Résultats : 2 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 2879-2881
Nouvelles Estampes, [titre d'après la table]
Début :
Rien n'est plus ingenieux que le sujet et la composition d'une Estampe en large [...]
Mots clefs :
Tableau, Peinture, Sujet, Connaisseurs, Goût, Théâtre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles Estampes, [titre d'après la table]
Rien n'est plus ingenieux que le sujet
et la composition d'une Estampe en lar
ge qui vient de paroître ; elle piquera
sans doute la curiosité des gens de goût
et des connoisseurs , elle est gravée par
M. Lepicié , d'après le Tableau qui fait
II. Vol.
Fiiij le
2880 MERCURE DE FRANCE
le pendant , des Enfans à la Toillette , par
M. Charles Coypel. Et se vend chez le
sieur Surugue , Graveur du Roy , ruc
des Noyers; elle porte pour titre THALIE
CHASSE'E PAR LA PEINTURE. Cette allégorie
a été imaginée au sujet d'une personne
qui a sacrifié à l'étude de la Peinture
, le goût qu'elle avoit à composer
des piéces de Theâtre .
D'un côté du Tableau la Peinture dans
une atitude noble et severe , ordonne à
la Poësie de sortir de son Atelier par ces
quatre Vers , gravez sur l'un des mor
ceaux de papier , déchirez sur le devant
du Tableau.
Muse , je plains votre avanture ;
Partez, emportez Prose et Vers :
Pour mettre une tête à l'envers ,
C'est bien assez de la Peinture.
De l'autre côté , la Poësie suivie de
plusieurs Génies , emportent un nombre
de Piéces de Theâtre, dont on lit les titres ,
pendant que d'autres Génies se cachent
sous une table , tenant des Plans à remplir.
Le fond du Tableau est orné de
Statues , de plusieurs Tableaux , et du
Portrait de l'Auteur.
Il paroît aussi deux nouvelles Estampes
II. Vol. dont
DECEMBRE. 1733. 2881
dont nous serions bien caution que les
connoisseurs mêmes les plus difficiles seront
contens. Ce sont les Portraits en
buste sans mains de deux illustres Artistes
de notre Académie. Sebastien Bourdon
, Peintre , et Michel Anguier , Sculp
teur , d'après les Tableaux de Mrs Hiacinthe
Rigaud et Gab. Revel ; tous deux
excellemment gravez , par le Sieur Laurent
Cars , pour sa reception à l'Académie
1733 .
et la composition d'une Estampe en lar
ge qui vient de paroître ; elle piquera
sans doute la curiosité des gens de goût
et des connoisseurs , elle est gravée par
M. Lepicié , d'après le Tableau qui fait
II. Vol.
Fiiij le
2880 MERCURE DE FRANCE
le pendant , des Enfans à la Toillette , par
M. Charles Coypel. Et se vend chez le
sieur Surugue , Graveur du Roy , ruc
des Noyers; elle porte pour titre THALIE
CHASSE'E PAR LA PEINTURE. Cette allégorie
a été imaginée au sujet d'une personne
qui a sacrifié à l'étude de la Peinture
, le goût qu'elle avoit à composer
des piéces de Theâtre .
D'un côté du Tableau la Peinture dans
une atitude noble et severe , ordonne à
la Poësie de sortir de son Atelier par ces
quatre Vers , gravez sur l'un des mor
ceaux de papier , déchirez sur le devant
du Tableau.
Muse , je plains votre avanture ;
Partez, emportez Prose et Vers :
Pour mettre une tête à l'envers ,
C'est bien assez de la Peinture.
De l'autre côté , la Poësie suivie de
plusieurs Génies , emportent un nombre
de Piéces de Theâtre, dont on lit les titres ,
pendant que d'autres Génies se cachent
sous une table , tenant des Plans à remplir.
Le fond du Tableau est orné de
Statues , de plusieurs Tableaux , et du
Portrait de l'Auteur.
Il paroît aussi deux nouvelles Estampes
II. Vol. dont
DECEMBRE. 1733. 2881
dont nous serions bien caution que les
connoisseurs mêmes les plus difficiles seront
contens. Ce sont les Portraits en
buste sans mains de deux illustres Artistes
de notre Académie. Sebastien Bourdon
, Peintre , et Michel Anguier , Sculp
teur , d'après les Tableaux de Mrs Hiacinthe
Rigaud et Gab. Revel ; tous deux
excellemment gravez , par le Sieur Laurent
Cars , pour sa reception à l'Académie
1733 .
Fermer
Résumé : Nouvelles Estampes, [titre d'après la table]
Le texte présente une estampe gravée par M. Lepicié d'après un tableau de Charles Coypel intitulé 'Thalie chassée par la Peinture'. Cette œuvre est disponible chez le sieur Surugue, graveur du roi, rue des Noyers. L'allégorie de l'estampe montre une personne ayant privilégié l'étude de la peinture au détriment de la composition théâtrale. Dans le tableau, la Peinture, représentée avec noblesse et sévérité, ordonne à la Poésie de quitter son atelier, accompagnée de vers gravés sur des morceaux de papier déchirés. La Poésie, suivie de plusieurs Génies, emporte des pièces de théâtre, tandis que d'autres Génies se cachent sous une table avec des plans à remplir. Le fond du tableau est orné de statues, de tableaux et du portrait de l'auteur. Le texte mentionne également deux nouvelles estampes, des portraits en buste sans mains de Sébastien Bourdon, peintre, et Michel Anguier, sculpteur, gravés par Laurent Cars pour sa réception à l'Académie en 1733.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 31-46
MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens en matiere de Plainchant.
Début :
L'erreur n'est que trop commune aujourd'hui de croire que les Musiciens, [...]
Mots clefs :
Chant, Plain-chant, Musique, Musiciens, Composer, Modes, Règles, Attention, Musicien, Maîtres de musique, Chanter, Chant ecclésiastique, Maître de musique, Connaisseurs, Accords, Science, Églises
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens en matiere de Plainchant.
MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens
en matiere de Plainchant.
'Erreur n'est que trop commune au-
L'jourd'hui de croire que les Musiciens,
et sur tout les Maîtres de Musique , sont
les hommes les plus propres à juger sai
nement du Chant Ecclesiastique. Ceux
qui sont dans cette opinion entendent
par le nom de Musiciens des Chantres
gagez dans des Eglises Cathedrales , pour
y chanter de la Musique , des Chantres
qui ont été élevez dans cette Science dès
la jeunesse , ou qui sçavent jouer de quelque
instrument : et par Maîtres de Musique,
ils entendent ceux qui composent les
Parties de Musique pour être chantées
par differentes voix , et qui enseignent à
chanter musicalement.
