Tous les Ronds &
Ovales marquez estoient de
Fruit
GALANT. 145 Fruit cru , &des Confitures ſe- ches rempliſſoient tous les
Quarrez qui font le tour de la Table. Par tout où vous voyez
de petits &de grāds Ronds noirs ( c ) maginez-vous des Flam- beaux dans les premiers , &des Girandoles dans les autres. La
meſime choſe des petits & des grands Ronds qui font blancs,
( OO ) Des Soucoupes de cri- ſtal garnies de quantité deGo- belets pleins d'Eaux glacées,te- noient la place des grands ; &
les petits que vous remarquez dans tout le tour de la Table ,
eſtoient des Porcelaines fines
en hors d'œuvre , remplies de toutes fortes de Compotes. Je puis abufer de quelques termes,
pardonnez- le moy. Une Balu- ſtrade un peu éloignée de la Table , la tenoit comme enferTome VIII. G
146 LE MERCVRE mée , &il y avoit des Bufets au delà. Je voudrois bien ſçavoir ce que voſtre imagination vous repreſente de toutes ces cho- ſes. Les yeux en devoient eſtre charmez , & je ne ſçay s'ils les pouvoient long-temps ſuporter.
Peignez-vous bien cet ébloüif- fant amas de Lumieres qui s'ai- doient les unes les autres,quand celles des Flambeaux donnant
fur le criftal des Girandoles, &
celles desGirandoles fur l'or des
Flambeaux, elles trouvoient encor à s'augmenter par ce qui réjallifſoit d'éclat des Caramels déja brillans d'eux-meſmes , &
du candy des Confitures per- lées. Adjoûtez - y ce que les Fruits diverſement colorez , les Rubans des Corbeilles , & le
Criftal des Soucoupes , en pou- voient avoir , &àtout cela joi
GALANT. 147
gnez l'effet que produiſoient les Pierreries de Leurs Maje- ſtez , & celles de quarante Da- mes qui estoient à table , &
qu'on en voyoit toutes couver- tes , il eſt impoſſible que vous ne conceviezquelque choſe au delà de tout ce qu'on a jamais veu de plus éclatant. LesHom- mes qui s'eſtoient mis tous en Juft-au-corps , ne brilloient pas moins de leur coſté. On n'en
pouvoit aſſez admirer la brode- rie , qui paroiſſoit d'autant plus,
que ce n'eſtoit que lumiere par tout. Ils eſtoient derriere les
Dames , & elles leur faifoient
partde tout ce qu'il y avoit fur laTable. Il faut rendre juſtice àM' BigotControlleur ordinai- redelaMaiſon du Roy. Il n'y a point d'Homme plus ineelli- gent, ny qui ſçache mieux re Gij
148 LE MERCVRE
gler ces fortes de choſes. Tout le temps qu'on a paffé à Fon- tainebleau, atellement eſté don- né aux Plaiſirs , que les jour de Media noche , quand l'Opéra ou la Comédie finiſſoit trop toſt , il y avoit de petits Bals particu- liers juſqu'à minuit. Vous ſca- vez , madame, ceque veut dire Medianoche,&que c'eſtunemo- dequinous eſt venuëd'Eſpagne,
où l'on attend àSouper en vian- de , que le Samedy ou un au -
tre jour d'abſtinence , s'il ſe ren- contre das quelque Semaine, ſoit expiré. Parmy tant de Divertif- ſemens , la Chaſſe n'a pas eſté oubliée. Ily en a eu tour à tour de pluſieurs fortes. Un jour apres que le Roy fut arrivé à
Fontainebleau , il les commen- ça par celle du Lievre avec la Meute deMonſeigneurleDau-
GALANT. 149 phin , commandée par M. de Selincourt. Sa Majeſté témoi- gna eſtre fort fatisfaite del'équi- page. Le lendemain Elle courut le Cerf avec une Meute nouvelle qu'Elle avoit faite Elle- meſme des trois meilleures
qu'on luy avoit pû choiſir. La Chaffe du Sanglier ſuivit. Le Roy entua trois à coupsd'Epée;
&ces diferentes Chaſſes ſuccederent pendant quelques jours .
lune à l'autre , tantoſt avec les
Chiens deMonfeigneurle Dau- phin , tantoſt avec les Chiens de Monfieur , & quelquefois ;
avec ceux de M. l'Abbé de
Sainte-Croix. En ſuite il ne fe
paſſa point de jour où l'on ne couruft le Cerf. Le's Chiens de
Sa majeſté on eu l'avantage. Ils en ont pris quinze; les Chiens de Monfieur , neuf; ceux de M.
Giij
IJO LE MERCVRE de Vendoſme , neuf; &ceux de
M. l'Abbé de Sainte-Croix,dix.
Le Roy a eſté tirerdes Faifans,
&couru une fois leChevreüil.
Il arriva unjour aux Toiles dans le temps qu'un Cerf que les Chiens de M. de Sainte-Croix
couroient fort loin de là , vint
s'y mettre , comme s'il euſt eu deſſeindedonnerle plaifir de ſa fin àSa Majefté. C'eſtoitle plus grand qui euſt eſté pris à Fon- minebleau. La teſte en a eſté
trouvée ſi belle , que le Roy l'a fait mettre dans la Galerie des
Cerfs. Je vous ay trop de fois nommé M. l'Abbé de SainteCroix, pourne vous le faire pas connoiftre. Il eſt Fils de feu M.
le Premier Prefident molé ,Garde des Sceaux , Frere de M. le
Prefident de Champlaſtreux ,
& maiſtre des Requeſtes. On ne
GALAN Τ. 151I
R
peut voir un plus honneſte- Homme, ny un meilleur Amy.
Toutes ſes manieres font enga- geantes , & ſes dépenſes d'un grand Seigneur. Dans la dernie- re Chaſſe le Roy laiſſa courre un Cerf à ſa troiſiéme teſte ,
qui dura preſque tout le jour. Il yen a eu detres-méchans &qui ont tuébien des Chiens. Il s'eſt
fait encor une Chafſe extraordinaire à l'occafion de Monfieur
deVerneüil, qui eſtantvenu au Leverdu Roy, eut l'honneurde
luydonner ſa Chemiſe. Sa Majeſté s'eſtant divertie àluy par- ler de pluſieurs choſes , tomba fur la Chaffe , & luy dit qu'Elle luy en vouloit donner le plaifir le lendemain. Monfieur deSoye- courGrand-Veneurde France,
reçeut l'ordre , & fit préparer
deux Cerfs au lieu d'un. La
Giiij
152 LE MERCVRE Reyne a veu une fois la Chaf- ſe en Carroffe , &Monſeigneur leDauphin les a fait toutes avec leRoy. Il n'y a rien de ſi ſurpre- nant que l'adreſſe &la vigueur qu'a fait paroiſtre cejeunePrin- ceau delà de ce que ſon âge luy devroit permettre. Mada- me s'est fait admirer à ſon ordinaire. C'eſt un Charme que de la voir à cheval. Rien ne
l'étonne , elle fait ſon plaifirde la fatigue ; & fon Sexe ne luy permettant pas d'aller àlaGuer- re , elle en va voir les Images ,
comme je l'ay déja marqué. Ce n'eſt pas ſeulementpar làqu'el- le merite d'eſtre estimée Tous
les Ouvrages d'eſprit la tou- chent. Elle carreſſe les Autheurs, &juge mieux que per- fonne de tout ce qu'on voit de
beau au Theatre. Madame la
GALANT. 153 Ducheffe de Toſcane s'eſt auſſi
trouvée à ces Parties. On ne
peutmontrer plus d'eſprit qu'el- le en fait paroiſtre. Elle fait tout avec grace , eft bonne , gené- reuſe , & fidelle Amie , &n'oublie jamais dans l'éloignement ceux qu'elle hon ore de ſa bien- veillance. Il n'est pas beſoin de vous dire qu'elle eft.Fille de feu
M. le Duc d'Orleans , Oncle du
Roy. Monfieur le Prince de Conty , quoy que jeune encor ,
n'a pas eſté un des moins ardens
pour cet Exercice.J'aurois peine àvous exprimer combien M.
