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1
s. p.
HÔTEL DES DEUX COMPAGNIES DES MOUSQUETAIRES.
Début :
M. De Saint-Foix va donner incessamment un Supplément à ses Essais [...]
Mots clefs :
Mousquetaires, Ouvrage, Ennemi, Attaque, Cavalerie, Gouverneur, Compagnies
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texteReconnaissance textuelle : HÔTEL DES DEUX COMPAGNIES DES MOUSQUETAIRES.
M.De Saint-Foixva donner inceffamment
un Supplément à fes Effais
hiftoriques fur Paris . On étoit étonné
qu'ayant fait mention de tant de palais
& d'hôtels de cette Capitale , il n'eût pas
parlé des deux hôtels des Moufquetaires ;
voici l'article qu'il nous a communiqué .
Quelle clarté , quelle netteté , quel ton
fimple , naturel & facile ! D'autres ont
A iij
6 MERCURE DE FRANCE .
marré ; M. de Saint- Foix peint. D'ail
leurs , il cite fes garans , à chaque fair
qu'il rapporté.
HÔTEL DES DEUX COMPAGNIES
DES MOUSQUETAÍRES .
Un Spartiate vantoit à un étranger
l'intrépidité avec laquelle les jeunes
gens de Sparte combattoient & s'expofoient
à tous les dangers : je ferois étonné
(a) , lui répondit cet étranger , qu'ils
ne cherchaffent pas la mort , attendu la
vie trifte , ennuyeufe & dure qu'ils menent
& que vous menez tous dans votre
république. On ne dira pas que les plaifirs
manquent à Paris ; qu'on y eft trifte
& morne comme à Lacédémone , &
que la nobleffe Françoife n'eft brave
que par mauvaiſe humeur contre la
vie.
9
La première Compagnie des Moufquétaires
fut créée en 1622, Elle fe
diftingua dans toutes les occafions. Ce
fut au pas de Suze , dont elle força les
trois retranchemens , l'épée à la main ,
que Louis XIII , qui y étoit en perfonne
, dit que ce qui lui plaifoit tou-
( a ) Vid. Craggium de Republ. Laced. Lib. 3.
Inftit. 8.
FEVRIER. 1763 . 7
jours dans fes Moufquetaires , c'étoit
cette gayeté célére avec laquelle ils marchoient
à tout ce qu'on leur difoit d'attaquer.
A la bataille des Dunes , le grand
Condé , qui fervoit alors contre la
France , les fit charger quatre fois par
des corps bien fupérieurs en nombre
fans pouvoir les dépofter du terrein
qu'ils occupoient.
La feconde Compagnie ne fut mife
fur le même pied que la première , & le
Roi ne s'en déclara le Capitaine qu'en
1665 .
2
La guerre entre la France & l'Efpagne
ayant recommencé en 1667`, à
Poccafion des droits de la Reine , les
Moufquetaires fuivirent le Roi en Flandres
, & continuerent d'y faire le fervice
à pied & à cheval à tous les fiéges. A
celui de Lille ils furent commandés
pour l'attaque de la demie-lune & l'emporterent
en moins d'un quart-d'heure .
Le lendemain le Gouverneur battit la
chamade ; & lorfque la capitulation fut
fignée , & que les Moufquetaires fe
furent emparés de la porte qu'il livroit ,
il fut étonné de voir que la plupart
étoient des jeunes gens de dix - fept , dixhuit
ou vingt ans .
En 1668 ils marcherent en Franche-
A iv
8 MERCURE DE FRANCE .
Comté : Dole fut la feule ville qui parut
vouloir foutenir un fiége ; mais à peine
avions -nous ouvert la tranchée
, que
trente ou quarante Moufquetaires (b)fe
jetterent dans le chemin couvert ; le
grand Condé arriva dans l'inftant &
voyant que leur audacieufe témérité en
avoit impofé à l'ennemi qui fuyoit , il
les fit foutenir par de l'infanterie &
réuffir dans une attaque où ils auroient
dû payer de leurs vies l'imprudence de
leur courage. Dole fe rendit le lendemain
.
,
En 1669 , Louis XIV joignit un
détachement de cent Moufquetaires aux
autres troupes qu'il envoyoit en Candie.
Ils fe fignalerent par tous les efforts
de la plus grande valeur dans la fortie
que fit le Duc de Navailles , & où la
cavalerie Turque fut mife dans une entiere
déroute . Deux jours après , ils défendirent
la brêche du côté de la Sabionnaire
, & repoufferent les Turcs à
tous les affauts qu'ils y donnerent. Deux
Maréchaux des logis & trente Moufquetaires
y furent bleffés , & deux Brigadiers
tués.
En. 1672 Louis XIV déclara la guerre
( b ) Journal de la conquête de la Franche- Comté
en 1668 .
FEVRIER. 1763. 9
la Hollande , & le 12 Juin les Moufquetaires
pafferent le Rhin à la nage
avec les autres efcadrons de la Maiſon.
Au fiége de Maſtrick , en 1673 , la
premiere Compagnie fut commandée
pour l'attaque de la demie-lune féche ,
tandis que la feconde attaqueroit les paliffades
entre cette demie-lune & l'ouvrage
à corne. On donne le fignal , elles
marchent ; & malgré la vigoureuſe réfiftance
de l'ennemi , malgré le feu des
fournaux qu'il fait jouer & les éclats terribles
des grenades qu'il jette fans ceffe ,
ces ouvrages furent emportés prefqu'en
même temps . L'action du lendemain fut
encore plus vive & plus meurtrière ; on
croyoit les logemens affurés & les
Moufquetaires étoient rentrés dans le
camp ;l'ennemi fit jouer tout-à- coup un
fourneau que nous n'avions pas découvert
dans la demie-lune ; on. dut crain --
dre qu'il n'y en eût d'autres. Farjaux ,
Gouverneur de la Place , qui s'étoit mis
à la tête des meilleures , troupes de fa
garnifon , profitant de ce moment d'al-
Farme , rentra dans cet ouvrage , en
chaffa nos foldats on commanda de
nouveau les Moufquétaires (c) pour le
2*
( o) Relation du Duc de Montmouth à Charles
II. Recueil depièces . p . 139.
Av
10 MERCURE DE FRANCE .
reprendre , & ils le reprirent ; mais
après un combat des plus fanglans &
des plus opiniâtres ; cinquante-trois
Moufquetaires y furent bleffés , trente .
fept tués avec le Comte d'Artagnan
Commandant de la première Compagnie.
Les Moufquetaires qui en revinrent
, dit Peliffon ( d ) , avoient tous
leurs épées fanglantes jufqu'aux gardes
, & fauffées des coups qu'ils avoient
donnés .
Deux fortes barricades & un retranchement
autour de l'Eglife de S. Etienne
, défendoient les approches de la citadelle
de Befançon ; les Moufquetaires ,
le 20 Mai 1674 , à dix heures du matin ,
marchent deux cens pas à découvert
fous tout le feu du canon & de la moufqueterie
de l'ennemi , forcent ces deux
barricades & ce retranchement , &
mettent nos travailleurs en état de commencer
le logement fur le glacis .
Louis XIV, le 21 Avril 1676, affiégea
Condé , une des plus fortes places du
Hainaut ; le prince d'Orange marcha
auffitôt pout la fecourir ; la communication
entre nos quartiers étoit très-difficile
à caufe de l'inondation , & nos
lignes embraffoient une fi grande éten-
( d ) T. 1. p. 325.
9
FEVRIER. 1763. 11
,
due de terrein , qu'il n'étoit pas poffible
de les défendre contre une armée , fut
elle-même bien inférieure à la nôtre ;
il falloit donc , ou marcher au devant de
l'ennemi & le combattre , ou preffer le
fiége par une attaque fi vive , que la
place fut obligée de fe rendre avant l'arrivée
du fecours. La nuit du 25 au 26
Avril , les deux Compagnies des Moufquetaires
, à la tête de plufieurs détachemens
d'infanterie , furent commandées
pour cette attaque ; fi jamais leur
valeur & l'émulation qu'elle infpire ;
ont rendu un fervice important , ce fut
en cette occafion : un jour de plus ou
de moins , dit Peliffon (e) , étoit de la
plus grande conféquence dans la conjoncture
des chofes ; ainfi les nôtres
ajoute-t-il , avoient ordre de ne fe point
arrêter , s'il fe pouvoit , que tout nefût
emporté. Tout le fut , les paliffades , le
foffé , la contrefcarpe , l'ouvrage avancé
, la feconde contrefcarpe avec des
redoutes fur fes angles faillans , & des
fourneaux au-deffous , les deux baſtions
détachés & leur courtine ; l'ennemi ,
dans aucun de ces ouvrages , ne put
foutenir l'impétuofité de nos affauts ;
( e) T. 3. p. 20 & 21 .
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
les (f) Moufquetaires , fuivis des Grenadiers
des régimens d'Artois & du
Maine , pénétrerent jufques dans lá
baffe ville ; le Gouverneur confterné fit
battre la chamade , envoya promptement
des ôtages , & fe rendit à difcrétion.
Dans ces différentes attaques , qui
furent fi vives qu'elles femblerent n'en
faire qu'une , il n'y eut qu'onze Moufquetaires
tués , & dix-fept bleffés ; la
Hoguette , Enfeigne de la premiere
Compagnie , y reçut un coup de pique
dans la cuiffe ; un des fourneaux fit
fauter Jauvelle , Capitaine-Lieutenant
de la feconde , & de Vins Sous- Lieutenant
; il en furent quittes pour quelques
meurtriffures.
De bonnes fortifications & bien entretenues
, des munitions de guerre &
des vivres en abondance ; une artillerie
des plus formidables für les remparts
& dans chaque ouvrage ; trois à quatre
mille hommes de garnifon ; la haine
des bourgeois contre la France , & leur
affection pour le gouvernement Efpagnol
tout fembloit annoncer que le
fiége de Valenciennes feroit long , pénible
& très-meurtrier. Le côté de la
( fJourna! du Maréchald'Humieres. Recueil de
pieces . p. 147.
FEVRIER. 1763. 13
étoit
ville qu'embraffoit notre attaque ,
défendu par une demie-lune à droite ,
& une autre à gauche , en avant d'un
ouvrage couronné , paliffadé , fraizé
& dont le foffé étoit coupé de plufieurs
traverſes. Dans cet ouvrage couronné ,
il y avoit encore une demie - lune avec
un bon foffé , le tout bien revêtu ; audelà
de cette demie-lune , un bras de
l'Eſcaut ; enfuite un ouvrage apellé le
pâté , & enfin le grand cours de l'Efcaut
, profond , rapide , coulant &
fervant de foflé entre le pâté & la muraille
de la ville dont les remparts , beaux
& larges , protégeoient par leur canon ,
& celui de deux baftions , toutes ces
défenſes extérieures . Le 9 Mars 1677
on avoit ouvert la tranchée. Le 16 au
foir , les Moufquetaires furent commandés
avec (g ) les Grenadiers de la Maifon
, & de gros détachemens du régiment
des Gardes & de celui de Picardie.
Le 17 , à neuf heures du matin ,
ils marcherent à l'attaque de l'ouvrage (h)
(g ) Les Grenadiers à Cheval , créés à la fin de
l'année 1676 , & unis à la Maifon du Roi. Cette
Compagnie ne fut d'abord que de quatre-vingtquatre
Maîtres . On les appelloit les Riotors du
nom de leur commandant.
( h) On palla derrière les deux demies- lunes
14 MERCURE DE FRANCE.
peu couronné , & l'emporterent en affez
de temps. Bientôt après , dit Peliffon
le Roi, à leurs habits rouges , diftingua
fort bien fes Moufquetaires (i) qui étoient
dans la demie-lune enfermée dans l'ouvrage
couronné ; cela paroiſſoit incroyable
, ajoute-t-il , car l'ordre étoit de fe
loger dans l'ouvrage couronné & de
s'arrêter là ; de quoi le Roi fe contentoit
pour cette fois. Si ce commencement
d'action parut incroyable , on dut être
encore bien plus étonné de la fuite. Il y
avoit , fur le petit bras de l'Eſcaut , un
pont qui communiquoit de cette demie
-lune au pâté , & à l'entrée de ce
pont , une barriere de groffes piéces de
bois pointues , avec un guichet au milieu
où il ne pouvoit paffer qu'un homme à la
fois. Tandis qu'une partie de ceux des
Moufquetaires qui y arriverent les premiers,
tâchoit d'en forcer l'entrée , les
autres monterent au haut de la barriere ,
bravant les coups de piques & de fufils ,
& fauterent de l'autre côté , l'épée à la
main ; l'ennemi épouvanté s'enfuit
avancées , fans les attaquer , parce qu'elles tomboient
d'elles- mêmes , & qu'on en devenoit les
maîtres en prenant l'ouvrage couronné qui les
dominoit.
( i ) T. 3. p. 172 .
FEVRIER. 1763. 15
.
abandonnant la défenfe du guichet ; on
le pourfuit fur le pont , on arrive au
pâté , on attaque cet ouvrage , & il fut
auffi rapidement emporté que l'ouvrage
couronné & la demie-lune ; mais on
alloit y être infailliblement écrasé par le
canon du rempart ; les Moufquetaires (k)
blancs apperçurent une petite porte qu'ils
enfoncerent ( 1) , & ils virent un
efcalier dérobé , pratiqué dans l'épaiffeur
du mur , & par lequel ils monterent
au haut du pâté ; ils y trouverent
une autre porte qui donnoit entrée dans
une galerie , conftruite fur le grand canal
de l'Efcaut , & qui les conduifit au
rempart , d'où ils defcendirent dans la
ville & enfilerent une rue au milieu
de laquelle étoit un pont fur un troifiéme
bras de l'Efcaut qui la traverſoit.
Moiffac , cornette , & la Barre , maréchal
des logis , qui étoient à leur tête
en logerent une partie dans les maifons
les plus proches , afin qu'ils puffent , des
fenêtres , protéger par leur feu ceux qui
défendroient le pont , & qui le défendirent
en effet avec une valeur incroyable
; la cavalerie de la garniſon ,
( k ) Ibid. 192 .
( 4 ) On les appelloit alors ainſi , à cauſe de
leurs chevaux blancs.
16 MERCURE DE FRANCE.
qui les affaillit jufqu'à trois fois , ne put
jamais les ébranler ni les enfoncer , mal--
gré leur petit nombre ; l'infanterie pou--
voit venir les prendre par derriere , en
paffant par le rempart ; mais elle y trouva
la plus grande partie des Moufquetaires
noirs , & les Grenadiers de la :
Maifon , qui la repoufferent vigoureufement.
La bourgeoifie s'étonnoit ;
l'Hôtel-de-Ville s'affembloit ; on entra
en quelque pour-parler avec Moiffac
qui reçut & donna des ôtages ; on députa
vers le Roi ; il en étoit temps
pour empêcher que la ville ne fut
pillée ; les foldats du régiment des Gardes
Françoifes , & de celui de Picardie
commençoient à y entrer en foule
quelques grenadiers de la Maiſon ayant
baiffé le (m) pont-levis du grand canal
de l'Efcaut. Je ne fais fi l'hiftoire , dit
Larrey , fournit bien des exemples d'une:
action fi brufque & fi heureufe , & de la
prife , en fi peu de temps , d'une grande
& forte ville qui ne manquoit de rien
(m ) J'ai dit que le grand cours ou canal de
l'Efcaut couloit & fervoit de follé entre la muraille
de la ville & le pâté ; les Moufquetaires ,.
ayant pris le pâté , feroient entrés dans la ville
pêle-mêle avec les fuyards , fi les affiégés n'avoient
pas promptement levé ce pont- levis·
17 FEVRIER. 1763.
pour fa défenfe. Tout en tient du prodige
, ajoute-t-il , & tout enfut attribué
à l'heureufe témérité des Moufquetaires.
Elle fut heureufe , parce que le fens
froid & la prudence acheverent ce que
l'ardeur & le feu du courage avoient
commencé. Tout y caractériſe la vraie
valeur , cette valeur qui éléve l'homme
au-deffus de lui-même , & qui fouvent
le fait triompher contre toute apparence .
& malgré le danger évident où il femble
s'être précipité.
Le 17 Mars 1677 , les Moufquetaires
avoient pris Valenciennes ; le 11 Avril
ils déciderent du gain de la bataille à
Caffel. Notre armée étoit commandée
par Monfieur , frere du Roi ; le Prin
ce d'Orange commandoit celle des ennemis
. Nous les prévînmes au paffage
d'un ruiffeau , & nous enfonçames &
mîmes en fuite les premieres troupes
qui fe préfenterent ; mais nous trouvâmes
aprèsplus de difficulté , dit (n) Peliffon ;
car quelques régimens d'infanterie , &
particulierement celui des gardes duPrince
d'Orange , fe firent tailler en pièces ,
fans que pas un foldat quitát fa place
&fon rang. Notre cavalerie , ajoute- t- il ,
qu'ils attendoient derriere des hayes , les
( a) T. 3.p.231.
18 MERCURE DE FRANCE.
piques baiffées , s'avanca , mais n'ofa
jamais les joindre , jufqu'à ce que les
Moufquetaires , pied à terre , deux bataillons
de Navarre & deux d'Humieres,
les allerent tous tuer , l'épée à la main.
Il dit dans une autre lettre que les Mouf
quetaires (o) étant defcendus de cheval ,
firent des merveilles , mais qu'en fe retirant
pour aller reprendre leurs chevaux,
ilsfaillirent à faire reculer quelques-
uns de nos bataillons qui lesfuivoient
, & qui crurent qu'ils avoient été
repouffés. Atravers cette narration féche
& peu exacte , repréfentons nous les
gardes du Prince d'Orange , foutenus
de deux autres bataillons , ayant devant
eux un foffé & des haies , leur premier
rang compofé de piquiers , & les
autres faifant un feu terrible fur notre
cavalerie qui tente de franchir le foffé
fe rompt deux fois & fe rebute ; on
commande les Moufquetaires , reffource
ordinaire (p) dans ces fortes d'occa-
( 0) T. 3. p. 289.
(p ) Au fiége d'Ypres , en 1678 , a l'attaque
de la contrefcarpe , nos troupes , dit Peliffon 2
( T. 3. p. 337. ) n'allerent point avec leur vigueur
ordinaire ; un détachement des Mousquetaires
ajoute- t-il , de cinquante feulement , rétablit l'affaire
; ilsfe mirent au-devant de tous , fans dire
FEVRIER. 1763. 19
fions ils mettent pied à terre , marchent
, & il femble que le foffé s'eft
applani , que les haies ont difparu devant
eux , & que leur impétueufe célérité
a devancé & rendu fans effet le feu
de l'ennemi ; ils joignent ces coloffes
armés de piques , les enfoncent , les terraffent
& font voir que la véritable
force dépend de la fupériorité de l'ame.
Laiffant enfuite achever la défaite & le
carnage aux bataillons qui les ont fuivis
, ils retournent promptement reprendre
leurs chevaux , & fe montrer
prêts à exécuter les nouveaux ordres
qu'on voudra leur donner. Ils ne tarderent
pas à en recevoir ; ils chargerent
& mirent en fuite ( q ) un corps affez
autre chofe que gare , comme s'il n'eût été queftion
que de paffer quelque chemin . Ils fe jetterent
dans la contrefcarpe , l'épée à la main , & forcerent
l'ennemi de l'abandonner. Ypres capitula le
lendemain .
En 1691 , au fiége de Mons , les deux batailfons
chargés de l'attaque de l'ouvrage à corhe ,
ayant été repouffés & paroiffant rebutés , Louis
XIV dit , avec quelque dépit , qu'il y enverroit
des troupes qui ne reculeroient pas. En effet les
Moufqueraires qu'il y envoya le lendemain , prirent
cet ouvrage.
(q ) Mémoires des expéditions Militaires de la
guerre de Hollande.
