Résultats : 22 texte(s)
Détail
Liste
1
p. [1903]-1912
PORTRAIT DE L'HOMME.
Début :
Las de perdre le tems à lire des Volumes, [...]
Mots clefs :
Homme, Repos, Âme, Coeur, Yeux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PORTRAIT DE L'HOMME.
PORTRAIT,
ZOON
DE L'HOMME.
As de perdre le tems à lire des Volu
mes ,
Et de gâter fans fin du papier & desi
plumes ,
Pour conferver les yeux que le Ciel t'a donnés
Abandonne , Daphnis , tęs travaux obftinés.
Il vaut mieux déformais embraffer une étude
Qui donne plus de fruit & moins d'inquiétude
A ij Les
1904 MERCURE DE FRANCE
Les Auteurs ont des fens où l'on ne peut entrer
Et des nuits que l'efprit ne fçauroit penetrer ;
Plus on devient fçavant , plus on eft plein de
doutes ;
On s'égare enchemin , pour avoir tro p de routes
Et loin de parvenir jufqu'à la verité ,
On s'éloigne , on fe perd à force de clarté.
Permets que l'homme feul foit l'objet de tes veilles
;
Contemple la Nature , admires ſes merveilles
Et comparant enſemble & fes biens & ſes maux
Juge de fa grandeur même par fes défauts.
Je vais , pour applanir cette rude carriere ,
T'ébaucher de mes Vers l'importante matiere,
L'homme eft un noeud fubtil , dont fans un grand
Lecours ,
€
On ne peut demêler les plis & les detours ;;
On ne fçauroit à fond tracer fon caractere ;
Tout au dedans eft nuit , tout au dehors mistere;
Il fe cherche , il s'évite , il s'aime , il fe deplaît ,
Et lorfqu'il s'examine , il ne fçait ce qu'il eft.
Il fent bien toutes fois que dans fon ame impure
It conferve l'inftinct d'une heureuſe nature >
fes momens reveillent tous dans fon coeur
que
Les reftes d'un état qui fut plein de bonheur.
Rien ne peut arracher du ſein de fa mémoire
Les marques du débris de fa premiere gloire ;
Un veftige leger , un fillon délicat
Lui préfente toujours l'ombre de cet étag ;
Et
Ses
SEPTEMBRE. 1730. 1905
Ses fens ingénieux à réparer fa perte
Font paffer mille objets dans fon ame deferte
Joindre à fon Etre feul tous les Etres divers ,
Et dans ce petit monde entrer tout l'Univers .
Mais par Les
propres fens , fon ame mal fervic
Ne trouve point de bien qui borne ſon envie.
Ils ont beau fe charger de la Terre & des Cieux
Pour tâcher de remplir ce vuide ſpacieux ,
Tout ce qui n'eft pas Dieu la laiffe toujours vuide
,
Et n'éteint point l'ardeur de fon défir avide :
Cette foif l'accompagne en tous lieux , en tous
tems
Et fes vaftes fouhaits ne font jamais contens.
Cependant, engagé dans une erreur extrême ,
Il fe croit tout rempli quand il l'eft de lui -même,'
Et que fa vanité par un foin decevant
Le fait grand à fes yeux & le groffit de vent.
Les Titres faftueux qu'il ente fur fon Etre
Lui cachent fa nature & le font méconnoître ;
C'eſt un maſque trompeur dont il fe contrefait ,
Et ce mafque eft pourtant ce qui le fatisfait.
On le voit quelquefois , erigeant fon idole ,
Promener fes grands noms de l'un à l'autre Pole
Et fans nul autre droit vouloir être adoré
De quiconque à fes yeux n'en eft pas honoré.
Mais qu'il tranche du grand , & qu'il faffe l'habile
,
D'abaiffer fa hauteur il n'eft que trop facile.
A j Qu'il
1906 MERCURE DE FRANCE
Qu'il porte fes regards dans cette immenſe Tour
Que le Soleil décrit en nous donnant le jour ;
Qu'il meſure des yeux ces machines roulantes
Qu'un luftre mandié rend claires & brillantes ,
Et qu'il compare enfin fous des yeux mieux ouverts
Ce qu'il a de matiere avec tout l'Univers ,
Que pourra - t'il alors à lui-même paroître
Qu'un âtome englouti dans l'ocean de l'être ?
Et qu'un ciron flottant entre le rien & Dieu
Dont la bonté l'a mis dans ce vafte milieu ?
Cet atôme orgueilleux , aidé d'autres atomes
Peut changer , dira-t'on , la face des Royaumes ,
Et quand rien ne s'oppofe à fon defir altier
On le voit décider du fort du monde entier.
Oui ; mais que fon pouvoir eft leger & fragile !
Un petit grain de fable , une vapeur fubtile ,
Que les yeux les plus fins ont peine à demêler ,
L'abat en un inftant , ou le fait chanceler.
C'eft en vain qu'élevé dans une haute place
Il brave des Deftins la fecrette menace ;
Une grimace , un mot le peut à tout propos
Enlever aux douceurs du plus profond repos.
Un fot que la Fortune a tiré de la bouë ,
Pour le faire monter au plus haut de ſa Rouë
Jure qu'il peut aller , fans changer de couleur ,
Du faîte de la gloire au comble du malheur ;
Mais fide l'embraffer la Fortune fe laffe ,
S'il
SEPTEMBRE. 1730. 1907
S'il fe voit accueilli de la moind re difgrace ,
Sa conftance peu propre à fouffrir un revers
Met fon coeur à la gêne , & ſa tête à l'envers. !
De quelque fermeté que l'homme foit capable
Un foufle le remuë , un accident l'accable ;
Il ne paroît conſtant dans ſa force d'efprit
Que dans des tems heureux , & lorfque tout lu
rit.
Pour fufpendre l'effort du plus rare génie ,
Je ne demande pas une force infinie ;
Tout ce qui vient heurter à la porte des fens
Peut rendre fes travaux ou vains ou languiffans;
Le voilà fur le point d'enfanter un miracle ;
Eh bien ! un Moucheron fans peine y met obſtacle
,
Et fon bourdonnement démontant fa raifon
L'oblige de quitter fa plume & fa maiſon .
Une ombre qui fuccede au faux jour qui l'éclaire
Le privant de l'aſpect de l'étoile Polaire ,
Il ne va qu'à tatons dans ſes raiſonnemens ;
L'amour propre toujours regle fes fentimens ;
Loin qu'un plaifir extrême arrête ſa pourſuite ,
Au lieu de s'y fixer , il en aime la fuite ,
Et les Jeux & les Ris ne lui font de beaux jours
Que parceque leur tems ne dure pas toujours.
Quand la douceur chez lui fans intervale abonde
,
Il ne fent point de gout au Nectar qui l'inonde
Un éclat vif & long importune fes yeux ,
A iiij
Un
1908 MERCURE DE FRANCE
Un chemin tout uni lui devient ennuyeux ;
Il veut trouver du haut & du bas dans la vie ;
Il veut que la clarté foit des ombres ſuivie ;
Et qu'un peu de travail ſe mêle à ſes plaifirs
,
Pour ranimer l'ardeur de fes mourans défirs.
Son coeur dans le repos ne trouve point de charmes
>
S'il n'eft le fruit tardif du trouble & des allarmes
,
Et la gloire pour lui ne peut avoir d'appas ,
S'il ne la voit briller au milieu des Combats.
Plus vite qu'un éclair , fans ceffe il paffe , il
erre ,
Du fouhait au dégoût , de la paix à la guerre ,
Le moindre paffe- temps étourdit fes regrets ,
Et le plus foible ennui rend fes plaifirs muets.
Un abord imprévu le releve ou l'opprime ;
Un trait inopiné le tue ou le ranime ;
Sa joye & fes plaifirs naiffent prefque de rien ,
peu de chofe fait ou fon mal ou fon bien .
Le jeune Licidas , vient de perdre ſa mere ;
Cette perte lui caufe une douleur amere :
Il eſt pâle , défait , il pouffe des fanglots ,
Et répand jour & nuit des larmes à grands
Et
flots ;
Si bien - tôt le hazard excite une cohuë
Qui l'oblige en paffant de détourner la vuë.
Ce foible amuſement fait taire fa douleur
Et
SEPTEMBRE. 1730. 1909
Et redonne à fon teint fa premiere couleur.
L'homme en fes changemens eft plus prompt
que la flamme ;
Il ne faut que toucher un reffort de fon ame ;
A cette heure'il eft doux , à cette autre il s'aid
grit ,
D'où lui vient cette humeur ? d'un petit tour
d'eſprit ;
Une fombre penfée , un bizare caprice ,
Altere fon vifage & le met au fupplice ;
Il n'eft point de penfée , il n'eft point de def
fein ,
Qu'un ombrage leger ne dérange foudain .
Il a beau confulter une glace polie ,
Il ne s'y voit jamais fans trouble & fans fo
lie
›
Et s'il découvre en lui quelqu'infenfible trait ,
D'une haute fageffe & d'un repos parfait ,
Sa raison dont la vuë en mille lieux guidée ,
Ne trouve point d'état fortable à cette idée ,
Reconnoît que fon coeur , dans les plus heureux
temps , (
Jouit d'une fortune expofées à equs vens.
Mais fon orgueil dément par fa délicateffe
L'aveu de fa raifon fur fa propre foibleffe
2
Et faſcinant les yeux par un charme trom
peur ,
Lui déguiſe un phantofme en folide bonheur,
Pour faire évanouir cette vaine chimere ,
A v E&
1910 MERCURE DE FRANCE
Et rendre à fes regards l'horreur de fa mifere
;
Il n'a qu'à rappeller la fuite de les jours ,
Et fe fuivre lui même en leur rapide cours ,
Il n'apporte en naiffant ni force ni fcience ,
Et fans en acquerir , il paffe fon enfance ;
La jeuneffe les livre à cent tyrans divers ,
Dont l'adreffe s'applique à lui cacher fes fers ;
Dans cet état fleuri fon coeur , fans le cons
noîrre ,
Change infenfiblement de prifon & de Maître
,
Et ne pouvant fouffrir qu'on lui faffe la Loi ,
Il obéït toujours , & n'eſt jamais à ſoi.
La colere l'émeût , le plaifir le chatouille ;
La vanité le flatte , & l'intrigue le broüille ;
Il s'éleve , il defcend , il s'écarte , il revient ;
A peine en même affiete uue heure le contient ;
Par la rapidité d'une invincible pente ;
Il fe laiffe entraîner vers l'objet qui le tente
Et donnant tout aux fens qu'il nourrit de
poiſon ,
Il prend ce qu'il lui plaît pour la droite raifon.
Que de faux préjugez , dans fon ame fé
duite ,
S'érigent fierement en régles de conduite !
Que d'épaiffes erreurs , & que d'entêtemens
Dérobent fa défaite aux plus forts argumens !
Il marche fans repos dans une nuit profonde ;
Il
SEPTEMBRE . 1730. 1911
Il flotte au gré des vens dans la Mer de ce
mónde
;
Tout eft écueil pour lui , tout lui fait avoüer
Qu'au moindre fort contraire il eft prêt d'é
chotier.
Quand il eft parvenu dans l'extrême vieilleffe ,
Ses défirs impuiffans atteſtent ſa foibleffe ;
Et de leurs doux objets ſe ſentant déſunir ;
Il s'y rattache encor par le reffouvenir.
Mais la Parque s'apprête à lever la barriere ;
Elle lui vient ouvrir une obfcure carriere ,
Dont l'immenſe étendue eft une éternité ,
Ou de malheurs affreux , ou de felicité.
Comment , regarde- t'il eft dangereux paffage
?
Quels Dieux invoque-t-il pour détourner l'orage
?
Helas prefque toujours on voit qu'en
étourdi ,
>
Faifant contre le Ciel le brave & le hardi ,
Et s'étant raffuré par ce vain artifice ,
La main devant les yeux , il court au préci
pice ,
Et d'un air intrépide , & fans étonnement ,
Va tenter le hazard de cet évenement.
C'eft de cette façon que l'homme Philofo
phe ,
Des malheurs de fa vie ourdit la Cataftrophe
,
Et que fans redouter fon Auteur ni fa fin ,
A vj
Il
1912 MERCURE DE FRANCE
Il fe livre aux rigueurs de fon dernier deftin.
Crains , Daphnis , d'encourir ce terrible défaſtre
;
La foi pour l'éviter nous fert de Phare &
d'Aftre ,
Elle démafqué l'homme & fon divin pinceau ,
Lui fait de fa nature un fidele Tableau.
Je devois l'emprunter pour t'en tracer l'image
;
Mais à ce foible effai , je borne mon ouvrage
,
Et je laiffe à ta main capable de travail ,
Le foin d'entrer un jour dans un plus long
détail.
Androl. Celeftin , âge de 87. ans.
ZOON
DE L'HOMME.
As de perdre le tems à lire des Volu
mes ,
Et de gâter fans fin du papier & desi
plumes ,
Pour conferver les yeux que le Ciel t'a donnés
Abandonne , Daphnis , tęs travaux obftinés.
Il vaut mieux déformais embraffer une étude
Qui donne plus de fruit & moins d'inquiétude
A ij Les
1904 MERCURE DE FRANCE
Les Auteurs ont des fens où l'on ne peut entrer
Et des nuits que l'efprit ne fçauroit penetrer ;
Plus on devient fçavant , plus on eft plein de
doutes ;
On s'égare enchemin , pour avoir tro p de routes
Et loin de parvenir jufqu'à la verité ,
On s'éloigne , on fe perd à force de clarté.
Permets que l'homme feul foit l'objet de tes veilles
;
Contemple la Nature , admires ſes merveilles
Et comparant enſemble & fes biens & ſes maux
Juge de fa grandeur même par fes défauts.
Je vais , pour applanir cette rude carriere ,
T'ébaucher de mes Vers l'importante matiere,
L'homme eft un noeud fubtil , dont fans un grand
Lecours ,
€
On ne peut demêler les plis & les detours ;;
On ne fçauroit à fond tracer fon caractere ;
Tout au dedans eft nuit , tout au dehors mistere;
Il fe cherche , il s'évite , il s'aime , il fe deplaît ,
Et lorfqu'il s'examine , il ne fçait ce qu'il eft.
Il fent bien toutes fois que dans fon ame impure
It conferve l'inftinct d'une heureuſe nature >
fes momens reveillent tous dans fon coeur
que
Les reftes d'un état qui fut plein de bonheur.
Rien ne peut arracher du ſein de fa mémoire
Les marques du débris de fa premiere gloire ;
Un veftige leger , un fillon délicat
Lui préfente toujours l'ombre de cet étag ;
Et
Ses
SEPTEMBRE. 1730. 1905
Ses fens ingénieux à réparer fa perte
Font paffer mille objets dans fon ame deferte
Joindre à fon Etre feul tous les Etres divers ,
Et dans ce petit monde entrer tout l'Univers .
Mais par Les
propres fens , fon ame mal fervic
Ne trouve point de bien qui borne ſon envie.
Ils ont beau fe charger de la Terre & des Cieux
Pour tâcher de remplir ce vuide ſpacieux ,
Tout ce qui n'eft pas Dieu la laiffe toujours vuide
,
Et n'éteint point l'ardeur de fon défir avide :
Cette foif l'accompagne en tous lieux , en tous
tems
Et fes vaftes fouhaits ne font jamais contens.
Cependant, engagé dans une erreur extrême ,
Il fe croit tout rempli quand il l'eft de lui -même,'
Et que fa vanité par un foin decevant
Le fait grand à fes yeux & le groffit de vent.
Les Titres faftueux qu'il ente fur fon Etre
Lui cachent fa nature & le font méconnoître ;
C'eſt un maſque trompeur dont il fe contrefait ,
Et ce mafque eft pourtant ce qui le fatisfait.
On le voit quelquefois , erigeant fon idole ,
Promener fes grands noms de l'un à l'autre Pole
Et fans nul autre droit vouloir être adoré
De quiconque à fes yeux n'en eft pas honoré.
Mais qu'il tranche du grand , & qu'il faffe l'habile
,
D'abaiffer fa hauteur il n'eft que trop facile.
A j Qu'il
1906 MERCURE DE FRANCE
Qu'il porte fes regards dans cette immenſe Tour
Que le Soleil décrit en nous donnant le jour ;
Qu'il meſure des yeux ces machines roulantes
Qu'un luftre mandié rend claires & brillantes ,
Et qu'il compare enfin fous des yeux mieux ouverts
Ce qu'il a de matiere avec tout l'Univers ,
Que pourra - t'il alors à lui-même paroître
Qu'un âtome englouti dans l'ocean de l'être ?
Et qu'un ciron flottant entre le rien & Dieu
Dont la bonté l'a mis dans ce vafte milieu ?
Cet atôme orgueilleux , aidé d'autres atomes
Peut changer , dira-t'on , la face des Royaumes ,
Et quand rien ne s'oppofe à fon defir altier
On le voit décider du fort du monde entier.
Oui ; mais que fon pouvoir eft leger & fragile !
Un petit grain de fable , une vapeur fubtile ,
Que les yeux les plus fins ont peine à demêler ,
L'abat en un inftant , ou le fait chanceler.
C'eft en vain qu'élevé dans une haute place
Il brave des Deftins la fecrette menace ;
Une grimace , un mot le peut à tout propos
Enlever aux douceurs du plus profond repos.
Un fot que la Fortune a tiré de la bouë ,
Pour le faire monter au plus haut de ſa Rouë
Jure qu'il peut aller , fans changer de couleur ,
Du faîte de la gloire au comble du malheur ;
Mais fide l'embraffer la Fortune fe laffe ,
S'il
SEPTEMBRE. 1730. 1907
S'il fe voit accueilli de la moind re difgrace ,
Sa conftance peu propre à fouffrir un revers
Met fon coeur à la gêne , & ſa tête à l'envers. !
De quelque fermeté que l'homme foit capable
Un foufle le remuë , un accident l'accable ;
Il ne paroît conſtant dans ſa force d'efprit
Que dans des tems heureux , & lorfque tout lu
rit.
Pour fufpendre l'effort du plus rare génie ,
Je ne demande pas une force infinie ;
Tout ce qui vient heurter à la porte des fens
Peut rendre fes travaux ou vains ou languiffans;
Le voilà fur le point d'enfanter un miracle ;
Eh bien ! un Moucheron fans peine y met obſtacle
,
Et fon bourdonnement démontant fa raifon
L'oblige de quitter fa plume & fa maiſon .
Une ombre qui fuccede au faux jour qui l'éclaire
Le privant de l'aſpect de l'étoile Polaire ,
Il ne va qu'à tatons dans ſes raiſonnemens ;
L'amour propre toujours regle fes fentimens ;
Loin qu'un plaifir extrême arrête ſa pourſuite ,
Au lieu de s'y fixer , il en aime la fuite ,
Et les Jeux & les Ris ne lui font de beaux jours
Que parceque leur tems ne dure pas toujours.
Quand la douceur chez lui fans intervale abonde
,
Il ne fent point de gout au Nectar qui l'inonde
Un éclat vif & long importune fes yeux ,
A iiij
Un
1908 MERCURE DE FRANCE
Un chemin tout uni lui devient ennuyeux ;
Il veut trouver du haut & du bas dans la vie ;
Il veut que la clarté foit des ombres ſuivie ;
Et qu'un peu de travail ſe mêle à ſes plaifirs
,
Pour ranimer l'ardeur de fes mourans défirs.
Son coeur dans le repos ne trouve point de charmes
>
S'il n'eft le fruit tardif du trouble & des allarmes
,
Et la gloire pour lui ne peut avoir d'appas ,
S'il ne la voit briller au milieu des Combats.
Plus vite qu'un éclair , fans ceffe il paffe , il
erre ,
Du fouhait au dégoût , de la paix à la guerre ,
Le moindre paffe- temps étourdit fes regrets ,
Et le plus foible ennui rend fes plaifirs muets.
Un abord imprévu le releve ou l'opprime ;
Un trait inopiné le tue ou le ranime ;
Sa joye & fes plaifirs naiffent prefque de rien ,
peu de chofe fait ou fon mal ou fon bien .
Le jeune Licidas , vient de perdre ſa mere ;
Cette perte lui caufe une douleur amere :
Il eſt pâle , défait , il pouffe des fanglots ,
Et répand jour & nuit des larmes à grands
Et
flots ;
Si bien - tôt le hazard excite une cohuë
Qui l'oblige en paffant de détourner la vuë.
Ce foible amuſement fait taire fa douleur
Et
SEPTEMBRE. 1730. 1909
Et redonne à fon teint fa premiere couleur.
L'homme en fes changemens eft plus prompt
que la flamme ;
Il ne faut que toucher un reffort de fon ame ;
A cette heure'il eft doux , à cette autre il s'aid
grit ,
D'où lui vient cette humeur ? d'un petit tour
d'eſprit ;
Une fombre penfée , un bizare caprice ,
Altere fon vifage & le met au fupplice ;
Il n'eft point de penfée , il n'eft point de def
fein ,
Qu'un ombrage leger ne dérange foudain .
Il a beau confulter une glace polie ,
Il ne s'y voit jamais fans trouble & fans fo
lie
›
Et s'il découvre en lui quelqu'infenfible trait ,
D'une haute fageffe & d'un repos parfait ,
Sa raison dont la vuë en mille lieux guidée ,
Ne trouve point d'état fortable à cette idée ,
Reconnoît que fon coeur , dans les plus heureux
temps , (
Jouit d'une fortune expofées à equs vens.
Mais fon orgueil dément par fa délicateffe
L'aveu de fa raifon fur fa propre foibleffe
2
Et faſcinant les yeux par un charme trom
peur ,
Lui déguiſe un phantofme en folide bonheur,
Pour faire évanouir cette vaine chimere ,
A v E&
1910 MERCURE DE FRANCE
Et rendre à fes regards l'horreur de fa mifere
;
Il n'a qu'à rappeller la fuite de les jours ,
Et fe fuivre lui même en leur rapide cours ,
Il n'apporte en naiffant ni force ni fcience ,
Et fans en acquerir , il paffe fon enfance ;
La jeuneffe les livre à cent tyrans divers ,
Dont l'adreffe s'applique à lui cacher fes fers ;
Dans cet état fleuri fon coeur , fans le cons
noîrre ,
Change infenfiblement de prifon & de Maître
,
Et ne pouvant fouffrir qu'on lui faffe la Loi ,
Il obéït toujours , & n'eſt jamais à ſoi.
La colere l'émeût , le plaifir le chatouille ;
La vanité le flatte , & l'intrigue le broüille ;
Il s'éleve , il defcend , il s'écarte , il revient ;
A peine en même affiete uue heure le contient ;
Par la rapidité d'une invincible pente ;
Il fe laiffe entraîner vers l'objet qui le tente
Et donnant tout aux fens qu'il nourrit de
poiſon ,
Il prend ce qu'il lui plaît pour la droite raifon.
Que de faux préjugez , dans fon ame fé
duite ,
S'érigent fierement en régles de conduite !
Que d'épaiffes erreurs , & que d'entêtemens
Dérobent fa défaite aux plus forts argumens !
Il marche fans repos dans une nuit profonde ;
Il
SEPTEMBRE . 1730. 1911
Il flotte au gré des vens dans la Mer de ce
mónde
;
Tout eft écueil pour lui , tout lui fait avoüer
Qu'au moindre fort contraire il eft prêt d'é
chotier.
Quand il eft parvenu dans l'extrême vieilleffe ,
Ses défirs impuiffans atteſtent ſa foibleffe ;
Et de leurs doux objets ſe ſentant déſunir ;
Il s'y rattache encor par le reffouvenir.
Mais la Parque s'apprête à lever la barriere ;
Elle lui vient ouvrir une obfcure carriere ,
Dont l'immenſe étendue eft une éternité ,
Ou de malheurs affreux , ou de felicité.
Comment , regarde- t'il eft dangereux paffage
?
Quels Dieux invoque-t-il pour détourner l'orage
?
Helas prefque toujours on voit qu'en
étourdi ,
>
Faifant contre le Ciel le brave & le hardi ,
Et s'étant raffuré par ce vain artifice ,
La main devant les yeux , il court au préci
pice ,
Et d'un air intrépide , & fans étonnement ,
Va tenter le hazard de cet évenement.
C'eft de cette façon que l'homme Philofo
phe ,
Des malheurs de fa vie ourdit la Cataftrophe
,
Et que fans redouter fon Auteur ni fa fin ,
A vj
Il
1912 MERCURE DE FRANCE
Il fe livre aux rigueurs de fon dernier deftin.
Crains , Daphnis , d'encourir ce terrible défaſtre
;
La foi pour l'éviter nous fert de Phare &
d'Aftre ,
Elle démafqué l'homme & fon divin pinceau ,
Lui fait de fa nature un fidele Tableau.
Je devois l'emprunter pour t'en tracer l'image
;
Mais à ce foible effai , je borne mon ouvrage
,
Et je laiffe à ta main capable de travail ,
Le foin d'entrer un jour dans un plus long
détail.
Androl. Celeftin , âge de 87. ans.
Fermer
Résumé : PORTRAIT DE L'HOMME.
Le texte 'Portrait, Zoön de l'Homme' examine la nature humaine complexe et contradictoire. L'auteur suggère de se concentrer sur l'étude de l'homme plutôt que de lire des ouvrages inutiles. Il observe que plus on acquiert de connaissances, plus on est rempli de doutes et on risque de s'égarer. L'homme est comparé à un nœud subtil, difficile à démêler, se cherchant et s'évitant à la fois. Il est sujet à des sentiments contradictoires, s'aimant et se déplaisant, et ignorant sa propre nature lorsqu'il s'examine. L'homme conserve un instinct de nature heureuse, mais ses sens ingénieux ne trouvent pas de bien qui satisfait son envie. Il est perpétuellement insatisfait et trompé par sa vanité. Il se croit grand et utilise des masques trompeurs pour se contrefaire. Bien qu'il puisse influencer le sort du monde, son pouvoir est fragile et peut être renversé par des accidents mineurs. L'homme est inconstant et changeant, passant rapidement du bonheur au malheur. Il est sujet à des humeurs capricieuses et trouve du charme dans le trouble et les alarmes. Sa raison est souvent troublée par des pensées légères. L'auteur conclut en recommandant la foi comme moyen d'éviter les malheurs de la vie et de tracer un portrait fidèle de la nature humaine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 1912-1935
QUATRIÉME LETRE Sur l'usage du bureau Tipografique.
Début :
Il ne faut pas douter, Monsieur, que l'exercice du bureau tipografique n'amuse [...]
Mots clefs :
Enfants, Cartes, Méthode, Exercice, Coeur, Combinaison, Esprit, Apprentissage, Français, Latin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUATRIÉME LETRE Sur l'usage du bureau Tipografique.
QUATRI E'M E
Sur Pufage dubureau Tipografique .
L ne faut pas douter , Monfieur , que
l'exercice du bureau tipografique n'amufe
& n'inftruise l'enfant , si les maitres
ont beaucoup de douceur & de patiance
en lui fefant dire les letres , les filabes
les mots et les lignes , qu'il doit pren- ,
dre dans fa caffette pour les compofer &
décompofer fur la table de fon bureau
en començant par les combinaifons elemaenSEPTEMBRE
. 1730. 1913
•
bro ,
› mentaires. Ab , eb ib , ob , ub , &c.
Ba , be , bi , bo , bu , & c. mises sur les
cartes dont l'enfant a déja joué , où sur
d'autres , en continuant par les combinaiſons
bla , ble , bli , blo , blu , & c. bra ,
bre , bri , bru , &c. fuivant l'ordre
doné pour la feuille de la caffere.
On peut ensuite faire lire l'enfant sur
des cartes , dont on fera des jeux come
l'on avoit déja fait en montrant à conoitre
les letres : le premier jeu eft pour le
Ab , eb , ib , ob , ub , & c. le fegond
pour le Ba , be , bi , bo bu , &c. le troifiéme
, pour le Bla , ble,bli , blo , blu, &c.
Le quatrième , pour le Bra , bre , bri
bro , bru. Il faut obferver de ne metre
qu'une ou deux lignes sur une carte à
mesure que l'enfant fe familiarife avec les
lignes plus ou moins chargées de filabes
ou de confones combinées avec les cinq
voyeles . Aiant mis à la premiere ligne
le Ba , be , bi , bo , bu , on poura metre à
la fegonde ligne les combinaifons du P ,
letre forte de la letre foible B. Exemples :
1. en deux lignes horizontales , felon la
maniere ordinaire d'écrire ; 2º . ou en
deux lignes perpendiculaires , pour renger
les cartes vis- à - vis les célules de leurs
letres B P , &c. 3 ° . ou en employant
les quatre coins & le milieu des cartes ,
>
come
)
1714 MERCURE DE FRANCE
come on l'a fait ci- devant pour le jeu des
cinq voyèles.
Pa, pe, pi, po, pu..}
Ba pa
be pe
ba
bez
bi >& c.
bu.
Ba, be, bi, bo, bu. } oubi pi
youbo
bo po
bu
pu
L'on combinera de même les letres liquides
l , m , n , r, et les letres doubles
x , y , &c. fans oublier la letre h , & c.
ainfi qu'on l'a fait pour les combinaiſons
de la caffete , et qu'on poura copier en
long & en large fur autant de cartes que
l'on voudra , pour former des jeux abecediques.
En voilà bien affes pour metre au
fait de cete métode. La pratique la fera
paroitre encore plus ingenieufe , fi l'on
étudie l'enfant , et qu'on l'observe bien.
L'on doit peu peu se servir des letres
italiques , et des letres d'écriture : on en a
fait l'experience avec un enfant de trois ans
qui en peu de tems conut tous les diferens
abc , et se servit avec fuccès de plus de
cent celules diferentes , où il tenoit les
letres & les caracteres fimples ou combinés
pour composer ou imprimer sur son
bureau , ce qu'on lui dictoit , ou ce qu'on
lui donoit écrit fur une carte.
à
Quand l'enfant fait composer ou décomSEPTEMBRE.
1730. 1915
composer fur son bureau tous les tèmes
ordinaires & domeftiques , on doit lui en
fournir tous les jours de nouveaux , prenant
d'abord préferablement pour sujet
les parens , les amis , les persones & les
faits dont l'enfant a conoissance , & lui
en donant enfuite en latin & en françois
de deux , trois , et quatre lignes fur la
longueur d'une carte , et d'un caractere
gros , diftinct , à proportion du favoir &
des forces de l'enfant. Après avoir doné
des tèmes fur toutes les perfones , et fur
les faits journaliers que l'enfant conoit
on poura lui en doner fur le Saint du
jour , et sur des fuites hiftoriques , come
109 tèmes fur les 109 époques du jeu hiſto-.
rique du R. P. Buffier ; & semblables sur
l'hiftorique saint ou profane,sur laMitologie,
fur la géografie, &c . On peut aussi doner
une suite de rimes abecediques , &c.
Tous ces tèmes lus & relus devienent une
espece de livre , plus agréable, plus amusant
, et plus utile , que les livres ordinaires
dont on s'eft servi jusques ici.
On poura aussi doner sur des cartes les
terminaisons des declinaifons , et des
conjugaisons , parce que l'enfant se fortifie
à lire le caractere manuscrit ; et qu'il
fe degoute moins d'avoir une ou deux
cartes pour le singulier & le pluriel d'un
nom , d'un pronom , et d'un tems de
yerbe ,
1916 MERCURE DE FRANCE
verbe , que de lire toujours dans un rudiment
odieux . On metra en noir sur
des cartes les adverbes & les prépofitions
du françois , et en rouge les mèmes mots
du latin ; ce qui dans la suite sera tresutile.