Parmi les Personnes qui sont de ce
sentiment , et qui ont cette confiance si
generale dans les lumieres des Musiciens,
pris en ce sens , il y en a quelquefois qui
sont chargez de veiller sur ce qui regarde
la célébration de l'Office Divin : et si
ceux-là se trompent ils peuvent entraîner
avec eux plusieurs autres personnes
dans l'illusion . Outre ceux là , il y en a
d'autres dont un seul par son simple
suffrage peut faire pancher la pluralitě
d'une
32
MERCURE DE FRANCE
d'une compagnie à déclarer que les Musiciens
et principalement les Maîtres de
Musique sont les arbitres souverains
du Chant de l'Eglise , que ce qu'ils improuvent
doit être improuvé, et qu'il ne
faut admettre que ce qu'ils trouvent
bon. La question est de sçavoir si cette
déclaration seroit juste et raisonnable
et si au contraire elle ne seroit pas abusive.
Les suites en seroient d'autant plus
à craindre , que les inconveniens qui en
peuvent arriver seront plus fréquens
parce que les Musiciens eux - mêmes sont
la plupart persuadez de la même chose ,
et qu'il y en a peu de ceux qui se croyent
habiles en Musique , qui ne prétendent
pouvoir décider sur le Plainchant.
Ils croyent ordinairement que ce n'est
qu'à eux seuls qu'on peut s'en rapporter.
Souvent ils ne jugent de l'habitude d'un
Ecclesiastique dans le Chant , qu'à proportion
qu'il raisonne sur les accords
en quoi consiste leur science favorite
et qu'il entre dans ce qu'ils appellent
Musique.
D'autres Personnes qui approfondissent
davantage les choses, prétendent que
les Musiciens ne sont pas les seuls ni les
uniques connoisseurs dans la science du
Chant Ecclesiastique , que cela n'est pas
attaché
JANVIER 1734. 33
attaché à la nature de leur état , et qu'il
est plus commun de trouver de bons
connoisseurs là - dessus parmi les Ecclesiastiques
, qui ne sont pas Musiciens
dans le sens que j'ai donné à ce terme
que parmi ces sortes de Musiciens . D'où
ils concluent que si dans une contestation
l'on choisissoit des Arbitres , il en
faudroit prendre un plus grand nombre
de ceux qu'on n'appelle pas aujourd'hui
Musiciens , quoiqu'ils le soient dans le
fond , que de ceux qui ont ce nom dans
l'usage ordinaire .
C'est aux gens de Lettre à décider
de quel côté est le parti le plus sage
et le plus prudent. On ne peut pas
mieux conduire les juges de ce differend
à une décision précise et nette ,
qu'en leur exposant d'abord les raisons
qui donnent du crédit aux Musiciens
et qui les font prendre pour des juges
compétens et suffisans ; et ensuite les
raisons qui prouvent leur insuffisance et
leur incapacité pour décider sur le Plainchant.
Les personnes qui sont persuadées de
la pleine suffisance des Musiciens , ont
dans l'esprit, qu'il n'est pas probable que
gens qui ont appris la Gamme dès
l'enfance, et qui pendant sept ou huit ans
G
des
et
34 MERCURE DE FRANCE
)
et même quelquefois davantage , en ont
fait leur exercice et leur occupation journaliere
dans un lieu qu'on appelle la
Psallette ou la Maîsrise , ne puissent connoître
parfaitement ce que c'est que le
Plainchant ; qu'en ayant tant oüi chanter
et en ayant chanté eux-mêmes , ils
doivent sçavoir en quoi il consiste, et con
noître ce qui fait la difference des piéces
les unes d'avec les autres. Ces mêmes
personnes se persuadent que le son des
Instrumens par lequel on les forme à la
Musique , a dû leur inculquer la connoissance
des differentes situations des
sons qui constituent les modes du
Chant Ecclesiastique . On peut ajouter à
cela l'application qu'elles font du Prover :
be. Qui facit plus et minus , d'où elles
concluent que les Musiciens sçachang
des accords de consonance
( ce qui n'est pas une chose aisée , ) ils
doivent , à plus forte raison , sçavoir ce
qui est plus simple et plus facile , qui est
le Plainchant. Voilà tout ce qu'on a pû
lire dans leur pensée ; car pour du langage
ou de l'écrit, il a été impossible d'en
tirer d'aucune des personnes qui sont
penetrées d'une si haute estime envers
les Musiciens.
و
composer
Ceux au contraire qui connoissent de
plus
JANVIER 1734 35
plus près l'étendue des lumieres des Musiciens
, se contentent d'avoüer seulement
qu'ils les croyent très en état d'exécuter
le Chant Ecclesiastique , c'est- à- dire
de le chanter dans la pratique , et de
conduire ceux qui ne le sçavent pas.
Mais ils soutiennent qu'il est rare qu'ils
puissent en raisonner sçavamment , et
que c'est une chose encore plus rare qu'ils
puissent composer du Plainchant qui soit
bon et loyal. En effet , dès qu'un Musicien
ne peut pas raisonner pertinemment
sur le Plainchant , et qu'il se méprend
dans les discours qu'il tient sur cette
science , à plus forte raison il n'est pas
en état d'en composer ; et si l'expérience
fait voir que le Plainchant, que des Musiciens
ont composé dans ces derniers
temps n'est pas un Plainchant
bien fondé à conclure delà que les Mu
siciens n'ont donc pas par leur nature de
Musicien , les qualitez necessaires pour
raisonner scientifiquement sur le Plainchant
, et que ces qualitez ne sont pas
attachées à leur profession.
on est
Un Musicien en état de juger à fond sur
le Plainchant, doit être tel que Boëce le demande.
Il doit avoir la facilité à porter
son jugement selon les regles des anciens ,
sur lesdifferens modes du Chant , sur les
Cij
differentes
56 MERCURE DE FRANCE
differentes manieres dont les syllabes des
mors sont disposées relativement auChant,
sur le rapport des modes les uns avec
les autres , et sur les especes differentes
des vers des Poëtes . Is musicus est cui ad
est Facultas secundùm speculationem... Musica
convenientem , de modis ac rythmis
deque generibus cantilenarum ac de permixtionibus
... ac de Poëtarum carminibus
judicandi. Boët. de Musica. L. 1. c . 34.
Cela revient à la regle d'Aristide , qui dit:
Oportet et melodiam contemplari , et rythmum
et dictionem , ut perfectus cantus efficiatur.