20 MERCURE DE FRANCE.
confidérable de cavalerie qui faifoit
différens mouvemens für leur gauche ,
& dont l'objet étoit de s'approcher de
S. Omer (r) & d'y jetter du fecours.
Le lendemain de cette mémorable
journée , Monfieur , en envoyant quelques
ordres aux commandans des deux
Compagnies , leur écrivit qu'elles avoient
ébauché la victoire & donné le branle à
toute l'affaire.
Je ne les fuivrai point aux fiéges d'Ypres
, de Courtrai , de Philifbourg , de
Mons , ( s ) de Namur ; les actions qu'ils
y firent ne méritent pas moins d'être
confacrées dans les faftes militaires de
la nation , que celles que je viens de
rapporter , mais mon deffein n'a pas été
d'entreprendre leur hiftoire , & il ne me
refte qu'à les confidérer dans ces momens
malheureux , ces circonstances fa→
tales qui font peut-être l'épreuve la plus
fure du vrai courage. La bataille de Ra-
( r ) Monfieur affiégeoit S. Omer , & avoit
marché au-devant du Prince d'Orange qui venoit
pour fecourir cette Place.
(s ) A l'attaque de la caffotte , M, de Mau--
pertuis leur dit que fi quelqu'un d'eux , avant
L'action engagée , fe précipitoit & avançoit hors de
fon rang , il avoit ordre de le tuer . le Roisi ayant
remarqué avec une extrême fenfibilité , que leur trop
Lardeur leur étoit quelquefois funefte.
FEVRIER. 1763 . 21
millies ſe donna le 23 Mai 1706, jour de
la Pentecôte. Notre armée étoit de quarante
mille hommes; celle des ennemis(t)
de foixante-cinq mille . LesGardes duRoi ,
les Gendarmes , les Chevaux- Légers
les Moufquetaires & les Grenadiers à
cheval compofoient la premiere ligne
de notre aîle droite ; ( u ) ils percerent
& enfoncerent quatre lignes de l'aîle
gauche des ennemis , firent des priſonniers
& prirent fix piéces de canon ;
mais il n'étoit que trop facile à Milord
Malboroug de leur arracher la victoire
en profitant des mauvaifes difpofitions
qu'avoient faites nos Généraux &
des fautes qu'il firent encore pendant
l'action fix bataillons , avec quelques
régimens de dragons , qu'ils avoient mis
dans le vallon de Tavieres , ne pouvoient
que foiblement protéger & couvrir
le flanc de notre aîle droite : un
marais impraticable entre notre aîle
gauche & l'aile droite de l'ennemi ,
empêchoit qu'elles ne puffent réciproquement
agir l'une contre l'autre : ainfi
Malboroug ne rifquant rien en dégarniffant
cette aîle droite , qui ne pouvoit
( t) Larrey.
(u ) Rapin de Toiras , continuat.
22 MERCURE DE FRANCE.
être attaquée , en tira cinquante eſcadrons
pour fortifier fon aîle gauche ; de
forte que la Maifon du Roi , qui avoit
percé & enfoncé , comme je l'ai dit ,
quatre lignes de cette aîle gauche , vit
tout-à-coup fe former devant elle des
efcadrons tout frais & derriere lefquels
fe rallioient les quatre lignes qu'elle
avoit battues & difperfées. Malboroug
fit en même temps attaquer , par toute
fa réſerve , les fix bataillons que nous
avions dans le vallon de Tavieress ;; ils ne
purent réfifter à la fupériorité du nombre
, & par leur déroute , tout le côté
de notre aile droite fe trouva découvert ;
la cavalerie qui compofoit la feconde
ligne de cette aîle , derriere la Maifon
du Roi , tenta de préfenter le front
en appuyant fur fa droite , & faifant un
mouvement par fa gauche ; mais cette
évolution ne put pas être affez prompte
devant un ennemi qui s'avançoit avec
rapidité & qui la prenoit en flanc ; les
efcadrons les plus proches furent culbutés
; les autres prirent la fuite ; la Maiſon
du Roi , attaquée de front , en flanc &
par derriere , fe fit jour & joignit notre
aile gauche. On voit que tandis que
Malboroug tiroit des troupes de fon
aile droite pour les porter à fon aîle
FEVRIER. 1763 . 23
>
gauche , fi nos généraux en avoient pareillement
tiré de leur aîle gauche pour
fortifier leur aîle droite , & furtout les
fix bataillons qui étoient dans le vallon
de Tavieres il y a toute apparence
que la victoire nous feroit demeurée . On
voit encore , par les relations mêmes
des ennemis , que la perte étoit à-peuprès
égale de part & d'autre ; qu'ils ne
penfoient point à nous pourſuivre; qu'ils
n'auroient donc remporté de toute cette
action que le ftérile honneur d'avoir
gagné le champ de bataille ; que notre
aîle gauche, avec la Maifon du Roi , fit
tranquillement fa retraite & ne fut
point entamée ; que même l'infanterie
& la cavalerie de l'aîle droite , quoique
battues , fe retiroient en affez bon
ordre , ( x ) lorsqu'un accident imprévu
rendit cette journée une des
plus funeftes pour la France ; quelques
chariots ayant rompu dans un
défilé , & le paffage étant embarraffé
elles crurent entendre l'ennemi qui les
pourſuivoit ; la difparution de leurs généraux
& le peu d'eftime qu'elles avoient
pour eux , ajouterent fans doute à cette
terreur panique ; elles fe débandent
& fuyent de tous côtés ; Malboroug
( x) Rapin de Toiras, continuat,
24
MERCURE
DE FRANCE
.
C
averti par les coureurs qu'il avoit en
avant , détache une partie de fa cavalerie
& fes dragons qui tombent fur
ces troupes en défordre , & ne font
des prifonniers que lorfqu'ils font las
de tuer ; bagages , artillerie , caiffons ,
tout fut pris.
Je n'entrerai en aucuns détails fur la
bataille de Malplaquet ; la Maifon du
Roi chargea quatre fois la cavalerie
des ennemis , & quatre fois la plia &
la renverfa fur fon infanterie ; quand
nous abandonnâmes le champ de bataille
, elle fit l'arriere- garde ; c'étoit le
lion bleffé qui fe retire ; dès que l'ennemi
qui nous fuivoit , s'avançoit de
trop près , elle fe retournoit , & auffitôt
il fe replioit. Les Moufquetaires firent
voir dans cette jonrnée à quel
point l'honneur fçait captiver le naturel
& commander au caractère ; cette troupe
qu'on peint fi vive fi ardente
toujours empreffée d'attaquer & frémiffant
d'impatience fous la main qui l'arrête
, refta pendant cinq heures expoſée
au feu d'une baterie de trente Piéces
de canon ; leur contenance parut toujours
ferme & tranquille dans cette
pofition & ces momens critiques où il
n'eft pas même permis de quitter fon
rang
FEVRIER . 1763. 25
rang pour s'élancer contre la foudre qui
s'allume , & n'en être du moins écrasé
qu'en marchant pour l'attaquer ; ce
mouvement fi naturel feroit regardé
comme un inftant de foibleffe ; il faut
refter immobile devant la mort , l'attendre
, l'enviſager , toujours prête à nous
frapper , & frappant fans ceffe autour
de nous. Au fiége de Philisbourg , en
1734 , quand on fit entrer la Maifon du
Roi dans les Lignes , les Moufquetaires
furent encore expofés à une canonade
très-vive , & la foutinrentavec le même
fang froid : cependant nous fortions
d'une longue paix , & la plupart voyoient
la guerre pour la première fois. Pourrions
- nous être avares d'éloges envers
une troupe dont l'honneur & la haute
réputation femblent s'imprimer dans
l'ame d'un jeune homme dès qu'il y
eft entré ? Lorfqu'à Ramillies , à Malplaquet
, à Etinguen , elle ramène fes
débris fanglans que l'ennemi n'oſe attaquer
, nous paroîtra-t-elle moins recommandable
que lorfqu'elle éleve des
trophées à fon Maître dans la plaine
de Fontenoi ?
un Supplément à fes Effais
hiftoriques fur Paris . On étoit étonné
qu'ayant fait mention de tant de palais
& d'hôtels de cette Capitale , il n'eût pas
parlé des deux hôtels des Moufquetaires ;
voici l'article qu'il nous a communiqué .
Quelle clarté , quelle netteté , quel ton
fimple , naturel & facile ! D'autres ont
A iij
6 MERCURE DE FRANCE .
marré ; M. de Saint- Foix peint. D'ail
leurs , il cite fes garans , à chaque fair
qu'il rapporté.
HÔTEL DES DEUX COMPAGNIES
DES MOUSQUETAÍRES .
Un Spartiate vantoit à un étranger
l'intrépidité avec laquelle les jeunes
gens de Sparte combattoient & s'expofoient
à tous les dangers : je ferois étonné
(a) , lui répondit cet étranger , qu'ils
ne cherchaffent pas la mort , attendu la
vie trifte , ennuyeufe & dure qu'ils menent
& que vous menez tous dans votre
république. On ne dira pas que les plaifirs
manquent à Paris ; qu'on y eft trifte
& morne comme à Lacédémone , &
que la nobleffe Françoife n'eft brave
que par mauvaiſe humeur contre la
vie.
9
La première Compagnie des Moufquétaires
fut créée en 1622, Elle fe
diftingua dans toutes les occafions. Ce
fut au pas de Suze , dont elle força les
trois retranchemens , l'épée à la main ,
que Louis XIII , qui y étoit en perfonne
, dit que ce qui lui plaifoit tou-
( a ) Vid. Craggium de Republ. Laced. Lib. 3.
Inftit. 8.
FEVRIER. 1763 . 7
jours dans fes Moufquetaires , c'étoit
cette gayeté célére avec laquelle ils marchoient
à tout ce qu'on leur difoit d'attaquer.
A la bataille des Dunes , le grand
Condé , qui fervoit alors contre la
France , les fit charger quatre fois par
des corps bien fupérieurs en nombre
fans pouvoir les dépofter du terrein
qu'ils occupoient.
La feconde Compagnie ne fut mife
fur le même pied que la première , & le
Roi ne s'en déclara le Capitaine qu'en
1665 .
2
La guerre entre la France & l'Efpagne
ayant recommencé en 1667`, à
Poccafion des droits de la Reine , les
Moufquetaires fuivirent le Roi en Flandres
, & continuerent d'y faire le fervice
à pied & à cheval à tous les fiéges. A
celui de Lille ils furent commandés
pour l'attaque de la demie-lune & l'emporterent
en moins d'un quart-d'heure .
Le lendemain le Gouverneur battit la
chamade ; & lorfque la capitulation fut
fignée , & que les Moufquetaires fe
furent emparés de la porte qu'il livroit ,
il fut étonné de voir que la plupart
étoient des jeunes gens de dix - fept , dixhuit
ou vingt ans .
En 1668 ils marcherent en Franche-
A iv
8 MERCURE DE FRANCE .
Comté : Dole fut la feule ville qui parut
vouloir foutenir un fiége ; mais à peine
avions -nous ouvert la tranchée
, que
trente ou quarante Moufquetaires (b)fe
jetterent dans le chemin couvert ; le
grand Condé arriva dans l'inftant &
voyant que leur audacieufe témérité en
avoit impofé à l'ennemi qui fuyoit , il
les fit foutenir par de l'infanterie &
réuffir dans une attaque où ils auroient
dû payer de leurs vies l'imprudence de
leur courage. Dole fe rendit le lendemain
.
,
En 1669 , Louis XIV joignit un
détachement de cent Moufquetaires aux
autres troupes qu'il envoyoit en Candie.
Ils fe fignalerent par tous les efforts
de la plus grande valeur dans la fortie
que fit le Duc de Navailles , & où la
cavalerie Turque fut mife dans une entiere
déroute . Deux jours après , ils défendirent
la brêche du côté de la Sabionnaire
, & repoufferent les Turcs à
tous les affauts qu'ils y donnerent. Deux
Maréchaux des logis & trente Moufquetaires
y furent bleffés , & deux Brigadiers
tués.
En. 1672 Louis XIV déclara la guerre
( b ) Journal de la conquête de la Franche- Comté
en 1668 .
FEVRIER. 1763. 9
la Hollande , & le 12 Juin les Moufquetaires
pafferent le Rhin à la nage
avec les autres efcadrons de la Maiſon.
Au fiége de Maſtrick , en 1673 , la
premiere Compagnie fut commandée
pour l'attaque de la demie-lune féche ,
tandis que la feconde attaqueroit les paliffades
entre cette demie-lune & l'ouvrage
à corne. On donne le fignal , elles
marchent ; & malgré la vigoureuſe réfiftance
de l'ennemi , malgré le feu des
fournaux qu'il fait jouer & les éclats terribles
des grenades qu'il jette fans ceffe ,
ces ouvrages furent emportés prefqu'en
même temps . L'action du lendemain fut
encore plus vive & plus meurtrière ; on
croyoit les logemens affurés & les
Moufquetaires étoient rentrés dans le
camp ;l'ennemi fit jouer tout-à- coup un
fourneau que nous n'avions pas découvert
dans la demie-lune ; on. dut crain --
dre qu'il n'y en eût d'autres. Farjaux ,
Gouverneur de la Place , qui s'étoit mis
à la tête des meilleures , troupes de fa
garnifon , profitant de ce moment d'al-
Farme , rentra dans cet ouvrage , en
chaffa nos foldats on commanda de
nouveau les Moufquétaires (c) pour le
2*
( o) Relation du Duc de Montmouth à Charles
II. Recueil depièces . p . 139.
Av
10 MERCURE DE FRANCE .
reprendre , & ils le reprirent ; mais
après un combat des plus fanglans &
des plus opiniâtres ; cinquante-trois
Moufquetaires y furent bleffés , trente .
fept tués avec le Comte d'Artagnan
Commandant de la première Compagnie.
Les Moufquetaires qui en revinrent
, dit Peliffon ( d ) , avoient tous
leurs épées fanglantes jufqu'aux gardes
, & fauffées des coups qu'ils avoient
donnés .
Deux fortes barricades & un retranchement
autour de l'Eglife de S. Etienne
, défendoient les approches de la citadelle
de Befançon ; les Moufquetaires ,
le 20 Mai 1674 , à dix heures du matin ,
marchent deux cens pas à découvert
fous tout le feu du canon & de la moufqueterie
de l'ennemi , forcent ces deux
barricades & ce retranchement , &
mettent nos travailleurs en état de commencer
le logement fur le glacis .
Louis XIV, le 21 Avril 1676, affiégea
Condé , une des plus fortes places du
Hainaut ; le prince d'Orange marcha
auffitôt pout la fecourir ; la communication
entre nos quartiers étoit très-difficile
à caufe de l'inondation , & nos
lignes embraffoient une fi grande éten-
( d ) T. 1. p. 325.
9
FEVRIER. 1763. 11
,
due de terrein , qu'il n'étoit pas poffible
de les défendre contre une armée , fut
elle-même bien inférieure à la nôtre ;
il falloit donc , ou marcher au devant de
l'ennemi & le combattre , ou preffer le
fiége par une attaque fi vive , que la
place fut obligée de fe rendre avant l'arrivée
du fecours. La nuit du 25 au 26
Avril , les deux Compagnies des Moufquetaires
, à la tête de plufieurs détachemens
d'infanterie , furent commandées
pour cette attaque ; fi jamais leur
valeur & l'émulation qu'elle infpire ;
ont rendu un fervice important , ce fut
en cette occafion : un jour de plus ou
de moins , dit Peliffon (e) , étoit de la
plus grande conféquence dans la conjoncture
des chofes ; ainfi les nôtres
ajoute-t-il , avoient ordre de ne fe point
arrêter , s'il fe pouvoit , que tout nefût
emporté. Tout le fut , les paliffades , le
foffé , la contrefcarpe , l'ouvrage avancé
, la feconde contrefcarpe avec des
redoutes fur fes angles faillans , & des
fourneaux au-deffous , les deux baſtions
détachés & leur courtine ; l'ennemi ,
dans aucun de ces ouvrages , ne put
foutenir l'impétuofité de nos affauts ;
( e) T. 3. p. 20 & 21 .
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
les (f) Moufquetaires , fuivis des Grenadiers
des régimens d'Artois & du
Maine , pénétrerent jufques dans lá
baffe ville ; le Gouverneur confterné fit
battre la chamade , envoya promptement
des ôtages , & fe rendit à difcrétion.
Dans ces différentes attaques , qui
furent fi vives qu'elles femblerent n'en
faire qu'une , il n'y eut qu'onze Moufquetaires
tués , & dix-fept bleffés ; la
Hoguette , Enfeigne de la premiere
Compagnie , y reçut un coup de pique
dans la cuiffe ; un des fourneaux fit
fauter Jauvelle , Capitaine-Lieutenant
de la feconde , & de Vins Sous- Lieutenant
; il en furent quittes pour quelques
meurtriffures.
De bonnes fortifications & bien entretenues
, des munitions de guerre &
des vivres en abondance ; une artillerie
des plus formidables für les remparts
& dans chaque ouvrage ; trois à quatre
mille hommes de garnifon ; la haine
des bourgeois contre la France , & leur
affection pour le gouvernement Efpagnol
tout fembloit annoncer que le
fiége de Valenciennes feroit long , pénible
& très-meurtrier. Le côté de la
( fJourna! du Maréchald'Humieres. Recueil de
pieces . p. 147.
FEVRIER. 1763. 13
étoit
ville qu'embraffoit notre attaque ,
défendu par une demie-lune à droite ,
& une autre à gauche , en avant d'un
ouvrage couronné , paliffadé , fraizé
& dont le foffé étoit coupé de plufieurs
traverſes. Dans cet ouvrage couronné ,
il y avoit encore une demie - lune avec
un bon foffé , le tout bien revêtu ; audelà
de cette demie-lune , un bras de
l'Eſcaut ; enfuite un ouvrage apellé le
pâté , & enfin le grand cours de l'Efcaut
, profond , rapide , coulant &
fervant de foflé entre le pâté & la muraille
de la ville dont les remparts , beaux
& larges , protégeoient par leur canon ,
& celui de deux baftions , toutes ces
défenſes extérieures . Le 9 Mars 1677
on avoit ouvert la tranchée. Le 16 au
foir , les Moufquetaires furent commandés
avec (g ) les Grenadiers de la Maifon
, & de gros détachemens du régiment
des Gardes & de celui de Picardie.
Le 17 , à neuf heures du matin ,
ils marcherent à l'attaque de l'ouvrage (h)
(g ) Les Grenadiers à Cheval , créés à la fin de
l'année 1676 , & unis à la Maifon du Roi. Cette
Compagnie ne fut d'abord que de quatre-vingtquatre
Maîtres . On les appelloit les Riotors du
nom de leur commandant.
( h) On palla derrière les deux demies- lunes
14 MERCURE DE FRANCE.
peu couronné , & l'emporterent en affez
de temps. Bientôt après , dit Peliffon
le Roi, à leurs habits rouges , diftingua
fort bien fes Moufquetaires (i) qui étoient
dans la demie-lune enfermée dans l'ouvrage
couronné ; cela paroiſſoit incroyable
, ajoute-t-il , car l'ordre étoit de fe
loger dans l'ouvrage couronné & de
s'arrêter là ; de quoi le Roi fe contentoit
pour cette fois. Si ce commencement
d'action parut incroyable , on dut être
encore bien plus étonné de la fuite. Il y
avoit , fur le petit bras de l'Eſcaut , un
pont qui communiquoit de cette demie
-lune au pâté , & à l'entrée de ce
pont , une barriere de groffes piéces de
bois pointues , avec un guichet au milieu
où il ne pouvoit paffer qu'un homme à la
fois. Tandis qu'une partie de ceux des
Moufquetaires qui y arriverent les premiers,
tâchoit d'en forcer l'entrée , les
autres monterent au haut de la barriere ,
bravant les coups de piques & de fufils ,
& fauterent de l'autre côté , l'épée à la
main ; l'ennemi épouvanté s'enfuit
avancées , fans les attaquer , parce qu'elles tomboient
d'elles- mêmes , & qu'on en devenoit les
maîtres en prenant l'ouvrage couronné qui les
dominoit.