Les ouvrages de M. du Marfais , et
le latin construit & expliqué mot à mot
selon fa métode , pouront ètre mis entre
les mains d'un enfant qui comence à lire ,
et qui eft deja en état de faire provifion
de mots , et d'acoutumer son oreille aus
terminaisons des noms declinés & des
verbes conjugués. On trouvera ces noms
declinés , et ces verbes conjugués dans
les cartes ou dans les leçons du rudiment
pratique , qu'on pouroit même doner à
l'enfant , le premier jour de l'exercice
du bureau tipografique.
Dès que l'enfant aura decomposé son
dernier tème , et qu'il en aura fait un
nouveau de quatre ou cinq lignes de bureau
, on poura , pour varier le jeu , le
faire lire quelquefois dans un livre , quelquefois
dans un autre choisi ou fait exprès.
On poura aussi lui redoner de tems
en tenis ses premiers tèmes , ses cartons ,
et tout fon atirail literaire pour badiner
come sa premiere cassete , le casseau portarif
de six celules , le porte tème , de peits
porte- feuilles , un petit sac , & semblables
meubles propres à tenir des ima-
;
ges,
SEPTEMBRE . 1730. 1917
ges , les jeus de cartes , et les tèmes favoris
qui l'amusent & l'instruisent. Il sera
bon surtout de lui faire revoir le samedi
quelques tèmes de la semaine , et du
mois c'est dans ce retour periodique
qu'il sera aisé de juger des progrès de
l'enfant , et de comparer les avantages
de cete metode avec ceux de la metode
vulgaire.
>
Dans les grandes viles , surtout à Paris
, on poura metre à profit le chois de
tous ces imprimés & feuilles volantes qué
l'on crie dans les rues : de même que les
adresses & les enseignes des marchands &
des ouvriers ; outre les images , on trouve
dans ces enseignes des mots dificiles à lire ,
et qui par leur nouveauté donent lieu à
inftruire l'enfant , très sensible à l'aquisition
de tous ces petits éfets literaires , dignes
de sa cassete ; il comence de bone
heure à gouter la proprieté des chofes ; il
est donc bon de lui en montrer l'usage
un petit enfant qui se trouve seul & désocupé
, s'ennuie , il devient souvent à
charge aus autres , au lieu que cete cassete
l'amuse , étant pour lui une maison où
l'ouvrage ne manque jamais : il faut se
preter à l'enfance , si l'on veut réussir
dans l'éducation .
Pendant l'exercice literaire il ne faut
pas negliger de metre l'enfant en état de
badi1918
MERCURE DE FRANCE
badiner avec des jeus de cartes numeriques
;il se familiarisera avec les nombres ,
dont on poura ensuite lui montrer à lire
& à faire les premieres regles , à mesure
qu'il concevra plus facilement les choses.
Si l'on n'a pas des chifres de cuivre & à
jour , pour imprimer les nombres sur
des cartes , on les fera à la main , ainsi
qu'il a été dit en parlant des letres. Après
avoir fait lire à l'enfant les leçons sur les
nombres , on poura lui faire faire de petites
regles fur la table du bureau ; un
peu d'exercice chaque jour fur les nombres
, rendra dans peu l'enfant plus grand
aritmeticien qu'on ne l'eft ordinairement
à cet age là.
Quand un enfant a composé sur son
bureau le françois & le latin de fon tème
, il doit après cela lire tout de suite
& à haute vois , 1º . tout le françois , 2º .
tout le latin , 3 °. chaque mot latin après
le mot françois , 4 ° . chaque mot françois
après le mot latin ; voilà donc quatre
lectures. Cet exercice varié & continué
pendant quelques anées rend un enfant
plus savant qu'on ne l'auroit esperé :
on en sera cependant moins surpris , fi
l'on veut bien faire atention qu'un enfant
en composant ce tème , le lit en
détail plus de cent fois , sans croire l'avoir
lu une seule fois ; c'est ainsi qu'il
aprend
1
SEPTEMBRE . 1730. 1919
ge des
des
aprend par une espece de pratique l'usades
sons , des des letres , des mots ,
parties d'oraison , des terminaisons ,
declinaisons , et des conjugaisons. Ce .
mouvement continuel pour chercher les
cartes dont il a befoin , foit de l'imprimerie
, du rudiment pratique , ou du
dictionaire , entretient le corps en santé ,
et done à l'esprit la meilleure culture
possible .
Pour bien faire pratiquer la métode du
Bureau tipografique , on doit donc acoutumer
l'enfant à metre fur fon Bureau
la copie du tème qu'on lui done , foit de
verfion ou de compofition ; foit en une ,
en deux , ou en trois langues , les unes
fous les autres ; en forte que les deux ou
les trois mots fignifiant la mème choſe ',
foient mis en colone' , l'enfant lira & expliquera
avec plaifir les lignes de ces petitis
tèmes ; cela l'obligera ou lui permet
tra de travailler feul ; ce qui eft un des
plus grands points ; car d'ordinaire les
enfans ne travaillent que par force ou à
l'euil et rarement par gout , fur tout
en l'abſence des autres . Quand le maitre
ne poura pas etre prefent , le premier
venu poura aider à l'exercice du Bureau,
meme un domeftique.
,
On poura doner à l'enfant des temes.
latins , dont la construction soit parfaite,
selon
(
1920 MERCURE DE FRANCE
selon l'ingenieuse & judicieuse métode
de M. du Marsais ; ou des tèmes dont la
construction foit chifrée & numerotée ,
c'eft-à -dire , dont la fuite des mots soit
marquée par la fuite naturele des nombres
, come on l'a pratiqué fur le texte
de Phedre ; ou enfin l'on poura doner
tout de fuite le latin melé avec le fran-
>
çois , si le latin trop fort ne permet pas
l'interlinaire
. On doit essayer de tout ,
et varier toutes les manieres ; cete diversité
eloigne l'ennui & le degout , article
essentiel & sur lequel on ne sauroit faire
trop d'atention . Pour varier encore d'avantage
l'exercice du bureau , on poura
quelquefois doner à ranger sur la table
des vers françois , pour former à la rime
P'oreille de l'enfant , et des vers latins
avec la quantité , pour lui faire voir ,
conoitre & sentir de bone heure les voyeles
longues & les voyeles breves de la langue
latine. On pouroit meme marquer
toujours la quantité en profe come en
vers , si l'on souhaitoit voir de plus grans
progrès dans l'étude de la profodie latine
, pour l'intelligence
de laquele il feroit
bon d'avoir dans quelque logete des
cartes marquées avec les piés des vers ,
qu'on pouroit apeler , cartes spondées
cartes dactiles , & c, pour indiquer le
le pié de deux silabes longues , celui
d'une
SEPTEMBRE . 1730. 1921
d'une longue & de deux breves , & c .
Si l'enfant prend du gout à ces petits
jeus , on poura lui montrer auffi celui
des anagrames , en prenant les letres qu
les cartes des noms & des mots fur lesquels
on veut travailler ; on combine ces
cartes de tant de manieres , que l'enfant
s'en amuse agréablement , sur tout si l'on
a soin de fournir des mots fécons en rencontres
hureuses & agréables , come la
plupart des logogrifes qu'on trouve dans
le Mercure de France ou ailleurs . Si l'enfant
a de l'oreille , on peut lui montrer
les notes de la mufique & essayer avec
des cartes de lui faire folfier les intervales
convenables à sa petite voix . Bien
des gens croiront ces exercices au dessus
de la portée des enfans , mais l'experience
les désabusera , s'il veulent bien en
faire l'essai .
Lorsque l'enfant est fort sur la composition
du bureau , et que les tèmes sont
un peu lons , il prend moins de plaisir
à les décomposet , c'est - à - dire à distribuer
& à remetre les cartes en leurs
cassetins , qu'il n'en a eu en les composant
, cet exercice est plus pénible qu'agréable
, c'est pourquoi il eft bon que de
tems en tems quelcun viene aider à distribuer
les cartes des letres & des fons
dans leurs logetes ; car pour les cartes de
l'arti
7922 MERCURE DE FRANCE.
l'article françois , des noms , des pronoms
, des verbes & de leurs terminaifons
; de meme que pour tous les mots
du dictionaire ; il eft mieux que l'enfant
les passe & repasse lui- meme en revue ,
pour aprendre à les bien conoitre & à les
retenir par coeur à force de les voir , et
de les lire à haute voix come dans la
composition. Il faut que l'euil & l'oreille
soient de la partie; un autre enfant , frere,
soeur , parent , ami , ou voifin , moins
fort fur l'exercice du bureau , s'estimera
hureux de pouvoir etre employé à distribuer
les letres du tème , composé par
le petit docteur.
L'enfant qui comance d'aprendre à
écrire , doit toujours continuer l'exercice
du bureau , afin de ne pas se gate la
main en écrivant des tèmes ou d'autres
chofes que ses exemples. La pratique du
bureau est si aisée & si utile , que l'enfant
doit y travailler jusqu'à ce qu'il puisse
écrire passablement & sans degout les
petits tèmes & les petites versions qu'on
Îui donera à faire ; quand le bureau ne
seroit plus necessaire pour le latin , il le
seroit pour le grec, l'ébreu & l'arabe, pour
l'histoire , la fable , la cronologie , la géografie
, les généalogies ; pour le blason
pour les médailles , et enfin pour les arts
& les siences , puisque ce bureau doit
tenig
"
"
SEPTEMBRE. 1730. 1723
tenir lieu de biblioteque en feuilles ou en
cartes. On ose meme assurer que quand
on doneroit à l'enfant plusieurs bureaux,
soit pour les langues , soit pour les sien-
'ces , il n'en aprendroit que mieux ; il auroit
des idées claires & distinctes des chofes
; l'ordre lui deviendroit insensiblement
familier , & l'on éviteroit par là
cete espece de confusion qui paroit dans
les logetes où l'enfant est obligé de tenir
les letres de plusieurs langues , en noir
& en rouge ; quoique separées par des
cartes doubles ou triples , en petits cartons
, plus courts que les autres cartes.
Un bureau historique metroit l'enfant
au large ; il auroit des logetes diferentes
pour la fable & pour l'histoire ;
cer idées bien ordonées , doneroient à l'enfant
un gout merveilleux pour la meilleure
métode d'aprendre les choses peu à
peu;sans sortir de son cabinet, il parcoureroit
tous les siecles & toute la terre ; il
auroit des suites numerotées des patriarches
, des juges , des rois , des pontifes , des
profetes , du peuple ébreu ; les successions
des souverains du monde ; des listes des
homes illustres dans la fable , dans l'histoire,
dans les arts & dans les siences ; les images
, les medailles y trouveroient leurs placesson
y distingueroit toujours le sacré &
leprofane , l'ancien & le moderne; en un
met
1924 MERCURE DE FRANCE
mot les murailles du cabinet de l'enfapt ne
devroient etre ornées & tapissées que
d'objets amusans & instructifs , àproportion
des facultés des parens , et des vues
qu'ils ont pour l'établissement ou ce qu'on
apelle dans le monde la fortune honorable
d'un enfant.
Pour finir cet article , on peut dire que
le grand segret , après celui de la metode,
c'est de n'exiger d'un enfant qu'une atention
proportionée à fon age & à fa foiblesse
; de faire aimer l'exercice du bureau
, et de rendre ce jeu aussi agréable
qu'il est utile & instructif ; mais sur tout
travailler souvent avec l'enfant , c'est
là un point essentiel , dont trop de maitres
fe difpensent ; et si l'enfant ne travaile
pas , il sera bon de faire travailler
avec lui quelque autre persone qui lui
soit agréable. Il en faut bien etudier le
fort & le foible , lui inspirer le gout de
bones choses , et le desir de pratiquer.
tous ses petits exercices literaires . On ne
doit jamais fraper ni batre l'enfant ¿ que
pour la rechute volontaire dans des fautes
morales d'esprit & de coeur , encore fautil
bien etudier la maniere de punir , et de
rendre la corection utile & eficace , de
quelque nature qu'elle puisse etre , soit
qu'on le prive de quelque chose , soit
qu'on le mortifie par quelque endroit , la
douceur
SEPTEMBRE. 1730. 1925
douceur , la patience , la clemence , ne
doivent jamais quiter un bon maitre qui
étudie l'esprit , le coeur , le naturel & les
inclinations de l'enfant .
On peut, s'il eft necessaire , faire semblant
d'etre en colere au milieu d'un sens
froid , on peut meme entrer dans la colere
, mais toujours avec moderation , maitre
des premiers momens ou mouvemens
d'impatience ; en un mot , la colere doit
etre feinte & teatrale , on doit conserver
la raison & la liberté necessaire à un juge
équitable en faveur de la justice & du criminel
. Bien des maitres fe passionent &
s'aveuglent contre de pauvres enfans ;
l'ignorance , une mauvaise éducation , des
moeurs équivoques , peu d'atachement,un
esprit mercenaire , tout cela contribue à
former des ames feroces & brutales, c'est
aus parens à prendre garde au chois qu'ils
font des maitres.
On ne doit donc avoir recours aus verges
que lorsque l'enfant coupable , impenitent
, indocile, desobéissant , &c. méprise
les remontrances ; mais on ne doit jamais
employer les coups pour l'étude des langues
, à moins qu'on n'ût le malheur de
ne pouvoir mieux faire , chargé d'un indigne
sujet que les parens auroient condané
aux études , plutot que de l'apliquer
aus arts & aus metiers les plus convena-
B bles
1926 MERCURE DE FRANCE
bles à son gout , ou les plus utiles à l'état.
On poura lire , à l'ocasion des chatimens
, le livre de M. Rollin , et une brochure
intitulée : Guillelmi Ricelli Disser
tatio medica adversus ferularum , alaperum ,
et verberum usum in castigandis pueris , nec
non aurium tractionem , &c. ad sanitatis tutulam
, &c. Lipfiæ , 1722 .
Nous voici , Monsieur , à l'article des
tèmes de lecture sientifique , fur lequel
vous avés demandé quelque éclaircissement.
On apèle tèmes sientifiques , les cartes,
au dos desqueles on écrit une ou plufieurs
lignes de françois avec toute l'exactitude
possible sur les accens , sur les sons
de la langue , et sur la veritable ortografe
, en sorte que l'enfant puisse pratiquer
les principes de lecture qu'on lui a donés ,
et qu'il ne soit jamais induit en erreur,
Il n'y a aucun livre qui ait cete exactitude
, et peu de maitres sont au fait de toutes
les minuties qui regardent les sons &
la vraie ortografe de notre langue . Il est
donc bon au comancement de se servir
de ces sortes de cartes , pour avoir un texte
corect & conforme à la doctrine des sons
employés pour bien montrer à lire à un
petit enfant ; et l'on peut faire entrer dans
ces tèmes sientifiques toutes les dificultés
de la prononciation françoise , par raport
à la vieille & à la nouvele ortografe , ainfi
qu'on
SEPTEMBRE.1730 . 1927
qu'on a taché de le faire dans les cinquan-,
te-sept petits articles de la leçon 101 de
PA, B , C , françois.
L'enfant qui aprend à lire ces sortes de
tèmes, lit plutot, plus facilement, et beaucoup
mieux dans les manuscrits que les
autres enfans ne lisent dans les livres ; et
pour rendre l'enfant encore plus habile ,
il faudra lui ramasser des cartes sur lesqueles
on aura fait écrire diverses persones
, ou bien lui faire adresser de petites
épitres de la part des parens , des amis &
des voisins , qui voudront bien se preter
& contribuer de leur part à l'éducation
d'un digne enfants pour lors chacun sera
surpris de voir le grand succès de ce petit
artifice . De la lecture de ces tèmes , de
ces cartes ou de ces épitres , on passe facilement
à cele des livres imprimés en caractere
romain ou italique ; mais il eft bon
au comancement de chercher de beles
éditions corectes & d'un gros caractere ;
après quoi l'on doit peu à peu metre l'enfant
sur toute sorte de livres , et lui faire
remarquer les défauts & les fautes de chaque
ortografe des bones & des mauvaises
éditions , depuis l'anée courante jusques
au tems que l'on comança d'imprimer.Les
abreviations ne doivent pas faire de pei-
, elles fourniront d'autres jeux literaires
; il n'eft pas mal en aprenant à lire ,
Bij
d'a1928
MERCURE DE FRANCE
d'aprendre quelque autre chole de plus.
S'il y avoit quelque livre imprimé corectement
, selon l'ortografe de l'oreille
ou des sons de la langue , il feroit presque
inutile d'épeler ; mais la vieille & la fausse
ortografe, ou la cacografie , exigent que
l'on fasse epeler de tems en tems certains
mots ; en atendant ce livre corect que
nous n'avons pas , l'A B C DE CANDIAC
poura etre de quelque secours pour les
enfans , et pour les maitres dociles , non
prevenus ; car pour les autres il faut les
laisser faire à leur fantaisie , les abandoner
à la vieille ortografe, à la vieille géografie,
aux vieilles grammaires , aus vieilles metodes,
et meme à l'écriture gotique , si elle
est de leur gout , et du gout des parens qui
livrent leurs enfans à de tels guides dans
la republique des letres.
L'heureuse experience des temes sientifiques
donés sur des cartes fit en meme
tems croire qu'un enfant aprendroit
plus facilement de cete maniere , que
dans aucun livre tout ce qu'on souhaiteroit
qu'il aprit , parce qu'à force de manier
, de lire , et de ranger les cartes nu
merotées qu'il voit preparer pour lui , il
sait d'abord par coeur ce qui eft écrit sur
ces cartes ; il se plait d'ailleurs à ce jeu
autant qu'il s'ennuie à feuilleter les li-
VICs donés par les métodes vulgaires. La
revue
།
SEPTEMBRE. 1730. 1929)
revue & la revision de tous ces jeus de
cartes font plus d'impression sur l'esprit
de l'enfant , , que les
livre.
pages
odieuses d'un
Les temes sientifiques de la langue fran
çoise feront ensuite place aus temes la
latis , aus cartes en grec , en ebreu , en
arabe , &c. sans trop multiplier d'abord
les cartes de l'imprimerie , on poura montrer
à un enfant en peu de jours l'A B C
grec & l'ABC ebreu , qu'on metra à
côté des letres & des sons de la langue
françoise ; le meme nom , la meme carte,
serviront pour les trois langues , et l'enfant
qui trouvera l'aleph , ( 2) et l'alpha
(a) sur la carte de notre a , leur donera
la meme denomination , et aprendra tout
seul à les distinguer les uns des autres .
On donera ensuite des mots , des racines,
et des lignes en grec & en ebreu , afin
que l'enfant aprene à composer ces lignes
sur la table de son bureau tipografique ,
de la meme maniere qu'il y aura composé
des lignes enfrançois & en latin . Cet exercice
sera infailliblement du gout de l'enfant
, sur tout si auparavant l'on a eu soin.
de lui doner des letres , des mots , .et
des lignes , qui imitent la casse des imprimeurs
, &c.
Il est aisé de voir que par cet exercice
un enfant peut facilement entretenir la
Bij lecture
1930 MERCURE DE FRANCE
lecture des quatre langues . Cete imprimerie
compofée de tant de petits volumes
ou de feuilles volantes isolées & detachées.
a une aparence de jeu qui porte l'enfant ,
au badinage instructif. On peut alonger,
renouveler , et varier ce jeu de tant de
manieres , et sur tant de matieres diferentes
, qu'il ne paroit pas qu'en fait de
téorie ou de pratique , on puisse inventer
une métode plus au gout , et plus à
la portée des enfans , que cele du bureau
tipografique , soit pour la santé du corps,
soit pour la premiere culture de l'esprit.
On ne sauroit trouver une métode' generale
, qui en si peu de tems puisse produire
d'aussi grans & d'aussi surprenans
efets. Cependant ceus qui feront atention
à la force de l'habitude ou des actes reiterés
unc infinité de fois , concevront sans
peine la verité de ce que l'on dit ici ; et
les persones qui ont vu & admiré le savoir
du petit CANDIAC à Montpellier,
à Nimes , à Grenoble , à Lion , à Villefranche
& à Paris , ne refuseront jamais le
témoignage du à cete meme verité.
Ceux qui voudront faire aprendre par
coeur les principales regles de la métode
de P.R. come celes de la sintaxe, & c. pouront
les doner à l'enfant sur des cartes
numerotées avec des exemples & des lis
tes de mots au dos de ces mèmes cartes :
mais
SEPTEMBRE. 1730. 1931
}
mais on doute qu'il soit necessaire d'aprendre
ces regles pat coeur il sufit de
les faire lire & relire , et de les expliquer
souvent à mesure que les tèmes donés l'exigeront.
Les auteurs de ces regles condanant
l'uſage & la pratique des maitres
qui donoient les regles en vers latins
ont cru qu'en les metant en vers françois
, il n'y avoit presque plus rien à desirer.
En cela l'on a jugé trop favorablement
des enfans : aprendre une regle par
coeur , c'eft l'operation d'un peroquet ,
d'un enfant , et de la memoire ; savoir
faire l'aplication de cete regle, c'est l'efort
de l'esprit humain. Bien des gens aprenent
les quatre regles d'aritmetique , qui jamais
ne peuvent résoudre le moindre problème.
Ceux qui savent par coeur les regles
de logique , ne sont pas toujours ceux
qui raisonent le mieux : on doit donc bien
distinguer la téorie de la pratique , et ne
pas confondre l'articulation des principes
ou l'étude aveugle des principes apris par
coeur sans les comprendre , selon la métode
vulgaire , avec l'étude pratique & de
sentiment , selon la métode du bureau
tipografique , qui fait marcher en mème
tems la pratique & la téorie , sans qu'il
soit besoin d'atendre qu'un enfant sache
écrire ; avantage inexprimable , et ignoré
jusqu'ici dans toutes les écoles d'Europe.
B iiij On
1932 MERCURE DE FRANCE
On continuera cete matière dans les reflexions
preliminaires du rudiment pratique .
la
Il semble, dira quelcun , qu'on veuille
réduire les premiers exercices literaires
d'un enfant à de simples jeus & amusemens
de cartes , afin qu'il puisse jouer seul
ou avec d'autres. Il eft vrai qu'on souhaiteroit
de donner à l'enfant des roses sans
épines ; et que les maitres & les maitresses
à force de soin , de travail , et d'assiduité,
voulussent bien aprendre leur metier, et à
se faire aimer des enfans plutot que de s'en
faire haïr; efet ataché à l'ignorante & mauvaise
métode vulgaire : au lieu
que par
tode du bureau tipografique , l'enfant se
livre d'abord avec plaisir au jeu instructif
des cartes abecediques , dès qu'il sait articuler
quelques silabes , et qu'il a l'usage
de ses doits & de ses mains pour manier
& ranger des cartes sur la table de son
bureau. On ne parle point ici de ces jeus
en feuilles qui demandent de l'atention ;
une petite societé , et souvent par malheur
, un esprit d'interèt , qui d'accessoire
devient principal , et qu'il n'est pas
toujours aisé de bien diriger. On en par
lera ailleurs.
Malgré tout le bien & tous les avantages
atribués à ces jeux abecediques , on
doit cependant metre les enfans le plus
tot qu'il sera possible dans le gout de lire
les
SEPTEMBRE. 1730. 1933
les bons livres , et dans l'usage de parcourir
les tables des matieres qu'ils con--
tienent : on ne l'entend gueres que des
livres historiques ou à la portée des enfans
, car pour les livres moraux , ils ennuient
&dégoutent l'enfance ; l'instruction
morale se doit doner de vive voix & dans
toutes les ocasions favorables pour faire
plus d'impression sur l'enfant : agir autrement
, c'est perdre sa peine & détruire
dans un sens l'édifice déja comencé ; l'experience
journaliere ne permet pas de le
penser autrement .
J'aurois du , Monsieur , vous dire quelque
chose sur la cassete abecedique , puisque
c'est le premier meuble literaire qu'il
faudroit livrer à un enfant de deux à
trois ans. Cere cassete est habillée ou couverte
des premieres combinaisons élementaires
; la feuille de ces combinaisons est
l'abregé de l'A B C latin & françois , et
l'on ne sauroit y tenir un enfant trop
lontems , pourvu qu'on ait soin de lui
faire dire sur la cassete les combinaisons
non- seulement de gauche à droite , mais
encore de droite à gauche , de haut en
bas & de bas en haut , ou en colones ,
c'est- à-dire en ligne horisontale , et en
ligne perpendiculaire .
Le premier des deux petits cotés à droi
te , contient N. 1. les letres du grand
By A
++
1934 MERCURE DE FRANCE
1
ABC latin avec leur dénomination , ou
le nom doné et preté à chaque consone
pour rendre selon cete nouvele métode
l'art de lire plus aisé.
Le segond des deux petits cotés de la
cassete à gauche , contient , No. 2. le petit
a , b, c, à coté du grand , letre à letre,
afin que l'enfant qui conoit bien les grandes
letres , puisse facilement & presque
de lui-même aprendre ensuite à distinguer
les petites.
La premiere des grandes faces de la cassete
, et sur le devant , contient N ° . 3 .
en deux colones les combinaisons élementaires
du Ab , eb , ib , ob , ub , &c.
Le deriere de la cassete, contient N ° . 4.
et en deux colones , les combinaisons du
Ba , be , bi , bo , bu , &c. dans lesqueles
on fera remarquer les changemens que
l'auteur a cru necessaires pour doner de
bons principes sur les combinaisons Ca,
se , si , co , cu ; Ga , je , ji , go , gu , ; Ja ,
ge , gi , jo , ju ; Sa , ce , ci , so , su ; Ta ,
te , ti- ci , to , tu , &c.
Le dessus du couvercle de la cassete ,
contient No. 5. N° . 6. les combinaisons
du Blà , ble , bli , blo , blu , &c. et celles du
Bra, bre , bri , bro , bru , & c . . . .. . N ° . 7.
les combinaisons des quatre petites letres
ressemblantes b , d, p ,q , combinées avec
leurs quatre capitales , et ensuite avec les
cinq
SETEMBRE. 1730. 1935
cinq voyeles , come Bb , Dd , Pp , Qq,
&c , Ba , de , pi , qu , bo , &c. .... N. 8.
des sons particuliers à la langue françoise.
?
Cete cassete servira à faire dire la leçon
en badinant , et à tenir les cartons &
les jeus de cartes abecediques , qui ont
servi de premiers amusemens à l'enfant.
On trouvera de ces cassetes , de ces cartons
, et de ces cartes abecediques chés
P. Witte, Libraire , rue S. Jacques, à l'Ange
Gardien , vis- à- vis la rue de la Parcheminerie.
Sur Pufage dubureau Tipografique .
L ne faut pas douter , Monfieur , que
l'exercice du bureau tipografique n'amufe
& n'inftruise l'enfant , si les maitres
ont beaucoup de douceur & de patiance
en lui fefant dire les letres , les filabes
les mots et les lignes , qu'il doit pren- ,
dre dans fa caffette pour les compofer &
décompofer fur la table de fon bureau
en començant par les combinaifons elemaenSEPTEMBRE
. 1730. 1913
•
bro ,
› mentaires. Ab , eb ib , ob , ub , &c.
Ba , be , bi , bo , bu , & c. mises sur les
cartes dont l'enfant a déja joué , où sur
d'autres , en continuant par les combinaiſons
bla , ble , bli , blo , blu , & c. bra ,
bre , bri , bru , &c. fuivant l'ordre
doné pour la feuille de la caffere.
On peut ensuite faire lire l'enfant sur
des cartes , dont on fera des jeux come
l'on avoit déja fait en montrant à conoitre
les letres : le premier jeu eft pour le
Ab , eb , ib , ob , ub , & c. le fegond
pour le Ba , be , bi , bo bu , &c. le troifiéme
, pour le Bla , ble,bli , blo , blu, &c.
Le quatrième , pour le Bra , bre , bri
bro , bru. Il faut obferver de ne metre
qu'une ou deux lignes sur une carte à
mesure que l'enfant fe familiarife avec les
lignes plus ou moins chargées de filabes
ou de confones combinées avec les cinq
voyeles . Aiant mis à la premiere ligne
le Ba , be , bi , bo , bu , on poura metre à
la fegonde ligne les combinaifons du P ,
letre forte de la letre foible B. Exemples :
1. en deux lignes horizontales , felon la
maniere ordinaire d'écrire ; 2º . ou en
deux lignes perpendiculaires , pour renger
les cartes vis- à - vis les célules de leurs
letres B P , &c. 3 ° . ou en employant
les quatre coins & le milieu des cartes ,
>
come
)
1714 MERCURE DE FRANCE
come on l'a fait ci- devant pour le jeu des
cinq voyèles.
Pa, pe, pi, po, pu..}
Ba pa
be pe
ba
bez
bi >& c.
bu.
Ba, be, bi, bo, bu. } oubi pi
youbo
bo po
bu
pu
L'on combinera de même les letres liquides
l , m , n , r, et les letres doubles
x , y , &c. fans oublier la letre h , & c.
ainfi qu'on l'a fait pour les combinaiſons
de la caffete , et qu'on poura copier en
long & en large fur autant de cartes que
l'on voudra , pour former des jeux abecediques.
En voilà bien affes pour metre au
fait de cete métode. La pratique la fera
paroitre encore plus ingenieufe , fi l'on
étudie l'enfant , et qu'on l'observe bien.
L'on doit peu peu se servir des letres
italiques , et des letres d'écriture : on en a
fait l'experience avec un enfant de trois ans
qui en peu de tems conut tous les diferens
abc , et se servit avec fuccès de plus de
cent celules diferentes , où il tenoit les
letres & les caracteres fimples ou combinés
pour composer ou imprimer sur son
bureau , ce qu'on lui dictoit , ou ce qu'on
lui donoit écrit fur une carte.
à
Quand l'enfant fait composer ou décomSEPTEMBRE.
1730. 1915
composer fur son bureau tous les tèmes
ordinaires & domeftiques , on doit lui en
fournir tous les jours de nouveaux , prenant
d'abord préferablement pour sujet
les parens , les amis , les persones & les
faits dont l'enfant a conoissance , & lui
en donant enfuite en latin & en françois
de deux , trois , et quatre lignes fur la
longueur d'une carte , et d'un caractere
gros , diftinct , à proportion du favoir &
des forces de l'enfant. Après avoir doné
des tèmes fur toutes les perfones , et fur
les faits journaliers que l'enfant conoit
on poura lui en doner fur le Saint du
jour , et sur des fuites hiftoriques , come
109 tèmes fur les 109 époques du jeu hiſto-.
rique du R. P. Buffier ; & semblables sur
l'hiftorique saint ou profane,sur laMitologie,
fur la géografie, &c . On peut aussi doner
une suite de rimes abecediques , &c.
Tous ces tèmes lus & relus devienent une
espece de livre , plus agréable, plus amusant
, et plus utile , que les livres ordinaires
dont on s'eft servi jusques ici.
On poura aussi doner sur des cartes les
terminaisons des declinaifons , et des
conjugaisons , parce que l'enfant se fortifie
à lire le caractere manuscrit ; et qu'il
fe degoute moins d'avoir une ou deux
cartes pour le singulier & le pluriel d'un
nom , d'un pronom , et d'un tems de
yerbe ,
1916 MERCURE DE FRANCE
verbe , que de lire toujours dans un rudiment
odieux . On metra en noir sur
des cartes les adverbes & les prépofitions
du françois , et en rouge les mèmes mots
du latin ; ce qui dans la suite sera tresutile.