Cela signifie que pour composer unChant
dans lequel il n'y ait rien à redire , il faut
d'abord que ce Chant ait la mélodie qui
lui convient , par rapport au mode dont
on veut qu'il soit ; mélodie qui peut être
considerće ou relativement à son intention
ou relativement à l'espace de Chant
qu'on a intention de faire , parce qu'un
Répons doit, par exemple, être traité autrement
qu'une Antienne . Il faut en second
lieu que la distribution des repos ,
des cadences , des chutes , et poses de respiration
soit compassée relativement à l'arangement
des mots et à leur construction
Jaquelle est tantôt naturelle et tantôt entremêlée
; c'est ce qu'Aristide et les Anciens appellent
rythmus.Et enfin il faut être attentif
JANVIER 1734 37
à exprimer ce qui est signifié par les
mots , soit joye, soit tristesse , timidité ou
hardiesse, orgueil ou humilité , et principalement
à la force et à l'énergie de certains
Verbes et Adverbes ; c'est ce qu'Aristide
entend par la diction , à laquelle il veut
qu'on ait égard pour composer un Chant
parfait et accompli.
Or il arrive le plus souvent qu'un Mu
sicien , tel qu'on l'entend dans le sens
vulgaire et ordinaire , n'a connoissance
du Chant Ecclesiastique , que pour en
avoir oui chanter et en avoir chanté dans
une ou deux Eglises . Ce n'est point un
homme à faire aucune recherche d'érudition
dans les Livres de Chant , soit
manuscrits , soit imprimez des Pays
qu'il parcourt. Un Maître de Musique
jugera de même d'une Piéce de Chant
sur sa simple conformité avec une autre
Piéce , qu'il aura oüi chanter dans le lieu
où il étoit autrefois Enfant de Choeur.
Ensorte que si , par exemple , ce Maître de
Musique n'a pas été dans une Eglise où
le cinquième et sixiéme modes du Plainchant
soient traitez de deux manieres
differentes, qui en forment les deux espe
ces , dont l'une répond à l'ancien Chant
des Lydiens , et l'autre à celui des Ioniens,
et qu'il n'ait entendu moduler ces deux/
Cij modes
38 MERCURE DE FRANCE
•
modes et surtout le sixième que d'une -
seule et unique façon ; ce Maître alors ,
dis je , n'admettra qu'une seule maniere
de composer des pièces de ces modes .
Au moins les Musiciens devroient - ils connoître
ceux de tous les modes usitez dans
l'antiquité que differentes Eglises ont employés
dans leurs Livres , et ne pas croire
qu'une chose est heteroclite , inconnuë
à tout le temps passé , et éloignée des
premiers principes , parce qu'ils ne l'ont.
pas vû pratiquer dans l'Eglise où ils ont
été élevez ni dans quelques- unes où ils
ont passé. Ils ne devroient pas se déclarer
ennemis des varietez , comme ils font
quelquefois, puisque c'est la varieté et la
diversité qui contribuent à renouveller
l'attention et la ferveur dans le Chant de
l'Office Divin. Ils devroient ne pas prétendre
, comme font quelques- uns d'entre-
eux , que tout doit plaire à tout le
monde , et qu'une chose qui peut ne pas
paroître belle à quelqu'un , n'est pas recevable
et n'a pas dû être admise. Et pour
se persuader eux- mêmes qu'ils donnent
dans un excès condamnable en raisonnant
ainsi , il suffiroit qu'ils fissent attention
qu'il est du Chant comme des assaisonnemens
des viandes , dont plusieurs ,
quoique faits selon les regles, ne sont pas
du
JANVIER 17345 39
du goût de bien des gens . Quoique ces
assaisonnemens ne flattent point le goût
de certaines personnes , cela ne les fait pas
rejetter tout-à-fait de l'usage commun ,
parce que ce qui ne plaît pas à l'un peut
plaire à un autre , dès- là qu'il a été pratiqué
par les Anciens qui avoient les or
ganes disposez comme nous , et qu'il n'est
pas contre les premiers principes del'Art ni
contre l'assortissement naturel des choses.
Il faut encore qu'un connoisseur irréprochable
se souvienne des regles les plus
communes de la Logique et s'il n'a pas
étudié en Logique , qu'il fasse au moins
attention à ce que dicte la Logique naturelle.
La Logique apprend ,par exemple,à
reflechir sur la difference qu'il y a entte
la ressemblance et l'identité , et à connoître
pour quoi ce qui n'est que ressemblant
n'est pas identique. Or c'est préci
sement ce que la foule des Musiciens modernes
confond , en prenant pour identi
que ce qui n'est que ressemblant. Ils apperçoivent
une espece desimilitude entre
certaines modulations ; ils en concluent
tout aussi - tôt que l'une est l'autre , sans
faire attention qu'ils disent trop , et qu'ils
devoient se contenter de dire que l'une
ressemble en quelque chose à l'autre. C'est
cette confusion des idées qui est aujour
Ciiij
d'hui
40 MERCURE DE FRANCE
d'hui si fatale dans le commerce de la vie ,
et qui fait que lorsqu'un Musicien a prononcé
qu'une telle modulation est la
même qu'une autre , sans autre examen ,
plusieurs le disent après lui , ce qui excite
des troubles et des divisions , à cause
qu'un trop grand nombre de personnes
prend les Musiciens pour les legitimes
connoisseurs en fait de Chant Ecclesiasti
que
Pour être habile Musicien et sçavant
Maître de Musique , ce n'est pas une
conséquence nécessaire qu'on soit toujours
pour cela habile Humaniste , ou en état
d'être perpetuellement attentif dans ce
que l'on compose , aux regles de la Grammaire
, autant que la pratique du Chant
le demande. Cependant c'est une necessité
indispensable que les regles de la
Grammaire soient alliées avec le Chant.
C'est ce rythmus qu'Aristide veut qu'on
considere en composant du Chant : Opor
ret contemplari.... rythmum , ut perfectus
cantus efficiatur , c'est- à - dire ( en appliquant
au Chant d'Eglise ou Plainchant
ce qu'Aristide a dit du Chant de son
temps ) qu'il faut qu'il y ait dans ce Chant
des partages , comine il y en auroit dans
la construction du discours , en declamant
lentement, ou en lisant posément ;
que
JANVIER 1734. 41
que dans les parties qui composent les
phrases ou periodes , il faut observer les
liaisons et les séparations qui leur conviennent
, et qu'elles exigent suivant les
principes de la Grammaire.