( i ) T. 3. p. 172 .
FEVRIER. 1763. 15
.
abandonnant la défenfe du guichet ; on
le pourfuit fur le pont , on arrive au
pâté , on attaque cet ouvrage , & il fut
auffi rapidement emporté que l'ouvrage
couronné & la demie-lune ; mais on
alloit y être infailliblement écrasé par le
canon du rempart ; les Moufquetaires (k)
blancs apperçurent une petite porte qu'ils
enfoncerent ( 1) , & ils virent un
efcalier dérobé , pratiqué dans l'épaiffeur
du mur , & par lequel ils monterent
au haut du pâté ; ils y trouverent
une autre porte qui donnoit entrée dans
une galerie , conftruite fur le grand canal
de l'Efcaut , & qui les conduifit au
rempart , d'où ils defcendirent dans la
ville & enfilerent une rue au milieu
de laquelle étoit un pont fur un troifiéme
bras de l'Efcaut qui la traverſoit.
Moiffac , cornette , & la Barre , maréchal
des logis , qui étoient à leur tête
en logerent une partie dans les maifons
les plus proches , afin qu'ils puffent , des
fenêtres , protéger par leur feu ceux qui
défendroient le pont , & qui le défendirent
en effet avec une valeur incroyable
; la cavalerie de la garniſon ,
( k ) Ibid. 192 .
( 4 ) On les appelloit alors ainſi , à cauſe de
leurs chevaux blancs.
16 MERCURE DE FRANCE.
qui les affaillit jufqu'à trois fois , ne put
jamais les ébranler ni les enfoncer , mal--
gré leur petit nombre ; l'infanterie pou--
voit venir les prendre par derriere , en
paffant par le rempart ; mais elle y trouva
la plus grande partie des Moufquetaires
noirs , & les Grenadiers de la :
Maifon , qui la repoufferent vigoureufement.
La bourgeoifie s'étonnoit ;
l'Hôtel-de-Ville s'affembloit ; on entra
en quelque pour-parler avec Moiffac
qui reçut & donna des ôtages ; on députa
vers le Roi ; il en étoit temps
pour empêcher que la ville ne fut
pillée ; les foldats du régiment des Gardes
Françoifes , & de celui de Picardie
commençoient à y entrer en foule
quelques grenadiers de la Maiſon ayant
baiffé le (m) pont-levis du grand canal
de l'Efcaut. Je ne fais fi l'hiftoire , dit
Larrey , fournit bien des exemples d'une:
action fi brufque & fi heureufe , & de la
prife , en fi peu de temps , d'une grande
& forte ville qui ne manquoit de rien
(m ) J'ai dit que le grand cours ou canal de
l'Efcaut couloit & fervoit de follé entre la muraille
de la ville & le pâté ; les Moufquetaires ,.
ayant pris le pâté , feroient entrés dans la ville
pêle-mêle avec les fuyards , fi les affiégés n'avoient
pas promptement levé ce pont- levis·
17 FEVRIER. 1763.
pour fa défenfe. Tout en tient du prodige
, ajoute-t-il , & tout enfut attribué
à l'heureufe témérité des Moufquetaires.
Elle fut heureufe , parce que le fens
froid & la prudence acheverent ce que
l'ardeur & le feu du courage avoient
commencé. Tout y caractériſe la vraie
valeur , cette valeur qui éléve l'homme
au-deffus de lui-même , & qui fouvent
le fait triompher contre toute apparence .
& malgré le danger évident où il femble
s'être précipité.
Le 17 Mars 1677 , les Moufquetaires
avoient pris Valenciennes ; le 11 Avril
ils déciderent du gain de la bataille à
Caffel. Notre armée étoit commandée
par Monfieur , frere du Roi ; le Prin
ce d'Orange commandoit celle des ennemis
. Nous les prévînmes au paffage
d'un ruiffeau , & nous enfonçames &
mîmes en fuite les premieres troupes
qui fe préfenterent ; mais nous trouvâmes
aprèsplus de difficulté , dit (n) Peliffon ;
car quelques régimens d'infanterie , &
particulierement celui des gardes duPrince
d'Orange , fe firent tailler en pièces ,
fans que pas un foldat quitát fa place
&fon rang. Notre cavalerie , ajoute- t- il ,
qu'ils attendoient derriere des hayes , les
( a) T. 3.p.231.
18 MERCURE DE FRANCE.
piques baiffées , s'avanca , mais n'ofa
jamais les joindre , jufqu'à ce que les
Moufquetaires , pied à terre , deux bataillons
de Navarre & deux d'Humieres,
les allerent tous tuer , l'épée à la main.
Il dit dans une autre lettre que les Mouf
quetaires (o) étant defcendus de cheval ,
firent des merveilles , mais qu'en fe retirant
pour aller reprendre leurs chevaux,
ilsfaillirent à faire reculer quelques-
uns de nos bataillons qui lesfuivoient
, & qui crurent qu'ils avoient été
repouffés. Atravers cette narration féche
& peu exacte , repréfentons nous les
gardes du Prince d'Orange , foutenus
de deux autres bataillons , ayant devant
eux un foffé & des haies , leur premier
rang compofé de piquiers , & les
autres faifant un feu terrible fur notre
cavalerie qui tente de franchir le foffé
fe rompt deux fois & fe rebute ; on
commande les Moufquetaires , reffource
ordinaire (p) dans ces fortes d'occa-
( 0) T. 3. p. 289.
(p ) Au fiége d'Ypres , en 1678 , a l'attaque
de la contrefcarpe , nos troupes , dit Peliffon 2
( T. 3. p. 337. ) n'allerent point avec leur vigueur
ordinaire ; un détachement des Mousquetaires
ajoute- t-il , de cinquante feulement , rétablit l'affaire
; ilsfe mirent au-devant de tous , fans dire
FEVRIER. 1763. 19
fions ils mettent pied à terre , marchent
, & il femble que le foffé s'eft
applani , que les haies ont difparu devant
eux , & que leur impétueufe célérité
a devancé & rendu fans effet le feu
de l'ennemi ; ils joignent ces coloffes
armés de piques , les enfoncent , les terraffent
& font voir que la véritable
force dépend de la fupériorité de l'ame.
Laiffant enfuite achever la défaite & le
carnage aux bataillons qui les ont fuivis
, ils retournent promptement reprendre
leurs chevaux , & fe montrer
prêts à exécuter les nouveaux ordres
qu'on voudra leur donner. Ils ne tarderent
pas à en recevoir ; ils chargerent
& mirent en fuite ( q ) un corps affez
autre chofe que gare , comme s'il n'eût été queftion
que de paffer quelque chemin . Ils fe jetterent
dans la contrefcarpe , l'épée à la main , & forcerent
l'ennemi de l'abandonner. Ypres capitula le
lendemain .
En 1691 , au fiége de Mons , les deux batailfons
chargés de l'attaque de l'ouvrage à corhe ,
ayant été repouffés & paroiffant rebutés , Louis
XIV dit , avec quelque dépit , qu'il y enverroit
des troupes qui ne reculeroient pas. En effet les
Moufqueraires qu'il y envoya le lendemain , prirent
cet ouvrage.
(q ) Mémoires des expéditions Militaires de la
guerre de Hollande.
20 MERCURE DE FRANCE.
confidérable de cavalerie qui faifoit
différens mouvemens für leur gauche ,
& dont l'objet étoit de s'approcher de
S. Omer (r) & d'y jetter du fecours.
Le lendemain de cette mémorable
journée , Monfieur , en envoyant quelques
ordres aux commandans des deux
Compagnies , leur écrivit qu'elles avoient
ébauché la victoire & donné le branle à
toute l'affaire.
Je ne les fuivrai point aux fiéges d'Ypres
, de Courtrai , de Philifbourg , de
Mons , ( s ) de Namur ; les actions qu'ils
y firent ne méritent pas moins d'être
confacrées dans les faftes militaires de
la nation , que celles que je viens de
rapporter , mais mon deffein n'a pas été
d'entreprendre leur hiftoire , & il ne me
refte qu'à les confidérer dans ces momens
malheureux , ces circonstances fa→
tales qui font peut-être l'épreuve la plus
fure du vrai courage. La bataille de Ra-
( r ) Monfieur affiégeoit S. Omer , & avoit
marché au-devant du Prince d'Orange qui venoit
pour fecourir cette Place.
(s ) A l'attaque de la caffotte , M, de Mau--
pertuis leur dit que fi quelqu'un d'eux , avant
L'action engagée , fe précipitoit & avançoit hors de
fon rang , il avoit ordre de le tuer . le Roisi ayant
remarqué avec une extrême fenfibilité , que leur trop
Lardeur leur étoit quelquefois funefte.
FEVRIER. 1763 . 21
millies ſe donna le 23 Mai 1706, jour de
la Pentecôte. Notre armée étoit de quarante
mille hommes; celle des ennemis(t)
de foixante-cinq mille . LesGardes duRoi ,
les Gendarmes , les Chevaux- Légers
les Moufquetaires & les Grenadiers à
cheval compofoient la premiere ligne
de notre aîle droite ; ( u ) ils percerent
& enfoncerent quatre lignes de l'aîle
gauche des ennemis , firent des priſonniers
& prirent fix piéces de canon ;
mais il n'étoit que trop facile à Milord
Malboroug de leur arracher la victoire
en profitant des mauvaifes difpofitions
qu'avoient faites nos Généraux &
des fautes qu'il firent encore pendant
l'action fix bataillons , avec quelques
régimens de dragons , qu'ils avoient mis
dans le vallon de Tavieres , ne pouvoient
que foiblement protéger & couvrir
le flanc de notre aîle droite : un
marais impraticable entre notre aîle
gauche & l'aile droite de l'ennemi ,
empêchoit qu'elles ne puffent réciproquement
agir l'une contre l'autre : ainfi
Malboroug ne rifquant rien en dégarniffant
cette aîle droite , qui ne pouvoit
( t) Larrey.
(u ) Rapin de Toiras , continuat.
22 MERCURE DE FRANCE.
être attaquée , en tira cinquante eſcadrons
pour fortifier fon aîle gauche ; de
forte que la Maifon du Roi , qui avoit
percé & enfoncé , comme je l'ai dit ,
quatre lignes de cette aîle gauche , vit
tout-à-coup fe former devant elle des
efcadrons tout frais & derriere lefquels
fe rallioient les quatre lignes qu'elle
avoit battues & difperfées. Malboroug
fit en même temps attaquer , par toute
fa réſerve , les fix bataillons que nous
avions dans le vallon de Tavieress ;; ils ne
purent réfifter à la fupériorité du nombre
, & par leur déroute , tout le côté
de notre aile droite fe trouva découvert ;
la cavalerie qui compofoit la feconde
ligne de cette aîle , derriere la Maifon
du Roi , tenta de préfenter le front
en appuyant fur fa droite , & faifant un
mouvement par fa gauche ; mais cette
évolution ne put pas être affez prompte
devant un ennemi qui s'avançoit avec
rapidité & qui la prenoit en flanc ; les
efcadrons les plus proches furent culbutés
; les autres prirent la fuite ; la Maiſon
du Roi , attaquée de front , en flanc &
par derriere , fe fit jour & joignit notre
aile gauche. On voit que tandis que
Malboroug tiroit des troupes de fon
aile droite pour les porter à fon aîle
FEVRIER. 1763 . 23
>
gauche , fi nos généraux en avoient pareillement
tiré de leur aîle gauche pour
fortifier leur aîle droite , & furtout les
fix bataillons qui étoient dans le vallon
de Tavieres il y a toute apparence
que la victoire nous feroit demeurée . On
voit encore , par les relations mêmes
des ennemis , que la perte étoit à-peuprès
égale de part & d'autre ; qu'ils ne
penfoient point à nous pourſuivre; qu'ils
n'auroient donc remporté de toute cette
action que le ftérile honneur d'avoir
gagné le champ de bataille ; que notre
aîle gauche, avec la Maifon du Roi , fit
tranquillement fa retraite & ne fut
point entamée ; que même l'infanterie
& la cavalerie de l'aîle droite , quoique
battues , fe retiroient en affez bon
ordre , ( x ) lorsqu'un accident imprévu
rendit cette journée une des
plus funeftes pour la France ; quelques
chariots ayant rompu dans un
défilé , & le paffage étant embarraffé
elles crurent entendre l'ennemi qui les
pourſuivoit ; la difparution de leurs généraux
& le peu d'eftime qu'elles avoient
pour eux , ajouterent fans doute à cette
terreur panique ; elles fe débandent
& fuyent de tous côtés ; Malboroug
( x) Rapin de Toiras, continuat,
24
MERCURE
DE FRANCE
.
C
averti par les coureurs qu'il avoit en
avant , détache une partie de fa cavalerie
& fes dragons qui tombent fur
ces troupes en défordre , & ne font
des prifonniers que lorfqu'ils font las
de tuer ; bagages , artillerie , caiffons ,
tout fut pris.
Je n'entrerai en aucuns détails fur la
bataille de Malplaquet ; la Maifon du
Roi chargea quatre fois la cavalerie
des ennemis , & quatre fois la plia &
la renverfa fur fon infanterie ; quand
nous abandonnâmes le champ de bataille
, elle fit l'arriere- garde ; c'étoit le
lion bleffé qui fe retire ; dès que l'ennemi
qui nous fuivoit , s'avançoit de
trop près , elle fe retournoit , & auffitôt
il fe replioit. Les Moufquetaires firent
voir dans cette jonrnée à quel
point l'honneur fçait captiver le naturel
& commander au caractère ; cette troupe
qu'on peint fi vive fi ardente
toujours empreffée d'attaquer & frémiffant
d'impatience fous la main qui l'arrête
, refta pendant cinq heures expoſée
au feu d'une baterie de trente Piéces
de canon ; leur contenance parut toujours
ferme & tranquille dans cette
pofition & ces momens critiques où il
n'eft pas même permis de quitter fon
rang
FEVRIER . 1763. 25
rang pour s'élancer contre la foudre qui
s'allume , & n'en être du moins écrasé
qu'en marchant pour l'attaquer ; ce
mouvement fi naturel feroit regardé
comme un inftant de foibleffe ; il faut
refter immobile devant la mort , l'attendre
, l'enviſager , toujours prête à nous
frapper , & frappant fans ceffe autour
de nous. Au fiége de Philisbourg , en
1734 , quand on fit entrer la Maifon du
Roi dans les Lignes , les Moufquetaires
furent encore expofés à une canonade
très-vive , & la foutinrentavec le même
fang froid : cependant nous fortions
d'une longue paix , & la plupart voyoient
la guerre pour la première fois. Pourrions
- nous être avares d'éloges envers
une troupe dont l'honneur & la haute
réputation femblent s'imprimer dans
l'ame d'un jeune homme dès qu'il y
eft entré ? Lorfqu'à Ramillies , à Malplaquet
, à Etinguen , elle ramène fes
débris fanglans que l'ennemi n'oſe attaquer
, nous paroîtra-t-elle moins recommandable
que lorfqu'elle éleve des
trophées à fon Maître dans la plaine
de Fontenoi ?
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Résumé : HÔTEL DES DEUX COMPAGNIES DES MOUSQUETAIRES.
Un supplément aux Essais historiques sur Paris de M. de Saint-Foix a été publié, incluant un article sur les hôtels des Mousquetaires. L'auteur de ce texte salue la clarté et la précision de Saint-Foix, qui cite toujours ses sources. L'article aborde les deux compagnies des Mousquetaires, créées en 1622 et 1665. La première compagnie se distingua notamment au siège de Suze et à la bataille des Dunes. En 1667, lors de la guerre entre la France et l'Espagne, les Mousquetaires suivirent le roi en Flandres et participèrent à plusieurs sièges, comme ceux de Lille et de Dole. En 1669, ils combattirent en Candie aux côtés du duc de Navailles. En 1672, ils traversèrent le Rhin à la nage lors de la guerre contre la Hollande et participèrent à divers sièges, tels que ceux de Mastrick et de Besançon. En 1676, ils assiégèrent Condé et en 1677, Valenciennes, où ils montrèrent une grande bravoure et une stratégie efficace, permettant la prise rapide de la ville. Les Mousquetaires se distinguèrent par leur bravoure et leur discipline. Le 17 mars 1677, ils prirent Valenciennes et le 11 avril, ils jouèrent un rôle crucial dans la bataille de Cassel, où ils chargèrent à pied et repoussèrent les troupes ennemies malgré une forte résistance. Leur intervention permit de renverser le cours de la bataille. Ils se distinguèrent également lors des sièges d'Ypres, de Courtrai, de Philisbourg, de Mons et de Namur. Lors de la bataille de Ramillies en 1706, ils perçèrent les lignes ennemies mais furent finalement repoussés en raison de mauvaises dispositions stratégiques. À Malplaquet, ils montrèrent une grande discipline en restant immobiles sous le feu ennemi pendant cinq heures. Leur courage et leur dévouement furent également notables lors du siège de Philisbourg en 1734. Le texte met en avant leur valeur et leur capacité à surmonter les dangers, illustrant ainsi leur rôle essentiel dans les victoires militaires françaises.
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2
p. 26-27
LA LOTTERIE DE L'AMOUR.
Début :
De l'Amour l'inconstance extrême [...]
Mots clefs :
Inconstance, Amour, Satire, Galanterie
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texteReconnaissance textuelle : LA LOTTERIE DE L'AMOUR.
LA LOTTERIE DE L'AMOUR.
De l'Amour l'inconſtance extrême
A tel point fut portée un jour
Que las , exédé de lui-même ,
Il s'ennuya d'être l'Amour.
Je vois , dit-il , pâlir mes flâmes ;
Je vois tous mes dards s'émoufler;
L'or devient le tyran des âmes ;
Allons , il faut en amaffer.
Il fit donc une loterie
De fes joyaux , meubles , effets ;
Et tous les Dieux avec furie
S'en arracherent les billets.
Chacun en fecret couche en joue
Son lot chéri qu'il croit gagner :
Et s'imagine que la rouë ,
Comme la tête , va tourner.
Junon , trop clairvoyante épouſe ,
Defiroit encor le flambeau ;
Et Jupiter à la jalouſe
' Tour bas fouhaitoit le bandeau .
Des forêts la prude veſtale
>
Lorgnoit ces dards qui vont au coeur :
La tendre amante de Céphale
Les convoitoit pour fon chaffeur.
FEVRIER. 1763 . 27
1
L'arc plaifoit fort à la fatyre ;
Les Gens avoient été rompus
Par ces traits pefans que l'on tire
Depuis que Defpréaux n'eft plus.
L'Hymen , Dieu fans galanterie ;
Et toujonts lent à dépenser ,
Ne mit point à la loterie ,
Quoique l'amour l'en vînt preffer.
Non , non , dit-il , ces bagatelles
Ne m'offrent rien d'intéreffant :
Ami , fais un lot de tes aîles ;
Pour un billet j'en prendrai cent..
De l'Amour l'inconſtance extrême
A tel point fut portée un jour
Que las , exédé de lui-même ,
Il s'ennuya d'être l'Amour.
Je vois , dit-il , pâlir mes flâmes ;
Je vois tous mes dards s'émoufler;
L'or devient le tyran des âmes ;
Allons , il faut en amaffer.
Il fit donc une loterie
De fes joyaux , meubles , effets ;
Et tous les Dieux avec furie
S'en arracherent les billets.
Chacun en fecret couche en joue
Son lot chéri qu'il croit gagner :
Et s'imagine que la rouë ,
Comme la tête , va tourner.
Junon , trop clairvoyante épouſe ,
Defiroit encor le flambeau ;
Et Jupiter à la jalouſe
' Tour bas fouhaitoit le bandeau .
Des forêts la prude veſtale
>
Lorgnoit ces dards qui vont au coeur :
La tendre amante de Céphale
Les convoitoit pour fon chaffeur.
FEVRIER. 1763 . 27
1
L'arc plaifoit fort à la fatyre ;
Les Gens avoient été rompus
Par ces traits pefans que l'on tire
Depuis que Defpréaux n'eft plus.