le Duede Monmouth y amontré de vigueur. C'eſtoit quelque choſe de fi bouillant , qu'on l'en a veu quelquefois emporté juf- que parmy les Rochers. Il a
beaucoup paru au Bal , & on lny a trouvé un air tout-à-fair- G
154 LE MERCVRE digne de ce qu'il eſt. Vous pou- vez croire que Madame la Du- cheſſe de Boüillon aimant autant laChaffe qu'elle fait ,laiſſa échaper peu d'occaſionsd'y fui- vre le Roy. Elle a une adreſſe merveilleuſe en tout ce qu'elle
veut faire , & jamais on n'a mieux tiré en volant. Vous avez
eſté charmée des agrémens de ſa Perſonne , & de la vivacité
de ſon teint ; mais vous la ſeriez
encor davantage , fi vous con- noiſliez parfaitement la force &
la délicateſſe de ſon Eſprit. Elle l'a penetrant ; & comme il eſt
capablede toutes les belles con- noiffances , elle a un attachement inconcevable pourles Li- vres ,&va juſqu'à ce qui s'ap- pelle ſçavoir les chofes profon- dement. Mademoiſelle deGrancé a eſtédu nombre de ces Il-
GALANT. 155
:
:
Huſtres Chaſſereſſes. Elle eſt belle , ade la bonté , & un Efprit qui répond à ſa Naiſſance. Ma- demoiſelle des Adrets a fait auſſi
voir que la fatigue qui fuit ces fortes de Plaiſirs , ne l'étonne
pas. Je n'ay point ſçeu le nom des autres. J'ay apris feulement que les Dames ont eſté à la Chaſſe en Jupes , Juſt-au-corps de broderie , &Coifures de Plumes. Jenepuis m'empeſcherde vous dire encor que Mademoi- felle dança tres-bien , & fe fir admirer au Bal. Quelques autres , tant Hommes que Femmes , s'y firent auſſi diſtinguer.
Mais ma Lettre eſt déja ſi lon- gue , que je paſſe au Te-Deum de M. Lully , qui peut eſtre compté parmy les Plaiſirs de Fontainebleau. Ille fit chanter
devant le Roy le jour que Sa Gvj
136 LE MERCVRE Majesté luy fit l'honneur de nommer fon Fils. Toutes fortes
d'Inftrumens l'acompagnerent ;
les Tymbales & les Trompetes n'y furent point oubliez. Il eſtoit deMonfieur Luvy, c'eſt tout di-- re. Ce qu'on y admira particu- lierement , c'eſt que chaque Couplet eſtoit de diferente Mu- fique. Le Roy le trouva fi beau,
qu'il voulut l'entendre plus d'une fois.
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Résumé : Tout ce qui s'est passé à Fontainebleau pendant le Sejour que Leurs Majestez y ont fait. Cet Article contient ceux des Comedies, Opéra, Bals, Plan d'une Collation, Chasses, & la maniere dont les Dames ont esté parées dans tous ces Divertissemens. [titre d'après la table]
Le texte relate le séjour prolongé du roi à Fontainebleau, initialement prévu pour quinze jours et étendu jusqu'au 30 septembre. Le château, vaste et somptueux, impressionne par ses nombreuses cours, appartements, galeries et jardins. Après des conquêtes hivernales et des décisions stratégiques, le roi cherchait à se détendre. Son séjour fut marqué par divers divertissements préparés avec magnificence. Le Prince de Marillac, Grand Maître de la Garderobe, fit confectionner des habits extraordinaires pour le roi, qui les apprécia. Les divertissements incluaient des représentations théâtrales et des opéras à l'Hôtel de Bourgogne, avec des pièces comme 'Iphigénie', 'Le Menteur' et 'L'Avare'. La musique du roi, augmentée de nouvelles voix, fut particulièrement applaudie. Les danseurs reçurent des gratifications pour leurs performances. Des mascarades et des spectacles comiques, comme celui de M. Philibert, ajoutèrent à l'ambiance festive. Deux bals magnifiques furent organisés, où la cour apparut dans des tenues somptueuses ornées de pierreries. Le roi, la reine, le Dauphin, Monseigneur, Madame et Mademoiselle portèrent des habits richement décorés. Les dames se parèrent de nattes, de boucles et de pierreries, avec des habits gris brodés. Les bals furent l'occasion de montrer l'éclat et la magnificence de la cour, avec une participation libre pour ceux de qualité considérable. Le roi se distingua par son air et sa grâce. La collation du premier bal à Fontainebleau fut particulièrement somptueuse, soulignant la magnificence croissante de la France. La table était ornée de fruits frais et de confitures, avec des flambeaux et des girandoles illuminant l'ensemble. Les convives, y compris le roi et quarante dames, étaient parés de pierreries, et les hommes en justaucorps brodé admiraient la broderie. M. Bigot, contrôleur ordinaire de la Maison du Roi, est loué pour son intelligence et son savoir-faire dans l'organisation de ces événements. Pendant le séjour à Fontainebleau, les plaisirs étaient nombreux, avec des bals jusqu'à minuit et diverses chasses, notamment celles du lièvre, du cerf et du sanglier. Le roi et plusieurs nobles, dont le Dauphin et Madame, participèrent activement à ces activités. La présence de Madame la Duchesse de Toscane et de Monsieur le Prince de Conti, ainsi que la vigueur de Monsieur le Duc de Monmouth, furent notées. La Duchesse de Bouillon et Mademoiselle de Grancey se distinguèrent par leur adresse et leur esprit. Le Te Deum de Monsieur Lully, composé pour l'occasion, fut particulièrement apprécié par le roi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 300-305
Divertissemens publics, [titre d'après la table]
Début :
Il est temps de vous parler des divertissemens de [...]
Mots clefs :
Divertissements, Opéra, Hôtel de Bourgogone, Troupe du Roi, Théâtre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Divertissemens publics, [titre d'après la table]
Il eft temps de vous par
ler des divertiffemens de
cette faifon. Vous ſcavez
qu'elle eft destinée par tout
aux plaifirs. Je commence
par ceux de la Cour. Onn'y
en a point pris d'autre pendant tout ce Mois, que celuy
de l'Opéra de Bellerophon.
Ila fort plû à Sa Majefté,
qui en a trouvé des endroits
fi beaux, qu'Elleles a fait repéter deux fois dans chaque
Repréſentation. Auffi tout
GALANT. 301
Paris eftoit-il demeuré d'accord, qu'on y rencontroit
ce qui eft rare , &tres diffi .
cile dans un Opera, je veux
dire un Sujet conduit , qui
attache par luy-meſme, qui
a toutes les parties de la Tra
gedie , & dans lequel toys
les divertiffemens naiffent
du corps de l'Ouvrage, fans
qu'on les yamene par
incidens forcez , à l'excep
tion de la Scene des Napées
& des Faunes , qui a esté
faite contre le fentiment de
l'Autheur, &feulement pour
fournir des Vers à la Mu
des
302 MERCVRE
fique. On ceffa les Repré
fentations de cet Opéra
Vendredy dernier, pour les
reprendre alternativement
avec celles de l'Opéra de
Proferpine , qui paroiftra
pour la premiere fois le s
Fevrier. Il eft de M Quinault, qui s'eſt ſurpaſſé luymefme; & comme fes Vers
ont toute la délicateffe qui
eft neceffaire pour le chant,
on a une impatience inconcevable de les entendre. Si
les oreilles doivent eftrefort
fatisfaites dans cet Opéra,
les yeux ne le feront pas
GALANT. 303
moins, puis que foir pour la
beautédes Décorations, foit
pour la richeffe des Habits,
il ne s'eft jamais rien veu de
fifomptueux en France.