Il n'est que trop commun de voir pea
observées par les Maîtres de Musique ces
regles , qui indiquent l'union ou la séparation
qui est nécessaire dans les parties.
du discours , suivant les occurrences. Ils
ne sont même pas libres d'avoir cette attention
, et ce qui les en détourne , est
celle qu'ils donnent à former des accords
et à combiner la mesure des sons , de telle
maniere qu'elle remplisse des temps fixez
et déterminez. Au lieu que dans le Plainchant
ont n'est point si à l'étroit ; cette
maniere y est inconnue. La simplicité et
le denûment d'accords , la liberté qu'on
y a pour le mouvement , lequel n'est
point mesuré si précisement que dans la
Musique , tout cela, dis - je , rend le compositeur
moins distrait, et par conséquent
plus disposé à avoir l'attention nécessaire
pour la liaison ou la séparation des parties
du discours.
Voilà l'origine de la grande difference
qui se trouve entre la composition du
Plainchant et celle de la Musique. Un
compositeur habituel de Plainchant qui
Су n'a
MERCURE DE FRANCE
n'a jamais usé des licences qu'on ose prendre
dans la Musique , et qui y sont tole
rées , a toujours l'esprit présent à la nature
du texte qu'il traite , et qu'il anime
de sons ; il ne s'écarte point des regles de
la construction . Un Maître de Musique
qui a pris une habitude moins gênée , ne
peut plus s'en défaire ; accoutumé à des
repétitions qui lui fournissent un vaste
champ , il ne peut plus simplifier ; et parlà
il devient incapable de composer un
Plainchant qui soit régulier , ou il n'en
vient à bout qu'avec beaucoup de peine.
On lui passe dans la Musique ces fautes
contre les partitions du discours , surtout
lorsqu'il a voulu imiter une autre Piéce
parce que l'harmonie des accords qui
concourent, occupe l'auditeur et lui flatte
l'oreille. Mais le Plainchant n'a rien de
semblable , il n'a rien d'accessoire qui
puisse en cacher les défauts , s'il arrive
qu'il y en ait. Les connoisseurs les remarquent
aussi- tôt , ils se montrent à eux
tout à nud à cause de la simplicité de ce
Chant , et , pour ainsi dire , à cause de sa
planitude , d'où est venu le nom de Planus
cantus et non pas Plenus cantus. Il seroit
facile de produire ici une longue liste
des fautes grossieres dans lesquelles des
Maîtres de Musique habiles et très habiles
JANVIER. 1734. 43
les sont tombez , lorsqu'ils ont entrepris
de composer du Plainchant. Que j'en aye
trouvé la cause ou non , il n'importe ,
cela n'en est pas moins vrai , ( et des Musiciens
même en conviennent ) que c'étoit
un pauvre Plainchant.
Il est certaines modulations usitées en
quelques Eglises , desquelles les Musiciens
ne peuvent pas juger communément
, sans se tromper ; parce que pour
en parler sainement, il faut être plus instruit
qu'ils ne le sont ordinairement dans
les variétez et les progrès du Chant, Ecclésiastique
depuis son origine , et outre
cela il faut aussi être versé dans la Liturgie
, et avoir la connoissance de l'origine
de plusieurs des Rits Ecclesiastiques. Un
Musicien dans sa qualité de Musicien ,
n'est pas obligé de sçavoir que le Systême
du Chant , appellé Grégorien , ne
renferme pas toutes les variétez imaginables
de Psalmodie , ni toutes celles qui ont
été en usage en différent temps , et qui le
sont encore en différens lieux . Ce Maître
de Musique,quelque habile qu'il soit dans
la composition de la Musique , n'est pas
tenu de sçavoir que lorsque le Systême
de Chant de l'Antiphonier Grégorien
fut reçu en France avec les Livres Romains
, au huitiéme et neuviéme siécles ,
C vj
44 MERCURE DE FRANCE
@
on ne quitta pas pour cela en France toutes
les modulations antérieures;mais qu'on
en conserva quelques unes qui étoient
hors de l'étendue du Systême de l'Antiphonier
Grégorien , pour les chanter en
certains jours. De là vient l'étonnement
des Musiciens , et même des Maîtres de
Musique , lorsqu'ils entendent quelque
chose qui paroît contredire ou ne pas s'ac
corder avec ce Systême. Ils sont portez à
le désapprouver, parce qu'il est plus rare
et moins commun , et que ce n'est point
une chose à laquelle on leur ait fait faire
attention pendant leur jeunesse . Aussi
dans ce qui dépend de la connoissance
des Rits Ecclésiastiques , sont- ils sujets à
prendre le change. Its croyent , par exemple
, que la semaine de Pâques doit être
gaye , sur le pied de la gayeté d'un temps
de grande réjouissance extérieure , ne sçachant
pas que c'est la semaine dans laquelle
les premiers Ordinateurs des Offices
Divins ont le plus retenu de l'ancienne
simplicité . Ils sont surpris d'y
trouver du grave et du sérieux , et que ce
qu'il y a de gay dans le cours de l'année
en soit exclus , comme les Répons brefs
Alleluiatiques , les Neumes de jubilation
à la fin des Antienness et cela parce qu'ils
ne sçavent pas que de tout temps l'on n'a
fait
JANVIER. 1734. 49
fait commencer la gayeté Pascale qu'après
une semaine passée dans le grave et
le sérieux que c'est proprement au Dimanche
, huitième jour après Pâques ,que
commence le Rit du Temps Pascal , qui
dure jusqu'à la Pentecôte.
;
On ne s'est point érendu à marquer icy
que le Plainchant est plus ancien que la
Musique dans l'usage Ecclesiastique , que
c'est lui qui y a donné occasion , qui lui
a frayé le chemin , et qui l'a fait naître
dans les Eglises , et que lui seul portoit
autrefois , parmi les Chrétiens , le nom
de Musica. On pourroit conclure au
moins de ce fait , qui est très certain , que
les Musiciens dans le sens qu'on l'entend
aujourd'hui sont les plus nouveaux venuss
et que c'est à eux à suivre les regles qu'ils
trouvent dans les Livres Ecclésiastiques
des anciens Maîtres , et non à les détruire
ni à les soumettre à leurs idées. On espere
que ce détail sera trouvé suffisanc
pour faire décider, que c'est plutôt à d'habiles
connoisseurs en simple Plainchant
qu'il faut s'en rapporter, pour s'assurer
la bonté du Chant,d'un nouveau Bréviaire
, que non pas à des Musiciens , quelques
habiles qu'ils soient dans leur science.
