Provenance du texte (30)
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Détail
Liste
Résultats : 30 texte(s)
1
p. 84-93
Lettre de Constantinople du 7. Aoust.
Début :
Le 3. de ce mois le Grand Seigneur reçut plusieurs [...]
Mots clefs :
Seigneur, Turcs, Tartares, Constantinople, Moscovites, Tsar
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre de Constantinople du 7. Aoust.
Lettre de Conflantinople du
7. Aoust.,
Le 3. de ce mois le Grand
Seigneur reçut plusieurs
Courriers du Grand Visir ,
avec la nouvelle que l'Armée
Moscovite forte de
soixantemille hommes
commandée par le Czar en
personne avoit esté presqu'entierement
deffaite Le
combat commença le i%
Juillet aprèsmidy prés de
Falczin surle Prut. Il y cuç
plusde trente mille Mofc<>
vires tuez par les Turcs ôc
par les Tartares
,
fc sans la
nuit qui survint le nombre
auroit esté plus grand. Le
reste de leur Armée n'ayant
pûCc retirer parce que IC$
Turcs & les Tartares l'environnoient
de tous costez
les uns & les autres paflere&t
la nuit tous les Armes. Le
lendemain marin les Moscovites
se rallierent & se
couvrirent avec des chevaux
de frise; mais le grand
Visir sit aussicost tirer le
canon sur ce retranc hement.
Alors le Czar luy
envoyaunOfficier pour luy
proposer une Capitulation
avec le grand Seigneur &
avec le Roy de Suede
,
&
voyant que les Turcs continuoient
leur canonnade,
il envoyaquatre Officiers
pourréterer cette proposition,
& pour prier le grand
Visir de faire cesser le Canon
ce qui luy fut accordé. Mr
Czasirow ViceChancellier,
&le fils du General Szeremetow
furent estvoyez
au grand Visir avec lequel
ils convinrent que la Ville
d'Asaf seroit rendue au
grand Seigneur;qiae: les
Fortesses de Kaminka
,
de
Sagara&de Samara seraient
démolies ; que l'Ukraine
; feroit iTtmifc danssonancienne
liberté;quele Czar
ne semêleroit plus des Affiliés
de Pologne; qu'illivreroit
le Prince Demetrius
Cantemir, & le rebelleKebaliaba
,
& qu'on reme -
troit au grand Seigneur
l'Artillerie & les Munitions
de l'Armée Moscovite. Ces
six Articles préliminaires
dévoient estre suivis d'un
: traité de Paix qui seroit fait
à Bender où Mrs Czasirow,
& Szeremetow
)
[c ren,
- droient en qualité de Plcnipotentiaires
& pour ser-
-vir d'Otages de ce quiavait
-
esté conclu sans que le grand
Visiten eust donné aucun.
Onapermisaurestede l Ar- !
mée Moscovite de se retirer
àKiowie; mais comme les
Soldatsestoient accablez de
fatigue & de faim, même
avant la Bataille, & qu'il
étoient poursuivis par les
Tartates à cause que le Kan
n'avoit point eû de part à
cc'qui avoir esté conclu avec
le Czar, oncroyoit qu'ilen
réchaperoit un fort petit
nombre, cependant le
grand Visir les faisoit accompagner
par dix ou
cloute mille hommes fous
pretexte de leur servir d'escorte
contre les Tartares y
mais en effet pour les faire
marcher à petites journées,
afin d'avoir le temps de recevoir
les ordres du grand
Seigneur. Mr Funck Envoyé
du Roy de Suede presenta
le 4. au Grand Seigneur,
& au Kaimakan, un
Memoire concernant les'
interests du Roy son Maître.
Tous les Visirs, & le
Musti l'assurerent que ce
Prince auroit lieu d'estre
content avant que les Moscovites
sortissent des Etats
du Grand Seigneur, &
que le Kapigilar Kiaïaski
) devoit partir incessament
pour procurer à Sa Majesté
Suedoise toute sorte satisfaction.
Le 5 Mr Funck fut
appellépour aller chez le
Kaimakan où il trouva le
Musti&le Scllâar- Pacha,
gendre du grand Seigneur,
afin deconferer sur son Me.
moire par lequel il demandoit
que le Roy de Suede
fut compris dans le traité
de Bender, & qu'il fust stipulé
qu'il seroit conduit
dans ses Etats avec autant
de troupes qu'il fouhaitcroit.
Osman Pacha Kiaïa ou
Lieutenant du grand Visir
qu'ilavoit envoyé pour
apporter la nouvelle de
cette Victoire, a esté disgracié
au lieu d'estre recompensérce
qui marque que
le Grand Seigneur estmécontent
de la precipitation
avec laquelle le grand Visîr
a conclu la Capitulation
y
pouvant se rendre maistre
du Czar &du reste de fem
Armée;cependant on n'a
pas laissé de faire plusieurs
décharges d'Artillerie aprés
l'arrivée decette nouvelle,&
toute la Ville ena témoigné
une grande joye. On remarque
que la deffaite du Czar
(H: arrivée le même mois
que celle du Roy de Suede
à Pultowa, & que lemême
malheur de ces deux
Princes leurestarrivé pour
s'estreengagé trop avant
sans Magasins,en paysennemi.
7. Aoust.,
Le 3. de ce mois le Grand
Seigneur reçut plusieurs
Courriers du Grand Visir ,
avec la nouvelle que l'Armée
Moscovite forte de
soixantemille hommes
commandée par le Czar en
personne avoit esté presqu'entierement
deffaite Le
combat commença le i%
Juillet aprèsmidy prés de
Falczin surle Prut. Il y cuç
plusde trente mille Mofc<>
vires tuez par les Turcs ôc
par les Tartares
,
fc sans la
nuit qui survint le nombre
auroit esté plus grand. Le
reste de leur Armée n'ayant
pûCc retirer parce que IC$
Turcs & les Tartares l'environnoient
de tous costez
les uns & les autres paflere&t
la nuit tous les Armes. Le
lendemain marin les Moscovites
se rallierent & se
couvrirent avec des chevaux
de frise; mais le grand
Visir sit aussicost tirer le
canon sur ce retranc hement.
Alors le Czar luy
envoyaunOfficier pour luy
proposer une Capitulation
avec le grand Seigneur &
avec le Roy de Suede
,
&
voyant que les Turcs continuoient
leur canonnade,
il envoyaquatre Officiers
pourréterer cette proposition,
& pour prier le grand
Visir de faire cesser le Canon
ce qui luy fut accordé. Mr
Czasirow ViceChancellier,
&le fils du General Szeremetow
furent estvoyez
au grand Visir avec lequel
ils convinrent que la Ville
d'Asaf seroit rendue au
grand Seigneur;qiae: les
Fortesses de Kaminka
,
de
Sagara&de Samara seraient
démolies ; que l'Ukraine
; feroit iTtmifc danssonancienne
liberté;quele Czar
ne semêleroit plus des Affiliés
de Pologne; qu'illivreroit
le Prince Demetrius
Cantemir, & le rebelleKebaliaba
,
& qu'on reme -
troit au grand Seigneur
l'Artillerie & les Munitions
de l'Armée Moscovite. Ces
six Articles préliminaires
dévoient estre suivis d'un
: traité de Paix qui seroit fait
à Bender où Mrs Czasirow,
& Szeremetow
)
[c ren,
- droient en qualité de Plcnipotentiaires
& pour ser-
-vir d'Otages de ce quiavait
-
esté conclu sans que le grand
Visiten eust donné aucun.
Onapermisaurestede l Ar- !
mée Moscovite de se retirer
àKiowie; mais comme les
Soldatsestoient accablez de
fatigue & de faim, même
avant la Bataille, & qu'il
étoient poursuivis par les
Tartates à cause que le Kan
n'avoit point eû de part à
cc'qui avoir esté conclu avec
le Czar, oncroyoit qu'ilen
réchaperoit un fort petit
nombre, cependant le
grand Visir les faisoit accompagner
par dix ou
cloute mille hommes fous
pretexte de leur servir d'escorte
contre les Tartares y
mais en effet pour les faire
marcher à petites journées,
afin d'avoir le temps de recevoir
les ordres du grand
Seigneur. Mr Funck Envoyé
du Roy de Suede presenta
le 4. au Grand Seigneur,
& au Kaimakan, un
Memoire concernant les'
interests du Roy son Maître.
Tous les Visirs, & le
Musti l'assurerent que ce
Prince auroit lieu d'estre
content avant que les Moscovites
sortissent des Etats
du Grand Seigneur, &
que le Kapigilar Kiaïaski
) devoit partir incessament
pour procurer à Sa Majesté
Suedoise toute sorte satisfaction.
Le 5 Mr Funck fut
appellépour aller chez le
Kaimakan où il trouva le
Musti&le Scllâar- Pacha,
gendre du grand Seigneur,
afin deconferer sur son Me.
moire par lequel il demandoit
que le Roy de Suede
fut compris dans le traité
de Bender, & qu'il fust stipulé
qu'il seroit conduit
dans ses Etats avec autant
de troupes qu'il fouhaitcroit.
Osman Pacha Kiaïa ou
Lieutenant du grand Visir
qu'ilavoit envoyé pour
apporter la nouvelle de
cette Victoire, a esté disgracié
au lieu d'estre recompensérce
qui marque que
le Grand Seigneur estmécontent
de la precipitation
avec laquelle le grand Visîr
a conclu la Capitulation
y
pouvant se rendre maistre
du Czar &du reste de fem
Armée;cependant on n'a
pas laissé de faire plusieurs
décharges d'Artillerie aprés
l'arrivée decette nouvelle,&
toute la Ville ena témoigné
une grande joye. On remarque
que la deffaite du Czar
(H: arrivée le même mois
que celle du Roy de Suede
à Pultowa, & que lemême
malheur de ces deux
Princes leurestarrivé pour
s'estreengagé trop avant
sans Magasins,en paysennemi.
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Résumé : Lettre de Constantinople du 7. Aoust.
Le 3 août, le Grand Seigneur reçut des nouvelles du Grand Visir annonçant une victoire turque contre l'armée moscovite, forte de soixante mille hommes et dirigée par le Czar en personne, près de Falczin sur le Prut. Le combat, débuté le 1er juillet, avait causé la mort de plus de trente mille Moscovites. La nuit suivante avait empêché un bilan plus lourd. Les survivants, encerclés par les Turcs et les Tartares, tentèrent de se rallier mais furent repoussés par la canonnade turque. Le Czar proposa alors une capitulation, acceptée après négociations. Les termes préliminaires incluaient la reddition de la ville d'Asaf, la démolition de certaines forteresses, la liberté de l'Ukraine, la libération de prisonniers et la restitution de l'artillerie moscovite. Ces articles devaient être suivis d'un traité de paix à Bender. L'armée moscovite fut autorisée à se retirer à Kiowie, escortée par des troupes turques pour éviter les Tartares. Le 4 août, l'envoyé du Roi de Suède présenta un mémoire concernant les intérêts de son maître, assurant une satisfaction avant le départ des Moscovites. Le 5 août, des conférences eurent lieu pour inclure le Roi de Suède dans le traité de Bender. La défaite du Czar, survenue le même mois que celle du Roi de Suède à Pultowa, fut attribuée à une avancée trop profonde sans approvisionnement adéquat.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 49-57
EXTRAIT de Lettre de Mr le Colonel de Funck, écrite de Constantinople le 14. Janvier 1712. à Mr. de Cronstrom Envoyé Extraordinaire de Suede.
Début :
Le Grand Vizir a bien voulu permettre aux Otages Moscovites, [...]
Mots clefs :
Moscovites, Tsar, Turcs, Guerre, Paix, Troupes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de Lettre de Mr le Colonel de Funck, écrite de Constantinople le 14. Janvier 1712. à Mr. de Cronstrom Envoyé Extraordinaire de Suede.
EXTRA1 T
de Lettre de Mr le Coloml de Funck ,
écritede
Conflantinople le 14. Jimvieriyii. àMr. de Crort-
(om Envoyé Extraordinaire de Suede.
-LeGrand Vizir a
bien.
voulu permettre aux 0-
tages Moscovites, sur.
leurs instances conjoin cc
tement avec les Ambac.cc
fadeurs d'Angleterre &-
d'Hollande, de conferer(c;
avec luy pour tascher de«
trouver des expédients«
«capables de détourner la
t, guerre; mais cesconferencessont presentement
»rompues. Ali Bacha le
»
Premier Grand Vizir dé-
»
posé a
esté porte icy &
«expose devant le Serrait au peuple. Les nou-
«
vellesvenues cesjours icy
;»
de l'arrivée de nostre
Transport en Pomeranie
avec le Comte de Sten-
»
bofz
3
ont extrêmement
»
réjoui
,
tant nous que les
«
Turcs,,quicet Etéavoienc
;»agi un peu froidement,
Ȉcause quece Transport
ne venoic pas. Le premier
«
de ce mois le Grand Sei. *
gneur m'a fait dire que je«
fisse sçavoir au Royqu'ilcc
partira dans six fcmaines«
pour aller en campagne, «
afin de pouffer la guerre «
contre les Moscovites*
avec la dernière vigueur,«
que sa Majeste estoit lecc
maistre de partir quand il«
luyplairoit pour la PolO-te
gne
,
avec une escorte..
considerable & suffisante«
de Turcs qui se rendront«
pour cet effet à Bender)cc
& , que j'eusse à suivre le«
"Sultan en campagne, au
»moyen de quoy j'espere,
8,
Mr. d'avoir l'honneur de
=. vous fairefçavoircequis'y
»
passera. Le Serasquier de
»BelgradeAbdiBacha qui
»efl: fort porté pour les in-
»
terefts du Roy, a
esté fait
o.
Commandant en Chef
:»
des troupes de Romelie
J
»
& doit se rendre incessam-
»ment.
D'autres Lettres portent
qu'on a
publié à Constantinople laguerre contre les
Moscovites, que l'Empire
Otoman faitdes prépara-
tifs extraordinaires, que
les Tartares se préparent à
faire une irruption en Moscovie par trois costez. Le
quartier du General Ronne
,
qui a de beaucoup
augmenté ses troupes, est
à present à Pialacerkieu
, & les troupes Moscovites
qu'il commande sont avancéesjusqu'à Niemerow, &
à Braclaw enPodolie, pour
observer les mouvements
des Turcs, & du Palatin
de Kiovie, & la plus part
desMoscovites qui estoient
dans le Palatinat de Cra-
covie, sont entrées dans
celuy de Sandomir.
Le Czar est arrivé à Pesersbourg le 14. Janvier, &
le même jour il a
jugé àpropos de faire de molirles fortifications d'Azak
)
du Fort
de TangarocK & de quelques autres qui ont donnéombrage aux Turcs, esperant encore par là de les
appaiser, & de maintenir
la Paix de Falczin.
Le Vice-Amiral Cruitz,
est arrivéd'AzaK à Moscou, suivi de tous les Officiers de marine, il doit
cilr,-, à present ducosté de
Petersbourg;ila laissé l'Amiral à Praxin
,
à Azak
)
pour en faire démolir les
fortifications.
Les Moscovites ont tué
ou pris quarante mille personnes, &enlevéune grande quantité de Chevaux,
de Chameaux
,
& de Beftail ,aprèsavoir forcé quelques Troupes des Tartares
Calmuques.
On a
fait de grande réjoüissances à Moscou au
mois de Décembre dernier, sur lanouvellequ'on
a receuë que le Princede
Moscovieaépousé la Princesse de Volsenbutel
,
ces
réjoüissances ont commencé le 13.&la PripçeKeNatalie à Lexowits., fçeïir
du Czar.) a
traité mjgni.
siquement pendant deux
jours lesGrands Seigneurs
ôç les Principaux Officiers.
-
La Princesse Mere du
Czar a
donnéaussi un
grand festin où la Duchesse
de Ciîrjande, a paru pour
la première fois depuis la
mort du Duc son Epoux
,
ensuite ces Princesses sont
allées trouver le Czar à Petersbourg.
de Lettre de Mr le Coloml de Funck ,
écritede
Conflantinople le 14. Jimvieriyii. àMr. de Crort-
(om Envoyé Extraordinaire de Suede.
-LeGrand Vizir a
bien.
voulu permettre aux 0-
tages Moscovites, sur.
leurs instances conjoin cc
tement avec les Ambac.cc
fadeurs d'Angleterre &-
d'Hollande, de conferer(c;
avec luy pour tascher de«
trouver des expédients«
«capables de détourner la
t, guerre; mais cesconferencessont presentement
»rompues. Ali Bacha le
»
Premier Grand Vizir dé-
»
posé a
esté porte icy &
«expose devant le Serrait au peuple. Les nou-
«
vellesvenues cesjours icy
;»
de l'arrivée de nostre
Transport en Pomeranie
avec le Comte de Sten-
»
bofz
3
ont extrêmement
»
réjoui
,
tant nous que les
«
Turcs,,quicet Etéavoienc
;»agi un peu froidement,
Ȉcause quece Transport
ne venoic pas. Le premier
«
de ce mois le Grand Sei. *
gneur m'a fait dire que je«
fisse sçavoir au Royqu'ilcc
partira dans six fcmaines«
pour aller en campagne, «
afin de pouffer la guerre «
contre les Moscovites*
avec la dernière vigueur,«
que sa Majeste estoit lecc
maistre de partir quand il«
luyplairoit pour la PolO-te
gne
,
avec une escorte..
considerable & suffisante«
de Turcs qui se rendront«
pour cet effet à Bender)cc
& , que j'eusse à suivre le«
"Sultan en campagne, au
»moyen de quoy j'espere,
8,
Mr. d'avoir l'honneur de
=. vous fairefçavoircequis'y
»
passera. Le Serasquier de
»BelgradeAbdiBacha qui
»efl: fort porté pour les in-
»
terefts du Roy, a
esté fait
o.
Commandant en Chef
:»
des troupes de Romelie
J
»
& doit se rendre incessam-
»ment.
D'autres Lettres portent
qu'on a
publié à Constantinople laguerre contre les
Moscovites, que l'Empire
Otoman faitdes prépara-
tifs extraordinaires, que
les Tartares se préparent à
faire une irruption en Moscovie par trois costez. Le
quartier du General Ronne
,
qui a de beaucoup
augmenté ses troupes, est
à present à Pialacerkieu
, & les troupes Moscovites
qu'il commande sont avancéesjusqu'à Niemerow, &
à Braclaw enPodolie, pour
observer les mouvements
des Turcs, & du Palatin
de Kiovie, & la plus part
desMoscovites qui estoient
dans le Palatinat de Cra-
covie, sont entrées dans
celuy de Sandomir.
Le Czar est arrivé à Pesersbourg le 14. Janvier, &
le même jour il a
jugé àpropos de faire de molirles fortifications d'Azak
)
du Fort
de TangarocK & de quelques autres qui ont donnéombrage aux Turcs, esperant encore par là de les
appaiser, & de maintenir
la Paix de Falczin.
Le Vice-Amiral Cruitz,
est arrivéd'AzaK à Moscou, suivi de tous les Officiers de marine, il doit
cilr,-, à present ducosté de
Petersbourg;ila laissé l'Amiral à Praxin
,
à Azak
)
pour en faire démolir les
fortifications.
Les Moscovites ont tué
ou pris quarante mille personnes, &enlevéune grande quantité de Chevaux,
de Chameaux
,
& de Beftail ,aprèsavoir forcé quelques Troupes des Tartares
Calmuques.
On a
fait de grande réjoüissances à Moscou au
mois de Décembre dernier, sur lanouvellequ'on
a receuë que le Princede
Moscovieaépousé la Princesse de Volsenbutel
,
ces
réjoüissances ont commencé le 13.&la PripçeKeNatalie à Lexowits., fçeïir
du Czar.) a
traité mjgni.
siquement pendant deux
jours lesGrands Seigneurs
ôç les Principaux Officiers.
-
La Princesse Mere du
Czar a
donnéaussi un
grand festin où la Duchesse
de Ciîrjande, a paru pour
la première fois depuis la
mort du Duc son Epoux
,
ensuite ces Princesses sont
allées trouver le Czar à Petersbourg.
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Résumé : EXTRAIT de Lettre de Mr le Colonel de Funck, écrite de Constantinople le 14. Janvier 1712. à Mr. de Cronstrom Envoyé Extraordinaire de Suede.
La lettre du Colonel de Funck, datée du 14 janvier 1700 à Constantinople, est adressée à Mr de Cort, Envoyé Extraordinaire de Suède. Le Grand Vizir avait initialement autorisé des discussions entre les ambassadeurs moscovites, anglais et hollandais pour éviter la guerre, mais ces conférences sont interrompues. Ali Bacha, ancien Grand Vizir, a été exécuté et exposé au peuple. L'arrivée du Comte de Stenbof en Poméranie a été bien accueillie par les Suédois et les Turcs, malgré un initial froid dû au retard. Le Grand Seigneur prévoit de partir en campagne contre les Moscovites dans six semaines et pourrait également se rendre en Pologne avec une escorte turque. Abdi Bacha, Serasquier de Belgrade, a été nommé Commandant en Chef des troupes de Roumanie. La guerre contre les Moscovites a été déclarée à Constantinople, et l'Empire Ottoman prépare des troupes et des fortifications. Les Tartares se préparent à envahir la Moscovie par trois côtés. Les troupes moscovites, sous le commandement du Général Ronne, sont positionnées à Pialacerkieu, Niemerow et Braclaw. Le Czar, à Pésersbourg, a ordonné la démolition des fortifications d'Azak et de Tangarock pour apaiser les Turcs. Le Vice-Amiral Cruitz est arrivé à Azak et doit se rendre à Petersbourg. Les Moscovites ont vaincu des troupes tartares calmuques, tuant ou capturant quarante mille personnes et saisissant une grande quantité de chevaux, chameaux et bétail. À Moscou, des réjouissances ont célébré le mariage du Prince de Moscovie avec la Princesse de Volsenbutel. La Princesse Natalie et la Princesse Mère du Czar ont organisé des festivités et se sont rendues à Petersbourg pour voir le Czar.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 49-54
EXTRAIT DE LETTRE de Mr Funk, Envoyé Extraordinaire du Roy de Suede à Constantinople, du 22. Février 1712.
Début :
Nonobstant qu'on ait receu avis de l'évacuation d'Asaph, [...]
Mots clefs :
Constantinople, Empire Turc, Lettre, Tartares
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT DE LETTRE de Mr Funk, Envoyé Extraordinaire du Roy de Suede à Constantinople, du 22. Février 1712.
EXTRAIT DE LETTRE
de MrFunk, EnvoyéExtraordinaire du Roy de Suede à
Constantinople, du zi.
Février1712.
NOnobstant qu'on ait
receu avis de l'évacuation
d'Asaph
,
j'espere que le
Czar ne fera pas quitte des
Turcs par là ,mais que le
Grand Seigneur continuera aussi d'insister sur les
articles concernant la Pologne & l'Ukraine,suivant
le sens qu'illeur donne, &
qu'il aura foin des interests
du Roy. Ce qu'ilyadu
moins de certain,c'est que
le Roy retournera dans ses
Estats, ou en Pologne avec
une escorte Turque considerable. Le Sultan a
fait
dire aux Ministres d'Angleterre & de Hollande, sur
ce qu'ils luy ont fait connoistre qu'il n'estoit pas necessaire
,
s'il vouloir, qu'il
allast en campagne, qu'il
iroit du moins à Ifaxeze
,
près du Danube, lieu du
rendez-vous general de
l'armée
,
pour voir le Roy
son amy & son hoste avant
son départ. Le grand Visir m'a dit que vers la fin
du mois de Mars, les troupes marcheront de Constantinople vers le rendezvous, & que le départ du
Roy pourroit se faire dés
qu'il y
auroit de l'herbe en
campagne. Le Grand Seigneur, pour de son perron..
nel
,
a
de l'estime & de
l'amitié pour le Roy, il en
donnera des marques réelles à sa Majesté
,
nonobstant que les Ministres des
Anglois & Hollandois, &
une partie de ses propres
Ministres taschent de le
détourner des affaires du
Roy. Le Kam des Tartares est tousjours d'un grand
credit auprés de sa Hautesse
,
& luy écrit fort souvent, & le Grand Seigneur
fait plus de réflexion sur
ses conseils que sur ceux du
ministere
,
il prestera de
l'argent au Roy pour le
mettre en estat de pouvoir
partir, outre qu'il pourvoira l'armée Turque qui
escortera sa Majesté
,
de
l'argent necessaire pour payer sa subsistance en Po-
logne
,
afin de ne pas incommoder les habitanrs.
On ne doit point au reste
se laisser intimider par les
rapports des Ministres EC.
trangers à Constantinople,
au desavantage du Roy, ils
ne sont pas informez à
fonds de ce qui se passe entre sa Majesté &le Sultan,
& ce qu'une partie des Ministres de l'Em pereur Ottoman disentde temps en
1
temps a
ceux-là
,
qui leur
font croire que le Roy ne reiïfïira pas, ne merite pas l'attention qu'ilsyfont.
Depuis quelque temps le
Grand Seigneur est reservé enversson ministere, &
comme personnellement
il est bien intentionné pour
le Roy,l'effet de ses intentions ira plus loin qu'il ne
s'en est expliqué jusqu'icy.
Il y a
cependant un grand
fracas icy
,
& dans tout
l'Empire Turc au sujet des
conjonctures presentes,
mais il aboutira enfinàl'avantage de sa Majesté
de MrFunk, EnvoyéExtraordinaire du Roy de Suede à
Constantinople, du zi.
Février1712.
NOnobstant qu'on ait
receu avis de l'évacuation
d'Asaph
,
j'espere que le
Czar ne fera pas quitte des
Turcs par là ,mais que le
Grand Seigneur continuera aussi d'insister sur les
articles concernant la Pologne & l'Ukraine,suivant
le sens qu'illeur donne, &
qu'il aura foin des interests
du Roy. Ce qu'ilyadu
moins de certain,c'est que
le Roy retournera dans ses
Estats, ou en Pologne avec
une escorte Turque considerable. Le Sultan a
fait
dire aux Ministres d'Angleterre & de Hollande, sur
ce qu'ils luy ont fait connoistre qu'il n'estoit pas necessaire
,
s'il vouloir, qu'il
allast en campagne, qu'il
iroit du moins à Ifaxeze
,
près du Danube, lieu du
rendez-vous general de
l'armée
,
pour voir le Roy
son amy & son hoste avant
son départ. Le grand Visir m'a dit que vers la fin
du mois de Mars, les troupes marcheront de Constantinople vers le rendezvous, & que le départ du
Roy pourroit se faire dés
qu'il y
auroit de l'herbe en
campagne. Le Grand Seigneur, pour de son perron..
nel
,
a
de l'estime & de
l'amitié pour le Roy, il en
donnera des marques réelles à sa Majesté
,
nonobstant que les Ministres des
Anglois & Hollandois, &
une partie de ses propres
Ministres taschent de le
détourner des affaires du
Roy. Le Kam des Tartares est tousjours d'un grand
credit auprés de sa Hautesse
,
& luy écrit fort souvent, & le Grand Seigneur
fait plus de réflexion sur
ses conseils que sur ceux du
ministere
,
il prestera de
l'argent au Roy pour le
mettre en estat de pouvoir
partir, outre qu'il pourvoira l'armée Turque qui
escortera sa Majesté
,
de
l'argent necessaire pour payer sa subsistance en Po-
logne
,
afin de ne pas incommoder les habitanrs.
On ne doit point au reste
se laisser intimider par les
rapports des Ministres EC.
trangers à Constantinople,
au desavantage du Roy, ils
ne sont pas informez à
fonds de ce qui se passe entre sa Majesté &le Sultan,
& ce qu'une partie des Ministres de l'Em pereur Ottoman disentde temps en
1
temps a
ceux-là
,
qui leur
font croire que le Roy ne reiïfïira pas, ne merite pas l'attention qu'ilsyfont.
Depuis quelque temps le
Grand Seigneur est reservé enversson ministere, &
comme personnellement
il est bien intentionné pour
le Roy,l'effet de ses intentions ira plus loin qu'il ne
s'en est expliqué jusqu'icy.
Il y a
cependant un grand
fracas icy
,
& dans tout
l'Empire Turc au sujet des
conjonctures presentes,
mais il aboutira enfinàl'avantage de sa Majesté
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Résumé : EXTRAIT DE LETTRE de Mr Funk, Envoyé Extraordinaire du Roy de Suede à Constantinople, du 22. Février 1712.
En février 1712, Mr. Funk, représentant du roi de Suède à Constantinople, espère que le tsar ne se retirera pas après l'évacuation d'Asaph et que le sultan continuera de soutenir les intérêts suédois en Pologne et en Ukraine. Le sultan prévoit de rencontrer le roi de Suède près du Danube avant son départ, avec une escorte turque significative. Le grand vizir annonce que les troupes se déplaceront fin mars et que le départ du roi se fera dès que l'herbe repoussera. Le sultan montre de l'estime et de l'amitié envers le roi, malgré les efforts des ministres anglais, hollandais et certains ministres turcs pour l'influencer. Le khan des Tartares, influent auprès du sultan, est plus écouté que le ministère. Le sultan financera le départ du roi et l'armée turque pour éviter de troubler les habitants de Pologne. Les rapports défavorables des ministres étrangers ne reflètent pas les bonnes relations entre le roi et le sultan. Actuellement, l'Empire turc est agité, mais cela pourrait tourner à l'avantage du roi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 218-253
« Je ne croy pas qu'on ait vû beaucoup de [...] »
Début :
Je ne croy pas qu'on ait vû beaucoup de [...]
Mots clefs :
Constantinople, Lettre, Homme, Voyage, Animal, Empire, Guerre, Paris, Ambassadeur, Perse, Seigneur, Coeur, Nouvelles, Madrid, Empire ottoman, Géorgie, Frontières, Bijoux, Loup
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Je ne croy pas qu'on ait vû beaucoup de [...] »
Vll beaucoup de Let-
tres comme ce lle-ci
,
qu'un de mes amis m'é-
crit de Constantinople,
dattée du 20. Avril.
J'étois fort en peine de
vous, mon cher L F.lors-
que vôtre lettre est heureu-
sement venuë me tir r .fin
quictude. Vôtrestile libre
& enjoüé, & vos nouvelles
badines n'ont pas mal con-
tribuéà me persuader que
vous vous portez bien: mais
la lâcheté de vos reflexions,
& l'indolence de vôtre philofophie
m'ont mis dans
une telle colere contre
vous, que je n'ai pas le courage
de vous feliciter fur
ſanté dont vous joüiffez ,
puiſque vous avez reſolu de
l'employer plus mal que je
n'aurois jamais oſe me l'imaginer.
Vous voulez maintenant
que tous les amis que vous
avez laiſſez dans les differentes
regions du monde ,
foient fûrs de vous trouver
à Paris juſqu'à la fin de vos
jours. JJaaddiiss on avoit le plai-
T
GALANT.
219
fir de s'entretenir quelquefois
avec vous du Nort au
Sud , & de l'Eſt à l'Oüeft ;
je comptois mêmeque vous
n'abandonneriez pas nôtre
nouvel Ambaſſadeur, aprés
le portrait que vous m'avez
fait , & de fon merite,
& des obligatious que vous
lui avez . Neanmoins il partira
ſans vous , pendant que
vous vivrez à Paris comme
un Parifien , & qu'éternel.
lement ſujet à un coup de
cloche , la Samaritaine reglera
tous les momens de
vôtre vie . Voila en verité
Tij
220 MERCURE
une plaiſante profeffion
pour un homme de vôtre
humeur.
L'audacieux Simon de
Bellegarde , qui recom
mence à preſent pour la
troiſième fois le voyage de
la Byſſinie, arriva ici avanthier.
Je dînai & je ſoupai
hier avec lui. Il me dit qu'il
vous avoit vû à Madrid ,
dans le deſſein de le ſuivre
de prés. Il ajoûta même qu'il
avoit quelque legere intention
de vous attendre à fa
maiſon de Scutari , où il va
paſſer quelquetemps,avant
GALANT. 221
d'entreprendre ( avec fon
grand Negre qu'il a retrouvé
) de courir à la dé
couverte du Temple de Jupiter
Hammon , & de retourner
en Ethiopie. Je lui
dis , aprés pluſieurs bagatelles
que nous debitâmes
fur votre compte , que s'il
n'attendoit que vous pour
aller rendre viſite au Prête-
Jean , il n'avoit que faire de
ſe charger de bouſſole , ni
d'eau , pour traverſer plus
commodément les fables
de l'Egypte. En même
temps je lui montrai vôtre
Tiij
222 MERCURE
Lettre. Je ne veux pas vous
faire rougir de toutes les
injures dont il vous accabla.
Il vous traita d'homme
fans coeur & fans foy ;
enfin il acheva ſa declamation
par cette belle fentence
: Morbleu , dit il , il n'a
pas tant de tort ; il a fait trop
de chemin inutile depuis qu'il
est au monde, pour ne pas se
refoudre en confcience à être
faineant jusqu'àla mort ;
je ferai bien furpris fi à la fin
cette reſolution n'est pasſuivie
de quelques voeux melancoliques.
Mais vous ne faites
GALANT.
223
point d'attention , lui disje,
à ce qu'il me mande ,
&vous ne voyez pas qu'il
aime mieux travailler à Paris
à faire imprimer ſes
- voyages , & peut - être les
nôtres. Oh ma foy , repritil
, il fait bien , & cet employ
me paroît fort d'accord
avec fes faillies. Ecrivez-lui
au plûtôt , que je mette un mot
dans votre Lettre , & promettons-
lui bien des merveilles.
**Ainſi nous nous ſeparames
tous deux , affez mortifiez
d'être fûrs de ne vous
revoirde long temps : mais
Tiiij
224 MERCURE
ſi vous m'aimez toûjours ,
mon cher L. F. faites du
moins que vos Lettres me
confolent de vôtre abſence.
De mon côté j'eſpere
ne vous pas mal dedommager
de vôtre exactitude.
Le depit que j'ai eu en
liſant votre Lettre , de vous
voir capable de la foibleſſe
de vous forger enfin l'idée
du repos dont vous vous
flatez , avant de ſentir que
le public vous fatiguera
peut- être plus que tous les
monts & tous les vaux de
l'univers , devroit , ſi j'étois
GALANT 225
&
d'humeur vindicative ,
m'empêcher d'étendre plus
loin ma réponſe: mais mon
interêt l'emporte ſur mon
depit , & j'apprehendrois
trop de voir bientôt finir
de vôtre côté nôtre commerce
epiftolaire , ſi je ne
vous écrivois que des nouvelles
inutiles pour vous ,
ou indifferentes à ceux à
qui vous pouvez les com.
muniquer.Ainſi je vais vous
entretenir de la Georgie ,
de la Perſe , de Bizance , &
de moy.
Il y a quelque tempsqu'il
226 MERCURE
vint ici un des principaux
Timars de la Georgie, avec
qui je me liai d'amitié , de
façon à ne m'en pouvoir
jamais dédire , tant il me
donna d'eſtime pour lui.
Avant de vous apprendre
ce qu'il m'a conté de fon
hiſtoire , j'ai deux mots a
vous dire de la qualité de
fon employ.
Un Timar dans cet Empire
eft ordinairement un
homme de guerre , à qui
l'on donne la joüiffance &
le revenu d'une certaine
quantité de terres ( qu'on
GALANT.
227
i
appelle timariot. ) Les uns
valent plus , les autres
moins. Il y en a qui rapportent
quatre cens, cinq cens ,
mille , &juſqu'à deux mille
écus de rente. Il y en a
beaucoup au deſſous. Ceux
à qui on donne ces places ,
font obligez , dans tous les
beſoins de l'Etat , de ſe ranger
, au premier bruit de
guerre , ſous l'étendart de
la Religion , & de mener
avec eux à leurs dépens , au
moins un ou deux cavaliers
ou fantaſſins de leur
timariot. Ces Timars font
228 MERCURE
de vrais tyrans dans l'éten
duë de leur domaine. Celui-
ci en a un des plus con
fiderables , & il m'a juré
que , ſans inquieter jamais
ſes vaffaux , le ſien lui val
loit tous les ans plus de cinq
cens ſequins de rente ; aufli
eft il fort riche Il s'appelle
Oſmin Kara. C'eſt un vieux
Muſſulmane, recomman
bleppar ſa bonne mine autant
qu'il l'eſt depuis longtemps
par ſa valeur. Il eſt
fils d'un de ces enfans de
tribut qu'on appelle Azamoglans.
Il ſervoit dans les
GALANT.
229
Janiſſaires lorſqueMahomet
quatre fut dépoſſedé par
quar
fon frere Soliman III. Il
ſe trouva malheureuſement
engagé étroitement dans
le parti de ces deux fameux
ſeditieux Fetfagi & Haggi
Ali , dont la revolte penſa
caufer la ruine entiere de
l'Empire Othoman. Ce fut
lui , qui aprés avoir été des
plusanimez &des plus heureux
au pillage de la maiſon
&des richeſſes du grand
Treſorier ,entra le premier
le fabre & la flame à la
main dans la maiſon du
230 MERCURE
grand Viſir Siaous , qui ,
aprés avoir mal à propos
remis le ſceau de l'Empire
dans les mains du Muphti ,
au milieu de cet affreux de
fordre fut tué d'un coupde
piſtolet , que Haggi Ali lui
tira dans la tête. Il fut un
de ceux qui ſçut le mieux
&le plus fecretement profiter
des joyaux qui furent
arrachez aux femmes &
aux enfans de ce malheu
reux Vifir , qu'on traîna
comme lui dans les ruës de
Conſtantinople , aprés les
avoir égorgez. Enfin ce fut
GALANT...
231
lui qui ſauva la plus jeune
fille de Siaous avec une ef
clave , qu'il vendit publiquement
quatre ſequins à
un Marchand Arabe , qui
lui promit en ſecret de les
lui rendre pour le même
prix , lors qu'il voudroit les
racheter ; ce qu'il fit lorfque
le tumulte fut appaifé.
On s'étonne rarement ici)
des actes de bonne foy, l'uſage
eſt de n'y pas manquer
Oſmin Kara confia avec
ſon argent & ſes bijoux ,
cette petite fille,feul refte
zoulo
232 MERCURE
de la famille des deux
grands Viſirs Cuprogli , qui
avoient fi heureuſement
travaillé pour l'agrandiffement
& pour la gloire de
l'Empire Othoman , à un
vieux Marchand Armenien
ſon ami, établi dans le faux.
bourg de Galata. Ce bon
homme garda ce dépôt
chez lui pendant dix ans ,
qu'Ofmin , qui eut ordre
d'aller fervir dans les Ja
niſſaires de Babylone , paffa
fur les frontieres de la Perſe
, qui menaçoit alors le
grand Seigneur de lui do
clarer
GALANT. 233
clarer la guerre. Afon re
tour à Conſtantinople , on
lui donna un timariot de
deux cens ſequins de rente.
Désqu'ilſe vit en poffeffion
d'un azile , il alla chez ſon
ami , qui lui rendit , avec
ſes bijoux , la fille de Siaous
grande , bien faite &belle.
Elle avoit juſqu'alors ignoré
ſa naiſſance ; il la lui ap
prit , & en même temps il
lui demanda ſi elle vouloit
l'épouſer. Elle y confentit.
La ceremonie de ce ma
riage ſe fit à la Turque. Il
remercia ſon ami , il prit
May 1714. V
234 MERCURE
congé de lui , & il ſe retira
avec ſon épouſe dans ſon
timariot , où il a toûjours
vêcu avec elle comme s'il
lui eût été défendu d'avoir
plus d'une femme.
Il ya cinq ans que le
dernier Vifir depolé , qui
l'avoit toûjours conſideré ,
changea ſon timariot pour
celui qu'il poſſede. Nya
trois mois qu'il étoit ici , &
c'eſt de lui que j'ai appris
le petit trait d'hiſtoire que
vous allez lire .
J'étois , me dit - il un
jour , dans les Janiſſaires du
GALANT. 235
Sultan Solyman , qui ( pour
nous punir des troubles
que nôtre union avec les
Spahis avoit caufez dans
Conſtantinople ) nous envoya
fur les frontieres de
la Perſe , lors qu'un ſujet
du Sophi me tomba entre
les mains. Toutes les raifons
& toutes les regles de
la guerre le rendoient mon
prifonnier : mais je trouvai
tant de probité dans cet
homme , que , loin de fon,
ger àa m'en faire un eſclave,
je tâchai ſeulementde m'en
faire un ami , & j'y reüffis.
V ij
236 MERCURE
Un jour me promenant
avec lui parmi un ggrraand
nombre de tombeaux ,
(dont on voit encore des
ruïnes magnifiques à un
ne:) Vous m'aimez , me
quart de lieuë de Babylodit-
il , fans me connoître ;
cela ne me fuffit pas , je
veux vous apprendre qui je
fuis, pour voir comme vous
me traiterez lorſque vous
me connoîtrez. Je m'appelle
Achmet Ereb. La vertu
qui fait ma nobleſſe a fait
les honneurs & les infortunes
de ma vie. Le Sophi
GALANT. 237
mon Seigneur m'a comblé
pendant dix ans des biens
qu'il vient de m'ôter en un
jour. Mes ennemis lui ont
perfuadé que j'avois trouvé
un trefor. Quoique je n'aye
jamais poffedé d'autres richeſſes
que celles qu'il m'a
données , il a neanmoins
crû mes accuſateurs. Enfin
aun de ſes Officiers vint un
ſoir me dire que le Sophi
m'ordonnoit de me rendre
le lendemain , aprés la premiere
priere , au pied de ſa
Tribune , pour répondre au
crime dont on m'accuſoit.
238 MERCURE
Ce Prince aimoit beau.
coup la pêche , & il y avoit
alors plus de deux ans que
je travaillois avec ma femme
à lui faire , de ſes propres
largeſles ,un preſent
qui pût lui plaire. C'eſt un
filet qui a ſoixante pieds de
longueur , fur trois de hauteur,
dont tout le rezeau eft
d'or fin , fans aucun mélange
de foye ; au lieu de
plomb , j'ai mis de diſtance
en diſtance des boules d'or
& d'argent , & pour foû .
tenir le poids du filet , le
cordon qui reſte ſur l'eau
GALANT. 239
eſt garni de pieces de cedre
& de liege attachées
au filet avec des anneaux
d'or. Voila , lui dis je, en le
lui preſentant le lendemain
matin , le treſor que je pof.
fede. Je dois à la generofité
de Ta Hauteſſe tout l'or
dont il eſt enrichi , & lorf
quej'ai entrepris de le faije
ne l'ai jamais deftiné
qu'au plaifir de Ta Hauteſſe.
Dieu est tout puiſſant
&tout mifericordieux , &
le faint Prophete m'entend.
Je lui donnai avec cela un
zirtlan que j'aimois, & qui
re
240 MERCURE
me parloit commeunhomme.
Pour recompenſe de
ma bonne foy , on a bien
reçû mon preſent. Je me
ſuis appauvri à le faire , &
le Sophi m'a chaffé. Voila
cequ'Oſmin me conta.
Que penſez-vous , mon
cher L. F. de la politique
de cet homme ? Auriezvous
en ſa place donné vô
tre filet ? l'auriez-vous gardé
? auriez vous , aux yeux
de vôtre Juge montré vô.
tre richefle , ou foûtenu võ.
tre pauvreté ? N'y avoit - il
que de la vertu à faire l'un
ou
GALANT.
241
2
ou l'autre ? Enfin comment
vous feriez-vous défendu? ...
Mais à propos du zirtlan
que je viens de vous nommer,
je veux vous apprendre
ce que c'eſt , ſi vous ne
le ſçavez pas ; à la bonne
heure ſi vous le ſçavez , je
n'ai rien de mieux à faire.
C'eſt un animal que les
Tarcs appellent zirtlan , &
les autres nations byena.
Cet animal eſt de la taille
d'un loup ordinaire. Il entend
parfaitement la voix
humaine , & il comprend à
merveille le ſens de toutes
May 1714.
X
242 MERCURE
१०
2
les paroles qu'il entend.
Ofmin, qui en a depuis longtemps
apprivoiſez , m'a affuré
qu'ils lui avoient quelquefois
répondu des mots
bien articulez , & fort relatifs
à ceux qu'il leur avoit
dits. La maniere dont on
le prend eſt admirable.
Ceux qui font affez hardis
pour lui donner la chaffe
approchent de ſa caverne ,
qu'un monceau d'oſſemens
&de carcaffes des animaux
qu'il a dévorez rend toûjours
fort reconnoiſſable.
Le plus audacieux de ces
GALANT. 243
chaſſeurs entre dans la caverne
, tenant à ſa main le
bout d'une corde, dont ſes
camarades 'tiennent l'autre
àla porte. Sitôt qu'il met
le pieddans l'antre , il cric
de toute ſa force , joctur ,
* joctur , ucala. Cela veutdire ,
il n'y eſt pas , il n'y eſt pas ;
2 & en criant toûjours , il n'y
Deſt pas , il arrive juſqu'auprés
de ce terrible animal ,
qui ſe ſerre contre la terre ,
perfuadé que les hommes
qui le cherchent ne mencent
point , & qu'ils font
apparemment ſûrs de ne le
C
7
Xij
244 MERCURE
pas trouver , puis qu'ils dilent
toûjours qu'il n'y eft
pas. Alors le chaſſeur , fans
diſcontinuer de crier , il n'y
eſt pas , lui paſſe ſa corde
entre les cuiffes , l'attache
demaniere à ne le pas manquer.
Il laiſſe enſuite traf
ner la corde à terre ; puis à
meſure qu'il ſe retire à reculon
, il crie , juſqu'à ce
qu'il ſoit dehors , il n'y eſt
pas : mais dés qu'il a regagné
la porte de cet affreux
gîte , il crie de toute fa force
avec ſes camarades , il y
eſt , il y eft, il y eſt. L'aniGALANT.
245
mal qui ſe voit ainſi découvert
, s'élance auffitôt
avec fureur pour devorer
ſes ennemis : mais il eſt ſi
bien pris , qu'en fortant de
ſa caverne ou on le tuë , ou
il s'enferme dans une grande
machine faite, exprés
pour le prendre en vie .
Si je n'avois pas vû cet
animal ; ſi je n'étois pas für
qu'il entend & comprend
les fons de la voixde l'homme
, & fi je ne croyois pas
de bonne foy ce qu'Ofmin
m'en a raconté , je ne pourrois
pas encore me perfua-
Xiij
246 MERCURE
der que ce que le ſage &
ſçavant Augerius Giſlenius
Buſbequius en a écrit ne
fût un vrai conte à dormir
debout. Je vous envoye exprés
ceque nous en a dit ce
Miniſtre qui , comme vous
ſçavez , fut ici long-temps
Ambaſſadeur de l'Empereur
Maximilien auprés du
Grand Sultan Solyman premier.
Voici les termes de
l'original.
Extractum Epift. 1. Aug.
G. B... p. 74. de hyænis.
Jam ride quantùm lubet ,
GALANT. 247
ram.
fi unquam riſiſti ; fabulam audies
quam ex ore populi refe-
Aiunt hyenam , ( quam
ipfi zirtlan vocant)fermonem
intelligere humanum , ( veteres
imitari dixerunt ) proptereaque
à venatoribus hunc in
modum capi. Accedunt ad ejus
cavernam,quam ex offiumcumulo
deprehendi facile eft . Subit
unus cum fune , cujus partem
extremam fociis tenendam foris
relinquit ; ipſe identidem
pronuntians , joctur , joctur ,
ucala ; illam fe non reperire
illam non adeffe introrepit. At
hyena quese latere, nefcirique
X iiij
248 MERCURE
ex ejus fermone putat , manet
immota , donec fibi crus fune
vinciatur ; fubinde venatore
illam non adeffe clamitante.
Deinde cum iifdem verbis retrocedit
: fed ubi jam ex fpelunca
evafit , de repente cla
more magno hyænam intus effe
pronuntiat ; quo illa intellecto,
vehementi impetu ut fugam
capiat nequicquam profilit , venatoribus
per funem quo crus
ei implicatum diximus retinentibus.
Sic eam vel occidi , vel
adhibita industria narrant vivam
capi. Nam animalſevum
eft , & quod se impigrè deffendat.
GALANT. 249
Ainſi vous pouvez , mon
ami , juger de ce que j'en
ai vû , par ce qu'en ditBufbek.
A l'égarddes contemporains
, ſon témoignage
fait fort peu pour mon difcours
, puiſque l'avantage
quej'ai d'être , me doit rendre
au moins auffi croyable
que lui , qui n'eſt plus ;
d'ailleurs ce n'eſt pas àvous
que je voudrois en impofer.
Au reſte , je vous avouë
qu'il n'y a rien de curieux
dans les Lettres que Buſbek
a écrite de ce pays.ci , dont
250 MERCURE
je n'aye eu une envie extrême
de m'éclaircir par moymême
; & tout ce qu'il a
dit des elephans , des cigales&
des fourmis , eſt admirable
& vrai: mais je vous
en entretiendrai une autre
fois , & l'emplette que j'ai
faite il y a quelque temps
de deux filles d'un pays
dont il fait un plaifant détail,
me fournira , avec l'hiftoire
des animaux dont il
parle, la matiere de ma pre
miere lettre . Celle- ci est
longue, mon ami: mais ily
ahuit cens lieuës entre nous
GALANT. 251
deux , la terre eſt peu fûre
pour nos correſpondances ,
les navires , les fregates, les
galeres , les caïques , les
tartanes , & les barques ne
partent pas tous les jours :
ainſi major è longinquo reverentia.
Par conſequent mes
lettres , quelque longues
qu'elles foient , ne doivent
jamais vous ennuyer.
Le deſtin du Roy de Suede
paroît meilleur qu'il n'a
été depuis long- temps.
M. Setun, Ambaſſadeur
d'Angleterre ici , m'a dit
qu'ilſouhaitoit debon coeur
1
2524
MERCURE
entretenir avec vous unc
relation égale. Ce Miniftre
m'a paru fort ſenſible à la
nouvelle de la mort du fils
du Milord Lexington , fon
neveu & vôtre ami
que
vous avez vù mourir a Madrid.
Les termes dont vous
ةي
vous ſervez en parlant de
ce jeune Seigneur lui ont
fait concevoir tant d'eſtime
pour vous , qu'il ne ceſſe
de me demander fi je ſuis
bien fûr que vous m'enver
rez exactement des nouvelles
de France. Je vous
en prie avec la derniere infGALANT.
253
:
tance , & fuis de tout mon
coeur , mon cher L. F.
Vôtre , &c.
tres comme ce lle-ci
,
qu'un de mes amis m'é-
crit de Constantinople,
dattée du 20. Avril.
J'étois fort en peine de
vous, mon cher L F.lors-
que vôtre lettre est heureu-
sement venuë me tir r .fin
quictude. Vôtrestile libre
& enjoüé, & vos nouvelles
badines n'ont pas mal con-
tribuéà me persuader que
vous vous portez bien: mais
la lâcheté de vos reflexions,
& l'indolence de vôtre philofophie
m'ont mis dans
une telle colere contre
vous, que je n'ai pas le courage
de vous feliciter fur
ſanté dont vous joüiffez ,
puiſque vous avez reſolu de
l'employer plus mal que je
n'aurois jamais oſe me l'imaginer.
Vous voulez maintenant
que tous les amis que vous
avez laiſſez dans les differentes
regions du monde ,
foient fûrs de vous trouver
à Paris juſqu'à la fin de vos
jours. JJaaddiiss on avoit le plai-
T
GALANT.
219
fir de s'entretenir quelquefois
avec vous du Nort au
Sud , & de l'Eſt à l'Oüeft ;
je comptois mêmeque vous
n'abandonneriez pas nôtre
nouvel Ambaſſadeur, aprés
le portrait que vous m'avez
fait , & de fon merite,
& des obligatious que vous
lui avez . Neanmoins il partira
ſans vous , pendant que
vous vivrez à Paris comme
un Parifien , & qu'éternel.
lement ſujet à un coup de
cloche , la Samaritaine reglera
tous les momens de
vôtre vie . Voila en verité
Tij
220 MERCURE
une plaiſante profeffion
pour un homme de vôtre
humeur.
L'audacieux Simon de
Bellegarde , qui recom
mence à preſent pour la
troiſième fois le voyage de
la Byſſinie, arriva ici avanthier.
Je dînai & je ſoupai
hier avec lui. Il me dit qu'il
vous avoit vû à Madrid ,
dans le deſſein de le ſuivre
de prés. Il ajoûta même qu'il
avoit quelque legere intention
de vous attendre à fa
maiſon de Scutari , où il va
paſſer quelquetemps,avant
GALANT. 221
d'entreprendre ( avec fon
grand Negre qu'il a retrouvé
) de courir à la dé
couverte du Temple de Jupiter
Hammon , & de retourner
en Ethiopie. Je lui
dis , aprés pluſieurs bagatelles
que nous debitâmes
fur votre compte , que s'il
n'attendoit que vous pour
aller rendre viſite au Prête-
Jean , il n'avoit que faire de
ſe charger de bouſſole , ni
d'eau , pour traverſer plus
commodément les fables
de l'Egypte. En même
temps je lui montrai vôtre
Tiij
222 MERCURE
Lettre. Je ne veux pas vous
faire rougir de toutes les
injures dont il vous accabla.
Il vous traita d'homme
fans coeur & fans foy ;
enfin il acheva ſa declamation
par cette belle fentence
: Morbleu , dit il , il n'a
pas tant de tort ; il a fait trop
de chemin inutile depuis qu'il
est au monde, pour ne pas se
refoudre en confcience à être
faineant jusqu'àla mort ;
je ferai bien furpris fi à la fin
cette reſolution n'est pasſuivie
de quelques voeux melancoliques.
Mais vous ne faites
GALANT.
223
point d'attention , lui disje,
à ce qu'il me mande ,
&vous ne voyez pas qu'il
aime mieux travailler à Paris
à faire imprimer ſes
- voyages , & peut - être les
nôtres. Oh ma foy , repritil
, il fait bien , & cet employ
me paroît fort d'accord
avec fes faillies. Ecrivez-lui
au plûtôt , que je mette un mot
dans votre Lettre , & promettons-
lui bien des merveilles.
**Ainſi nous nous ſeparames
tous deux , affez mortifiez
d'être fûrs de ne vous
revoirde long temps : mais
Tiiij
224 MERCURE
ſi vous m'aimez toûjours ,
mon cher L. F. faites du
moins que vos Lettres me
confolent de vôtre abſence.
De mon côté j'eſpere
ne vous pas mal dedommager
de vôtre exactitude.
Le depit que j'ai eu en
liſant votre Lettre , de vous
voir capable de la foibleſſe
de vous forger enfin l'idée
du repos dont vous vous
flatez , avant de ſentir que
le public vous fatiguera
peut- être plus que tous les
monts & tous les vaux de
l'univers , devroit , ſi j'étois
GALANT 225
&
d'humeur vindicative ,
m'empêcher d'étendre plus
loin ma réponſe: mais mon
interêt l'emporte ſur mon
depit , & j'apprehendrois
trop de voir bientôt finir
de vôtre côté nôtre commerce
epiftolaire , ſi je ne
vous écrivois que des nouvelles
inutiles pour vous ,
ou indifferentes à ceux à
qui vous pouvez les com.
muniquer.Ainſi je vais vous
entretenir de la Georgie ,
de la Perſe , de Bizance , &
de moy.
Il y a quelque tempsqu'il
226 MERCURE
vint ici un des principaux
Timars de la Georgie, avec
qui je me liai d'amitié , de
façon à ne m'en pouvoir
jamais dédire , tant il me
donna d'eſtime pour lui.
Avant de vous apprendre
ce qu'il m'a conté de fon
hiſtoire , j'ai deux mots a
vous dire de la qualité de
fon employ.
Un Timar dans cet Empire
eft ordinairement un
homme de guerre , à qui
l'on donne la joüiffance &
le revenu d'une certaine
quantité de terres ( qu'on
GALANT.
227
i
appelle timariot. ) Les uns
valent plus , les autres
moins. Il y en a qui rapportent
quatre cens, cinq cens ,
mille , &juſqu'à deux mille
écus de rente. Il y en a
beaucoup au deſſous. Ceux
à qui on donne ces places ,
font obligez , dans tous les
beſoins de l'Etat , de ſe ranger
, au premier bruit de
guerre , ſous l'étendart de
la Religion , & de mener
avec eux à leurs dépens , au
moins un ou deux cavaliers
ou fantaſſins de leur
timariot. Ces Timars font
228 MERCURE
de vrais tyrans dans l'éten
duë de leur domaine. Celui-
ci en a un des plus con
fiderables , & il m'a juré
que , ſans inquieter jamais
ſes vaffaux , le ſien lui val
loit tous les ans plus de cinq
cens ſequins de rente ; aufli
eft il fort riche Il s'appelle
Oſmin Kara. C'eſt un vieux
Muſſulmane, recomman
bleppar ſa bonne mine autant
qu'il l'eſt depuis longtemps
par ſa valeur. Il eſt
fils d'un de ces enfans de
tribut qu'on appelle Azamoglans.
Il ſervoit dans les
GALANT.
229
Janiſſaires lorſqueMahomet
quatre fut dépoſſedé par
quar
fon frere Soliman III. Il
ſe trouva malheureuſement
engagé étroitement dans
le parti de ces deux fameux
ſeditieux Fetfagi & Haggi
Ali , dont la revolte penſa
caufer la ruine entiere de
l'Empire Othoman. Ce fut
lui , qui aprés avoir été des
plusanimez &des plus heureux
au pillage de la maiſon
&des richeſſes du grand
Treſorier ,entra le premier
le fabre & la flame à la
main dans la maiſon du
230 MERCURE
grand Viſir Siaous , qui ,
aprés avoir mal à propos
remis le ſceau de l'Empire
dans les mains du Muphti ,
au milieu de cet affreux de
fordre fut tué d'un coupde
piſtolet , que Haggi Ali lui
tira dans la tête. Il fut un
de ceux qui ſçut le mieux
&le plus fecretement profiter
des joyaux qui furent
arrachez aux femmes &
aux enfans de ce malheu
reux Vifir , qu'on traîna
comme lui dans les ruës de
Conſtantinople , aprés les
avoir égorgez. Enfin ce fut
GALANT...
231
lui qui ſauva la plus jeune
fille de Siaous avec une ef
clave , qu'il vendit publiquement
quatre ſequins à
un Marchand Arabe , qui
lui promit en ſecret de les
lui rendre pour le même
prix , lors qu'il voudroit les
racheter ; ce qu'il fit lorfque
le tumulte fut appaifé.
On s'étonne rarement ici)
des actes de bonne foy, l'uſage
eſt de n'y pas manquer
Oſmin Kara confia avec
ſon argent & ſes bijoux ,
cette petite fille,feul refte
zoulo
232 MERCURE
de la famille des deux
grands Viſirs Cuprogli , qui
avoient fi heureuſement
travaillé pour l'agrandiffement
& pour la gloire de
l'Empire Othoman , à un
vieux Marchand Armenien
ſon ami, établi dans le faux.
bourg de Galata. Ce bon
homme garda ce dépôt
chez lui pendant dix ans ,
qu'Ofmin , qui eut ordre
d'aller fervir dans les Ja
niſſaires de Babylone , paffa
fur les frontieres de la Perſe
, qui menaçoit alors le
grand Seigneur de lui do
clarer
GALANT. 233
clarer la guerre. Afon re
tour à Conſtantinople , on
lui donna un timariot de
deux cens ſequins de rente.
Désqu'ilſe vit en poffeffion
d'un azile , il alla chez ſon
ami , qui lui rendit , avec
ſes bijoux , la fille de Siaous
grande , bien faite &belle.
Elle avoit juſqu'alors ignoré
ſa naiſſance ; il la lui ap
prit , & en même temps il
lui demanda ſi elle vouloit
l'épouſer. Elle y confentit.
La ceremonie de ce ma
riage ſe fit à la Turque. Il
remercia ſon ami , il prit
May 1714. V
234 MERCURE
congé de lui , & il ſe retira
avec ſon épouſe dans ſon
timariot , où il a toûjours
vêcu avec elle comme s'il
lui eût été défendu d'avoir
plus d'une femme.
Il ya cinq ans que le
dernier Vifir depolé , qui
l'avoit toûjours conſideré ,
changea ſon timariot pour
celui qu'il poſſede. Nya
trois mois qu'il étoit ici , &
c'eſt de lui que j'ai appris
le petit trait d'hiſtoire que
vous allez lire .
J'étois , me dit - il un
jour , dans les Janiſſaires du
GALANT. 235
Sultan Solyman , qui ( pour
nous punir des troubles
que nôtre union avec les
Spahis avoit caufez dans
Conſtantinople ) nous envoya
fur les frontieres de
la Perſe , lors qu'un ſujet
du Sophi me tomba entre
les mains. Toutes les raifons
& toutes les regles de
la guerre le rendoient mon
prifonnier : mais je trouvai
tant de probité dans cet
homme , que , loin de fon,
ger àa m'en faire un eſclave,
je tâchai ſeulementde m'en
faire un ami , & j'y reüffis.
V ij
236 MERCURE
Un jour me promenant
avec lui parmi un ggrraand
nombre de tombeaux ,
(dont on voit encore des
ruïnes magnifiques à un
ne:) Vous m'aimez , me
quart de lieuë de Babylodit-
il , fans me connoître ;
cela ne me fuffit pas , je
veux vous apprendre qui je
fuis, pour voir comme vous
me traiterez lorſque vous
me connoîtrez. Je m'appelle
Achmet Ereb. La vertu
qui fait ma nobleſſe a fait
les honneurs & les infortunes
de ma vie. Le Sophi
GALANT. 237
mon Seigneur m'a comblé
pendant dix ans des biens
qu'il vient de m'ôter en un
jour. Mes ennemis lui ont
perfuadé que j'avois trouvé
un trefor. Quoique je n'aye
jamais poffedé d'autres richeſſes
que celles qu'il m'a
données , il a neanmoins
crû mes accuſateurs. Enfin
aun de ſes Officiers vint un
ſoir me dire que le Sophi
m'ordonnoit de me rendre
le lendemain , aprés la premiere
priere , au pied de ſa
Tribune , pour répondre au
crime dont on m'accuſoit.
238 MERCURE
Ce Prince aimoit beau.
coup la pêche , & il y avoit
alors plus de deux ans que
je travaillois avec ma femme
à lui faire , de ſes propres
largeſles ,un preſent
qui pût lui plaire. C'eſt un
filet qui a ſoixante pieds de
longueur , fur trois de hauteur,
dont tout le rezeau eft
d'or fin , fans aucun mélange
de foye ; au lieu de
plomb , j'ai mis de diſtance
en diſtance des boules d'or
& d'argent , & pour foû .
tenir le poids du filet , le
cordon qui reſte ſur l'eau
GALANT. 239
eſt garni de pieces de cedre
& de liege attachées
au filet avec des anneaux
d'or. Voila , lui dis je, en le
lui preſentant le lendemain
matin , le treſor que je pof.
fede. Je dois à la generofité
de Ta Hauteſſe tout l'or
dont il eſt enrichi , & lorf
quej'ai entrepris de le faije
ne l'ai jamais deftiné
qu'au plaifir de Ta Hauteſſe.
Dieu est tout puiſſant
&tout mifericordieux , &
le faint Prophete m'entend.
Je lui donnai avec cela un
zirtlan que j'aimois, & qui
re
240 MERCURE
me parloit commeunhomme.
Pour recompenſe de
ma bonne foy , on a bien
reçû mon preſent. Je me
ſuis appauvri à le faire , &
le Sophi m'a chaffé. Voila
cequ'Oſmin me conta.
Que penſez-vous , mon
cher L. F. de la politique
de cet homme ? Auriezvous
en ſa place donné vô
tre filet ? l'auriez-vous gardé
? auriez vous , aux yeux
de vôtre Juge montré vô.
tre richefle , ou foûtenu võ.
tre pauvreté ? N'y avoit - il
que de la vertu à faire l'un
ou
GALANT.
241
2
ou l'autre ? Enfin comment
vous feriez-vous défendu? ...
Mais à propos du zirtlan
que je viens de vous nommer,
je veux vous apprendre
ce que c'eſt , ſi vous ne
le ſçavez pas ; à la bonne
heure ſi vous le ſçavez , je
n'ai rien de mieux à faire.
C'eſt un animal que les
Tarcs appellent zirtlan , &
les autres nations byena.
Cet animal eſt de la taille
d'un loup ordinaire. Il entend
parfaitement la voix
humaine , & il comprend à
merveille le ſens de toutes
May 1714.
X
242 MERCURE
१०
2
les paroles qu'il entend.
Ofmin, qui en a depuis longtemps
apprivoiſez , m'a affuré
qu'ils lui avoient quelquefois
répondu des mots
bien articulez , & fort relatifs
à ceux qu'il leur avoit
dits. La maniere dont on
le prend eſt admirable.
Ceux qui font affez hardis
pour lui donner la chaffe
approchent de ſa caverne ,
qu'un monceau d'oſſemens
&de carcaffes des animaux
qu'il a dévorez rend toûjours
fort reconnoiſſable.
Le plus audacieux de ces
GALANT. 243
chaſſeurs entre dans la caverne
, tenant à ſa main le
bout d'une corde, dont ſes
camarades 'tiennent l'autre
àla porte. Sitôt qu'il met
le pieddans l'antre , il cric
de toute ſa force , joctur ,
* joctur , ucala. Cela veutdire ,
il n'y eſt pas , il n'y eſt pas ;
2 & en criant toûjours , il n'y
Deſt pas , il arrive juſqu'auprés
de ce terrible animal ,
qui ſe ſerre contre la terre ,
perfuadé que les hommes
qui le cherchent ne mencent
point , & qu'ils font
apparemment ſûrs de ne le
C
7
Xij
244 MERCURE
pas trouver , puis qu'ils dilent
toûjours qu'il n'y eft
pas. Alors le chaſſeur , fans
diſcontinuer de crier , il n'y
eſt pas , lui paſſe ſa corde
entre les cuiffes , l'attache
demaniere à ne le pas manquer.
Il laiſſe enſuite traf
ner la corde à terre ; puis à
meſure qu'il ſe retire à reculon
, il crie , juſqu'à ce
qu'il ſoit dehors , il n'y eſt
pas : mais dés qu'il a regagné
la porte de cet affreux
gîte , il crie de toute fa force
avec ſes camarades , il y
eſt , il y eft, il y eſt. L'aniGALANT.
245
mal qui ſe voit ainſi découvert
, s'élance auffitôt
avec fureur pour devorer
ſes ennemis : mais il eſt ſi
bien pris , qu'en fortant de
ſa caverne ou on le tuë , ou
il s'enferme dans une grande
machine faite, exprés
pour le prendre en vie .
Si je n'avois pas vû cet
animal ; ſi je n'étois pas für
qu'il entend & comprend
les fons de la voixde l'homme
, & fi je ne croyois pas
de bonne foy ce qu'Ofmin
m'en a raconté , je ne pourrois
pas encore me perfua-
Xiij
246 MERCURE
der que ce que le ſage &
ſçavant Augerius Giſlenius
Buſbequius en a écrit ne
fût un vrai conte à dormir
debout. Je vous envoye exprés
ceque nous en a dit ce
Miniſtre qui , comme vous
ſçavez , fut ici long-temps
Ambaſſadeur de l'Empereur
Maximilien auprés du
Grand Sultan Solyman premier.
Voici les termes de
l'original.
Extractum Epift. 1. Aug.
G. B... p. 74. de hyænis.
Jam ride quantùm lubet ,
GALANT. 247
ram.
fi unquam riſiſti ; fabulam audies
quam ex ore populi refe-
Aiunt hyenam , ( quam
ipfi zirtlan vocant)fermonem
intelligere humanum , ( veteres
imitari dixerunt ) proptereaque
à venatoribus hunc in
modum capi. Accedunt ad ejus
cavernam,quam ex offiumcumulo
deprehendi facile eft . Subit
unus cum fune , cujus partem
extremam fociis tenendam foris
relinquit ; ipſe identidem
pronuntians , joctur , joctur ,
ucala ; illam fe non reperire
illam non adeffe introrepit. At
hyena quese latere, nefcirique
X iiij
248 MERCURE
ex ejus fermone putat , manet
immota , donec fibi crus fune
vinciatur ; fubinde venatore
illam non adeffe clamitante.
Deinde cum iifdem verbis retrocedit
: fed ubi jam ex fpelunca
evafit , de repente cla
more magno hyænam intus effe
pronuntiat ; quo illa intellecto,
vehementi impetu ut fugam
capiat nequicquam profilit , venatoribus
per funem quo crus
ei implicatum diximus retinentibus.
Sic eam vel occidi , vel
adhibita industria narrant vivam
capi. Nam animalſevum
eft , & quod se impigrè deffendat.
GALANT. 249
Ainſi vous pouvez , mon
ami , juger de ce que j'en
ai vû , par ce qu'en ditBufbek.
A l'égarddes contemporains
, ſon témoignage
fait fort peu pour mon difcours
, puiſque l'avantage
quej'ai d'être , me doit rendre
au moins auffi croyable
que lui , qui n'eſt plus ;
d'ailleurs ce n'eſt pas àvous
que je voudrois en impofer.
Au reſte , je vous avouë
qu'il n'y a rien de curieux
dans les Lettres que Buſbek
a écrite de ce pays.ci , dont
250 MERCURE
je n'aye eu une envie extrême
de m'éclaircir par moymême
; & tout ce qu'il a
dit des elephans , des cigales&
des fourmis , eſt admirable
& vrai: mais je vous
en entretiendrai une autre
fois , & l'emplette que j'ai
faite il y a quelque temps
de deux filles d'un pays
dont il fait un plaifant détail,
me fournira , avec l'hiftoire
des animaux dont il
parle, la matiere de ma pre
miere lettre . Celle- ci est
longue, mon ami: mais ily
ahuit cens lieuës entre nous
GALANT. 251
deux , la terre eſt peu fûre
pour nos correſpondances ,
les navires , les fregates, les
galeres , les caïques , les
tartanes , & les barques ne
partent pas tous les jours :
ainſi major è longinquo reverentia.
Par conſequent mes
lettres , quelque longues
qu'elles foient , ne doivent
jamais vous ennuyer.
Le deſtin du Roy de Suede
paroît meilleur qu'il n'a
été depuis long- temps.
M. Setun, Ambaſſadeur
d'Angleterre ici , m'a dit
qu'ilſouhaitoit debon coeur
1
2524
MERCURE
entretenir avec vous unc
relation égale. Ce Miniftre
m'a paru fort ſenſible à la
nouvelle de la mort du fils
du Milord Lexington , fon
neveu & vôtre ami
que
vous avez vù mourir a Madrid.
Les termes dont vous
ةي
vous ſervez en parlant de
ce jeune Seigneur lui ont
fait concevoir tant d'eſtime
pour vous , qu'il ne ceſſe
de me demander fi je ſuis
bien fûr que vous m'enver
rez exactement des nouvelles
de France. Je vous
en prie avec la derniere infGALANT.
253
:
tance , & fuis de tout mon
coeur , mon cher L. F.
Vôtre , &c.
Fermer
Résumé : « Je ne croy pas qu'on ait vû beaucoup de [...] »
L'auteur reçoit une lettre de son ami à Constantinople, datée du 20 avril. La lettre rassure l'auteur sur la santé de son ami mais le met en colère par ses réflexions et sa philosophie. L'ami exprime son intention de s'installer à Paris pour le reste de ses jours, ce qui déçoit l'auteur qui comptait sur ses visites et son soutien à l'ambassadeur. Simon de Bellegarde, en route pour la Byssinie, a rencontré l'ami à Madrid et a exprimé son mépris pour sa décision de se reposer. L'auteur discute ensuite de sa rencontre avec un Timar géorgien nommé Osmin Kara, qui lui raconte son histoire et celle d'Achmet Ereb, un sujet du Sophi de Perse. Osmin Kara avait sauvé la fille d'un grand vizir et l'avait épousée. Achmet Ereb, après avoir été accusé à tort de posséder un trésor, a offert au Sophi un filet en or et une hyène apprivoisée pour prouver sa loyauté, mais a été exilé malgré tout. L'auteur pose des questions sur la politique et la vertu d'Achmet Ereb. Le texte décrit également une méthode de capture des hyènes, animaux réputés pour comprendre et imiter les sons humains. Les chasseurs approchent la tanière de la hyène et utilisent des appâts sonores pour la tromper. Un homme, attaché par une corde, entre dans la tanière en répétant 'il y est, il y est' jusqu'à ce qu'il soit dehors. La hyène, croyant que l'homme est toujours à l'intérieur, sort pour l'attaquer et se fait capturer ou tuer. Cette méthode est basée sur les écrits d'Augerius Gislenius et Busbequius, ancien ambassadeur de l'Empereur Maximilien auprès du Sultan Solyman. Le narrateur mentionne également des correspondances entre amis, discutant de sujets variés comme les animaux et les nouvelles politiques, notamment le destin du Roi de Suède et la mort du fils de Lord Lexington.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 124-126
Nouvelles de Constantinople du mois d'Octobre 1723.