La Troupe Royale de
l'Hoftel de Bourgogne, a
repréſenté une Tragedie
intitulée, Genferic Roy des
>
Vandales , mife au Theatre
par l'illuftre Madame des
Houlieres. C'est tout dire.
Vous fçavez combien les
Ouvrages que je vous ay
envoyez de fa façon , ont
efté trouvez juftes & pleins
de délicateffe , & avec quel
304 MERCVRE
empreffement on ſouhaite
de tous coftez d'envoir dans
mes Lettres. La mefme
Troupe promet une autre
Piece nouvelle fous le nom
d'Adrafte. Elle eſt de M
Ferrier.
Je croyois vous appren
dre le fuccés d'
Agamemnon,
affiché depuis longtemps
par la Troupe du Roy,
qu'on appelle de Guénegaud , mais la foule augmente de jour en jour aux
Repréſentations de la Devinereffe , & non feulement
elles ont continué jufqu'à
GALANT 305
aujourd'huy depuis la Saint
Martin qu'elle a commencé
de paroiftre fur le Théatre,
mais il y a grande apparence qu'elles continuëront
tout le refte du Carna
val. Cet extraordinaire
fuccés ne peut venir que
de ce que tout le monde
trouve à s'y divertir plus
d'une fois, & vous tomberez
d'accord que les chofes qui
nous font fouhaiter de les
revor, ne peuvent cftre que
fort agreables
ler des divertiffemens de
cette faifon. Vous ſcavez
qu'elle eft destinée par tout
aux plaifirs. Je commence
par ceux de la Cour. Onn'y
en a point pris d'autre pendant tout ce Mois, que celuy
de l'Opéra de Bellerophon.
Ila fort plû à Sa Majefté,
qui en a trouvé des endroits
fi beaux, qu'Elleles a fait repéter deux fois dans chaque
Repréſentation. Auffi tout
GALANT. 301
Paris eftoit-il demeuré d'accord, qu'on y rencontroit
ce qui eft rare , &tres diffi .
cile dans un Opera, je veux
dire un Sujet conduit , qui
attache par luy-meſme, qui
a toutes les parties de la Tra
gedie , & dans lequel toys
les divertiffemens naiffent
du corps de l'Ouvrage, fans
qu'on les yamene par
incidens forcez , à l'excep
tion de la Scene des Napées
& des Faunes , qui a esté
faite contre le fentiment de
l'Autheur, &feulement pour
fournir des Vers à la Mu
des
302 MERCVRE
fique. On ceffa les Repré
fentations de cet Opéra
Vendredy dernier, pour les
reprendre alternativement
avec celles de l'Opéra de
Proferpine , qui paroiftra
pour la premiere fois le s
Fevrier. Il eft de M Quinault, qui s'eſt ſurpaſſé luymefme; & comme fes Vers
ont toute la délicateffe qui
eft neceffaire pour le chant,
on a une impatience inconcevable de les entendre. Si
les oreilles doivent eftrefort
fatisfaites dans cet Opéra,
les yeux ne le feront pas
GALANT. 303
moins, puis que foir pour la
beautédes Décorations, foit
pour la richeffe des Habits,
il ne s'eft jamais rien veu de
fifomptueux en France.
La Troupe Royale de
l'Hoftel de Bourgogne, a
repréſenté une Tragedie
intitulée, Genferic Roy des
>
Vandales , mife au Theatre
par l'illuftre Madame des
Houlieres. C'est tout dire.
Vous fçavez combien les
Ouvrages que je vous ay
envoyez de fa façon , ont
efté trouvez juftes & pleins
de délicateffe , & avec quel
304 MERCVRE
empreffement on ſouhaite
de tous coftez d'envoir dans
mes Lettres. La mefme
Troupe promet une autre
Piece nouvelle fous le nom
d'Adrafte. Elle eſt de M
Ferrier.
Je croyois vous appren
dre le fuccés d'
Agamemnon,
affiché depuis longtemps
par la Troupe du Roy,
qu'on appelle de Guénegaud , mais la foule augmente de jour en jour aux
Repréſentations de la Devinereffe , & non feulement
elles ont continué jufqu'à
GALANT 305
aujourd'huy depuis la Saint
Martin qu'elle a commencé
de paroiftre fur le Théatre,
mais il y a grande apparence qu'elles continuëront
tout le refte du Carna
val. Cet extraordinaire
fuccés ne peut venir que
de ce que tout le monde
trouve à s'y divertir plus
d'une fois, & vous tomberez
d'accord que les chofes qui
nous font fouhaiter de les
revor, ne peuvent cftre que
fort agreables
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Résumé : Divertissemens publics, [titre d'après la table]
Le texte évoque les divertissements à la cour et à Paris, en mettant l'accent sur les opéras. L'opéra 'Bellerophon' a été particulièrement apprécié par Sa Majesté, qui a fait répéter certains passages. Cet opéra a été salué pour son sujet bien conduit et ses divertissements intégrés de manière naturelle. Les représentations de 'Bellerophon' ont cessé pour laisser place à celles de 'Proserpine', écrit par Quinault, attendu pour sa délicatesse et la qualité de ses vers. Cet opéra promet également des décors somptueux et des habits riches. La Troupe Royale de l'Hôtel de Bourgogne a présenté la tragédie 'Genséric, Roi des Vandales', écrite par Madame Deshoulières, et prépare une autre pièce intitulée 'Adraste' par Ferrier. Le succès continu de 'La Devineresse' par la Troupe du Roy, connue sous le nom de Guénégaud, attire une foule croissante et devrait continuer jusqu'à la fin du carnaval.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 1379-1381
Démocrite prétendu fou, &c. [titre d'après la table]
Début :
DEMOCRITE PRETENDU FOU, Comedie en trois Actes, representée pour la premiere [...]
Mots clefs :
Démocrite, Hôtel de Bourgogone
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Démocrite prétendu fou, &c. [titre d'après la table]
DEMOCRLTE PRETENDU FOU , Comedie
en trois Actes , reprefentée pour la premiere
fois fur le theatre de l'Hôtel do
Bourgogne , le Lundy 24. Avril 1730 .
A Paris , rue dela Harpe , aux trois Rois
chez L. D de la Tour 1730. in 80. 82. pa
ges.
Cette Piece dont nous avons donné une
Extrait affez étendu dans le dernier Mercure,
& marqué le fuccès , a eu 22. Repre
fentations au profit de l'Auteur , & les
aplaudiffemens qu'elle a cûs ne font
pas démentis par l'impreffion . Le plaifir.
qu'elle fait à lire eft prouvé par le débit.
Au refte ce n'eft pas ici le feul Ouvrage
que M. Autreau ait donné à l'Hôtel de
Bourgogne.