Les ouvrages de M. du Marfais , et
le latin construit & expliqué mot à mot
selon fa métode , pouront ètre mis entre
les mains d'un enfant qui comence à lire ,
et qui eft deja en état de faire provifion
de mots , et d'acoutumer son oreille aus
terminaisons des noms declinés & des
verbes conjugués. On trouvera ces noms
declinés , et ces verbes conjugués dans
les cartes ou dans les leçons du rudiment
pratique , qu'on pouroit même doner à
l'enfant , le premier jour de l'exercice
du bureau tipografique.
Dès que l'enfant aura decomposé son
dernier tème , et qu'il en aura fait un
nouveau de quatre ou cinq lignes de bureau
, on poura , pour varier le jeu , le
faire lire quelquefois dans un livre , quelquefois
dans un autre choisi ou fait exprès.
On poura aussi lui redoner de tems
en tenis ses premiers tèmes , ses cartons ,
et tout fon atirail literaire pour badiner
come sa premiere cassete , le casseau portarif
de six celules , le porte tème , de peits
porte- feuilles , un petit sac , & semblables
meubles propres à tenir des ima-
;
ges,
SEPTEMBRE . 1730. 1917
ges , les jeus de cartes , et les tèmes favoris
qui l'amusent & l'instruisent. Il sera
bon surtout de lui faire revoir le samedi
quelques tèmes de la semaine , et du
mois c'est dans ce retour periodique
qu'il sera aisé de juger des progrès de
l'enfant , et de comparer les avantages
de cete metode avec ceux de la metode
vulgaire.
>
Dans les grandes viles , surtout à Paris
, on poura metre à profit le chois de
tous ces imprimés & feuilles volantes qué
l'on crie dans les rues : de même que les
adresses & les enseignes des marchands &
des ouvriers ; outre les images , on trouve
dans ces enseignes des mots dificiles à lire ,
et qui par leur nouveauté donent lieu à
inftruire l'enfant , très sensible à l'aquisition
de tous ces petits éfets literaires , dignes
de sa cassete ; il comence de bone
heure à gouter la proprieté des chofes ; il
est donc bon de lui en montrer l'usage
un petit enfant qui se trouve seul & désocupé
, s'ennuie , il devient souvent à
charge aus autres , au lieu que cete cassete
l'amuse , étant pour lui une maison où
l'ouvrage ne manque jamais : il faut se
preter à l'enfance , si l'on veut réussir
dans l'éducation .
Pendant l'exercice literaire il ne faut
pas negliger de metre l'enfant en état de
badi1918
MERCURE DE FRANCE
badiner avec des jeus de cartes numeriques
;il se familiarisera avec les nombres ,
dont on poura ensuite lui montrer à lire
& à faire les premieres regles , à mesure
qu'il concevra plus facilement les choses.
Si l'on n'a pas des chifres de cuivre & à
jour , pour imprimer les nombres sur
des cartes , on les fera à la main , ainsi
qu'il a été dit en parlant des letres. Après
avoir fait lire à l'enfant les leçons sur les
nombres , on poura lui faire faire de petites
regles fur la table du bureau ; un
peu d'exercice chaque jour fur les nombres
, rendra dans peu l'enfant plus grand
aritmeticien qu'on ne l'eft ordinairement
à cet age là.
Quand un enfant a composé sur son
bureau le françois & le latin de fon tème
, il doit après cela lire tout de suite
& à haute vois , 1º . tout le françois , 2º .
tout le latin , 3 °. chaque mot latin après
le mot françois , 4 ° . chaque mot françois
après le mot latin ; voilà donc quatre
lectures. Cet exercice varié & continué
pendant quelques anées rend un enfant
plus savant qu'on ne l'auroit esperé :
on en sera cependant moins surpris , fi
l'on veut bien faire atention qu'un enfant
en composant ce tème , le lit en
détail plus de cent fois , sans croire l'avoir
lu une seule fois ; c'est ainsi qu'il
aprend
1
SEPTEMBRE . 1730. 1919
ge des
des
aprend par une espece de pratique l'usades
sons , des des letres , des mots ,
parties d'oraison , des terminaisons ,
declinaisons , et des conjugaisons. Ce .
mouvement continuel pour chercher les
cartes dont il a befoin , foit de l'imprimerie
, du rudiment pratique , ou du
dictionaire , entretient le corps en santé ,
et done à l'esprit la meilleure culture
possible .
Pour bien faire pratiquer la métode du
Bureau tipografique , on doit donc acoutumer
l'enfant à metre fur fon Bureau
la copie du tème qu'on lui done , foit de
verfion ou de compofition ; foit en une ,
en deux , ou en trois langues , les unes
fous les autres ; en forte que les deux ou
les trois mots fignifiant la mème choſe ',
foient mis en colone' , l'enfant lira & expliquera
avec plaifir les lignes de ces petitis
tèmes ; cela l'obligera ou lui permet
tra de travailler feul ; ce qui eft un des
plus grands points ; car d'ordinaire les
enfans ne travaillent que par force ou à
l'euil et rarement par gout , fur tout
en l'abſence des autres . Quand le maitre
ne poura pas etre prefent , le premier
venu poura aider à l'exercice du Bureau,
meme un domeftique.
,
On poura doner à l'enfant des temes.
latins , dont la construction soit parfaite,
selon
(
1920 MERCURE DE FRANCE
selon l'ingenieuse & judicieuse métode
de M. du Marsais ; ou des tèmes dont la
construction foit chifrée & numerotée ,
c'eft-à -dire , dont la fuite des mots soit
marquée par la fuite naturele des nombres
, come on l'a pratiqué fur le texte
de Phedre ; ou enfin l'on poura doner
tout de fuite le latin melé avec le fran-
>
çois , si le latin trop fort ne permet pas
l'interlinaire
. On doit essayer de tout ,
et varier toutes les manieres ; cete diversité
eloigne l'ennui & le degout , article
essentiel & sur lequel on ne sauroit faire
trop d'atention . Pour varier encore d'avantage
l'exercice du bureau , on poura
quelquefois doner à ranger sur la table
des vers françois , pour former à la rime
P'oreille de l'enfant , et des vers latins
avec la quantité , pour lui faire voir ,
conoitre & sentir de bone heure les voyeles
longues & les voyeles breves de la langue
latine. On pouroit meme marquer
toujours la quantité en profe come en
vers , si l'on souhaitoit voir de plus grans
progrès dans l'étude de la profodie latine
, pour l'intelligence
de laquele il feroit
bon d'avoir dans quelque logete des
cartes marquées avec les piés des vers ,
qu'on pouroit apeler , cartes spondées
cartes dactiles , & c, pour indiquer le
le pié de deux silabes longues , celui
d'une
SEPTEMBRE . 1730. 1921
d'une longue & de deux breves , & c .
Si l'enfant prend du gout à ces petits
jeus , on poura lui montrer auffi celui
des anagrames , en prenant les letres qu
les cartes des noms & des mots fur lesquels
on veut travailler ; on combine ces
cartes de tant de manieres , que l'enfant
s'en amuse agréablement , sur tout si l'on
a soin de fournir des mots fécons en rencontres
hureuses & agréables , come la
plupart des logogrifes qu'on trouve dans
le Mercure de France ou ailleurs . Si l'enfant
a de l'oreille , on peut lui montrer
les notes de la mufique & essayer avec
des cartes de lui faire folfier les intervales
convenables à sa petite voix . Bien
des gens croiront ces exercices au dessus
de la portée des enfans , mais l'experience
les désabusera , s'il veulent bien en
faire l'essai .
Lorsque l'enfant est fort sur la composition
du bureau , et que les tèmes sont
un peu lons , il prend moins de plaisir
à les décomposet , c'est - à - dire à distribuer
& à remetre les cartes en leurs
cassetins , qu'il n'en a eu en les composant
, cet exercice est plus pénible qu'agréable
, c'est pourquoi il eft bon que de
tems en tems quelcun viene aider à distribuer
les cartes des letres & des fons
dans leurs logetes ; car pour les cartes de
l'arti
7922 MERCURE DE FRANCE.
l'article françois , des noms , des pronoms
, des verbes & de leurs terminaifons
; de meme que pour tous les mots
du dictionaire ; il eft mieux que l'enfant
les passe & repasse lui- meme en revue ,
pour aprendre à les bien conoitre & à les
retenir par coeur à force de les voir , et
de les lire à haute voix come dans la
composition. Il faut que l'euil & l'oreille
soient de la partie; un autre enfant , frere,
soeur , parent , ami , ou voifin , moins
fort fur l'exercice du bureau , s'estimera
hureux de pouvoir etre employé à distribuer
les letres du tème , composé par
le petit docteur.
L'enfant qui comance d'aprendre à
écrire , doit toujours continuer l'exercice
du bureau , afin de ne pas se gate la
main en écrivant des tèmes ou d'autres
chofes que ses exemples. La pratique du
bureau est si aisée & si utile , que l'enfant
doit y travailler jusqu'à ce qu'il puisse
écrire passablement & sans degout les
petits tèmes & les petites versions qu'on
Îui donera à faire ; quand le bureau ne
seroit plus necessaire pour le latin , il le
seroit pour le grec, l'ébreu & l'arabe, pour
l'histoire , la fable , la cronologie , la géografie
, les généalogies ; pour le blason
pour les médailles , et enfin pour les arts
& les siences , puisque ce bureau doit
tenig
"
"
SEPTEMBRE. 1730. 1723
tenir lieu de biblioteque en feuilles ou en
cartes. On ose meme assurer que quand
on doneroit à l'enfant plusieurs bureaux,
soit pour les langues , soit pour les sien-
'ces , il n'en aprendroit que mieux ; il auroit
des idées claires & distinctes des chofes
; l'ordre lui deviendroit insensiblement
familier , & l'on éviteroit par là
cete espece de confusion qui paroit dans
les logetes où l'enfant est obligé de tenir
les letres de plusieurs langues , en noir
& en rouge ; quoique separées par des
cartes doubles ou triples , en petits cartons
, plus courts que les autres cartes.
Un bureau historique metroit l'enfant
au large ; il auroit des logetes diferentes
pour la fable & pour l'histoire ;
cer idées bien ordonées , doneroient à l'enfant
un gout merveilleux pour la meilleure
métode d'aprendre les choses peu à
peu;sans sortir de son cabinet, il parcoureroit
tous les siecles & toute la terre ; il
auroit des suites numerotées des patriarches
, des juges , des rois , des pontifes , des
profetes , du peuple ébreu ; les successions
des souverains du monde ; des listes des
homes illustres dans la fable , dans l'histoire,
dans les arts & dans les siences ; les images
, les medailles y trouveroient leurs placesson
y distingueroit toujours le sacré &
leprofane , l'ancien & le moderne; en un
met
1924 MERCURE DE FRANCE
mot les murailles du cabinet de l'enfapt ne
devroient etre ornées & tapissées que
d'objets amusans & instructifs , àproportion
des facultés des parens , et des vues
qu'ils ont pour l'établissement ou ce qu'on
apelle dans le monde la fortune honorable
d'un enfant.
Pour finir cet article , on peut dire que
le grand segret , après celui de la metode,
c'est de n'exiger d'un enfant qu'une atention
proportionée à fon age & à fa foiblesse
; de faire aimer l'exercice du bureau
, et de rendre ce jeu aussi agréable
qu'il est utile & instructif ; mais sur tout
travailler souvent avec l'enfant , c'est
là un point essentiel , dont trop de maitres
fe difpensent ; et si l'enfant ne travaile
pas , il sera bon de faire travailler
avec lui quelque autre persone qui lui
soit agréable. Il en faut bien etudier le
fort & le foible , lui inspirer le gout de
bones choses , et le desir de pratiquer.
tous ses petits exercices literaires . On ne
doit jamais fraper ni batre l'enfant ¿ que
pour la rechute volontaire dans des fautes
morales d'esprit & de coeur , encore fautil
bien etudier la maniere de punir , et de
rendre la corection utile & eficace , de
quelque nature qu'elle puisse etre , soit
qu'on le prive de quelque chose , soit
qu'on le mortifie par quelque endroit , la
douceur
SEPTEMBRE. 1730. 1925
douceur , la patience , la clemence , ne
doivent jamais quiter un bon maitre qui
étudie l'esprit , le coeur , le naturel & les
inclinations de l'enfant .
On peut, s'il eft necessaire , faire semblant
d'etre en colere au milieu d'un sens
froid , on peut meme entrer dans la colere
, mais toujours avec moderation , maitre
des premiers momens ou mouvemens
d'impatience ; en un mot , la colere doit
etre feinte & teatrale , on doit conserver
la raison & la liberté necessaire à un juge
équitable en faveur de la justice & du criminel
. Bien des maitres fe passionent &
s'aveuglent contre de pauvres enfans ;
l'ignorance , une mauvaise éducation , des
moeurs équivoques , peu d'atachement,un
esprit mercenaire , tout cela contribue à
former des ames feroces & brutales, c'est
aus parens à prendre garde au chois qu'ils
font des maitres.
On ne doit donc avoir recours aus verges
que lorsque l'enfant coupable , impenitent
, indocile, desobéissant , &c. méprise
les remontrances ; mais on ne doit jamais
employer les coups pour l'étude des langues
, à moins qu'on n'ût le malheur de
ne pouvoir mieux faire , chargé d'un indigne
sujet que les parens auroient condané
aux études , plutot que de l'apliquer
aus arts & aus metiers les plus convena-
B bles
1926 MERCURE DE FRANCE
bles à son gout , ou les plus utiles à l'état.
On poura lire , à l'ocasion des chatimens
, le livre de M. Rollin , et une brochure
intitulée : Guillelmi Ricelli Disser
tatio medica adversus ferularum , alaperum ,
et verberum usum in castigandis pueris , nec
non aurium tractionem , &c. ad sanitatis tutulam
, &c. Lipfiæ , 1722 .
Nous voici , Monsieur , à l'article des
tèmes de lecture sientifique , fur lequel
vous avés demandé quelque éclaircissement.
On apèle tèmes sientifiques , les cartes,
au dos desqueles on écrit une ou plufieurs
lignes de françois avec toute l'exactitude
possible sur les accens , sur les sons
de la langue , et sur la veritable ortografe
, en sorte que l'enfant puisse pratiquer
les principes de lecture qu'on lui a donés ,
et qu'il ne soit jamais induit en erreur,
Il n'y a aucun livre qui ait cete exactitude
, et peu de maitres sont au fait de toutes
les minuties qui regardent les sons &
la vraie ortografe de notre langue . Il est
donc bon au comancement de se servir
de ces sortes de cartes , pour avoir un texte
corect & conforme à la doctrine des sons
employés pour bien montrer à lire à un
petit enfant ; et l'on peut faire entrer dans
ces tèmes sientifiques toutes les dificultés
de la prononciation françoise , par raport
à la vieille & à la nouvele ortografe , ainfi
qu'on
SEPTEMBRE.1730 . 1927
qu'on a taché de le faire dans les cinquan-,
te-sept petits articles de la leçon 101 de
PA, B , C , françois.
L'enfant qui aprend à lire ces sortes de
tèmes, lit plutot, plus facilement, et beaucoup
mieux dans les manuscrits que les
autres enfans ne lisent dans les livres ; et
pour rendre l'enfant encore plus habile ,
il faudra lui ramasser des cartes sur lesqueles
on aura fait écrire diverses persones
, ou bien lui faire adresser de petites
épitres de la part des parens , des amis &
des voisins , qui voudront bien se preter
& contribuer de leur part à l'éducation
d'un digne enfants pour lors chacun sera
surpris de voir le grand succès de ce petit
artifice . De la lecture de ces tèmes , de
ces cartes ou de ces épitres , on passe facilement
à cele des livres imprimés en caractere
romain ou italique ; mais il eft bon
au comancement de chercher de beles
éditions corectes & d'un gros caractere ;
après quoi l'on doit peu à peu metre l'enfant
sur toute sorte de livres , et lui faire
remarquer les défauts & les fautes de chaque
ortografe des bones & des mauvaises
éditions , depuis l'anée courante jusques
au tems que l'on comança d'imprimer.Les
abreviations ne doivent pas faire de pei-
, elles fourniront d'autres jeux literaires
; il n'eft pas mal en aprenant à lire ,
Bij
d'a1928
MERCURE DE FRANCE
d'aprendre quelque autre chole de plus.
S'il y avoit quelque livre imprimé corectement
, selon l'ortografe de l'oreille
ou des sons de la langue , il feroit presque
inutile d'épeler ; mais la vieille & la fausse
ortografe, ou la cacografie , exigent que
l'on fasse epeler de tems en tems certains
mots ; en atendant ce livre corect que
nous n'avons pas , l'A B C DE CANDIAC
poura etre de quelque secours pour les
enfans , et pour les maitres dociles , non
prevenus ; car pour les autres il faut les
laisser faire à leur fantaisie , les abandoner
à la vieille ortografe, à la vieille géografie,
aux vieilles grammaires , aus vieilles metodes,
et meme à l'écriture gotique , si elle
est de leur gout , et du gout des parens qui
livrent leurs enfans à de tels guides dans
la republique des letres.
L'heureuse experience des temes sientifiques
donés sur des cartes fit en meme
tems croire qu'un enfant aprendroit
plus facilement de cete maniere , que
dans aucun livre tout ce qu'on souhaiteroit
qu'il aprit , parce qu'à force de manier
, de lire , et de ranger les cartes nu
merotées qu'il voit preparer pour lui , il
sait d'abord par coeur ce qui eft écrit sur
ces cartes ; il se plait d'ailleurs à ce jeu
autant qu'il s'ennuie à feuilleter les li-
VICs donés par les métodes vulgaires. La
revue
།
SEPTEMBRE. 1730. 1929)
revue & la revision de tous ces jeus de
cartes font plus d'impression sur l'esprit
de l'enfant , , que les
livre.
pages
odieuses d'un
Les temes sientifiques de la langue fran
çoise feront ensuite place aus temes la
latis , aus cartes en grec , en ebreu , en
arabe , &c. sans trop multiplier d'abord
les cartes de l'imprimerie , on poura montrer
à un enfant en peu de jours l'A B C
grec & l'ABC ebreu , qu'on metra à
côté des letres & des sons de la langue
françoise ; le meme nom , la meme carte,
serviront pour les trois langues , et l'enfant
qui trouvera l'aleph , ( 2) et l'alpha
(a) sur la carte de notre a , leur donera
la meme denomination , et aprendra tout
seul à les distinguer les uns des autres .
On donera ensuite des mots , des racines,
et des lignes en grec & en ebreu , afin
que l'enfant aprene à composer ces lignes
sur la table de son bureau tipografique ,
de la meme maniere qu'il y aura composé
des lignes enfrançois & en latin . Cet exercice
sera infailliblement du gout de l'enfant
, sur tout si auparavant l'on a eu soin.
de lui doner des letres , des mots , .et
des lignes , qui imitent la casse des imprimeurs
, &c.
Il est aisé de voir que par cet exercice
un enfant peut facilement entretenir la
Bij lecture
1930 MERCURE DE FRANCE
lecture des quatre langues . Cete imprimerie
compofée de tant de petits volumes
ou de feuilles volantes isolées & detachées.
a une aparence de jeu qui porte l'enfant ,
au badinage instructif. On peut alonger,
renouveler , et varier ce jeu de tant de
manieres , et sur tant de matieres diferentes
, qu'il ne paroit pas qu'en fait de
téorie ou de pratique , on puisse inventer
une métode plus au gout , et plus à
la portée des enfans , que cele du bureau
tipografique , soit pour la santé du corps,
soit pour la premiere culture de l'esprit.
On ne sauroit trouver une métode' generale
, qui en si peu de tems puisse produire
d'aussi grans & d'aussi surprenans
efets. Cependant ceus qui feront atention
à la force de l'habitude ou des actes reiterés
unc infinité de fois , concevront sans
peine la verité de ce que l'on dit ici ; et
les persones qui ont vu & admiré le savoir
du petit CANDIAC à Montpellier,
à Nimes , à Grenoble , à Lion , à Villefranche
& à Paris , ne refuseront jamais le
témoignage du à cete meme verité.
Ceux qui voudront faire aprendre par
coeur les principales regles de la métode
de P.R. come celes de la sintaxe, & c. pouront
les doner à l'enfant sur des cartes
numerotées avec des exemples & des lis
tes de mots au dos de ces mèmes cartes :
mais
SEPTEMBRE. 1730. 1931
}
mais on doute qu'il soit necessaire d'aprendre
ces regles pat coeur il sufit de
les faire lire & relire , et de les expliquer
souvent à mesure que les tèmes donés l'exigeront.
Les auteurs de ces regles condanant
l'uſage & la pratique des maitres
qui donoient les regles en vers latins
ont cru qu'en les metant en vers françois
, il n'y avoit presque plus rien à desirer.
En cela l'on a jugé trop favorablement
des enfans : aprendre une regle par
coeur , c'eft l'operation d'un peroquet ,
d'un enfant , et de la memoire ; savoir
faire l'aplication de cete regle, c'est l'efort
de l'esprit humain. Bien des gens aprenent
les quatre regles d'aritmetique , qui jamais
ne peuvent résoudre le moindre problème.
Ceux qui savent par coeur les regles
de logique , ne sont pas toujours ceux
qui raisonent le mieux : on doit donc bien
distinguer la téorie de la pratique , et ne
pas confondre l'articulation des principes
ou l'étude aveugle des principes apris par
coeur sans les comprendre , selon la métode
vulgaire , avec l'étude pratique & de
sentiment , selon la métode du bureau
tipografique , qui fait marcher en mème
tems la pratique & la téorie , sans qu'il
soit besoin d'atendre qu'un enfant sache
écrire ; avantage inexprimable , et ignoré
jusqu'ici dans toutes les écoles d'Europe.
B iiij On
1932 MERCURE DE FRANCE
On continuera cete matière dans les reflexions
preliminaires du rudiment pratique .
la
Il semble, dira quelcun , qu'on veuille
réduire les premiers exercices literaires
d'un enfant à de simples jeus & amusemens
de cartes , afin qu'il puisse jouer seul
ou avec d'autres. Il eft vrai qu'on souhaiteroit
de donner à l'enfant des roses sans
épines ; et que les maitres & les maitresses
à force de soin , de travail , et d'assiduité,
voulussent bien aprendre leur metier, et à
se faire aimer des enfans plutot que de s'en
faire haïr; efet ataché à l'ignorante & mauvaise
métode vulgaire : au lieu
que par
tode du bureau tipografique , l'enfant se
livre d'abord avec plaisir au jeu instructif
des cartes abecediques , dès qu'il sait articuler
quelques silabes , et qu'il a l'usage
de ses doits & de ses mains pour manier
& ranger des cartes sur la table de son
bureau. On ne parle point ici de ces jeus
en feuilles qui demandent de l'atention ;
une petite societé , et souvent par malheur
, un esprit d'interèt , qui d'accessoire
devient principal , et qu'il n'est pas
toujours aisé de bien diriger. On en par
lera ailleurs.
Malgré tout le bien & tous les avantages
atribués à ces jeux abecediques , on
doit cependant metre les enfans le plus
tot qu'il sera possible dans le gout de lire
les
SEPTEMBRE. 1730. 1933
les bons livres , et dans l'usage de parcourir
les tables des matieres qu'ils con--
tienent : on ne l'entend gueres que des
livres historiques ou à la portée des enfans
, car pour les livres moraux , ils ennuient
&dégoutent l'enfance ; l'instruction
morale se doit doner de vive voix & dans
toutes les ocasions favorables pour faire
plus d'impression sur l'enfant : agir autrement
, c'est perdre sa peine & détruire
dans un sens l'édifice déja comencé ; l'experience
journaliere ne permet pas de le
penser autrement .
J'aurois du , Monsieur , vous dire quelque
chose sur la cassete abecedique , puisque
c'est le premier meuble literaire qu'il
faudroit livrer à un enfant de deux à
trois ans. Cere cassete est habillée ou couverte
des premieres combinaisons élementaires
; la feuille de ces combinaisons est
l'abregé de l'A B C latin & françois , et
l'on ne sauroit y tenir un enfant trop
lontems , pourvu qu'on ait soin de lui
faire dire sur la cassete les combinaisons
non- seulement de gauche à droite , mais
encore de droite à gauche , de haut en
bas & de bas en haut , ou en colones ,
c'est- à-dire en ligne horisontale , et en
ligne perpendiculaire .
Le premier des deux petits cotés à droi
te , contient N. 1. les letres du grand
By A
++
1934 MERCURE DE FRANCE
1
ABC latin avec leur dénomination , ou
le nom doné et preté à chaque consone
pour rendre selon cete nouvele métode
l'art de lire plus aisé.
Le segond des deux petits cotés de la
cassete à gauche , contient , No. 2. le petit
a , b, c, à coté du grand , letre à letre,
afin que l'enfant qui conoit bien les grandes
letres , puisse facilement & presque
de lui-même aprendre ensuite à distinguer
les petites.
La premiere des grandes faces de la cassete
, et sur le devant , contient N ° . 3 .
en deux colones les combinaisons élementaires
du Ab , eb , ib , ob , ub , &c.
Le deriere de la cassete, contient N ° . 4.
et en deux colones , les combinaisons du
Ba , be , bi , bo , bu , &c. dans lesqueles
on fera remarquer les changemens que
l'auteur a cru necessaires pour doner de
bons principes sur les combinaisons Ca,
se , si , co , cu ; Ga , je , ji , go , gu , ; Ja ,
ge , gi , jo , ju ; Sa , ce , ci , so , su ; Ta ,
te , ti- ci , to , tu , &c.
Le dessus du couvercle de la cassete ,
contient No. 5. N° . 6. les combinaisons
du Blà , ble , bli , blo , blu , &c. et celles du
Bra, bre , bri , bro , bru , & c . . . .. . N ° . 7.
les combinaisons des quatre petites letres
ressemblantes b , d, p ,q , combinées avec
leurs quatre capitales , et ensuite avec les
cinq
SETEMBRE. 1730. 1935
cinq voyeles , come Bb , Dd , Pp , Qq,
&c , Ba , de , pi , qu , bo , &c. .... N. 8.
des sons particuliers à la langue françoise.
?
Cete cassete servira à faire dire la leçon
en badinant , et à tenir les cartons &
les jeus de cartes abecediques , qui ont
servi de premiers amusemens à l'enfant.
On trouvera de ces cassetes , de ces cartons
, et de ces cartes abecediques chés
P. Witte, Libraire , rue S. Jacques, à l'Ange
Gardien , vis- à- vis la rue de la Parcheminerie.
Fermer
Résumé : QUATRIÉME LETRE Sur l'usage du bureau Tipografique.
Le texte présente une méthode pédagogique appelée 'bureau typographique' visant à instruire et amuser les enfants. Cette méthode consiste à apprendre aux enfants les lettres, les syllabes, les mots et les lignes en les composant et décomposant sur une table de bureau. Les maîtres doivent faire preuve de douceur et de patience. Les enfants utilisent des cartes pour jouer avec les lettres et les combinaisons de syllabes, commençant par des combinaisons élémentaires comme 'ab, eb, ib, ob, ub' et progressant vers des combinaisons plus complexes. Les cartes sont utilisées pour des jeux éducatifs, où les enfants apprennent à lire et à reconnaître les lettres. Les thèmes abordés commencent par des sujets familiers aux enfants, comme les parents et les amis, et progressent vers des sujets plus complexes comme l'histoire, la mythologie et la géographie. Les cartes peuvent également contenir des terminaisons de déclinaisons et de conjugaisons, ainsi que des adverbes et des prépositions en français et en latin. La méthode encourage l'enfant à lire à haute voix et à pratiquer régulièrement. Elle inclut également des exercices numériques pour familiariser l'enfant avec les nombres. L'enfant doit composer et décomposer des thèmes sur son bureau, ce qui lui permet d'apprendre par la pratique. La méthode est conçue pour être variée et amusante, évitant ainsi l'ennui et le dégoût. Elle peut être adaptée pour inclure des jeux d'anagrammes, de musique et d'autres activités éducatives. Le texte souligne l'importance de la pratique continue et de la variété dans les exercices pour maintenir l'intérêt de l'enfant. La méthode est également adaptable à différentes langues et disciplines, comme le grec, l'hébreu, l'arabe, l'histoire, la géographie, et les arts. Les enfants doivent disposer de plusieurs bureaux pour différentes matières, comme les langues ou les sciences. Un bureau historique, par exemple, permettrait à l'enfant de structurer ses connaissances et de développer un goût pour la méthode d'apprentissage. Les cartes et les objets amusants et instructifs doivent orner les murs du cabinet de l'enfant, adaptés à ses capacités et aux aspirations de ses parents. L'article insiste sur l'importance de la méthode et de l'attention proportionnée à l'âge de l'enfant. Il recommande de rendre les exercices agréables et instructifs, et de travailler souvent avec l'enfant. Les maîtres doivent éviter de frapper ou de battre les enfants, sauf en cas de fautes morales volontaires, et toujours avec modération. La douceur, la patience et la clémence sont essentielles. Pour l'apprentissage de la lecture, les thèmes scientifiques (cartes avec des lignes de français exactes) sont préférés aux livres, car ils permettent une pratique plus précise des sons et de l'orthographe. L'enfant apprend ainsi à lire plus facilement et plus correctement. Les cartes peuvent ensuite être utilisées pour d'autres langues, comme le grec ou l'hébreu, facilitant l'apprentissage de plusieurs langues simultanément. Le texte critique les méthodes traditionnelles qui se contentent de faire apprendre des règles par cœur sans les comprendre. Il prône une méthode pratique et intuitive, où la théorie et la pratique avancent de concert. Les jeux abécédiques sont introduits dès que l'enfant sait articuler quelques syllabes, rendant l'apprentissage ludique et efficace. Le document mentionne également une cassette abécédique, un outil littéraire destiné aux enfants de deux à trois ans. Cette cassette contient diverses combinaisons de lettres et de sons pour faciliter l'apprentissage de la lecture. Elle est organisée de manière à permettre à l'enfant de pratiquer les combinaisons dans différentes directions. Les différents côtés et faces de la cassette contiennent des lettres latines et françaises, des combinaisons élémentaires, et des distinctions entre grandes et petites lettres. Le dessus du couvercle inclut des combinaisons spécifiques et des sons particuliers à la langue française. La cassette sert à rendre l'apprentissage ludique et à conserver les cartes et jeux de cartes abécédiques utilisés comme premiers amusements pour l'enfant. Ces cassettes, ainsi que les cartons et cartes abécédiques, sont disponibles chez P. Witte, libraire rue S. Jacques, à l'Ange Gardien.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 1935-1930
ODE SUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DAUPHIN. Presentée à l'Académie des Jeux Floraux.
Début :
Quelle est cette nouvelle aimable, [...]
Mots clefs :
Naissance du Dauphin, Dauphin, Terre, Académie des jeux floraux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE SUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DAUPHIN. Presentée à l'Académie des Jeux Floraux.
O DE
SUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
Prefentée à l'Académie des Jeux Floraux.
QU
>
Uelle eft cette nouvelle aimable ,
Qu'annonce le Courier des Cieux !
D'où naît ce Spectacle agréable
Qui par tout s'étale à mes yeux ?
O puiffans Dieux ! que de merveilles !
Que de voix frappent mes oreilles
B vj
Da
1936 MERCURE DE FRANCE
Devos éloges immortels !
Quel don fi grand fait à la France ,
L'oblige par reconnoiffance ,
A charger d'encens vos Autels ?
Mais que vois -je ? Eft- ce vous , Aftrée ,
Qui defcendez vers les François ?
Peuples ; cette Vierge facrée ,
Vient faire refleurir fes Loix..
J'apperçois marcher fur ces traces ,
Précedé des trois jeunes Graces , *
Un enfant plein de majeſté .