L'Hymen , Dieu fans galanterie ;
Et toujonts lent à dépenser ,
Ne mit point à la loterie ,
Quoique l'amour l'en vînt preffer.
Non , non , dit-il , ces bagatelles
Ne m'offrent rien d'intéreffant :
Ami , fais un lot de tes aîles ;
Pour un billet j'en prendrai cent..
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Résumé : LA LOTTERIE DE L'AMOUR.
Le poème 'La Lotterie de l'Amour' explore l'inconstance de l'Amour, qui organise une loterie avec ses joyaux, meubles et effets pour se distraire. Tous les dieux, avides, se disputent les billets, chacun espérant gagner le lot désiré. Junon veut éteindre le flambeau de la vérité, tandis que Jupiter souhaite voiler la jalousie. La vestale prude observe les traits qui blessent le cœur, et l'amante de Céphale les désire pour leur pouvoir de réchauffer. En février 1763, les femmes, blessées par les traits perfides depuis la mort de Despréaux, apprécient l'arc. L'Hymen, dieu sans galanterie et avare, refuse de participer, trouvant les lots sans intérêt, et propose de loter les ailes de l'Ami pour obtenir cent billets.
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3
p. 27-29
JUPITER ET JUNON.
Début :
JUPITI s'ennuyoit aux Cieux : [...]
Mots clefs :
Princesses, Dieux, Fidèle , Jaloux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : JUPITER ET JUNON.
JUPITER ET JUNON.
*
JUPITI UPITER s'ennuyoit aux Cieux :
Il n'avoit plu qu'à des Déeffes :
O Princes qui n'aimez qu'en Dieux
Vous baillez près de vos Princeſſes.
En vain il paffoit tous les ans ,
Des plus belles aux plus gentilles ;
Malgré leurs charmes féduifans ,
C'étoit pour lui pâté d'anguilles.
Toujours la Reine du Printemps ,
Toujours Venus , toujours l'Aurore ,
Allufion au fameux Conte de la Fontaine.
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
Hébé, vous étiez jeune encore ,
Mais c'étoit depuis fi long- temps!
Ah ! dans la céleste demeure
Il faut jouer la dignité ;
で
Ce ton laffe au premier quart- d'heure ,
Jugez durant l'éternité.
Il quitta les fempiternelles ,
Et j'en aurois bien fait autant ;
Il vint dans les bras de nos Belles ,
Et l'on n'eft Dieu qu'en l'imitant.
Junon, dans la jalouſe flâme ,
Fit grand bruit de fes trahisons.
Elle avoit tort par vingt raiſons :
D'abord c'eft qu'elle étoit fa femme.
Plus , elle avoit de trop grands yeux :
Je l'ai cent fois lû dans Homere ;
Je crois , comme il étoit pieux ,
Que du refte il s'eft voulu taire.
D'ailleurs , pourquoi tant quereller ,
Quand le reméde eft fi facile ?
En hommes , pour la confoler ,
La terre étoit affez fertile .
* Homere appelle prefque toujours Junon la
Déeffe aux yeux de boeuf.
FEVRIER. 1763. 29
Par gloire ou curiofité ,
Qui n'eût pris part à fa trifteffe ?
Le coeur s'enfle de vanité
Entre les bras d'une Déeffe.
Ma foi , pour cet honneur divin
J'aurois paffé fur l'agréable ;
Changer Jupiter en Vulcain
Eft un exploit très- mémorable.
Je fais que cet époux coquet
N'étoit pas un époux commode ; !
Le ton de Paris lui manquoit.
Nous l'aurions mis à notre mode.
Contre Ixion ſon fier courroux
Dégrade fa gloire immortelle ;
Oh ! le bonheur d'être infidèle
Ote le droit d'être jaloux.
*
JUPITI UPITER s'ennuyoit aux Cieux :
Il n'avoit plu qu'à des Déeffes :
O Princes qui n'aimez qu'en Dieux
Vous baillez près de vos Princeſſes.
En vain il paffoit tous les ans ,
Des plus belles aux plus gentilles ;
Malgré leurs charmes féduifans ,
C'étoit pour lui pâté d'anguilles.
Toujours la Reine du Printemps ,
Toujours Venus , toujours l'Aurore ,
Allufion au fameux Conte de la Fontaine.
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
Hébé, vous étiez jeune encore ,
Mais c'étoit depuis fi long- temps!
Ah ! dans la céleste demeure
Il faut jouer la dignité ;
で
Ce ton laffe au premier quart- d'heure ,
Jugez durant l'éternité.
Il quitta les fempiternelles ,
Et j'en aurois bien fait autant ;
Il vint dans les bras de nos Belles ,
Et l'on n'eft Dieu qu'en l'imitant.
Junon, dans la jalouſe flâme ,
Fit grand bruit de fes trahisons.
Elle avoit tort par vingt raiſons :
D'abord c'eft qu'elle étoit fa femme.
Plus , elle avoit de trop grands yeux :
Je l'ai cent fois lû dans Homere ;
Je crois , comme il étoit pieux ,
Que du refte il s'eft voulu taire.
D'ailleurs , pourquoi tant quereller ,
Quand le reméde eft fi facile ?
En hommes , pour la confoler ,
La terre étoit affez fertile .
* Homere appelle prefque toujours Junon la
Déeffe aux yeux de boeuf.
FEVRIER. 1763. 29
Par gloire ou curiofité ,
Qui n'eût pris part à fa trifteffe ?
Le coeur s'enfle de vanité
Entre les bras d'une Déeffe.
Ma foi , pour cet honneur divin
J'aurois paffé fur l'agréable ;
Changer Jupiter en Vulcain
Eft un exploit très- mémorable.
Je fais que cet époux coquet
N'étoit pas un époux commode ; !
Le ton de Paris lui manquoit.
Nous l'aurions mis à notre mode.
Contre Ixion ſon fier courroux
Dégrade fa gloire immortelle ;
Oh ! le bonheur d'être infidèle
Ote le droit d'être jaloux.
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Résumé : JUPITER ET JUNON.
Le texte décrit l'ennui de Jupiter aux Cieux, malgré ses relations avec des déesses telles que la Reine du Printemps, Vénus et l'Aurore. Hébé, autrefois jeune, ne l'attirait plus. Jupiter trouva plus de satisfaction auprès des mortelles. Junon, jalouse des infidélités de Jupiter, protesta. Cependant, le texte suggère que Junon, en tant qu'épouse de Jupiter et dotée de grands yeux comme décrit par Homère, aurait dû chercher du réconfort auprès d'autres hommes sur Terre. Le narrateur admire l'expérience de Jupiter avec les déesses et envisage positivement de devenir Vulcain, l'époux de Junon. Il critique également la jalousie de Jupiter envers Ixion, soulignant que l'infidélité ôte le droit d'être jaloux. Le texte se termine par une réflexion sur le caractère difficile de Jupiter en tant qu'époux et sur l'absence du 'ton de Paris' chez lui.
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4
p. 29-30
A une Demoiselle qui avoit promis un baiser à celui qui feroit de meilleurs vers le jour de fa Fête.
Début :
QUOI pour le prix des vers accorder aux Vainqueurs [...]
Mots clefs :
Vainqueurs, Tendresse, Amour
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texteReconnaissance textuelle : A une Demoiselle qui avoit promis un baiser à celui qui feroit de meilleurs vers le jour de fa Fête.
A une Demoiselle qui avoit promis un
baiſer à celui qui feroit de meilleurs
vers le jour de fa Fête.
QUOIpour
le prix des vers accorder aux Vainqueurs
D'an baiſer la douce carefle !
Céphife , quelle eft votre erreur ?
Biij
30 MERCURE DE FRANCE .
Vous donnez à l'efprit ce qui n'eft dû qu'au coeur •
Un bailerfut toujours le prix de la tendreſſe ,
Et c'eft à l'Amour feul qu'en appartient le don :
Les Habitans du Pinde en leur plus grande ivreſſe
N'ont jamais eſpéré qu'un laurier d'Apollon.
Des vers à mes rivaux je cede l'avantage ;
Ils riment mieux que moi , mais je fçais mieux
aimer.
Que le laurier foit leur partage ,
Et le mien fera le baiſer.
baiſer à celui qui feroit de meilleurs
vers le jour de fa Fête.
QUOIpour
le prix des vers accorder aux Vainqueurs
D'an baiſer la douce carefle !
Céphife , quelle eft votre erreur ?
Biij
30 MERCURE DE FRANCE .
Vous donnez à l'efprit ce qui n'eft dû qu'au coeur •
Un bailerfut toujours le prix de la tendreſſe ,
Et c'eft à l'Amour feul qu'en appartient le don :
Les Habitans du Pinde en leur plus grande ivreſſe
N'ont jamais eſpéré qu'un laurier d'Apollon.
Des vers à mes rivaux je cede l'avantage ;
Ils riment mieux que moi , mais je fçais mieux
aimer.
Que le laurier foit leur partage ,
Et le mien fera le baiſer.
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Résumé : A une Demoiselle qui avoit promis un baiser à celui qui feroit de meilleurs vers le jour de fa Fête.
Céphise, dans une lettre poétique, regrette d'avoir promis un baiser comme prix des vers. Il estime que le baiser doit être réservé à l'amour. Les poètes, symbolisés par les habitants du mont Pinde, aspirent à une récompense poétique. Céphise concède que ses rivaux riment mieux, mais affirme aimer davantage. Il souhaite que le laurier revienne à ses rivaux et le baiser à lui-même.
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5
p. 30-31
A URANIE.
Début :
QU'UN autre vous enseigne, ô ma chère Uranie, [...]
Mots clefs :
Amour, Yeux, Pays
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A URANIE.
A URANI E.
U'UN autre vous enfeigne , ô ma chère Uranie,
A meſurer la terre , à lire dans les cieux ,
Et foumettre à votre génie
Ce que l'amour foumet au pouvoir de vos yeux.
Pour moi , fans diſputer ni du plein ni du vuide ,
Ce que j'aime eſt mon Univers ;
Mon fyftême eft celui d'Ovide ,
Et l'amour le ſujet & l'âme de mes vers :
Ecoutez les leçons : du pays des chimeres
Souffrez qu'il vous conduiſe au pays des defirs :
Je vous apprendrai fes myſtères :.
Heureux , fi vous vouliez m'apprendre fes plaifirs !
Des Grâces vous avez la figure légère ,
D'une Mufe l'efprit , le coeur d'une Bergère ,
Un vifage charmant , où fans être empruntés ,
On voit briller les dons de Flore ,
FEVRIER. 1763 . 31
Que le doigt de l'amour marque des deux côtés ,
Quand par un doux fouris il s'embellit encore.
Mais que vous fervent tant d'appas ?
Quoi ! de fi belles mains pour tenir un compas
Ou pour pointer une lunette ?
Quoi ! des yeux fi charmans pour obferver le cours
Ou lee taches d'une Planette ?
Non , la main de Vénus eft faite
Pour toucher le lut des Amours ;
1
Et deux beaux yeux doivent eux- mêmes
Eire nos aftres ici - bas.
Laiffez donc là tous ces fyftèmes ,
Sources d'erreurs & de débats ;
Et choififfant l'Amour pour maître ,
Jouiffez au lieu de connaître.
U'UN autre vous enfeigne , ô ma chère Uranie,
A meſurer la terre , à lire dans les cieux ,
Et foumettre à votre génie
Ce que l'amour foumet au pouvoir de vos yeux.
Pour moi , fans diſputer ni du plein ni du vuide ,
Ce que j'aime eſt mon Univers ;
Mon fyftême eft celui d'Ovide ,
Et l'amour le ſujet & l'âme de mes vers :
Ecoutez les leçons : du pays des chimeres
Souffrez qu'il vous conduiſe au pays des defirs :
Je vous apprendrai fes myſtères :.
Heureux , fi vous vouliez m'apprendre fes plaifirs !
Des Grâces vous avez la figure légère ,
D'une Mufe l'efprit , le coeur d'une Bergère ,
Un vifage charmant , où fans être empruntés ,
On voit briller les dons de Flore ,
FEVRIER. 1763 . 31
Que le doigt de l'amour marque des deux côtés ,
Quand par un doux fouris il s'embellit encore.
Mais que vous fervent tant d'appas ?
Quoi ! de fi belles mains pour tenir un compas
Ou pour pointer une lunette ?
Quoi ! des yeux fi charmans pour obferver le cours
Ou lee taches d'une Planette ?
Non , la main de Vénus eft faite
Pour toucher le lut des Amours ;
1
Et deux beaux yeux doivent eux- mêmes
Eire nos aftres ici - bas.
Laiffez donc là tous ces fyftèmes ,
Sources d'erreurs & de débats ;
Et choififfant l'Amour pour maître ,
Jouiffez au lieu de connaître.
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Résumé : A URANIE.
L'auteur adresse une lettre poétique à Uranie, personnification de l'astronomie et de la géographie, exprimant son admiration et son désir de la guider vers les plaisirs de l'amour. Il affirme que son univers est gouverné par l'amour, à l'instar des écrits d'Ovide, et souhaite lui enseigner les mystères de l'amour. L'auteur loue la beauté et les qualités d'Uranie, comparant sa figure aux Grâces, son esprit à celui d'une muse et son cœur à celui d'une bergère. Il admire également son visage charmant, marqué par les dons de Flore. Critiquant l'utilisation des mains et des yeux d'Uranie pour des instruments scientifiques, il estime qu'ils sont mieux adaptés aux plaisirs de l'amour. Il invite Uranie à abandonner les systèmes scientifiques, sources d'erreurs et de débats, pour se consacrer à l'amour et au plaisir.
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6
p. 31-32
SUR une Dame à qui on a donné le nom de Circé,
Début :
De nos jours eft une Circé, [...]
Mots clefs :
Circé, Esprit, Héros, Force, Route, Enchanteresse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUR une Dame à qui on a donné le nom de Circé,
SUR une Dame à qui on a donné le
nom de Circé,
Dx nos jours eft une Circé ,
Non la fameuse enchantereffe ,
Dont le poifon fut renversé
Par les mains d'un héros que guidoit la fageffe s
Son art ne force point les aftres pâliífans
A quitter leur brillante route ,
Jamais les magiques accens
N'ont percé l'infernale route ,
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
Ses enchantemens font les yeux
Sa grace , toute la perfonne ,
Un efprit émané des Cieux ,
Efprit qui badine ou raiſonne
Et toujours à propos plaifant ou férieux ,
Efprit fin fans fonger à l'être
Et qui fe montre d'autant mieux
Qu'il ne cherche point à paroître.
L'autre Circé , changeoit fes Amans en Pourceaux,
Si celle- ci fouffroit qu'on cherchât à lui plaire
Elle transformeroit les hommes en Héros .
Mais près d'elle l'Amour eft forcé de fe taire ;
Et rendu malgré lui timide & circonfpect ,
N'ofe s'y faire voir que fous l'air du reſpect.
nom de Circé,
Dx nos jours eft une Circé ,
Non la fameuse enchantereffe ,
Dont le poifon fut renversé
Par les mains d'un héros que guidoit la fageffe s
Son art ne force point les aftres pâliífans
A quitter leur brillante route ,
Jamais les magiques accens
N'ont percé l'infernale route ,
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
Ses enchantemens font les yeux
Sa grace , toute la perfonne ,
Un efprit émané des Cieux ,
Efprit qui badine ou raiſonne
Et toujours à propos plaifant ou férieux ,
Efprit fin fans fonger à l'être
Et qui fe montre d'autant mieux
Qu'il ne cherche point à paroître.
L'autre Circé , changeoit fes Amans en Pourceaux,
Si celle- ci fouffroit qu'on cherchât à lui plaire
Elle transformeroit les hommes en Héros .
Mais près d'elle l'Amour eft forcé de fe taire ;
Et rendu malgré lui timide & circonfpect ,
N'ofe s'y faire voir que fous l'air du reſpect.
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Résumé : SUR une Dame à qui on a donné le nom de Circé,
Le texte compare une dame contemporaine à Circé, mais contrairement à cette dernière, elle n'utilise ni poisons ni magie. Ses charmes proviennent de ses yeux et de sa grâce, émanant d'un esprit céleste, badin et raisonnable. Elle inspire les hommes à devenir des héros, contraignant l'Amour à se manifester sous forme de respect.
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7
p. 32-42
MAL-A-PROPOS, OU L'EXIL DE LA PUDEUR, Traduction libre d'un petit Poëme trouvé dans les ruines de la Grèce.
Début :
PREMIER CHANT. TOUS les Dieux , favorables au vœu de l'Amour [...]
Mots clefs :
Amour, Beauté, Palais, Hymen, Pudeur, Volupté, Grâces
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MAL-A-PROPOS, OU L'EXIL DE LA PUDEUR, Traduction libre d'un petit Poëme trouvé dans les ruines de la Grèce.
MAL- A - PROPOS ,
OU L'EXIL DE LA PUDEUR,
Traduction libre d'un petit Poëme
trouvé dans les ruines de la Grèce.
PREMIER CHAN T.
TOUS ous les Dieux , favorables au voeu
de l'Amour , avoient calmé la jalouſẹ
colere de Vénus. Dès que le Deſtin
eut prononcé le bonheur de Psyché
l'Amour lança fur la terre un regard
enflâmé ; & plus rapidement que la
vapeur légère eft attirée vers le foleil ,
FEVRIER. 1763.
33
auffitôt Psyché fut élevée à la plus
haute Région des airs. A la voix de ce
Dieu , les Portes dorées de l'Olympe
s'ouvrirent , pour recevoir la Beauté
qui alloit l'embellir d'un nouvel éclat.
Quelles Portes ont jamais reſiſté à l'Amour
? Il tend à fon Amante une main
bienfaictrice , & de l'autre il éffuye les
derniers pleurs échappés de fes beaux
yeux ; lui-même la conduit au trône
de Jupiter. Le Maître de l'Univers
devoit trop à l'Amour pour ne pas fe
hâter de remplir fes defirs. Il appelle le
Dieu d'Hymen , & la main qui lance
le tonnerre allume les flambeaux d'Hymenée.
Il fait avancer les deux Epoux ,
on les couronne de fleurs immortelles.
LAmour approcha fes lévres divines
des lévres de Pfyché , & de la
cîme impénétrable de l'Olympe , le
Deftin cria Pfyché eft immortelle.
Toute la Cour célefte étoit affemblée ;
la jeune Pfyché y parut comme ces
aftres nouveaux que le Firmament momtre
quelquefois à la terre. La Reine
des Cieux , la fuperbe Junon , jettoit
un coup d'oeil de côté fur Vénus
& Junon fe croyoit vengée de l'outrage
de Paris ; mais Vénus dont
l'ame molle & tendre ne peut receler
ا و
B v
34 MERCURE DE FRANCE .
des haines éternelles , comme les autres
Divinités , Vénus voyoit alors avec complaifance
dans la belle Pfyché l'époufe
de fon fils. En la conſidérant, la Déeffe
imaginoit ne voir qu'elle-même dans
cette Beauté ; Pfyché regarda l'Amour ;
Vénus crut voir encore mieux qu'ellemême.
Tandis que le Ciel retentiffoit de
l'Hymne facrée , dont la Reprife étoit ,
La Beauté pour jamais eft unie à l'Amour
: l'Amour a rendu la Beauté immortelle
; la jeune Epoufe prenoit l'ambrofie
des mains de Comus , & de celles
d'Hébé elle recevoit la coupe du nectar.
Je crois connoître , dit Pfyché en
fouriant à la Jeuneffe , oui je connois
déja cette éffence de la Divinité , je l'ai
goûtée fur les lévres de l'Amour.
Après ectte célébration de l'Hymenée ,
Vénus demanda aux Dieux qu'il s'achevât
fur la terre . Je veux que mà
nouvelle fille foit reconnue dans mon
empire ; je veux qu'elle tienne ma pla→
ce fur mes autels. La nouveauté rallumera
l'encens de mes fujets ; & l'encens
qui brulera pour la nouvelle Déeffe
ne fera pour moi qu'un hommage de
plus qui affermira mon culte. Il faut
que toute ma Cour accompagne l'éFEVRIER.
1763. 35
poufe de mon fils ; la Cour de Vénus
eft celle de la Beauté. Elle dit , & tournant
fa tête enchantereffe , pour appeller
les Grâces , les boucles d'or de fa
chevelure vinrent toucher un côté dé
fon fein d'ivoire . Si un feul mouvement
des yeux de Jupiter fait trembler l'Olympe
; à ce tour de tête de Vénus ;
l'Olympe éprouve toujours un doux frémiffement
& les Immortels ont en
cet inftant un fentiment plus intime
de la divinité de leur être.
Un coup d'oeil dé Vénus a bientôt
raffemblé les Grâces autour d'elle. La
Déeffe remit Pfyché entre leurs mains ,
& les chargea du foin de fa parure .
La vénérable Pudeur , préfentée par
' Hymen à qui elle faifoit affidument
la cour , fut donnée à la jeune Époufe
pour premiere compagne. ( a ) Ainfi
tout difpofé , il fut arrêté que le cortége
de cette nôce célefte fe rendroit
fur la terre. Paphos , où la volupté
avec les jeux & les plaifirs , étoit déja
arrivée , fut le lieu défigné par Vénus
pour achever les nôces de l'Amour &
pour en célébrer les fêtes .
( a ) Ce qui , dans nos moeurs & dans no
langage fignifieroit. Dame d'Honneur.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
DEUXIEME CHANT.
Tout Paphos attendoit la nouvelle
Déïté. La Renommée, fi prompte à fervir
l'Amour fouvent même fans attendre fes
ordres , la Renommée avoit été chargée .
de l'annoncer. Les Prêtreffes avoient orné
le Temple ; auparavant elles s'étoient
parées de tout ce qu'elles avoient de
plus brillant. L'encens fumoit fur les
autels ; l'encens de Paphos eft d'un
parfum plus exquis que celui qui brûle
dans les autres Temples. En s'élevant
par de longs tourbillons à la hauteur
des nues , il fe joignoit aux divins parfums
, dont fillonnoit les airs la céleſte
troupe fur fon paffage. Le fpectacle de
cette marche étoit invifible aux prophanes
mortels ; mais l'odeur délicieufe
des parfums portoit au loin la volupté
dans les ames. Les Voyageurs , navigans
fur ces Côtes , étoient faifis d'une
myftique yvreffe , dont ils ignoroient
la caufe , qui faifoit abandonner au
Pilote le foin de fa manoeuvre , & détefter
au Paffager la rapidité des flots
qui l'écartoient de ce rivage.
Les Peuples heureux de l'Empire de
Vénus , accourus en foule autour de
fon autel , apperçurent bientôt une coFEVRIER.
1763. 37
lonne lumineufe , d'un feu doux &
pur , qui defcendoit par l'ouverture de
la coupole , fur le piedeſtal facré , d'où
la Déeffe dicte ordinairement fes loix
& fes oracles. La colonne fe diffipe
& découvre à tous les yeux la nouvelle
Immortelle ; à fes côtés font
Hymen & l'Amour qui l'éclairent chacun
de leur flambeau. Mais le reflet
de celui de l'Amour est le plus fenfible
fur cette jeune Beauté. A fa vue
rout eft faifi d'un faint & tendre refpect
. Tel eft le pouvoir de la Beauté ,
que dès qu'elle paroît , tous les Peuples
Fadorent. Vénus, du haut des Cieux jouit
de la ferveur qu'elle-même elle infpire.
C'est alors fon ouvrage , elle n'en eft
plus irritée. Chaque amante , dans Paphos
, tremble en fecret que fon amant
ne devienne , quoique fans efpoir , le
rival de l'Amour. Dans les accès d'un
nouveau zéle les jeunes habitans de
Paphos volent aux pieds de Pfyché ,
porter en offrande les tendres dons que
d'imprudentes Beautés leur ont faits
foit en parures , foit en bracelets de
cheveux
, beaucoup plus chers à la
tendreffe que les plus riches ornemens.
Après avoir reçu l'adoration des mortels
, l'Amour conduifit fa nouvelle
?
38 MERCURE DE FRANCE .
époufe dans le Palais qui joint le Temple.
Les arts à l'envi ont décoré ce voluptueux
& brillant féjour. La Troupe
nuptiale parcourt quelques momens les
principales Piéces de ce Palais , d'où
l'on paffe bientôt dans les Jardins. C'eft
ici que les Mufes n'ont point de crayons
pour peindre ce que ces lieux renferment
de délices. Quel oil peut pénétrer
dans les bofquets de Paphos ! Tout
y refpire , tout y foufle l'efprit ineffable
des myftères de la Divinité qui les habite.
C'est tout ce qu'il eft permis à un
Mortel d'en décrire ; c'eft tout ce qu'il
eft permis aux prophanes d'en fçavoir.
Entre ces bofquets enchantés , s'élévent
, affez près l'un de l'autre , deux
Palais inférieurs au Palais principal
où la feule galanterie a fuivi les ordres
de la volupté . L'un de ces Palais appartient
plus particulierement à l'Amour.
C'eſt le Dieu même qui en a donne les
plans , c'eft lui qui en a dirigé la diftribution.
Comme en ce lieu tout parloit
à Pfyché de fon amant , foit par
un fouvenir de fes peines paffées , foit
par un fentiment de fon bonheur préfent
, elle fentit en y entrant une fecrete
émotion. L'Hymen, qui ne connoit que
trop ce lieu féducteur , en fouffioit im
>
FEVRIER. 1763 . 39
patiemment le féjour ; & la Pudeur toujours
attentive à lui complaire , cherchoit
à en faire éloigner la jeune Époufe:
l'Amours'en apperçût ; un regard de dépit
fit fentir à la vénérable Compagne
qu'il n'aimoit pas les contradictions :
mais l'Hymen méritoit des égards ( au
moins dans ces premiers jours )
, ,
Pfyché ne fut arrêtée dans ce Palais
qu'autant qu'il falloit pour lui donner
une idée de fes charmes. L'Amour la
promena dans les parterres qui environnent
fes cabinets. Là naiffent & fe
renouvellent en toutes faifons les
plus agréables fleurs du Printemps. La
tendre Pfyché y remarqua des rofes
admirables qui fe tournoient d'ellesmêmes
vers l'Amour & qui en prenoient
une fraicheur nouvelle . L'Amour,
dit- elle , eft l'Aftre qui fait éclore les
Rofes ; c'eſt fon influence qui conferve
leur beauté.
TROISIEME CHANT .
On communique par les parterres
du Palais fecret de l'Amour , à celui
où Venus vient fouvent étudier ce qui
peut faire fentir aux Mortels quelque
nouvel effet de fon pouvoir. Ce lieu
eft agréablement magique . LaCoquet40
MERCURE DE FRANCE .
,
terie y travaille fans ceffe à mille fe
crets au-deffus de l'imagination humaine.
Ce que l'induftrieufe abeille
fait pour l'utilité des hommes une
troupe d'enfans aîlés , par un art furnaturel
, l'exécute pour la toilette de leur
Souveraine. Lorſque l'aurore annonce
le Dieu de la lumière , & lorfqu'il rentre
dans les Palais de Thétis , ces enfans
voltigent autour des plantes & des
fleurs ; ils en tirent tout ce qui eft
propre à leur galante chymie . On dépofe
la précieufe récolte dans des corbeilles
d'or ; à travers les tiffus plus ou
moins ferrés de ce métal , on fépare , on
diftingue ce qui convient à chaque opération.
Ici , par l'agitation de leurs
aîles , ils éxcitent , à divers degrés , le
feu de leurs flambeaux , pour échauffer
des vafes , dans lefquels la fermentation
produit d'un côté des Beaumes & des
Effences ; de l'autre , des eaux limpides ,
chargées néanmoins de particules les
plus odoriférantes . Là par d'autres
moyens , de fucs épaiffis , paîtris avec
l'émail des perles , ils compofent des
pomades , qui donnent à la peau un
éclat dont la Nature même envieroit le
fecret. Dans un autre endroit des mains
fubtiles préparent des poudres d'un
FEVRIER . 1763. 41
S
S
C
parfum exquis , tandis que dans un
lieu plus réſervé on broye la matière
qui donne aux rofes leur incarnat , &
qui fert fi bien à réparer celui dont
brille la Beauté. Jufqu'aux infectes entrent
dans leurs magiques compofitions.
On extrait leur fombre couleur ;
on l'applique fur des tiffus de foie découpés
; on les feme comme des taches
fur un beau tein , dont ce contrafte fait
valoir la blancheur. Pardonne , ô Vénus
fi je viens de mettre au jour quelques
foibles notions des mystères que tu m'as
révélés ; nos jeunes Grecques ne pourront
en concevoir ni l'ufage ni le ſecret.
Des Prêtreffes , d'un ordre particulier,
ont la garde & la direction de ce Palais.
Elles vinrent au-devant des nouveaux
Epoux avec des parfums & des
guirlandes de fleurs . La fuite de l'Hymen
& celle de l'Amour y entrerent avec
eux. On invita la belle Pfyché à uſer
des bains que les Amours avoient préparés
de concert avec les Prêtreffes . La
Volupté , ordonnatrice de ces nôces ,
n'avoit pas négligé cette partie. Sous
des berceaux de myrthes & de jaſmins ,
inacceffibles à la chaleur du jour , des
baffins d'un criſtal auffi pur que le dia42
MERCURE DE FRANCE .
mant contiennent une onde auffi brillante
que les baffins mêmes, Des paliffades
de rofes & d'orangers en forment
les lambris . On fit entrer d'abord Pfyché
dans des cabinets prochains , que
la lumière ne pénetre pas , où la pudeur
elle- même difputa aux Prêtreffes l'honneur
de deshabiller la jeune Epoufe..
Quand il fut queftion de l'introduire
dans le lieu où l'onde devoit baigner
fon corps immortel , les Prêtreffes , un
peu jaloufes de l'air impérieux de
la Pudeur & du fervice qu'elle venoit
de leur enlever , parlerent de
lui interdire l'entrée du Bain : mais Pfyché
ne voulut point en être féparée ; elle
pria les Graces de lui donner la main .
La Pudeur rougit légérement ; les Gráces
lui fourirent , & toutes quatre réunies
dépoferent dans l'eau leur nouvelle
Maîtreffe.
Dans des Bains non moins délicieux
une troupe riante & légere avoit conduit
l'Amour. L'Hymen y accompagnoit
fon frère , tandis que les Plaifirs , difperfés
de toutes parts dans ces beaux
lieux , fe difpofoient aux fêtes qui devoient
remplir la foirée d'un fi grand
jour.
La fuite au Mercure prochain.
OU L'EXIL DE LA PUDEUR,
Traduction libre d'un petit Poëme
trouvé dans les ruines de la Grèce.
PREMIER CHAN T.
TOUS ous les Dieux , favorables au voeu
de l'Amour , avoient calmé la jalouſẹ
colere de Vénus. Dès que le Deſtin
eut prononcé le bonheur de Psyché
l'Amour lança fur la terre un regard
enflâmé ; & plus rapidement que la
vapeur légère eft attirée vers le foleil ,
FEVRIER. 1763.
33
auffitôt Psyché fut élevée à la plus
haute Région des airs. A la voix de ce
Dieu , les Portes dorées de l'Olympe
s'ouvrirent , pour recevoir la Beauté
qui alloit l'embellir d'un nouvel éclat.
Quelles Portes ont jamais reſiſté à l'Amour
? Il tend à fon Amante une main
bienfaictrice , & de l'autre il éffuye les
derniers pleurs échappés de fes beaux
yeux ; lui-même la conduit au trône
de Jupiter. Le Maître de l'Univers
devoit trop à l'Amour pour ne pas fe
hâter de remplir fes defirs. Il appelle le
Dieu d'Hymen , & la main qui lance
le tonnerre allume les flambeaux d'Hymenée.
Il fait avancer les deux Epoux ,
on les couronne de fleurs immortelles.
LAmour approcha fes lévres divines
des lévres de Pfyché , & de la
cîme impénétrable de l'Olympe , le
Deftin cria Pfyché eft immortelle.
Toute la Cour célefte étoit affemblée ;
la jeune Pfyché y parut comme ces
aftres nouveaux que le Firmament momtre
quelquefois à la terre. La Reine
des Cieux , la fuperbe Junon , jettoit
un coup d'oeil de côté fur Vénus
& Junon fe croyoit vengée de l'outrage
de Paris ; mais Vénus dont
l'ame molle & tendre ne peut receler
ا و
B v
34 MERCURE DE FRANCE .
des haines éternelles , comme les autres
Divinités , Vénus voyoit alors avec complaifance
dans la belle Pfyché l'époufe
de fon fils. En la conſidérant, la Déeffe
imaginoit ne voir qu'elle-même dans
cette Beauté ; Pfyché regarda l'Amour ;
Vénus crut voir encore mieux qu'ellemême.
Tandis que le Ciel retentiffoit de
l'Hymne facrée , dont la Reprife étoit ,
La Beauté pour jamais eft unie à l'Amour
: l'Amour a rendu la Beauté immortelle
; la jeune Epoufe prenoit l'ambrofie
des mains de Comus , & de celles
d'Hébé elle recevoit la coupe du nectar.
Je crois connoître , dit Pfyché en
fouriant à la Jeuneffe , oui je connois
déja cette éffence de la Divinité , je l'ai
goûtée fur les lévres de l'Amour.
Après ectte célébration de l'Hymenée ,
Vénus demanda aux Dieux qu'il s'achevât
fur la terre . Je veux que mà
nouvelle fille foit reconnue dans mon
empire ; je veux qu'elle tienne ma pla→
ce fur mes autels. La nouveauté rallumera
l'encens de mes fujets ; & l'encens
qui brulera pour la nouvelle Déeffe
ne fera pour moi qu'un hommage de
plus qui affermira mon culte. Il faut
que toute ma Cour accompagne l'éFEVRIER.
1763. 35
poufe de mon fils ; la Cour de Vénus
eft celle de la Beauté. Elle dit , & tournant
fa tête enchantereffe , pour appeller
les Grâces , les boucles d'or de fa
chevelure vinrent toucher un côté dé
fon fein d'ivoire . Si un feul mouvement
des yeux de Jupiter fait trembler l'Olympe
; à ce tour de tête de Vénus ;
l'Olympe éprouve toujours un doux frémiffement
& les Immortels ont en
cet inftant un fentiment plus intime
de la divinité de leur être.
Un coup d'oeil dé Vénus a bientôt
raffemblé les Grâces autour d'elle. La
Déeffe remit Pfyché entre leurs mains ,
& les chargea du foin de fa parure .
La vénérable Pudeur , préfentée par
' Hymen à qui elle faifoit affidument
la cour , fut donnée à la jeune Époufe
pour premiere compagne. ( a ) Ainfi
tout difpofé , il fut arrêté que le cortége
de cette nôce célefte fe rendroit
fur la terre. Paphos , où la volupté
avec les jeux & les plaifirs , étoit déja
arrivée , fut le lieu défigné par Vénus
pour achever les nôces de l'Amour &
pour en célébrer les fêtes .
( a ) Ce qui , dans nos moeurs & dans no
langage fignifieroit. Dame d'Honneur.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
DEUXIEME CHANT.
Tout Paphos attendoit la nouvelle
Déïté. La Renommée, fi prompte à fervir
l'Amour fouvent même fans attendre fes
ordres , la Renommée avoit été chargée .
de l'annoncer. Les Prêtreffes avoient orné
le Temple ; auparavant elles s'étoient
parées de tout ce qu'elles avoient de
plus brillant. L'encens fumoit fur les
autels ; l'encens de Paphos eft d'un
parfum plus exquis que celui qui brûle
dans les autres Temples. En s'élevant
par de longs tourbillons à la hauteur
des nues , il fe joignoit aux divins parfums
, dont fillonnoit les airs la céleſte
troupe fur fon paffage. Le fpectacle de
cette marche étoit invifible aux prophanes
mortels ; mais l'odeur délicieufe
des parfums portoit au loin la volupté
dans les ames. Les Voyageurs , navigans
fur ces Côtes , étoient faifis d'une
myftique yvreffe , dont ils ignoroient
la caufe , qui faifoit abandonner au
Pilote le foin de fa manoeuvre , & détefter
au Paffager la rapidité des flots
qui l'écartoient de ce rivage.
Les Peuples heureux de l'Empire de
Vénus , accourus en foule autour de
fon autel , apperçurent bientôt une coFEVRIER.
1763. 37
lonne lumineufe , d'un feu doux &
pur , qui defcendoit par l'ouverture de
la coupole , fur le piedeſtal facré , d'où
la Déeffe dicte ordinairement fes loix
& fes oracles. La colonne fe diffipe
& découvre à tous les yeux la nouvelle
Immortelle ; à fes côtés font
Hymen & l'Amour qui l'éclairent chacun
de leur flambeau. Mais le reflet
de celui de l'Amour est le plus fenfible
fur cette jeune Beauté. A fa vue
rout eft faifi d'un faint & tendre refpect
. Tel eft le pouvoir de la Beauté ,
que dès qu'elle paroît , tous les Peuples
Fadorent. Vénus, du haut des Cieux jouit
de la ferveur qu'elle-même elle infpire.
C'est alors fon ouvrage , elle n'en eft
plus irritée. Chaque amante , dans Paphos
, tremble en fecret que fon amant
ne devienne , quoique fans efpoir , le
rival de l'Amour. Dans les accès d'un
nouveau zéle les jeunes habitans de
Paphos volent aux pieds de Pfyché ,
porter en offrande les tendres dons que
d'imprudentes Beautés leur ont faits
foit en parures , foit en bracelets de
cheveux
, beaucoup plus chers à la
tendreffe que les plus riches ornemens.
Après avoir reçu l'adoration des mortels
, l'Amour conduifit fa nouvelle
?
38 MERCURE DE FRANCE .
époufe dans le Palais qui joint le Temple.
Les arts à l'envi ont décoré ce voluptueux
& brillant féjour. La Troupe
nuptiale parcourt quelques momens les
principales Piéces de ce Palais , d'où
l'on paffe bientôt dans les Jardins. C'eft
ici que les Mufes n'ont point de crayons
pour peindre ce que ces lieux renferment
de délices. Quel oil peut pénétrer
dans les bofquets de Paphos ! Tout
y refpire , tout y foufle l'efprit ineffable
des myftères de la Divinité qui les habite.
C'est tout ce qu'il eft permis à un
Mortel d'en décrire ; c'eft tout ce qu'il
eft permis aux prophanes d'en fçavoir.
Entre ces bofquets enchantés , s'élévent
, affez près l'un de l'autre , deux
Palais inférieurs au Palais principal
où la feule galanterie a fuivi les ordres
de la volupté . L'un de ces Palais appartient
plus particulierement à l'Amour.
C'eſt le Dieu même qui en a donne les
plans , c'eft lui qui en a dirigé la diftribution.
Comme en ce lieu tout parloit
à Pfyché de fon amant , foit par
un fouvenir de fes peines paffées , foit
par un fentiment de fon bonheur préfent
, elle fentit en y entrant une fecrete
émotion. L'Hymen, qui ne connoit que
trop ce lieu féducteur , en fouffioit im
>
FEVRIER. 1763 . 39
patiemment le féjour ; & la Pudeur toujours
attentive à lui complaire , cherchoit
à en faire éloigner la jeune Époufe:
l'Amours'en apperçût ; un regard de dépit
fit fentir à la vénérable Compagne
qu'il n'aimoit pas les contradictions :
mais l'Hymen méritoit des égards ( au
moins dans ces premiers jours )
, ,
Pfyché ne fut arrêtée dans ce Palais
qu'autant qu'il falloit pour lui donner
une idée de fes charmes. L'Amour la
promena dans les parterres qui environnent
fes cabinets. Là naiffent & fe
renouvellent en toutes faifons les
plus agréables fleurs du Printemps. La
tendre Pfyché y remarqua des rofes
admirables qui fe tournoient d'ellesmêmes
vers l'Amour & qui en prenoient
une fraicheur nouvelle . L'Amour,
dit- elle , eft l'Aftre qui fait éclore les
Rofes ; c'eſt fon influence qui conferve
leur beauté.