Il n'est pas douteux
que la Musique
Ec
clésiastique
, connue
sous
le nom
de Plain-
-shant
46 MERCURE DE FRAN CE
chant , ne doive son origine à l'ancienne
Musique des Grecs , de qui les Romains ont
emprunté la leur. Ainsi pour connoître à fond
cette Musique d'Eglise, et pour enjuger sainement
, il faut non seulement remonter jusqu'à
sa source , mais de plus faire ensorte de
découvrir les divers changemens qui y sont
arrivez de siécle en siécles c'est- à- dire , qu'il
faut être également instruit , et de la Théorie
de l'ancienne Musique , tant Grecque que
Romaine , et de l'Histoire du Plainchant
depuis ses commencemens jusques à nosjours .
Or ce sont deux points presque totalement
ignorez de nos Musiciens modernes , occupez
uniquement du soin de perfectionner l'espece
de Musique dont ils ont embrassé la profession.
Il s'ensuit delà , qu'un homme tel que
l'Auteur de cette Dissertation , lequel paroit
avoir fait une étude sérieuse de ces deux
points , seroit beaucoup plus à portée de décider
les difficultez qui concernent le Plainchant
, que ceux à qui ce genre de Musique
semble être presqu'entierement étranger , par
le
pen de
connoissance
qu'ils
en
ont
acquise
.
On
exhorte
l'Auteur
à communiquer
au
Public
ce que
ses
laborieuses
recherches
lui
ont
appris
sur
ce sujet.Ce
seroit
le plus
sur
moyen
de
mettre
le Public
en garde
contre
l'illusion
,
que
lui
pourroient
faire
les
décisions
de Juges
incompetens
. A Paris
, ce
12
Février
1729
.
Signez BURETTE et FALCONNET , fils.
en matiere de Plainchant.
'Erreur n'est que trop commune au-
L'jourd'hui de croire que les Musiciens,
et sur tout les Maîtres de Musique , sont
les hommes les plus propres à juger sai
nement du Chant Ecclesiastique. Ceux
qui sont dans cette opinion entendent
par le nom de Musiciens des Chantres
gagez dans des Eglises Cathedrales , pour
y chanter de la Musique , des Chantres
qui ont été élevez dans cette Science dès
la jeunesse , ou qui sçavent jouer de quelque
instrument : et par Maîtres de Musique,
ils entendent ceux qui composent les
Parties de Musique pour être chantées
par differentes voix , et qui enseignent à
chanter musicalement.
Parmi les Personnes qui sont de ce
sentiment , et qui ont cette confiance si
generale dans les lumieres des Musiciens,
pris en ce sens , il y en a quelquefois qui
sont chargez de veiller sur ce qui regarde
la célébration de l'Office Divin : et si
ceux-là se trompent ils peuvent entraîner
avec eux plusieurs autres personnes
dans l'illusion . Outre ceux là , il y en a
d'autres dont un seul par son simple
suffrage peut faire pancher la pluralitě
d'une
32
MERCURE DE FRANCE
d'une compagnie à déclarer que les Musiciens
et principalement les Maîtres de
Musique sont les arbitres souverains
du Chant de l'Eglise , que ce qu'ils improuvent
doit être improuvé, et qu'il ne
faut admettre que ce qu'ils trouvent
bon. La question est de sçavoir si cette
déclaration seroit juste et raisonnable
et si au contraire elle ne seroit pas abusive.
Les suites en seroient d'autant plus
à craindre , que les inconveniens qui en
peuvent arriver seront plus fréquens
parce que les Musiciens eux - mêmes sont
la plupart persuadez de la même chose ,
et qu'il y en a peu de ceux qui se croyent
habiles en Musique , qui ne prétendent
pouvoir décider sur le Plainchant.
Ils croyent ordinairement que ce n'est
qu'à eux seuls qu'on peut s'en rapporter.
Souvent ils ne jugent de l'habitude d'un
Ecclesiastique dans le Chant , qu'à proportion
qu'il raisonne sur les accords
en quoi consiste leur science favorite
et qu'il entre dans ce qu'ils appellent
Musique.
D'autres Personnes qui approfondissent
davantage les choses, prétendent que
les Musiciens ne sont pas les seuls ni les
uniques connoisseurs dans la science du
Chant Ecclesiastique , que cela n'est pas
attaché
JANVIER 1734. 33
attaché à la nature de leur état , et qu'il
est plus commun de trouver de bons
connoisseurs là - dessus parmi les Ecclesiastiques
, qui ne sont pas Musiciens
dans le sens que j'ai donné à ce terme
que parmi ces sortes de Musiciens . D'où
ils concluent que si dans une contestation
l'on choisissoit des Arbitres , il en
faudroit prendre un plus grand nombre
de ceux qu'on n'appelle pas aujourd'hui
Musiciens , quoiqu'ils le soient dans le
fond , que de ceux qui ont ce nom dans
l'usage ordinaire .
C'est aux gens de Lettre à décider
de quel côté est le parti le plus sage
et le plus prudent. On ne peut pas
mieux conduire les juges de ce differend
à une décision précise et nette ,
qu'en leur exposant d'abord les raisons
qui donnent du crédit aux Musiciens
et qui les font prendre pour des juges
compétens et suffisans ; et ensuite les
raisons qui prouvent leur insuffisance et
leur incapacité pour décider sur le Plainchant.
Les personnes qui sont persuadées de
la pleine suffisance des Musiciens , ont
dans l'esprit, qu'il n'est pas probable que
gens qui ont appris la Gamme dès
l'enfance, et qui pendant sept ou huit ans
G
des
et
34 MERCURE DE FRANCE
)
et même quelquefois davantage , en ont
fait leur exercice et leur occupation journaliere
dans un lieu qu'on appelle la
Psallette ou la Maîsrise , ne puissent connoître
parfaitement ce que c'est que le
Plainchant ; qu'en ayant tant oüi chanter
et en ayant chanté eux-mêmes , ils
doivent sçavoir en quoi il consiste, et con
noître ce qui fait la difference des piéces
les unes d'avec les autres. Ces mêmes
personnes se persuadent que le son des
Instrumens par lequel on les forme à la
Musique , a dû leur inculquer la connoissance
des differentes situations des
sons qui constituent les modes du
Chant Ecclesiastique . On peut ajouter à
cela l'application qu'elles font du Prover :
be. Qui facit plus et minus , d'où elles
concluent que les Musiciens sçachang
des accords de consonance
( ce qui n'est pas une chose aisée , ) ils
doivent , à plus forte raison , sçavoir ce
qui est plus simple et plus facile , qui est
le Plainchant. Voilà tout ce qu'on a pû
lire dans leur pensée ; car pour du langage
ou de l'écrit, il a été impossible d'en
tirer d'aucune des personnes qui sont
penetrées d'une si haute estime envers
les Musiciens.