Mon coeur ſent déja ſa puiſſance ,
Et fous le voile de l'enfance
Découvre fa Divinité .
Hâte-toi pour voir ce Miracle ,
Soleil , quitte le fein des Mers ,
Mais où fuit ce divin fpectacle ?
Quel nuage obfcurcit les Airs ?
Un vent impetueux fe leve ,
Son fouffe rapide m'enleve ,
Jufques dans le féjour des Dieux.
Dois -je m'expliquer
ou me taire ?
Dois -je publier le myftere ,
Qui ſe développe à mes yeux.
* Mefdames de Frances
f
Fran
SEPTEMBRE. 1730. 1937
François , voici l'heure fatale ,
Qui doit terminer tous vos maux .
Pour terraffer l'Hydre infernale ,
Le Ciel vous accorde un Heros.
倉
Je la voi ; cette Hydre indomptable ,
En vain à ce coup qui l'accable ,
S'arme de toute la fureur.
LOUIS naiffant , lance fa foudre ,
Ses têtes réduites en poudre ,
Ne font plus qu'un objet d'horreur.
Toi qui pour un Dauphin paifible ,
Formois tous les jours mille voeux ,
Fleury , s'il paroît fi terrible ,
<
Ce n'eft que pour nous rendre heureux.
S'il paroît armé d'un Tonnerre ,
Ce n'eft que pour purger la Terre ,
Des Monitres qui troublent la Paix.
Bientôt fa main prendra la Lyre ,
Et la douceur de fon Empire ,
Surpaffera tous nos fouhaits.
M
Puiffe cet Enfant adorable ,
Croiffant tous les jours en fplendeur ,
A toute la terre habitable ,
Faire refpecter fa grandeur,
Le Janfenifme,
Puiffent
1938 MERCURE DE FRANCE
Puiffent les fages Deſtinées ,
D'une longue fuite d'années ,
Orner fes paifibles vertus ;
Et de cette Tige féconde ,
Faire
pour
le bonheur du Monde ,
Sortir mille nouveaux Titus.
Ainfi dans une Forêt fombre ,
On voit le Cedre précieux ,
Couvrir la Terre de fon ombre ,
Et lever fon front jufqu'aux Cieux.
Ainfi dans de vaftes Campagnes ,
Un Fleuve du haut des Montagnes ,
Roule avec majeſté ſes Flots ,
Et dans fon cours formant cent Iſles ,
Va porter dans toutes les Villes ,
La fécondité de les Eaux.
Mais quelles pompeufes images ,
Viennent encor frapper mes fens ?
Jupiter ( quels heureux préſages )
Admire fes charmes naiffans.
Bacchus , Cerés , Pomone & Flore ,
Courent vers ceete jeune Aurore ,
Mettre leurs prefens à fes pieds,
Cybele offre fon Diadême ,
Neptune , fon pouvoir fuprême ,
Et Phebus fes nobles Lauriers.
DAUSEPTEMBRE.
1730. 1939
de naître , DAUPHIN , tu ne fais que
Et tout reconnoît ton pouvoir ,
Le Heros qui t'a donné l'être ,
Sur toi fonde tout fon eſpoir ,
Voi comme l'Univers s'empreſſe ,
Par mille marques d'allegreſſe ,
De te témoigner ſes tranfports.
Pour en tracer une peinture ,
Voi comme l'Art & la Nature ,
Semblent épuifer leurs tréfois.
Venez , volez, Troupe * immortelle
Venez voir cet Amour nouveau ,
Venez pour marquer votre zele ,
Couvrir de vos fleurs fon Berceau .
Qu'on n'entende plus les Trompettes ;
Bergers , que vos tendres Mufettes ,
Animent feules nos Concerts.
LOUIS a triomphé des vices :
La Paix va faire fes délices ,
Et lui celles de l'Univers.
ร
Pacatum reget patris virtutibus orbem.
* Meffieurs de l'Académie.
L'Abbé LAVIT , d'Agde:
SUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
Prefentée à l'Académie des Jeux Floraux.
QU
>
Uelle eft cette nouvelle aimable ,
Qu'annonce le Courier des Cieux !
D'où naît ce Spectacle agréable
Qui par tout s'étale à mes yeux ?
O puiffans Dieux ! que de merveilles !
Que de voix frappent mes oreilles
B vj
Da
1936 MERCURE DE FRANCE
Devos éloges immortels !
Quel don fi grand fait à la France ,
L'oblige par reconnoiffance ,
A charger d'encens vos Autels ?
Mais que vois -je ? Eft- ce vous , Aftrée ,
Qui defcendez vers les François ?
Peuples ; cette Vierge facrée ,
Vient faire refleurir fes Loix..
J'apperçois marcher fur ces traces ,
Précedé des trois jeunes Graces , *
Un enfant plein de majeſté .
Mon coeur ſent déja ſa puiſſance ,
Et fous le voile de l'enfance
Découvre fa Divinité .
Hâte-toi pour voir ce Miracle ,
Soleil , quitte le fein des Mers ,
Mais où fuit ce divin fpectacle ?
Quel nuage obfcurcit les Airs ?
Un vent impetueux fe leve ,
Son fouffe rapide m'enleve ,
Jufques dans le féjour des Dieux.
Dois -je m'expliquer
ou me taire ?
Dois -je publier le myftere ,
Qui ſe développe à mes yeux.
* Mefdames de Frances
f
Fran
SEPTEMBRE. 1730. 1937
François , voici l'heure fatale ,
Qui doit terminer tous vos maux .
Pour terraffer l'Hydre infernale ,
Le Ciel vous accorde un Heros.
倉
Je la voi ; cette Hydre indomptable ,
En vain à ce coup qui l'accable ,
S'arme de toute la fureur.
LOUIS naiffant , lance fa foudre ,
Ses têtes réduites en poudre ,
Ne font plus qu'un objet d'horreur.
Toi qui pour un Dauphin paifible ,
Formois tous les jours mille voeux ,
Fleury , s'il paroît fi terrible ,
<
Ce n'eft que pour nous rendre heureux.
S'il paroît armé d'un Tonnerre ,
Ce n'eft que pour purger la Terre ,
Des Monitres qui troublent la Paix.
Bientôt fa main prendra la Lyre ,
Et la douceur de fon Empire ,
Surpaffera tous nos fouhaits.
M
Puiffe cet Enfant adorable ,
Croiffant tous les jours en fplendeur ,
A toute la terre habitable ,
Faire refpecter fa grandeur,
Le Janfenifme,
Puiffent
1938 MERCURE DE FRANCE
Puiffent les fages Deſtinées ,
D'une longue fuite d'années ,
Orner fes paifibles vertus ;
Et de cette Tige féconde ,
Faire
pour
le bonheur du Monde ,
Sortir mille nouveaux Titus.
Ainfi dans une Forêt fombre ,
On voit le Cedre précieux ,
Couvrir la Terre de fon ombre ,
Et lever fon front jufqu'aux Cieux.
Ainfi dans de vaftes Campagnes ,
Un Fleuve du haut des Montagnes ,
Roule avec majeſté ſes Flots ,
Et dans fon cours formant cent Iſles ,
Va porter dans toutes les Villes ,
La fécondité de les Eaux.
Mais quelles pompeufes images ,
Viennent encor frapper mes fens ?
Jupiter ( quels heureux préſages )
Admire fes charmes naiffans.
Bacchus , Cerés , Pomone & Flore ,
Courent vers ceete jeune Aurore ,
Mettre leurs prefens à fes pieds,
Cybele offre fon Diadême ,
Neptune , fon pouvoir fuprême ,
Et Phebus fes nobles Lauriers.
DAUSEPTEMBRE.
1730. 1939
de naître , DAUPHIN , tu ne fais que
Et tout reconnoît ton pouvoir ,
Le Heros qui t'a donné l'être ,
Sur toi fonde tout fon eſpoir ,
Voi comme l'Univers s'empreſſe ,
Par mille marques d'allegreſſe ,
De te témoigner ſes tranfports.
Pour en tracer une peinture ,
Voi comme l'Art & la Nature ,
Semblent épuifer leurs tréfois.
Venez , volez, Troupe * immortelle
Venez voir cet Amour nouveau ,
Venez pour marquer votre zele ,
Couvrir de vos fleurs fon Berceau .
Qu'on n'entende plus les Trompettes ;
Bergers , que vos tendres Mufettes ,
Animent feules nos Concerts.
LOUIS a triomphé des vices :
La Paix va faire fes délices ,
Et lui celles de l'Univers.
ร
Pacatum reget patris virtutibus orbem.
* Meffieurs de l'Académie.
L'Abbé LAVIT , d'Agde:
Fermer
Résumé : ODE SUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DAUPHIN. Presentée à l'Académie des Jeux Floraux.
Le poème célèbre la naissance du Dauphin, futur Louis XV, présentée à l'Académie des Jeux Floraux. L'auteur exprime sa joie et son émerveillement, y voyant un signe divin. Il décrit une scène céleste où des dieux comme Jupiter, Bacchus, Cérès, Pomone, Flore, Cybèle, Neptune et Phébus honorent le nouveau-né. Le poème évoque la victoire du Dauphin sur l'Hydre infernale, symbolisant les maux et les troubles, et prédit un règne de paix et de douceur. L'auteur souhaite une longue vie au Dauphin, comparant sa future grandeur à celle d'un cèdre ou d'un fleuve majestueux. Il appelle les membres de l'Académie à célébrer cet événement avec des fleurs et des musiques douces, marquant la fin des vices et l'avènement de la paix. Le poème se conclut par une citation latine soulignant le règne pacifique du Dauphin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 1940-1942
LETTRE de M. L. C. S... à M. de B. Brigadier des Armées du Roy, & Colonel d'un Régiment Suisse au Service de Sa Majesté.
Début :
MONSIEUR, Quoique Suisse, j'ai le coeur assez François pour me joindre aux Concerts universels [...]
Mots clefs :
Naissance du Dauphin, Dauphin, Lausanne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. L. C. S... à M. de B. Brigadier des Armées du Roy, & Colonel d'un Régiment Suisse au Service de Sa Majesté.
LETTRE de M. L.C. S... à M. de
B. Brigadier des Armées du Roy , &
Colonel d'un Régiment Suiffe au Service
de Sa Majesté.
6
MONSIEU SIEUR ,
Quoique Suiffe , j'ai le coeur affez François
pour me joindre aux Concerts unìverfels
de la France ; & à ce titre , je me
réjouis veritablement du fujet de fes vives
acclamations , mais ne fut- ce qu'en
qualité d'homme , je fuis charmé d'un
évenement qui affermit fi generalement
la Paix . C'eſt fans doute le plus grand fruit
de la Naiffance de Monfeigneur le Dauphin
, & dès - là ce Prince doit être reçû
avec empreffement de toute l'Europe.
Je rêvois dernierement au bonheur
qu'un feul homme affure à tant d'autres,
lorfqu'une des Mufes parut devant moi.
Je jugeai que c'en étoit une à fa démarche
noble & mefurée , & à un éclat qui furpaffoit
celui des plus blelles fleurs .
Elle avoit certain air de douce complaifance ,
wx
Que lui donnoit cette Naiffance ,
Et fembloit renoncer à la ſeverité ,
Qu'éloigné la Profperité.
Je
SEPTEMBRE. 1730. 1941
Je me tirai à l'écart rempli de reſpect ,
perfuadé que je ne pouvois rien avoir à
démêler avec une Immortelle que je n'ofois
pas même adorer. Quelle fut ma furprife
, lorfqu'elle m'adreffa ainfi la parole !
O vous , Mortel , qui que vous foyez ,
qui croupiffez dans une molle indolence,
mon infpiration ne fçauroit- elle aller jufqu'à
vous ? mon audace lyrique ne
pourroit-elle vous échauffer ? Un demi
Dieu qui vient de naître , n'eft- il pas un
affez grand fujet pour exciter votre émulation
? Trop grand mille fois ( lui répon
dis- je ) à peine ofai- je chanter le repos que
je goute & le loifir dont je joüis , mes Airs
ne roulent que fur des fujets fimples &
champêtres ; une Mufette eft le feul Inftrument
que je connois , & la Lyre majeftueufe
tomberoit infailliblement de mes
mains.
Prenez -la fans confequence ( pourfuivit-
elle. ) Il y en a trop ( lui répartis-je )
à méconnoître fes talens . Je vous aiderai
( ajoûta- t - elle . ) Ah ! mon incapacité , lui
dis -je , eft au - deffus de votre pouvoir ;
allez donc , reprit-elle d'un air courroucé,
allez begaïer à l'avanture ; mais du moins
femez quelques fleurs fur le Berceau du
nouveau né. Elle part , & je fors de ma
rêverie : de toute cette apparition il ne me
refte que de l'ardeur.Un zele vif mais mal
foute1942
MERCURE DE FRANCE
foutenu , fut tout ce que la Mufe divine
ine laiffe en partage , cependant :,
Je parcourus nos Montagnes ,
Je courus dans nos Campagnes ,
Pour faire de tout mon coeur ,
Un Bouquet à Monfeigneur ,
S'il peche dans l'Ordonnance ,
Ou s'il manque d'agrement ,
C'est qu'on dit ce que l'on penſe ,
Et non pas ce que l'on fent.
Voilà , Monfieur , tout ce qui m'eſt
arrivé , & il ne me faloit pas moins qu'un
Brigadier des plus zelez qu'ait notre Nation
au fervice de la France , pour Confident
de mon zele & mes legers travaux.
Ce ne fera , fi vous voulez , qu'un Fufée
entre mille autres , ou même qu'une fleur
fur tout un Parterre ; mais ce fera affez
de cette fleur , fi l'augufte nom dont elle
fe couvre peut en faire une IMMORTELLE.
J'ai l'honneur d'être , & c.
A Lauzanne ce 1. Octobre 1729.
Nous n'avons reçû cette Lettre qui
contenoit auffi l'Ode qui fuit , que le 28.
Août.
B. Brigadier des Armées du Roy , &
Colonel d'un Régiment Suiffe au Service
de Sa Majesté.
6
MONSIEU SIEUR ,
Quoique Suiffe , j'ai le coeur affez François
pour me joindre aux Concerts unìverfels
de la France ; & à ce titre , je me
réjouis veritablement du fujet de fes vives
acclamations , mais ne fut- ce qu'en
qualité d'homme , je fuis charmé d'un
évenement qui affermit fi generalement
la Paix . C'eſt fans doute le plus grand fruit
de la Naiffance de Monfeigneur le Dauphin
, & dès - là ce Prince doit être reçû
avec empreffement de toute l'Europe.
Je rêvois dernierement au bonheur
qu'un feul homme affure à tant d'autres,
lorfqu'une des Mufes parut devant moi.
Je jugeai que c'en étoit une à fa démarche
noble & mefurée , & à un éclat qui furpaffoit
celui des plus blelles fleurs .
Elle avoit certain air de douce complaifance ,
wx
Que lui donnoit cette Naiffance ,
Et fembloit renoncer à la ſeverité ,
Qu'éloigné la Profperité.
Je
SEPTEMBRE. 1730. 1941
Je me tirai à l'écart rempli de reſpect ,
perfuadé que je ne pouvois rien avoir à
démêler avec une Immortelle que je n'ofois
pas même adorer. Quelle fut ma furprife
, lorfqu'elle m'adreffa ainfi la parole !
O vous , Mortel , qui que vous foyez ,
qui croupiffez dans une molle indolence,
mon infpiration ne fçauroit- elle aller jufqu'à
vous ? mon audace lyrique ne
pourroit-elle vous échauffer ? Un demi
Dieu qui vient de naître , n'eft- il pas un
affez grand fujet pour exciter votre émulation
? Trop grand mille fois ( lui répon
dis- je ) à peine ofai- je chanter le repos que
je goute & le loifir dont je joüis , mes Airs
ne roulent que fur des fujets fimples &
champêtres ; une Mufette eft le feul Inftrument
que je connois , & la Lyre majeftueufe
tomberoit infailliblement de mes
mains.
Prenez -la fans confequence ( pourfuivit-
elle. ) Il y en a trop ( lui répartis-je )
à méconnoître fes talens . Je vous aiderai
( ajoûta- t - elle . ) Ah ! mon incapacité , lui
dis -je , eft au - deffus de votre pouvoir ;
allez donc , reprit-elle d'un air courroucé,
allez begaïer à l'avanture ; mais du moins
femez quelques fleurs fur le Berceau du
nouveau né. Elle part , & je fors de ma
rêverie : de toute cette apparition il ne me
refte que de l'ardeur.Un zele vif mais mal
foute1942
MERCURE DE FRANCE
foutenu , fut tout ce que la Mufe divine
ine laiffe en partage , cependant :,
Je parcourus nos Montagnes ,
Je courus dans nos Campagnes ,
Pour faire de tout mon coeur ,
Un Bouquet à Monfeigneur ,
S'il peche dans l'Ordonnance ,
Ou s'il manque d'agrement ,
C'est qu'on dit ce que l'on penſe ,
Et non pas ce que l'on fent.
Voilà , Monfieur , tout ce qui m'eſt
arrivé , & il ne me faloit pas moins qu'un
Brigadier des plus zelez qu'ait notre Nation
au fervice de la France , pour Confident
de mon zele & mes legers travaux.
Ce ne fera , fi vous voulez , qu'un Fufée
entre mille autres , ou même qu'une fleur
fur tout un Parterre ; mais ce fera affez
de cette fleur , fi l'augufte nom dont elle
fe couvre peut en faire une IMMORTELLE.
J'ai l'honneur d'être , & c.
A Lauzanne ce 1. Octobre 1729.
Nous n'avons reçû cette Lettre qui
contenoit auffi l'Ode qui fuit , que le 28.
Août.
Fermer
Résumé : LETTRE de M. L. C. S... à M. de B. Brigadier des Armées du Roy, & Colonel d'un Régiment Suisse au Service de Sa Majesté.
La lettre de M. L.C. S... à M. de B., Brigadier des Armées du Roy et Colonel d'un Régiment Suisse, exprime la joie de l'auteur pour la naissance du Dauphin, qui consolide la paix en Europe. Bien que Suisse, l'auteur se réjouit des acclamations en France et admire la paix résultant de cet événement. Dans un rêve, une Muse lui apparaît et le pousse à célébrer la naissance du Dauphin. Initialement réticent, l'auteur accepte de composer un poème en l'honneur du nouveau-né. La Muse disparaît, laissant l'auteur rempli d'ardeur et de zèle. Il parcourt montagnes et campagnes pour composer un bouquet poétique en l'honneur du Dauphin, reconnaissant que son œuvre est modeste mais sincère. La lettre se conclut par l'envoi de cette ode à M. de B., espérant qu'elle puisse être considérée comme une œuvre immortelle. La lettre est datée du 1er octobre 1729 et a été reçue le 28 août.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 1943-1945
ODE SUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DAUPHIN.
Début :
Redoublez l'éclat de vos Fêtes, [...]
Mots clefs :
Naissance du Dauphin, Dauphin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE SUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DAUPHIN.
ODE
SUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN,
Redoublez l'éclat de vos Fêtes ,
France , un nouvel Aftre vous luit.
Quel préfage pour vos conquêtes ,
Que le bonheur qui le conduit !
Un jeune Alcide vient de naître ,
Il fort des BOURBONS & doit être
Un jour pere de fes Sujets ;
Que de merveilles j'en augure !
Heureuſe la Race future ,
Qui doit jouir de ſes bienfaits !
Tel qu'un Phénix qui de fa cendre ,
Sort plus brillant , plus glorieux ,
Tel lorfqu'on devoit moins l'attendre ,
LOUIS renaît de fes Ayeux .
En vain la Parque meurtriere ,
Veut précipiter la carriere ,'
Des Princes , * vos tendres amours ;
* Les Princes morts en 1712.
En
1944 MERCURE DE FRANCE
En vain la mort cruelle frappe ,
A fes coups le plus foible échappe
Elle ne peut rien fur les jours.
Les plus auguftes Deſtinées ,
Veillent fur fon facré Berceau ;
Elles refervent fes années ,
Pour quelque Miracle nouveau.
Pallas le couvrant de l'Egide ,
En Philippe lui donné un guide ,
Sçavant dans l'art de bien regner ,
Et dans la plus tendre jeuneffe
Fleury vient graver la fageffe ,
Dans fon coeur qu'il fçut lui gagner.
M
Mais encor trop frêle efperance ,
Dont l'objet peut fi -tôt finir !
Lui feul nourrit la confiance ,
Mais peut-il feul la foutenir ?
Quelle joye il fe multiplie :
Une double chaîne vous lie ,
A votre aimable Souverain ;
Et pour prix de vos voeux finceres
François , le Ciel ne tarde gueres ,
A vous accorder un DAUPHIN,
M
C'en eft fait, vos craintes finiffent;
11
SEPTEMBRE . 1730. 1945
Il affermit votre repos :
Déja vos ennemis frémiffent ,
De voir s'augmenter vos Heros :
La Paix regne dans leur Empire ;
La Diſcorde en fureur , foupire ,
Des Traits qui lui font arrachez,
En attendant que la Victoire ,
Ecrive au Temple de memoire
Des Exploits qui nous font cachez.
SUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN,
Redoublez l'éclat de vos Fêtes ,
France , un nouvel Aftre vous luit.
Quel préfage pour vos conquêtes ,
Que le bonheur qui le conduit !
Un jeune Alcide vient de naître ,
Il fort des BOURBONS & doit être
Un jour pere de fes Sujets ;
Que de merveilles j'en augure !
Heureuſe la Race future ,
Qui doit jouir de ſes bienfaits !
Tel qu'un Phénix qui de fa cendre ,
Sort plus brillant , plus glorieux ,
Tel lorfqu'on devoit moins l'attendre ,
LOUIS renaît de fes Ayeux .
En vain la Parque meurtriere ,
Veut précipiter la carriere ,'
Des Princes , * vos tendres amours ;
* Les Princes morts en 1712.
En
1944 MERCURE DE FRANCE
En vain la mort cruelle frappe ,
A fes coups le plus foible échappe
Elle ne peut rien fur les jours.
Les plus auguftes Deſtinées ,
Veillent fur fon facré Berceau ;
Elles refervent fes années ,
Pour quelque Miracle nouveau.
Pallas le couvrant de l'Egide ,
En Philippe lui donné un guide ,
Sçavant dans l'art de bien regner ,
Et dans la plus tendre jeuneffe
Fleury vient graver la fageffe ,
Dans fon coeur qu'il fçut lui gagner.
M
Mais encor trop frêle efperance ,
Dont l'objet peut fi -tôt finir !
Lui feul nourrit la confiance ,
Mais peut-il feul la foutenir ?
Quelle joye il fe multiplie :
Une double chaîne vous lie ,
A votre aimable Souverain ;
Et pour prix de vos voeux finceres
François , le Ciel ne tarde gueres ,
A vous accorder un DAUPHIN,
M
C'en eft fait, vos craintes finiffent;
11
SEPTEMBRE . 1730. 1945
Il affermit votre repos :
Déja vos ennemis frémiffent ,
De voir s'augmenter vos Heros :
La Paix regne dans leur Empire ;
La Diſcorde en fureur , foupire ,
Des Traits qui lui font arrachez,
En attendant que la Victoire ,
Ecrive au Temple de memoire
Des Exploits qui nous font cachez.
Fermer
Résumé : ODE SUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DAUPHIN.
Le poème célèbre la naissance du Dauphin, héritier du trône de France, en exprimant la joie et l'espoir qu'elle suscite. L'enfant est vu comme un futur grand roi, comparable à Louis XIV. Le texte évoque la protection divine et la sagesse qui guideront le Dauphin, comparé à Hercule pour sa force et à un phénix pour sa renaissance glorieuse. La mort est décrite comme impuissante face à sa destinée exceptionnelle, protégé qu'il est par les dieux et entouré de guides sages comme Philippe et Fleury. La naissance du Dauphin est perçue comme un signe de prospérité et de paix pour la France, inspirant la crainte des ennemis et la joie du peuple. Le poème se conclut par l'annonce de la fin des craintes et l'affirmation de la paix dans l'empire, en attendant de futures victoires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 1945
PRIERE, Pour Monseigneur LE DAUPHIN.
Début :
O Ciel ! fais qu'en naissant il aime la justice, [...]
Mots clefs :
Naissance du Dauphin, Dauphin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PRIERE, Pour Monseigneur LE DAUPHIN.
PRIERE 2
Pour Monfeigneur LE DAUPHIN,
Ciel ! fais qu'en naiffant il aime la juſtice ,
Qu'à fes Sujets futurs ramenant l'âge d'or ,
Il joigne , s'il fe peut , la fageffe d'Uliffe ,
A la vieilleffe de Neftor.
Pour Monfeigneur LE DAUPHIN,
Ciel ! fais qu'en naiffant il aime la juſtice ,
Qu'à fes Sujets futurs ramenant l'âge d'or ,
Il joigne , s'il fe peut , la fageffe d'Uliffe ,
A la vieilleffe de Neftor.
Fermer
7
p. 1945-1950
RÉPLIQUE du premier Musicien à l'Ecrit du second, inseré au Mercure de Juin 1730.
Début :
Quelle difference, Monsieur, de votre Conférence à votre derniere [...]
Mots clefs :
Harmonie, Triton, Musique, Accompagnement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPLIQUE du premier Musicien à l'Ecrit du second, inseré au Mercure de Juin 1730.
REPLIQUE du premier Muficien
à l'Ecrit du fecond , inferé au Mercure
de Juin 1730 .
Q
Uelle difference , Monfieur, de votre
Conférence à votre derniere
Réponse ! Là , vous fappiez jufqu'aux
fondemens de ma Méthode d'Accompa
gnement ; ici , vous convenez qu'elle
fuffit
1946 MERCURE DE FRANCE
fuffit feule , & qu'elle a ce merite au -deffus
de toutes les autres.
On doit affez juger de - là , que vous
ne connoiffiez pas ma Méthode , lorfque
vous l'avez attaquée ; puifqu'à la vûë du
feul Plan que je vous en ai donné , vous
paffez tout d'un coup de la Critique à
Approbation ; car lorfque vous dites
page 1082. Tout confideré , je conclus qu'il
étoit plus à propos de l'enfeigner plus tard ;
cela ne fignifie autre chofe , finon , que
comme la meilleure , vous voulez la garder
pour fuppléer aux autres , qui fuivant
ce que vous ajoutez fix lignes plus
bas , ne fuffifent pas pour perfectionner entierement
, fans quelques explications réſervées
aux Maitres : C'eft à ce coup que
la force de la verité vous a fait parler ;
mais il vous fied mal , après un tel aveu ,
de dire que ma Méthode ne vous a pas
réuffi auprès des Commençans : fi cela
eft , il faut que vous l'ayez expliquée
fans fuivre l'ordre du Plan , qui renferme
feul , j'ofe le dire , l'idée la plus claire
, la plus fimple , & la plus préciſe
qu'on ait jamais donné de l'harmonie ,
qui fournit les moyens de pratique les
plus faciles & les plus courts , qu'aucun
Maître ait jamais employés , & qui par
conféquent doit procurer à toutes fortes
de perfonnes , la connoiffance la plus
par
SEPTEMBRE. 1730. 1947
parfaite , & la poffeffion la plus rapide
de l'Accompagnement.
C'eft envain , Monfieur , que pour ravir
de nouveau à ma Méthode le merite
de fuffire feule , vous affectez de dire
qu'elle eft difficile , & que vous m'accufez
de l'avoir remplie de deffauts dans
fa pratique , deffauts qui forment les
fix Objections écrites dans votre Conférence
; vous ne prenez donc pas garde
que vous n'avez rien prouvé ni répliqué
à cet égard : En ai-je agi de même lorfque
j'ai fait voir le cahos qui régné dans
votre Méthode , ou fi vous voulez , dans
votre maniere d'enfeigner . Vos fix Objections
font tombées dès l'examen que
j'ai fait de votre Conférence , & le Plan
donné les anéantit tellement , qu'on peut
prononcer dès à préfent fur ce fujet
fans attendre l'entiere impreffion de la
Méthode ; ce délai que vous prenez ne
vous difpenfe point d'entrer en preuve ;
fi non , ma Méthode comme vous dites
, fuffit feule , & a ce merite au - deffus
des autres ; je m'en tiens à vos termes.
و
9
A quelle extrêmité n'êtes vous pas
réduit , M. après un tel aveu , lorfque
vous vous efforcez de jetter fur ma Méthode
un foupçon de difficulté les
exemples que vous rapportez à cet égard
con1948
MERCURE DE FRANCE
confiftent en un feul fait que vous ne
fçavez pas bien , & qui prouveroit , tout
au plus , le peu de juftice qu'une perſonne
a rendue à fa propre difpofition ; tandis
qu'elle n'a pu s'empêcher de reconnoître
autentiquement la fuperiorité que
Vous venez vous - même , de garantir.
Qu'entendez - vous d'ailleurs par ces explications,
que vous dites être réfervées
aux Maîtres, pour fuppléer aux deffauts de
leur méthode ? S'ils fe réfervent d'explique
les principes qu'ils nous ont donnés,
à la bonne heure ; mais fi ces principes font
encore peu de chofe , en comparaifon
de ceux dont ils n'ont jamais fait mention
; furquoi tombe leur réſerve , fi ce
n'eft fur ce qu'il y a de plus effentiel ?
Rendez leur plus de juftice , & ne leur
imputez pas , comme je l'ai déja dit ailleurs
, une pareille charlatanerie . Pour
vous , M. vous n'en êtes point fufpe &t ;
vous profeffiez la Baffe fondamentale
avant la découverte ; vous critiquiez , ou
enfeigniez ma Méthode d'Accompagnement
avant que de la connoître : mais il
eft bien étonnant , qu'avec de fi grands
avantages , s'il s'agit de réfoudre une
fimple question , vous ne manquiez jamais
de prendre à gauche ; en voici la
preuve.
Vous venez de développer bien du faux,
ditesSEPTEMBRE
. 1730. 1949
dites-vous , dans mon expofé ( Mercure
de Février 1730 , page 262. ) ne vous
avois- je pas affez averti qu'il y avoit là
un conflit de régles oppofées , & réciproquement
fujettes à de fauffes applications
, pour que vous dûffiez bien prendre
garde à ne pas vous y tromper ? Si
c'eft ainfi que vous avez fait ufage de ma
Méthode , je ne fuis plus furpris de fa
mauvaiſe fortune.
Je n'ai parlé en cet endroit que du
feul intervale compofé de trois tons ,
appellé Triton ; ma comparaifon y roule
fur la maniere , dont il eft dit communément
qu'il fe fauve , où par conféquent
il s'agit de deux differents fonds
d'harmonie , l'un pour le Triton , & l'au
tre pour la 6° ; & vous, pour me relever,
vous y faites toujours fubfifter le même
fond d'harmonie , où le Triton peut fe
changer en 8 , en 6 ° , en 3 ° , & en se
Si la chofe peut s'entendre ainfi , je n'y
ai donc pas tout fpecifié ; & vous deviez
me le reprocher ; car ce Triton peut fe
changer encore en une fuperfluë , &
& en une 7 fuperflue , avec le même fond
d'harmonie : ce que j'aurois dû dire¸ £
j'euffe voulu parler d'un pareil changement
, & c'est ce qu'il falloit examiner
avant que de me faire votre objection.