TROISIEME CHANT .
On communique par les parterres
du Palais fecret de l'Amour , à celui
où Venus vient fouvent étudier ce qui
peut faire fentir aux Mortels quelque
nouvel effet de fon pouvoir. Ce lieu
eft agréablement magique . LaCoquet40
MERCURE DE FRANCE .
,
terie y travaille fans ceffe à mille fe
crets au-deffus de l'imagination humaine.
Ce que l'induftrieufe abeille
fait pour l'utilité des hommes une
troupe d'enfans aîlés , par un art furnaturel
, l'exécute pour la toilette de leur
Souveraine. Lorſque l'aurore annonce
le Dieu de la lumière , & lorfqu'il rentre
dans les Palais de Thétis , ces enfans
voltigent autour des plantes & des
fleurs ; ils en tirent tout ce qui eft
propre à leur galante chymie . On dépofe
la précieufe récolte dans des corbeilles
d'or ; à travers les tiffus plus ou
moins ferrés de ce métal , on fépare , on
diftingue ce qui convient à chaque opération.
Ici , par l'agitation de leurs
aîles , ils éxcitent , à divers degrés , le
feu de leurs flambeaux , pour échauffer
des vafes , dans lefquels la fermentation
produit d'un côté des Beaumes & des
Effences ; de l'autre , des eaux limpides ,
chargées néanmoins de particules les
plus odoriférantes . Là par d'autres
moyens , de fucs épaiffis , paîtris avec
l'émail des perles , ils compofent des
pomades , qui donnent à la peau un
éclat dont la Nature même envieroit le
fecret. Dans un autre endroit des mains
fubtiles préparent des poudres d'un
FEVRIER . 1763. 41
S
S
C
parfum exquis , tandis que dans un
lieu plus réſervé on broye la matière
qui donne aux rofes leur incarnat , &
qui fert fi bien à réparer celui dont
brille la Beauté. Jufqu'aux infectes entrent
dans leurs magiques compofitions.
On extrait leur fombre couleur ;
on l'applique fur des tiffus de foie découpés
; on les feme comme des taches
fur un beau tein , dont ce contrafte fait
valoir la blancheur. Pardonne , ô Vénus
fi je viens de mettre au jour quelques
foibles notions des mystères que tu m'as
révélés ; nos jeunes Grecques ne pourront
en concevoir ni l'ufage ni le ſecret.
Des Prêtreffes , d'un ordre particulier,
ont la garde & la direction de ce Palais.
Elles vinrent au-devant des nouveaux
Epoux avec des parfums & des
guirlandes de fleurs . La fuite de l'Hymen
& celle de l'Amour y entrerent avec
eux. On invita la belle Pfyché à uſer
des bains que les Amours avoient préparés
de concert avec les Prêtreffes . La
Volupté , ordonnatrice de ces nôces ,
n'avoit pas négligé cette partie. Sous
des berceaux de myrthes & de jaſmins ,
inacceffibles à la chaleur du jour , des
baffins d'un criſtal auffi pur que le dia42
MERCURE DE FRANCE .
mant contiennent une onde auffi brillante
que les baffins mêmes, Des paliffades
de rofes & d'orangers en forment
les lambris . On fit entrer d'abord Pfyché
dans des cabinets prochains , que
la lumière ne pénetre pas , où la pudeur
elle- même difputa aux Prêtreffes l'honneur
de deshabiller la jeune Epoufe..
Quand il fut queftion de l'introduire
dans le lieu où l'onde devoit baigner
fon corps immortel , les Prêtreffes , un
peu jaloufes de l'air impérieux de
la Pudeur & du fervice qu'elle venoit
de leur enlever , parlerent de
lui interdire l'entrée du Bain : mais Pfyché
ne voulut point en être féparée ; elle
pria les Graces de lui donner la main .
La Pudeur rougit légérement ; les Gráces
lui fourirent , & toutes quatre réunies
dépoferent dans l'eau leur nouvelle
Maîtreffe.
Dans des Bains non moins délicieux
une troupe riante & légere avoit conduit
l'Amour. L'Hymen y accompagnoit
fon frère , tandis que les Plaifirs , difperfés
de toutes parts dans ces beaux
lieux , fe difpofoient aux fêtes qui devoient
remplir la foirée d'un fi grand
jour.
La fuite au Mercure prochain.
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Résumé : MAL-A-PROPOS, OU L'EXIL DE LA PUDEUR, Traduction libre d'un petit Poëme trouvé dans les ruines de la Grèce.
Le poème 'Mal à propos, ou l'exil de la pudeur' raconte l'union de Psyché et de l'Amour, favorisée par les dieux après que la jalousie de Vénus ait été apaisée. L'Amour élève Psyché dans les airs et la conduit au trône de Jupiter, où ils sont mariés en présence de toute la cour céleste. Psyché est acclamée comme une nouvelle divinité et Vénus, malgré ses anciennes rancœurs, reconnaît en Psyché une beauté qui lui rappelle la sienne, la considérant comme l'épouse de son fils. Après la célébration, Vénus demande que Psyché soit reconnue sur terre et qu'elle tienne sa place dans son empire. La cour de Vénus, accompagnée des Grâces, prépare Psyché pour son voyage sur terre. La Pudeur est désignée comme sa première compagne. Le cortège se rend à Paphos, où les noces doivent être achevées. À Paphos, la Renommée annonce l'arrivée de la nouvelle déité. Les prêtres et le peuple se préparent pour l'accueillir. Psyché descend sous forme d'une colonne lumineuse, accompagnée de l'Amour et d'Hymen. Elle est adorée par les habitants, qui lui offrent des présents. L'Amour conduit ensuite Psyché dans un palais décoré par les arts, où ils parcourent les jardins enchantés. Le poème décrit également les mystères et les secrets de la coquetterie et de la beauté, gardés par des prêtresses. Psyché et l'Amour prennent des bains préparés par les Amours et les prêtresses, sous des berceaux de myrtes et de jasmins. La Pudeur, malgré les tentatives des prêtresses de l'exclure, accompagne Psyché dans le bain.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 43-47
ODE SUR LA PAIX. PAR M. le Chevalier DE VIGUIER, Mousquetaire du Roi dans la premiere Compagnie.
Début :
O PAIX ! mère de l'abondance, [...]
Mots clefs :
Paix, Humains, Enfants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE SUR LA PAIX. PAR M. le Chevalier DE VIGUIER, Mousquetaire du Roi dans la premiere Compagnie.
ODE SUR LA PAIX.
PAR M. le Chevalier DE VIGUIER ,
Moufquetaire du Roi dans la premiere
Compagnie.
OPAIX ! mère de l'abondance ,
Entends nos foupirs & nos voeux !
Jette tes regards fur la FRANCE ,
Aimable PAIX , defcends des Cieux :
Chaffe le Démon de la guerre ,
Et plante fur toute la Terre
L'olive au lieu de nos Drapeaux +
Fleuris nos campagnes fanglantess
Ereins les flâmes dévorantes ,
Qui nous confument fur les eaux.
Tu parois , & la mort s'arrête......
Romain ! par le fort combattu ,
Carthage a foufflé la tempête ,
Mais , il te refte ta vertu.
Tel un Lion de l'Hircanie
Atteint d'une fléche ennemie ,
Des coups mortels s'est échappé.
Non , il n'expire point encore ;
Il rugit , s'élance & dévore
Le Chaffeur qui l'avoit frappé .
7
44 MERCURE DE FRANCE .
Quelle mégère fratricide
Trouble nos fens , arme nos mains ›
O Dieux ! pour le meurtre perfide
Auriez-vous formé les humains ? ...
*Compagnons ! * nourris dans les armes
Loin de nous la PAIX & fes charmes
Vengeons notre Maître irrité ! ...
Comme guerrier , Louis , j'y vole ;
Mais homme , j'ai pris la parole ,
En faveur de l'humanité.
>
Toi ! qui méprifes la fortune ,
Toi ! qui dans tes fages fuccès
De l'ambition importune ,
Combats & détruits les accès *
C'eſt de toi , Déelle sévère !
·
De la PAIX , four tendre & fincère :
Que ma Mufe emprunte fes vers :
Flambeau du bonheur de la vie !
divine Philofophie !
Eclaire & régis l'Univers.
Croyez-vous , Héros magnanimes ,
Mériter le titre de Grand ?
J'ai peſé vos illuftres crimes ,
Et je ne vois que le tyran .
Où cours- tu , cruel Alexandre¿
Arrête. Pourquoi mettre en cendre
La Maifon d Roi.
FEVRIER. 1763.
45
Les Etats d'un paisible Roi ?
Injufte vainqueur de l'Afie !
Porus qui défend la Patrie ,
Moins heureux , eft plus grand que toi.
Si les humains vous ont vu naître
Rivaux de la Divinité ,
A nos coeurs faites - vous connoître
Par les bienfaits , par l'équité.
Les Dieux enchaînés fur ces traces ,
Par leur juſtice, par leurs graces ,
Méritent nos voeux , nos autels.
Princes ! fongez que leur tonnerre
Se brife en éclats fur la terre ,
Et rarement fur les mortels.
L'Univers jette un cri terrible
Sur les enfans qui ne font plus.
Augufte à ces plaintes fenfible
Ferme le Temple de Janus.
L'efprit humain ſe développe 3
De ce fiécle cher à l'Europe
Le fouvenir eft éternel :
Après la PAIX des Pyrénées ,
Renaiſſent ces mêmes années ,
Sous le bras de l'Homme * immortel.
* Alufion à la Statue de LOUIS LE Grand ,
qui eft à la Place des Victoires. Cette Statue a le
bras droit étendu. On lit au bas fur le pied-d'eftal
cette infcription en lettres d'or. VIRO IMMORTALI.
A L'HOMME
IMMORTEL.
46 MERCURE DE FRANCE.
Alors tous les beaux arts fleurirent ,
Enfans d'un innocent loifir.
Les mers de Vaiffeaux fe couvrirent,
Et rapporterent l'or d'Ophir ;
Alors le citoyen tranquille
Ne craignit plus que fon afyle.
Fût par la flamme dévoré ;
Et qu'au milieu de fa famille
La fureur maffacrât fa fille ,
Qu'un barbare a déshonoré .
Charmante PAIX ! vertu facrée !
Raméne -nous ces temps fameux ,
Où fous ta puiffance adorée
Chaque mortel vivoit heureux.
L'époule vertueuse & belle ,
D'un époux compagne fidelle ,
Le jour , partageoit les travaux.
La nuit , dans un antre ſauvage ,
Ils raffembloient , fur le feuillage ,
Leurs Dieux , leurs enfans , leurs troupeaux,
Ce jour defiré va paroître ,
Puiffe-t-il dans les coeurs Français
Imprimer l'image d'un Maître
Signalé par tant de bienfaits !
Sçavantes Filles de Mémoire !
En retraçant dans notre hiſtoire
Notte amour , nos moeurs & nos loix,
FEVRIER. 1763. 47
Dites , que fous un Roi fi jufte ,
Cette Paix fur l'ouvrage augufte
Des CHOISEULS & de NIVERNOIS,
J'ignore la docte meſure
Des fons qui charment les humains,
L'honneur , le zéle , la Nature
Infpiroient les Soldats Romains.
Libres dans leurs chanſons guerrières ,
Ils montroient leurs âmes entières
Autour d'un char triomphateur.
Telle ma Mufe , fans contrainte ,
Bravant la critique & la crainte ,
Eft l'interprête de mon coeur.
PAR M. le Chevalier DE VIGUIER ,
Moufquetaire du Roi dans la premiere
Compagnie.
OPAIX ! mère de l'abondance ,
Entends nos foupirs & nos voeux !
Jette tes regards fur la FRANCE ,
Aimable PAIX , defcends des Cieux :
Chaffe le Démon de la guerre ,
Et plante fur toute la Terre
L'olive au lieu de nos Drapeaux +
Fleuris nos campagnes fanglantess
Ereins les flâmes dévorantes ,
Qui nous confument fur les eaux.
Tu parois , & la mort s'arrête......
Romain ! par le fort combattu ,
Carthage a foufflé la tempête ,
Mais , il te refte ta vertu.
Tel un Lion de l'Hircanie
Atteint d'une fléche ennemie ,
Des coups mortels s'est échappé.
Non , il n'expire point encore ;
Il rugit , s'élance & dévore
Le Chaffeur qui l'avoit frappé .
7
44 MERCURE DE FRANCE .
Quelle mégère fratricide
Trouble nos fens , arme nos mains ›
O Dieux ! pour le meurtre perfide
Auriez-vous formé les humains ? ...
*Compagnons ! * nourris dans les armes
Loin de nous la PAIX & fes charmes
Vengeons notre Maître irrité ! ...
Comme guerrier , Louis , j'y vole ;
Mais homme , j'ai pris la parole ,
En faveur de l'humanité.
>
Toi ! qui méprifes la fortune ,
Toi ! qui dans tes fages fuccès
De l'ambition importune ,
Combats & détruits les accès *
C'eſt de toi , Déelle sévère !
·
De la PAIX , four tendre & fincère :
Que ma Mufe emprunte fes vers :
Flambeau du bonheur de la vie !
divine Philofophie !
Eclaire & régis l'Univers.
Croyez-vous , Héros magnanimes ,
Mériter le titre de Grand ?
J'ai peſé vos illuftres crimes ,
Et je ne vois que le tyran .
Où cours- tu , cruel Alexandre¿
Arrête. Pourquoi mettre en cendre
La Maifon d Roi.
FEVRIER. 1763.
45
Les Etats d'un paisible Roi ?
Injufte vainqueur de l'Afie !
Porus qui défend la Patrie ,
Moins heureux , eft plus grand que toi.
Si les humains vous ont vu naître
Rivaux de la Divinité ,
A nos coeurs faites - vous connoître
Par les bienfaits , par l'équité.
Les Dieux enchaînés fur ces traces ,
Par leur juſtice, par leurs graces ,
Méritent nos voeux , nos autels.
Princes ! fongez que leur tonnerre
Se brife en éclats fur la terre ,
Et rarement fur les mortels.
L'Univers jette un cri terrible
Sur les enfans qui ne font plus.
Augufte à ces plaintes fenfible
Ferme le Temple de Janus.
L'efprit humain ſe développe 3
De ce fiécle cher à l'Europe
Le fouvenir eft éternel :
Après la PAIX des Pyrénées ,
Renaiſſent ces mêmes années ,
Sous le bras de l'Homme * immortel.
* Alufion à la Statue de LOUIS LE Grand ,
qui eft à la Place des Victoires. Cette Statue a le
bras droit étendu. On lit au bas fur le pied-d'eftal
cette infcription en lettres d'or. VIRO IMMORTALI.
A L'HOMME
IMMORTEL.
46 MERCURE DE FRANCE.
Alors tous les beaux arts fleurirent ,
Enfans d'un innocent loifir.
Les mers de Vaiffeaux fe couvrirent,
Et rapporterent l'or d'Ophir ;
Alors le citoyen tranquille
Ne craignit plus que fon afyle.
Fût par la flamme dévoré ;
Et qu'au milieu de fa famille
La fureur maffacrât fa fille ,
Qu'un barbare a déshonoré .
Charmante PAIX ! vertu facrée !
Raméne -nous ces temps fameux ,
Où fous ta puiffance adorée
Chaque mortel vivoit heureux.
L'époule vertueuse & belle ,
D'un époux compagne fidelle ,
Le jour , partageoit les travaux.
La nuit , dans un antre ſauvage ,
Ils raffembloient , fur le feuillage ,
Leurs Dieux , leurs enfans , leurs troupeaux,
Ce jour defiré va paroître ,
Puiffe-t-il dans les coeurs Français
Imprimer l'image d'un Maître
Signalé par tant de bienfaits !
Sçavantes Filles de Mémoire !
En retraçant dans notre hiſtoire
Notte amour , nos moeurs & nos loix,
FEVRIER. 1763. 47
Dites , que fous un Roi fi jufte ,
Cette Paix fur l'ouvrage augufte
Des CHOISEULS & de NIVERNOIS,
J'ignore la docte meſure
Des fons qui charment les humains,
L'honneur , le zéle , la Nature
Infpiroient les Soldats Romains.
Libres dans leurs chanſons guerrières ,
Ils montroient leurs âmes entières
Autour d'un char triomphateur.
Telle ma Mufe , fans contrainte ,
Bravant la critique & la crainte ,
Eft l'interprête de mon coeur.
Fermer
Résumé : ODE SUR LA PAIX. PAR M. le Chevalier DE VIGUIER, Mousquetaire du Roi dans la premiere Compagnie.
L'ode 'Sur la Paix' du Chevalier de Viguier célèbre la paix et ses bienfaits pour la France. L'auteur invoque la paix pour qu'elle chasse la guerre et permette aux campagnes de fleurir. La paix arrête la mort et apaise les conflits sur les mers. La France est comparée à un lion blessé, symbolisant sa résistance et sa force. L'ode condamne la guerre et les crimes des héros, qualifiés de tyrans. Alexandre le Grand est critiqué pour ses destructions, tandis que Porus est loué pour sa défense de sa patrie. L'auteur appelle les princes à mériter leurs titres par les bienfaits et l'équité, non par la violence. La paix des Pyrénées est évoquée pour ses bienfaits, permettant aux arts de fleurir et aux citoyens de vivre tranquilles. La paix est exaltée comme une vertu sacrée, et l'auteur rend hommage aux Choiseul et à Nivernois pour leur rôle dans son établissement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 47
INSCRIPTIO LUDOVICI XV Effigiei Pedestris REMIS Civium amore, Principibus & Regni Ministris Liberaliter applaudentibus, Mox erigendæ.
Début :
DILECTUS LODOIX Laudem cognomen adimpler Absque pari Regem, Populorum gaudia, dicit. [...]
Mots clefs :
Lodoix, Regem, Regis, Gentis
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texteReconnaissance textuelle : INSCRIPTIO LUDOVICI XV Effigiei Pedestris REMIS Civium amore, Principibus & Regni Ministris Liberaliter applaudentibus, Mox erigendæ.
INSCRIPTIO
LUDOVICI XV
Effigiei Pedeftris
REMIS Civium amore ,
Principibus & Regni Miniftris
Liberaliter applaudentibus ,
Mox erigendæ.
DILECTUS LODOIX Laudem cognomen adimpler
Abfque pari Regem , Populorum gaudia , dicit .
Præfulgens oculis ftat . Dotes cordibus infunt.
Regis , Gentis , Amor felicia tempora fancit.
LUDOVICI XV
Effigiei Pedeftris
REMIS Civium amore ,
Principibus & Regni Miniftris
Liberaliter applaudentibus ,
Mox erigendæ.
DILECTUS LODOIX Laudem cognomen adimpler
Abfque pari Regem , Populorum gaudia , dicit .
Præfulgens oculis ftat . Dotes cordibus infunt.
Regis , Gentis , Amor felicia tempora fancit.
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10
p. 48-50
CHANSON SUR le mariage de Mlle d'ALLENCOURT avec M. le Marquis DE NOAILLES. Par M. TANEVOT. Sur l'air : Il n'eft rien dans tout l'Univers, &c.
Début :
AVONS-nous changé de séjour ? [...]
Mots clefs :
Amour, Plaisirs, Victoire, Olive
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texteReconnaissance textuelle : CHANSON SUR le mariage de Mlle d'ALLENCOURT avec M. le Marquis DE NOAILLES. Par M. TANEVOT. Sur l'air : Il n'eft rien dans tout l'Univers, &c.
CHANSON
SUR le mariage de Mlle d'ALLENCOURT
avec M. le Marquis DE
NOAILLES . Par M. TA NEVOT.
Sur l'air : Il n'eft rien dans tout l'Univers , &c.
AVONS- Not VONS- nous changé de féjour?
Sommes-nous à Cythère ?