Deux ans après l'arrivée des Comediens
Italiens à Paris , la curiofité du Pue
blic étant affez fatisfaite , & toutes leurs
Pieces plufieurs fois repriſes , ayant perdu
la grace de la nouveauté , leur Theatre
devint défert , & ils fentirent le befoin
qu'ils avoient de Pieces Françoifes , mais
II, Vol.
aucun
1380 MERCURE DE FRANCE
aucun bon Auteur François n'ofant rif
quer de travailler pour des Acteurs étrangers
, la Troupe le difpofoit à paffer en
Angleterre. Dans cette conjoncture , il fit
pour eux la Piece intitulée , Le Naufrage
au Port à l'Anglois , dont le fuccès les arrêta
à Paris , & donna courage à d'autres
Auteurs de travailler pour eux.
Il leur donna enfuite L'Amante Roma
nefque , on la Capricieufe , en cinq Actes ,
laquelle pour quelques mots quifentoient
un peu trop l'ancien Theatre , tomba d'abord
, mais elle fe releva enfuite , réduite
en trois Actes , & plût beaucoup ; la Demoifelle
Silvia & Arlequin y ayant des
rôles très avantageux . L'indifpofition
d'une Actrice en arrêta le cours au fort
de fon fuccès. Comme le fond de la piece
eft bon & les divertiffemens agréables &
bien amenez , il l'a refaite depuis prefque
d'un bout à l'autre , & on doit la remettre
inceffamment au Theatre comme
neuve.
La Comedie , Les Amans ignorans , fuivit
celle- ci , & attira beaucoup de monde
.
Panurge à marier, parut enfuite , dont le
Prologue & le premier Acte , qui font des
Pieces détachées , réüffirent parfaitement;
on les joua plufieurs fois ; & comme le
fujet de la Piece fut trouvé bon & d'une
II. Vol. invention
JUIN. 1730. 1381
invention heureufe & finguliere , je l'ai
encore travaillée depuis toute entiere avec
foin , & l'ai même augmentée d'un Acte
nouveau. Les mêmes Comediens promet
tent de la redonner bien- tôt.
La Fille inquiéte , ou le Befoin d'aimer ,
vint enfuite , mais elle n'eut aucun fuccès.
On ne sçauroit bien dire pourquoi ,
car cette Piece fait plaifir à lire , & l'édition
qu'on en fit alors fut toute venduë
en peu de tems.
M. Autreau , après avoir été quelquestems
fans travailler , par dégoût & par
d'autres raifons particulieres , s'eft remis
à faire fa cour à Thalie , & il prépare pour
differens Theatres , encouragé par le fuccès
de Démocrite , plufieurs Ouvrages
dont il efpere que le Public fera content.
en trois Actes , reprefentée pour la premiere
fois fur le theatre de l'Hôtel do
Bourgogne , le Lundy 24. Avril 1730 .
A Paris , rue dela Harpe , aux trois Rois
chez L. D de la Tour 1730. in 80. 82. pa
ges.
Cette Piece dont nous avons donné une
Extrait affez étendu dans le dernier Mercure,
& marqué le fuccès , a eu 22. Repre
fentations au profit de l'Auteur , & les
aplaudiffemens qu'elle a cûs ne font
pas démentis par l'impreffion . Le plaifir.
qu'elle fait à lire eft prouvé par le débit.
Au refte ce n'eft pas ici le feul Ouvrage
que M. Autreau ait donné à l'Hôtel de
Bourgogne.
Deux ans après l'arrivée des Comediens
Italiens à Paris , la curiofité du Pue
blic étant affez fatisfaite , & toutes leurs
Pieces plufieurs fois repriſes , ayant perdu
la grace de la nouveauté , leur Theatre
devint défert , & ils fentirent le befoin
qu'ils avoient de Pieces Françoifes , mais
II, Vol.
aucun
1380 MERCURE DE FRANCE
aucun bon Auteur François n'ofant rif
quer de travailler pour des Acteurs étrangers
, la Troupe le difpofoit à paffer en
Angleterre. Dans cette conjoncture , il fit
pour eux la Piece intitulée , Le Naufrage
au Port à l'Anglois , dont le fuccès les arrêta
à Paris , & donna courage à d'autres
Auteurs de travailler pour eux.
Il leur donna enfuite L'Amante Roma
nefque , on la Capricieufe , en cinq Actes ,
laquelle pour quelques mots quifentoient
un peu trop l'ancien Theatre , tomba d'abord
, mais elle fe releva enfuite , réduite
en trois Actes , & plût beaucoup ; la Demoifelle
Silvia & Arlequin y ayant des
rôles très avantageux . L'indifpofition
d'une Actrice en arrêta le cours au fort
de fon fuccès. Comme le fond de la piece
eft bon & les divertiffemens agréables &
bien amenez , il l'a refaite depuis prefque
d'un bout à l'autre , & on doit la remettre
inceffamment au Theatre comme
neuve.
La Comedie , Les Amans ignorans , fuivit
celle- ci , & attira beaucoup de monde
.
Panurge à marier, parut enfuite , dont le
Prologue & le premier Acte , qui font des
Pieces détachées , réüffirent parfaitement;
on les joua plufieurs fois ; & comme le
fujet de la Piece fut trouvé bon & d'une
II. Vol. invention
JUIN. 1730. 1381
invention heureufe & finguliere , je l'ai
encore travaillée depuis toute entiere avec
foin , & l'ai même augmentée d'un Acte
nouveau. Les mêmes Comediens promet
tent de la redonner bien- tôt.
La Fille inquiéte , ou le Befoin d'aimer ,
vint enfuite , mais elle n'eut aucun fuccès.
On ne sçauroit bien dire pourquoi ,
car cette Piece fait plaifir à lire , & l'édition
qu'on en fit alors fut toute venduë
en peu de tems.
M. Autreau , après avoir été quelquestems
fans travailler , par dégoût & par
d'autres raifons particulieres , s'eft remis
à faire fa cour à Thalie , & il prépare pour
differens Theatres , encouragé par le fuccès
de Démocrite , plufieurs Ouvrages
dont il efpere que le Public fera content.
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Résumé : Démocrite prétendu fou, &c. [titre d'après la table]
La pièce 'Démocrite prétendu fou' est une comédie en trois actes représentée pour la première fois le 24 avril 1730 au théâtre de l'Hôtel de Bourgogne. Elle a connu 22 représentations et a été bien accueillie par le public et la critique. L'ouvrage a été publié la même année à Paris. Deux ans après l'arrivée des comédiens italiens à Paris, leur théâtre est devenu désert en raison de la perte de nouveauté de leurs pièces. Aucun auteur français ne souhaitait écrire pour des acteurs étrangers, poussant la troupe à envisager de partir en Angleterre. Cependant, la pièce 'Le Naufrage au Port' en anglais a arrêté leur départ et a encouragé d'autres auteurs à écrire pour eux. M. Autreau a ensuite écrit 'L'Amante romaine ou la Capricieuse' en cinq actes, qui a d'abord échoué mais a plu davantage après avoir été réduite en trois actes. D'autres œuvres comme 'Les Amants ignorants', 'Panurge à marier' et 'La Fille inquiète, ou le Besoin d'aimer' ont suivi, avec des succès variés. Après une pause, M. Autreau prépare de nouveaux ouvrages pour différents théâtres, encouragé par le succès de 'Démocrite'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 554-561
EXTRAIT de la Tragi-Comedie de Danaüs, de M. de Lisle, représentée sur le Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne, le 21. Janvier 1732.
Début :
L'Auteur a conservé dans cette Piece toute l'Histoire [...]
Mots clefs :
Danaüs, Danaïdes, Tragicomédie, Hôtel de Bourgogone, Monologue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de la Tragi-Comedie de Danaüs, de M. de Lisle, représentée sur le Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne, le 21. Janvier 1732.
SPECTACLES.