Suppofons cependant que vous ayez
C bien
1950 MERCURE DE FRANCE
>
3
bien rencontré , ce ne fera encore là
qu'un côté de l'objet ; s'il y en a d'autres
, ils ne devoient pas vous échapper :
or fans vous affujettir davantage au
fond des chofes , ouvrez le livre d'Accompagnement
de l'Organifte renommé
que vous citez , vous y verrez , page
XVII. unTriton particulier, qui refte fur
le même degré , pour former enfuite la
se vous verrez deux accords differens
deux differens fonds d'harmonie dans
cette fucceffion , comme dans celle du
Triton , fauvé de la 6° ; & vous pourrez
voir , à votre loifir , qu'en fubftituant
certaines autres Notes à celle qui
porte ici la se , ce même Triton pourra
toujours refter fur le même degré , pour
en former l'8 , la 3 * , ou laj 6. Ĵ'aurois
pû y ajouter la 7 ; mais j'ai craint
que la fuppofition qui y régne pour lors ,
ne fervit à vous écarter encore du point
de la queſtion.
e
Il faut plus de fagacité pour critiquer ;
ne voir qu'un côté de l'objet , c'eft prefque
ne rien voir ; & ne pas voir celui
qui a le plus de rapport à la queftion
c'eft le comble de l'aveuglement , & le
prix ordinaire de toutes vos Objec
tions.
à l'Ecrit du fecond , inferé au Mercure
de Juin 1730 .
Q
Uelle difference , Monfieur, de votre
Conférence à votre derniere
Réponse ! Là , vous fappiez jufqu'aux
fondemens de ma Méthode d'Accompa
gnement ; ici , vous convenez qu'elle
fuffit
1946 MERCURE DE FRANCE
fuffit feule , & qu'elle a ce merite au -deffus
de toutes les autres.
On doit affez juger de - là , que vous
ne connoiffiez pas ma Méthode , lorfque
vous l'avez attaquée ; puifqu'à la vûë du
feul Plan que je vous en ai donné , vous
paffez tout d'un coup de la Critique à
Approbation ; car lorfque vous dites
page 1082. Tout confideré , je conclus qu'il
étoit plus à propos de l'enfeigner plus tard ;
cela ne fignifie autre chofe , finon , que
comme la meilleure , vous voulez la garder
pour fuppléer aux autres , qui fuivant
ce que vous ajoutez fix lignes plus
bas , ne fuffifent pas pour perfectionner entierement
, fans quelques explications réſervées
aux Maitres : C'eft à ce coup que
la force de la verité vous a fait parler ;
mais il vous fied mal , après un tel aveu ,
de dire que ma Méthode ne vous a pas
réuffi auprès des Commençans : fi cela
eft , il faut que vous l'ayez expliquée
fans fuivre l'ordre du Plan , qui renferme
feul , j'ofe le dire , l'idée la plus claire
, la plus fimple , & la plus préciſe
qu'on ait jamais donné de l'harmonie ,
qui fournit les moyens de pratique les
plus faciles & les plus courts , qu'aucun
Maître ait jamais employés , & qui par
conféquent doit procurer à toutes fortes
de perfonnes , la connoiffance la plus
par
SEPTEMBRE. 1730. 1947
parfaite , & la poffeffion la plus rapide
de l'Accompagnement.
C'eft envain , Monfieur , que pour ravir
de nouveau à ma Méthode le merite
de fuffire feule , vous affectez de dire
qu'elle eft difficile , & que vous m'accufez
de l'avoir remplie de deffauts dans
fa pratique , deffauts qui forment les
fix Objections écrites dans votre Conférence
; vous ne prenez donc pas garde
que vous n'avez rien prouvé ni répliqué
à cet égard : En ai-je agi de même lorfque
j'ai fait voir le cahos qui régné dans
votre Méthode , ou fi vous voulez , dans
votre maniere d'enfeigner . Vos fix Objections
font tombées dès l'examen que
j'ai fait de votre Conférence , & le Plan
donné les anéantit tellement , qu'on peut
prononcer dès à préfent fur ce fujet
fans attendre l'entiere impreffion de la
Méthode ; ce délai que vous prenez ne
vous difpenfe point d'entrer en preuve ;
fi non , ma Méthode comme vous dites
, fuffit feule , & a ce merite au - deffus
des autres ; je m'en tiens à vos termes.
و
9
A quelle extrêmité n'êtes vous pas
réduit , M. après un tel aveu , lorfque
vous vous efforcez de jetter fur ma Méthode
un foupçon de difficulté les
exemples que vous rapportez à cet égard
con1948
MERCURE DE FRANCE
confiftent en un feul fait que vous ne
fçavez pas bien , & qui prouveroit , tout
au plus , le peu de juftice qu'une perſonne
a rendue à fa propre difpofition ; tandis
qu'elle n'a pu s'empêcher de reconnoître
autentiquement la fuperiorité que
Vous venez vous - même , de garantir.
Qu'entendez - vous d'ailleurs par ces explications,
que vous dites être réfervées
aux Maîtres, pour fuppléer aux deffauts de
leur méthode ? S'ils fe réfervent d'explique
les principes qu'ils nous ont donnés,
à la bonne heure ; mais fi ces principes font
encore peu de chofe , en comparaifon
de ceux dont ils n'ont jamais fait mention
; furquoi tombe leur réſerve , fi ce
n'eft fur ce qu'il y a de plus effentiel ?
Rendez leur plus de juftice , & ne leur
imputez pas , comme je l'ai déja dit ailleurs
, une pareille charlatanerie . Pour
vous , M. vous n'en êtes point fufpe &t ;
vous profeffiez la Baffe fondamentale
avant la découverte ; vous critiquiez , ou
enfeigniez ma Méthode d'Accompagnement
avant que de la connoître : mais il
eft bien étonnant , qu'avec de fi grands
avantages , s'il s'agit de réfoudre une
fimple question , vous ne manquiez jamais
de prendre à gauche ; en voici la
preuve.
Vous venez de développer bien du faux,
ditesSEPTEMBRE
. 1730. 1949
dites-vous , dans mon expofé ( Mercure
de Février 1730 , page 262. ) ne vous
avois- je pas affez averti qu'il y avoit là
un conflit de régles oppofées , & réciproquement
fujettes à de fauffes applications
, pour que vous dûffiez bien prendre
garde à ne pas vous y tromper ? Si
c'eft ainfi que vous avez fait ufage de ma
Méthode , je ne fuis plus furpris de fa
mauvaiſe fortune.
Je n'ai parlé en cet endroit que du
feul intervale compofé de trois tons ,
appellé Triton ; ma comparaifon y roule
fur la maniere , dont il eft dit communément
qu'il fe fauve , où par conféquent
il s'agit de deux differents fonds
d'harmonie , l'un pour le Triton , & l'au
tre pour la 6° ; & vous, pour me relever,
vous y faites toujours fubfifter le même
fond d'harmonie , où le Triton peut fe
changer en 8 , en 6 ° , en 3 ° , & en se
Si la chofe peut s'entendre ainfi , je n'y
ai donc pas tout fpecifié ; & vous deviez
me le reprocher ; car ce Triton peut fe
changer encore en une fuperfluë , &
& en une 7 fuperflue , avec le même fond
d'harmonie : ce que j'aurois dû dire¸ £
j'euffe voulu parler d'un pareil changement
, & c'est ce qu'il falloit examiner
avant que de me faire votre objection.
Suppofons cependant que vous ayez
C bien
1950 MERCURE DE FRANCE
>
3
bien rencontré , ce ne fera encore là
qu'un côté de l'objet ; s'il y en a d'autres
, ils ne devoient pas vous échapper :
or fans vous affujettir davantage au
fond des chofes , ouvrez le livre d'Accompagnement
de l'Organifte renommé
que vous citez , vous y verrez , page
XVII. unTriton particulier, qui refte fur
le même degré , pour former enfuite la
se vous verrez deux accords differens
deux differens fonds d'harmonie dans
cette fucceffion , comme dans celle du
Triton , fauvé de la 6° ; & vous pourrez
voir , à votre loifir , qu'en fubftituant
certaines autres Notes à celle qui
porte ici la se , ce même Triton pourra
toujours refter fur le même degré , pour
en former l'8 , la 3 * , ou laj 6. Ĵ'aurois
pû y ajouter la 7 ; mais j'ai craint
que la fuppofition qui y régne pour lors ,
ne fervit à vous écarter encore du point
de la queſtion.
e
Il faut plus de fagacité pour critiquer ;
ne voir qu'un côté de l'objet , c'eft prefque
ne rien voir ; & ne pas voir celui
qui a le plus de rapport à la queftion
c'eft le comble de l'aveuglement , & le
prix ordinaire de toutes vos Objec
tions.
Fermer
Résumé : RÉPLIQUE du premier Musicien à l'Ecrit du second, inseré au Mercure de Juin 1730.
Dans une réplique publiée dans le Mercure de Juin 1730, un premier musicien répond à un second musicien qui avait critiqué sa méthode d'accompagnement. Le premier musicien note que son interlocuteur a d'abord attaqué sa méthode, puis a reconnu son mérite. Il affirme que sa méthode est suffisante en elle-même et supérieure aux autres. Il accuse le second musicien de ne pas avoir suivi le plan de sa méthode, ce qui a conduit à une mauvaise compréhension. Le premier musicien défend sa méthode en la décrivant comme claire, simple et précise, permettant une acquisition rapide et parfaite de l'accompagnement. Il rejette les objections du second, les qualifiant d'infondées et affirmant que le plan de sa méthode les anéantit. Il critique également le second pour avoir jeté un soupçon de difficulté sur sa méthode, alors que celui-ci reconnaît implicitement sa supériorité. Le premier musicien conclut en accusant le second de critiquer sans comprendre pleinement la méthode et de manquer de rigueur dans son analyse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 1951
AVIS à une jeune Demoiselle de douze ans. MADRIGAL.
Début :
Vous êtes jeune & belle, agréez un avis, [...]
Mots clefs :
Coeur, Amour, Dieu d'amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVIS à une jeune Demoiselle de douze ans. MADRIGAL.
AVIS à une jeune Demoiſelle
de douze ans.
MADRIGAL.
Vous êtes jeune & belle , agréez un avis ;
Que je vous donne avant que votre coeur foit
pris.
Cet avis convient à votre âge ,
Le Dieu d'Hymen , le Dieu d'Amour
Egalement jaloux de l'avoir en partage ,
Vont bien-tôt vous faire leur cour.
Je ne fçai point entr'eux quel choix ſera le vôtre
,
Mais ils ont beau vouloir vous plaire tour à
tour ,
N'écoutez jamais l'un fans l'autre.
M. D. M
de douze ans.
MADRIGAL.
Vous êtes jeune & belle , agréez un avis ;
Que je vous donne avant que votre coeur foit
pris.
Cet avis convient à votre âge ,
Le Dieu d'Hymen , le Dieu d'Amour
Egalement jaloux de l'avoir en partage ,
Vont bien-tôt vous faire leur cour.
Je ne fçai point entr'eux quel choix ſera le vôtre
,
Mais ils ont beau vouloir vous plaire tour à
tour ,
N'écoutez jamais l'un fans l'autre.
M. D. M
Fermer
9
p. 1951-1952
RÉPONSE.
Début :
Avec un vrai plaisir je reçois les avis, [...]
Mots clefs :
Amour, Hymen
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE.
REPONSE.
Avec un vrai plaifir je reçois les avis ,
Que me donne votre tendreffe ,
Vous les verrez fidellement fuivis.
Oui , toujours de mon coeur , je ferai la maî
treffe ,
L'Amour reclame en vain fes droits ,
Il me vante en vain ſa puiſſance.
Cij Avec
1952 MERCURE DE FRANCE
Avec l'Hymen , s'il n'eft d'intelligence ,
Il ne pourra jamais m'engager fous fes Loix.
R. D. R.
Avec un vrai plaifir je reçois les avis ,
Que me donne votre tendreffe ,
Vous les verrez fidellement fuivis.
Oui , toujours de mon coeur , je ferai la maî
treffe ,
L'Amour reclame en vain fes droits ,
Il me vante en vain ſa puiſſance.
Cij Avec
1952 MERCURE DE FRANCE
Avec l'Hymen , s'il n'eft d'intelligence ,
Il ne pourra jamais m'engager fous fes Loix.
R. D. R.
Fermer
10
p. 1952-1960
DERNIERE SUITE des Mémoires de M. Capperon, &c. Sur l'Histoire naturelle, l'Histoire Civile & Ecclesiastique du Comté d'Eu.
Début :
Pour ne rien omettre, Monsieur, sur ce qui a raport à la piété dans notre [...]
Mots clefs :
Comté d'Eu, Tombeaux, Artillerie, Église, Armée, Habitants, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DERNIERE SUITE des Mémoires de M. Capperon, &c. Sur l'Histoire naturelle, l'Histoire Civile & Ecclesiastique du Comté d'Eu.
DERNIERE SUITE des Mémoires
de M. Capperon , & c. Sur l'Hiftoire naturelle
, l'Hiftoire Civile & Ecclefiaftique
du Comté d'Eu .
P
*
Our ne rien omettre , Monfieur , fur
ce qui a raport à la piété dans notre
Hiftoire , je ne dois pas , ce me femble ,
oublier une faveur finguliere de la Providence
faite à la ville d'Eu , en la rendant
dépofitaire du Corps de l'Illuftre S. Laurent
, Archevêque de Dublin en Irlande ,
l'an 1181. Ce faint Archevêque paffant
par cette Ville , pour aller joindre le Roy
d'Angleterre , qui étoit en Normandie
Dieu permit qu'il y tomba malade, & qu'il
y mourut le 14 du mois de Novembre.
Six ans après la mort , le Comte d'Eu ;
Henry II. fils du Comte Jean , Religieux
à Foucarmont , dont je viens de parler ,
imitateur de fa piété , en faifant conf-
Voyez les Mercures de Juillet & Aoust ,
$730 truire
SEPTEMBRE . 1730. 1958
truire l'Eglife de Notre -Dame , qui fubfifte
encore aujourd'hui , le tombeau où
repofoit le Corps de ce S.Archevêque fut
ouvert ; il s'y fit , dit- on , tant de miracles
, & les guérifons miraculeufes attirerent
tant de malades à la ville d'Eu
qu'il eft remarqué dans l'original de la
Vie de ce Saint , écrite so ans après fa
mort ,par un Chanoine de l'Abbaye d'Eu ,
chapitre 31. Que quoiqu'on eut abandonné
le Château pour les loger , il ne
fuffifoit pas encore , tant le nombre en
étoit grand.
S Les habitans de la Villè d'Eu , témoins
de toutes ces merveilles , obtinrent après
cinq voïages faits à Rome , que cet illuftre
Saint fût folemnellement canonifé , ce
qui arriva l'onzième jour de Decembre
1226. par une Bulle du Pape Honoré III .
laquelle a cela de fingulier , qu'elle eft la
premiere Bulle de Canonifation où les
Papes aient accordé des Indulgences. Et
ces mêmes Indulgences y font énoncées ,
de la mème maniere qu'on en ufoit dans
les premiers tems , puifque le Pape déclare
qu'il remet vingt jours de la penitence
enjointe à tous ceux qui vifiteront
l'Eglife où le Corps de ce Saint repoſe
foit le jour de fa fête , ou un des jours de
l'octave.
Ceux qui ont tant foit peu de lecture
Ciij fça-
>
1954 MERCURE DE FRANCE
fçavent que les fentimens font fort partagez
fur le tems précis auquel la Poudre
à Čanon a été inventée. Les Hiftoriens
ont auffi fort varié , pour fixer le tems
auquel on a commencé à fe fervir de l'Artillerie.
Grand nombre l'ont placé bien
au deffous de fa veritable époque . Nauclerus
, par exemple , n'en fixe l'uſage
qu'en 1354. Baronius en 1360. d'autres
en 1380. Moreri dit pofitivement qu'avant
l'an 1425. l'Artillerie étoit incon
nuë en France. Mais felon Furetiere dans
fon Dictionaire , M. du Cange eft le premier
qui a découvert dans la Chambre
des Comptes de Paris , qu'on fe fervoit
en France de l'Artillerie dès l'an 1338.
Comme en effet , on y voit un compte
de cette même année , où il eft parlé de
la dépenſe faite pour la Poudre neceſſaire
aux Canons , qui furent employez devant
Puy- Guillaume , Château en Auvergne.
J'efpere qu'on trouvera bon , qu'à ce
titre , lequel jufqu'à preſent , comme je
crois , a paru unique , pour fixer ce point
d'hiftoire , j'en ajoute un autre , tiré des
Archives de notre Hôtel de Ville , qui en
confirme la verité. Il fe trouve dans un
ancien Livre en velin , où font infcrits par
années les noms des Maires & Echevins
depuis l'an 1272. On le nomme le Livre
rouge
SEPTEMBRE. 1730. 1955
rouge , lequel eft en deux volumes . Com
me on a eu foin d'écrire auffi dans ce Livre
ce qui s'eft paffé de plus confiderable
pendant l'adminiftration de chaque Maire
, on lit , volume premier , page 97. le
détail d'une defcente que les Anglois firent
à Tréport , au mois de Mai 1340.de
quelle maniere ils furent heureuſement
repouffez. On y fait obſerver que l'Artil
lerie dont on fe fervit dans cette occafion
y contribua beaucoup ; qu'on en faifoit
alors un fi grand cas , à caufe de la nouveauté
, que celui qui a décrit cette defcente
, remarque comme un grand bonheur
, qu'elle ne fut aucunement endommagée.
Cette ancienne Artillerie fe voit encore
aujourd'hui à Eu , & confifte en deux
groffes Boëtes de fer , qu'on chargeoit
alors de Cailloux ronds , au lieu de Boulets
de fer , comme on en ufoit encore en
1354. même pour les Moufquets , au rapport
de Mezerai , qui dit que ce fut dans
ce temps-là qu'on commença à s'en fervir
dans la guerre d'Italie ; lefquels Moufquets
étoient , dit- il , fi gros , qu'il falloit
deux hommes pour les porter , & on
ne les tiroit que pofez fur deux pieux en
fourchettes. Paffons à un autre fujet.
Le Tombeau fimbolique du Comte
d'Eu , Philippe d'Artois , Connétable de
C iiij France
1956 MERCURE DE FRANCE
France , qui eft dans l'Eglife de Notre-
Dame d'Eu , me paroît meriter qu'on
y faffe attention à caufe de fa fingularité.
Ce qui le diftingue des autres Tombeaux
'de la même Maifon d'Artois qui reſtent
'dans cette Eglife , confifte en ce qu'il eſt
le feul qui foit , non pas fimplement entouré
d'une grille de fer , pour empêcher
qu'on n'en approche , ainfi qu'on en voit
plufieurs autres ; mais en ce qu'il eft enfermé
comme dans une efpece de cage ,
la grille en étant fi proche , qu'on peut
le toucher comme on veut ; ce qui paroît
' d'autant plus myfterieux, que ce tombeau
n'a rien qui exige d'être plus précieufement
confervé que les autres. D'ailleurs ,
Paffectation qu'ont eu ceux qui ont travaillé
ces tombeaux , de pofer des figures
de petits chiens aux pieds de tous ceux
& celles qui y font reprefentez , donne
tout lieu de croire qu'il y avoit en tout
cela quelque chofe de caché.
En effet , c'eft une choſe certaine , que
dans le tems où ces Tombeaux ont été
faits , l'ufage étoit de donner à ceux dont
on voyoit les Repréſentations , certains
ornemens qui défignoient comment ils
étoient morts. Olivier de la Marche , dit
pofitivement dans l'Hiftoire qu'il a compofée
, au rapport de Gui Coquille , dans
fon Hiftoire du Nivernois , que ces petits
chiens
SEPTEMBRE. 1730. 1957
chiens qu'on mettoit alors aux pieds des
perfonnes reprefentées fur les Tombeaux,
fignifioient qu'elles étoient mortes dans
leur lit.Que fi c'étoient des Seigneurs qui
fuffent morts dans un combat , on les reprefentoit
armez de toutes pieces ; au
lieu que s'ils étoient morts , non dans un
Combat , mais ou de bleſſures , ou de maladies
, ou d'autres accidens de Guerre ,
on les reprefentoit également armez de
Cuiraffe , mais n'ayant ni le Cafque en
tête , ni les Gantelets aux mains .
Telle eft juftement , Monfieur , la maniere
dont Philippe d'Artois eft reprefen
té en Marbre fur fon Tombeau , car ce
Seigneur ayant eu le malheur d'être fait
prifonnier par les Turcs , l'an 1396. à la
fameufe bataille de Nicopolis, & de mourir
peu de temps après dans fa prifon ; cela
qui donna lieu pour marquer le genre
de fa mort , de le reprefenter armé , mais
fans Cafque à la tête , & fans Gantelets
aux mains , ayant deux petits chiens à
fes pieds , & d'ajouter une grille qui le
couvre dans fon Tombeau , à celle qui
environne ce même Tombeau, pour mieux
marquer qu'il étoit mort en prifon. Il ne
fera inutile de remarquer que par le
compte que j'ai vu de Roger de Malderée
, alors Receveur du Comté d'Eu , ce
Tombeau où eft la figure de Philippe
Су d'Artois
pas
1958 MERCURE DE FRANCE
d'Artois , de Marbre blanc , de grandeur
naturelle , pofée fur une Table de Marbre
noir , élevée fur le Tombeau , & la double
grille de fer qui l'enferme , n'ont couté
que cent livres , tant l'argent étoit rare
en ce temps - là.
Voicy un autre fait , lequel pour fa fingularité
mérite de trouver icy fa place.
C'eft Monftrelet qui le raporte ' en fon
Hiftoire , volume 1. chap. 125. Cet Hiſtorien
dit que le Roy d'Angleterre Henry
V. s'étant brouillé avec la France , il entra
dans ce Royaume par l'embouchure
de la Seine , le 13. Aouft 1415. avec une
Armée compofée de fix mille hommes
d'Armes , & de 24 mille Archers , d'où
il fe mit en marche , bien réfolu de ravager
tout le Païs qui étoit le long de la côte
jufqu'à Calais. Comme la Ville d'Eu étoit
fur la route , il comptoit bien de l'emporter
d'emblée , & d'en abandonner le pillage
à fes Troupes . Mais il n'en fut pas
ainfi ; car le Comte d'Eu , Charles d'Artois
, s'étant jetté dans cette Place pour la
défendre comme fon propre bien , il ne
tarda pas à lui faire connoître que la chofe
ne lui feroit pas auffi facile qu'il fe l'étoit
promis .
En effet , à peine le Comte d'Eu eut il
reçu avis , que les Coureurs de l'Armée
s'avançoient , qu'il fit faire fur eux une
vigouSEPTEMBRE.
1730. 1959
vigoureuſe fortie.L'attaque fut tres - rude
& ce fut là que fe paffa l'action fingulie
re dont je veux parler. Sçavoir , que dans
le tems que les habitans de la Ville d'Eu
chargeoient rudement les Anglois , un de
fes habitans , nommé Lamelot- Pierre, eut
le malheur de recevoir de la main d'un
Anglois un coup de Lance , qui lui perça
le ventre de part en part; mais ce qui doit
furprendre , c'eft que ce particulier , loin
de perdre toute prefence d'efprit & tout
courage par un coup fi terrible , prenant
la Lance d'une main & fe l'enfonçant
dans le ventre , s'avança toujours jufqu'à
ce qu'il fut à portée de tuer de fon Epée
qu'il tenoit de l'autre main , celui qui lui
avoit donné le coup mortel , & le fit ainfi
expirer en même - temps que lui .
Ce premier effai de valeur que donnerent
ceux qui étoient réfolus à bien défendre
la Ville , n'empêcha pas l'armée
Angloife d'en faire le Siége ; mais les Anglois
y trouvant plus de réfiftance qu'ils
n'avoient efperé , ſçachant d'ailleurs que
l'armée que le Roy de France avoit formée
en peu de temps , s'avançoit pour
les combattre , ils leverent le Siége le troifiéme
jour d'Octobre , & pafferent en Picardie
, où ayant été joints par l'armée
Françoife , le combat fe donna proche
d'Azincourt , dans le Comté de S. Paul.
C vj Je
1960 MERCURE DE FRANCE
Je n'en rapporterai qu'une feule circon-
"ftance fort finguliere , que j'ai tirée de la
Bibliotheque ancienne & nouvelle de le
Clerc , tom . 1. fçavoir , que la plufpart des
Soldats Anglois fe trouvant alors attaquez
d'une violente Diffenterie , ils n'héfiterent
pas , avant le Combat , de fe mettre
à nud de la ceinture en bas , pour évi
ter que de preffans befoins ne vinffent à
les troubler pendant la mêlée , ce qui n'empêcha
pas qu'ils ne remportaffent une entiere
victoire.
Je pourrois raporter un plus grand nombre
de faits ,non moins finguliers que ceux
dont je viens de vous entretenir ; mais
pour éviter une longueur qui pourroit
devenir ennuyeuſe , vous me permettrez
de faire icy Alte, & de reprendre un peu
halene. Je fuis toujours , Monfieur , votre
, &c.
A Eu , ce 1 May 1730.
de M. Capperon , & c. Sur l'Hiftoire naturelle
, l'Hiftoire Civile & Ecclefiaftique
du Comté d'Eu .
P
*
Our ne rien omettre , Monfieur , fur
ce qui a raport à la piété dans notre
Hiftoire , je ne dois pas , ce me femble ,
oublier une faveur finguliere de la Providence
faite à la ville d'Eu , en la rendant
dépofitaire du Corps de l'Illuftre S. Laurent
, Archevêque de Dublin en Irlande ,
l'an 1181. Ce faint Archevêque paffant
par cette Ville , pour aller joindre le Roy
d'Angleterre , qui étoit en Normandie
Dieu permit qu'il y tomba malade, & qu'il
y mourut le 14 du mois de Novembre.
Six ans après la mort , le Comte d'Eu ;
Henry II. fils du Comte Jean , Religieux
à Foucarmont , dont je viens de parler ,
imitateur de fa piété , en faifant conf-
Voyez les Mercures de Juillet & Aoust ,
$730 truire
SEPTEMBRE . 1730. 1958
truire l'Eglife de Notre -Dame , qui fubfifte
encore aujourd'hui , le tombeau où
repofoit le Corps de ce S.Archevêque fut
ouvert ; il s'y fit , dit- on , tant de miracles
, & les guérifons miraculeufes attirerent
tant de malades à la ville d'Eu
qu'il eft remarqué dans l'original de la
Vie de ce Saint , écrite so ans après fa
mort ,par un Chanoine de l'Abbaye d'Eu ,
chapitre 31. Que quoiqu'on eut abandonné
le Château pour les loger , il ne
fuffifoit pas encore , tant le nombre en
étoit grand.
S Les habitans de la Villè d'Eu , témoins
de toutes ces merveilles , obtinrent après
cinq voïages faits à Rome , que cet illuftre
Saint fût folemnellement canonifé , ce
qui arriva l'onzième jour de Decembre
1226. par une Bulle du Pape Honoré III .
laquelle a cela de fingulier , qu'elle eft la
premiere Bulle de Canonifation où les
Papes aient accordé des Indulgences. Et
ces mêmes Indulgences y font énoncées ,
de la mème maniere qu'on en ufoit dans
les premiers tems , puifque le Pape déclare
qu'il remet vingt jours de la penitence
enjointe à tous ceux qui vifiteront
l'Eglife où le Corps de ce Saint repoſe
foit le jour de fa fête , ou un des jours de
l'octave.
Ceux qui ont tant foit peu de lecture
Ciij fça-
>
1954 MERCURE DE FRANCE
fçavent que les fentimens font fort partagez
fur le tems précis auquel la Poudre
à Čanon a été inventée. Les Hiftoriens
ont auffi fort varié , pour fixer le tems
auquel on a commencé à fe fervir de l'Artillerie.
Grand nombre l'ont placé bien
au deffous de fa veritable époque . Nauclerus
, par exemple , n'en fixe l'uſage
qu'en 1354. Baronius en 1360. d'autres
en 1380. Moreri dit pofitivement qu'avant
l'an 1425. l'Artillerie étoit incon
nuë en France. Mais felon Furetiere dans
fon Dictionaire , M. du Cange eft le premier
qui a découvert dans la Chambre
des Comptes de Paris , qu'on fe fervoit
en France de l'Artillerie dès l'an 1338.
Comme en effet , on y voit un compte
de cette même année , où il eft parlé de
la dépenſe faite pour la Poudre neceſſaire
aux Canons , qui furent employez devant
Puy- Guillaume , Château en Auvergne.
J'efpere qu'on trouvera bon , qu'à ce
titre , lequel jufqu'à preſent , comme je
crois , a paru unique , pour fixer ce point
d'hiftoire , j'en ajoute un autre , tiré des
Archives de notre Hôtel de Ville , qui en
confirme la verité. Il fe trouve dans un
ancien Livre en velin , où font infcrits par
années les noms des Maires & Echevins
depuis l'an 1272. On le nomme le Livre
rouge
SEPTEMBRE. 1730. 1955
rouge , lequel eft en deux volumes . Com
me on a eu foin d'écrire auffi dans ce Livre
ce qui s'eft paffé de plus confiderable
pendant l'adminiftration de chaque Maire
, on lit , volume premier , page 97. le
détail d'une defcente que les Anglois firent
à Tréport , au mois de Mai 1340.de
quelle maniere ils furent heureuſement
repouffez. On y fait obſerver que l'Artil
lerie dont on fe fervit dans cette occafion
y contribua beaucoup ; qu'on en faifoit
alors un fi grand cas , à caufe de la nouveauté
, que celui qui a décrit cette defcente
, remarque comme un grand bonheur
, qu'elle ne fut aucunement endommagée.
Cette ancienne Artillerie fe voit encore
aujourd'hui à Eu , & confifte en deux
groffes Boëtes de fer , qu'on chargeoit
alors de Cailloux ronds , au lieu de Boulets
de fer , comme on en ufoit encore en
1354. même pour les Moufquets , au rapport
de Mezerai , qui dit que ce fut dans
ce temps-là qu'on commença à s'en fervir
dans la guerre d'Italie ; lefquels Moufquets
étoient , dit- il , fi gros , qu'il falloit
deux hommes pour les porter , & on
ne les tiroit que pofez fur deux pieux en
fourchettes. Paffons à un autre fujet.
Le Tombeau fimbolique du Comte
d'Eu , Philippe d'Artois , Connétable de
C iiij France
1956 MERCURE DE FRANCE
France , qui eft dans l'Eglife de Notre-
Dame d'Eu , me paroît meriter qu'on
y faffe attention à caufe de fa fingularité.
Ce qui le diftingue des autres Tombeaux
'de la même Maifon d'Artois qui reſtent
'dans cette Eglife , confifte en ce qu'il eſt
le feul qui foit , non pas fimplement entouré
d'une grille de fer , pour empêcher
qu'on n'en approche , ainfi qu'on en voit
plufieurs autres ; mais en ce qu'il eft enfermé
comme dans une efpece de cage ,
la grille en étant fi proche , qu'on peut
le toucher comme on veut ; ce qui paroît
' d'autant plus myfterieux, que ce tombeau
n'a rien qui exige d'être plus précieufement
confervé que les autres. D'ailleurs ,
Paffectation qu'ont eu ceux qui ont travaillé
ces tombeaux , de pofer des figures
de petits chiens aux pieds de tous ceux
& celles qui y font reprefentez , donne
tout lieu de croire qu'il y avoit en tout
cela quelque chofe de caché.
En effet , c'eft une choſe certaine , que
dans le tems où ces Tombeaux ont été
faits , l'ufage étoit de donner à ceux dont
on voyoit les Repréſentations , certains
ornemens qui défignoient comment ils
étoient morts. Olivier de la Marche , dit
pofitivement dans l'Hiftoire qu'il a compofée
, au rapport de Gui Coquille , dans
fon Hiftoire du Nivernois , que ces petits
chiens
SEPTEMBRE. 1730. 1957
chiens qu'on mettoit alors aux pieds des
perfonnes reprefentées fur les Tombeaux,
fignifioient qu'elles étoient mortes dans
leur lit.Que fi c'étoient des Seigneurs qui
fuffent morts dans un combat , on les reprefentoit
armez de toutes pieces ; au
lieu que s'ils étoient morts , non dans un
Combat , mais ou de bleſſures , ou de maladies
, ou d'autres accidens de Guerre ,
on les reprefentoit également armez de
Cuiraffe , mais n'ayant ni le Cafque en
tête , ni les Gantelets aux mains .
Telle eft juftement , Monfieur , la maniere
dont Philippe d'Artois eft reprefen
té en Marbre fur fon Tombeau , car ce
Seigneur ayant eu le malheur d'être fait
prifonnier par les Turcs , l'an 1396. à la
fameufe bataille de Nicopolis, & de mourir
peu de temps après dans fa prifon ; cela
qui donna lieu pour marquer le genre
de fa mort , de le reprefenter armé , mais
fans Cafque à la tête , & fans Gantelets
aux mains , ayant deux petits chiens à
fes pieds , & d'ajouter une grille qui le
couvre dans fon Tombeau , à celle qui
environne ce même Tombeau, pour mieux
marquer qu'il étoit mort en prifon. Il ne
fera inutile de remarquer que par le
compte que j'ai vu de Roger de Malderée
, alors Receveur du Comté d'Eu , ce
Tombeau où eft la figure de Philippe
Су d'Artois
pas
1958 MERCURE DE FRANCE
d'Artois , de Marbre blanc , de grandeur
naturelle , pofée fur une Table de Marbre
noir , élevée fur le Tombeau , & la double
grille de fer qui l'enferme , n'ont couté
que cent livres , tant l'argent étoit rare
en ce temps - là.
Voicy un autre fait , lequel pour fa fingularité
mérite de trouver icy fa place.
C'eft Monftrelet qui le raporte ' en fon
Hiftoire , volume 1. chap. 125. Cet Hiſtorien
dit que le Roy d'Angleterre Henry
V. s'étant brouillé avec la France , il entra
dans ce Royaume par l'embouchure
de la Seine , le 13. Aouft 1415. avec une
Armée compofée de fix mille hommes
d'Armes , & de 24 mille Archers , d'où
il fe mit en marche , bien réfolu de ravager
tout le Païs qui étoit le long de la côte
jufqu'à Calais. Comme la Ville d'Eu étoit
fur la route , il comptoit bien de l'emporter
d'emblée , & d'en abandonner le pillage
à fes Troupes . Mais il n'en fut pas
ainfi ; car le Comte d'Eu , Charles d'Artois
, s'étant jetté dans cette Place pour la
défendre comme fon propre bien , il ne
tarda pas à lui faire connoître que la chofe
ne lui feroit pas auffi facile qu'il fe l'étoit
promis .
En effet , à peine le Comte d'Eu eut il
reçu avis , que les Coureurs de l'Armée
s'avançoient , qu'il fit faire fur eux une
vigouSEPTEMBRE.
1730. 1959
vigoureuſe fortie.L'attaque fut tres - rude
& ce fut là que fe paffa l'action fingulie
re dont je veux parler. Sçavoir , que dans
le tems que les habitans de la Ville d'Eu
chargeoient rudement les Anglois , un de
fes habitans , nommé Lamelot- Pierre, eut
le malheur de recevoir de la main d'un
Anglois un coup de Lance , qui lui perça
le ventre de part en part; mais ce qui doit
furprendre , c'eft que ce particulier , loin
de perdre toute prefence d'efprit & tout
courage par un coup fi terrible , prenant
la Lance d'une main & fe l'enfonçant
dans le ventre , s'avança toujours jufqu'à
ce qu'il fut à portée de tuer de fon Epée
qu'il tenoit de l'autre main , celui qui lui
avoit donné le coup mortel , & le fit ainfi
expirer en même - temps que lui .
Ce premier effai de valeur que donnerent
ceux qui étoient réfolus à bien défendre
la Ville , n'empêcha pas l'armée
Angloife d'en faire le Siége ; mais les Anglois
y trouvant plus de réfiftance qu'ils
n'avoient efperé , ſçachant d'ailleurs que
l'armée que le Roy de France avoit formée
en peu de temps , s'avançoit pour
les combattre , ils leverent le Siége le troifiéme
jour d'Octobre , & pafferent en Picardie
, où ayant été joints par l'armée
Françoife , le combat fe donna proche
d'Azincourt , dans le Comté de S. Paul.
C vj Je
1960 MERCURE DE FRANCE
Je n'en rapporterai qu'une feule circon-
"ftance fort finguliere , que j'ai tirée de la
Bibliotheque ancienne & nouvelle de le
Clerc , tom . 1. fçavoir , que la plufpart des
Soldats Anglois fe trouvant alors attaquez
d'une violente Diffenterie , ils n'héfiterent
pas , avant le Combat , de fe mettre
à nud de la ceinture en bas , pour évi
ter que de preffans befoins ne vinffent à
les troubler pendant la mêlée , ce qui n'empêcha
pas qu'ils ne remportaffent une entiere
victoire.
Je pourrois raporter un plus grand nombre
de faits ,non moins finguliers que ceux
dont je viens de vous entretenir ; mais
pour éviter une longueur qui pourroit
devenir ennuyeuſe , vous me permettrez
de faire icy Alte, & de reprendre un peu
halene. Je fuis toujours , Monfieur , votre
, &c.
A Eu , ce 1 May 1730.
Fermer
Résumé : DERNIERE SUITE des Mémoires de M. Capperon, &c. Sur l'Histoire naturelle, l'Histoire Civile & Ecclesiastique du Comté d'Eu.
Le texte extrait des mémoires de M. Capperon relate divers événements historiques du comté d'Eu. En 1181, la ville d'Eu bénéficia d'une faveur divine avec la mort de l'archevêque Laurent de Dublin, qui tomba malade et décéda sur place. Six ans plus tard, le comte d'Eu fit construire une église pour abriter le tombeau de l'archevêque, où des miracles se produisirent, attirant de nombreux malades. En 1226, après cinq voyages à Rome, l'archevêque fut canonisé par le pape Honoré III, marquant la première bulle de canonisation accordant des indulgences. Le texte aborde également l'histoire de l'artillerie. Plusieurs historiens ont proposé des dates variées pour l'invention de la poudre à canon, mais des archives de la Chambre des Comptes de Paris et de l'Hôtel de Ville d'Eu confirment son usage dès 1338. En 1340, l'artillerie fut utilisée pour repousser une descente anglaise à Tréport. Le tombeau du comte Philippe d'Artois, connétable de France, est décrit comme singulier en raison de sa double grille de fer. Les petits chiens représentés sur les tombeaux indiquaient que la personne était morte dans son lit. Philippe d'Artois, capturé et mort en prison après la bataille de Nicopolis en 1396, est représenté sans casque ni gantelets, symbolisant sa mort en captivité. Enfin, le texte mentionne l'attaque de la ville d'Eu par le roi Henri V d'Angleterre en 1415. Un habitant, Lamelot-Pierre, blessé par une lance, tua son agresseur avant de succomber. Malgré cette résistance, les Anglais levèrent le siège et affrontèrent l'armée française près d'Azincourt.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
11
p. 1961-1962
STANCES tirées de ces Vers de Seneque : Stet quicumque volet potens Aulae culmine lubrico &c.
Début :
Demeure qui voudra sur la cime glissante [...]
Mots clefs :
Sénèque
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : STANCES tirées de ces Vers de Seneque : Stet quicumque volet potens Aulae culmine lubrico &c.
STANCES tirées de ces Vers
de Seneque :
Stet quicumque volet potens
Aula culmine lubrico & c.
Thyeft.
DEEmeure qui voudra fur la cime gliffante
D'une Cour fuperbe & brillante ,
Où le fombre fouci regne avec la fplendeur ;
Pour moi , me retirant dans une place obſcure ,
Je veux goûter la douceur pure
Du repos ignoré de la fiere grandeur.
Dans une oifiveté toute pleine de charmes ,
Libre de foins , exemt d'allarmes ,
De ma vertu conftante inſpiré , foutenu ,
Ne concevant jamais d'ambitieuſe envie
Je veux paffer toute ma vie
J
Sans connoître les Grands , fans en être connu
Ainfi lorfque mes jours , amis de l'innocence ,
Suivis du calme & du filence ,
Se feront écoulés loin du bruit importun ,
Chargé d'ans , fans regret je perdrai la lumiere
Et
1962 MERCURE DE FRANCE
Sans
Et j'acheverai ma carriere
pompe ,
fans éclat , en homme du commun.
Une accablante mort étonne , trouble , oppreffe
Celui qui ne formant fans ceffe ,
Pour s'élever plus haut , que de vaſtes deffeins ,
Au milieu de ce luxe , où l'on le vit paroître ,
Expire enfin fans fe connoître ,
Fameux & trop connu du refte des humains.
Bouchet , Chanoine de Sens.
de Seneque :
Stet quicumque volet potens
Aula culmine lubrico & c.
Thyeft.
DEEmeure qui voudra fur la cime gliffante
D'une Cour fuperbe & brillante ,
Où le fombre fouci regne avec la fplendeur ;
Pour moi , me retirant dans une place obſcure ,
Je veux goûter la douceur pure
Du repos ignoré de la fiere grandeur.
Dans une oifiveté toute pleine de charmes ,
Libre de foins , exemt d'allarmes ,
De ma vertu conftante inſpiré , foutenu ,
Ne concevant jamais d'ambitieuſe envie
Je veux paffer toute ma vie
J
Sans connoître les Grands , fans en être connu
Ainfi lorfque mes jours , amis de l'innocence ,
Suivis du calme & du filence ,
Se feront écoulés loin du bruit importun ,
Chargé d'ans , fans regret je perdrai la lumiere
Et
1962 MERCURE DE FRANCE
Sans
Et j'acheverai ma carriere
pompe ,
fans éclat , en homme du commun.
Une accablante mort étonne , trouble , oppreffe
Celui qui ne formant fans ceffe ,
Pour s'élever plus haut , que de vaſtes deffeins ,
Au milieu de ce luxe , où l'on le vit paroître ,
Expire enfin fans fe connoître ,
Fameux & trop connu du refte des humains.
Bouchet , Chanoine de Sens.
Fermer
Résumé : STANCES tirées de ces Vers de Seneque : Stet quicumque volet potens Aulae culmine lubrico &c.
Le texte de Bouchet, Chanoine de Sens, explore le dilemme entre une vie de pouvoir et de gloire et une existence retirée et paisible. L'auteur exprime son désir de se retirer dans un lieu obscur pour goûter la douceur du repos, loin des ambitions et des soucis. Il aspire à une vie libre d'alarmes, inspirée par une vertu constante, sans jamais concevoir d'envie ambitieuse. Il souhaite vivre sans connaître les grands et sans être connu d'eux, dans une oisiveté charmante et exempte de troubles. À la fin de ses jours, il espère partir sans regret, chargé d'années, loin du bruit importun. En contraste, il décrit la mort accablante de celui qui, formé par de vastes desseins pour s'élever, expire au milieu du luxe sans se connaître vraiment, célèbre et trop connu des autres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
12
p. 1962-1967
ÉLOGE du R. P. du Cerceau de la Compagnie de Jesus.
Début :
Le Pere Jean Antoine du Cerceau est mort subitement à Veret, le quatréme [...]
Mots clefs :
Histoire, Ouvrage, Compagnie de Jésus, Recueil, Jean-Antoine du Cerceau, Mort
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ÉLOGE du R. P. du Cerceau de la Compagnie de Jesus.
ELOGE du R. P. du Cerceau de la
Compagnie de Jefus.
L
E Pere Jean Antoine du Cerceau eft
mort fubitement à Veret , le quatriéme
de Juillet de cette année , âgé d'environ
60, ans. Il éroit né à Paris , l'an 1670 .
& il étoit né Poëte. Il fe diftingua de
bonne heure dans la Compagnie de Jefus
où Dieu l'avoit appellé , par des Poëmes
dont les Connoiffeurs admirerent la Verfification
& la Latinité. Les fujets de ces
Poëmes font les Poules , les Papillons , Baltazar
& l'Enfant Prodigue , Piéce de Thea
tre qu'il a traduite en Vers François , &
qui
SEPTEMBRE . 1730. 1963
qui repréſentée plufieurs fois , a toujours
fait répandre beaucoup de larmes . On a
un Recueil de fes Vers Latins.
,
Il quitta bientôt les Mufes Latines trop
férieufes ingrat à leurs bienfaits , il fe
livra entierement à fon génie qui le portoit
à une Poëfie familiere , fans baffeffe
naïve avec efprit , negligée en apparence,
& travaillée en effet , délicate & piquante
, qui retient quelques termes anciens
de Marot , & qui copie plus exactement
fa maniere de penfer que fon langage.
Le P. du Cerceau étoit original en ce
genre d'écrire ; le Recueil de fes Ouvrages
a été imprimé plufieurs fois chez
Etienne , fans nom d'Auteur ; on y apprend
que les Mufes badines lui atirerent
d'affez grands chagrins . Ses Poëfies ne font
pas les feuls fruits d'un génie heureux ;
les Lettres d'un Abbé à Eudoxe fur l'Apologie
des Provinciales ; deux petites Satyres,
où regne la meilleure plaifanterie , & la
Critique de l'Hiftoire des Flagellan's , écrite
en Latin par l'Abbé Boileau , prouvent
que fa Profe avoit toute la vivacité &
toute la fineffe de fes Vers.
Le P. du Cerceau n'étoit pas borné à
cette efpece d'Ouvrage , dont la délicateffe
fait tout le prix ; il s'élevoit quand
il vouloit en prendre la peine. L'Oraifon
du Dauphin prononcée à Bourges , & imprimée
1964 MERCURE DE FRANCE
primée , ne laiffe pas douter qu'il n'eut
tenu un rang parmi les Orateurs , fi l'éloquence
avoit eu pour lui les attraits de la
Poëfie.
Son efprit étoit de ces efprits faciles
qui prennent aifément toutes les formes .
Sa Compagnie s'eft fervie de fa plume
contre l'étonnante calomnie de Breft , fi
temerairement entrepriſe , fi pleinement
découverte & fi folemnellement jugée.
Les Factums font de lui.
Engagé par quelques circonftances à
donner l'Hiftoire de la derniere Révolution
de Perfe fur d'excellens Mémoires ; cẹt
Ouvrage achevé en peu de tems fait regreter
qu'il n'ait donné au Public que cette
Hiftoire.
,
Ceux entre les mains defquels fes papiers
font tombés pourroient rendre public
un Ouvrage auquel il ne manque
que cinq ou fix pages ; c'eft l'Hiftoire de
Nicolo Gabrins , fils d'une Lavandiere
qui entreprit l'an 1447. de rétablir la République
Romaine. Cet évenement peu
connu , joint les agréables furprifes du
Roman à la verité de l'Hiftoire , on s'étonnera
qu'il n'ait pas mis la derniere
. main à un Ouvrage prefque fini 25. ans
avant fa mort , ceux qui s'en étonneront
n'ont pas connu le Pere du Cerceau ; fon
eſprit lui a rendu de grands fervices , par
recon
J
SEPTEMBRE . 1730. 1965
reconnoiffance il ne le contraignoit pas ,
il en fuivoit avec trop de complaifance
les mouvemens les moins reglés ; combien
d'ouvrages a t'il commencés tandis
qu'une certaine impetuofité d'imagination
duroit , il les pouffoit avec vigueur , il y
employoit les jours & les nuits ; dès que
cette imagination un peu capricieuſe fe
refroidiffoit , il les abandonnoit & les
oublioit entierement. La lifte de fes Ouvrages
commencés feroit longue ; on y
verroit des Commentaires François fur
Horace , fur les Lettres de Pline , fur les
Dialogues de Ciceron de la Nature des
Dieux , aucun des trois n'a paffé quelques
cayers . Il a pouffé plus loin des Ouvrages
d'un moindre projet , entr'autres un
Effai fur le caractere du ftile Poëtique & un
Traité de la Perspective . On n'auroit pas
dû attendre un Traité de Mathematique
d'un homme que les Belles Lettres ont
occupé toute la vie ; mais , je l'ai déja dit,
fon efprit prenoit toutes les formes . Divers
Extraits qu'on lit dans les Mémoires
de Trévoux , aufquels il a travaillé plufieurs
années , en differens tems , prouvent
que les recherches les plus épineufes
ne l'effrayoient pas , & qu'il en foûtenoit
la peine , pourvû qu'il ne fallut pas la
foûtenir long tems. Engagé fur la fin de
fa vie à défendre une explication d'Horacc
1966 MERCURE DE FRANCE
race qu'il avoit fuggerée au P. Sanadon
il est entré dans ce que l'ancienne Mufique
a de plus profond , & de plus inacceffible
; il y a porté la lumiere , & repouffé
les attaques d'un fçavant Adverfaire
avec tant de force que la victoire eft
encore douteuſe ; il aimoit la Mufique ,
jufqu'à la pratiquer , & il a compofé plufieurs
Airs.
La plupart des Pièces que les Penfionnaires
du College de Louis le Grand
jouënt chaque année font de lui ; ils ont
repréfenté plus d'une fois avec un fuccès
conftant Lefaux Duc de Bourgogne , Efope
au College , l'Ecole des Peres , le Point
d'honneur & les Confins. Le fort du
Philofophe à la mode , du Riche imaginaire
& d'Euloge a été moins heureux. Le
Pere du Cerceau cheififfoit bien fon fujet;
il peignoit à merveille le ridicule ; fes caracteres
étoient foutenus ; fon Comique
n'étoit jamais plat ; mais il ſe laiffoit preffer
; il croquoit quelquefois fes Tableaux
& fa Verfification fe fentoit trop de la
précipitation de fon travail ; il auroit
égalé les meilleurs Comiques s'il avoit pû
retoucher fes Piéces , fon génie un peu
trop libertin ne le lui permettoit pas . Les
qualités de fon coeur le rendoient encore
plus eſtimable que la beauté de fon efprit;
il étoit d'un commerce doux & aifé , fans
ambi.
SEPTEMBRE . 1730. 1967
ambition & incapable d'envie. On le
voyoit avec plaifir dans le grand monde ,
& il ne le cherchoit pas : eftimé dans fon
Corps dont il rempliffoit les devoirs fans
oftentation. Les larmes du Prince de Conti
fon Eleve , font l'éloge & de l'illuftre Dif
ciple & du Maître.
Compagnie de Jefus.
L
E Pere Jean Antoine du Cerceau eft
mort fubitement à Veret , le quatriéme
de Juillet de cette année , âgé d'environ
60, ans. Il éroit né à Paris , l'an 1670 .
& il étoit né Poëte. Il fe diftingua de
bonne heure dans la Compagnie de Jefus
où Dieu l'avoit appellé , par des Poëmes
dont les Connoiffeurs admirerent la Verfification
& la Latinité. Les fujets de ces
Poëmes font les Poules , les Papillons , Baltazar
& l'Enfant Prodigue , Piéce de Thea
tre qu'il a traduite en Vers François , &
qui
SEPTEMBRE . 1730. 1963
qui repréſentée plufieurs fois , a toujours
fait répandre beaucoup de larmes . On a
un Recueil de fes Vers Latins.
,
Il quitta bientôt les Mufes Latines trop
férieufes ingrat à leurs bienfaits , il fe
livra entierement à fon génie qui le portoit
à une Poëfie familiere , fans baffeffe
naïve avec efprit , negligée en apparence,
& travaillée en effet , délicate & piquante
, qui retient quelques termes anciens
de Marot , & qui copie plus exactement
fa maniere de penfer que fon langage.
Le P. du Cerceau étoit original en ce
genre d'écrire ; le Recueil de fes Ouvrages
a été imprimé plufieurs fois chez
Etienne , fans nom d'Auteur ; on y apprend
que les Mufes badines lui atirerent
d'affez grands chagrins . Ses Poëfies ne font
pas les feuls fruits d'un génie heureux ;
les Lettres d'un Abbé à Eudoxe fur l'Apologie
des Provinciales ; deux petites Satyres,
où regne la meilleure plaifanterie , & la
Critique de l'Hiftoire des Flagellan's , écrite
en Latin par l'Abbé Boileau , prouvent
que fa Profe avoit toute la vivacité &
toute la fineffe de fes Vers.
Le P. du Cerceau n'étoit pas borné à
cette efpece d'Ouvrage , dont la délicateffe
fait tout le prix ; il s'élevoit quand
il vouloit en prendre la peine. L'Oraifon
du Dauphin prononcée à Bourges , & imprimée
1964 MERCURE DE FRANCE
primée , ne laiffe pas douter qu'il n'eut
tenu un rang parmi les Orateurs , fi l'éloquence
avoit eu pour lui les attraits de la
Poëfie.
Son efprit étoit de ces efprits faciles
qui prennent aifément toutes les formes .
Sa Compagnie s'eft fervie de fa plume
contre l'étonnante calomnie de Breft , fi
temerairement entrepriſe , fi pleinement
découverte & fi folemnellement jugée.
Les Factums font de lui.
Engagé par quelques circonftances à
donner l'Hiftoire de la derniere Révolution
de Perfe fur d'excellens Mémoires ; cẹt
Ouvrage achevé en peu de tems fait regreter
qu'il n'ait donné au Public que cette
Hiftoire.
,
Ceux entre les mains defquels fes papiers
font tombés pourroient rendre public
un Ouvrage auquel il ne manque
que cinq ou fix pages ; c'eft l'Hiftoire de
Nicolo Gabrins , fils d'une Lavandiere
qui entreprit l'an 1447. de rétablir la République
Romaine. Cet évenement peu
connu , joint les agréables furprifes du
Roman à la verité de l'Hiftoire , on s'étonnera
qu'il n'ait pas mis la derniere
. main à un Ouvrage prefque fini 25. ans
avant fa mort , ceux qui s'en étonneront
n'ont pas connu le Pere du Cerceau ; fon
eſprit lui a rendu de grands fervices , par
recon
J
SEPTEMBRE . 1730. 1965
reconnoiffance il ne le contraignoit pas ,
il en fuivoit avec trop de complaifance
les mouvemens les moins reglés ; combien
d'ouvrages a t'il commencés tandis
qu'une certaine impetuofité d'imagination
duroit , il les pouffoit avec vigueur , il y
employoit les jours & les nuits ; dès que
cette imagination un peu capricieuſe fe
refroidiffoit , il les abandonnoit & les
oublioit entierement. La lifte de fes Ouvrages
commencés feroit longue ; on y
verroit des Commentaires François fur
Horace , fur les Lettres de Pline , fur les
Dialogues de Ciceron de la Nature des
Dieux , aucun des trois n'a paffé quelques
cayers . Il a pouffé plus loin des Ouvrages
d'un moindre projet , entr'autres un
Effai fur le caractere du ftile Poëtique & un
Traité de la Perspective . On n'auroit pas
dû attendre un Traité de Mathematique
d'un homme que les Belles Lettres ont
occupé toute la vie ; mais , je l'ai déja dit,
fon efprit prenoit toutes les formes . Divers
Extraits qu'on lit dans les Mémoires
de Trévoux , aufquels il a travaillé plufieurs
années , en differens tems , prouvent
que les recherches les plus épineufes
ne l'effrayoient pas , & qu'il en foûtenoit
la peine , pourvû qu'il ne fallut pas la
foûtenir long tems. Engagé fur la fin de
fa vie à défendre une explication d'Horacc
1966 MERCURE DE FRANCE
race qu'il avoit fuggerée au P. Sanadon
il est entré dans ce que l'ancienne Mufique
a de plus profond , & de plus inacceffible
; il y a porté la lumiere , & repouffé
les attaques d'un fçavant Adverfaire
avec tant de force que la victoire eft
encore douteuſe ; il aimoit la Mufique ,
jufqu'à la pratiquer , & il a compofé plufieurs
Airs.
La plupart des Pièces que les Penfionnaires
du College de Louis le Grand
jouënt chaque année font de lui ; ils ont
repréfenté plus d'une fois avec un fuccès
conftant Lefaux Duc de Bourgogne , Efope
au College , l'Ecole des Peres , le Point
d'honneur & les Confins. Le fort du
Philofophe à la mode , du Riche imaginaire
& d'Euloge a été moins heureux. Le
Pere du Cerceau cheififfoit bien fon fujet;
il peignoit à merveille le ridicule ; fes caracteres
étoient foutenus ; fon Comique
n'étoit jamais plat ; mais il ſe laiffoit preffer
; il croquoit quelquefois fes Tableaux
& fa Verfification fe fentoit trop de la
précipitation de fon travail ; il auroit
égalé les meilleurs Comiques s'il avoit pû
retoucher fes Piéces , fon génie un peu
trop libertin ne le lui permettoit pas . Les
qualités de fon coeur le rendoient encore
plus eſtimable que la beauté de fon efprit;
il étoit d'un commerce doux & aifé , fans
ambi.
SEPTEMBRE . 1730. 1967
ambition & incapable d'envie. On le
voyoit avec plaifir dans le grand monde ,
& il ne le cherchoit pas : eftimé dans fon
Corps dont il rempliffoit les devoirs fans
oftentation. Les larmes du Prince de Conti
fon Eleve , font l'éloge & de l'illuftre Dif
ciple & du Maître.
Fermer
Résumé : ÉLOGE du R. P. du Cerceau de la Compagnie de Jesus.
Le Père Jean Antoine du Cerceau, né à Paris en 1670, est décédé subitement à Veret le 4 juillet 1730 à l'âge d'environ 60 ans. Il était poète et membre de la Compagnie de Jésus. Ses poèmes en latin étaient admirés pour leur versification et leur latinité. Ses sujets de prédilection incluaient les poules, les papillons, Baltazar, et une pièce de théâtre traduite en vers français, 'L'Enfant Prodigue', qui a connu plusieurs représentations réussies. Du Cerceau a ensuite abandonné la poésie latine pour se consacrer à une poésie familière, naïve et spirituelle, caractérisée par une apparence négligée mais travaillée. Il a publié plusieurs recueils de ses œuvres, souvent sans nom d'auteur, et a écrit des lettres, des satires et des critiques littéraires. Son esprit versatile lui permettait de s'adapter à divers genres littéraires. Il a également écrit des discours, comme l'oraison du Dauphin prononcée à Bourges, et a contribué à des écrits contre la calomnie de Brest. Engagé par des circonstances, il a rédigé l'histoire de la dernière révolution de Perse et a commencé plusieurs autres ouvrages, dont une histoire de Nicolò Gabrins, qu'il n'a pas achevée. Du Cerceau a également composé des airs de musique et a écrit des pièces de théâtre jouées par les pensionnaires du Collège de Louis le Grand. Ses qualités humaines, telles que sa douceur et son absence d'ambition, étaient remarquables. Les larmes du Prince de Conti, son élève, témoignent de l'estime et de l'affection qu'il inspirait.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 1967-1969
LE RENARD ET L'ASNE, FABLE.
Début :
Dispensateur des Trésors du Parnasse, [...]
Mots clefs :
Renard, Âne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE RENARD ET L'ASNE, FABLE.
LE RENARD ET L'ASNE ,
FABLE.
Difpenfateur des Tréfors du Parnaſſe ,
Phoebus , flambeau du Firmament ,
Daignez favorifer dans fa badine audace
La tentative d'un enfant.
N'ayant fenti dès fes plus tendres ans
Que les brouillards de l'Hypocrêne ;
Souffrez du moins que fes pas chancelans
Suivent de loin le cours de la Fontaine.
Au tems jadis , mille ans avant Deſcartes ,
Qui même de l'inftinct privoit les Animaux ,
Sire Lion , leur Roi , par diverſes Pancartés ,
Nomma hauts Jufticiers , Baillifs & Senéchaux .
Le
1968 MERCURE DE FRANCE
Le projet étoit bon ; il aimoit la Juftice ;
Car , difoit- il ( parlant du Loup )
Qui défendra l'Agneau des dents de ce filou ,
S'il le vouloit gober par goût ou par caprice
Voulons que nos Edits foient donc notifiés
Dans le Reffort de notre dépendance ,
Et que Sujets choifis , avec quelque finance
Soient à l'inftant Bailli -fiés.
Dans le Païs de Sapience
Certain Renard étoit le Senéchal ;
Martin Baudet , parlant par reverence
En étoit Procureur fifcal.
Le premier poffedoit maint tour de Gibeciere,
De feu Maître Gonin il tiroit ſon eſtoc ;
Et quand Janot Lapin plaidoit contre fon frere
L'un perdoit fon Procès , l'autre reftoit au croc.
Dame Poulle plaidant devant Seigneur Renard,
Le fin Matois plumoit fa Cliente à merveilles ;'
Martin , en bon Docteur , fecoüant les oreilles ,
Toujours avec trois dez concluoit au hazard .
Le malheur fut encor que de cette Juftice ,
Pour faire un bon Trio , le Chat fut le Greffier ,
Et
SEPTEMBRE . 1730. 1969
Et la griffe de ce dernier
Des Cliens échapés excroquoit aîle ou cuiffe.
L'ordre du Roi fi mal executé ,
Rendit ces maux d'autant plus incroyables
Que ces monftres impitoyables
Se flattoient de l'impunité.
C'eft ainfi que fouvent tous les hommes déci
dent ;
La partialité guide leurs fentimens.
Défions-nous des jugemens
Où l'ignorance & l'interêt préfident.
FABLE.
Difpenfateur des Tréfors du Parnaſſe ,
Phoebus , flambeau du Firmament ,
Daignez favorifer dans fa badine audace
La tentative d'un enfant.
N'ayant fenti dès fes plus tendres ans
Que les brouillards de l'Hypocrêne ;
Souffrez du moins que fes pas chancelans
Suivent de loin le cours de la Fontaine.
Au tems jadis , mille ans avant Deſcartes ,
Qui même de l'inftinct privoit les Animaux ,
Sire Lion , leur Roi , par diverſes Pancartés ,
Nomma hauts Jufticiers , Baillifs & Senéchaux .
Le
1968 MERCURE DE FRANCE
Le projet étoit bon ; il aimoit la Juftice ;
Car , difoit- il ( parlant du Loup )
Qui défendra l'Agneau des dents de ce filou ,
S'il le vouloit gober par goût ou par caprice
Voulons que nos Edits foient donc notifiés
Dans le Reffort de notre dépendance ,
Et que Sujets choifis , avec quelque finance
Soient à l'inftant Bailli -fiés.
Dans le Païs de Sapience
Certain Renard étoit le Senéchal ;
Martin Baudet , parlant par reverence
En étoit Procureur fifcal.
Le premier poffedoit maint tour de Gibeciere,
De feu Maître Gonin il tiroit ſon eſtoc ;
Et quand Janot Lapin plaidoit contre fon frere
L'un perdoit fon Procès , l'autre reftoit au croc.
Dame Poulle plaidant devant Seigneur Renard,
Le fin Matois plumoit fa Cliente à merveilles ;'
Martin , en bon Docteur , fecoüant les oreilles ,
Toujours avec trois dez concluoit au hazard .
Le malheur fut encor que de cette Juftice ,
Pour faire un bon Trio , le Chat fut le Greffier ,
Et
SEPTEMBRE . 1730. 1969
Et la griffe de ce dernier
Des Cliens échapés excroquoit aîle ou cuiffe.
L'ordre du Roi fi mal executé ,
Rendit ces maux d'autant plus incroyables
Que ces monftres impitoyables
Se flattoient de l'impunité.
C'eft ainfi que fouvent tous les hommes déci
dent ;
La partialité guide leurs fentimens.
Défions-nous des jugemens
Où l'ignorance & l'interêt préfident.
Fermer
Résumé : LE RENARD ET L'ASNE, FABLE.
Le texte présente la fable 'Le Renard et l'Asne'. L'auteur, se décrivant comme un enfant, demande l'inspiration des muses et de Phébus. Il situe l'histoire dans une époque antérieure à Descartes, où le lion, roi des animaux, désigna des juges pour administrer la justice. Le renard fut nommé sénéchal et Martin Baudet procureur fiscal. Le renard manipulait les procès par des ruses, tandis que Martin concluait souvent au hasard. Le chat, greffier, exploitait les clients échappés. Cette justice corrompue et partiale engendra de nombreux maux, les juges se croyant intouchables. La fable met en garde contre les jugements où l'ignorance et l'intérêt personnel dominent.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
14
p. 1969-1971
EXTRAIT d'une Lettre écrite aux Auteurs du Mercure le 14. Août 1730. sur l'éloge des Grands Hommes.
Début :
On est très satisfait de l'éloge de Mignard, dont vous nous apprenez [...]
Mots clefs :
Pierre Mignard, Grands hommes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite aux Auteurs du Mercure le 14. Août 1730. sur l'éloge des Grands Hommes.
EXTRAIT d'une Lettre écrite aux Au
teurs du Mercure le 14. Août 1730. fur
Péloge des Grands Hommes.
O
pre-
N eft très fatisfait de l'éloge de Mignard
, dont vous nous apprenez
qu'on a compofé la vie. Celui qui en eft
l'Auteur a raifon de dire qu'il eft le
mier qui fe foit avifé d'écrire la vie d'un
grand Peintre en notre Langue , & qu'il
a fuivi l'exemple des Italiens qui depuis
long- tems en ont donné de femblables.
il eft vrai cependant que dans la Vie des
Hommes Illuftres de M. Perrault on y
voit
*།
1970 MERCURE DE FRANCE
voit l'éloge de Mignard ; mais cet éloge
eft trop court , & on peut dire la même
chofe des autres Vies que M. Perrault a
compofées ; n'eft- il pas évident que la
plupart des Grands hommes dont il a parlé
, pouvoient lui fournir beaucoup plus
de matiere & de traits remarquables qu'il
n'en a employé dans fon Ouvrage Il
feroit donc à fouhaiter qu'il fe trouvât
quelqu'un affez zelé pour donner à ces
differentes Vies plus d'étendue. M. Perrault
n'a écrit fur chacune que deux ou
trois pages feulement , & quelle proportion
y a-t'il entre le mérite de ces Grands
hommes & le petit Difcours qu'il a renfermé
dans un efpace fi étroit ? Il eſt certain
que l'on pourroit , fi on le vouloit ,
remplir plufieurs Volumes de plufieurs
chofes curieuſes , en racontant les vertus ,
les talens , les actions & les paroles mêmes
de ces illuftres perfonnages en tout
genre , qui ont fait tant d'honneur à la
France & à notre fiecle. Il eft de l'interêt
de notre Nation & du Public qu'on ne
laiffe rien perdre de tout ce qui peut
faire connoître & à notre fiecle & à la pofterité
le caractere de chacun de ces Grands
hommes , n'étant pas raifonnable que l'on
foit obligé d'aller chercher dans d'autres
Ouvrages ce qui devroit être renfermé
dans un feul , ni d'avoir recours à l'avenig
SEPTEMBRE. 1730. 1971
nir à des Mémoires particuliers qui auront
été confervés dans les familles. Ce foin
regarde principalement notre fiecle , &
faute d'y faire attention , on rifque de n'y
être plus à tems quand on voudra l'entreprendre.
La nouvelle Vie de Mignard
fait juger que l'Auteur a voulu fuppléer
à ce qui manque dans celle de M. Perrault
; & fi cela eft vrai à cet égard , il
doit bien l'être davantage à l'égard des
Condés , des Turennes , des Luxem
bourgs & de tant d'autres qui font compris
dans le même Ouvrage. Il faut convenir
pourtant que M. Perrault mérite
d'être loüé du deffein qu'il a eu de recueillir
les noms de ces Grands Hommes ; mais
qu'il n'a point eu affez de loifir pour don
ner à chacun toute l'attention qui étoit
neceffaire. Il feroit donc jufte que quelqu'un
de nos Auteurs qui écrivent fibien
voulut bien l'entreprendre , & s'immortalifer
lui même en immortalifant les autres.
Vous pouvez , Meffieurs , fi vous le
jugez à propos , inferer cette Lettre dans
votre Journal ; comme je n'ai en vûë que
le bien & la fatisfaction du Public , je ne
crois pas avoir befoin de me faire connoî
tre particulierement &c.
teurs du Mercure le 14. Août 1730. fur
Péloge des Grands Hommes.
O
pre-
N eft très fatisfait de l'éloge de Mignard
, dont vous nous apprenez
qu'on a compofé la vie. Celui qui en eft
l'Auteur a raifon de dire qu'il eft le
mier qui fe foit avifé d'écrire la vie d'un
grand Peintre en notre Langue , & qu'il
a fuivi l'exemple des Italiens qui depuis
long- tems en ont donné de femblables.
il eft vrai cependant que dans la Vie des
Hommes Illuftres de M. Perrault on y
voit
*།
1970 MERCURE DE FRANCE
voit l'éloge de Mignard ; mais cet éloge
eft trop court , & on peut dire la même
chofe des autres Vies que M. Perrault a
compofées ; n'eft- il pas évident que la
plupart des Grands hommes dont il a parlé
, pouvoient lui fournir beaucoup plus
de matiere & de traits remarquables qu'il
n'en a employé dans fon Ouvrage Il
feroit donc à fouhaiter qu'il fe trouvât
quelqu'un affez zelé pour donner à ces
differentes Vies plus d'étendue. M. Perrault
n'a écrit fur chacune que deux ou
trois pages feulement , & quelle proportion
y a-t'il entre le mérite de ces Grands
hommes & le petit Difcours qu'il a renfermé
dans un efpace fi étroit ? Il eſt certain
que l'on pourroit , fi on le vouloit ,
remplir plufieurs Volumes de plufieurs
chofes curieuſes , en racontant les vertus ,
les talens , les actions & les paroles mêmes
de ces illuftres perfonnages en tout
genre , qui ont fait tant d'honneur à la
France & à notre fiecle. Il eft de l'interêt
de notre Nation & du Public qu'on ne
laiffe rien perdre de tout ce qui peut
faire connoître & à notre fiecle & à la pofterité
le caractere de chacun de ces Grands
hommes , n'étant pas raifonnable que l'on
foit obligé d'aller chercher dans d'autres
Ouvrages ce qui devroit être renfermé
dans un feul , ni d'avoir recours à l'avenig
SEPTEMBRE. 1730. 1971
nir à des Mémoires particuliers qui auront
été confervés dans les familles. Ce foin
regarde principalement notre fiecle , &
faute d'y faire attention , on rifque de n'y
être plus à tems quand on voudra l'entreprendre.
La nouvelle Vie de Mignard
fait juger que l'Auteur a voulu fuppléer
à ce qui manque dans celle de M. Perrault
; & fi cela eft vrai à cet égard , il
doit bien l'être davantage à l'égard des
Condés , des Turennes , des Luxem
bourgs & de tant d'autres qui font compris
dans le même Ouvrage. Il faut convenir
pourtant que M. Perrault mérite
d'être loüé du deffein qu'il a eu de recueillir
les noms de ces Grands Hommes ; mais
qu'il n'a point eu affez de loifir pour don
ner à chacun toute l'attention qui étoit
neceffaire. Il feroit donc jufte que quelqu'un
de nos Auteurs qui écrivent fibien
voulut bien l'entreprendre , & s'immortalifer
lui même en immortalifant les autres.
Vous pouvez , Meffieurs , fi vous le
jugez à propos , inferer cette Lettre dans
votre Journal ; comme je n'ai en vûë que
le bien & la fatisfaction du Public , je ne
crois pas avoir befoin de me faire connoî
tre particulierement &c.
Fermer
Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite aux Auteurs du Mercure le 14. Août 1730. sur l'éloge des Grands Hommes.
Dans une lettre datée du 14 août 1730, l'auteur exprime sa satisfaction concernant la récente biographie de Pierre Mignard, soulignant qu'elle est la première en langue française à être dédiée à un grand peintre, suivant l'exemple italien. Cependant, il critique la brièveté de l'éloge de Mignard dans les 'Vies des Hommes Illustres' de Charles Perrault, ainsi que celle des autres biographies de cet ouvrage. L'auteur regrette que Perrault n'ait pas exploité pleinement les informations disponibles sur ces grands hommes, se contentant de quelques pages par vie. Il suggère de rédiger des biographies plus étendues, riches en détails sur les vertus, talents, actions et paroles de ces personnages, afin de préserver leur mémoire pour les générations futures. La nouvelle vie de Mignard semble combler les lacunes de celle de Perrault, de même que les biographies d'autres figures notables comme les Condés, Turenne et Luxembourg. Bien que Perrault soit loué pour avoir recueilli les noms de ces grands hommes, il manque de temps pour leur consacrer l'attention nécessaire. L'auteur espère qu'un autre auteur prendra le relais pour immortaliser ces figures historiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
15
p. 1972
BOUQUET D'un Buveur à son ami.
Début :
Que les Oeillets, les Roses & les Lys [...]
Mots clefs :
Fleurs, Amant, Fête
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BOUQUET D'un Buveur à son ami.
BOUQUET
D'un Buveur à fon ami.
Ue les OEillets , les Rofes & les Lys
Voltigent fur le fein d'Iris ;
Que le jour de fa Fête
Les plus brillantes fleurs éclattent ſur ſa tête,
Je n'en dis rien : la choſe eſt de ſaiſon ,
Et fouvent faute d'un Guerdon
L'Amant a perdu fa conquête.
Mais pour nous que
loix ,
Bacchus vit naître fous fes
'Ami , penfons plutôt à fuivre un autre choix.
Cent glouglous repetés d'un pétillant Champagne
Valent mieux que les fleurs de toute la campa
gne.
Allons donc celebrer le refte de ce jour
Dans ces lieux fortunés où Bacchus tient fa Cour.
C'est là que l'on goûte des charmes ,
Exemts de troubles & d'allarmes ;
Les Jeux , les Ris & les Plaifirs
Nous donneront des ferenades ;
Et ta Fête chantée au milieu des Rafades
Remplira nos plus chers defirs.
D'un Buveur à fon ami.
Ue les OEillets , les Rofes & les Lys
Voltigent fur le fein d'Iris ;
Que le jour de fa Fête
Les plus brillantes fleurs éclattent ſur ſa tête,
Je n'en dis rien : la choſe eſt de ſaiſon ,
Et fouvent faute d'un Guerdon
L'Amant a perdu fa conquête.
Mais pour nous que
loix ,
Bacchus vit naître fous fes
'Ami , penfons plutôt à fuivre un autre choix.
Cent glouglous repetés d'un pétillant Champagne
Valent mieux que les fleurs de toute la campa
gne.
Allons donc celebrer le refte de ce jour
Dans ces lieux fortunés où Bacchus tient fa Cour.
C'est là que l'on goûte des charmes ,
Exemts de troubles & d'allarmes ;
Les Jeux , les Ris & les Plaifirs
Nous donneront des ferenades ;
Et ta Fête chantée au milieu des Rafades
Remplira nos plus chers defirs.
Fermer
Résumé : BOUQUET D'un Buveur à son ami.
Le poème 'BOUQUET' d'un buveur à son ami compare les fleurs traditionnelles aux plaisirs du champagne. L'auteur préfère célébrer avec du champagne et invite à passer la journée dans des lieux dédiés à Bacchus, où règnent jeux, rires et plaisirs. La fête, chantée au milieu des rires, comblera leurs désirs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
16
p. 1973-1976
JUGEMENT des Anglois sur la Mathématique universelle, abregée à l'usage & à la portée de tout le monde, du P. C. J. imprimée à Paris, chez Simon, rüe de la Harpe.
Début :
La Mathématique du P. C. fait trop de bruit à Paris, pour qu'on n'y soit [...]
Mots clefs :
Mathématique, Journal de Londres, Louis-Bertrand Castel
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : JUGEMENT des Anglois sur la Mathématique universelle, abregée à l'usage & à la portée de tout le monde, du P. C. J. imprimée à Paris, chez Simon, rüe de la Harpe.
JUGEMENT des Anglois fur la
Mathématique univerfelle , abregée , à
l'ufage à la portée de tout le monde ;
du P. C. J. imprimée à Paris , chez
Simon , rue de la Harpe.
LA
A Mathématique du P. C. fait trop
de bruit à Paris , pour qu'on n'y foit
pas curieux de voir le jugement qu'en
ont porté les Anglois , qui paffent , avec
raifon , pour de fi grands Géometres , &
de fi bons connoiffeurs en cette matiere.
D'abord , rien n'eft plus glorieux au P.C.
ni plus décifif pour le mérite de fon Ouvrage
, que d'avoir été reçû , comme il
l'a été , fans aucune contradiction , fans
même aucune follicitation , dans l'Académie
Royale de Londres , dont il eſt le
premier Membre qu'ait eu fa Compagnie
dans cette illuftre Societé . Du reſte
La Societé Royale s'eft expliqué & a déclaré
qu'elle ne faifoit cet honneur extraordinaire
, & cette finguliere exception
en faveur du P. C. qu'à cauſe de ſa Mathématique.
Voici en particulier comment
un illuftre Membre de cette Societé
parloit de cet Ouvrage dans le Journal
de Londres du mois de Mars 1728 .
à la page 233 .
D TRA
1974 MERCURE DE FRANCE
TRADUCTION de l'Article 26. du
Journal de Londres , Mars 1728. p. 233 .
Le fçavant & celebre P. Caftel , vient
de publier un Ouvrage merveilleux &
extraordinaire ; c'eft un grand in-4. d'environ
700. pages , intitulé : Mathématique
univerfelle , abregée , à l'usage & à la portée
de tout le monde , principalement des jeunes
Seigneurs , Ingenieurs , Phyficiens , Artiftes
, & c. chez P. Simon , à Paris.
Dans les premieres 200. pages de ce
noble Ouvrage,cet Auteur donne un Plan
& une idée generale de toutes les Sciences
Mathématiques , avec une explication
auffi claire qu'élegante de chacune de leurs
branches. Dans l'étendue de ces 200. pages
, tout ce qu'il y a de plus eftimable
& de plus important dans les Sciences
humaines , eft traité fuffifamment. Et
l'Auteur defcend même jufqu'au plus petit
détail, avec une préciſion & une exactitude
inconcevable.
Après ces deux cens pages , il entre
dans la confideration de la Géometrie priſe
en particulier. D'abord il donne divers
Traitez ou Differtations fur la Méthode
& fur diverfes Méthodes d'Invention &
de Doctrine , foit pour toutes les Sciences
Mathématiques en general , foit pour la
Géometrie en particulier.
II
SEPTEMBRE . 1730. 1975
Il vient enfuite à ce qu'il appelle la
Géometrie fimple , dans laquelle il renferme
tous les principes d'Arithmétique ,
d'Algebre & d'Analyſe ; la Doctrine des
Propofitions , celle des Equations fimples ;
enfin les Elemens d'Euclide , & toute la
Géometrie pratique.
De- là il procede à ce qu'il nomme la
Géometrie compofée , contenant en entier
toute la Doctrine du Calcul numerique
& litteral , c'eft - à- dire , l'Arithmetique
& l'Algebre , avec toute la Doctrine de
l'Analyfe compofée , & tout ce qui concerne
les Sections coniques.
En dernier lieu il traite au long de la
nouvelle & plus fublime Géometrie , que
les François appellent la Géometrie tranfcendante
; & c'est ici que nous avons toute.
la Doctrine & la Science des Infinis , expliquez
d'une maniere nouvelle & trèsfinguliere,
également inftructive & agréa
ble , l'Auteur les confiderant dans tous
les jours & points - de -vûë poffibles ; leur
Phyfique, leur Métaphyfique, leur Arithmerique
, les Calculs , exponentiel , integral
, differentiel , comme les François les
nomment ou la Méthode directe ou in- ·
verfe des fluxions ; toute la fcience des
Courbes , leurs defcriptions , comparaifons
, Analyfes & lieux géometriques . Le
tout terminé par un ample Traité des
Dij Qua
1976 MERCURE DE FRANCE
Quadratures , qui contient un grand nom- ,
bre de découvertes toutes neuves & veritablement
curieufes . Entr'autres on y
trouve une Méthode pour les quantitez
infiniment grandes , par où l'Auteur réduit
à une valeur exacte en nombres les
plus petites & infiniment petites differences
des chofes ; il quarre un Cercle infiniment
grand & une portion de Cercle infiniment
petite , auffi - bien qu'une Eclipfe,
& cela avec autant d'exactitude qu'une
Parabole , &c.
Nous ne finirions point , fi nous voulions
détailler les particularitez de tout
ce qui fe trouve de nouveau & de curieux
répandu dans cet excellent Ouvrage ;
mais nous avons deffein d'en faire un rapport
plus exact & plus étendu dans un
autre Journal.
Mathématique univerfelle , abregée , à
l'ufage à la portée de tout le monde ;
du P. C. J. imprimée à Paris , chez
Simon , rue de la Harpe.
LA
A Mathématique du P. C. fait trop
de bruit à Paris , pour qu'on n'y foit
pas curieux de voir le jugement qu'en
ont porté les Anglois , qui paffent , avec
raifon , pour de fi grands Géometres , &
de fi bons connoiffeurs en cette matiere.
D'abord , rien n'eft plus glorieux au P.C.
ni plus décifif pour le mérite de fon Ouvrage
, que d'avoir été reçû , comme il
l'a été , fans aucune contradiction , fans
même aucune follicitation , dans l'Académie
Royale de Londres , dont il eſt le
premier Membre qu'ait eu fa Compagnie
dans cette illuftre Societé . Du reſte
La Societé Royale s'eft expliqué & a déclaré
qu'elle ne faifoit cet honneur extraordinaire
, & cette finguliere exception
en faveur du P. C. qu'à cauſe de ſa Mathématique.
Voici en particulier comment
un illuftre Membre de cette Societé
parloit de cet Ouvrage dans le Journal
de Londres du mois de Mars 1728 .
à la page 233 .
D TRA
1974 MERCURE DE FRANCE
TRADUCTION de l'Article 26. du
Journal de Londres , Mars 1728. p. 233 .
Le fçavant & celebre P. Caftel , vient
de publier un Ouvrage merveilleux &
extraordinaire ; c'eft un grand in-4. d'environ
700. pages , intitulé : Mathématique
univerfelle , abregée , à l'usage & à la portée
de tout le monde , principalement des jeunes
Seigneurs , Ingenieurs , Phyficiens , Artiftes
, & c. chez P. Simon , à Paris.
Dans les premieres 200. pages de ce
noble Ouvrage,cet Auteur donne un Plan
& une idée generale de toutes les Sciences
Mathématiques , avec une explication
auffi claire qu'élegante de chacune de leurs
branches. Dans l'étendue de ces 200. pages
, tout ce qu'il y a de plus eftimable
& de plus important dans les Sciences
humaines , eft traité fuffifamment. Et
l'Auteur defcend même jufqu'au plus petit
détail, avec une préciſion & une exactitude
inconcevable.
Après ces deux cens pages , il entre
dans la confideration de la Géometrie priſe
en particulier. D'abord il donne divers
Traitez ou Differtations fur la Méthode
& fur diverfes Méthodes d'Invention &
de Doctrine , foit pour toutes les Sciences
Mathématiques en general , foit pour la
Géometrie en particulier.
II
SEPTEMBRE . 1730. 1975
Il vient enfuite à ce qu'il appelle la
Géometrie fimple , dans laquelle il renferme
tous les principes d'Arithmétique ,
d'Algebre & d'Analyſe ; la Doctrine des
Propofitions , celle des Equations fimples ;
enfin les Elemens d'Euclide , & toute la
Géometrie pratique.
De- là il procede à ce qu'il nomme la
Géometrie compofée , contenant en entier
toute la Doctrine du Calcul numerique
& litteral , c'eft - à- dire , l'Arithmetique
& l'Algebre , avec toute la Doctrine de
l'Analyfe compofée , & tout ce qui concerne
les Sections coniques.
En dernier lieu il traite au long de la
nouvelle & plus fublime Géometrie , que
les François appellent la Géometrie tranfcendante
; & c'est ici que nous avons toute.
la Doctrine & la Science des Infinis , expliquez
d'une maniere nouvelle & trèsfinguliere,
également inftructive & agréa
ble , l'Auteur les confiderant dans tous
les jours & points - de -vûë poffibles ; leur
Phyfique, leur Métaphyfique, leur Arithmerique
, les Calculs , exponentiel , integral
, differentiel , comme les François les
nomment ou la Méthode directe ou in- ·
verfe des fluxions ; toute la fcience des
Courbes , leurs defcriptions , comparaifons
, Analyfes & lieux géometriques . Le
tout terminé par un ample Traité des
Dij Qua
1976 MERCURE DE FRANCE
Quadratures , qui contient un grand nom- ,
bre de découvertes toutes neuves & veritablement
curieufes . Entr'autres on y
trouve une Méthode pour les quantitez
infiniment grandes , par où l'Auteur réduit
à une valeur exacte en nombres les
plus petites & infiniment petites differences
des chofes ; il quarre un Cercle infiniment
grand & une portion de Cercle infiniment
petite , auffi - bien qu'une Eclipfe,
& cela avec autant d'exactitude qu'une
Parabole , &c.
Nous ne finirions point , fi nous voulions
détailler les particularitez de tout
ce qui fe trouve de nouveau & de curieux
répandu dans cet excellent Ouvrage ;
mais nous avons deffein d'en faire un rapport
plus exact & plus étendu dans un
autre Journal.
Fermer
Résumé : JUGEMENT des Anglois sur la Mathématique universelle, abregée à l'usage & à la portée de tout le monde, du P. C. J. imprimée à Paris, chez Simon, rüe de la Harpe.
Le texte présente un ouvrage mathématique intitulé 'Mathématique universelle, abrégée, à l'usage et à la portée de tout le monde', écrit par le Père C. J. Cet ouvrage a été bien accueilli à Paris et a suscité l'intérêt des Anglais, reconnus pour leurs compétences en géométrie. L'Académie Royale de Londres a accepté le Père C. J. comme membre sans contestation, soulignant la qualité de son travail mathématique. Un membre illustre de cette société a loué l'ouvrage dans le Journal de Londres en mars 1728. L'ouvrage, publié chez Simon à Paris, est un grand in-folio de 700 pages. Les premières 200 pages offrent un plan général des sciences mathématiques avec des explications claires et élégantes. Ensuite, l'auteur aborde la géométrie, traitant des méthodes d'invention et de doctrine, ainsi que des principes d'arithmétique, d'algèbre et d'analyse. Il distingue la géométrie simple, qui inclut les éléments d'Euclide et la géométrie pratique, et la géométrie composée, couvrant l'arithmétique, l'algèbre et l'analyse composée. L'auteur explore également la géométrie transcendantale, ou géométrie des infinis, avec des explications nouvelles et singulières sur la physique, la métaphysique et les calculs des infinis. L'ouvrage se termine par un traité sur les quadratures, présentant des découvertes nouvelles et curieuses, notamment une méthode pour les quantités infiniment grandes et petites.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
17
p. 1976-1977
MADRIGAL. A Mlle P....
Début :
Amour est aveugle, dit-on ; [...]
Mots clefs :
Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL. A Mlle P....
MADRIGAL.
A Mile P ....
A Mour eft aveugle , dit- on;
Il n'écoute que fon caprice ;
Et ne fuit jamais la raiſon.
Corine , à cet Enfant je rends plus de juftice ;
Il m'enflamme pour vous ; vous avez des appas ,
Mille
SEPTEMBRE. 1730. 1977
Mille vertus vous rendent eſtimable :
Or je foutiens qu'en pareil cas ,
Amour voit clair , & qu'il eft raiſonnable
A Mile P ....
A Mour eft aveugle , dit- on;
Il n'écoute que fon caprice ;
Et ne fuit jamais la raiſon.
Corine , à cet Enfant je rends plus de juftice ;
Il m'enflamme pour vous ; vous avez des appas ,
Mille
SEPTEMBRE. 1730. 1977
Mille vertus vous rendent eſtimable :
Or je foutiens qu'en pareil cas ,
Amour voit clair , & qu'il eft raiſonnable
Fermer
18
p. 1977-1987
REPONSE de M. Godin, D. l'Ac. R. D. S. à un Article des Memoires de Trévoux, du mois de May 1730. page 910. & suivantes.
Début :
J'ai avancé dans ma Description de l'Aurore Boreale du 19. Octobre 1726. [...]
Mots clefs :
Aurore boréale, Observations, Phénomènes, Lumière, Journaliste, Académie royale des sciences, Mémoires de Trévoux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE de M. Godin, D. l'Ac. R. D. S. à un Article des Memoires de Trévoux, du mois de May 1730. page 910. & suivantes.
REPONSE de M. Godin , D. l'Ac.
R. D. S. à un Article des Memoires de
Trévoux , du mois de May 1730. page
910. & fuivantes.
JA
' Ai avancé dans ma Defcription de
l'Aurore Boreale du 19. Octobre 1726 .
imprimée dans les Memoires de l'Acadé
mie Royale des Sciences de la même année,
que les PP. Kircher & Schott avoient
attribué les Aurores Boreales ou d'autres
Phénomenes Aeriens , relatifs , felon moi,
aux Aurores Boréales , à une Reflexion
de quelques objets terreftres fur la furface
des Nuées , capables par une certaine difpofition
, de produire l'effet d'un Miroir.
Cet Article a été relevé dans les Journaux
de Trévoux ; on y prétend :
1. Que j'attribue à ces deux fçavans
hommes un fentiment qu'ils n'ont jamais
eu , fentiment que le P. Schott combat
au contraire bien plus fortement que moi.
2. Que j'ai traduit le P. Schott , à l'endroit
même où il combat fi fortement ce
fentiment pour adopter fon explication du
du Phénomene fans lui en faire honneur.
D iij Je
1978 MERCURE DE FRANCE
Je conviens que lorfque je fis cette Defcription
de l'Aurore Boreale , je n'avois
ni le P. Kircher , ni Schott , & en leur
attribuant ce fentiment prétendu faux ,
j'ai fuivi le P. Zahn , qui leur attribuë
auffi ( Oeconom. Mund. Mirabil. Tome I.
pag. 420. ) & qui cite l'endroit de leurs
Ouvrages où il fe trouve. Si j'ai attribué
faux, Zahn l'a donc fait avant moi ; voyons
s'il s'eft trompé , reprenons les endroits
qu'il cite & de Kircher & de Schott.
Kircher , In Arte magnâ lucis & umbra;
lib. 10. part. 2. cap. I. Natura admirabili
quodam lucis temperamento veluti varia
colorum mifturâ , & temperamento in
aereisfpeculis tanta induftriâ diverfiffima rerum
fimulachra depingit , ut nulla ars bumana
, & c. Et plus bas ; Quod verò varias
animalium voces audiant , id per voces animalium
vicinorum in concavâ * Nube
•aut monte reflexas fieri poſſe nullum dubium
effe debet. Kircher conclut enfin : Patet
igitur aereum fpeculum à naturâ fieri in quo
rerum imagines multiplicata hominibus fe ,ceu
prodigia quadam exhibeant.
Voilà bien clairement des Phénomenes
relatifs aux Aurores Boreales expliquez
par la reflexion de quelques objets terreftres
fur des Nuées qui produifent l'effet
d'un Miroir.
* On trouve rupe dans Kircher ; Zahn lit nube.'
Le
SEPTEMBRE . 1730. 1979
Le P. Schott a dit la même chofe
( Magia natural. part. 1. lib . 4. cap. 1. )
je ne le tranfcris pas ici , mais quand je ne
pourrois pas le citer , on n'aura pas de peine
à le croire, à moins qu'on ignore qu'il
étoit le Difciple , le compagnon d'études,
le copiſte même des Ouvrages du P. Kircher
, des termes duquel il fe fert pendant
des Chapitres entiers .
Mais Schott, dit- on , parle so . ans avant
moi , il expoſe ce fentiment, le combat , &
dit qu'il eft ridicule & contraire à la faine
Philofophie ; j'ai dit la même chofe ;
j'ai donc traduit cet Auteur ; non , car
fans prétendre en être crû , quand j'affure
que je n'ai vu la Phyfique curieufe
du P. Schott , qu'à l'occafion de
cette Critique ; ce n'eft pas traduire un
Auteur , ni même adopter fon fentiment,
que de donner une explication détaillée
de quelque Phénomene dont il a dit un
mot. Belle confequence qu'on tireroit de
ce qu'on trouve en trois ou quatre pages
d'un Livre de Schott , une ou deux phrafes
femblables aux miennes.
Mais pour le fonds ; que prouve con
tre moi le Texte de fa Thefe que Non
funt res alibi in terris exiftentes . & in
aere velut in fpeculo apparentes , rien ,
fi - non que le fentiment du P. Kircher
que j'ai allegué , & que Schott a employé
D iiij
dans
1980 MERCURE DE FRANCE
dans fa Magie naturelle à l'endroit cité
n'eft pas foutenable ; je fuis en cela d'accord
avec Schott , il ne m'a donc manqué
que d'avoir lû fa Phyfique curieufe
pour m'appercevoir qu'il y avoit changé
de fentiment .
Quand je dis que Schott l'a employé
ailleurs , je le traduis ici , * Dicet aliquis
poffe ac folere variis in locis apparere varias
ac prodigiofas Paraftafes , feu reprafentationes
uti. Nos ipfi demonftravimus in
Magia noftra , part. 1. lib . 4. fintagm . 1 .
Exemplo mirabilis Morgana Rheginorum &
aliarum fimilium in aere vaporofo repræſentationum.
Le Critique ajoute enfin que Schott
rapporte , ainfi que moi , la caufe de ces
Phénomenes aux exhalaifons : Sunt vapores,
exhalationes , partes aeris addenfati , dit
cer Auteur dans les Memoires de Trévoux
, c'eft le texte de fa feconde Thefe ,
il y explique donc de quelle maniere ces
vapeurs , cet air condenfé , &c . peuvent
former ces fortes de Phénomenes ; point
du tout , Schott rapporté dans le Trévoux
eft different de Schott dans fes
propres
Livres ; voici fon Texte entier : Sunt vapores,
exhalationes partes aeris addenfati effigiata
in formam Equorum , Hominum fimi-
Phyfic, curiof. loc. cit.
lium
SEPTEMBRE . 1730. 1981
liumque spectrorum non cafu & naturâ , fed
bonorum Geniorum operâ ; autre fentiment
auffi peu fondé que le premier , & bien
different de celui que j'ai eu , & que le
Critique attribue à fon Phyficien .
Cette Réponſe me donne occafion de faire
deux ou trois Remarques fur quelques
Extraits des Memoires de l'Académie de
1726. qui fe trouvent dans le même mois.
des Journaux de Trévoux , page 879. &
fuivantes , & qui regardent plus particu
lierement le Metéore dont il s'agit ici ou
l'Aftronomie.
M. de Mairan , dans fa Defcription des
Aurores Boréales du 26. Septembre & 19.
Octobre 1726. avoit dit :
» La lumiere Septentrionale ou l'Aurore
» Boréale eft un Phénomene très ordi-
» naire dans les Pays Septentrionaux &
» vrai-femblablement auffi ancien que le
» Monde ; cependant les anciens Philoſo-
>> phes ne l'ont point connu , ou n'en ont
» parlé que fous l'idée generique de Phé.