Début :
Sur la fin du mois passé une des Sultanes a mis au monde une Princesse, [...]
Mots clefs :
Ministre, Ministres, Sultane, Moscovie, Constantinople, Grand vizir, Grand seigneur
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texteReconnaissance textuelle : Nouvelles de Constantinople du mois d'Octobre 1723.
Nouvelles de Constantinople du mois
d'Otfobfe 172 3.
•
S Ut la fin du mois passé une des Sul-
. canes a mis au monde une Princesse»
dont la naissance a été celebrée à l'ordi
naire par le bruit du. canon du Serrail ,
de l'Arcenal,des Vaisseaux, & des Gai»
leres qui sorit dans ce Port.
M. Gritti , nouveau Bayle, ou Am
bassadeur de Veniíë qui vient relever M.
Emo , est arrivé le 7. de ce mois en ce
Port fur deux Galeres que íà Hautessé
avoit envoyées. au Tenedore , suivant le
ceremonial ordinaire pour recevoir ce
Ministre, & le transporter. en cette Ville;
les deux Vaisseaux de la République, fur
leíquels ce Ministre étoit parti de Veniíe
iront hiverner Jl Corfou , en attendant le
départ de M. Emo. M. Gritti fera in
cessamment son entrée publique en cetta
Ville , il aura. ensuite son audience du
Grand Visir , & du Grand Seigneur. M.
Emo , ancien Bayle , a étéfuivant l'uiâge
recevoir & complimenter son íucceíîèur.
fur ies Galeres du Grand Seigneur , l'a
conduit au * Baylage de Veniíe, à Peraj
•ù il l'a regalé pendant trois jours , &
s'est retiré ensuite dans une maiíon parr.
* C'est le Balais de ces Misislres...
JANVIER. 1714.: irj
tìcutìere qu'il s'étoit fait preparer avant
l'arrivée de ce nouveau Ministre s dans
laquelle il restera juíques à son départ
pour Venise.
Il n'y a eu aucune nouvelle conferent
ce entre les Ministres de la Porte , Se le
Réíident de Moícovie au sujet des affai
res de Perse, depuis celle quiavoit été
tenue le 19. Aoust: on peut juger delà
que ces conferences auront été suspendues
jusqu'à ce que M. NepluyefF, Résident
de Moícovie, ait reçu la réponse aux Let
tres que portoit le Courier qu'il avoic
dépêché en Moícovie après cette confe
rence.
Ile 17. de ce mois il est arrivé en cette
Cour un Ambassadeur de la part de Tamas
Chah , fils du Sophi qui est toujours
à Tauris avec un corps de troupes consi
derable qu'il a raroaíîe. Ce Ministre qui
avoit été retardé près de six mois fur les
frontieres pendant que l'on déliberoit à
la Porte u on- devoit le recevoir , a
vaincu cette premiere difficulté , par leí
moyen des representations du Pacha d~e
Van. Il est venu en poste accompagné
de huit ou dix personnes, & a eu son
audience dû Grand Visir peu dé jours
après son arrivée. On écrit qu'il est déja
entré en conference avec les Ministres
de cette Cour, & que le íùjet de son
Ambaila^
ii6 MERCURE DE FRANCE.
Ambaííàde est pour demander du secours
à la Porte contre Miri-Mamouth.
Les Turcs 'n'ont encore agi que fbiblement
Gu les frontieres, on eh attri
bue la cause aux divisions qu'il y a eu
entre les Comrnandans.' Ibrahim' Pacha
qui étoit Seraskier , a été dépoíe à cette
occasion , 5e cette Charge donnée à Are-
H.Mehemet Pacha qui commande en mê
me temps dans toute la Georgie.
Il est venu depuis peu de jours quel
ques Seigneurs ou principaux des peu-
{íle^ appeliez Abafla pour se mettre sous
a protection de la Torte , Se servir en
même temps d'otage de la fidelité de leurs
Chefs*
. Les pluyes frequentes qu'il fait en ce
pays dans cette saison ont fait revenir à
Fera tous les Ministres des Paiíïances
Étrangeres qui étoient dispersez dans
des maisons de plaiíànce aux environs dè
cette Ville, pour lai sler passer le temps
de la contagion', quoiqu'elle ne soi t pas.
totalement finie.
d'Otfobfe 172 3.
•
S Ut la fin du mois passé une des Sul-
. canes a mis au monde une Princesse»
dont la naissance a été celebrée à l'ordi
naire par le bruit du. canon du Serrail ,
de l'Arcenal,des Vaisseaux, & des Gai»
leres qui sorit dans ce Port.
M. Gritti , nouveau Bayle, ou Am
bassadeur de Veniíë qui vient relever M.
Emo , est arrivé le 7. de ce mois en ce
Port fur deux Galeres que íà Hautessé
avoit envoyées. au Tenedore , suivant le
ceremonial ordinaire pour recevoir ce
Ministre, & le transporter. en cette Ville;
les deux Vaisseaux de la République, fur
leíquels ce Ministre étoit parti de Veniíe
iront hiverner Jl Corfou , en attendant le
départ de M. Emo. M. Gritti fera in
cessamment son entrée publique en cetta
Ville , il aura. ensuite son audience du
Grand Visir , & du Grand Seigneur. M.
Emo , ancien Bayle , a étéfuivant l'uiâge
recevoir & complimenter son íucceíîèur.
fur ies Galeres du Grand Seigneur , l'a
conduit au * Baylage de Veniíe, à Peraj
•ù il l'a regalé pendant trois jours , &
s'est retiré ensuite dans une maiíon parr.
* C'est le Balais de ces Misislres...
JANVIER. 1714.: irj
tìcutìere qu'il s'étoit fait preparer avant
l'arrivée de ce nouveau Ministre s dans
laquelle il restera juíques à son départ
pour Venise.
Il n'y a eu aucune nouvelle conferent
ce entre les Ministres de la Porte , Se le
Réíident de Moícovie au sujet des affai
res de Perse, depuis celle quiavoit été
tenue le 19. Aoust: on peut juger delà
que ces conferences auront été suspendues
jusqu'à ce que M. NepluyefF, Résident
de Moícovie, ait reçu la réponse aux Let
tres que portoit le Courier qu'il avoic
dépêché en Moícovie après cette confe
rence.
Ile 17. de ce mois il est arrivé en cette
Cour un Ambassadeur de la part de Tamas
Chah , fils du Sophi qui est toujours
à Tauris avec un corps de troupes consi
derable qu'il a raroaíîe. Ce Ministre qui
avoit été retardé près de six mois fur les
frontieres pendant que l'on déliberoit à
la Porte u on- devoit le recevoir , a
vaincu cette premiere difficulté , par leí
moyen des representations du Pacha d~e
Van. Il est venu en poste accompagné
de huit ou dix personnes, & a eu son
audience dû Grand Visir peu dé jours
après son arrivée. On écrit qu'il est déja
entré en conference avec les Ministres
de cette Cour, & que le íùjet de son
Ambaila^
ii6 MERCURE DE FRANCE.
Ambaííàde est pour demander du secours
à la Porte contre Miri-Mamouth.
Les Turcs 'n'ont encore agi que fbiblement
Gu les frontieres, on eh attri
bue la cause aux divisions qu'il y a eu
entre les Comrnandans.' Ibrahim' Pacha
qui étoit Seraskier , a été dépoíe à cette
occasion , 5e cette Charge donnée à Are-
H.Mehemet Pacha qui commande en mê
me temps dans toute la Georgie.
Il est venu depuis peu de jours quel
ques Seigneurs ou principaux des peu-
{íle^ appeliez Abafla pour se mettre sous
a protection de la Torte , Se servir en
même temps d'otage de la fidelité de leurs
Chefs*
. Les pluyes frequentes qu'il fait en ce
pays dans cette saison ont fait revenir à
Fera tous les Ministres des Paiíïances
Étrangeres qui étoient dispersez dans
des maisons de plaiíànce aux environs dè
cette Ville, pour lai sler passer le temps
de la contagion', quoiqu'elle ne soi t pas.
totalement finie.
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Résumé : Nouvelles de Constantinople du mois d'Octobre 1723.
En octobre 1723, une sultane a donné naissance à une princesse à Constantinople, célébré par des salves de canon. M. Gritti, nouveau bailli de Venise, est arrivé le 7 octobre à bord de deux galères. Il a été accueilli selon le cérémonial habituel et sera bientôt reçu par le Grand Visir et le Grand Seigneur. M. Emo, ancien bailli, a conduit M. Gritti au baillage de Venise à Peraj et l'a hébergé pendant trois jours avant de se retirer. Depuis août, il n'y a pas eu de nouvelles conférences entre les ministres de la Porte et le résident de Moscovie concernant les affaires de Perse. Le 17 janvier 1724, un ambassadeur de Tamas Chah, fils du Sophi, est arrivé à Constantinople après un retard de six mois. Il a été reçu par le Grand Visir pour demander du secours contre Miri-Mamouth. Les Turcs ont agi faiblement aux frontières en raison de divisions entre les commandants. Ibrahim Pacha a été déposé et remplacé par Ahmet Mehmet Pacha. Quelques seigneurs des peuples Abaza sont venus se mettre sous la protection de la Porte et servir d'otages. Les pluies fréquentes ont ramené les ministres des palais étrangers à Fera.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 697-702
Autres Lettres de Constantinople du 15. & 28 Novembre 1729.
Début :
Le Kam de Tartarie est entré dans la Crimée sans aucune opposition, les [...]
Mots clefs :
Chah, Troupes, Turcs, Perse
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texteReconnaissance textuelle : Autres Lettres de Constantinople du 15. & 28 Novembre 1729.
Autres Lettres de Conftantinople du 15. &
28 Novembre 1729 .
E Kam de Tartarie eft entré dans la
Crimée fans aucune oppofition , les
fils de Dely Sultan n'ayant pas trouvé les
Peuples difpofés à favoriler les vûës qu'ils
avoieng
698 MERCURE DE FRANCE
avoient de venger la mort de leur pere.
On affure que la tranquillité eft parfaitement
rétablie dans ce Pays là.
Les troubles continuent en Egypte . II .
y a eu plufieurs Combaez entre quelques
Détachemens des Troupes de Zulficar &
celles de Cherkés Beys ; mais il n'y en a
eu aucun de decifif. Zulficar eft Maître au.
Caire , & Cherkez Bey fe tient dans le
Saïdy , Province de la Haute Egypte.
Le Grand- Seigneur ayant été informé.
que Zulficar avoit fait dépofer Bekir Pacha
, qui étoit Pacha du Caire , y a nom
mé Abdoula Pacha , de la famille des Cuprulis
, pour le remplacer ; mais ce nouveau
Pacha étant arrivé au Caire , Zulfiear
& les autres Grands du Pays n'ont pas
voulu le reconnoître ; on dit auffi que ce
Gouverneur ayant trouvé cette Province
dans la confufion , & jugé qu'il ne feroir
pas facile de s'y maintenir,à moins de voufoir
fuivre aveuglement les volontés de
Zulficar , avoit écrit à la Porte pour être
difpenfé d'accepter ce Pachalik .
L'autorité du G. S. n'a jamais été bien
établie en Egypte ; mais il paroit qu'elle
y eft encore plus affoiblie dans la conjonctu
repréfente.Tous les Turcs qui arrivent
au Caire , venant de Conftantinople , y
font regardés de mauvais cil ; on affure
même qu'on ne les Y laiffe pas libres >
&
AVRIL. 1730. 699
& qu'on leur donne des Gardes. Il eft cer
tain que le G. S. n'eft pas fans inquiétude
fur ce qui fe paffe dans ce Pays là , & il
a été tenu plufieurs Conferences à ce fujet
par les Miniftres de la Porte , aufquelles
on a fait affifter les perfonnes les
plus confiderables de l'Empire , pour les
confulter fur les expediens que l'on crois
roit les plus convenables ; mais on prétend
qu'il n'y a été pris aucune réſolu¬
tion.
La Perle ne jouit pas d'une plus grande
tranquillité que l'Egypte par les derniers
avis qu'on en a reçû. On a appris qu'il y
avoit eu deux Batailles données entre
Acheraf Kam & Schah Thamas , & qu'Acheraf
qui commandoit fon Armée à la
derniere les avoit perdues toutes deux ,
ce qui avoit diminué confiderablement
fes Troupes ; on affure même qu'il ne lui
fera pas poffible de les rétablir , ayant
entierement aliené les Perfans par les
cruautés qu'il a exercées contr'eux , &
ne pouvant faire venir des Troupes de la
Province de Candahar par la difficulté
des paffages , & parceque le frere de Mi.
ri-Mahmoud s'eft rendu Maître de cette
Province ; on ne doute pas que fi Schah
Thamas fçait profiter de la fituation où
fe trouve Acheraf qui a été obligé de s'en.
fuir du côté d'Amadam , il ne fe rende
bientôt
700 MERCURE DE FRANCE
bientôt maître d'Ifpaham , & qu'il ne
chaffe Acheraf du Royaume de Perfe .
Quoique la Porte eut fait des honneur's
infinis à l'Ambaffadeur d'Acheraf , &
qu'elle eut paru ne faire que peu de cas
de celui de Schah Thamas lors de fon
arrivée à Conftantinople , on s'apperçoit
depuis les dernieres nouvelles venues de
Perfe que les difpofitions des Miniftres
de la Porte font changées à l'égard
de ce dernier , qu'ils ont de grandes
attentions pour lui , & lui donnant dans
łe Public bien des applaudiffemens fur
fon caractere & fur fon génie , ce qui perfuade
qu'ils fe détacheront infenfiblement
d'Acheraf ; & qu'après avoir pris le parti
d'affifter indirectement Schah Thamas
dans les commencemens , ils fe détermi
neront à lui donner des fecours ouvertement
dans la fuite.
Un frere Bâtard de Schah Thamas qui
vient auffi difputer la Couronne de Perfe
s'étoit avancé jufqu'à Bagdat dans l'intention
de venir demander du fecours au
G. S. pour l'execution de fon projet ; il
lui avoit été mandé de refter à Bagdat juf
qu'à nouvel ordre ; on prétend qu'il lui
a été permis enfuite de venir à Conftantinople
, & qu'il y doit arriver inceffamment.
Les Turcs fe font déterminés à l'y
attirer , en vûë de contenir par là Schah
Thamas
AVRIL. 1730. 701
Thamas , & pour le réduire plus facilement
à executer le Traité de partage fait
par la médiation du Roi entre les Turcs
& les Mofcovites , les differends furvenus
fur les frontieres de Perfe , entre les
Turcs & les Mofcovites n'ont eu juſqu'à
prefent aucunes fuites d'un certain éclat;
mais on a lieu de croire que leur aigreur
n'eft pas éteinte , fur- tout de la part
des
Turcs qui ont été traités avec beaucoup
de hauteur par les Mofcovites. On attend
avec impatience le retour de l'Aga envoyé
à Molcou , pour fçavoir le traitement
qui lui aura été fait par le Czar ,
& la fatisfaction qu'il aura reçûë de ce
Prince , fur les plaintes qu'il avoit été
lui porter des violences exercées par fes
Troupes,
t
Il y a des gens qui prétendent que cet
Aga eft revenu depuis quelques jours , &
qu'on le fait refter caché à Coftantinople ,
afin de lui donner des inftructions fur
la maniere dont les Miniftres de la Porte
trouveront à propos qu'il s'explique au
fujet du voyage qu'il vient de faire . Si le
Vizir fuivoit les mouvemens du Peuple ,
les Turcs feroient bientôt en guerre avec
les Mofcovites ; mais il paroît être dans
des difpofitions oppofées.
Par les Lettres arrivées aujourd'hui 28 .
Novembre de Perfe , on apprend que
Schab
702 MERCURE DE FRANCE
Schah Thamas dont les Troupes ont été
groffies par les fecours qu'il a reçus de
Mofcovie , s'eft rendu maître de Cafbin,
qu'Acheraf s'eft retiré dans les Montagnes
avec ce qui lui refte de Troupes , & qu'il
ne peut pas même fe jetter dans Ifpaham,
dont on dit que les chemins lui ont été
coupez par Schah Thamas. On ajoûte
que la Porte fait marcher beaucoup de
Troupes fur les Frontieres de Perfe fans
qu'on fçache encore à quoi elles font deftinées
, & quel fera le parti que prendra
le Grand-Seigneur.
28 Novembre 1729 .
E Kam de Tartarie eft entré dans la
Crimée fans aucune oppofition , les
fils de Dely Sultan n'ayant pas trouvé les
Peuples difpofés à favoriler les vûës qu'ils
avoieng
698 MERCURE DE FRANCE
avoient de venger la mort de leur pere.
On affure que la tranquillité eft parfaitement
rétablie dans ce Pays là.
Les troubles continuent en Egypte . II .
y a eu plufieurs Combaez entre quelques
Détachemens des Troupes de Zulficar &
celles de Cherkés Beys ; mais il n'y en a
eu aucun de decifif. Zulficar eft Maître au.
Caire , & Cherkez Bey fe tient dans le
Saïdy , Province de la Haute Egypte.
Le Grand- Seigneur ayant été informé.
que Zulficar avoit fait dépofer Bekir Pacha
, qui étoit Pacha du Caire , y a nom
mé Abdoula Pacha , de la famille des Cuprulis
, pour le remplacer ; mais ce nouveau
Pacha étant arrivé au Caire , Zulfiear
& les autres Grands du Pays n'ont pas
voulu le reconnoître ; on dit auffi que ce
Gouverneur ayant trouvé cette Province
dans la confufion , & jugé qu'il ne feroir
pas facile de s'y maintenir,à moins de voufoir
fuivre aveuglement les volontés de
Zulficar , avoit écrit à la Porte pour être
difpenfé d'accepter ce Pachalik .
L'autorité du G. S. n'a jamais été bien
établie en Egypte ; mais il paroit qu'elle
y eft encore plus affoiblie dans la conjonctu
repréfente.Tous les Turcs qui arrivent
au Caire , venant de Conftantinople , y
font regardés de mauvais cil ; on affure
même qu'on ne les Y laiffe pas libres >
&
AVRIL. 1730. 699
& qu'on leur donne des Gardes. Il eft cer
tain que le G. S. n'eft pas fans inquiétude
fur ce qui fe paffe dans ce Pays là , & il
a été tenu plufieurs Conferences à ce fujet
par les Miniftres de la Porte , aufquelles
on a fait affifter les perfonnes les
plus confiderables de l'Empire , pour les
confulter fur les expediens que l'on crois
roit les plus convenables ; mais on prétend
qu'il n'y a été pris aucune réſolu¬
tion.
La Perle ne jouit pas d'une plus grande
tranquillité que l'Egypte par les derniers
avis qu'on en a reçû. On a appris qu'il y
avoit eu deux Batailles données entre
Acheraf Kam & Schah Thamas , & qu'Acheraf
qui commandoit fon Armée à la
derniere les avoit perdues toutes deux ,
ce qui avoit diminué confiderablement
fes Troupes ; on affure même qu'il ne lui
fera pas poffible de les rétablir , ayant
entierement aliené les Perfans par les
cruautés qu'il a exercées contr'eux , &
ne pouvant faire venir des Troupes de la
Province de Candahar par la difficulté
des paffages , & parceque le frere de Mi.
ri-Mahmoud s'eft rendu Maître de cette
Province ; on ne doute pas que fi Schah
Thamas fçait profiter de la fituation où
fe trouve Acheraf qui a été obligé de s'en.
fuir du côté d'Amadam , il ne fe rende
bientôt
700 MERCURE DE FRANCE
bientôt maître d'Ifpaham , & qu'il ne
chaffe Acheraf du Royaume de Perfe .
Quoique la Porte eut fait des honneur's
infinis à l'Ambaffadeur d'Acheraf , &
qu'elle eut paru ne faire que peu de cas
de celui de Schah Thamas lors de fon
arrivée à Conftantinople , on s'apperçoit
depuis les dernieres nouvelles venues de
Perfe que les difpofitions des Miniftres
de la Porte font changées à l'égard
de ce dernier , qu'ils ont de grandes
attentions pour lui , & lui donnant dans
łe Public bien des applaudiffemens fur
fon caractere & fur fon génie , ce qui perfuade
qu'ils fe détacheront infenfiblement
d'Acheraf ; & qu'après avoir pris le parti
d'affifter indirectement Schah Thamas
dans les commencemens , ils fe détermi
neront à lui donner des fecours ouvertement
dans la fuite.
Un frere Bâtard de Schah Thamas qui
vient auffi difputer la Couronne de Perfe
s'étoit avancé jufqu'à Bagdat dans l'intention
de venir demander du fecours au
G. S. pour l'execution de fon projet ; il
lui avoit été mandé de refter à Bagdat juf
qu'à nouvel ordre ; on prétend qu'il lui
a été permis enfuite de venir à Conftantinople
, & qu'il y doit arriver inceffamment.
Les Turcs fe font déterminés à l'y
attirer , en vûë de contenir par là Schah
Thamas
AVRIL. 1730. 701
Thamas , & pour le réduire plus facilement
à executer le Traité de partage fait
par la médiation du Roi entre les Turcs
& les Mofcovites , les differends furvenus
fur les frontieres de Perfe , entre les
Turcs & les Mofcovites n'ont eu juſqu'à
prefent aucunes fuites d'un certain éclat;
mais on a lieu de croire que leur aigreur
n'eft pas éteinte , fur- tout de la part
des
Turcs qui ont été traités avec beaucoup
de hauteur par les Mofcovites. On attend
avec impatience le retour de l'Aga envoyé
à Molcou , pour fçavoir le traitement
qui lui aura été fait par le Czar ,
& la fatisfaction qu'il aura reçûë de ce
Prince , fur les plaintes qu'il avoit été
lui porter des violences exercées par fes
Troupes,
t
Il y a des gens qui prétendent que cet
Aga eft revenu depuis quelques jours , &
qu'on le fait refter caché à Coftantinople ,
afin de lui donner des inftructions fur
la maniere dont les Miniftres de la Porte
trouveront à propos qu'il s'explique au
fujet du voyage qu'il vient de faire . Si le
Vizir fuivoit les mouvemens du Peuple ,
les Turcs feroient bientôt en guerre avec
les Mofcovites ; mais il paroît être dans
des difpofitions oppofées.
Par les Lettres arrivées aujourd'hui 28 .
Novembre de Perfe , on apprend que
Schab
702 MERCURE DE FRANCE
Schah Thamas dont les Troupes ont été
groffies par les fecours qu'il a reçus de
Mofcovie , s'eft rendu maître de Cafbin,
qu'Acheraf s'eft retiré dans les Montagnes
avec ce qui lui refte de Troupes , & qu'il
ne peut pas même fe jetter dans Ifpaham,
dont on dit que les chemins lui ont été
coupez par Schah Thamas. On ajoûte
que la Porte fait marcher beaucoup de
Troupes fur les Frontieres de Perfe fans
qu'on fçache encore à quoi elles font deftinées
, & quel fera le parti que prendra
le Grand-Seigneur.
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Résumé : Autres Lettres de Constantinople du 15. & 28 Novembre 1729.
En novembre 1729, Kam de Tartarie a envahi la Crimée sans rencontrer de résistance, les fils de Dely Sultan n'ayant pas réussi à obtenir de soutien pour venger leur père. La situation en Crimée s'est stabilisée. En Égypte, les troubles persistent entre les troupes de Zulficar et celles de Cherkés Bey. Zulficar contrôle Le Caire, tandis que Cherkés Bey est dans la province du Saïdy. Le Grand Seigneur a nommé Abdoula Pacha pour remplacer Bekir Pacha, mais Zulficar et les notables du pays n'ont pas reconnu ce nouveau gouverneur. Cette situation affaiblit l'autorité du Grand Seigneur, qui consulte ses ministres sans prendre de décision. En Perse, deux batailles ont opposé Acheraf Kam et Schah Thamas, ce dernier remportant les deux victoires. Acheraf, affaibli et impopulaire, a dû fuir. La Porte ottomane, initialement favorable à Acheraf, semble désormais soutenir Schah Thamas, lui accordant des applaudissements publics. Un frère bâtard de Schah Thamas est attendu à Constantinople pour obtenir du soutien contre Schah Thamas. Les relations entre les Turcs et les Moscovites restent tendues en raison des violences exercées par les troupes moscovites. Un Aga envoyé à Moscou est revenu et reste caché à Constantinople pour recevoir des instructions. Les Turcs se préparent à la guerre, mais le Vizir semble opposé à cette option. Les dernières nouvelles indiquent que Schah Thamas, renforcé par des troupes moscovites, a pris Cafbin et contraint Acheraf à se retirer. La Porte ottomane mobilise des troupes à la frontière perse, mais leur destination reste incertaine.
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7
p. 2496-2506
LETTRE écrite de Constantinople le 15. Septembre 1730. sur l'état present des affaires de Perse.
Début :
Schah Thamas, Roi de Perse, fils & successeur de Schah Hussein, ayant rassemblé une armée [...]
Mots clefs :
Roi de Perse, Ambassadeur, Constantinople, Armée, Troupes, Prince, Ministre, Schah
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Constantinople le 15. Septembre 1730. sur l'état present des affaires de Perse.
LETTRE écrite de Conftantinople le 15 .
Septembre 1730. fur l'état prefent
des affaires de Perfe
Chah Thamas , Roi de Perfe , fils & fucceffeur
de Schah Huffein , ayant raffemblé une armée
de 40. mille hommes & livré plufieurs combats
à l'Ufurpateur Acheraf , toujours avec quelque
avantage , s'avança enfin vers Iſpaham , ou
Acheraf fe trouvant extrêmement refferré & hors
d'état de fe deffendre , manquant de vivres & de
troupes,fans efpoir d'aucun fecours, fe fauva enfin
dans une Fortereffe auprès de la Ville de Schiras.
Schab
NOVEMBRE . 1730. 2497
Schah Thamas entra en triomphe dans Iſpaham
avec une partie de fon armée , & l'autre
partie pourfuivit Acheraf , qui fut affiegé dans
la Fortereffe où il s'étoit réfugié, & obligé de fe
rendre & ſe livrer entre les mains du Vainqueur :
de- là les Troupes Perfanes allerent affieger Schi
ras, & expoferent Acheraf chargé de chaînes à la
vue des habitans. Quoique les Affiegez fuflent
épouventez de cet objet , ils ne voulurent cependant
écouter aucunes propofitions , & ils aimerent
mieux s'expoſer à la mort que de capituler , enforte
que les Affiegeans furent obligez d'emporter
cette Place de force ; ils s'en rendirent les maîtres
en peu de jours , & ce fut dans cette Ville
que le Rebelle Acheraf reçut le châtiment de fa
révolte & de fon ufurpation. Il fut conduit dans
la Place publique , nud , chargé de chaînes , & fut
expofé à la vue du Peuple fur un échaffaut. Là on
fit la lecture du Procés qui lui avoit été fait ,
du jugement que le Roi avoit prononcé contre
lui , par lequel il étoit condamné à être écorché
vif avec des Etrilles de cheval . L'éxecution de cer
Arrêt fut terrible , les Bourreaux lui déchirerent
la peau & la chair jufqu'à ce qu'il eut rendu le dernier
foupir. Après la mort on lui coupa la tête
qui fut portée à Ifpaham à Schah Thamas. Son
corps fut dépecé, jetté dans la campagne & aban ,
donné aux bêtes féroces.
fie
&
Après cette expedition l'Armée de Perfe, grofpar
de nouvelles troupes , pourfuivit le cours
de fes victoires , & reprit fans obſtacle toute la
Province de Chirvan , & les Villes de Couchon ,
Caffan , Sava , Cafbin , Ternan & Bender , avec
tous les Pays & toutes les Places ufurpées par
Acheraf , & plufieurs autres qui appartenoient à
ce Rebelle , comme Schiras , le Fort de Cafchan,
Kalafy , & plufieurs autres Places . Les autres
H Pays
2498 MERCURE DE FRANCE
Pays & Villes de la Perfe , comme la Georgie
qui en étoit tributaire , occupez par le Grand Seigneur
, font demeurez jufques à preſent ſous l'obéiffance
de Sa Hauteffe.
Chah Sefy , frere du Roi de Perſe , fut fait
prifonnier dans le temps que le Roi fon pere vivoit
encore ; ce fut Schah Thamas, fon frère , qui
regne aujourd'hui , qui le fit empriſonner par jaloufie
, Chah Sefy trouva moyen de fe fauver &
de fe réfugier dans la maifon d'un Armenien en
qui il avoit une entiere confiance ; il y demeura
caché pendant quelque tems ; mais dans la fuite
cet Armenien craignant qu'on ne le découvrît ,
& voulant mettre Chah Sefy en fureté , s'adrefla
à un autre Arménien fon ami , qui demeuroit
dans la Province de l'Arabiſtan ; il lui confia fon
fecret , lui fit connoître le Prince qu'il tenoit caché
chez lui , le defir qu'il avoit de le fouftraire
aux recherches qu'on en faifoit & pria en même
temps cet ami de le recevoir chez lui. L'Armé--
nien d'Arabistan confentit à la propofition & celui
d'Ifpaham ayant fait traveftir Chah Sefy en
Muletier , il le fit fortir fecretement de la Ville
accompagné d'un Valet affidé qui fe mit à la fuite
des Mulets qu'il avoit coûtume d'envoyer dans
les Villages circonvoifins pour fes proviſions de
bois & de paille. Ce Prince étant paffé par ce
moyen dans l'Arabiſtan, y fut reçu, comme on le
lui avoit fait efperer , par celui à qui il avoit été
recommandé , & fon arrivée ayant été fçûë des
principaux habitans de cette Province , ' ils lui
rendirent les honneurs dûs à fon le
rang > reçurent
comme fils de Roi , & le mirent à la tête de
12 mille hommes pour deffendre leur Province
de l'invafion dont elle étoit menacée de la part
d'Acheraf. La confiance que ces Peuples témoi
gnerent d'abord à Chah Sefy ne fut pas de lon-
*
gue
>
NOVEMBRE. 1730. 2499
gue durée , ils le foupçonnerent bien - tôt de vouloir
fe rendre maître de leur Pays , à la faveur
des troupes qu'ils lui avoient données , au lieu
de fonger à le deffendre contre Acheraf , & dans
cette penfée ils réfolurent de l'affaffiner; ce Prince
fut averti de leur deffein ; & pour garantir la vie
du danger dont elle étoit menacée , il réfolut de
prendre la fuite , déguifé fous les habits d'un de
fes domeftiques , à qui il dit qu'il avoit des affaires
très importantes à ménager à la faveur de ce
déguiſement , lui ordonnant de refter dans fon
Appartement fans fe montrer , & lui promettant
qu'il feroit de retour le foir même. Le Prince fe
fauva ainfi fans être reconnu , & peu de temps
après ceux qui vinrent dans fon Appartement
pour le tuer,affaffinerent cruellement fon Domef
tique, craignant qu'il ne les découvrît.
Chah Sefy étant ainfi forti de la Province de
l'Arabiſtan , & n'ofant pas fe confier à ſon frere
qui étoit déja monté fur le Trône , forma le deffein
de recourir à la protection du G. S. il alla
à Bagdat ou Babilone , & s'étant fait connoître
au l'acha, il en fut reçû très-honorablement, avec
promeffe qu'il lui donneroit une entiere affiftance,
& qu'il ménageroit fes interêts auprès de Sa Hau
teffe. Cependant il lui fournit de l'argent & tout
• ce qui lui étoit néceffaire fuivant fon rang;en même
tems ce Pacha en'donna' avis à la Porte , &
demanda des ordres pour faire transferer ce Prince
à Conftantinople.
Le G. S. fit une réponſe favorable, & en confequence
Chah Sefy fut conduit à Conftantinople.
où il eft actuellement très - honoré , & où il reçoit
des fecours confiderables pour fon entretien
& pour celui de 60. perfonnes qui font à ſa ſuite.
Il à un Tain , * pour 100. perfonnes par jour ,
* Tain, certaine ſomme aſſignée par jour.
Hi
ds
2500 MERCURE DE FRANCE
outre tous les vivres neceffaires pour l'entretien
de fa Table & de fa Maifon , pour fon Ecurie &
pour fix Caiques ou Felouques , fon logement
lui fut affigné à Calcedoine , où il est toujours
avec une Garde de 20. Janniffaires , commandez
par un Officier. Il eut dernierement une Audiance
du G.V.qui lui donna des Veſtes & des Peliffes magnifiques
, & plufieurs autres prefens , entre auties
un très- beau Cheval de l'Ecurie du G. S. avec de
riches harnois de la valeur d'environ 30. Bourfes.
L'Ambaffadeur de Schah Thamas, Roi de Perfe,
étant arrivé à Scutari , la Porte lui envoya le 18.
Juin 2. Galeres fur lesquelles s'étant embarqué
avec toute fa fuite , elles entrerent dans le Port
au bruit d'une quantité prodigieufe de Canon, &
allerent débarquer l'Ambaffadeur à l'Echelle de
la Doüanne , où s'étant repofé pendant quelque
tenips , le Chaoux Bachy y arriva pour le conduire
au logement qui lui étoit préparé , & pour
regler la Marche de fon Entrée qui fut faite dans
l'ordre fuivant :
On voyoit d'abord un grand nombre de Janniflaires
marchant fur deux lignes avec leurs Bonnets
de ceremonie ; ils étoient fuivis d'un grand
nombre de perfonnes de la Maiſon du G. V.
toutes vétues fort proprement : 120. Chaoux
à cheval venoient enfuite avec plufieurs Agas ; 12.
Perfans à pied avec des Cottes d'émail , portant
de longues Lances qu'ils manioient avec beaucoup
d'agilité , fervoient comme d'avant-garde à
l'Ambaffadeur qui marchoit d'abord aprés eux à
la gauche du Chaoux Bachy. Il avoit une Robbe
de drap d'or doublée de Marthe zibeline, unTurban
à la mode de Perfe , d'une Etoffe d'or à fleurs
de diverfes couleurs , parmi lesquelles le blanc
dominoit. C'eſt un homme d'environ 40. ans ,
ayant une barbe noire & un afpect affez gravé ,
30.
NOVEMBRE. 1730. 2501.
30. Perfans à cheval , tous jeunes & bien vêtus ,
marchoient après lui , & la Marche étoit fermé
par plus de 300. perfonnes de fa fuite ; les uns
armez d'armes à feu & les autres de Sabres &
d'Arcs , de Fleches & de Lances , & au milieu de
cette foule marchoient 10. Chevaux chargez de
Caiffes fort belles en dehors , dans lesquelles on
prétend qu'étoient contenus les Prefens deſtinez
pour le G. S. le G. V. & les autres Miniftres de
la Porte.
Le 3. Juillet il alla rendre au G. V. une vifite
privée , c'eſt-à - dire , avec très -peu de fuite , mais
la Chambre d'Audiance dans laquelle il fut reçû ,
étoit beaucoup plus parée qu'à l'ordinaire ; on y
voyoit fur les Couffins & fur les Sophas beaucoup
de Montres d'or , des Sabres & des Poignards de
grande valeur , prefque tous couverts de Pierreries
, outre 14. Pendules magnifiques par la beauté
de l'Ouvrage & la richeffe des ornemens,
Après le Compliment ordinaire , il rendit au
Vifir une Lettre de fon Maître , & lui expofa le
fujet de fa Miffion ; il lui dit que le Roi de Perfe
fouhaitoit d'avoir avec la Porte une Paix ferme
& durable , mais qu'il falloit que l'on commençât
par lui rendre toutes les Places dont le G. S.
s'étoit emparé en Perfe , & tous les Perfans qui
avoient été faits Efclaves dans la derniere guerre ;
cette vifite fe termina par des réponſes vagues &
generales.
Quelques jours après la Porte ayant reçû avis
que les Perfans avoient commencé des Actes
d'hoftilité & qu'ils s'étoient rendus maîtres d'Amadan,
Le G.V.qui avoit déja tenu deux Confeils
avec les principaux Miniftres dans le Serrail du
Capitan Pacha, en fit convoquer un autre à Fondukly
( lieu fitué en Europe , à l'entrée du Canal
de la Mer noire) il y fit appeller l'Ambaffadeur de
Hij Perfe
2502 MERCURE DE FRANCE
Perfe , auquel il dit , que puifque Schah Thamás
avoit commencé les hoftilitez dans le tems même
qu'il avoit envoyé un Ambaffadeur pour négocier
la Faix , il ne pouvoit plus écouter aucune
propofition , & qu'il falloit au contraire fe préparer
à la guerre , puifqu'il n'avoit point les pouvoirs
néceffaires pour traiter & conclure un accommodement
fur les propofitions qu'il avoit faites
à fon arrivée.L'Ambaffadeur répondit qu'il ne
pouvoit pas fe perfuader que ces nouvelles fuffent
veritables; mais qu'en fuppofant même qu'elles le
fuffent , il étoit certain que les hoftilitez n'avoient
point été commencées par l'ordre de fon Maître;
mais que c'étoit peut- être un foulevement imprévu
du Peuple irrité par le fouvenir des tyrannies
& des cruautez qui avoient été exercées dans
la derniere guerre ; que pour lui il n'avoit d'autre
pouvoir & d'autre commiffion que ce qu'il avoit
expofé dans fa premiere vifite , & dont il ne pouvoit
pas s'éloigner ; que tout ce qu'il pouvoit
fuggerer à la Porte , c'étoit d'expedier fur le
champ quelque perfonne de confiance avec des
pouvoirs de traiter avec le Roi de Perfe ; qu'il
s'offroit lui-même d'envoyer une perfonne de fa
part avec des Lettres pour tâcher de parvenir à la
Paix , efperant que dans 60. jours on pourroit
recevoir les Réponſes , ce qui fut ainfi réſolu.
L'Ambaffadeur étant retourné chez lui , il fut
mis d'abord fous la garde de 4. Compagnies de
Janniffaires , fans avoir la liberté de fortir , nonplus
que les perfonnes de fa fuite , excepté quelques-
uns de fes plus bas Officiers. Quelques jours
après la guerre fut publiée , & on déclara publiquement
les prétentions du Roi de Perfe ; on ajouta
que le G. V. iroit hyverner à Alep , le Janniffaire
Aga , à Erzeron , & le Topigi Bachy , ou
Grand - Maître d'Artillerie à Ardebil ; on expeNOVEMBRE
. 1730. 2503
pedia en même-temps un grand nombre d'Ouvriers
à Coigny pour réparer le Serrail de cette
Ville , éloigné de feize journées de Conftan
tinople , où le G. S. iroit paffer l'hyver : le
Capitan Pacha fut nommé Caimacan de Conftantinople
, & les Pavillons des principaux Commandans
furent expofez à la Place de l'Hyppodrome
& aux autres endroits accoûtumez . Le Reys
Effendi fit fçavoir aux Ambaffadeurs de France ,
d'Angleterre & de Hollande , que fuivant l'ufage
ordinaire ils pourroient faire préparer chacun un
de leurs Drogmans pour fuivre le G. V. on fit
faire la même déclaration aux Réfidens de Mofcovie
, aufquels le Reys Effendy déclara de plus
qu'ils devoient fuivre perfonnellement le G. S.
On tira des Magazins de Top- hana 150. Canons
de campagne & 80. Canons de batterie , &
on en fit l'épreuve les 20. 21. & 22. Juin . On
voyoit dans toutes les rues de Conftantinople
vendre en grande quantité des Armes à feu &
de toutes autres fortes d'Armes , on y travailla à
des Pavillons neufs , & on y prépara, en un mot ,
tout ce qui eft neceffaire pour une armée . On a
depuis publié des ordres pour faire lever fur les
Arts & Métiers la taxe qu'ils ont accoûtumé de
payer en tems de guerre.
On prépare en toute diligence deux Vaiffeaux
de guerre pour les envoyer à Alexandrette,
chargez de Poudre , de Balles , de Canons , de
Boulets & de toutes fortes de munitions de guerre,
pour être tranſportez dans tous les endroits où
on en aura befoin , & on prépare auffi pour le
même fujet plufieurs Saiques pour aller faire le
même tranſport dans la Mer Noire à Trébiſonde.
On dit ici publiquement, que la vafte Province
de Candahar , Pays des Aghuans , d'où Acheraf
tiroit fon origine , s'eft volontairement foumis
H iiij કે
2504 MERCURE DE FRANCE
à Schah Thamas après la défaite d'Aſcheraf.
>
L'Ambaffadeur de Perfe eut le 25. une Audiance
du G. S. qui outre le Caftan ordinaire ,
lui fit prefent d'une Vefte fourrée de Marthe
Zibeline . On diftribua 16 Caftans aux principales
perfonnes de fa fuite ; & l'Ambaſſadeur préfenta
de la part de Schah Thamas , au G. S. un
Bouclier , & un Candgiar ou Poignard de grande
valeur , une Bourfe de drap d'or cachetée , dont
on ne fçait pas le contenu & plufieurs piéces
d'Etoffe d'or , d'argent & de foye , d'un travail
recherché & curieux.
x
Le matin du 27. les Queues de Cheval furent
expofées dans les lieux ordinaires , comme au dehors
de la porte du Serrail du G.S. & de celui du
G. V. & des autres Pachas , deftinez pour aller à
cette guerre ; ces Queues qui font les Etendarts
des Turcs , confiftent en une longue Perche
plantée en terre , au haut de laquelle eft un
Pommeau doré,duquel pend une queue de Cheval.
Le 31 Juillet , les Queues de Cheval furent
portées publiquement & avec ceremonie , du Serrail
à l'Echelle de Baktche Kapouci, fur une Galere
que remorquoient plufieurs Mahones. La
marche fut réglée dans l'ordre fuivant. 40. Spahis
ou Cavaliers marchoient à la tête avec des Plumets,
portant des Armes à feu & des Sabres . 50. Tartares
venoient enfuite à Cheval , armez d'Arcs & de
Fléches ; 200 jeunes gens à Cheval marchoient
enfuite , portant des Piques , au haut defquelles
étoient des Banderolles un Officier des Janiffaires
, à pied , venoit après , portant une Queuë
de Cheval. Il étoit fuivi de 19 autres à Cheval
portant chacun une Queue , mais plus petites
que celle qui étoit portée par l'Officier à pied .
80. hommes marchoient enfuite , armez differemment
; ils compofoient la garde du G.V. qui
;
>
eft
NOVEMBRE . 1730. 2509.
eft Pacha à 3.Queues. On voyoit après 10.Chevaux
de main , tres -richement harnachez.
Le Kiaya ou Lieutenant duVifir , faivoit à Cheval
, entouré de plus de 40 Tchohadas ; il étoit
fuivi de 100 Itch Alagars , richement habillez ,
venoient enfuite 36 perfonnes à Cheval, fonnant
de la Trompette , & joüant du Timpanon , du
Tambour & d'autres Inftrumens Turcs . La Marche
étoit terminée par 40 Chameaux , chargez
des Pavillons des principaux Commandans . ,
Quand ils furent arrivez à l'Echelle de Baktche
Kapouci , le Kiaya s'étant embarqué fur la Galere
avec la garde du Vifir , les Queues de Cheval
, les Joueurs d'Inftrumens qui ne difcontinuoient
pas leur fanfarre , & les Tchohadais , il
paffa à Scurary , & fut falué à fon pailage de
plufieurs coups de Canons ; tout le refte de fa
fuite s'embarqua fur les Mahones.
Dans les journées précédentes on avoit ap
plani quelques Campagnes & brûlé quelques Vi
gnes entre Scutary & Calcedoine , pour y faire
camper l'armée. Le 2 du mois d'Aouft , on vit
pendant toute la journée un grand nombre de
Mahones,de Barqués & d'autres Bâtimens ,tranf
porter de Conftantinople au Camp de Scutari utk
grand nombre de Troupes , & le Camp fe forma
au delà du Serrail du G. S. à Calcedoine ,
heure de chemin de Scutary .
à une
Le G. S. étant arrivé au Camp le 3. du mois
d'Aouft , defcendit de Cheval à fon Pavillon Impérial
& pafla fur le foir dans fon Serrail , o
il avait été précédé de fon Harem ou Maifons
des Daines , qui y avoit été porté par 11.
Caïques , couverts de drap touge. On permit à
Ambaffadeur de Perfe d'aller voir cette marche
Scutary , d'où il retourna fur le champ dans
l'endroit où il eſt logé , toujours avec la même
Hy garde
2 506 MERCURE DE FRANCE
garde de Janiffaires ; quelques- uns des Miniftres
Etrangers allerent à Scutary , dans des maifons
particulieres pour voir paffer le G.S. & fon Cortege.
La Cour du G. S. fe tient dans le Camp
où font tous les Miniftres.
Le Caïmacam a déja commencé d'exercer fon
autorité à Conftantinople , & le Capitan Pacha
a fubftitué le Terfana Eminy pour exercer fon
autorité dans l'Arfenal. Les Miniftres des Princes
Etrangers ont fait faire compliment au G.V.
au Kiaya, au Reys Effendi, & ont fait auffi complimenter
le Capitan Pacha fur fa Charge de
Caimacan .
Le 8 d'Aouft , les Ambaffadeurs de Ragufe
avec une fuite de 8 perfonnes , allerent au Camp
baifer la Vefte au G. V. comme Rayas ou Tributaires
de la Porte , & en rapporterent trois
Caftans.
Le 12 , un des deux Vaiffeaux dont on a parlé,
destiné pour Alexandrette , partit de ce Port ,
chargé de munitions de guerre. L'Armée groffit
tous les jours , & il y arrive journellement une
grande quantité de Chameaux , de Chevaux & de
Mulets.
Nous fommes aujourd'hui au 15 du mois de
Sept. fans que l'on fçache encore fi l'Armée partira.
Le G.S. continue fon féjour dans le Serrail
du Scutary , & toute la Cour demeure au Camp.
Septembre 1730. fur l'état prefent
des affaires de Perfe
Chah Thamas , Roi de Perfe , fils & fucceffeur
de Schah Huffein , ayant raffemblé une armée
de 40. mille hommes & livré plufieurs combats
à l'Ufurpateur Acheraf , toujours avec quelque
avantage , s'avança enfin vers Iſpaham , ou
Acheraf fe trouvant extrêmement refferré & hors
d'état de fe deffendre , manquant de vivres & de
troupes,fans efpoir d'aucun fecours, fe fauva enfin
dans une Fortereffe auprès de la Ville de Schiras.
Schab
NOVEMBRE . 1730. 2497
Schah Thamas entra en triomphe dans Iſpaham
avec une partie de fon armée , & l'autre
partie pourfuivit Acheraf , qui fut affiegé dans
la Fortereffe où il s'étoit réfugié, & obligé de fe
rendre & ſe livrer entre les mains du Vainqueur :
de- là les Troupes Perfanes allerent affieger Schi
ras, & expoferent Acheraf chargé de chaînes à la
vue des habitans. Quoique les Affiegez fuflent
épouventez de cet objet , ils ne voulurent cependant
écouter aucunes propofitions , & ils aimerent
mieux s'expoſer à la mort que de capituler , enforte
que les Affiegeans furent obligez d'emporter
cette Place de force ; ils s'en rendirent les maîtres
en peu de jours , & ce fut dans cette Ville
que le Rebelle Acheraf reçut le châtiment de fa
révolte & de fon ufurpation. Il fut conduit dans
la Place publique , nud , chargé de chaînes , & fut
expofé à la vue du Peuple fur un échaffaut. Là on
fit la lecture du Procés qui lui avoit été fait ,
du jugement que le Roi avoit prononcé contre
lui , par lequel il étoit condamné à être écorché
vif avec des Etrilles de cheval . L'éxecution de cer
Arrêt fut terrible , les Bourreaux lui déchirerent
la peau & la chair jufqu'à ce qu'il eut rendu le dernier
foupir. Après la mort on lui coupa la tête
qui fut portée à Ifpaham à Schah Thamas. Son
corps fut dépecé, jetté dans la campagne & aban ,
donné aux bêtes féroces.
fie
&
Après cette expedition l'Armée de Perfe, grofpar
de nouvelles troupes , pourfuivit le cours
de fes victoires , & reprit fans obſtacle toute la
Province de Chirvan , & les Villes de Couchon ,
Caffan , Sava , Cafbin , Ternan & Bender , avec
tous les Pays & toutes les Places ufurpées par
Acheraf , & plufieurs autres qui appartenoient à
ce Rebelle , comme Schiras , le Fort de Cafchan,
Kalafy , & plufieurs autres Places . Les autres
H Pays
2498 MERCURE DE FRANCE
Pays & Villes de la Perfe , comme la Georgie
qui en étoit tributaire , occupez par le Grand Seigneur
, font demeurez jufques à preſent ſous l'obéiffance
de Sa Hauteffe.
Chah Sefy , frere du Roi de Perſe , fut fait
prifonnier dans le temps que le Roi fon pere vivoit
encore ; ce fut Schah Thamas, fon frère , qui
regne aujourd'hui , qui le fit empriſonner par jaloufie
, Chah Sefy trouva moyen de fe fauver &
de fe réfugier dans la maifon d'un Armenien en
qui il avoit une entiere confiance ; il y demeura
caché pendant quelque tems ; mais dans la fuite
cet Armenien craignant qu'on ne le découvrît ,
& voulant mettre Chah Sefy en fureté , s'adrefla
à un autre Arménien fon ami , qui demeuroit
dans la Province de l'Arabiſtan ; il lui confia fon
fecret , lui fit connoître le Prince qu'il tenoit caché
chez lui , le defir qu'il avoit de le fouftraire
aux recherches qu'on en faifoit & pria en même
temps cet ami de le recevoir chez lui. L'Armé--
nien d'Arabistan confentit à la propofition & celui
d'Ifpaham ayant fait traveftir Chah Sefy en
Muletier , il le fit fortir fecretement de la Ville
accompagné d'un Valet affidé qui fe mit à la fuite
des Mulets qu'il avoit coûtume d'envoyer dans
les Villages circonvoifins pour fes proviſions de
bois & de paille. Ce Prince étant paffé par ce
moyen dans l'Arabiſtan, y fut reçu, comme on le
lui avoit fait efperer , par celui à qui il avoit été
recommandé , & fon arrivée ayant été fçûë des
principaux habitans de cette Province , ' ils lui
rendirent les honneurs dûs à fon le
rang > reçurent
comme fils de Roi , & le mirent à la tête de
12 mille hommes pour deffendre leur Province
de l'invafion dont elle étoit menacée de la part
d'Acheraf. La confiance que ces Peuples témoi
gnerent d'abord à Chah Sefy ne fut pas de lon-
*
gue
>
NOVEMBRE. 1730. 2499
gue durée , ils le foupçonnerent bien - tôt de vouloir
fe rendre maître de leur Pays , à la faveur
des troupes qu'ils lui avoient données , au lieu
de fonger à le deffendre contre Acheraf , & dans
cette penfée ils réfolurent de l'affaffiner; ce Prince
fut averti de leur deffein ; & pour garantir la vie
du danger dont elle étoit menacée , il réfolut de
prendre la fuite , déguifé fous les habits d'un de
fes domeftiques , à qui il dit qu'il avoit des affaires
très importantes à ménager à la faveur de ce
déguiſement , lui ordonnant de refter dans fon
Appartement fans fe montrer , & lui promettant
qu'il feroit de retour le foir même. Le Prince fe
fauva ainfi fans être reconnu , & peu de temps
après ceux qui vinrent dans fon Appartement
pour le tuer,affaffinerent cruellement fon Domef
tique, craignant qu'il ne les découvrît.
Chah Sefy étant ainfi forti de la Province de
l'Arabiſtan , & n'ofant pas fe confier à ſon frere
qui étoit déja monté fur le Trône , forma le deffein
de recourir à la protection du G. S. il alla
à Bagdat ou Babilone , & s'étant fait connoître
au l'acha, il en fut reçû très-honorablement, avec
promeffe qu'il lui donneroit une entiere affiftance,
& qu'il ménageroit fes interêts auprès de Sa Hau
teffe. Cependant il lui fournit de l'argent & tout
• ce qui lui étoit néceffaire fuivant fon rang;en même
tems ce Pacha en'donna' avis à la Porte , &
demanda des ordres pour faire transferer ce Prince
à Conftantinople.
Le G. S. fit une réponſe favorable, & en confequence
Chah Sefy fut conduit à Conftantinople.
où il eft actuellement très - honoré , & où il reçoit
des fecours confiderables pour fon entretien
& pour celui de 60. perfonnes qui font à ſa ſuite.
Il à un Tain , * pour 100. perfonnes par jour ,
* Tain, certaine ſomme aſſignée par jour.
Hi
ds
2500 MERCURE DE FRANCE
outre tous les vivres neceffaires pour l'entretien
de fa Table & de fa Maifon , pour fon Ecurie &
pour fix Caiques ou Felouques , fon logement
lui fut affigné à Calcedoine , où il est toujours
avec une Garde de 20. Janniffaires , commandez
par un Officier. Il eut dernierement une Audiance
du G.V.qui lui donna des Veſtes & des Peliffes magnifiques
, & plufieurs autres prefens , entre auties
un très- beau Cheval de l'Ecurie du G. S. avec de
riches harnois de la valeur d'environ 30. Bourfes.
L'Ambaffadeur de Schah Thamas, Roi de Perfe,
étant arrivé à Scutari , la Porte lui envoya le 18.
Juin 2. Galeres fur lesquelles s'étant embarqué
avec toute fa fuite , elles entrerent dans le Port
au bruit d'une quantité prodigieufe de Canon, &
allerent débarquer l'Ambaffadeur à l'Echelle de
la Doüanne , où s'étant repofé pendant quelque
tenips , le Chaoux Bachy y arriva pour le conduire
au logement qui lui étoit préparé , & pour
regler la Marche de fon Entrée qui fut faite dans
l'ordre fuivant :
On voyoit d'abord un grand nombre de Janniflaires
marchant fur deux lignes avec leurs Bonnets
de ceremonie ; ils étoient fuivis d'un grand
nombre de perfonnes de la Maiſon du G. V.
toutes vétues fort proprement : 120. Chaoux
à cheval venoient enfuite avec plufieurs Agas ; 12.
Perfans à pied avec des Cottes d'émail , portant
de longues Lances qu'ils manioient avec beaucoup
d'agilité , fervoient comme d'avant-garde à
l'Ambaffadeur qui marchoit d'abord aprés eux à
la gauche du Chaoux Bachy. Il avoit une Robbe
de drap d'or doublée de Marthe zibeline, unTurban
à la mode de Perfe , d'une Etoffe d'or à fleurs
de diverfes couleurs , parmi lesquelles le blanc
dominoit. C'eſt un homme d'environ 40. ans ,
ayant une barbe noire & un afpect affez gravé ,
30.
NOVEMBRE. 1730. 2501.
30. Perfans à cheval , tous jeunes & bien vêtus ,
marchoient après lui , & la Marche étoit fermé
par plus de 300. perfonnes de fa fuite ; les uns
armez d'armes à feu & les autres de Sabres &
d'Arcs , de Fleches & de Lances , & au milieu de
cette foule marchoient 10. Chevaux chargez de
Caiffes fort belles en dehors , dans lesquelles on
prétend qu'étoient contenus les Prefens deſtinez
pour le G. S. le G. V. & les autres Miniftres de
la Porte.
Le 3. Juillet il alla rendre au G. V. une vifite
privée , c'eſt-à - dire , avec très -peu de fuite , mais
la Chambre d'Audiance dans laquelle il fut reçû ,
étoit beaucoup plus parée qu'à l'ordinaire ; on y
voyoit fur les Couffins & fur les Sophas beaucoup
de Montres d'or , des Sabres & des Poignards de
grande valeur , prefque tous couverts de Pierreries
, outre 14. Pendules magnifiques par la beauté
de l'Ouvrage & la richeffe des ornemens,
Après le Compliment ordinaire , il rendit au
Vifir une Lettre de fon Maître , & lui expofa le
fujet de fa Miffion ; il lui dit que le Roi de Perfe
fouhaitoit d'avoir avec la Porte une Paix ferme
& durable , mais qu'il falloit que l'on commençât
par lui rendre toutes les Places dont le G. S.
s'étoit emparé en Perfe , & tous les Perfans qui
avoient été faits Efclaves dans la derniere guerre ;
cette vifite fe termina par des réponſes vagues &
generales.
Quelques jours après la Porte ayant reçû avis
que les Perfans avoient commencé des Actes
d'hoftilité & qu'ils s'étoient rendus maîtres d'Amadan,
Le G.V.qui avoit déja tenu deux Confeils
avec les principaux Miniftres dans le Serrail du
Capitan Pacha, en fit convoquer un autre à Fondukly
( lieu fitué en Europe , à l'entrée du Canal
de la Mer noire) il y fit appeller l'Ambaffadeur de
Hij Perfe
2502 MERCURE DE FRANCE
Perfe , auquel il dit , que puifque Schah Thamás
avoit commencé les hoftilitez dans le tems même
qu'il avoit envoyé un Ambaffadeur pour négocier
la Faix , il ne pouvoit plus écouter aucune
propofition , & qu'il falloit au contraire fe préparer
à la guerre , puifqu'il n'avoit point les pouvoirs
néceffaires pour traiter & conclure un accommodement
fur les propofitions qu'il avoit faites
à fon arrivée.L'Ambaffadeur répondit qu'il ne
pouvoit pas fe perfuader que ces nouvelles fuffent
veritables; mais qu'en fuppofant même qu'elles le
fuffent , il étoit certain que les hoftilitez n'avoient
point été commencées par l'ordre de fon Maître;
mais que c'étoit peut- être un foulevement imprévu
du Peuple irrité par le fouvenir des tyrannies
& des cruautez qui avoient été exercées dans
la derniere guerre ; que pour lui il n'avoit d'autre
pouvoir & d'autre commiffion que ce qu'il avoit
expofé dans fa premiere vifite , & dont il ne pouvoit
pas s'éloigner ; que tout ce qu'il pouvoit
fuggerer à la Porte , c'étoit d'expedier fur le
champ quelque perfonne de confiance avec des
pouvoirs de traiter avec le Roi de Perfe ; qu'il
s'offroit lui-même d'envoyer une perfonne de fa
part avec des Lettres pour tâcher de parvenir à la
Paix , efperant que dans 60. jours on pourroit
recevoir les Réponſes , ce qui fut ainfi réſolu.
L'Ambaffadeur étant retourné chez lui , il fut
mis d'abord fous la garde de 4. Compagnies de
Janniffaires , fans avoir la liberté de fortir , nonplus
que les perfonnes de fa fuite , excepté quelques-
uns de fes plus bas Officiers. Quelques jours
après la guerre fut publiée , & on déclara publiquement
les prétentions du Roi de Perfe ; on ajouta
que le G. V. iroit hyverner à Alep , le Janniffaire
Aga , à Erzeron , & le Topigi Bachy , ou
Grand - Maître d'Artillerie à Ardebil ; on expeNOVEMBRE
. 1730. 2503
pedia en même-temps un grand nombre d'Ouvriers
à Coigny pour réparer le Serrail de cette
Ville , éloigné de feize journées de Conftan
tinople , où le G. S. iroit paffer l'hyver : le
Capitan Pacha fut nommé Caimacan de Conftantinople
, & les Pavillons des principaux Commandans
furent expofez à la Place de l'Hyppodrome
& aux autres endroits accoûtumez . Le Reys
Effendi fit fçavoir aux Ambaffadeurs de France ,
d'Angleterre & de Hollande , que fuivant l'ufage
ordinaire ils pourroient faire préparer chacun un
de leurs Drogmans pour fuivre le G. V. on fit
faire la même déclaration aux Réfidens de Mofcovie
, aufquels le Reys Effendy déclara de plus
qu'ils devoient fuivre perfonnellement le G. S.
On tira des Magazins de Top- hana 150. Canons
de campagne & 80. Canons de batterie , &
on en fit l'épreuve les 20. 21. & 22. Juin . On
voyoit dans toutes les rues de Conftantinople
vendre en grande quantité des Armes à feu &
de toutes autres fortes d'Armes , on y travailla à
des Pavillons neufs , & on y prépara, en un mot ,
tout ce qui eft neceffaire pour une armée . On a
depuis publié des ordres pour faire lever fur les
Arts & Métiers la taxe qu'ils ont accoûtumé de
payer en tems de guerre.
On prépare en toute diligence deux Vaiffeaux
de guerre pour les envoyer à Alexandrette,
chargez de Poudre , de Balles , de Canons , de
Boulets & de toutes fortes de munitions de guerre,
pour être tranſportez dans tous les endroits où
on en aura befoin , & on prépare auffi pour le
même fujet plufieurs Saiques pour aller faire le
même tranſport dans la Mer Noire à Trébiſonde.
On dit ici publiquement, que la vafte Province
de Candahar , Pays des Aghuans , d'où Acheraf
tiroit fon origine , s'eft volontairement foumis
H iiij કે
2504 MERCURE DE FRANCE
à Schah Thamas après la défaite d'Aſcheraf.
>
L'Ambaffadeur de Perfe eut le 25. une Audiance
du G. S. qui outre le Caftan ordinaire ,
lui fit prefent d'une Vefte fourrée de Marthe
Zibeline . On diftribua 16 Caftans aux principales
perfonnes de fa fuite ; & l'Ambaſſadeur préfenta
de la part de Schah Thamas , au G. S. un
Bouclier , & un Candgiar ou Poignard de grande
valeur , une Bourfe de drap d'or cachetée , dont
on ne fçait pas le contenu & plufieurs piéces
d'Etoffe d'or , d'argent & de foye , d'un travail
recherché & curieux.
x
Le matin du 27. les Queues de Cheval furent
expofées dans les lieux ordinaires , comme au dehors
de la porte du Serrail du G.S. & de celui du
G. V. & des autres Pachas , deftinez pour aller à
cette guerre ; ces Queues qui font les Etendarts
des Turcs , confiftent en une longue Perche
plantée en terre , au haut de laquelle eft un
Pommeau doré,duquel pend une queue de Cheval.
Le 31 Juillet , les Queues de Cheval furent
portées publiquement & avec ceremonie , du Serrail
à l'Echelle de Baktche Kapouci, fur une Galere
que remorquoient plufieurs Mahones. La
marche fut réglée dans l'ordre fuivant. 40. Spahis
ou Cavaliers marchoient à la tête avec des Plumets,
portant des Armes à feu & des Sabres . 50. Tartares
venoient enfuite à Cheval , armez d'Arcs & de
Fléches ; 200 jeunes gens à Cheval marchoient
enfuite , portant des Piques , au haut defquelles
étoient des Banderolles un Officier des Janiffaires
, à pied , venoit après , portant une Queuë
de Cheval. Il étoit fuivi de 19 autres à Cheval
portant chacun une Queue , mais plus petites
que celle qui étoit portée par l'Officier à pied .
80. hommes marchoient enfuite , armez differemment
; ils compofoient la garde du G.V. qui
;
>
eft
NOVEMBRE . 1730. 2509.
eft Pacha à 3.Queues. On voyoit après 10.Chevaux
de main , tres -richement harnachez.
Le Kiaya ou Lieutenant duVifir , faivoit à Cheval
, entouré de plus de 40 Tchohadas ; il étoit
fuivi de 100 Itch Alagars , richement habillez ,
venoient enfuite 36 perfonnes à Cheval, fonnant
de la Trompette , & joüant du Timpanon , du
Tambour & d'autres Inftrumens Turcs . La Marche
étoit terminée par 40 Chameaux , chargez
des Pavillons des principaux Commandans . ,
Quand ils furent arrivez à l'Echelle de Baktche
Kapouci , le Kiaya s'étant embarqué fur la Galere
avec la garde du Vifir , les Queues de Cheval
, les Joueurs d'Inftrumens qui ne difcontinuoient
pas leur fanfarre , & les Tchohadais , il
paffa à Scurary , & fut falué à fon pailage de
plufieurs coups de Canons ; tout le refte de fa
fuite s'embarqua fur les Mahones.
Dans les journées précédentes on avoit ap
plani quelques Campagnes & brûlé quelques Vi
gnes entre Scutary & Calcedoine , pour y faire
camper l'armée. Le 2 du mois d'Aouft , on vit
pendant toute la journée un grand nombre de
Mahones,de Barqués & d'autres Bâtimens ,tranf
porter de Conftantinople au Camp de Scutari utk
grand nombre de Troupes , & le Camp fe forma
au delà du Serrail du G. S. à Calcedoine ,
heure de chemin de Scutary .
à une
Le G. S. étant arrivé au Camp le 3. du mois
d'Aouft , defcendit de Cheval à fon Pavillon Impérial
& pafla fur le foir dans fon Serrail , o
il avait été précédé de fon Harem ou Maifons
des Daines , qui y avoit été porté par 11.
Caïques , couverts de drap touge. On permit à
Ambaffadeur de Perfe d'aller voir cette marche
Scutary , d'où il retourna fur le champ dans
l'endroit où il eſt logé , toujours avec la même
Hy garde
2 506 MERCURE DE FRANCE
garde de Janiffaires ; quelques- uns des Miniftres
Etrangers allerent à Scutary , dans des maifons
particulieres pour voir paffer le G.S. & fon Cortege.
La Cour du G. S. fe tient dans le Camp
où font tous les Miniftres.
Le Caïmacam a déja commencé d'exercer fon
autorité à Conftantinople , & le Capitan Pacha
a fubftitué le Terfana Eminy pour exercer fon
autorité dans l'Arfenal. Les Miniftres des Princes
Etrangers ont fait faire compliment au G.V.
au Kiaya, au Reys Effendi, & ont fait auffi complimenter
le Capitan Pacha fur fa Charge de
Caimacan .
Le 8 d'Aouft , les Ambaffadeurs de Ragufe
avec une fuite de 8 perfonnes , allerent au Camp
baifer la Vefte au G. V. comme Rayas ou Tributaires
de la Porte , & en rapporterent trois
Caftans.
Le 12 , un des deux Vaiffeaux dont on a parlé,
destiné pour Alexandrette , partit de ce Port ,
chargé de munitions de guerre. L'Armée groffit
tous les jours , & il y arrive journellement une
grande quantité de Chameaux , de Chevaux & de
Mulets.
Nous fommes aujourd'hui au 15 du mois de
Sept. fans que l'on fçache encore fi l'Armée partira.
Le G.S. continue fon féjour dans le Serrail
du Scutary , & toute la Cour demeure au Camp.
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Résumé : LETTRE écrite de Constantinople le 15. Septembre 1730. sur l'état present des affaires de Perse.
En septembre 1730, Chah Thamas, roi de Perse et fils de Schah Huffein, rassembla une armée de 40 000 hommes pour affronter l'usurpateur Acheraf. Après plusieurs victoires, Acheraf, manquant de vivres et de troupes, se réfugia dans une forteresse près de Schiras. Chah Thamas entra triomphalement à Ispahan et captura Acheraf, qui fut exécuté à Schiras. L'armée perse reprit ensuite plusieurs provinces et villes, dont Chirvan, Couchon, Cassan, Sava, Cafbin, Ternan et Bender. Chah Sefy, frère de Chah Thamas, s'était évadé de prison et avait trouvé refuge chez un Arménien. Déguisé en muletier, il se rendit en Arabistan où il reçut le soutien des habitants pour défendre la province contre Acheraf. Soupçonné de vouloir s'emparer du pouvoir, Chah Sefy dut fuir et se réfugia à Bagdad, puis à Constantinople, où il reçut une pension et une garde. L'ambassadeur de Chah Thamas arriva à Scutari et fut conduit à Constantinople avec une escorte solennelle. Il rencontra le Grand Vizir et demanda la restitution des places et des esclaves perses. La Porte ottomane, informée des hostilités perses, se prépara à la guerre. L'ambassadeur fut placé sous garde et des préparatifs militaires furent entrepris à Constantinople, incluant la préparation de canons, de munitions et de navires de guerre. Le 25, l'ambassadeur de Perse fut reçu en audience par le Grand Seigneur (G.S.), qui lui offrit une veste fourrée de martre zibeline et distribua 16 caftans à des personnalités importantes. L'ambassadeur présenta au G.S. divers objets précieux. Le 27 et le 31 juillet, des cérémonies militaires eurent lieu à Constantinople, incluant des processions et des expositions d'étendards turcs. Des campagnes furent planifiées et des troupes furent transportées à Scutari. Le G.S. arriva au camp de Scutari le 3 août, précédé par son harem. L'ambassadeur de Perse observa la marche et retourna à son logement sous escorte. Des visites diplomatiques et des préparatifs militaires continuèrent, avec l'arrivée de nouveaux soldats et de munitions.
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8
p. 2509-2510
EXTRAIT d'une autre Lettre de Constantinople, du 20 Septembre 1730. sur les affaires de Perse.
Début :
Les Ordres ayant été envoyez de toutes parts pour rassembler & fortifier les Troupes, on [...]
Mots clefs :
Constantinople, Perse, Troupes
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une autre Lettre de Constantinople, du 20 Septembre 1730. sur les affaires de Perse.
EXTRAIT d'une autre Lettre de
Conftantinople , du 20 Septembre 1730 .
fur les affaires de Perfe.
Es Ordres ayant été envoyez de toutes parts
Lpour affembler & fortifier les Troupes , on
forma un Camp à Scutary. Le G. S. s'y rendit.
avec une pompe & une magnificence extraordinaire
; l'armée qui fe formoit dans ce Camp
devoit prendre la route d'Alep , fe fortifier en
chemin , & fe pofter fur la Frontiere de Perfe ,
du côté de Babilonne ; mais après avoir murement
confideré, qu'en prenant cette route on au.
roit à traverser depuis Urfa jufques à Ninive
ou Moffoul , un défert de vingt journées de
marche ; on varia fur cette premiere réſolution .
& on y renonça ; enfuite fur les nouvelles qu'on
eut que les Perfans s'étoient tournez du côté
de Tauris , qu'ils avoient enlevé cette place , de
même que celle de Kermanchah & ¿Ardebil ;
cela fit déterminer à préferer le chemin d'Erzerom
. On réfolut donc que le G. V. s'avanceroit
jufques à Tokat , prefque à moitié chemin de
Conftantinople à Erzeron ; qu'on feroit trans--
porter par la Mer Noire les Provifions de Guerre
& de Bouche à Samfon , Port de la Mer Noire
entre Frebizonde & Sinope..
20
Les chofes étant dans cette fituation , il arriva.
un Exprès de Perfe , qui rapportoit , comme on
l'affuroit,la ratification faite par Schah Tamas
du Traité conclu avec fon Ambaffadeur. Cette
nouvelle calma un peu les efprits , fans établir
pourtant une entiere confiance ; ce qui fit qu'on
réfolut d'envoyer dix mille Janiffaires du côté
d'Erzeron , fous le commandement du Zagardgi
Bachi , avec. ordre de prendre d'autres Trou-
2
pes
2510 MERCURE DE FRANCE
pes en chemin , pour fortifier les Garniſons de
Guendgé , d'Erivan , & de Tiflis , qui eft la
place la plus avancée , & la plus importante
pour les Turcs. Pendant qu'on prenoit ces réfolutions
à Conftantinople , les Troupes échapées
à la fureur du Perfan , après la Bataille de
Tauris , s'étoient raffemblées & avoient fait un
Chef , appellé Kutchuk Aly , lequel méditoit , à
ce qu'on crut, de fomenter une révolte générale ;
mais le Pacha d'Erzeron en ayant eu avis
marcha contre ces Troupes , les batit & les diffipa
. Le refte s'eft répandu en diverfes parties de
PAfie , où ils achevent de ruiner le peuple & de
détruire le pays par leurs brigandages. Quoique
ces gens là foient en quelque maniere diffipez , &
leur Chef tué , on ne laiffe pas de craindre dans
Conftantinople un fi dangereux exemple , & on a
exilé plufieurs Effendis , ou Gens de Loy , pour
avoir parlé avec trop de liberté fur l'état des affaires
préfentes.
Conftantinople , du 20 Septembre 1730 .
fur les affaires de Perfe.