EXTRAIT de la Tragi-Comedie de
Danaüs , de M. de Lisle , représentée
sur le Théatre de l'Hôtel de Bourgogne ,
le 21. Janvier 1732.
L'AU
'Auteur a conservé dans cette Piece toute
l'Histoire des Danaïdes , elles y égorgent
leurs Epoux par l'ordre de Danaüs; la seule Hyper
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
1
E
J'
M
J'ZA A4Ba
TAD
SW
YORK PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
*
E
L
lew
MARS. 1732. 555
permnestre sauve Lincée ; et pour traiter d'ane
maniere nouvelle ce Sujet, qui est connu sur notre Théatre, l'Auteur n'y fait point paroître Lin
ée , qui cependant est le mobile de tout ce qui
se passe sur la Scene ; l'Episode d'Argée y pro- duit des interêts nouveaux et des situations toutes differentes de celles où jusqu'ici l'on a fait
voir Hypermnestre ; ce même Argée est supposé
fils de Gelanor, Roy d'Argos , et qui fut déposé
dans le temps que ses Sujets rebelles choisirent Danaus pour lui succeder. Ce jeune Prince ignore sa naissance ; et Créon , son Gouverneur, qui passe pour être son pere , en a seul te secret. I
est amoureux d'Hypermnestre , et il est aimé ;
Danaus qui lui doit une partie de ses victoires ,
l'avoit destiné à l'Hymen d'Hypermnestre , qu'il
n'a suspendu que pour envelopper dans la mort
de tous ses Neveux , celui dont l'Oracle l'avoit
inenacé le caractere d'Argée est grand et même
nouveau, sa generosité superieure à l'Amour et à
l'Ambition , se réunit naturellement avec les sentimens de devoir , ausquels Hypermnestre se livre absolument. On voit par tout dans cette Piece
une vertu épurée , opposée au crime et à l'injustice ; les innocens sont couronnez par la Catastrophe et les Criminels punis.
Cette Tragédie n'est qu'en trois Actes ; on n'y
a ajoûté des Intermedes que par rapport au Théatre Italien. Ils sont ingénieux et l'idée en est
nouvelle , ils composent une petite Comédie qui
naît du plus grand tragique ; elle présente une
ébauche des maux que les crimes des Grands font tomber sur le Public.
Quidquid delirant Reges , plectuntur Achivi.
L'Auteur fait jouer sur le même Sujet la Tra- G gédic
L
h
$56 MERCURE DE FRANCE
gédie à la Cour , et la Comédie à la Ville , et
chaque Acte tragique en produit un comique.
Au premier Acte , la Scene se passe dans la
nuit, et commence au moment que Danaus compte que ses Neveux sont morts. Créon et Idas ouvrent la Scene; le premier est un ancien Capitaine
du Roy Gelanor , et crû pere d'Argée , et l'autre
est aussi un vieux Officier attaché au même Roy.
Il revient de l'exil que sa fidelité pour son Prince
lui avoit attiré. Ces deux amis se retrouvent
dans Argos après une longue absence ; et dans le
détail de leurs avantures , ils exposent le Sujet
par l'Histoire de Gelanor et de Danaüs , celle
d'Argée , son amour pour Hypermnestre , et le
Mariage de cette Princesse avec Lincée , qui dé--
truit sans ressource toutes les esperances d'Argée.
Cete Scene finit par le récit que fait Créon d'un
prodige arrivé dans le Temple au moment de la solemnité du Mariage des Princes avec les Princesses , &c.
Danaus , accompagné d'Antenor , son Confi.
dent et Sacrificateur , apprend que ses Neveux
ont été égorgez ; il se livre à tous les remords
dont il est agité, rappelle à Antenor que c'est lui
qui par ses conseils l'a déterminé à ces forfaits .
Il appréhende que le Soleil ne découvre bientôt
aux Mortels les horreurs que les tenebres de la nuit
lui ont cachez. Il prévoit que son Frere ya bientot arriver avec toutes les forces de l'Egypte pour
venger la mort de ses fils , et il ajoûte qu'il veut
( en couronnant la tendresse d'Argée ) opposer
sa valeur aux efforts d'Egyptus , et qu'il a mandé cet Amant malheureux , &c.
Argée arrive , Danaus lui fait entrevoir qu'il
est sur le point d'être heureux. Argée en est fort
surpris, scachant que la Princesse est entre les
bras
MARS. 17320 557
bras de son Epoux.Danaüs lui rappelle l'histoire
de sa vie , et celle d'Egyptus , les raisons qui le
firent sortir de l'Egypte , et celles de la haine
qui étoit entre son Frere et lui ; et enfin comme il
est parvenu au Thrône d'Argos, où il se voit encore menacé par des nouveaux périls, &c. Argée
étonné de ce qu'il vient d'entendre , dit à Danaüs, que l'alliance qu'il vient de contracter avec
Egyptus , le met au dessus de tout ce que ses
ennemis pourroient entreprendre. Danaus lui
apprend enfin que l'Oracle l'a averti qu'il devoit
périr par la main d'un de ses Neveux , que c'est
pour le prévenir que sous les noms de Paix et
d'Hymenée , il les a attiré dans Argos , et que
ses filles viennent de les égorger.
Argée épouvanté , demande à Danaus si Hypermnestre a été capable d'un si noir attentat.Danaus lui fait entendre qu'elle lui rend par là son
cœur.
Argée déteste encore dans un Monologue le
crime de Danaus , il frémit de ce qu'il veut lui
rendre une Amante, teinte du sang de son Epoux,
il préfere la mort à cet hymen , et n'est sensible
qu'à la haine des forfaits , qui révoltent son ame contre la Princesse. Elle arrive ; il ne la voit
qu'avec horreur. La Princesse lui apprend qu'elle
a sauvé son Epoux, contre les Ordres du Roy;
quoiqu'il l'eut flaté de l'espoir d'épouser Argée.
Hypermnestre dit à Argée qu'elle n'a recours
qu'à sa générosité , pour sauver son rival. Argée
charmé de voir que la Princesse n'est point criminelle , se livre au plaisir de la voir toujours
digne de lui ; il veut seconder sa vertu , aux dépens de son amour et de sa vie , et part pour
exécuter ce gencreux dessein.
Dans le premier Intermede , Arlequin et EuGij phro
558 MERCURE DE FRANCE
phrosine sa future épouse , viennent au lever. de
l'Aurore , dans un Bois consacré à l'Hymen ; le
pere d'Euphrosine saisit la naissance d'un si
beau jour , pour achever leur hymen , trouvant
que l'aspect du Ciel est favorable à l'Amour. Il
en juge par l'Hymen des Princes d'Egypte ,
avec les Filles de Danaüs ; et appuye son jugement sur la réfléxion qu'il fait , que nous sommes necessairement entraînez par la destinée
nos Rois , et que nous partageons leurs malheurs comme leurs félicités. On chante, on danse ; mais dans le plus fort de la fête , la mere
d'Euphrosine vient apprendre que les Fils d'E
gyptus ont été tuez par leurs Epouses , &c. Arlequin fait divers Lazzis de frayeur , et prend la
fuite.
Au second Acte , Argée arrive , accompagné
de Créon. Ce Prince lit l'Acte public , par lequel
Géanor le reconnoît pour son fils. Créon lui apprend les raisons qu'il a eues de lui cacher sa nais- sance , et l'exhorte à profiter du crime de Danaus , pour remonter sur le Thrône ; il lui dit que
tous ses amis assiégent les Portes du Palais , et
qu'ils n'attendent que lui pour punir le Tyran.