» nomene de feu & de Lumiere celefte .
» M. Gaffendi eft un des premiers qui en
>> ait fait mention & qui l'ait rapporté au
» Nord comme à fon lieu propre & à fa
» veritable origine.
Le Journaliſte dont je ne prétends ici
cependant , auffi-bien que dans ce que
j'ai à dire dans la fuite , ni blâmer ni qua-
D v lifier
1982 MERCURE DE FRANCE
lifier les intentions , donne un fens tout
different à ce commencement du Memoire
de M. de Mairan , & il fait naître
dans l'efprit de fon Lecteur la même idée
qu'il paroît en avoir pris lui-même. » Gaffendi
, dit- il , n'eft pas le premier qui ait
» parlé de l'Aurore Boréale ; Cardan , bien
» d'autres l'ont connue & affez bien con-
» nue avant lui ; que Cardan & bien d'autres
que je pourrois citer , l'ayent connue
fous l'idée génerique de feu , de lumiere
celefte , &c. avant Gaffendi
l'accordera au Journaliſte , & M. de Mairan
l'a dit ; mais qu'ils l'ayent , comme
il ajoûte , affez bien connue avant lui, &
rapportée au Nord comme au veritable
licu de fon origine , c'eſt un fait ailé
à détruire , & que je m'étonne que
le Journaliſte ait avancé ; ce que M. de
Mairan a dit de Gaffendi , eft vrai à la
lettre, il n'a point dit ce que le Journaliſte
lui fait dire, & ce que celui- ci , avance,
il auroit bien de la peine à le prouver.
on
On pourroit croire auffi que le Journaliſte
a voulu préfenter fous un afpect
peu favorable, pour ne rien dire de plus,
f'exactitude de M. de Mairan dans l'Obfervation
& dans la Defcription de l'Aurore
Boréale du 26. Octobre ; comme fi
un Phénomene fi marqué , fi different à
plufieurs égards de ceux qu'on avoit vû
deSEPTEMBRE.
1730. 19831
1723 .
depuis long-temps dans ce genre & fi capable
d'influer fur les explications qu'on
en pourroit donner dans la ſuite , ne mériroit
pas une attention plus particuliere.
Le Journaliſte trouve mauvais que M.Maraldi
ait dit que les Obfervations des Aftronomes
Chinois fur la Comete de
ne font pas exactes ; qu'auroit fait le Journaliſte
lui- même , fi comparant les Obfervations
de cette Comete , faites à Pekin
par le P. Kegler Jefuite , à celles qui ont
été faites le même jour par les Chinois
commis pour veiller à la Tour Aftrono
mique , il avoit trouvé les Obfervations
de ces derniers differentes de celles du
P. Kegler de 6º 30 ' en longitude & de 12 '
en latitude , il auroit conclu , fans doute,
comme a fait M. Maraldi , que les Obfervations
des Chinois ne font pas exactes ;
neanmoins les Obfervations Chinoifes
font affez bien circonftanciées , on y marque
les paffages de la Comete par le Meridien
en heures & en minutes , le 11 &
le 12. Octobre avec la hauteur meridienne
, en degrez & minutes .
3
Celle du P.Kegler faite le 11. eft défectueufe
en ce qu'il ne marque point à quelle
minute précife la Comete paffa par le méridien;
il s'accorde avec les Chinois pour la
hauteur prife le 11. & pour l'Obfervation
du 12.à quelques minutes près dans la hau-
D vj teur
1984 MERCURE DE FRANCE
>
teur méridienne ; on peut donc jufqu'ici
fe fier aux Obfervations Chinoifes ; mais
par ces Obfervations comparées avec celle
que le P. Kegler fit par une Armille Zodiacale
on trouve une difference de
6 ° en longitude , & de 12 ' en latitude
; on pourroit donc conclure que l'Obfervation
du P. Kegler faite par l'Armille
Zodiacale n'eft pas exacte , puifqu'elle
differe de celle que ce même P. & les Obfervateurs
Chinois ont faites au méridien.
Qu'a donc fait M.Maraldi , plein d'égards
& de bonne opinion pour le P. Kegler
il a' conclu plutôt en fa faveur , en faifant
néanmoins remarquer le petit défaut
qui fe trouvoit dans fon Obfervation faite
le 11.
Le triomphe du Journaliſte eft donc
hors de faifon , lorfqu'il dit : » C'est pourtant
a de pareils Obfervateurs que L'AC
»tronomie & la Geographie doivent bien
» de grandes découvertes , & en particu-
» lier une plus grande exactitude ; avant
>> eux l'Afie &c.
Je ne connois aucune découverte en
Aftronomie qui foit due aux Obſervations
de la Chine ; nos Theories Phyſiques
ou Geometriques n'en font ni mieux établies
ni plus éclaircies ; nos Inftrumens
ne leur doivent point leur perfection ;
nos calculs n'en font devenus ni plus aifés
SEPTEMBRE. 1730. 1985.
fés ni plus furs . Il eft faux d'ailleurs que
ce foit aux Obfervateurs Chinois que l'on
doive la poſition précife de quelque Lieu
terreftre ; mais quand cela feroit , eft- ce
à leurs Obfervations mal faites & peu
exactes que font dues toutes ces prétendues
découvertes , & M. Maraldi auroitil
dû trouver bonnes des Obfervations fi
differentes entr'elles ? Si cet habile Aftronome
avoit ainfi décidé , le Journaliſte
l'auroit avec raiſon repris de trop de complaifance
ou de manque de difcernement.
M. Delifle avoit lu en 1723. à l'Académie
un Mémoire fur la longitude de l'embouchure
du Fleuve Miffiffipi ; il y établiffoit
par un grand nombre de raifons
& de comparaifons Geographiques la longitude
de ce point de la Terre, telle qu'il
l'avoit déterminée & placée dans fes deux
Cartes de l'Amerique & de la Louiſiane.
L'occafion de ce Mémoire fut la difference
entre cette pofition & celle qui refultoit
d'une Obfervation du 1. Satellite
de Jupiter , faite fur le Lieu même par le
P. Laval , difference de 11 ° ou de 200 .
lieuës. L'Académie pleine d'égards pour
le Jefuite , dont le mérite lui étoit connu ,
crut malgré les fortes raifons de M. Delifle
ne devoir pas fi tôt prononcer contre
une Obſervation immédiate ; elle jugea
à propos de differer l'impreffion de
ce
1986 MERCURE DE FRANCE
ce Mémoire jufqu'à celle du Livre du P.
Laval , afin que le Public vît en mêmetems
, & comparât les raifons des deux
Adverfaires. La Note miſe au bas du Mémoire
en fait foi . La voici :
» Ce Mémoire a été lû dès l'année 1723.
» mais on n'a pas crû qu'il convenoit de le
>>faire paroître avant que l'Obfervation
qu'il attaque eut été imprimée , & elle ne
»l'a été que depuis peu .
22
>
Ce n'eft donc pas ,comme le Journaliſte
femble l'infinuer en quelque maniere , que
l'Académie ait attendu la mort du P. Laval
pour publier le Mémoire de M. Delifle
; le Jefuite a eu le tems de
répondre aux raifons de l'Académicien
le Mémoire lui avoit été communiqué
par M. Delifle lui même , & quoique mis
dans le Volume de 1726. il n'a été imprimé
qu'en 1728. un an & plus avant la
mort du P. Laval ; la mort n'a donc pas
mis le celebre Aftronome hors d'état de
défendre fon Obfervation.
Il ne l'a point fait il ne la croyoit
donc pas fi bonne que le Journaliſte l'a
penfé ; au refte , cette queftion eft décidée ,
& il paroît que M. Delifle n'a ufé de
pas
tout le droit que lui donnoient fes recher
ches & fes grandes connoiffances en Geographie.
M. Baron envoyé par le Roi dans
l'Amérique Septentrionale pour y faire
des
des Observations Physiques & Mathématiques,
y observa à la Nouvelle Orleans
l'Eclipse de Lune du 8. Août 1729. &C
cette Observation comparée à
,
celle qui
fut faite à Paris donne 6 h 9' 7 pourla
différence des méridiens ou 92 v 16J45"
dont la nouvelle Orleans est plus occidentale
que Paris.
Voilà donc jusqu'ici la dispute entre M;
Delisle 5c le P. Laval décidée en faveur
du premier; sa position de l'embouchure
du Mississîpi est soutenuë & verifiée par
une autorité de même genre que celle du
P. Laval , & l'Observation de ce Pere en
devient pour nous d'autant moins bonne.
Je n'ai prétendu parler ici que de ce qui
regarde l'Aurore Boreale, l'Astronomie
& la Geographie, sans toucher aux autres
Extraits, sur la plupart desquels on
pourroit peut être faire de semblables remarques.
R. D. S. à un Article des Memoires de
Trévoux , du mois de May 1730. page
910. & fuivantes.
JA
' Ai avancé dans ma Defcription de
l'Aurore Boreale du 19. Octobre 1726 .
imprimée dans les Memoires de l'Acadé
mie Royale des Sciences de la même année,
que les PP. Kircher & Schott avoient
attribué les Aurores Boreales ou d'autres
Phénomenes Aeriens , relatifs , felon moi,
aux Aurores Boréales , à une Reflexion
de quelques objets terreftres fur la furface
des Nuées , capables par une certaine difpofition
, de produire l'effet d'un Miroir.
Cet Article a été relevé dans les Journaux
de Trévoux ; on y prétend :
1. Que j'attribue à ces deux fçavans
hommes un fentiment qu'ils n'ont jamais
eu , fentiment que le P. Schott combat
au contraire bien plus fortement que moi.
2. Que j'ai traduit le P. Schott , à l'endroit
même où il combat fi fortement ce
fentiment pour adopter fon explication du
du Phénomene fans lui en faire honneur.
D iij Je
1978 MERCURE DE FRANCE
Je conviens que lorfque je fis cette Defcription
de l'Aurore Boreale , je n'avois
ni le P. Kircher , ni Schott , & en leur
attribuant ce fentiment prétendu faux ,
j'ai fuivi le P. Zahn , qui leur attribuë
auffi ( Oeconom. Mund. Mirabil. Tome I.
pag. 420. ) & qui cite l'endroit de leurs
Ouvrages où il fe trouve. Si j'ai attribué
faux, Zahn l'a donc fait avant moi ; voyons
s'il s'eft trompé , reprenons les endroits
qu'il cite & de Kircher & de Schott.
Kircher , In Arte magnâ lucis & umbra;
lib. 10. part. 2. cap. I. Natura admirabili
quodam lucis temperamento veluti varia
colorum mifturâ , & temperamento in
aereisfpeculis tanta induftriâ diverfiffima rerum
fimulachra depingit , ut nulla ars bumana
, & c. Et plus bas ; Quod verò varias
animalium voces audiant , id per voces animalium
vicinorum in concavâ * Nube
•aut monte reflexas fieri poſſe nullum dubium
effe debet. Kircher conclut enfin : Patet
igitur aereum fpeculum à naturâ fieri in quo
rerum imagines multiplicata hominibus fe ,ceu
prodigia quadam exhibeant.
Voilà bien clairement des Phénomenes
relatifs aux Aurores Boreales expliquez
par la reflexion de quelques objets terreftres
fur des Nuées qui produifent l'effet
d'un Miroir.
* On trouve rupe dans Kircher ; Zahn lit nube.'
Le
SEPTEMBRE . 1730. 1979
Le P. Schott a dit la même chofe
( Magia natural. part. 1. lib . 4. cap. 1. )
je ne le tranfcris pas ici , mais quand je ne
pourrois pas le citer , on n'aura pas de peine
à le croire, à moins qu'on ignore qu'il
étoit le Difciple , le compagnon d'études,
le copiſte même des Ouvrages du P. Kircher
, des termes duquel il fe fert pendant
des Chapitres entiers .
Mais Schott, dit- on , parle so . ans avant
moi , il expoſe ce fentiment, le combat , &
dit qu'il eft ridicule & contraire à la faine
Philofophie ; j'ai dit la même chofe ;
j'ai donc traduit cet Auteur ; non , car
fans prétendre en être crû , quand j'affure
que je n'ai vu la Phyfique curieufe
du P. Schott , qu'à l'occafion de
cette Critique ; ce n'eft pas traduire un
Auteur , ni même adopter fon fentiment,
que de donner une explication détaillée
de quelque Phénomene dont il a dit un
mot. Belle confequence qu'on tireroit de
ce qu'on trouve en trois ou quatre pages
d'un Livre de Schott , une ou deux phrafes
femblables aux miennes.
Mais pour le fonds ; que prouve con
tre moi le Texte de fa Thefe que Non
funt res alibi in terris exiftentes . & in
aere velut in fpeculo apparentes , rien ,
fi - non que le fentiment du P. Kircher
que j'ai allegué , & que Schott a employé
D iiij
dans
1980 MERCURE DE FRANCE
dans fa Magie naturelle à l'endroit cité
n'eft pas foutenable ; je fuis en cela d'accord
avec Schott , il ne m'a donc manqué
que d'avoir lû fa Phyfique curieufe
pour m'appercevoir qu'il y avoit changé
de fentiment .
Quand je dis que Schott l'a employé
ailleurs , je le traduis ici , * Dicet aliquis
poffe ac folere variis in locis apparere varias
ac prodigiofas Paraftafes , feu reprafentationes
uti. Nos ipfi demonftravimus in
Magia noftra , part. 1. lib . 4. fintagm . 1 .
Exemplo mirabilis Morgana Rheginorum &
aliarum fimilium in aere vaporofo repræſentationum.
Le Critique ajoute enfin que Schott
rapporte , ainfi que moi , la caufe de ces
Phénomenes aux exhalaifons : Sunt vapores,
exhalationes , partes aeris addenfati , dit
cer Auteur dans les Memoires de Trévoux
, c'eft le texte de fa feconde Thefe ,
il y explique donc de quelle maniere ces
vapeurs , cet air condenfé , &c . peuvent
former ces fortes de Phénomenes ; point
du tout , Schott rapporté dans le Trévoux
eft different de Schott dans fes
propres
Livres ; voici fon Texte entier : Sunt vapores,
exhalationes partes aeris addenfati effigiata
in formam Equorum , Hominum fimi-
Phyfic, curiof. loc. cit.
lium
SEPTEMBRE . 1730. 1981
liumque spectrorum non cafu & naturâ , fed
bonorum Geniorum operâ ; autre fentiment
auffi peu fondé que le premier , & bien
different de celui que j'ai eu , & que le
Critique attribue à fon Phyficien .
Cette Réponſe me donne occafion de faire
deux ou trois Remarques fur quelques
Extraits des Memoires de l'Académie de
1726. qui fe trouvent dans le même mois.
des Journaux de Trévoux , page 879. &
fuivantes , & qui regardent plus particu
lierement le Metéore dont il s'agit ici ou
l'Aftronomie.
M. de Mairan , dans fa Defcription des
Aurores Boréales du 26. Septembre & 19.
Octobre 1726. avoit dit :
» La lumiere Septentrionale ou l'Aurore
» Boréale eft un Phénomene très ordi-
» naire dans les Pays Septentrionaux &
» vrai-femblablement auffi ancien que le
» Monde ; cependant les anciens Philoſo-
>> phes ne l'ont point connu , ou n'en ont
» parlé que fous l'idée generique de Phé.
» nomene de feu & de Lumiere celefte .
» M. Gaffendi eft un des premiers qui en
>> ait fait mention & qui l'ait rapporté au
» Nord comme à fon lieu propre & à fa
» veritable origine.
Le Journaliſte dont je ne prétends ici
cependant , auffi-bien que dans ce que
j'ai à dire dans la fuite , ni blâmer ni qua-
D v lifier
1982 MERCURE DE FRANCE
lifier les intentions , donne un fens tout
different à ce commencement du Memoire
de M. de Mairan , & il fait naître
dans l'efprit de fon Lecteur la même idée
qu'il paroît en avoir pris lui-même. » Gaffendi
, dit- il , n'eft pas le premier qui ait
» parlé de l'Aurore Boréale ; Cardan , bien
» d'autres l'ont connue & affez bien con-
» nue avant lui ; que Cardan & bien d'autres
que je pourrois citer , l'ayent connue
fous l'idée génerique de feu , de lumiere
celefte , &c. avant Gaffendi
l'accordera au Journaliſte , & M. de Mairan
l'a dit ; mais qu'ils l'ayent , comme
il ajoûte , affez bien connue avant lui, &
rapportée au Nord comme au veritable
licu de fon origine , c'eſt un fait ailé
à détruire , & que je m'étonne que
le Journaliſte ait avancé ; ce que M. de
Mairan a dit de Gaffendi , eft vrai à la
lettre, il n'a point dit ce que le Journaliſte
lui fait dire, & ce que celui- ci , avance,
il auroit bien de la peine à le prouver.
on
On pourroit croire auffi que le Journaliſte
a voulu préfenter fous un afpect
peu favorable, pour ne rien dire de plus,
f'exactitude de M. de Mairan dans l'Obfervation
& dans la Defcription de l'Aurore
Boréale du 26. Octobre ; comme fi
un Phénomene fi marqué , fi different à
plufieurs égards de ceux qu'on avoit vû
deSEPTEMBRE.
1730. 19831
1723 .
depuis long-temps dans ce genre & fi capable
d'influer fur les explications qu'on
en pourroit donner dans la ſuite , ne mériroit
pas une attention plus particuliere.
Le Journaliſte trouve mauvais que M.Maraldi
ait dit que les Obfervations des Aftronomes
Chinois fur la Comete de
ne font pas exactes ; qu'auroit fait le Journaliſte
lui- même , fi comparant les Obfervations
de cette Comete , faites à Pekin
par le P. Kegler Jefuite , à celles qui ont
été faites le même jour par les Chinois
commis pour veiller à la Tour Aftrono
mique , il avoit trouvé les Obfervations
de ces derniers differentes de celles du
P. Kegler de 6º 30 ' en longitude & de 12 '
en latitude , il auroit conclu , fans doute,
comme a fait M. Maraldi , que les Obfervations
des Chinois ne font pas exactes ;
neanmoins les Obfervations Chinoifes
font affez bien circonftanciées , on y marque
les paffages de la Comete par le Meridien
en heures & en minutes , le 11 &
le 12. Octobre avec la hauteur meridienne
, en degrez & minutes .
3
Celle du P.Kegler faite le 11. eft défectueufe
en ce qu'il ne marque point à quelle
minute précife la Comete paffa par le méridien;
il s'accorde avec les Chinois pour la
hauteur prife le 11. & pour l'Obfervation
du 12.à quelques minutes près dans la hau-
D vj teur
1984 MERCURE DE FRANCE
>
teur méridienne ; on peut donc jufqu'ici
fe fier aux Obfervations Chinoifes ; mais
par ces Obfervations comparées avec celle
que le P. Kegler fit par une Armille Zodiacale
on trouve une difference de
6 ° en longitude , & de 12 ' en latitude
; on pourroit donc conclure que l'Obfervation
du P. Kegler faite par l'Armille
Zodiacale n'eft pas exacte , puifqu'elle
differe de celle que ce même P. & les Obfervateurs
Chinois ont faites au méridien.
Qu'a donc fait M.Maraldi , plein d'égards
& de bonne opinion pour le P. Kegler
il a' conclu plutôt en fa faveur , en faifant
néanmoins remarquer le petit défaut
qui fe trouvoit dans fon Obfervation faite
le 11.
Le triomphe du Journaliſte eft donc
hors de faifon , lorfqu'il dit : » C'est pourtant
a de pareils Obfervateurs que L'AC
»tronomie & la Geographie doivent bien
» de grandes découvertes , & en particu-
» lier une plus grande exactitude ; avant
>> eux l'Afie &c.
Je ne connois aucune découverte en
Aftronomie qui foit due aux Obſervations
de la Chine ; nos Theories Phyſiques
ou Geometriques n'en font ni mieux établies
ni plus éclaircies ; nos Inftrumens
ne leur doivent point leur perfection ;
nos calculs n'en font devenus ni plus aifés
SEPTEMBRE. 1730. 1985.
fés ni plus furs . Il eft faux d'ailleurs que
ce foit aux Obfervateurs Chinois que l'on
doive la poſition précife de quelque Lieu
terreftre ; mais quand cela feroit , eft- ce
à leurs Obfervations mal faites & peu
exactes que font dues toutes ces prétendues
découvertes , & M. Maraldi auroitil
dû trouver bonnes des Obfervations fi
differentes entr'elles ? Si cet habile Aftronome
avoit ainfi décidé , le Journaliſte
l'auroit avec raiſon repris de trop de complaifance
ou de manque de difcernement.
M. Delifle avoit lu en 1723. à l'Académie
un Mémoire fur la longitude de l'embouchure
du Fleuve Miffiffipi ; il y établiffoit
par un grand nombre de raifons
& de comparaifons Geographiques la longitude
de ce point de la Terre, telle qu'il
l'avoit déterminée & placée dans fes deux
Cartes de l'Amerique & de la Louiſiane.
L'occafion de ce Mémoire fut la difference
entre cette pofition & celle qui refultoit
d'une Obfervation du 1. Satellite
de Jupiter , faite fur le Lieu même par le
P. Laval , difference de 11 ° ou de 200 .
lieuës. L'Académie pleine d'égards pour
le Jefuite , dont le mérite lui étoit connu ,
crut malgré les fortes raifons de M. Delifle
ne devoir pas fi tôt prononcer contre
une Obſervation immédiate ; elle jugea
à propos de differer l'impreffion de
ce
1986 MERCURE DE FRANCE
ce Mémoire jufqu'à celle du Livre du P.
Laval , afin que le Public vît en mêmetems
, & comparât les raifons des deux
Adverfaires. La Note miſe au bas du Mémoire
en fait foi . La voici :
» Ce Mémoire a été lû dès l'année 1723.
» mais on n'a pas crû qu'il convenoit de le
>>faire paroître avant que l'Obfervation
qu'il attaque eut été imprimée , & elle ne
»l'a été que depuis peu .
22
>
Ce n'eft donc pas ,comme le Journaliſte
femble l'infinuer en quelque maniere , que
l'Académie ait attendu la mort du P. Laval
pour publier le Mémoire de M. Delifle
; le Jefuite a eu le tems de
répondre aux raifons de l'Académicien
le Mémoire lui avoit été communiqué
par M. Delifle lui même , & quoique mis
dans le Volume de 1726. il n'a été imprimé
qu'en 1728. un an & plus avant la
mort du P. Laval ; la mort n'a donc pas
mis le celebre Aftronome hors d'état de
défendre fon Obfervation.
Il ne l'a point fait il ne la croyoit
donc pas fi bonne que le Journaliſte l'a
penfé ; au refte , cette queftion eft décidée ,
& il paroît que M. Delifle n'a ufé de
pas
tout le droit que lui donnoient fes recher
ches & fes grandes connoiffances en Geographie.
M. Baron envoyé par le Roi dans
l'Amérique Septentrionale pour y faire
des
des Observations Physiques & Mathématiques,
y observa à la Nouvelle Orleans
l'Eclipse de Lune du 8. Août 1729. &C
cette Observation comparée à
,
celle qui
fut faite à Paris donne 6 h 9' 7 pourla
différence des méridiens ou 92 v 16J45"
dont la nouvelle Orleans est plus occidentale
que Paris.
Voilà donc jusqu'ici la dispute entre M;
Delisle 5c le P. Laval décidée en faveur
du premier; sa position de l'embouchure
du Mississîpi est soutenuë & verifiée par
une autorité de même genre que celle du
P. Laval , & l'Observation de ce Pere en
devient pour nous d'autant moins bonne.
Je n'ai prétendu parler ici que de ce qui
regarde l'Aurore Boreale, l'Astronomie
& la Geographie, sans toucher aux autres
Extraits, sur la plupart desquels on
pourroit peut être faire de semblables remarques.
Fermer
Résumé : REPONSE de M. Godin, D. l'Ac. R. D. S. à un Article des Memoires de Trévoux, du mois de May 1730. page 910. & suivantes.
M. Godin, membre de l'Académie Royale des Sciences, réagit à un article des *Mémoires de Trévoux* de mai 1730 qui critique sa description de l'aurore boréale du 19 octobre 1726. Godin avait attribué aux pères Kircher et Schott l'idée que les aurores boréales étaient dues à la réflexion d'objets terrestres sur les nuages, agissant comme des miroirs. Les *Mémoires de Trévoux* accusent Godin d'avoir mal interprété les travaux de ces savants, notamment en omettant de mentionner que Schott rejetait cette explication. Godin admet avoir suivi les écrits du père Zahn, qui citait Kircher et Schott en soutien de cette théorie. Il cite des extraits des œuvres de Kircher et Schott pour démontrer que ces auteurs avaient effectivement évoqué des phénomènes aériens similaires aux aurores boréales, expliqués par la réflexion sur les nuages. Godin reconnaît que Schott avait changé d'avis par la suite, mais il maintient que sa propre description était basée sur des interprétations antérieures. Godin critique également les *Mémoires de Trévoux* pour avoir mal interprété les observations de M. de Mairan sur les aurores boréales et pour avoir contesté l'exactitude des observations astronomiques chinoises, notamment celles du père Kegler. Il défend la précision des observations de M. Maraldi et conteste l'idée que les découvertes astronomiques doivent beaucoup aux observations chinoises. Enfin, Godin aborde la controverse entre M. Delisle et le père Laval concernant la longitude de l'embouchure du fleuve Mississippi. Il souligne que l'Académie Royale des Sciences avait différé la publication du mémoire de Delisle pour permettre à Laval de répondre, et que la mort de Laval n'avait pas empêché cette réponse. Godin conclut que les observations de Delisle sont confirmées par celles de M. Baron, invalidant ainsi celles de Laval.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
19
p. 1987
« On a dû expliquer l'Enigme du mois d'Août par les trois accens aigu, grave & [...] »
Début :
On a dû expliquer l'Enigme du mois d'Août par les trois accens aigu, grave & [...]
Mots clefs :
Accents aigu, grave et circonflexe, Charpie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « On a dû expliquer l'Enigme du mois d'Août par les trois accens aigu, grave & [...] »
On a dit expliquer l'Enigme du mois
d'Août par les trois accens aigu
} grave <5C
circomflexe, & le Logogriphe par Charpie,
où l'on trouve Pie, Char, Harpie, Harpe
,
Carpe,Cape
,
Chape, Arc, Parc,
Rape
,
Arche de Noë
t
de Pont &c.
d'Août par les trois accens aigu
} grave <5C
circomflexe, & le Logogriphe par Charpie,
où l'on trouve Pie, Char, Harpie, Harpe
,
Carpe,Cape
,
Chape, Arc, Parc,
Rape
,
Arche de Noë
t
de Pont &c.
Fermer
20
p. 1988
ENIGME.
Début :
Je suis très necessaire, & sur tout aux gourmands ; [...]
Mots clefs :
Broche
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
E fuis très neceffaire & fur tout aux gour
JE
mands ;
>
Ils ne fe plaiſent pas à me voir immobile ;
J'ai besoin pour leur être utile
Du plus fier des quatre Elemens ;
Trop de lenteur , trop de viteffe
Ne font jamais ce qu'il me faut.
Un jufte mouvement qui ſe fait en lieu chaud
Sur mon cours doit regner fans ceffe ;
On ne peut trop bien le regler ;
Le fruit qu'on en reçoit , c'eft qu'on fe raffafie.
Plus de trois pieds me font aller ;
Et quand je ne vais plus , c'eft l'heure de Sofie.
E fuis très neceffaire & fur tout aux gour
JE
mands ;
>
Ils ne fe plaiſent pas à me voir immobile ;
J'ai besoin pour leur être utile
Du plus fier des quatre Elemens ;
Trop de lenteur , trop de viteffe
Ne font jamais ce qu'il me faut.
Un jufte mouvement qui ſe fait en lieu chaud
Sur mon cours doit regner fans ceffe ;
On ne peut trop bien le regler ;
Le fruit qu'on en reçoit , c'eft qu'on fe raffafie.
Plus de trois pieds me font aller ;
Et quand je ne vais plus , c'eft l'heure de Sofie.
Fermer
21
p. 1988-1989
LOGOGRIPHE.
Début :
Mon nom composé de cinq Lettres [...]
Mots clefs :
Milan
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOGOGRIPHE.
LOGO GRIPHE.
MonOn nom compofé de cinq Lettres
Se prend de plus d'une façon ,
Et fans multiplier les Etres
Je fuis Oifeau , Ville & Poiffon ;
que
pole ,
l'on me retranche ou que l'on me tranf
Dix fois je me métamorphofe.
Pris tout entier , rien qu'en me tranſpoſant
Je deviens paîtri de malice ;
J'aurois
SEPTEMBRE . 1730. 1989
J'aurois en vain horreur du vice ;
Je fuis forcé d'être méchant .
Qu'on ôte un de mes pieds , je fuis la Capitale
D'un riche & fortuné Pays ,
Où je fuis de féjour , où la Jeuneffe étale
Sa force & fon adreffe en remportant le prix;
4
Otez-en deux , je fuis un Fleuve teméraire ;
L'ennemi capital du bien ;
Du pauvre Païfan l'aliment ordinaire ;
Un nombre fort connu , bien éloigné du rien ;
Le mot le plus commun & pourtant le plus
rare ;
Le plus cher vêtement des Riches & des Grands.
Otez-en trois , mon fort devient barbare ,
Car il me naît plus de trois cens enfans .
Par Paparoche de Carpentras.
MonOn nom compofé de cinq Lettres
Se prend de plus d'une façon ,
Et fans multiplier les Etres
Je fuis Oifeau , Ville & Poiffon ;
que
pole ,
l'on me retranche ou que l'on me tranf
Dix fois je me métamorphofe.
Pris tout entier , rien qu'en me tranſpoſant
Je deviens paîtri de malice ;
J'aurois
SEPTEMBRE . 1730. 1989
J'aurois en vain horreur du vice ;
Je fuis forcé d'être méchant .
Qu'on ôte un de mes pieds , je fuis la Capitale
D'un riche & fortuné Pays ,
Où je fuis de féjour , où la Jeuneffe étale
Sa force & fon adreffe en remportant le prix;
4
Otez-en deux , je fuis un Fleuve teméraire ;
L'ennemi capital du bien ;
Du pauvre Païfan l'aliment ordinaire ;
Un nombre fort connu , bien éloigné du rien ;
Le mot le plus commun & pourtant le plus
rare ;
Le plus cher vêtement des Riches & des Grands.
Otez-en trois , mon fort devient barbare ,
Car il me naît plus de trois cens enfans .
Par Paparoche de Carpentras.
Fermer
22
p. 1989
AUTRE.
Début :
Avec sept pieds je ne suis bon à rien, [...]
Mots clefs :
Carrosse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTR E.
Vec fept pieds je ne fuis bon à rien
Si l'on ne m'en donne huit autres ;
Sans mon ſecond , je fuis le fuperbe ſoûtien
De plus de cent riches Apôtres.
En cet état tranchez ma tête ,
Je change bien de fituation ,
Je ne fuis plus qu'une mauvaiſe bête ;
Lecteur , devinez- en le nom.
Vec fept pieds je ne fuis bon à rien
Si l'on ne m'en donne huit autres ;
Sans mon ſecond , je fuis le fuperbe ſoûtien
De plus de cent riches Apôtres.
En cet état tranchez ma tête ,
Je change bien de fituation ,
Je ne fuis plus qu'une mauvaiſe bête ;
Lecteur , devinez- en le nom.
Fermer