Es Ordres ayant été envoyez de toutes parts
Lpour affembler & fortifier les Troupes , on
forma un Camp à Scutary. Le G. S. s'y rendit.
avec une pompe & une magnificence extraordinaire
; l'armée qui fe formoit dans ce Camp
devoit prendre la route d'Alep , fe fortifier en
chemin , & fe pofter fur la Frontiere de Perfe ,
du côté de Babilonne ; mais après avoir murement
confideré, qu'en prenant cette route on au.
roit à traverser depuis Urfa jufques à Ninive
ou Moffoul , un défert de vingt journées de
marche ; on varia fur cette premiere réſolution .
& on y renonça ; enfuite fur les nouvelles qu'on
eut que les Perfans s'étoient tournez du côté
de Tauris , qu'ils avoient enlevé cette place , de
même que celle de Kermanchah & ¿Ardebil ;
cela fit déterminer à préferer le chemin d'Erzerom
. On réfolut donc que le G. V. s'avanceroit
jufques à Tokat , prefque à moitié chemin de
Conftantinople à Erzeron ; qu'on feroit trans--
porter par la Mer Noire les Provifions de Guerre
& de Bouche à Samfon , Port de la Mer Noire
entre Frebizonde & Sinope..
20
Les chofes étant dans cette fituation , il arriva.
un Exprès de Perfe , qui rapportoit , comme on
l'affuroit,la ratification faite par Schah Tamas
du Traité conclu avec fon Ambaffadeur. Cette
nouvelle calma un peu les efprits , fans établir
pourtant une entiere confiance ; ce qui fit qu'on
réfolut d'envoyer dix mille Janiffaires du côté
d'Erzeron , fous le commandement du Zagardgi
Bachi , avec. ordre de prendre d'autres Trou-
2
pes
2510 MERCURE DE FRANCE
pes en chemin , pour fortifier les Garniſons de
Guendgé , d'Erivan , & de Tiflis , qui eft la
place la plus avancée , & la plus importante
pour les Turcs. Pendant qu'on prenoit ces réfolutions
à Conftantinople , les Troupes échapées
à la fureur du Perfan , après la Bataille de
Tauris , s'étoient raffemblées & avoient fait un
Chef , appellé Kutchuk Aly , lequel méditoit , à
ce qu'on crut, de fomenter une révolte générale ;
mais le Pacha d'Erzeron en ayant eu avis
marcha contre ces Troupes , les batit & les diffipa
. Le refte s'eft répandu en diverfes parties de
PAfie , où ils achevent de ruiner le peuple & de
détruire le pays par leurs brigandages. Quoique
ces gens là foient en quelque maniere diffipez , &
leur Chef tué , on ne laiffe pas de craindre dans
Conftantinople un fi dangereux exemple , & on a
exilé plufieurs Effendis , ou Gens de Loy , pour
avoir parlé avec trop de liberté fur l'état des affaires
préfentes.
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Résumé : EXTRAIT d'une autre Lettre de Constantinople, du 20 Septembre 1730. sur les affaires de Perse.
En septembre 1730, des ordres furent envoyés pour rassembler et renforcer les troupes à Scutary, où le Grand Sultan se rendit avec une grande pompe. L'armée devait initialement se diriger vers Alep, puis vers la frontière perse du côté de Babylone. Cependant, en raison d'un désert de vingt journées de marche entre Urfa et Mossoul, cette décision fut révisée. Les nouvelles de la prise des places de Tauris, Kermanchah et Ardabil par les Perses conduisirent à préférer la route d'Erzerum. Le Grand Vizir devait avancer jusqu'à Tokat, tandis que les provisions seraient transportées par la mer Noire à Samsun. La ratification par le Shah Tamas du traité conclu avec son ambassadeur calma légèrement les esprits à Constantinople, mais sans établir une confiance totale. Dix mille janissaires furent envoyés vers Erzerum sous le commandement du Zagardgi Bachi pour renforcer les garnisons de Guendgé, Erivan et Tiflis. Les troupes échappées après la bataille de Tauris se rassemblèrent sous la direction de Kutchuk Aly, qui envisageait une révolte. Le pacha d'Erzerum les battit et les dispersa. Les survivants se répandirent en diverses parties de l'Asie, continuant à ruiner le peuple et à détruire le pays. Malgré la dispersion de ces troupes, la crainte d'un exemple dangereux persista à Constantinople, entraînant l'exil de plusieurs effendis pour avoir parlé librement de l'état des affaires.
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9
p. 2953-2956
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople le 9. Octobre 1730. au sujet de la derniere Révolution arrivée dans cette Ville.
Début :
Je ne veux pas, Monsieur, vous laisser ignorer un Evenement aussi singulier qu'interessant, [...]
Mots clefs :
Hommes, Rebelles, Janissaires, Révolution
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople le 9. Octobre 1730. au sujet de la derniere Révolution arrivée dans cette Ville.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de
Conftantinople le 9. Octobre 1730 , au sujet
de la derniere Révolution arrivée dans
cette Ville.
JE
E ne veux pas , Monfieur , vous laiffer ignorer
un Evenement auffi fingulier qu'intereffant ,
dont nous venons d'être les témoins. Sur la fin
du mois dernier , les Janniffaires fe révolterent.
fous un Chef nommé Patrona , c'eft un homme
qui avoit dépensé tout fon petit argent à ſe ménager
un équipage pour fuivre l'Armée Turque ,
deftinée contre la Perfe ; voyant qu'elle ne partoit
point, il employa la derniere Piaftre qui lui reftoit
11. Vela
2954 MERCURE DE FRANCE
à l'achat d'un Mouton , dont il régala fes Camarades
, au nombre de 12. Janniffaires . Après le
Repas il leur dit : Vous venez de manger tout ce
qui me reftoit au monde , demain je n'aurai
pas de quoi payer une taffe de Caffé ; fi vous êtes
gens
à
vous procurer une meilleure fortune, il n'y
a qu'à m'aider à fecouer le joug. Le complot fut
à peine projetté , qu'il fut exccuté ; ces douze
convives fe répandirent dans la Ville , en criant
Liberté , & ils exciterent une fédition qui a eu
des fuites très-confiderables , comme vous allez
le voir.
Si le G. S. eût eu la prudence d'étouffer d'abord
cette émeute , ce qui étoit facile , il ne feroit pas
réduit à l'état où il eft aujourd'hui ; mais ayant
méprifé tous les avis qui lui furent donnez , il fe
contenta de quitter fon Serrail d'Afie , pour venir
occuper celui d'Europe , il s'y enferma avec quelques
Pieces de Canon & des munitions de bouche
& de guerre pour trois mois. A peine y fut-il
entré qu'il arbora le Pavillon Imperial, & promit
20. Piaftres à tous ceux qui viendroient ſe ranger
deffous.On étoit fi mécontent du Gouvernement,
que perfonne ne bougea.
Le lendemain les Janniffaires qui n'étoient pas
plus de 12. le jour précedent , furent renforcez
par les Rebelles qui quittoient l'Armée, & par la
populace qu'ils contraignirent d'entrer dans leur
parti , par des promeffes ou par de mauvais traitemens.
Quand les Mutins fe virent les maîtres , ils allerent
en tumulte à la porte du Serrail, demander
qu'on leur livrât le G. V. le Capitan Pacha & le
Kiaya; le Sultan eut la foibleffe de les faire étrangler
tous trois , & il envoya leurs corps aux Rebelles
, qui vinrent lui faire audacieuſement des
reproches de ce qu'il ne les leur avoit pas livrez
II. Vol. en
DECEMBRE. 1730. 2955
en vie, ajoutant que c'étoit à eux de les faire mourir.
Ils pendirent ces cadavres par les pieds , leur
firent mille indignitez & les abandonnerent enfin
aux chiens.
Le Mufti fut arrêté quelque temps après , on
lui donna la qualité de Pacha , pour effacer en
quelque maniere le caractere dont il étoit revêtu ,
on le décapita enfuite. Il n'eſt pas permis de faire
mourir un Mufti qu'il n'ait été auparavant dégradé.
Le nombre des Grands que les Rebelles ont
profcrit eft de 90. la plupart ont pris la fuite ;
mais on en arrête tous les jours quelqu'un , auquel
les Rebelles font fouffrir les plus cruels fupplices.
De la maniere dont ils s'y prennent , il n'y
a pas d'apparence qu'aucun puiffe échapper à leur
fureur. Enfin le 30. Septembre ils dépoferent le
G. S. qu'ils mirent en prifon , & ils éleverent fur
le Trône Sultan Mahmout , Prince de grande efperance,
& fous lequel on fe flate que les chofes
prendront une meilleure face .
Il faut avouer que le Sultan dépofé s'eſt attiré
lui-même fa difgrace par le peu de part qu'il prenoit
au Gouvernement , duquel il fe repofoit entierement
fur le G. V. celui- cy en faifoit autant
à l'égard de fon Kiaya , qui étoit l'homme du
monde le plus méchant. Les autres Seigneurs
fuivoient , à l'envi , l'exemple du Maître.
&
On dit que Patrona , Chef de la Revolte , veut
obliger le nouvel Empereur à demeurer à Andrinople
, & de faire la guerre aux Chrétiens ,
qu'en attendant il lui fait dire de demeurer tranquille
& de le laiffer faire. Enfin cet homme qui
n'avoit pas le fol il y a 8. jours , eft aujoud'hui
le Maître à Conftantinople ; il eſt monté fur un
Cheval de mille Piaftres,& jette les Sequins à pleiges
mains. Il fit hier un Capitan Pacha, & il vient
II. Vol.
2956 MERCURE DE FRANCE
aujourd'hui de lui faire couper la tête : il a faiɛ
auffi un G. V. mais il le menace de le faire
mourir , s'il ne lui trouve dans trois jours un
certain homme qu'il lui demande. On dit qu'on.
a trouvé trente-cinq millions dans les Coffres du
Capitan Pacha.
Conftantinople le 9. Octobre 1730 , au sujet
de la derniere Révolution arrivée dans
cette Ville.
JE
E ne veux pas , Monfieur , vous laiffer ignorer
un Evenement auffi fingulier qu'intereffant ,
dont nous venons d'être les témoins. Sur la fin
du mois dernier , les Janniffaires fe révolterent.
fous un Chef nommé Patrona , c'eft un homme
qui avoit dépensé tout fon petit argent à ſe ménager
un équipage pour fuivre l'Armée Turque ,
deftinée contre la Perfe ; voyant qu'elle ne partoit
point, il employa la derniere Piaftre qui lui reftoit
11. Vela
2954 MERCURE DE FRANCE
à l'achat d'un Mouton , dont il régala fes Camarades
, au nombre de 12. Janniffaires . Après le
Repas il leur dit : Vous venez de manger tout ce
qui me reftoit au monde , demain je n'aurai
pas de quoi payer une taffe de Caffé ; fi vous êtes
gens
à
vous procurer une meilleure fortune, il n'y
a qu'à m'aider à fecouer le joug. Le complot fut
à peine projetté , qu'il fut exccuté ; ces douze
convives fe répandirent dans la Ville , en criant
Liberté , & ils exciterent une fédition qui a eu
des fuites très-confiderables , comme vous allez
le voir.
Si le G. S. eût eu la prudence d'étouffer d'abord
cette émeute , ce qui étoit facile , il ne feroit pas
réduit à l'état où il eft aujourd'hui ; mais ayant
méprifé tous les avis qui lui furent donnez , il fe
contenta de quitter fon Serrail d'Afie , pour venir
occuper celui d'Europe , il s'y enferma avec quelques
Pieces de Canon & des munitions de bouche
& de guerre pour trois mois. A peine y fut-il
entré qu'il arbora le Pavillon Imperial, & promit
20. Piaftres à tous ceux qui viendroient ſe ranger
deffous.On étoit fi mécontent du Gouvernement,
que perfonne ne bougea.
Le lendemain les Janniffaires qui n'étoient pas
plus de 12. le jour précedent , furent renforcez
par les Rebelles qui quittoient l'Armée, & par la
populace qu'ils contraignirent d'entrer dans leur
parti , par des promeffes ou par de mauvais traitemens.
Quand les Mutins fe virent les maîtres , ils allerent
en tumulte à la porte du Serrail, demander
qu'on leur livrât le G. V. le Capitan Pacha & le
Kiaya; le Sultan eut la foibleffe de les faire étrangler
tous trois , & il envoya leurs corps aux Rebelles
, qui vinrent lui faire audacieuſement des
reproches de ce qu'il ne les leur avoit pas livrez
II. Vol. en
DECEMBRE. 1730. 2955
en vie, ajoutant que c'étoit à eux de les faire mourir.
Ils pendirent ces cadavres par les pieds , leur
firent mille indignitez & les abandonnerent enfin
aux chiens.
Le Mufti fut arrêté quelque temps après , on
lui donna la qualité de Pacha , pour effacer en
quelque maniere le caractere dont il étoit revêtu ,
on le décapita enfuite. Il n'eſt pas permis de faire
mourir un Mufti qu'il n'ait été auparavant dégradé.
Le nombre des Grands que les Rebelles ont
profcrit eft de 90. la plupart ont pris la fuite ;
mais on en arrête tous les jours quelqu'un , auquel
les Rebelles font fouffrir les plus cruels fupplices.
De la maniere dont ils s'y prennent , il n'y
a pas d'apparence qu'aucun puiffe échapper à leur
fureur. Enfin le 30. Septembre ils dépoferent le
G. S. qu'ils mirent en prifon , & ils éleverent fur
le Trône Sultan Mahmout , Prince de grande efperance,
& fous lequel on fe flate que les chofes
prendront une meilleure face .
Il faut avouer que le Sultan dépofé s'eſt attiré
lui-même fa difgrace par le peu de part qu'il prenoit
au Gouvernement , duquel il fe repofoit entierement
fur le G. V. celui- cy en faifoit autant
à l'égard de fon Kiaya , qui étoit l'homme du
monde le plus méchant. Les autres Seigneurs
fuivoient , à l'envi , l'exemple du Maître.
&
On dit que Patrona , Chef de la Revolte , veut
obliger le nouvel Empereur à demeurer à Andrinople
, & de faire la guerre aux Chrétiens ,
qu'en attendant il lui fait dire de demeurer tranquille
& de le laiffer faire. Enfin cet homme qui
n'avoit pas le fol il y a 8. jours , eft aujoud'hui
le Maître à Conftantinople ; il eſt monté fur un
Cheval de mille Piaftres,& jette les Sequins à pleiges
mains. Il fit hier un Capitan Pacha, & il vient
II. Vol.
2956 MERCURE DE FRANCE
aujourd'hui de lui faire couper la tête : il a faiɛ
auffi un G. V. mais il le menace de le faire
mourir , s'il ne lui trouve dans trois jours un
certain homme qu'il lui demande. On dit qu'on.
a trouvé trente-cinq millions dans les Coffres du
Capitan Pacha.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople le 9. Octobre 1730. au sujet de la derniere Révolution arrivée dans cette Ville.
Le 9 octobre 1730, une révolte éclata à Constantinople, menée par un homme nommé Patrona. Après avoir partagé un repas avec douze camarades, Patrona les incita à se révolter contre le gouvernement en criant 'Liberté'. Cette sédition se propagea rapidement dans la ville. Le Grand Vizir (G. V.) tenta de réprimer la révolte mais se réfugia dans le Serrail d'Europe avec des munitions, offrant 20 piastres à ses soutiens sans succès. Le lendemain, les rebelles, renforcés par des déserteurs et la populace, demandèrent la livraison du G. V., du Capitan Pacha et du Kiaya. Le Sultan ordonna leur exécution, mais les rebelles pendirent leurs cadavres et les abandonnèrent aux chiens. Le Mufti fut arrêté, dégradé et décapité. Les rebelles poursuivirent et exécutèrent cruellement de nombreux Grands. Le 30 septembre, ils déposèrent le Sultan, jugé indifférent au gouvernement, et le remplacèrent par Sultan Mahmout. Patrona, chef de la révolte, chercha à influencer le nouvel Empereur, accumulant richesse et pouvoir. Il nomma et exécuta des hauts fonctionnaires à sa guise. On découvrit également trente-cinq millions dans les coffres du Capitan Pacha.
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10
p. 1364-1373
EXTRAIT d'une Lettre de Constantinople du 7. Avril 1731.
Début :
La nuit du 24. au 25. Mars 200. Janissaires allerent enfoncer la maison du Janissaire [...]
Mots clefs :
Constantinople, Janissaires, Rebelles, Aga, Révolte
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre de Constantinople du 7. Avril 1731.
EXTRAIT d'une Lettre de Constantinople '
du 7. Avril 1731.
LA
A nuit du 24. au 25. Mars 200. Janissaires
allerent enfoncer la maison du Janissaire
Aga , et voulurent en enlever les Marmites pour
lés porter dans la Place d'Atmeiaan , où les Ja
nissaires s'assemblent ordinairement lorsqu'ils
veulent exciter quelque révolte. Le Janissaire
Aga s'y étant opposé reçut un coup de Fusil au
bras , et sa maison fut entierement pillée , il eut
cependant le bonheur de se sauver par la porte
de son Jardin et de se rendre au Serrail : il rendit.
compte au G. S. de ce qui venoit de lui arriver.
On fit appeller sur le champ le Grand Vizir ,
le Mufti , le Capitan Pacha , et quelques uns des
principaux Effendis , pour déliberer sur le parti
qu'on avoit à prendre. Il fut resolu de rassembler
le plus de Monde qu'on pourroit , et d'aller atta
quer les Rébelles à l'Atmeydan dès qu'il seroit
jour , pour n'en pas laisser grossir le nombre ,.
et d'y faire porter l'Etendart de Mahomet ; la
chose fut éxécutée, on forma deux Corps , dont
l'un étoit commandé par le G. Vizir , suivi du
Janissaire Aga , quoique blessé , et l'autre étoit
sous les ordres du Capitan Pacha ; ils rencontre
rent dans les rues quantité de Gens armés qui
alloient se joindre aux Rebelles , dont la plûpart:
furent tués , ils trouverent dans la Place de l'At
meydan , où ils se rendirent par deux differens.
I. Vol. endroits,
JUIN. 1731. 1365
endroirs , soo. hommes armés , avec quelques.
Etendarts déployés , qui firent d'abord assés de
résistance , mais qui furent contraints de ceder.
La plupart furent massacrés ; on en saisit une
soixantaine que l'on conduisit au Serrail pour dé
couvrir les motifs , et les Chefs de la Rebellion ,
et quelques- uns furent assés heureux pour se sau
ver. Depuis les Caffés , les Bains , et les autres
Lieux publics ont été fermés .
Le G.V. n'a point tenu de Divan hier ni aujour
d'hui ; il n'estoccupé qu'à faire des rondes dans la
Ville,et à en faire faire par le Janissaire Aga, et par
les autres principaux Officiers des differens Corps de
Milice qui arrêtent et font étrangler sur le champ
tous ceux qu'on soupçonne avoir eu part à la ré
volte. On assure que quoyqu'il ne se soit trouvé
que quatre ou cinq cens révoltés dans la Place
d'Atmeydan , il y en avoit plus de 3000 autres.
dispersés dans plusieurs endroits de Constanti
nople , avec des Drapeaux pour assembler du
monde et grossir leur Troupe.
Ils avoient aussi mis le feu en trois diff. rens quar
tiers de la Vilie,dans la vue que le G.V.er les autres
Ministres étant occupés à le faire éteindre , ils trou
veroient moins d'obstacles à l'execution de leur
projet. Il est certain que si l'on eût tardé trois heu
res de plus à dissiper les Rébelles , ils auroient été
les Maîtres de Constantinople , et qu'ils auroient
fait les mêmes changemens , et beaucoup plus de
désordre que lors de la premiere révolte ; il étoit
même à craindre qu'on n'eût pas eu les mêmes.
égards pour nous , par la raison que quoique la
sédition n'ait duré que dépuis la pointe du jour
jusqu'à neufheures du matin , il y a eu beancoup
de Grecs , d'Arméniens et de Juifs qui ont été
insultés et volés , et que depuis l'autre révolution,,
I. Vol.
il
2366 MERCURE DE FRANCE
il s'est rassemblé dans cette Capitale une infini
té d'Asiatiques , tous voleurs et assassins ; et
qu'ils ne s'y sont établis que dans l'Esperance
d'y trouver quelque conjoncture à pouvoir met
tre leurs talens à profit ; s'il en faut croire les
bruits publics , ce sont les Partisans d'Achmet
III. qui avoient tramé cette révolte.
Les particularitez suivantes sont tirées de plu
sieurs Lettres.
Le 24. Mars , quelques Dgebedgis , ou Soldats
d'Artillerie , s'étant trouvez dans un Caffé , s'en
tretenoient en fumant, de l'état présent du Gou
vernement. Plusieurs d'entr'eux se plaignoient de
ce qu'on n'avoit pas encore distribué les 25. Pias
tres qu'on a coûtume de donner à chaque Sol
dat à l'avenement au Trône d'un nouveau Sul
tan ; d'autres témoignoient leur mécontentement
de ce que nonobstant le changement de Minis
tere, on n'avoit pas encore remedié à la disette et à
la cherté des vivres , ce qui avoit été le but de la
précedente Révolte . Après plusieurs discours de
cette nature , ils sortirent sur les 9. heures du
soir du Caffé , fort animez ; et ayant été joints
par un grand nombre de leurs Compagnons , ils
s'amuserent ensemble et allerent vers les dix heu
res piller la maison de l'Aga des Janissaires , où
ils firent un butin considerable , tant en argent
comptant , qu'en bijoux.
; L'Aga eut le bonheur de se sauver le Grand
Visir ayant appris par le Lieutenant de l'Aga ,
la nouvelle de cette révolte , se rendit d'abord au
Serrail, et envoya ordre auCapitan PachaDgianum
Codgia , de se rendre en toute diligence auprès
de lui , et d'amener autant de monde qu'il pour
roit ; ce que celui cy executa : pendant ce tems
Lâ les soulevez , dont le nombre s'étoit accrû jus
Is Vola
qu'à
JUIN. 1731 1367
qu'à 3000. hommes , se rendirent dans la Place ,
nommée Atmeïdan , où ils arborerent le Pavillon
et y passerent la nuit . Le lendemain de grand
matin le G. V. et l'Aga des Janissaires sortirent
du Serrail, à la tête des Ichoglans , et autres Do
mestiques du Serrail , suivis du Capitan Pacha ,
à la tête de ses Gens de Mer , précedez par le
Sangiac-Scherif, portant l'Etendart de Mahomet,
et ils allerent attaquer les Rebelles , qui , quoique
surpris , firent d'abord feu sur eux sans respecter
l'Etendart du Prophete , et obligerent d'abord les
Ichoglans à reculer , mais ceux- cy ranimezpar
ceux qui les suivoient , attaquerent de nouveau
les Rebelles avec tant d'ardeur , qu'après une le
gere résistance , ils furent mis en fuite ; plusieurs
furent tuez sur la place et les autres dispersez , en
sorte qu'à dix heures du matin tout étoit aussi
tranquille qu'avant la Révolte ..
Le Grand Seigneur avoit d'abord voulu mar
cher en personne contre les Rebelles , mais il en
fut détourné par Dgianum Codgia. S. H. a fair
present à ce dernier et au G. V. d'une Fourure de
Martre Zibeline très- riche , en consideration du
service qu'ils venoient de lui rendre , d'autant
plus important , que les Rebelles avoient déja
proclamé le vieux Sultan .
L'Aga des Janissaires , voyant qu'il n'étoit pas
aimé de ce Corps , a demandé la permission au
G.S. de se retirer , qui la lui a accordée . Dgianum
Codgia a aussi jugé à propos par le même motif
de se retirer sur les Vaisseaux de guerre.
Sur le bruit qui s'étoit répandu que la veuve
du dernier G. V. fille du Sultan déposé , avoir
fomenté cette Révolte , elle fut d'abord enfermée
dans le Serrail , mais son innocence
été re
ayant
connuë , elle a été remise en liberté ; mais on as--,
1
1. Vol
Surc
1358 MERCURE DE FRANCE
sure qu'elle a été arrêtée une seconde fois , sur
ce qu'on a découvert qu'elle avoit promis 20000.
Bourses de cent Reaux chacune aux Janissaires
mécontens qui remettroient le Sultan son pere
sur le Trône.
Le G. S. a , dit-on , obligé depuis le Mufti à
prononcer une Sentence de mort contre son Pré
decesseur , qui a été arrêté dans un Village â
quelques lieues de Constantinople , où il se tenoit
Caché.
Le Capitan Pacha Dgianum- Codgia , n'étant
pas en sureté depuis qu'il a opiné dans le Divan
en faveur de la Paix avec les Princes Chrétiens
a obtenu de S. H. une Garde de Janissaires qui
doivent l'accompagner , même dans le voyage
qu'il fera dans les principales Iles de l'Archipel.
Le G. V. a été d'avis contraire ; et ayant propo
sé de faire la Paix avec les Persans , et d'occuper
les Janissaires et les autres Milices à une guerre
avec les Princes Chrétiens , il demande à S. H. de
l'exiler en Egypte , si son avis ne lui étoit pas
agréable. Depuis ce Divan on a dépêché trois
Couriers en Perse , pour porter , à ce qu'on croit,
des pleins pouvoirs aux Generaux Turcs , afin de
terminer un accommodement avec le Roi de
Perse.
Une autre Lettre de Constantinople porte que
la même nuit du 2 5. Mars , une troupe de Revol
tez qu'on fait monter environ à 4000. hommes ,
après avoir couru tumultuairement les ruës , en
foncerent les portes de la maison du Janissaire
Aga , et la pillerent ; après quoi ils allerent dans
les chambres des Janissaires , enleverent leurs
Marmites , ustanciles et leurs Etendarts , qu'ils
porterent à l'Atmeïdan , principale Place de Cons
tantinople.
1. Vol. Ce
JUIN. 1731 .
1369
Ce desordre saisit de crainte tous les habitans,
et la terreur atigmentoit par les cris des Révoltez
qui couroient dans tous les Quartiers , disant qu'on
eut à se rendre à l'Atmeïdan , où ils devoient ,
disoient - ils , prendre des mesures pour réformer
de nouveau le Gouvernement , et détrôner le Sul
tan Mahmoud, qui étoit déchû de la Souveraine
té du moment qu'il avoit fait massacrer et jetter
à la voirie l'Aga Patrona -Kalil et ses Camarades ;
qu'un pareil exemple étoit inoui et entierement
contraire au Kanoun ou Ordonnance de Sultan
Soliman II. Beaucoup de monde se joignit à ces
sédicieux , ce qui grossit considerablement la
troupe qui se formoit à l'Atmeidan , où lon com
mençoit à dresser des Tentes.
Cependant le G. V. le Mufti , Dgianum Cod
gia , Capitan - Pacha , et tous les Grands Officiers
de l'Empire , de même que les Gens de Loi- , se
rendirent au Serrail , auprès du G. S. où il fut
résolu qu'on exposeroit l'Etendart du Prophete ,
et que tout le Peuple seroit invité de courir à sa
defense . Le Mufti donna aussi -tôt une Sentence
par laquelle les Rebelles étoient déclarez infideles
et traîtres , et que tout bon Musulman ou vrai
Croyant devoit sacrifier sa vie pour la conserva
tion du Sultan Mahmoud , leur legitime Souve
rain. On promit aussi à chacun de ceux qui
apporteroient quelque tête des Rebelles , des ré
compenses proportionnées au service qu'il auroit
rendu dans cette occasion . En même -tems le
Defterdar our Grand - Trésorier , fit porter du
Trésor Imperial , quantité de sacs d'or et d'ar
gent à la Porte du Serrail et se mit en devoir de
disrribuer cent Piastres à chacun de ceux qui ap
porteroient quelque tête .
Cette disposition ainsi faite , le G. S. remit la
1. Vol.
fameuse
1370 MERCURE, DE FRANCE
fameuse Banniere entre les mains du G. V. et ce
Fui- ci la remit à un Kapigi- Bachi . Ensuite ce pre
mier Ministre s'étant mis à la tête de la Maison
de S. H. et de la sienne , et le Capitan- Pacha , à
la tête de 400. Leventis , on fit ouvrir les Portes
du Serrail , et en marcha en bon ordre à la Place
d'Atmeïdan.
•
Le Peuple n'eut pas plutôt appris qu'on devoit
faire sortir l'Etendart de Mahometh , qu'on s'em
pressa , à l'envi, pour le venir deffendre, et l'affluence
fut si grande en très - peu de tems , qu'on ne pou
voit qu'à peine se remuer dans les rues . Les To
pigis , Dgebedgis et même les Janissaires , qui
un moment auparavant étoient eux- mêmes du
nombre des Rebelles , vinrent aussi se rendre sous
PEtendart du Prophete.
Le G. V. marchant fierement , s'avança avec
tout son Cortege jusques à l'Atmeïdan ; près d'y
arriver il fit une petite alte et continua sa marche
par la même rue qui aboutit à une des Portes de
cette Place,mais Dgianum Codgia avec ses Léven
tis , se détacha et prit par une autre ruë qui abou
tit à une autre Porte de la même Place.
Non-seulement les Rebelles firent bonne con
tenance , mais ils attaquerent courageusement
les Troupes du Visir et du Capitan - Pacha , et ils
firent tous leurs efforts pour se saisir de l'Eten
dart ; mais obligez de plier , ils furent mis en dé
route en même tems le G. V. étant entré
dans la Place par un côté et le Capitan - Pacha
un autre , ils firent main basse sur tous ceux qui
s'y trouverent ; qui n'étoient pas , à la verité ,
si grand nombre , parce que la plupart des Ré
voltez eurent le tems de se sauver dans les Cazer
nes des Janissaires , qui sont joignant cette Place.
Les autres ayant pris la fuite par diverses ruës
par
en
;
I. Vol. · le
JUI N. 1731. 1371
le G. V. les fit poursuivre sans perte de tems , & c,
Peu de tems après on vit un spectacle bien ter
rible dans la Place qui est devant la porte du Ser
rail , où le Tefterdar s'étoit placé , prêt à don
ner cent écus pour chaque tête de Ribelle qu'on
lui apporteroit ; en moins de deux heures de tems
on lui en apporta de tous côtez une quantité si
prodigieuse , que cela fit croire avec raison , que
quantité d'innocens étoient péris dans cette mal
heureuse journée ; car les Bostangis et les Leven
tis , plus empressez à gagner cent Piastres , qu'on
donnoit pour chaque tête , qu'à punir les Re
belles , assommoient les premiers venus et ceux
qui étoient les plus sans deffense . On assure qu'un
Eunuque , favori du Sultan , apporta lui seul neuf
têtes , et qu'il fut largement récompensé.
On prétend que cette derniere Révolte a été
suscitée par les Créatures du Sultan Achmet , et
ce bruit se fortifie d'autant plus , qu'on a appris
que les Sultanes , filles de ce Prince , mariées
a Ibrahim Pacha , dernier G V. et à son fils , qui
étoient libres dans leurs Palais depuis le malheur
arrivé à leurs Maris , viennent d'être étroitement
enfermées dans le Serrail .
Pour les principaux Chefs de cette Rebellion ,
ce sont des gens de la lie du peuple , dons les noms
auroient pû devenir aussi fameux que ceux de Pa
trona et de Mousloub , si leur audacieuse témeri
té avoit éte suivie d'un plus heureux succès. Par
mi ceux qui ont le plus contribué à l'arrêter et à
faire punir les coupables , on parle du fameux
Dgianum Codgia qui a agi de la tête et de la main
avec toute la prudence et la valeur imaginable ,
ainsi qu'il avoit fait dans la premiere Révolte.
Depuis le Dimanche 25. Mars , chaque jour
est marqué par quelque exécution publique , ou
Le Vol.
H particu
1372 MERCURE DE FRANCE
particuliere. La quantité de gens qu'on fait périr
est incroyable. Il suffit de n'avoir pas une phi
fionomie heureuse , pour être proscrit et perdre
la vie ; séverité , sans doute , bien nécessaire dans
une conjoncture aussi délicate ; mais aussi il y a
de l'excès.
On a chassé et banni de Constantinople tous
les Arnaouds et Albanois , qui étoient devenus
trés - insolens , dépuis que leur Compatriotte Pa
zrona , les favorisant en toutes choses pendant
la premiere révolte , les avoit mis sur un pied
d'aisance pour lequel ils n'étoient pas nés..
On assure qu'on va aussi chasser les Las ,
Peuples originaires des Côtes de la Mer Noire
prés de Trébisonde , établis à Constantinople.
On prétend que ce sont eux qui ont pillé tout le
Besestin des Ispahis, et qui ont fait la plupart des
autres vols , qui sont très considerables.
Pour nous , nous en avons été quitte pour quel
ques allarmes ; mais je doute que c'eût été à si
bon marché , si la sédition n'avoit pas été assou
pie dans son commencement. Il seroit difficile
de pouvoir dire le nombre des morts , du jour
de la grande expédition . Le G. Vizir perdit quel
ques Agas , et plusieurs des siens furent blessez .
Il courut grand risque lui - même ; car un des
Rebelles qui avoit trouvé le moyen de s'appro
cher de sa Personne , alloit luy tirer un coup
de Pistolet presque à bout portant , lorsque son
favori Mustapha Aga , le prévint et lui abatit le
bras d'un coup de Sabre,ce qui garantit le G. V.
Mais le Rebelle , doublement outré de désespoir
d'avoir manqué son coup , et de voir son bras
droit par terre , tira de sa main gauche un Poi
gnard qu'il avoit à sa ceinture , et s'élançant sur
Mustapha , le lui plongea dans le coeur , et le fit
IVsi
somber
JUI N. 1731.
1373
tomber mort à ses pieds : ce malheureux fut
massacré et mis en pieces sur le moment.
du 7. Avril 1731.
LA
A nuit du 24. au 25. Mars 200. Janissaires
allerent enfoncer la maison du Janissaire
Aga , et voulurent en enlever les Marmites pour
lés porter dans la Place d'Atmeiaan , où les Ja
nissaires s'assemblent ordinairement lorsqu'ils
veulent exciter quelque révolte. Le Janissaire
Aga s'y étant opposé reçut un coup de Fusil au
bras , et sa maison fut entierement pillée , il eut
cependant le bonheur de se sauver par la porte
de son Jardin et de se rendre au Serrail : il rendit.
compte au G. S. de ce qui venoit de lui arriver.
On fit appeller sur le champ le Grand Vizir ,
le Mufti , le Capitan Pacha , et quelques uns des
principaux Effendis , pour déliberer sur le parti
qu'on avoit à prendre. Il fut resolu de rassembler
le plus de Monde qu'on pourroit , et d'aller atta
quer les Rébelles à l'Atmeydan dès qu'il seroit
jour , pour n'en pas laisser grossir le nombre ,.
et d'y faire porter l'Etendart de Mahomet ; la
chose fut éxécutée, on forma deux Corps , dont
l'un étoit commandé par le G. Vizir , suivi du
Janissaire Aga , quoique blessé , et l'autre étoit
sous les ordres du Capitan Pacha ; ils rencontre
rent dans les rues quantité de Gens armés qui
alloient se joindre aux Rebelles , dont la plûpart:
furent tués , ils trouverent dans la Place de l'At
meydan , où ils se rendirent par deux differens.
I. Vol. endroits,
JUIN. 1731. 1365
endroirs , soo. hommes armés , avec quelques.
Etendarts déployés , qui firent d'abord assés de
résistance , mais qui furent contraints de ceder.
La plupart furent massacrés ; on en saisit une
soixantaine que l'on conduisit au Serrail pour dé
couvrir les motifs , et les Chefs de la Rebellion ,
et quelques- uns furent assés heureux pour se sau
ver. Depuis les Caffés , les Bains , et les autres
Lieux publics ont été fermés .
Le G.V. n'a point tenu de Divan hier ni aujour
d'hui ; il n'estoccupé qu'à faire des rondes dans la
Ville,et à en faire faire par le Janissaire Aga, et par
les autres principaux Officiers des differens Corps de
Milice qui arrêtent et font étrangler sur le champ
tous ceux qu'on soupçonne avoir eu part à la ré
volte. On assure que quoyqu'il ne se soit trouvé
que quatre ou cinq cens révoltés dans la Place
d'Atmeydan , il y en avoit plus de 3000 autres.
dispersés dans plusieurs endroits de Constanti
nople , avec des Drapeaux pour assembler du
monde et grossir leur Troupe.
Ils avoient aussi mis le feu en trois diff. rens quar
tiers de la Vilie,dans la vue que le G.V.er les autres
Ministres étant occupés à le faire éteindre , ils trou
veroient moins d'obstacles à l'execution de leur
projet. Il est certain que si l'on eût tardé trois heu
res de plus à dissiper les Rébelles , ils auroient été
les Maîtres de Constantinople , et qu'ils auroient
fait les mêmes changemens , et beaucoup plus de
désordre que lors de la premiere révolte ; il étoit
même à craindre qu'on n'eût pas eu les mêmes.
égards pour nous , par la raison que quoique la
sédition n'ait duré que dépuis la pointe du jour
jusqu'à neufheures du matin , il y a eu beancoup
de Grecs , d'Arméniens et de Juifs qui ont été
insultés et volés , et que depuis l'autre révolution,,
I. Vol.
il
2366 MERCURE DE FRANCE
il s'est rassemblé dans cette Capitale une infini
té d'Asiatiques , tous voleurs et assassins ; et
qu'ils ne s'y sont établis que dans l'Esperance
d'y trouver quelque conjoncture à pouvoir met
tre leurs talens à profit ; s'il en faut croire les
bruits publics , ce sont les Partisans d'Achmet
III. qui avoient tramé cette révolte.
Les particularitez suivantes sont tirées de plu
sieurs Lettres.
Le 24. Mars , quelques Dgebedgis , ou Soldats
d'Artillerie , s'étant trouvez dans un Caffé , s'en
tretenoient en fumant, de l'état présent du Gou
vernement. Plusieurs d'entr'eux se plaignoient de
ce qu'on n'avoit pas encore distribué les 25. Pias
tres qu'on a coûtume de donner à chaque Sol
dat à l'avenement au Trône d'un nouveau Sul
tan ; d'autres témoignoient leur mécontentement
de ce que nonobstant le changement de Minis
tere, on n'avoit pas encore remedié à la disette et à
la cherté des vivres , ce qui avoit été le but de la
précedente Révolte . Après plusieurs discours de
cette nature , ils sortirent sur les 9. heures du
soir du Caffé , fort animez ; et ayant été joints
par un grand nombre de leurs Compagnons , ils
s'amuserent ensemble et allerent vers les dix heu
res piller la maison de l'Aga des Janissaires , où
ils firent un butin considerable , tant en argent
comptant , qu'en bijoux.
; L'Aga eut le bonheur de se sauver le Grand
Visir ayant appris par le Lieutenant de l'Aga ,
la nouvelle de cette révolte , se rendit d'abord au
Serrail, et envoya ordre auCapitan PachaDgianum
Codgia , de se rendre en toute diligence auprès
de lui , et d'amener autant de monde qu'il pour
roit ; ce que celui cy executa : pendant ce tems
Lâ les soulevez , dont le nombre s'étoit accrû jus
Is Vola
qu'à
JUIN. 1731 1367
qu'à 3000. hommes , se rendirent dans la Place ,
nommée Atmeïdan , où ils arborerent le Pavillon
et y passerent la nuit . Le lendemain de grand
matin le G. V. et l'Aga des Janissaires sortirent
du Serrail, à la tête des Ichoglans , et autres Do
mestiques du Serrail , suivis du Capitan Pacha ,
à la tête de ses Gens de Mer , précedez par le
Sangiac-Scherif, portant l'Etendart de Mahomet,
et ils allerent attaquer les Rebelles , qui , quoique
surpris , firent d'abord feu sur eux sans respecter
l'Etendart du Prophete , et obligerent d'abord les
Ichoglans à reculer , mais ceux- cy ranimezpar
ceux qui les suivoient , attaquerent de nouveau
les Rebelles avec tant d'ardeur , qu'après une le
gere résistance , ils furent mis en fuite ; plusieurs
furent tuez sur la place et les autres dispersez , en
sorte qu'à dix heures du matin tout étoit aussi
tranquille qu'avant la Révolte ..
Le Grand Seigneur avoit d'abord voulu mar
cher en personne contre les Rebelles , mais il en
fut détourné par Dgianum Codgia. S. H. a fair
present à ce dernier et au G. V. d'une Fourure de
Martre Zibeline très- riche , en consideration du
service qu'ils venoient de lui rendre , d'autant
plus important , que les Rebelles avoient déja
proclamé le vieux Sultan .
L'Aga des Janissaires , voyant qu'il n'étoit pas
aimé de ce Corps , a demandé la permission au
G.S. de se retirer , qui la lui a accordée . Dgianum
Codgia a aussi jugé à propos par le même motif
de se retirer sur les Vaisseaux de guerre.
Sur le bruit qui s'étoit répandu que la veuve
du dernier G. V. fille du Sultan déposé , avoir
fomenté cette Révolte , elle fut d'abord enfermée
dans le Serrail , mais son innocence
été re
ayant
connuë , elle a été remise en liberté ; mais on as--,
1
1. Vol
Surc
1358 MERCURE DE FRANCE
sure qu'elle a été arrêtée une seconde fois , sur
ce qu'on a découvert qu'elle avoit promis 20000.
Bourses de cent Reaux chacune aux Janissaires
mécontens qui remettroient le Sultan son pere
sur le Trône.
Le G. S. a , dit-on , obligé depuis le Mufti à
prononcer une Sentence de mort contre son Pré
decesseur , qui a été arrêté dans un Village â
quelques lieues de Constantinople , où il se tenoit
Caché.
Le Capitan Pacha Dgianum- Codgia , n'étant
pas en sureté depuis qu'il a opiné dans le Divan
en faveur de la Paix avec les Princes Chrétiens
a obtenu de S. H. une Garde de Janissaires qui
doivent l'accompagner , même dans le voyage
qu'il fera dans les principales Iles de l'Archipel.
Le G. V. a été d'avis contraire ; et ayant propo
sé de faire la Paix avec les Persans , et d'occuper
les Janissaires et les autres Milices à une guerre
avec les Princes Chrétiens , il demande à S. H. de
l'exiler en Egypte , si son avis ne lui étoit pas
agréable. Depuis ce Divan on a dépêché trois
Couriers en Perse , pour porter , à ce qu'on croit,
des pleins pouvoirs aux Generaux Turcs , afin de
terminer un accommodement avec le Roi de
Perse.
Une autre Lettre de Constantinople porte que
la même nuit du 2 5. Mars , une troupe de Revol
tez qu'on fait monter environ à 4000. hommes ,
après avoir couru tumultuairement les ruës , en
foncerent les portes de la maison du Janissaire
Aga , et la pillerent ; après quoi ils allerent dans
les chambres des Janissaires , enleverent leurs
Marmites , ustanciles et leurs Etendarts , qu'ils
porterent à l'Atmeïdan , principale Place de Cons
tantinople.
1. Vol. Ce
JUIN. 1731 .
1369
Ce desordre saisit de crainte tous les habitans,
et la terreur atigmentoit par les cris des Révoltez
qui couroient dans tous les Quartiers , disant qu'on
eut à se rendre à l'Atmeïdan , où ils devoient ,
disoient - ils , prendre des mesures pour réformer
de nouveau le Gouvernement , et détrôner le Sul
tan Mahmoud, qui étoit déchû de la Souveraine
té du moment qu'il avoit fait massacrer et jetter
à la voirie l'Aga Patrona -Kalil et ses Camarades ;
qu'un pareil exemple étoit inoui et entierement
contraire au Kanoun ou Ordonnance de Sultan
Soliman II. Beaucoup de monde se joignit à ces
sédicieux , ce qui grossit considerablement la
troupe qui se formoit à l'Atmeidan , où lon com
mençoit à dresser des Tentes.
Cependant le G. V. le Mufti , Dgianum Cod
gia , Capitan - Pacha , et tous les Grands Officiers
de l'Empire , de même que les Gens de Loi- , se
rendirent au Serrail , auprès du G. S. où il fut
résolu qu'on exposeroit l'Etendart du Prophete ,
et que tout le Peuple seroit invité de courir à sa
defense . Le Mufti donna aussi -tôt une Sentence
par laquelle les Rebelles étoient déclarez infideles
et traîtres , et que tout bon Musulman ou vrai
Croyant devoit sacrifier sa vie pour la conserva
tion du Sultan Mahmoud , leur legitime Souve
rain. On promit aussi à chacun de ceux qui
apporteroient quelque tête des Rebelles , des ré
compenses proportionnées au service qu'il auroit
rendu dans cette occasion . En même -tems le
Defterdar our Grand - Trésorier , fit porter du
Trésor Imperial , quantité de sacs d'or et d'ar
gent à la Porte du Serrail et se mit en devoir de
disrribuer cent Piastres à chacun de ceux qui ap
porteroient quelque tête .
Cette disposition ainsi faite , le G. S. remit la
1. Vol.
fameuse
1370 MERCURE, DE FRANCE
fameuse Banniere entre les mains du G. V. et ce
Fui- ci la remit à un Kapigi- Bachi . Ensuite ce pre
mier Ministre s'étant mis à la tête de la Maison
de S. H. et de la sienne , et le Capitan- Pacha , à
la tête de 400. Leventis , on fit ouvrir les Portes
du Serrail , et en marcha en bon ordre à la Place
d'Atmeïdan.
•
Le Peuple n'eut pas plutôt appris qu'on devoit
faire sortir l'Etendart de Mahometh , qu'on s'em
pressa , à l'envi, pour le venir deffendre, et l'affluence
fut si grande en très - peu de tems , qu'on ne pou
voit qu'à peine se remuer dans les rues . Les To
pigis , Dgebedgis et même les Janissaires , qui
un moment auparavant étoient eux- mêmes du
nombre des Rebelles , vinrent aussi se rendre sous
PEtendart du Prophete.
Le G. V. marchant fierement , s'avança avec
tout son Cortege jusques à l'Atmeïdan ; près d'y
arriver il fit une petite alte et continua sa marche
par la même rue qui aboutit à une des Portes de
cette Place,mais Dgianum Codgia avec ses Léven
tis , se détacha et prit par une autre ruë qui abou
tit à une autre Porte de la même Place.
Non-seulement les Rebelles firent bonne con
tenance , mais ils attaquerent courageusement
les Troupes du Visir et du Capitan - Pacha , et ils
firent tous leurs efforts pour se saisir de l'Eten
dart ; mais obligez de plier , ils furent mis en dé
route en même tems le G. V. étant entré
dans la Place par un côté et le Capitan - Pacha
un autre , ils firent main basse sur tous ceux qui
s'y trouverent ; qui n'étoient pas , à la verité ,
si grand nombre , parce que la plupart des Ré
voltez eurent le tems de se sauver dans les Cazer
nes des Janissaires , qui sont joignant cette Place.
Les autres ayant pris la fuite par diverses ruës
par
en
;
I. Vol. · le
JUI N. 1731. 1371
le G. V. les fit poursuivre sans perte de tems , & c,
Peu de tems après on vit un spectacle bien ter
rible dans la Place qui est devant la porte du Ser
rail , où le Tefterdar s'étoit placé , prêt à don
ner cent écus pour chaque tête de Ribelle qu'on
lui apporteroit ; en moins de deux heures de tems
on lui en apporta de tous côtez une quantité si
prodigieuse , que cela fit croire avec raison , que
quantité d'innocens étoient péris dans cette mal
heureuse journée ; car les Bostangis et les Leven
tis , plus empressez à gagner cent Piastres , qu'on
donnoit pour chaque tête , qu'à punir les Re
belles , assommoient les premiers venus et ceux
qui étoient les plus sans deffense . On assure qu'un
Eunuque , favori du Sultan , apporta lui seul neuf
têtes , et qu'il fut largement récompensé.
On prétend que cette derniere Révolte a été
suscitée par les Créatures du Sultan Achmet , et
ce bruit se fortifie d'autant plus , qu'on a appris
que les Sultanes , filles de ce Prince , mariées
a Ibrahim Pacha , dernier G V. et à son fils , qui
étoient libres dans leurs Palais depuis le malheur
arrivé à leurs Maris , viennent d'être étroitement
enfermées dans le Serrail .
Pour les principaux Chefs de cette Rebellion ,
ce sont des gens de la lie du peuple , dons les noms
auroient pû devenir aussi fameux que ceux de Pa
trona et de Mousloub , si leur audacieuse témeri
té avoit éte suivie d'un plus heureux succès. Par
mi ceux qui ont le plus contribué à l'arrêter et à
faire punir les coupables , on parle du fameux
Dgianum Codgia qui a agi de la tête et de la main
avec toute la prudence et la valeur imaginable ,
ainsi qu'il avoit fait dans la premiere Révolte.
Depuis le Dimanche 25. Mars , chaque jour
est marqué par quelque exécution publique , ou
Le Vol.
H particu
1372 MERCURE DE FRANCE
particuliere. La quantité de gens qu'on fait périr
est incroyable. Il suffit de n'avoir pas une phi
fionomie heureuse , pour être proscrit et perdre
la vie ; séverité , sans doute , bien nécessaire dans
une conjoncture aussi délicate ; mais aussi il y a
de l'excès.
On a chassé et banni de Constantinople tous
les Arnaouds et Albanois , qui étoient devenus
trés - insolens , dépuis que leur Compatriotte Pa
zrona , les favorisant en toutes choses pendant
la premiere révolte , les avoit mis sur un pied
d'aisance pour lequel ils n'étoient pas nés..
On assure qu'on va aussi chasser les Las ,
Peuples originaires des Côtes de la Mer Noire
prés de Trébisonde , établis à Constantinople.
On prétend que ce sont eux qui ont pillé tout le
Besestin des Ispahis, et qui ont fait la plupart des
autres vols , qui sont très considerables.
Pour nous , nous en avons été quitte pour quel
ques allarmes ; mais je doute que c'eût été à si
bon marché , si la sédition n'avoit pas été assou
pie dans son commencement. Il seroit difficile
de pouvoir dire le nombre des morts , du jour
de la grande expédition . Le G. Vizir perdit quel
ques Agas , et plusieurs des siens furent blessez .
Il courut grand risque lui - même ; car un des
Rebelles qui avoit trouvé le moyen de s'appro
cher de sa Personne , alloit luy tirer un coup
de Pistolet presque à bout portant , lorsque son
favori Mustapha Aga , le prévint et lui abatit le
bras d'un coup de Sabre,ce qui garantit le G. V.
Mais le Rebelle , doublement outré de désespoir
d'avoir manqué son coup , et de voir son bras
droit par terre , tira de sa main gauche un Poi
gnard qu'il avoit à sa ceinture , et s'élançant sur
Mustapha , le lui plongea dans le coeur , et le fit
IVsi
somber
JUI N. 1731.
1373
tomber mort à ses pieds : ce malheureux fut
massacré et mis en pieces sur le moment.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre de Constantinople du 7. Avril 1731.
Le 24 mars 1731, des Janissaires ont attaqué la maison du Janissaire Aga pour s'emparer de marmites, déclenchant une révolte à Constantinople. Le Janissaire Aga, blessé, s'est réfugié au Serrail. Les autorités, incluant le Grand Vizir, le Mufti et le Capitan Pacha, ont été convoquées pour délibérer et ont décidé de rassembler des forces pour attaquer les rebelles à l'aube. Deux corps d'armée ont été formés, l'un dirigé par le Grand Vizir et l'autre par le Capitan Pacha. Ils ont dispersé les rebelles, massacrant la plupart et capturant une soixantaine d'entre eux pour les interroger. Les lieux publics ont été fermés et des rondes organisées pour arrêter et exécuter les suspects. La révolte a été déclenchée par des soldats d'artillerie mécontents de la non-distribution de primes et de la cherté des vivres. Environ 3000 rebelles ont mis le feu à plusieurs quartiers pour distraire les autorités. La répression rapide a empêché les rebelles de prendre le contrôle de Constantinople. Des rumeurs accusaient les partisans d'Achmet III et la veuve du dernier Grand Vizir d'avoir fomenté la révolte. Le Grand Vizir a proposé une guerre contre les Princes Chrétiens, mais le Sultan a préféré négocier avec les Persans. Le Capitan Pacha a obtenu une garde pour sa protection après avoir soutenu la paix avec les Chrétiens. Depuis le 25 mars, des exécutions publiques et particulières se succèdent, touchant un grand nombre de personnes, souvent pour des raisons de physique ingrat. La sévérité des mesures est jugée nécessaire mais excessive. Les Arnaouds et Albanois, favorisés lors de la première révolte, ont été chassés et bannis en raison de leur insolence. Les Las, originaires des côtes de la Mer Noire, sont également visés pour des pillages et vols. Le narrateur mentionne avoir été peu affecté par la sédition, mais reconnaît que la situation aurait pu être plus grave si la révolte n'avait pas été rapidement maîtrisée. Lors de la grande expédition, le Grand Vizir a perdu plusieurs de ses hommes et a lui-même échappé de peu à un attentat. Un rebelle, après avoir échoué à tirer sur le Vizir, a tué Mustapha Aga, le favori du Vizir, avant d'être massacré. Le nombre exact des morts lors de cette journée reste incertain.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 591-594
EXTRAIT d'une Lettre de Constantinople, écrite le 10. Novembre 1731.
Début :
Il y a quelques jours qu'il se répandit ici [...]
Mots clefs :
Constantinople, Pacha , Armée, Bataille
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre de Constantinople, écrite le 10. Novembre 1731.
EXTRAIT d'une Lettre de Constantinople , écrite le 10. Novembre 1731.
y a quelques jours qu'il se répandit ici un bruit que les Turcs avoient été battus par les
Troupes de Schah Thamas , du côté de Tauris ,
mais cette nouvelle , bien loin d'avoir été confir- mée, s'est trouvée entierement fausse , et inventée
sur ce qu'on avoit été un très long temps sans
recevoir des Lettres du Seraskier- Aly Pacha.
On a sçû depuis que ce qui avoit donné lieu à
ce bruit , est le mouvement de quelques Partis de
Milice Turque , qui s'étant soustraits à l'obéïssance du Seraskier , s'étoient déba ndez pour piller et saccager le Pays , ayant laissé ce Pacha avec trente
$92 MERCURE DE FRANCE
trente mille hommes seulement. Ce General s'é
tant retiré à quelques journées de Tauris , il for ma le blocus de cette Place, et ferma tous les passages pour empêcher qu'elle ne reçût aucun seCours , ce qui fait présumer qu'elle se rendra -
bientôt. Le Pacha même en a écrit en ces termes
à la Porte , ajoûtant que les Habitans étoient
fort portez à se rendre , ne voulant pas s'exposer
à être faits Esclaves , comme cela leur est déja arrivé.
On a reçû ici des nouvelles qu'on croit beau
coup plus certaines et plus favorables du Camp
près d'Hamadan. Les Lettres du 23. Septembre portent qu'Achmet - Pacha étant campé à six
lieues de cette Ville , eut avis que Schah- Thamas,
en personne, s'approchoit dans le dessein de l'at
taquer avec une armée de 60. mille hommes, 30%
Pieces de gros Canons , des Bombes et beaucoup
d'autre Artillerie , portée par des Chameaux ; que
sur cet avis ce Pacha suspendit l'attaque de la
Place, et qu'il fit marcher son Armée du côté des
Ennemis , que quand les deux Armées furent en
présence , Schah- Thamas envoya un Ambassadeur , lequel entra en conférence avec le Pacha ;
mais on fat surpris d'apprendre que dans le mê- metemps, non- seulement l'Armée Persanne avoir
continué sa marche , mais qu'elle avoit même
déja attaqué l'avant- Garde de l'Armée Othomane, et que plusieurs des principaux OfficiersTurcs avoient été tuez dans cette attaque. Ach,
met- Pacha , surpris d'un pareil procedé , en de→
manda la raison à l'Ambassadeur , lequel répondit que l'intention du Roy son Maître , étoit de continuer les hostilitez jusqu'à ce que le Pacha
eût signé les conditions du Traité qui avoit été
proposé par ie dernier Vizir Ibrahim ; sur quoiعا
MAR S. 173.2. 593-
Le Pacha ayant congedié l'Ambassadeur , il se
prépara sur le champ à livrer bataille. Le combat dura sept heures entieres , sçavoir deux heu
res avec l'Artillerie ou les Armes à feu , et cinq
heures le Sabre à la main ; les Turcs demeurerent enfin les maîtres du Champ de bataille , presque toute l'Infanterie Persanne étant demeurée
sur la place. Les Turcs se sont emparez de tout
le Bagage , des Munitions , de l'Artillerie et generalement de tout ce qui étoit dans le Camp des
Persans , sans avoir perdu que fort peu de monde.
On a trouvé parmi le butin sept Pieces de gros
Canons , qui avoient été transportez d'Ispaham ,
traînés chacune par so. Buffles , cinq autres Canons fabriquez à Chiras , d'un fort beau Bronze,
dont les Boulets étoient marquez du nom de
Schah Thamas. Après la Bataille , ce Prince s'est
retiré à Casbin avec une petite partie de sa Cavalerie , le reste s'étant dispersé.
Les mêmes Lettres portent que la nuit préce
dente , la plus grande partie de la Garnison:
d'Hamadan s'étoit jointe à l'Armée du Roy de
Perse , mais qu'après la victoire remportée par Achmet Pacha , la Forteresse de cette Place s'étoit rendue à discretion ; que le Pacha y étoit entré
en victorieux , et qu'ayant visité les Portes ,
ik
avoit trouvé cent pieces de Cañon , dont trente
avoient été apportées d'Hispaham pour la deffense
de la Place, les autres 70. y ayant été laissées
-l'année passées enfin qu'on avoit envoyé à Constantinople plusieurs Drapeaux et d'autres dépouilles qui passoient pour une marque assurée de l'entiere défaite des Persans. Si la saison n'eût pas
été si avancée , l'Armée auroit, dit- on, pû marcher sans obstacle vers Ispaham ; cependant cette Armée, après avoir suffisamment fortifié la Ci- ✨tadelle-
594 MERCURE DE FRANCE
tadelle d'Amadan , se trouve campée aux environs
de cette Ville , sans que l'on sçache encore où
elle hyvernera.
Malgré tant de mauvais succès de la part des
Persans , on souhaite ici la Paix , et si on ne peut
pas la conclure , la Porte prendra , dit-on , le
Parti de faire démolir toutes les Places Frontieres,
pour laisser entre les deux Empires un grand es- pace de Pays inhabité , qui servira de barriere aux
Etats du G. S, mais on ne sera bien éclairci sur
les résolutions que prendra la Cour Ottomane ,
qu'après le succès de mouvemens qui se font en- core du côté de Tauris.
Avant hier le Tefterdar ou le Grand-Trésorier,
fut fait Vizir à trois queues, et son Emploi de
Trésorier lui a été conservé ; il a reçû cet hon- neur par la faveur du nouveau Grand- Vizir , à
l'occasion des nouvelles agréables venuës d'Ha- madam.
Constantin Bey, fils de feu Nicolas Mauro
Cordato, qui avoit été dépouillé de la Principauté de Valaquie , après la mort de son pere , dans
le temps de la derniere Révolution , a été nomméavant hier de nouveau à cette Principauté par
la protection du même G. V. auprès de qui toute
la Famille des Cordato est en très -grande faveur.
Ali- Kalvoda , qui avoit joui de la Principauté
environ un an , a été déposé , et il y a apparence
qu'il sera mis en prison à son arrivée à Cons
tantinople. Sa personne est devenue suspecte parce qu'il avoit été élevé à cette Dignité par les
Chefs des Rebelles,
y a quelques jours qu'il se répandit ici un bruit que les Turcs avoient été battus par les
Troupes de Schah Thamas , du côté de Tauris ,
mais cette nouvelle , bien loin d'avoir été confir- mée, s'est trouvée entierement fausse , et inventée
sur ce qu'on avoit été un très long temps sans
recevoir des Lettres du Seraskier- Aly Pacha.
On a sçû depuis que ce qui avoit donné lieu à
ce bruit , est le mouvement de quelques Partis de
Milice Turque , qui s'étant soustraits à l'obéïssance du Seraskier , s'étoient déba ndez pour piller et saccager le Pays , ayant laissé ce Pacha avec trente
$92 MERCURE DE FRANCE
trente mille hommes seulement. Ce General s'é
tant retiré à quelques journées de Tauris , il for ma le blocus de cette Place, et ferma tous les passages pour empêcher qu'elle ne reçût aucun seCours , ce qui fait présumer qu'elle se rendra -
bientôt. Le Pacha même en a écrit en ces termes
à la Porte , ajoûtant que les Habitans étoient
fort portez à se rendre , ne voulant pas s'exposer
à être faits Esclaves , comme cela leur est déja arrivé.
On a reçû ici des nouvelles qu'on croit beau
coup plus certaines et plus favorables du Camp
près d'Hamadan. Les Lettres du 23. Septembre portent qu'Achmet - Pacha étant campé à six
lieues de cette Ville , eut avis que Schah- Thamas,
en personne, s'approchoit dans le dessein de l'at
taquer avec une armée de 60. mille hommes, 30%
Pieces de gros Canons , des Bombes et beaucoup
d'autre Artillerie , portée par des Chameaux ; que
sur cet avis ce Pacha suspendit l'attaque de la
Place, et qu'il fit marcher son Armée du côté des
Ennemis , que quand les deux Armées furent en
présence , Schah- Thamas envoya un Ambassadeur , lequel entra en conférence avec le Pacha ;
mais on fat surpris d'apprendre que dans le mê- metemps, non- seulement l'Armée Persanne avoir
continué sa marche , mais qu'elle avoit même
déja attaqué l'avant- Garde de l'Armée Othomane, et que plusieurs des principaux OfficiersTurcs avoient été tuez dans cette attaque. Ach,
met- Pacha , surpris d'un pareil procedé , en de→
manda la raison à l'Ambassadeur , lequel répondit que l'intention du Roy son Maître , étoit de continuer les hostilitez jusqu'à ce que le Pacha
eût signé les conditions du Traité qui avoit été
proposé par ie dernier Vizir Ibrahim ; sur quoiعا
MAR S. 173.2. 593-
Le Pacha ayant congedié l'Ambassadeur , il se
prépara sur le champ à livrer bataille. Le combat dura sept heures entieres , sçavoir deux heu
res avec l'Artillerie ou les Armes à feu , et cinq
heures le Sabre à la main ; les Turcs demeurerent enfin les maîtres du Champ de bataille , presque toute l'Infanterie Persanne étant demeurée
sur la place. Les Turcs se sont emparez de tout
le Bagage , des Munitions , de l'Artillerie et generalement de tout ce qui étoit dans le Camp des
Persans , sans avoir perdu que fort peu de monde.
On a trouvé parmi le butin sept Pieces de gros
Canons , qui avoient été transportez d'Ispaham ,
traînés chacune par so. Buffles , cinq autres Canons fabriquez à Chiras , d'un fort beau Bronze,
dont les Boulets étoient marquez du nom de
Schah Thamas. Après la Bataille , ce Prince s'est
retiré à Casbin avec une petite partie de sa Cavalerie , le reste s'étant dispersé.
Les mêmes Lettres portent que la nuit préce
dente , la plus grande partie de la Garnison:
d'Hamadan s'étoit jointe à l'Armée du Roy de
Perse , mais qu'après la victoire remportée par Achmet Pacha , la Forteresse de cette Place s'étoit rendue à discretion ; que le Pacha y étoit entré
en victorieux , et qu'ayant visité les Portes ,
ik
avoit trouvé cent pieces de Cañon , dont trente
avoient été apportées d'Hispaham pour la deffense
de la Place, les autres 70. y ayant été laissées
-l'année passées enfin qu'on avoit envoyé à Constantinople plusieurs Drapeaux et d'autres dépouilles qui passoient pour une marque assurée de l'entiere défaite des Persans. Si la saison n'eût pas
été si avancée , l'Armée auroit, dit- on, pû marcher sans obstacle vers Ispaham ; cependant cette Armée, après avoir suffisamment fortifié la Ci- ✨tadelle-
594 MERCURE DE FRANCE
tadelle d'Amadan , se trouve campée aux environs
de cette Ville , sans que l'on sçache encore où
elle hyvernera.
Malgré tant de mauvais succès de la part des
Persans , on souhaite ici la Paix , et si on ne peut
pas la conclure , la Porte prendra , dit-on , le
Parti de faire démolir toutes les Places Frontieres,
pour laisser entre les deux Empires un grand es- pace de Pays inhabité , qui servira de barriere aux
Etats du G. S, mais on ne sera bien éclairci sur
les résolutions que prendra la Cour Ottomane ,
qu'après le succès de mouvemens qui se font en- core du côté de Tauris.
Avant hier le Tefterdar ou le Grand-Trésorier,
fut fait Vizir à trois queues, et son Emploi de
Trésorier lui a été conservé ; il a reçû cet hon- neur par la faveur du nouveau Grand- Vizir , à
l'occasion des nouvelles agréables venuës d'Ha- madam.
Constantin Bey, fils de feu Nicolas Mauro
Cordato, qui avoit été dépouillé de la Principauté de Valaquie , après la mort de son pere , dans
le temps de la derniere Révolution , a été nomméavant hier de nouveau à cette Principauté par
la protection du même G. V. auprès de qui toute
la Famille des Cordato est en très -grande faveur.
Ali- Kalvoda , qui avoit joui de la Principauté
environ un an , a été déposé , et il y a apparence
qu'il sera mis en prison à son arrivée à Cons
tantinople. Sa personne est devenue suspecte parce qu'il avoit été élevé à cette Dignité par les
Chefs des Rebelles,
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre de Constantinople, écrite le 10. Novembre 1731.
En novembre 1731, des rumeurs à Constantinople annonçaient une défaite turque face aux troupes du Schah Thamas près de Tauris, mais ces informations se révélèrent fausses. Le mouvement observé provenait de milices turques rebelles contre le Seraskier Aly Pacha, qui avait encerclé Tauris avec trente mille hommes. Des nouvelles plus précises provenaient du camp près d'Hamadan. Achmet Pacha, positionné à six lieues de la ville, apprit que Schah Thamas approchait avec une armée de 60 000 hommes et une artillerie importante. Après une tentative de négociation infructueuse, les Persans attaquèrent l'avant-garde turque. La bataille, qui dura sept heures, se solda par une victoire turque. Les Turcs capturèrent l'artillerie, les munitions et plusieurs drapeaux persans. Suite à cette victoire, Schah Thamas se retira à Casbin, et la forteresse d'Hamadan se rendit peu après. Achmet Pacha entra dans la ville en vainqueur, y découvrant cent pièces de canon. Malgré ces succès militaires, les Turcs souhaitaient la paix et envisageaient de démolir les places frontalières pour créer une zone tampon entre les empires. À Constantinople, plusieurs promotions et nominations eurent lieu. Le Tefterdar fut nommé Vizir, Constantin Bey fut rétabli dans la principauté de Valachie, et Ali-Kalvoda, suspecté de liens avec des rebelles, fut déposé et risquait d'être emprisonné.
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12
p. 1212-1222
LETTRE écrite de Constantinople, le 6 et le 14 Mars 1732. contenant la suite des nouvelles de Turquie et de Perse.
Début :
La Victoire complete que les Turcs remporterent au mois de [...]
Mots clefs :
Turquie, Perse, Constantinople, Pacha , Tauris, Achmet, Empire, Sultan, Chah, Thamas
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Constantinople, le 6 et le 14 Mars 1732. contenant la suite des nouvelles de Turquie et de Perse.
ETTRE écrite de Constantinople , le
6 et le 14 Mars 1732. contenant la suite
des nouvelles de Turquie et de Perse.
LA
A Victoire complete que les Turcs rempor
terent au mois de Septembre dernier devant
Amadan , sur l'armée Persanne , où Chah- Tahmas étoit en personne , et la prise de cette Place
et de plusieurs autres, qui furent autant de suites
glorieuses de cette Victoire , avoient si considérablement diminué les forces de ce Prince , que
voulant prévenir la perte totale de ses Etats, dont
il étoit menacé, s'il continuoit la Guerre , il résolut de faire des tentatives auprès de ses Ennemispour en obtenir la paix. Il y eut d'abord des
propositions d'accommodement faites de sa part ,
a Achmet Pacha , Séraskier ou General de l'Armée Othomane , et Gouverneur de Babilonne
qui donnerent lieu le 20 Novembre suivant , à la
tenue d'un Conseil general , à la Porte , où l'on
examina plusieurs Lettres , qu'un Courier de ce
Pacha avoit apportées la veille. Il marquoit par
la sienne au G. V. que Chah - Tahmas lui avoit
écrit et envoyé l'Itimadil-deulet , c'est- à- dire ,
son premier Ministre , pour entrer en négociation,
Cette Lettre et trois autres du Roy de Perse ,
dont elle étoit accompagnée, l'une pour le G.S.
1. Vol. dans
JUIN. 1732. 1213
s laquelle Chah- Tahmas lui demandoit la
avec instance ; l'autre pour le G. V. et la
siéme pour Achmet Pacha ; ayant été lûës
présence de tous les gens,de Loy , des Chefs ,
Milices et des principaux Ministres ; et les
litions que ce Prince y proposoit , ayant été ées de toute l'assemblée , on convint unaement de les accepter ; et le Sultan, par l'avis
Mufti , dépêcha , en conséquence , un de ses aiers Officiers , avec des plein- pouvoirs pour
met Pacha , qui le rendoit le maître abde régler la paix , de la maniere qu'il le ju- it à propos ; lui faisant seulement observer
comme Chah-Tahmas n'avoit pas toujours
Fort religieux à exécuter les promesses qu'il
tcy devant faites à la Porte , il convenoit
conservât assez de Troupes sur les Frontiepour faire tête aux Persans , en cas de beCette précaution étoit d'autant plus raison-
, qu'on assure que Chah- Tahmas même,
la Lettre qu'il avoit écrite à Achmet Pacha,
conseilloit de la prendre , parce que ne se
ant pas assez-bien affermi sur le Thrône , il
gnoit de ne pouvoir pas également contenir
les Seigneurs Persans , dont il prévoyoit quelques- uns seroient capables de continuer hostilitez sans son consentement , et malgré
ordres les plus positifs.
ette résolution de la Porte s'étant divulguée,
indit une joïe universelle dans le public , er
cun se persuada , parce qu'il le souhaitoit ,
dès- lors on alloit mettre les Armes bas de
et d'autre. Cependant le 22 Decembre , au
nd étonnement du peuple , on entendit tirer
la pointe du jour le Canon du Sérail , ce qui
repeté à midi , l'après-dîné , et les deux jours
I. Vol. sui-
1214 MERCURE DE FRANCE
*suivans, aux mêmes heures, et l'on apprit qu'Ali
Pacha , Seraskier de la seconde Armée Turque ,
s'étoit emparé de l'importante Place de Tauris et
de tout son district. Un surcroît de Conquêtes si considérables mettant les affaires des Ottomans
en beaucoup meilleure situation qu'elles n'étoient
quand Chah Tahmas fit ses propositions de Paix , lé G. S. se crut en droit de ne la faire
qu'à des conditions plus avantageuses ; et se re- pentit d'avoir donné des pouvoirs trop étendus à
Achmet-Pacha , à la sollicitation du Mufti.
-
Sa Hautesse dépêcha aussi-tôt un Courrier à
ce Gouverneur , par lequel elle lui mandoit de
se prévaloir des nouveaux succès qu'avoient eu
ses Armes, et sur tout de ne se point relâcher
sur la possession des Province et Ville de Tauris , dans le Traité auquel il travailloit avec le
Roy de Perse ; mais le 7 du mois passé il arriva
deux Courriers , l'un de cette place , et l'autre de
Babilonne. Par celui- ci, Achmet- Pacha apprenoit,
qu'il ne pouvoit plus se flatter de conclure la
Paix , à moins que Tauris et ses dépendances ne fussent restituées aux Persans ; et par l'autre, AliPacha marquoit que si l'on rendoit Tauris à
Chah-Tahmas , il étoit à craindre , malgré le consentement qu'y donneroient les Officiers de
l'Armée , que la Soldatesque ne se portât à quel- que mutinerie.