و
composer
Ceux au contraire qui connoissent de
plus
JANVIER 1734 35
plus près l'étendue des lumieres des Musiciens
, se contentent d'avoüer seulement
qu'ils les croyent très en état d'exécuter
le Chant Ecclesiastique , c'est- à- dire
de le chanter dans la pratique , et de
conduire ceux qui ne le sçavent pas.
Mais ils soutiennent qu'il est rare qu'ils
puissent en raisonner sçavamment , et
que c'est une chose encore plus rare qu'ils
puissent composer du Plainchant qui soit
bon et loyal. En effet , dès qu'un Musicien
ne peut pas raisonner pertinemment
sur le Plainchant , et qu'il se méprend
dans les discours qu'il tient sur cette
science , à plus forte raison il n'est pas
en état d'en composer ; et si l'expérience
fait voir que le Plainchant, que des Musiciens
ont composé dans ces derniers
temps n'est pas un Plainchant
bien fondé à conclure delà que les Mu
siciens n'ont donc pas par leur nature de
Musicien , les qualitez necessaires pour
raisonner scientifiquement sur le Plainchant
, et que ces qualitez ne sont pas
attachées à leur profession.
on est
Un Musicien en état de juger à fond sur
le Plainchant, doit être tel que Boëce le demande.
Il doit avoir la facilité à porter
son jugement selon les regles des anciens ,
sur lesdifferens modes du Chant , sur les
Cij
differentes
56 MERCURE DE FRANCE
differentes manieres dont les syllabes des
mors sont disposées relativement auChant,
sur le rapport des modes les uns avec
les autres , et sur les especes differentes
des vers des Poëtes . Is musicus est cui ad
est Facultas secundùm speculationem... Musica
convenientem , de modis ac rythmis
deque generibus cantilenarum ac de permixtionibus
... ac de Poëtarum carminibus
judicandi. Boët. de Musica. L. 1. c . 34.
Cela revient à la regle d'Aristide , qui dit:
Oportet et melodiam contemplari , et rythmum
et dictionem , ut perfectus cantus efficiatur.
Cela signifie que pour composer unChant
dans lequel il n'y ait rien à redire , il faut
d'abord que ce Chant ait la mélodie qui
lui convient , par rapport au mode dont
on veut qu'il soit ; mélodie qui peut être
considerće ou relativement à son intention
ou relativement à l'espace de Chant
qu'on a intention de faire , parce qu'un
Répons doit, par exemple, être traité autrement
qu'une Antienne . Il faut en second
lieu que la distribution des repos ,
des cadences , des chutes , et poses de respiration
soit compassée relativement à l'arangement
des mots et à leur construction
Jaquelle est tantôt naturelle et tantôt entremêlée
; c'est ce qu'Aristide et les Anciens appellent
rythmus.Et enfin il faut être attentif
JANVIER 1734 37
à exprimer ce qui est signifié par les
mots , soit joye, soit tristesse , timidité ou
hardiesse, orgueil ou humilité , et principalement
à la force et à l'énergie de certains
Verbes et Adverbes ; c'est ce qu'Aristide
entend par la diction , à laquelle il veut
qu'on ait égard pour composer un Chant
parfait et accompli.
Or il arrive le plus souvent qu'un Mu
sicien , tel qu'on l'entend dans le sens
vulgaire et ordinaire , n'a connoissance
du Chant Ecclesiastique , que pour en
avoir oui chanter et en avoir chanté dans
une ou deux Eglises . Ce n'est point un
homme à faire aucune recherche d'érudition
dans les Livres de Chant , soit
manuscrits , soit imprimez des Pays
qu'il parcourt. Un Maître de Musique
jugera de même d'une Piéce de Chant
sur sa simple conformité avec une autre
Piéce , qu'il aura oüi chanter dans le lieu
où il étoit autrefois Enfant de Choeur.
Ensorte que si , par exemple , ce Maître de
Musique n'a pas été dans une Eglise où
le cinquième et sixiéme modes du Plainchant
soient traitez de deux manieres
differentes, qui en forment les deux espe
ces , dont l'une répond à l'ancien Chant
des Lydiens , et l'autre à celui des Ioniens,
et qu'il n'ait entendu moduler ces deux/
Cij modes
38 MERCURE DE FRANCE
•
modes et surtout le sixième que d'une -
seule et unique façon ; ce Maître alors ,
dis je , n'admettra qu'une seule maniere
de composer des pièces de ces modes .
Au moins les Musiciens devroient - ils connoître
ceux de tous les modes usitez dans
l'antiquité que differentes Eglises ont employés
dans leurs Livres , et ne pas croire
qu'une chose est heteroclite , inconnuë
à tout le temps passé , et éloignée des
premiers principes , parce qu'ils ne l'ont.
pas vû pratiquer dans l'Eglise où ils ont
été élevez ni dans quelques- unes où ils
ont passé. Ils ne devroient pas se déclarer
ennemis des varietez , comme ils font
quelquefois, puisque c'est la varieté et la
diversité qui contribuent à renouveller
l'attention et la ferveur dans le Chant de
l'Office Divin. Ils devroient ne pas prétendre
, comme font quelques- uns d'entre-
eux , que tout doit plaire à tout le
monde , et qu'une chose qui peut ne pas
paroître belle à quelqu'un , n'est pas recevable
et n'a pas dû être admise. Et pour
se persuader eux- mêmes qu'ils donnent
dans un excès condamnable en raisonnant
ainsi , il suffiroit qu'ils fissent attention
qu'il est du Chant comme des assaisonnemens
des viandes , dont plusieurs ,
quoique faits selon les regles, ne sont pas
du
JANVIER 17345 39
du goût de bien des gens . Quoique ces
assaisonnemens ne flattent point le goût
de certaines personnes , cela ne les fait pas
rejetter tout-à-fait de l'usage commun ,
parce que ce qui ne plaît pas à l'un peut
plaire à un autre , dès- là qu'il a été pratiqué
par les Anciens qui avoient les or
ganes disposez comme nous , et qu'il n'est
pas contre les premiers principes del'Art ni
contre l'assortissement naturel des choses.
Il faut encore qu'un connoisseur irréprochable
se souvienne des regles les plus
communes de la Logique et s'il n'a pas
étudié en Logique , qu'il fasse au moins
attention à ce que dicte la Logique naturelle.