Argée surmontant l'amour et l'ambition , lui répond que Danaus n'a point eu de part à l'exil de
son Pere , &c. qu'il doit toujours reconnoître
en lui le Pere d'Hypermnestre , qu'il veut même
le servir , puisque ce Prince lui offre encore ia
Princesse et l'Empire , et qu'il se déshonorerojt
s'il lui ravissoit avec la vie,des biens qu'il veut lui rendre , &c.
Créon admire la grandeur d'ame de ce Prince
et voulant le conserver pour le bien de sa Patrie
il sort pour donner le signal de l'attaque et faire
agir Lyncée contre Danaus , &c.
Danaus
MARS. 1732 559
き
Danaus entre avec un Officier qui lui apprend
que Lyncée est échapé , et qu'il l'a vû escorté
du seul Argée , et que le bruit se répand que ce
dernier est le fils de Gélanor. Danaus frappé de
ces circonstances, ordonne qu'on arrête Argée et
Créon , et fait chercher Hypermnestre. Danaus se livre ensuite à ses craintes et à ses temords.
Hypermnestre vient joindre Danaus. Ce Prin
ce lui demande si son Epoux est mort ou vivant. La Princesse répond fierement qu'elle l'a
sauvé. Danaus furieux , lui demande quelle ré- compense elle en attend ? La mort , dit- elle. Danaus la lui promet d'abord, mais combattu par la
crainte , il tâche finement de séduire la Princesse,
en lui faisant envisager que l'action de générosité qu'elle vient de faire , entraîne nécessairement
la mort de son pere , sans compter les malheurs
de sa patrie , par les efforts qu'Egyptus va faire'
pour vanger la mort de ses fils . Danaus toujours
irrité , lui dit encore qu'il est informé de tous ses crimes, et que c'est Argée qui a sauvé son Epoux.
Hypermnestre épouvantée , lui répond de ne pas
mettre le comble aux horreurs de son injustice ,
et que son crime seul suffit pour son supplice.
Antenor vient apprendre à Danaus que son Palais est attaqué. Ses Gardes forcés , et que son
Neveu est à la tête des conjurez , assemblez par
les soins de Créon. La Princesse étonnée des périls qui menacent son pere , le conjure d'avoir recours à la valeur d'Argée. Danaus furieux , lui
dit que pour épouvanter les Rebelles , il le va faire immoler à leurs yeux , et forme le dessein de la faire immoler elle - même sur l'Autel des Euménides ; il commande à ses Gardes de l'y conduire , il se retire pour aller s'opposer aux Rebelles , &c.
G iij Dans
560 MERCURE DE FRANCE.
Dans l'Intermede du second Acte, Arlequin armé
de toutes Pieces , paroît tremblant de peur, muni d'une Bouteille de vin ; comme il se croit en lieu
de sureté , il fait des réfléxions comiques et satiriques sur tout ce qui se passe actuellement dans
Argos. Dans le temps qu'il boit pour prendre
courage , un bruit de guerre , et les clameurs des
combatans l'interrompent ; il veut prendre la fuite , mais il est empêché par l'entrée de ces mêmes combattans , qui font un combat en forme
de Balet, dans lequel le parti de Danaüs est battu,
et celui d'Argée celebre la victoire par de nouvelles Danses. On apperçoit Arlequin , caché à
un coin du Théatre , qui contrefait le mort. Un des combattans lui enterre sa Bouteille et l'oblige de le suivre au combat. Arlequin dit en
s'en allant , que s'il y rencontre la Victoire , la.
peur ne manquera pas de la conduire sur ses pas.
Cette Scene est tres- comique et dans le vrai ca.
ractere d'Arlequin..
Le troisiéme Acte commence par un Monolo gue d'Hypermnestre ; elle a été conduite à l'Au
tel des Eumenides , pour y être sacrifiée ; elle
s'abandonne à sa douleur. Argée , dit- elle, va être
immolé pour elle , son Epoux est armé , et son
Pere va périr ; elle ne sçait pour qui faire des
vœux;quand Idas arrive , il lui apprend qu'Argée est sauvé , et que tout a changé de face. La
Princesse demande d'abord ce que son Pere et son
Epoux sont devenus ; Idas lui dit qu'il les a vûs.
engagez dans le combat , et lui en fait le détail
qu'Argée s'est armé avec précipitation et que
suivi de l'Elite de ses libérateurs , îl s'est mêlé
tout furieux , parmi les combattans. Hypermnestre craint d'abord que ce Prince n'ait dessein de se vanger de son Pere ; mais sa générosité la ras--
sure
MARS. 1732 561
sure. Elle ordonne à Idas de l'aller joindre dans
un si grand péril. Antenor arrive, suivi d'une Troupe supérieure , et se rend maître du Temple ; il dit à la Princesse qu'il faut qu'elle en ré- tire son Pere elle - même par son sang , puisque
c'est son infidelité qui cause tous ses malheurs et
que le Roy prêt à périr , veut que tous ses enne- mis l'emmenent aux enfers. La Princesse se détermine généreusement à la mort , et se jette au
pieds de l'Autel pour être immolée. Antenor fait son invocation , et dans le temps qu'il leve les
bras pour la sacrifier , Danaus arrive , blessé à
mort et soutenu par Argée et par Créon. Il dit
qu'un sang plus criminel doit appaiser les Dieux,
et ordonne aux Prêtres de sacrifier Antenor.
Danaus dit que c'est pour la premiere fois qu'il
entend ce que les Dieux commandent , et qu'en
périssant , il doit finir par un trait de justice. Il
apprend à Hypermnestrè que son Epoux ( qui l'a blessé à mort est mort de sa main , qu'Argée
Pa retiré ( lui Danaüs ) des mains de ceux qui
alloient lui ravir ce reste de vie. Il dit enfin à la
Princesse qu'elle est libre , par la mort de son
Epoux , et l'exhorte à épouser Argée. Danaus
expire avec tous les remors que la grandeur de ses crimes doivent lui causer.
L'arrivée d'Arlequin fait le troisième Intermede ; il revient du combat , fier et rempli de
lui même; son Monologue est fort comique. Euphrosine , sa Maîtresse , vient le joindre ; on ceTebre leur mariage par des Chants et des Danses
qui finissent la Picce. La Musique de ces trois
Intermedes , qui très - bien caractérisée , est de
la composition de M. Mouret.
EXTRAIT de la Tragi-Comedie de
Danaüs , de M. de Lisle , représentée
sur le Théatre de l'Hôtel de Bourgogne ,
le 21. Janvier 1732.
L'AU
'Auteur a conservé dans cette Piece toute
l'Histoire des Danaïdes , elles y égorgent
leurs Epoux par l'ordre de Danaüs; la seule Hyper
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NEW
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PUBLIC
LIBRARY
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, LENOX
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MARS. 1732. 555
permnestre sauve Lincée ; et pour traiter d'ane
maniere nouvelle ce Sujet, qui est connu sur notre Théatre, l'Auteur n'y fait point paroître Lin
ée , qui cependant est le mobile de tout ce qui
se passe sur la Scene ; l'Episode d'Argée y pro- duit des interêts nouveaux et des situations toutes differentes de celles où jusqu'ici l'on a fait
voir Hypermnestre ; ce même Argée est supposé
fils de Gelanor, Roy d'Argos , et qui fut déposé
dans le temps que ses Sujets rebelles choisirent Danaus pour lui succeder. Ce jeune Prince ignore sa naissance ; et Créon , son Gouverneur, qui passe pour être son pere , en a seul te secret. I
est amoureux d'Hypermnestre , et il est aimé ;
Danaus qui lui doit une partie de ses victoires ,
l'avoit destiné à l'Hymen d'Hypermnestre , qu'il
n'a suspendu que pour envelopper dans la mort
de tous ses Neveux , celui dont l'Oracle l'avoit
inenacé le caractere d'Argée est grand et même
nouveau, sa generosité superieure à l'Amour et à
l'Ambition , se réunit naturellement avec les sentimens de devoir , ausquels Hypermnestre se livre absolument. On voit par tout dans cette Piece
une vertu épurée , opposée au crime et à l'injustice ; les innocens sont couronnez par la Catastrophe et les Criminels punis.
Cette Tragédie n'est qu'en trois Actes ; on n'y
a ajoûté des Intermedes que par rapport au Théatre Italien. Ils sont ingénieux et l'idée en est
nouvelle , ils composent une petite Comédie qui
naît du plus grand tragique ; elle présente une
ébauche des maux que les crimes des Grands font tomber sur le Public.
Quidquid delirant Reges , plectuntur Achivi.
L'Auteur fait jouer sur le même Sujet la Tra- G gédic
L
h
$56 MERCURE DE FRANCE
gédie à la Cour , et la Comédie à la Ville , et
chaque Acte tragique en produit un comique.
Au premier Acte , la Scene se passe dans la
nuit, et commence au moment que Danaus compte que ses Neveux sont morts. Créon et Idas ouvrent la Scene; le premier est un ancien Capitaine
du Roy Gelanor , et crû pere d'Argée , et l'autre
est aussi un vieux Officier attaché au même Roy.
Il revient de l'exil que sa fidelité pour son Prince
lui avoit attiré. Ces deux amis se retrouvent
dans Argos après une longue absence ; et dans le
détail de leurs avantures , ils exposent le Sujet
par l'Histoire de Gelanor et de Danaüs , celle
d'Argée , son amour pour Hypermnestre , et le
Mariage de cette Princesse avec Lincée , qui dé--
truit sans ressource toutes les esperances d'Argée.
Cete Scene finit par le récit que fait Créon d'un
prodige arrivé dans le Temple au moment de la solemnité du Mariage des Princes avec les Princesses , &c.
Danaus , accompagné d'Antenor , son Confi.
dent et Sacrificateur , apprend que ses Neveux
ont été égorgez ; il se livre à tous les remords
dont il est agité, rappelle à Antenor que c'est lui
qui par ses conseils l'a déterminé à ces forfaits .
Il appréhende que le Soleil ne découvre bientôt
aux Mortels les horreurs que les tenebres de la nuit
lui ont cachez. Il prévoit que son Frere ya bientot arriver avec toutes les forces de l'Egypte pour
venger la mort de ses fils , et il ajoûte qu'il veut
( en couronnant la tendresse d'Argée ) opposer
sa valeur aux efforts d'Egyptus , et qu'il a mandé cet Amant malheureux , &c.
Argée arrive , Danaus lui fait entrevoir qu'il
est sur le point d'être heureux. Argée en est fort
surpris, scachant que la Princesse est entre les
bras
MARS. 17320 557
bras de son Epoux.Danaüs lui rappelle l'histoire
de sa vie , et celle d'Egyptus , les raisons qui le
firent sortir de l'Egypte , et celles de la haine
qui étoit entre son Frere et lui ; et enfin comme il
est parvenu au Thrône d'Argos, où il se voit encore menacé par des nouveaux périls, &c. Argée
étonné de ce qu'il vient d'entendre , dit à Danaüs, que l'alliance qu'il vient de contracter avec
Egyptus , le met au dessus de tout ce que ses
ennemis pourroient entreprendre. Danaus lui
apprend enfin que l'Oracle l'a averti qu'il devoit
périr par la main d'un de ses Neveux , que c'est
pour le prévenir que sous les noms de Paix et
d'Hymenée , il les a attiré dans Argos , et que
ses filles viennent de les égorger.
Argée épouvanté , demande à Danaus si Hypermnestre a été capable d'un si noir attentat.Danaus lui fait entendre qu'elle lui rend par là son
cœur.
Argée déteste encore dans un Monologue le
crime de Danaus , il frémit de ce qu'il veut lui
rendre une Amante, teinte du sang de son Epoux,
il préfere la mort à cet hymen , et n'est sensible
qu'à la haine des forfaits , qui révoltent son ame contre la Princesse. Elle arrive ; il ne la voit
qu'avec horreur. La Princesse lui apprend qu'elle
a sauvé son Epoux, contre les Ordres du Roy;
quoiqu'il l'eut flaté de l'espoir d'épouser Argée.
Hypermnestre dit à Argée qu'elle n'a recours
qu'à sa générosité , pour sauver son rival. Argée
charmé de voir que la Princesse n'est point criminelle , se livre au plaisir de la voir toujours
digne de lui ; il veut seconder sa vertu , aux dépens de son amour et de sa vie , et part pour
exécuter ce gencreux dessein.
Dans le premier Intermede , Arlequin et EuGij phro
558 MERCURE DE FRANCE
phrosine sa future épouse , viennent au lever. de
l'Aurore , dans un Bois consacré à l'Hymen ; le
pere d'Euphrosine saisit la naissance d'un si
beau jour , pour achever leur hymen , trouvant
que l'aspect du Ciel est favorable à l'Amour. Il
en juge par l'Hymen des Princes d'Egypte ,
avec les Filles de Danaüs ; et appuye son jugement sur la réfléxion qu'il fait , que nous sommes necessairement entraînez par la destinée
nos Rois , et que nous partageons leurs malheurs comme leurs félicités. On chante, on danse ; mais dans le plus fort de la fête , la mere
d'Euphrosine vient apprendre que les Fils d'E
gyptus ont été tuez par leurs Epouses , &c. Arlequin fait divers Lazzis de frayeur , et prend la
fuite.
Au second Acte , Argée arrive , accompagné
de Créon. Ce Prince lit l'Acte public , par lequel
Géanor le reconnoît pour son fils. Créon lui apprend les raisons qu'il a eues de lui cacher sa nais- sance , et l'exhorte à profiter du crime de Danaus , pour remonter sur le Thrône ; il lui dit que
tous ses amis assiégent les Portes du Palais , et
qu'ils n'attendent que lui pour punir le Tyran.
Argée surmontant l'amour et l'ambition , lui répond que Danaus n'a point eu de part à l'exil de
son Pere , &c. qu'il doit toujours reconnoître
en lui le Pere d'Hypermnestre , qu'il veut même
le servir , puisque ce Prince lui offre encore ia
Princesse et l'Empire , et qu'il se déshonorerojt
s'il lui ravissoit avec la vie,des biens qu'il veut lui rendre , &c.
Créon admire la grandeur d'ame de ce Prince
et voulant le conserver pour le bien de sa Patrie
il sort pour donner le signal de l'attaque et faire
agir Lyncée contre Danaus , &c.
Danaus
MARS. 1732 559
き
Danaus entre avec un Officier qui lui apprend
que Lyncée est échapé , et qu'il l'a vû escorté
du seul Argée , et que le bruit se répand que ce
dernier est le fils de Gélanor. Danaus frappé de
ces circonstances, ordonne qu'on arrête Argée et
Créon , et fait chercher Hypermnestre. Danaus se livre ensuite à ses craintes et à ses temords.
Hypermnestre vient joindre Danaus. Ce Prin
ce lui demande si son Epoux est mort ou vivant. La Princesse répond fierement qu'elle l'a
sauvé. Danaus furieux , lui demande quelle ré- compense elle en attend ? La mort , dit- elle. Danaus la lui promet d'abord, mais combattu par la
crainte , il tâche finement de séduire la Princesse,
en lui faisant envisager que l'action de générosité qu'elle vient de faire , entraîne nécessairement
la mort de son pere , sans compter les malheurs
de sa patrie , par les efforts qu'Egyptus va faire'
pour vanger la mort de ses fils . Danaus toujours
irrité , lui dit encore qu'il est informé de tous ses crimes, et que c'est Argée qui a sauvé son Epoux.
