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p. 841-856
METHODE pour apprendre la Musique en peu de temps. Par L. P. C. J.
Début :
Notre siecle est fécond en nouvelles Méthodes pour toutes choses [...]
Mots clefs :
Musique, Harmonie, Méthode d'enseignement, Mémoire, Apprendre, Théorie, Zarlin, Maîtres, Écoliers, Art, Do, Ut, Diatonique
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texteReconnaissance textuelle : METHODE pour apprendre la Musique en peu de temps. Par L. P. C. J.
METHODE pour apprendre la Musique
enpeu de temps. Par L. P. C. J.
Otre siecle est fécond en nouvelles
NMéthodes pour toutes choses . Rien
n'est mieux. Tôt ou tard on trouvera les
vrayes, avec cegout d'en essayer de toutes.
La Musique est donc aussi l'objet de plusieurs Méthodes nouvelles. Elle en vaut la
peine; et les Musiciens méritent bien qu'on
entre dans leur esprit et dans leurs vûës ,
et qu'on les seconde à faire mieux de jour
en jour.
La Musique n'a qu'un deffaut. Elle est
trop difficile à apprendre. Je ne parle
que du Chant : c'est peu de chose ; mais
ce peu de chose est absolument necessaire
pour aller plus loin, pour se former le goût,
pour se rendre l'oreille intelligente , pour
sentir l'harmonie , pour accompagner
pour composer.
Peu de gens vont jusques- là ; mais tout
A iiij le
842 MERCURE DE FRANCE
le monde voudroit y aller ; ceux au moins
qui apprennent la Musique. A quoi tientil donc qu'ils n'y arrivent ? Il tient à ce
peu de chose dont je parlois tout à l'heure,
lequel , tout peu qu'il est , vous arrête assez pour vous ôter le temps , le goût , ou le courage de passer au-delà.
Lire la Musique à livre ouvert , la lire
à mesure qu'on lit des paroles qui y répondent , c'est ce que j'appelle en verité
pru et très-peu de chose. C'est pourtant
l'affaire de cinq , de six , de dix , de dou.
P
ze , de quinze bonnes années pour les
trois quarts de ceux qui l'entreprennent.
Combien même y en a-t'il qui arrivent
à ce point ? il n'y a , dit- on , que les Enfans de Choeur , c'est-à-dire ceux qui
ayant commencé à l'âge de quatre ou
cinq ans , n'ont fait que cela jusqu'à 12.
15. 20. ans.
J'ai essayé de bien des sciences , et de
celles qui passent pour les plus difficiles ,
Géometrie , Algebre , Analyse , Physique,
&c. Mais je puis dire qu'il n'y a pas de
proportion entre le temps et le travail
qu'il faut pour apprendre ces sciences
fondes , je dis pour les apprendre même
toutes assez à fond , et le long temps et
le travail pénible et assidu qu'il faut pour
se rendre médiocrement possesseur d'upro-
MAY. 1732. 843
ne chose aussi médiocre que l'est la routine de la Musique et du simple Chint.
C'est , dit-on , cette routine qui fait
toute la difficulté ; je le sçais et c'est même
ce que je veux dire. On appelle la Rou
tine , l'habitude , une seconde Nature. Et
c'est par là qu'on l'estime. Mais c'est par
·là que j'en démontre le vice essentiel.
Il n'y a qu'une vraye et bonne nature ;
et je ne connois de seconde nature qu'une
contre- nature , ou une nature estropiće ,
entravée , étouffée, anéantie ; qu'on dresse
un Chien , un Cheval, qu'on siffle une Linoteou un Serin; qu'on mene un Aveugle
par la main , un Sourd par des signes ; mais
dans les Arts et dans les Sciences , je ne
voudrois pas qu'en faitd'Arts méchaniques
mêmes, on apprît rien aux enfans, parune
Méthode qui, sous prétexte de perfectionner l'humanité, commence par la dégrader.
La Musique n'est pas le seul Art , la
seule science où l'on donne trop à l'exercice et à la routine, aux dépens de l'intelligence et de la raison. Jusques à quand
traitera-t'on les enfans en machines , et
les hommes en enfans ? Jusques à quand
regardera- t'on la memoire comme la clef
des Sciences les plus abstraites et les plus
raisonnables ?
La memoire n'est la clefque de la scienA v ce
844 MERCURE DE FRANCE
ce des Perroquets ; bien définie elle même , elle n'est la science que des mots.
Encore même Horace m'apprend que l'invention , au moins celle des mots, est toute
du ressort du jugement. Verbaque provisam rem non invita sequentur. Parler de
mémoire , c'est reciter une leçon d'Ecolier. Parler après avoir pensé , c'est parler
en homme , c'est parler.
Je vais à mon but. La Musique n'est
difficile que parce qu'on l'apprend par
routine , par exercice , par habitude , par
memoire. Qu'on tourne un peu la chose
en théorie , en science , en principe , elle
va devenir tout ce qu'il y a au monde de
plus facile.
Je dis la pratique en va devenir facile.
Lorsque l'esprit est bien élairé , et qu'il
voitdistinctement de quoi il s'agit, la nature se développe , les facultez se manifestent , les talens se déploïent , la langue se délie , l'oreille devient sensible ,
les yeux clairvoyans, un air d'intelligence
se répand jusques dans les mains , dans
les doigts , dans les organes les plus méchaniques , les plus exterieurs.
Nous naissons avec un goût , une disposition , une semence de Musique qui
ne demande qu'à se developper. C'est ce
développement de la Nature qui devroit
être
M A Y. 1732. 845
être le but unique d'un Maître qui entreprend de la perfectionner. On ne perfectionne la Nature qu'en travaillant sur
le Plan même qu'elle a d'abord ébauché.
Nous autres François , sur tout , nous
entendons chanter, et bien tôt nous chantons aussi. Nous croyons donc qu'il n'y
a qu'à chanter , et que c'est- là la premiere
esquisse de la Nature. Mais ce chant pourroit bien n'être qu'une affaire d'habitude
et l'effet d'une seconde Nature.
Ceux qui sont un peu Philosophes , sçavent bien que le premier coup d'œil des
choses , est toujours imposteur ; que les
Phénomenes sensibles ont toujours des
raisons secrettes , des principes profonds ,
et qu'en un mot tout ce qui se présente
le premier dans l'ordre et dans la succession des effets , est le plus souvent le dernier dans l'ordre des generations et des
'causes.
Or ce n'est pas moi , c'est Zarlin , homme consommé dans la pratique et dans
la théorie de la Musique , qui cite Platon , pour nous dire que la mélodie , le
chant procede de l'harmonie. Et M. Rameau, qui ne le cede en rien à Zarlin,
et qui par un nombre de belles Décou-
-vertes nous a mis en état d'aller plus loin,
nous cite cet Auteur Italien pour nous
A vj repeter
846 MERCURE DE FRANCE
repeter que l'harmonie est le principe de
la mélodie. Il fait plus , il en donne des
preuves et dit tout ce qu'il faut pour l'établir solidement.
Ces grands Maîtres en parlent par rapport au grand de la Musique , à la composition , à l'accompagnement. Mais en
vain nous appellent-ils dans ce Sanctuaire,
si d'autres nous amusent au Vestibule , à
la porte, et nous ôtent l'envie , le gout, et
le temps de penetrer jusques dans cet interieur.
Ce sont ces grands Maîtres dont je
parlois à l'entrée de ce Discours , et que
je ne dédaignerai pas de seconder à perfectionner leur Art, du moins en m'efforçant d'en agrandir , d'en applanir les
avenues ; et c'est d'eux- mêmes que j'emprunterai les secours, les facilitez qui pourront m'aider , qui pourront aider au Public à allerjusqu'à eux.Un bon principe s'é- tend à tout , et celui de Platon atteint du
plus grand au plus petit, et depuis la com➡
position de l'harmonie jusqu'à la plus sim- ple execution machinale du Chant et de
la Gamme , qui est l'alphabet de la Musique.
Quoi ! dira t'on , faudra-t'il donc apprendre l'harmonie pour posseder la méIndie , et devenir Compositeur de plu- Sienn
MAY. 1732 847
sieurs Chants avant que de penser en
articuler un seul ? Quand je le dirois , je ne
croirois désesperer personne , puisque je
suis bien persuadé qu'on auroit encore
beaucoup meilleur marché de la routine
du Chant, qu'on ne prendroit ainsi qu'à
la suite d'une harmonie prise dans toute
son étendue et dans toute sa perfection.
Mais il n'en faut pas tant , et le principe seul de l'harmonie bien developpé ,
doit suffire pour cette routine de Chant
et de Mélodie ; il doit suffire et il suffit ,
bien entendu que rien ne suffit à sa place,
et que rien ne peut et ne doit le remplacer. Venons au fait.
Dans la Méthode ordinaire on chante
ou on croit chanter diatoniquement , de
proche en proche , par degrez conjoints ,
c'est- à-dire , comme on l'entend de Utà
Ré, de Ré à Mi, et tout de suite à Fa, Sol,
La, Si, Ut, Et moi, je dis que ce Systême
est faux , que cette Méthode n'a rien de
naturel , que ce chemin est scabreux , penible et long à l'infini , et que dès le
premier pas un Ecolier qu'on mene par
là , est un Ecolier manqué.
Personne ne doute , je crois , de la lon
gueur de ce chemin et de cette Méthode
Diatonique , puisque c'est l'experience de
tous les jours. Or cela seul fait assez voir
L
848 MERCURE DE FRANCE
le peu de naturel , le faux même de cette
maniere d'apprendre la Musique , n'étant pas naturel que si peu de chose coûte
tant à acquerir.
监
Suivons un Maître qui montre la Musiqué , mais sur tout rendons - nous attentif à l'Ecolier qui apprend , ou plutôt ,
pour ne révolter personne , concevons
tout ceci sous l'idée de l'Art personifié qui
à entrepris de perfectionner la nature.
L'Art décide donc que de Ut à Ré il
n'y a qu'un degré , de Ut à Mi , deux ,
de Uta Sol, cinq , et de Ut à Ut , huit
et là dessus il entonne Ut , Ré , et il exige que la Nature le repete à sa suite.
La Nature s'en mocque , son premier
degré est de Vt à Ut , le second de Ut
à Sol , le troisième , de Sol à Ut , seconde
réplique du premier , delà elle passe à
Mi, enfin ce n'est pourtant que la neuviéme marche qu'elle saisit le Ré. Jugez
d'abord de la bonté d'une Méthode dans
laquelle au lieu de multiplier les marches pour adoucir la montée , on vous
oblige du premier pas , d'enjamber le
neuvième dégré.
Je ne dis rien sans preuve , ni même
sans démonstration ; car chacun a sa Gamme, chacun son Echelle , chacun son Alphabet. Celui de l'Art est , روUt, Ré , Mì¸Fa,
MAY. .1732. 849
Fa, Sol, La , Si , Ut. Celui de la Nature est Vt, Vt , Sol , Ut, Mi , Sol , Ut,
Ré, &c. Je ne dirai rien que tous les Musiciens ne sçachent avant moi et mieux
que moi.
C'est d'eux que j'ai appris que lorsqu'on
a une corde qui sonne Ut , si on la coupe
en deux parties égales , chaque moitié
sonnera encore Vt ; si on la divise en
trois , chaque tiers sonnera Sol ; en 4 Ut,
en 5 Mi, en 6 Sol , en 8 Ut , en 9. en- fin Ré.
30
C'est un Axiome reçû des Musiciens
autant que des Physiciens et des Géométres , que les sons sont aux sons , comme
les cordes sont aux cordes , et par consequent comme les nombres sont aux
nombres.
,
Non- seulement les sons , mais là difficulté de les articuler , de les entonner ,
doit suivre le progrès des nombres. Car
non-seulement une corde mais tout
agent , tout organe sonore doit se subdiviser en 2. en 3. &c. parties pour exprimer Ut, Ut , Sol , Ut, &c. et en 9.
pour Ré.
Or il est plus naturel et plus facile ,
sans doute , de diviser en 2 qu'en 3 , en 3
qu'en 4, &c. Car pour la division en 2 , il
n'y a qu'un point à diviser; pour 3 ,
il en
faut
850 MERCURE DE FRANCE
faut 2 ; pour 4 , il en faut 3 ; et pour 9 ,
il en faut 8.
Qu'on ne dise pas que les nombres sont
quelque chose d'abstrait , qui n'influë
point dans la pratique , dans le physique
de la chose. Car je répons que tout ce
monde physique est fait avec nombre,poids
et mesure. Orla mesure et le poids sont
quelque chose de réel ; le nombre l'est
donc aussi.
Ignore- t- on d'ailleurs que le nombre
convient spécialement à l'harmonie , et
décide de tout ce qu'elle a de réel ? Enfin
la division des corps sonores, celle de l'air
même et de l'oreille , par des vibrations
ou des ondulations dont le nombre ne
peut - être que déterminé , est une chose
réelle et physique, qui ne permet pas qu'on
traite ici les nombres, ni les raisonnemens
qu'on en tire , de choses abstraites , ni de
spéculations purement géométriques ou
métaphysiques.
La Trompette n'est pas un être de rai→
son. Or lorsque dans une Trompette on
on a sonné l'Ut au plus bas, et qu'on veut
monter par dégrez , le premier dégré d'élevation donne l'octave prétenduë Vr; le
second dégré donne la quinte ou plutôt la
douzième Sol , et tout de suite , Ut , Ut ,
Sol, Ut, Mi, &c. n'arrivant et ne pouvant
MAY. 1732. 851
vant arriver au prétendu Diatonique Ré ,
qu'au neuviéme son.
Les premiers observateurs de ce Phénoméne , Mersenne , Kischer , Dechales, &c.
appelloient cela les Sautsde la Trompette,
prévenus que Ut , Ré, étoit l'échelle vraiment Diatonique. Elle l'est dans l'ordre
des effets , des Phénoménes, des apparencess
mais c'est le progrès Ut , Ut , Sol , &c.
qui l'est dans l'ordre des causes , des réa- litez de la nature.
Défions- nous , si l'on veut , de tout ce
qui est artificiel; la Trompette est un ouvrage de l'art , quoiqu'un des premiers ;
et par- là des moins suspects d'artifice et d'altération. Ne sortons pas du sujet que
nous avions d'abord proposé.
L'art , c'est-à-dire , le maître entonne
Ut, Ré; la nature , c'est-à-dire, l'enfant
le commençant, repete Ut, Ré; c'est-à- dire,
en répete les mots , car il sçait articuler
mais il n'en répete pas les sons, parce qu'il
ne sçait pas chanter , au moins sur le ton
de l'art , car il le sçait selon celui de
la nature, et en répetant Ut , Ré , il entonne Ut , Ut.
C'est un fait que la plupart des commençans , sur tout ceux que les Maîtres
disent qui ont l'oreille dure et la voix
fausse , et qui selon moi , n'ont souvent
que
852 MERCURE DE FRANCE
que trop de sensibilité et de justesse d'organes , commencent toujours par monter
à l'octave , comme la Trompette, vont de
là à la quinte , à la quarte , à la tierce, &c.
et n'arrivent au Diatonique Ut , Ré , qu'à➡
près tous ces intervalles consécutifs , et
encore même par grande déférence pour
un Maître qui l'exige du ton le plus impérieux.
Qu'un Ecolier est à plaindre , lorsque
l'art qui le dirige n'est pas sur le ton de
la nature l'art dit Ut, Ré 3 et la nature
Ut, Vt; quelle dissonance , quelle syncope , quelle convulsion pour une oreille tendre et délicate qui souffriroit à peine
dans un progrès d'harmonie une dissonance pareille , qui seroit préparée et
sauvée dans toutes les regles , et à qui
pour premier prélude , la Musique s'annonce par tout ce qu'elle a de plus dur ,
et cela fiérement et sans aucune sorte de
préparation.
Encore si cette dureté étoit sauvée,mais
l'art est impliable , et il exige son Ut,
Ré , jusqu'au dernier instant. La nature
peut se plier à force de crier Ut , Ré ; de
dire qu'on monte trop haut , de se fâcher,
de gronder, d'arracher des soupirs et des
pleurs; un pauvre enfant qui ne sçait pas
trop à qui s'en rapporter,se hazarde à monter
MA Y. 1732. 85$
ter encore plus haut , et après avoir longtems rédit , Ut , Ut , il se rapproche et
attrape Ut , Sol; mais il ne tient rien , il
revient à Ut, à Sol; mais le temps, etl'art
l'invitant toujours à descendre , il grimpe
à Mi, se balance à Sol , à Ut , à Mi , et
un beau jour , il va s'acrocher à Ré , qui
lui échape aussi- tôt , et auquel de 2 , de
3 , de 4ans , peut- être il ne pourra se fi
xer imperturbablement.
Car enfin c'est le vieux proverbe , que
de quelque fourche qu'on se serve pour
chasser la nature , elle revient toujours ,
et toujours sans fin et sans cesse , sans tréve ni quartier. Elle est toujours montée à
dire ut , après ut , comme la Trompete ;
sol après le second ut ; et à moins qu'on ne
lui alt appris en apprenant d'elle-même à
ré , sur le ton où elle est montée
pour le dire ; l'art à beau crier , il ne peut
qu'effleurer les oreilles , ou tout au plus
les déchirer , et en exiger un service forcé
qu'aucune longueur de temps ne rendra
dire ut,
naturel.
La nature est un Maître intérieur ; elle
parle tout bas, si l'on veut, mais elle est en
possession , et un enfant connoit sa voix ,
bien mieux encore que celle de sa nourde sa mere même. Les Musiciens
eux-mêmes conviennent qu'en entendant
rice ou
cer
854 MERCURE DE FRANCE
1
certains sons , l'oreille en sousentend tou
jours d'autres. Or je crois avoir prouvé ,
sans réplique , dans les Memoires de Trevoux , année 1722. Octobre , pag 1732. en
-dévelopant le systême de M. Rameau,que
cette sousentente étoit une entente réelle des
sons harmoniques ut , ut , sol , &c. dans l'ordre des nombres naturels 1 , 2 , 3 , 4.
&c.
Enfin , car il faut garder quelque chose
pour le lendemain , j'aboutis icy à conclure que pour déveloper la nature , ce qui
doit être l'unique but de tous les arts , il
faut la suivre au but qu'elle - même nous
indique icy d'une maniere qui n'a rien
d'équivoque.
Gardons la Méthode Diatonique pour
les Perroquets et pour les Serins, lesquels
pourroient peut être encore être mieux siflez, car la nature n'a qu'un systême. Mais
pour les hommes et même pour les enfans , il n'est pas question d'une aveugle
routine qui prend trop de temps , et plus
que si peu de chose n'en mérite , et qui
même n'apprend rien comme il faut.
La nature a fait icy tous les frais de ce
qu'il y a de méchanique dans la chose, les
cordes sont tendues dans l'oreille , les
tuyaux diapasones dans le gosier , la Tablature, les touches, tout l'instrument est
à
MAY. 17327 855
à son point, La nature n'a laissé à l'art ,
c'est-à- dire , à l'esprit , que la partie de
l'esprit , c'est-à- dire , l'intelligence des
sons , le rapport des tons , l'explication ,
en un mot, du systême general ut , ut ,
sol , ut , mi , sol , ut , re , mi , sol , si , ut ,
&c. qui contient tous les systêmes, diatonique , chromatique , &c. en commençant régulierement par l'harmonique qui
est la source féconde de tous les autres.
Voilà la méthode qui consiste à commencer par l'harmonique , qui est le fondement de tout, et qu'on doit bien posseder de la voix , de l'oreille , et sur tout de
l'esprit , avant que de passer au diatonique , lequel ne doit même venir que dépendamment et par voye de génération à
la suite de l'harmonique : le chromatique
venant aussi à son tour , suivi de l'enharmonique , et de tout ce que la Musique
a de plus profond.
Car pour le dire encore , une pareille
méthode mene tout de suite à la compo
sition et à
l'accompagnement , et y mene
avec une rapidité extrême; rien n'étant
plus rapide que les progrès d'une bonne
nature qu'on a laissée , comme dormir
dans une lenteur apparente , qu'elle semble affecter aux premiers , instans de sa
naissance ou de son développement.
Pour
856 MERCURE DE FRANCE
Pour ce qui est de la maniere d'exécuter ce Plan general, on va la voir dans un
petit ouvrage , où je la donne par leçons
consécutives à la portée des Maîtres et
des Ecoliers.
enpeu de temps. Par L. P. C. J.
Otre siecle est fécond en nouvelles
NMéthodes pour toutes choses . Rien
n'est mieux. Tôt ou tard on trouvera les
vrayes, avec cegout d'en essayer de toutes.
La Musique est donc aussi l'objet de plusieurs Méthodes nouvelles. Elle en vaut la
peine; et les Musiciens méritent bien qu'on
entre dans leur esprit et dans leurs vûës ,
et qu'on les seconde à faire mieux de jour
en jour.
La Musique n'a qu'un deffaut. Elle est
trop difficile à apprendre. Je ne parle
que du Chant : c'est peu de chose ; mais
ce peu de chose est absolument necessaire
pour aller plus loin, pour se former le goût,
pour se rendre l'oreille intelligente , pour
sentir l'harmonie , pour accompagner
pour composer.
Peu de gens vont jusques- là ; mais tout
A iiij le
842 MERCURE DE FRANCE
le monde voudroit y aller ; ceux au moins
qui apprennent la Musique. A quoi tientil donc qu'ils n'y arrivent ? Il tient à ce
peu de chose dont je parlois tout à l'heure,
lequel , tout peu qu'il est , vous arrête assez pour vous ôter le temps , le goût , ou le courage de passer au-delà.
Lire la Musique à livre ouvert , la lire
à mesure qu'on lit des paroles qui y répondent , c'est ce que j'appelle en verité
pru et très-peu de chose. C'est pourtant
l'affaire de cinq , de six , de dix , de dou.
P
ze , de quinze bonnes années pour les
trois quarts de ceux qui l'entreprennent.
Combien même y en a-t'il qui arrivent
à ce point ? il n'y a , dit- on , que les Enfans de Choeur , c'est-à-dire ceux qui
ayant commencé à l'âge de quatre ou
cinq ans , n'ont fait que cela jusqu'à 12.
15. 20. ans.
J'ai essayé de bien des sciences , et de
celles qui passent pour les plus difficiles ,
Géometrie , Algebre , Analyse , Physique,
&c. Mais je puis dire qu'il n'y a pas de
proportion entre le temps et le travail
qu'il faut pour apprendre ces sciences
fondes , je dis pour les apprendre même
toutes assez à fond , et le long temps et
le travail pénible et assidu qu'il faut pour
se rendre médiocrement possesseur d'upro-
MAY. 1732. 843
ne chose aussi médiocre que l'est la routine de la Musique et du simple Chint.
C'est , dit-on , cette routine qui fait
toute la difficulté ; je le sçais et c'est même
ce que je veux dire. On appelle la Rou
tine , l'habitude , une seconde Nature. Et
c'est par là qu'on l'estime. Mais c'est par
·là que j'en démontre le vice essentiel.
Il n'y a qu'une vraye et bonne nature ;
et je ne connois de seconde nature qu'une
contre- nature , ou une nature estropiće ,
entravée , étouffée, anéantie ; qu'on dresse
un Chien , un Cheval, qu'on siffle une Linoteou un Serin; qu'on mene un Aveugle
par la main , un Sourd par des signes ; mais
dans les Arts et dans les Sciences , je ne
voudrois pas qu'en faitd'Arts méchaniques
mêmes, on apprît rien aux enfans, parune
Méthode qui, sous prétexte de perfectionner l'humanité, commence par la dégrader.
La Musique n'est pas le seul Art , la
seule science où l'on donne trop à l'exercice et à la routine, aux dépens de l'intelligence et de la raison. Jusques à quand
traitera-t'on les enfans en machines , et
les hommes en enfans ? Jusques à quand
regardera- t'on la memoire comme la clef
des Sciences les plus abstraites et les plus
raisonnables ?
La memoire n'est la clefque de la scienA v ce
844 MERCURE DE FRANCE
ce des Perroquets ; bien définie elle même , elle n'est la science que des mots.
Encore même Horace m'apprend que l'invention , au moins celle des mots, est toute
du ressort du jugement. Verbaque provisam rem non invita sequentur. Parler de
mémoire , c'est reciter une leçon d'Ecolier. Parler après avoir pensé , c'est parler
en homme , c'est parler.
Je vais à mon but. La Musique n'est
difficile que parce qu'on l'apprend par
routine , par exercice , par habitude , par
memoire. Qu'on tourne un peu la chose
en théorie , en science , en principe , elle
va devenir tout ce qu'il y a au monde de
plus facile.
Je dis la pratique en va devenir facile.
Lorsque l'esprit est bien élairé , et qu'il
voitdistinctement de quoi il s'agit, la nature se développe , les facultez se manifestent , les talens se déploïent , la langue se délie , l'oreille devient sensible ,
les yeux clairvoyans, un air d'intelligence
se répand jusques dans les mains , dans
les doigts , dans les organes les plus méchaniques , les plus exterieurs.
Nous naissons avec un goût , une disposition , une semence de Musique qui
ne demande qu'à se developper. C'est ce
développement de la Nature qui devroit
être
M A Y. 1732. 845
être le but unique d'un Maître qui entreprend de la perfectionner. On ne perfectionne la Nature qu'en travaillant sur
le Plan même qu'elle a d'abord ébauché.
Nous autres François , sur tout , nous
entendons chanter, et bien tôt nous chantons aussi. Nous croyons donc qu'il n'y
a qu'à chanter , et que c'est- là la premiere
esquisse de la Nature. Mais ce chant pourroit bien n'être qu'une affaire d'habitude
et l'effet d'une seconde Nature.
Ceux qui sont un peu Philosophes , sçavent bien que le premier coup d'œil des
choses , est toujours imposteur ; que les
Phénomenes sensibles ont toujours des
raisons secrettes , des principes profonds ,
et qu'en un mot tout ce qui se présente
le premier dans l'ordre et dans la succession des effets , est le plus souvent le dernier dans l'ordre des generations et des
'causes.
Or ce n'est pas moi , c'est Zarlin , homme consommé dans la pratique et dans
la théorie de la Musique , qui cite Platon , pour nous dire que la mélodie , le
chant procede de l'harmonie. Et M. Rameau, qui ne le cede en rien à Zarlin,
et qui par un nombre de belles Décou-
-vertes nous a mis en état d'aller plus loin,
nous cite cet Auteur Italien pour nous
A vj repeter
846 MERCURE DE FRANCE
repeter que l'harmonie est le principe de
la mélodie. Il fait plus , il en donne des
preuves et dit tout ce qu'il faut pour l'établir solidement.
Ces grands Maîtres en parlent par rapport au grand de la Musique , à la composition , à l'accompagnement. Mais en
vain nous appellent-ils dans ce Sanctuaire,
si d'autres nous amusent au Vestibule , à
la porte, et nous ôtent l'envie , le gout, et
le temps de penetrer jusques dans cet interieur.
Ce sont ces grands Maîtres dont je
parlois à l'entrée de ce Discours , et que
je ne dédaignerai pas de seconder à perfectionner leur Art, du moins en m'efforçant d'en agrandir , d'en applanir les
avenues ; et c'est d'eux- mêmes que j'emprunterai les secours, les facilitez qui pourront m'aider , qui pourront aider au Public à allerjusqu'à eux.Un bon principe s'é- tend à tout , et celui de Platon atteint du
plus grand au plus petit, et depuis la com➡
position de l'harmonie jusqu'à la plus sim- ple execution machinale du Chant et de
la Gamme , qui est l'alphabet de la Musique.
Quoi ! dira t'on , faudra-t'il donc apprendre l'harmonie pour posseder la méIndie , et devenir Compositeur de plu- Sienn
MAY. 1732 847
sieurs Chants avant que de penser en
articuler un seul ? Quand je le dirois , je ne
croirois désesperer personne , puisque je
suis bien persuadé qu'on auroit encore
beaucoup meilleur marché de la routine
du Chant, qu'on ne prendroit ainsi qu'à
la suite d'une harmonie prise dans toute
son étendue et dans toute sa perfection.
Mais il n'en faut pas tant , et le principe seul de l'harmonie bien developpé ,
doit suffire pour cette routine de Chant
et de Mélodie ; il doit suffire et il suffit ,
bien entendu que rien ne suffit à sa place,
et que rien ne peut et ne doit le remplacer. Venons au fait.
Dans la Méthode ordinaire on chante
ou on croit chanter diatoniquement , de
proche en proche , par degrez conjoints ,
c'est- à-dire , comme on l'entend de Utà
Ré, de Ré à Mi, et tout de suite à Fa, Sol,
La, Si, Ut, Et moi, je dis que ce Systême
est faux , que cette Méthode n'a rien de
naturel , que ce chemin est scabreux , penible et long à l'infini , et que dès le
premier pas un Ecolier qu'on mene par
là , est un Ecolier manqué.
Personne ne doute , je crois , de la lon
gueur de ce chemin et de cette Méthode
Diatonique , puisque c'est l'experience de
tous les jours. Or cela seul fait assez voir
L
848 MERCURE DE FRANCE
le peu de naturel , le faux même de cette
maniere d'apprendre la Musique , n'étant pas naturel que si peu de chose coûte
tant à acquerir.
监
Suivons un Maître qui montre la Musiqué , mais sur tout rendons - nous attentif à l'Ecolier qui apprend , ou plutôt ,
pour ne révolter personne , concevons
tout ceci sous l'idée de l'Art personifié qui
à entrepris de perfectionner la nature.
L'Art décide donc que de Ut à Ré il
n'y a qu'un degré , de Ut à Mi , deux ,
de Uta Sol, cinq , et de Ut à Ut , huit
et là dessus il entonne Ut , Ré , et il exige que la Nature le repete à sa suite.
La Nature s'en mocque , son premier
degré est de Vt à Ut , le second de Ut
à Sol , le troisième , de Sol à Ut , seconde
réplique du premier , delà elle passe à
Mi, enfin ce n'est pourtant que la neuviéme marche qu'elle saisit le Ré. Jugez
d'abord de la bonté d'une Méthode dans
laquelle au lieu de multiplier les marches pour adoucir la montée , on vous
oblige du premier pas , d'enjamber le
neuvième dégré.
Je ne dis rien sans preuve , ni même
sans démonstration ; car chacun a sa Gamme, chacun son Echelle , chacun son Alphabet. Celui de l'Art est , روUt, Ré , Mì¸Fa,
MAY. .1732. 849
Fa, Sol, La , Si , Ut. Celui de la Nature est Vt, Vt , Sol , Ut, Mi , Sol , Ut,
Ré, &c. Je ne dirai rien que tous les Musiciens ne sçachent avant moi et mieux
que moi.
C'est d'eux que j'ai appris que lorsqu'on
a une corde qui sonne Ut , si on la coupe
en deux parties égales , chaque moitié
sonnera encore Vt ; si on la divise en
trois , chaque tiers sonnera Sol ; en 4 Ut,
en 5 Mi, en 6 Sol , en 8 Ut , en 9. en- fin Ré.
30
C'est un Axiome reçû des Musiciens
autant que des Physiciens et des Géométres , que les sons sont aux sons , comme
les cordes sont aux cordes , et par consequent comme les nombres sont aux
nombres.
,
Non- seulement les sons , mais là difficulté de les articuler , de les entonner ,
doit suivre le progrès des nombres. Car
non-seulement une corde mais tout
agent , tout organe sonore doit se subdiviser en 2. en 3. &c. parties pour exprimer Ut, Ut , Sol , Ut, &c. et en 9.
pour Ré.
Or il est plus naturel et plus facile ,
sans doute , de diviser en 2 qu'en 3 , en 3
qu'en 4, &c. Car pour la division en 2 , il
n'y a qu'un point à diviser; pour 3 ,
il en
faut
850 MERCURE DE FRANCE
faut 2 ; pour 4 , il en faut 3 ; et pour 9 ,
il en faut 8.
Qu'on ne dise pas que les nombres sont
quelque chose d'abstrait , qui n'influë
point dans la pratique , dans le physique
de la chose. Car je répons que tout ce
monde physique est fait avec nombre,poids
et mesure. Orla mesure et le poids sont
quelque chose de réel ; le nombre l'est
donc aussi.
Ignore- t- on d'ailleurs que le nombre
convient spécialement à l'harmonie , et
décide de tout ce qu'elle a de réel ? Enfin
la division des corps sonores, celle de l'air
même et de l'oreille , par des vibrations
ou des ondulations dont le nombre ne
peut - être que déterminé , est une chose
réelle et physique, qui ne permet pas qu'on
traite ici les nombres, ni les raisonnemens
qu'on en tire , de choses abstraites , ni de
spéculations purement géométriques ou
métaphysiques.
La Trompette n'est pas un être de rai→
son. Or lorsque dans une Trompette on
on a sonné l'Ut au plus bas, et qu'on veut
monter par dégrez , le premier dégré d'élevation donne l'octave prétenduë Vr; le
second dégré donne la quinte ou plutôt la
douzième Sol , et tout de suite , Ut , Ut ,
Sol, Ut, Mi, &c. n'arrivant et ne pouvant
MAY. 1732. 851
vant arriver au prétendu Diatonique Ré ,
qu'au neuviéme son.
Les premiers observateurs de ce Phénoméne , Mersenne , Kischer , Dechales, &c.
appelloient cela les Sautsde la Trompette,
prévenus que Ut , Ré, étoit l'échelle vraiment Diatonique. Elle l'est dans l'ordre
des effets , des Phénoménes, des apparencess
mais c'est le progrès Ut , Ut , Sol , &c.
qui l'est dans l'ordre des causes , des réa- litez de la nature.
Défions- nous , si l'on veut , de tout ce
qui est artificiel; la Trompette est un ouvrage de l'art , quoiqu'un des premiers ;
et par- là des moins suspects d'artifice et d'altération. Ne sortons pas du sujet que
nous avions d'abord proposé.
L'art , c'est-à-dire , le maître entonne
Ut, Ré; la nature , c'est-à-dire, l'enfant
le commençant, repete Ut, Ré; c'est-à- dire,
en répete les mots , car il sçait articuler
mais il n'en répete pas les sons, parce qu'il
ne sçait pas chanter , au moins sur le ton
de l'art , car il le sçait selon celui de
la nature, et en répetant Ut , Ré , il entonne Ut , Ut.
C'est un fait que la plupart des commençans , sur tout ceux que les Maîtres
disent qui ont l'oreille dure et la voix
fausse , et qui selon moi , n'ont souvent
que
852 MERCURE DE FRANCE
que trop de sensibilité et de justesse d'organes , commencent toujours par monter
à l'octave , comme la Trompette, vont de
là à la quinte , à la quarte , à la tierce, &c.
et n'arrivent au Diatonique Ut , Ré , qu'à➡
près tous ces intervalles consécutifs , et
encore même par grande déférence pour
un Maître qui l'exige du ton le plus impérieux.
Qu'un Ecolier est à plaindre , lorsque
l'art qui le dirige n'est pas sur le ton de
la nature l'art dit Ut, Ré 3 et la nature
Ut, Vt; quelle dissonance , quelle syncope , quelle convulsion pour une oreille tendre et délicate qui souffriroit à peine
dans un progrès d'harmonie une dissonance pareille , qui seroit préparée et
sauvée dans toutes les regles , et à qui
pour premier prélude , la Musique s'annonce par tout ce qu'elle a de plus dur ,
et cela fiérement et sans aucune sorte de
préparation.
Encore si cette dureté étoit sauvée,mais
l'art est impliable , et il exige son Ut,
Ré , jusqu'au dernier instant. La nature
peut se plier à force de crier Ut , Ré ; de
dire qu'on monte trop haut , de se fâcher,
de gronder, d'arracher des soupirs et des
pleurs; un pauvre enfant qui ne sçait pas
trop à qui s'en rapporter,se hazarde à monter
MA Y. 1732. 85$
ter encore plus haut , et après avoir longtems rédit , Ut , Ut , il se rapproche et
attrape Ut , Sol; mais il ne tient rien , il
revient à Ut, à Sol; mais le temps, etl'art
l'invitant toujours à descendre , il grimpe
à Mi, se balance à Sol , à Ut , à Mi , et
un beau jour , il va s'acrocher à Ré , qui
lui échape aussi- tôt , et auquel de 2 , de
3 , de 4ans , peut- être il ne pourra se fi
xer imperturbablement.
Car enfin c'est le vieux proverbe , que
de quelque fourche qu'on se serve pour
chasser la nature , elle revient toujours ,
et toujours sans fin et sans cesse , sans tréve ni quartier. Elle est toujours montée à
dire ut , après ut , comme la Trompete ;
sol après le second ut ; et à moins qu'on ne
lui alt appris en apprenant d'elle-même à
ré , sur le ton où elle est montée
pour le dire ; l'art à beau crier , il ne peut
qu'effleurer les oreilles , ou tout au plus
les déchirer , et en exiger un service forcé
qu'aucune longueur de temps ne rendra
dire ut,
naturel.
La nature est un Maître intérieur ; elle
parle tout bas, si l'on veut, mais elle est en
possession , et un enfant connoit sa voix ,
bien mieux encore que celle de sa nourde sa mere même. Les Musiciens
eux-mêmes conviennent qu'en entendant
rice ou
cer
854 MERCURE DE FRANCE
1
certains sons , l'oreille en sousentend tou
jours d'autres. Or je crois avoir prouvé ,
sans réplique , dans les Memoires de Trevoux , année 1722. Octobre , pag 1732. en
-dévelopant le systême de M. Rameau,que
cette sousentente étoit une entente réelle des
sons harmoniques ut , ut , sol , &c. dans l'ordre des nombres naturels 1 , 2 , 3 , 4.
&c.
Enfin , car il faut garder quelque chose
pour le lendemain , j'aboutis icy à conclure que pour déveloper la nature , ce qui
doit être l'unique but de tous les arts , il
faut la suivre au but qu'elle - même nous
indique icy d'une maniere qui n'a rien
d'équivoque.
Gardons la Méthode Diatonique pour
les Perroquets et pour les Serins, lesquels
pourroient peut être encore être mieux siflez, car la nature n'a qu'un systême. Mais
pour les hommes et même pour les enfans , il n'est pas question d'une aveugle
routine qui prend trop de temps , et plus
que si peu de chose n'en mérite , et qui
même n'apprend rien comme il faut.
La nature a fait icy tous les frais de ce
qu'il y a de méchanique dans la chose, les
cordes sont tendues dans l'oreille , les
tuyaux diapasones dans le gosier , la Tablature, les touches, tout l'instrument est
à
MAY. 17327 855
à son point, La nature n'a laissé à l'art ,
c'est-à- dire , à l'esprit , que la partie de
l'esprit , c'est-à- dire , l'intelligence des
sons , le rapport des tons , l'explication ,
en un mot, du systême general ut , ut ,
sol , ut , mi , sol , ut , re , mi , sol , si , ut ,
&c. qui contient tous les systêmes, diatonique , chromatique , &c. en commençant régulierement par l'harmonique qui
est la source féconde de tous les autres.
Voilà la méthode qui consiste à commencer par l'harmonique , qui est le fondement de tout, et qu'on doit bien posseder de la voix , de l'oreille , et sur tout de
l'esprit , avant que de passer au diatonique , lequel ne doit même venir que dépendamment et par voye de génération à
la suite de l'harmonique : le chromatique
venant aussi à son tour , suivi de l'enharmonique , et de tout ce que la Musique
a de plus profond.
Car pour le dire encore , une pareille
méthode mene tout de suite à la compo
sition et à
l'accompagnement , et y mene
avec une rapidité extrême; rien n'étant
plus rapide que les progrès d'une bonne
nature qu'on a laissée , comme dormir
dans une lenteur apparente , qu'elle semble affecter aux premiers , instans de sa
naissance ou de son développement.
Pour
856 MERCURE DE FRANCE
Pour ce qui est de la maniere d'exécuter ce Plan general, on va la voir dans un
petit ouvrage , où je la donne par leçons
consécutives à la portée des Maîtres et
des Ecoliers.
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Résumé : METHODE pour apprendre la Musique en peu de temps. Par L. P. C. J.
Le texte 'METHODE pour apprendre la Musique' aborde les défis liés à l'apprentissage de la musique, en particulier du chant. L'auteur observe que la musique est souvent considérée comme trop difficile à maîtriser, en raison de la routine et des exercices excessifs qui étouffent l'intelligence et la raison. Il critique les méthodes traditionnelles qui privilégient la mémoire et l'habitude au détriment de la compréhension théorique. L'auteur propose d'enseigner la musique comme une science et une théorie, plutôt que par la simple répétition. Il soutient que la nature humaine possède une disposition innée pour la musique, qui ne demande qu'à se développer. Il cite des maîtres tels que Zarlino et Rameau pour appuyer l'idée que la mélodie et le chant découlent de l'harmonie. Le texte critique la méthode diatonique courante, qui consiste à chanter de proche en proche par degrés conjoints (Ut à Ré, Ré à Mi, etc.), la jugeant peu naturelle et pénible. L'auteur suggère une approche basée sur les divisions naturelles des sons, en utilisant les nombres et les proportions pour faciliter l'apprentissage. Par ailleurs, le texte traite des difficultés rencontrées par un écolier lorsqu'il apprend la musique selon une méthode qui ne respecte pas les lois naturelles de l'harmonie. L'auteur critique l'enseignement traditionnel qui impose des notes (Ut, Ré) qui ne correspondent pas à la nature (Ut, Vt), causant ainsi des dissonances et des souffrances pour l'élève. La nature, décrite comme un maître intérieur, guide l'enfant de manière plus naturelle et harmonieuse. Les musiciens reconnaissent que l'oreille perçoit des sons harmoniques de manière intuitive. L'auteur conclut en affirmant que comprendre les principes de l'harmonie peut rendre l'apprentissage du chant plus facile et plus naturel. Il propose une méthode basée sur l'harmonique, qui est la source de tous les autres systèmes musicaux (diatonique, chromatique, etc.). Cette méthode permet de progresser rapidement vers la composition et l'accompagnement, en respectant les lois naturelles de la musique. L'auteur prévoit de détailler cette méthode dans un ouvrage destiné aux maîtres et aux écoliers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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