Eft-ce ici la charmante Cour
D'Amour , & de fa Mère ?
Quel Dieu , propice à nos déſirs ,
Nous luit & nous enflâme ?
Durables feux , chaftes plaifirs ,
Vous embrâfez notre âme.
Couple adoré , jeunes Epoux ,
Tel eft votre partage ,
Au fein des tranſports les plus doux ,
Recevez notre hommage.
Vous rappellez en ce moment ,
Le brillant hyménée
Qui de Pfyché , de fon amant ,
Fixa la deftinée.
On célébra des plus grands Dieux
La majefté fuprême. ,
Des
FEVRIER. 1763. 49
Des Héros s'offrent à nos yeux
Que nous chantons de même ;
Mais leurs exploits qu'ont fçu former
Et Mars , & la Victoire ,
Jamais du Dieu qui fait aimer ,
N'égaleront la gloire.
Vous répandez dans tous ces lieux
Une vive lumière :
Ainfi l'aftre éclatant des cieux
Commence fa carrière ;
Ses rayons font naître les fleurs ,
Charme de la Nature.
La vertu nourrit dans vos coeurs ,
Une flâme auffi pure.
e
Sous les aufpices de la Paix
Ces noeuds ont pris naiſſance ;
Ainfi le Ciel par ſes bienfaits ,
Signale fa puiffance :
Mufes , répondez à nos voix ,
Tout ici vous attire ;
L'Olive & le Myrthe à la fois ,
Sont faits pour votre Empire.
Vos Eléves , vos favoris
Fondent notre allégreffe :
Venez ceindre leurs fronts chéris
Des lauriers du Permeſſe :
C
50 MERCURE DE FRANCE .
1
Ils ont moiffonné les talens
Qu'on trouve fur vos traces ,
Et fous des guides vigilants ,
Joint la fageffe aux grâces.
Les tendres enfans de Cypris¸
Animent cette fête ;
Mais l'Hymen remporte le prix
Par fa belle conquête ;
Lucine , unjour du haut des cieux
On te verra defcendre ;
Car la poftérité des Dieux
Ne le fait point attendre.
SUR le mariage de Mlle d'ALLENCOURT
avec M. le Marquis DE
NOAILLES . Par M. TA NEVOT.
Sur l'air : Il n'eft rien dans tout l'Univers , &c.
AVONS- Not VONS- nous changé de féjour?
Sommes-nous à Cythère ?
Eft-ce ici la charmante Cour
D'Amour , & de fa Mère ?
Quel Dieu , propice à nos déſirs ,
Nous luit & nous enflâme ?
Durables feux , chaftes plaifirs ,
Vous embrâfez notre âme.
Couple adoré , jeunes Epoux ,
Tel eft votre partage ,
Au fein des tranſports les plus doux ,
Recevez notre hommage.
Vous rappellez en ce moment ,
Le brillant hyménée
Qui de Pfyché , de fon amant ,
Fixa la deftinée.
On célébra des plus grands Dieux
La majefté fuprême. ,
Des
FEVRIER. 1763. 49
Des Héros s'offrent à nos yeux
Que nous chantons de même ;
Mais leurs exploits qu'ont fçu former
Et Mars , & la Victoire ,
Jamais du Dieu qui fait aimer ,
N'égaleront la gloire.
Vous répandez dans tous ces lieux
Une vive lumière :
Ainfi l'aftre éclatant des cieux
Commence fa carrière ;
Ses rayons font naître les fleurs ,
Charme de la Nature.
La vertu nourrit dans vos coeurs ,
Une flâme auffi pure.
e
Sous les aufpices de la Paix
Ces noeuds ont pris naiſſance ;
Ainfi le Ciel par ſes bienfaits ,
Signale fa puiffance :
Mufes , répondez à nos voix ,
Tout ici vous attire ;
L'Olive & le Myrthe à la fois ,
Sont faits pour votre Empire.
Vos Eléves , vos favoris
Fondent notre allégreffe :
Venez ceindre leurs fronts chéris
Des lauriers du Permeſſe :
C
50 MERCURE DE FRANCE .
1
Ils ont moiffonné les talens
Qu'on trouve fur vos traces ,
Et fous des guides vigilants ,
Joint la fageffe aux grâces.
Les tendres enfans de Cypris¸
Animent cette fête ;
Mais l'Hymen remporte le prix
Par fa belle conquête ;
Lucine , unjour du haut des cieux
On te verra defcendre ;
Car la poftérité des Dieux
Ne le fait point attendre.
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Résumé : CHANSON SUR le mariage de Mlle d'ALLENCOURT avec M. le Marquis DE NOAILLES. Par M. TANEVOT. Sur l'air : Il n'eft rien dans tout l'Univers, &c.
La chanson célèbre le mariage de Mlle d'Allencourt avec le Marquis de Noailles. Elle s'interroge sur le lieu et la divinité propice à cette union, évoquant des feux durables et des plaisirs chastes. Le couple est comparé à Psyché et son amant, et leur union est célébrée par les dieux. La lumière et la vertu des jeunes époux sont mises en avant, comparées à l'astre du jour. Le mariage est placé sous les auspices de la paix, et les Muses sont invitées à célébrer cet événement. Les talents et la sagesse des élèves des époux sont également loués. La fête est animée par les enfants de Cypris, mais Hymen remporte le prix par sa belle conquête. Enfin, la postérité des dieux est attendue.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 50
A MADAME LA N*** , lisant la Comédie des GRACES.
Début :
QUE tenez- vous, Philis ? Le délicat Saint-Foix : [...]
Mots clefs :
Esprit, Grâces
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADAME LA N*** , lisant la Comédie des GRACES.
A MADAME LA N *** , lifant la
Comédie des GRACES.
QUE
U tenez- vous , Philis ? Le délicat Saint-Foix :
C'eſt un Auteur charmant , que je lirois cent fois .
De la belle nature il fuit toujours les traces....
Fort bien , & votre esprit éclate à l'admirer ;
Mais , Philis , que vois- je ? les Graces !
C'eft moins lire que vous mirer.
Par M. GUICHard .
Comédie des GRACES.
QUE
U tenez- vous , Philis ? Le délicat Saint-Foix :
C'eſt un Auteur charmant , que je lirois cent fois .
De la belle nature il fuit toujours les traces....
Fort bien , & votre esprit éclate à l'admirer ;
Mais , Philis , que vois- je ? les Graces !
C'eft moins lire que vous mirer.
Par M. GUICHard .
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12
p. 51-53
RÉPONSE honnête d'un homme très honnête, aux procédés malhonnêtes d'une Dame plus malhonnête encore.
Début :
JE ne suis point étonné, Madame, du peu d'intérêt que vous prenez à votre [...]
Mots clefs :
Dames, Honnête, Procédés, Vertueux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE honnête d'un homme très honnête, aux procédés malhonnêtes d'une Dame plus malhonnête encore.
RÉPONSE honnête d'un homme trèshonnête
, aux procédés malhonnêtes
d'une Dame plus malhonnête encore.
E ne fuis point étonné , Madame , du
peu d'intérêt que vous prenez à votre
parente il y a des coeurs qui ne font
point faits pour fentir la nature . Mais je
trouve bien fingulier que Mlle Javotte
manque à un homme que fes pareils
font accoutumés à reſpecter. Les bienféances
les plus communes ne permettent
pas qu'on ouvré la Lettre d'un
honnête homme , & qu'on la lui renvoye
avec cet air de mépris qui n'eſt
fait que pour ceux qui l'affectent. Je connois
une fille qui ne fait que laver les
plats à barbe de M. fon pere. Cette
fille ignore le ton du monde ; on le lui
pardonne : mais vous , Madame , mais
vous , qui avez de l'ufage , qui raffemblez
chez vous une cotterie brillante
, où l'on joue au tri au liard la
fiche ; vous qui avez vécu avec des
femmes de qualité auffi intimement
que votre femme de chambre vit avec
vous vous qui donnez en hyver des
,
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
bals bourgeois & très - bourgeois ; comment
avez-vous pû oublier les égards
que vous me devez ? Ah ! Madame
Mlle Jeannote , votre four connoît bien
mieux les règles de la civilité ! Si vous
aviez pû voir avec quelle grace elle me
faifoit la révérence ; comme elle étoit
attentive à prévenir mon coup de chapeau
: vous me diriez que c'eſt une fille
qui n'eft jamais fortie de fon village .
Eh ! Madame , tant mieux , elle en eft
plus honnête , & cela eft bien plus
éffentiel que d'être élégante. Ninette ſe
gâte à la Cour.
J'eftime mieux cette pauvre Jeannote ,
De fa famille honorable foutien ,
Qui va traînant les patins dans la crote ,
Simple en fes moeurs, modefte en fon maintien;
Qui n'a point d'art , & dont la main légère
Pétrit le pain qui nourrit fon vieux père ,
Conduit aux champs le veau qu'elle a févré ,
Tond les moutons , & coule dans l'argile
Ce lait fi doux qu'elle- même a tiré
Des pis preffés d'une vache fertile ;
Négligemment , le fein paré de fleurs ,
En tablier , en corfet , en cornette ,
De la nature emprunte fes couleurs .
Jeannote n'est qu'une fimple grifette ,
FEVRIER . 1763 . 53
Que votre orgueil regarde avec mépris ;
Des diamans ne chargent point fa tête ,
Et du carmin elle ignore le prix :
Mais j'aime mieux , quand fon ame' eft honnête
Grifette aux champs que bégueulle à Paris.
Il y a bien long-temps , Madame
que j'ai à me plaindre de vos mauvais
procédés , & je vous en aurois déja
marqué ma fenfibilité : mais je connois
les égards que l'on doit aux Dames.
Mon filence vous a prouvé combien
je fuis honnête je voudrois que cette
Lettre vous apprît la néceffité de le devenir.
Que Madame B... vous ferve
d'exemple ; & pour Dieu ne gâtez pas
Mademoiſelle votre four : elle eft trèsheureufement
née. Mais
Si l'exemple empoisonne un naturel heureux ,
A quoi fert le bonheur d'être né vertueux ? `
J'ai l'honneur d'être , & c.
, aux procédés malhonnêtes
d'une Dame plus malhonnête encore.
E ne fuis point étonné , Madame , du
peu d'intérêt que vous prenez à votre
parente il y a des coeurs qui ne font
point faits pour fentir la nature . Mais je
trouve bien fingulier que Mlle Javotte
manque à un homme que fes pareils
font accoutumés à reſpecter. Les bienféances
les plus communes ne permettent
pas qu'on ouvré la Lettre d'un
honnête homme , & qu'on la lui renvoye
avec cet air de mépris qui n'eſt
fait que pour ceux qui l'affectent. Je connois
une fille qui ne fait que laver les
plats à barbe de M. fon pere. Cette
fille ignore le ton du monde ; on le lui
pardonne : mais vous , Madame , mais
vous , qui avez de l'ufage , qui raffemblez
chez vous une cotterie brillante
, où l'on joue au tri au liard la
fiche ; vous qui avez vécu avec des
femmes de qualité auffi intimement
que votre femme de chambre vit avec
vous vous qui donnez en hyver des
,
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
bals bourgeois & très - bourgeois ; comment
avez-vous pû oublier les égards
que vous me devez ? Ah ! Madame
Mlle Jeannote , votre four connoît bien
mieux les règles de la civilité ! Si vous
aviez pû voir avec quelle grace elle me
faifoit la révérence ; comme elle étoit
attentive à prévenir mon coup de chapeau
: vous me diriez que c'eſt une fille
qui n'eft jamais fortie de fon village .
Eh ! Madame , tant mieux , elle en eft
plus honnête , & cela eft bien plus
éffentiel que d'être élégante. Ninette ſe
gâte à la Cour.
J'eftime mieux cette pauvre Jeannote ,
De fa famille honorable foutien ,
Qui va traînant les patins dans la crote ,
Simple en fes moeurs, modefte en fon maintien;
Qui n'a point d'art , & dont la main légère
Pétrit le pain qui nourrit fon vieux père ,
Conduit aux champs le veau qu'elle a févré ,
Tond les moutons , & coule dans l'argile
Ce lait fi doux qu'elle- même a tiré
Des pis preffés d'une vache fertile ;
Négligemment , le fein paré de fleurs ,
En tablier , en corfet , en cornette ,
De la nature emprunte fes couleurs .
Jeannote n'est qu'une fimple grifette ,
FEVRIER . 1763 . 53
Que votre orgueil regarde avec mépris ;
Des diamans ne chargent point fa tête ,
Et du carmin elle ignore le prix :
Mais j'aime mieux , quand fon ame' eft honnête
Grifette aux champs que bégueulle à Paris.
Il y a bien long-temps , Madame
que j'ai à me plaindre de vos mauvais
procédés , & je vous en aurois déja
marqué ma fenfibilité : mais je connois
les égards que l'on doit aux Dames.
Mon filence vous a prouvé combien
je fuis honnête je voudrois que cette
Lettre vous apprît la néceffité de le devenir.
Que Madame B... vous ferve
d'exemple ; & pour Dieu ne gâtez pas
Mademoiſelle votre four : elle eft trèsheureufement
née. Mais
Si l'exemple empoisonne un naturel heureux ,
A quoi fert le bonheur d'être né vertueux ? `
J'ai l'honneur d'être , & c.
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Résumé : RÉPONSE honnête d'un homme très honnête, aux procédés malhonnêtes d'une Dame plus malhonnête encore.
L'auteur d'une lettre reproche à une dame son indifférence envers une parente et son comportement malhonnête envers Mlle Javotte, une jeune fille respectueuse. Il compare Mlle Javotte à Jeannote, qui incarne l'honnêteté et la simplicité, qualités que la dame semble manquer malgré son éducation et ses fréquentations. Jeannote, menant une vie modeste et laborieuse, contraste avec l'hypocrisie de la cour. L'auteur encourage la dame à adopter une conduite plus honnête, en prenant pour exemple Madame B..., et l'avertit de ne pas corrompre sa servante, Mademoiselle, qui est naturellement vertueuse.
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13
p. 53-56
EPITRE A M. l'Abbé CAMU, à Versailles.
Début :
ABBÉ fait pour la bienséance, [...]
Mots clefs :
Bienséance, Reconnaissance, Intrigue oblique, Ambition, Prélat, Humilité
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE A M. l'Abbé CAMU, à Versailles.
EPITRE
A M. l'Abbé CAMU , à Versailles.
ABBE fait pour la bienſéance ,
Et qui fçais fi bien obliger ,
Ciij
54 MERCURE DE FRANCE.
Qu'on te voit prèſque t'affliger
Au feul mot de reconnoillance ;
Je confens de le fupprimer
Ce terme aimable qui t'offenſe
Et que tu me fais réformer ;
Mais quand il faut par complaifance
A tes defirs me conformer ,
Penfe au moins tout ce que je penſe.
Paifibe Habitant de la Cour ,
Qui vois d'un oeil philofophique
La ſcène active & magnifique
Qu'on y contemple chaque jour ,
Et que font mouvoir tour- à- tour
L'ambition , la politique ,
L'avarice , l'intrigue oblique ,
Et fouvent la haine & l'amour.
Charmant & vertueux Stoïque !
Dans ce tumultueux féjour ,
Je le vois bien , ton âme admire
Avec un doux raviffement
Ce Prélat que fi fagement
Louis pour nous voulut élire ,
Et dont tu viens de me décrire
Avec tes naïves couleurs ,
Les talens & ces traits vainqueurs ,
Qui lui gagnent par tout l'Empire
Des efprits ainfi que des coeurs .
De vertus quel rare affemblage !
La grandeur & l'humanité ,
FEVRIER. 1763. 55
La fcience & l'humilité ,
Compofent fa brillante image ,
Où mon oeil reconnoit l'ouvrage
De la fublime piété.
Courtilan , il a le courage:
Et la voix de la vérité ;
Chef & Paſteur , il m'offre un Sage
Aux mains de qui l'autorité
N'a d'autre objet ni d'autre uſage ,
Que de prêter à l'équité
Les fentimens , le vrai langage ,
Et l'accent de la Charité.
A l'enjoûment , à la fineſſe
Que l'efprit verſe en fes difcours ,
Il joint cette chaleur qui preffe ,
Eléve l'âme & l'intéreſſe ;.
On voudroit l'entendre toujours
Ou toujours on voudroit le lire.
Dans les lettres quel agrément !
Quelle grace ! tout y reſpire
L'élégance & le fentiment.
C'eſt par ces glorieuſes marques
Que cher à la Ville , à la Cour
Il a du premier des Monarques
Mérité l'eftime & l'amour.
Telle eft , ami , l'aimable eſquiſſe
Que me préſente ton pinceau ;
Mais le dirai-je ? la juftice
Civ
56 MERCURE DE FRANCE
En examinant ce tableau
Le trouve incomplet , & déclare
Qu'on peut par quelque trait nouveau ,
Rendre plus fidéle & plus beau
Le portrait de cet homme rare.
Tu le penſes ainfi que moi :
Je veux donc, m'uniffant à toi ,
Et rival fecret de ton zèle ,
Si bien contempler ce modèle ,
Qu'un jour par toi-même éxcité ,
A l'infçu du Prélat modefte ,
Sous les yeux de la vérité
Son Chancelier dira le reſte.
> Chancelier de DESAULX , Chanoine de Reims
l'Univerfité, de la Société Royale des Infcriptions
& Belles-Lettres de Nancy.
A M. l'Abbé CAMU , à Versailles.
ABBE fait pour la bienſéance ,
Et qui fçais fi bien obliger ,
Ciij
54 MERCURE DE FRANCE.
Qu'on te voit prèſque t'affliger
Au feul mot de reconnoillance ;
Je confens de le fupprimer
Ce terme aimable qui t'offenſe
Et que tu me fais réformer ;
Mais quand il faut par complaifance
A tes defirs me conformer ,
Penfe au moins tout ce que je penſe.
Paifibe Habitant de la Cour ,
Qui vois d'un oeil philofophique
La ſcène active & magnifique
Qu'on y contemple chaque jour ,
Et que font mouvoir tour- à- tour
L'ambition , la politique ,
L'avarice , l'intrigue oblique ,
Et fouvent la haine & l'amour.
Charmant & vertueux Stoïque !
Dans ce tumultueux féjour ,
Je le vois bien , ton âme admire
Avec un doux raviffement
Ce Prélat que fi fagement
Louis pour nous voulut élire ,
Et dont tu viens de me décrire
Avec tes naïves couleurs ,
Les talens & ces traits vainqueurs ,
Qui lui gagnent par tout l'Empire
Des efprits ainfi que des coeurs .
De vertus quel rare affemblage !
La grandeur & l'humanité ,
FEVRIER. 1763. 55
La fcience & l'humilité ,
Compofent fa brillante image ,
Où mon oeil reconnoit l'ouvrage
De la fublime piété.
Courtilan , il a le courage:
Et la voix de la vérité ;
Chef & Paſteur , il m'offre un Sage
Aux mains de qui l'autorité
N'a d'autre objet ni d'autre uſage ,
Que de prêter à l'équité
Les fentimens , le vrai langage ,
Et l'accent de la Charité.
A l'enjoûment , à la fineſſe
Que l'efprit verſe en fes difcours ,
Il joint cette chaleur qui preffe ,
Eléve l'âme & l'intéreſſe ;.
On voudroit l'entendre toujours
Ou toujours on voudroit le lire.
Dans les lettres quel agrément !
Quelle grace ! tout y reſpire
L'élégance & le fentiment.
C'eſt par ces glorieuſes marques
Que cher à la Ville , à la Cour
Il a du premier des Monarques
Mérité l'eftime & l'amour.
Telle eft , ami , l'aimable eſquiſſe
Que me préſente ton pinceau ;
Mais le dirai-je ? la juftice
Civ
56 MERCURE DE FRANCE
En examinant ce tableau
Le trouve incomplet , & déclare
Qu'on peut par quelque trait nouveau ,
Rendre plus fidéle & plus beau
Le portrait de cet homme rare.