Hypermnestre épouvantée , lui répond de ne pas
mettre le comble aux horreurs de son injustice ,
et que son crime seul suffit pour son supplice.
Antenor vient apprendre à Danaus que son Palais est attaqué. Ses Gardes forcés , et que son
Neveu est à la tête des conjurez , assemblez par
les soins de Créon. La Princesse étonnée des périls qui menacent son pere , le conjure d'avoir recours à la valeur d'Argée. Danaus furieux , lui
dit que pour épouvanter les Rebelles , il le va faire immoler à leurs yeux , et forme le dessein de la faire immoler elle - même sur l'Autel des Euménides ; il commande à ses Gardes de l'y conduire , il se retire pour aller s'opposer aux Rebelles , &c.
G iij Dans
560 MERCURE DE FRANCE.
Dans l'Intermede du second Acte, Arlequin armé
de toutes Pieces , paroît tremblant de peur, muni d'une Bouteille de vin ; comme il se croit en lieu
de sureté , il fait des réfléxions comiques et satiriques sur tout ce qui se passe actuellement dans
Argos. Dans le temps qu'il boit pour prendre
courage , un bruit de guerre , et les clameurs des
combatans l'interrompent ; il veut prendre la fuite , mais il est empêché par l'entrée de ces mêmes combattans , qui font un combat en forme
de Balet, dans lequel le parti de Danaüs est battu,
et celui d'Argée celebre la victoire par de nouvelles Danses. On apperçoit Arlequin , caché à
un coin du Théatre , qui contrefait le mort. Un des combattans lui enterre sa Bouteille et l'oblige de le suivre au combat. Arlequin dit en
s'en allant , que s'il y rencontre la Victoire , la.
peur ne manquera pas de la conduire sur ses pas.
Cette Scene est tres- comique et dans le vrai ca.
ractere d'Arlequin..
Le troisiéme Acte commence par un Monolo gue d'Hypermnestre ; elle a été conduite à l'Au
tel des Eumenides , pour y être sacrifiée ; elle
s'abandonne à sa douleur. Argée , dit- elle, va être
immolé pour elle , son Epoux est armé , et son
Pere va périr ; elle ne sçait pour qui faire des
vœux;quand Idas arrive , il lui apprend qu'Argée est sauvé , et que tout a changé de face. La
Princesse demande d'abord ce que son Pere et son
Epoux sont devenus ; Idas lui dit qu'il les a vûs.
engagez dans le combat , et lui en fait le détail
qu'Argée s'est armé avec précipitation et que
suivi de l'Elite de ses libérateurs , îl s'est mêlé
tout furieux , parmi les combattans. Hypermnestre craint d'abord que ce Prince n'ait dessein de se vanger de son Pere ; mais sa générosité la ras--
sure
MARS. 1732 561
sure. Elle ordonne à Idas de l'aller joindre dans
un si grand péril. Antenor arrive, suivi d'une Troupe supérieure , et se rend maître du Temple ; il dit à la Princesse qu'il faut qu'elle en ré- tire son Pere elle - même par son sang , puisque
c'est son infidelité qui cause tous ses malheurs et
que le Roy prêt à périr , veut que tous ses enne- mis l'emmenent aux enfers. La Princesse se détermine généreusement à la mort , et se jette au
pieds de l'Autel pour être immolée. Antenor fait son invocation , et dans le temps qu'il leve les
bras pour la sacrifier , Danaus arrive , blessé à
mort et soutenu par Argée et par Créon. Il dit
qu'un sang plus criminel doit appaiser les Dieux,
et ordonne aux Prêtres de sacrifier Antenor.
Danaus dit que c'est pour la premiere fois qu'il
entend ce que les Dieux commandent , et qu'en
périssant , il doit finir par un trait de justice. Il
apprend à Hypermnestrè que son Epoux ( qui l'a blessé à mort est mort de sa main , qu'Argée
Pa retiré ( lui Danaüs ) des mains de ceux qui
alloient lui ravir ce reste de vie. Il dit enfin à la
Princesse qu'elle est libre , par la mort de son
Epoux , et l'exhorte à épouser Argée. Danaus
expire avec tous les remors que la grandeur de ses crimes doivent lui causer.
L'arrivée d'Arlequin fait le troisième Intermede ; il revient du combat , fier et rempli de
lui même; son Monologue est fort comique. Euphrosine , sa Maîtresse , vient le joindre ; on ceTebre leur mariage par des Chants et des Danses
qui finissent la Picce. La Musique de ces trois
Intermedes , qui très - bien caractérisée , est de
la composition de M. Mouret.
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Résumé : EXTRAIT de la Tragi-Comedie de Danaüs, de M. de Lisle, représentée sur le Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne, le 21. Janvier 1732.
Le texte présente un extrait de la tragédie 'Danaüs' de M. de Lisle, représentée le 21 janvier 1732 à l'Hôtel de Bourgogne. L'auteur conserve l'histoire des Danaïdes, qui égorgent leurs époux sur ordre de Danaüs, à l'exception d'Hypermnestre qui sauve Lyncée. Pour renouveler le sujet, l'auteur ne fait pas apparaître Lyncée sur scène, bien qu'il soit le mobile de l'intrigue. L'épisode d'Argée, supposé fils de Gelanor, roi d'Argos, introduit de nouveaux intérêts et situations. Argée, ignorant sa véritable naissance, est amoureux d'Hypermnestre et réciproquement. Danaüs, qui lui doit des victoires, l'avait destiné à épouser Hypermnestre, mais a suspendu cette union pour inclure Argée dans la mort de ses neveux. La pièce met en avant la vertu opposée au crime et à l'injustice, avec une catastrophe où les innocents sont couronnés et les criminels punis. La tragédie est en trois actes, avec des intermèdes inspirés du théâtre italien. Chaque acte tragique produit un acte comique, illustrant les maux que les crimes des grands font subir au public. Dans le premier acte, la scène se déroule la nuit, au moment où Danaüs croit ses neveux morts. Créon et Idas, anciens officiers de Gelanor, discutent de l'histoire de Gelanor, de Danaüs, et de l'amour d'Argée pour Hypermnestre. Danaüs, accompagné d'Antenor, apprend la mort de ses neveux et exprime ses remords. Argée arrive, et Danaüs lui révèle l'oracle prédisant sa mort par un de ses neveux, et l'égorgement de ceux-ci par ses filles. Hypermnestre avoue à Argée avoir sauvé Lyncée, et Argée décide de la secourir. Les intermèdes comiques, avec des personnages comme Arlequin et Euphrosine, contrastent avec la tragédie principale. Dans le second acte, Argée, accompagné de Créon, lit un acte public reconnaissant sa filiation avec Gelanor. Créon l'exhorte à prendre le trône, mais Argée préfère servir Danaüs. Danaüs, apprenant l'échappée de Lyncée, ordonne l'arrestation d'Argée et de Créon. Hypermnestre est conduite à l'autel des Euménides pour être sacrifiée. Dans le troisième acte, Hypermnestre est sauvée par Argée, qui combat aux côtés de Danaüs. Danaüs, blessé à mort, ordonne le sacrifice d'Antenor et exhorte Hypermnestre à épouser Argée. La pièce se termine par le mariage d'Arlequin et Euphrosine, célébré par des chants et des danses.
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