La Logique apprend ,par exemple,à
reflechir sur la difference qu'il y a entte
la ressemblance et l'identité , et à connoître
pour quoi ce qui n'est que ressemblant
n'est pas identique. Or c'est préci
sement ce que la foule des Musiciens modernes
confond , en prenant pour identi
que ce qui n'est que ressemblant. Ils apperçoivent
une espece desimilitude entre
certaines modulations ; ils en concluent
tout aussi - tôt que l'une est l'autre , sans
faire attention qu'ils disent trop , et qu'ils
devoient se contenter de dire que l'une
ressemble en quelque chose à l'autre. C'est
cette confusion des idées qui est aujour
Ciiij
d'hui
40 MERCURE DE FRANCE
d'hui si fatale dans le commerce de la vie ,
et qui fait que lorsqu'un Musicien a prononcé
qu'une telle modulation est la
même qu'une autre , sans autre examen ,
plusieurs le disent après lui , ce qui excite
des troubles et des divisions , à cause
qu'un trop grand nombre de personnes
prend les Musiciens pour les legitimes
connoisseurs en fait de Chant Ecclesiasti
que
Pour être habile Musicien et sçavant
Maître de Musique , ce n'est pas une
conséquence nécessaire qu'on soit toujours
pour cela habile Humaniste , ou en état
d'être perpetuellement attentif dans ce
que l'on compose , aux regles de la Grammaire
, autant que la pratique du Chant
le demande. Cependant c'est une necessité
indispensable que les regles de la
Grammaire soient alliées avec le Chant.
C'est ce rythmus qu'Aristide veut qu'on
considere en composant du Chant : Opor
ret contemplari.... rythmum , ut perfectus
cantus efficiatur , c'est- à - dire ( en appliquant
au Chant d'Eglise ou Plainchant
ce qu'Aristide a dit du Chant de son
temps ) qu'il faut qu'il y ait dans ce Chant
des partages , comine il y en auroit dans
la construction du discours , en declamant
lentement, ou en lisant posément ;
que
JANVIER 1734. 41
que dans les parties qui composent les
phrases ou periodes , il faut observer les
liaisons et les séparations qui leur conviennent
, et qu'elles exigent suivant les
principes de la Grammaire.
Il n'est que trop commun de voir pea
observées par les Maîtres de Musique ces
regles , qui indiquent l'union ou la séparation
qui est nécessaire dans les parties.
du discours , suivant les occurrences. Ils
ne sont même pas libres d'avoir cette attention
, et ce qui les en détourne , est
celle qu'ils donnent à former des accords
et à combiner la mesure des sons , de telle
maniere qu'elle remplisse des temps fixez
et déterminez. Au lieu que dans le Plainchant
ont n'est point si à l'étroit ; cette
maniere y est inconnue. La simplicité et
le denûment d'accords , la liberté qu'on
y a pour le mouvement , lequel n'est
point mesuré si précisement que dans la
Musique , tout cela, dis - je , rend le compositeur
moins distrait, et par conséquent
plus disposé à avoir l'attention nécessaire
pour la liaison ou la séparation des parties
du discours.
Voilà l'origine de la grande difference
qui se trouve entre la composition du
Plainchant et celle de la Musique. Un
compositeur habituel de Plainchant qui
Су n'a
MERCURE DE FRANCE
n'a jamais usé des licences qu'on ose prendre
dans la Musique , et qui y sont tole
rées , a toujours l'esprit présent à la nature
du texte qu'il traite , et qu'il anime
de sons ; il ne s'écarte point des regles de
la construction . Un Maître de Musique
qui a pris une habitude moins gênée , ne
peut plus s'en défaire ; accoutumé à des
repétitions qui lui fournissent un vaste
champ , il ne peut plus simplifier ; et parlà
il devient incapable de composer un
Plainchant qui soit régulier , ou il n'en
vient à bout qu'avec beaucoup de peine.
On lui passe dans la Musique ces fautes
contre les partitions du discours , surtout
lorsqu'il a voulu imiter une autre Piéce
parce que l'harmonie des accords qui
concourent, occupe l'auditeur et lui flatte
l'oreille. Mais le Plainchant n'a rien de
semblable , il n'a rien d'accessoire qui
puisse en cacher les défauts , s'il arrive
qu'il y en ait. Les connoisseurs les remarquent
aussi- tôt , ils se montrent à eux
tout à nud à cause de la simplicité de ce
Chant , et , pour ainsi dire , à cause de sa
planitude , d'où est venu le nom de Planus
cantus et non pas Plenus cantus. Il seroit
facile de produire ici une longue liste
des fautes grossieres dans lesquelles des
Maîtres de Musique habiles et très habiles
JANVIER. 1734. 43
les sont tombez , lorsqu'ils ont entrepris
de composer du Plainchant. Que j'en aye
trouvé la cause ou non , il n'importe ,
cela n'en est pas moins vrai , ( et des Musiciens
même en conviennent ) que c'étoit
un pauvre Plainchant.
Il est certaines modulations usitées en
quelques Eglises , desquelles les Musiciens
ne peuvent pas juger communément
, sans se tromper ; parce que pour
en parler sainement, il faut être plus instruit
qu'ils ne le sont ordinairement dans
les variétez et les progrès du Chant, Ecclésiastique
depuis son origine , et outre
cela il faut aussi être versé dans la Liturgie
, et avoir la connoissance de l'origine
de plusieurs des Rits Ecclesiastiques. Un
Musicien dans sa qualité de Musicien ,
n'est pas obligé de sçavoir que le Systême
du Chant , appellé Grégorien , ne
renferme pas toutes les variétez imaginables
de Psalmodie , ni toutes celles qui ont
été en usage en différent temps , et qui le
sont encore en différens lieux . Ce Maître
de Musique,quelque habile qu'il soit dans
la composition de la Musique , n'est pas
tenu de sçavoir que lorsque le Systême
de Chant de l'Antiphonier Grégorien
fut reçu en France avec les Livres Romains
, au huitiéme et neuviéme siécles ,
C vj
44 MERCURE DE FRANCE
@
on ne quitta pas pour cela en France toutes
les modulations antérieures;mais qu'on
en conserva quelques unes qui étoient
hors de l'étendue du Systême de l'Antiphonier
Grégorien , pour les chanter en
certains jours. De là vient l'étonnement
des Musiciens , et même des Maîtres de
Musique , lorsqu'ils entendent quelque
chose qui paroît contredire ou ne pas s'ac
corder avec ce Systême. Ils sont portez à
le désapprouver, parce qu'il est plus rare
et moins commun , et que ce n'est point
une chose à laquelle on leur ait fait faire
attention pendant leur jeunesse . Aussi
dans ce qui dépend de la connoissance
des Rits Ecclésiastiques , sont- ils sujets à
prendre le change. Its croyent , par exemple
, que la semaine de Pâques doit être
gaye , sur le pied de la gayeté d'un temps
de grande réjouissance extérieure , ne sçachant
pas que c'est la semaine dans laquelle
les premiers Ordinateurs des Offices
Divins ont le plus retenu de l'ancienne
simplicité . Ils sont surpris d'y
trouver du grave et du sérieux , et que ce
qu'il y a de gay dans le cours de l'année
en soit exclus , comme les Répons brefs
Alleluiatiques , les Neumes de jubilation
à la fin des Antienness et cela parce qu'ils
ne sçavent pas que de tout temps l'on n'a
fait
JANVIER. 1734. 49
fait commencer la gayeté Pascale qu'après
une semaine passée dans le grave et
le sérieux que c'est proprement au Dimanche
, huitième jour après Pâques ,que
commence le Rit du Temps Pascal , qui
dure jusqu'à la Pentecôte.