Tu le penſes ainfi que moi :
Je veux donc, m'uniffant à toi ,
Et rival fecret de ton zèle ,
Si bien contempler ce modèle ,
Qu'un jour par toi-même éxcité ,
A l'infçu du Prélat modefte ,
Sous les yeux de la vérité
Son Chancelier dira le reſte.
> Chancelier de DESAULX , Chanoine de Reims
l'Univerfité, de la Société Royale des Infcriptions
& Belles-Lettres de Nancy.
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Résumé : EPITRE A M. l'Abbé CAMU, à Versailles.
L'épître est adressée à l'Abbé Camu à Versailles. L'auteur évite d'utiliser le mot 'reconnaissance' pour ne pas offenser l'Abbé. Il admire la vision philosophique de l'Abbé sur la cour, où se mêlent ambition, politique, avarice, intrigue, haine et amour. L'auteur loue un prélat choisi par Louis, décrit comme ayant des talents et des vertus exceptionnels. Ce prélat allie grandeur, humanité, science et humilité, et se distingue par son courage et sa vérité. En tant que chef et pasteur, il utilise son autorité pour promouvoir l'équité et la charité. Ses discours sont élégants, empreints de sentiment et de chaleur, élevant l'âme. Ses écrits montrent également agrément et grâce, lui valant l'estime et l'amour du roi. L'auteur reconnaît l'admiration du portrait tracé par l'Abbé mais suggère qu'il pourrait être complété par d'autres traits pour en rendre le portrait plus fidèle et beau. Il exprime son désir de contempler ce modèle pour en dire davantage, sous l'œil de la vérité.
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14
p. 56-57
VERS à Madame & M. DE LA BELOUZE, Conseiller au Parlement de Paris, étant dans leurs Terres en Nivernois.
Début :
D'UN cœur que vos bontés vous livrent pour jamais, [...]
Mots clefs :
Époux, Destinées
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texteReconnaissance textuelle : VERS à Madame & M. DE LA BELOUZE, Conseiller au Parlement de Paris, étant dans leurs Terres en Nivernois.
VERS à Madame & M. DE LA BELOUZE
, Confeiller au Parlement de
Paris , étant dans leurs Terres en
Nivernois. i
D'UN
UN coeur que vos bontés vous livrent pour
jamais ,
Et qui mettroit au rang de fes plus chers fuccès.
L'avantage heureux de vous plaire ,
Daignez , fages époux , agréer les ſouhaits
FEVRIER . 1762. 57
Que pour vous , en ce jour , fon amour lui ſuggère
!
Puiffent conftamment affidus
A veiller fur vos deſtinées ,
Les Dieux meſurer vos années
Sur mon zèle & fur vos vertus.
, Confeiller au Parlement de
Paris , étant dans leurs Terres en
Nivernois. i
D'UN
UN coeur que vos bontés vous livrent pour
jamais ,
Et qui mettroit au rang de fes plus chers fuccès.
L'avantage heureux de vous plaire ,
Daignez , fages époux , agréer les ſouhaits
FEVRIER . 1762. 57
Que pour vous , en ce jour , fon amour lui ſuggère
!
Puiffent conftamment affidus
A veiller fur vos deſtinées ,
Les Dieux meſurer vos années
Sur mon zèle & fur vos vertus.
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15
p. 57
Aux Dlles de la Belouze & de Grenam, leurs filles.
Début :
POUR deux jeunes beautés, par le fang bien moins sœurs, [...]
Mots clefs :
Beautés, Sœurs, Amour, Vertu
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texteReconnaissance textuelle : Aux Dlles de la Belouze & de Grenam, leurs filles.
Aux Dlles de la Belouze & de Grenam ,
leurs filles..
POUR deux jeunes beautés , par le fang bien
moins foeurs ,
Que par l'attachement , l'intime confiance ,
Les procédés , les foins prév enans & flattears ,
Quels voeux puis- je former Le Ciel , dès leur
nailfance ,
Se plut à les combler de toutes fes faveurs.
Plutus , fur leur berceau verfa fon opulence ;
La fageffe elle-même éclaira leur enfance ;
L'Amour forma leurs traits , & la Verta, leurs
coeurs .
Par un Curé du Nivernois.
leurs filles..
POUR deux jeunes beautés , par le fang bien
moins foeurs ,
Que par l'attachement , l'intime confiance ,
Les procédés , les foins prév enans & flattears ,
Quels voeux puis- je former Le Ciel , dès leur
nailfance ,
Se plut à les combler de toutes fes faveurs.
Plutus , fur leur berceau verfa fon opulence ;
La fageffe elle-même éclaira leur enfance ;
L'Amour forma leurs traits , & la Verta, leurs
coeurs .
Par un Curé du Nivernois.
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16
p. 57-58
Sur la paix avec l'Angleterre.
Début :
NIVERNOIS, ma Patrie, à quelle gloire insigne [...]
Mots clefs :
Patrie, Gloire, Traité, Mazarini
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texteReconnaissance textuelle : Sur la paix avec l'Angleterre.
Sur la paix avec l'Angleterre.
NIVERNOIS , ma Patrie , à quelle gloire infigne:
Ton renom , par la Paix , va - t- il être porté?-
Mazarini , ton Chef , rédige le Traité ;
Cv
58 MERCURE DE FRANCE .
Et l'un de res enfans le confacre & le figne.
N'envions déſormais ni le rang , ni l'éclat ,
Qu'emprunte de Paris l'lfle- de- France altière :
La Province qui rend le calme à tout l'Etat
En eft à coup für la première.
Par le même.
* La plupart des biens patrimoniaux de
M. le Duc de Praflinfont fitués dans le Nivernois.
NIVERNOIS , ma Patrie , à quelle gloire infigne:
Ton renom , par la Paix , va - t- il être porté?-
Mazarini , ton Chef , rédige le Traité ;
Cv
58 MERCURE DE FRANCE .
Et l'un de res enfans le confacre & le figne.
N'envions déſormais ni le rang , ni l'éclat ,
Qu'emprunte de Paris l'lfle- de- France altière :
La Province qui rend le calme à tout l'Etat
En eft à coup für la première.
Par le même.
* La plupart des biens patrimoniaux de
M. le Duc de Praflinfont fitués dans le Nivernois.
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Résumé : Sur la paix avec l'Angleterre.
Le texte évoque la paix avec l'Angleterre et la contribution du Nivernois. Mazarin rédige le traité, signé par un enfant du Nivernois. Cette province, apportant le calme à l'État, devient la première. Les biens du Duc de Praslin se trouvent principalement dans le Nivernois.
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17
p. 58
VERS à Madame la Marquise de M.... au Bal de Versailles.
Début :
En vain sous l'habit d'Orithie, [...]
Mots clefs :
Appas, Zéphire, Printemps
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texteReconnaissance textuelle : VERS à Madame la Marquise de M.... au Bal de Versailles.
VERS à Madame la Marquife deM....
au Bal de Versailles.
· LE
En vain fous l'habit d'Orithie ,
Flore , vous cachez vos appas ;
Le doux zéphir vous a trahie :
Je l'ai vu voler fur, vos pas.
M.... , quand on a votre mine ,
Er quinze ans ,
On eft fous la marthe & l'hermine
Le printemps .
au Bal de Versailles.
· LE
En vain fous l'habit d'Orithie ,
Flore , vous cachez vos appas ;
Le doux zéphir vous a trahie :
Je l'ai vu voler fur, vos pas.
M.... , quand on a votre mine ,
Er quinze ans ,
On eft fous la marthe & l'hermine
Le printemps .
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18
p. 58-59
« LE mot de la premiere Enigme du second Volume de Janvier est Violon, [...] »
Début :
LE mot de la premiere Enigme du second Volume de Janvier est Violon, [...]
Mots clefs :
Énigme, Logogriphe
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texteReconnaissance textuelle : « LE mot de la premiere Enigme du second Volume de Janvier est Violon, [...] »
LE
En vain fous l'habit d'Orithie ,
Flore , vous cachez vos appas ;
Le doux zéphir vous a trahie :
Je l'ai vu voler fur, vos pas.
M.... , quand on a votre mine ,
Er quinze ans ,
On eft fous la marthe & l'hermine
Le printemps .
Le mot de la premiere Enigme du
fecond Volume de Janvier eft Violon
celui de la feconde eft Oignon. Celui
du premier Logogryphe eft Tête , dans
lequel on trouve été , et. Celui du feFEVRIER.
1763. 59
*
cond eft Marte , dans lequel on trouve
art, mer, rat , ˆ mat , mare , rame de papier
,
rame de rameur , ame. Celui du
troifiéme eft Orange .
Le Combat des Rats & des Grenouilles d'Homere
, celui des Rats & des Belettes de la Fontaine.
En vain fous l'habit d'Orithie ,
Flore , vous cachez vos appas ;
Le doux zéphir vous a trahie :
Je l'ai vu voler fur, vos pas.
M.... , quand on a votre mine ,
Er quinze ans ,
On eft fous la marthe & l'hermine
Le printemps .
Le mot de la premiere Enigme du
fecond Volume de Janvier eft Violon
celui de la feconde eft Oignon. Celui
du premier Logogryphe eft Tête , dans
lequel on trouve été , et. Celui du feFEVRIER.
1763. 59
*
cond eft Marte , dans lequel on trouve
art, mer, rat , ˆ mat , mare , rame de papier
,
rame de rameur , ame. Celui du
troifiéme eft Orange .
Le Combat des Rats & des Grenouilles d'Homere
, celui des Rats & des Belettes de la Fontaine.
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Résumé : « LE mot de la premiere Enigme du second Volume de Janvier est Violon, [...] »
Le texte présente des énigmes et des logogryphes avec leurs solutions : 'Violon' et 'Oignon' pour les énigmes, 'Tête', 'Marte' et 'Orange' pour les logogryphes. Il mentionne aussi des œuvres littéraires comme 'Le Combat des Rats & des Grenouilles' d'Homère et 'Le Combat des Rats & des Belettes' de La Fontaine.
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19
p. 59
ENIGME.
Début :
Attaché par plus d'une chaîne, [...]
Mots clefs :
Encensoir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
ATTACHÉ par plus d'une chaîne ,
Et le corps dur comme un rocher ,
Perfonne n'ofe me toucher
Pendant que quelqu'un me promène.
Pour aller , venir , je fuis fait ;
Les honnêtes-gens je falue :
Quand on me voit dans quelque rue ,
C'eft roujours pour un beau fujer.
Pour bien remplir mon miniſtère ,
Je fuis rempli de feur ardens ;
Et fais honneur à bien des gens
Lorſqu'ils n'en ont plus guère affaire .
AUTRE.
LECTEUR , il eft bon d'avertir ,
Afin que
ATTACHÉ par plus d'une chaîne ,
Et le corps dur comme un rocher ,
Perfonne n'ofe me toucher
Pendant que quelqu'un me promène.
Pour aller , venir , je fuis fait ;
Les honnêtes-gens je falue :
Quand on me voit dans quelque rue ,
C'eft roujours pour un beau fujer.
Pour bien remplir mon miniſtère ,
Je fuis rempli de feur ardens ;
Et fais honneur à bien des gens
Lorſqu'ils n'en ont plus guère affaire .
AUTRE.
LECTEUR , il eft bon d'avertir ,
Afin que
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20
p. 59-60
AUTRE.
Début :
Lecteur, il est bon d'avertir, [...]
Mots clefs :
Adam et Ève
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTRE.
LECTEUR , il eft bon d'avertir ,
Afin que ton effort redouble ,
Que cette énigme eſt une énigme double ,
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
Faite pour mieux te divertir.
Peut- on imaginer plus plaifante famille ?....
Il s'agit de favoir qui peut être la fille ,
( Le récit n'eſt point fabuleux , } )
Qu'on a vue épouſer ſa mère.
Cette mère étoit mâle , & n'eut jamais de père.
Devine , Lecteur , fi tu peux.
LECTEUR , il eft bon d'avertir ,
Afin que ton effort redouble ,
Que cette énigme eſt une énigme double ,
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
Faite pour mieux te divertir.
Peut- on imaginer plus plaifante famille ?....
Il s'agit de favoir qui peut être la fille ,
( Le récit n'eſt point fabuleux , } )
Qu'on a vue épouſer ſa mère.
Cette mère étoit mâle , & n'eut jamais de père.
Devine , Lecteur , fi tu peux.
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21
p. 60-62
LOGOGRYPHE.
Début :
Il n'est rien dans les cieux, sur la terre & dans l'onde, [...]
Mots clefs :
Alphabet
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGO GRYPH E.
Il n'eft rien dans les cieux , fur la terre & dans
l'onde ,
Qui ne porte le fruit de ma tige féconde ;
Je ſuis univerfel dans ma production and
C'est moi qui donne à tout & la forme & le nom ;*
C'est moi qui de l'efprit parcourant les idées ,
Raffemble fous les yeux fes fecrètes penſées :
Par les refforts divers qui font en mon pouvoir ,
Je facilite à l'homme un moyen de ſavoir :
C'eſt par moi qu'il apprend , je le répéte encore ,
Ce que fans mon fecours très-fouvent il ignore.
Combien de fois , Lecteur , avant de t'éclairer ,
Ne t'ai-je pas donné maint fujet de pleurer !
Mais changeons de propos : un fi long préambule
Doit fans doute déja paroître ridicule ;
J'en conviens : voyons donc s'il fera plus aifé
De favoir qui je fuis par mon décompofé .
FEVRIER . 1763. 6r
Le nombre de mes pieds , s'il faut que je m'explique,
Ami, c'eft deux fois quatre en bonne arithmé→
tique ,
Où tu pourras trouver une interjection ;
Une idole ; un dévot par- affectation 3
Deux Evêchés de France ; une ville en Turquie ;
Un autre dans la Suiffe ; un Mont dans l'Arménie
;
La matière qui fert à former l'aliment
Qui de tous les mortels fait le foulagement ;
Ce qu'un foldat en marche aime beaucoup à
faire ;
Un innocent Hébreu mis à mort par fon frère :
Plus , un jeu d'exercice ; un terme de blafon ;
Ce qui gâte le teint ; un meuble de maiſon ;
In uftenfile de ménage ,
Grand ou pétit , toujours fort en ufage ;
La bruïante affemblée , où l'on voit bien des gens
Se tourmenter fans ceffe en dépit du bon ſens ;
Et qui...... chut !.....Sur le refte ayons la bouche
clofe
Eh bien , Lecteur , dis- moi , trouves cu quelque
chofe
Qui puiffe t'indiquer ? .... Quoi ! tu ne me vois pas?
Courage , cherche donc , pour fortir d'embarras
Mais fi tu ne veux point rendre ta peine extrême,
Il faut pour me trouver recourir à moi- même.
62 MERCURE DE FRANCE.
Qu'ai-je dit ! .... Songe bien à ce dernier avis ,
Et dans très- peu de temps tu fauras qui je fuis.
Par M. FABRE , Licentié en Droit à Strasbourg.
Il n'eft rien dans les cieux , fur la terre & dans
l'onde ,
Qui ne porte le fruit de ma tige féconde ;
Je ſuis univerfel dans ma production and
C'est moi qui donne à tout & la forme & le nom ;*
C'est moi qui de l'efprit parcourant les idées ,
Raffemble fous les yeux fes fecrètes penſées :
Par les refforts divers qui font en mon pouvoir ,
Je facilite à l'homme un moyen de ſavoir :
C'eſt par moi qu'il apprend , je le répéte encore ,
Ce que fans mon fecours très-fouvent il ignore.
Combien de fois , Lecteur , avant de t'éclairer ,
Ne t'ai-je pas donné maint fujet de pleurer !
Mais changeons de propos : un fi long préambule
Doit fans doute déja paroître ridicule ;
J'en conviens : voyons donc s'il fera plus aifé
De favoir qui je fuis par mon décompofé .
FEVRIER . 1763. 6r
Le nombre de mes pieds , s'il faut que je m'explique,
Ami, c'eft deux fois quatre en bonne arithmé→
tique ,
Où tu pourras trouver une interjection ;
Une idole ; un dévot par- affectation 3
Deux Evêchés de France ; une ville en Turquie ;
Un autre dans la Suiffe ; un Mont dans l'Arménie
;
La matière qui fert à former l'aliment
Qui de tous les mortels fait le foulagement ;
Ce qu'un foldat en marche aime beaucoup à
faire ;
Un innocent Hébreu mis à mort par fon frère :
Plus , un jeu d'exercice ; un terme de blafon ;
Ce qui gâte le teint ; un meuble de maiſon ;
In uftenfile de ménage ,
Grand ou pétit , toujours fort en ufage ;
La bruïante affemblée , où l'on voit bien des gens
Se tourmenter fans ceffe en dépit du bon ſens ;
Et qui...... chut !.....Sur le refte ayons la bouche
clofe
Eh bien , Lecteur , dis- moi , trouves cu quelque
chofe
Qui puiffe t'indiquer ? .... Quoi ! tu ne me vois pas?
Courage , cherche donc , pour fortir d'embarras
Mais fi tu ne veux point rendre ta peine extrême,
Il faut pour me trouver recourir à moi- même.
62 MERCURE DE FRANCE.
Qu'ai-je dit ! .... Songe bien à ce dernier avis ,
Et dans très- peu de temps tu fauras qui je fuis.
Par M. FABRE , Licentié en Droit à Strasbourg.
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22
p. 62
AUTRE.
Début :
Comme je suis d'une maigre structure, [...]
Mots clefs :
Épine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTR E.
COMME je fuis d'une maigre ſtructure,
Je ne veux point en longs propos
Dépeindre ici ma maligne figure ,
Je vais tout dire en quatre mots.
J'ai cinq pieds , dans lefquels , pour peu qu'on
les varie ,
On trouve du plaiſir la cruelle ennemie ;
Ce que dans le temps chaud l'on moiſſonne ; un
oiſeau ;
Enfin , quoiqu'en entier je ne fois qu'arbriſſeau ,
Si tu viens à m'ôter & la tête & la queue ,
Lecteur , tu trouveras alors ,
Qu'avec le reſte de mon corps ,
Jeforme un arbre auſſi haut que
la nuë.
Par le même.
COMME je fuis d'une maigre ſtructure,
Je ne veux point en longs propos
Dépeindre ici ma maligne figure ,
Je vais tout dire en quatre mots.
J'ai cinq pieds , dans lefquels , pour peu qu'on
les varie ,
On trouve du plaiſir la cruelle ennemie ;
Ce que dans le temps chaud l'on moiſſonne ; un
oiſeau ;
Enfin , quoiqu'en entier je ne fois qu'arbriſſeau ,
Si tu viens à m'ôter & la tête & la queue ,
Lecteur , tu trouveras alors ,
Qu'avec le reſte de mon corps ,
Jeforme un arbre auſſi haut que
la nuë.
Par le même.
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23
p. 63
CHANSON.
Début :
DOIS-JE t'aimer encore, [...]
Mots clefs :
Aimer, Haïr, Languir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CHANSON.
CHANSON...
DOIS-JE t'aimer encore ,
Ou dois-je te hair ?
Depuis que je t'adore ,
Je ne fais que languir.
Dois-je t'aimer encore ,
Ou dois-je te hair ?
Les appas de Climene
Auront fçu t'aveugler ;
Cruel , de chaîne en chaîne ,
Tu te plais à voler !
Toi que mon coeur implore ,
Dis -moi , Dieu du plaifir ,
Dois-je l'aimer encore ,
Ou dois-je le hair ?
Les Paroles & la Mufique , font de M.
CUMINAL , de Montpellier.
DOIS-JE t'aimer encore ,
Ou dois-je te hair ?
Depuis que je t'adore ,
Je ne fais que languir.
Dois-je t'aimer encore ,
Ou dois-je te hair ?
Les appas de Climene
Auront fçu t'aveugler ;
Cruel , de chaîne en chaîne ,
Tu te plais à voler !
Toi que mon coeur implore ,
Dis -moi , Dieu du plaifir ,
Dois-je l'aimer encore ,
Ou dois-je le hair ?
Les Paroles & la Mufique , font de M.
CUMINAL , de Montpellier.
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