Des circonstances si opposées , jetterent la
Porte dans un grand embarras. Le Sultan fit
convoquer sur le champ un Conseil general devant lui; et quand il fut assemblé , le G. V. pour
sonder les esprits , après avoir discuté la situation des affaires en Perse , demanda s'il falloit
faire la paix, ou non. Tous les avis se réunirent
d'abord pour l'affirmative ; mais quand il vint
I. Vol.
à
JUI N. 1732 1215
l'exposition des articles, dont le principal étoit la restitution de Tauris , chacun garda un profond silence ; ce que voyant le G. S. il dit aux
assistans , qu'il leur donnoitdeux jours pour refléchir murement sur une affaire de si grande
conséquence , et leur ordonna de venir ensuite
lui communiqner ce qu'ils en penseroient, en toute liberté.
Le 9 , le Conseil s'étant rassemblé , et la matiere ayant été de nouveau agitée , l'avis le plus
general fut , qu'il ne falloit faire la Paix qu'à
Gondition que Tauris resteroit à l'Empire Othoman , et que si Chah- Tahmas s'obstinoit à en
exiger la restitution , il valloit mieux continuer
la Guerre. Quoique ce ne fut pas le sentiment du G. V. il eut ordre de faire de nouveaux préparatifs de Guerre, et le G.S. dépêcha son ( a)Bach- Chokadar au Pacha de Babilonne , et un Offi
cier de confiance àAli- Pacha. Ces deux hommes,
sur les lumieres et la fidelité desquels le Sultan
se reposoit , furent expressément chargez de s'in- former avec soin du véritable état où étoient
les Armées Turques et Persannes , et de prendre
une connoissance exacte de toutes choses , parce
que Sa Hautesse avoit conçu de violens soup
gons contre Achmet Pacha , et qu'elle appréhendoit , comme on le lui avoit déja insinué , que ce Séraskier ne se fut laissé séduire par les présens
de Chah-Tahmas. En effet, ces soupçons paroissoient d'autant mieux fondez , qu'Achmet Pacha dans toutes les Lettres qui avoient précédé sa
derniere , bien loin de parler de rendre Tauris
aux Persans , avoit toujours mandé au contraire ,
qu'ils en passeroient par tout ce qu'on voudroit
( a )Maitre de la Garderobe.
1. Vol. exiger H
1216 MERCURE DE FRANCE
exiger d'eux ; et ce qui fit depuis encore présmer qu'il pouvoit y avoir quelque chose d'équivoque dans la négociation de ce Pacha, c'est que 23 de ce même mois un de ses Officiers arriva
à Constantinople avec la nouvelle que la Paix
étoit faite , et qu'il étoit convenu avec ChahTahmas de lui ceder les Ville et Province de
Tauris.
le
Le lendemain le Mufti Pasmadgi- Zadé, ressentit le premier effet que produisit certe nouvelles le G. S. piqué d'avoir , à sa persuasion ,
donné au Pacha de Babilonne des pleins pouvoirs
pour conclure et signer la Paix , le déposa et l'éxila (d'abord à Synope , Ville et Port de la Mer
noire ; ensuite ayant témoigné qu'il souhaiteroit .
de faire le pelerinage de la Mecque , Sa Hautesse y consentit , et lui fit pourtant donner un
Chiaoux pour le garder et le conduire jusqu'en Egypte ; mais cette nouveautéa yant blessé la délicatesse des Gens de Loy , ils intercederent si
puissamment en sa faveur auprês du G. V. que ce Ministre oubliant tous les sujets de mécontentemens que Pasmadgi- Zadé lui avoit donnez, lui.
ôta ce Garde, et le laissa librement partir avec son
Harem, ou maison de ses Femmes , et tous ses effets. On dit qu'il doit passer quelque temps à
la Mecque , et de là venir demeurer à Damas
dont il sera fait Moullah ou Juge en Chefpour
le reste de ses jours. Il est peu regrété , parce
que Damad- Zadé , ancien Cadilesker , qui l'a
remplacé, a toutes les qualitez qu'il faut pour s'attirer le respect , l'estime et l'amour du Public,
Le 25 , tous les Gens de Loy , et principaux
Seigneurs de l'Empire s'assemblerent à la Porte
shez le G. V, et allerent ensuite avec le nouI.Vol. Yeau
JUIN. 1732. 1217
reau Moufti chez le G. S. ou le Conseil se tint.
Après qu'on y eut fait lecture du Traité fait par
Achmet Pacha, plusieurs des premiers de l'assemblée suppliérent Sa Hautesse de vouloir bien
le ratifier , et sur tout Issac-Effendi , Cadiles ker
ou Juge suprême d'Asie , qui redoublant ses Ins
tances , representa avec force au Sultan , que s'il
désavoüoit un Traité qui n'avoit été conclu
qu'en vertu des pleins pouvoirs dont il avoit honoré le Pacha de Babilonne , on n'auroit plus de
foy à sa parole Imperiale ; et que d'ailleurs ,
tout bien considéré, une Paix solide avec la Perse,
après une Guerre si longue et si onéreuse, étoit
préférable à l'acquisition de cent Villes comme Tauris.
à sa
Le G. S. répondit que la ratification du Traité dont il s'agissoit , ne pressoit point encore
qu'il n'y avoit que peu de jours qu'il avoit dépêché son Bach- Chokadar à Achmet Pacha
pour lui signifier qu'il ne consentiroit jamais
faire la Paix qu'à condition que Tauris et ses dépendances resteroient à la Porte ; qu'après une
déclaration si précise , il ne convenoit pas
dignité de changer si-tôt de sentiment, et qu'il
êtoit dans celui d'attendre le retour des deux personnes qu'il avoit envoyées en Perse , avant que
de prendre , à cet égard , une résolution définitive. Cette réponse judicieuse, ayant fait impres- sion sur toute l'assemblée , personne n'insista
plus , et l'on se sépara sans rien conclure.
Le 1 Mars , le G. S. qui vouloit , à ce qu'on
présume , conférer avec le Mufti , sur le désordre arrivé la veille , lui envoya son premier
Asseki , et lui fit dire , avec une bonté qui fait
autant d'honneur à Sa Hautesse , qu'à ce venerable vieillard , qu'ayant à l'entretenir , et voulant
I. Vol.
Hij lui
1248 MERCURE DE FRANCE
lui épargner la peine de venir jusqu'au Serail , id
avoit fait la moitié du chemin , et qu'il le prioit
de vouloir bien se rendre à Aina , Serrail ou Serail des Miroirs , où il l'attendoit. Le Sultan fit
ordonner en même- temps au G. V. de convoquer pour le lendemain à la Porte les Officiers
les plus considerables des Troupes , et les Gens
de Loy , dont la capacité est le plus en réputation , pour former un grand Conseil en sa pré- sence , au sujet des affaires de Perse , et des Lertres qui venoient d'arriver de ce païs- là.
Cette Assemblée s'étant faite chez le G.V.après
la priere du midy , il s'y tint une courte confe-
'Lence , ensuite de laquelle on se rendit chez le
Sultan , où le Conseil dura deux heures. Voici
quel en fut le résultat : Une partie des Conseillers considerant les dommages infinis que la continuation de la Guerre pourroit apporter à l'Empire , opina qu'on ne pouvoit la terminer trop
tôt , et que sans s'opiniâtrer à vouloir conserver
tous les Païs conquis,il falloit approuver le Trai
té passé par Achmet Pacha , en y inserant les
dernieres conditions proposées par Chah - Tahmas ; le reste des Assistans soutint au contraire ,
qu'il falloit absolument rejetter l'article de la
restitution de Tauris , &c. parce que la possession de cette conquête renfermoit en quelque fa
çon de seul avantage de conséquence , qui put un
peu dedommager la Nation de tout ce qu'il lui
en avoit coûté , et justifier aux yeux de l'Univers la longue Guerre qu'elle avoit faite aux
chacun se fixant ainsi à son Persans: Si-bien que
opinion , l'Assemblée se séparoit déja sans être
convenue de rien , lorsque le G. V. s'approcha
du Sultan , et lui dit , que son zele pour les interêts de l'Empire; et en particulier pour celui
de I. Vol.
JUIN. 1732. 1219
de Sa Hautesse , ne lui permettoit pas de lui rient
déguiser de ce qu'il sçavoit,et de ce qu'il pensois
dans une conjoncture aussi délicate , que celle de faire la Paix , ou de continuer la Guerre ; que l'Asie étoit entierément ruinée que sans faire
mention de la quantité de Troupes qui péris
soient en Perse par la famine , et par les mala
dies , aucune des conquêtes qu'on y avoit faites , ne pouvoit produire un revenu suffisant à l'entretien des Garnisons qu'on seroit obligé d'y mertre ; qu'il étoit sorti du Tresor un argent im- mense en pure perte , la Porte n'en ayant retiré
aucun fruit ; qu'outre que par les raisons qu'il
venoit d'exposer , il n'y avoit point de meilleur parti à prendre que celui de confirmer la Paix faite par le Pacha de Babilonne , l'honneur et la
religion de Sa Hautesse y étoient particuliere- ment engagées , puisque ce Gouverneur n'avoit
agi qu'en consequence des pouvoirs sans limites ,
qu'elle lui avoit envoyez ; qu'enfin pour achever
de vaincre la répugnance qui paroissoit que Sa Hautesse avoit de ratifier ce Traité ; il la supplioit de considerer , que sur ce que les Troupes Othomanes n'avoient pas voulu évacuer Tauris
Ali Pacha marquoit par ses dernieres Lettres que Chah Tahmas offroit de payer â la Porte des
sommes considerables , pourvû qu'on lui rendic cette Place demantelée , avec ses dependances , et
que cette espece de tribut auquel ce Prince se sou- mettoit de lui-même , seroit aussi honorable et
plus utile à l'Empire, que la stérile gloire de pos- seder des Païs ruinez , dont on ne se priveroit
qu'en faveur d'une Paix qui étoit devenuë absolument necessaire par toute sorte d'endroits. Le G. S. touché de ce discours , fit rappeller
l'Aga des Janissaires , qui avoit déja quitté le
L. Vol. H iij Con-
1220 MERCURE DE FRANCE
Conseil , ainsi que plusieurs autres , er luj, dit
que voulant bien déferer au sentiment du Visir
il falloit qu'il fit partir le ( a) Tourmadgi-Bashi , pour aller joindre Achmet Pacha , et qu'il
dépêcha aussi un autre Officier de son Corps.
vers Ali-Pacha , qu'ils n'avoient qu'à venir pren
dre ses ordres qu'on alloit leur expedier.
Ces ordres , à ce qu'on rapporte , contenoient
en substance , que plusieurs Conseils ayant été
tenus en presence de Sa Hautesse , au sujet du
Traité conclu depuis peu entre Achmet- Pacha et le Roy de Perse , elle n'avoit pas d'abord voulu consentir à ce que Tauris et ses dépendances
fussent remises à ce Prince ; mais qu'à la priere
de tous les Grands de son Empire , et par complaisance pour ses peuples , qui désiroient la Paix,
elle se déterminoit enfin à se relâcher des droits
que lui donnoient ses Armes victorieuses ; c
qu'ainsi à l'arrivée de ses Commandemens , ong
eu à les faire lire en public , et à se mettre en
état d'y obéir , en retirant de la place de Tauris
et de son district toute l'Artillerie , et generalement toutes les Munitions , et tous les effets appartenans aux Garnisons , qui après la démolition de la Citadele de Tauris , sortiront de cette
Ville , et se retireront à Erivan jusqu'à nouvel
ordre , enjoignant à Achmet- Pacha de faire escorter ces Garnisons , afin qu'elles ne puissent
être insultées , ni souffrir aucun dommage sur
leur route de la part des Persans.
Le G. V. Topal Osman Pacha fût déposé
avant hier matin , 12 Mars , malgré tout son mé
(a ) C'est un des principaux Officiers des Janis
saires , qui est d'ailleurs comme le grand Vencur du Sultan.
I. Vol.
rite
JUIN. 1732, 1221
rite , et envoyé sur le champ à Cadi-Quevi, on
à Calcedoine , d'où il partit hier en poste avec
peu de monde, pourse rendre à Trebizonde, dont on lui a donné le Gouvernement ; le reste de ses
Gens s'est embarqué avec tous ses effets , pour
Faller joindre. On ne sçait pas bien encore la cause de sa disgrace , ni qui sera son Successeur,
En attendant Ali- Pacha Tetferdar, ou grand Tresorier , a été nommé Vekil , ou Délegué , pour
faire les fonctions de Grand Visir.
Quelques affaires de commerce ayant retardé
le départ du Bâtiment qui doit porter cette Lettre , je profite de cette prolongation ; pour ajoû
ter , aujourd'hui 14 Mars , encore quelques faits,
qui seront une nouvelle preuve de mon exacti- tude.
Le 3 Octobre , le Marquis de Villeneuve ,
Ambassadeur de France , eut sa premiere Audience du nouveau G. S. où les choses se passerent à l'ordinaire. Le 17 S. E. porta au G. V. les Lettres du Roy pour le Sultan et pour son Premier Ministre , à l'occasion de l'avenement de
S. Hautesse à l'Empire.
Le 21. le Commandement Imperial fut déli
vré , portant la permission de rebâtir les Monasteres et les Maisons des Religieux de Galata , qui
avoient été détruites par l'Incendie du 21. Juil- let ; non seulement ces Maisons sont solidement
rebâties et occupées à present , mais encore presque toutes celles des Particuliers que cet embra sement avoit consumées.
Le 30. Novembre, Chahim Mehemet , Capitan
Pacha , qui avoit été cy-devant Jannissaire- Aga,
et ensuite avoit fait les fonctions de G. V. par
interim, pendant 12..jours , depuis la déposition.
d'Ibrahim-Pacha , jusqu'à l'installation de Topal VI. Vol. Hiiij Osman
1222 MERCURE DE FRANCE
Osman Pacha , fut déposé et envoyé Pacha à la Cavée..
Le 31 Marabou Capitan , Capitaine du Port
de Constantinople , qui avoit fait les fonctions
de Capitan- Pacha depuis la déposition de Cháhim-Mehemet, fut élevé à cette dignité.
D'autres Lettres confirment la déposition du
G. V. et que le G. S..l'avoit fait conduire à Salonique , par un Détachement de Spahis , et que le Tetferdar de la Cour avoit été nommé pour
exercer cette Charge importante jusqu'à l'arrivée
du Bacha de Babylone , à qui elle est destinée.
Ces Lettres ajoûtent qu'il y avoit encore quel
ques Assemblées tumultueuses dans differens
quartiers de Constantinople, et qu'il y avoit beaucoup de mécontens dans l'Armée de Perse , qui
se plaignoient hautement de ce qu'on avoit promis de rendre la Ville de Tauris au Roy de Perse ;
que le Pacha qui y commande , avoit déclaré qu'il
n'en sortiroit qu'en vertu d'un ordre signé de la
main du G. S. et que S. H. avoit dû assembler
le grand Divan deux ou trois jours après le départ du Courier , pour déliberer sur les moyens
d'achever de rétablir la tranquillité dans l'interieur
de l'Empire.
On inande en dernier lieu de Constantinople
qu'on y avoit découvert une conspiration contre
le G. S. qu'on vouloit déposer pour mettre sur le
Trône le Sultan son oncle qui fut déposé l'année
derniere, et que S. H avoit fait punir de mort les
principaux Conjurez. On ajoute que le dernier
G. Visir déposé avoit été fait Pacha de Widin ,
et que le Pacha de Babylone , nommé pour le
remplacer , et qu'on attend incessamment , étoit fort aimé de la Milice et du Peuple.
6 et le 14 Mars 1732. contenant la suite
des nouvelles de Turquie et de Perse.
LA
A Victoire complete que les Turcs rempor
terent au mois de Septembre dernier devant
Amadan , sur l'armée Persanne , où Chah- Tahmas étoit en personne , et la prise de cette Place
et de plusieurs autres, qui furent autant de suites
glorieuses de cette Victoire , avoient si considérablement diminué les forces de ce Prince , que
voulant prévenir la perte totale de ses Etats, dont
il étoit menacé, s'il continuoit la Guerre , il résolut de faire des tentatives auprès de ses Ennemispour en obtenir la paix. Il y eut d'abord des
propositions d'accommodement faites de sa part ,
a Achmet Pacha , Séraskier ou General de l'Armée Othomane , et Gouverneur de Babilonne
qui donnerent lieu le 20 Novembre suivant , à la
tenue d'un Conseil general , à la Porte , où l'on
examina plusieurs Lettres , qu'un Courier de ce
Pacha avoit apportées la veille. Il marquoit par
la sienne au G. V. que Chah - Tahmas lui avoit
écrit et envoyé l'Itimadil-deulet , c'est- à- dire ,
son premier Ministre , pour entrer en négociation,
Cette Lettre et trois autres du Roy de Perse ,
dont elle étoit accompagnée, l'une pour le G.S.
1. Vol. dans
JUIN. 1732. 1213
s laquelle Chah- Tahmas lui demandoit la
avec instance ; l'autre pour le G. V. et la
siéme pour Achmet Pacha ; ayant été lûës
présence de tous les gens,de Loy , des Chefs ,
Milices et des principaux Ministres ; et les
litions que ce Prince y proposoit , ayant été ées de toute l'assemblée , on convint unaement de les accepter ; et le Sultan, par l'avis
Mufti , dépêcha , en conséquence , un de ses aiers Officiers , avec des plein- pouvoirs pour
met Pacha , qui le rendoit le maître abde régler la paix , de la maniere qu'il le ju- it à propos ; lui faisant seulement observer
comme Chah-Tahmas n'avoit pas toujours
Fort religieux à exécuter les promesses qu'il
tcy devant faites à la Porte , il convenoit
conservât assez de Troupes sur les Frontiepour faire tête aux Persans , en cas de beCette précaution étoit d'autant plus raison-
, qu'on assure que Chah- Tahmas même,
la Lettre qu'il avoit écrite à Achmet Pacha,
conseilloit de la prendre , parce que ne se
ant pas assez-bien affermi sur le Thrône , il
gnoit de ne pouvoir pas également contenir
les Seigneurs Persans , dont il prévoyoit quelques- uns seroient capables de continuer hostilitez sans son consentement , et malgré
ordres les plus positifs.
ette résolution de la Porte s'étant divulguée,
indit une joïe universelle dans le public , er
cun se persuada , parce qu'il le souhaitoit ,
dès- lors on alloit mettre les Armes bas de
et d'autre. Cependant le 22 Decembre , au
nd étonnement du peuple , on entendit tirer
la pointe du jour le Canon du Sérail , ce qui
repeté à midi , l'après-dîné , et les deux jours
I. Vol. sui-
1214 MERCURE DE FRANCE
*suivans, aux mêmes heures, et l'on apprit qu'Ali
Pacha , Seraskier de la seconde Armée Turque ,
s'étoit emparé de l'importante Place de Tauris et
de tout son district. Un surcroît de Conquêtes si considérables mettant les affaires des Ottomans
en beaucoup meilleure situation qu'elles n'étoient
quand Chah Tahmas fit ses propositions de Paix , lé G. S. se crut en droit de ne la faire
qu'à des conditions plus avantageuses ; et se re- pentit d'avoir donné des pouvoirs trop étendus à
Achmet-Pacha , à la sollicitation du Mufti.
-
Sa Hautesse dépêcha aussi-tôt un Courrier à
ce Gouverneur , par lequel elle lui mandoit de
se prévaloir des nouveaux succès qu'avoient eu
ses Armes, et sur tout de ne se point relâcher
sur la possession des Province et Ville de Tauris , dans le Traité auquel il travailloit avec le
Roy de Perse ; mais le 7 du mois passé il arriva
deux Courriers , l'un de cette place , et l'autre de
Babilonne. Par celui- ci, Achmet- Pacha apprenoit,
qu'il ne pouvoit plus se flatter de conclure la
Paix , à moins que Tauris et ses dépendances ne fussent restituées aux Persans ; et par l'autre, AliPacha marquoit que si l'on rendoit Tauris à
Chah-Tahmas , il étoit à craindre , malgré le consentement qu'y donneroient les Officiers de
l'Armée , que la Soldatesque ne se portât à quel- que mutinerie.
Des circonstances si opposées , jetterent la
Porte dans un grand embarras. Le Sultan fit
convoquer sur le champ un Conseil general devant lui; et quand il fut assemblé , le G. V. pour
sonder les esprits , après avoir discuté la situation des affaires en Perse , demanda s'il falloit
faire la paix, ou non. Tous les avis se réunirent
d'abord pour l'affirmative ; mais quand il vint
I. Vol.
à
JUI N. 1732 1215
l'exposition des articles, dont le principal étoit la restitution de Tauris , chacun garda un profond silence ; ce que voyant le G. S. il dit aux
assistans , qu'il leur donnoitdeux jours pour refléchir murement sur une affaire de si grande
conséquence , et leur ordonna de venir ensuite
lui communiqner ce qu'ils en penseroient, en toute liberté.
Le 9 , le Conseil s'étant rassemblé , et la matiere ayant été de nouveau agitée , l'avis le plus
general fut , qu'il ne falloit faire la Paix qu'à
Gondition que Tauris resteroit à l'Empire Othoman , et que si Chah- Tahmas s'obstinoit à en
exiger la restitution , il valloit mieux continuer
la Guerre. Quoique ce ne fut pas le sentiment du G. V. il eut ordre de faire de nouveaux préparatifs de Guerre, et le G.S. dépêcha son ( a)Bach- Chokadar au Pacha de Babilonne , et un Offi
cier de confiance àAli- Pacha. Ces deux hommes,
sur les lumieres et la fidelité desquels le Sultan
se reposoit , furent expressément chargez de s'in- former avec soin du véritable état où étoient
les Armées Turques et Persannes , et de prendre
une connoissance exacte de toutes choses , parce
que Sa Hautesse avoit conçu de violens soup
gons contre Achmet Pacha , et qu'elle appréhendoit , comme on le lui avoit déja insinué , que ce Séraskier ne se fut laissé séduire par les présens
de Chah-Tahmas. En effet, ces soupçons paroissoient d'autant mieux fondez , qu'Achmet Pacha dans toutes les Lettres qui avoient précédé sa
derniere , bien loin de parler de rendre Tauris
aux Persans , avoit toujours mandé au contraire ,
qu'ils en passeroient par tout ce qu'on voudroit
( a )Maitre de la Garderobe.
1. Vol. exiger H
1216 MERCURE DE FRANCE
exiger d'eux ; et ce qui fit depuis encore présmer qu'il pouvoit y avoir quelque chose d'équivoque dans la négociation de ce Pacha, c'est que 23 de ce même mois un de ses Officiers arriva
à Constantinople avec la nouvelle que la Paix
étoit faite , et qu'il étoit convenu avec ChahTahmas de lui ceder les Ville et Province de
Tauris.
le
Le lendemain le Mufti Pasmadgi- Zadé, ressentit le premier effet que produisit certe nouvelles le G. S. piqué d'avoir , à sa persuasion ,
donné au Pacha de Babilonne des pleins pouvoirs
pour conclure et signer la Paix , le déposa et l'éxila (d'abord à Synope , Ville et Port de la Mer
noire ; ensuite ayant témoigné qu'il souhaiteroit .
de faire le pelerinage de la Mecque , Sa Hautesse y consentit , et lui fit pourtant donner un
Chiaoux pour le garder et le conduire jusqu'en Egypte ; mais cette nouveautéa yant blessé la délicatesse des Gens de Loy , ils intercederent si
puissamment en sa faveur auprês du G. V. que ce Ministre oubliant tous les sujets de mécontentemens que Pasmadgi- Zadé lui avoit donnez, lui.
ôta ce Garde, et le laissa librement partir avec son
Harem, ou maison de ses Femmes , et tous ses effets. On dit qu'il doit passer quelque temps à
la Mecque , et de là venir demeurer à Damas
dont il sera fait Moullah ou Juge en Chefpour
le reste de ses jours. Il est peu regrété , parce
que Damad- Zadé , ancien Cadilesker , qui l'a
remplacé, a toutes les qualitez qu'il faut pour s'attirer le respect , l'estime et l'amour du Public,
Le 25 , tous les Gens de Loy , et principaux
Seigneurs de l'Empire s'assemblerent à la Porte
shez le G. V, et allerent ensuite avec le nouI.Vol. Yeau
JUIN. 1732. 1217
reau Moufti chez le G. S. ou le Conseil se tint.
Après qu'on y eut fait lecture du Traité fait par
Achmet Pacha, plusieurs des premiers de l'assemblée suppliérent Sa Hautesse de vouloir bien
le ratifier , et sur tout Issac-Effendi , Cadiles ker
ou Juge suprême d'Asie , qui redoublant ses Ins
tances , representa avec force au Sultan , que s'il
désavoüoit un Traité qui n'avoit été conclu
qu'en vertu des pleins pouvoirs dont il avoit honoré le Pacha de Babilonne , on n'auroit plus de
foy à sa parole Imperiale ; et que d'ailleurs ,
tout bien considéré, une Paix solide avec la Perse,
après une Guerre si longue et si onéreuse, étoit
préférable à l'acquisition de cent Villes comme Tauris.
à sa
Le G. S. répondit que la ratification du Traité dont il s'agissoit , ne pressoit point encore
qu'il n'y avoit que peu de jours qu'il avoit dépêché son Bach- Chokadar à Achmet Pacha
pour lui signifier qu'il ne consentiroit jamais
faire la Paix qu'à condition que Tauris et ses dépendances resteroient à la Porte ; qu'après une
déclaration si précise , il ne convenoit pas
dignité de changer si-tôt de sentiment, et qu'il
êtoit dans celui d'attendre le retour des deux personnes qu'il avoit envoyées en Perse , avant que
de prendre , à cet égard , une résolution définitive. Cette réponse judicieuse, ayant fait impres- sion sur toute l'assemblée , personne n'insista
plus , et l'on se sépara sans rien conclure.
Le 1 Mars , le G. S. qui vouloit , à ce qu'on
présume , conférer avec le Mufti , sur le désordre arrivé la veille , lui envoya son premier
Asseki , et lui fit dire , avec une bonté qui fait
autant d'honneur à Sa Hautesse , qu'à ce venerable vieillard , qu'ayant à l'entretenir , et voulant
I. Vol.
Hij lui
1248 MERCURE DE FRANCE
lui épargner la peine de venir jusqu'au Serail , id
avoit fait la moitié du chemin , et qu'il le prioit
de vouloir bien se rendre à Aina , Serrail ou Serail des Miroirs , où il l'attendoit. Le Sultan fit
ordonner en même- temps au G. V. de convoquer pour le lendemain à la Porte les Officiers
les plus considerables des Troupes , et les Gens
de Loy , dont la capacité est le plus en réputation , pour former un grand Conseil en sa pré- sence , au sujet des affaires de Perse , et des Lertres qui venoient d'arriver de ce païs- là.
Cette Assemblée s'étant faite chez le G.V.après
la priere du midy , il s'y tint une courte confe-
'Lence , ensuite de laquelle on se rendit chez le
Sultan , où le Conseil dura deux heures. Voici
quel en fut le résultat : Une partie des Conseillers considerant les dommages infinis que la continuation de la Guerre pourroit apporter à l'Empire , opina qu'on ne pouvoit la terminer trop
tôt , et que sans s'opiniâtrer à vouloir conserver
tous les Païs conquis,il falloit approuver le Trai
té passé par Achmet Pacha , en y inserant les
dernieres conditions proposées par Chah - Tahmas ; le reste des Assistans soutint au contraire ,
qu'il falloit absolument rejetter l'article de la
restitution de Tauris , &c. parce que la possession de cette conquête renfermoit en quelque fa
çon de seul avantage de conséquence , qui put un
peu dedommager la Nation de tout ce qu'il lui
en avoit coûté , et justifier aux yeux de l'Univers la longue Guerre qu'elle avoit faite aux
chacun se fixant ainsi à son Persans: Si-bien que
opinion , l'Assemblée se séparoit déja sans être
convenue de rien , lorsque le G. V. s'approcha
du Sultan , et lui dit , que son zele pour les interêts de l'Empire; et en particulier pour celui
de I. Vol.
JUIN. 1732. 1219
de Sa Hautesse , ne lui permettoit pas de lui rient
déguiser de ce qu'il sçavoit,et de ce qu'il pensois
dans une conjoncture aussi délicate , que celle de faire la Paix , ou de continuer la Guerre ; que l'Asie étoit entierément ruinée que sans faire
mention de la quantité de Troupes qui péris
soient en Perse par la famine , et par les mala
dies , aucune des conquêtes qu'on y avoit faites , ne pouvoit produire un revenu suffisant à l'entretien des Garnisons qu'on seroit obligé d'y mertre ; qu'il étoit sorti du Tresor un argent im- mense en pure perte , la Porte n'en ayant retiré
aucun fruit ; qu'outre que par les raisons qu'il
venoit d'exposer , il n'y avoit point de meilleur parti à prendre que celui de confirmer la Paix faite par le Pacha de Babilonne , l'honneur et la
religion de Sa Hautesse y étoient particuliere- ment engagées , puisque ce Gouverneur n'avoit
agi qu'en consequence des pouvoirs sans limites ,
qu'elle lui avoit envoyez ; qu'enfin pour achever
de vaincre la répugnance qui paroissoit que Sa Hautesse avoit de ratifier ce Traité ; il la supplioit de considerer , que sur ce que les Troupes Othomanes n'avoient pas voulu évacuer Tauris
Ali Pacha marquoit par ses dernieres Lettres que Chah Tahmas offroit de payer â la Porte des
sommes considerables , pourvû qu'on lui rendic cette Place demantelée , avec ses dependances , et
que cette espece de tribut auquel ce Prince se sou- mettoit de lui-même , seroit aussi honorable et
plus utile à l'Empire, que la stérile gloire de pos- seder des Païs ruinez , dont on ne se priveroit
qu'en faveur d'une Paix qui étoit devenuë absolument necessaire par toute sorte d'endroits. Le G. S. touché de ce discours , fit rappeller
l'Aga des Janissaires , qui avoit déja quitté le
L. Vol. H iij Con-
1220 MERCURE DE FRANCE
Conseil , ainsi que plusieurs autres , er luj, dit
que voulant bien déferer au sentiment du Visir
il falloit qu'il fit partir le ( a) Tourmadgi-Bashi , pour aller joindre Achmet Pacha , et qu'il
dépêcha aussi un autre Officier de son Corps.
vers Ali-Pacha , qu'ils n'avoient qu'à venir pren
dre ses ordres qu'on alloit leur expedier.
Ces ordres , à ce qu'on rapporte , contenoient
en substance , que plusieurs Conseils ayant été
tenus en presence de Sa Hautesse , au sujet du
Traité conclu depuis peu entre Achmet- Pacha et le Roy de Perse , elle n'avoit pas d'abord voulu consentir à ce que Tauris et ses dépendances
fussent remises à ce Prince ; mais qu'à la priere
de tous les Grands de son Empire , et par complaisance pour ses peuples , qui désiroient la Paix,
elle se déterminoit enfin à se relâcher des droits
que lui donnoient ses Armes victorieuses ; c
qu'ainsi à l'arrivée de ses Commandemens , ong
eu à les faire lire en public , et à se mettre en
état d'y obéir , en retirant de la place de Tauris
et de son district toute l'Artillerie , et generalement toutes les Munitions , et tous les effets appartenans aux Garnisons , qui après la démolition de la Citadele de Tauris , sortiront de cette
Ville , et se retireront à Erivan jusqu'à nouvel
ordre , enjoignant à Achmet- Pacha de faire escorter ces Garnisons , afin qu'elles ne puissent
être insultées , ni souffrir aucun dommage sur
leur route de la part des Persans.
Le G. V. Topal Osman Pacha fût déposé
avant hier matin , 12 Mars , malgré tout son mé
(a ) C'est un des principaux Officiers des Janis
saires , qui est d'ailleurs comme le grand Vencur du Sultan.
I. Vol.
rite
JUIN. 1732, 1221
rite , et envoyé sur le champ à Cadi-Quevi, on
à Calcedoine , d'où il partit hier en poste avec
peu de monde, pourse rendre à Trebizonde, dont on lui a donné le Gouvernement ; le reste de ses
Gens s'est embarqué avec tous ses effets , pour
Faller joindre. On ne sçait pas bien encore la cause de sa disgrace , ni qui sera son Successeur,
En attendant Ali- Pacha Tetferdar, ou grand Tresorier , a été nommé Vekil , ou Délegué , pour
faire les fonctions de Grand Visir.
Quelques affaires de commerce ayant retardé
le départ du Bâtiment qui doit porter cette Lettre , je profite de cette prolongation ; pour ajoû
ter , aujourd'hui 14 Mars , encore quelques faits,
qui seront une nouvelle preuve de mon exacti- tude.
Le 3 Octobre , le Marquis de Villeneuve ,
Ambassadeur de France , eut sa premiere Audience du nouveau G. S. où les choses se passerent à l'ordinaire. Le 17 S. E. porta au G. V. les Lettres du Roy pour le Sultan et pour son Premier Ministre , à l'occasion de l'avenement de
S. Hautesse à l'Empire.
Le 21. le Commandement Imperial fut déli
vré , portant la permission de rebâtir les Monasteres et les Maisons des Religieux de Galata , qui
avoient été détruites par l'Incendie du 21. Juil- let ; non seulement ces Maisons sont solidement
rebâties et occupées à present , mais encore presque toutes celles des Particuliers que cet embra sement avoit consumées.
Le 30. Novembre, Chahim Mehemet , Capitan
Pacha , qui avoit été cy-devant Jannissaire- Aga,
et ensuite avoit fait les fonctions de G. V. par
interim, pendant 12..jours , depuis la déposition.
d'Ibrahim-Pacha , jusqu'à l'installation de Topal VI. Vol. Hiiij Osman
1222 MERCURE DE FRANCE
Osman Pacha , fut déposé et envoyé Pacha à la Cavée..
Le 31 Marabou Capitan , Capitaine du Port
de Constantinople , qui avoit fait les fonctions
de Capitan- Pacha depuis la déposition de Cháhim-Mehemet, fut élevé à cette dignité.
D'autres Lettres confirment la déposition du
G. V. et que le G. S..l'avoit fait conduire à Salonique , par un Détachement de Spahis , et que le Tetferdar de la Cour avoit été nommé pour
exercer cette Charge importante jusqu'à l'arrivée
du Bacha de Babylone , à qui elle est destinée.
Ces Lettres ajoûtent qu'il y avoit encore quel
ques Assemblées tumultueuses dans differens
quartiers de Constantinople, et qu'il y avoit beaucoup de mécontens dans l'Armée de Perse , qui
se plaignoient hautement de ce qu'on avoit promis de rendre la Ville de Tauris au Roy de Perse ;
que le Pacha qui y commande , avoit déclaré qu'il
n'en sortiroit qu'en vertu d'un ordre signé de la
main du G. S. et que S. H. avoit dû assembler
le grand Divan deux ou trois jours après le départ du Courier , pour déliberer sur les moyens
d'achever de rétablir la tranquillité dans l'interieur
de l'Empire.
On inande en dernier lieu de Constantinople
qu'on y avoit découvert une conspiration contre
le G. S. qu'on vouloit déposer pour mettre sur le
Trône le Sultan son oncle qui fut déposé l'année
derniere, et que S. H avoit fait punir de mort les
principaux Conjurez. On ajoute que le dernier
G. Visir déposé avoit été fait Pacha de Widin ,
et que le Pacha de Babylone , nommé pour le
remplacer , et qu'on attend incessamment , étoit fort aimé de la Milice et du Peuple.
Fermer
Résumé : LETTRE écrite de Constantinople, le 6 et le 14 Mars 1732. contenant la suite des nouvelles de Turquie et de Perse.
En mars 1732, une lettre de Constantinople relate les événements en Turquie et en Perse. En septembre 1731, les Ottomans ont remporté une victoire décisive à Amadan contre les Perses, où le Chah Tahmas était présent. Cette victoire a permis la prise de plusieurs places fortes, affaiblissant les forces persanes. Pour éviter la perte totale de ses États, le Chah Tahmas a tenté de négocier la paix avec les Ottomans. Le 20 novembre, un conseil général à la Porte a examiné les propositions de paix du Chah, transmises par Achmet Pacha, le général de l'armée ottomane. Le Sultan a envoyé un officier avec des pleins pouvoirs pour négocier la paix, tout en maintenant des troupes aux frontières. Le 22 décembre, la prise de Tauris par Ali Pacha a renforcé la position ottomane, permettant au Sultan de durcir ses conditions de paix. Cependant, des courriers ont rapporté que la paix ne pouvait être conclue sans la restitution de Tauris aux Perses, plongeant la Porte dans l'embarras. Un conseil général a été convoqué et il a été décidé de continuer la guerre si Tauris n'était pas restitué. Le Sultan a envoyé des émissaires pour évaluer la situation des armées et les intentions d'Achmet Pacha, suspecté de trahison. Le 25 mars, une assemblée a demandé la ratification du traité de paix conclu par Achmet Pacha, mais le Sultan a préféré attendre le retour des émissaires. Le 1er mars, un grand conseil a discuté des affaires persanes. Les avis étaient partagés entre la nécessité de terminer la guerre et la volonté de conserver Tauris. Le Grand Vizir a convaincu le Sultan de ratifier le traité de paix, soulignant les ruines économiques et humaines causées par la guerre et l'honneur engagé par les pleins pouvoirs donnés à Achmet Pacha. Le texte mentionne également des troubles et des mécontentements dans l'armée perse et à Constantinople, ainsi qu'une conspiration contre le Grand Sultan, réprimée. Topal Osman Pacha, Grand Vizir, a été déposé le 12 mars et envoyé à Trebizonde. Ali-Pacha Tetferdar a été nommé Délegué pour exercer les fonctions de Grand Vizir en attendant un successeur. Le Marquis de Villeneuve, ambassadeur de France, a eu une audience avec le nouveau Grand Sultan le 3 octobre. Diverses décisions administratives ont été prises, comme la reconstruction des monastères à Galata et la déposition de Chahim Mehemet, ancien Capitain Pacha.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 1621-1627
LETTRE écrite de Constantinople, le 8. Juin 1732.
Début :
Quoique vous soyez déjà, sans doute, informé, Monsieur, de la [...]
Mots clefs :
Grand vizir, Chef des Eunuques noirs, Kaïkman, Sultan, Canon, Constantinople, Topal Osman Pacha
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Constantinople, le 8. Juin 1732.
LETTRE écrite de Constantinople ,
le 8. Juin 1732.
Qué,Monsieur , de la déposition duGrandUoique vous soyez déja , sans doute , infor-
•
Vizir Topal Osman Pacha , arrivée le 12 Mars
lernier , je ne laisse pas de vous la rappeller ici ,
our vous mander quelques particularitez sur ce
ujet, que vous ignorez peut- être, et qui méritent
Votre curiosité.
Le Kislar- Aga ou Chef des Eunuques noirs, qui
ossede toûjours toute la confiance du G.S.lui dit,
nlui redemandant le SceauImperial de la part de
, H. qu'il ne devoit par regarder ce qui lui arivoit comme une disgrace ; que le Sultan l'ainoit toûjours et étoit très-satisfait de ses services,
t qu'en lui ôtant la Charge de Premier Ministre,
avoit eu moins en vûë de l'en dépouiller , que de
soulager du fardeau qui l'accompagnoit, et qui ar rapport à son âge , à ses infirmitez et aux connctures où se trouvoit l'Empire , étoit devenué
un poids à l'acabler. Qu'il n'avoit non-seulement
rien à craindre ni pour lui ni pour les siens , mais
que l'intention du G.S. étoit que le Bey , son cher
fils unique, qui est Capigi Bachi , restat à la Cour
pour lui faire du bien , et que lui-même KislarAga
1622 MERCURE DE FRANCE
Aga, l'assuroit qu'il en prendroit autant de soin que s'il étoit son propre enfant.
Topal-Osman , qui reçût cette nouvelle avec
ne fermeté admirable , répondit , après l'avoir
remercié de ses sentimens , que sa conscience
ne fui reprochant rien , et que connoissant l'équité du G. S. qu'il avoit servi avec zele , il étoit
en repos sur ses jours , et que d'ailleurs n'ayant
jamais craint de les perdre dans tant de périls
qu'il avoit courus à la guerre pendant toute sa
vie, il étoit trop vieux à present pour s'en- inquieter.
Il fut ensuite conduit à Calcedoine pour y attendre sa destination , et dans le même temps,
c'est-à- dire entre zo. et 11 heures du matin
Ali-Pacha Defterdar , nommé Kaïmakan , pour
exercer les fonctions du Viziriat pendant l'interim , alla tenir le Divan en sa place.
D
Apeine Topal-Osman fut- il arrivé à Calcedoi.
ne , que ses Amis et ses Domestiques s'y rendirent et se présenterent devant lui , la plupart les
yeux baignez de larmes. Pourquoi pleurez- vous
leur dit- il avec un air de satisfaction peint sur le
visage , de me voir délivré d'un Emploi , que
comme vous le sçavez bien , je n'étois venu remplir qu'avec répugnance ? Il s'entretint ensuite
avec eux le plus tranquillement du monde , entrant même dans de grands détails sur des affaires particulieres , et pour mieux marquer la sincerité de la joye que lui causoit son changement
de fortune ; il fit égorger une douzaine de Moutons en action de grace , comme c'est la coûtume chez les Mahométans , de faire de ces sortes de
Sacrifices , pour remercier Dieu des bons évenemens qui leur arrivent , ou pour lui demander un heureux succès dans leurs entreprises.
JUILLET
. 173.2. 1523
H fut nommé le même jour Pacha de Trébizonde , et partit le lendemain de Calcédoine pour
Smit
, autrefois Nicomédie
, où il demeura jusqu'après le Beiram ou la Pâque des Turcs. Le Tchaoux- Bachi , qui étoit son neveu , fut aussi
déposé et devint son Kiaya ou Lieutenant
, par
ordre de la Porte
, qui en cette derniere qualité le
chargea d'assembler les Equipages et toute la
Maison de son Oncle
à Calcedoine
, et de l'aller
joindre ensuite
à Nicomédie
.
L'amour que Topal Osman conservoit toujours pour le bien public , ne lui permettant pas
de le négliger et de rester oisif pendant environ
15. jours qu'il demeura dans cette Ville
, il s'appliqua à remedier aux desordres qui s'y commertoient dans la Police , et ayant appris qu'entr'autres abus nouvellement introdus , il y avoit des
gens qui achetoient tous les œufs du Pays
, dont ils faisoient des réserves et qu'ils n'en envoyoient
qu'en petite quantité
à la fois
à Constantinople
,
où par ce moyen ils étoient devenus fort chers . Il
fit pendre ces Monopoleurs
, et saisir tous leurs
œufs
, qui furent portez par son ordre
à cette
Capitale où ils devinrent
à très
- grand marché
.
Il partit de Smit les premiers jours d'Avril
,
avec une Maison magnifique
, composée de plus
de 600. Domestiques
, car le G. S. lui ayant laissé
generalement tous ses biens
, il est
, malgré ses
liberalitez continuelles
, un dés plus riches Particuliers de l'Empire ; et plus de 6000. personnes
le conduisirent bien loin hors de la Ville
.
Je ne puis
, Monsieur
, me dispenser de vous
rapporter ici un trait de Topal
- Osman
, qui suffiroit seul pour vous donner une juste idée de la
grandeur de son ame
. Quelques jours avant celui auquel on le déposa , qui fut le 15. de la Lu-ne
L
1624 MERCURE DE FRANCE
de Ramasan ou du Jeûne , il avoit déja fait préparer tous les Présens que les Grands Visirs sont en
usage de faire au Serrail à la fin de ce Carême des
Mahometans , et il se trouvoit parmi ceux qu'il
vouloit donner au G. S. un Harnois de Cheval ,
garni de Pierreries , qui lui coûtoit seul près de
170. mille livres. Quoique ces, Présens n'eussent
point été consignez et qu'il les eût encore entre
ses mains au moment de sa déposition , il ne
laissa pas moins ses ordres en partant de Calcedoine , pour qu'ils fussent distribuez à la tête du
Beiram , à ceux à qui il les avoit destinez , comme s'il eût encore été en place. Il est vrai que le
Sultan , de son côté , pour lui marquer qu'il n'avoit point perdu les bonnes graces de S. H. lui envoya aussi à Nicomédie les mêmes Présens
qu'elle fait toujours dans ces Fêtes au G. Visir.
A l'égard du nouveau G. V. Ali- Pacha , outre
ce nom , on lui donne encore par un usage fort ordinaire chez les Turcs , celui de Ekim-Oglou,
c'est- à- dire , fils de Medecin. Son pere , à ce
qu'on assure , étoit Venitien et s'appelloit Cornero ; il fut fait Esclave en Candie , étant encore
jeune, mais professant déja la Medecine, et desesperant de pouvoir jamais recouvrer sa liberté , il
embrassa le Mahometisme , et se maria avec une
Turque. La réputation qu'il acquit dans son Art
ayant été portée jusqu'au Serrail , il y fut appellé et devint Ekim- Bachi , ou Premier Medecin du
dernier Sultan déposé , au service duquel il est
mort dans un âge fort avancé. Entre plusieurs
enfans qu'il avoit eus de sa femme , il introduisit
deux de ses fils auprès de ce Sultan , par la faveur
du Kislar Aga , qui avoit été autrefois son Esclave ; l'aîné en qualité de Gerrah-Bachi , ou
Premier Chirurgien , qui remplit encore le même
Poste
JUILLET. 1732. 1625
poste auprès du G. S. regnant ; le second qui fut
d'abord fait Capigi- Bachi ; et qui après avoir essuyé bien des revers sous le Regne precedent ,
parvint il y a quelques années au Generalat de Arme Othomane .sur les Frontieres , et vient
d'être élevé à l'éminente Charge de Grand Visir.
C'est un homme d'environ 45. ans, d'assez bonne
mine, qui passe pour aimer la magnificence, et qui
est liberal jusqu'à la prodigalité. Il arriva à Scu- tary de Perse , le 10. May au matin , où tous les
Grands de l'Empire l'attendoient sous des Tentes
dans la campagne. 11 s'y trouva un concours de plus de 6000. femmes ou filles , attirées par la
Curiosité que leur donna le renom qu'a ce Visir
d'être aussi galant que feu Ibrahim Pacha , et en
nême-temps pour se dédommager un peu de la
retraite rigoureuse que son Prédecesseur Topal- Osman faisoit observer au beau Sexe. Après avoir fîné là , il remonta à cheval et traversa Scutary
avec un magnifique et nombreux cortege , jusqu'à la Marine , jettant de temps en temps des
poignées de Sequins au Peuple.
Il se mit ensuite dans le Caïc ou la Gondole à
Tendelet des G. Visirs ; le Vaisseau Contre- Amiral bien pavoisé , et qu'on avoit fait avancer à
son occasion près de la Tour de Leandre , le salua de 15. coups de Canon à son passage , et cette
Tour de cinq ; il vint débarquer au Kiosc ou Pavillon du Serrail qui est au bord de la Mer , ou
la Maison du G. S. étoir rangée en haye pour le
recevoir ; il eut sur le champ audience de S. H.
avec laquelle il demeura plus de deux heures ; le
G. S. après lui avoir confié le Sceau Imperial et
= l'avoir fait revêtir des autres marques de dignité
attachées à sa Charge , le fit conduire par ses prog
pres Officiers au Palais des G. V. où il se rendit,
marchans
1626 MERCURE DE FRANCE
où
marchant à la droite du Mufti , et répandant
toujours à pleines mains les Sequins sur sa route.
Le même jour Ismaël- Pacha , Janissaire- Aga ,
fut fait Pacha à trois Queues en plein Divan ,
le G. V. lui fit donner une Pelisse de Samour ,
couverte d'un drap d'or du Pays. Le Kiaya ou
Lieutenant de Topal Osman , qui étoit resté en
fonction jusqu'alors , fut déposé , et celui d'AliPacha prit sa place.
Ce Premier Ministre fit rouvrir tous les Caffez publics , qui depuis la grande Révolution de 1730. avoient presque toûjours été fermez , et sur
les plaintes qu'on lui porta des fraudes qui s'étoient renouvellées dans le débit des Vivres et des
Denrées depuis la déposition de Topal- Osman ,
quoique dans l'interim le Kaimakan eût fait pendre plusieurs prévaricateurs en ce genre , il alla
faire une tournée dans Constantinople chez les
Bouchers et les Boulangers ; il fixa le prix de la
viande, qui se vendoit fort cher , et dont on manquoit même souvent , fit augmenter le poids du
pain , envoya aux Galeres ceux des Boulangers
qu'il trouva en contravention , et donna dix Sequins à chacun de ceux qui étoient en regle , ce
qui lui attira de grandes louanges.
Le 22. du même mois de May , ayant mandé
le Defterdar ou Trésorier Ali- Pacha , cy-devant
Kaimakan, il le fit revêtir d'une Pelisse de Samour, en lui disant que le G. S. l'avoit nommé
Pacha de Cutaya , (' en Asie , près de Brousse ,
qui est une espece d'exil ) et qu'il se préparât à
partir dans deux jours. L'ancien Reis Effendi du
temps d'Achmet III. qui étoit devenu TefterEmini, ou Garde des Rôles de la Milice , sous le
G. S d'apresent , et que ce Ministre avoit aussi
mandé, reçut le Caftan ou Robe d'honneur ,-
avec
JUILLET. 1732. 1627
avec la Charge de Defterdar , et ceda la sienne de
Tefter- Emini à SerdensiEffendi , qui avoit été Se- cretaire de la Porte aux Conferences de Passarowitz. Le Tchaoux- Bachi et le Bostandgi- Bachi ,
furent pareillement déposez : le poste du premier fut donné à l'ancien General de la Cavalerie, resté
depuis quelque temps sans emploi, et celui du second , a l'Asseki- Aga, qui fut relevé dans le sien
par l'Oda-Bachi. Voilà, Monsieur , en quoi consistent jusqu'à present les principaux changemens survenus à la Porte , depuis l'arrivée du nouveau
G. Visir. Je suis , &c.
L
E -25
P. V. D.
le 8. Juin 1732.
Qué,Monsieur , de la déposition duGrandUoique vous soyez déja , sans doute , infor-
•
Vizir Topal Osman Pacha , arrivée le 12 Mars
lernier , je ne laisse pas de vous la rappeller ici ,
our vous mander quelques particularitez sur ce
ujet, que vous ignorez peut- être, et qui méritent
Votre curiosité.
Le Kislar- Aga ou Chef des Eunuques noirs, qui
ossede toûjours toute la confiance du G.S.lui dit,
nlui redemandant le SceauImperial de la part de
, H. qu'il ne devoit par regarder ce qui lui arivoit comme une disgrace ; que le Sultan l'ainoit toûjours et étoit très-satisfait de ses services,
t qu'en lui ôtant la Charge de Premier Ministre,
avoit eu moins en vûë de l'en dépouiller , que de
soulager du fardeau qui l'accompagnoit, et qui ar rapport à son âge , à ses infirmitez et aux connctures où se trouvoit l'Empire , étoit devenué
un poids à l'acabler. Qu'il n'avoit non-seulement
rien à craindre ni pour lui ni pour les siens , mais
que l'intention du G.S. étoit que le Bey , son cher
fils unique, qui est Capigi Bachi , restat à la Cour
pour lui faire du bien , et que lui-même KislarAga
1622 MERCURE DE FRANCE
Aga, l'assuroit qu'il en prendroit autant de soin que s'il étoit son propre enfant.
Topal-Osman , qui reçût cette nouvelle avec
ne fermeté admirable , répondit , après l'avoir
remercié de ses sentimens , que sa conscience
ne fui reprochant rien , et que connoissant l'équité du G. S. qu'il avoit servi avec zele , il étoit
en repos sur ses jours , et que d'ailleurs n'ayant
jamais craint de les perdre dans tant de périls
qu'il avoit courus à la guerre pendant toute sa
vie, il étoit trop vieux à present pour s'en- inquieter.
Il fut ensuite conduit à Calcedoine pour y attendre sa destination , et dans le même temps,
c'est-à- dire entre zo. et 11 heures du matin
Ali-Pacha Defterdar , nommé Kaïmakan , pour
exercer les fonctions du Viziriat pendant l'interim , alla tenir le Divan en sa place.
D
Apeine Topal-Osman fut- il arrivé à Calcedoi.
ne , que ses Amis et ses Domestiques s'y rendirent et se présenterent devant lui , la plupart les
yeux baignez de larmes. Pourquoi pleurez- vous
leur dit- il avec un air de satisfaction peint sur le
visage , de me voir délivré d'un Emploi , que
comme vous le sçavez bien , je n'étois venu remplir qu'avec répugnance ? Il s'entretint ensuite
avec eux le plus tranquillement du monde , entrant même dans de grands détails sur des affaires particulieres , et pour mieux marquer la sincerité de la joye que lui causoit son changement
de fortune ; il fit égorger une douzaine de Moutons en action de grace , comme c'est la coûtume chez les Mahométans , de faire de ces sortes de
Sacrifices , pour remercier Dieu des bons évenemens qui leur arrivent , ou pour lui demander un heureux succès dans leurs entreprises.
JUILLET
. 173.2. 1523
H fut nommé le même jour Pacha de Trébizonde , et partit le lendemain de Calcédoine pour
Smit
, autrefois Nicomédie
, où il demeura jusqu'après le Beiram ou la Pâque des Turcs. Le Tchaoux- Bachi , qui étoit son neveu , fut aussi
déposé et devint son Kiaya ou Lieutenant
, par
ordre de la Porte
, qui en cette derniere qualité le
chargea d'assembler les Equipages et toute la
Maison de son Oncle
à Calcedoine
, et de l'aller
joindre ensuite
à Nicomédie
.
L'amour que Topal Osman conservoit toujours pour le bien public , ne lui permettant pas
de le négliger et de rester oisif pendant environ
15. jours qu'il demeura dans cette Ville
, il s'appliqua à remedier aux desordres qui s'y commertoient dans la Police , et ayant appris qu'entr'autres abus nouvellement introdus , il y avoit des
gens qui achetoient tous les œufs du Pays
, dont ils faisoient des réserves et qu'ils n'en envoyoient
qu'en petite quantité
à la fois
à Constantinople
,
où par ce moyen ils étoient devenus fort chers . Il
fit pendre ces Monopoleurs
, et saisir tous leurs
œufs
, qui furent portez par son ordre
à cette
Capitale où ils devinrent
à très
- grand marché
.
Il partit de Smit les premiers jours d'Avril
,
avec une Maison magnifique
, composée de plus
de 600. Domestiques
, car le G. S. lui ayant laissé
generalement tous ses biens
, il est
, malgré ses
liberalitez continuelles
, un dés plus riches Particuliers de l'Empire ; et plus de 6000. personnes
le conduisirent bien loin hors de la Ville
.
Je ne puis
, Monsieur
, me dispenser de vous
rapporter ici un trait de Topal
- Osman
, qui suffiroit seul pour vous donner une juste idée de la
grandeur de son ame
. Quelques jours avant celui auquel on le déposa , qui fut le 15. de la Lu-ne
L
1624 MERCURE DE FRANCE
de Ramasan ou du Jeûne , il avoit déja fait préparer tous les Présens que les Grands Visirs sont en
usage de faire au Serrail à la fin de ce Carême des
Mahometans , et il se trouvoit parmi ceux qu'il
vouloit donner au G. S. un Harnois de Cheval ,
garni de Pierreries , qui lui coûtoit seul près de
170. mille livres. Quoique ces, Présens n'eussent
point été consignez et qu'il les eût encore entre
ses mains au moment de sa déposition , il ne
laissa pas moins ses ordres en partant de Calcedoine , pour qu'ils fussent distribuez à la tête du
Beiram , à ceux à qui il les avoit destinez , comme s'il eût encore été en place. Il est vrai que le
Sultan , de son côté , pour lui marquer qu'il n'avoit point perdu les bonnes graces de S. H. lui envoya aussi à Nicomédie les mêmes Présens
qu'elle fait toujours dans ces Fêtes au G. Visir.
A l'égard du nouveau G. V. Ali- Pacha , outre
ce nom , on lui donne encore par un usage fort ordinaire chez les Turcs , celui de Ekim-Oglou,
c'est- à- dire , fils de Medecin. Son pere , à ce
qu'on assure , étoit Venitien et s'appelloit Cornero ; il fut fait Esclave en Candie , étant encore
jeune, mais professant déja la Medecine, et desesperant de pouvoir jamais recouvrer sa liberté , il
embrassa le Mahometisme , et se maria avec une
Turque. La réputation qu'il acquit dans son Art
ayant été portée jusqu'au Serrail , il y fut appellé et devint Ekim- Bachi , ou Premier Medecin du
dernier Sultan déposé , au service duquel il est
mort dans un âge fort avancé. Entre plusieurs
enfans qu'il avoit eus de sa femme , il introduisit
deux de ses fils auprès de ce Sultan , par la faveur
du Kislar Aga , qui avoit été autrefois son Esclave ; l'aîné en qualité de Gerrah-Bachi , ou
Premier Chirurgien , qui remplit encore le même
Poste
JUILLET. 1732. 1625
poste auprès du G. S. regnant ; le second qui fut
d'abord fait Capigi- Bachi ; et qui après avoir essuyé bien des revers sous le Regne precedent ,
parvint il y a quelques années au Generalat de Arme Othomane .sur les Frontieres , et vient
d'être élevé à l'éminente Charge de Grand Visir.
C'est un homme d'environ 45. ans, d'assez bonne
mine, qui passe pour aimer la magnificence, et qui
est liberal jusqu'à la prodigalité. Il arriva à Scu- tary de Perse , le 10. May au matin , où tous les
Grands de l'Empire l'attendoient sous des Tentes
dans la campagne. 11 s'y trouva un concours de plus de 6000. femmes ou filles , attirées par la
Curiosité que leur donna le renom qu'a ce Visir
d'être aussi galant que feu Ibrahim Pacha , et en
nême-temps pour se dédommager un peu de la
retraite rigoureuse que son Prédecesseur Topal- Osman faisoit observer au beau Sexe. Après avoir fîné là , il remonta à cheval et traversa Scutary
avec un magnifique et nombreux cortege , jusqu'à la Marine , jettant de temps en temps des
poignées de Sequins au Peuple.
Il se mit ensuite dans le Caïc ou la Gondole à
Tendelet des G. Visirs ; le Vaisseau Contre- Amiral bien pavoisé , et qu'on avoit fait avancer à
son occasion près de la Tour de Leandre , le salua de 15. coups de Canon à son passage , et cette
Tour de cinq ; il vint débarquer au Kiosc ou Pavillon du Serrail qui est au bord de la Mer , ou
la Maison du G. S. étoir rangée en haye pour le
recevoir ; il eut sur le champ audience de S. H.
avec laquelle il demeura plus de deux heures ; le
G. S. après lui avoir confié le Sceau Imperial et
= l'avoir fait revêtir des autres marques de dignité
attachées à sa Charge , le fit conduire par ses prog
pres Officiers au Palais des G. V. où il se rendit,
marchans
1626 MERCURE DE FRANCE
où
marchant à la droite du Mufti , et répandant
toujours à pleines mains les Sequins sur sa route.
Le même jour Ismaël- Pacha , Janissaire- Aga ,
fut fait Pacha à trois Queues en plein Divan ,
le G. V. lui fit donner une Pelisse de Samour ,
couverte d'un drap d'or du Pays. Le Kiaya ou
Lieutenant de Topal Osman , qui étoit resté en
fonction jusqu'alors , fut déposé , et celui d'AliPacha prit sa place.
Ce Premier Ministre fit rouvrir tous les Caffez publics , qui depuis la grande Révolution de 1730. avoient presque toûjours été fermez , et sur
les plaintes qu'on lui porta des fraudes qui s'étoient renouvellées dans le débit des Vivres et des
Denrées depuis la déposition de Topal- Osman ,
quoique dans l'interim le Kaimakan eût fait pendre plusieurs prévaricateurs en ce genre , il alla
faire une tournée dans Constantinople chez les
Bouchers et les Boulangers ; il fixa le prix de la
viande, qui se vendoit fort cher , et dont on manquoit même souvent , fit augmenter le poids du
pain , envoya aux Galeres ceux des Boulangers
qu'il trouva en contravention , et donna dix Sequins à chacun de ceux qui étoient en regle , ce
qui lui attira de grandes louanges.
Le 22. du même mois de May , ayant mandé
le Defterdar ou Trésorier Ali- Pacha , cy-devant
Kaimakan, il le fit revêtir d'une Pelisse de Samour, en lui disant que le G. S. l'avoit nommé
Pacha de Cutaya , (' en Asie , près de Brousse ,
qui est une espece d'exil ) et qu'il se préparât à
partir dans deux jours. L'ancien Reis Effendi du
temps d'Achmet III. qui étoit devenu TefterEmini, ou Garde des Rôles de la Milice , sous le
G. S d'apresent , et que ce Ministre avoit aussi
mandé, reçut le Caftan ou Robe d'honneur ,-
avec
JUILLET. 1732. 1627
avec la Charge de Defterdar , et ceda la sienne de
Tefter- Emini à SerdensiEffendi , qui avoit été Se- cretaire de la Porte aux Conferences de Passarowitz. Le Tchaoux- Bachi et le Bostandgi- Bachi ,
furent pareillement déposez : le poste du premier fut donné à l'ancien General de la Cavalerie, resté
depuis quelque temps sans emploi, et celui du second , a l'Asseki- Aga, qui fut relevé dans le sien
par l'Oda-Bachi. Voilà, Monsieur , en quoi consistent jusqu'à present les principaux changemens survenus à la Porte , depuis l'arrivée du nouveau
G. Visir. Je suis , &c.
L
E -25
P. V. D.
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Résumé : LETTRE écrite de Constantinople, le 8. Juin 1732.
Le 8 juin 1732, une lettre rapporta la déposition de Topal Osman Pacha, Grand Vizir de l'Empire ottoman, survenue le 12 mars 1732. Le Kislar Aga, chef des eunuques noirs, rassura Topal Osman en expliquant que cette déposition visait à soulager le vizir de ses responsabilités en raison de son âge et de ses infirmités. Topal Osman accepta cette décision avec sérénité, affirmant n'avoir rien à se reprocher et avoir toujours servi avec zèle. Après sa déposition, Topal Osman fut conduit à Calcédoine, où il reçut la visite de ses amis et domestiques. Il exprima sa satisfaction de se voir délivré d'un emploi qu'il remplissait avec répugnance. Il organisa un sacrifice pour remercier Dieu et partit ensuite pour Trébizonde, où il fut nommé pacha. Pendant son séjour à Nicomédie, il s'occupa de remédier aux désordres dans la police locale, notamment en faisant pendre des monopoleurs d'œufs. Ali Pacha, également connu sous le nom d'Ekim-Oglou, fut nommé Kaïmakan pour exercer les fonctions du vizirat pendant l'interim. Il rouvrit les cafés publics et s'occupa des fraudes dans le débit des vivres et des denrées. Ali Pacha arriva à Scutari de Perse le 10 mai, accueilli par les grands de l'Empire et une foule curieuse. Il fut reçu par le sultan, qui lui confia le sceau impérial et les marques de sa dignité. Ismaël Pacha fut nommé pacha à trois queues en plein Divan, et plusieurs autres nominations et démissions eurent lieu parmi les hauts fonctionnaires. Ali Pacha fit également une tournée à Constantinople pour réguler les prix des vivres et punir les contrevenants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
14
p. 2037-2045
LETTRE écrite de Constantinople le 12. Juillet 1732. Suite des affaires de Perse et de Turquie.
Début :
Précisément le même jour, Monsieur, c'est-à-dire, le huit du mois passé, que je vous [...]
Mots clefs :
Pacha , Constantinople, Perse, Turquie, Lettre, Sérasker
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Constantinople le 12. Juillet 1732. Suite des affaires de Perse et de Turquie.
LETTRE écrite de Constantinople le 12 .
Juillet 1732. Suite des affaires
de Perse et de Turquie.
Récisément le même jour , Monsieur , c'estPadise,etle du mois passé ,que je vous envoyai la Relation desConferences tenues àAmadan , au mois de Janvier dernier , entre les Plénipotentiaires de Perse et de Turquie , et dont le GV Résul-
2038 MERCURE DE FRANCE
Résultat servit de base au Traité de Paix qu'ils
signerent quelque- tems après , un Chokadar
d'Achmet , Pacha de Babilonne , arriva ici en
douze jours seulement , diligence extrême , qui
répondoit à l'importance des dépêches dont son
Maître l'avoit chargé , et par lesquelles ce Pacha
informoit la Porte , que Thamas Kouli- Khan
Eatemad- Doulet , ou premier Ministre du Roi
de Perse , après avoir remporté plusieurs victoires sur les Efghans ou Aghuans , qu'il avoit rencognez dans leurs Montagnes du Candahar, étoit
revenu en triomphe à Ispaham , qu'enflé de ses heureux succès , et se prévalant de ce qu'il a mis
en quelque façon Chah- Thamas sur le Trône de
ses Ancêtres , il avoit déclaré avec hauteur on arrivant , qu'il ne vouloit absolument point ratifier Traité honteux qu'on venoit de faire avec
les Turcs sans sa participation , prétendant qu'il
étoit en état d'en obtenir un plus honorable et
plus avantageux à la Perse , et qu'en conséquence ce Ministre lui avoit écrit , à lui Achmet , une
Lettre conçue à peu près en ces termes :
Vous qui êtes Pacha de Babilonné , nous vous
faisons sçavoir en premier lieu , que nous voulons
et prétendons être les maîtres d'aller en pleine liberté
et toutes les fois qu'il nous plaira , visiter les Tom- beaux de ⋆ l'Imam- Ali , de Gherbelai-Mahaladé,
de Mousa et d'Hussein. Secondement , que pour
faire nos pélerinages à ces faints Lieux avec la déAli , Gendre de Mahomet , Gherbelaï , fils de la fille de ce dernier ; Mousa et Hussein , fils
d'Ali , ont chacun leur Sépulture aux environs
de Babilonne , et tous ces Tombeaux font l'objet
de la plus profonde véneration des Persans.
cence
SEPTEMBRE. 1732. 2039
il tence , et les dispositions que notre Loi demande ,
faut auparavant que tous les Persans , qui ont été
pris dans la derniere guerre soient délivrez de leur
esclavage , et que comme le sang de nos autres freres, qui y ont peri fume encore , et crie vangeance
à leur Souverain , il faut aussi qu'il y en ait autant
de répandu des Sujets du G. S. que ceux-ci en ont
fait couler des Sujets du Roi de Perse. Nous sommes
bien-aises de vous faire part de nos sentimens , afin
que vous ne puissiez pas nous accuser de vous avoir
surpris,et que vous vous teniez sur vos gardes, Quant
à nous,nous nous préparons à aller bien- tôt à la tête de uotre Armée goûter la douceur de l'air que l'on respire dans les belles plaines de Bagdat , etfaire repaser nos Troupes fatiguées à l'ombre de ses murs.
A cette extraordinaire Lettre du premier Ministre de Perse , Achmet-Pacha en avoit joint
une autre de Baki- Pacha , Gouverneur de Kirman-cha , par laquelle ce dernier se plaignoit que contre la foi du Traité on avoit voulu le dépoüiller de son Gouvernement. Il faut sçavoir
pour entendre ceci , que depuis longues années ce Gouvernement est dans la famille de BakiPacha , et qu'à la sollicitation d'Achmet- Pacha
son Protecteur , on étoit convenu par un article
du dernier Traité de Paix , qu'il resteroit en place , quoiqu'il fut Turc et Sujet du G. S. et quoi
que Kirmancha rentrât sous la domination Per- mais que l'Edatemad- Donlet s'étant recrié
avec quelque raison contre cet article , dont l'exécution pourroit être pernicieuse à la Perse , et
ne voulant point garder de mesures avec les´
Turcs , avoit déposé de son autorité ce Gouver- neur , et lui avoit fait ordonner de remettre le
Commandement à un Persan qu'il envoyoit pour G vi
sane ,
le
2040 MERCURE DE FRANCE
le relever. Baki- Pacha écrivoit donc tout cela au
Seraskier- Achmet , et ajoûtoit , que non- seule- ment il avoit refusé l'entrée de la Ville au Successeur qu'on lui avoit envoyé , mais qu'il en
avoit fait fermer les portes , et qu'il étoit résolu
de s'y deffendre jusqu'à la derniere extrémité
avant que de ceder son poste à personne , que
d'ailleurs il pouvoit l'assurer qu'il y avoit plus
de 20000. hommes dans le Kirman , qui lui
étoient entierement dévoüez , et qu'il attendoit
ses ordres pour sçavoir de quelle maniere il devoit se comporter ; surquoi Acmet- Pacha lui *
avoit répondu , qu'il ne pouvoit lui en donner
aucun qu'il n'en eut reçû lui-même de la Porte
où il alloit mander tout ce qui se passoit.
La Porte aussi surprise qu'indignée des faux
prétextes et de l'air de fierté que prenoit ThamasKouli- Khan pour rompre une paix recente , que
les Persans avoient demandée , pour ainsi - dire à
genoux , et cela dans le tems qu'elle venoit de licencier une partie de ses Troupes , et de retirer
l'autre des Frontieres , la Porte , dis-je , se trouva comme elle se trouve encore dans un grand
embarras Cependant le Grand-Visir ayant convoqué pendant plusieurs jours des Assemblées
générales au Serrail pour décider sur le partî
qu'il y avoit à prendre dans une conjoncture si
délicate , et celui de la guerre ayant parû d'une
nécessité inévitable , l'opinion génerale fut de la
recommencer avec plus de . vigueur que jamais
et de ne la finir que pour la destruction des Persans , de la part desquels il ne falloit plus écouter aucune proposition.
On expédia en même- tems des Courriers à Topal- Osman , Pacha de Trebisonde , ci-devant Grand
>
SEPTEMBRE. 1732. 2041
Grand Vizir , et a d'autres Pachas pour leur
porter des ordres d'assembler à la hâte le plus
de Troupes qu'ils pourroient , et de passer en
toute diligence en Géorgie , afin de mettre à
couvert , s'il étoit possible , Ghendge , Tiflis
Erivan , &c. des entreprises du premier Minis- tre Persan ; et le G. S. donna le Commandement
de la nouvelle Armée à ce même Topal - Osman ,
comme le plus capable de faire tête à l'en- nemi.
En effet , tout le monde convient que le Sultan
ne pouvoit en cette occasion honorer personne
de sa confiance qui en fut plus digne que TopalOsman : outre que ce Pacha est d'une bravoure
et d'une expérience éprouvée par un grand nombre de campagnes et de belles actions , il doit
être animé de la plus terrible vangeance contre
les violateurs de la derniere paix , proprement
son ouvrage , et pour la conclusion de laquelle
on peut dire , qu'il s'étoit comme sacrifié luimême ; sans compter que , s'il y a jour à la renoüer , il sera encore plus propre que personne
à profiter des moyens que les circonstances pour- ront lui en offrir.
-La Porte appréhendant d'un autre côté , que
Thamas Kouli Khan ne tombe sur Bagdad avec
son Armée , que l'on dit être de 60000. hommes , et qu'il ne sempare de cette importante
Place , quoiqu'Achmet- Pacha ait mandé en s'y
renfermant , qu'il étoit en état de tenir trois
mois , des ordres ont été expédiez par tout l'Empire , pour envoyer à ce Gouverneur des secours
d'hommes et de munitions ; et afin de vaincre la
répugnance que les Soldats témoignent de retourner en Perse , on leur a augmenté à tous.
leur paye de quelques aspres.
Од
2042 MERCURE DE FRANCE
On ne peut pas encore sçavoir de quel succès
aura été suivi ce renouvellement de guerre ,
soit
pour les Turcs , soit pour les Persans ; mais un
bruit se répandit ici le même jour qu'on y
apprit la rupture de la paix , sçavoir que ChahThamas n'y avoit aucune part , ce bruit vient
de se confirmer par les dernieres dépêches
d'Achmet- Pacha , qu'un Tartare a remises à la Porte le 4. de ce mois.
Ce Seraskier en envoyant une Lettre que le
Roi de Perse lui avoit adressée pour le G. S.
mande que ce Prince lui en avoit aussi écrit une
par laquelle il l'assuroit qu'il étoit dans la ferme
intention d'éxécuter de sa part tous les articles
du Traité conclu depuis peu ; qu'il désavoüoit
en tout son premier Ministre , et que le regar- dant comme un Sajet qui s'étoit soustrait à l'obéissance de son Roi , il alloit non- seulement le
poursuivre , mais que dans l'incertitude , si le
sort favoriseroit ses armes , il prioit le G. S. de
se joindre à lui , pour employer leurs forces de
concert à réduire ce rebelle , et à faire rentrer
dans leur devoir les Troupes qu'il commande ;
ajoutant que l'histoire fournissoit assez d'éxemples que des Pachas avoient désolé l'Empire Ottoman par des révoltes contre leurs Empereurs que l'Eatemad- Doulet les imitoit aujourd'hui
mais qu'il esperoit que Sa Hautesse ayant égard à la malheureuse situation des affaires de Perse
maintiendroit dans son entier le dernier Traité
de Paix qu'ils avoient conclu ensemble par leurs
Plénipotentia.res respectifs , et duquel il protes- toit de nouveauqu'il ne vouloit s'écarter en rien.
Malgré ces belles assûrances , et quoique d'autres avis portent , qu'effectivement Thamas-
>
Koali
SEPTEMBRE. 1732 2043 Kouli-Khan enorgueilli d'avoir subjugué le Candahar , fait mourir Acheraf , et extermine jusqu'au dernier de la race de ce fameux usurpateur,
abusoit du crédit qu'il s'étoit acquis en Perse , et
donnoit lieu de soupçonner par son humeur al- tiere et ambitieuse , qu'il songeoit à usurper la
Couronne de son Maître ; inalgré tout cela , dis-je , la bonne-foi des Persans est si fort
décriée , que bien des gens pensent ici , que c'est
un nouvel artifice , et que ce Prince d'intelligence avec son premier Ministre et avec quelques
Puissances voisines , ne cherche qu'à amuser les
Turcs , au moins à ralentir l'activite des mouvemens qu'ils se donnent , afin d'avoir le tems de
reprendre sur eux les pays qu'il leur a cedez par
la derniere paix , avant qu'ils ayent assemblé des forces suffisantes pour s'y opposer , ou pour se
préparer des voyes de raccommodement avec la
Porte , supposé qu'il échoue dans ses desseins
en rejettant sur l'Eatemaddoullet toute l'iniquité
de l'infraction du Traité. Je passe sous silence
beaucoup d'autres raisonnemens qui se font ici
sur les causes de cette infraction , en attendanţ
que le tems nous en ait dévoilé le mistere.
Bekir- Pacha , qui étoit Gouverneur de Cutaya,
ayant été nommé Capitan - Pacha , arriva ici
le 13 du mois passé , et fut instalé dans cette dignité avec les cérémonies ordinaires , Marabou ·
son Prédécesseur fut renvoyé chez lui. Le lendemain , ce nouveau Général de la Mer , épousa une
Sultane , sœur du G. S. régnant , et veuve du
G. V. Numan. Pacha , de la Famille des Cuperlis.
Les nouveaux mariez furent un peu troublez la
premiere nuit de leurs nôces par un incendie qui
arriva au Fauxbourg de Cassum-Pacha , et qui étant
2041 MERCURE DE FRANCE
étant dans le voisinage de l'Arcenal , obligea le
Pacha-Bekir , à quitter la couche nuptiale pour
aller donner du secours ; mais sa présence , ni
celle du G. V. ni même le G. S. qui vint jus
qu'au bord de la Mer , ne pûrent empêcher que
le feu ne consummât en peu de tems une centaine de maisons ou de boutiques , dont la plupart
étoient à peine rebâties depuis l'embrasement qui
détruisit une partie de ce Fauxbourg l'année
passée.
La nuit du 19 au 16. il y eut encore un autre
incendie aux environs : le feu prit dans l'Arcenal
même , chez le Tersana-Emini , ou Intendant
de la Marine ; son vaste Palais fut réduit en cendres avec tous ses meubles ; les Archives ; les
Registres , et les autres papiers de la Marine
dont on ne pût rien sauver du tout encore ce fut un grand bonheur que l'air se trouva calme: pour peu qu'il eut fait de vent , il auroit été
presqu'impossible de garantir des flammes tour
P'Arsenal , et les Vaisseaux du G. S. qui sont auprès.
Quoique Marabou , Capitan-Pacha déposé ,
soit généralement reconnu pour un bon homme,
ces deux incendies arrivez coup sur coup , firent
soupçonner que pour se vanger de sa déposition ,
il étoit complice des incendiaires ; car on trouva,
dit on , des matieres combustibles en plusieurs
endroits , mais on n'a pû découvrir aucun incendiaire. Quoiqu'il en soit , la Porte l'avoit éxilé
à Lemnos , et il y fut embarqué pour cet effer
sur une Galere ; cependant ses amis ayant intercedé fortement pour lui , et prouvé son innocence, on le renvoya dans sa maison pour la seconde fois , au bout de huit ou dix jours.
La
SEPTEMBRE. 1732. 2045
La peste , qui a fait beaucoup de ravages en
Sirie cette année- ci , s'est manifestée à Constantinople depuis le commencement de ce mois ,
d'où elle s'est répanduë à Galata , à Pera , et dans
les autres Fauxbourgs , et s'il en faut juger par
la Saison où elle commence , il est à craindre
qu'elle ne fasse de terribles progrès. Je suis , &c.
L
P. V. D.
Juillet 1732. Suite des affaires
de Perse et de Turquie.
Récisément le même jour , Monsieur , c'estPadise,etle du mois passé ,que je vous envoyai la Relation desConferences tenues àAmadan , au mois de Janvier dernier , entre les Plénipotentiaires de Perse et de Turquie , et dont le GV Résul-
2038 MERCURE DE FRANCE
Résultat servit de base au Traité de Paix qu'ils
signerent quelque- tems après , un Chokadar
d'Achmet , Pacha de Babilonne , arriva ici en
douze jours seulement , diligence extrême , qui
répondoit à l'importance des dépêches dont son
Maître l'avoit chargé , et par lesquelles ce Pacha
informoit la Porte , que Thamas Kouli- Khan
Eatemad- Doulet , ou premier Ministre du Roi
de Perse , après avoir remporté plusieurs victoires sur les Efghans ou Aghuans , qu'il avoit rencognez dans leurs Montagnes du Candahar, étoit
revenu en triomphe à Ispaham , qu'enflé de ses heureux succès , et se prévalant de ce qu'il a mis
en quelque façon Chah- Thamas sur le Trône de
ses Ancêtres , il avoit déclaré avec hauteur on arrivant , qu'il ne vouloit absolument point ratifier Traité honteux qu'on venoit de faire avec
les Turcs sans sa participation , prétendant qu'il
étoit en état d'en obtenir un plus honorable et
plus avantageux à la Perse , et qu'en conséquence ce Ministre lui avoit écrit , à lui Achmet , une
Lettre conçue à peu près en ces termes :
Vous qui êtes Pacha de Babilonné , nous vous
faisons sçavoir en premier lieu , que nous voulons
et prétendons être les maîtres d'aller en pleine liberté
et toutes les fois qu'il nous plaira , visiter les Tom- beaux de ⋆ l'Imam- Ali , de Gherbelai-Mahaladé,
de Mousa et d'Hussein. Secondement , que pour
faire nos pélerinages à ces faints Lieux avec la déAli , Gendre de Mahomet , Gherbelaï , fils de la fille de ce dernier ; Mousa et Hussein , fils
d'Ali , ont chacun leur Sépulture aux environs
de Babilonne , et tous ces Tombeaux font l'objet
de la plus profonde véneration des Persans.
cence
SEPTEMBRE. 1732. 2039
il tence , et les dispositions que notre Loi demande ,
faut auparavant que tous les Persans , qui ont été
pris dans la derniere guerre soient délivrez de leur
esclavage , et que comme le sang de nos autres freres, qui y ont peri fume encore , et crie vangeance
à leur Souverain , il faut aussi qu'il y en ait autant
de répandu des Sujets du G. S. que ceux-ci en ont
fait couler des Sujets du Roi de Perse. Nous sommes
bien-aises de vous faire part de nos sentimens , afin
que vous ne puissiez pas nous accuser de vous avoir
surpris,et que vous vous teniez sur vos gardes, Quant
à nous,nous nous préparons à aller bien- tôt à la tête de uotre Armée goûter la douceur de l'air que l'on respire dans les belles plaines de Bagdat , etfaire repaser nos Troupes fatiguées à l'ombre de ses murs.
A cette extraordinaire Lettre du premier Ministre de Perse , Achmet-Pacha en avoit joint
une autre de Baki- Pacha , Gouverneur de Kirman-cha , par laquelle ce dernier se plaignoit que contre la foi du Traité on avoit voulu le dépoüiller de son Gouvernement. Il faut sçavoir
pour entendre ceci , que depuis longues années ce Gouvernement est dans la famille de BakiPacha , et qu'à la sollicitation d'Achmet- Pacha
son Protecteur , on étoit convenu par un article
du dernier Traité de Paix , qu'il resteroit en place , quoiqu'il fut Turc et Sujet du G. S. et quoi
que Kirmancha rentrât sous la domination Per- mais que l'Edatemad- Donlet s'étant recrié
avec quelque raison contre cet article , dont l'exécution pourroit être pernicieuse à la Perse , et
ne voulant point garder de mesures avec les´
Turcs , avoit déposé de son autorité ce Gouver- neur , et lui avoit fait ordonner de remettre le
Commandement à un Persan qu'il envoyoit pour G vi
sane ,
le
2040 MERCURE DE FRANCE
le relever. Baki- Pacha écrivoit donc tout cela au
Seraskier- Achmet , et ajoûtoit , que non- seule- ment il avoit refusé l'entrée de la Ville au Successeur qu'on lui avoit envoyé , mais qu'il en
avoit fait fermer les portes , et qu'il étoit résolu
de s'y deffendre jusqu'à la derniere extrémité
avant que de ceder son poste à personne , que
d'ailleurs il pouvoit l'assurer qu'il y avoit plus
de 20000. hommes dans le Kirman , qui lui
étoient entierement dévoüez , et qu'il attendoit
ses ordres pour sçavoir de quelle maniere il devoit se comporter ; surquoi Acmet- Pacha lui *
avoit répondu , qu'il ne pouvoit lui en donner
aucun qu'il n'en eut reçû lui-même de la Porte
où il alloit mander tout ce qui se passoit.
La Porte aussi surprise qu'indignée des faux
prétextes et de l'air de fierté que prenoit ThamasKouli- Khan pour rompre une paix recente , que
les Persans avoient demandée , pour ainsi - dire à
genoux , et cela dans le tems qu'elle venoit de licencier une partie de ses Troupes , et de retirer
l'autre des Frontieres , la Porte , dis-je , se trouva comme elle se trouve encore dans un grand
embarras Cependant le Grand-Visir ayant convoqué pendant plusieurs jours des Assemblées
générales au Serrail pour décider sur le partî
qu'il y avoit à prendre dans une conjoncture si
délicate , et celui de la guerre ayant parû d'une
nécessité inévitable , l'opinion génerale fut de la
recommencer avec plus de . vigueur que jamais
et de ne la finir que pour la destruction des Persans , de la part desquels il ne falloit plus écouter aucune proposition.
On expédia en même- tems des Courriers à Topal- Osman , Pacha de Trebisonde , ci-devant Grand
>
SEPTEMBRE. 1732. 2041
Grand Vizir , et a d'autres Pachas pour leur
porter des ordres d'assembler à la hâte le plus
de Troupes qu'ils pourroient , et de passer en
toute diligence en Géorgie , afin de mettre à
couvert , s'il étoit possible , Ghendge , Tiflis
Erivan , &c. des entreprises du premier Minis- tre Persan ; et le G. S. donna le Commandement
de la nouvelle Armée à ce même Topal - Osman ,
comme le plus capable de faire tête à l'en- nemi.
En effet , tout le monde convient que le Sultan
ne pouvoit en cette occasion honorer personne
de sa confiance qui en fut plus digne que TopalOsman : outre que ce Pacha est d'une bravoure
et d'une expérience éprouvée par un grand nombre de campagnes et de belles actions , il doit
être animé de la plus terrible vangeance contre
les violateurs de la derniere paix , proprement
son ouvrage , et pour la conclusion de laquelle
on peut dire , qu'il s'étoit comme sacrifié luimême ; sans compter que , s'il y a jour à la renoüer , il sera encore plus propre que personne
à profiter des moyens que les circonstances pour- ront lui en offrir.
-La Porte appréhendant d'un autre côté , que
Thamas Kouli Khan ne tombe sur Bagdad avec
son Armée , que l'on dit être de 60000. hommes , et qu'il ne sempare de cette importante
Place , quoiqu'Achmet- Pacha ait mandé en s'y
renfermant , qu'il étoit en état de tenir trois
mois , des ordres ont été expédiez par tout l'Empire , pour envoyer à ce Gouverneur des secours
d'hommes et de munitions ; et afin de vaincre la
répugnance que les Soldats témoignent de retourner en Perse , on leur a augmenté à tous.
leur paye de quelques aspres.
Од
2042 MERCURE DE FRANCE
On ne peut pas encore sçavoir de quel succès
aura été suivi ce renouvellement de guerre ,
soit
pour les Turcs , soit pour les Persans ; mais un
bruit se répandit ici le même jour qu'on y
apprit la rupture de la paix , sçavoir que ChahThamas n'y avoit aucune part , ce bruit vient
de se confirmer par les dernieres dépêches
d'Achmet- Pacha , qu'un Tartare a remises à la Porte le 4. de ce mois.
Ce Seraskier en envoyant une Lettre que le
Roi de Perse lui avoit adressée pour le G. S.
mande que ce Prince lui en avoit aussi écrit une
par laquelle il l'assuroit qu'il étoit dans la ferme
intention d'éxécuter de sa part tous les articles
du Traité conclu depuis peu ; qu'il désavoüoit
en tout son premier Ministre , et que le regar- dant comme un Sajet qui s'étoit soustrait à l'obéissance de son Roi , il alloit non- seulement le
poursuivre , mais que dans l'incertitude , si le
sort favoriseroit ses armes , il prioit le G. S. de
se joindre à lui , pour employer leurs forces de
concert à réduire ce rebelle , et à faire rentrer
dans leur devoir les Troupes qu'il commande ;
ajoutant que l'histoire fournissoit assez d'éxemples que des Pachas avoient désolé l'Empire Ottoman par des révoltes contre leurs Empereurs que l'Eatemad- Doulet les imitoit aujourd'hui
mais qu'il esperoit que Sa Hautesse ayant égard à la malheureuse situation des affaires de Perse
maintiendroit dans son entier le dernier Traité
de Paix qu'ils avoient conclu ensemble par leurs
Plénipotentia.res respectifs , et duquel il protes- toit de nouveauqu'il ne vouloit s'écarter en rien.
Malgré ces belles assûrances , et quoique d'autres avis portent , qu'effectivement Thamas-
>
Koali
SEPTEMBRE. 1732 2043 Kouli-Khan enorgueilli d'avoir subjugué le Candahar , fait mourir Acheraf , et extermine jusqu'au dernier de la race de ce fameux usurpateur,
abusoit du crédit qu'il s'étoit acquis en Perse , et
donnoit lieu de soupçonner par son humeur al- tiere et ambitieuse , qu'il songeoit à usurper la
Couronne de son Maître ; inalgré tout cela , dis-je , la bonne-foi des Persans est si fort
décriée , que bien des gens pensent ici , que c'est
un nouvel artifice , et que ce Prince d'intelligence avec son premier Ministre et avec quelques
Puissances voisines , ne cherche qu'à amuser les
Turcs , au moins à ralentir l'activite des mouvemens qu'ils se donnent , afin d'avoir le tems de
reprendre sur eux les pays qu'il leur a cedez par
la derniere paix , avant qu'ils ayent assemblé des forces suffisantes pour s'y opposer , ou pour se
préparer des voyes de raccommodement avec la
Porte , supposé qu'il échoue dans ses desseins
en rejettant sur l'Eatemaddoullet toute l'iniquité
de l'infraction du Traité. Je passe sous silence
beaucoup d'autres raisonnemens qui se font ici
sur les causes de cette infraction , en attendanţ
que le tems nous en ait dévoilé le mistere.
Bekir- Pacha , qui étoit Gouverneur de Cutaya,
ayant été nommé Capitan - Pacha , arriva ici
le 13 du mois passé , et fut instalé dans cette dignité avec les cérémonies ordinaires , Marabou ·
son Prédécesseur fut renvoyé chez lui. Le lendemain , ce nouveau Général de la Mer , épousa une
Sultane , sœur du G. S. régnant , et veuve du
G. V. Numan. Pacha , de la Famille des Cuperlis.
Les nouveaux mariez furent un peu troublez la
premiere nuit de leurs nôces par un incendie qui
arriva au Fauxbourg de Cassum-Pacha , et qui étant
2041 MERCURE DE FRANCE
étant dans le voisinage de l'Arcenal , obligea le
Pacha-Bekir , à quitter la couche nuptiale pour
aller donner du secours ; mais sa présence , ni
celle du G. V. ni même le G. S. qui vint jus
qu'au bord de la Mer , ne pûrent empêcher que
le feu ne consummât en peu de tems une centaine de maisons ou de boutiques , dont la plupart
étoient à peine rebâties depuis l'embrasement qui
détruisit une partie de ce Fauxbourg l'année
passée.
La nuit du 19 au 16. il y eut encore un autre
incendie aux environs : le feu prit dans l'Arcenal
même , chez le Tersana-Emini , ou Intendant
de la Marine ; son vaste Palais fut réduit en cendres avec tous ses meubles ; les Archives ; les
Registres , et les autres papiers de la Marine
dont on ne pût rien sauver du tout encore ce fut un grand bonheur que l'air se trouva calme: pour peu qu'il eut fait de vent , il auroit été
presqu'impossible de garantir des flammes tour
P'Arsenal , et les Vaisseaux du G. S. qui sont auprès.
Quoique Marabou , Capitan-Pacha déposé ,
soit généralement reconnu pour un bon homme,
ces deux incendies arrivez coup sur coup , firent
soupçonner que pour se vanger de sa déposition ,
il étoit complice des incendiaires ; car on trouva,
dit on , des matieres combustibles en plusieurs
endroits , mais on n'a pû découvrir aucun incendiaire. Quoiqu'il en soit , la Porte l'avoit éxilé
à Lemnos , et il y fut embarqué pour cet effer
sur une Galere ; cependant ses amis ayant intercedé fortement pour lui , et prouvé son innocence, on le renvoya dans sa maison pour la seconde fois , au bout de huit ou dix jours.
La
SEPTEMBRE. 1732. 2045
La peste , qui a fait beaucoup de ravages en
Sirie cette année- ci , s'est manifestée à Constantinople depuis le commencement de ce mois ,
d'où elle s'est répanduë à Galata , à Pera , et dans
les autres Fauxbourgs , et s'il en faut juger par
la Saison où elle commence , il est à craindre
qu'elle ne fasse de terribles progrès. Je suis , &c.
L
P. V. D.
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Résumé : LETTRE écrite de Constantinople le 12. Juillet 1732. Suite des affaires de Perse et de Turquie.
En juillet 1732, des tensions émergent entre la Perse et la Turquie. Le 12 juillet, un messager informe la Porte ottomane que Thamas Kouli Khan, premier ministre du roi de Perse, refuse de ratifier le traité de paix récemment signé avec les Turcs après avoir vaincu les Efghans. Il exige la liberté de visite des tombeaux sacrés des imams Ali, Gherbelai, Mousa et Hussein, la libération des Persans capturés, et des représailles pour les pertes subies. Parallèlement, Baki Pacha, gouverneur de Kirmancha, se plaint d'avoir été déposé malgré les accords de paix. La Porte ottomane, surprise et indignée, décide de reprendre les hostilités. Topal Osman est nommé commandant de la nouvelle armée pour défendre les territoires menacés. Des renforts sont envoyés à Bagdad pour contrer une éventuelle attaque perse. Cependant, des rumeurs circulent que le roi de Perse désavoue son ministre et souhaite maintenir le traité de paix, bien que la bonne foi des Persans soit mise en doute. Par ailleurs, Bekir Pacha est nommé Capitan Pacha et épouse une sultane. Deux incendies surviennent à Constantinople, mais les responsables ne sont pas identifiés. La peste, qui a ravagé la Syrie, apparaît à Constantinople et menace de se propager.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 2209-2210
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris, Capucin, Conseiller des Missions de Grece, et Préfet du College des Enfans de Langues, sur diverses Traductions.
Début :
Nous avons vû ici, Monsieur, avec plaisir et reconnoissance l'annonce [...]
Mots clefs :
Collège des enfants de langues, Traductions, Langues orientales
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris, Capucin, Conseiller des Missions de Grece, et Préfet du College des Enfans de Langues, sur diverses Traductions.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris ;
Capucin , Conseiller des Missions de
Grece , et Préfet du College des Enfans
de Langues , sur diverses Traductions.
N
pl
vâ Ous avons vu ici , Monsieur , avec
plaisir et reconnoissance l'anonce
faite dans l'un des Mercures de l'année
1731. de la Traduction Françoise de deux
Ouvrages Orientaux ; fruits de l'applica
tion des jeunes gens de notre Nation, qui
étudient les Langues dans le College dont
nous avons la direction. Depuis ce temslà , la même Jeunesse a donné plusieurs
autres Traductions d'Ouvrages estimez
lesquelles ont été envoyées en France à
Monseigneur le Comte de Maurepas , et
dont nous vous prions de vouloir bien.
publier la liste ci-jointe. Il est bon que le
Public n'ignore pas ce que nous faisons
dans ce pays éloigné sous la puissante protection du Roi , et pour le bien du servi
ce de S. M. l'institution de ce College
n'ayant point d'autre but que celui- là.
J'ai envoyé en même tems que ces
Traductions tous les Mémoires que j'ai
crû nécessaires pour l'éclaircissement du
Projet de mon Dictionnaire en sept Langues
420 MERCURE DE FRANCE
gues , dont M. l'Ambassadeur a bien vouJu depuis proposer l'impression. Sice Pro
jet réussit , comme je commence de l'esperer , son éxécution procurera un grand
avantage à tous ceux qui s'appliquent à
l'étude des Langues Orientales. L'Allemagne a la gloire d'en avoir donné un
qui commence par le Turc , mais on a
toujours souhaité depuis qu'on en produisit un autre qui commençât par le
François. Celui que j'ai anoncé et dont
vous avez publié l'essai dans votre Jour
nal , imprimé dans la nouvelle Imprimerie de cette Ville , aura tous les avantages qu'on peut souhaiter , et sera utile à
notre Nation et à la Litterature en gé néral.
Capucin , Conseiller des Missions de
Grece , et Préfet du College des Enfans
de Langues , sur diverses Traductions.
N
pl
vâ Ous avons vu ici , Monsieur , avec
plaisir et reconnoissance l'anonce
faite dans l'un des Mercures de l'année
1731. de la Traduction Françoise de deux
Ouvrages Orientaux ; fruits de l'applica
tion des jeunes gens de notre Nation, qui
étudient les Langues dans le College dont
nous avons la direction. Depuis ce temslà , la même Jeunesse a donné plusieurs
autres Traductions d'Ouvrages estimez
lesquelles ont été envoyées en France à
Monseigneur le Comte de Maurepas , et
dont nous vous prions de vouloir bien.
publier la liste ci-jointe. Il est bon que le
Public n'ignore pas ce que nous faisons
dans ce pays éloigné sous la puissante protection du Roi , et pour le bien du servi
ce de S. M. l'institution de ce College
n'ayant point d'autre but que celui- là.
J'ai envoyé en même tems que ces
Traductions tous les Mémoires que j'ai
crû nécessaires pour l'éclaircissement du
Projet de mon Dictionnaire en sept Langues
420 MERCURE DE FRANCE
gues , dont M. l'Ambassadeur a bien vouJu depuis proposer l'impression. Sice Pro
jet réussit , comme je commence de l'esperer , son éxécution procurera un grand
avantage à tous ceux qui s'appliquent à
l'étude des Langues Orientales. L'Allemagne a la gloire d'en avoir donné un
qui commence par le Turc , mais on a
toujours souhaité depuis qu'on en produisit un autre qui commençât par le
François. Celui que j'ai anoncé et dont
vous avez publié l'essai dans votre Jour
nal , imprimé dans la nouvelle Imprimerie de cette Ville , aura tous les avantages qu'on peut souhaiter , et sera utile à
notre Nation et à la Litterature en gé néral.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris, Capucin, Conseiller des Missions de Grece, et Préfet du College des Enfans de Langues, sur diverses Traductions.
Le Père Romain de Paris, capucin et conseiller des Missions de Grèce, écrit depuis Constantinople pour signaler la traduction française de deux ouvrages orientaux réalisée par des étudiants du Collège des Enfants de Langues. Depuis 1731, ces étudiants ont traduit plusieurs ouvrages estimés, envoyés en France à Monseigneur le Comte de Maurepas. Le Père Romain souhaite informer le public des activités du Collège, qui vise à servir le roi et à promouvoir l'étude des langues orientales. Il a également envoyé des mémoires détaillant son projet de dictionnaire en sept langues, soutenu par l'ambassadeur. Ce dictionnaire, commençant par le français, offrira des avantages pour l'étude des langues orientales, contrairement à celui existant en Allemagne qui commence par le turc. Un essai du projet a déjà été publié, et celui-ci sera bénéfique pour la nation et la littérature en général.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 2898-2900
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople, au commencement du mois dernier.
Début :
Après avoir été fort long-tems dans l'incertitude sur les affiares de Perse et sur les bruits [...]
Mots clefs :
Thamas, Constantinople, Royaume, Guerre
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople, au commencement du mois dernier.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople , an commencement du mois
dernier.
Près avoir été fort long-tems dans l'incertis
Arudesurlesaffaires de Perseet sur les bruits
confus et incertains qui couroient ici d'une nouvelle révolution arrivée dans ce Royaume , voici
enfin les dernieres nouvelles que l'on en a euës
par la voye de Bagdad , et qui ont été envoyées
à la Porte par Achmet- Pacha , Gouverneur de la
même Ville.
Lors du Traité de Paix qui fût fait entre le
Grand- Seigneur , et Chah- Thamas , ce dernier
Prince en donna connoissance à Thamas-KoulyKan , son premier Ministre , qui dans ce tems- là
étoit à la tête de ses Armées contre les Aghuans,
On dit qu'alors Thamas- Kouly Kan , soit parce
qu'il étoit bien aise de se préparer un prétexte
pour parvenir au projet qu'il méditoit , feignit
d'approuver ce Traité ; mais dans la suite , s'étant rapproché d'Ispaham à la tête de son ArII. Vol. méc ,
DECEMBRE. 1732. 2899 LYON
DE
née , il blâma publiquement Chah- Thamas , en 1893
l'accusant d'avoir fait une paix honteuse , et dit
ouvertement qu'il ne consentiroit jamais qu'E
rivan Tiflis , le reste de la Georgie , et les autres Places qui avoient été cédées aux Turcs , demeurassent entre leurs mains ; ces plaintes de la
part du premier Ministre , produisirent d'abord
entre le Souverain et lui quelque division , mais
les ménagemens que Schah Thamas étoit obligé
de garder avec un Sujet puissant et maître des
Troupes , le firent consentir à une réconciliation,
sous prétexte de laquelle Thamas Kouly- Kan
fut appellé à la Cour. Il s'y rendit avec plusieurs Officiers de son Armée ; mais la premiere
démarche qu'il fit en y arrivant , soutenu par les
Partisans qu'il avoit en grand nombre auprès de
Schah Thamas , fut de se saisir de la personne
de ce Prince. On ne sçait pas bien encore s'il l'a fait mourir , ou s'il s'est contenté de le faire
enfermer dans une prison , mais on assûre qu'il
a fait reconnoître pour Roi un jeune Enfant , fils
de Schah Thamas , et qu'il s'est fait nommer
lui- même Regent du Royaume , et Generalissime des Armées de Perse ; on ajoûte que c'est un
homme extrêmement belliqueux , d'un caractere
fort violent , qui paroît être dans le dessein d'enlever aux Turcs géneralement toutes les Conquêtes qu'ils ont faites sur les Persans, et qu'Achmet Pacha a écrit à la Porte , que le G. S. n'avoit point d'autre parti à prendre que de se préparer à cette Guerre , et se mettre lui- mêmeàla
tête de ses Troupes pour aller combattre en personne un si puissant ennemi.
Ces nouvelles ont donné lieu à un Conseil ;
auquel ont assisté tous les Ministres et les princi
paux Officiers de la Porte , et dans lequel il a été
II. Vol.
H dé
290 MERCURE DE FRANCE
déliberé que le G. S. écriroit des Lettres à tous
les Gouverneurs des Provinces de Perse , pour les
exciter à prendre les armes pour vanger leur Souverain légitime contre les entreprises de ce nouvel usurpateur , avec promesse de la part de
S, H. de les soutenir de toutes les forces de son
Empire dans une Guerre si juste.
dernier.
Près avoir été fort long-tems dans l'incertis
Arudesurlesaffaires de Perseet sur les bruits
confus et incertains qui couroient ici d'une nouvelle révolution arrivée dans ce Royaume , voici
enfin les dernieres nouvelles que l'on en a euës
par la voye de Bagdad , et qui ont été envoyées
à la Porte par Achmet- Pacha , Gouverneur de la
même Ville.
Lors du Traité de Paix qui fût fait entre le
Grand- Seigneur , et Chah- Thamas , ce dernier
Prince en donna connoissance à Thamas-KoulyKan , son premier Ministre , qui dans ce tems- là
étoit à la tête de ses Armées contre les Aghuans,
On dit qu'alors Thamas- Kouly Kan , soit parce
qu'il étoit bien aise de se préparer un prétexte
pour parvenir au projet qu'il méditoit , feignit
d'approuver ce Traité ; mais dans la suite , s'étant rapproché d'Ispaham à la tête de son ArII. Vol. méc ,
DECEMBRE. 1732. 2899 LYON
DE
née , il blâma publiquement Chah- Thamas , en 1893
l'accusant d'avoir fait une paix honteuse , et dit
ouvertement qu'il ne consentiroit jamais qu'E
rivan Tiflis , le reste de la Georgie , et les autres Places qui avoient été cédées aux Turcs , demeurassent entre leurs mains ; ces plaintes de la
part du premier Ministre , produisirent d'abord
entre le Souverain et lui quelque division , mais
les ménagemens que Schah Thamas étoit obligé
de garder avec un Sujet puissant et maître des
Troupes , le firent consentir à une réconciliation,
sous prétexte de laquelle Thamas Kouly- Kan
fut appellé à la Cour. Il s'y rendit avec plusieurs Officiers de son Armée ; mais la premiere
démarche qu'il fit en y arrivant , soutenu par les
Partisans qu'il avoit en grand nombre auprès de
Schah Thamas , fut de se saisir de la personne
de ce Prince. On ne sçait pas bien encore s'il l'a fait mourir , ou s'il s'est contenté de le faire
enfermer dans une prison , mais on assûre qu'il
a fait reconnoître pour Roi un jeune Enfant , fils
de Schah Thamas , et qu'il s'est fait nommer
lui- même Regent du Royaume , et Generalissime des Armées de Perse ; on ajoûte que c'est un
homme extrêmement belliqueux , d'un caractere
fort violent , qui paroît être dans le dessein d'enlever aux Turcs géneralement toutes les Conquêtes qu'ils ont faites sur les Persans, et qu'Achmet Pacha a écrit à la Porte , que le G. S. n'avoit point d'autre parti à prendre que de se préparer à cette Guerre , et se mettre lui- mêmeàla
tête de ses Troupes pour aller combattre en personne un si puissant ennemi.
Ces nouvelles ont donné lieu à un Conseil ;
auquel ont assisté tous les Ministres et les princi
paux Officiers de la Porte , et dans lequel il a été
II. Vol.
H dé
290 MERCURE DE FRANCE
déliberé que le G. S. écriroit des Lettres à tous
les Gouverneurs des Provinces de Perse , pour les
exciter à prendre les armes pour vanger leur Souverain légitime contre les entreprises de ce nouvel usurpateur , avec promesse de la part de
S, H. de les soutenir de toutes les forces de son
Empire dans une Guerre si juste.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople, au commencement du mois dernier.
La lettre de Constantinople décrit une révolution en Perse. Après une période d'incertitude, Achmet Pacha, Gouverneur de Bagdad, a confirmé ces événements. Lors du traité de paix entre le Grand Seigneur et Chah Thamas, ce dernier en informa Thamas-Kouly-Kan, son premier ministre. Thamas-Kouly-Kan feignit d'approuver le traité mais le critiqua ensuite, accusant Chah Thamas d'avoir fait une paix honteuse. Une réconciliation temporaire eut lieu, mais Thamas-Kouly-Kan emprisonna Chah Thamas à son arrivée à la cour. Il est incertain si Chah Thamas a été tué ou emprisonné. Thamas-Kouly-Kan a fait reconnaître un jeune fils de Chah Thamas comme roi et s'est proclamé régent et généralissime des armées de Perse. Connu pour son caractère belliqueux, il semble vouloir reconquérir les territoires perdus face aux Turcs. Achmet Pacha a informé la Porte de la nécessité de se préparer à la guerre. Un conseil à la Porte a décidé d'écrire aux gouverneurs des provinces persanes pour les inciter à se révolter contre l'usurpateur, avec le soutien de l'Empire ottoman.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 185-190
LETTRE écrite de Constantinople le 22. Novembre 1732. au sujet de la derniere contagion, et de la nouvelle Révolution de Perse.
Début :
Depuis le 12 de Juillet, Monsieur, que je ne vous ai donné des nouvelles [...]
Mots clefs :
Thamas Kouli-Kan, Roi de Perse, Ministre, Turcs, Constantinople, Révolution, Paix, Ispahan, Chah, Contagion, Peste
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Constantinople le 22. Novembre 1732. au sujet de la derniere contagion, et de la nouvelle Révolution de Perse.
LETTRE écrite de Constantinople le 22.
Novembre 1732. au sujet de la derniere
contagion , et de la nouvelle Révolution
de Perse.
D
Epuis le 12 de Juillet , Monsieur ,
que je ne vous ai donné des nouvelles
de ce pays- ci , il n'y a presque été
question que de la Peste . Voilà près de
cinq mois qu'on ne parle d'autre chose
que de ses ravages à Constantinople , et
quoique les Turcs ayent coûtume de se
mocquer de ceux qui la craignent , on a
I v remar
186 MERCURE DE FRANCE
remarqué cette année , au grand deshonneur
de la prédestination absoluë, qui est ,
comme vous sçavez , le Dogme favori des
Mahometans , qu'en general , ce ter ible
fleau leur a causé autant d'effroi qu'au :
autres ; mais comme par respect pour
leurs préjugez , la plupart n'en ont pas
pris plus de précautions qu'à l'ordinaire
on assûre qu'il a péri dans cette Ville et
dans ses environs 150 mille personnes .
Je ne sçai si ce calcul est bien fidele ; ce qu'il
y a de vraí , c'est que la contagion se répandant
comme un torrent , n'a pas plus
épargné les grands que les petits : elle
s'est introduite jusques dans le Serrail du
Grand Seigneur , dont elle a emporté
beaucoup d'Officiers , et sur- tout d'Eunu
ques noirs , entr'autres le Kasnadar ou
Trésorier de Sa Hautesse. L'Eski - Serai ,
c'est-à-dire , le vieux Serrail , où sont
renfermées aussi sévérement que dans un
Monastere , les Sultanes du G. S. après
sa mort ou sa déposition , n'en a pas été
éxempt non plus : trois ou quatre Sultanes
y sont mortes , du nombre desquelles.
a été la Sultane favorite du dernier Sultan
Achmet III . et Mere de la Sultane veuvedu
fameux G. V. Ibraim Pacha , qui fut
étranglé il y a deux ans. Celle- ci avoit
été pareillement attaquée du même mal ,
mais
JANVIER. 1733 137
mais elle a eu le bonheur d'en réchaper.
Enfin , pour ne vous point ennuyer par
un plus long détail sur cette triste matiere
, j'ajoûterai seulement que le G. Viz.
d'aujourd'hui a eu la douleur et la cons →
tance d'en voir mourir dans son propre
Palais un de ses freres , un de ses neveux ,
sa fille , celui à qui elle étoit promise en
mariage , et plus de deux cent de ses domestiques.
Dieu merci cette cruelle maladie
tire à sa fin , et la communication
commence à se rétablir par tout.
Je reviens , Monsieur , à ma Lettre du
2 Juillet ; je vous y marquois , si vous
Vous en souvenez , que le 4 du même
mois , la Porte avoit reçû des dépêches
d'Achmet , Pacha de Babilonne , qui envoyoit
au G. S. une Lettre de Chah -Tahmas
, pour Sa Hautesse , par laquelle ce
Prince rejettoit entierement l'infraction
du dernier Traité de Paix sur Tahmas-
-Couli- Kan , son Itimadil-Deulet, ou Grand
Visir , qui paroissoit vouloir usurper son
Trône , mais que les Turcs se défiant de
la bonne- foy du Roy de Perse , et apprehendant
que pour les mieux trompet ,
n'eut concerté avec son premier Ministre
la rebellion dont il l'accusoit , la Portene
sçavoit à quoi s'en tenir , ni à qui elledevoit
effectivement attribuer la rupture'
Lvj d'une
il
188 MERCURE DE FRANCE
1
d'une Paix recherchée avec tant d'ém
pressement par la Perse , et si fraîchement
concluë.
Ce Mystere impénétrable alors , s'est
enfin éclairci ; on a reçû depuis quelques
jours des nouvelles , dont quant à present
, je ne puis vous rapporter- qu'un
précis ; me réservant à vous les détailler ,
lorsqu'on m'aura remis une Piece qu'on
m'a promise. Ces nouvelles disent donc
en substance , que d'un côté Tahmas-
Couli Khan , après avoir déclaré en termes
formels , par ses Lettres , au Roy
son Maître , qu'il ne ratifieroit jamais ce
Traité honteux , que Sa Majesté venoit
de faire avec les Turcs. Il étoit parti du
Corassan , et avoit pris la route d'Ispahan
à la tête d'une Armée , composée
de Montagnads féroces et déterminez
comme lui ; que d'un autre côté Chah-
'Tahmas , persistant à vouloir que la derniere
Paix eut son entiere exécution
cette contrariété de sentimens avoit jetté
la division entre le Souverain , le premier
Ministre , et leurs Partisans respectifs
; que cependant le Prince voyant approcher
Tahmas- Couli- Kan , homme ambitieux
, capable de tout entreprendre , et
dont les Explois lui avoient faits un grand
nombre d'amis , jusques dans sa propre
Cour
JANVIER 1733. 189
Cour , avoit cru devoir ceder au temps ,
et se reconcilier avec lui ; que le perfide
Ministre cachant son noir dessein sous les
dehors affectez d'un zéle , d'une fidélité ,
et d'un attachement à toute épreuve ,
pour l'honneur de son Souverain, et pour
le bien du Royaume , avoit reçu avec
une soumission toute respectueuse en
apparence , les propositions qu'on étoit
alle lui faire , de la part de Chah - Tahmas.
Qu'en conséquence il s'étoit rendu
avec peu de suite à Ispahan , après avoir
cependant distribué ses Troupes dans différens
quartiers , aux environs de cette
Capitale, que par ce moyen il tenoit comme
bloquée,et qu'y étant arrivé, la premicre
chose qu'il avoit faite,avec le secours de
ses Partisans , dont le Roy étoit environ
né , même dans son Palais , avoit été de se
saisir de ce malheureux Prince qu'il avoit
fait mettre sur le champ dans un Carosse
fermé , et fait conduire avec une grosse
Escorte , vers le Corassan , où l'on ignoroit
encore ce qu'il étoit devenu ; qu'ensuite
il avoit forcé le Harem ou apparte
ment des Femmes , ce lieu si sacré , sur
tout en Perse ; qu'il y avoit d'abord violé
la soeur du Roy , qu'on dit êrre une fort
bille Princesse ; qu'ensuite il avoit tiré de
ce Harem un enfant au Berceau , fils de
ChahTo
MERCURE DE FRANCE
Chah-Tahmas ; qu'il l'avoit fait proclamer
Roy de Perse , publiant que son Pere
étoit incapable de regner ; qu'il s'étoit fait
déclarer Regent du Royaume , pendant
la minorité de ce nouveau Monarque .
Qu'en cette qualité , il s'étoit revêtu des
Habits Royaux , et des autres marques
de Souverain, et avoit paru en public avec
un faste extraordinaire ; qu'il faisoit journellement
massacrer ce qui restoit de
grands Seigneurs à la Cour , attachez à
Chah-Tahmas , ou qui pouvoient lui faire
ombrage ; qu'il enrichissoit de leurs dépouilles
les compagnons de ses désordres
et de sa fortune , et qu'il commandoit si
despotiquement dans Ispahan , que tout
y trembloit sous lui , d'une maniere qui
tenoit du prodige. Je suis , &c.
P. V. D.
Novembre 1732. au sujet de la derniere
contagion , et de la nouvelle Révolution
de Perse.
D
Epuis le 12 de Juillet , Monsieur ,
que je ne vous ai donné des nouvelles
de ce pays- ci , il n'y a presque été
question que de la Peste . Voilà près de
cinq mois qu'on ne parle d'autre chose
que de ses ravages à Constantinople , et
quoique les Turcs ayent coûtume de se
mocquer de ceux qui la craignent , on a
I v remar
186 MERCURE DE FRANCE
remarqué cette année , au grand deshonneur
de la prédestination absoluë, qui est ,
comme vous sçavez , le Dogme favori des
Mahometans , qu'en general , ce ter ible
fleau leur a causé autant d'effroi qu'au :
autres ; mais comme par respect pour
leurs préjugez , la plupart n'en ont pas
pris plus de précautions qu'à l'ordinaire
on assûre qu'il a péri dans cette Ville et
dans ses environs 150 mille personnes .
Je ne sçai si ce calcul est bien fidele ; ce qu'il
y a de vraí , c'est que la contagion se répandant
comme un torrent , n'a pas plus
épargné les grands que les petits : elle
s'est introduite jusques dans le Serrail du
Grand Seigneur , dont elle a emporté
beaucoup d'Officiers , et sur- tout d'Eunu
ques noirs , entr'autres le Kasnadar ou
Trésorier de Sa Hautesse. L'Eski - Serai ,
c'est-à-dire , le vieux Serrail , où sont
renfermées aussi sévérement que dans un
Monastere , les Sultanes du G. S. après
sa mort ou sa déposition , n'en a pas été
éxempt non plus : trois ou quatre Sultanes
y sont mortes , du nombre desquelles.
a été la Sultane favorite du dernier Sultan
Achmet III . et Mere de la Sultane veuvedu
fameux G. V. Ibraim Pacha , qui fut
étranglé il y a deux ans. Celle- ci avoit
été pareillement attaquée du même mal ,
mais
JANVIER. 1733 137
mais elle a eu le bonheur d'en réchaper.
Enfin , pour ne vous point ennuyer par
un plus long détail sur cette triste matiere
, j'ajoûterai seulement que le G. Viz.
d'aujourd'hui a eu la douleur et la cons →
tance d'en voir mourir dans son propre
Palais un de ses freres , un de ses neveux ,
sa fille , celui à qui elle étoit promise en
mariage , et plus de deux cent de ses domestiques.
Dieu merci cette cruelle maladie
tire à sa fin , et la communication
commence à se rétablir par tout.
Je reviens , Monsieur , à ma Lettre du
2 Juillet ; je vous y marquois , si vous
Vous en souvenez , que le 4 du même
mois , la Porte avoit reçû des dépêches
d'Achmet , Pacha de Babilonne , qui envoyoit
au G. S. une Lettre de Chah -Tahmas
, pour Sa Hautesse , par laquelle ce
Prince rejettoit entierement l'infraction
du dernier Traité de Paix sur Tahmas-
-Couli- Kan , son Itimadil-Deulet, ou Grand
Visir , qui paroissoit vouloir usurper son
Trône , mais que les Turcs se défiant de
la bonne- foy du Roy de Perse , et apprehendant
que pour les mieux trompet ,
n'eut concerté avec son premier Ministre
la rebellion dont il l'accusoit , la Portene
sçavoit à quoi s'en tenir , ni à qui elledevoit
effectivement attribuer la rupture'
Lvj d'une
il
188 MERCURE DE FRANCE
1
d'une Paix recherchée avec tant d'ém
pressement par la Perse , et si fraîchement
concluë.
Ce Mystere impénétrable alors , s'est
enfin éclairci ; on a reçû depuis quelques
jours des nouvelles , dont quant à present
, je ne puis vous rapporter- qu'un
précis ; me réservant à vous les détailler ,
lorsqu'on m'aura remis une Piece qu'on
m'a promise. Ces nouvelles disent donc
en substance , que d'un côté Tahmas-
Couli Khan , après avoir déclaré en termes
formels , par ses Lettres , au Roy
son Maître , qu'il ne ratifieroit jamais ce
Traité honteux , que Sa Majesté venoit
de faire avec les Turcs. Il étoit parti du
Corassan , et avoit pris la route d'Ispahan
à la tête d'une Armée , composée
de Montagnads féroces et déterminez
comme lui ; que d'un autre côté Chah-
'Tahmas , persistant à vouloir que la derniere
Paix eut son entiere exécution
cette contrariété de sentimens avoit jetté
la division entre le Souverain , le premier
Ministre , et leurs Partisans respectifs
; que cependant le Prince voyant approcher
Tahmas- Couli- Kan , homme ambitieux
, capable de tout entreprendre , et
dont les Explois lui avoient faits un grand
nombre d'amis , jusques dans sa propre
Cour
JANVIER 1733. 189
Cour , avoit cru devoir ceder au temps ,
et se reconcilier avec lui ; que le perfide
Ministre cachant son noir dessein sous les
dehors affectez d'un zéle , d'une fidélité ,
et d'un attachement à toute épreuve ,
pour l'honneur de son Souverain, et pour
le bien du Royaume , avoit reçu avec
une soumission toute respectueuse en
apparence , les propositions qu'on étoit
alle lui faire , de la part de Chah - Tahmas.
Qu'en conséquence il s'étoit rendu
avec peu de suite à Ispahan , après avoir
cependant distribué ses Troupes dans différens
quartiers , aux environs de cette
Capitale, que par ce moyen il tenoit comme
bloquée,et qu'y étant arrivé, la premicre
chose qu'il avoit faite,avec le secours de
ses Partisans , dont le Roy étoit environ
né , même dans son Palais , avoit été de se
saisir de ce malheureux Prince qu'il avoit
fait mettre sur le champ dans un Carosse
fermé , et fait conduire avec une grosse
Escorte , vers le Corassan , où l'on ignoroit
encore ce qu'il étoit devenu ; qu'ensuite
il avoit forcé le Harem ou apparte
ment des Femmes , ce lieu si sacré , sur
tout en Perse ; qu'il y avoit d'abord violé
la soeur du Roy , qu'on dit êrre une fort
bille Princesse ; qu'ensuite il avoit tiré de
ce Harem un enfant au Berceau , fils de
ChahTo
MERCURE DE FRANCE
Chah-Tahmas ; qu'il l'avoit fait proclamer
Roy de Perse , publiant que son Pere
étoit incapable de regner ; qu'il s'étoit fait
déclarer Regent du Royaume , pendant
la minorité de ce nouveau Monarque .
Qu'en cette qualité , il s'étoit revêtu des
Habits Royaux , et des autres marques
de Souverain, et avoit paru en public avec
un faste extraordinaire ; qu'il faisoit journellement
massacrer ce qui restoit de
grands Seigneurs à la Cour , attachez à
Chah-Tahmas , ou qui pouvoient lui faire
ombrage ; qu'il enrichissoit de leurs dépouilles
les compagnons de ses désordres
et de sa fortune , et qu'il commandoit si
despotiquement dans Ispahan , que tout
y trembloit sous lui , d'une maniere qui
tenoit du prodige. Je suis , &c.
P. V. D.
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Résumé : LETTRE écrite de Constantinople le 22. Novembre 1732. au sujet de la derniere contagion, et de la nouvelle Révolution de Perse.
La lettre du 22 novembre 1732 décrit les récents événements à Constantinople et en Perse. À Constantinople, la peste a sévi depuis le 12 juillet, causant la mort de 150 000 personnes, y compris des membres de la cour impériale et des eunuques. La maladie a également frappé le harem, entraînant le décès de plusieurs sultanes, dont la favorite du sultan Achmet III. Le grand vizir a également perdu des membres de sa famille et des domestiques. Actuellement, la peste semble en rémission. En Perse, une crise politique majeure est en cours. Le chah Tahmas a rejeté le dernier traité de paix avec les Turcs, accusant son grand vizir, Tahmas-Couli Khan, de vouloir usurper le trône. Tahmas-Couli Khan, à la tête d'une armée, a marché sur Ispahan, forçant le chah à se réconcilier avec lui. Profitant de cette situation, Tahmas-Couli Khan a ensuite emprisonné le chah, violé sa sœur et proclamé un enfant roi, se déclarant régent. Il a instauré un règne de terreur, éliminant les opposants et s'enrichissant de leurs biens.
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18
p. 435-441
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople le 12 Novembre 1732. sur quelques sujets de Litterature.
Début :
J'ai été ravi d'apprendre par votre Lettre du 11 Août arrivée ici depuis [...]
Mots clefs :
Constantinople, Évêché de Troade, Patriarches d'Alexandrie, Patriarche, Ouvrage, Prélats, Voltaire
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople le 12 Novembre 1732. sur quelques sujets de Litterature.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople
le 12 Novembre 1732. sur
quelques sujets de Litterature.
JA
' Ai été ravi d'apprendre par votre
Lettre du 11 Août arrivée ici depuis
peu de jours , que parmi les Piéces qui
composoient mon Paquet du 6 Juin vous
en ayez trouvé qui vous ont fait plaisir.
J'ai toujours dessein de vous en procurer
quand je vous écris , et jose présumer
que j'y réussirois plus souvent , s'il m'étoit
permis de vous mander tout ce qui
vient à ma connoissance.
Je vous remercie des discours prononcez
à l'Académie Françoise contenus dans
votre derniere dépêche. Quand il me
vient de ces morceaux de main de Maître,
je les dévore , et je me rappelle avec un
vrai plaisir le goût de l'Eloquence et de
la belle diction , dont j'ai presque perdu
l'idée , à force d'entendre jargonner et
baragouiner ici le François , depuis plu
sieurs années que j'ai quitté Paris.
Quand j'aurai vû dans le Mercure que
vous m'envoyez , l'explication que vous
avez donnée de la Porte Othomane , terme
Bij usité
436 MERCURE DE FRANCE
usité pour signifier la Cour , ou le Palais
du Grand - Seigneur , je vous dirai si cette
explication s'accorde avec ce qu'on pense
ici sur le même sujet , que nul Voyageur
n'a encore traité .
Vous trouverez dans ce Paquet une
Liste , la moins imparfaite qu'on ait pû
dresser , des Patriarches d'Alexandrie, que
M. l'Ambassadeur a reçue du Caire depuis
15 jours , pour le grand Ouvrage
qui s'imprime au Louvre , et auquel vous
vous interessez . J'ai écrit fortement par
ses ordres à la personne qui a envoyé cette
Liste de redoubler ses soins pour remplir
les Lacunes , où les noms qu'on n'a
pû encore découvrir , et à une autre personne
qui est à Alexandrie , de mettre
tout en usage pour parvenir à nous dresser
des Catalogues complets , tant des
Patriarches de cette Ville , que de ceux
des Coptes , & c,
Vous avez très - bien fait de ne rien dire
de positif sur l'Etat présent de la Ville et
de l'Evêché de Troade à la fin de la Dissertation
, que vous avez publiée au sujet
d'une Médaille rare de cette ancienne Vil
le ; car le Mémoire que je vous ai envoyé
d'abord là-dessus n'est rien moins qu'éxact.
Vous en jugerez par cet article de
la Lettre que m'écrit le R, P. N, Jésuite
MARS. 1733. 437
suite , à qui je m'étois addressé pour
cela.
>>
و ر
» Je vous dirai , Monsieur , que les in
» formations que je vous donnai il y a
quelques mois sur l'Evêché de Troade
» me paroissent fausses aujourd'hui . Un
» habile Grec avec qui j'ai fait connois-
» sance depuis six semaines , m'en a don-
» né d'autres , auxquelles je crois devoir
» ajoûter plus de foi : c'est un Prêtre des
» plus sçavans de Constantinople ; il a
» surtout une grande connoissance des
» Evêchez , il étudie beaucoup , et espere ,
>> devenir lui - même Métropolitain au
» premier jour. Il m'a donc assuré , tant
» pour les informations qu'il a prises du
» Patriarche d'ici , que par l'autorité d'un
» Livre que le défunt Patriarche de Jeru-
» salem avoit fait imprimer quelques an-
» nées avant sa mort , que c'est le Métropolitain
de Cyzique , dont le Siege a
» été transferé au Bourg d'Arta- Queui
» et non pas celui de l'Evêque de Troade ,
» comme je vous l'avois marqué ; que ce
» Métropolitain de Cysique n'avoit pas
>> présentement un seul Suffragant sous
lui , et que depuis bien du tems il n'y
» avoit plus d'Evêché de Troade ni en
» état , ni de nom.
>>
Je pancherois fort à préférer cette der-
Bij niere
438 MERCURE DE FRANCE
niere Notice , que je viens de recevoir
de mon obligeant Jésuite , à celle qu'il
m'avoit ci -devant envoyée , et dont heureusement
vous n'avez fait aucun usage ;
ma raison est que le défunt Patriarche de
Jerusalem , dont il me parle , étoit un
Prélat fort éclairé , et qu'à moins de vouloir
douter de tout , on ne sçauroit penser
qu'il n'ait dit vrai sur ce qu'il a écrit
de l'Evêché de Troade.
Son Livre , au reste , petit in -fol. imprimé
à Terzovvitz en Valaquie , est en
Grec Vulgaire , mais si pur et si élégant ,
que plus des deux tiers sont du Grec Litteral.
J'ai déja fait quelques tentatives
pour l'acquerir , persuadé qu'il pourroit
être de quelque utilité à votre illustre
ami pour la perfection de l'Ouvrage dont
j'ai parlé ci - dessus : mais il est fort rare ;
l'Auteur , qui l'avoit fait imprimer à ses
frais , en ayant retiré tous les Exemplaires
pour en faire des présens à ses amis . Je ne
désespere pourtant pas d'avoir le plaisir
de vous l'envoyer.
J'ai écrit depuis peu et au R. P. Jesui
te et à d'autres personnes capables , au
sujet des noms des Patriarches de Constantinople
, et des Evêques , &c. que
vous me demandez , et je vous envoyerai
par la premiere occasion le fruit de leurs
ReMARS.
1733. 439
Recherches j'ai cependant une remarque
à vous faire à l'égard des Prélats , qui
sont actuellement en place , et dont vous
souhaitez avoir les noms , par rapport
à l'Ouvrage en question . C'est que les
Prélatures grecques étant sujettes à des
changemens fréquens et subits , par la
simonie , si fort en usage parmi les Moines
Schismatiques , qui vivent sous la
domination des Mahometans , vous pou
vez presque vous assurer qu'une bonne
partie des Prélats , dont je vous enverrai
les noms ne seront plus en place ,
non seulement quand vous recevrez ma
Lettre , où je vous aurai marqué ces
noms ; mais que peut être même ils au
ront déja eur plusieurs Successeurs , sans
que j'en aye pu avoir connoissance avant
que cette même Lettre parte d'ici . Inconvenient
dont nous avons un exemple récent
en la personne de Jéremie , qui vient
de remonter sur le Siége Patriarchal de
Constantinople , et qui est à la veille d'en
descendre pour la seconde fois , par les
intrigues de celui qu'il a supplanté . Inconvenient
, dis je , auquel on ne peut
guére remédier que par la Chronologie ,
et en fixant les Epoques de l'Installation ,
& c. ce qui encore n'est pas sans difficulté.
J'ai lû depuis quelques- tems la belle
B iiij
His440
MERCURE DE FRANCE
Histoire , ou plutôt , à mon avis , le bel
Abregé de l'Histoire de Charles XII . par
M. de Voltaire . Je ne sçai , et je vous
prie de m'en dire votre sentiment , si les
Gens de Lettres en sont aussi satisfaits que
les Gens de Cour , et ce qu'on appelle le
beau monde , à qui les charmes du stile
suffisent. Pour moi qui cherche à m'instiuire
à fond , et qui aime un peu le détail
, je trouve que M. de V. coule souvent
avec un peu trop de rapidité sur des
faits et sur des Evenemens , dont les particularitez
interessantes n'auroient pas , ce
me semble, moins bien figuré, que le reste
dans l'Histoire de son Heros . Je trouve
encore , et j'en suis même fâché , que ce
charmant Historien n'a pas toujours été
également bien servi en Mémoires. Il en
auroit pû trouver aisément de plus instructifs
et de plus fideles que beaucoup de
ceux qu'il a mis en oeuvre, surtout pour
ce qui regarde ce Pays-ci , dont il ne paroît
pas avoir des Notions fort éxactes .
Qui ne riroit , en effet , quand on lit
entr'autres choses que les femmes y conservent
plus long- tems leur fraicheur et
leur beauté qu'ailleurs ? tandis que ce fait
est entierement opposé à la verité , n'y
ayant peut être pas de Pays où , la fleur de
la Jeunesse s'efface plutôt chez le beau
Sexe
MARS. 1733
44
Sexe que dans celui- ci . Au surplus, M. de
V. n'a vraisemblablement erré sur cet article
que pour avoir adopté , peut - être
avec trop de confiance , les rapports de
certains esprits aussi superficiels que décisifs
, qui parlent de tout affirmativement
, quoique fort à la legere , et qui
n'ayant pas acquis à Constantinople , où
l'on se ressouvient fort bien d'eux , la réputation
de gens sur lesquels on peut fai
re fond , n'auroient pas dû trouver une
crédulité si facile dans un génie superieur
comme cet admirable Ecri
vain.
Au reste , Monsieur , je ne prétends
pas confondre ici avec les personnes dont
je viens de parler le Voyageur la Mo.
traye , qui , à peu de choses près , est fort
veridique dans ce qu'il rapporte du Rof
de Suede , et dont pour l'honneur de la
verité et de l'éxactitude , il auroit été au
contraire à souhaiter que notre Historien
eut préferé plus souvent les connoissances
à celles d'autres personnes , qui quoique
plus lumineuses , en apparence , n'
toient pas des guides si sûrs.
le 12 Novembre 1732. sur
quelques sujets de Litterature.
JA
' Ai été ravi d'apprendre par votre
Lettre du 11 Août arrivée ici depuis
peu de jours , que parmi les Piéces qui
composoient mon Paquet du 6 Juin vous
en ayez trouvé qui vous ont fait plaisir.
J'ai toujours dessein de vous en procurer
quand je vous écris , et jose présumer
que j'y réussirois plus souvent , s'il m'étoit
permis de vous mander tout ce qui
vient à ma connoissance.
Je vous remercie des discours prononcez
à l'Académie Françoise contenus dans
votre derniere dépêche. Quand il me
vient de ces morceaux de main de Maître,
je les dévore , et je me rappelle avec un
vrai plaisir le goût de l'Eloquence et de
la belle diction , dont j'ai presque perdu
l'idée , à force d'entendre jargonner et
baragouiner ici le François , depuis plu
sieurs années que j'ai quitté Paris.
Quand j'aurai vû dans le Mercure que
vous m'envoyez , l'explication que vous
avez donnée de la Porte Othomane , terme
Bij usité
436 MERCURE DE FRANCE
usité pour signifier la Cour , ou le Palais
du Grand - Seigneur , je vous dirai si cette
explication s'accorde avec ce qu'on pense
ici sur le même sujet , que nul Voyageur
n'a encore traité .
Vous trouverez dans ce Paquet une
Liste , la moins imparfaite qu'on ait pû
dresser , des Patriarches d'Alexandrie, que
M. l'Ambassadeur a reçue du Caire depuis
15 jours , pour le grand Ouvrage
qui s'imprime au Louvre , et auquel vous
vous interessez . J'ai écrit fortement par
ses ordres à la personne qui a envoyé cette
Liste de redoubler ses soins pour remplir
les Lacunes , où les noms qu'on n'a
pû encore découvrir , et à une autre personne
qui est à Alexandrie , de mettre
tout en usage pour parvenir à nous dresser
des Catalogues complets , tant des
Patriarches de cette Ville , que de ceux
des Coptes , & c,
Vous avez très - bien fait de ne rien dire
de positif sur l'Etat présent de la Ville et
de l'Evêché de Troade à la fin de la Dissertation
, que vous avez publiée au sujet
d'une Médaille rare de cette ancienne Vil
le ; car le Mémoire que je vous ai envoyé
d'abord là-dessus n'est rien moins qu'éxact.
Vous en jugerez par cet article de
la Lettre que m'écrit le R, P. N, Jésuite
MARS. 1733. 437
suite , à qui je m'étois addressé pour
cela.
>>
و ر
» Je vous dirai , Monsieur , que les in
» formations que je vous donnai il y a
quelques mois sur l'Evêché de Troade
» me paroissent fausses aujourd'hui . Un
» habile Grec avec qui j'ai fait connois-
» sance depuis six semaines , m'en a don-
» né d'autres , auxquelles je crois devoir
» ajoûter plus de foi : c'est un Prêtre des
» plus sçavans de Constantinople ; il a
» surtout une grande connoissance des
» Evêchez , il étudie beaucoup , et espere ,
>> devenir lui - même Métropolitain au
» premier jour. Il m'a donc assuré , tant
» pour les informations qu'il a prises du
» Patriarche d'ici , que par l'autorité d'un
» Livre que le défunt Patriarche de Jeru-
» salem avoit fait imprimer quelques an-
» nées avant sa mort , que c'est le Métropolitain
de Cyzique , dont le Siege a
» été transferé au Bourg d'Arta- Queui
» et non pas celui de l'Evêque de Troade ,
» comme je vous l'avois marqué ; que ce
» Métropolitain de Cysique n'avoit pas
>> présentement un seul Suffragant sous
lui , et que depuis bien du tems il n'y
» avoit plus d'Evêché de Troade ni en
» état , ni de nom.
>>
Je pancherois fort à préférer cette der-
Bij niere
438 MERCURE DE FRANCE
niere Notice , que je viens de recevoir
de mon obligeant Jésuite , à celle qu'il
m'avoit ci -devant envoyée , et dont heureusement
vous n'avez fait aucun usage ;
ma raison est que le défunt Patriarche de
Jerusalem , dont il me parle , étoit un
Prélat fort éclairé , et qu'à moins de vouloir
douter de tout , on ne sçauroit penser
qu'il n'ait dit vrai sur ce qu'il a écrit
de l'Evêché de Troade.
Son Livre , au reste , petit in -fol. imprimé
à Terzovvitz en Valaquie , est en
Grec Vulgaire , mais si pur et si élégant ,
que plus des deux tiers sont du Grec Litteral.
J'ai déja fait quelques tentatives
pour l'acquerir , persuadé qu'il pourroit
être de quelque utilité à votre illustre
ami pour la perfection de l'Ouvrage dont
j'ai parlé ci - dessus : mais il est fort rare ;
l'Auteur , qui l'avoit fait imprimer à ses
frais , en ayant retiré tous les Exemplaires
pour en faire des présens à ses amis . Je ne
désespere pourtant pas d'avoir le plaisir
de vous l'envoyer.
J'ai écrit depuis peu et au R. P. Jesui
te et à d'autres personnes capables , au
sujet des noms des Patriarches de Constantinople
, et des Evêques , &c. que
vous me demandez , et je vous envoyerai
par la premiere occasion le fruit de leurs
ReMARS.
1733. 439
Recherches j'ai cependant une remarque
à vous faire à l'égard des Prélats , qui
sont actuellement en place , et dont vous
souhaitez avoir les noms , par rapport
à l'Ouvrage en question . C'est que les
Prélatures grecques étant sujettes à des
changemens fréquens et subits , par la
simonie , si fort en usage parmi les Moines
Schismatiques , qui vivent sous la
domination des Mahometans , vous pou
vez presque vous assurer qu'une bonne
partie des Prélats , dont je vous enverrai
les noms ne seront plus en place ,
non seulement quand vous recevrez ma
Lettre , où je vous aurai marqué ces
noms ; mais que peut être même ils au
ront déja eur plusieurs Successeurs , sans
que j'en aye pu avoir connoissance avant
que cette même Lettre parte d'ici . Inconvenient
dont nous avons un exemple récent
en la personne de Jéremie , qui vient
de remonter sur le Siége Patriarchal de
Constantinople , et qui est à la veille d'en
descendre pour la seconde fois , par les
intrigues de celui qu'il a supplanté . Inconvenient
, dis je , auquel on ne peut
guére remédier que par la Chronologie ,
et en fixant les Epoques de l'Installation ,
& c. ce qui encore n'est pas sans difficulté.
J'ai lû depuis quelques- tems la belle
B iiij
His440
MERCURE DE FRANCE
Histoire , ou plutôt , à mon avis , le bel
Abregé de l'Histoire de Charles XII . par
M. de Voltaire . Je ne sçai , et je vous
prie de m'en dire votre sentiment , si les
Gens de Lettres en sont aussi satisfaits que
les Gens de Cour , et ce qu'on appelle le
beau monde , à qui les charmes du stile
suffisent. Pour moi qui cherche à m'instiuire
à fond , et qui aime un peu le détail
, je trouve que M. de V. coule souvent
avec un peu trop de rapidité sur des
faits et sur des Evenemens , dont les particularitez
interessantes n'auroient pas , ce
me semble, moins bien figuré, que le reste
dans l'Histoire de son Heros . Je trouve
encore , et j'en suis même fâché , que ce
charmant Historien n'a pas toujours été
également bien servi en Mémoires. Il en
auroit pû trouver aisément de plus instructifs
et de plus fideles que beaucoup de
ceux qu'il a mis en oeuvre, surtout pour
ce qui regarde ce Pays-ci , dont il ne paroît
pas avoir des Notions fort éxactes .
Qui ne riroit , en effet , quand on lit
entr'autres choses que les femmes y conservent
plus long- tems leur fraicheur et
leur beauté qu'ailleurs ? tandis que ce fait
est entierement opposé à la verité , n'y
ayant peut être pas de Pays où , la fleur de
la Jeunesse s'efface plutôt chez le beau
Sexe
MARS. 1733
44
Sexe que dans celui- ci . Au surplus, M. de
V. n'a vraisemblablement erré sur cet article
que pour avoir adopté , peut - être
avec trop de confiance , les rapports de
certains esprits aussi superficiels que décisifs
, qui parlent de tout affirmativement
, quoique fort à la legere , et qui
n'ayant pas acquis à Constantinople , où
l'on se ressouvient fort bien d'eux , la réputation
de gens sur lesquels on peut fai
re fond , n'auroient pas dû trouver une
crédulité si facile dans un génie superieur
comme cet admirable Ecri
vain.
Au reste , Monsieur , je ne prétends
pas confondre ici avec les personnes dont
je viens de parler le Voyageur la Mo.
traye , qui , à peu de choses près , est fort
veridique dans ce qu'il rapporte du Rof
de Suede , et dont pour l'honneur de la
verité et de l'éxactitude , il auroit été au
contraire à souhaiter que notre Historien
eut préferé plus souvent les connoissances
à celles d'autres personnes , qui quoique
plus lumineuses , en apparence , n'
toient pas des guides si sûrs.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople le 12 Novembre 1732. sur quelques sujets de Litterature.
L'auteur d'une lettre datée du 12 novembre 1732 à Constantinople exprime sa satisfaction de savoir que certaines pièces envoyées ont été appréciées par le destinataire. Il souhaite poursuivre l'envoi d'informations intéressantes. Il remercie également pour les discours prononcés à l'Académie Française, qu'il trouve particulièrement agréables après avoir entendu des versions déformées du français à Constantinople. L'auteur mentionne avoir reçu une liste des Patriarches d'Alexandrie par l'intermédiaire de l'ambassadeur au Caire, destinée à un grand ouvrage imprimé au Louvre. Il a demandé à des personnes de compléter cette liste et d'en dresser d'autres pour les Patriarches d'Alexandrie et des Coptes. Concernant l'état de la ville et de l'évêché de Troade, l'auteur déconseille de faire des déclarations définitives, car les informations précédentes se sont avérées inexactes. Un Jésuite a fourni de nouvelles informations, affirmant que le Métropolitain de Cyzique, dont le siège a été transféré à Arta-Queui, est le véritable titulaire, et non l'évêque de Troade. L'auteur préfère cette nouvelle notice et espère acquérir un livre rare du défunt Patriarche de Jérusalem pour compléter l'ouvrage en question. Il a également écrit à des personnes compétentes pour obtenir les noms des Patriarches de Constantinople et des évêques, notant que les changements fréquents parmi les prélats grecs rendent ces informations rapidement obsolètes. Enfin, l'auteur commente l'ouvrage de Voltaire sur Charles XII, trouvant que Voltaire passe trop rapidement sur certains détails intéressants et qu'il n'a pas toujours été bien informé, notamment sur les femmes de Constantinople. Il apprécie cependant le style de Voltaire et regrette qu'il n'ait pas utilisé des mémoires plus fiables.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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19
p. 580-583
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople le 24. Janvier 1733. sur les affaires de Perse, &c.
Début :
Les Nouvelles qu'on a reçûës ici de Perse, il y a 15. jours, portent que Thamas Kouli-Kan [...]
Mots clefs :
Thamas Kouli-Kan, Constantinople, Prince, Pacha , Siège, Troupes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople le 24. Janvier 1733. sur les affaires de Perse, &c.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Cons
tantinople le 24. Janvier 1733. sur les
affaires de Perse , &c.
L
Es Nouvelles qu'on a reçûës ici de Perse , il y
a 15.jours, portent que Thamas Kouli-Kan
étant subitement arrivé à Kirmancha , avec une
Armée de 60. mille hommes , avoit fait couper,
la tête à Abdi- Baki , Pacha de cette Place , qu'il
sçavoit être attaché aux intérêts du G. S. et qui
n'avoit été conservé dans ce poste que par un
Article du dernier Traité de Paix , à la sollicitation
d'Achmet- Pacha de Babilonne , son Protecteur.
On ajoute que Kouli- Kan , après avoir mis
dans cette Place un Gouverneur sur la fidelité
Juquel il pût compter , s'étoit avancé à grandes
journées vers Bagdad , dont on appréhendoit
qu'il ne voulût former le Siege , et dont il ravageoir
MARS: 1733. 581
"
geoit toutes les Campagnes voisines , aussi bien
que celles de Mossoul et du Diarbekir , ou ik
avoit envoyé de gros Détachemens .
La Porte a parû d'autant plus sensible à ces
nouvelles , que peu de temps avant qu'elles arri
vassent , le G. V. avoit reçu des Lettres d'Achmes
Pacha , par lesquelles celui- cy lui marquoit que
și Thamas -Kouli -Kan approchoit de Bagdad”, il
seroit obligé de s'y renfermer , ne pouvant en
aucune façon tenir la Campagne devant l'Armée
Persane , et n'ayant précisément que ce qu'il lui
falloit de Troupes pour soutenir le Siege.
Ces nouvelles , qui ont causé ici beaucoup d'al
tération dans les esprits , ont donné lieu à la
tenue d'un grand Conseil , composé de tous les
Ministres de la Porte et de beaucoup des plus
distinguez parmi les Gens de Loy.
Il y fut résolu d'envoyer incessamment trois
ou quatre mille Bourses aux Pachas qui com
mandent differens Corps de Troupes Ottomanes
en Perse , et des ordres plus pressans pour faire
marcher du côté de Bagdad , non seulement
tout ce qui se trouvoit de Gens de guerre en Asie,
mais encore une bonne partie de ceux qui étoient
en Europe.
·
Le Khan des Tartares a pareillement reçû des
ordres pour aller penetrer avec le plus de dili
gence qu'il lui seroit possible jusques dans le
eceur de la Perse , à la tête de 30. mille hommes
tandis que le Khan qui commande les Lesguis
Peuple du Degestan , doit y entrer d'un autre
côté avec tout ce qu'il pourra rassembler de for
ces ; moyennant tout cela les Turcs esperent faire
une assez puissante diversion , pour obliger
Chaque Bourse est de s00. Piastres.
H iij Kouli
82 MERCURE DE FRANCE
Kouli -Kan d'abandonner le projet d'assieger
Bagdad , et de courir à la deffense des propres
Etats de Perse , dont il a la Régence.
2. Malgré tous ces mouvemens , qui semblent
n'annoncer que la continuacion d'une guerre opiniâtre
, bien des gens prétendent qu'il y a des
propositions de Paix sur le tapis , et que la Czarine
pourroit bien en être la Médiatrice. ~
On n'entend plus parler de l'infortuné Schah-
Thamas ; on présume seulement qu'il est toujours
en vie et renfermé dans quelque Forteresse
au fond du Corassan. On ne dit rien non plus du
jeune Priuce son fils , que Thamas Kouli -Kan
avoit fait proclamer Roy de Perse.
Le Sultan déposé Achmet III . a perdu depuis
quelques mois quatre de ses Enfans ; deux Princes
et deux princesses ; la plus jeune de ces der
nieres étoit encore fille et mourut cet Eté au
vieux Serrail , les uns disent de la petite verole ,
les autres de la peste . L'autre Sultane étoit femme
d'Ali-Pacha , cy devant Nichandgi , sous le
Regne précedent . On l'appelloit la Sçavante et la
Sainte ; elle étoit si prévenue en faveur de sa Rcligion
, qu'elle avoit coûtume de dire qu'une
bonne Musulmane ne pouvoit parler avec des
Chrétiens ni même les regarder , sans commertre
un grand peché. Elle est morte de langueur
après une longue maladie.
Des deux Princes qui sont aussi morts, mais
dont le Public ignore la cause , l'un étoit Sultan
Suleiman âgé d'environ 25 ans , et l'Aîné de
tous les Enfans mâles d'Achmet. Il fut inhumé
le 12. Décembre dernier à la Mosquée dite la
Validé , ou de la Reine Mere, avec toute la pompe
due à sa naissance. L'autre Prince , qui étoit
le cinquième , et avoit 12, ou 13. ans , mourut
le
MARS. 1733- 583
le 27. du même mois et fut porté le lendemain
à la même Mosquée.
Du 16. Janvier.
P. V. D.
Il vient d'arriver deux Courriers de Perse ;.
qui ont apporté pour nouvelle que le Pacha de
Ghendgé avoit défait un Corps de trois mille
Persans , et que Thamas - Kouli -Kan , s'étoit retiré
des environs de Bagdad.
tantinople le 24. Janvier 1733. sur les
affaires de Perse , &c.
L
Es Nouvelles qu'on a reçûës ici de Perse , il y
a 15.jours, portent que Thamas Kouli-Kan
étant subitement arrivé à Kirmancha , avec une
Armée de 60. mille hommes , avoit fait couper,
la tête à Abdi- Baki , Pacha de cette Place , qu'il
sçavoit être attaché aux intérêts du G. S. et qui
n'avoit été conservé dans ce poste que par un
Article du dernier Traité de Paix , à la sollicitation
d'Achmet- Pacha de Babilonne , son Protecteur.
On ajoute que Kouli- Kan , après avoir mis
dans cette Place un Gouverneur sur la fidelité
Juquel il pût compter , s'étoit avancé à grandes
journées vers Bagdad , dont on appréhendoit
qu'il ne voulût former le Siege , et dont il ravageoir
MARS: 1733. 581
"
geoit toutes les Campagnes voisines , aussi bien
que celles de Mossoul et du Diarbekir , ou ik
avoit envoyé de gros Détachemens .
La Porte a parû d'autant plus sensible à ces
nouvelles , que peu de temps avant qu'elles arri
vassent , le G. V. avoit reçu des Lettres d'Achmes
Pacha , par lesquelles celui- cy lui marquoit que
și Thamas -Kouli -Kan approchoit de Bagdad”, il
seroit obligé de s'y renfermer , ne pouvant en
aucune façon tenir la Campagne devant l'Armée
Persane , et n'ayant précisément que ce qu'il lui
falloit de Troupes pour soutenir le Siege.
Ces nouvelles , qui ont causé ici beaucoup d'al
tération dans les esprits , ont donné lieu à la
tenue d'un grand Conseil , composé de tous les
Ministres de la Porte et de beaucoup des plus
distinguez parmi les Gens de Loy.
Il y fut résolu d'envoyer incessamment trois
ou quatre mille Bourses aux Pachas qui com
mandent differens Corps de Troupes Ottomanes
en Perse , et des ordres plus pressans pour faire
marcher du côté de Bagdad , non seulement
tout ce qui se trouvoit de Gens de guerre en Asie,
mais encore une bonne partie de ceux qui étoient
en Europe.
·
Le Khan des Tartares a pareillement reçû des
ordres pour aller penetrer avec le plus de dili
gence qu'il lui seroit possible jusques dans le
eceur de la Perse , à la tête de 30. mille hommes
tandis que le Khan qui commande les Lesguis
Peuple du Degestan , doit y entrer d'un autre
côté avec tout ce qu'il pourra rassembler de for
ces ; moyennant tout cela les Turcs esperent faire
une assez puissante diversion , pour obliger
Chaque Bourse est de s00. Piastres.
H iij Kouli
82 MERCURE DE FRANCE
Kouli -Kan d'abandonner le projet d'assieger
Bagdad , et de courir à la deffense des propres
Etats de Perse , dont il a la Régence.
2. Malgré tous ces mouvemens , qui semblent
n'annoncer que la continuacion d'une guerre opiniâtre
, bien des gens prétendent qu'il y a des
propositions de Paix sur le tapis , et que la Czarine
pourroit bien en être la Médiatrice. ~
On n'entend plus parler de l'infortuné Schah-
Thamas ; on présume seulement qu'il est toujours
en vie et renfermé dans quelque Forteresse
au fond du Corassan. On ne dit rien non plus du
jeune Priuce son fils , que Thamas Kouli -Kan
avoit fait proclamer Roy de Perse.
Le Sultan déposé Achmet III . a perdu depuis
quelques mois quatre de ses Enfans ; deux Princes
et deux princesses ; la plus jeune de ces der
nieres étoit encore fille et mourut cet Eté au
vieux Serrail , les uns disent de la petite verole ,
les autres de la peste . L'autre Sultane étoit femme
d'Ali-Pacha , cy devant Nichandgi , sous le
Regne précedent . On l'appelloit la Sçavante et la
Sainte ; elle étoit si prévenue en faveur de sa Rcligion
, qu'elle avoit coûtume de dire qu'une
bonne Musulmane ne pouvoit parler avec des
Chrétiens ni même les regarder , sans commertre
un grand peché. Elle est morte de langueur
après une longue maladie.
Des deux Princes qui sont aussi morts, mais
dont le Public ignore la cause , l'un étoit Sultan
Suleiman âgé d'environ 25 ans , et l'Aîné de
tous les Enfans mâles d'Achmet. Il fut inhumé
le 12. Décembre dernier à la Mosquée dite la
Validé , ou de la Reine Mere, avec toute la pompe
due à sa naissance. L'autre Prince , qui étoit
le cinquième , et avoit 12, ou 13. ans , mourut
le
MARS. 1733- 583
le 27. du même mois et fut porté le lendemain
à la même Mosquée.
Du 16. Janvier.
P. V. D.
Il vient d'arriver deux Courriers de Perse ;.
qui ont apporté pour nouvelle que le Pacha de
Ghendgé avoit défait un Corps de trois mille
Persans , et que Thamas - Kouli -Kan , s'étoit retiré
des environs de Bagdad.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople le 24. Janvier 1733. sur les affaires de Perse, &c.
En janvier 1733, Thamas Kouli-Kan, à la tête d'une armée de 60 000 hommes, a exécuté Abdi-Baki, Pacha de Kirmancha, et nommé un nouveau gouverneur. Il a ensuite avancé vers Bagdad, ravageant les campagnes voisines et envoyant des détachements à Mossoul et Diarbekir. La Porte ottomane, informée par Achmet-Pacha de Babilonne, a réagi en convoquant un grand conseil. Il a été décidé d'envoyer des subsides aux Pachas commandants des troupes ottomanes en Perse et d'ordonner le déplacement de troupes vers Bagdad, tant en Asie qu'en Europe. Les Tartares et les Lesguis devaient également pénétrer en Perse pour créer une diversion et obliger Kouli-Kan à abandonner son projet de siège de Bagdad. Malgré ces préparatifs militaires, des rumeurs évoquaient des propositions de paix, avec la Czarine comme possible médiatrice. L'ancien Shah Thamas était présumé toujours en vie, mais son fils, proclamé roi de Perse par Kouli-Kan, n'était plus mentionné. Par ailleurs, le sultan déposé Achmet III avait perdu quatre de ses enfants au cours des derniers mois, dont deux princes et deux princesses. Les causes de leurs décès variaient, allant de la variole à la peste.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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20
p. 1093-1097
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris, Capucin, Conseiller des Missions de Grece, et Préfet du College des Enfans de Langues, sur diverses Traductions d'Ouvrages choisis, &c.
Début :
Je continue, Monsieur, de vous faire part des fruits de l'application des [...]
Mots clefs :
Empire, Selim Khan, Effendi, Collège, Traductions, Règne, Sultan
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris, Capucin, Conseiller des Missions de Grece, et Préfet du College des Enfans de Langues, sur diverses Traductions d'Ouvrages choisis, &c.
EXTRA IT d'une Lettre écrite de Constantinople
par le R. P. Romain de Paris,
Capucin , Conseiller des Missions de
Grece , et Préfet du College des Enfans
de Langues sur diverses Traductions
d'Ouvrages choisis , &c.
J
,
E continue , Monsieur , de vous faire
part des fruits de l'application des
jeunes Gens de notre Nation , qui étudient
les Langues Orientales par l'ordre ,
et pour le service du Roi , dans le College
dont nous avons la direction . Je
vous envoye avec cette Lettre l'Etat des
Traductions , qui ont été faites dans ce
College par mes soins , pendant le cours
de l'année 1732. conforme à celui que
nous envoyons à la Cour. Vous seriez
charmé , Monsieur , de voir avec quelle
ardeur et quelle assiduité cette Jeunesse
travaille pour se rendre digne de remplir
avec honneur les Emplois ausquels elle
1. Vol. cij est.
1094 MERCURE DE FRANC
est destinée , et pour mériter la prote
tion et les graces de Sa Majesté. J'espe
que vous serez content du choix des S
jets sur lesquels j'ai éxercé nos Tradi
teurs , et que vous conviendrez en n
me tems que c'est un profit pour la Lit
rature en general d'enrichir notre L
gue , de tout ce qui est le plus esti
dans celle des Turcs , et des autres Ori
taux .
La conformité du Sujet m'engag
vous dire ici un mot du Chaïdy , espe
de Dictionnaire Turc et Persan que
fait traduire d'une maniere , et avec
tel ordre , qu'il facilitera extrêmem
P'intelligence de ces deux Langues
levant toutes les difficultez et l'embai
où se trouvoient ceux qui s'appliquer
cette Etude , ce qui mettra en très- ]
de tems et sans peine un homme en
d'entendre les Auteurs les plus difficil
de sorte , Monsieur , que les Traducti
qui avant que ce Chaidy fut tradui
mis dans l'ordre qu'il est aujourd'h
étoient d'un travail qui rebutoit les
patiens , se font aujourd'hui avec be
coup moins de peine , et plus fidelem
On ne sçauroit trop faire connoître 1
portance de cet Ouvrage. Je revie
nos Traductions .
1. Vol,
JUIN. 1733. 1095
ETAT des Traductions faites dans le
Gollege des Enfans , ou Jeunes de Langues
de France , par les soins , et sous la direc
tion du R. P. Romain de Paris , durant le
cours de l'année 1732 .
L'Ambassade de Durri - Effendi , Doc
teur de la Loi Mahometane , en Perse ,
sous le Régne de Sultan - Achmet , par le
sieur le Grand.
Relation du nouveau Monde imprimée
à Constantinople , composée en Turc
par Ibrahim Effendi , Directeur de la nouvelle
Imprimerie , traduite par le sieur
de Fiennes , Pensionnaire au College des
Jeunes de Langues , et fils de M. de
Fiennes , Interpréte du Roi à la Cour .
Relation de différentes Expéditions des
Turcs dans le Royaume de Candie , imprimée
à Constantinople , par le même
İbrahim Effendi , traduite par le sieur
Galland.
Histoire de Rustem , fils de Zal , Roy
des Parthes , et de Isfendiar , fils de
Kuschtasel , Roi de Scythie , par le sieur
Rocques.
Histoire du Régne de Kuschtasel , Roi
de Scythie , par le sieur R. Imbault...
Histoire de Sultan Selim Khan , Pre-
* C'est le neuviéme Sultan de la Dynassie des
L. Vol. C iij Ot1096
MERCURE DE FRANCE
mier du nom , fils de Sultan Bajazeth-
Khan , second du nom , jusqu'à son Avenement
à l'Empire , par le sieur Choquet.
Histoire de Sultan Selim - Khan , second
du nom , fils du grand Solyman , par le
sieur Berault.
Les Racines de la Sagesse , ou les Régles
pour bien gouverner un Etat , traduites
de l'Arabe en Turc, par un Effendi
, et du Turc en François , par le sieur
Choquet.
2
et
Recueil de plusieurs Faits mémorables
arrivez sous l'Empire de Sultan Solyman-
Khan , second du nom , sa mort
*
les différentes fondations qu'il a faites.
en plusieurs Lieux de sa Domination , par
le sieur Galland .
Histoire de Diameseb , fils du Prophete
Daniel , par le sieur de Fiennes.
Histoire de l'Origine des Empereurs
Ottomans , par le sieur Rocques.
Ottomans , lesquels ont accoutumé d'ajoûter à
leur nom le titre de Khan , originairement Turc ,
et abregé Khacan , qui signifie Roi , Prince Souverain
, &c.
* C'est le même que le Grand Soliman , que
quelques Historiens marquent 1. du nom, en omettant
Soliman , fils de Bajazeth I. qu'ils prétendent
n'avoir pas régné , ¿c.
I. Vol.
Les
JUIN. 1733- 1097
5
LES CANONS de l'Empire Ottoman
ou Réglement general pour le Gouver
nement , tant en guerre qu'en paix , avec
les Canons des Dignitez , Charges et
Emplois de l'Etat , enrichis de Notes
curieuses pour l'intelligence des Canons
particuliers , qui regardent les Charges
er les Dignitez , &c. par le sieur le
Grand .
Histoire du Régné de Sultan Amurath
Khan , troisiéme du nom , fils de Sultan
Selim - Khan second , par le sieur Guintrand
.
Abregé de ce qui s'est passé de plus mé--
morable sous l'Empire de Sultan Mahomet-
Khan , second du nom , fils de Sul--
tan Amurath- Khan second , par le sieur
Brüe .
Histoire de Sultan Bajazeth second , par
le sieur Roboly.
par le R. P. Romain de Paris,
Capucin , Conseiller des Missions de
Grece , et Préfet du College des Enfans
de Langues sur diverses Traductions
d'Ouvrages choisis , &c.
J
,
E continue , Monsieur , de vous faire
part des fruits de l'application des
jeunes Gens de notre Nation , qui étudient
les Langues Orientales par l'ordre ,
et pour le service du Roi , dans le College
dont nous avons la direction . Je
vous envoye avec cette Lettre l'Etat des
Traductions , qui ont été faites dans ce
College par mes soins , pendant le cours
de l'année 1732. conforme à celui que
nous envoyons à la Cour. Vous seriez
charmé , Monsieur , de voir avec quelle
ardeur et quelle assiduité cette Jeunesse
travaille pour se rendre digne de remplir
avec honneur les Emplois ausquels elle
1. Vol. cij est.
1094 MERCURE DE FRANC
est destinée , et pour mériter la prote
tion et les graces de Sa Majesté. J'espe
que vous serez content du choix des S
jets sur lesquels j'ai éxercé nos Tradi
teurs , et que vous conviendrez en n
me tems que c'est un profit pour la Lit
rature en general d'enrichir notre L
gue , de tout ce qui est le plus esti
dans celle des Turcs , et des autres Ori
taux .
La conformité du Sujet m'engag
vous dire ici un mot du Chaïdy , espe
de Dictionnaire Turc et Persan que
fait traduire d'une maniere , et avec
tel ordre , qu'il facilitera extrêmem
P'intelligence de ces deux Langues
levant toutes les difficultez et l'embai
où se trouvoient ceux qui s'appliquer
cette Etude , ce qui mettra en très- ]
de tems et sans peine un homme en
d'entendre les Auteurs les plus difficil
de sorte , Monsieur , que les Traducti
qui avant que ce Chaidy fut tradui
mis dans l'ordre qu'il est aujourd'h
étoient d'un travail qui rebutoit les
patiens , se font aujourd'hui avec be
coup moins de peine , et plus fidelem
On ne sçauroit trop faire connoître 1
portance de cet Ouvrage. Je revie
nos Traductions .
1. Vol,
JUIN. 1733. 1095
ETAT des Traductions faites dans le
Gollege des Enfans , ou Jeunes de Langues
de France , par les soins , et sous la direc
tion du R. P. Romain de Paris , durant le
cours de l'année 1732 .
L'Ambassade de Durri - Effendi , Doc
teur de la Loi Mahometane , en Perse ,
sous le Régne de Sultan - Achmet , par le
sieur le Grand.
Relation du nouveau Monde imprimée
à Constantinople , composée en Turc
par Ibrahim Effendi , Directeur de la nouvelle
Imprimerie , traduite par le sieur
de Fiennes , Pensionnaire au College des
Jeunes de Langues , et fils de M. de
Fiennes , Interpréte du Roi à la Cour .
Relation de différentes Expéditions des
Turcs dans le Royaume de Candie , imprimée
à Constantinople , par le même
İbrahim Effendi , traduite par le sieur
Galland.
Histoire de Rustem , fils de Zal , Roy
des Parthes , et de Isfendiar , fils de
Kuschtasel , Roi de Scythie , par le sieur
Rocques.
Histoire du Régne de Kuschtasel , Roi
de Scythie , par le sieur R. Imbault...
Histoire de Sultan Selim Khan , Pre-
* C'est le neuviéme Sultan de la Dynassie des
L. Vol. C iij Ot1096
MERCURE DE FRANCE
mier du nom , fils de Sultan Bajazeth-
Khan , second du nom , jusqu'à son Avenement
à l'Empire , par le sieur Choquet.
Histoire de Sultan Selim - Khan , second
du nom , fils du grand Solyman , par le
sieur Berault.
Les Racines de la Sagesse , ou les Régles
pour bien gouverner un Etat , traduites
de l'Arabe en Turc, par un Effendi
, et du Turc en François , par le sieur
Choquet.
2
et
Recueil de plusieurs Faits mémorables
arrivez sous l'Empire de Sultan Solyman-
Khan , second du nom , sa mort
*
les différentes fondations qu'il a faites.
en plusieurs Lieux de sa Domination , par
le sieur Galland .
Histoire de Diameseb , fils du Prophete
Daniel , par le sieur de Fiennes.
Histoire de l'Origine des Empereurs
Ottomans , par le sieur Rocques.
Ottomans , lesquels ont accoutumé d'ajoûter à
leur nom le titre de Khan , originairement Turc ,
et abregé Khacan , qui signifie Roi , Prince Souverain
, &c.
* C'est le même que le Grand Soliman , que
quelques Historiens marquent 1. du nom, en omettant
Soliman , fils de Bajazeth I. qu'ils prétendent
n'avoir pas régné , ¿c.
I. Vol.
Les
JUIN. 1733- 1097
5
LES CANONS de l'Empire Ottoman
ou Réglement general pour le Gouver
nement , tant en guerre qu'en paix , avec
les Canons des Dignitez , Charges et
Emplois de l'Etat , enrichis de Notes
curieuses pour l'intelligence des Canons
particuliers , qui regardent les Charges
er les Dignitez , &c. par le sieur le
Grand .
Histoire du Régné de Sultan Amurath
Khan , troisiéme du nom , fils de Sultan
Selim - Khan second , par le sieur Guintrand
.
Abregé de ce qui s'est passé de plus mé--
morable sous l'Empire de Sultan Mahomet-
Khan , second du nom , fils de Sul--
tan Amurath- Khan second , par le sieur
Brüe .
Histoire de Sultan Bajazeth second , par
le sieur Roboly.
Fermer
Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris, Capucin, Conseiller des Missions de Grece, et Préfet du College des Enfans de Langues, sur diverses Traductions d'Ouvrages choisis, &c.
Le document est une lettre rédigée par le R. P. Romain de Paris, un capucin et conseiller des Missions de Grèce, préfet du Collège des Enfants de Langues. Cette lettre date de l'année 1732 et informe des traductions réalisées par les jeunes étudiants du Collège des Enfants de Langues de France. Ces traductions sont destinées au service du Roi et visent à enrichir la littérature française en intégrant des œuvres turques et orientales. Le Père Romain met en avant l'ardeur et l'assiduité des étudiants, qui travaillent pour mériter la protection et les grâces du Roi. Il souligne également l'importance d'un dictionnaire turc et persan, le Chaïdy, qui facilite l'étude de ces langues et rend les traductions plus accessibles et fidèles. La lettre énumère plusieurs traductions effectuées, incluant des œuvres historiques et politiques. Parmi celles-ci, on trouve des relations d'ambassades, des récits d'expéditions militaires, des histoires de souverains ottomans, et des réglements de l'Empire ottoman. Les traducteurs mentionnés incluent le sieur de Fiennes, le sieur Galland, le sieur Rocques, et le sieur Choquet, entre autres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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21
p. 1213-1220
A Constantinople, le 22 Avril 1733.
Début :
Les nouvelles venuës de Perse, par plusieurs Couriers, arrivez icy, portent que parmi [...]
Mots clefs :
Constantinople, Bagdad, Thamas Kouli-Kan, Topal Osman Pacha, Prince, Canons, Vaisseaux, Troupes, Côte, Nouvelles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A Constantinople, le 22 Avril 1733.
A Constantinople , le 22 Avril 1733 .
LE
Es nouvelles venues de Perse , par plusieurs
Couriers , arrivez icy , portent que parmi
les Persans , qui sont en tres- grand nombre dans
Bagdad , il s'étoit formé un complot pour li
rer cette Place à l'Usurpateur Thamas - Kouli-
I. Vol.
Hij Kham
1214 MERCURE DE FRANCE
Kham , lequel faute de Canon pour en entreprendre
le Siége , et comptant sur ce qui s'y
tramoit en sa faveur, s'étoit borné jusqu'alors à
la bloquer du côté de la terre ; mais qu'Achmet
Pacha , Commandant Turc, avoit heureusement
découvert la conspiration peu de jours avant
qu'elle dût éclater : Sur quoi Kouli -Kham voïant
son coup manqué , avoit laissé la plus grande
partie de son armée aux environs de Bagdad ,
pour en continuer le Blocus , et avoit passé le
Tigre avec 25000 de ses meilleurs Soldats , la
pluspart Aghuans , qu'Achinet Pacha , comme
Ges Troupes passaient , avoit fait faire à propos
une sortie sur leur arriere-garde , dont environ
2000 hommes avoient été tuez ou noyez , que
Kouli Kham, après son passage étoit tombé sur
Kouch- Kalessi , Faux - Bourg de Bagdad , dont il
ost séparé par le Tigre , qu'il avoit pillé e
Fauxboug , et s'étoit ensuite campé le long du
Fleuve pour ôter toute communication entre
cette Ville , et l'armée Otomane , qui étoit dans
le Diarbekir , sous les ordres de Topal - Osman
Pacha , nouveau Genenal.
*
- Cependant le Tigre s'étant enflé tout d'un
coup considérablement, par la premiere fonte des
Néges , la rapidité de son cours avoit emporté
tous les Batteaux et Radeaux dont les Persans s'étoient
servis pour le passer ; de sorte que leur
General fort intrigué de ne pouvoir plus communiquer
avec ses Troupes restées de l'autre
côté du Fleuve , soit pour en tirer du secours
soit pour leur en donner , suivant les conjonc
tures , avoit pourtant trouvé moyen de leur faire
Nation barbare et rebelle , qui a donné lieu à la
grande Révolution de Perse,
>
I, Vol.
dire
JUIN. 1733.
1215
dire de filer le long de ce Fleuve , jusques vis-àvis
de Mesie , où, quand les eaux seroient écou
lées , elles pourroient le passer à gué ; qu'en attendant
, ce Général , pour se dédommager d'avoir
échoué à Bagdad , avoit formé le dessein
de surprendre Mosul ; et comme il sçavoit que
les habitans de cette derniere Ville en avoient
eux -mêmes réparé depuis peu l'Enceinte et la
Forteresse, qu'ils y avoient fait venir beaucoup de
provisions du Diarbekir , et que leur Garnison:
étoit renforcée , il avoit voulu joindre la ruse à
la force.
Pour cet effet , il leur avoit envoyé trois
Exprès , en differens temps pour les amuser , les
faisant assurer qu'il étoit venu dans leur voisinage
comme ami , et qu'ils n'avoient à craindre
aucun acte d'hostilité de sa part ; cependant au
moment même qu'il leur avoit dépêché son premier
Emissaire , il avoit fait marcher un Corps
de 10 à 12000 homines vers Mosul , qui y arriva
peu après son troisiéme Courier ; mais les
habitans ne prirent pas le change ; et loin de
prêter l'oreille à ses protestations d'amitié , réïtérées
avec tant d'affectation , ils se tinrent sibien
sur leurs gardes , que lorsque les Troupes
Persannes furent à la portée du Canon , ils firent
tirer dessus toute l'Artillerie de la Place ;
nonobstant le désorde que causa cette décharge,
les Persans ayant continué d'avancer , et étant
même entrez en partie dans la Ville , dont on
avoit exprès laissé une porte ouverte , la Garnison
et le Peuple les reçurent avec tant de bra
youre qu'ils les chasserent et les poursuivirent
* Ville moderne , peu éloignée des ruines de Nimive.
I. Vol. H iij long1216
MERCURE DE FRANCE
long - temps , ensorte qu'après en avoir tué
beaucoup , le reste s'étoit dissipé et avoit pris la
fuite à travers les Déserts .
En conséquence de ces deux Evenemens , qui
sont tres-avantageux aux Turcs dans un commencement
de Campagne , Achmet Pacha avoit ·
mandé au nouveau Séraskier Topal - Osman , de
ne se plus inquiéter pour Bagdad , qui étoit à
present en sûreté et bien pourvû de tout, et qu'il
ne songeât point à se mettre en mouvement
qu'auparavant tous les renforts de Troupes et
les munitions qu'il attendoit ne l'eussent joint.
Ce Seraskier avoit déja rassemblé 60000 hommes
dans ce Diarbekir , et reçu une bonne partie
des provisions qu'on lui avoit envoyées de
Constantinople par Aléxandrete. On ajoute
qu'ayant été obligé d'user de sévérité , pour
maintenir en vigueur la subordination dans son
armée , et pour tenir le monde dans son devoir ,
il avoit fait couper la tête à un Pacha , qui refusoit
d'obéir à ses Ordres , s'il ne montroit
ceux du G. S. et qu'il avoit fait subir le même
supplice à quelques Officiers , dont les Compagnies
n'étoient pas completes. Achmet Pacha
de son côté a exterminé tous ceux qui avoient
trempé dans la conspiration dont on a parlé au
commencement de ces nouvelles , et a fait passer
au fil de l'Epée les habitans d'un gros Village
près de Bagdad , nommé Gherbelai- Mahaladé” ,
pour avoir favorisé Thamis Kouli Kham.
Enfin , que les Troupes de ce dernier , qui
pour la plus grande partie sont composées de
toute sorte de gens ramassez , mal vétus , mal
armez , et propres seulement à faire du ravage
où ils ne trouvent point de résistance , avoient
fait un si grand dégat dans les Plaines de Bad-
1. Vol. dad,
JUIN. 1733. 1217
dad , pendant le Blocus de cette Place , que tous
son territoire est ruiné, de maniere à ne pouvoir
se rétablir de 20 ou 30 ans.
Les mêmes nouvelles portent que , sans avoir
égard au refus que fit dernierement M. Nepluck
au nom de la Czarine , d'accorder le passage sur
les Terres de sa Souveraine aux Tartares , le
Kham de la Crimée avoit ordre de faire`marcher
en Perse , il en étoit d'abord passé un Corps
d'environ 10 mille , qui sont à la solde du G. S.
et que depuis , plus de 20 mille volontaires de
cette même Nation , avoient pris journellement
la même route.
Mikal Voda , qui a été deux fois Prince de
Moldavie , et qui du temps de la Révolution
avoit obtenu la Principauté de Valaquie , dont il
fût déposé il y a plus d'un an , avoit fait depuis
peu quelques tentatives pour rentrer dans cette
derniere Principauté. Ses amis représenterent à
la Porte , qu'il paroissoit que le fils du feu Prince
Nicolas Mauro - Cordato , qui gouverne à
present la Valaquie , se trouvant trop jeune , et
n'ayant pas assez d'expérience , il seroit d'une
extrême conséquence pour cet Empire , de ne la
confier qu'à un Prince qui fut capable de la bien
gouverner , tel qu'étoit Mikal , qui avoit cydevant
donné des preuves de sa bonne conduite;
mais ces représentations n'ont rien produit en
sa faveur , et la Porte pour marquer cependant
qu'elle y avoit fait attention , s'est contentée do
donner la Principauté de Valaquie au Prince de
Moldavie , qui est un homme fait , et celle - ci
au jeune Prince de Valaquie . Les Ordres pour
faire cet échange , qui jettera ces Princes dans
d'aussi grandes dépenses que s'ils succedoient à
d'autres , ont été signifiez le 16 de ce mois à
Hij
•
+
I. Vol. leurs
1218 MERCURE DE FRANCE
leurs Kapi-Kiayar , ou Agens à la Porte , ausquels
on a donné le Caftan d'honneur , suivant
l'usage .
Les Algériens , qui étoient à Smirne depuis
às mois pour y faire des Recrues , et recevoir
celles qu'on faisoit icy pour eux , ayant mis à
la voile de Fogeri , dans les derniers jours du
mois de Mars , au nombre de neuf Vaisseaux ,
furent surpris , le premier d'Avril , vers les 9
heures du soir , d'un vent de Sud- Est si violent ,
que ne pouvant plus tenir la Mer sans un péri
évident , ils voulurent gagner la Rade de Mosconisy
pour s'y mettre à l'abri ; mais soit que
l'obscurité trompât les Pilotes , ou qu'ils ne connussent
pas bien ces Parages , au lieu de prendre
la grande Passe , qui est sure , et au Nord de
l'Ise de Metelin , ils prirent la petite , au Nord-
Ouest de cette Isie , qui est fort dangereuse la
Duit , parce qu'elle n'a qu'environ deux Cables
de l'argeur , dix pieds d'eau en quelques endroits,
et qu'elle a un Banc de Rochers du côté de l'Est ;
de sorte , que la nouvelle Patrone d'Alger , fort
beau Vaisseau de 70 Pieces de Canons de Fonte ,
construit depuis un an , échoua en entrant dans
ce mauvais passage , et que celui qui le commandoit
n'ayant pas eu l'attention d'éteindre
son Fanal de Poupe , ni de faire aucun signal ,
deux autres Vaisseaux qui le crurent mouillé ,
le suivirent , et écoüerent de même ; sçavoir, un
des deux Vaisseaux , dont le G. S. avoit fait
présent depuis peu à la République d'Alger, aussi
de 70 Canons , & l'ancienne Patrone de cette
Régence , percée pour un pareil nombre de Canons
, mais qui n'en avoit que 40 .
Des autres 6 Vaisseaux de cette Escadre, 3 qui
étoient les plus proches , et qui prenoient la mê-
I. Val me
JUIN.
1219 17337
même sort ;
me route , auroient eu vrai- semblablement le
mais une Chaloupe qu'on leur en
voya , les ayant informez du malheur qui venoit
d'arriver , ils gagnerent la grande Passe , et allerent
donner fond dans la Rade de Mosconisy.
A l'égard des trois derniers , ils étoient dispersez
et si fort au large qu'il ne fut pas possible
d'en joindre aucun , et qu'on a été même
plusieurs jours sans en avoir de nouvelles .
On a appris depuis , que l'un d'eux étoit venu
moüiller à Mosconisy avec ceux qui y étoient
déja , et qu'un autre ayant voulu regagner Foye
ri , avoit péri en rentrant dans ce Port , qu'à la.
vérité tout l'Equipage avoit eu le temps de se
sauver , mais que peu après ce Bâtiment , qui
étoit de 40 Canons , avoit coulé bas et disparu
totalement. Quant au troisiéme Vaisseau , on ne
sçait point encore ce qu'il est devenu .
les
Quoiqu'il ne se soit noyé que aix personnes
dans tous ces naufrages , et que les Aigériens se
fatent de relever leur ancienne Patrone , à quot
on doute pourtant qu'ils puissent parvenir ; il
est certain que la perte qu'ils ont faite en cette
occasion sera toujours fort considérable ; outre
qu'ils ne pourront rien retirer des deux premiers
gros Vaisseaux naufragez ;; que les Canons ,
Ancres et ce qu'il y avoit sur le premier et le
second Pont , toute la Mâture de ces Bâtimens
étant tombée tout à la fois , un quart d'heure
après qu'ils eurent échoué , on assure que 3 à
hommes en ont été écrașez ou estropiez, et
que la plupart de leurs Recruès , effrayées de tant
de désastres , ont deserté et pris la fuite de côté
400
et d'autre en Asie .
Jérémie , qui avoit été fait Patriarche de
Constantinople pour la seconde fois , au mois
I Vol Hv d'Oc1220
MERCURE DE FRANCE
d'Octobre de l'année derniere , a été déposé aujourd'hui
et exilé suivant la coûtume ; et Sera
phin , Archevêque de Nicomédie , a été mis à sa
place.
LE
Es nouvelles venues de Perse , par plusieurs
Couriers , arrivez icy , portent que parmi
les Persans , qui sont en tres- grand nombre dans
Bagdad , il s'étoit formé un complot pour li
rer cette Place à l'Usurpateur Thamas - Kouli-
I. Vol.
Hij Kham
1214 MERCURE DE FRANCE
Kham , lequel faute de Canon pour en entreprendre
le Siége , et comptant sur ce qui s'y
tramoit en sa faveur, s'étoit borné jusqu'alors à
la bloquer du côté de la terre ; mais qu'Achmet
Pacha , Commandant Turc, avoit heureusement
découvert la conspiration peu de jours avant
qu'elle dût éclater : Sur quoi Kouli -Kham voïant
son coup manqué , avoit laissé la plus grande
partie de son armée aux environs de Bagdad ,
pour en continuer le Blocus , et avoit passé le
Tigre avec 25000 de ses meilleurs Soldats , la
pluspart Aghuans , qu'Achinet Pacha , comme
Ges Troupes passaient , avoit fait faire à propos
une sortie sur leur arriere-garde , dont environ
2000 hommes avoient été tuez ou noyez , que
Kouli Kham, après son passage étoit tombé sur
Kouch- Kalessi , Faux - Bourg de Bagdad , dont il
ost séparé par le Tigre , qu'il avoit pillé e
Fauxboug , et s'étoit ensuite campé le long du
Fleuve pour ôter toute communication entre
cette Ville , et l'armée Otomane , qui étoit dans
le Diarbekir , sous les ordres de Topal - Osman
Pacha , nouveau Genenal.
*
- Cependant le Tigre s'étant enflé tout d'un
coup considérablement, par la premiere fonte des
Néges , la rapidité de son cours avoit emporté
tous les Batteaux et Radeaux dont les Persans s'étoient
servis pour le passer ; de sorte que leur
General fort intrigué de ne pouvoir plus communiquer
avec ses Troupes restées de l'autre
côté du Fleuve , soit pour en tirer du secours
soit pour leur en donner , suivant les conjonc
tures , avoit pourtant trouvé moyen de leur faire
Nation barbare et rebelle , qui a donné lieu à la
grande Révolution de Perse,
>
I, Vol.
dire
JUIN. 1733.
1215
dire de filer le long de ce Fleuve , jusques vis-àvis
de Mesie , où, quand les eaux seroient écou
lées , elles pourroient le passer à gué ; qu'en attendant
, ce Général , pour se dédommager d'avoir
échoué à Bagdad , avoit formé le dessein
de surprendre Mosul ; et comme il sçavoit que
les habitans de cette derniere Ville en avoient
eux -mêmes réparé depuis peu l'Enceinte et la
Forteresse, qu'ils y avoient fait venir beaucoup de
provisions du Diarbekir , et que leur Garnison:
étoit renforcée , il avoit voulu joindre la ruse à
la force.
Pour cet effet , il leur avoit envoyé trois
Exprès , en differens temps pour les amuser , les
faisant assurer qu'il étoit venu dans leur voisinage
comme ami , et qu'ils n'avoient à craindre
aucun acte d'hostilité de sa part ; cependant au
moment même qu'il leur avoit dépêché son premier
Emissaire , il avoit fait marcher un Corps
de 10 à 12000 homines vers Mosul , qui y arriva
peu après son troisiéme Courier ; mais les
habitans ne prirent pas le change ; et loin de
prêter l'oreille à ses protestations d'amitié , réïtérées
avec tant d'affectation , ils se tinrent sibien
sur leurs gardes , que lorsque les Troupes
Persannes furent à la portée du Canon , ils firent
tirer dessus toute l'Artillerie de la Place ;
nonobstant le désorde que causa cette décharge,
les Persans ayant continué d'avancer , et étant
même entrez en partie dans la Ville , dont on
avoit exprès laissé une porte ouverte , la Garnison
et le Peuple les reçurent avec tant de bra
youre qu'ils les chasserent et les poursuivirent
* Ville moderne , peu éloignée des ruines de Nimive.
I. Vol. H iij long1216
MERCURE DE FRANCE
long - temps , ensorte qu'après en avoir tué
beaucoup , le reste s'étoit dissipé et avoit pris la
fuite à travers les Déserts .
En conséquence de ces deux Evenemens , qui
sont tres-avantageux aux Turcs dans un commencement
de Campagne , Achmet Pacha avoit ·
mandé au nouveau Séraskier Topal - Osman , de
ne se plus inquiéter pour Bagdad , qui étoit à
present en sûreté et bien pourvû de tout, et qu'il
ne songeât point à se mettre en mouvement
qu'auparavant tous les renforts de Troupes et
les munitions qu'il attendoit ne l'eussent joint.
Ce Seraskier avoit déja rassemblé 60000 hommes
dans ce Diarbekir , et reçu une bonne partie
des provisions qu'on lui avoit envoyées de
Constantinople par Aléxandrete. On ajoute
qu'ayant été obligé d'user de sévérité , pour
maintenir en vigueur la subordination dans son
armée , et pour tenir le monde dans son devoir ,
il avoit fait couper la tête à un Pacha , qui refusoit
d'obéir à ses Ordres , s'il ne montroit
ceux du G. S. et qu'il avoit fait subir le même
supplice à quelques Officiers , dont les Compagnies
n'étoient pas completes. Achmet Pacha
de son côté a exterminé tous ceux qui avoient
trempé dans la conspiration dont on a parlé au
commencement de ces nouvelles , et a fait passer
au fil de l'Epée les habitans d'un gros Village
près de Bagdad , nommé Gherbelai- Mahaladé” ,
pour avoir favorisé Thamis Kouli Kham.
Enfin , que les Troupes de ce dernier , qui
pour la plus grande partie sont composées de
toute sorte de gens ramassez , mal vétus , mal
armez , et propres seulement à faire du ravage
où ils ne trouvent point de résistance , avoient
fait un si grand dégat dans les Plaines de Bad-
1. Vol. dad,
JUIN. 1733. 1217
dad , pendant le Blocus de cette Place , que tous
son territoire est ruiné, de maniere à ne pouvoir
se rétablir de 20 ou 30 ans.
Les mêmes nouvelles portent que , sans avoir
égard au refus que fit dernierement M. Nepluck
au nom de la Czarine , d'accorder le passage sur
les Terres de sa Souveraine aux Tartares , le
Kham de la Crimée avoit ordre de faire`marcher
en Perse , il en étoit d'abord passé un Corps
d'environ 10 mille , qui sont à la solde du G. S.
et que depuis , plus de 20 mille volontaires de
cette même Nation , avoient pris journellement
la même route.
Mikal Voda , qui a été deux fois Prince de
Moldavie , et qui du temps de la Révolution
avoit obtenu la Principauté de Valaquie , dont il
fût déposé il y a plus d'un an , avoit fait depuis
peu quelques tentatives pour rentrer dans cette
derniere Principauté. Ses amis représenterent à
la Porte , qu'il paroissoit que le fils du feu Prince
Nicolas Mauro - Cordato , qui gouverne à
present la Valaquie , se trouvant trop jeune , et
n'ayant pas assez d'expérience , il seroit d'une
extrême conséquence pour cet Empire , de ne la
confier qu'à un Prince qui fut capable de la bien
gouverner , tel qu'étoit Mikal , qui avoit cydevant
donné des preuves de sa bonne conduite;
mais ces représentations n'ont rien produit en
sa faveur , et la Porte pour marquer cependant
qu'elle y avoit fait attention , s'est contentée do
donner la Principauté de Valaquie au Prince de
Moldavie , qui est un homme fait , et celle - ci
au jeune Prince de Valaquie . Les Ordres pour
faire cet échange , qui jettera ces Princes dans
d'aussi grandes dépenses que s'ils succedoient à
d'autres , ont été signifiez le 16 de ce mois à
Hij
•
+
I. Vol. leurs
1218 MERCURE DE FRANCE
leurs Kapi-Kiayar , ou Agens à la Porte , ausquels
on a donné le Caftan d'honneur , suivant
l'usage .
Les Algériens , qui étoient à Smirne depuis
às mois pour y faire des Recrues , et recevoir
celles qu'on faisoit icy pour eux , ayant mis à
la voile de Fogeri , dans les derniers jours du
mois de Mars , au nombre de neuf Vaisseaux ,
furent surpris , le premier d'Avril , vers les 9
heures du soir , d'un vent de Sud- Est si violent ,
que ne pouvant plus tenir la Mer sans un péri
évident , ils voulurent gagner la Rade de Mosconisy
pour s'y mettre à l'abri ; mais soit que
l'obscurité trompât les Pilotes , ou qu'ils ne connussent
pas bien ces Parages , au lieu de prendre
la grande Passe , qui est sure , et au Nord de
l'Ise de Metelin , ils prirent la petite , au Nord-
Ouest de cette Isie , qui est fort dangereuse la
Duit , parce qu'elle n'a qu'environ deux Cables
de l'argeur , dix pieds d'eau en quelques endroits,
et qu'elle a un Banc de Rochers du côté de l'Est ;
de sorte , que la nouvelle Patrone d'Alger , fort
beau Vaisseau de 70 Pieces de Canons de Fonte ,
construit depuis un an , échoua en entrant dans
ce mauvais passage , et que celui qui le commandoit
n'ayant pas eu l'attention d'éteindre
son Fanal de Poupe , ni de faire aucun signal ,
deux autres Vaisseaux qui le crurent mouillé ,
le suivirent , et écoüerent de même ; sçavoir, un
des deux Vaisseaux , dont le G. S. avoit fait
présent depuis peu à la République d'Alger, aussi
de 70 Canons , & l'ancienne Patrone de cette
Régence , percée pour un pareil nombre de Canons
, mais qui n'en avoit que 40 .
Des autres 6 Vaisseaux de cette Escadre, 3 qui
étoient les plus proches , et qui prenoient la mê-
I. Val me
JUIN.
1219 17337
même sort ;
me route , auroient eu vrai- semblablement le
mais une Chaloupe qu'on leur en
voya , les ayant informez du malheur qui venoit
d'arriver , ils gagnerent la grande Passe , et allerent
donner fond dans la Rade de Mosconisy.
A l'égard des trois derniers , ils étoient dispersez
et si fort au large qu'il ne fut pas possible
d'en joindre aucun , et qu'on a été même
plusieurs jours sans en avoir de nouvelles .
On a appris depuis , que l'un d'eux étoit venu
moüiller à Mosconisy avec ceux qui y étoient
déja , et qu'un autre ayant voulu regagner Foye
ri , avoit péri en rentrant dans ce Port , qu'à la.
vérité tout l'Equipage avoit eu le temps de se
sauver , mais que peu après ce Bâtiment , qui
étoit de 40 Canons , avoit coulé bas et disparu
totalement. Quant au troisiéme Vaisseau , on ne
sçait point encore ce qu'il est devenu .
les
Quoiqu'il ne se soit noyé que aix personnes
dans tous ces naufrages , et que les Aigériens se
fatent de relever leur ancienne Patrone , à quot
on doute pourtant qu'ils puissent parvenir ; il
est certain que la perte qu'ils ont faite en cette
occasion sera toujours fort considérable ; outre
qu'ils ne pourront rien retirer des deux premiers
gros Vaisseaux naufragez ;; que les Canons ,
Ancres et ce qu'il y avoit sur le premier et le
second Pont , toute la Mâture de ces Bâtimens
étant tombée tout à la fois , un quart d'heure
après qu'ils eurent échoué , on assure que 3 à
hommes en ont été écrașez ou estropiez, et
que la plupart de leurs Recruès , effrayées de tant
de désastres , ont deserté et pris la fuite de côté
400
et d'autre en Asie .
Jérémie , qui avoit été fait Patriarche de
Constantinople pour la seconde fois , au mois
I Vol Hv d'Oc1220
MERCURE DE FRANCE
d'Octobre de l'année derniere , a été déposé aujourd'hui
et exilé suivant la coûtume ; et Sera
phin , Archevêque de Nicomédie , a été mis à sa
place.
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Résumé : A Constantinople, le 22 Avril 1733.
En avril 1733, des informations provenant de Perse signalent un complot à Bagdad visant à libérer la ville de l'usurpateur Thamas-Kouli-Kham. Ce dernier, manquant de canons, avait bloqué la ville par terre. Achmet Pacha, commandant turc, avait découvert la conspiration et lancé une sortie contre les forces persanes, tuant ou noyant environ 2000 hommes. Kouli-Kham, après avoir traversé le Tigre, avait pillé un faubourg de Bagdad et s'était campé le long du fleuve pour couper les communications entre Bagdad et l'armée ottomane. Le Tigre en crue avait emporté les bateaux et radeaux des Persans, empêchant leur général de communiquer avec ses troupes. Ce général avait alors ordonné à ses troupes de longer le fleuve jusqu'à Mesie pour le traverser à gué une fois les eaux écoulées. En attendant, il avait tenté de surprendre Mosul, mais les habitants, bien préparés, avaient repoussé l'attaque avec succès. Ces événements avaient rassuré Achmet Pacha concernant la sécurité de Bagdad. Topal-Osman Pacha, nouveau général ottoman, avait rassemblé 60 000 hommes à Diarbekir et reçu des provisions de Constantinople. Achmet Pacha avait également réprimé la conspiration à Bagdad et puni les habitants complices. Les troupes de Kouli-Kham, composées de gens mal armés, avaient ravagé les plaines de Bagdad, ruinant la région pour plusieurs décennies. Par ailleurs, malgré le refus de la Russie de laisser passer les Tartares, le khan de Crimée avait envoyé des troupes en Perse. En Moldavie, Mikal Voda avait tenté de récupérer la principauté de Valachie, mais la Porte avait préféré échanger les princes des deux principautés. Enfin, une escadre algérienne avait subi des naufrages près de Mosconisy en avril 1733, perdant plusieurs vaisseaux et canons. Les Algériens tentaient de relever leur ancienne patrone, mais la perte était considérable. À Constantinople, Jérémie avait été déposé de sa fonction de patriarche et remplacé par Séraphin, archevêque de Nicomédie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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22
p. 1442-1443
De Constantinople, le 14 Mai 1733.
Début :
Les nouvelles de Perse varient toûjours ; les unes portent que le Blocus de Bagdad est [...]
Mots clefs :
Constantinople, Thamas Kouli-Kan, Pacha , Khan, Khans, Troupes, Armée, Perse
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texteReconnaissance textuelle : De Constantinople, le 14 Mai 1733.
D: Constantinople , le 14 Mai 1733-
Es nouvelles de Perse varient toûjours ; les
Lunes portent que le Blocus de Bagdad est
levé ; les autres , qu'il continue encore ; ce qui
se dit de plus generalement , c'est que la mésintelligence
s'est glissée dans l'Armée de Talimas-
Kouli Khan , les Khans et autres principaux
Officiers , ayant fort murmuré contre ce Génétal
, de ce qu'il s'obstinoit à perdre le temps
devant une Place , dont il n'étoit pas en état de
former le Siége , tandis que les Turcs ravagcoient
plusieurs Provinces de Perse,massacroient
Ieurs Sujets , et emmenoient leurs Femmes er
kurs Enfans en esclavage ; que sur les avis que
Achmet Pacha avoit eus de ces divisions , et que
Parmee Persanne devoit décamper , il avoit détaché
plusieurs Partis de sa Garnison , qui s'étant
joints à quelques Troupes d'un Prince Arabe
, son beau pere , avoient harcelé cette Armée
dans sa marche , par de continuelles Escarmouches
, dans lesquelles Tahmas-Kouli-Khan avoit
perdu beaucoup de monde ; enfin que Topal
Osman , Pacha , étoit parti depuis 25 jours du
Diarbekir, pour s'approcher de Bagdad, et combatre
les Persans , s'il en trouvoit l'occasion favorable
, et qu'il n'avoit pris avec lui que 40000
hommes , ayant laissé le reste de son Armée au
Camp , pour y recevoir les Troupes et les Munitions
qui devoient lui venir encore.
Curde-Demir, Pacha , qui commande du côté
II. Vol.
de
JUIN . 1733 1443
de Tiflis, et plusieurs autres Pachas qui l'avoient
joint avec leurs Troupes, ont fait des Incursions
dans les Campagnes de Tauris et d'Erivan , où ils
ont passé au fil de l'Epée beaucoup de Petits-
Corps de Persans, qui étoient postez en differens ·
endroits pour la garde du Pais. Tauris , Erivan ,
Roumié et plusieurs autres Villes ont été entiement
saccagés.
Les Sultans Fetih ou le Conquerant , et Islam
* Ghuirai , fils de Deulet Ghuirai , Khan de
Crimée , déposé , sont les Chefs des Tartares ,
qui ont été commandez pour pénétrer dans le
coeur de la Perse. Fetih , Sultan , l'aîné de ces
deux Princes , mande au Khan régnant , son
oncle , par sa Lettre , dattée du Mont - Caucase ,
et arrivée à Bacché - Saraï le 24 Avril , qu'ils se
sont frayez une route dans cette Montagne , qui
aboutit proche de Tiflis , et qui est éloignée de 6
lieuës de Kabarta , canton de la Circassie , que
les Moscovites prétendent leur appartenir ; que
ses Troupes et celles de son frere , au nombre de
30 à 40 mille hommes , marchent sur deux colonnes
, et se tiennent fort sur leur garde dans
la crainte d'être attaquées par des peuples inconnus
, habitans du Caucase , qu'elles trouvent
souvent dans leur
passage.
Djanum-Codja , qui avoit été nommé depuis
peu Pacha de Négrépont, vient d'être fait Pacha
de Candie, et Inspecteur Général des Armemens
du G. S. Les Commandans des Vaisseaux et les
Beys des Galeres , qui seront en Mer, iront prendre
ses ordres , et n'entreprendront rien que sur
ses avis.
* Islam, l'Ortodoxe.
Es nouvelles de Perse varient toûjours ; les
Lunes portent que le Blocus de Bagdad est
levé ; les autres , qu'il continue encore ; ce qui
se dit de plus generalement , c'est que la mésintelligence
s'est glissée dans l'Armée de Talimas-
Kouli Khan , les Khans et autres principaux
Officiers , ayant fort murmuré contre ce Génétal
, de ce qu'il s'obstinoit à perdre le temps
devant une Place , dont il n'étoit pas en état de
former le Siége , tandis que les Turcs ravagcoient
plusieurs Provinces de Perse,massacroient
Ieurs Sujets , et emmenoient leurs Femmes er
kurs Enfans en esclavage ; que sur les avis que
Achmet Pacha avoit eus de ces divisions , et que
Parmee Persanne devoit décamper , il avoit détaché
plusieurs Partis de sa Garnison , qui s'étant
joints à quelques Troupes d'un Prince Arabe
, son beau pere , avoient harcelé cette Armée
dans sa marche , par de continuelles Escarmouches
, dans lesquelles Tahmas-Kouli-Khan avoit
perdu beaucoup de monde ; enfin que Topal
Osman , Pacha , étoit parti depuis 25 jours du
Diarbekir, pour s'approcher de Bagdad, et combatre
les Persans , s'il en trouvoit l'occasion favorable
, et qu'il n'avoit pris avec lui que 40000
hommes , ayant laissé le reste de son Armée au
Camp , pour y recevoir les Troupes et les Munitions
qui devoient lui venir encore.
Curde-Demir, Pacha , qui commande du côté
II. Vol.
de
JUIN . 1733 1443
de Tiflis, et plusieurs autres Pachas qui l'avoient
joint avec leurs Troupes, ont fait des Incursions
dans les Campagnes de Tauris et d'Erivan , où ils
ont passé au fil de l'Epée beaucoup de Petits-
Corps de Persans, qui étoient postez en differens ·
endroits pour la garde du Pais. Tauris , Erivan ,
Roumié et plusieurs autres Villes ont été entiement
saccagés.
Les Sultans Fetih ou le Conquerant , et Islam
* Ghuirai , fils de Deulet Ghuirai , Khan de
Crimée , déposé , sont les Chefs des Tartares ,
qui ont été commandez pour pénétrer dans le
coeur de la Perse. Fetih , Sultan , l'aîné de ces
deux Princes , mande au Khan régnant , son
oncle , par sa Lettre , dattée du Mont - Caucase ,
et arrivée à Bacché - Saraï le 24 Avril , qu'ils se
sont frayez une route dans cette Montagne , qui
aboutit proche de Tiflis , et qui est éloignée de 6
lieuës de Kabarta , canton de la Circassie , que
les Moscovites prétendent leur appartenir ; que
ses Troupes et celles de son frere , au nombre de
30 à 40 mille hommes , marchent sur deux colonnes
, et se tiennent fort sur leur garde dans
la crainte d'être attaquées par des peuples inconnus
, habitans du Caucase , qu'elles trouvent
souvent dans leur
passage.
Djanum-Codja , qui avoit été nommé depuis
peu Pacha de Négrépont, vient d'être fait Pacha
de Candie, et Inspecteur Général des Armemens
du G. S. Les Commandans des Vaisseaux et les
Beys des Galeres , qui seront en Mer, iront prendre
ses ordres , et n'entreprendront rien que sur
ses avis.
* Islam, l'Ortodoxe.
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Résumé : De Constantinople, le 14 Mai 1733.
Le 14 mai 1733, les informations sur la situation en Perse sont contradictoires. Certaines sources affirment que le blocus de Bagdad est levé, tandis que d'autres indiquent qu'il persiste. Une discordance règne au sein de l'armée de Tahmas-Kouli Khan, critiqué pour avoir perdu du temps devant une place forte, permettant aux Turcs de ravager plusieurs provinces persanes et d'enlever des habitants. Achmet Pacha a envoyé des troupes harceler les Persans, causant des pertes à Tahmas-Kouli Khan. De plus, Topal Osman Pacha a quitté le Diarbekir avec 40 000 hommes pour se diriger vers Bagdad. Du côté de Tiflis, Curde-Demir Pacha et d'autres pachas ont mené des incursions en Tauris et Erivan, massacrant des Persans et saccageant plusieurs villes. Les sultans Fetih et Islam Ghuirai, fils de Deulet Ghuirai, khan de Crimée, ont été désignés pour pénétrer en Perse avec 30 à 40 000 hommes. Enfin, Djanum-Codja, nommé pacha de Candie, est devenu inspecteur général des armements du Grand Sultan, avec autorité sur les commandants des vaisseaux et les beys des galères.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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23
p. 1444
Le 16 May.
Début :
Danum-Codja a été nommé hier Capitan-Pacha ; c'est la troisiéme fois qu'il est revêtu de [...]
Mots clefs :
Capitan pacha, Négrepont, Abdi Pacha
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le 16 May.
Le 16 May.
Danum Codja a été nommé hier Capitan-
Pacha; c'est la troisième fois qu'il est revêtu de
cette importante Charge. Son Muhurdar , ou
Garde Sceau , qu'il avoit envoyé ici pour affaia
eu ordre du G. V. d'aller à Négrépont
porter cette agréable nouvelle à son Maître.
res ,
Abdi , Pacha , qui a aussi été déja deux fois
Capitan Pacha , en fera les fonctions par interim,
jusqu'à l'arrivée de D'janum -Codja.
Bekir-Pacha , beau -frere du G. S. que celui- ci
releve , a été fait * Nidchangi de sa Hautesse ;
Cuperli , qui exerçoit cet emploi , va à Viddin ,
en qualité de Pacha ; celui qu'il remplace , vient
à Négrépont , et Abdoulla Cuperli , qui étoit Pacha
de cette Isle , et qu'on avoit dit dans les dernieres
nouvelles, avoir été envoyé en Perse, pour
y servir sous Topal - Osman Pacha , passe
Smirne , où il doit attendre de nouveaux ordres
du Grand Seigneur.
P. V. D.
* C'est celui qui fait le Paraphe du G. S.
Danum Codja a été nommé hier Capitan-
Pacha; c'est la troisième fois qu'il est revêtu de
cette importante Charge. Son Muhurdar , ou
Garde Sceau , qu'il avoit envoyé ici pour affaia
eu ordre du G. V. d'aller à Négrépont
porter cette agréable nouvelle à son Maître.
res ,
Abdi , Pacha , qui a aussi été déja deux fois
Capitan Pacha , en fera les fonctions par interim,
jusqu'à l'arrivée de D'janum -Codja.
Bekir-Pacha , beau -frere du G. S. que celui- ci
releve , a été fait * Nidchangi de sa Hautesse ;
Cuperli , qui exerçoit cet emploi , va à Viddin ,
en qualité de Pacha ; celui qu'il remplace , vient
à Négrépont , et Abdoulla Cuperli , qui étoit Pacha
de cette Isle , et qu'on avoit dit dans les dernieres
nouvelles, avoir été envoyé en Perse, pour
y servir sous Topal - Osman Pacha , passe
Smirne , où il doit attendre de nouveaux ordres
du Grand Seigneur.
P. V. D.
* C'est celui qui fait le Paraphe du G. S.
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Résumé : Le 16 May.
Le 16 mai, Danum Codja a été nommé Capitain-Pacha pour la troisième fois. En attendant son arrivée, Abdi Pacha assure l'intérim. Bekir-Pacha devient Nidchangi, remplaçant Cuperli, envoyé à Viddin. Abdoulla Cuperli, ancien Pacha de Négrépont, est à Smirne, attendant de nouveaux ordres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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24
p. 1865-1868
De Constantinople le 8. Juillet 1733.
Début :
Depuis la Lettre, Monsieur, que je vous écrivis le 14. du mois de May dernier, où [...]
Mots clefs :
Pacha , Perse, Djanum-Codja, Topal Osman Pacha, Capitan pacha, Constantinople, Galères, Tartares
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De Constantinople le 8. Juillet 1733.
De Constantinople le 8. Juillet 1733.
Depuisle Le du mois de May dernier ,
Epuis la Lettre , Monsieur , que je vous
ou
je vous mandois que plus de 30000. Tartares
s'acheminoient vers la Perse par une nouvelle
route qu'ils s'étoient faite à travers les Rochers
du Mont Caucase , on a eu plusieurs avis qui
portent que leur nombre s'étoit acru de moitié
en chemin , et qu'ils étoient arrivez dans le Daguestan
; qu'ils s'y étoient joints aux Lesghis,Sujets
du G.S. qui habitent une partie des Montagnes
dont toute cette Province est composée;que
ces deux Peuples devoient aller incessamment
savager ensemble les Frontieres de Perse de ce
côté-là , et que les Lesghis , de l'autre partie du
Daguestan , qui est sous la domination des Moscovites
s'étoient la plupart révoltez pour se
mettre sous celle de l'Empire Ottoman. On dou
te cependant encore ici de la certitude de ces
nouvelles , parce que l'Aga , qui est allé par
ordre de la Porte, accompagner les Tartares dans
leur marche , et qui est chargé d'en venir rendre
compte , ainsi que de leur arrivée en Perse , n'est
pas encore de retour à Constantinople.
J'ajouterai à l'occasion des Tartares , que de
puis quelques jours il en vient par troupes aux
"
H vj
environs
1866 MERCURE DE FRANCE
environs de cette Ville , où ils campent avec
leurs chevaux , dont chaque Tartare en a amené ,
cinq ou six avec lui , pour charger son butin . Ce
sont des Volontaires du Budgiak dans la Bessarabie
, commandez par des Mirzas , ou petits
Princes du Pays , qui sans ordre du Khan de la
Crimée ni de la Porte , se sont déterminez de
leur propre mouvement à aller chercher fortune
en Perse. On compte qu'ils seront sept ou huit
mille ; on les expedie ici à mesure qu'ils arrivent
après un séjour fort court , en leur donnant des
Lettres de recommandation et des ordres pour
les Pachas et autres Officiers du G. S. qui doivent
les secourir dans leur passage par terre en
Asie , et les employer où ils jugeront à propos.
On attend tous les jours de Perse , des nouvelles
d'une grande importance ; quant à present
il ne se peut rien dire de positif sur l'état où sont
les affaires des Turcs en ce Pays - là . On assure
seulement que Topal - Osman- Pacha , a dû partir
de Mossul avec une grosse Armée , munie de toute
sorte de provisions en abondance , le 19. de la
Lune de Muharem , ce qui revient au 3c . de Juin;
qu'il marchoit dans le dessein d'aller faire lever
le blocus de Bagdad , et de combattre Thamas
Kouli Khan , qui commande une Armée Persanne
, à la verité , fort superieure par le nombre
à celle des Turcs , mais fort inferieure pour
la bonté des Troupes.
Quoique Djanum- Codja ait été fait Capitan-
Pacha pour la troisième fois dès le · ƒ . May , il
n'arriva cependant ici que le 8. Juin , parce que
quelques jours avant qu'on lui rendît cette dignité
et qu'on le retirât de Lepante , dont il étoit
Pacha depuis sa derniere disgrace , il y a deux
ans , on l'avoit nommé Pacha de l'Isle de Negrepont
A O UST . 1733. 1867
grepont , et ensuite de celle de Candie , de sorte
qu'à peine fut-il arrivé à cette premiere Isle
qu'il eut ordre de passer en Candie , où deux
jours après son débarquement , il reçut de nouveaux
ordres pour venir incessamment à Constantinople
reprendre la Charge de Capitan-
Pacha.
Abdi-Capoudan est mort le 12. Juin ; c'étoit
un homme doux et fort raisonnable . De Capitaine
du Port qu'il étoit , quand la Révolution
de Constantinople arriva le 28. Septembre 1730.
le G. S. Achmet III . avant que d'être détrôné ,
le fit Capitan - Pacha , mais il ne resta en place
qu'environ un mois , et il fut envoyé Pacha à
Napoli de Romanie , d'où on l'avoit fait venirpour
exercer , par interim , les fonctions de Capitan-
Pacha , ce qu'il a fait quoiqu'accablé d'infirmitez
, depuis le 16. May jusqu'au jour que
Djanum -Codja est revenu en dernier lieu remplir
cette importante Charge.
Le 28. Juin , ce nouveau Capitan - Pacha fit ce
qu'on appelle ici sa Sortie , c'est - à- dire , qu'il
alla avec toutes les Galeres , saluer le G. S. qui .
étoit dans un Kiose ou Pavillon du Serrail , au
rez - de -chaussée , sur le bord de la Mer. Sa
Hautesse le fit revêtir , suivant la coûtume
d'une Félisse de Samour , et fit donner un Caftan
à chacun des Beys ou Capitaine des douze
Galeres qui avoient accompagné la Bastarde ,
que Djanum- Codja montoit , et qui est pour le
rang comme la Reale ou la Patrone en France.
Après quoi toutes ces Galeres ayant fait chacune
une décharge de son Artillerie en passant devant
le Kiosc du Sultan , elles allerent moüiller
le long du Canal de la Mer Noire , du côté
d'Europe , depuis l'entrée du Port jusqu'à Bechik-
Tach. Le
1868 MERCURE DE FRANCE
Le 2. de ce mois , Djanum - Codja est parti
avec 10. Galeres seulement , les trois autres qui
rentrerent dans le Port
ayant apparemment
une autre destination. On dit qu'il va visiter
les principales Isles de l'Archipel , et de - là pren
dre le commandement des Vaisseaux du G. S.
qui ont pris les devans en differens temps an
nombre de douze , qui doivent être joints par
les cinq Vaisseaux que les Algeriens ont sauvés
de leur nauffrage aux Isles de Mosconisy , et
par deux ou trois autres qu'on acheve d'armer
ici , et dont un a déja fait voile depuis le départ
de Djanum- Codja.
Le Sultan Hassan , fils du feu G. S. Mustapha
, frere du G. S. d'aujourd'hui , mourut le
3. de Juin dernier , jour de la Fête du petit Bairam
, d'une maladie , dont , comme il arrive
d'ordinaire à la mort de ses pareils, le Public n'a
pas été bien informé. On dit que ce Prince , qui
avoit environ 34. ans , étoit beau , grand et bien
fait. C'étoit le cadet de S. H. et l'aîné du Sultan
Soliman,qu'on dit être aussi fort aimable, et qui
est le dernier des Enfans de Mustapha détrôné
en 1703. Je suis , &c .
P. V. D.
Depuisle Le du mois de May dernier ,
Epuis la Lettre , Monsieur , que je vous
ou
je vous mandois que plus de 30000. Tartares
s'acheminoient vers la Perse par une nouvelle
route qu'ils s'étoient faite à travers les Rochers
du Mont Caucase , on a eu plusieurs avis qui
portent que leur nombre s'étoit acru de moitié
en chemin , et qu'ils étoient arrivez dans le Daguestan
; qu'ils s'y étoient joints aux Lesghis,Sujets
du G.S. qui habitent une partie des Montagnes
dont toute cette Province est composée;que
ces deux Peuples devoient aller incessamment
savager ensemble les Frontieres de Perse de ce
côté-là , et que les Lesghis , de l'autre partie du
Daguestan , qui est sous la domination des Moscovites
s'étoient la plupart révoltez pour se
mettre sous celle de l'Empire Ottoman. On dou
te cependant encore ici de la certitude de ces
nouvelles , parce que l'Aga , qui est allé par
ordre de la Porte, accompagner les Tartares dans
leur marche , et qui est chargé d'en venir rendre
compte , ainsi que de leur arrivée en Perse , n'est
pas encore de retour à Constantinople.
J'ajouterai à l'occasion des Tartares , que de
puis quelques jours il en vient par troupes aux
"
H vj
environs
1866 MERCURE DE FRANCE
environs de cette Ville , où ils campent avec
leurs chevaux , dont chaque Tartare en a amené ,
cinq ou six avec lui , pour charger son butin . Ce
sont des Volontaires du Budgiak dans la Bessarabie
, commandez par des Mirzas , ou petits
Princes du Pays , qui sans ordre du Khan de la
Crimée ni de la Porte , se sont déterminez de
leur propre mouvement à aller chercher fortune
en Perse. On compte qu'ils seront sept ou huit
mille ; on les expedie ici à mesure qu'ils arrivent
après un séjour fort court , en leur donnant des
Lettres de recommandation et des ordres pour
les Pachas et autres Officiers du G. S. qui doivent
les secourir dans leur passage par terre en
Asie , et les employer où ils jugeront à propos.
On attend tous les jours de Perse , des nouvelles
d'une grande importance ; quant à present
il ne se peut rien dire de positif sur l'état où sont
les affaires des Turcs en ce Pays - là . On assure
seulement que Topal - Osman- Pacha , a dû partir
de Mossul avec une grosse Armée , munie de toute
sorte de provisions en abondance , le 19. de la
Lune de Muharem , ce qui revient au 3c . de Juin;
qu'il marchoit dans le dessein d'aller faire lever
le blocus de Bagdad , et de combattre Thamas
Kouli Khan , qui commande une Armée Persanne
, à la verité , fort superieure par le nombre
à celle des Turcs , mais fort inferieure pour
la bonté des Troupes.
Quoique Djanum- Codja ait été fait Capitan-
Pacha pour la troisième fois dès le · ƒ . May , il
n'arriva cependant ici que le 8. Juin , parce que
quelques jours avant qu'on lui rendît cette dignité
et qu'on le retirât de Lepante , dont il étoit
Pacha depuis sa derniere disgrace , il y a deux
ans , on l'avoit nommé Pacha de l'Isle de Negrepont
A O UST . 1733. 1867
grepont , et ensuite de celle de Candie , de sorte
qu'à peine fut-il arrivé à cette premiere Isle
qu'il eut ordre de passer en Candie , où deux
jours après son débarquement , il reçut de nouveaux
ordres pour venir incessamment à Constantinople
reprendre la Charge de Capitan-
Pacha.
Abdi-Capoudan est mort le 12. Juin ; c'étoit
un homme doux et fort raisonnable . De Capitaine
du Port qu'il étoit , quand la Révolution
de Constantinople arriva le 28. Septembre 1730.
le G. S. Achmet III . avant que d'être détrôné ,
le fit Capitan - Pacha , mais il ne resta en place
qu'environ un mois , et il fut envoyé Pacha à
Napoli de Romanie , d'où on l'avoit fait venirpour
exercer , par interim , les fonctions de Capitan-
Pacha , ce qu'il a fait quoiqu'accablé d'infirmitez
, depuis le 16. May jusqu'au jour que
Djanum -Codja est revenu en dernier lieu remplir
cette importante Charge.
Le 28. Juin , ce nouveau Capitan - Pacha fit ce
qu'on appelle ici sa Sortie , c'est - à- dire , qu'il
alla avec toutes les Galeres , saluer le G. S. qui .
étoit dans un Kiose ou Pavillon du Serrail , au
rez - de -chaussée , sur le bord de la Mer. Sa
Hautesse le fit revêtir , suivant la coûtume
d'une Félisse de Samour , et fit donner un Caftan
à chacun des Beys ou Capitaine des douze
Galeres qui avoient accompagné la Bastarde ,
que Djanum- Codja montoit , et qui est pour le
rang comme la Reale ou la Patrone en France.
Après quoi toutes ces Galeres ayant fait chacune
une décharge de son Artillerie en passant devant
le Kiosc du Sultan , elles allerent moüiller
le long du Canal de la Mer Noire , du côté
d'Europe , depuis l'entrée du Port jusqu'à Bechik-
Tach. Le
1868 MERCURE DE FRANCE
Le 2. de ce mois , Djanum - Codja est parti
avec 10. Galeres seulement , les trois autres qui
rentrerent dans le Port
ayant apparemment
une autre destination. On dit qu'il va visiter
les principales Isles de l'Archipel , et de - là pren
dre le commandement des Vaisseaux du G. S.
qui ont pris les devans en differens temps an
nombre de douze , qui doivent être joints par
les cinq Vaisseaux que les Algeriens ont sauvés
de leur nauffrage aux Isles de Mosconisy , et
par deux ou trois autres qu'on acheve d'armer
ici , et dont un a déja fait voile depuis le départ
de Djanum- Codja.
Le Sultan Hassan , fils du feu G. S. Mustapha
, frere du G. S. d'aujourd'hui , mourut le
3. de Juin dernier , jour de la Fête du petit Bairam
, d'une maladie , dont , comme il arrive
d'ordinaire à la mort de ses pareils, le Public n'a
pas été bien informé. On dit que ce Prince , qui
avoit environ 34. ans , étoit beau , grand et bien
fait. C'étoit le cadet de S. H. et l'aîné du Sultan
Soliman,qu'on dit être aussi fort aimable, et qui
est le dernier des Enfans de Mustapha détrôné
en 1703. Je suis , &c .
P. V. D.
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Résumé : De Constantinople le 8. Juillet 1733.
Le 8 juillet 1733, des rapports indiquent que plus de 30 000 Tartares se dirigeaient vers la Perse en empruntant une nouvelle route à travers les rochers du Mont Caucase. Leur nombre aurait doublé en chemin, atteignant environ 60 000. Ils se sont alliés aux Lesghis du Daguestan, sujets du Sultan, pour attaquer les frontières persanes. Parallèlement, les Lesghis sous domination moscovite se sont révoltés pour se placer sous l'Empire Ottoman. Cependant, ces informations restent incertaines, car l'Aga envoyé pour accompagner les Tartares n'est pas encore revenu. Des Tartares volontaires du Budgiak en Bessarabie, commandés par des Mirzas, sont également arrivés à Constantinople. Ils sont environ 7 000 à 8 000 et ont été envoyés vers la Perse avec des lettres de recommandation et des ordres pour les Pachas. En Perse, Topal Osman Pacha a quitté Mossul avec une armée pour lever le blocus de Bagdad et combattre Thamas Kouli Khan, dont l'armée persane est plus nombreuse mais moins qualifiée. Djanum Codja a été nommé Capitain-Pacha pour la troisième fois le 1er mai et est arrivé à Constantinople le 8 juin. Abdi-Capoudan, ancien Capitain-Pacha, est décédé le 12 juin. Le 28 juin, Djanum Codja a effectué sa 'Sortie' avec les galères pour saluer le Sultan. Le Sultan Hassan, fils du défunt Mustapha et frère du Sultan actuel, est mort le 3 juin à l'âge de 34 ans. Djanum Codja est parti le 2 juillet avec 10 galères pour visiter les principales îles de l'Archipel et prendre le commandement des vaisseaux du Sultan.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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25
p. 2055-2059
A Constantinople le 14. Août 1733.
Début :
La nouvelle qu'on reçut ici le 7. Août au soir, de la grande victoire remportée par l'Armée [...]
Mots clefs :
Topal Osman Pacha, Thamas Kouli-Kan, Général, Bagdad, Armée, Troupes, Bataille, Victoire, Persans
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texteReconnaissance textuelle : A Constantinople le 14. Août 1733.
Constantinople le 14. Août 1733 .
A nouvelle qu'on reçut ici le 7. Août au soir,
de Lie la grande victoire remportée par l'Armée
Turque sur les Persans , et dont on espere que
les suites seront aussi avantageuses à l'Empire
Ottoman , que glorieuses à Topal Osman , fut
annoncée au Public entre neuf et dix heures par
une salve de plus de cent. Pieces de Canon du
Serrail de Top- Hana , de l'Arsenal , des Vaisseaux
et des Galeres du Grand Seigneur, ce qui a
été repeté chacun des trois jours suivans . Voici
ce qu'on a pû recueillir de diverses Lettres , surtout
de celles du General Topal Osman Pacha.
>
*
Quelques jours avant l'arrivée de ce Pacha à
Kerkoud , Thamas Kouli- Kan , dont la valeur
est ternie par une présomption insupportable ,
écrivit au Pacha de cette Ville , que regardant
Bagdad comme une Place qui étoit déja en son
pouvoir, il comptoit de finir la Campagne par la
prise d'Alep , après s'être emparé en chemin
faisant de Kerkoud , de Mossul , de Diabékir
&c.que cependant ayant appris qu'un certain Gé.
néral Turc , dont la lenteur ne lui donnoit pas
une grande idée de son courage , étoit en marche
depuis long- temps , pour venir s'opposer à
ses conquêtes , il le prioit de mander à ce Général
de se hâter un peu plus , parce qu'il étoit
pressé, et que pour lui abreger le chemin , il
iroit bien- tôt à sa rencontre avec une partie de
son Armée , qui suffiroit de reste pour le faire:
repentir de sa témérité.
Le Pacha de Kerkoud , ayant communiqué
cette insolente Lettre à Topal -Osman , ce der
nier se chargea de répondre à Thamas Kouli
Kan , et le fit à peu près dans ces termes.
Ge vj Quoi
2056 MERCURE DE FRANCE
*
Quoique le G. S. mon Maitre , ait des Soldats
en aussi grand nombre que le sable de la Mer , er
qu'indépendamment de son G. V. il pourroit choi
sir parmi ses Pachas des Chefs pour les commander,
dont la réputation seule seroit capable de t'anéantir,
cependant Sa Hautesse a crû que ce seroit assez.
pour réprimer ton orgueil , que de t'opposer quelques-
unes de ses Troupes , et de mettre à leur tête
un pauvre Boiteux , chargé d'ans et d'infirmitez,
tel que je le suis , et j'espere qu'avec le secours die
Tout-Puissant , en qui je me confie , et qui se sert
souvent des instrumens les plus méprisables pour
confondre les superbes comme toy , il te fera
éprouver par mon moyen un sort pareil à celui
qu'eut autrefois Nimbrout ** lequel voulant s'égater
à Dieu, fut puni de sa vanité impie , en péris
sant dans les douleurs que lui causa une simple
Moucke qui lui étoit entrée par le nez et avoit pénetré
jusques dans le cerveau.
Kouli- Kan s'étant effectivement mis en moùvement
, partit des environs de Bagdad avec l'é-
Lite de ses Troupes , au nombre de 80000. hommes
, dont toute la Cavalerie étoit armée de
maille; et Topal Osman continuant sa route le
long du Tigre , avec plus de cent mille Combattans
; les deux Amées se trouverent en présence
à la pointe du jour le 19. Juillet dans la Plaine
Udjoum qui est à la moitié chemin de Ker
koud à Bagdad , environ à 10. à 12. lieuës de
l'une à l'autre Place.
Le Général Persan faisoit marcher la sienne
dans un ordre de Bataille , à peu près semblable
à celui qui s'observe en Europe , et celle de Topal-
Osman fut rangée sur les bords du Fleuve.
** Topal' en Turc , signifie Boiteux.
** C'est une des Traditions Mabométanes .
Ca
SEPTEMBRE. 17 : 3 2057
Ce Bacha se posta dans le centre avec les Trou
pes de Romelie , sur lesquelles il comptoit le
plus , et mit aux premiers rangs les Curdes , de
la bravoure desquels il se méfioit , et sur qui il
ordonna aux autres Troupes de tirer , dès qu'ils
feroient mine de s'enfuir . Les Persans commencerent
le Combat par une décharge de toute leur
Artillerie et par celle d'un Coips d'Arquebusiers
montez sur des Chameaux , selon l'usage de cette
Nation . Les Curdes ne tarderent pas à lâcher pied,
comme le Général l'avoit prévû ; mais on tira
sur eux , et se voyant entre deux feux , ils furent
contraints de combattre comme les autres , encouragez
d'ailleurs par l'activité infatigable du
Général , qui volant du centre aux aîles , et de
rang en rang , ranimoit tout par sa présence ,
par son exemple et par ses largesses .
Cependant quelque bien secondé qu'il fût pens
dant le cours de cette sanglante action , qui commença
vers les six heures du matin et dura jusqu'à
trois heures après midi , la victoire incertaine
fut si vivement disputée , qu'elle changea
plusieurs fois de parti ; mais enfin les Persans
ayant perdu plus de 20000 hommes de leur In
fanterie , plus de 10000. de Cavalerie , et Kouli
Kan ayant reçu trois coups de lance , ils prirent
l'épouvante , abandonnerent le Champ de
Bataille , l'Artillerie et les Munitions , et s'enfuirent
la plupart à travers les Déserts , évitant les
chemins pratiquez ; une partie de l'Armée Ottomane
les poursuivit pendant . heures , et leur
Général , tout blessé qu'il étoit , se sauva come
me il
put avec quelques Cavaliers qui ne l'abandonnerent
point . Quant aux Turcs , à qui ce
triomphe n'a pas laissé de coûter , ils ont eu.
ooo. hommes de tuez , 7000. de blessez , et
*
parmis
2018 MERCURE DE FRANCE
parmi les morts , il s'est trouvé beaucoup de
Beys , qui sont comme des Chefs dans chaque
Province.
Le Seraskier Topal - Osman , donna aussi- tôt
avis de cette victoire à Achmet - Pacha , Gouverneur
de Bagdad , et lui manda en même-temps
que le Vendredy suivant 24. il comptoit d'entrer
dans cette Place , et qu'après avoir rendu graces
à Dieu sur le Tombeau de l'Iman Mahassem ,
ils conféreroient ensemble sur les opérations du
reste de la Campagne . Il coucha sur le Champ
de bataille , y séjourna le lendemain pour laisser
*
reposer son Armée , et se remit en marche le 21 .
Juillet,
Il est remarquer que Kouli- Kan , outre ses
propres Troupes , avoit été suivi d'un gros Corps
d'Arabes , sur l'assistance duquel il avoit beaucoup
compté , et que ces Arabes , au lieu de
prendre part au combat , en resterent les tranquilles
Spectateurs , leur inaction fut d'autant
plus favorable au Général Turc , qu'il n'avoit
point encore été joint par toutes les Troupes de
Romelie et par celles d'Egypte , qu'il attendoit
et sur lesquelles il comptoit beaucoup , mais dès
que l'affaire fut décidéee en sa faveur , tous ces
Arabes repasserent à la nâge de l'autre côté du
Tigre , et de- là ils députerent vers lui pour ob .
tenir une capitulation honorable , réprésentant
qu'ils avoient toujours été amis des Turcs, qu'ils
n'avoient embrassé le parti de Kouli - Kan , en
apparence , que parce qu'il s'étoit rendu le maître
chez eux , et qu'ils venoient de prouver de
* Cet Iman est un des plus respectables parmi
Tes Musulmans , et l'un des plus celebres Commentateurs
de l'Alcoran. Son Tombeau est auprès de
Bagdad.
reste
SEPTEMBRE. 1733. 2059
reste, combien ils lui étoient peu attachez , puisqu'ils
l'avoient laissé batere sans lui donner aucun
secours
Le Seraskier , qui d'un côté avoit ses raisons
pour les ménager , et qui de l'autre étoit bien
aise de leur faire sentir qu'il n'étoit pas tout- àfait
content de leur conduite et de leurs excuses
les remit pour regler toutes choses avec eux à
son arivée à Bagdad ; il fit donner aux Députez
quelques Caftans ou Robbes d'honneur , éxigea
d'eux qu'ils poursuivroient Kouli Kan et qu'ils
feroient tout leur possible pour le lui amener
mort ou vif, et que dès à présent ils envoye
roient des provisions pour quatre jours
dans Bagdad , afin que son Armée pût les y
trouver en arrivant , moyennant quoi , il leur
promit que jusqu'à - ce qu'il eût pû traiter avec
eux , il ne leur seroit fait aucun tort de la par
de ses Troupes.
On attend tous les jours Hamzé- Aga- Capigi-
Bachi , qui apporte des détails plus circonstanciez
de cette mémorable journée. Celui qui en a
apporté la premiere nouvelle , est venu en 17 .
jours. C'est un Officier Tartare , attaché à Topal-
Osman , et qui s'est fort distingué par des
actions de valeur le jour de la Bataille.
Le Seraskier lui donna , en le dépêchant , une
espece d'Aigrette d'or à trois pointes , avec laquelle
il a été présenté au G. S. qui lui en fic
donner une autre beaucoup plus riche , et le
gratifia d'un Apanage de quatre Bourses ou de
2000. écus de revenu ; on assure d'ailleurs que
ce Courier étant allé visiter tous les Ministres et
Tous les Grands de la Porte , en a reçû la valeur
de près de cent Bourses en differens présens.
A nouvelle qu'on reçut ici le 7. Août au soir,
de Lie la grande victoire remportée par l'Armée
Turque sur les Persans , et dont on espere que
les suites seront aussi avantageuses à l'Empire
Ottoman , que glorieuses à Topal Osman , fut
annoncée au Public entre neuf et dix heures par
une salve de plus de cent. Pieces de Canon du
Serrail de Top- Hana , de l'Arsenal , des Vaisseaux
et des Galeres du Grand Seigneur, ce qui a
été repeté chacun des trois jours suivans . Voici
ce qu'on a pû recueillir de diverses Lettres , surtout
de celles du General Topal Osman Pacha.
>
*
Quelques jours avant l'arrivée de ce Pacha à
Kerkoud , Thamas Kouli- Kan , dont la valeur
est ternie par une présomption insupportable ,
écrivit au Pacha de cette Ville , que regardant
Bagdad comme une Place qui étoit déja en son
pouvoir, il comptoit de finir la Campagne par la
prise d'Alep , après s'être emparé en chemin
faisant de Kerkoud , de Mossul , de Diabékir
&c.que cependant ayant appris qu'un certain Gé.
néral Turc , dont la lenteur ne lui donnoit pas
une grande idée de son courage , étoit en marche
depuis long- temps , pour venir s'opposer à
ses conquêtes , il le prioit de mander à ce Général
de se hâter un peu plus , parce qu'il étoit
pressé, et que pour lui abreger le chemin , il
iroit bien- tôt à sa rencontre avec une partie de
son Armée , qui suffiroit de reste pour le faire:
repentir de sa témérité.
Le Pacha de Kerkoud , ayant communiqué
cette insolente Lettre à Topal -Osman , ce der
nier se chargea de répondre à Thamas Kouli
Kan , et le fit à peu près dans ces termes.
Ge vj Quoi
2056 MERCURE DE FRANCE
*
Quoique le G. S. mon Maitre , ait des Soldats
en aussi grand nombre que le sable de la Mer , er
qu'indépendamment de son G. V. il pourroit choi
sir parmi ses Pachas des Chefs pour les commander,
dont la réputation seule seroit capable de t'anéantir,
cependant Sa Hautesse a crû que ce seroit assez.
pour réprimer ton orgueil , que de t'opposer quelques-
unes de ses Troupes , et de mettre à leur tête
un pauvre Boiteux , chargé d'ans et d'infirmitez,
tel que je le suis , et j'espere qu'avec le secours die
Tout-Puissant , en qui je me confie , et qui se sert
souvent des instrumens les plus méprisables pour
confondre les superbes comme toy , il te fera
éprouver par mon moyen un sort pareil à celui
qu'eut autrefois Nimbrout ** lequel voulant s'égater
à Dieu, fut puni de sa vanité impie , en péris
sant dans les douleurs que lui causa une simple
Moucke qui lui étoit entrée par le nez et avoit pénetré
jusques dans le cerveau.
Kouli- Kan s'étant effectivement mis en moùvement
, partit des environs de Bagdad avec l'é-
Lite de ses Troupes , au nombre de 80000. hommes
, dont toute la Cavalerie étoit armée de
maille; et Topal Osman continuant sa route le
long du Tigre , avec plus de cent mille Combattans
; les deux Amées se trouverent en présence
à la pointe du jour le 19. Juillet dans la Plaine
Udjoum qui est à la moitié chemin de Ker
koud à Bagdad , environ à 10. à 12. lieuës de
l'une à l'autre Place.
Le Général Persan faisoit marcher la sienne
dans un ordre de Bataille , à peu près semblable
à celui qui s'observe en Europe , et celle de Topal-
Osman fut rangée sur les bords du Fleuve.
** Topal' en Turc , signifie Boiteux.
** C'est une des Traditions Mabométanes .
Ca
SEPTEMBRE. 17 : 3 2057
Ce Bacha se posta dans le centre avec les Trou
pes de Romelie , sur lesquelles il comptoit le
plus , et mit aux premiers rangs les Curdes , de
la bravoure desquels il se méfioit , et sur qui il
ordonna aux autres Troupes de tirer , dès qu'ils
feroient mine de s'enfuir . Les Persans commencerent
le Combat par une décharge de toute leur
Artillerie et par celle d'un Coips d'Arquebusiers
montez sur des Chameaux , selon l'usage de cette
Nation . Les Curdes ne tarderent pas à lâcher pied,
comme le Général l'avoit prévû ; mais on tira
sur eux , et se voyant entre deux feux , ils furent
contraints de combattre comme les autres , encouragez
d'ailleurs par l'activité infatigable du
Général , qui volant du centre aux aîles , et de
rang en rang , ranimoit tout par sa présence ,
par son exemple et par ses largesses .
Cependant quelque bien secondé qu'il fût pens
dant le cours de cette sanglante action , qui commença
vers les six heures du matin et dura jusqu'à
trois heures après midi , la victoire incertaine
fut si vivement disputée , qu'elle changea
plusieurs fois de parti ; mais enfin les Persans
ayant perdu plus de 20000 hommes de leur In
fanterie , plus de 10000. de Cavalerie , et Kouli
Kan ayant reçu trois coups de lance , ils prirent
l'épouvante , abandonnerent le Champ de
Bataille , l'Artillerie et les Munitions , et s'enfuirent
la plupart à travers les Déserts , évitant les
chemins pratiquez ; une partie de l'Armée Ottomane
les poursuivit pendant . heures , et leur
Général , tout blessé qu'il étoit , se sauva come
me il
put avec quelques Cavaliers qui ne l'abandonnerent
point . Quant aux Turcs , à qui ce
triomphe n'a pas laissé de coûter , ils ont eu.
ooo. hommes de tuez , 7000. de blessez , et
*
parmis
2018 MERCURE DE FRANCE
parmi les morts , il s'est trouvé beaucoup de
Beys , qui sont comme des Chefs dans chaque
Province.
Le Seraskier Topal - Osman , donna aussi- tôt
avis de cette victoire à Achmet - Pacha , Gouverneur
de Bagdad , et lui manda en même-temps
que le Vendredy suivant 24. il comptoit d'entrer
dans cette Place , et qu'après avoir rendu graces
à Dieu sur le Tombeau de l'Iman Mahassem ,
ils conféreroient ensemble sur les opérations du
reste de la Campagne . Il coucha sur le Champ
de bataille , y séjourna le lendemain pour laisser
*
reposer son Armée , et se remit en marche le 21 .
Juillet,
Il est remarquer que Kouli- Kan , outre ses
propres Troupes , avoit été suivi d'un gros Corps
d'Arabes , sur l'assistance duquel il avoit beaucoup
compté , et que ces Arabes , au lieu de
prendre part au combat , en resterent les tranquilles
Spectateurs , leur inaction fut d'autant
plus favorable au Général Turc , qu'il n'avoit
point encore été joint par toutes les Troupes de
Romelie et par celles d'Egypte , qu'il attendoit
et sur lesquelles il comptoit beaucoup , mais dès
que l'affaire fut décidéee en sa faveur , tous ces
Arabes repasserent à la nâge de l'autre côté du
Tigre , et de- là ils députerent vers lui pour ob .
tenir une capitulation honorable , réprésentant
qu'ils avoient toujours été amis des Turcs, qu'ils
n'avoient embrassé le parti de Kouli - Kan , en
apparence , que parce qu'il s'étoit rendu le maître
chez eux , et qu'ils venoient de prouver de
* Cet Iman est un des plus respectables parmi
Tes Musulmans , et l'un des plus celebres Commentateurs
de l'Alcoran. Son Tombeau est auprès de
Bagdad.
reste
SEPTEMBRE. 1733. 2059
reste, combien ils lui étoient peu attachez , puisqu'ils
l'avoient laissé batere sans lui donner aucun
secours
Le Seraskier , qui d'un côté avoit ses raisons
pour les ménager , et qui de l'autre étoit bien
aise de leur faire sentir qu'il n'étoit pas tout- àfait
content de leur conduite et de leurs excuses
les remit pour regler toutes choses avec eux à
son arivée à Bagdad ; il fit donner aux Députez
quelques Caftans ou Robbes d'honneur , éxigea
d'eux qu'ils poursuivroient Kouli Kan et qu'ils
feroient tout leur possible pour le lui amener
mort ou vif, et que dès à présent ils envoye
roient des provisions pour quatre jours
dans Bagdad , afin que son Armée pût les y
trouver en arrivant , moyennant quoi , il leur
promit que jusqu'à - ce qu'il eût pû traiter avec
eux , il ne leur seroit fait aucun tort de la par
de ses Troupes.
On attend tous les jours Hamzé- Aga- Capigi-
Bachi , qui apporte des détails plus circonstanciez
de cette mémorable journée. Celui qui en a
apporté la premiere nouvelle , est venu en 17 .
jours. C'est un Officier Tartare , attaché à Topal-
Osman , et qui s'est fort distingué par des
actions de valeur le jour de la Bataille.
Le Seraskier lui donna , en le dépêchant , une
espece d'Aigrette d'or à trois pointes , avec laquelle
il a été présenté au G. S. qui lui en fic
donner une autre beaucoup plus riche , et le
gratifia d'un Apanage de quatre Bourses ou de
2000. écus de revenu ; on assure d'ailleurs que
ce Courier étant allé visiter tous les Ministres et
Tous les Grands de la Porte , en a reçû la valeur
de près de cent Bourses en differens présens.
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Résumé : A Constantinople le 14. Août 1733.
Le 14 août 1733, Constantinople apprend la victoire de l'armée turque sur les Persans à Kerkoud. La nouvelle, reçue le 7 août, est annoncée par une salve de canons et répétée les trois jours suivants. Les informations proviennent des lettres du général Topal Osman Pacha. Quelques jours avant la bataille, Thamas Kouli-Kan, général persan, avait écrit au pacha de Kerkoud, se vantant de ses conquêtes et pressant le général turc de se hâter. Topal Osman Pacha répondit en soulignant l'humilité et la confiance en Dieu, malgré ses infirmités. Le 19 juillet, les deux armées se rencontrent dans la plaine d'Udjoum. Les Persans, commandés par Kouli-Kan, commencent le combat par une décharge d'artillerie et d'arquebusiers montés sur des chameaux. La bataille, très disputée, dure de six heures du matin à trois heures de l'après-midi. Les Persans, ayant perdu environ 30 000 hommes, prennent la fuite, abandonnant leur artillerie et munitions. Les Turcs, bien que victorieux, subissent également des pertes importantes, avec 6 000 hommes tués et 7 000 blessés. Topal Osman Pacha informe Achmet Pacha, gouverneur de Bagdad, de sa victoire et de son intention d'entrer dans la ville le 24 juillet. Il séjourne sur le champ de bataille pour reposer son armée avant de se remettre en marche le 21 juillet. Les Arabes, initialement spectateurs, demandent une capitulation honorable après la défaite de Kouli-Kan. Topal Osman Pacha les remet à plus tard, exigeant leur aide pour capturer Kouli-Kan et fournir des provisions à Bagdad. Un officier tartare, distingué lors de la bataille, apporte la nouvelle à Constantinople en 17 jours. Il est récompensé par le sultan et les grands de la Porte.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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26
p. 2471-2480
De Constantinople, le 6 Septembre 1733.
Début :
Je vous ai mandé, Monsieur, par ma Lettre du 22 Avril, que la porte avoit ordonné au [...]
Mots clefs :
Moscovites, Tartares, Nouvelles, Perse, Général, Troupes, Marche, Passage, Commandant, Crimée
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De Constantinople, le 6 Septembre 1733.
De Constantinople , le 6 Septembre 1733 .
J
E vous ai mandé , Monsieur , par ma Lettre
du 22 Avril , que la Porte avoit ordonné au
Khan de Crimée , d'envoyer un Corps de Tartares
en Perse, & c. Par ceile que je vous ai écri
te le 14 Mai , que ces Tartares , pour éviter de
passer sur les Terres des Moscovites , s'étoient
frayés une nouvelle route , à travers le Mont-
Caucase , qui aboutissoit en Géorgie , proche de
Tiflis , &c. Et par ma derniere du 8 Juillet ,
qu'ayant continué leur chemin , ils étoient ar
rivez dans le Daghestan ; qu'ils y avoient été
joints par les Lesghis , qui habitent les Montagnes
de cette Province , et que ces deux Peuples
réunis , devoient aller ravager les contrées de la
Perse
2471 MERCURE DE FRANCE
Perse , les plus voisines de ce côté - là , &c. ( 1 )
Les nouvelles qui ont couru icy depuis six semaines
, confirment tous ces faits quant au fond ,
et ne différent entr'elles que par les circonstances
; on avoit eu lieu de croire que le passage des .
Tartares en Perse, regardé depuis quatre ou cinq
mois comme une espece de Problême , étoit devenu
d'une réalité à ne plus admettre aucun
doute.
1
Cependant les dernieres nouvelles qu'on a re- ,
çues le 25 du mois d'Août , portent si positivement,
que les Tartares n'ont pû passer Derbent ,
où les Moscovites les avoient arrêtez , que dans
l'incertitude où me jette cette diversité d'avis , je
ne donne la préférence à ceux dont je vais vous
faire part , que parce qu'il faut que je me détermine
à quelque chose , et que la vérité ne se
manifeste pas plus sensiblement dans les uns que
dant les autres.
Aslan Ghuirai , Sultan general de Circassie , et
l'un des Chefs des Tartares , commandez pour
l'expédition de Perse , dépêcha au Khan de Crimée
: ( on ne marque point le jour ) un Courrier
arrivé le 18 Juillet à Bacché- Serraï , Capitale du
Païs , par lequel il lui envoïoit la Relation de
deux actions qui s'étoient passées le 22 et le 23
Juin , aux environs de Solak , ( 2 ) entre les Tartares
et les Moscovites. Voici le précis de cette
Relation , où Aslan Ghuirai parlera lui - même :
Après avoir traversé le Païs de Kabarra ( 3 )
(1 ) Les nouvelles contenuës dans toutes ces Lettres
·sont inserées dans les derniers Mercures.
(2 ) Solak , ou Sancta - Croce, Ville bâtie par les
Moscovites , au pied du Mont Caucase.
(3 ) Grand Pais de Circassie , dont les Turcs et
+
NOVEMBRE. 1733. 2473
et le Fleuve Terki , sans rencontrer aucun obstacle
sur notre route , nous arrivâmes à une Riviere
appellée Cic , que nous passâmes aussi
sans difficulté , mais à peine toutes nos Troupes
furent- elles de l'autre côté , que nous vf ,
mes paroître un gros Corps de Moscovites.
Nous fîmes alte sur le champ , et nous nous
mîmes en bataille ; mais le Capidgi - Bachi du
G. S. qui par ordre de Sa Hautesse nous accompagnoit
dans notre marche , étant d'avis
que nous ne fissions aucun mouvement , pour
que que les Moscovites ne pussent pas dire
que
nous cussions violé la paix les premiers ; il
"s'avança vers leur General et lui demanda si
nous devions les regarder comme amis ou
" comme ennemis Ce General lui répondit
qu'ils étoient amis des Tartares : Pourquoi
donc , repartit le Capidgi , paroissez vous disposez
à nous empêcher de suivre notre route ?
Parce que vous êtes sur nos Terres , repliquerent
les Moscovites : Mais, dit alors le Capidgi
: Nous ne voulons aller que par des Montagnes
incultes, où nous ne pouvons vous causer
aucun dommage ; N'importe, reprit ce General,
ces Montagnes nous appartiennent aussi ,
, et nous ne vous permettrons d'y passer qu'à
condition que vous nous payerez un droit de
Péage. Le Capidgi - Bachi lui représenta qu'il
n'étoit pas fondé à vouloir exiger aucun tribut
des Tartares , et que s'il s'obstinoit à re-
» fuser le passage à des peuples amis, qui ne pen-
"
ע
"
Its Moscovites se contestent la Souveraineté, et dont
les Tartares Circasses qui l'habitent , font partie
sous la domination du G. S. et partie sous celle de
la Czarine.
G soient
2474 MENCURE DE FRANCE
33
nous
soient à faire aucun désordre sur les Terres de
la Czarine , il pourroit en resulter des brouilleries
entre leurs Cours respectives , dont il seroit
à craindre que les suites ne devinssent tresfâcheuses.
Alors les Moscovites lui offrirent de
nous laisser passer au nombre de dix mille seulement
; mais le Capidgi ayant répondu qu'il
ne nous étoit pas possible de consentir à
partager , et les Moscovites s'opiniâtrant dans
leur premier refus , il vint nous rejoindre, et sur
" le rapport qu'il nous fit du peu de succès de sa
négociation , nous tinmes conseil , dont le résultat
fut de continuer notre chemin en bon ordre,
sans attaquer personne , et de nous bien défendre
si l'on nous attaquoit.Dès quenous nous
fûmes remis en marche , les Moscovites firent
avancer leur Infanterie, précédée de treize
Piéces de Canons , et commencerent par en
faire une décharge bientôt suivie de celle
de toute leur Mousqueterie sur un Corps de
Tartares Nogays, qui se trouva le plus exposé,
et qui ne pouvant soutenir un si grand feu ,
prit la fuite avec une perte considérable. Mais
en même temps nos Troupes de Crimée , secondées
des Lesghis , ( 1 ) qui s'étoient joints
A nous , fondirent , le Sabre à la main, sur les
Moscovites; ce Combat fut rude ; et ayant du-
» ré six heures , avec un avantage égal de part
» et d'autre , il nous survint à propos un secours
de 4000 Comouks, ( 2 ) qui déterminerent la
>> victoire de notre côté.
30
→
A
30
(1 ) Les Lesghis sont des Tartares de Montagnes ,
qui habitent celles du Daghestan.
( 2) Les Comouks sont aussi des Montagnards du
Daghestan,et Mahometans,comme les Lesghis:quoi-
Alor
NOVEMBRE. 1733. 2475
Alors les Moscovites se débanderent , et d'en-
❤viron 8 à 10 mille qu'ils étoient , il n'en écha-
»pa qu'un fort petit nombre; nos Troupes étant
si animées , qu'elles poursuivirent les Fuyards
jusqu'à ce qu'elles n'en apperçussent plus aucun.
Le lendemain un Tartare Nogay étant venu
hous avertir de l'approche d'un Convoi de
340 Chariots, chargez de Munitions de guerre.
et de bouche , escortez par 1 500 Moscovites ;
le Sultan Fétih- Ghuirai , notre General , ordonna
à son neveu , le Sultan Sélim Ghuirai
' d'aller à la rencontre de cè Convoi avec 2000
hommes.Il le trouva effectivement au bout de
deux heures de marche , et l'enleva après une
médiocre résistance de la part des Moscovites
leur Commandant fut fait prisonnier , et ils
furent tous tuez ou faits Esclaves , sans qu'un
seul pût se sauver.
29
"
Nous avons gagné dans ces deux actions 13
Pieces de Canons de fønte , les 340 Chariots
chargez de munitions et une grande quantité
d'Esclaves ; et nous avons perdu un Officier
General , deux Mirzas et un assez grand nom-
» bre de Soldats ; du reste , il y a eu peu de biessez
des deux côtez , &c.
29
Quelques jours après l'arrivée de ces nouvelles
à Constantinople , c'est-à - dire le 28 Juillet
la Porte reçut des Lettres du Gouverneur d'Asof
qui confirmerent ces évenemens dans leurs prinqu'ils
soient pour la plus grande partie sous la domination
des Moscovites , ils ont pris les armes
contre eux en cette occasion . Au reste il nefautpas
confondre ces Comouks avec les Calmouks , autre
Peuple Tartare aux environs de Vvolga et d'As-
(TAGAD.
Gij cipales
2476 MERCURE DE FRANCE
cipales circonstances ; ces Lettres contenoient
même d'autres particularitez , qui ne justifiene
pas moins la conduite des Tartares , et qui éta
blissent la nécessité où ils se sont trouvez, malé
gré eux , d'en venir aux mains avec les Moscovites
s'il n'en est point fait mention dans la
Relation d'Aslan Ghuirai, qui a paru icy, et qui
est pleine d'irrégularitez , c'est peut- être parce
que ce Prince en avoit déja informé le Khan ,
avant que de la faire , ou que le traducteur de
sette Piece , pressé de l'envoyer , a supprimé une
partie du détail pour abbréger.
:
Quoiqu'il en soit , le Gouverneur d'Asof
mande qu'ayant le premier combat, il s'étoit fair
réciproquement des propositions entre les Tartares
et les Moscovitesi que ceux- cy persistang
à refuser le passage demandé , qu'ils n'en eussent
reçu l'ordre du Gouverneur d'Astracan , qui
commande dans tout ce Païs- là , avoient souhaité
qu'on leur accordât neuf jours pour pouvoir
faire sçavoir à cet Officier , ce qui se passoit, er
en recevoir une réponse positive , que les Tartares
y avoient aquiescé ; mais que prés de trois
semaines s'étant écoulées sans que cette Répon
se vint ; ils en avoient conçu quelque défiance s'
qu'un de leurs Partis étant allé à la découverte,
at ayant amené au Camp six Moscovites , qu'ils
avoient rencontrez , on les avoit menacez de la
mort, s'ils ne disoient la véritable cause de tous
ces délais ; que ces prisonniers , pressez par la
crainte , avoient enfin avoué , que l'unique vue
des Moscovites avoit été d'amuser les Tartares et de gagner
du temps
, jusqu'à
ce qu'ils
eussene reçu un renfort
de Troupes
qui étoit
en marche
pour les joindre
; que sur cet aveu les Tartares
se résolurent
au combat
; que pour tromper
NOVEMBRE . 1733 2479
ཝཱ
per les Moscovites , ils avoient la nuit suivante
allumé beaucoup de feux dans leur camp , qu'ils
en étoient sortis ensuite pour s'aller poster dans
un endroit avantageux , d'où ils pourroient
prendre leurs ennemis en flanc , et que ce Stra
zagême, qui leur réussit , avoit beaucoup contribué
à leur faire remporter la victoire.
D'autres avis venus depuis le 28 Juillet , one
aussi confirmé ce que le Gouverneur d'Asof
ajoutoit encore dans sa Lettre , sçavoir , que le
Convoi de 340 Chariots dont on a parlé , étoit
destiné pour l'Armée Persanne , et qu'il y avoit
beaucoup de Moscovites dans cette armée.
Voilà,Monsieur, depuis que je ne vous ai écrit,
jusqu'au 25 Juillet , la partie la plus vrai - semblable
et la plus claire des nouvelles mal digérées,
et souvent contradictoires , qui se sont débitées
icy sur la marche des Tartares , d'où l'on avoit
inféré qu'ils étoient surement passez en Perse .
-Voicy maintenant le Sommaire des dernieres
nouvelles , qu'on a répandues depuis ce même
jour.Je m'attens qu'elles vous paroîtront comme
à moi , assez obscures , mais il n'a pas dépends
de mes soins d'en dissiper les ténébres , ni d'en
faire un narré plus exact.
Les Tartares étant arrivez dans un Canton
appellé Tchetchené ( 1 ) , le Commandant de So
lak vint se poster , sur le bord du Coyou - Sovi
avec 7 à 8000 hommes , et de l'Artillerie , pour
les empêcher de traverser cette Riviere. Ce Géaéral
des Tartares qui vouloit éviter tout acts
(r ) Tchetchené , est un Païs situé le long du
Mont Caucase , habité par des Komouks , qui n'ont
pas voulu se soumettre à la domination des Mos
Favites
Giij d'hosti2478
MERCURE DE FRANCE
9
d'hostilité , prit une autre route , que des guides
du Païs lui indiquerent , et qui conduit en droiture
à Solak. Les Moscovites ne pouvant les suivre
, parce qu'ils étoient presque tous Infanterie;
leur Commandant détacha un Corps de 1000
Chevaux seulement , pour couper le chemin aux
Tartares , et les arrêter dans un certain endroit
jusqu'à ce qu'il put y arriver avec le reste de ses
Troupes. Les Tartares rencontrerent près de Solak
ee Corps de Cavalerie , qui les. attaqua , et qu'ils
défirent entierement .Peu de temps après le Commandant
Moscovite arrivant avec sa petite aranée
, le combat recommença , mais si désavantageusement
pour lui , qu'il y fut dangereusement
blessé , et qu'il y perdit tout son monde
avec son Artillerie , dont il ne put presque point
faire usage , à cause d'une grosse pluye qui survint
tout d'un coup.
Ces obstacles levez , les Tartares passerent à la
vue de Solak le Coyou- Sovi, quoique les bords.
en soient fort escarpez , et continuant leur marche
vers Derbent , ils firent la rencontre d'un
gros Convoi de Chariots, chargez de munitions
qu'ils enleverent après avoir totalement défait
environ 1500 Moscovites qui l'escortoient;mais
sur la nouvelle de leur approche , beaucoup de
Troupes Moscovites, s'étant rassemblées à Derbent
, ils y furent arrêtez et ne purent passer
outre.
3
On présume cependant que les Comouks , qui
sont dispersez en un grand nombre d'Hordes ou
Tribus , tant en deçà qu'en delà de cette Place ;
s'étant unis aux Tartares , les Moscovites n'au
ront pû leur disputer long- temps ce passage ,
les empêcher d'entrer. dans le Daghestan , qui
n'en est qu'à deux journées , et delà en Géorgie.
ni
Ce
NOVEMBRE. 1733. 2479
Ce fut même sur cette présomption bien fon
dée , que M. de Neplieuf , Résident de Moscovie
, ayant prié dernierement le Grand Visir àu
nom de la Czarine , d'envoyer des ordres aux
Tartares pour qu'ils se désistassent de leur entreprise
de passer en Perse , et qu'ils s'en retournassent
chez eux , que ce premier Ministre de
P'Empire Otoman lui répondit avec raison , que
vû la situation où étoient les choses au départ du
Courrier qui avoit apporté les dernieres nouvelles
; il seroit à present d'une nullité absoluë d'envoyer
aux Tartares les ordres qu'il demandoit ,
parce qu'avant que celui qui en seroit le porteur
put arriver à Derbent , il étoit moralement
certain que les Tartares auroient été obligez de
prendre un parti, soit en forçant le passage qu'on
Jeur disputoit , soit en se jettant d'un autre côté ,
suivant que la necessité où ils se seroient trou
vez , les auroit déterminez .
On ajoute que dans la partie du Kabarta qui
reconnoît la Czarine pour sa Souveraine , il y
avoit depuis un an 300 Moscovites , que cette
Princesse y avoit envoyez pour soutenir les habitans
de cette Contrée ; que ces Moscovites
ayant appris que leurs gens avoient été battus
en plusieurs rencontres par les Tartares qui
étoient passez , et appréhendant que ceux qui
gont dans l'autre partie du Kabarta soumise av
G.S.ne vinssent les massacer, ils avoient deman
dé au Chef qui commande dans le Kabarta Czarien
, la permissión de se retirer , et une escorte
pour le faire en sureré : que ce Commandant
leur avoit répondu qu'ils pouvoient toujours
partir , et qu'il alloit incessamment les faire suivre
par un nombre suffisant d'hommes pour les
garantir de toute insake ; mais qu'au lieu de leur
G iiij
tenir
240
MERCURE DE
FRANCE
tenir parole , bien loin de leur envoyer du se
cours ; il avoit fait donner avis de leur retraite
au fils du Khan de Crimée, qui
commande dans
le Kabarta , soumis à la Porte ; et que ce Prince
à la tête d'un grand nombre de Tartares , étant
venu fondre sur les 300
Moscovites , les avois
tout passez au fil de l'Epée . 12
On ne sçait point encore quelles suites pourront
avoir toutes ces affaires ; ce qu'il y a de
certain , c'est que sur les premieres nouvelles
qu'on en a reçu à
Constantinople , les Ministres
de la Porte ont fait embarquer en diligence pen
dant plusieurs jours sur des Bâtimens du Païs
beaucoup d'Artillerie et d'autres munitions de
guerre et de bouche qui sont partis de la Mer
noire pour Asof, afin de mettre cette Place en
état de deffense , en cas d'une rupture avec les
Moscovites. Je suis , &c.
P. V. D.
J
E vous ai mandé , Monsieur , par ma Lettre
du 22 Avril , que la Porte avoit ordonné au
Khan de Crimée , d'envoyer un Corps de Tartares
en Perse, & c. Par ceile que je vous ai écri
te le 14 Mai , que ces Tartares , pour éviter de
passer sur les Terres des Moscovites , s'étoient
frayés une nouvelle route , à travers le Mont-
Caucase , qui aboutissoit en Géorgie , proche de
Tiflis , &c. Et par ma derniere du 8 Juillet ,
qu'ayant continué leur chemin , ils étoient ar
rivez dans le Daghestan ; qu'ils y avoient été
joints par les Lesghis , qui habitent les Montagnes
de cette Province , et que ces deux Peuples
réunis , devoient aller ravager les contrées de la
Perse
2471 MERCURE DE FRANCE
Perse , les plus voisines de ce côté - là , &c. ( 1 )
Les nouvelles qui ont couru icy depuis six semaines
, confirment tous ces faits quant au fond ,
et ne différent entr'elles que par les circonstances
; on avoit eu lieu de croire que le passage des .
Tartares en Perse, regardé depuis quatre ou cinq
mois comme une espece de Problême , étoit devenu
d'une réalité à ne plus admettre aucun
doute.
1
Cependant les dernieres nouvelles qu'on a re- ,
çues le 25 du mois d'Août , portent si positivement,
que les Tartares n'ont pû passer Derbent ,
où les Moscovites les avoient arrêtez , que dans
l'incertitude où me jette cette diversité d'avis , je
ne donne la préférence à ceux dont je vais vous
faire part , que parce qu'il faut que je me détermine
à quelque chose , et que la vérité ne se
manifeste pas plus sensiblement dans les uns que
dant les autres.
Aslan Ghuirai , Sultan general de Circassie , et
l'un des Chefs des Tartares , commandez pour
l'expédition de Perse , dépêcha au Khan de Crimée
: ( on ne marque point le jour ) un Courrier
arrivé le 18 Juillet à Bacché- Serraï , Capitale du
Païs , par lequel il lui envoïoit la Relation de
deux actions qui s'étoient passées le 22 et le 23
Juin , aux environs de Solak , ( 2 ) entre les Tartares
et les Moscovites. Voici le précis de cette
Relation , où Aslan Ghuirai parlera lui - même :
Après avoir traversé le Païs de Kabarra ( 3 )
(1 ) Les nouvelles contenuës dans toutes ces Lettres
·sont inserées dans les derniers Mercures.
(2 ) Solak , ou Sancta - Croce, Ville bâtie par les
Moscovites , au pied du Mont Caucase.
(3 ) Grand Pais de Circassie , dont les Turcs et
+
NOVEMBRE. 1733. 2473
et le Fleuve Terki , sans rencontrer aucun obstacle
sur notre route , nous arrivâmes à une Riviere
appellée Cic , que nous passâmes aussi
sans difficulté , mais à peine toutes nos Troupes
furent- elles de l'autre côté , que nous vf ,
mes paroître un gros Corps de Moscovites.
Nous fîmes alte sur le champ , et nous nous
mîmes en bataille ; mais le Capidgi - Bachi du
G. S. qui par ordre de Sa Hautesse nous accompagnoit
dans notre marche , étant d'avis
que nous ne fissions aucun mouvement , pour
que que les Moscovites ne pussent pas dire
que
nous cussions violé la paix les premiers ; il
"s'avança vers leur General et lui demanda si
nous devions les regarder comme amis ou
" comme ennemis Ce General lui répondit
qu'ils étoient amis des Tartares : Pourquoi
donc , repartit le Capidgi , paroissez vous disposez
à nous empêcher de suivre notre route ?
Parce que vous êtes sur nos Terres , repliquerent
les Moscovites : Mais, dit alors le Capidgi
: Nous ne voulons aller que par des Montagnes
incultes, où nous ne pouvons vous causer
aucun dommage ; N'importe, reprit ce General,
ces Montagnes nous appartiennent aussi ,
, et nous ne vous permettrons d'y passer qu'à
condition que vous nous payerez un droit de
Péage. Le Capidgi - Bachi lui représenta qu'il
n'étoit pas fondé à vouloir exiger aucun tribut
des Tartares , et que s'il s'obstinoit à re-
» fuser le passage à des peuples amis, qui ne pen-
"
ע
"
Its Moscovites se contestent la Souveraineté, et dont
les Tartares Circasses qui l'habitent , font partie
sous la domination du G. S. et partie sous celle de
la Czarine.
G soient
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33
nous
soient à faire aucun désordre sur les Terres de
la Czarine , il pourroit en resulter des brouilleries
entre leurs Cours respectives , dont il seroit
à craindre que les suites ne devinssent tresfâcheuses.
Alors les Moscovites lui offrirent de
nous laisser passer au nombre de dix mille seulement
; mais le Capidgi ayant répondu qu'il
ne nous étoit pas possible de consentir à
partager , et les Moscovites s'opiniâtrant dans
leur premier refus , il vint nous rejoindre, et sur
" le rapport qu'il nous fit du peu de succès de sa
négociation , nous tinmes conseil , dont le résultat
fut de continuer notre chemin en bon ordre,
sans attaquer personne , et de nous bien défendre
si l'on nous attaquoit.Dès quenous nous
fûmes remis en marche , les Moscovites firent
avancer leur Infanterie, précédée de treize
Piéces de Canons , et commencerent par en
faire une décharge bientôt suivie de celle
de toute leur Mousqueterie sur un Corps de
Tartares Nogays, qui se trouva le plus exposé,
et qui ne pouvant soutenir un si grand feu ,
prit la fuite avec une perte considérable. Mais
en même temps nos Troupes de Crimée , secondées
des Lesghis , ( 1 ) qui s'étoient joints
A nous , fondirent , le Sabre à la main, sur les
Moscovites; ce Combat fut rude ; et ayant du-
» ré six heures , avec un avantage égal de part
» et d'autre , il nous survint à propos un secours
de 4000 Comouks, ( 2 ) qui déterminerent la
>> victoire de notre côté.
30
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A
30
(1 ) Les Lesghis sont des Tartares de Montagnes ,
qui habitent celles du Daghestan.
( 2) Les Comouks sont aussi des Montagnards du
Daghestan,et Mahometans,comme les Lesghis:quoi-
Alor
NOVEMBRE. 1733. 2475
Alors les Moscovites se débanderent , et d'en-
❤viron 8 à 10 mille qu'ils étoient , il n'en écha-
»pa qu'un fort petit nombre; nos Troupes étant
si animées , qu'elles poursuivirent les Fuyards
jusqu'à ce qu'elles n'en apperçussent plus aucun.
Le lendemain un Tartare Nogay étant venu
hous avertir de l'approche d'un Convoi de
340 Chariots, chargez de Munitions de guerre.
et de bouche , escortez par 1 500 Moscovites ;
le Sultan Fétih- Ghuirai , notre General , ordonna
à son neveu , le Sultan Sélim Ghuirai
' d'aller à la rencontre de cè Convoi avec 2000
hommes.Il le trouva effectivement au bout de
deux heures de marche , et l'enleva après une
médiocre résistance de la part des Moscovites
leur Commandant fut fait prisonnier , et ils
furent tous tuez ou faits Esclaves , sans qu'un
seul pût se sauver.
29
"
Nous avons gagné dans ces deux actions 13
Pieces de Canons de fønte , les 340 Chariots
chargez de munitions et une grande quantité
d'Esclaves ; et nous avons perdu un Officier
General , deux Mirzas et un assez grand nom-
» bre de Soldats ; du reste , il y a eu peu de biessez
des deux côtez , &c.
29
Quelques jours après l'arrivée de ces nouvelles
à Constantinople , c'est-à - dire le 28 Juillet
la Porte reçut des Lettres du Gouverneur d'Asof
qui confirmerent ces évenemens dans leurs prinqu'ils
soient pour la plus grande partie sous la domination
des Moscovites , ils ont pris les armes
contre eux en cette occasion . Au reste il nefautpas
confondre ces Comouks avec les Calmouks , autre
Peuple Tartare aux environs de Vvolga et d'As-
(TAGAD.
Gij cipales
2476 MERCURE DE FRANCE
cipales circonstances ; ces Lettres contenoient
même d'autres particularitez , qui ne justifiene
pas moins la conduite des Tartares , et qui éta
blissent la nécessité où ils se sont trouvez, malé
gré eux , d'en venir aux mains avec les Moscovites
s'il n'en est point fait mention dans la
Relation d'Aslan Ghuirai, qui a paru icy, et qui
est pleine d'irrégularitez , c'est peut- être parce
que ce Prince en avoit déja informé le Khan ,
avant que de la faire , ou que le traducteur de
sette Piece , pressé de l'envoyer , a supprimé une
partie du détail pour abbréger.
:
Quoiqu'il en soit , le Gouverneur d'Asof
mande qu'ayant le premier combat, il s'étoit fair
réciproquement des propositions entre les Tartares
et les Moscovitesi que ceux- cy persistang
à refuser le passage demandé , qu'ils n'en eussent
reçu l'ordre du Gouverneur d'Astracan , qui
commande dans tout ce Païs- là , avoient souhaité
qu'on leur accordât neuf jours pour pouvoir
faire sçavoir à cet Officier , ce qui se passoit, er
en recevoir une réponse positive , que les Tartares
y avoient aquiescé ; mais que prés de trois
semaines s'étant écoulées sans que cette Répon
se vint ; ils en avoient conçu quelque défiance s'
qu'un de leurs Partis étant allé à la découverte,
at ayant amené au Camp six Moscovites , qu'ils
avoient rencontrez , on les avoit menacez de la
mort, s'ils ne disoient la véritable cause de tous
ces délais ; que ces prisonniers , pressez par la
crainte , avoient enfin avoué , que l'unique vue
des Moscovites avoit été d'amuser les Tartares et de gagner
du temps
, jusqu'à
ce qu'ils
eussene reçu un renfort
de Troupes
qui étoit
en marche
pour les joindre
; que sur cet aveu les Tartares
se résolurent
au combat
; que pour tromper
NOVEMBRE . 1733 2479
ཝཱ
per les Moscovites , ils avoient la nuit suivante
allumé beaucoup de feux dans leur camp , qu'ils
en étoient sortis ensuite pour s'aller poster dans
un endroit avantageux , d'où ils pourroient
prendre leurs ennemis en flanc , et que ce Stra
zagême, qui leur réussit , avoit beaucoup contribué
à leur faire remporter la victoire.
D'autres avis venus depuis le 28 Juillet , one
aussi confirmé ce que le Gouverneur d'Asof
ajoutoit encore dans sa Lettre , sçavoir , que le
Convoi de 340 Chariots dont on a parlé , étoit
destiné pour l'Armée Persanne , et qu'il y avoit
beaucoup de Moscovites dans cette armée.
Voilà,Monsieur, depuis que je ne vous ai écrit,
jusqu'au 25 Juillet , la partie la plus vrai - semblable
et la plus claire des nouvelles mal digérées,
et souvent contradictoires , qui se sont débitées
icy sur la marche des Tartares , d'où l'on avoit
inféré qu'ils étoient surement passez en Perse .
-Voicy maintenant le Sommaire des dernieres
nouvelles , qu'on a répandues depuis ce même
jour.Je m'attens qu'elles vous paroîtront comme
à moi , assez obscures , mais il n'a pas dépends
de mes soins d'en dissiper les ténébres , ni d'en
faire un narré plus exact.
Les Tartares étant arrivez dans un Canton
appellé Tchetchené ( 1 ) , le Commandant de So
lak vint se poster , sur le bord du Coyou - Sovi
avec 7 à 8000 hommes , et de l'Artillerie , pour
les empêcher de traverser cette Riviere. Ce Géaéral
des Tartares qui vouloit éviter tout acts
(r ) Tchetchené , est un Païs situé le long du
Mont Caucase , habité par des Komouks , qui n'ont
pas voulu se soumettre à la domination des Mos
Favites
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d'hostilité , prit une autre route , que des guides
du Païs lui indiquerent , et qui conduit en droiture
à Solak. Les Moscovites ne pouvant les suivre
, parce qu'ils étoient presque tous Infanterie;
leur Commandant détacha un Corps de 1000
Chevaux seulement , pour couper le chemin aux
Tartares , et les arrêter dans un certain endroit
jusqu'à ce qu'il put y arriver avec le reste de ses
Troupes. Les Tartares rencontrerent près de Solak
ee Corps de Cavalerie , qui les. attaqua , et qu'ils
défirent entierement .Peu de temps après le Commandant
Moscovite arrivant avec sa petite aranée
, le combat recommença , mais si désavantageusement
pour lui , qu'il y fut dangereusement
blessé , et qu'il y perdit tout son monde
avec son Artillerie , dont il ne put presque point
faire usage , à cause d'une grosse pluye qui survint
tout d'un coup.
Ces obstacles levez , les Tartares passerent à la
vue de Solak le Coyou- Sovi, quoique les bords.
en soient fort escarpez , et continuant leur marche
vers Derbent , ils firent la rencontre d'un
gros Convoi de Chariots, chargez de munitions
qu'ils enleverent après avoir totalement défait
environ 1500 Moscovites qui l'escortoient;mais
sur la nouvelle de leur approche , beaucoup de
Troupes Moscovites, s'étant rassemblées à Derbent
, ils y furent arrêtez et ne purent passer
outre.
3
On présume cependant que les Comouks , qui
sont dispersez en un grand nombre d'Hordes ou
Tribus , tant en deçà qu'en delà de cette Place ;
s'étant unis aux Tartares , les Moscovites n'au
ront pû leur disputer long- temps ce passage ,
les empêcher d'entrer. dans le Daghestan , qui
n'en est qu'à deux journées , et delà en Géorgie.
ni
Ce
NOVEMBRE. 1733. 2479
Ce fut même sur cette présomption bien fon
dée , que M. de Neplieuf , Résident de Moscovie
, ayant prié dernierement le Grand Visir àu
nom de la Czarine , d'envoyer des ordres aux
Tartares pour qu'ils se désistassent de leur entreprise
de passer en Perse , et qu'ils s'en retournassent
chez eux , que ce premier Ministre de
P'Empire Otoman lui répondit avec raison , que
vû la situation où étoient les choses au départ du
Courrier qui avoit apporté les dernieres nouvelles
; il seroit à present d'une nullité absoluë d'envoyer
aux Tartares les ordres qu'il demandoit ,
parce qu'avant que celui qui en seroit le porteur
put arriver à Derbent , il étoit moralement
certain que les Tartares auroient été obligez de
prendre un parti, soit en forçant le passage qu'on
Jeur disputoit , soit en se jettant d'un autre côté ,
suivant que la necessité où ils se seroient trou
vez , les auroit déterminez .
On ajoute que dans la partie du Kabarta qui
reconnoît la Czarine pour sa Souveraine , il y
avoit depuis un an 300 Moscovites , que cette
Princesse y avoit envoyez pour soutenir les habitans
de cette Contrée ; que ces Moscovites
ayant appris que leurs gens avoient été battus
en plusieurs rencontres par les Tartares qui
étoient passez , et appréhendant que ceux qui
gont dans l'autre partie du Kabarta soumise av
G.S.ne vinssent les massacer, ils avoient deman
dé au Chef qui commande dans le Kabarta Czarien
, la permissión de se retirer , et une escorte
pour le faire en sureré : que ce Commandant
leur avoit répondu qu'ils pouvoient toujours
partir , et qu'il alloit incessamment les faire suivre
par un nombre suffisant d'hommes pour les
garantir de toute insake ; mais qu'au lieu de leur
G iiij
tenir
240
MERCURE DE
FRANCE
tenir parole , bien loin de leur envoyer du se
cours ; il avoit fait donner avis de leur retraite
au fils du Khan de Crimée, qui
commande dans
le Kabarta , soumis à la Porte ; et que ce Prince
à la tête d'un grand nombre de Tartares , étant
venu fondre sur les 300
Moscovites , les avois
tout passez au fil de l'Epée . 12
On ne sçait point encore quelles suites pourront
avoir toutes ces affaires ; ce qu'il y a de
certain , c'est que sur les premieres nouvelles
qu'on en a reçu à
Constantinople , les Ministres
de la Porte ont fait embarquer en diligence pen
dant plusieurs jours sur des Bâtimens du Païs
beaucoup d'Artillerie et d'autres munitions de
guerre et de bouche qui sont partis de la Mer
noire pour Asof, afin de mettre cette Place en
état de deffense , en cas d'une rupture avec les
Moscovites. Je suis , &c.
P. V. D.
Fermer
Résumé : De Constantinople, le 6 Septembre 1733.
En septembre 1733, un rapport de Constantinople décrit les mouvements des Tartares de Crimée, envoyés par la Porte en Perse. Ces Tartares ont traversé le Caucase, évitant les terres moscovites, pour atteindre la Géorgie puis le Daghestan, où ils ont été rejoints par les Lesghis. Leur progression vers la Perse est confirmée, mais des divergences existent sur leur passage à Derbent. Les Moscovites les ont arrêtés, mais des rapports contradictoires circulent. Aslan Ghuirai, chef des Tartares, a rapporté deux affrontements près de Solak entre les Tartares et les Moscovites. Après avoir traversé le pays de Kabarta et le fleuve Terki sans obstacle, les Tartares ont été confrontés par les Moscovites qui exigeaient un droit de passage. Malgré les négociations, les Moscovites ont attaqué, mais les Tartares, soutenus par les Lesghis et les Comouks, ont remporté la victoire. Ils ont capturé des canons, des chariots de munitions et fait des prisonniers. Des lettres du gouverneur d'Asof confirment ces événements et ajoutent que les Moscovites cherchaient à gagner du temps pour renforcer leurs troupes. Les Tartares, ayant découvert cette stratégie, ont attaqué et vaincu les Moscovites lors d'un second affrontement. Plus récemment, les Tartares ont contourné les forces moscovites près de Solak et ont traversé le Coyou-Sovi. Ils ont ensuite rencontré et défait un convoi moscovite près de Derbent, mais ont été arrêtés par des renforts moscovites. Il est présumé que les Comouks, alliés des Tartares, pourraient faciliter leur passage vers la Géorgie. Le Grand Visir a refusé de donner des ordres aux Tartares, estimant que la situation avait déjà évolué. Dans la région du Kabarta, les Moscovites ont rencontré une résistance des Tartares. Dans une partie du Kabarta reconnaissant la Czarine comme souveraine, 300 Moscovites, envoyés pour soutenir les habitants, ont appris que leurs compatriotes avaient été battus par les Tartares. Craignant une attaque, ils ont demandé la permission de se retirer et une escorte au chef local, qui a accepté mais a ensuite trahi sa promesse en alertant le fils du Khan de Crimée. Ce dernier a attaqué et massacré les 300 Moscovites. À Constantinople, les ministres de la Porte ont réagi en envoyant des munitions et de l'artillerie à Asof pour se préparer à une éventuelle rupture avec les Moscovites. Les conséquences de ces événements restent incertaines.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
27
p. 2886-2892
LETTRE de Constantinople, écrite le 20. Septembre 1733. sur le Passage des Tartares en Perse.
Début :
Le passage des Tartares en Perse, n'est plus problêmaque, Monsieur, les nouvelles qui [...]
Mots clefs :
Tartares, Perse, Moscovites, Passage, Derbent, Chemin, Daghestan, Lezghiens, Achmet Pacha, Thamas Kouli-Kan
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de Constantinople, écrite le 20. Septembre 1733. sur le Passage des Tartares en Perse.
LETTRE de Constantinople , écrite le
20. Septembre 1733. sur le Passage des
Tartares en Perse.
E
problêmatique , Monsieur , les nouvelles qui
en sont venues le 14. de ce mois , dans une Lettre
écrite au Grand- Visir , par le Pacha de Ghend.
gé en Géorgie , sont si positives , qu'à moins de
faire une profession outrée du Pyrrhonisme, on ne
peut plus révoquer en doute ce passage , d'autant
plus que le G. V. a fait venir exprès à la Porte
Mrs les Résidens d'Allemagne et de Moscovie ,
pour le leur notifier et leur communiquer la Lettre
qui en contenoit le détail ; mais avant que je
II. Vol. ✰ vous
1
DECEMBRE. 1733. 2887
vous le communique aussi , il faut que je me re-.
leve moi - même sur deux erreurs qui me sont
échappées en suivant une mauvaise Carte et des
Memoires mal conçus , quand je vous écrivis le
6. de ce mois . Je vous marquai alors qu'on présumoit
que les Moscovites n'auroient pû disputer
long- temps le passage de Derbentaux Tartares ,
ni les empêcher d'entrer dans le Daghestan , et
de- là en Georgie , & c.
Premierement les Tartares allant de Crimée en
Perse , il a fallu qu'après avoir passé le grand et
le petit Cabarta , Pays qui fait partie de la Tar
tarie Circassienne , ils soient tombez dans le
Daghestan , et qu'ils Payent traversé avant que
d'arriver à Derbent , qui est dans le Chirvan ,
Province contigue à celle du Daghestan , ainsi il
ne pouvoit plus être question de les empêcher
de penetrer dans cette derniere Province , puisqu'ils
l'avoient déja passé , et en second lieu , il
étoit ridicule de faire entrer les Tartares du Daghestan
dans la Géorgie , puisque par rapport à
la route qu'ils avoient à faire , la Georgie se
trouvant à côté , et de plus sous la domination
du G. S. ils se seroient tout à la fois détournez
de leur chemin et de leur objet , qui étoit d'aller
piller en Perse . Je reviens à la Lettre du Pacha
de Ghendgé , que voici en subttance
Les Tartares , après les divers combats avec les
Moscovites , dont je vous ai parlé dans ma Lettre
du 6. de ce mois , * continuant leur marche
par le Daghestan , au nombre de 30000. hommes
, arriverent près d'une Peuplade de Lesghis ,
Imprimée dans le Mercure de Novembre,
page 2471 .
II. Vol. appellez
2888 MERCURE DE FRANCE
appellez Imas , de nom du Ima , que porte le
principal lieu de leur canton , qui n'est éloigné
de Derbent que de trois journées . Le Chef
de ce Peuple , sur l'avis qu'il eut de l'approche
des Tartares , s'empressa d'envoyer son fils audevant
d'eux pour leur offrir d'unir ses forces
aux leurs et de les mener lui - même en Perse par
un chemin qu'il sçavoit.
Le Sultan Fethi - Ghuirai , General des Tartares
, accepta volontiers de si belles offres , et les
Imas l'ayant joint en grand nombre avec leur
Chef , les deux Armées marcherent ensemble ;
mais au bout de trois jours il fut bien surpris de
se voir dans un Village à une lieuë de Derbent
seulement.
Les Imas qui passent pour les plus scrupuleux
de tous les Mahometans de ces Contrées , et qui
par motif de Religion , trouvent le joug de la
Moscovie d'autant plûs insupportable , ne respirant
que la révolte , avoient exprès conduit les
Tartares dans cet endroit , dans l'esperance que
ne pouvant plus reculer , la necessité les obligeroit
à tout entreprendre et à fondre avec eux sur
les Moscovites pour s'ouvrir un passage en Perse
par Derbent. Ils se tromperent cependant dans
leurs conjectures.
Fethi-Ghuirai ne voulut jamais se rendre
aux sollicitations qu'ils lui firent de profiter de
cette occasion , et se retranchant toujours sur les
* Les Imas , les Komouks et beaucoup d'autres
petits Peuples du Caucase , du Daghestan et du
Chirvan , sont tous Lesghis d'origine , de moeurs et
de Religion , et ne different entre eux que par le
nom que chaquePeuplade a pris de celui du Ċamon
où elle s'est établie.
II. Vol. ordres
DECEMBR E. 1733. 2889
ordres précis qu'il avoit de la Porte , de ne point
attaquer les Moscovites le premier , il résolut
de camper aux environs de ce Village et d'essayer
d'obtenir duCommandant de Derbent , par la voie
de négociation, la permission de passer . Il y eut
effectivement plusieurs pour parler à ce sujet ,
mais le Commandant Moscovite , après avoir
amusé long-temps Fethi - Ghuirai , lui ayant à la
fin refusé nettement ce qu'il demandoit , et le
Chef des Imas voyant qu'il ne pouvoit persuader
à ce Sultan de se faire un passage par la force
des armes , il lui dit qu'il sçavoit un autre route
dans une Montague du Caucase ; qu'il n'avoit
pas voulu s'en servir d'abord , parce qu'il y avoit
douze heures de chemin à monter ; qu'elle étoit
d'ailleurs fort difficile et pleine de défilez , gardez
par des détachemens de Moscovites , mais
que puisqu'il étoit déterminé à ne vouloir pas
s'ouvrir le passage par Derbent, quoiqu'il l'assuroit
encore du succès de cette entreprise , s'il la
vouloit tenter , il n'y avoit plus d'autre parti à
prendre que celui de traverser la Montagne dont
il venoit de lui parler ; que cependant , outre les
difficultez qu'ils y rencontreroient , ils devoient
s'attendre à trouver de l'autre côté dans la Plaine
de gros corps de Moscovites , qui leur opposeroient
un pareil obstacle qu'à Derbent, il lui paroissoit
necessaire d'écrire à Soulkai , Khan de
Chamakié , pour le prier de venir avec le plus de
Troupes qu'il pourroit , pour les aider à sortir
de cet embarras , et d'attendre la réponse de ce
Khan , avant que de se mettre en chemin .
Le General Tartare ayant goûté ces dernieres
propositions , le Chef des Imas expedia cinq ou
six hommes, qui connoissant tous les sentiers détournez
de ces Rochers , porterent heureusement
II. Vol. les
2890 MERCURE DE FRANCE
les dépêches de Fethi-Ghuirai au Khan de Cha
makié.
Il est à propos de remarquer ici à l'occasion
de ce Khan , que suivant le Traité des Limites ,
signé le 8. Juillet 1724. entre les Turs et les
Moscovites , par la médiation de M. le Marquis
de Bonnac , alors Ambassadeur du Roy à la Porte
Ottomane , les Lesghis qui se trouvent dans le
Chirvan , s'étant soumis d'eux - mêmes , comme
Mahometans , au G. S. dont ils reclamerent la
protection ; Si Hautesse leur envoya un Khan
pour les commander , auquel il assigna la Vule
de Chamakié pour Capitale de cette nouvelle
Principauté , avec un Territoire qui s'étendoit
d'un côté jusqu'au Confluant du Cur et de l'Araxe
, et que le commencement des confins ayant
été fixé dans ce point de la jonction des deux Fleu
ves , il fut decidé que le côté qui est vers la Terre,
Ferme appartiendroit aux Turcs , celui qui re
garde la Mer , aux Moscovites , et le troisième ,
où est le Guilan , à la Perse.
Le Khan de Chamakié ayaur reçû les Lettres de
Fethi-Ghurai , il fit réponse à ce General qu'il
aloit rassembler les Lesghis et marcher à son
secours, en prenant les Moscovites par les derrie
res. Sur cette réponse , le Sultan er le Chef des
Imas décamperent de leur Village , où ils avoient
- demeuré 34. jours, et prirent le chemin de la
Montagne ; ils y rencontrerent effectivement ca
plusieurs détroits de petits Détachemens de Moscovites
, avec lesquels ils escarmoucherent er
qu'ils mirent en fuite sans s'arrêter : mais quand
ils eurent presque descendu cette Montagne ils
apperçûrent de loin dans la Plaine beaucoup de
Troupes Moscovites.
Le General Tartare persistaut toujours à ne
II. Vol. vouloir
DECEMBR E. 1732. 2891
Vouloir point en venir aux mains avec eux que
dans le cas d'une nécessité inévitable , leur envoya
demander le passage , ce qui lui ayant été
refusé , il continua de descendre jusqu'au pied
du Mont, où il se retrancha pour y attendre en
sureté des nouvelles du Khan Soulkaï , qui ne
paroissoit point encore ; mais après trois jours
d'attente , il le vit venir en bon ordre à la tête
d'une nombreuse troupe de Lesghis. Il sortit
alors de ses retranchemens et mit ses gens ea
bataille pour marcher aux Moscovites , qui
voyant qu'on les alloit mettre entre deux feux et
qu'ils avoient affaire à trop forte partie , se reti-
1erent promptement et laisserent le Champ libre
aux Tartares et aux Imas. Ces deux Peuples se
joignirent bien- tôt aux Lesghis et poursuivirent
leur route vers Chamakié , d'où l'on juge qu'ils
n'auront pas tardé à se répandre tous ensemble
dans le Guilan et dans les autres Provinces de
Perse qui sont au- delà de l'Araxe ,
Dès que le G. V. cut reçû cette nouvelle , il
s'informa des noms des Mirzas et des principaux
Officiers de l'Armée Tartare , et il dépêcha des
Couriers pour leur porter
des présens , avec des
ordres de prendre le chemin d'Amadan,pour unir
leurs forces à celles de Topal Osman Pacha , que
l'on dit avoir déja pris la route de Sina , qui n'est pas fort éloigné d'Amadan.
P. S. du 15. Novembre 1733 .
P. V. D ,
J'avois differé,Monsieur , à vous envoyer la Les
tre que vous venez de lire , par ce que des personnes
qui se croyoient interessées à soutenir que le
passage des Tartares en Perse éloit impossible
par le chemin qu'ils avoient pris , se sont donné
II. Vol
tant
2892 MERCURE DE FRANCE
tant de mouvement et de soins pour répandre
de fausses nouvelles à cet égard dans le Public ,
que je ne sçavois plus moi- même que croire de
ce passage , malgré sa certitude si bien établie par
la Lettre du Pacha de Ghendgé et la démarche
du G. V. auprès de Mrs les Résidens d'Allemagne
et de Russie ; mais l'Aga que la Porte avoit
chargé d'accompagner ces Troupes dans leur
route , étant depuis peu de retour ici de Tauris ,
où il les avoir laissées , je n'hésite plus à vous
envoyer ma Relation , qui est entierement conforme
pour l'essentiel au compte que cet Aga a
rendu de sa Mission à la Porte,
P. V. D.
20. Septembre 1733. sur le Passage des
Tartares en Perse.
E
problêmatique , Monsieur , les nouvelles qui
en sont venues le 14. de ce mois , dans une Lettre
écrite au Grand- Visir , par le Pacha de Ghend.
gé en Géorgie , sont si positives , qu'à moins de
faire une profession outrée du Pyrrhonisme, on ne
peut plus révoquer en doute ce passage , d'autant
plus que le G. V. a fait venir exprès à la Porte
Mrs les Résidens d'Allemagne et de Moscovie ,
pour le leur notifier et leur communiquer la Lettre
qui en contenoit le détail ; mais avant que je
II. Vol. ✰ vous
1
DECEMBRE. 1733. 2887
vous le communique aussi , il faut que je me re-.
leve moi - même sur deux erreurs qui me sont
échappées en suivant une mauvaise Carte et des
Memoires mal conçus , quand je vous écrivis le
6. de ce mois . Je vous marquai alors qu'on présumoit
que les Moscovites n'auroient pû disputer
long- temps le passage de Derbentaux Tartares ,
ni les empêcher d'entrer dans le Daghestan , et
de- là en Georgie , & c.
Premierement les Tartares allant de Crimée en
Perse , il a fallu qu'après avoir passé le grand et
le petit Cabarta , Pays qui fait partie de la Tar
tarie Circassienne , ils soient tombez dans le
Daghestan , et qu'ils Payent traversé avant que
d'arriver à Derbent , qui est dans le Chirvan ,
Province contigue à celle du Daghestan , ainsi il
ne pouvoit plus être question de les empêcher
de penetrer dans cette derniere Province , puisqu'ils
l'avoient déja passé , et en second lieu , il
étoit ridicule de faire entrer les Tartares du Daghestan
dans la Géorgie , puisque par rapport à
la route qu'ils avoient à faire , la Georgie se
trouvant à côté , et de plus sous la domination
du G. S. ils se seroient tout à la fois détournez
de leur chemin et de leur objet , qui étoit d'aller
piller en Perse . Je reviens à la Lettre du Pacha
de Ghendgé , que voici en subttance
Les Tartares , après les divers combats avec les
Moscovites , dont je vous ai parlé dans ma Lettre
du 6. de ce mois , * continuant leur marche
par le Daghestan , au nombre de 30000. hommes
, arriverent près d'une Peuplade de Lesghis ,
Imprimée dans le Mercure de Novembre,
page 2471 .
II. Vol. appellez
2888 MERCURE DE FRANCE
appellez Imas , de nom du Ima , que porte le
principal lieu de leur canton , qui n'est éloigné
de Derbent que de trois journées . Le Chef
de ce Peuple , sur l'avis qu'il eut de l'approche
des Tartares , s'empressa d'envoyer son fils audevant
d'eux pour leur offrir d'unir ses forces
aux leurs et de les mener lui - même en Perse par
un chemin qu'il sçavoit.
Le Sultan Fethi - Ghuirai , General des Tartares
, accepta volontiers de si belles offres , et les
Imas l'ayant joint en grand nombre avec leur
Chef , les deux Armées marcherent ensemble ;
mais au bout de trois jours il fut bien surpris de
se voir dans un Village à une lieuë de Derbent
seulement.
Les Imas qui passent pour les plus scrupuleux
de tous les Mahometans de ces Contrées , et qui
par motif de Religion , trouvent le joug de la
Moscovie d'autant plûs insupportable , ne respirant
que la révolte , avoient exprès conduit les
Tartares dans cet endroit , dans l'esperance que
ne pouvant plus reculer , la necessité les obligeroit
à tout entreprendre et à fondre avec eux sur
les Moscovites pour s'ouvrir un passage en Perse
par Derbent. Ils se tromperent cependant dans
leurs conjectures.
Fethi-Ghuirai ne voulut jamais se rendre
aux sollicitations qu'ils lui firent de profiter de
cette occasion , et se retranchant toujours sur les
* Les Imas , les Komouks et beaucoup d'autres
petits Peuples du Caucase , du Daghestan et du
Chirvan , sont tous Lesghis d'origine , de moeurs et
de Religion , et ne different entre eux que par le
nom que chaquePeuplade a pris de celui du Ċamon
où elle s'est établie.
II. Vol. ordres
DECEMBR E. 1733. 2889
ordres précis qu'il avoit de la Porte , de ne point
attaquer les Moscovites le premier , il résolut
de camper aux environs de ce Village et d'essayer
d'obtenir duCommandant de Derbent , par la voie
de négociation, la permission de passer . Il y eut
effectivement plusieurs pour parler à ce sujet ,
mais le Commandant Moscovite , après avoir
amusé long-temps Fethi - Ghuirai , lui ayant à la
fin refusé nettement ce qu'il demandoit , et le
Chef des Imas voyant qu'il ne pouvoit persuader
à ce Sultan de se faire un passage par la force
des armes , il lui dit qu'il sçavoit un autre route
dans une Montague du Caucase ; qu'il n'avoit
pas voulu s'en servir d'abord , parce qu'il y avoit
douze heures de chemin à monter ; qu'elle étoit
d'ailleurs fort difficile et pleine de défilez , gardez
par des détachemens de Moscovites , mais
que puisqu'il étoit déterminé à ne vouloir pas
s'ouvrir le passage par Derbent, quoiqu'il l'assuroit
encore du succès de cette entreprise , s'il la
vouloit tenter , il n'y avoit plus d'autre parti à
prendre que celui de traverser la Montagne dont
il venoit de lui parler ; que cependant , outre les
difficultez qu'ils y rencontreroient , ils devoient
s'attendre à trouver de l'autre côté dans la Plaine
de gros corps de Moscovites , qui leur opposeroient
un pareil obstacle qu'à Derbent, il lui paroissoit
necessaire d'écrire à Soulkai , Khan de
Chamakié , pour le prier de venir avec le plus de
Troupes qu'il pourroit , pour les aider à sortir
de cet embarras , et d'attendre la réponse de ce
Khan , avant que de se mettre en chemin .
Le General Tartare ayant goûté ces dernieres
propositions , le Chef des Imas expedia cinq ou
six hommes, qui connoissant tous les sentiers détournez
de ces Rochers , porterent heureusement
II. Vol. les
2890 MERCURE DE FRANCE
les dépêches de Fethi-Ghuirai au Khan de Cha
makié.
Il est à propos de remarquer ici à l'occasion
de ce Khan , que suivant le Traité des Limites ,
signé le 8. Juillet 1724. entre les Turs et les
Moscovites , par la médiation de M. le Marquis
de Bonnac , alors Ambassadeur du Roy à la Porte
Ottomane , les Lesghis qui se trouvent dans le
Chirvan , s'étant soumis d'eux - mêmes , comme
Mahometans , au G. S. dont ils reclamerent la
protection ; Si Hautesse leur envoya un Khan
pour les commander , auquel il assigna la Vule
de Chamakié pour Capitale de cette nouvelle
Principauté , avec un Territoire qui s'étendoit
d'un côté jusqu'au Confluant du Cur et de l'Araxe
, et que le commencement des confins ayant
été fixé dans ce point de la jonction des deux Fleu
ves , il fut decidé que le côté qui est vers la Terre,
Ferme appartiendroit aux Turcs , celui qui re
garde la Mer , aux Moscovites , et le troisième ,
où est le Guilan , à la Perse.
Le Khan de Chamakié ayaur reçû les Lettres de
Fethi-Ghurai , il fit réponse à ce General qu'il
aloit rassembler les Lesghis et marcher à son
secours, en prenant les Moscovites par les derrie
res. Sur cette réponse , le Sultan er le Chef des
Imas décamperent de leur Village , où ils avoient
- demeuré 34. jours, et prirent le chemin de la
Montagne ; ils y rencontrerent effectivement ca
plusieurs détroits de petits Détachemens de Moscovites
, avec lesquels ils escarmoucherent er
qu'ils mirent en fuite sans s'arrêter : mais quand
ils eurent presque descendu cette Montagne ils
apperçûrent de loin dans la Plaine beaucoup de
Troupes Moscovites.
Le General Tartare persistaut toujours à ne
II. Vol. vouloir
DECEMBR E. 1732. 2891
Vouloir point en venir aux mains avec eux que
dans le cas d'une nécessité inévitable , leur envoya
demander le passage , ce qui lui ayant été
refusé , il continua de descendre jusqu'au pied
du Mont, où il se retrancha pour y attendre en
sureté des nouvelles du Khan Soulkaï , qui ne
paroissoit point encore ; mais après trois jours
d'attente , il le vit venir en bon ordre à la tête
d'une nombreuse troupe de Lesghis. Il sortit
alors de ses retranchemens et mit ses gens ea
bataille pour marcher aux Moscovites , qui
voyant qu'on les alloit mettre entre deux feux et
qu'ils avoient affaire à trop forte partie , se reti-
1erent promptement et laisserent le Champ libre
aux Tartares et aux Imas. Ces deux Peuples se
joignirent bien- tôt aux Lesghis et poursuivirent
leur route vers Chamakié , d'où l'on juge qu'ils
n'auront pas tardé à se répandre tous ensemble
dans le Guilan et dans les autres Provinces de
Perse qui sont au- delà de l'Araxe ,
Dès que le G. V. cut reçû cette nouvelle , il
s'informa des noms des Mirzas et des principaux
Officiers de l'Armée Tartare , et il dépêcha des
Couriers pour leur porter
des présens , avec des
ordres de prendre le chemin d'Amadan,pour unir
leurs forces à celles de Topal Osman Pacha , que
l'on dit avoir déja pris la route de Sina , qui n'est pas fort éloigné d'Amadan.
P. S. du 15. Novembre 1733 .
P. V. D ,
J'avois differé,Monsieur , à vous envoyer la Les
tre que vous venez de lire , par ce que des personnes
qui se croyoient interessées à soutenir que le
passage des Tartares en Perse éloit impossible
par le chemin qu'ils avoient pris , se sont donné
II. Vol
tant
2892 MERCURE DE FRANCE
tant de mouvement et de soins pour répandre
de fausses nouvelles à cet égard dans le Public ,
que je ne sçavois plus moi- même que croire de
ce passage , malgré sa certitude si bien établie par
la Lettre du Pacha de Ghendgé et la démarche
du G. V. auprès de Mrs les Résidens d'Allemagne
et de Russie ; mais l'Aga que la Porte avoit
chargé d'accompagner ces Troupes dans leur
route , étant depuis peu de retour ici de Tauris ,
où il les avoir laissées , je n'hésite plus à vous
envoyer ma Relation , qui est entierement conforme
pour l'essentiel au compte que cet Aga a
rendu de sa Mission à la Porte,
P. V. D.
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Résumé : LETTRE de Constantinople, écrite le 20. Septembre 1733. sur le Passage des Tartares en Perse.
Le 20 septembre 1733, une lettre de Constantinople confirme le passage des Tartares en Perse. Les informations, reçues le 14 septembre, proviennent d'une lettre du Pacha de Ghendgé adressée au Grand-Visir. Ce dernier a informé les résidents d'Allemagne et de Moscovie de cet événement. L'auteur corrige deux erreurs précédentes concernant la route des Tartares, précisant qu'ils ont traversé le Daghestan et le Chirvan avant d'atteindre Derbent. Les Tartares, au nombre de 30 000 hommes, ont rencontré les Imas près de Derbent. Le chef des Imas a proposé de guider les Tartares en Perse par un chemin connu de lui, mais le général tartare Fethi-Ghuirai a refusé d'attaquer les Moscovites à Derbent, préférant négocier. Face au refus moscovite, les Tartares ont emprunté une route montagneuse du Caucase, malgré les dangers. Ils ont ensuite été rejoints par le Khan de Chamakié et ses troupes. Les Moscovites, face à cette coalition, se sont retirés. Les Tartares et les Imas, rejoints par les Lesghis, ont poursuivi leur route vers Chamakié, puis vers le Guilan et d'autres provinces persanes. Le Grand-Visir a envoyé des présents et des ordres aux mirzas et officiers tartares pour qu'ils se dirigent vers Amadan afin de renforcer les troupes de Topal Osman Pacha.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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28
p. 2892-2900
AUTRE LETTRE de Constantinople du 18 Novembre 1733. Défaite de Thamas Kouli-Kan par Topal-Osman.
Début :
Plusieurs Tartares arrivez ici dans la nuit du 8. au 9. de ce mois, ont apporté la nouvelle [...]
Mots clefs :
Thamas Kouli-Kan, Topal Osman Pacha, Armée, Sérasker, Général, Hommes, Bagdad, Kerkout, Perse, Aghuans, Persans, Porte, Constantinople
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE LETTRE de Constantinople du 18 Novembre 1733. Défaite de Thamas Kouli-Kan par Topal-Osman.
AUTRE LETTRE de Constantinople
du 18 Novembre 1733. Défaute de
Thamas Kouli - Kan par Topal Osman.
Plusieurs Tartares arrivez ici dans la nuit du
8. au 9. de ce mois , ont apporté la nouvelle .
d'une seconde victoire que Topal - Osman Pacha
Seraskier a remportée le 22. du mois passé.
Mais avant que d'en faire le récit , il est à propos
de reprendre les choses de plus loin et
de rapporter quelques faits qui ont precedé cer
Evenement, dont on a été d'autant plus surpris
qu'on n'avoit pas lieu de s'y attendre.
Depuis la défaite de Thamas- Kouli Kan , du
19. Juillet , et la levée du Blocus de Bagdad ,
qui deux jours après en fut le premier fruit , ce
General Persan, quoique dangereusement blessé ,
ayant gagné Amadan avec les debris de son Armée,
paroissoit y vouloir demeurer sur la deffensive,
soit par les soins qu'il prenoit de fortifier cette
Place et quelques autres aux environs , soit par
II. Vel - Je
DECEMBRE. 1733. 2893
le peu de monde qui lui restoit en état de servir.
Il est vrai que quelque temps après sa retraite
à Amadan il écrivit à Acmet - Pacha, Gouverneur
de, Bagdad , que malgré les désavantages qu'il
avoit eus cette année , il ne se tenoit pas pour
tout-à- fait vaincu , qu'il reconnoissoit les fautes
qu'il avoit commises , et qu'il n'y retomberoit
plus ; mais que comme il vouloit faire la guerre
noblement , il le prévenoit d'avance qu'au Printemps
prochain il se remettroit en campagne
avec une Armée plus nombreuse que celle qu'il
avoit perdue , et qu'il l'iroit trouver à Bagdad.
Ces menaces pouvant être regardées comme
des rodomontades , sur tout de la part d'un homme
aussi va n que l'est Kouli - Kan , et ne devant
pas d'ailleurs s'executer si - tôt , on n'avoit
pas sujet d'en craindre des effets prochains.
Achmet-Pacha cependant ne laissa pas de redoubler
son attention pour ravitailler sa Place
et la mettre en état de soutenir un second Siege,
autant que le Pais des environs qui est entiererement
ruiné à plus de 20. lieues à la ronde , et
les autres circonstances où il se trouvoit , pouvoient
le lui permettre ; et Topal Osman , qui
de son côté ne pouvoit , faute de munitions ,
tenter de nouvelles conquêtes , se borna à envoyer
Poulac Pacha avec 6000. hommes s'emparer
de Takaya ou Tayon , suivant la Carte de
M. de Lisle , Défilé dans des Montagnes , par où
il faut absolument passer pour venir d'Amadan
sur les Terres de Turquie. Ensuite divisant son
Armée en plusieurs corps pour la faire plus aisément
subsister, il se retira à Kerkout,à cinq journées
de ce passage, avec environ trente mille hommes
seulement , qu'il disposa dans les lieux cir-
Convoisins , n'en gardant avec lui qu'un petit
II. Vol. nombre
2894 MERCURE DE FRANCE
nombre pour servir de garnison à cette Forteresse.
Les choses étoient dans cet état quand le Seraskier
eut avis que le fils de Thamas Kouli-Kan
amenoit au Candahar quarante mille Aghuans à
son pere , il en informa aussi-tôt la Porte par
un Courier qu'il dépêcha , et representa , comme
il l'avoit déja fait plusieurs fois , la necessité
qu'il y avoit d'envoyer en Perse de prompts secours
d'hommes , d'argent et de vivres , et il demanda
en même - temps qu'en consideration de
sa vieillesse et de ses infirmitez , on lui permit
de se démettre de la Charge de Séraskier, en faveur
d'Achinet Pacha , qui étoit plus en état que
lui de la remplir dignement.
Le G. S. deferant à ses prieres , et ne voulant
pourtant pas qu'is se retirat entierement du service
, l'avoit nonmé Pacha de Cutaya'; Ville
d'Asie , à trois journées de Constantinople , et
Beyglerbey de Natolie ; l'expedition des ordres
pour ces nouveaux arrangemens , étoit même
déja prête à partir , lorsque la Porte reçut de
nouvelles Lettres de Topal- Osman , par lesquel
les il mandoit que les Persans avoient forcé le
passage de Takaya , et que leur General s'avançoit
vers lui avec une nombreuse Armee de Cavalerie
, sur quoi il renouvelloit ses instances
pour l'envoi des secours qu'il avoit demandez.
On tint sur ce sujet un Grand- Conseil au Sérail
le premier de ce mois , mais les résolutions
qu'on y prit furent tenues si secrettes , que le
Public ne fut pas même informé alors de la nouvelle
pour laquelle ce Conseil avoit été assemblé.
On scut seulement qu'on y avoit décidé de sus
pendre l'execution des ordres dont j'ai parlé cy
dessus et que Topal -Osman continueroit à com
nander l'Armée Ottomane en Perse.
DECEMBRE . 1733. 2895
>
Venons à Kouli - Kan ; les Aghuans que conduisoit
son fils , l'ayant joint à Amadan , il en
partit peu de jours après avec so. à 60. mille
hommes de Cavalerie , dont il fit prendre les devans
20. mille pour se saisir du défilé de Takaya.
Poulac Pacha , à qui , comme on l'a dit ,
la garde en avoit été confiée soit qu'il cut
négligé de s'y fortifier , ou qu'il eût été surpris
all'improviste , soit qu'il ne lui parût pas possible
de résister à l'Armée Persane , que de faux avis
lui avoient fait monter à 200. milie Combatans ;
Poulac- Pacha , dis je , à la vue des 20. mille
Aghuans qui venoient l'attaquer , prit la fuite et
se sauva , à la verité , avec presque tout son
monde , mais sans pouvoir rien emporter de son
Camp , qu'il abandonna.
Dès que Topal - Osman le vit arriver en
fuyard à Kerkout , il fut si indigné contre lui ,
et sur tout de ce qu'il n'avoit pas eu le soin de
prendre de plus exactes informations sur le veritable
nombre des ennemis, qu'il vouloit lui taire
couper la tête. Cependant tant de gens de cousidération
se jetterent à ses pieds , pour lui demander
la grace de cet infortuué Pacha , en lui
rappellant les marques éclatantes , qu'il avoit
données de sa bravoure dans la Bataille du 19 Juil.
let qu'enfin le Seraskier se laissa fléchir; mais prévoyant
bien qu'il alloit se trouver dans de grands
embarras , que le danger étoit pressant , et qu'il
ne devoit pas compter sur les secours qu'il avoit
si souvent sollicitez à la Porte , il se tourna du
côté des Arabes du voisinage dont il demanda
l'assistance et dont plusieurs Cheiks , ou Commandants
lui ammenerent sept à huit mille
hommes. Il rapella en même tems le plus de
Troupes Ottomanes qu'il put rassembler , sor-
I. Vol.
2896 MERCURE DE FRANCE
氧
tit de Kerkout , mit son Armée en Bataille devant
cette place ; et fit faire de bons retranchemens
, boracz de 60 piéces de Canons.
Il étoit encore occupé à fortifier son Camp ,
lorsqu'un exprès du General de Perse lui en apporta
une Lettre , par laquelle cet orgueilleux
ennemi marquoit qu'il marchoit à lui , et que
non -seulemene il enleveroit sa petite Armée ,
mais qu'il l'enleveroit lui même comme un enfant
avec son Bechik. Pour entendre la mauvaise
plaisanterie que ce mot Persan renferme , il faut
sçavoir qu'il signifie tout à la fois , Berceau et
Litiere , et que Topal Osman à cause de ses infirmitez
est obligé depuis long- tems à se servir
de cette voiture.
Le Seraskier ne répondit autre chose à cette
Lettre insultante , sinon qu'il étoit boiteux ,
vieux , et malade qu'il ne pouvoit aller au devant
de Kouli- Kan, mais qu'il l'attendoit et que
/ Dieu décideroit de tout.
Ce dernier continuant sa route passa près de
Bagdad sans s'arrêter , comptant toujours que
cette place ne pouroit manquer de tomber entre
ses mains , dès qu'il auroit battu les Turcs ,
comme il s'en flatoit : mais on dit qu'il surprit
tine fort grosse Caravane qui sortoit de cette
Ville , et qui étant destinée pour Alep , Smirne,
et Constantinople , étoit d'autant plus riche que
ceux qui l'avoient formée , croyant leurs effets
en sureté sur la route , depuis la défaite et la
retraite des Persans , ils avoient fait des envoys
considerables de Marchandises précieuses pour
se dédommager de la longue interruption de leur
commerce.
Enfin Kouli- Kan venant à paroître à la veuë
de Kerkout , le 22 Octobre Topal - Osman le
II. Vol. laissa
DECEMBRE . 1733. 2897
laissa approcher de ses retranchemens jusqu'à la
portée du fusil : il fit faire alors une décharge
de toute son Artillerie chargée à mitraille , et de
toute sa Mousqueterie , ce qui commença à
jetter un grand désordre dans l'Armée Persane , )
il dit à ses Soldats qu'il n'avoit rien à leur commander
; qu'ils étoient bien retranchez et qu'ils
pouvoient se tenir sur la deffensive ; mais qu'il
permettroit volontiers de sortir du Camp à tous
ceux qui auroient assez de valeur pour aller atta
quer l'ennemi . A ce discours , les Jannissaires
du Caire , et quelques Corps de Romelie qui ne
s'étoient point trouvez à l'Action du 19 Juillet
se piquerent d'honneur ; et secondez par quelques
autres Troupes et par les Arabes , ils fondirent
avec furie sur les Persans . Il faisoit beaucoup
de poussiere , un gros brouillard et un
vent qui soufloit la poudre aux yeux de ceux ci,
dont les Turcs tirerent un grand avantage.
›
Après quatre heures d'un combat opiniâtre ,
le Seraskier s'appercevant que ses Troupes prenoient
le dessus , il fit ordonner à tout ce qui
lui en restoit dans le Camp , de venir partager
le péril et la gloire de cette journée. Ce renfort
redoubla le courage des Turcs et acheva d'abbattre
celui des Persans : ils prirent enfin la fuite,
laissant 6000 des leurs sur la Place , dont on apporta
les têtes aux pieds de Topal - Osman , ct
trois mille Prisonniers , parmi lesquels on dit ,
que sont le Beau- pere et le neveu de Kouli - Kan
avec plusieurs Seigneurs de marque.
> Le Seraskier les ayant fait venir devant lui
leur demanda comment leur General après avoir
été si bien battu auprès de Bagdat, étoit revenu
le chercher avec tant de diligence ? Seigneur
lui répondirent- ils , Thamas Kouli - Kan n'a d'a-
II. Vol. G bord .
288 MERCURE DE FRANCE
,
bord fait cette démarches que sur les assurances
qu'on lui avoit données de plusieurs endroits que
vous étiez mort et dans la persuasion où il étoit
qu'un Chef tel que vous manquant à l'Armée Ottomane
, il en triompheroit aisément , et qu'ensuite il
ne trouveroit que de foibles obstacles à s'emparer de
Bagdad. Il a bien reconnu depuis , qu'on lui en
avoit imposé , mais il n'a pú se résoudre à reculer,
et il s'est d'ailleurs fié en son courage et à celui des
Aghuans , avec lesquels il a ci- devant remporté
beaucoup de Victoires ,
Il est à remarquer qu'aussi - tôt qu'Achmet Pacha
eût apris que Polac Pacha avoit abandonné le defilé
de Taxaya , il se pressa de faire entrer dans sa
Place tout ce qu'il put ramasser d'utile , et de faire
fermer les Portes , ne doutant pas que Kouli - Kan
ne vint en renouveler le blocus . Il régaloit même
dans ce moment le Buyuk Imbrohor , ou grand
Ecuyer du G.S.qui étoit sur le point de partir pour
revenir à Constantinople ; et iui ayant represen
té le risque qu'il y auroit pour lui sur le chemin
de Bagdad à Kerkout , qui devoit être alors infesté
de partis Ennemis , il lui fit prendre la route
de Mossul par le desert. Topal - Osman en
ayant été informé , envoya à ce Grand - Ecuyer
une Relation de l'Affaire qu'on vient de raconter ,
avec ordre de la faire passer incessamment à la
Porte , et d'attendre encore de ses nouvelles à
Mossul.
On présume de - là , qu'apparemment le Seraskier
veut lui faire remettre avec sureté le Beaupere
et le neveu de Kouli- Kan , avec les autres
Prisonniers de distinction , pour qu'il les conduise
et les présente lui - même au G. S.
Comme suivant quelques avis Kouli-Kan
après cette derniere déroute . s'étoit arrêté à
II. Vol. Leilan
DFCEMBRE. 1733. 2899
>
Leilan qui n'est qu'à cinq lieues de Kerkout
et qu'on craint avec raison qu'il ne veuille encore
tenter le sort des Armes , la Porte a dépêché un
Courier à Demir Pacha qui commiande 40
mille hommes aux environs de Tauris , avec ordre
de marcher en diligence avec les Tartares
qui sont passez en Perse , lesquels l'auront joint
vers les lieux où l'Armée de Kouli - Kan sera
campée.
Quoique cette nouvelle Victoire de Topal-
Osman soit encore plus glorieuse pour lui que la
premiere , on n'a cependant point tiré le Canon
ici , comme il est d'usage en pareil cas , parce
qu'on attend, dit - on , l'arrivée du Buyuk Imbrohor,
ou celle de quelque personne qui vienne directement
de la part du Seraskier.
Du 18 Novembre 1733.
P. V. D.
Comme j'allois fermer mon paquet , Monsieur,
on m'est venu dire une nouvelle de la derniere
importance pour cet Empire ; sçavoir , que Topal-
Osman Pacha étant allé attaquer Thamas
Kouli- Kan à Leilan , où je vous ai marqué qu'il
s'étoit arrêté , après sa dérouté du 22 Octobre ,
les Aghuans qui composoient la meilleure partie
de l'Armée Persane, avoient ployé leurs Etendarts
et s'étoient venus rendre à Topal - Osman , que
Kouli-Kan trop affoibli par cette désertion
pour pouvoir resister aux Turcs , avoit pris la
fuite vers la Perse avec environ 10000 hommes
qui lui restoient , que Topal - Osman l'avoit fait
suivre par Menis Pacha à la tête d'un gros
Corps de Troupes , et avoit donné ordre en
même tems aux Curdes de s'emparer d'un defilé
par où il falloit necessairement que les Persans
II. Vol.
Gij
passassent
2000 MERCURE DE FRANCE
>
passassent; que leur General se voyant prêt d'être
assailli par devant et par derriere , sans espérance
de pouvoir échapper , avoit écrit une Lettre
à Topal- Osman , par laquelle il se confessoit
vaincu et lui demandoit la Paix à telles conditions
qu'il voudroit lui imposer , mais que le
Seraskier lui avoit répondu que le regardant
comme un Rebelle , il ne vouloit traiter en aucune
façon avec lui ; enfin que suivant l'extre
mité ou Kouli- Kan étoit réduit au depart des
trois Couriers qui ont apporté cette nouvelle
ce matin , ce General Persan doit avoir été pris
depuis avec le reste de son Armée.
On a tenu ici sur le champ un Conseil general
au Serail , dans lequel il a été résolu d'envoyer
sans délai des pleins pouvoirs à Topal - Osman ,
pour traiter de la Paix avec des Ministres du léitime
Souverain de Perse , que l'on dit être un
jeune Fils de Schah - Thamas , ce dernier étant
à ce que l'on ajoute , et avec ordre de
n'écouter aucune proposition de la part de Thamas
Kouli- Kan,
mort ,
P. V. D.
du 18 Novembre 1733. Défaute de
Thamas Kouli - Kan par Topal Osman.
Plusieurs Tartares arrivez ici dans la nuit du
8. au 9. de ce mois , ont apporté la nouvelle .
d'une seconde victoire que Topal - Osman Pacha
Seraskier a remportée le 22. du mois passé.
Mais avant que d'en faire le récit , il est à propos
de reprendre les choses de plus loin et
de rapporter quelques faits qui ont precedé cer
Evenement, dont on a été d'autant plus surpris
qu'on n'avoit pas lieu de s'y attendre.
Depuis la défaite de Thamas- Kouli Kan , du
19. Juillet , et la levée du Blocus de Bagdad ,
qui deux jours après en fut le premier fruit , ce
General Persan, quoique dangereusement blessé ,
ayant gagné Amadan avec les debris de son Armée,
paroissoit y vouloir demeurer sur la deffensive,
soit par les soins qu'il prenoit de fortifier cette
Place et quelques autres aux environs , soit par
II. Vel - Je
DECEMBRE. 1733. 2893
le peu de monde qui lui restoit en état de servir.
Il est vrai que quelque temps après sa retraite
à Amadan il écrivit à Acmet - Pacha, Gouverneur
de, Bagdad , que malgré les désavantages qu'il
avoit eus cette année , il ne se tenoit pas pour
tout-à- fait vaincu , qu'il reconnoissoit les fautes
qu'il avoit commises , et qu'il n'y retomberoit
plus ; mais que comme il vouloit faire la guerre
noblement , il le prévenoit d'avance qu'au Printemps
prochain il se remettroit en campagne
avec une Armée plus nombreuse que celle qu'il
avoit perdue , et qu'il l'iroit trouver à Bagdad.
Ces menaces pouvant être regardées comme
des rodomontades , sur tout de la part d'un homme
aussi va n que l'est Kouli - Kan , et ne devant
pas d'ailleurs s'executer si - tôt , on n'avoit
pas sujet d'en craindre des effets prochains.
Achmet-Pacha cependant ne laissa pas de redoubler
son attention pour ravitailler sa Place
et la mettre en état de soutenir un second Siege,
autant que le Pais des environs qui est entiererement
ruiné à plus de 20. lieues à la ronde , et
les autres circonstances où il se trouvoit , pouvoient
le lui permettre ; et Topal Osman , qui
de son côté ne pouvoit , faute de munitions ,
tenter de nouvelles conquêtes , se borna à envoyer
Poulac Pacha avec 6000. hommes s'emparer
de Takaya ou Tayon , suivant la Carte de
M. de Lisle , Défilé dans des Montagnes , par où
il faut absolument passer pour venir d'Amadan
sur les Terres de Turquie. Ensuite divisant son
Armée en plusieurs corps pour la faire plus aisément
subsister, il se retira à Kerkout,à cinq journées
de ce passage, avec environ trente mille hommes
seulement , qu'il disposa dans les lieux cir-
Convoisins , n'en gardant avec lui qu'un petit
II. Vol. nombre
2894 MERCURE DE FRANCE
nombre pour servir de garnison à cette Forteresse.
Les choses étoient dans cet état quand le Seraskier
eut avis que le fils de Thamas Kouli-Kan
amenoit au Candahar quarante mille Aghuans à
son pere , il en informa aussi-tôt la Porte par
un Courier qu'il dépêcha , et representa , comme
il l'avoit déja fait plusieurs fois , la necessité
qu'il y avoit d'envoyer en Perse de prompts secours
d'hommes , d'argent et de vivres , et il demanda
en même - temps qu'en consideration de
sa vieillesse et de ses infirmitez , on lui permit
de se démettre de la Charge de Séraskier, en faveur
d'Achinet Pacha , qui étoit plus en état que
lui de la remplir dignement.
Le G. S. deferant à ses prieres , et ne voulant
pourtant pas qu'is se retirat entierement du service
, l'avoit nonmé Pacha de Cutaya'; Ville
d'Asie , à trois journées de Constantinople , et
Beyglerbey de Natolie ; l'expedition des ordres
pour ces nouveaux arrangemens , étoit même
déja prête à partir , lorsque la Porte reçut de
nouvelles Lettres de Topal- Osman , par lesquel
les il mandoit que les Persans avoient forcé le
passage de Takaya , et que leur General s'avançoit
vers lui avec une nombreuse Armee de Cavalerie
, sur quoi il renouvelloit ses instances
pour l'envoi des secours qu'il avoit demandez.
On tint sur ce sujet un Grand- Conseil au Sérail
le premier de ce mois , mais les résolutions
qu'on y prit furent tenues si secrettes , que le
Public ne fut pas même informé alors de la nouvelle
pour laquelle ce Conseil avoit été assemblé.
On scut seulement qu'on y avoit décidé de sus
pendre l'execution des ordres dont j'ai parlé cy
dessus et que Topal -Osman continueroit à com
nander l'Armée Ottomane en Perse.
DECEMBRE . 1733. 2895
>
Venons à Kouli - Kan ; les Aghuans que conduisoit
son fils , l'ayant joint à Amadan , il en
partit peu de jours après avec so. à 60. mille
hommes de Cavalerie , dont il fit prendre les devans
20. mille pour se saisir du défilé de Takaya.
Poulac Pacha , à qui , comme on l'a dit ,
la garde en avoit été confiée soit qu'il cut
négligé de s'y fortifier , ou qu'il eût été surpris
all'improviste , soit qu'il ne lui parût pas possible
de résister à l'Armée Persane , que de faux avis
lui avoient fait monter à 200. milie Combatans ;
Poulac- Pacha , dis je , à la vue des 20. mille
Aghuans qui venoient l'attaquer , prit la fuite et
se sauva , à la verité , avec presque tout son
monde , mais sans pouvoir rien emporter de son
Camp , qu'il abandonna.
Dès que Topal - Osman le vit arriver en
fuyard à Kerkout , il fut si indigné contre lui ,
et sur tout de ce qu'il n'avoit pas eu le soin de
prendre de plus exactes informations sur le veritable
nombre des ennemis, qu'il vouloit lui taire
couper la tête. Cependant tant de gens de cousidération
se jetterent à ses pieds , pour lui demander
la grace de cet infortuué Pacha , en lui
rappellant les marques éclatantes , qu'il avoit
données de sa bravoure dans la Bataille du 19 Juil.
let qu'enfin le Seraskier se laissa fléchir; mais prévoyant
bien qu'il alloit se trouver dans de grands
embarras , que le danger étoit pressant , et qu'il
ne devoit pas compter sur les secours qu'il avoit
si souvent sollicitez à la Porte , il se tourna du
côté des Arabes du voisinage dont il demanda
l'assistance et dont plusieurs Cheiks , ou Commandants
lui ammenerent sept à huit mille
hommes. Il rapella en même tems le plus de
Troupes Ottomanes qu'il put rassembler , sor-
I. Vol.
2896 MERCURE DE FRANCE
氧
tit de Kerkout , mit son Armée en Bataille devant
cette place ; et fit faire de bons retranchemens
, boracz de 60 piéces de Canons.
Il étoit encore occupé à fortifier son Camp ,
lorsqu'un exprès du General de Perse lui en apporta
une Lettre , par laquelle cet orgueilleux
ennemi marquoit qu'il marchoit à lui , et que
non -seulemene il enleveroit sa petite Armée ,
mais qu'il l'enleveroit lui même comme un enfant
avec son Bechik. Pour entendre la mauvaise
plaisanterie que ce mot Persan renferme , il faut
sçavoir qu'il signifie tout à la fois , Berceau et
Litiere , et que Topal Osman à cause de ses infirmitez
est obligé depuis long- tems à se servir
de cette voiture.
Le Seraskier ne répondit autre chose à cette
Lettre insultante , sinon qu'il étoit boiteux ,
vieux , et malade qu'il ne pouvoit aller au devant
de Kouli- Kan, mais qu'il l'attendoit et que
/ Dieu décideroit de tout.
Ce dernier continuant sa route passa près de
Bagdad sans s'arrêter , comptant toujours que
cette place ne pouroit manquer de tomber entre
ses mains , dès qu'il auroit battu les Turcs ,
comme il s'en flatoit : mais on dit qu'il surprit
tine fort grosse Caravane qui sortoit de cette
Ville , et qui étant destinée pour Alep , Smirne,
et Constantinople , étoit d'autant plus riche que
ceux qui l'avoient formée , croyant leurs effets
en sureté sur la route , depuis la défaite et la
retraite des Persans , ils avoient fait des envoys
considerables de Marchandises précieuses pour
se dédommager de la longue interruption de leur
commerce.
Enfin Kouli- Kan venant à paroître à la veuë
de Kerkout , le 22 Octobre Topal - Osman le
II. Vol. laissa
DECEMBRE . 1733. 2897
laissa approcher de ses retranchemens jusqu'à la
portée du fusil : il fit faire alors une décharge
de toute son Artillerie chargée à mitraille , et de
toute sa Mousqueterie , ce qui commença à
jetter un grand désordre dans l'Armée Persane , )
il dit à ses Soldats qu'il n'avoit rien à leur commander
; qu'ils étoient bien retranchez et qu'ils
pouvoient se tenir sur la deffensive ; mais qu'il
permettroit volontiers de sortir du Camp à tous
ceux qui auroient assez de valeur pour aller atta
quer l'ennemi . A ce discours , les Jannissaires
du Caire , et quelques Corps de Romelie qui ne
s'étoient point trouvez à l'Action du 19 Juillet
se piquerent d'honneur ; et secondez par quelques
autres Troupes et par les Arabes , ils fondirent
avec furie sur les Persans . Il faisoit beaucoup
de poussiere , un gros brouillard et un
vent qui soufloit la poudre aux yeux de ceux ci,
dont les Turcs tirerent un grand avantage.
›
Après quatre heures d'un combat opiniâtre ,
le Seraskier s'appercevant que ses Troupes prenoient
le dessus , il fit ordonner à tout ce qui
lui en restoit dans le Camp , de venir partager
le péril et la gloire de cette journée. Ce renfort
redoubla le courage des Turcs et acheva d'abbattre
celui des Persans : ils prirent enfin la fuite,
laissant 6000 des leurs sur la Place , dont on apporta
les têtes aux pieds de Topal - Osman , ct
trois mille Prisonniers , parmi lesquels on dit ,
que sont le Beau- pere et le neveu de Kouli - Kan
avec plusieurs Seigneurs de marque.
> Le Seraskier les ayant fait venir devant lui
leur demanda comment leur General après avoir
été si bien battu auprès de Bagdat, étoit revenu
le chercher avec tant de diligence ? Seigneur
lui répondirent- ils , Thamas Kouli - Kan n'a d'a-
II. Vol. G bord .
288 MERCURE DE FRANCE
,
bord fait cette démarches que sur les assurances
qu'on lui avoit données de plusieurs endroits que
vous étiez mort et dans la persuasion où il étoit
qu'un Chef tel que vous manquant à l'Armée Ottomane
, il en triompheroit aisément , et qu'ensuite il
ne trouveroit que de foibles obstacles à s'emparer de
Bagdad. Il a bien reconnu depuis , qu'on lui en
avoit imposé , mais il n'a pú se résoudre à reculer,
et il s'est d'ailleurs fié en son courage et à celui des
Aghuans , avec lesquels il a ci- devant remporté
beaucoup de Victoires ,
Il est à remarquer qu'aussi - tôt qu'Achmet Pacha
eût apris que Polac Pacha avoit abandonné le defilé
de Taxaya , il se pressa de faire entrer dans sa
Place tout ce qu'il put ramasser d'utile , et de faire
fermer les Portes , ne doutant pas que Kouli - Kan
ne vint en renouveler le blocus . Il régaloit même
dans ce moment le Buyuk Imbrohor , ou grand
Ecuyer du G.S.qui étoit sur le point de partir pour
revenir à Constantinople ; et iui ayant represen
té le risque qu'il y auroit pour lui sur le chemin
de Bagdad à Kerkout , qui devoit être alors infesté
de partis Ennemis , il lui fit prendre la route
de Mossul par le desert. Topal - Osman en
ayant été informé , envoya à ce Grand - Ecuyer
une Relation de l'Affaire qu'on vient de raconter ,
avec ordre de la faire passer incessamment à la
Porte , et d'attendre encore de ses nouvelles à
Mossul.
On présume de - là , qu'apparemment le Seraskier
veut lui faire remettre avec sureté le Beaupere
et le neveu de Kouli- Kan , avec les autres
Prisonniers de distinction , pour qu'il les conduise
et les présente lui - même au G. S.
Comme suivant quelques avis Kouli-Kan
après cette derniere déroute . s'étoit arrêté à
II. Vol. Leilan
DFCEMBRE. 1733. 2899
>
Leilan qui n'est qu'à cinq lieues de Kerkout
et qu'on craint avec raison qu'il ne veuille encore
tenter le sort des Armes , la Porte a dépêché un
Courier à Demir Pacha qui commiande 40
mille hommes aux environs de Tauris , avec ordre
de marcher en diligence avec les Tartares
qui sont passez en Perse , lesquels l'auront joint
vers les lieux où l'Armée de Kouli - Kan sera
campée.
Quoique cette nouvelle Victoire de Topal-
Osman soit encore plus glorieuse pour lui que la
premiere , on n'a cependant point tiré le Canon
ici , comme il est d'usage en pareil cas , parce
qu'on attend, dit - on , l'arrivée du Buyuk Imbrohor,
ou celle de quelque personne qui vienne directement
de la part du Seraskier.
Du 18 Novembre 1733.
P. V. D.
Comme j'allois fermer mon paquet , Monsieur,
on m'est venu dire une nouvelle de la derniere
importance pour cet Empire ; sçavoir , que Topal-
Osman Pacha étant allé attaquer Thamas
Kouli- Kan à Leilan , où je vous ai marqué qu'il
s'étoit arrêté , après sa dérouté du 22 Octobre ,
les Aghuans qui composoient la meilleure partie
de l'Armée Persane, avoient ployé leurs Etendarts
et s'étoient venus rendre à Topal - Osman , que
Kouli-Kan trop affoibli par cette désertion
pour pouvoir resister aux Turcs , avoit pris la
fuite vers la Perse avec environ 10000 hommes
qui lui restoient , que Topal - Osman l'avoit fait
suivre par Menis Pacha à la tête d'un gros
Corps de Troupes , et avoit donné ordre en
même tems aux Curdes de s'emparer d'un defilé
par où il falloit necessairement que les Persans
II. Vol.
Gij
passassent
2000 MERCURE DE FRANCE
>
passassent; que leur General se voyant prêt d'être
assailli par devant et par derriere , sans espérance
de pouvoir échapper , avoit écrit une Lettre
à Topal- Osman , par laquelle il se confessoit
vaincu et lui demandoit la Paix à telles conditions
qu'il voudroit lui imposer , mais que le
Seraskier lui avoit répondu que le regardant
comme un Rebelle , il ne vouloit traiter en aucune
façon avec lui ; enfin que suivant l'extre
mité ou Kouli- Kan étoit réduit au depart des
trois Couriers qui ont apporté cette nouvelle
ce matin , ce General Persan doit avoir été pris
depuis avec le reste de son Armée.
On a tenu ici sur le champ un Conseil general
au Serail , dans lequel il a été résolu d'envoyer
sans délai des pleins pouvoirs à Topal - Osman ,
pour traiter de la Paix avec des Ministres du léitime
Souverain de Perse , que l'on dit être un
jeune Fils de Schah - Thamas , ce dernier étant
à ce que l'on ajoute , et avec ordre de
n'écouter aucune proposition de la part de Thamas
Kouli- Kan,
mort ,
P. V. D.
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Résumé : AUTRE LETTRE de Constantinople du 18 Novembre 1733. Défaite de Thamas Kouli-Kan par Topal-Osman.
En novembre 1733, une lettre de Constantinople annonce la victoire de Topal Osman Pacha, Seraskier, sur Thamas Kouli-Kan. Après sa défaite du 19 juillet, Kouli-Kan s'était retranché à Amadan et menaçait de revenir au printemps avec une armée renforcée. Achmet Pacha, gouverneur de Bagdad, avait renforcé les défenses, tandis que Topal Osman, manquant de munitions, avait envoyé Poulac Pacha sécuriser le défilé de Takaya. Kouli-Kan, soutenu par des Aghuans amenés par son fils, a forcé ce passage et vaincu Poulac Pacha. Informé, Topal Osman a rassemblé des troupes et des Arabes, et préparé sa défense à Kerkout. Le 22 octobre, il a repoussé Kouli-Kan, infligeant de lourdes pertes aux Persans. Après cette victoire, Kouli-Kan s'est retiré à Leilan. Topal Osman a poursuivi les Persans, et les Aghuans ont déserté, permettant à Topal Osman de vaincre définitivement Kouli-Kan, qui a fui vers la Perse avec quelques milliers d'hommes. Parallèlement, Thamas Kouli-Kan avait demandé la paix à Topal Osman, mais ce dernier l'avait rejetée, considérant Kouli-Kan comme un rebelle. Des informations récentes suggèrent que Kouli-Kan et son armée ont probablement été capturés. En réponse, un conseil général a été tenu au Serail, décidant d'envoyer des pleins pouvoirs à Topal Osman pour négocier la paix avec les ministres du légitime souverain de Perse, identifié comme un jeune fils de Schah-Thamas. Les instructions étaient de ne pas écouter les propositions de Thamas Kouli-Kan, désormais décédé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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29
p. 586-593
A Constantinople le 15. Janvier 1734.
Début :
La derniere Lettre que je vous écrivis, Monsieur, en datte des 12. et 20. Novembre, [...]
Mots clefs :
Topal Osman Pacha, Thamas Kouli-Kan, Turcs, Troupes, Kerkout, Bagdad, Perse, Memis Pacha, Achmet Pacha, Constantinople
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texteReconnaissance textuelle : A Constantinople le 15. Janvier 1734.
A Constantinople le 15. Janvier 1734-
L
A derniere Lettre que je vous écrivis , Monsieur
, en datte des 12. et 20. Novembre
ne vous parloit que des triomphes de Topal - Osman
Pacha ; je me préparois même alors avec
plaisir à vous en annoncer bien- tôt un autre
qui auroit mis le comble à sa gloire , et qui suivant
la situation où l'on assuroit que les affaires
des Turcs étoient en Perse , ne pouvoit lui manquer
, mais la Providence en a ordonné autrement
, et ce grand homme a trouvé sa défaite
où tout sembloit lui promettre celle de son Ennemi.
Quoique je ne doute pas que vous ne
soyez déja informé de cet Evenement, je ne laisse
pas de vous faire part de ce que j'en ai appris ,
parce que les premieres Relations qui en coururent
d'abord ont été démenties dans plusieurs
points par de plus fidelles qui sont venuës après.
Memis- Pacha , qui , comme je vous l'ai déja
mandé , avoit été détaché avec un Corps de
Troupes , chargé de poursuivre Thamas Kouli-
Kan ; après la déroute de celui-cy à Leilan , ne
se sentant pas assez fort pour l'attaquer dans le
Défilé , où l'on prétendoit qu'il avoit été contraint
de se renfermer , envoya demander du
secours à Topal - Osman. Ce Seraskier impatient
de terminer par quelque coup décisif une guerre
que le desespoir plutôt que les forces du General
Persan pouvoit encore prolonger , s'il le l'aissoit
MARS. 1734.
587
rage
soit échapper du mauvais pas, où il le croyoit engagé,
se flata que sa présence redoubleroit le coudes
Turcs, comme il l'avoit éprouvé tant de
fois, et lui faciliteroit la victoire sur son Ennemi .
Il marcha donc avec le peu de Troupes qui lui restoient,
mais à peine cut- il joint Memis-Pacha, sur
lequel Thamas Kouli- Kan vint fondre avec fureur
, que par des raisons qui n'ont pas été bien
éclaircies , ce Pacha , dont jusqu'alors la bravoure,
n'avoit point parû équivoque , prit la fuite
avec toutes ses Troupes sans faire la moindre
résistance.
Topal- Osman outré de s'en voir si lâchement
abandonné , mais incapable de suivre son exemple
, s'abandonna lui - même à son intrépidité ,
et malgré la supériorité du nombre des Persans ,
il soutint leurs attaques pendant quelques heures
, secondé du peu de monde qu'il avoit ame
né ; il combattoit même avec avantage et leur
faisoit déja perdre du terrain , lorsque deux
coups de fusil qu'il reçut à la fois , le firent tomber
mort de cheval . Ce funeste spectacle jetta un
si grand et si subit dérangement parmi ses Soldats
, qu'ils se débanderent aussi- tôt et prirent
à toutes jambes la route de Kerkout , dans laquelle
Memis-Pacha les avoit devancez.
Kouli Kan , qui depuis qu'il a' pris les armes
ne s'étoit fait connoître que par un orgueil insupportable
et un courage qui tenoit plus de la
férocité qu'on respire sur les Montagnes où il a
reçû le jour , que de cette valeur genereuse qui
n'est pas moins souvent le fruit d'une belle édu
cation , qu'un présent de la Nature , donna ce
pendant en cette occasion une marque de gran
deur d'ame à laquelle on ne s'attendoit
part,et qu'il y auroit de l'injustice à passer sous
H vj silence
pas
de sa
$ 88 MERCURE DE FRANCE
silence. Ayant sçû que l'épouvante et la retraite.
précipitee du reste des Troupes Ottomanes n'avoient
eu d'autre cause que la mort de leur Chef,
il se servit de leur Ordou- Cadi , qui avoit été
pris auprès de lui lorsqu'il fut tué , pour retrouver
et reconnoître son corps , et après l'avoir.
consideré avec une espece de veneration , il le
fit porter à la Littiere dans laquelle le Deffunt
étoit venu et le renvoya à Kerkout , pour que,
les Turcs lui fissent eux -mêmes des Obseques
convenables. Il est vrai qu'on dit qu'il n'en usa
si noblement qu'en reconnoissance de ce que
Topal - Osman lui avoit renvoyé depuis quelques
jours son beau-pere et son neveu , qui avoient
été faits prisonniers à l'affaire de Kerkout ; mais
quelqu'ait été le motif qui l'a fait agir , ce trait
de magnanimité n'en est pas moins digne de
loüange.
La nouvelle de cette mort , qu'on reçut à Constantinople
la nuit du 4. auf. Décembre , remplit
cette Ville de consternation , et le Peuple
effrayé par des faux bruits que des mal ingens
tentionnez pour cet Empire , prirent soin de semer
les jours suivans , s'imagina que tout étoit
perdu ; heureusement des avis posterieurs et plus
vrais , ont fort rassuré les esprits , et l'on sçait,
à présent que tout le dommage que les Turcs
ont souffert dans ce dernier combat, se réduit à
un très - petit nombre de morts et de prisonniers
et à la perte de Topal - Osman ; perte , à la verité
, irréparable dans un sens , quand on refléchit
sur lesgrandes qualitez de ce General et sur le
point avantageux où il avoit conduit les choses ,
mais perte , après tout , qui n'entraîne pas celle
*L'Intendant de l'Armée.
de
MARS. 1724. 589
de l'Etat , comme ceux qui voudroient le voir
anéanti , affectoient de le répandre sourdement .
En premier lieu , bien loin que Thamas Kouli
-Kan ait tiré quelque fruit de cette victoire en
poursuivant les Turcs à Kerkout et en s'emparant
de cette Forteresse , comme on avoit d'abord
publié qu'il l'avoit fait , il a été obligé de
s'en éloigner encore plus qu'il ne l'étoit et de
tenir la Campagne , tantôt d'un côté , tantôt
d'un autre pour trouver à subsister , sans même
emporter le Canon que les Turcs lui abandonnerent
avec le Champ de bataille . Secondement,
il est certain qu'il continue ses instances
pour obtenir la Paix qu'il avoit demandée aux
Turcs depuis long- temps et que leur Ordon-
Cadi , qu'il avoit renvoyé ici sur sa parole pour
cette négociation , s'en est retourné sans qu'on
ait seulement voulu écouter les propositions
que cè General l'avoit chargé de faire de sa part
Ja Porte.
est
Il y a bien plus que cela , s'il en faut croire
certaines nouvelles , que je tiens de fort bon lieu:
elles portent que Kouli - Kan , n'ayant plus un
assez gros parti pour soutenir sa rebellion en
Perse , n'ose pas y retourner , parce qu'il y
regardé comme le fleau et l'unique auteur des
dernieres calamitez dont ce malheureux Royaume
est désolé ; qu'aussi - tôt qu'il eut perdu la
Bataille du 19 Juillet , un Seigneur Persan fort
acredité , qu'on appelle le vieux Khan , & qu'il
avoit laissé devant Bagdad pour y continuer le
blocus , l'abandonna , partit en poste et s'en alla
droit à Hispahan soulever les esprits contre lui ;
que delà il passa dans le Corassan , où il tira
Schaph- Thamas de sa prison ; qu'il ramena ce
Prince dans sa Capitale et le rétablit sur son
Tiêu
$90 MERCURE DE FRANCE
Trône aux acclamations de tout le peuple ; qu'en
suite le Roy de Perse avoit de nouveau déclaré
qu'il condamnoit en tout la conduite de Kouli-
Kan depuis qu'il avoit violé la derniere Paix
qu'il persistoit à le proscrire comme rebelle à
son Souverain , et traître à sa patrie ; qu'il levoit
des Troupes pour marcher contre lui le prendre
vif ou mort, s'il étoit possible , et le livrer à
la vengeance des Turcs , et qu'il renouvelloit
sans restrition la ratification qu'il avoit faite
du Traité d'Amadan.
Je ne vous dissimulerai point , Monsieur , que
je ne voudrois pas vous garantir la verité de ces
nouvelles en leur entier , parce que je sçais qu'on
soupçonne toujours ici , que Schah- Thamas et
son premier Ministre s'entendent ensemble ; mais
je ne vous garantirai pas davantage non plus les
Nouvelles suivantes , arrivées ici depuis peu de
jours.
Les unes disent que Kouli-Kan ayant voulu
risquer une tentative sur Kerkout, Memis Pacha
étoit sorti de cette Place , et l'avoit défait à plate
Couture. Les autres portent au contraire , qu'Achmet
Pacha de Bagdad , sur l'avis qu'on lui
avoit donné , que Thamas- Kouli - Kan avoit dé
taché 4000 hommes pour aller s'emparer de
Khillet * il étoit sorti de Bagdad avec la meilleure
partie de sa Garnison dans le dessein d'enlever
ce Détachement ennemi ; mais qu'ayant
appris en route que Kouli- Kan étoit lui - même à
›
* C'est un gros Bourg avec une petite forteresse
sur le chemin de Bagdad à Bassora , lequel étant
situé au bord de l'Euphrate , sert de Magasin et
d'entrepôts aux provisions pour cette premiere
Place.
KhilMARS
1734.
591
"
Khillet avec 30 à 40 mille hommes , il avoit rebroussé
chemin en dilligence , & qu'étant rentré
dans Bagdad , où il y aa fort peu de vivres , il en
avoit fait sortir les vieillards , les femmes , les
enfans ; en un mot , toutes les bouches inutiles
dans l'aprehension que le General Persan , après
avoir établi ses Magazins à Khillet , ne revint
encore former le blocus de Bagdad ; qu'avant
que d'y être de retour , un autre Achmet , qui
est Capidgi-Bachi , et son Divan- Effendi ** , se
ressouvenant de tout ce qu'il avoit souffert l'année
passée dans cette Place , et craignant de s'y
voir renfermé de nouveau pour long- tems , avoit
débauché 6000 hommes des Troupes qui étoient
sorties avec Achmet Pacha , et que s'étant mis à
leur tête , il les avoit conduit à Kerkout , od
Memis Pacha indigné de sa désertion l'avoit fait
mettre aux fers , et se tenoit sur ses gardes avec
ce renfort contre les entreprises que Kouli-Kam
pourroit faire sur Kerkout.
Vous voyez , Monsieur , par toutes ces nonvelles
, qui se contredisent et qui se débitent
pourtant à Constantinople aussi affirmativement
les unes que les autres , combien il est difficile
pour ne rien dire de plus , de sçavoir positive.
ment ce qui se passe dans ces Contrées éloignées,
où les Etrangers qui sont ici , n'ayant point de
correspondance , ne peuvent que rarement être
instruits du véritable état des choses.
Mais ce dont je puis vous parler avec certitu
de , c'est que depuis la mort de Topal - Osman
on fait de tous côtez dans cet Empire , des préparatifs
extraordinaires contre la Pers . Tous les
** Secretaire du Conseil , ou son premier Secttaire.
7
Pachas
192 MERCURE DE FRANCE
>
Pachas d'Asie ont eu ordre de marcher sans
délai avec le plus de Milices qu'ils pourront rassembler,
chacun dans l'étendue de son Gouvernement
il doit partir d'ici vingt chambrées de
Jannissaires qui composeront environ 8000
hommes. On compte que quand toutes ces
Troupes seront arrivées au lieu du rendez.vous ,
elles se monteront à 90 mille combattans , qui
joints à ce qu'il y en a déja en Perse formeront
une armée formidable ; et l'on s'en promet d'antant
plus de succès , que le G. S. pour encouràger
les gens de Guerre , a considérablement augmenté
la paye , ou les apointemens de tous ceux
qui serviroient dans cette armée pendant la campagne
prochaine. D'ailleurs trois Bâtimens François
frettez par sa hautesse ont déja fait voile
ces jours- ci , chargez de Canons , de Poudre ,
de Boulets , & c . qu'ils doivent débarquer à Alexandrete.
:
Abdoulla Cuperli , ci -devant Pacha du Caire ,
et à présent de Cogni , a été nommé pour remplacer
Topal - Osman , et le G. V. a déclaré en
public , qu'il marcheroit lui - même , pour exterminer
les Persans cette année , ou les forcer du
moins à faire une Paix solide , et honorable à la
Porte.
Au reste , Monsieur , pour finir ma Lettre ,
par quelque chose de consolant sur la mort de
Topal - Osman Pacha , je vous dirai que le G. S.
voulant donner des marques éclatantes du cas
qu'il faisoit de cet illustre et fidele sujet à récompensé
dans la personne de son fils Achmet , les
services que le Pere rendoit depuis si longtems à
cet Empire ; quoique ce jeune Seigneur n'aitt pas
encore 24 ans sa hautesse l'a fait tout d'un
coup et de son propre mouvement Pacha à trois
queües ,
>
MARS 1734.
593
*
queues , et Beylerbey de Romelie ; il est parti
d'ici dernierement avec un Equipage aussi nombreux
que superbe , pour se rendre à Nissa , ré..
sidence affectée au Pacha qui est revêtu de ce
Beylerbeylik .
Ce bienfait tout grand qu'il est en lui - même ,
a été cependant accompagné d'une circonstance,
qui à notre maniere de penser semble en dimi
nuer beaucoup le prix , et que ceux qui ne sont
pas au fait des maximes de l'Empire Ottoman ',
trouveront sans - doute fort extraordinaire , c'est
que dans le même tems que le G. S. a temoigné
avec tant de distinction sa reconnoissance envers
Topal - Osman , en élevant son fils si jeune encore
aux premieres dignitez de l'Etat , Sa Hautesse a
dépêché un Capidgi -Bachi en Perse , pour confisquer
au profit du Trésor Imperial tous les
effets mobiliers du deffunt : de sorte qu'il ne reste
à Achmet Pacha , de la grande succession de son
pere , qui passoit pour extrémement riche , que
les immeubles consistant en Maisons &c. parcè
que Topal Osman avoit eu la précaution de rendre
tous ces bens - là Vacoufs : c'est - à - dire de les
donner en proprieté à des Mosquées et de s'en
réserver l'usufruit pour lui , et pour ses descendans
jusqu'à l'extinction de sa race. Cette précaution
fort en usage dans ce Païs - ci , est le seul
moyen , par lequel ceux qui ont eu quelque part
aux affaires publiques peuvent assurer leur héritage
à leurs enfans : car les biens devenus Vacoufs
sont sacrez : pour quelque cause que ce soit ,
personne ne peut s'en emparer ; et ils ne sont dévolus
aux Mosquées pour la jouissance effective
qu'après le décès du dernier usufruitier .Je suis & c .
P. V. D.
L
A derniere Lettre que je vous écrivis , Monsieur
, en datte des 12. et 20. Novembre
ne vous parloit que des triomphes de Topal - Osman
Pacha ; je me préparois même alors avec
plaisir à vous en annoncer bien- tôt un autre
qui auroit mis le comble à sa gloire , et qui suivant
la situation où l'on assuroit que les affaires
des Turcs étoient en Perse , ne pouvoit lui manquer
, mais la Providence en a ordonné autrement
, et ce grand homme a trouvé sa défaite
où tout sembloit lui promettre celle de son Ennemi.
Quoique je ne doute pas que vous ne
soyez déja informé de cet Evenement, je ne laisse
pas de vous faire part de ce que j'en ai appris ,
parce que les premieres Relations qui en coururent
d'abord ont été démenties dans plusieurs
points par de plus fidelles qui sont venuës après.
Memis- Pacha , qui , comme je vous l'ai déja
mandé , avoit été détaché avec un Corps de
Troupes , chargé de poursuivre Thamas Kouli-
Kan ; après la déroute de celui-cy à Leilan , ne
se sentant pas assez fort pour l'attaquer dans le
Défilé , où l'on prétendoit qu'il avoit été contraint
de se renfermer , envoya demander du
secours à Topal - Osman. Ce Seraskier impatient
de terminer par quelque coup décisif une guerre
que le desespoir plutôt que les forces du General
Persan pouvoit encore prolonger , s'il le l'aissoit
MARS. 1734.
587
rage
soit échapper du mauvais pas, où il le croyoit engagé,
se flata que sa présence redoubleroit le coudes
Turcs, comme il l'avoit éprouvé tant de
fois, et lui faciliteroit la victoire sur son Ennemi .
Il marcha donc avec le peu de Troupes qui lui restoient,
mais à peine cut- il joint Memis-Pacha, sur
lequel Thamas Kouli- Kan vint fondre avec fureur
, que par des raisons qui n'ont pas été bien
éclaircies , ce Pacha , dont jusqu'alors la bravoure,
n'avoit point parû équivoque , prit la fuite
avec toutes ses Troupes sans faire la moindre
résistance.
Topal- Osman outré de s'en voir si lâchement
abandonné , mais incapable de suivre son exemple
, s'abandonna lui - même à son intrépidité ,
et malgré la supériorité du nombre des Persans ,
il soutint leurs attaques pendant quelques heures
, secondé du peu de monde qu'il avoit ame
né ; il combattoit même avec avantage et leur
faisoit déja perdre du terrain , lorsque deux
coups de fusil qu'il reçut à la fois , le firent tomber
mort de cheval . Ce funeste spectacle jetta un
si grand et si subit dérangement parmi ses Soldats
, qu'ils se débanderent aussi- tôt et prirent
à toutes jambes la route de Kerkout , dans laquelle
Memis-Pacha les avoit devancez.
Kouli Kan , qui depuis qu'il a' pris les armes
ne s'étoit fait connoître que par un orgueil insupportable
et un courage qui tenoit plus de la
férocité qu'on respire sur les Montagnes où il a
reçû le jour , que de cette valeur genereuse qui
n'est pas moins souvent le fruit d'une belle édu
cation , qu'un présent de la Nature , donna ce
pendant en cette occasion une marque de gran
deur d'ame à laquelle on ne s'attendoit
part,et qu'il y auroit de l'injustice à passer sous
H vj silence
pas
de sa
$ 88 MERCURE DE FRANCE
silence. Ayant sçû que l'épouvante et la retraite.
précipitee du reste des Troupes Ottomanes n'avoient
eu d'autre cause que la mort de leur Chef,
il se servit de leur Ordou- Cadi , qui avoit été
pris auprès de lui lorsqu'il fut tué , pour retrouver
et reconnoître son corps , et après l'avoir.
consideré avec une espece de veneration , il le
fit porter à la Littiere dans laquelle le Deffunt
étoit venu et le renvoya à Kerkout , pour que,
les Turcs lui fissent eux -mêmes des Obseques
convenables. Il est vrai qu'on dit qu'il n'en usa
si noblement qu'en reconnoissance de ce que
Topal - Osman lui avoit renvoyé depuis quelques
jours son beau-pere et son neveu , qui avoient
été faits prisonniers à l'affaire de Kerkout ; mais
quelqu'ait été le motif qui l'a fait agir , ce trait
de magnanimité n'en est pas moins digne de
loüange.
La nouvelle de cette mort , qu'on reçut à Constantinople
la nuit du 4. auf. Décembre , remplit
cette Ville de consternation , et le Peuple
effrayé par des faux bruits que des mal ingens
tentionnez pour cet Empire , prirent soin de semer
les jours suivans , s'imagina que tout étoit
perdu ; heureusement des avis posterieurs et plus
vrais , ont fort rassuré les esprits , et l'on sçait,
à présent que tout le dommage que les Turcs
ont souffert dans ce dernier combat, se réduit à
un très - petit nombre de morts et de prisonniers
et à la perte de Topal - Osman ; perte , à la verité
, irréparable dans un sens , quand on refléchit
sur lesgrandes qualitez de ce General et sur le
point avantageux où il avoit conduit les choses ,
mais perte , après tout , qui n'entraîne pas celle
*L'Intendant de l'Armée.
de
MARS. 1724. 589
de l'Etat , comme ceux qui voudroient le voir
anéanti , affectoient de le répandre sourdement .
En premier lieu , bien loin que Thamas Kouli
-Kan ait tiré quelque fruit de cette victoire en
poursuivant les Turcs à Kerkout et en s'emparant
de cette Forteresse , comme on avoit d'abord
publié qu'il l'avoit fait , il a été obligé de
s'en éloigner encore plus qu'il ne l'étoit et de
tenir la Campagne , tantôt d'un côté , tantôt
d'un autre pour trouver à subsister , sans même
emporter le Canon que les Turcs lui abandonnerent
avec le Champ de bataille . Secondement,
il est certain qu'il continue ses instances
pour obtenir la Paix qu'il avoit demandée aux
Turcs depuis long- temps et que leur Ordon-
Cadi , qu'il avoit renvoyé ici sur sa parole pour
cette négociation , s'en est retourné sans qu'on
ait seulement voulu écouter les propositions
que cè General l'avoit chargé de faire de sa part
Ja Porte.
est
Il y a bien plus que cela , s'il en faut croire
certaines nouvelles , que je tiens de fort bon lieu:
elles portent que Kouli - Kan , n'ayant plus un
assez gros parti pour soutenir sa rebellion en
Perse , n'ose pas y retourner , parce qu'il y
regardé comme le fleau et l'unique auteur des
dernieres calamitez dont ce malheureux Royaume
est désolé ; qu'aussi - tôt qu'il eut perdu la
Bataille du 19 Juillet , un Seigneur Persan fort
acredité , qu'on appelle le vieux Khan , & qu'il
avoit laissé devant Bagdad pour y continuer le
blocus , l'abandonna , partit en poste et s'en alla
droit à Hispahan soulever les esprits contre lui ;
que delà il passa dans le Corassan , où il tira
Schaph- Thamas de sa prison ; qu'il ramena ce
Prince dans sa Capitale et le rétablit sur son
Tiêu
$90 MERCURE DE FRANCE
Trône aux acclamations de tout le peuple ; qu'en
suite le Roy de Perse avoit de nouveau déclaré
qu'il condamnoit en tout la conduite de Kouli-
Kan depuis qu'il avoit violé la derniere Paix
qu'il persistoit à le proscrire comme rebelle à
son Souverain , et traître à sa patrie ; qu'il levoit
des Troupes pour marcher contre lui le prendre
vif ou mort, s'il étoit possible , et le livrer à
la vengeance des Turcs , et qu'il renouvelloit
sans restrition la ratification qu'il avoit faite
du Traité d'Amadan.
Je ne vous dissimulerai point , Monsieur , que
je ne voudrois pas vous garantir la verité de ces
nouvelles en leur entier , parce que je sçais qu'on
soupçonne toujours ici , que Schah- Thamas et
son premier Ministre s'entendent ensemble ; mais
je ne vous garantirai pas davantage non plus les
Nouvelles suivantes , arrivées ici depuis peu de
jours.
Les unes disent que Kouli-Kan ayant voulu
risquer une tentative sur Kerkout, Memis Pacha
étoit sorti de cette Place , et l'avoit défait à plate
Couture. Les autres portent au contraire , qu'Achmet
Pacha de Bagdad , sur l'avis qu'on lui
avoit donné , que Thamas- Kouli - Kan avoit dé
taché 4000 hommes pour aller s'emparer de
Khillet * il étoit sorti de Bagdad avec la meilleure
partie de sa Garnison dans le dessein d'enlever
ce Détachement ennemi ; mais qu'ayant
appris en route que Kouli- Kan étoit lui - même à
›
* C'est un gros Bourg avec une petite forteresse
sur le chemin de Bagdad à Bassora , lequel étant
situé au bord de l'Euphrate , sert de Magasin et
d'entrepôts aux provisions pour cette premiere
Place.
KhilMARS
1734.
591
"
Khillet avec 30 à 40 mille hommes , il avoit rebroussé
chemin en dilligence , & qu'étant rentré
dans Bagdad , où il y aa fort peu de vivres , il en
avoit fait sortir les vieillards , les femmes , les
enfans ; en un mot , toutes les bouches inutiles
dans l'aprehension que le General Persan , après
avoir établi ses Magazins à Khillet , ne revint
encore former le blocus de Bagdad ; qu'avant
que d'y être de retour , un autre Achmet , qui
est Capidgi-Bachi , et son Divan- Effendi ** , se
ressouvenant de tout ce qu'il avoit souffert l'année
passée dans cette Place , et craignant de s'y
voir renfermé de nouveau pour long- tems , avoit
débauché 6000 hommes des Troupes qui étoient
sorties avec Achmet Pacha , et que s'étant mis à
leur tête , il les avoit conduit à Kerkout , od
Memis Pacha indigné de sa désertion l'avoit fait
mettre aux fers , et se tenoit sur ses gardes avec
ce renfort contre les entreprises que Kouli-Kam
pourroit faire sur Kerkout.
Vous voyez , Monsieur , par toutes ces nonvelles
, qui se contredisent et qui se débitent
pourtant à Constantinople aussi affirmativement
les unes que les autres , combien il est difficile
pour ne rien dire de plus , de sçavoir positive.
ment ce qui se passe dans ces Contrées éloignées,
où les Etrangers qui sont ici , n'ayant point de
correspondance , ne peuvent que rarement être
instruits du véritable état des choses.
Mais ce dont je puis vous parler avec certitu
de , c'est que depuis la mort de Topal - Osman
on fait de tous côtez dans cet Empire , des préparatifs
extraordinaires contre la Pers . Tous les
** Secretaire du Conseil , ou son premier Secttaire.
7
Pachas
192 MERCURE DE FRANCE
>
Pachas d'Asie ont eu ordre de marcher sans
délai avec le plus de Milices qu'ils pourront rassembler,
chacun dans l'étendue de son Gouvernement
il doit partir d'ici vingt chambrées de
Jannissaires qui composeront environ 8000
hommes. On compte que quand toutes ces
Troupes seront arrivées au lieu du rendez.vous ,
elles se monteront à 90 mille combattans , qui
joints à ce qu'il y en a déja en Perse formeront
une armée formidable ; et l'on s'en promet d'antant
plus de succès , que le G. S. pour encouràger
les gens de Guerre , a considérablement augmenté
la paye , ou les apointemens de tous ceux
qui serviroient dans cette armée pendant la campagne
prochaine. D'ailleurs trois Bâtimens François
frettez par sa hautesse ont déja fait voile
ces jours- ci , chargez de Canons , de Poudre ,
de Boulets , & c . qu'ils doivent débarquer à Alexandrete.
:
Abdoulla Cuperli , ci -devant Pacha du Caire ,
et à présent de Cogni , a été nommé pour remplacer
Topal - Osman , et le G. V. a déclaré en
public , qu'il marcheroit lui - même , pour exterminer
les Persans cette année , ou les forcer du
moins à faire une Paix solide , et honorable à la
Porte.
Au reste , Monsieur , pour finir ma Lettre ,
par quelque chose de consolant sur la mort de
Topal - Osman Pacha , je vous dirai que le G. S.
voulant donner des marques éclatantes du cas
qu'il faisoit de cet illustre et fidele sujet à récompensé
dans la personne de son fils Achmet , les
services que le Pere rendoit depuis si longtems à
cet Empire ; quoique ce jeune Seigneur n'aitt pas
encore 24 ans sa hautesse l'a fait tout d'un
coup et de son propre mouvement Pacha à trois
queües ,
>
MARS 1734.
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queues , et Beylerbey de Romelie ; il est parti
d'ici dernierement avec un Equipage aussi nombreux
que superbe , pour se rendre à Nissa , ré..
sidence affectée au Pacha qui est revêtu de ce
Beylerbeylik .
Ce bienfait tout grand qu'il est en lui - même ,
a été cependant accompagné d'une circonstance,
qui à notre maniere de penser semble en dimi
nuer beaucoup le prix , et que ceux qui ne sont
pas au fait des maximes de l'Empire Ottoman ',
trouveront sans - doute fort extraordinaire , c'est
que dans le même tems que le G. S. a temoigné
avec tant de distinction sa reconnoissance envers
Topal - Osman , en élevant son fils si jeune encore
aux premieres dignitez de l'Etat , Sa Hautesse a
dépêché un Capidgi -Bachi en Perse , pour confisquer
au profit du Trésor Imperial tous les
effets mobiliers du deffunt : de sorte qu'il ne reste
à Achmet Pacha , de la grande succession de son
pere , qui passoit pour extrémement riche , que
les immeubles consistant en Maisons &c. parcè
que Topal Osman avoit eu la précaution de rendre
tous ces bens - là Vacoufs : c'est - à - dire de les
donner en proprieté à des Mosquées et de s'en
réserver l'usufruit pour lui , et pour ses descendans
jusqu'à l'extinction de sa race. Cette précaution
fort en usage dans ce Païs - ci , est le seul
moyen , par lequel ceux qui ont eu quelque part
aux affaires publiques peuvent assurer leur héritage
à leurs enfans : car les biens devenus Vacoufs
sont sacrez : pour quelque cause que ce soit ,
personne ne peut s'en emparer ; et ils ne sont dévolus
aux Mosquées pour la jouissance effective
qu'après le décès du dernier usufruitier .Je suis & c .
P. V. D.
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Résumé : A Constantinople le 15. Janvier 1734.
Le 15 janvier 1734, à Constantinople, un auteur rapporte la défaite et la mort de Topal Osman Pacha, un général ottoman, lors d'une bataille contre Thamas Kouli-Kan en Perse. Initialement, Topal Osman semblait en position de victoire, mais des événements imprévus ont conduit à sa défaite. Memis Pacha, envoyé pour poursuivre Thamas Kouli-Kan, a fui sans combattre, laissant Topal Osman seul face à l'ennemi. Malgré une résistance héroïque, Topal Osman a été tué, provoquant la débandade de ses troupes. Thamas Kouli-Kan, connu pour son orgueil et sa férocité, a montré une marque de grandeur en renvoyant le corps de Topal Osman à Constantinople pour des funérailles dignes. Cette action a été interprétée comme une reconnaissance de la noblesse de Topal Osman, qui avait récemment libéré des prisonniers persans. La nouvelle de la mort de Topal Osman a semé la consternation à Constantinople, mais des informations ultérieures ont rassuré la population sur l'état des forces ottomanes. Thamas Kouli-Kan, malgré sa victoire, n'a pas pu exploiter pleinement son avantage et a dû se retirer. De plus, des nouvelles indiquent que Kouli-Kan est isolé et que le roi de Perse le considère comme un rebelle. En réponse à cette situation, l'Empire ottoman prépare une grande offensive contre la Perse. Des troupes sont mobilisées et des renforts sont envoyés. Abdoulla Cuperli a été nommé pour remplacer Topal Osman, et le sultan a déclaré qu'il mènerait personnellement la campagne pour vaincre les Persans ou les forcer à faire la paix. Enfin, le sultan a honoré la mémoire de Topal Osman en nommant son fils Achmet Pacha à un haut poste, malgré la confiscation des biens mobiliers du défunt au profit du trésor impérial. Cette pratique est courante dans l'Empire ottoman pour protéger les héritages des familles impliquées dans les affaires publiques.
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