;
On ne s'est point érendu à marquer icy
que le Plainchant est plus ancien que la
Musique dans l'usage Ecclesiastique , que
c'est lui qui y a donné occasion , qui lui
a frayé le chemin , et qui l'a fait naître
dans les Eglises , et que lui seul portoit
autrefois , parmi les Chrétiens , le nom
de Musica. On pourroit conclure au
moins de ce fait , qui est très certain , que
les Musiciens dans le sens qu'on l'entend
aujourd'hui sont les plus nouveaux venuss
et que c'est à eux à suivre les regles qu'ils
trouvent dans les Livres Ecclésiastiques
des anciens Maîtres , et non à les détruire
ni à les soumettre à leurs idées. On espere
que ce détail sera trouvé suffisanc
pour faire décider, que c'est plutôt à d'habiles
connoisseurs en simple Plainchant
qu'il faut s'en rapporter, pour s'assurer
la bonté du Chant,d'un nouveau Bréviaire
, que non pas à des Musiciens , quelques
habiles qu'ils soient dans leur science.
Il n'est pas douteux
que la Musique
Ec
clésiastique
, connue
sous
le nom
de Plain-
-shant
46 MERCURE DE FRAN CE
chant , ne doive son origine à l'ancienne
Musique des Grecs , de qui les Romains ont
emprunté la leur. Ainsi pour connoître à fond
cette Musique d'Eglise, et pour enjuger sainement
, il faut non seulement remonter jusqu'à
sa source , mais de plus faire ensorte de
découvrir les divers changemens qui y sont
arrivez de siécle en siécles c'est- à- dire , qu'il
faut être également instruit , et de la Théorie
de l'ancienne Musique , tant Grecque que
Romaine , et de l'Histoire du Plainchant
depuis ses commencemens jusques à nosjours .
Or ce sont deux points presque totalement
ignorez de nos Musiciens modernes , occupez
uniquement du soin de perfectionner l'espece
de Musique dont ils ont embrassé la profession.
Il s'ensuit delà , qu'un homme tel que
l'Auteur de cette Dissertation , lequel paroit
avoir fait une étude sérieuse de ces deux
points , seroit beaucoup plus à portée de décider
les difficultez qui concernent le Plainchant
, que ceux à qui ce genre de Musique
semble être presqu'entierement étranger , par
le
pen de
connoissance
qu'ils
en
ont
acquise
.
On
exhorte
l'Auteur
à communiquer
au
Public
ce que
ses
laborieuses
recherches
lui
ont
appris
sur
ce sujet.Ce
seroit
le plus
sur
moyen
de
mettre
le Public
en garde
contre
l'illusion
,
que
lui
pourroient
faire
les
décisions
de Juges
incompetens
. A Paris
, ce
12
Février
1729
.
Signez BURETTE et FALCONNET , fils.
Fermer
Résumé : MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens en matiere de Plainchant.
Le texte 'Mémoire sur l'autorité des Musiciens en matière de Plainchant' examine la croyance erronée selon laquelle les musiciens, notamment les maîtres de musique, sont les mieux placés pour juger du chant ecclésiastique. Cette opinion repose sur l'idée que les musiciens, formés dès leur jeunesse et capables de jouer d'instruments, possèdent une expertise unique en la matière. Cependant, le texte met en garde contre les dangers de cette confiance excessive, soulignant que certains responsables de la célébration de l'office divin peuvent entraîner d'autres dans l'erreur en suivant cette croyance. Les partisans de cette idée argumentent que les musiciens, ayant appris la gamme dès l'enfance et pratiqué quotidiennement, doivent nécessairement connaître parfaitement le plain-chant. Ils croient également que l'utilisation d'instruments a inculqué aux musiciens la connaissance des modes du chant ecclésiastique. En revanche, d'autres personnes estiment que les ecclésiastiques, qui ne sont pas nécessairement musiciens au sens strict, sont souvent de meilleurs connaisseurs du chant ecclésiastique. Ils suggèrent que, en cas de contestation, il faudrait choisir un plus grand nombre d'arbitres parmi ces ecclésiastiques. Le texte souligne la nécessité de peser les arguments des deux côtés pour déterminer la meilleure approche. Il expose les raisons pour lesquelles les musiciens sont considérés comme compétents, tout en mettant en lumière leur insuffisance et leur incapacité à juger du plain-chant de manière scientifique. Les musiciens, bien qu'excellents dans l'exécution et l'enseignement du chant, manquent souvent de la capacité à en raisonner ou à en composer de manière savante. Le texte insiste sur l'importance de suivre les règles des anciens et de considérer les aspects mélodiques, rythmiques et dictionnels pour composer un chant parfait. Le texte traite également de la différence entre la composition du plain-chant et celle de la musique. La simplicité et la liberté de mouvement du plain-chant permettent au compositeur de rester concentré sur la nature du texte et de respecter les règles de construction. En revanche, un compositeur de musique, habitué à des licences et répétitions, trouve difficile de composer un plain-chant régulier. Les fautes dans le plain-chant sont plus facilement remarquées en raison de sa simplicité et de l'absence d'éléments accessoires pour les masquer. Le plain-chant est présenté comme plus ancien que la musique dans l'usage ecclésiastique et comme ayant donné naissance à la musique dans les églises. Le texte conclut que pour juger sainement du plain-chant, il est nécessaire de connaître l'ancienne musique grecque et romaine ainsi que l'histoire du plain-chant. Les auteurs exhortent un expert en plain-chant à partager ses connaissances pour éviter les décisions de juges incompétents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer