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p. 186-216
DISSERTATION philosophique sur les merveilles du principe d'action des bestes, & sur leur utilité pour arriver à la connoissance de l'Autheur de la Nature, & à celle des principaux fondemens de la Morale, contre les Carthesiens, les Athées, & les Esprits forts. Par M. P. Dei perfecta sunt opera, &omnes via ejus judicia. Deut. 23.
Début :
Un des grand Philosophes du Siecle précedent a osé écrire [...]
Mots clefs :
Philosophie, Bêtes, Machines, Esprit, Morale, Descartes, Nature, Mouvement, Principe spirituel, Automate, Prudence, Mémoire, Instinct, Compétences , Expérience
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texteReconnaissance textuelle : DISSERTATION philosophique sur les merveilles du principe d'action des bestes, & sur leur utilité pour arriver à la connoissance de l'Autheur de la Nature, & à celle des principaux fondemens de la Morale, contre les Carthesiens, les Athées, & les Esprits forts. Par M. P. Dei perfecta sunt opera, &omnes via ejus judicia. Deut. 23.
DISSERTATION
Philofopbicjue sur les merveilles
du principe dlaélio.»-,
des bef/es) csur leurutilitépourarriver
à U con..
noiffance de Autheur de
la Mature
, O* 4 celle des
principaux fondemens de [a.
Morale, contre les Cartheficns
,
les Athées.,e les
Esprits firts,
Par M. P.
Deiperfeclafunt opera , &
omnes vioe ejusjudicia. Deur.
23.
¡L; lT N des grands PhilosophesduSiecle
précedent a
osé écrire que les bestesestoient
de pures machines,
destituées de tout principe
spirituel, n'ayant pour eause
de leurs actions quelconques,
que lesLoixgenerales
du mouvement, que l'Auteur
de laNature a establies
en creant le monde, jointes
à la disposition presente de
leurs organes; à laquelle
disposition il veut bien s'accommoder,
& s'a sservir, &
par laquelle il est necessité
d'agir, comme le ressort
d'une Montre l'est par ses
rouës,à marquerregulierement
les heures, ( ciricjuiémc
partie de la MethodedeDescar-
- tes, &c ) Il est vra y que ce
Philosophenel'a pas pensé
le premier, & qu'iln'aformécesystemequ'aprésla
Pereira, Auteur Espagnol
quiena composéunTraité.
Mais ce sentiment tout frrone
qu'il est, n'a eu beaucoup
de vogue, qu'aprés
que M. Descartes s'en est
rendu partisan. Sa maniere
d'expliquer lese ffets dePhyfique
uniquement par le repos,
le mouvement,les figures,
& les organizations des
cor ps, ayant entraisnédans
son parti tous les Philosophesamis
dela clarté plusieurssesont
laissez éblouir
de la nouveauté de ce systeme,
qui semblerépandre
d'abord une lumiere
considerable dans l'obscurité
d'un sujet aussi interessant
; & j'avouë qu'aprés
avoir lû les fortes raisons
donc plusieurs Philosophes
appuyent ce sentiment, ôc
les foibles raisonnements
dont quelques autres, qui
en ont écrit depuis ont tenté
de le détruire,j'ay estés
moy mesme esbranlé
,
6c j'aihesitémesmeassezlong
tems, sans sçavoir quel parti
prendre.
Effectivement si l'on envisage
d'un costé les merveilles
que les bestes operent
dans de certaines circonstances,
& combien en
d'aurres elles paroissent
stupides & bornées, on j
m'avouëra qu'il n'est pas
-
aisé de se déterminer. Si de
plus on fait attention aux
mouvements que les hommes
sont capables de proHuire
par des machines;
jusques à leur faire marquer
tout le cours desCieux,
representer des Spectacles,
executer des concerts de
toutes sortes d'instrumens,
donner des mouvements
differents aux differentes
[parties d'un Tableau, faire
tmanger ,
avaler, digerer,
toc rendre desaliments à des
animaux factices ; en faire
i
chanter, crier, courir, &
volerd'autres,&tant d'autres
merveilles surprenantes
de l'Art: on estportéà
juger de-là, qu'il n'y a peutestre
pas d'effet si furprenant
que l'Auteur de la Nature
ne pût faire produire
à un automate de sa main
par son seul concours general.
Aussî faut-il convenir
qu'il se fait dans les animaux
, comme dans les
plantes, & dans les autres
creatures vivantes, quantité
d'opérations purement
mechanques , & qui ne:
demandent aucune cause
spirituelle, aucun principe
immateriel particulierpour
leur production.Telles sont
le mouvement, & la circuhcioîN
culation des humeurs, les
segregations, les coctions,
les transpirations, l'accroissement
& le décroissement,
les mouvements elastiques
de leurs differentes parties,
& quantité d'autres qui dépendent
uniquement des
Loix generales de l'univers;
& ces mouvements font
continuels.Mais il y en a
d'une autre espece qui font
produits à propos, pour seconder
ceux-cy, & dans
lesquels on remarque une
espece de raison & de jugement
,qu'ilne paroist pas
qu'on puisse tirer de la disposition
d'un sujet purement
matériel, & des feules
loix du mouvement.
comme on le fera voir cyaprés,
par un grand nombre
d'exemples pour la plûpart
incontestables.
Ce sont ces dernieres
qui nous obligent d'admettre
une cause spirituelle
dans les bestes
,
c'est-à dire
un principe immateriel,&
semblable en quelque sorte
à celuy que nous trouvons
en nous, qui produise en
elles tout ce qui nous donne
tant d'admiration. Mais
en mesme tems nous nous
jettons dans un nouvel embarras:
premièrement nous
abandonnons en quelque
façon les lumieres que l'on
espere tirer des méchaniques
dans le parti contraire;
carenfin il faut avouër
qu'un poids, un reÍfort.
des espritsen mouvement,
sont incomparablement
plus aisés à imaginer, qu'un
principe immatériel, & cependant
capable de mouvoir
les corps en une infinité
de manieres. Secondement
si l'on jette les
yeux sur certaines vertus
& operations des bestes,
sur leur prudence, leur sagacité
,
prévoyance,addresse,
vigilance, courage
, équité, fidélité
, complaisance,
reconnoissance,
honnesteté
,
pudeur, propreté
,
finesse
,
mémoire
J &c. sur leur instinct pour
deliberer,&choisir des
moyens propres à se conserver&
se nourrir, pour
connoistre les dangers &
les fuïr
, pour eslever des
petits,pour kfaueeuendre
;
sur les ouvrages qu'elles
executent ,
sur l'ordre
qui y regne ,
sur leurs societez,&
sur toute la regle
de leur vie, on se voit comme
forcé de reconnoistre
que cette cause est mesme
beaucoup plus parfaite,que
nostre ame ,
& par consequent
plus susceptible de
merire, & plus digne de
loüange. Quel parti prendre
dans une matiere aussi
embarrassée Je n'en vois
point d'autre ,que d'avoir
recours à la voye la plus
sûre en de semblables occassons
qui est l'experience
; c'est à elle pour ainsi
dire à decider,&àcouper
le neud Gordien. Or il me
semble en avoir suffisamment
ramassé pour terminer
la question, ou du
moins pour la mettre dans
son dernier point d'évidence
; & je crains d'autant
moins de les avancer, que
je fuis témoin oculaire de
la pluspart ; au moins celles
que je n'ay pas vûës de
mmeesspprroopprreessyyeeuuxx mm'oonntt estécommuniquées ou
confirmées par des amis
en qui j'ay beaucoup de
confiance,& quiont vû
par les leurs.
Premierement quand à
la sagacitéaddresse, courage,
finesse,& prudence
des belles pour chercher
leur nourriture, & conferver
leur estre, rien n'est
plus connu, & enmesme
tems plus admirable. Car
qu'y a-t-il de mieux inventé
}
& de plus artistement
travaillé que ces toiles dont
les Araignées se fervent
pour attrapper des Mouches
& s'en nourrir? Ne
semble-t il pas que ce soit
d'elles quenos Chasseurs,
nos Oiseleurs,&nosPescheurs
mêmes OIÎC appris
à prendre les bestes sauvages
, les Oiseaux, & les
Poissons au filet ? Qu'y at.
il de plus rusé que ces
infectes nommez Reculettes
, quiamassent des tas
de poussiere dans les trous
des murailles, au centre
desquels elles s'enterrent
ensuite, pour y enterrer à
leur tour, en se remuant,
tous les petits animaux qui
viennent à passer sur leur
trape > Quoy de plus fin
que les Renards? lorsque
deux chassent leur proye
dans un parc fermé de
murs, un d'eux demeure au
guet à une deschatieres
tandis , que l'autre a foin
par son glapissement de
l'avertir des tours & retours
que prend le gibier, afin
qu'ilsoittousjours sur (es
gardes. Qui est-ce qui n'a
pas vû les menées d'un
Chat qui veut courir sur
des Oiseaux dans un jardin
; les détours qu'il prend
pour s'en approcher jconu
me il s'applattit; comme il
rampe conrre terre, & se
traisne le long des bordures
,
de crainte d'estre ap£
perçu de sa proye ) avant
d'estre assez proche, pour
s'eslancer dessus. Il ne faut
qu'avoir elle Chasseur,pour
admirer l'instinct des
Chiens à poursuivre leur
gibier,tandis que les uns
le suivent en queuë, les autres
se détournent pourgagner
le Fort où il pourroit
se jetter, & pour le prévenir:
s'il a estéblessé
,
ils le
poursuivent quelque fatiguez
qu'ils soient, juiques
àce qu'ils l'ayentpris. L'Eté
dernier un de mes amis
ayant tué un Perdreau parmi
une bande, son Chien
le luy apporta, & courut
de luy mesme aussîtost à la
remise des autres, jusques
à un bon quart de lieuë,
pour en attrapper un autre,
qu'il connoissoitapparemment
avoir estéaussî
,
frappé, & qu'il apporta de
même. Lorsque deuxLoups
affamez ont entreprisd'attraper
un Chien dans un
Village, l'un vient gratter
à la porte, & s'enfuie dés
qu'il entend le Chien accouru
sur luy,tandis qu'un
autre qui demeure au guet
a costé de la chatiere
, ne
manque pas de se jetter
sur le Chien dés qu'il vient
à sortir, sur d'estre bientost
secondé par son compagnon.
Les Geays affamez
se jettent dans des
buissons, ou tailistouffus,
où ils crient de toute leur
force, & contrefont si
parfaitement la voix d'un
Chat, comme pouravertir
tous les petits Oiseaux des
environs
, que leur ennemy
est fous le buisson, &
lesexciterà le combattre;
que ceux-cy ne manquent
pas d'y accourrir en foule
de tous costez; & plusieurs
y trouvent effectivement
un ennemy qui ne les épargne
pas dans sa faim;
c'cft ce que j'ay vû quanticé
de fois avec plaisir &
admiration. On sçait aussi
que les Crocodiles & Caïmans
se cachent dans les
roseaux qui sont le long des
rivières où ils habitent,pour
y contrefaire la voix d'un
enfantquise plaint, &attirer
par ce moyen dans
leurembuscade, quelqu'un
touché de compassion.
Tous lesChasseursnesçavent-
ils pas la rufe dont les
Cerfs se fervent pour sauver
leurs compagnons fatiguez
de la poursuite des
Chiens, en se jettant à la
traverse des Meuttes ; &
que les bons Chiens encore
plus rufez qu'eux, ne donnent
pas dans ces panneaux,
mais poursuivent
leur proye infatigablement.
Quelles leçons l'instinct
des bestesnousdonne pour
exercer la charité envers
les opprimez, jusques à exposer
nostre vie pour les
sauver; & de perseverer
dans nos devoirs, quelque
penibles qu'ils soient, tant
que nous en ayons obtenu
la recompense.
Un de mes parens &
compagnons de Chasse
avoit deux Bassets qui alloient
d'eux-mêmes à la
chatte,quand il estoitquelque
cems sans les y mener.
Lorsqu'ils avoient fait lever
un Lievre
,
ils le pour-l
suivoient pendant deux ou
trois heures
,
jusques à ce
qu'ils l'eussent lassé &pris;
alors un se couchoit auprés
de sa proye pour la garder,
tandis que l'autre revenoit
à la maison tout fatigué
qu'ilestoit, pour querir
son maistre, & ne cesfoit
de le. caresser & de
l'importuner,jusques à ce
que le maistre l'eustfuivyï
au lieu où elle estoit. i
Dira-t-on donc que les
machines sont capables de
ruse, decompassion, de fidélite,
--
delité, d'agir par des détours,&
devoir ce que les
plus fins Chasseurs euxm
mes ne voyent pas? Les
machines au contraire ne
doivent- elles pas aller
, droit à ce qui les attire ;
fuïr ce qui les poursuit ; se
reposer quand elles font
lasses
, & s'approprier cç
qui leur convient.
3. Mais voyons jusques
,
où va la prévoyance, la
memoire,& la regle des
belles. Tout le monde sçait j
assez que les Fqurmis en- talTent tout l'Eté dans leurs
fourmillieres des grains de
bled & autres graines pour
se nourrir pendant l'Hyver
; & rien n'est plus admirable
que de voir leur
colomne d'infanterie qui
s'estend depuis la fourmilliere
jusques au lieu du butin
; comme cette colomne
se rejoint quand on l'a
rompuë; comme elle se
continuë jusques au haut
des maisons & des ar bres
les pluseslevez; comme elles
travaillent en societé à
bastir leursfourmillieres
ou granges souterraines ;
comme ellesont la précaution
de couper legerme de
leurs grains afin qu'ils ne
pouffenc pas; de les exposer
tous les jours de beau rems
au Soleil pour les sécher,de
crainte qu'ils ne se corrompent,&
mesme de les
poser dans leurs serres sur
une. poussiere bien seche,
& de les recouvrir avec
une pareille terre pour les
tenir secs;de faire sécher
l'une & l'autre poussiere au
Soleil en mesme tems que
leur grain; & enfinderesserrer
le tout avec diligence
dés qu'il survient la
moindre apparence de
pluye. Les Rars de campagne
entassent pareillement
du bled dans leurs
greniers souterrains durant
tout letemsde la moisson,
pour le nourrir pendant
l'Hyver
,
& ont la prévoyance
de lescreuserjusques
à plus de trois piés de
profondeur de terre, pour
n'estre pas incommodez
de la pluye & de la gelée;
&mesme qui croiroit que
pendant les famines les
Païsans se trouvent quelquefois
réduits à les aller
piller pour chercher à vivre
, comme il estarrivé
en1709. dans plusieursendroits
de la France.
Quelle honte pour des
hommes douez d'esprit &
de jugement, d'estre obligez
d'avoir recours à des
animaux que nous méprifons
si fort, & que nous
traittons de brutes & de
stupides, pour apprendre
d'eux les regles de la prévoyance,
que nous devrions
leur donner.
Diroit-on que les Ours,
tout stupides qu'ils nous
paroissent
, ont aussi leurs
tanières où ils setapissent,
& où ils accumulent force
écorce d'arbre pour [e
nourrir pendant tout l'Hyver?
ces tanieres sont recouvertes
de quantité de
branches d'arbres confusément
entassées
,
mais cependant
de forte que la
neige ne peut pas aisément
les penetrer:lànos brutes
passentun hyver insupportable
aumilieu desimmensesforêts
de la Moscovie,
en grande societé
,
bien
chaudement & faisant bonne
chere. En ferions-nous
davantage ? Nos Païsans
ne se font-ils pas un plaisir
au commencement de l'hiver
d'aller fourager les caches
des Corneilles, des
Chucas &des Pies, qu'ils
trouvent pleines de noix,
de chataignes
,
de noisettes,
& d'autres fruits champestres
que ces animaux
amassent pendant l'Automne
,soit dans les troncs
des arbres, foit fous des tas
d'échalas ou de fagots, &
ailleurs. Les jeunes Chiens
qui sont apparemment
doüez d'un plus vif appetit
que les autres, ont aussi de
coustume,lorsqu'ilsont du
pain dereste
,
de l'enterrer
pour la faim à venir, & de
retourner le chercher,
quand leur faim est revenuë.
-
j
i On donnera, lafuite de cette
Dissertation dans le Aiercare etQ£iobre\prochain
Philofopbicjue sur les merveilles
du principe dlaélio.»-,
des bef/es) csur leurutilitépourarriver
à U con..
noiffance de Autheur de
la Mature
, O* 4 celle des
principaux fondemens de [a.
Morale, contre les Cartheficns
,
les Athées.,e les
Esprits firts,
Par M. P.
Deiperfeclafunt opera , &
omnes vioe ejusjudicia. Deur.
23.
¡L; lT N des grands PhilosophesduSiecle
précedent a
osé écrire que les bestesestoient
de pures machines,
destituées de tout principe
spirituel, n'ayant pour eause
de leurs actions quelconques,
que lesLoixgenerales
du mouvement, que l'Auteur
de laNature a establies
en creant le monde, jointes
à la disposition presente de
leurs organes; à laquelle
disposition il veut bien s'accommoder,
& s'a sservir, &
par laquelle il est necessité
d'agir, comme le ressort
d'une Montre l'est par ses
rouës,à marquerregulierement
les heures, ( ciricjuiémc
partie de la MethodedeDescar-
- tes, &c ) Il est vra y que ce
Philosophenel'a pas pensé
le premier, & qu'iln'aformécesystemequ'aprésla
Pereira, Auteur Espagnol
quiena composéunTraité.
Mais ce sentiment tout frrone
qu'il est, n'a eu beaucoup
de vogue, qu'aprés
que M. Descartes s'en est
rendu partisan. Sa maniere
d'expliquer lese ffets dePhyfique
uniquement par le repos,
le mouvement,les figures,
& les organizations des
cor ps, ayant entraisnédans
son parti tous les Philosophesamis
dela clarté plusieurssesont
laissez éblouir
de la nouveauté de ce systeme,
qui semblerépandre
d'abord une lumiere
considerable dans l'obscurité
d'un sujet aussi interessant
; & j'avouë qu'aprés
avoir lû les fortes raisons
donc plusieurs Philosophes
appuyent ce sentiment, ôc
les foibles raisonnements
dont quelques autres, qui
en ont écrit depuis ont tenté
de le détruire,j'ay estés
moy mesme esbranlé
,
6c j'aihesitémesmeassezlong
tems, sans sçavoir quel parti
prendre.
Effectivement si l'on envisage
d'un costé les merveilles
que les bestes operent
dans de certaines circonstances,
& combien en
d'aurres elles paroissent
stupides & bornées, on j
m'avouëra qu'il n'est pas
-
aisé de se déterminer. Si de
plus on fait attention aux
mouvements que les hommes
sont capables de proHuire
par des machines;
jusques à leur faire marquer
tout le cours desCieux,
representer des Spectacles,
executer des concerts de
toutes sortes d'instrumens,
donner des mouvements
differents aux differentes
[parties d'un Tableau, faire
tmanger ,
avaler, digerer,
toc rendre desaliments à des
animaux factices ; en faire
i
chanter, crier, courir, &
volerd'autres,&tant d'autres
merveilles surprenantes
de l'Art: on estportéà
juger de-là, qu'il n'y a peutestre
pas d'effet si furprenant
que l'Auteur de la Nature
ne pût faire produire
à un automate de sa main
par son seul concours general.
Aussî faut-il convenir
qu'il se fait dans les animaux
, comme dans les
plantes, & dans les autres
creatures vivantes, quantité
d'opérations purement
mechanques , & qui ne:
demandent aucune cause
spirituelle, aucun principe
immateriel particulierpour
leur production.Telles sont
le mouvement, & la circuhcioîN
culation des humeurs, les
segregations, les coctions,
les transpirations, l'accroissement
& le décroissement,
les mouvements elastiques
de leurs differentes parties,
& quantité d'autres qui dépendent
uniquement des
Loix generales de l'univers;
& ces mouvements font
continuels.Mais il y en a
d'une autre espece qui font
produits à propos, pour seconder
ceux-cy, & dans
lesquels on remarque une
espece de raison & de jugement
,qu'ilne paroist pas
qu'on puisse tirer de la disposition
d'un sujet purement
matériel, & des feules
loix du mouvement.
comme on le fera voir cyaprés,
par un grand nombre
d'exemples pour la plûpart
incontestables.
Ce sont ces dernieres
qui nous obligent d'admettre
une cause spirituelle
dans les bestes
,
c'est-à dire
un principe immateriel,&
semblable en quelque sorte
à celuy que nous trouvons
en nous, qui produise en
elles tout ce qui nous donne
tant d'admiration. Mais
en mesme tems nous nous
jettons dans un nouvel embarras:
premièrement nous
abandonnons en quelque
façon les lumieres que l'on
espere tirer des méchaniques
dans le parti contraire;
carenfin il faut avouër
qu'un poids, un reÍfort.
des espritsen mouvement,
sont incomparablement
plus aisés à imaginer, qu'un
principe immatériel, & cependant
capable de mouvoir
les corps en une infinité
de manieres. Secondement
si l'on jette les
yeux sur certaines vertus
& operations des bestes,
sur leur prudence, leur sagacité
,
prévoyance,addresse,
vigilance, courage
, équité, fidélité
, complaisance,
reconnoissance,
honnesteté
,
pudeur, propreté
,
finesse
,
mémoire
J &c. sur leur instinct pour
deliberer,&choisir des
moyens propres à se conserver&
se nourrir, pour
connoistre les dangers &
les fuïr
, pour eslever des
petits,pour kfaueeuendre
;
sur les ouvrages qu'elles
executent ,
sur l'ordre
qui y regne ,
sur leurs societez,&
sur toute la regle
de leur vie, on se voit comme
forcé de reconnoistre
que cette cause est mesme
beaucoup plus parfaite,que
nostre ame ,
& par consequent
plus susceptible de
merire, & plus digne de
loüange. Quel parti prendre
dans une matiere aussi
embarrassée Je n'en vois
point d'autre ,que d'avoir
recours à la voye la plus
sûre en de semblables occassons
qui est l'experience
; c'est à elle pour ainsi
dire à decider,&àcouper
le neud Gordien. Or il me
semble en avoir suffisamment
ramassé pour terminer
la question, ou du
moins pour la mettre dans
son dernier point d'évidence
; & je crains d'autant
moins de les avancer, que
je fuis témoin oculaire de
la pluspart ; au moins celles
que je n'ay pas vûës de
mmeesspprroopprreessyyeeuuxx mm'oonntt estécommuniquées ou
confirmées par des amis
en qui j'ay beaucoup de
confiance,& quiont vû
par les leurs.
Premierement quand à
la sagacitéaddresse, courage,
finesse,& prudence
des belles pour chercher
leur nourriture, & conferver
leur estre, rien n'est
plus connu, & enmesme
tems plus admirable. Car
qu'y a-t-il de mieux inventé
}
& de plus artistement
travaillé que ces toiles dont
les Araignées se fervent
pour attrapper des Mouches
& s'en nourrir? Ne
semble-t il pas que ce soit
d'elles quenos Chasseurs,
nos Oiseleurs,&nosPescheurs
mêmes OIÎC appris
à prendre les bestes sauvages
, les Oiseaux, & les
Poissons au filet ? Qu'y at.
il de plus rusé que ces
infectes nommez Reculettes
, quiamassent des tas
de poussiere dans les trous
des murailles, au centre
desquels elles s'enterrent
ensuite, pour y enterrer à
leur tour, en se remuant,
tous les petits animaux qui
viennent à passer sur leur
trape > Quoy de plus fin
que les Renards? lorsque
deux chassent leur proye
dans un parc fermé de
murs, un d'eux demeure au
guet à une deschatieres
tandis , que l'autre a foin
par son glapissement de
l'avertir des tours & retours
que prend le gibier, afin
qu'ilsoittousjours sur (es
gardes. Qui est-ce qui n'a
pas vû les menées d'un
Chat qui veut courir sur
des Oiseaux dans un jardin
; les détours qu'il prend
pour s'en approcher jconu
me il s'applattit; comme il
rampe conrre terre, & se
traisne le long des bordures
,
de crainte d'estre ap£
perçu de sa proye ) avant
d'estre assez proche, pour
s'eslancer dessus. Il ne faut
qu'avoir elle Chasseur,pour
admirer l'instinct des
Chiens à poursuivre leur
gibier,tandis que les uns
le suivent en queuë, les autres
se détournent pourgagner
le Fort où il pourroit
se jetter, & pour le prévenir:
s'il a estéblessé
,
ils le
poursuivent quelque fatiguez
qu'ils soient, juiques
àce qu'ils l'ayentpris. L'Eté
dernier un de mes amis
ayant tué un Perdreau parmi
une bande, son Chien
le luy apporta, & courut
de luy mesme aussîtost à la
remise des autres, jusques
à un bon quart de lieuë,
pour en attrapper un autre,
qu'il connoissoitapparemment
avoir estéaussî
,
frappé, & qu'il apporta de
même. Lorsque deuxLoups
affamez ont entreprisd'attraper
un Chien dans un
Village, l'un vient gratter
à la porte, & s'enfuie dés
qu'il entend le Chien accouru
sur luy,tandis qu'un
autre qui demeure au guet
a costé de la chatiere
, ne
manque pas de se jetter
sur le Chien dés qu'il vient
à sortir, sur d'estre bientost
secondé par son compagnon.
Les Geays affamez
se jettent dans des
buissons, ou tailistouffus,
où ils crient de toute leur
force, & contrefont si
parfaitement la voix d'un
Chat, comme pouravertir
tous les petits Oiseaux des
environs
, que leur ennemy
est fous le buisson, &
lesexciterà le combattre;
que ceux-cy ne manquent
pas d'y accourrir en foule
de tous costez; & plusieurs
y trouvent effectivement
un ennemy qui ne les épargne
pas dans sa faim;
c'cft ce que j'ay vû quanticé
de fois avec plaisir &
admiration. On sçait aussi
que les Crocodiles & Caïmans
se cachent dans les
roseaux qui sont le long des
rivières où ils habitent,pour
y contrefaire la voix d'un
enfantquise plaint, &attirer
par ce moyen dans
leurembuscade, quelqu'un
touché de compassion.
Tous lesChasseursnesçavent-
ils pas la rufe dont les
Cerfs se fervent pour sauver
leurs compagnons fatiguez
de la poursuite des
Chiens, en se jettant à la
traverse des Meuttes ; &
que les bons Chiens encore
plus rufez qu'eux, ne donnent
pas dans ces panneaux,
mais poursuivent
leur proye infatigablement.
Quelles leçons l'instinct
des bestesnousdonne pour
exercer la charité envers
les opprimez, jusques à exposer
nostre vie pour les
sauver; & de perseverer
dans nos devoirs, quelque
penibles qu'ils soient, tant
que nous en ayons obtenu
la recompense.
Un de mes parens &
compagnons de Chasse
avoit deux Bassets qui alloient
d'eux-mêmes à la
chatte,quand il estoitquelque
cems sans les y mener.
Lorsqu'ils avoient fait lever
un Lievre
,
ils le pour-l
suivoient pendant deux ou
trois heures
,
jusques à ce
qu'ils l'eussent lassé &pris;
alors un se couchoit auprés
de sa proye pour la garder,
tandis que l'autre revenoit
à la maison tout fatigué
qu'ilestoit, pour querir
son maistre, & ne cesfoit
de le. caresser & de
l'importuner,jusques à ce
que le maistre l'eustfuivyï
au lieu où elle estoit. i
Dira-t-on donc que les
machines sont capables de
ruse, decompassion, de fidélite,
--
delité, d'agir par des détours,&
devoir ce que les
plus fins Chasseurs euxm
mes ne voyent pas? Les
machines au contraire ne
doivent- elles pas aller
, droit à ce qui les attire ;
fuïr ce qui les poursuit ; se
reposer quand elles font
lasses
, & s'approprier cç
qui leur convient.
3. Mais voyons jusques
,
où va la prévoyance, la
memoire,& la regle des
belles. Tout le monde sçait j
assez que les Fqurmis en- talTent tout l'Eté dans leurs
fourmillieres des grains de
bled & autres graines pour
se nourrir pendant l'Hyver
; & rien n'est plus admirable
que de voir leur
colomne d'infanterie qui
s'estend depuis la fourmilliere
jusques au lieu du butin
; comme cette colomne
se rejoint quand on l'a
rompuë; comme elle se
continuë jusques au haut
des maisons & des ar bres
les pluseslevez; comme elles
travaillent en societé à
bastir leursfourmillieres
ou granges souterraines ;
comme ellesont la précaution
de couper legerme de
leurs grains afin qu'ils ne
pouffenc pas; de les exposer
tous les jours de beau rems
au Soleil pour les sécher,de
crainte qu'ils ne se corrompent,&
mesme de les
poser dans leurs serres sur
une. poussiere bien seche,
& de les recouvrir avec
une pareille terre pour les
tenir secs;de faire sécher
l'une & l'autre poussiere au
Soleil en mesme tems que
leur grain; & enfinderesserrer
le tout avec diligence
dés qu'il survient la
moindre apparence de
pluye. Les Rars de campagne
entassent pareillement
du bled dans leurs
greniers souterrains durant
tout letemsde la moisson,
pour le nourrir pendant
l'Hyver
,
& ont la prévoyance
de lescreuserjusques
à plus de trois piés de
profondeur de terre, pour
n'estre pas incommodez
de la pluye & de la gelée;
&mesme qui croiroit que
pendant les famines les
Païsans se trouvent quelquefois
réduits à les aller
piller pour chercher à vivre
, comme il estarrivé
en1709. dans plusieursendroits
de la France.
Quelle honte pour des
hommes douez d'esprit &
de jugement, d'estre obligez
d'avoir recours à des
animaux que nous méprifons
si fort, & que nous
traittons de brutes & de
stupides, pour apprendre
d'eux les regles de la prévoyance,
que nous devrions
leur donner.
Diroit-on que les Ours,
tout stupides qu'ils nous
paroissent
, ont aussi leurs
tanières où ils setapissent,
& où ils accumulent force
écorce d'arbre pour [e
nourrir pendant tout l'Hyver?
ces tanieres sont recouvertes
de quantité de
branches d'arbres confusément
entassées
,
mais cependant
de forte que la
neige ne peut pas aisément
les penetrer:lànos brutes
passentun hyver insupportable
aumilieu desimmensesforêts
de la Moscovie,
en grande societé
,
bien
chaudement & faisant bonne
chere. En ferions-nous
davantage ? Nos Païsans
ne se font-ils pas un plaisir
au commencement de l'hiver
d'aller fourager les caches
des Corneilles, des
Chucas &des Pies, qu'ils
trouvent pleines de noix,
de chataignes
,
de noisettes,
& d'autres fruits champestres
que ces animaux
amassent pendant l'Automne
,soit dans les troncs
des arbres, foit fous des tas
d'échalas ou de fagots, &
ailleurs. Les jeunes Chiens
qui sont apparemment
doüez d'un plus vif appetit
que les autres, ont aussi de
coustume,lorsqu'ilsont du
pain dereste
,
de l'enterrer
pour la faim à venir, & de
retourner le chercher,
quand leur faim est revenuë.
-
j
i On donnera, lafuite de cette
Dissertation dans le Aiercare etQ£iobre\prochain
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Résumé : DISSERTATION philosophique sur les merveilles du principe d'action des bestes, & sur leur utilité pour arriver à la connoissance de l'Autheur de la Nature, & à celle des principaux fondemens de la Morale, contre les Carthesiens, les Athées, & les Esprits forts. Par M. P. Dei perfecta sunt opera, &omnes via ejus judicia. Deut. 23.
Le texte 'Dissertation Philosophique sur les merveilles du principe délalo' examine la controverse sur la nature des animaux, en particulier la question de savoir s'ils sont de simples machines ou dotés d'un principe spirituel. Descartes et d'autres philosophes, comme le Père Pereira, ont soutenu que les animaux sont des machines dépourvues de spiritualité, agissant uniquement selon les lois du mouvement et la disposition de leurs organes. Cette théorie a gagné en popularité grâce à Descartes. L'auteur reconnaît la complexité du sujet en notant que les animaux montrent des comportements tant mécaniques que rationnels. Par exemple, les mouvements des fluides corporels et les réactions élastiques des organes sont purement mécaniques, mais certains comportements, comme la prudence et la sagacité, semblent nécessiter une cause spirituelle. Le texte présente de nombreux exemples d'animaux manifestant des comportements intelligents et adaptatifs, tels que les araignées tissant des toiles, les renards chassant en groupe, et les fourmis stockant de la nourriture pour l'hiver. Ces comportements suggèrent une forme de raison et de jugement, difficilement explicable par des lois mécaniques seules. L'auteur conclut que l'expérience est la meilleure voie pour résoudre cette question. Il cite de nombreux exemples observés personnellement ou rapportés par des témoins fiables, illustrant la sagacité, la prudence et la prévoyance des animaux. Ces observations montrent que les animaux possèdent des qualités morales et des comportements complexes, souvent supérieurs à ceux des humains. Le texte décrit également les comportements alimentaires des chiens en hiver. Au début de la saison, les chiens prennent plaisir à fouiller les caches des corneilles, des choucas et des pies, qu'ils trouvent remplies de noix, de châtaignes, de noisettes et d'autres fruits des champs. Ces oiseaux amassent ces provisions pendant l'automne, soit dans les troncs des arbres, soit sous des tas de bûches ou de fagots, ou ailleurs. Les jeunes chiens, dotés d'un appétit plus vif, ont l'habitude d'enterrer du pain lorsqu'ils en ont en réserve, pour le retrouver lorsque la faim revient. Le texte mentionne également une suite à cette dissertation, prévue pour les mois de juillet et octobre prochains.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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1
DISSERTATION philosophique sur les merveilles du principe d'action des bestes, & sur leur utilité pour arriver à la connoissance de l'Autheur de la Nature, & à celle des principaux fondemens de la Morale, contre les Carthesiens, les Athées, & les Esprits forts. Par M. P. Dei perfecta sunt opera, &omnes via ejus judicia. Deut. 23.
2
p. 121-122
Physique en Dialogue du P. Regnault [titre d'après la table]
Début :
On a fait une nouvelle Edition de la Physique en Dialogues, ou des Entretiens [...]
Mots clefs :
Entretiens physiques, Descartes, Gassendi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Physique en Dialogue du P. Regnault [titre d'après la table]
‘On a fait une nouvelle Edition de la‘
Physique en Dialogues , ou des Entretiens
Physiques de P. Regnault “les. C’cst la‘
\
quatrième , a com ter celle d’Amsterdam _
chez Pierre Hum err, ct la Traduction
Anglaise , imprimée à Loudres , chez W.
Innys et N.Prévôt.On écrit d’Allemagnc
Hue cet Ouvrage y paroîtra bien tôt tra
. uit en Allemand. La nouvelle Edition
Françoise de Paris est augmentée par
ÏAuteut, de la valeur d’un Volume, et
enrichie de Planches nouvelles. Ce sont
de nouveaux Entretiens , et les anciens
Perfectionnez. Les Additions sont faites
_ pour
O .
125. MERCURE DE FR ANCEq
pour les endroits où elles se trouvcnrs‘
et elles sont dans le goût des Entretiens
qu’o_n avoir déja vûs‘, même stile , même
netteté, même agrément. Si l'o_n n’y trou.
ve pas toûiours -le sérieux ordinaire de
la Phylqsophie , c’est que l’on y fait par
ler un jeune homme de beaucoup d’es
prit, d'un esprit cultivé _er dhnvcaractere
enjoüé, qui apprend agréablement la Phÿ
siqueet qui instruit de- même en s’ins—
ttuisant. Un Anonime a dit dans le Mer.‘
cure de Novembre, que les Entretiens
Physiques étoient un Ouvrage estime’,
utile, excellent; mais qu'au lieu d’Aristc_
' et d’Eudoxe , qui sont les Interlocurçurs,
il eût voulu des noms celebijs , comme
Descartes et Gissendi. Il falloir doncque
l’-Auteut parlât ou fit parler toujours ses
Interlocuteurs selon lcs principes de Des-’
cartes ou de Gassendi , souvent contre sa.
ensée , etaux dépens même de la veritél
Et avec quelle vraisemblance le P. Re
gnaulr eûæîl mis dans la bouche de Des
cartes et de Gisséndi __ les nouvelles Dê-æ
cnuvertes qui se sont Faites depuis la mort
de Descattes et de Gassendi jusqu’en 173 2..
Physique en Dialogues , ou des Entretiens
Physiques de P. Regnault “les. C’cst la‘
\
quatrième , a com ter celle d’Amsterdam _
chez Pierre Hum err, ct la Traduction
Anglaise , imprimée à Loudres , chez W.
Innys et N.Prévôt.On écrit d’Allemagnc
Hue cet Ouvrage y paroîtra bien tôt tra
. uit en Allemand. La nouvelle Edition
Françoise de Paris est augmentée par
ÏAuteut, de la valeur d’un Volume, et
enrichie de Planches nouvelles. Ce sont
de nouveaux Entretiens , et les anciens
Perfectionnez. Les Additions sont faites
_ pour
O .
125. MERCURE DE FR ANCEq
pour les endroits où elles se trouvcnrs‘
et elles sont dans le goût des Entretiens
qu’o_n avoir déja vûs‘, même stile , même
netteté, même agrément. Si l'o_n n’y trou.
ve pas toûiours -le sérieux ordinaire de
la Phylqsophie , c’est que l’on y fait par
ler un jeune homme de beaucoup d’es
prit, d'un esprit cultivé _er dhnvcaractere
enjoüé, qui apprend agréablement la Phÿ
siqueet qui instruit de- même en s’ins—
ttuisant. Un Anonime a dit dans le Mer.‘
cure de Novembre, que les Entretiens
Physiques étoient un Ouvrage estime’,
utile, excellent; mais qu'au lieu d’Aristc_
' et d’Eudoxe , qui sont les Interlocurçurs,
il eût voulu des noms celebijs , comme
Descartes et Gissendi. Il falloir doncque
l’-Auteut parlât ou fit parler toujours ses
Interlocuteurs selon lcs principes de Des-’
cartes ou de Gassendi , souvent contre sa.
ensée , etaux dépens même de la veritél
Et avec quelle vraisemblance le P. Re
gnaulr eûæîl mis dans la bouche de Des
cartes et de Gisséndi __ les nouvelles Dê-æ
cnuvertes qui se sont Faites depuis la mort
de Descattes et de Gassendi jusqu’en 173 2..
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Résumé : Physique en Dialogue du P. Regnault [titre d'après la table]
Le texte annonce la publication de la quatrième édition de l'ouvrage 'Physique en Dialogues, ou des Entretiens Physiques' du Père Regnault. Cette édition est disponible à Amsterdam chez Pierre Humerr, en traduction anglaise à Londres chez W. Innys et N. Prévôt, et une version allemande est attendue prochainement. L'édition française de Paris inclut un volume supplémentaire et de nouvelles planches, avec des entretiens nouveaux et des anciens perfectionnés. L'ouvrage présente des dialogues entre un jeune homme spirituel et cultivé, qui apprend et instruit la physique de manière agréable. Un critique anonyme dans le Mercure de Novembre a loué l'ouvrage comme estimable, utile et excellent, mais a suggéré de remplacer Aristote et Eudoxe par des noms célèbres comme Descartes et Gassendi. Cependant, cette modification obligerait l'auteur à faire adopter aux interlocuteurs les principes de Descartes ou de Gassendi, souvent au détriment de la vérité et de la vraisemblance, notamment concernant les découvertes scientifiques postérieures à la mort de ces philosophes.
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3
p. 755-757
Traité de l'Opinion, &c. [titre d'après la table]
Début :
Il paroît un Livre nouveau intitulé, Traité de l'Opinion ou Mémoire pour servir à l'Histoire [...]
Mots clefs :
Opinion, Esprit humain, Pyrrhonisme, Histoire, Astronomie, Physique, Descartes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Traité de l'Opinion, &c. [titre d'après la table]
Il paroît un Livre nouveau intitulé , Traité
de l'Opinion ou Mémoire pour servir à l'Histoire
de l'Esprit humain . Le point de vûë de cet
Ouvrage est la Science de douter à propos , et
une sage défiance également éloignée de la crédulité
et du Pyrrhonisme. L'Auteur qui ne s'est
point nommé , execute ce Projet , en suivant les
Sciences prophanes , et en faisant voir par les
sentimens des Anciens et des Modernes , à quel
point l'opinion regne dans ces Sciences. Le premier
Livre roule sur les Belles - Lettres , les differens
Jugemens des Critiques , le Pyrrhonisme de
l'Histoire , les difficultez les plus celebres de la
Chronologie. Le second Livre est une Histoire
de toutes les Sectes Philosophiques ; Histoire , qui
selon l'Auteur , est proprement celle de l'opinion.
Le troisiéme renferme les questions les plus
importantes de la Métaphisique , les égaremens
de l'Idolâtrie , les prétendus Miracles du Paganisme
, les contradictions des Philosophes sur les
ames , sur les bêtes ; les divinations fondées sur
le commerce des Esprits par la Magie , la cabale,
les augures , présages , songes et autres moyens ,
dont on a souvent abusé pour séduire les esprits
faibles
56 MERCURE DE FRANCE
foibles Le quatriéme Livre traite de la Physique,
de l'Astronomie , de la Medecine , de la Chimie,
de l'Astronomie Judiciaire , et autres divinations
prétendues naturelles , les Fables débitées par les
Naturalistes y servent d'exemples de la licence
des Auteurs. Une contradiction du Systême de
Descartes est relevée dans le Chapitre de la Physique
, où l'on trouve en même-temps une réforme
de ce Systême , qui en y rétablissant l'uniformité
conserve tout ce que l'idée des Tourbillons
de Descartes a de brillant et de magnifique.
Le cinquiéme Livie contient deux . Chapitres ,
P'un sur les diferentes especes de Gouvernemens ,
Pantre sur les maximes politiques. La veritable
constitution du Gouvernement de France y est
expliquée , avec des Dissertations importantes
sur les Parlemens et Etats Generaux . Le sixiéme
Livre est un précis des pensées les plus remarqua
bles des Anciens sur la Morale. Les diferentes
Loix et Coûtumes des Peuples y sont exposées.
Tout l'Ouvrage est rempli d'une parfaite connoissance
de l'Antiquité et d'une profonde érudition
; le style en est clair et poli ; tant de sujets
si diversifiez contiennent des recherches immenses
en tous genres , chaque Science y est
traitée suivant son caractere particulier , et il en
résulte un assemblage d'excellens Mémoires pour
servir à l'Hist. de l'Esprit humain , qui peut égale
ment y reconnoître ses erreurs et y considerer les
monumens de ses Travaux les plus illustres.
Ce Livre est en six volumes in 12, dont
le dernier renferme quatre Tables très- amples ,
la premiere , des Chapitres ; la seconde, des noms
propres ; la troisiéme , des Mutieres , et la quatrieme
, des Aureurs citez . Le Prix est de 15. liv.
relié et de 12 liv.12. sols broché. Il se vend
chez
AVRIL. 1733.. 757
chez Guillaume de Bure , le pere , sur le Quay
des Augustins , à l'Image Saint Claude ; chez
Charles Osmons , ruë S. Jacques , à l'Olivier , et
chez Grégoire- Antoine du Puis , au Palais, à l'Enseigne
du S. Esprit.
Nous donnerons un Extrait plus étendu de cet
Ouvrage , que nous n'avons encore fait que parcourir.
de l'Opinion ou Mémoire pour servir à l'Histoire
de l'Esprit humain . Le point de vûë de cet
Ouvrage est la Science de douter à propos , et
une sage défiance également éloignée de la crédulité
et du Pyrrhonisme. L'Auteur qui ne s'est
point nommé , execute ce Projet , en suivant les
Sciences prophanes , et en faisant voir par les
sentimens des Anciens et des Modernes , à quel
point l'opinion regne dans ces Sciences. Le premier
Livre roule sur les Belles - Lettres , les differens
Jugemens des Critiques , le Pyrrhonisme de
l'Histoire , les difficultez les plus celebres de la
Chronologie. Le second Livre est une Histoire
de toutes les Sectes Philosophiques ; Histoire , qui
selon l'Auteur , est proprement celle de l'opinion.
Le troisiéme renferme les questions les plus
importantes de la Métaphisique , les égaremens
de l'Idolâtrie , les prétendus Miracles du Paganisme
, les contradictions des Philosophes sur les
ames , sur les bêtes ; les divinations fondées sur
le commerce des Esprits par la Magie , la cabale,
les augures , présages , songes et autres moyens ,
dont on a souvent abusé pour séduire les esprits
faibles
56 MERCURE DE FRANCE
foibles Le quatriéme Livre traite de la Physique,
de l'Astronomie , de la Medecine , de la Chimie,
de l'Astronomie Judiciaire , et autres divinations
prétendues naturelles , les Fables débitées par les
Naturalistes y servent d'exemples de la licence
des Auteurs. Une contradiction du Systême de
Descartes est relevée dans le Chapitre de la Physique
, où l'on trouve en même-temps une réforme
de ce Systême , qui en y rétablissant l'uniformité
conserve tout ce que l'idée des Tourbillons
de Descartes a de brillant et de magnifique.
Le cinquiéme Livie contient deux . Chapitres ,
P'un sur les diferentes especes de Gouvernemens ,
Pantre sur les maximes politiques. La veritable
constitution du Gouvernement de France y est
expliquée , avec des Dissertations importantes
sur les Parlemens et Etats Generaux . Le sixiéme
Livre est un précis des pensées les plus remarqua
bles des Anciens sur la Morale. Les diferentes
Loix et Coûtumes des Peuples y sont exposées.
Tout l'Ouvrage est rempli d'une parfaite connoissance
de l'Antiquité et d'une profonde érudition
; le style en est clair et poli ; tant de sujets
si diversifiez contiennent des recherches immenses
en tous genres , chaque Science y est
traitée suivant son caractere particulier , et il en
résulte un assemblage d'excellens Mémoires pour
servir à l'Hist. de l'Esprit humain , qui peut égale
ment y reconnoître ses erreurs et y considerer les
monumens de ses Travaux les plus illustres.
Ce Livre est en six volumes in 12, dont
le dernier renferme quatre Tables très- amples ,
la premiere , des Chapitres ; la seconde, des noms
propres ; la troisiéme , des Mutieres , et la quatrieme
, des Aureurs citez . Le Prix est de 15. liv.
relié et de 12 liv.12. sols broché. Il se vend
chez
AVRIL. 1733.. 757
chez Guillaume de Bure , le pere , sur le Quay
des Augustins , à l'Image Saint Claude ; chez
Charles Osmons , ruë S. Jacques , à l'Olivier , et
chez Grégoire- Antoine du Puis , au Palais, à l'Enseigne
du S. Esprit.
Nous donnerons un Extrait plus étendu de cet
Ouvrage , que nous n'avons encore fait que parcourir.
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Résumé : Traité de l'Opinion, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente un ouvrage intitulé 'Traité de l'Opinion ou Mémoire pour servir à l'Histoire de l'Esprit humain', écrit par un auteur anonyme. Cet ouvrage explore la science du doute raisonnable, évitant à la fois la crédulité et le pyrrhonisme. Structuré en six livres, il aborde divers sujets. Le premier livre traite des Belles-Lettres, des jugements critiques, du pyrrhonisme de l'histoire et des difficultés chronologiques. Le second livre examine les sectes philosophiques comme l'histoire de l'opinion. Le troisième livre couvre des questions métaphysiques, l'idolâtrie, les miracles païens, et les contradictions philosophiques sur les âmes et les bêtes, ainsi que les divinations par la magie et la cabale. Le quatrième livre critique la physique, l'astronomie, la médecine, la chimie et les divinations naturelles, notamment le système de Descartes. Le cinquième livre discute des formes de gouvernement et des maximes politiques, expliquant la constitution du gouvernement français et les Parlements. Le sixième livre présente un précis des pensées morales des Anciens et expose les lois et coutumes des peuples. L'ouvrage est caractérisé par une profonde érudition et un style clair, offrant une vaste connaissance de l'antiquité et des recherches approfondies dans divers domaines. Il est disponible en six volumes in-12, avec des tables des chapitres, des noms propres, des matières et des auteurs cités, au prix de 15 livres relié et 12 livres 12 sols broché. Il est en vente chez Guillaume de Bure, Charles Osmons et Grégoire-Antoine du Puis.
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4
p. 1605-1606
Dissertation sur le Feu Boréal, &c. [titre d'après la table]
Début :
DISSERTATION sur le Feu Boreal. Par M. D. J. A. M. R. D. C. Sapienti nihil novum aut peregrinum. [...]
Mots clefs :
Feu boréal, Descartes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Dissertation sur le Feu Boréal, &c. [titre d'après la table]
DISSERTATION sur le Feu Boreal . Par M. D.
J. A. M. R. D. C. Sapienti nihil novum aut peregrinum
. Aristot . apud Diog. Lib . 6. A Paris ,
rue de la Parcheminerie , chez Bullot , 1733. in 8.
de 111. pages , sans la Table, l'Avertissement , & c .
On lit dans ce court Avertissement , que
l'Auteur , après avoir détruit les préjugez de
ceux qui ont de la peine à se rendre aux sistêmes
des Philosophes mondernes, développe avec
autant de netteté que de précision , quelques
principes de la Philosophie de Descartes ; il entre
ensuite dans l'examen des questions de
Physique qui ont quelque rapport à son Sujet,
ou qui peuvent servir à l'éclaircir ; il propose enfin
son Sistême particulier sur les causes , sur la
nature
1606 MERCURE DE FRANCE
mature et sur les proprietez du Feu Boreal, et
répond en même - temps à quelques objections.
Mais il sçait de plus trouver l'adressr de récompenser
ses Lecteurs d'un sujet naturellement sérieux
et stérile ; ensorte qu'on pourra trouver
également dans ce petit Ouvrage de quoi se saaisfaire
et de quoi se des - ennuyer.
J. A. M. R. D. C. Sapienti nihil novum aut peregrinum
. Aristot . apud Diog. Lib . 6. A Paris ,
rue de la Parcheminerie , chez Bullot , 1733. in 8.
de 111. pages , sans la Table, l'Avertissement , & c .
On lit dans ce court Avertissement , que
l'Auteur , après avoir détruit les préjugez de
ceux qui ont de la peine à se rendre aux sistêmes
des Philosophes mondernes, développe avec
autant de netteté que de précision , quelques
principes de la Philosophie de Descartes ; il entre
ensuite dans l'examen des questions de
Physique qui ont quelque rapport à son Sujet,
ou qui peuvent servir à l'éclaircir ; il propose enfin
son Sistême particulier sur les causes , sur la
nature
1606 MERCURE DE FRANCE
mature et sur les proprietez du Feu Boreal, et
répond en même - temps à quelques objections.
Mais il sçait de plus trouver l'adressr de récompenser
ses Lecteurs d'un sujet naturellement sérieux
et stérile ; ensorte qu'on pourra trouver
également dans ce petit Ouvrage de quoi se saaisfaire
et de quoi se des - ennuyer.
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Résumé : Dissertation sur le Feu Boréal, &c. [titre d'après la table]
La 'DISSERTATION sur le Feu Boréal' de M. D., publiée à Paris en 1733, s'étend sur 111 pages, à l'exclusion de la table et de l'avertissement. L'auteur commence par réfuter les préjugés contre les systèmes des philosophes modernes et expose les principes de la philosophie de Descartes avec clarté et précision. Il traite ensuite de questions de physique pertinentes pour son sujet, clarifiant ainsi les aspects liés au Feu Boréal. L'ouvrage présente un système particulier sur les causes, la nature et les propriétés du Feu Boréal, tout en répondant à diverses objections. L'auteur s'efforce également de rendre le sujet, naturellement sérieux et aride, accessible et intéressant pour les lecteurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 1731-1747
DÉFENSE du Cartésianisme, par M. le Gendre de S. Aubin ; contre les accusations des Docteurs Cudwort et Ray.
Début :
Un zèle indiscret est souvent l'occasion d'un scandale ; c'est l'idée qu'on [...]
Mots clefs :
Dieu, Cause, Sagesse, Mécanisme, Ray, Création, Physique, Mouvement, Nature, Lois, Corps, Causes, Principes, Cartésianisme, Descartes, Philosophie, Système, Phénomènes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DÉFENSE du Cartésianisme, par M. le Gendre de S. Aubin ; contre les accusations des Docteurs Cudwort et Ray.
DEFENSE du Cartesianisme, par M. le
Gendre de S. Aubin ; contre les accusations
des Docteurs Cudwort et Ray.
UN
N zéle indiscret est souvent l'occasion
d'un scandale;c'est l'idée qu'on
doit se former des accufations intentées
par les Docteurs Cudwort et Ray , contre
le Cartesianisme. Elles sont contenuës
dans un Livre Anglois , intitulé : L'Existenca
" 1732 MERCURE DE FRANCE
sence et la Sagesse de Dieu, manifestées dans
les Oeuvres de la Création ; par le sieur
Ray,Membre de la Société Royale. La Traduction
Françoise , imprimée à Utrecht,
en 1723. se débite depuis peu à Paris.
On est étonné qu'un Philosophe , qui
écrit uniquement en vûë de manifester la
Sagesse de Dieu dans la Création, débute,
page 5. par approuver un sentiment qu'il
atribue à des Philosophes judicieux ; sçavoir
, que plus les genres , ou les ordres
des Etres sont imparfaits , plus les especes
en sont nombreuses . Est- ce là un
préambule convenable à un Panégyriste
de la Sagesse de Dieu dans la Création ?
Ne devoit il pas plutôt dire que ce qui
paroît imparfait aux vues bornées de notre
entendement , a son utilité et sa destination
dans les Décrets éternels de la Providence
? Ce seroit là un beau champ
pour les Cartésiens qu'il attaque d'une
maniere outrageante ; ne pourroient- ils
pas le traiter de prévaricateur dans une
cause si évidente , et qu'il soutient si
mal ?
Pour faire éclater , dit il , page 12. la
grandeur et l'étendue infinie de l'esprit
de Dieu , il observe que rien ne marque
davantage la supériorité du génie , que
d'inventer des Machines differentes , qui
pros
AOU'ST. 1733. 1733
E
4
€
>
produisent le même effet , et soient destinées
aux mêmes fins . Mais suivant les notions
les plus saines et les plus communes ,
rien ne marque davantage la sagesse
de
l'ouvrier que le Méchanisme le plus simple
et le moins chargé de ressorts . C'est donc
sur une sorte de Méchanisme qu'il fonde
la sagesse de Dieu dans la Création, mais
sur un Mechanisme de détail , qu'il présente
à la pensée , d'une maniere aussi
basse , que celui des Cartésiens est sublime.
Quoique le sieur Ray tâche de décrier
le Cartesianisme sans ménagement, il établit
, pages 2 et 3. comme le sentiment le
plus universellement
reçu , tout ce que
cette Philosophie dans sa nouveauté parut
avoir de plus difficile à concilier avec la
Religion ; sçavoir, l Hypothèse des Tourbillons
, suivant laquelle chaque Etoile ,
pour me servir des propres termes du
Traducteur , est un Soleil ou un Corps
semblable à cet astre , environné de même
d'un Choeur de Planetes , qui tournent
autour de lui. Il avance de plus , qu'il
n'y a aucune de ces Planétes qui ne soit
remplie, selon toutes les apparences , d'une
grande variété de créatures corporelles ,
animées et inanimées . Personne n'ignore
que cette partie de la Physique nouvelle
fut
1734 MERCURE DE FRANCE
fut exposée à la censure , et allarma quelques
personnes pieuses , qui trouvoient
ce systême peu conforme à ce qui nous
cst enseigné sur la Création dans la Genése
; mais il a été reçu depuis comme
une hypothese , sur laquelle on écrit et
on dispute publiquement , et il y a longtemps
que tous les scrupules sont levez à
cet égard.
A la maniére dont le S Ray fait connoître
quels sont les principes de sa Phylosophie
, qui ne le prendroit pour un
Cartésien ? Sectateur de cette Physique ,
il va néanmoins lui imputer les intentions
les plus criminelles. » Il semble
» dit-il, pag. 28.qu'il soit necessaire d'exa-
>> miner un peu les principes d'une Secte
» de Déïstes de profession; j'entends celle
» de Descartes et de ses Disciples , qui
» ont pour but d'éluder et de détruire un
» argument qui a eu tant de force dans
» tous les siècles , pour prouver l'exis-
» tence d'un Dieu . Le premier grief d'une
accusation si grave , est que Descartes
exclud de la Physique toute la considération
des causes finales . Le Sr Ray cite ,
pages 29 et 30. les Passages des Méditations
Métaphysiques , des principes de
Philosophie , et de la quatrième Réponse
aux Objections de Gassendi , où Descartes
dit
AOUST. 1733 1735
1
dit
que toutes
les causes
qu'on
a accoutumé
de tirer
de la fin , ne sont
d'aucun
usage
dans
la Physique
,puisqu'on
ne sçauroit
se persuader
, sans
témérité
, qu'on
puisse
pénétrer
dans
les fins
que
Dieu
s'est proposées
. Il est facile
de répondre
à
cette
objection
, que
la raison
alléguée
par Descartes
, pour
ne pas expliquer
les effets
naturels
par
les fins que
Dieu s'est
proposées
, est trèspieuse
et trèsédifiante
, et qu'il
auro
t pû se contenter
d'établir
en général
, que la Physique
étant
une
recherche
des causes
naturelles
, ce
n'est
pas
parler
en Physicien
, que
de
donner
pour
cause
de la production
d'un Phénoméne
, que Dieu
a eu en vûë
de le
produire
. Car
c'est
ce que tout
Chrétien
sçait
, sans
étudier
la Physique
; cette
science
de tres
- bornée
qu'elle
est , deviendroit
infiniment
étenduë
, si l'on
recevoit
au nombre
des explications
Physiques
, qu'un
efft
naturel
arrive
, parce
qu'il
est conforme
à la fin que Dieu
s'est proposée
. Je suppose
que pour
expliquer
la construction
d'une
Montre
, on s'avisat
de dire
que
ce qui cause
les mouvemens
réglez
de cette
machine
, c'est
l'intention
de l'ouvrier
qui l'a faite
dans
le
dessein
de marquer
les heures
; cette
cause
finale
en Physique
ne seroit
comptée
G
pour
1736 MERCURE DE FRANCE
pour rien ; et on ne pourroit prouver
mieux que cette Montre est l'ouvrage
d'un Artiste , et non l'effet du hazard
qu'en faisant observer l'action du ressort,
le tirage de la chaîne , les engrainures des
rouës , et sur tout la proportion et le concours
des mouvemens. Quel est donc le
véritable objet de la Physique ,? C'est de
déduire les Phénoménes , des Loix géné
rales de la nature , établies par Dieu , et
rapportées au Créateur . Une pareille Philosophie
peut- elle donner lieu aux inveçtives
de l'Auteur Anglois » Les Carthé
» siens , dit- il , page 34. tâchent de dé-
» truire notre grand argument , en pré-
»tendant résoudre tous les Phénomènes
» de la nature , et rendre compte de la
» production et de la formation de l'Uni-
» vers , et de tous les Etres corporels qu'il
» contient , soit celestes ou terrestres ; ani-
» mez ou inanimcz , même sans en exclunre
les animaux , et cela par une foible
»hypothèse de la matiere divisée, et mise
» en mouvement de telle ct telle maniés
» re. . . . . De maniére que Dieu n'a eu
» autre chose à faire qu'à créer la matiére ,
»la diviser en partics , et la mettre en
»mouvement , suivant un petit nombre
de certaines Loix , et que cela ne pouvoit
manquer de produite de soi-même
...
12
AOUST. 1733 : 1737
le monde et toutes les créatures qui y
sont contenues. Pour la réfutation de
cette hypothése ,, continue cet Auteur ,
n'aurois qu'à renvoyer le Lecteur au
» systême du Docteur Cudwort ; mais
» pour lui épargner cette peine, je vais en
transcrire les paroles..... Dieuse con
tentant de regarder en spectateur in-
» différents ce Lusus Atomorum , ou cette
» danse agréable des Atômes , et les différents
effets qui en résultent. Non con-
» tens de cela , ces Déïstes méchaniques
» ont excédé et surpassé en ceci les Athées
» atomiques , par une extravagance plus
oursée que la leur ; car les Athées de
profession n'ont jamais osé affirmer que
» ce systéme régulier des choses fut le ré-
» sultat d'un mouvement fortuit d'Atomes
au commencement , avant d'avoir
produit pendant bien du temps des
combinaisons ineptes ou des assembla-
» ges de choses particulières , et des sys-
» têmes ridicules du tout. Ils supposoient
» même que la régularité des choses de ce
monde ne subsisteroit pas toujours , et
» que la confusion et le désordre s'y re-
> mettroient avec le temps ; qu'outre le
monde que nous habitons , il y en a encore
en ce moment un nombre inexprimable
d'autres irréguliers , dont il
Cij n'y
1738 MERCURE DE FRANCE
» n'y en a pas d'un entre mille et dix mil-
» le , qui ait une régularité pareille au
» nôtre ...... Mais nos Déïstes micha
» niques prétendent que leurs Atomes
» n'ont jamais bronché dans leurs mou-
» vemens, ni produit aucun systéme inep-
» te , ni aucunes formes impropres , et
» qu'ils se sont placez et rangez dès le
commencement avec tant d'ordre et de
» méthode , que la sagesse même n'auroit
» pû le faire mieux , ni avec plus d'exactitude.
C'est par cette raison que çes
» Déi tes re ettent absolument le grand
» a gument qui prouve l'Existence de
Dicu , tiré du Phénoméne de la nature
n artificielle des choses , sur lequel on a si
» fort insisé dans tous les siècles , et qui
» fait ordinairement le plus d'effet sur l'es-
» prit humain. Les Athées s'applaudissent
» cependant en secret , er triomphent de
>> voir la cause du Déïsme trahie de cette
» maniere par ses partisans et ses défen-
» seurs les plus zélez , et le grand argu-
» ment éludé pour favoriser leur cause.
Rien ne sçauroit marquer une plus gran
» de dépravation d'esprit , ni plus de folic
et de stupidité dans les Déïstes pré.en-
» dus , que de n'avoir aucun égard à la
forme régulière et artificielle des cho
ses , ni aux impressions de l'art et de
AOUST . 1733 . 1739
wla
sagesse divine , et de ne regarder
» le Monde et les productions de la Na-
» ture , qu'avec des yeux de boeuf ou de
» cheval.
Le sieur Ray , dans la fureur qui le
transporte , n'entend pas les termes dont
il se sert car qu'est- ce qu'un Déïste , suivant
la notion génerale ? C'est un impiet
qui ne suit aucune Religion particuliere ,
qui reconnoît , à la verité , l'existence de
Dieu mais qui refuse de croire les Mysteres
que Dieu a révelez. Or ces Deïstes qui refusent
de se rendre à l'évidence de la révé.
lation , ne sont pas ceux qui font le moins
valoir le grand argument de l'existence
de Dieu , tiré de sa sagesse dans la Création.
On ne sçait ce que le sieur Ray
veut dire par ces paroles : » Les Athées
» s'applaudissent cependant en secret , et
» triomphent de voir la cause du Déïsme
>>trahie de cette maniere par ses Parti-
» sans et ses Deffenseurs les plus zelez .
Il prend ici la cause du Déïsme pour une
bonne cause trahie , et il semble appli
quer aux Carthésiens les termes de Partis
sans et de Deffenseurs les plus zelez de
la bonne cause. Mais c'est bien plutôt
cet Auteur qui trahit la cause qu'il entreprend
de soutenir , par la foiblesse
avec laquelle il traite son sujet . S'il eût
Ciij fair
1740 MERCURE DE FRANCE
ა
fait remarquer , comme les Carthésiensces
Loix générales dont l'uniformité produit
un Monde si diversifié ; s'il se fût
élevé jusqu'à un méchanisme sublime
qui donnât une idée de la Création proportionnée
à ce que notre foible esprit
peut concevoir de plus grand et de plus
magnifique ; si en s'attachant à ce qu'il.
ya de plus merveilleux dans la Nature
il eût observé , comme ceux qu'il appelle-
Deistes , que cette multitude immense
de mouvemens des Corps Celestes , que
révolutions si constantes des Astres ,
que cette fécondité si riche et si brillan-.
te de l'Univers , que tous ces Phénomenes
si utiles à l'homme , et qui étalent
à ses yeux un spectacle digne du Créateur
, qu'enfin la beauté ravissante de
toutes les Oeuvres de Dieu , est un
témoignage continuel et invincible de sa
sagesse et de sa toute- puissance dans la
Création , par la simplicité et l'ordre des
ressorts qui y sont employez , il eût rem--
pli son sujet avec la dignité convenable ,
mais il ne s'arrête qu'à un petit détail ,
et ne présente par tout que des images.
basses et imparfaites d'un sujet qui surpasse
ses forces.
C'est favoriser l'athéïsme et le syste
me du hazard , que de rejetter le méchaA
O UST. 173′3 ; 1741
chanisme de la Nature , par lequel les
Carthésiens n'entendent autre chose que
les loix generales du mouvement établics
par le Créateur. Que chaque Philosophe
conçoive et suppose ces Loix
générales à son gré , que
differens Phisiciens
suivent des vues systématiquesfort
éloignées ; tous au moins doivent
convenir que ce n'est pas une pensée raisonnable
sur l'Etre suprême , de croire
que l'uniformité et la simplicité manquent
à ses Productions . Le principal but
de la Physique est donc de rapporter tous
les raisonnemens à ces principes. C'est à
quoi les Carthésiens ont beaucoup mieux
réussi qu'aucune autre Secte de Philosophes
, ayant mieux expliqué le méchanisme
general de la Nature; et ' on peut
dire que ceux qui tâchent d'étendre et
de pousser plus loin ce méchanisme , sont
ceux qui pensent et qui s'expliquent le
mieux au sujet de la sagesse et de la toùte-
puissance de Dieu dans la Création . A
la verité , le Philosophe rempli de pré
somption , se persuade qu'il peut concevoir
et faire entendre aux autres cet ordre
admirable établi dans les Ouvrages
de Dieu ; au lieu que le Physitien modeste
, qui connoît la foiblesse et l'incer
titude de ses lumieres , ne regarde tous
Ciij les
742 MERCURE DE FRANCE
les raisonnemens physiques que comme
des hypothéses.
>>
Continuons de rapporter la censure de
la Philosophie Carthésienne par l'Auteur
Anglois. Il se trouve , dit-il , pag. 35 .
» plusieurs Phénomenes dans la Ñature ,
» lesquels étant en partie au- dessus de la
»force et de la portée , et en partie con-
>> traires aux Loix du Méchanisme , ils
» ne sçauroient se résoudre sans avoir re-
>> cours aux causes finales et à quelques
» principes de vie ; par exemple , ce-
» lui de la gravité ou du penchant que
» les corps ont à descendre , le mouve-
» ment du diaphragme dans la respira-
» tion , la systole et la diastole du coeur ,
» qui n'est autre chose qu'une contraction
et un relâchement des muscles ,
» et par consequent ne sçauroit être un
» mouvement méchanique , mais un prin-
» cipe de vie. Nous pourrions encore
» ajoûter à cela entre plusieurs autres
» choses , l'intersection des plans de l'E-
» quateur et de l'Ecliptique ou du mou-
» vement diurne ou journalier de la Ter-
» re sur un axe qui n'est pas parallele à
celui de l'écliptique , ni perpendiculaire
à son plan ..... On ne sçauroit
» donc attribuer la continuation de ce
» double mouvement annuel et diurne
nde
23
A O UST. 17337 1748
de la Terre sur des axes non paralleles,
» à autre chose qu'à une cause finale ou
» mentale , ou rò fixTisov , parce qu'il
étoit à propos que cela fût ainsi , la
» varieté des saisons de l'année en dé
» pendant. Mais le plus considerable de
» tous les Phénoménes pir içuliers est la
»formation et l'organisation des corps
>> des animaux , remplis de tant de varietez
et de merveilles , que ces Philo-
» sophes méchaniques n'en pouvant faire
»la solution par le mouvement nécessaire
» de la matiere , sans qu'elle fût dirigée
par l'esprit à de certaines fins , ont pru-
» demment interrompu leur systéme en
» cet endroit , où ils devoient traiter des
» animaux , et n'en ont pas touché un
» seul mot.
23
On connoît clairement par cette critique
, que le sieur Ray est aussi peu
versé dans la Philosophie Carthésienne
qu'il est injuste dans l'accusation qu'il
intente contre elle. Nous avons vû plus
haut qu'il attribuë aux Carthésiens un
systéme d'Atomes , quoique les trois Elemens
de Descartes soient divisibles à l'infini
, et que par conséquent Descartes
rejette les Atomes , qui signifient des Elemens
indivisibles. Le sieur Ray ne se
trompe pas moins, en disant que dans les
C v Phé1744
MERCURE DE FRANCE
:
Phénomenes qu'il cite , il y a de la contrarieté
au Mechanisme de la Nature. Il
est vrai que les loix générales du mouvement
n'expliquent pas la construction
du corps des animaux , ni la forme de
ces organes merveilleux qui servent aux
differentes fonctions du principe qui les
anime. Le mouvement circulaire des
trois Elémens de Descartes ne peut faires
concevoir , par exemple, comment ont
été produits les instrumens de la faculté
visuelle ; mais les Carthésiens doivent :
seulement avouer que leur méchanisme ,
quoiqu'il n'y ait aucune contrarieté , est
insuffisant pour expliquer tous les Phé
noménes , et sur tout l'organisation admirable
des animaux ,, les corps animezz
et inanimez étant vrai- semblable--
ment produits suivant des loix differen--
tes, ou plutôt dont nous n'appercevons
pas la liaison. * Il ne s'ensuit pas de ce
que la Créature est incapable de conce
voir entierement le grand Ouvrage de :
la Création , qu'il lui soit defendu de rechercher
les causes physiques et naturel
+
La plupart même des Carthésiens estiment aun
aujet de l'organisation continuelle et toujours
cemblable , des Plantes et des Animaux , que tous :
res corps formez en même-temps par le Souve
fain Etre , dans les graines ou dans les oeufs , nesont
que se développer successivement,
leas
A O UST. 1733. 17455
les , suivant les principes les plus géné
caux et les plus simples , en les rappor
tánt à la sagesse et à la toute- puissance
du Créateur.
Les difficultez qui se trouveut sur la
pesanteur , ne peuvent se résoudre par
des principes de vie qui n'ont aucun rapport
avec elle , ou par des causes finales ,.
qui ne sont en aucune maniere des causes
physiques ; et si les explications que
Descartes a données de la pesanteur , ont
été attaquées par de fortes objections ,
tous les Philosophes se sont au moins
accordez à tirer ces Explications d'un '
méchanisme général de la Nature. Le
'steur Ray est si peu d'accord avec luid
même au sujet de la respiration et de la¹
systole et diastole du coeur, qu'après avoir
affirmé que ces mouvemens ne peuvent
être méchaniques , il regarde ailleurs com
me une question douteuse de sçavoir si
les bêtes sont des vrayes machines , ou
s'il convient de leur attribuer la vie et le
sentiment.
cliptiqueant
à l'intersection
de l'é-
1
de l'équateur , on en peut donner
plusieurs raisons qui n'ont rien de
contraire au systéme Carthésien . L'obli
quité de l'écliptique par rapport à l'équateur
, dont l'axe conserve toujours
son parallelisme est assurément la cause
av de
1746 MERCURE DE FRANCE
de la varieté des Saisons , mais cette cause
finale , encore une fois , ne peut passer
pour une cause phisique. L'Explication
naturelle de ce phénoméne peut se rapporter
, suivant les principes d'un Méchanisme
général , ou aux particules cannelées
, qui traversant les pores du G'obe
Terrestre d'un certain sens , déterminent
sa position , ou à la qualité du fluide qui
emporte la Terre par un mouvement
circulaire , ou à la pression des tourbillons
voisins , ou à la résistance que tout
corps solide apporte à l'impression du
mouvement qu'il reçoit , ou à toutes ces
causes réunis , ou aux differentes hypotheses
que la sagacité du Physicien lui
fera inventer. Dieu permet à l'homme
de faire quelques raisonnemens assez vraisemblables
sur les Corps Celestes , si prodigieusement
éloignez de nous ,
afin que
cette étude éleve notre esprit à la Majesté
de l'Etre suprême , en même - temps
que la présomption de l'homme est domptée
par la profonde ignorance où il est
de ce qui est au- dedans de lui - même et
de ce qui fait partie de sa propre substance.
C'est une calomnie insoutenable de
dire que les Carthésiens rejettent absolument
le grand argument qui prouve
» l'eA
O UST. 1733 1747
» l'éxistence de Dieu , tiré du phénoméne
de la forme artificielle des choses .
Nulle Philosophie au contraire ne donne
des idées aussi sublimes de la sagesse
de Dieu dans la Création ; nulle Physique
ne ramene davantage l'esprit au
Créateur , en rapportant tous les phénoménes
qu'elle peut expliquer à des loix
simples et génerales émanées nécessairement
de la Toute puissance divine . C'est
l'argument le plus invincible contre l'Athéïsme
, c'est l'exclusion la plus forte du
hazard , dont la régularité et l'uniformité
ne peuvent être les productions . Plus l'idée
d'un méchanisme est générale , constante
et uniforme , comme dans le Carthésianisme
, plus elle est inséparable des
idées de dessein et de sagesse. Ces Re-
Aléxions suffisent pour prouver des veritez
si évidentes, d'autant plus que pour
détruire l'Athéïsme par le raisonnement ,
il faudroit que quelque homme qui raisonne
fût capable d'Athéïsme , ce qui est
impossible. Il est donc certain que l'accusation
du Carthésianisme par les Docteurs
Cudwort et Ray , est au fond trèsfrivole
et très mal fondée , injurieuse à
plusieurs saints et sçavans personnages ,
qui ont soutenu cette Philosophie , et aux
Écoles qui l'enseignent publiquement.
Gendre de S. Aubin ; contre les accusations
des Docteurs Cudwort et Ray.
UN
N zéle indiscret est souvent l'occasion
d'un scandale;c'est l'idée qu'on
doit se former des accufations intentées
par les Docteurs Cudwort et Ray , contre
le Cartesianisme. Elles sont contenuës
dans un Livre Anglois , intitulé : L'Existenca
" 1732 MERCURE DE FRANCE
sence et la Sagesse de Dieu, manifestées dans
les Oeuvres de la Création ; par le sieur
Ray,Membre de la Société Royale. La Traduction
Françoise , imprimée à Utrecht,
en 1723. se débite depuis peu à Paris.
On est étonné qu'un Philosophe , qui
écrit uniquement en vûë de manifester la
Sagesse de Dieu dans la Création, débute,
page 5. par approuver un sentiment qu'il
atribue à des Philosophes judicieux ; sçavoir
, que plus les genres , ou les ordres
des Etres sont imparfaits , plus les especes
en sont nombreuses . Est- ce là un
préambule convenable à un Panégyriste
de la Sagesse de Dieu dans la Création ?
Ne devoit il pas plutôt dire que ce qui
paroît imparfait aux vues bornées de notre
entendement , a son utilité et sa destination
dans les Décrets éternels de la Providence
? Ce seroit là un beau champ
pour les Cartésiens qu'il attaque d'une
maniere outrageante ; ne pourroient- ils
pas le traiter de prévaricateur dans une
cause si évidente , et qu'il soutient si
mal ?
Pour faire éclater , dit il , page 12. la
grandeur et l'étendue infinie de l'esprit
de Dieu , il observe que rien ne marque
davantage la supériorité du génie , que
d'inventer des Machines differentes , qui
pros
AOU'ST. 1733. 1733
E
4
€
>
produisent le même effet , et soient destinées
aux mêmes fins . Mais suivant les notions
les plus saines et les plus communes ,
rien ne marque davantage la sagesse
de
l'ouvrier que le Méchanisme le plus simple
et le moins chargé de ressorts . C'est donc
sur une sorte de Méchanisme qu'il fonde
la sagesse de Dieu dans la Création, mais
sur un Mechanisme de détail , qu'il présente
à la pensée , d'une maniere aussi
basse , que celui des Cartésiens est sublime.
Quoique le sieur Ray tâche de décrier
le Cartesianisme sans ménagement, il établit
, pages 2 et 3. comme le sentiment le
plus universellement
reçu , tout ce que
cette Philosophie dans sa nouveauté parut
avoir de plus difficile à concilier avec la
Religion ; sçavoir, l Hypothèse des Tourbillons
, suivant laquelle chaque Etoile ,
pour me servir des propres termes du
Traducteur , est un Soleil ou un Corps
semblable à cet astre , environné de même
d'un Choeur de Planetes , qui tournent
autour de lui. Il avance de plus , qu'il
n'y a aucune de ces Planétes qui ne soit
remplie, selon toutes les apparences , d'une
grande variété de créatures corporelles ,
animées et inanimées . Personne n'ignore
que cette partie de la Physique nouvelle
fut
1734 MERCURE DE FRANCE
fut exposée à la censure , et allarma quelques
personnes pieuses , qui trouvoient
ce systême peu conforme à ce qui nous
cst enseigné sur la Création dans la Genése
; mais il a été reçu depuis comme
une hypothese , sur laquelle on écrit et
on dispute publiquement , et il y a longtemps
que tous les scrupules sont levez à
cet égard.
A la maniére dont le S Ray fait connoître
quels sont les principes de sa Phylosophie
, qui ne le prendroit pour un
Cartésien ? Sectateur de cette Physique ,
il va néanmoins lui imputer les intentions
les plus criminelles. » Il semble
» dit-il, pag. 28.qu'il soit necessaire d'exa-
>> miner un peu les principes d'une Secte
» de Déïstes de profession; j'entends celle
» de Descartes et de ses Disciples , qui
» ont pour but d'éluder et de détruire un
» argument qui a eu tant de force dans
» tous les siècles , pour prouver l'exis-
» tence d'un Dieu . Le premier grief d'une
accusation si grave , est que Descartes
exclud de la Physique toute la considération
des causes finales . Le Sr Ray cite ,
pages 29 et 30. les Passages des Méditations
Métaphysiques , des principes de
Philosophie , et de la quatrième Réponse
aux Objections de Gassendi , où Descartes
dit
AOUST. 1733 1735
1
dit
que toutes
les causes
qu'on
a accoutumé
de tirer
de la fin , ne sont
d'aucun
usage
dans
la Physique
,puisqu'on
ne sçauroit
se persuader
, sans
témérité
, qu'on
puisse
pénétrer
dans
les fins
que
Dieu
s'est proposées
. Il est facile
de répondre
à
cette
objection
, que
la raison
alléguée
par Descartes
, pour
ne pas expliquer
les effets
naturels
par
les fins que
Dieu s'est
proposées
, est trèspieuse
et trèsédifiante
, et qu'il
auro
t pû se contenter
d'établir
en général
, que la Physique
étant
une
recherche
des causes
naturelles
, ce
n'est
pas
parler
en Physicien
, que
de
donner
pour
cause
de la production
d'un Phénoméne
, que Dieu
a eu en vûë
de le
produire
. Car
c'est
ce que tout
Chrétien
sçait
, sans
étudier
la Physique
; cette
science
de tres
- bornée
qu'elle
est , deviendroit
infiniment
étenduë
, si l'on
recevoit
au nombre
des explications
Physiques
, qu'un
efft
naturel
arrive
, parce
qu'il
est conforme
à la fin que Dieu
s'est proposée
. Je suppose
que pour
expliquer
la construction
d'une
Montre
, on s'avisat
de dire
que
ce qui cause
les mouvemens
réglez
de cette
machine
, c'est
l'intention
de l'ouvrier
qui l'a faite
dans
le
dessein
de marquer
les heures
; cette
cause
finale
en Physique
ne seroit
comptée
G
pour
1736 MERCURE DE FRANCE
pour rien ; et on ne pourroit prouver
mieux que cette Montre est l'ouvrage
d'un Artiste , et non l'effet du hazard
qu'en faisant observer l'action du ressort,
le tirage de la chaîne , les engrainures des
rouës , et sur tout la proportion et le concours
des mouvemens. Quel est donc le
véritable objet de la Physique ,? C'est de
déduire les Phénoménes , des Loix géné
rales de la nature , établies par Dieu , et
rapportées au Créateur . Une pareille Philosophie
peut- elle donner lieu aux inveçtives
de l'Auteur Anglois » Les Carthé
» siens , dit- il , page 34. tâchent de dé-
» truire notre grand argument , en pré-
»tendant résoudre tous les Phénomènes
» de la nature , et rendre compte de la
» production et de la formation de l'Uni-
» vers , et de tous les Etres corporels qu'il
» contient , soit celestes ou terrestres ; ani-
» mez ou inanimcz , même sans en exclunre
les animaux , et cela par une foible
»hypothèse de la matiere divisée, et mise
» en mouvement de telle ct telle maniés
» re. . . . . De maniére que Dieu n'a eu
» autre chose à faire qu'à créer la matiére ,
»la diviser en partics , et la mettre en
»mouvement , suivant un petit nombre
de certaines Loix , et que cela ne pouvoit
manquer de produite de soi-même
...
12
AOUST. 1733 : 1737
le monde et toutes les créatures qui y
sont contenues. Pour la réfutation de
cette hypothése ,, continue cet Auteur ,
n'aurois qu'à renvoyer le Lecteur au
» systême du Docteur Cudwort ; mais
» pour lui épargner cette peine, je vais en
transcrire les paroles..... Dieuse con
tentant de regarder en spectateur in-
» différents ce Lusus Atomorum , ou cette
» danse agréable des Atômes , et les différents
effets qui en résultent. Non con-
» tens de cela , ces Déïstes méchaniques
» ont excédé et surpassé en ceci les Athées
» atomiques , par une extravagance plus
oursée que la leur ; car les Athées de
profession n'ont jamais osé affirmer que
» ce systéme régulier des choses fut le ré-
» sultat d'un mouvement fortuit d'Atomes
au commencement , avant d'avoir
produit pendant bien du temps des
combinaisons ineptes ou des assembla-
» ges de choses particulières , et des sys-
» têmes ridicules du tout. Ils supposoient
» même que la régularité des choses de ce
monde ne subsisteroit pas toujours , et
» que la confusion et le désordre s'y re-
> mettroient avec le temps ; qu'outre le
monde que nous habitons , il y en a encore
en ce moment un nombre inexprimable
d'autres irréguliers , dont il
Cij n'y
1738 MERCURE DE FRANCE
» n'y en a pas d'un entre mille et dix mil-
» le , qui ait une régularité pareille au
» nôtre ...... Mais nos Déïstes micha
» niques prétendent que leurs Atomes
» n'ont jamais bronché dans leurs mou-
» vemens, ni produit aucun systéme inep-
» te , ni aucunes formes impropres , et
» qu'ils se sont placez et rangez dès le
commencement avec tant d'ordre et de
» méthode , que la sagesse même n'auroit
» pû le faire mieux , ni avec plus d'exactitude.
C'est par cette raison que çes
» Déi tes re ettent absolument le grand
» a gument qui prouve l'Existence de
Dicu , tiré du Phénoméne de la nature
n artificielle des choses , sur lequel on a si
» fort insisé dans tous les siècles , et qui
» fait ordinairement le plus d'effet sur l'es-
» prit humain. Les Athées s'applaudissent
» cependant en secret , er triomphent de
>> voir la cause du Déïsme trahie de cette
» maniere par ses partisans et ses défen-
» seurs les plus zélez , et le grand argu-
» ment éludé pour favoriser leur cause.
Rien ne sçauroit marquer une plus gran
» de dépravation d'esprit , ni plus de folic
et de stupidité dans les Déïstes pré.en-
» dus , que de n'avoir aucun égard à la
forme régulière et artificielle des cho
ses , ni aux impressions de l'art et de
AOUST . 1733 . 1739
wla
sagesse divine , et de ne regarder
» le Monde et les productions de la Na-
» ture , qu'avec des yeux de boeuf ou de
» cheval.
Le sieur Ray , dans la fureur qui le
transporte , n'entend pas les termes dont
il se sert car qu'est- ce qu'un Déïste , suivant
la notion génerale ? C'est un impiet
qui ne suit aucune Religion particuliere ,
qui reconnoît , à la verité , l'existence de
Dieu mais qui refuse de croire les Mysteres
que Dieu a révelez. Or ces Deïstes qui refusent
de se rendre à l'évidence de la révé.
lation , ne sont pas ceux qui font le moins
valoir le grand argument de l'existence
de Dieu , tiré de sa sagesse dans la Création.
On ne sçait ce que le sieur Ray
veut dire par ces paroles : » Les Athées
» s'applaudissent cependant en secret , et
» triomphent de voir la cause du Déïsme
>>trahie de cette maniere par ses Parti-
» sans et ses Deffenseurs les plus zelez .
Il prend ici la cause du Déïsme pour une
bonne cause trahie , et il semble appli
quer aux Carthésiens les termes de Partis
sans et de Deffenseurs les plus zelez de
la bonne cause. Mais c'est bien plutôt
cet Auteur qui trahit la cause qu'il entreprend
de soutenir , par la foiblesse
avec laquelle il traite son sujet . S'il eût
Ciij fair
1740 MERCURE DE FRANCE
ა
fait remarquer , comme les Carthésiensces
Loix générales dont l'uniformité produit
un Monde si diversifié ; s'il se fût
élevé jusqu'à un méchanisme sublime
qui donnât une idée de la Création proportionnée
à ce que notre foible esprit
peut concevoir de plus grand et de plus
magnifique ; si en s'attachant à ce qu'il.
ya de plus merveilleux dans la Nature
il eût observé , comme ceux qu'il appelle-
Deistes , que cette multitude immense
de mouvemens des Corps Celestes , que
révolutions si constantes des Astres ,
que cette fécondité si riche et si brillan-.
te de l'Univers , que tous ces Phénomenes
si utiles à l'homme , et qui étalent
à ses yeux un spectacle digne du Créateur
, qu'enfin la beauté ravissante de
toutes les Oeuvres de Dieu , est un
témoignage continuel et invincible de sa
sagesse et de sa toute- puissance dans la
Création , par la simplicité et l'ordre des
ressorts qui y sont employez , il eût rem--
pli son sujet avec la dignité convenable ,
mais il ne s'arrête qu'à un petit détail ,
et ne présente par tout que des images.
basses et imparfaites d'un sujet qui surpasse
ses forces.
C'est favoriser l'athéïsme et le syste
me du hazard , que de rejetter le méchaA
O UST. 173′3 ; 1741
chanisme de la Nature , par lequel les
Carthésiens n'entendent autre chose que
les loix generales du mouvement établics
par le Créateur. Que chaque Philosophe
conçoive et suppose ces Loix
générales à son gré , que
differens Phisiciens
suivent des vues systématiquesfort
éloignées ; tous au moins doivent
convenir que ce n'est pas une pensée raisonnable
sur l'Etre suprême , de croire
que l'uniformité et la simplicité manquent
à ses Productions . Le principal but
de la Physique est donc de rapporter tous
les raisonnemens à ces principes. C'est à
quoi les Carthésiens ont beaucoup mieux
réussi qu'aucune autre Secte de Philosophes
, ayant mieux expliqué le méchanisme
general de la Nature; et ' on peut
dire que ceux qui tâchent d'étendre et
de pousser plus loin ce méchanisme , sont
ceux qui pensent et qui s'expliquent le
mieux au sujet de la sagesse et de la toùte-
puissance de Dieu dans la Création . A
la verité , le Philosophe rempli de pré
somption , se persuade qu'il peut concevoir
et faire entendre aux autres cet ordre
admirable établi dans les Ouvrages
de Dieu ; au lieu que le Physitien modeste
, qui connoît la foiblesse et l'incer
titude de ses lumieres , ne regarde tous
Ciij les
742 MERCURE DE FRANCE
les raisonnemens physiques que comme
des hypothéses.
>>
Continuons de rapporter la censure de
la Philosophie Carthésienne par l'Auteur
Anglois. Il se trouve , dit-il , pag. 35 .
» plusieurs Phénomenes dans la Ñature ,
» lesquels étant en partie au- dessus de la
»force et de la portée , et en partie con-
>> traires aux Loix du Méchanisme , ils
» ne sçauroient se résoudre sans avoir re-
>> cours aux causes finales et à quelques
» principes de vie ; par exemple , ce-
» lui de la gravité ou du penchant que
» les corps ont à descendre , le mouve-
» ment du diaphragme dans la respira-
» tion , la systole et la diastole du coeur ,
» qui n'est autre chose qu'une contraction
et un relâchement des muscles ,
» et par consequent ne sçauroit être un
» mouvement méchanique , mais un prin-
» cipe de vie. Nous pourrions encore
» ajoûter à cela entre plusieurs autres
» choses , l'intersection des plans de l'E-
» quateur et de l'Ecliptique ou du mou-
» vement diurne ou journalier de la Ter-
» re sur un axe qui n'est pas parallele à
celui de l'écliptique , ni perpendiculaire
à son plan ..... On ne sçauroit
» donc attribuer la continuation de ce
» double mouvement annuel et diurne
nde
23
A O UST. 17337 1748
de la Terre sur des axes non paralleles,
» à autre chose qu'à une cause finale ou
» mentale , ou rò fixTisov , parce qu'il
étoit à propos que cela fût ainsi , la
» varieté des saisons de l'année en dé
» pendant. Mais le plus considerable de
» tous les Phénoménes pir içuliers est la
»formation et l'organisation des corps
>> des animaux , remplis de tant de varietez
et de merveilles , que ces Philo-
» sophes méchaniques n'en pouvant faire
»la solution par le mouvement nécessaire
» de la matiere , sans qu'elle fût dirigée
par l'esprit à de certaines fins , ont pru-
» demment interrompu leur systéme en
» cet endroit , où ils devoient traiter des
» animaux , et n'en ont pas touché un
» seul mot.
23
On connoît clairement par cette critique
, que le sieur Ray est aussi peu
versé dans la Philosophie Carthésienne
qu'il est injuste dans l'accusation qu'il
intente contre elle. Nous avons vû plus
haut qu'il attribuë aux Carthésiens un
systéme d'Atomes , quoique les trois Elemens
de Descartes soient divisibles à l'infini
, et que par conséquent Descartes
rejette les Atomes , qui signifient des Elemens
indivisibles. Le sieur Ray ne se
trompe pas moins, en disant que dans les
C v Phé1744
MERCURE DE FRANCE
:
Phénomenes qu'il cite , il y a de la contrarieté
au Mechanisme de la Nature. Il
est vrai que les loix générales du mouvement
n'expliquent pas la construction
du corps des animaux , ni la forme de
ces organes merveilleux qui servent aux
differentes fonctions du principe qui les
anime. Le mouvement circulaire des
trois Elémens de Descartes ne peut faires
concevoir , par exemple, comment ont
été produits les instrumens de la faculté
visuelle ; mais les Carthésiens doivent :
seulement avouer que leur méchanisme ,
quoiqu'il n'y ait aucune contrarieté , est
insuffisant pour expliquer tous les Phé
noménes , et sur tout l'organisation admirable
des animaux ,, les corps animezz
et inanimez étant vrai- semblable--
ment produits suivant des loix differen--
tes, ou plutôt dont nous n'appercevons
pas la liaison. * Il ne s'ensuit pas de ce
que la Créature est incapable de conce
voir entierement le grand Ouvrage de :
la Création , qu'il lui soit defendu de rechercher
les causes physiques et naturel
+
La plupart même des Carthésiens estiment aun
aujet de l'organisation continuelle et toujours
cemblable , des Plantes et des Animaux , que tous :
res corps formez en même-temps par le Souve
fain Etre , dans les graines ou dans les oeufs , nesont
que se développer successivement,
leas
A O UST. 1733. 17455
les , suivant les principes les plus géné
caux et les plus simples , en les rappor
tánt à la sagesse et à la toute- puissance
du Créateur.
Les difficultez qui se trouveut sur la
pesanteur , ne peuvent se résoudre par
des principes de vie qui n'ont aucun rapport
avec elle , ou par des causes finales ,.
qui ne sont en aucune maniere des causes
physiques ; et si les explications que
Descartes a données de la pesanteur , ont
été attaquées par de fortes objections ,
tous les Philosophes se sont au moins
accordez à tirer ces Explications d'un '
méchanisme général de la Nature. Le
'steur Ray est si peu d'accord avec luid
même au sujet de la respiration et de la¹
systole et diastole du coeur, qu'après avoir
affirmé que ces mouvemens ne peuvent
être méchaniques , il regarde ailleurs com
me une question douteuse de sçavoir si
les bêtes sont des vrayes machines , ou
s'il convient de leur attribuer la vie et le
sentiment.
cliptiqueant
à l'intersection
de l'é-
1
de l'équateur , on en peut donner
plusieurs raisons qui n'ont rien de
contraire au systéme Carthésien . L'obli
quité de l'écliptique par rapport à l'équateur
, dont l'axe conserve toujours
son parallelisme est assurément la cause
av de
1746 MERCURE DE FRANCE
de la varieté des Saisons , mais cette cause
finale , encore une fois , ne peut passer
pour une cause phisique. L'Explication
naturelle de ce phénoméne peut se rapporter
, suivant les principes d'un Méchanisme
général , ou aux particules cannelées
, qui traversant les pores du G'obe
Terrestre d'un certain sens , déterminent
sa position , ou à la qualité du fluide qui
emporte la Terre par un mouvement
circulaire , ou à la pression des tourbillons
voisins , ou à la résistance que tout
corps solide apporte à l'impression du
mouvement qu'il reçoit , ou à toutes ces
causes réunis , ou aux differentes hypotheses
que la sagacité du Physicien lui
fera inventer. Dieu permet à l'homme
de faire quelques raisonnemens assez vraisemblables
sur les Corps Celestes , si prodigieusement
éloignez de nous ,
afin que
cette étude éleve notre esprit à la Majesté
de l'Etre suprême , en même - temps
que la présomption de l'homme est domptée
par la profonde ignorance où il est
de ce qui est au- dedans de lui - même et
de ce qui fait partie de sa propre substance.
C'est une calomnie insoutenable de
dire que les Carthésiens rejettent absolument
le grand argument qui prouve
» l'eA
O UST. 1733 1747
» l'éxistence de Dieu , tiré du phénoméne
de la forme artificielle des choses .
Nulle Philosophie au contraire ne donne
des idées aussi sublimes de la sagesse
de Dieu dans la Création ; nulle Physique
ne ramene davantage l'esprit au
Créateur , en rapportant tous les phénoménes
qu'elle peut expliquer à des loix
simples et génerales émanées nécessairement
de la Toute puissance divine . C'est
l'argument le plus invincible contre l'Athéïsme
, c'est l'exclusion la plus forte du
hazard , dont la régularité et l'uniformité
ne peuvent être les productions . Plus l'idée
d'un méchanisme est générale , constante
et uniforme , comme dans le Carthésianisme
, plus elle est inséparable des
idées de dessein et de sagesse. Ces Re-
Aléxions suffisent pour prouver des veritez
si évidentes, d'autant plus que pour
détruire l'Athéïsme par le raisonnement ,
il faudroit que quelque homme qui raisonne
fût capable d'Athéïsme , ce qui est
impossible. Il est donc certain que l'accusation
du Carthésianisme par les Docteurs
Cudwort et Ray , est au fond trèsfrivole
et très mal fondée , injurieuse à
plusieurs saints et sçavans personnages ,
qui ont soutenu cette Philosophie , et aux
Écoles qui l'enseignent publiquement.
Fermer
Résumé : DÉFENSE du Cartésianisme, par M. le Gendre de S. Aubin ; contre les accusations des Docteurs Cudwort et Ray.
Le texte est une défense du cartésianisme contre les critiques des docteurs Cudworth et Ray, exprimées dans leur ouvrage 'L'Existence et la Sagesse de Dieu, manifestées dans les Oeuvres de la Création'. Le défenseur du cartésianisme reproche à Ray d'avoir commencé son livre en approuvant l'idée que les êtres imparfaits sont plus nombreux que les parfaits, ce qui est jugé inapproprié pour un panégyriste de la sagesse divine. Ray est également critiqué pour avoir fondé la sagesse divine sur un mécanisme de détail, jugé bas et imparfait comparé au mécanisme sublime des cartésiens. Malgré ses attaques contre le cartésianisme, Ray reconnaît certaines hypothèses cartésiennes, comme celle des tourbillons et la diversité des créatures sur les planètes. Le défenseur du cartésianisme répond aux accusations de Ray en expliquant que Descartes exclut les causes finales de la physique pour se concentrer sur les causes naturelles. Il argue que cette approche est pieuse et édifiante, et que la physique doit déduire les phénomènes des lois générales de la nature établies par Dieu. Le texte critique Ray pour avoir accusé les cartésiens de détruire l'argument de l'existence de Dieu en réduisant la création à des lois mécaniques. Le défenseur du cartésianisme conclut que les cartésiens ont mieux expliqué le mécanisme général de la nature et la sagesse divine que toute autre secte philosophique. Le texte discute également de divers phénomènes naturels, comme la gravité, la respiration, les mouvements du cœur, et les mouvements de la Terre, qui semblent défier les lois du mécanisme et nécessitent l'intervention de causes finales ou de principes de vie. Il critique l'incapacité des philosophes mécanistes à expliquer l'organisation des corps animaux, soulignant que ces philosophes interrompent leur système lorsqu'ils abordent ce sujet. Les cartésiens reconnaissent l'insuffisance de leur mécanisme pour expliquer tous les phénomènes, notamment l'organisation des animaux, mais estiment que les corps animés et inanimés sont produits selon des lois différentes. Le texte aborde des difficultés spécifiques comme la pesanteur, la respiration, et les mouvements du cœur, soulignant que les explications cartésiennes, bien que critiquées, restent mécanistes. Il mentionne l'obliquité de l'écliptique par rapport à l'équateur et les diverses causes possibles de ce phénomène, tout en insistant sur le fait que les causes finales ne peuvent être des causes physiques. Enfin, le texte réfute l'accusation selon laquelle les cartésiens rejettent l'argument de la forme artificielle des choses pour prouver l'existence de Dieu. Il affirme que la philosophie cartésienne donne des idées sublimes de la sagesse divine et constitue un argument fort contre l'athéisme. Le texte conclut en dénonçant les accusations frivoles et mal fondées contre le cartésianisme.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 495-507
COMPARAISON des deux Philosophies de Descartes et de Newton, avec des Remarques sur l'une et sur l'autre.
Début :
La Philosophie Péripatéticienne avoit remporté une entiere victoire sur le Platonisme et [...]
Mots clefs :
Matière, Mouvement, Corps, Descartes, Newton, Élément, Force, Parties, Matière subtile, Terre, Philosophie, Tourbillon, Nature, Principe, Aimant, Lois, Mouvements
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMPARAISON des deux Philosophies de Descartes et de Newton, avec des Remarques sur l'une et sur l'autre.
COMPARAISON des deux
Philosophies de Descartes et de Newton,
avec des Remarques sur l'une et sur l'autre.
Lportéuns avoitsteer
A Philosophie Péripatéticienne avoit remsur
tous les autres Sectes de l'Antiquité .L'Empire
d'Aristote étoit despotique . Les raisons qui sont
les Loix de la Philosophie , n'étoient point écou
tées , des veritez nouvelles étoient traitées de séditieuses
, et cette Philosophie , après avoir été
long- temps proscrite par le concours des deux
autoritez , ( Launoi , de fortun . Aristot . ) avoit sçû
les engager si bien dans son parti , que ceux qui
prétendoient secouer le joug des préjugez, étoient
punis comme perturbateurs. Malgré tous ces obstacles
, il parut un homme qui joignit la fermeté
du courage à l'élevation du génie . Toutes ses
vûes ne tendoient qu'à la verité ; plein d'ardeur
pour la tirer d'esclavage , il osa établir pour
principe , ( Cartes. Méditat. 1. ) que le commencement
de la Philosophie est de rejetter toutes les
opinions reçues jusqu'alors , de remonter à un
Scepticisme general , non pour demeurer dans
cet état de Pyrrhonien , incompatible avec les
lumieres naturelles , mais pour n'admettre au
pombre des veritez , que celles qui sont fondées
sur
496 MERCURE DE FRANCE
sur des notions claires , certaines et évidentes.
René Descartes , par ce seul principe , porta le
coup mortel aux décisions philosophiques for
dées sur les préjugez ; par cette voye d'un doute
general , il s'éleva ( Cartes . Méditat. 2. 3. 6. )
aux veritez primitives , de sa propre existence
de l'existence de Dieu , de la distinction de l'ame
et du corps ; des veritez les plus simples il passa
aux plus composées , il entreprit de connoître et
de dévoiler même la Nature ; et développant
quelques germes obscurs , informes et peu connus
, qui étoient enfermez dans les Livres des
Anciens sans explication suffisante , il en forma
un Systême Physique ( Cartes , Princip . part. 3. )
si étendu et si brillant , qu'il surpasse de bien
loin tout ce qu'on avoit imaginé jusqu'à lui de la
magnificence de l'Univers. Descartes n'est pas
bien d'accord avec lui- même sur la réalité de
l'Edifice qu'il a construit. Tantôt reconnoissant
tout ce que ses idées ont d'incertain.et de vague, il
les traite de Fables ( Trait . de la Lum. ) et de Romans
; tantôt paroissant rempli de confiance pour
ses découvertes , il n'hésite point à dire , que
persuadé par des notions si claires et si distinctes ,
il ne croit pas ( Princip . part . 4. et Epist. t. z .
Epist. 37. ) que la plupart des choses qu'il a
écrites , puissent être autrement.
Toute la Physique de Descartes se rapporte
aux loix generales du mouvement, établies par Ie
souverain Etre , en même - temps qu'il a créé la
matiere. C'est conformément à ces Loix que la
Providence Divine a construit le Monde , et
qu'elle le conserve ; Descartes définit la Nature ;
(Méditat. 6. ) l'ordre et la disposition que Dieu
a donnez aux choses créées. Quelqu'un peut- il
nier que la Physique ne consiste dans la recherche
MARS. 1734
497
che et la connoissnce de ces loix prescrites à la
Nature par son Auteur ? L'harmonie et la régularité
de l'Univers sont des témoignages continuels
de la sagesse infinie , dont elles sont émanées .
Aucune étude ne ramene davantage l'esprit au
Créateur , que la contemplation de la Nature.
C'est en quoi le Cartésianisme excelle , et jamais
aucune Philosophie ne fut plus diamétralement
opposée auSpinosisme qui, par l'hypothèse de tou- ,
tes la plus absurde , ne reconnoît dans les effets'
naturels qu'une matiere aveugle , privée d'intelligence
et de sentiment, et coufond les substances
spirituelles et corporelles ; ou à la Philosophic
Epicurienne , qui donne pour principe general
, des accrochemens d'admes unis fortuitement
par un mouvement de déclinaison , dont
l'Antiquité s'est mocquée . C'est uniquement à la
gloire du Cartesianisine et à l'envie des autres
Sectes , qu'on doit attribuer les accusations si
dénuées de toute vraye - semblance au sujet des
liaisons supposées de cette Philosophie avec les
absurditez de Spinosa et d'Epicure ; il est même
impossible de lire les Ouvrages de Descartes sans
être autant édifié de sa picté , qu'on est charmé
de sa modestie .
Descartes pose pour principes trois regles de
mouvement ( Princip. part. 2. ) qu'il appelle génerales
; la premiere , que tout corps persiste naturellement
dans l'état où il se trouve de mouvement
ou de repos , et il fonde cet axiome sur
une pensée fort juste , que rien ne se porte de soimême
et par sa nature à son contraire ou à sa
destruction. La seconde regle est que le mouvement
est proportionnel à l'impression de la force
qui le produit , er que tout corps qui se meut ,
tend à continuer son mouvement en ligne droite.
La
298 MERCURE DE FRANCE
La troisiéme est que si un corps qui se meut ên
rencontre un autre auquel il ne communique
aucune partie de son mouvement, il rejaillit avec
une force égale , et que , s'il lui communique une
partie de son mouvement , il en perd autant qu'il
en communique. De cette . Loi generale , Descartes
déduit les loix particulieres des rencontres
des corps à proportion des differens degrez de
vitesse et de masse ; loix particulieres , qui ne
peuvent , suivant son aveu , avoir une application
entierement juste , qu'en supposant que les deuxcorps
qui se rencontrent , fussent parfaitement
durs , et tellement séparez de tous les autres
corps , qu'aucun ne pût contribuer ou nuire à
leur mouvement , et il remarque au même en
droit que cela est impossible. Nous aurons plusieurs
observations à faire sur cette troisiéme loi
de mouvement.
La matiere est une , suivant les Principes de
Descartes , et toutes ses differences ne consistent
que dans les divisions , figures , situations et
mouvemens de ses parties . Il soutient que comme
il est impossible que la matiere soit sans étenduë
, l'espace ou l'étenduë ne peuvent aussi être
sans matiere ; qu'il y a la même contradiction à
concevoir un lieu sans un corps qui le remplisse ,
qu'à imaginer la rondeur sans une matiere qui
soit ronde , la blancheur sans un sujet qui soit
blanc , ou une montagne sans vallée . Puisque
tout est plein dans l'Univers , un corps qui se
meut , ne peut avancer , que la matiere qui est à
ses côtez ne passe en arriere , poussée par celle de
devant , qui est obligée de refluer aux côtez , ce
qui arrive avec une extrême facilité , lorsque le
corps , qui fait effort pour se mouvoir , a plus de
force que la matiere qui se trouve au -devant de
lui
MARS. 1734. 499
lui , n'en a pour résister. Le mouvement direct ,
le plus simple et le plus naturel , est moins
commun dans la Nature, que le mouvement circulaire
produit par les obstacles de la mutuelle
action et réaction des corps , mais le mouvement
circulaire retient toujours de son origine , que
tout corps qui se meut en rond , tend à s'échapper
dès qu'il est libre , par un mouvement direct ;
ce que les Géometres expriment en disant , que
tout corps qui par son mouvement décrit un
cercle , s'efforce continuellement d'en parcourir
la tangente.
La pression et le mouvement brisent les parties
de la matiere , qui sont divisibles à l'infini ,
leur fragilité ou leur disposition à s'unir , rend
les Elemens toujours conversibles l'un dans l'autre.
Descartes en admet trois ; la matiere subtile
ou le premier Element composé des partiès les
plus atténuées par le froissement; la matiere globuleuse
ou le second élement dont les particules
ont été arrondies et ont conservé une figure sphérique
dans le froissement ; et la matiere compac
te ou le troisiéme élement dont les particules
branchuës et de figures irrégulieres , ont le mieux
résisté au froissement . Ces trois élemens sont
imperceptibles ; et pour imaginer avec plus de
facilité leur effet dans la composition de tous les
corps matériels , représentez - vous un amas de
fruits ayant des figures fort irregulieres , comme
grenades , poires , pommes, concombres , nêfles,
grappes de raisins ; voilà la matiere compacte
ou le troisième élement . Répandez sur ce monceau
de fruits , des coriandes ; toutes ces petites
boules rondes se répandront de côté et d'autre
pour remplir les interstices des figures irrégulie
ICS c'est la matiere globuleuse ou le second
élement
38618 )
300 MERCURE DE FRANCE
élement. Versez enfin de la poudre à canon sur
le tas de fruits , elle ira s'insinuer dans les interstices
les plus petits , échappez aux dragées , et
elle représentera ici la matiere subtile ou le premier
élement . Si cette poudre à canon domine
assez dans les interstices des fruits et qu'elle y
ait assez de force pour leur communiquer la rapidité
de son mouvement en chassant les dragées ,
et les repoussant de toutes parts , l'amas tout entier
devient enflammé et lumineux , et ce feu est
d'autant plus violent , que la solidité des parties
les plus grossieres du troisiéme élement y est
jointe à la rapidité du mouvement du premier ,
et que la force de masse , comme disent les Physiciens
, accompagne la force de vitesse. Si la matiere
compacte reçoit dans ses interstices les globules
du second élement qui y temperent l'extrême
mouvement du premier ou de la matiere
subtile , le corps est opaque et plus ou moins solide
, suivant la grossiereté des parties du troisiéme
élement. Si la matiere globuleuse trouve
les pores disposez à lui laisser un passage libre
pour traverser de part en part , le corps est transparent.
On ne peut donner des images trop sensibles
des principes qu'on explique , sur tout dans
un temps où il s'est introduit un usage presque
general , de ne traiter les Sciences que par quelques
caracteres Algebriques et d'une manière si
abstraite , qu'elle ne donne aucune prise à l'imagination.
Passons à l'application que Descartes a faite
de ses Principes . Les mouvemens directs de la
matiere ont été changez en mouvemens circulaires
par les obstacles de l'action et de la réaction
des corps. Des tourbillons de grandeur inégales
se sont formez , ils en ont aussi contenu d'autres,
comme
MARS. 1734.
501
•
comme on voit des torrens qui se traversent ,
être agitez circulairement et renfermer au-dedans
d'eux - mêmes des courants plus petits , qui
tournant sur leur propre centre , sont emportez
par le mouvement circulaire du plus grand. Le
froissement de la matiere l'ayant divisée en trois
élemens , Descartes suppose qu'il s'est fait au centre
du tourbillon un amas de matiere subtile ,
dont ce Philosophe a composé les Etoiles , qu'il
a regardées comme autant de Soleils . Le prodigieux
mouvement de la matiere subtile qui repousse
de toute part les globules du second éle
ment , rend les globes des étoiles enflammez et
lumineux par eux- mêmes. Mais il est arrivé â
quelques- uns de ces globes que leurs mouvemens
se sont , rallentis , que leurs interstices ont été
differemment disposez , et que le globe , d'enflammé
et de lumineux , est devenu dense et
opaque , qu'alors privé de la force et de l'activité
de son mouvement , il n'a pû deffendre
son tourbillon contre la pression des tourbillons .
voisins qui ont envahi son atmosphere ; et le
globe lui- même a passé dans un autre tourbillon,
au mouvement duquel il a été assujetti après s'y
être mis en équilibre. C'est l'origine que Descar
tes donne ( Cartes . Princip . part. 3. ) à la Terre
et aux autres Planétes , qui ont commencé , suivant
son Systême , par être des Soleils ou des
Etoiles. Il donne la même explication des Cométes
comme de Soleils récemment éteints et
encroûtez , qui traversent les espaces éthérées
jusqu'à ce qu'ils ayent rencontré dans quelque
tourbillon un fluide d'une épaisseur et d'un mouvement
proportionnez , et propres à les fixer en
équilibre.
La lumiere consiste dans l'impulsion des parties
582
MERCURE
DE FRANCE
ties globuleuses du second élement répandues de »
toutes parts , à peu près comme un grain de poudre
à canon en se développant , chasse de tout
côté les corps qu'il rencontre. La prodigieuse rapidité
de la lumiere est causée parce que tous les
globules du second élement sont contigus et que,
Pimpression qui agit sur le premier , se fait sentir
en même- temps sur tous les autres , comme
un bâton ne
ne peut être remué par un bout , que le
mouvement ne soit aussi - tôt communiqué à
l'autre extremité , quelque éloignée qu'elle soit.
Cette rapidité de la lumiere transmise par la continuité
des globules du second élement , est une
des preuves d'experience , qu'il n'y a point de
vuide dans la Nature
Le mouvement circulaire des tourbillons est
dans le Systême Cartésien , la cause de la pesanteur.
Ce qu'on appelle pesanteur est proprement
une moindre legereté . Les trois élemens ont dif
ferens degrez de, force centrifuge ; la matiere'
subtile du premier élement a plus d'action
( Cartes. Princip . part . 4 ) pour s'éloigner du
centre , que pareille quantité du second élement,
parce que la matiere subtile se meut plus vîte ; etpar
la même raison le second élement a plus de
force centrifuge que pareille quantité des parties
du troisième , et le corps qui à plus de force cen
trifuge , répercute et chasse vers le centre celui
qui en a moins ; ce qui cause la chute des corps
massifs et produit toutes les apparences auxquelles
on a donné le nom de legereté et de pesanteur.
Ainsi jettez de l'huille dans un vase qui est
vuide , ( Tr. de l'Opin Liv . 4. Ch. 2. ) c'est- àdire
, rempli seulement d'air , l'huile est forcée
de descendre au fond et de ceder au mouvement
plus agite de l'air ; sur l'huile versez de l'eau , les
parties
MARS. 1734. 503
les parties de l'huile plus déliées que celles de
l'eau et qui par consequent ont plus de force
pour s'éloigner du centre , s'élevent au- dessus de
l'ean ; si vous y jettez ensuite du sable , l'eau
chasse au- dessous d'elle les parties plus compactes
du sable , ce dernier a le même avantage sur
le vif- argent encore plus solide ; et enfin l'or
fondu , le plus massif de tous les corps , sera
précipité au - dessous de tous les autres .
Descartes a apperçû la contrarieté ( Trait. de
la Lum. Chap. 11. ) qui se rencontre ici dans le
méchanisme, sur lequel il a fondé son Systême ,
ayant dit plus haut que la matiere subtile s'est
amassée au centre pour y former le Soleil , au
lieu que pour expliquer la pesanteur , il donne
ici cette raison , que les corps massifs ayant
moins de mouvement , ont moins de force que
la matiere subtile n'en a pour s'élever à la circonference.
Cette objection qu'il s'est faite à
lui- même , ne l'a pas engagé à corriger la contradiction
de son méchanisme , et il s'est contenté
de répondre que lorsqu'il a placé les corps
solides à la circonference , est parce qu'il a
supposé que dès le commencement ils étoient
agitez du mouvement genefal du tourbillon , et
à l'égard de la pesanteur , il se restraint à soutenir
que les corps les plus massifs qui sortent
du repos et qui commencent à se mouvoir , ont
moins de force centrifuge , et doivent être renvoyez
vers le centre .
Descartes ( Princip . part. 4. ) attribuë le flux
et le reflux à la pression des eaux de la Mer par
le globe Lunaire , lorsque dans la révolution que
la Terre fait sur son axe en vingt - quatre heures,
les eaux de la Mer se trouvent directement sous
la Lune . Les Phénomenes quadrent à merveilles
To4 MERCURE DE FRANCE
à cette hypothese ; car la Lune décrivant
une ellipse autour de la Terre , c'est - à - dire
une orbite plus ovale que ronde , lorsqu'elle est
en conjonction ou en opposition avec le Soleil ,
elle se trouve en même-temps dans son perigée
ou dans sa plus grande proximité de la Terre
et dans le plus étroit de l'oval ; ainsi la Mer se
trouvant beaucoup plus pressés par les nouvelles.
et pleines Lunes , les marées doivent être alors
plus hautes , ce qui est conforme à l'Experience,
au lieu que les quadrats de la Lune se rencontrant
dans son apogée ou dans son plus grand
éloignement de la Terre et dans le plus large
de l'ellipse , la pression est moindre et les marées
plus basses ; et ce qui paroit encore d'une
justesse extrême , c'est que les marées retardent
tous les jours d'environ quarante- neuf minutes ,
comme le retour de la Lune au même méridien .
Les deux proprietez de l'Aiman d'attirer le fer
et de se tourner vers l'un des Poles , ont , suivant
Descartes , un même principe dans le tourbillon
magnétique , qui traverse et entoure la
Terre. Ce tourbillon doit être regardé comme
une file de matiere disposée en forme de visses qui
ne penetre que dans de petits écroux propres
la recevoir , n'entrant par cette raison que par
un des Poles de la Terre , et sortant toujours par
l'autre. Les poles de l'Aiman disposez de même ,
ne donnent entrée à cette matiere que d'un côté,
et son issue , comme dans le Globe Terrestre ,
est à l'opposite ; ce qui a fait dire que la Terre
est un grand Aiman , et qu'un Aiman sphérique
est une petite Terre . Si la matiere magnétique
sortant d'un Aiman , trouve du fer ou un autre
Aiman , qui ayent les mêmes dispositions à la
recevoir , elle s'y insinue avec vitesse , et chassant
MARS. 1734. 505
sant l'air intermediaire plus grossier et moins;
agité qu'elle , cet air , par la force de son ressort
, revient sur lui- même , et pressant les côrez
oposez de l'Aiman et du fer , les pousse
l'un contre l'autre . La matiere magnétique conservant
toujours sa direction vers le même pole ,
tourne du même côté l'aiguille aimantée , dans
laquelle elle s'insinuë.
Descartes explique d'une maniere qui n'est pas
moins ingenieuse , la formation.des corps particuliers
par leurs particules roides ou fléxibles ,
par leurs interstices plus ou moins ouverts, par
les differens degrez de leurs mouvemens ; mais
les bornes que nous nous sommes prescrites ne
nous permettent pas de le suivre dans ces differens
détails . Nous observerons seulement qu'il
fait consister la densité ou la rarefaction des
corps dans des particules plus ou moins déliées
et agitées , soutenant que la quantité de matiere
dépend uniquement de l'étendue , et que dans un
lingot d'or il n'y a pas plus de matiere que dans
une éponge d'un pareil volume . La difference des
couleurs , des odeurs , des saveurs , du chaud et
du froid , du sec et de l'humide , de la dureté et
de la mollesse , &c. n'est attribuée dans cette
Philosophie qu'aux situations , figures et mouvemens
des particules ; et les qualitez occultes ,
vertus sympathiques, formes substantielles et autres
expressions Péripatéticiennes , qui ne signifioient
rien et qu'on recevoit neanmoins pour
des explications , ont été proscrites par le Cartesianisme.
La Géometrie a fait plus d'honneur.
encore à Descartes que la Physique. Il est le premier
qui ait fait l'application de l'Algebre à la
Géometrie , et il a étendu fort loin les limites de
Fune et de Pautre.
I Cette
5c6 MERCURE DE FRANCE
'Cette Philosophie avoit à peine surmonté les
obstacles qui avoient traversé ses progrès , lorsqu'une
rivale , par des voyes entierement contraires
, a prétendu lui disputer la préference ;
et même l'emporter entierement sur elle. Descartes
se met à la portée des plus simples , conduisant
l'esprit des veritez primitives aux plus
composées ; Newton ne daigne parler qu'aux
plus sçavans Géometres et aux plus patiens Algebristes.
L'un descend des principes aux Phénomenes,
et des causes à leurs effets ; l'autre renfer
me toute sa théorie dans la liaison des Phéno
menes. Descartes vous engage par des idées
brillantes et des conjectures vrai- semblables ;
Newton prétend vous soumettre par des démonstrations
obscures et des calculs effrayants. L'un
tâche de vous faire connoître la Nature ; l'autre
connoît parfaitement l'esprit humain , toujours.
disposé à admirer ce qu'il ne comprend pas.
Descartes ne cherche qu'à éclairer l'esprit , Newton
mérite le surnom de Tenebreux, donné autrefois
à Héraclite. Descartes a paru dans un
temps où les nouveautez étoient haies et suspectes
; Newton a débité les siennes dans les circonstances
les plus favorables pour elles ,
lorsque
le génie des sciences étoit entierement tourné
du côté des nouveautez . Descartes se propose
davantage de découvrir pourquoi les choses sont
telles ; Newton paroît plus occupé d'examiner
comment elles sont . Le premier a tiré moins d'avantage
de la connoissance du Ciel , beaucoup
moins étendue de son temps ; le second plus aidé
par l'Astronomie , n'en a répandu dans sa Physique
que des nuages plus épais . Descartes établit
une hypothèse , il explique les Phénomenes ,
le plus qu'il lui est possible , par des loix generales
,
MARS. 1734. 507
sans
atrales , constantes et uniformes Newton
Nevvt. Princip . Mathem. in fin. Libr. 3 .
pag. 483. Edition 172.3 . ) déclare qu'il ne
forme aucune hypothese , il explique les Plénomenes
par la force de la gravité , et il attribue
cette gravité à quelque cause qui penetre
jusqu'aux centres du Soleil et des Planettes ,
diminution , et qui agit , non pas relativement
aux superficies des particules , comme les causes
méchaniques , mais à proportion de la matiere
solide, et dont l'action étendue jusqu'à des distances
immenses , va toujours décroissant en raison
doublée de ces distances. Tâchons de déve→
lopper ce qu'il nous a été possible de concevoir
de cette Philosophie Newtonienne , et en mê
me temps de réparer plusieurs deffectuositez justement
imputées au Systême Cartésien .
L
La suite pour le Mercure prochain.
Philosophies de Descartes et de Newton,
avec des Remarques sur l'une et sur l'autre.
Lportéuns avoitsteer
A Philosophie Péripatéticienne avoit remsur
tous les autres Sectes de l'Antiquité .L'Empire
d'Aristote étoit despotique . Les raisons qui sont
les Loix de la Philosophie , n'étoient point écou
tées , des veritez nouvelles étoient traitées de séditieuses
, et cette Philosophie , après avoir été
long- temps proscrite par le concours des deux
autoritez , ( Launoi , de fortun . Aristot . ) avoit sçû
les engager si bien dans son parti , que ceux qui
prétendoient secouer le joug des préjugez, étoient
punis comme perturbateurs. Malgré tous ces obstacles
, il parut un homme qui joignit la fermeté
du courage à l'élevation du génie . Toutes ses
vûes ne tendoient qu'à la verité ; plein d'ardeur
pour la tirer d'esclavage , il osa établir pour
principe , ( Cartes. Méditat. 1. ) que le commencement
de la Philosophie est de rejetter toutes les
opinions reçues jusqu'alors , de remonter à un
Scepticisme general , non pour demeurer dans
cet état de Pyrrhonien , incompatible avec les
lumieres naturelles , mais pour n'admettre au
pombre des veritez , que celles qui sont fondées
sur
496 MERCURE DE FRANCE
sur des notions claires , certaines et évidentes.
René Descartes , par ce seul principe , porta le
coup mortel aux décisions philosophiques for
dées sur les préjugez ; par cette voye d'un doute
general , il s'éleva ( Cartes . Méditat. 2. 3. 6. )
aux veritez primitives , de sa propre existence
de l'existence de Dieu , de la distinction de l'ame
et du corps ; des veritez les plus simples il passa
aux plus composées , il entreprit de connoître et
de dévoiler même la Nature ; et développant
quelques germes obscurs , informes et peu connus
, qui étoient enfermez dans les Livres des
Anciens sans explication suffisante , il en forma
un Systême Physique ( Cartes , Princip . part. 3. )
si étendu et si brillant , qu'il surpasse de bien
loin tout ce qu'on avoit imaginé jusqu'à lui de la
magnificence de l'Univers. Descartes n'est pas
bien d'accord avec lui- même sur la réalité de
l'Edifice qu'il a construit. Tantôt reconnoissant
tout ce que ses idées ont d'incertain.et de vague, il
les traite de Fables ( Trait . de la Lum. ) et de Romans
; tantôt paroissant rempli de confiance pour
ses découvertes , il n'hésite point à dire , que
persuadé par des notions si claires et si distinctes ,
il ne croit pas ( Princip . part . 4. et Epist. t. z .
Epist. 37. ) que la plupart des choses qu'il a
écrites , puissent être autrement.
Toute la Physique de Descartes se rapporte
aux loix generales du mouvement, établies par Ie
souverain Etre , en même - temps qu'il a créé la
matiere. C'est conformément à ces Loix que la
Providence Divine a construit le Monde , et
qu'elle le conserve ; Descartes définit la Nature ;
(Méditat. 6. ) l'ordre et la disposition que Dieu
a donnez aux choses créées. Quelqu'un peut- il
nier que la Physique ne consiste dans la recherche
MARS. 1734
497
che et la connoissnce de ces loix prescrites à la
Nature par son Auteur ? L'harmonie et la régularité
de l'Univers sont des témoignages continuels
de la sagesse infinie , dont elles sont émanées .
Aucune étude ne ramene davantage l'esprit au
Créateur , que la contemplation de la Nature.
C'est en quoi le Cartésianisme excelle , et jamais
aucune Philosophie ne fut plus diamétralement
opposée auSpinosisme qui, par l'hypothèse de tou- ,
tes la plus absurde , ne reconnoît dans les effets'
naturels qu'une matiere aveugle , privée d'intelligence
et de sentiment, et coufond les substances
spirituelles et corporelles ; ou à la Philosophic
Epicurienne , qui donne pour principe general
, des accrochemens d'admes unis fortuitement
par un mouvement de déclinaison , dont
l'Antiquité s'est mocquée . C'est uniquement à la
gloire du Cartesianisine et à l'envie des autres
Sectes , qu'on doit attribuer les accusations si
dénuées de toute vraye - semblance au sujet des
liaisons supposées de cette Philosophie avec les
absurditez de Spinosa et d'Epicure ; il est même
impossible de lire les Ouvrages de Descartes sans
être autant édifié de sa picté , qu'on est charmé
de sa modestie .
Descartes pose pour principes trois regles de
mouvement ( Princip. part. 2. ) qu'il appelle génerales
; la premiere , que tout corps persiste naturellement
dans l'état où il se trouve de mouvement
ou de repos , et il fonde cet axiome sur
une pensée fort juste , que rien ne se porte de soimême
et par sa nature à son contraire ou à sa
destruction. La seconde regle est que le mouvement
est proportionnel à l'impression de la force
qui le produit , er que tout corps qui se meut ,
tend à continuer son mouvement en ligne droite.
La
298 MERCURE DE FRANCE
La troisiéme est que si un corps qui se meut ên
rencontre un autre auquel il ne communique
aucune partie de son mouvement, il rejaillit avec
une force égale , et que , s'il lui communique une
partie de son mouvement , il en perd autant qu'il
en communique. De cette . Loi generale , Descartes
déduit les loix particulieres des rencontres
des corps à proportion des differens degrez de
vitesse et de masse ; loix particulieres , qui ne
peuvent , suivant son aveu , avoir une application
entierement juste , qu'en supposant que les deuxcorps
qui se rencontrent , fussent parfaitement
durs , et tellement séparez de tous les autres
corps , qu'aucun ne pût contribuer ou nuire à
leur mouvement , et il remarque au même en
droit que cela est impossible. Nous aurons plusieurs
observations à faire sur cette troisiéme loi
de mouvement.
La matiere est une , suivant les Principes de
Descartes , et toutes ses differences ne consistent
que dans les divisions , figures , situations et
mouvemens de ses parties . Il soutient que comme
il est impossible que la matiere soit sans étenduë
, l'espace ou l'étenduë ne peuvent aussi être
sans matiere ; qu'il y a la même contradiction à
concevoir un lieu sans un corps qui le remplisse ,
qu'à imaginer la rondeur sans une matiere qui
soit ronde , la blancheur sans un sujet qui soit
blanc , ou une montagne sans vallée . Puisque
tout est plein dans l'Univers , un corps qui se
meut , ne peut avancer , que la matiere qui est à
ses côtez ne passe en arriere , poussée par celle de
devant , qui est obligée de refluer aux côtez , ce
qui arrive avec une extrême facilité , lorsque le
corps , qui fait effort pour se mouvoir , a plus de
force que la matiere qui se trouve au -devant de
lui
MARS. 1734. 499
lui , n'en a pour résister. Le mouvement direct ,
le plus simple et le plus naturel , est moins
commun dans la Nature, que le mouvement circulaire
produit par les obstacles de la mutuelle
action et réaction des corps , mais le mouvement
circulaire retient toujours de son origine , que
tout corps qui se meut en rond , tend à s'échapper
dès qu'il est libre , par un mouvement direct ;
ce que les Géometres expriment en disant , que
tout corps qui par son mouvement décrit un
cercle , s'efforce continuellement d'en parcourir
la tangente.
La pression et le mouvement brisent les parties
de la matiere , qui sont divisibles à l'infini ,
leur fragilité ou leur disposition à s'unir , rend
les Elemens toujours conversibles l'un dans l'autre.
Descartes en admet trois ; la matiere subtile
ou le premier Element composé des partiès les
plus atténuées par le froissement; la matiere globuleuse
ou le second élement dont les particules
ont été arrondies et ont conservé une figure sphérique
dans le froissement ; et la matiere compac
te ou le troisiéme élement dont les particules
branchuës et de figures irrégulieres , ont le mieux
résisté au froissement . Ces trois élemens sont
imperceptibles ; et pour imaginer avec plus de
facilité leur effet dans la composition de tous les
corps matériels , représentez - vous un amas de
fruits ayant des figures fort irregulieres , comme
grenades , poires , pommes, concombres , nêfles,
grappes de raisins ; voilà la matiere compacte
ou le troisième élement . Répandez sur ce monceau
de fruits , des coriandes ; toutes ces petites
boules rondes se répandront de côté et d'autre
pour remplir les interstices des figures irrégulie
ICS c'est la matiere globuleuse ou le second
élement
38618 )
300 MERCURE DE FRANCE
élement. Versez enfin de la poudre à canon sur
le tas de fruits , elle ira s'insinuer dans les interstices
les plus petits , échappez aux dragées , et
elle représentera ici la matiere subtile ou le premier
élement . Si cette poudre à canon domine
assez dans les interstices des fruits et qu'elle y
ait assez de force pour leur communiquer la rapidité
de son mouvement en chassant les dragées ,
et les repoussant de toutes parts , l'amas tout entier
devient enflammé et lumineux , et ce feu est
d'autant plus violent , que la solidité des parties
les plus grossieres du troisiéme élement y est
jointe à la rapidité du mouvement du premier ,
et que la force de masse , comme disent les Physiciens
, accompagne la force de vitesse. Si la matiere
compacte reçoit dans ses interstices les globules
du second élement qui y temperent l'extrême
mouvement du premier ou de la matiere
subtile , le corps est opaque et plus ou moins solide
, suivant la grossiereté des parties du troisiéme
élement. Si la matiere globuleuse trouve
les pores disposez à lui laisser un passage libre
pour traverser de part en part , le corps est transparent.
On ne peut donner des images trop sensibles
des principes qu'on explique , sur tout dans
un temps où il s'est introduit un usage presque
general , de ne traiter les Sciences que par quelques
caracteres Algebriques et d'une manière si
abstraite , qu'elle ne donne aucune prise à l'imagination.
Passons à l'application que Descartes a faite
de ses Principes . Les mouvemens directs de la
matiere ont été changez en mouvemens circulaires
par les obstacles de l'action et de la réaction
des corps. Des tourbillons de grandeur inégales
se sont formez , ils en ont aussi contenu d'autres,
comme
MARS. 1734.
501
•
comme on voit des torrens qui se traversent ,
être agitez circulairement et renfermer au-dedans
d'eux - mêmes des courants plus petits , qui
tournant sur leur propre centre , sont emportez
par le mouvement circulaire du plus grand. Le
froissement de la matiere l'ayant divisée en trois
élemens , Descartes suppose qu'il s'est fait au centre
du tourbillon un amas de matiere subtile ,
dont ce Philosophe a composé les Etoiles , qu'il
a regardées comme autant de Soleils . Le prodigieux
mouvement de la matiere subtile qui repousse
de toute part les globules du second éle
ment , rend les globes des étoiles enflammez et
lumineux par eux- mêmes. Mais il est arrivé â
quelques- uns de ces globes que leurs mouvemens
se sont , rallentis , que leurs interstices ont été
differemment disposez , et que le globe , d'enflammé
et de lumineux , est devenu dense et
opaque , qu'alors privé de la force et de l'activité
de son mouvement , il n'a pû deffendre
son tourbillon contre la pression des tourbillons .
voisins qui ont envahi son atmosphere ; et le
globe lui- même a passé dans un autre tourbillon,
au mouvement duquel il a été assujetti après s'y
être mis en équilibre. C'est l'origine que Descar
tes donne ( Cartes . Princip . part. 3. ) à la Terre
et aux autres Planétes , qui ont commencé , suivant
son Systême , par être des Soleils ou des
Etoiles. Il donne la même explication des Cométes
comme de Soleils récemment éteints et
encroûtez , qui traversent les espaces éthérées
jusqu'à ce qu'ils ayent rencontré dans quelque
tourbillon un fluide d'une épaisseur et d'un mouvement
proportionnez , et propres à les fixer en
équilibre.
La lumiere consiste dans l'impulsion des parties
582
MERCURE
DE FRANCE
ties globuleuses du second élement répandues de »
toutes parts , à peu près comme un grain de poudre
à canon en se développant , chasse de tout
côté les corps qu'il rencontre. La prodigieuse rapidité
de la lumiere est causée parce que tous les
globules du second élement sont contigus et que,
Pimpression qui agit sur le premier , se fait sentir
en même- temps sur tous les autres , comme
un bâton ne
ne peut être remué par un bout , que le
mouvement ne soit aussi - tôt communiqué à
l'autre extremité , quelque éloignée qu'elle soit.
Cette rapidité de la lumiere transmise par la continuité
des globules du second élement , est une
des preuves d'experience , qu'il n'y a point de
vuide dans la Nature
Le mouvement circulaire des tourbillons est
dans le Systême Cartésien , la cause de la pesanteur.
Ce qu'on appelle pesanteur est proprement
une moindre legereté . Les trois élemens ont dif
ferens degrez de, force centrifuge ; la matiere'
subtile du premier élement a plus d'action
( Cartes. Princip . part . 4 ) pour s'éloigner du
centre , que pareille quantité du second élement,
parce que la matiere subtile se meut plus vîte ; etpar
la même raison le second élement a plus de
force centrifuge que pareille quantité des parties
du troisième , et le corps qui à plus de force cen
trifuge , répercute et chasse vers le centre celui
qui en a moins ; ce qui cause la chute des corps
massifs et produit toutes les apparences auxquelles
on a donné le nom de legereté et de pesanteur.
Ainsi jettez de l'huille dans un vase qui est
vuide , ( Tr. de l'Opin Liv . 4. Ch. 2. ) c'est- àdire
, rempli seulement d'air , l'huile est forcée
de descendre au fond et de ceder au mouvement
plus agite de l'air ; sur l'huile versez de l'eau , les
parties
MARS. 1734. 503
les parties de l'huile plus déliées que celles de
l'eau et qui par consequent ont plus de force
pour s'éloigner du centre , s'élevent au- dessus de
l'ean ; si vous y jettez ensuite du sable , l'eau
chasse au- dessous d'elle les parties plus compactes
du sable , ce dernier a le même avantage sur
le vif- argent encore plus solide ; et enfin l'or
fondu , le plus massif de tous les corps , sera
précipité au - dessous de tous les autres .
Descartes a apperçû la contrarieté ( Trait. de
la Lum. Chap. 11. ) qui se rencontre ici dans le
méchanisme, sur lequel il a fondé son Systême ,
ayant dit plus haut que la matiere subtile s'est
amassée au centre pour y former le Soleil , au
lieu que pour expliquer la pesanteur , il donne
ici cette raison , que les corps massifs ayant
moins de mouvement , ont moins de force que
la matiere subtile n'en a pour s'élever à la circonference.
Cette objection qu'il s'est faite à
lui- même , ne l'a pas engagé à corriger la contradiction
de son méchanisme , et il s'est contenté
de répondre que lorsqu'il a placé les corps
solides à la circonference , est parce qu'il a
supposé que dès le commencement ils étoient
agitez du mouvement genefal du tourbillon , et
à l'égard de la pesanteur , il se restraint à soutenir
que les corps les plus massifs qui sortent
du repos et qui commencent à se mouvoir , ont
moins de force centrifuge , et doivent être renvoyez
vers le centre .
Descartes ( Princip . part. 4. ) attribuë le flux
et le reflux à la pression des eaux de la Mer par
le globe Lunaire , lorsque dans la révolution que
la Terre fait sur son axe en vingt - quatre heures,
les eaux de la Mer se trouvent directement sous
la Lune . Les Phénomenes quadrent à merveilles
To4 MERCURE DE FRANCE
à cette hypothese ; car la Lune décrivant
une ellipse autour de la Terre , c'est - à - dire
une orbite plus ovale que ronde , lorsqu'elle est
en conjonction ou en opposition avec le Soleil ,
elle se trouve en même-temps dans son perigée
ou dans sa plus grande proximité de la Terre
et dans le plus étroit de l'oval ; ainsi la Mer se
trouvant beaucoup plus pressés par les nouvelles.
et pleines Lunes , les marées doivent être alors
plus hautes , ce qui est conforme à l'Experience,
au lieu que les quadrats de la Lune se rencontrant
dans son apogée ou dans son plus grand
éloignement de la Terre et dans le plus large
de l'ellipse , la pression est moindre et les marées
plus basses ; et ce qui paroit encore d'une
justesse extrême , c'est que les marées retardent
tous les jours d'environ quarante- neuf minutes ,
comme le retour de la Lune au même méridien .
Les deux proprietez de l'Aiman d'attirer le fer
et de se tourner vers l'un des Poles , ont , suivant
Descartes , un même principe dans le tourbillon
magnétique , qui traverse et entoure la
Terre. Ce tourbillon doit être regardé comme
une file de matiere disposée en forme de visses qui
ne penetre que dans de petits écroux propres
la recevoir , n'entrant par cette raison que par
un des Poles de la Terre , et sortant toujours par
l'autre. Les poles de l'Aiman disposez de même ,
ne donnent entrée à cette matiere que d'un côté,
et son issue , comme dans le Globe Terrestre ,
est à l'opposite ; ce qui a fait dire que la Terre
est un grand Aiman , et qu'un Aiman sphérique
est une petite Terre . Si la matiere magnétique
sortant d'un Aiman , trouve du fer ou un autre
Aiman , qui ayent les mêmes dispositions à la
recevoir , elle s'y insinue avec vitesse , et chassant
MARS. 1734. 505
sant l'air intermediaire plus grossier et moins;
agité qu'elle , cet air , par la force de son ressort
, revient sur lui- même , et pressant les côrez
oposez de l'Aiman et du fer , les pousse
l'un contre l'autre . La matiere magnétique conservant
toujours sa direction vers le même pole ,
tourne du même côté l'aiguille aimantée , dans
laquelle elle s'insinuë.
Descartes explique d'une maniere qui n'est pas
moins ingenieuse , la formation.des corps particuliers
par leurs particules roides ou fléxibles ,
par leurs interstices plus ou moins ouverts, par
les differens degrez de leurs mouvemens ; mais
les bornes que nous nous sommes prescrites ne
nous permettent pas de le suivre dans ces differens
détails . Nous observerons seulement qu'il
fait consister la densité ou la rarefaction des
corps dans des particules plus ou moins déliées
et agitées , soutenant que la quantité de matiere
dépend uniquement de l'étendue , et que dans un
lingot d'or il n'y a pas plus de matiere que dans
une éponge d'un pareil volume . La difference des
couleurs , des odeurs , des saveurs , du chaud et
du froid , du sec et de l'humide , de la dureté et
de la mollesse , &c. n'est attribuée dans cette
Philosophie qu'aux situations , figures et mouvemens
des particules ; et les qualitez occultes ,
vertus sympathiques, formes substantielles et autres
expressions Péripatéticiennes , qui ne signifioient
rien et qu'on recevoit neanmoins pour
des explications , ont été proscrites par le Cartesianisme.
La Géometrie a fait plus d'honneur.
encore à Descartes que la Physique. Il est le premier
qui ait fait l'application de l'Algebre à la
Géometrie , et il a étendu fort loin les limites de
Fune et de Pautre.
I Cette
5c6 MERCURE DE FRANCE
'Cette Philosophie avoit à peine surmonté les
obstacles qui avoient traversé ses progrès , lorsqu'une
rivale , par des voyes entierement contraires
, a prétendu lui disputer la préference ;
et même l'emporter entierement sur elle. Descartes
se met à la portée des plus simples , conduisant
l'esprit des veritez primitives aux plus
composées ; Newton ne daigne parler qu'aux
plus sçavans Géometres et aux plus patiens Algebristes.
L'un descend des principes aux Phénomenes,
et des causes à leurs effets ; l'autre renfer
me toute sa théorie dans la liaison des Phéno
menes. Descartes vous engage par des idées
brillantes et des conjectures vrai- semblables ;
Newton prétend vous soumettre par des démonstrations
obscures et des calculs effrayants. L'un
tâche de vous faire connoître la Nature ; l'autre
connoît parfaitement l'esprit humain , toujours.
disposé à admirer ce qu'il ne comprend pas.
Descartes ne cherche qu'à éclairer l'esprit , Newton
mérite le surnom de Tenebreux, donné autrefois
à Héraclite. Descartes a paru dans un
temps où les nouveautez étoient haies et suspectes
; Newton a débité les siennes dans les circonstances
les plus favorables pour elles ,
lorsque
le génie des sciences étoit entierement tourné
du côté des nouveautez . Descartes se propose
davantage de découvrir pourquoi les choses sont
telles ; Newton paroît plus occupé d'examiner
comment elles sont . Le premier a tiré moins d'avantage
de la connoissance du Ciel , beaucoup
moins étendue de son temps ; le second plus aidé
par l'Astronomie , n'en a répandu dans sa Physique
que des nuages plus épais . Descartes établit
une hypothèse , il explique les Phénomenes ,
le plus qu'il lui est possible , par des loix generales
,
MARS. 1734. 507
sans
atrales , constantes et uniformes Newton
Nevvt. Princip . Mathem. in fin. Libr. 3 .
pag. 483. Edition 172.3 . ) déclare qu'il ne
forme aucune hypothese , il explique les Plénomenes
par la force de la gravité , et il attribue
cette gravité à quelque cause qui penetre
jusqu'aux centres du Soleil et des Planettes ,
diminution , et qui agit , non pas relativement
aux superficies des particules , comme les causes
méchaniques , mais à proportion de la matiere
solide, et dont l'action étendue jusqu'à des distances
immenses , va toujours décroissant en raison
doublée de ces distances. Tâchons de déve→
lopper ce qu'il nous a été possible de concevoir
de cette Philosophie Newtonienne , et en mê
me temps de réparer plusieurs deffectuositez justement
imputées au Systême Cartésien .
L
La suite pour le Mercure prochain.
Fermer
Résumé : COMPARAISON des deux Philosophies de Descartes et de Newton, avec des Remarques sur l'une et sur l'autre.
Le texte compare les philosophies de Descartes et de Newton, en se concentrant sur la philosophie cartésienne. La philosophie péripatéticienne, dominée par Aristote, réprimait les nouvelles idées et punissait ceux qui remettaient en question les préjugés. René Descartes, avec une ferme détermination et un génie élevé, a proposé de rejeter toutes les opinions reçues pour adopter un scepticisme général, afin d'accepter uniquement les vérités fondées sur des notions claires et évidentes. Cette approche a permis à Descartes de découvrir des vérités primitives, telles que l'existence de Dieu et la distinction de l'âme et du corps, et de développer un système physique étendu et brillant. La physique de Descartes repose sur les lois générales du mouvement établies par Dieu lors de la création de la matière. Ces lois gouvernent l'ordre et la disposition des choses créées, témoignant de la sagesse infinie de Dieu. Descartes a formulé trois règles générales du mouvement : la persistance des corps dans leur état de mouvement ou de repos, la proportionnalité du mouvement à la force qui le produit, et la conservation du mouvement lors des rencontres entre corps. Il a également proposé que la matière est unique et que ses différences résident dans les divisions, figures, situations et mouvements de ses parties. Descartes a décrit trois éléments de la matière : la matière subtile, la matière globuleuse et la matière compacte. Il a expliqué les phénomènes naturels, comme la lumière et la pesanteur, par les interactions de ces éléments. La lumière est due à l'impulsion des particules globuleuses, tandis que la pesanteur résulte du mouvement circulaire des tourbillons. Descartes a également proposé une origine des planètes et des comètes, les décrivant comme des étoiles ou des soleils éteints et encroûtés. Descartes explique la chute des corps en fonction de leur masse et de leur mouvement. Il attribue le flux et le reflux des marées à la pression exercée par la Lune sur les eaux de la mer, en fonction de la position de la Lune par rapport à la Terre. Les propriétés de l'aimant sont expliquées par un tourbillon magnétique entourant la Terre. Descartes décrit la formation des corps en fonction de la densité et de la rarefaction des particules, rejetant les qualités occultes et les formes substantielles au profit d'une explication basée sur les mouvements et les figures des particules. Il est également reconnu pour avoir appliqué l'algèbre à la géométrie. En comparaison, Newton introduit la notion de gravité comme une force agissant proportionnellement à la masse et décroissant avec le carré de la distance. Descartes rend la science accessible en partant des principes fondamentaux pour expliquer les phénomènes, tandis que Newton s'adresse aux savants en se basant sur des démonstrations mathématiques complexes. Descartes cherche à comprendre pourquoi les choses sont telles qu'elles sont, tandis que Newton se concentre sur comment elles sont.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 659-669
SECONDE Partie de la Comparaison de Descartes et de Newton.
Début :
Les Newtoniens s'efforcent d'abord d'élever leur Philosophie sur les ruines de celle de [...]
Mots clefs :
Descartes, Newton, Mouvement, Matière, Force, Corps, Espace, Comètes, Lieu, Rayons, Tourbillons, Principe, Pesanteur, Action, Attraction
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texteReconnaissance textuelle : SECONDE Partie de la Comparaison de Descartes et de Newton.
SECONDE Partie de la Comparaison
de Descartes et de Newton .
•
Es Newtoniens s'efforcent d'abord d'élever
LeurPhilosophie sur les ruines de celle de
>
Descartes. Ils soutiennent que le vuide est nécessaire
dans la Nature , pour qu'il puisse y
avoir du mouvement. Si la matiere peut être
plus ou moins rarefiée dit Newton , f Prin
cip. Math. p. 368. Edit. 1723. ) rien n'empêche
qu'elle ne le soit à l'infini , et il conclut
de ce principe , que non- seulement il y a du
vuide dans les espaces éthérées , mais encore que
ces espaces sont ( Nevv. Optic. ) entierement vuides.
Newton avance comme des axiomes dont il
n'est pas permis de douter , qu'il y a des lieux
( Princip. Math. définit, 8. Schol . p. 7. ) absolus
et primitifs , qui sont tels par leur essence et
auxquels on ne peut attribuer le mouvement.
ΤΟΙ
660 MERCURE DE FRANCE
Tous ces Principes de Newton sont insoute
nables , suivant le plus grand nombre des Physiciens
qui rejettent le vuide. Il n'y a point de
lieux absolus et primitifs ; et l'opinion du vuide
l'une des fondamentales de la Philosophie Newtonienne
tombant en ruine , entraîne toute cette
Philosophie avec elle. Le lieu ne devient tel, que
par la matiere ou l'étenduë qu'il contient. S'il
est sans matiere , il est sans étenduë , il cesse
d'être ; car le néant ne peut être étendu , et des
espaces séparez par rien , sont des espaces non
séparez , ou qui se touchent immédiatement.
L'espace ne peut pas davantage exister sans matiere
, ( Cartes. princip . part. 2. ) qu'une Montagne
sans vallée . L'étendue et l'espace ont commencé
par la création de la matiere et ont les
mêmes limites qu'elle. Penser autrement , c'est
se laisser éblouir par une image superficielle tracée
dans l'imagination et par l'habitude que les
rapports des sens ont causée en elle , en nous réprésentant
certains espaces comme vuides , parce
qu'ils sont remplis d'air ou de quelque autre
matiere encore plus déliée et plus imperceptible .
Au- delà des bornes du Monde matériel il n'y a
ni lieu ni espace ; autrement le lieu et l'espace
seroient infinis et éternels , ce qui mene aux consequences
les plus absurdes. Je suppose que les
derniers tourbillons qui composent l'Univers ,
s'étendent ou se resserrent , comme il seroit trèspossible
à l'Etre Souverain de les étendre ou de
les resserrer , le lieu et l'espace seroient augmentez
ou diminuez à proportion ; ce qui n'étoit pas
lieu , deviendroit tel , ou ce qui étoit lieu cesseroit
de l'être. Il n'y a donc ni espace ni lieu absolus
et primitifs , qui existent indépendamment
ou séparément du corps qui les remplit. Le lieu
AVRIL. 1734. 661
et l'espace ne sont autre chose que le corps luimême
, ayant differentes relations aux corps qui
l'environnent. Ils ne sont pas plus réels que la
situation ou la relation du corps . Le mouvement
se fait sans obstacle dans le plein . Pour peu que
la matiere soit rarefiée , elle cede facilement à un
corps plus massif. Il faut seulement que la force
motrice surpasse la résistance du fluide. Alors
il est également certain par le raisonnement et
par les experiences , qu'un corps avançant dans
le plein , la matiere dont il prend la place , reflue
vers ses côtez , et qu'en même temps la matiere
des côtez passe en arriere ; ensorte qu'un
mouvement direct en produit plusieurs circulaires,
ce qui n'arriveroit pas dans le vuide . Suivant
Descartes , dans tout espace égal , il y a toujours
même quantité de matiere , soit rarefiée , soit
condensée ; la situation , la figure et le mouvement
des particules en font toute la difference .
Les Newtoniens ( Prafat. editor . in Nevvton. )
objectent à la Physique corpusculaire de Descartes
, que la licence d'imaginer à son gré les figures
et les mouvemens d'une matiere imperceptible
, de supposer l'arrangement et l'impulsion
de ses particules , suivant le besoin qu'on
en a , de feindre des corps si déliez et si subtils ,
qu'ils traversent et remplissent toutes sortes d'interstices
avec une rapidité et une force de mouvement
qui n'ont aucune vrai - semblance ,
renoncer à ce qu'il y a de réel dans la Physique
pour s'attacher à des entitez inconnues , que
c'est abandonner la vraie constitution des choses
, pour s'appuyer sur des conjectures chimeri-
.ques ; que les causes occultes ne sont pas celles
qui produisent des effets évidents , et certains
comme la gravité, mais plutôt celles qui depenc'est
dent
662 MERCURE DE FRANCE
,
dent d'hypothèses purement imaginaires , comme
une matiere subtile et des tourbillons. Qu'une
cause n'est point occulte pour être primitive
et très-simple , et qu'une pareille cause n'est point
susceptible d'explications méchaniques. Que
pour expliquer la constitution d'une Horloge
il ne s'agit pas d'une supposition vague de ressorts
inconnus , qu'il faut faire connoître quelle
est la proportion et l'action de toutes les machines
qui la composent , et quel est leur effet
sensible. Que Galilée , par exemple , ayant établi
cette regle conforme à l'experience ; que les
corps jettez décrivent une parabole , si un Philosophe
vient dire que le corps jetté décrit cette
courbe , parce qu'il y a dans l'air une matiere
subtile qui la décrit aussi , un pareil raisonnement
ne peut paroître ai solide ni utile. Que si
vous mêlez dans un vase plusieurs liqueurs d'une
pesanteur inégale , il n'y aura de mouvement
entr'elles que jusqu'à ce qu'elles se soient arrangées
aux differentes hauteurs proportionnées à
leur gravité , et que de même dans les tourbillons
Cartésiens le mouvement doit cesser , lorsque
les Elemens occupent la place qui convient à
leurs forces centrifuges.
Les Cartésiens répondent que ce seroit faire
grand tort au raisonnement , que de ne vouloir
pas qu'il pénetre plus loin que les yeux ;
que si l'on considere l'augmentation et diminution
des corps dont l'experience est continuelle,
si l'on fait attention aux découvertes surprenantes
qui ont été faites par les Microscopes , on
ne peut nier que les parties imperceptibles ne
soient aussi réelles dans la Nature que celles
qui donnent prise à nos sens . Que puisque nous
sommes assurez que chaque corps est composé
de
AVRIL. 1734. 663
de plusieurs autres corps si petits , que nous ne
pouvons en avoir qu'une connoissance intellectuelle
tout Philosophe doit avouer qu'il est
très - avantageux de juger des Phénomenes perceptibles
aux sens , par une méchanique supposée
avec beaucoup de vrai- semblance dans les
Elemens imperceptibles ; de rendre raison par ce
moyen de tout ce qui est en la Nature; et de substituer
des causes vraiment physiques à des termes
qui ne signifient rien, comme les formes substan
tielles des Péripatéticiens, ou à des qualitez dont
on suppose des effets , sans expliquer de quelle
maniere ces effets peuvent être produits , comme
dans le Sistême de l'attraction Newtonienne.
Que les liqueurs mêlées dans un vase , demeurent
en repos après s'être arrangées convenablement
à leur pesanteur, parce que la résistance que
leur mouvement est obligé de vaincre , anéantit
à la fin ce mouvement , mais que les tourbillons
n'éprouvent aucune résistance pareille.
Que ces mouvemens nécessaires à la conservation
de l'Univers sont entretenus par la même
Providence qui les a créez et établis. Et bien loin
que la matiere liquide dont les Cieux sont remplis
dans le Systême Cartésien , nuise au mouvement
rapide des corps Celestes , comme Newton
l'a prétendu, rien n'est plus capable d'aider le
mouvement d'un Globe qui circule , qu'un fluide
déterminé à se mouvoir vers le même côté avec
autant et plus de force que le Globe lui- même; et
ce véhicule paroît absolument nécessaire pour
imaginer les révolutions rapides des corps celestes .
L'objection contre le Systême Cartésien , sur
laquelle Neuwton paroît se fonder avec le plus
de confiance , est tirée des Cométes. Il est impossible
, dit- il , ( Nevut. Princip. Math . p.
481. )
664 MERCURE DE FRANCE
ton ,
481. ) que les tourbillons subsistent et puissent
être conciliez avec les mouvemens irréguliers des
Cométes qui les font errer dans toutes les parties
du Ciel. Cette objection se rétorque contre Newcar
les Cométes ne sont pas plus fideles
aux loix de l'attraction , à moins que quelque
Newtonien , à l'exemple du Maître , ne nous
donne dans un calcul précis le degré de pesanteur
réciproque de chaque Planette sur chaque
Cométe ; car la précision des calculs ne coute
rien à cette Philosophie. Dans le Systême Cartésien
il est aisé de répondre , touchant l'irrégularité
du cours des Cométes , que ces Phénomenes
passagers ne doivent pas suivre le mouvement
des Cieux des Planetes ; si les Cometes ne
sont autre chose que des amas de matiere , irréguliers
dans le temps de leur durée et dans leur
cours , la cause qui les produit est aussi celle qui
dirige leur mouvement ; comme les vents dans
notre atmosphere ont une égale violence en tout
sens , et ne sont point assujettis au cours uniforme
du fluide qui accompagne la révolution du
Globle Terrestre , ni aux loix de l'attraction
Newtonienne. Si les Cométes sont des Astres
dont le cours soit reglé et qui ne soient visibles
pour nous , que lorsque leurs révolutions périodiques
les ramenent aux confins de notre
tourbillon , les Cometes suivent le courant d'un
Auide étranger , qui n'a rien de commun avec
ceux de nos Planetes. Alors les Cométes sont à
peu près dans la Région de Saturne , et peut- être
même plus proches. Car les tourbillons remplis
à leurs extremitez d'une matiere fort déliée , cédent
facilement à la moindre impression ; et il
est assez vrai semblable que les courants d'un
tourbillon peuvent penetrer dans un tourbillon
voiAVRIL.
173 4. 565
voisin , à peu près comme les eaux de la
Mer entrent dans un Golphe, Ces fluides des
differents tourbillons ne se mêlent pas pour cela
et ne changent pas la direction de leur mouvement.
On remarque néanmoins que les Cométes
approchant du Soleil , reçoivent une impression
sensible de ses rayons ; car la queue ou plutôt
l'atmosphere de la Cométe , qui , suivant l'observation
de Képler , paroît toujours opposée au
Soleil, est rejettée en arriere par l'impulsion de ses
rayons , comme une chevelure exposée aux vents.
Newton a mieux traité le mouvement que
Descartes , mais ni l'un ni l'autre ne sont parvenus
à en donner une idée entierement juste .
Descartes entend par le mouvement les differentes
relations d'un corps. Il avoue ( Prin
cip. part. 2. ) que , suivant ses principes , on peut
dire qu'un corps se meut en même -temps et ne
se meut pas. Il soutient qu'il ne faut pas plus
d'action pour le mouvement que pour le repos .
D'où l'on peut conclure qu'une Statuë est dans
le même mouvement qu'un homme qui s'éloigne
d'elle. Il attribue le mouvement d'un corps
à la relation des corps qui le touchent immédiatement
; ce qui étant pris au pied de la lettre ,
signifie qu'un homme qui feroit à pied le tour
du Monde dans les mêmes habits , në se remuëroit
pas , et il s'ensuivroit cette conséquence .
qu'un corps seroit mû en même- temps dans des
sens contraires , comme un Plan sur lequel
deux corps seroient poussez l'un à droite ,
l'autre à gauche. Newton ( Princip . Math . définit,
8. Schol. p . 8. et 9. et axiom . p . 18. ) distingue
le mouvement vrai du mouvement relatif. Suivant
les explications qu'il donne , le mouvement
vrai consiste dans la force qui agity soit que
cette
€65 MERCURE DE FRANCE
le cette force soit dans le corps même , soit que
corps la reçoive d'ailleurs . Le mouvement relatif
ne dépend que des changemens de situation
des corps , les uns à l'égard des autres . Il suit de
ces principes , qu'il peut y avoir un mouvement
veritable avec plusieurs repos relatifs , comme
lorsqu'un corps avance et que plusieurs corps
qui l'environnent , avancent en même temps ; et
qu'il peut y avoir au contraire plusieurs mouvemens
relatifs sans aucun mouvement veritable ,
comme lorsqu'un homme est tranquille dans un
vaisseau dont le mouvement est égal et uniforme
; et qu'ainsi le mouvement véritable ne consiste
pas dans les relations .Mais quoique le mou
vement veritable ne consiste pas uniquement
dans les relations , il ne peut être neanmoins
sans quelque changement de rapports , sinon aux
objets prochains , du moins aux éloignez . La
force seule ne fait pas le mouvement ; car si elle
rencontre des obstacles plus puissants qu'elle , le
coips reste dans un veritable repos . En réunissant
donc ces principes , le mouvement peut être
défini , ce me semble , le changement de relations
d'un corps à des objets prochains ou éloignez
par l'action d'une force que ce corps a en luimême
ou qu'il a reçûë d'ailleurs .
Newton a penetré plus avant que Descartes
dans la théorie des couleurs . Suivant les principes
Cartésiens , si la superficie des corps ne laisse
aucun accès dans ses interstices aux globules
du second Element , les corps paroissent lumineux
ou sont au moins fort blancs , lorsqu'ils
ne sont pas enflammez , et les globules repoussez
ont une force qui éblouit. Si les pores fort
ouverts , comme un petit crible , reçoivent dans
toute leur surface les globules du second Element
AVRIL. 1734. 667
>
ment , ils absorbent les rayons de lumiere , et
leur couleur est très - noire . Si l'angle de reflexion
est tel , que les globules flattent l'organe visuel ,
la couleur est agréable , comme le verd . Newton
a suivi une route differente . Il établit une espece
de gamme des couleurs élementaires , et entreprenant
en quelque sorte l'anatomie de la lumiere
, il pose pour principes sept especes de
rayons , dont chacun porte sa couleur particuliere
; sçavoir , rouge , orangé , jaune , verd
bleu , indigo , violet ; en sorte que le rayon qui
porte une couleur , n'en porte jamais d'autre.
Exposez aux rayons du Soleil un prisme triangulaire
à une certaine distance d'un papier , qui
puisse renvoyer les rayons rompus et séparez ;
Vous voyez sur le papier sept couleurs bien distinctes
et disposées dans l'ordre qui vient d'être
rémarqué , de la couleur rouge , orangée , jaune
verte , bleue , indigo et violette. Newton a de
plus remarqué que les espaces occupés par les
couleurs sur le papier , sont en même proportion
que les chiffres qui expriment les intervales
des sept tons de Musique. Faites au papier une
petite ouverture , qui ne laisse passer qu'une espece
de rayon qui porte , par exemple , le rouge
ou le violet , rompez de nouveau le rayon avec
un second prisme , un troisiéme ; faites - les tourner
sur les axes ; le rayon differemment rompu,
refléchi differemment , présente toûjours la même
sorte de couleur. Dans cette hypothèse , le blanc
résulte du mêlange des sept couleurs principales,
et les corps paroissent differemment colorez ,
parce que la figure de leurs pores , la tissure et
la consistance de leurs parties refléchissent une
plus grande quantité de rayons d'une certaine
espece , tandis que les interstices de ces corps
trans668
MERCURE DE FRANCE
transmettent la plupart des autres rayons ou
qu'ils les absorbent.
Newton a été moins heureux dans les loix du
mouvement qu'il a établies ; il prétend que les
actions de deux corps sont toujours mutuelles
égales et opposées, ( Nevvt, Princip . Math. axiom.
leg. 3. p. 13. ) ensorte que la réaction est toujours
contraire et égale à l'action . Ce principe
dont il fait l'axiome fondamental ( Ib . Coroll. 3 .
p. 15, et seq. ) de ses démonstrations , détruit
toutes les loix de la statique et de l'équilibre ; car
si la réaction est toujours égale à l'action ,
les corps agiront avec des forces égales et tous
les contrepoids demeureront en suspens et sans
action. Le prétendu axiome , au lieu d'être un
principe de mouvement , seroit le principe d'une
immobilité generale , puisqu'il est certain
qu'un carosse et six chevaux demeureront immobiles
, si la réaction du carosse est égale et
opposée à l'action des six chevaux.
tous
Newton dit ailleurs que la pesanteur ou la gra
vité des corps ( Princip. Math. lib . 3. Propos.
7. Theor. 7.p.369 . ) est universelle et qu'elle est
proportionnée à la quantité de matiere qui est
en eux. Les calculs de la pesanteur des Planetes
roulent sur cet axiome contraire au sentiment du
plus grand nombre des Physiciens qui rejettent
le vuide , et suivant lesquels chaque espace égal
contient toujours une égale quantité de matiere.
Newton avance un autre principe fort opposé
aux idées naturelles, sçavoir , que moins un
corps qu'on jette ( Princip. Math definit . 5. p. 3. )
a de gravité , moins il s'écarte de la ligne droite
et plus il va loin. Suivant ce principe , un
Globe de liége . poussé avec beaucoup de force ,
devroit aller plus loin qu'un Globe de plomb ,
poussé
AVRIL. 1734. 669
poussé avec une force égale , le Globe de liege
ayant moins de gravité ; à moins qu'on ne regarde
le Globe de liege comme ayant plus de
gravité qu'un Globe de plomb , parce que le Globe
de liege est attiré plus promptement vers la
terre ; et alors celui qui auroit , suivant Newton,
le moins de matiere , auroit le plus de gravité.
Le fondement géneral du Systême Newtonien,
l'axe, pour ainsi- dire, sur lequel toute cette Philosophie
tourne , c'est l'attraction . Newton admet
aussi dans la matiere une hétérogénéïté ou diversité
de genres , qualité aussi occulte que l'attraction,
et qui n'a aucune signification Physique.Descartes
ne reconnoît dans la Nature qu'un mouvement
d'impulsion, et il rapporte le mouvement au
Créateur, comme à sa cause unique et immédiate
Newton regarde le mouvement comme l'effet de
Pattraction. Il y a donc entre ces deux Philosophes
une opposition de sentimens sur la cause
physique generale et primitive ; ce que l'un considére
comme la causé , l'autre lui donne la qualification
d'effet ; Descartes déduit la pesanteur
du mouvement , Newton déduit le mouvement
de la pesanteur ou de l'attraction .
La suite dans le Mercure prochain.
de Descartes et de Newton .
•
Es Newtoniens s'efforcent d'abord d'élever
LeurPhilosophie sur les ruines de celle de
>
Descartes. Ils soutiennent que le vuide est nécessaire
dans la Nature , pour qu'il puisse y
avoir du mouvement. Si la matiere peut être
plus ou moins rarefiée dit Newton , f Prin
cip. Math. p. 368. Edit. 1723. ) rien n'empêche
qu'elle ne le soit à l'infini , et il conclut
de ce principe , que non- seulement il y a du
vuide dans les espaces éthérées , mais encore que
ces espaces sont ( Nevv. Optic. ) entierement vuides.
Newton avance comme des axiomes dont il
n'est pas permis de douter , qu'il y a des lieux
( Princip. Math. définit, 8. Schol . p. 7. ) absolus
et primitifs , qui sont tels par leur essence et
auxquels on ne peut attribuer le mouvement.
ΤΟΙ
660 MERCURE DE FRANCE
Tous ces Principes de Newton sont insoute
nables , suivant le plus grand nombre des Physiciens
qui rejettent le vuide. Il n'y a point de
lieux absolus et primitifs ; et l'opinion du vuide
l'une des fondamentales de la Philosophie Newtonienne
tombant en ruine , entraîne toute cette
Philosophie avec elle. Le lieu ne devient tel, que
par la matiere ou l'étenduë qu'il contient. S'il
est sans matiere , il est sans étenduë , il cesse
d'être ; car le néant ne peut être étendu , et des
espaces séparez par rien , sont des espaces non
séparez , ou qui se touchent immédiatement.
L'espace ne peut pas davantage exister sans matiere
, ( Cartes. princip . part. 2. ) qu'une Montagne
sans vallée . L'étendue et l'espace ont commencé
par la création de la matiere et ont les
mêmes limites qu'elle. Penser autrement , c'est
se laisser éblouir par une image superficielle tracée
dans l'imagination et par l'habitude que les
rapports des sens ont causée en elle , en nous réprésentant
certains espaces comme vuides , parce
qu'ils sont remplis d'air ou de quelque autre
matiere encore plus déliée et plus imperceptible .
Au- delà des bornes du Monde matériel il n'y a
ni lieu ni espace ; autrement le lieu et l'espace
seroient infinis et éternels , ce qui mene aux consequences
les plus absurdes. Je suppose que les
derniers tourbillons qui composent l'Univers ,
s'étendent ou se resserrent , comme il seroit trèspossible
à l'Etre Souverain de les étendre ou de
les resserrer , le lieu et l'espace seroient augmentez
ou diminuez à proportion ; ce qui n'étoit pas
lieu , deviendroit tel , ou ce qui étoit lieu cesseroit
de l'être. Il n'y a donc ni espace ni lieu absolus
et primitifs , qui existent indépendamment
ou séparément du corps qui les remplit. Le lieu
AVRIL. 1734. 661
et l'espace ne sont autre chose que le corps luimême
, ayant differentes relations aux corps qui
l'environnent. Ils ne sont pas plus réels que la
situation ou la relation du corps . Le mouvement
se fait sans obstacle dans le plein . Pour peu que
la matiere soit rarefiée , elle cede facilement à un
corps plus massif. Il faut seulement que la force
motrice surpasse la résistance du fluide. Alors
il est également certain par le raisonnement et
par les experiences , qu'un corps avançant dans
le plein , la matiere dont il prend la place , reflue
vers ses côtez , et qu'en même temps la matiere
des côtez passe en arriere ; ensorte qu'un
mouvement direct en produit plusieurs circulaires,
ce qui n'arriveroit pas dans le vuide . Suivant
Descartes , dans tout espace égal , il y a toujours
même quantité de matiere , soit rarefiée , soit
condensée ; la situation , la figure et le mouvement
des particules en font toute la difference .
Les Newtoniens ( Prafat. editor . in Nevvton. )
objectent à la Physique corpusculaire de Descartes
, que la licence d'imaginer à son gré les figures
et les mouvemens d'une matiere imperceptible
, de supposer l'arrangement et l'impulsion
de ses particules , suivant le besoin qu'on
en a , de feindre des corps si déliez et si subtils ,
qu'ils traversent et remplissent toutes sortes d'interstices
avec une rapidité et une force de mouvement
qui n'ont aucune vrai - semblance ,
renoncer à ce qu'il y a de réel dans la Physique
pour s'attacher à des entitez inconnues , que
c'est abandonner la vraie constitution des choses
, pour s'appuyer sur des conjectures chimeri-
.ques ; que les causes occultes ne sont pas celles
qui produisent des effets évidents , et certains
comme la gravité, mais plutôt celles qui depenc'est
dent
662 MERCURE DE FRANCE
,
dent d'hypothèses purement imaginaires , comme
une matiere subtile et des tourbillons. Qu'une
cause n'est point occulte pour être primitive
et très-simple , et qu'une pareille cause n'est point
susceptible d'explications méchaniques. Que
pour expliquer la constitution d'une Horloge
il ne s'agit pas d'une supposition vague de ressorts
inconnus , qu'il faut faire connoître quelle
est la proportion et l'action de toutes les machines
qui la composent , et quel est leur effet
sensible. Que Galilée , par exemple , ayant établi
cette regle conforme à l'experience ; que les
corps jettez décrivent une parabole , si un Philosophe
vient dire que le corps jetté décrit cette
courbe , parce qu'il y a dans l'air une matiere
subtile qui la décrit aussi , un pareil raisonnement
ne peut paroître ai solide ni utile. Que si
vous mêlez dans un vase plusieurs liqueurs d'une
pesanteur inégale , il n'y aura de mouvement
entr'elles que jusqu'à ce qu'elles se soient arrangées
aux differentes hauteurs proportionnées à
leur gravité , et que de même dans les tourbillons
Cartésiens le mouvement doit cesser , lorsque
les Elemens occupent la place qui convient à
leurs forces centrifuges.
Les Cartésiens répondent que ce seroit faire
grand tort au raisonnement , que de ne vouloir
pas qu'il pénetre plus loin que les yeux ;
que si l'on considere l'augmentation et diminution
des corps dont l'experience est continuelle,
si l'on fait attention aux découvertes surprenantes
qui ont été faites par les Microscopes , on
ne peut nier que les parties imperceptibles ne
soient aussi réelles dans la Nature que celles
qui donnent prise à nos sens . Que puisque nous
sommes assurez que chaque corps est composé
de
AVRIL. 1734. 663
de plusieurs autres corps si petits , que nous ne
pouvons en avoir qu'une connoissance intellectuelle
tout Philosophe doit avouer qu'il est
très - avantageux de juger des Phénomenes perceptibles
aux sens , par une méchanique supposée
avec beaucoup de vrai- semblance dans les
Elemens imperceptibles ; de rendre raison par ce
moyen de tout ce qui est en la Nature; et de substituer
des causes vraiment physiques à des termes
qui ne signifient rien, comme les formes substan
tielles des Péripatéticiens, ou à des qualitez dont
on suppose des effets , sans expliquer de quelle
maniere ces effets peuvent être produits , comme
dans le Sistême de l'attraction Newtonienne.
Que les liqueurs mêlées dans un vase , demeurent
en repos après s'être arrangées convenablement
à leur pesanteur, parce que la résistance que
leur mouvement est obligé de vaincre , anéantit
à la fin ce mouvement , mais que les tourbillons
n'éprouvent aucune résistance pareille.
Que ces mouvemens nécessaires à la conservation
de l'Univers sont entretenus par la même
Providence qui les a créez et établis. Et bien loin
que la matiere liquide dont les Cieux sont remplis
dans le Systême Cartésien , nuise au mouvement
rapide des corps Celestes , comme Newton
l'a prétendu, rien n'est plus capable d'aider le
mouvement d'un Globe qui circule , qu'un fluide
déterminé à se mouvoir vers le même côté avec
autant et plus de force que le Globe lui- même; et
ce véhicule paroît absolument nécessaire pour
imaginer les révolutions rapides des corps celestes .
L'objection contre le Systême Cartésien , sur
laquelle Neuwton paroît se fonder avec le plus
de confiance , est tirée des Cométes. Il est impossible
, dit- il , ( Nevut. Princip. Math . p.
481. )
664 MERCURE DE FRANCE
ton ,
481. ) que les tourbillons subsistent et puissent
être conciliez avec les mouvemens irréguliers des
Cométes qui les font errer dans toutes les parties
du Ciel. Cette objection se rétorque contre Newcar
les Cométes ne sont pas plus fideles
aux loix de l'attraction , à moins que quelque
Newtonien , à l'exemple du Maître , ne nous
donne dans un calcul précis le degré de pesanteur
réciproque de chaque Planette sur chaque
Cométe ; car la précision des calculs ne coute
rien à cette Philosophie. Dans le Systême Cartésien
il est aisé de répondre , touchant l'irrégularité
du cours des Cométes , que ces Phénomenes
passagers ne doivent pas suivre le mouvement
des Cieux des Planetes ; si les Cometes ne
sont autre chose que des amas de matiere , irréguliers
dans le temps de leur durée et dans leur
cours , la cause qui les produit est aussi celle qui
dirige leur mouvement ; comme les vents dans
notre atmosphere ont une égale violence en tout
sens , et ne sont point assujettis au cours uniforme
du fluide qui accompagne la révolution du
Globle Terrestre , ni aux loix de l'attraction
Newtonienne. Si les Cométes sont des Astres
dont le cours soit reglé et qui ne soient visibles
pour nous , que lorsque leurs révolutions périodiques
les ramenent aux confins de notre
tourbillon , les Cometes suivent le courant d'un
Auide étranger , qui n'a rien de commun avec
ceux de nos Planetes. Alors les Cométes sont à
peu près dans la Région de Saturne , et peut- être
même plus proches. Car les tourbillons remplis
à leurs extremitez d'une matiere fort déliée , cédent
facilement à la moindre impression ; et il
est assez vrai semblable que les courants d'un
tourbillon peuvent penetrer dans un tourbillon
voiAVRIL.
173 4. 565
voisin , à peu près comme les eaux de la
Mer entrent dans un Golphe, Ces fluides des
differents tourbillons ne se mêlent pas pour cela
et ne changent pas la direction de leur mouvement.
On remarque néanmoins que les Cométes
approchant du Soleil , reçoivent une impression
sensible de ses rayons ; car la queue ou plutôt
l'atmosphere de la Cométe , qui , suivant l'observation
de Képler , paroît toujours opposée au
Soleil, est rejettée en arriere par l'impulsion de ses
rayons , comme une chevelure exposée aux vents.
Newton a mieux traité le mouvement que
Descartes , mais ni l'un ni l'autre ne sont parvenus
à en donner une idée entierement juste .
Descartes entend par le mouvement les differentes
relations d'un corps. Il avoue ( Prin
cip. part. 2. ) que , suivant ses principes , on peut
dire qu'un corps se meut en même -temps et ne
se meut pas. Il soutient qu'il ne faut pas plus
d'action pour le mouvement que pour le repos .
D'où l'on peut conclure qu'une Statuë est dans
le même mouvement qu'un homme qui s'éloigne
d'elle. Il attribue le mouvement d'un corps
à la relation des corps qui le touchent immédiatement
; ce qui étant pris au pied de la lettre ,
signifie qu'un homme qui feroit à pied le tour
du Monde dans les mêmes habits , në se remuëroit
pas , et il s'ensuivroit cette conséquence .
qu'un corps seroit mû en même- temps dans des
sens contraires , comme un Plan sur lequel
deux corps seroient poussez l'un à droite ,
l'autre à gauche. Newton ( Princip . Math . définit,
8. Schol. p . 8. et 9. et axiom . p . 18. ) distingue
le mouvement vrai du mouvement relatif. Suivant
les explications qu'il donne , le mouvement
vrai consiste dans la force qui agity soit que
cette
€65 MERCURE DE FRANCE
le cette force soit dans le corps même , soit que
corps la reçoive d'ailleurs . Le mouvement relatif
ne dépend que des changemens de situation
des corps , les uns à l'égard des autres . Il suit de
ces principes , qu'il peut y avoir un mouvement
veritable avec plusieurs repos relatifs , comme
lorsqu'un corps avance et que plusieurs corps
qui l'environnent , avancent en même temps ; et
qu'il peut y avoir au contraire plusieurs mouvemens
relatifs sans aucun mouvement veritable ,
comme lorsqu'un homme est tranquille dans un
vaisseau dont le mouvement est égal et uniforme
; et qu'ainsi le mouvement véritable ne consiste
pas dans les relations .Mais quoique le mou
vement veritable ne consiste pas uniquement
dans les relations , il ne peut être neanmoins
sans quelque changement de rapports , sinon aux
objets prochains , du moins aux éloignez . La
force seule ne fait pas le mouvement ; car si elle
rencontre des obstacles plus puissants qu'elle , le
coips reste dans un veritable repos . En réunissant
donc ces principes , le mouvement peut être
défini , ce me semble , le changement de relations
d'un corps à des objets prochains ou éloignez
par l'action d'une force que ce corps a en luimême
ou qu'il a reçûë d'ailleurs .
Newton a penetré plus avant que Descartes
dans la théorie des couleurs . Suivant les principes
Cartésiens , si la superficie des corps ne laisse
aucun accès dans ses interstices aux globules
du second Element , les corps paroissent lumineux
ou sont au moins fort blancs , lorsqu'ils
ne sont pas enflammez , et les globules repoussez
ont une force qui éblouit. Si les pores fort
ouverts , comme un petit crible , reçoivent dans
toute leur surface les globules du second Element
AVRIL. 1734. 667
>
ment , ils absorbent les rayons de lumiere , et
leur couleur est très - noire . Si l'angle de reflexion
est tel , que les globules flattent l'organe visuel ,
la couleur est agréable , comme le verd . Newton
a suivi une route differente . Il établit une espece
de gamme des couleurs élementaires , et entreprenant
en quelque sorte l'anatomie de la lumiere
, il pose pour principes sept especes de
rayons , dont chacun porte sa couleur particuliere
; sçavoir , rouge , orangé , jaune , verd
bleu , indigo , violet ; en sorte que le rayon qui
porte une couleur , n'en porte jamais d'autre.
Exposez aux rayons du Soleil un prisme triangulaire
à une certaine distance d'un papier , qui
puisse renvoyer les rayons rompus et séparez ;
Vous voyez sur le papier sept couleurs bien distinctes
et disposées dans l'ordre qui vient d'être
rémarqué , de la couleur rouge , orangée , jaune
verte , bleue , indigo et violette. Newton a de
plus remarqué que les espaces occupés par les
couleurs sur le papier , sont en même proportion
que les chiffres qui expriment les intervales
des sept tons de Musique. Faites au papier une
petite ouverture , qui ne laisse passer qu'une espece
de rayon qui porte , par exemple , le rouge
ou le violet , rompez de nouveau le rayon avec
un second prisme , un troisiéme ; faites - les tourner
sur les axes ; le rayon differemment rompu,
refléchi differemment , présente toûjours la même
sorte de couleur. Dans cette hypothèse , le blanc
résulte du mêlange des sept couleurs principales,
et les corps paroissent differemment colorez ,
parce que la figure de leurs pores , la tissure et
la consistance de leurs parties refléchissent une
plus grande quantité de rayons d'une certaine
espece , tandis que les interstices de ces corps
trans668
MERCURE DE FRANCE
transmettent la plupart des autres rayons ou
qu'ils les absorbent.
Newton a été moins heureux dans les loix du
mouvement qu'il a établies ; il prétend que les
actions de deux corps sont toujours mutuelles
égales et opposées, ( Nevvt, Princip . Math. axiom.
leg. 3. p. 13. ) ensorte que la réaction est toujours
contraire et égale à l'action . Ce principe
dont il fait l'axiome fondamental ( Ib . Coroll. 3 .
p. 15, et seq. ) de ses démonstrations , détruit
toutes les loix de la statique et de l'équilibre ; car
si la réaction est toujours égale à l'action ,
les corps agiront avec des forces égales et tous
les contrepoids demeureront en suspens et sans
action. Le prétendu axiome , au lieu d'être un
principe de mouvement , seroit le principe d'une
immobilité generale , puisqu'il est certain
qu'un carosse et six chevaux demeureront immobiles
, si la réaction du carosse est égale et
opposée à l'action des six chevaux.
tous
Newton dit ailleurs que la pesanteur ou la gra
vité des corps ( Princip. Math. lib . 3. Propos.
7. Theor. 7.p.369 . ) est universelle et qu'elle est
proportionnée à la quantité de matiere qui est
en eux. Les calculs de la pesanteur des Planetes
roulent sur cet axiome contraire au sentiment du
plus grand nombre des Physiciens qui rejettent
le vuide , et suivant lesquels chaque espace égal
contient toujours une égale quantité de matiere.
Newton avance un autre principe fort opposé
aux idées naturelles, sçavoir , que moins un
corps qu'on jette ( Princip. Math definit . 5. p. 3. )
a de gravité , moins il s'écarte de la ligne droite
et plus il va loin. Suivant ce principe , un
Globe de liége . poussé avec beaucoup de force ,
devroit aller plus loin qu'un Globe de plomb ,
poussé
AVRIL. 1734. 669
poussé avec une force égale , le Globe de liege
ayant moins de gravité ; à moins qu'on ne regarde
le Globe de liege comme ayant plus de
gravité qu'un Globe de plomb , parce que le Globe
de liege est attiré plus promptement vers la
terre ; et alors celui qui auroit , suivant Newton,
le moins de matiere , auroit le plus de gravité.
Le fondement géneral du Systême Newtonien,
l'axe, pour ainsi- dire, sur lequel toute cette Philosophie
tourne , c'est l'attraction . Newton admet
aussi dans la matiere une hétérogénéïté ou diversité
de genres , qualité aussi occulte que l'attraction,
et qui n'a aucune signification Physique.Descartes
ne reconnoît dans la Nature qu'un mouvement
d'impulsion, et il rapporte le mouvement au
Créateur, comme à sa cause unique et immédiate
Newton regarde le mouvement comme l'effet de
Pattraction. Il y a donc entre ces deux Philosophes
une opposition de sentimens sur la cause
physique generale et primitive ; ce que l'un considére
comme la causé , l'autre lui donne la qualification
d'effet ; Descartes déduit la pesanteur
du mouvement , Newton déduit le mouvement
de la pesanteur ou de l'attraction .
La suite dans le Mercure prochain.
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Résumé : SECONDE Partie de la Comparaison de Descartes et de Newton.
Le texte compare les philosophies de Descartes et de Newton, en soulignant les divergences entre les Newtoniens et les Cartésiens. Les Newtoniens affirment que le vide est nécessaire pour le mouvement et qu'il existe des lieux absolus et primitifs. Ils considèrent l'espace éthéré comme entièrement vide. En revanche, les Cartésiens rejettent l'idée de lieux absolus et de vide, estimant que l'espace est rempli de matière, même si elle est rarefiée. Ils pensent que l'espace et l'étendue commencent avec la création de la matière et sont limités par elle. Les Newtoniens critiquent la physique corpusculaire de Descartes, la jugeant trop spéculative et imaginative, tandis que les Cartésiens défendent l'idée que les phénomènes perceptibles peuvent être expliqués par des mécanismes imperceptibles. Le texte aborde également la question des comètes. Les Cartésiens expliquent leur mouvement par des courants de fluides, tandis que Newton utilise les comètes pour critiquer les tourbillons cartésiens. De plus, le texte compare les conceptions du mouvement chez Descartes et Newton. Newton distingue le mouvement vrai du mouvement relatif, contrairement à Descartes. Le texte traite également des théories de Newton sur la lumière et la gravité. Newton a établi une gamme de sept couleurs élémentaires : rouge, orangé, jaune, vert, bleu, indigo et violet. En exposant les rayons du Soleil à travers un prisme, ces couleurs apparaissent distinctement et dans un ordre spécifique. Newton a noté que les proportions des espaces occupés par ces couleurs sur un papier correspondent aux intervalles des tons musicaux. Il a démontré que chaque couleur reste inchangée même après être passée à travers plusieurs prismes. Selon Newton, le blanc résulte du mélange de ces sept couleurs principales, et les objets apparaissent colorés en fonction de la réflexion et de l'absorption des rayons lumineux par leurs pores et interstices. Le texte critique les lois du mouvement de Newton, notamment son principe selon lequel les actions de deux corps sont toujours mutuelles, égales et opposées. Ce principe est jugé destructeur des lois de la statique et de l'équilibre, car il conduirait à une immobilité générale. Newton a également affirmé que la gravité est universelle et proportionnelle à la quantité de matière dans un corps, une idée contraire à celle de nombreux physiciens de l'époque. Il a proposé que moins un corps a de gravité, plus il s'écarte de la ligne droite. Le fondement du système newtonien repose sur l'attraction, une qualité occulte selon le texte. Newton et Descartes ont des opinions opposées sur la cause physique générale et primitive : Descartes attribue le mouvement au Créateur, tandis que Newton le voit comme un effet de l'attraction.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 1104-1117
TROISIÈME PARTIE de la comparaison des Philosophies de Descartes et de Newton. Par M. de S. Aubin.
Début :
Les Newtoniens prétendent (Praefat. editor. in Nevvt.) que l'attraction peut être une qualité [...]
Mots clefs :
Descartes, Newton, Philosophies, Newtoniens, Attraction, Corps, Soleil, Lune, Terre, Planètes, Mouvement, Système, Force, Fluide, Raison
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TROISIÈME PARTIE de la comparaison des Philosophies de Descartes et de Newton. Par M. de S. Aubin.
TROISIEME PARTIE de la
comparaison des Philosophies de Descartes
et de Newton. Par M. de S. Aubin .
L
Es Newtoniens prétendent ( Prafat. editor. in
Nevvt. ) que l'attraction peut être une qualité
de la matière aussi primitive que la mobilité.
Les Cartésiens répondent que la mobilité et les
I. Vol. autres
JUIN. 1734. 17057
autres qualités primitives de la matiere , comme
l'étendue , l'impénétrabilité , sont fort differentes
de l'attraction ; que ces proprietés sont trèssimples
, au lieu que l'attraction est une qualité
composée , qui consiste en l'action d'un corps
sur un autre corps. Que ce n'est pas parler en
Physicien , que de dire qu'une attraction pénétre.
tous les centres , sans sçavoir pourquoi , et qu'elle
fait tout dans la nature , sans dire comment.
L'attraction est même contraire à l'experience.
Qu'on suspende deux cubes d'acier d'un pouce
de diamétre chacun à deux fils , ( Harsoëk
rec. de piec. Phys . ) en sorte que les deux cubes se
touchent presque par un de leurs côtés , ils ne
s'approchent pas dans un lieu où l'air n'a aucune
agitation qui rompe son équilibre ; et l'attraction
n'agit pas davantage sur eux dans le vuide
pneumatique , quoique le moindre choc, la moindre
impulsion les fasse changer de place . Cepen--
dant si ces deux cubes ne faisoient qu'un seul
parallélepipéde d'un pouce d'épaiseur , une force
de plus de cent mille livres ne les sépareroit pas.
Suivant l'experience de Guericke faite à Magdebourg
, ( M. de Mairan , Tr. de l'Aur. Bor. )
deux plans polis de deux pouces trois quarts de
diametre , s'unissoient si bien ensemble , par la
juxta- position , et frotés seulement de quelque
matiere un peu grasse , qu'ils soutenoient , sans
attaché au
se separer , un poids de 80. livres ,
plan inferieur. Il faut donc qu'il y ait quelque
autre cause de cette forte union des parcelles d'un
corps , que la prétendue attraction mutuelle de
Newton , à moins qu'on n'y ajoûte la cohesion
et la juxta- position , autres qualités occultes : au
Heu qu'il est très - vrai - semblable , que
la cause
de cette forte union est la pression du plein , suiyant
l'hypothese des Cartesiens.
Mait .
TIC MERCURE DE FRANCE
Mais il y a plus. Ce qui est inconcevable ,
comme une cause naturelle , c'est une attraction
qui opere au-delà du vuide. Le P. Castel ( Tr. de
Phys. sur lapesant. ) est surpris , avec raison , que
Newton at allié le vuide avec le sys.ê.ne d'une
pesanteur universelle . Newton compare ( Princ.
Mith. p. 3. ) tout mouvement circulaire à celui
d'une pierre , que la force du bras fait tourner
dans une fronde. Y auroit - il quelque apparence
à supposer qu'il se feroit simplement une attrac
tion de la pierre par le bras , sans fronde et au
travers d'un milieu vuide ? La Physique ne peut
admettre ( Leibn. Théod. ) l'action immediate
d'un corps sur un autre corps éloigné : Il y a
même de la contradiction dans les termes.
Sur les fondemens ruineux de l'attraction et du
vuide , Newton éleve ses prétendues démonstrations
. Il ne place point le centre de l'Univers
dans un mobile actif , comme le Soleil , ni dans
aucune autre Planete , mais dans un espace vuide
, duquel il nous assure ( Princ. Math.p. 374 )
que le Soleil ne s'éloigne jamais beaucoup . II
donne donc au So eil , non - seulement un mouvement
de révolution sur son axe , mais encore
un mouvement de transport d'un heu à un autre
; et toutes les Ellipses des Planetes doivent varier
en même tems , puisqu'elles ont toujours le
Soleil à un de leurs foyers.
Newton allegue de mauvaises raisons pour détruire
les tourbilions . Les revo utions des Planetes
, dit-il , ( p.354 ) sont élipiques , et les aires
qu'elles décrivent par leurs mouvemens autour
du Soleil , sont proportionnelles aux tems : Il
suppose plusi urs Cercles excentriques - les uns
dans les autres et prétend que les loix Astronomiques
et les mécaniques ne peuvent se conci-
I. Vol.
lier
JUIN. 1107
י734
lier , en supposant un fluide de matiere étherée,
parce que dans le tems que l'aphélie demandera
un mouvement plus tardir, un passage plus étroit
demandera un mouvement plus prompt , ou au
contraire. Rien n'est plus foible que cette objection.
Quand il se trouve dans la nature que que
Concurience entre deux contraires , le plus fort
l'emporte , et les loix du mouvement ont bientôt
décidé entr'eux.
Il n'y a pas plus de solidité à l'objection , que
fluide , qui environne la terre , doit ête d'une
densité égale à celle du Globe. Voici en quoi
consiste cette objection . » Si le fluide dans lequel
» le Globe terrestre nage, dit Newton , ( p. 353. )
est plus ou moins dense , le Globe , au lieu de
» revenir au point d'où il est parti , décrira une
spirale dans sa révolution , en approchant du
» centre ou de la circonference . Si la densité est
égale , les parties lu so ide seront en équilibre
e avec les parties du fluide , et le Globe alors pour-
" ra occuper toutes les places du tourbillon , aussi
bien que le centre . Il est isé de répondre ; premierement
, qu'il ne faut pas considerer une lanete
, comme un mobile plongé dans un fluide ,
mais qu'on doit se représenter un fluide qui participe
aux mouvemens du Globe, comme une portion
de la matière étherée entraînée par lui , et qui
l'environne également de toute part . Le Globe
doit être en équilibre avec son ciel , avec la couche
du tourbillon Solaire où il fait sa révolution ,
mais il n'a pas besoin d'équilibre dans son tourbillon
paticulier , ille forme , et il y donne la loi.
Secondement il n'y a aucun inconvenient qu'un
Globe et le fluide où il nâge , soient d'une égale
densité. Le Globe ne cesse pas pour cela d'ê re solide
, et son atmosphere ne perd pas sa fluidité . Il
Реце
tro MERCURE DE FRANCE
peut y avoir une densité égale entre des particu
les , dont les unes sont accrochées entre elles , et
les autres ne le sont pas : de même qu'un morceau
de bois, qui est un solide , à une égale densité
et est en équilibre avec le volume d'eau qui
l'entraîne.
L'objection tirée du passage des Cométes en
tout sens au travers du tourbillon , a été refutée
dans la seconde partie de cette dissertation. Venons
aux effets de l'attraction universelle, New
ton suppose qu'un mouvement direct d'Occident
en Orient a été imprimé dès le commencement,
par le Créateur , à toutes les Planetes , et que l'attraction
des centres de leurs révolutions les détourne
continuellement de leur tendance à cemouvement
rectiligne , ce qui leur fait décrire
des ellipses. Il se fût épargné bien des calculs
, s'il eût dit tout d'un coup , que le Créateur
, dès le commencement a imprimé aux Planetes
des mouvemens elliptiques . C'est la gravitation
réciproque du Soleil et des Planetes , dit - il ,
( P.374. ) qui les fait tourner autour de leur centre
commun , à des distances plus ou moins éloignées ,
et dans des orbites elliptiques. Tout le systême
roule sur ces deux principes ; premierement , que
les forces de l'attraction mutuelle sont en raison
inverse des quarrés des distances ; c'est - à dire ,
que le corps étant deux fois plus éloigné , la
force centrale agit sur lui quatre fois plus foiblement
, que l'éloignement étant quatre fois plus
gran 1 , la force est seize fois plus foible , & c . Secondement
, que les corps s'attirent en raison directe
de leurs masses, ou de la quantité de leur matiere.
L'essai du systême se fait uniquement sur la
Lune Remontons aux principes . Quand deux
forces , l'une horizontale , l'autre perpendiculai
I.Vo!.
re
JUIN. 1734. 1109
re , poussent également un corps , il décrit la
diagonale d'un quarré . Newton , partant de cette
premiere conclusion , décompose , pour ainsi
dire , la courbe décrite par le mouvement de la
Luue.Connoissant les proportions de son orbite,
et les tems de sa révolution , il calcule les degrés
de la force directe et de la force centrale ,
qui agissant à la fois sur la Lune , produisent
son mouvement elliptique . Il trouve que si
la Lune venoit à perdre sa force directe , ensorte
qu'elle obéit uniquement à l'attraction centrale ,
elle tomberoit de quinze piés dans la premiere
minute. Newton prétend aussi que les corps ,
dont nous connoissons la chûte, avancent de cinquante
quatre mille piés en une minute que si
les corps commençoient à tomber de la hauteur
de la Lune , ou d'une hauteur de soixante demidiametres
de la terre , leur pesanteur diminuant
en raison inverse du quarré de cette distance , leur
chûte seroit de quinze piés dans la premiere minute
, comme la chute de la Lune ; et que la Lune
arrivant à la surface de la terre , décriroit dans
la derniere minute cinquante quatre mille piés ,
de même que les corps graves , près de la surface
de la terre , avancent en tombant de quinze
piés dans la premiere seconde , et de cinquante
quatre mille piés dans toute la minute. Le quarré
de soixante multiplié par quinze , donne cinquante
quatre mille , et Newton en conclut
qu'un même principe , une même force agit sur
la Lune et sur les corps dont nous connoissons
la chûte , suivant la loi qu'il a établie de la raison
inverse des quarrés des distances . Il attribuë,
en conséquence , une gravitation generale et mutuelle
à tous les corps Celestes , dans la même
proportion. Mais cette attraction , refutée déja
I. Vol.
са
TH10 MERCURE DE FRANCE
en qualité de cause , n'est pas plus soutenable
par ses effets.
Premierement , les expériences de la chûte
des corps , près de la surface de la terre , c'estâ
- dire , des hauteurs quelconques qui sont à
notre portée , comme Tours , Montagnes , &c .
ne peuvent se faire que sur des corps dont la
masse a un rapport très - inegal à la masse du
Globe lunaire ; en sorte que si l'attraction agit
avec une force égale sur des masses , dont la quanrité
de matiere est si disproportionnée , un des
fondemens du systême Newtonien tombe en ruine
, sçavoir que l'attraction agit en raison directe
des masses. Secondement , je soutiens que l'at
mosphere , qui environne la terre , étant fort
épaisse , au lieu que la région de la Lune est vuide,
suivant Newton , et la difference causée par l'épaisseur
d'un fluide étant telle encore suivant
Newton , que sans la résistance de l'air grossier,
le corps le plus poreux , comme une éponge , se
précipiteroit avec autant de vitesse qu'un Globe
de plomb , une des démontrations de Newton
étant même , qu'un mobile qui traverse un fluide
de pareille pesanteur spécifique , en quelque sens
que ce soit , et quelque soit la vitesse qu'on lui
donne d'abord , doit perdre la moitié de sa vîtesavant
que d'avoir parcouru trois de ses diametres
: il s'ensuit incontestablement de ses principes,
que si l'attraction centrale agit dans un milieu
vuide , à la hauteur de la Lune , en raison
inverse du quarré de la distance , par rapport à
une attraction qui agit dans un fluide fort dense,
auprès de la surface de la terre , ces deux attrac
tions ne peuvent être semblables .
se ,
Troisiémement il est certain que les masses
des Planetes ne changent point , et que leurs dis-
I. Vol. tanoes
JUIN. 1734 IIII
tances varient , d'où il résulte par une conséquence
invincible que les Planettes dans leurs
périhélies , bien plus puissamment attirées par
le Soleil , devroient tomber sur ce centre , comme
Aristote disoit , que s'il y avoit une autre
terre , elle tomberoit sur celle - ci . Car le moindre
dérangement dans l'équilibre entraîne tout - àfait
un corps , parce que l'excès qui a précedé ,
augmente continuellement l'excès qui suit . Or
tout Astronome convient des absides ou variations
des distances des Planetes . L'équilibre doit
alors être rompu par leur éloignement ou leur
proximité. Elles doivent s'attirer quelquefois
beaucoup plus fortement. La Lune , par exemple,
dans la conjonction , devroit abandonner la
Terre et aller se joindre au Soleil , sur tout la
Terre étant dans le périhélie ; il arriveroit encore
que les deux attractions du Soleil et de la
Terre sur la Lune agissant du même côté
dans l'opposition de la Lune , au lieu que dans
sa conjonction ces deux forces se combattent . la
Lune dans l'opposition tomberoit sur la Terre .
Il est impossible que deux attractions si inégales
et dans ces situations de la Lune si contraires ,
produisent le même effet de la retenir dans l'écliptique.
Il faut aussi dans les absides et conjonctions
des autres Planetes , non-seulement
supposer une qualité occulte , telle que l'attraction
, mais il faut la supposer variable et de maniere
qu'elle se proportionne toujours au besoin
qu'on a d'elle.
Lorsqu'une Planete dans le périhélie , s'est approchée
du centre , l'attraction centrale étant
augmentée , il est impossible , en suivant les loix
du Systême Newtonien , que cette Planete retourne
à sa distance moyenne , et à plus forte
I. Vol.
raison
1112 MERCURE DE FRANCE
raison à l'aphélie . On prétend que quand Jupiter
et Saturne sont dans leur plus grande
proximité, qui est de cent soixante cinq millions
de lieues , suivant les derniers Astronomes , leurs
mouvemens ne sont plus de la même régularité ,
ce que les Newtoniens attribuent à une attraction
plus forte. Puisque le cours de Saturne est dérangé
, il faut donc que l'attraction centrale, qui devroit
agir plus puissammene sur Saturne à une
moindre distance, vienne à se relâcher , sans cause
, pour rendre à Saturne sa régularité . Le Systê
me est autant dénué de causes physiques , qu'il
est abondant en calculs.
Dans les grandes conjonctions des Planetes ,
plusieurs forces centrales réunies dans une ligne
perpendiculaire , devroient agir beaucoup plus
puissamment. Jupiter est plus massif que Saturne
, car Jupiter a plus de densité , suivant New-
Fon ( p. 372. ) il est aussi plus gros suivant tous
les Astronomes , Saturne est donc fortement attiré
par Jupiter , et quand ils se trouvent en con
jonction , la force passagere de Jupiter jointe à
la gravitation continuelle du Soleil , et aturant
Saturne du même côté , doit l'obliger de sortir
de son orbite ; et comme nous l'avons observé ,
le Systême ne fournit aucun moyen de l'y faire
rentrer. Au contraire , l'attraction augmentant
toujours à mesure que la distance diminuera , Saturne
décrira une ligne spirale , puis parabolique
et enfin presque perpendiculaire ; et venant de la
Région la plus éloignée se réunir au Soleil , quels
désordres ne fera t'il point en traversant irrégu
lierement, avec ses satellites , tout ce Monde New.
tonien , où il y a autant de principes de destruction
, que de centres de gravité.
Si l'on répond que l'excès de la vitesse de la
·
I. Vol. Planetę
JUIN. 1734 TII
Planété la soutient contre un excès d'attraction ,
Le Systême Newtonien est donc défectueux , et
c'est une nécessité indispensable d'y ajoûter un
troisiéme principe de la vitesse , qui moderé et
concilie les deux autres . Mais les Géometres auroient
un beau champ pour démontrer par des
calculs réels , fondez sur la regle de Kepler, admise
par Newton , et sur les Observations Astronomiques,
que les rapports réciproques des distances ,
des masses et des vitesses n'étant pas les mêmes en
tout temps , toute la théorie Newtoniene ne peut
avoir aucune solidité , puisque l'équilibre venant
à être rompu dans quelque partie de l'Univers ,
par la moindre inégalité d'attraction d'une Planete
ou d'un Satellite dans les absides , l'équilibre
seroit rompu en même - temps par tout , et
l'Univers aussi - tôt détruit , tous les Globes tombant
les uns sur les autres ; le Soleil même
suivant Newton , s'écarteroit de son centre à
quelque distance et précipiteroit encore la chute
des Planetes dans leurs conjonctions , la force de
la gravitation étant telle dans ce Systême , que
lorsqu'une Planete s'approche du Soleil , elle oblige
le Soleil de s'avancer un peu vers elle , s'il n'est
retenu par une attraction contraire. Ainsi tout le
Systême , au lieu d'avoir un rapport précis avec
les Phénomenes ( qui est le seul moyen de le faire
valoir ) est perpétuellement en contradiction avec
les faits établis par l'Astronomie .
Newton dit qu'il ne fait point d'hypothese ;
cependant tirer mille conséquences du même
principe d'une attraction generale et mutuelle ,
établir que les forces de cette attraction sont en
raison directe des masses , et en raison inverse des
quarrez des distances ; que suivant cette proposition
constante , le Soleil attire les Planetes , et
Je Vol.
дис
11 MERCURE DE FRANCE
ter , que s'il étoit dans le Ciel de Jupiter , maïs
sans être entré dans son tourbillon , il tomberoit
sur le Soleil , à moins qu'il ne vint à rencontrer
pendant sa chute le tourbillon particulier de
quelque Planete. Ainsi il y a lieu de faire sur ce
bouler des conjectures fort differentes de celles
de Newton , qui d'ailleurs ne pourroit tirer de
cette comparaison aucun avantage , puisqu'en
supposant le mouvement elliptique du boulet autour
de la Terre , ce seroit toujours une explication
plus physique de l'attribuer à l'impulsion
du fluide , qu'à une attraction centrale .
Newton finit ( p . 484. ) par reconnoître
qu'une matiere imperceptible penetre tous les
corps , et qu'elle est le principe de leurs attractiens
à de moyennes distances ; comme si la
nécessité d'un mouvement d'impulsion n'étoit
pas encore plus indispensable à l'égard des disrances
éloignées . Le Systême Newtonien ne
seroit soutenable , qu'en supposant les Planetes
sans absides et tous les corps celestes , sans
aucune variation de distance ; ce qui est bien
éloigné de la théorie des Cieux ; et ce Systême ne
nous apprendroit toujours rien , puisqu'il roule
sur un principe inconnu à l'Auteur , de son
aveu, et qui n'a mené jusqu'ici à aucune découverte.
L'Optique de Newton , qui est restée imparfaite,
n'a pas procuré plus d'utilité . Cette invention
si vantée des couleurs élementaires peut paroître
un peu suspecte , plusieurs personnes ayant
tenté inutilement cette experience ; Mariotte, dont
la sagacité en ce genre étoit connue, n'a pû réüssir
à la trouver , et M. Rizzetti a conclu des experiences
qu'il a faites , que tous les rayons sont
également refrangibles .
A l'égard de la Géometrie de l'infini, Newton
I. Vol.
se
JUIN. 1734. 1117
se sert de la Méthode qu'il appelle p. 32. ) des
points naissants et évanouissants , Méthode qui
renferme les mêmes contradictions que celle des
infiniment petits , Il n'est pas besoin de se jetter
dans des discussions métaphysiques , pour con
noître avec la plus entiere certitude , que la divisibilité
à l'infini ne peut s'allier avec les indi-
I visibles. Examinons quelles sont les veritables
défectuositez du Systême Cartésien , et s'il est
possible d'y remedier.
La fin dans le second volume de Juin.
comparaison des Philosophies de Descartes
et de Newton. Par M. de S. Aubin .
L
Es Newtoniens prétendent ( Prafat. editor. in
Nevvt. ) que l'attraction peut être une qualité
de la matière aussi primitive que la mobilité.
Les Cartésiens répondent que la mobilité et les
I. Vol. autres
JUIN. 1734. 17057
autres qualités primitives de la matiere , comme
l'étendue , l'impénétrabilité , sont fort differentes
de l'attraction ; que ces proprietés sont trèssimples
, au lieu que l'attraction est une qualité
composée , qui consiste en l'action d'un corps
sur un autre corps. Que ce n'est pas parler en
Physicien , que de dire qu'une attraction pénétre.
tous les centres , sans sçavoir pourquoi , et qu'elle
fait tout dans la nature , sans dire comment.
L'attraction est même contraire à l'experience.
Qu'on suspende deux cubes d'acier d'un pouce
de diamétre chacun à deux fils , ( Harsoëk
rec. de piec. Phys . ) en sorte que les deux cubes se
touchent presque par un de leurs côtés , ils ne
s'approchent pas dans un lieu où l'air n'a aucune
agitation qui rompe son équilibre ; et l'attraction
n'agit pas davantage sur eux dans le vuide
pneumatique , quoique le moindre choc, la moindre
impulsion les fasse changer de place . Cepen--
dant si ces deux cubes ne faisoient qu'un seul
parallélepipéde d'un pouce d'épaiseur , une force
de plus de cent mille livres ne les sépareroit pas.
Suivant l'experience de Guericke faite à Magdebourg
, ( M. de Mairan , Tr. de l'Aur. Bor. )
deux plans polis de deux pouces trois quarts de
diametre , s'unissoient si bien ensemble , par la
juxta- position , et frotés seulement de quelque
matiere un peu grasse , qu'ils soutenoient , sans
attaché au
se separer , un poids de 80. livres ,
plan inferieur. Il faut donc qu'il y ait quelque
autre cause de cette forte union des parcelles d'un
corps , que la prétendue attraction mutuelle de
Newton , à moins qu'on n'y ajoûte la cohesion
et la juxta- position , autres qualités occultes : au
Heu qu'il est très - vrai - semblable , que
la cause
de cette forte union est la pression du plein , suiyant
l'hypothese des Cartesiens.
Mait .
TIC MERCURE DE FRANCE
Mais il y a plus. Ce qui est inconcevable ,
comme une cause naturelle , c'est une attraction
qui opere au-delà du vuide. Le P. Castel ( Tr. de
Phys. sur lapesant. ) est surpris , avec raison , que
Newton at allié le vuide avec le sys.ê.ne d'une
pesanteur universelle . Newton compare ( Princ.
Mith. p. 3. ) tout mouvement circulaire à celui
d'une pierre , que la force du bras fait tourner
dans une fronde. Y auroit - il quelque apparence
à supposer qu'il se feroit simplement une attrac
tion de la pierre par le bras , sans fronde et au
travers d'un milieu vuide ? La Physique ne peut
admettre ( Leibn. Théod. ) l'action immediate
d'un corps sur un autre corps éloigné : Il y a
même de la contradiction dans les termes.
Sur les fondemens ruineux de l'attraction et du
vuide , Newton éleve ses prétendues démonstrations
. Il ne place point le centre de l'Univers
dans un mobile actif , comme le Soleil , ni dans
aucune autre Planete , mais dans un espace vuide
, duquel il nous assure ( Princ. Math.p. 374 )
que le Soleil ne s'éloigne jamais beaucoup . II
donne donc au So eil , non - seulement un mouvement
de révolution sur son axe , mais encore
un mouvement de transport d'un heu à un autre
; et toutes les Ellipses des Planetes doivent varier
en même tems , puisqu'elles ont toujours le
Soleil à un de leurs foyers.
Newton allegue de mauvaises raisons pour détruire
les tourbilions . Les revo utions des Planetes
, dit-il , ( p.354 ) sont élipiques , et les aires
qu'elles décrivent par leurs mouvemens autour
du Soleil , sont proportionnelles aux tems : Il
suppose plusi urs Cercles excentriques - les uns
dans les autres et prétend que les loix Astronomiques
et les mécaniques ne peuvent se conci-
I. Vol.
lier
JUIN. 1107
י734
lier , en supposant un fluide de matiere étherée,
parce que dans le tems que l'aphélie demandera
un mouvement plus tardir, un passage plus étroit
demandera un mouvement plus prompt , ou au
contraire. Rien n'est plus foible que cette objection.
Quand il se trouve dans la nature que que
Concurience entre deux contraires , le plus fort
l'emporte , et les loix du mouvement ont bientôt
décidé entr'eux.
Il n'y a pas plus de solidité à l'objection , que
fluide , qui environne la terre , doit ête d'une
densité égale à celle du Globe. Voici en quoi
consiste cette objection . » Si le fluide dans lequel
» le Globe terrestre nage, dit Newton , ( p. 353. )
est plus ou moins dense , le Globe , au lieu de
» revenir au point d'où il est parti , décrira une
spirale dans sa révolution , en approchant du
» centre ou de la circonference . Si la densité est
égale , les parties lu so ide seront en équilibre
e avec les parties du fluide , et le Globe alors pour-
" ra occuper toutes les places du tourbillon , aussi
bien que le centre . Il est isé de répondre ; premierement
, qu'il ne faut pas considerer une lanete
, comme un mobile plongé dans un fluide ,
mais qu'on doit se représenter un fluide qui participe
aux mouvemens du Globe, comme une portion
de la matière étherée entraînée par lui , et qui
l'environne également de toute part . Le Globe
doit être en équilibre avec son ciel , avec la couche
du tourbillon Solaire où il fait sa révolution ,
mais il n'a pas besoin d'équilibre dans son tourbillon
paticulier , ille forme , et il y donne la loi.
Secondement il n'y a aucun inconvenient qu'un
Globe et le fluide où il nâge , soient d'une égale
densité. Le Globe ne cesse pas pour cela d'ê re solide
, et son atmosphere ne perd pas sa fluidité . Il
Реце
tro MERCURE DE FRANCE
peut y avoir une densité égale entre des particu
les , dont les unes sont accrochées entre elles , et
les autres ne le sont pas : de même qu'un morceau
de bois, qui est un solide , à une égale densité
et est en équilibre avec le volume d'eau qui
l'entraîne.
L'objection tirée du passage des Cométes en
tout sens au travers du tourbillon , a été refutée
dans la seconde partie de cette dissertation. Venons
aux effets de l'attraction universelle, New
ton suppose qu'un mouvement direct d'Occident
en Orient a été imprimé dès le commencement,
par le Créateur , à toutes les Planetes , et que l'attraction
des centres de leurs révolutions les détourne
continuellement de leur tendance à cemouvement
rectiligne , ce qui leur fait décrire
des ellipses. Il se fût épargné bien des calculs
, s'il eût dit tout d'un coup , que le Créateur
, dès le commencement a imprimé aux Planetes
des mouvemens elliptiques . C'est la gravitation
réciproque du Soleil et des Planetes , dit - il ,
( P.374. ) qui les fait tourner autour de leur centre
commun , à des distances plus ou moins éloignées ,
et dans des orbites elliptiques. Tout le systême
roule sur ces deux principes ; premierement , que
les forces de l'attraction mutuelle sont en raison
inverse des quarrés des distances ; c'est - à dire ,
que le corps étant deux fois plus éloigné , la
force centrale agit sur lui quatre fois plus foiblement
, que l'éloignement étant quatre fois plus
gran 1 , la force est seize fois plus foible , & c . Secondement
, que les corps s'attirent en raison directe
de leurs masses, ou de la quantité de leur matiere.
L'essai du systême se fait uniquement sur la
Lune Remontons aux principes . Quand deux
forces , l'une horizontale , l'autre perpendiculai
I.Vo!.
re
JUIN. 1734. 1109
re , poussent également un corps , il décrit la
diagonale d'un quarré . Newton , partant de cette
premiere conclusion , décompose , pour ainsi
dire , la courbe décrite par le mouvement de la
Luue.Connoissant les proportions de son orbite,
et les tems de sa révolution , il calcule les degrés
de la force directe et de la force centrale ,
qui agissant à la fois sur la Lune , produisent
son mouvement elliptique . Il trouve que si
la Lune venoit à perdre sa force directe , ensorte
qu'elle obéit uniquement à l'attraction centrale ,
elle tomberoit de quinze piés dans la premiere
minute. Newton prétend aussi que les corps ,
dont nous connoissons la chûte, avancent de cinquante
quatre mille piés en une minute que si
les corps commençoient à tomber de la hauteur
de la Lune , ou d'une hauteur de soixante demidiametres
de la terre , leur pesanteur diminuant
en raison inverse du quarré de cette distance , leur
chûte seroit de quinze piés dans la premiere minute
, comme la chute de la Lune ; et que la Lune
arrivant à la surface de la terre , décriroit dans
la derniere minute cinquante quatre mille piés ,
de même que les corps graves , près de la surface
de la terre , avancent en tombant de quinze
piés dans la premiere seconde , et de cinquante
quatre mille piés dans toute la minute. Le quarré
de soixante multiplié par quinze , donne cinquante
quatre mille , et Newton en conclut
qu'un même principe , une même force agit sur
la Lune et sur les corps dont nous connoissons
la chûte , suivant la loi qu'il a établie de la raison
inverse des quarrés des distances . Il attribuë,
en conséquence , une gravitation generale et mutuelle
à tous les corps Celestes , dans la même
proportion. Mais cette attraction , refutée déja
I. Vol.
са
TH10 MERCURE DE FRANCE
en qualité de cause , n'est pas plus soutenable
par ses effets.
Premierement , les expériences de la chûte
des corps , près de la surface de la terre , c'estâ
- dire , des hauteurs quelconques qui sont à
notre portée , comme Tours , Montagnes , &c .
ne peuvent se faire que sur des corps dont la
masse a un rapport très - inegal à la masse du
Globe lunaire ; en sorte que si l'attraction agit
avec une force égale sur des masses , dont la quanrité
de matiere est si disproportionnée , un des
fondemens du systême Newtonien tombe en ruine
, sçavoir que l'attraction agit en raison directe
des masses. Secondement , je soutiens que l'at
mosphere , qui environne la terre , étant fort
épaisse , au lieu que la région de la Lune est vuide,
suivant Newton , et la difference causée par l'épaisseur
d'un fluide étant telle encore suivant
Newton , que sans la résistance de l'air grossier,
le corps le plus poreux , comme une éponge , se
précipiteroit avec autant de vitesse qu'un Globe
de plomb , une des démontrations de Newton
étant même , qu'un mobile qui traverse un fluide
de pareille pesanteur spécifique , en quelque sens
que ce soit , et quelque soit la vitesse qu'on lui
donne d'abord , doit perdre la moitié de sa vîtesavant
que d'avoir parcouru trois de ses diametres
: il s'ensuit incontestablement de ses principes,
que si l'attraction centrale agit dans un milieu
vuide , à la hauteur de la Lune , en raison
inverse du quarré de la distance , par rapport à
une attraction qui agit dans un fluide fort dense,
auprès de la surface de la terre , ces deux attrac
tions ne peuvent être semblables .
se ,
Troisiémement il est certain que les masses
des Planetes ne changent point , et que leurs dis-
I. Vol. tanoes
JUIN. 1734 IIII
tances varient , d'où il résulte par une conséquence
invincible que les Planettes dans leurs
périhélies , bien plus puissamment attirées par
le Soleil , devroient tomber sur ce centre , comme
Aristote disoit , que s'il y avoit une autre
terre , elle tomberoit sur celle - ci . Car le moindre
dérangement dans l'équilibre entraîne tout - àfait
un corps , parce que l'excès qui a précedé ,
augmente continuellement l'excès qui suit . Or
tout Astronome convient des absides ou variations
des distances des Planetes . L'équilibre doit
alors être rompu par leur éloignement ou leur
proximité. Elles doivent s'attirer quelquefois
beaucoup plus fortement. La Lune , par exemple,
dans la conjonction , devroit abandonner la
Terre et aller se joindre au Soleil , sur tout la
Terre étant dans le périhélie ; il arriveroit encore
que les deux attractions du Soleil et de la
Terre sur la Lune agissant du même côté
dans l'opposition de la Lune , au lieu que dans
sa conjonction ces deux forces se combattent . la
Lune dans l'opposition tomberoit sur la Terre .
Il est impossible que deux attractions si inégales
et dans ces situations de la Lune si contraires ,
produisent le même effet de la retenir dans l'écliptique.
Il faut aussi dans les absides et conjonctions
des autres Planetes , non-seulement
supposer une qualité occulte , telle que l'attraction
, mais il faut la supposer variable et de maniere
qu'elle se proportionne toujours au besoin
qu'on a d'elle.
Lorsqu'une Planete dans le périhélie , s'est approchée
du centre , l'attraction centrale étant
augmentée , il est impossible , en suivant les loix
du Systême Newtonien , que cette Planete retourne
à sa distance moyenne , et à plus forte
I. Vol.
raison
1112 MERCURE DE FRANCE
raison à l'aphélie . On prétend que quand Jupiter
et Saturne sont dans leur plus grande
proximité, qui est de cent soixante cinq millions
de lieues , suivant les derniers Astronomes , leurs
mouvemens ne sont plus de la même régularité ,
ce que les Newtoniens attribuent à une attraction
plus forte. Puisque le cours de Saturne est dérangé
, il faut donc que l'attraction centrale, qui devroit
agir plus puissammene sur Saturne à une
moindre distance, vienne à se relâcher , sans cause
, pour rendre à Saturne sa régularité . Le Systê
me est autant dénué de causes physiques , qu'il
est abondant en calculs.
Dans les grandes conjonctions des Planetes ,
plusieurs forces centrales réunies dans une ligne
perpendiculaire , devroient agir beaucoup plus
puissamment. Jupiter est plus massif que Saturne
, car Jupiter a plus de densité , suivant New-
Fon ( p. 372. ) il est aussi plus gros suivant tous
les Astronomes , Saturne est donc fortement attiré
par Jupiter , et quand ils se trouvent en con
jonction , la force passagere de Jupiter jointe à
la gravitation continuelle du Soleil , et aturant
Saturne du même côté , doit l'obliger de sortir
de son orbite ; et comme nous l'avons observé ,
le Systême ne fournit aucun moyen de l'y faire
rentrer. Au contraire , l'attraction augmentant
toujours à mesure que la distance diminuera , Saturne
décrira une ligne spirale , puis parabolique
et enfin presque perpendiculaire ; et venant de la
Région la plus éloignée se réunir au Soleil , quels
désordres ne fera t'il point en traversant irrégu
lierement, avec ses satellites , tout ce Monde New.
tonien , où il y a autant de principes de destruction
, que de centres de gravité.
Si l'on répond que l'excès de la vitesse de la
·
I. Vol. Planetę
JUIN. 1734 TII
Planété la soutient contre un excès d'attraction ,
Le Systême Newtonien est donc défectueux , et
c'est une nécessité indispensable d'y ajoûter un
troisiéme principe de la vitesse , qui moderé et
concilie les deux autres . Mais les Géometres auroient
un beau champ pour démontrer par des
calculs réels , fondez sur la regle de Kepler, admise
par Newton , et sur les Observations Astronomiques,
que les rapports réciproques des distances ,
des masses et des vitesses n'étant pas les mêmes en
tout temps , toute la théorie Newtoniene ne peut
avoir aucune solidité , puisque l'équilibre venant
à être rompu dans quelque partie de l'Univers ,
par la moindre inégalité d'attraction d'une Planete
ou d'un Satellite dans les absides , l'équilibre
seroit rompu en même - temps par tout , et
l'Univers aussi - tôt détruit , tous les Globes tombant
les uns sur les autres ; le Soleil même
suivant Newton , s'écarteroit de son centre à
quelque distance et précipiteroit encore la chute
des Planetes dans leurs conjonctions , la force de
la gravitation étant telle dans ce Systême , que
lorsqu'une Planete s'approche du Soleil , elle oblige
le Soleil de s'avancer un peu vers elle , s'il n'est
retenu par une attraction contraire. Ainsi tout le
Systême , au lieu d'avoir un rapport précis avec
les Phénomenes ( qui est le seul moyen de le faire
valoir ) est perpétuellement en contradiction avec
les faits établis par l'Astronomie .
Newton dit qu'il ne fait point d'hypothese ;
cependant tirer mille conséquences du même
principe d'une attraction generale et mutuelle ,
établir que les forces de cette attraction sont en
raison directe des masses , et en raison inverse des
quarrez des distances ; que suivant cette proposition
constante , le Soleil attire les Planetes , et
Je Vol.
дис
11 MERCURE DE FRANCE
ter , que s'il étoit dans le Ciel de Jupiter , maïs
sans être entré dans son tourbillon , il tomberoit
sur le Soleil , à moins qu'il ne vint à rencontrer
pendant sa chute le tourbillon particulier de
quelque Planete. Ainsi il y a lieu de faire sur ce
bouler des conjectures fort differentes de celles
de Newton , qui d'ailleurs ne pourroit tirer de
cette comparaison aucun avantage , puisqu'en
supposant le mouvement elliptique du boulet autour
de la Terre , ce seroit toujours une explication
plus physique de l'attribuer à l'impulsion
du fluide , qu'à une attraction centrale .
Newton finit ( p . 484. ) par reconnoître
qu'une matiere imperceptible penetre tous les
corps , et qu'elle est le principe de leurs attractiens
à de moyennes distances ; comme si la
nécessité d'un mouvement d'impulsion n'étoit
pas encore plus indispensable à l'égard des disrances
éloignées . Le Systême Newtonien ne
seroit soutenable , qu'en supposant les Planetes
sans absides et tous les corps celestes , sans
aucune variation de distance ; ce qui est bien
éloigné de la théorie des Cieux ; et ce Systême ne
nous apprendroit toujours rien , puisqu'il roule
sur un principe inconnu à l'Auteur , de son
aveu, et qui n'a mené jusqu'ici à aucune découverte.
L'Optique de Newton , qui est restée imparfaite,
n'a pas procuré plus d'utilité . Cette invention
si vantée des couleurs élementaires peut paroître
un peu suspecte , plusieurs personnes ayant
tenté inutilement cette experience ; Mariotte, dont
la sagacité en ce genre étoit connue, n'a pû réüssir
à la trouver , et M. Rizzetti a conclu des experiences
qu'il a faites , que tous les rayons sont
également refrangibles .
A l'égard de la Géometrie de l'infini, Newton
I. Vol.
se
JUIN. 1734. 1117
se sert de la Méthode qu'il appelle p. 32. ) des
points naissants et évanouissants , Méthode qui
renferme les mêmes contradictions que celle des
infiniment petits , Il n'est pas besoin de se jetter
dans des discussions métaphysiques , pour con
noître avec la plus entiere certitude , que la divisibilité
à l'infini ne peut s'allier avec les indi-
I visibles. Examinons quelles sont les veritables
défectuositez du Systême Cartésien , et s'il est
possible d'y remedier.
La fin dans le second volume de Juin.
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Résumé : TROISIÈME PARTIE de la comparaison des Philosophies de Descartes et de Newton. Par M. de S. Aubin.
Le texte compare les philosophies de Descartes et de Newton, en se concentrant sur la notion d'attraction. Les Newtoniens considèrent l'attraction comme une qualité primitive de la matière, similaire à la mobilité. En revanche, les Cartésiens la voient comme une qualité composée et contraire à l'expérience, car elle n'est pas observable dans certaines conditions expérimentales, comme l'attraction entre deux cubes d'acier suspendus. Ils préfèrent expliquer l'union des particules d'un corps par la cohésion et la juxtaposition. Les Cartésiens critiquent également l'idée d'une attraction opérant à travers le vide, la comparant à une pierre tournant dans une fronde sans lien physique. Ils rejettent l'action immédiate d'un corps sur un autre à distance, la trouvant contradictoire. Newton, quant à lui, place le centre de l'Univers dans un espace vide et attribue au Soleil des mouvements complexes. Les Cartésiens réfutent les objections de Newton contre les tourbillons, affirmant que les lois du mouvement résolvent les concurrences entre forces opposées. Le texte examine ensuite les effets de l'attraction universelle. Newton suppose un mouvement initial imprimé par le Créateur et une attraction réciproque entre le Soleil et les planètes. Les Cartésiens critiquent ses calculs, estimant qu'il aurait pu simplement postuler des mouvements elliptiques initiaux. Ils contestent également la validité des expériences de Newton sur la chute des corps, arguant que les différences de milieu invalident les comparaisons. Ils soulignent les variations des distances des planètes, qui devraient entraîner des déséquilibres selon les lois newtoniennes. Le texte critique le système newtonien et ses implications sur le mouvement des planètes, notamment Saturne et Jupiter. Lors des grandes conjonctions planétaires, Jupiter attire fortement Saturne, le forçant à sortir de son orbite. Le système newtonien ne fournit aucun moyen pour que Saturne y retourne, ce qui pourrait entraîner des désordres. Il affirme que le système newtonien est défectueux et nécessite un troisième principe de vitesse pour concilier les forces en jeu. Les rapports réciproques des distances, des masses et des vitesses ne sont pas constants, ce qui pourrait rompre l'équilibre de l'univers et entraîner la destruction des planètes. Newton reconnaît l'existence d'une matière imperceptible pénétrant tous les corps, mais cela ne suffit pas à expliquer les mouvements à grandes distances. Le texte conclut que le système newtonien n'est pas soutenable et critique également l'optique de Newton, notamment sa théorie des couleurs élémentaires, ainsi que sa méthode en géométrie de l'infini, qui contient des contradictions.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 1308-1318
DERNIÈRE PARTIE de la comparaison des Philosophies de Descartes et de Newton.
Début :
Je ne puis justifier deux excès (Cartes. Princip. part. 4.) de la Philosophie de Descartes ; [...]
Mots clefs :
Descartes, Philosophie, Newton, Mouvement, Matière, Corps, Force, Fluide, Centre, Soleil, Planètes, Tourbillon, Chute des corps, Système
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DERNIÈRE PARTIE de la comparaison des Philosophies de Descartes et de Newton.
DERNIERE PARTIE de la
comparaison des Philosophies de Descartes
J
et de Newton .
E ne puis justifier deux excès ( Cartes . Prin
cip. part. 4. ) de la Philosophie de Descartes &
le premier , d'avoir poussé trop loin les effet de
ses corpuscules ; comme d'émouvoir l'imagination
de ceux qui dorment , ou même qui sont
éveillez , en excitant des pensées qui avertissent
des évenemens les pius éloignez , en faisant ressentir
les grandes afflictions, ou les joyes fort vives
d'un intime ami , les mauvais desseins d'un
ennemi , et autres choses semblables . Le second
d'avoir attribué à ses principes une certitude ,
non- seulement morale, comme celle de l'existence
d'une Ville de Rome mais une certitude métaphysique,
fondée sur ce que les notions claires et distinctes
ne peuvent nous tromper . Il est vrai que
j'ai des notions claires et distinctes du systême de
Descartes , mais comme d'une hypothese ingénieuse
et brillante , et non comme d'une réalité .
Descartes a mal raisonné ( Princip. part. 2. )
pour prouver l'infinité du Monde. En quelque
endroit, dit- il , que nous puissions supposer les li
mites de l'Univers , nous imaginons encore au-delà
II. Val des
JUIN. 174. 1309
des espaces , et par conséquent de la matiere , puis
que l'idée de l'étendue ou de l'espace renferme né
cessairement l'idée de la matiere . La réponse est
qu'au - delà des bornes du Monde materiel , il n'y
a ni espace , ni étenduë , ni matiere. A la verité,
nous ne pouvons pas connoître où sont placées
ces bornes de l'Univers , mais nous concevons
très-clairement que l'Univers ne peut être sans
limites ;et comme il est extensible de plus en plus
à l'infini , il ne peut être étendu actuellement à
l'infiai.
Cette regle de mouvement posée par Descartes
Princip. part. 2. ) qu'un corps perd autant de son
mouvement , qu'il en communique , me paroît
insoutenable. Le P. Daniel l'a réfutée ( Voyag. du
Monde de Descart. ) par l'exemple suivant. Une
balle de Mousquet perd peu de mouvement et en
communique beaucoup à l'aîle d'un mouliner
qu'elle frappe , si les autres aîles sont égales , et
Pessieu poli et bien proportionné , au lieu qu'elle
en communique peu et en perd beaucoup , si les
aîles du moulinet sont inégales et l'essieu rouillé
ou trop gros. Il me semble très - vrai semblable
et très-conforme aux experiences , d'établir pour
principe que le mouvement se communiqué suivant
la disposition des corps à se mouvoir à peu
près comme le feu , lequel étant très- foible, cause
de grands embrasemens dans une matiere fort
combustible , au lieu qu'un feu très - ardent ne
fait qu'une médiocre impression sur les matieres .
qui n'ont que très-peu de disposition à s'enflammer
et cette analogie du mouvement et du feu
est d'autant plus naturelle , que le feu consiste
dans le mouvement.
Je ne donne pas une grande confiance à cet autre
axiôme de Descartes ( Princip . part. 2. ) qu'il
II. Vol C iij
1310 MERCURE DE FRANCE
a dans le monde une quantité de mouvement
toujours égale . A la verité , il n'est pas impossi
ble que cela soit ainsi , mais la preuve quil en
apporte , n'a aucune force. Nous ne devons pas ,
dit - il , supposer de changement dans les Ouvrages
de Dieu , de peur de lui attribuer de l'inconstance.
Comme si la diversité admirable qui regne dans
la Nature , qui consiste , selon toutes les apparences
, dans l'augmentation ou dans la diminution
du mouvement , n'étoit pas l'effet d'une provi
dence toujours constante et uniforme , qui a vou
Ju orner la nature par cette varieté. La même
raison nous engageroit à dire qu'il y a toujours
dans le monde une égale quantité de rondeur ,
de couleur et de toutes les autres sortes de formes
et d'accidents ; ce qui n'a aucune vraisemblance.
L'analogie remarquée cy- dessus entre le
mouvement et le feu , est fort contraire à cer
axiome de Descartes ; car il n'est pas probable
que le feu doive diminuer dans une partie de la
matiere , pour augmenter dans une autre.
C'est encore une défectuosité dans le Systême
Cartésien , de supposer ( Princip . part 3. et 4. )
que la Terre , les autres Planetes , et même leurs
Satellites ont été dans leur origine , autant de
Soleils ou d'Etoiles ; mais que le mouvement s'étant
rallenti dans la matiere qui composoit ces
Globes , ils sont devenus opaques , de lumineux
qu'ils étoient ; que leur activité et leurs for,
ces ont été détruites , qu'ils se sont éteints et en
croutez , pour ainsi dire ; et que ne pouvant plus
défendre leurs tourbillons contre la pression des
tourbillons voisins , ils ont été assujettis à suivre
le mouvement de celui où ils sont entrez. Il est
plus digne de la magnificence de l'ouvrage , de
penser qu'il a été conservé tel , qu'il a été pro-
II. Vol. duit
JUIN. 1734: 1311
duit au commencement, qu'il s'est fait differents
amas de matiere compacte , et que ses particules
s'étant liées ensemble les Planetes en ont
été formées dans les régions où elles se sont
mises en équilibre avec les fluides de la matiere
étherée ; que ces Globes ont toujours été opaques
et propres seulement à refléchir la lumière,
parce que leur matiere a admis dans ses interstices
la matiere globuleuse du second élément ,
conjointement avec la matiere subtile du premier,
et que le mouvement rapide de l'une a été calmé
par l'autre , ce qui a empêché dès le commencement
que ces Globes n'ayent été enflammez er
lumineux par eux- mêmes , comme le Soleil.
Descartes , en suivant le même principe qui
lui a fait placer au centre la matiere subtile pour
en composer le Soleil ; ou plutôt en continuant
de s'écarter des principes de son mécanisme general
et des loix du mouvement , par lesquelles
il explique la pesanteur , dit que la matiere celeste
( Princip. part. 3. ) est plus déliée , à mesure
qu'elle approche du Soleil ou du centre , et que
les. Planetes les plus denses et les plus solides en
doivent être les plus éloignées . Il n'y a qu'à
prendre la contre- partie du Systême de Descartes
en ce point, pour lui rendre la régularité , la
justese et l'uniformité.
Il faut se représenter le Soleil comme le plus
vaste de tous les Globes , placé au centre du
tourbillon et composé de la matiere la plus compacte,
penetrée de la matiere subtile , qui remplissant
tous ses interstices , y domine avec assez
de force pour communiquer la rapidité de son
mouvement à toute la masse du Soleil . Ce qui
produit le feu le plus ardent , par la force de
masse jointe à la force de vitesse. Ce feu est en
› II. Vol. Ciiij même131
MERCURE DE FRANCE
même-temps le seul capable de porter le mou→
vement et la fécondité dans tout son tourbillon ,
et la lumiere beaucoup au delà , ainsi qu'il est nécessaire
pour qu'il puisse être apperçu des autres
tourbillons , sous la forme d'une Etoile.
De même que le fer rouge ou le charbon al→
lumé ne s'élancent pas dans l'air par un mouve
ment semblable à celui de la flamme , parce que
Pair qui les environne , conserve la force de sa
pression à l'égard de leurs parties , qui s'y prê–
tent d'autant plus , qu'elles ont plus de masse ou
de solidité , aussi la masse du Globe Solaire est
contenue dans ses limites par la répercussion de
son atmosphere qui le presse de toute part. Ce.
Globe suspendu dans un parfait équilibre , trèsdisposé
à tourner par le mouvement intrinséque
du troisiéme et du premier élement qui le composent
, est encore puissamment déterminé à
une révolution sur son axe , par la répercussion
qu'il éprouve dans toute sa superficie de la part
de son atmosphere, en même- temps qu'il chasse
de tous côtez la matiere globuleuse , et que ses
rayons sont transmis par elle. C'est cette activité
centrale qui fait tourner toutes les Planetes dans
des temps differens en suivant la route de l'écliptique
, du même sens et vers le même côté
que le Soleil tourne sur son axe . Chaque Planete
doit, suivant ce méchanisme , non - seulement décrire
autour du Soleil les orbites dont je viens de
parler , mais encore avoir une révolution sur son
axe , causée par le mouvement intrinseque des
trois élemens qui la composent , et par le mouvement
exterieur du fluide ou de l'atmosphere
qui l'emporte autour du centre commun.
Les taches du Soleil , par leurs divers aspects,
me laissent aucun doute qu'il ne tourne sur son
11. Vol.
axo.
JUIN. 1734 1313
axe. C'est donc ce premier mobile , qui par sa
révolution imprime à tout son tourbillon un
mouvement du même côté ; sçavoir , du Couchant
par le Midy vers l'Orient. Les taches que
les Astronomes observent sur les Planetes , font
conjecturer , avec beaucoup de vrai- semblance ,
que leurs superficies plus denses en certains endroits
et plus rares dans d'autres , sont , en consequence
de cette inégalité,differeminent affectées
de l'impulsion des rayons solaires ; ce qui peut
être regardé comine un principe très- physique
des aphélies et périhélies des Planetes , de l'apogée
et du périgée de la Lune , et de sa latitude
des deux côtez de ses nouds.
Le premier éleinent s'insinue par tout , mais il
ne subsiste point seul , et il se convertit en parties
globuleuses du second élement , ou en parties
branchues du troisiéme . Ainsi aucun des trois
élemens ne peut être épuisé , parce que leur conversibilité
mutuelle répare tout ce qui se dissipe.
L'uniformité de la Nature nous fait conjecturer
que ce qui nous est connu dans le tourbillon de
notre Soleil , est semblable par la construction ,
par le mouvement et par les Phénomenes , à ce
qui se passe dans les tourbillons des Etoiles ou
des autres Soleils garnis de leurs Planetes , comme
le nôtre .
Il nous reste à examiner les difficultez qui
concernent la pesanteur. Descartes l'explique par
l'impulsion du fluide ou de la matiere éthérée.
La chute des corps ne peut venir de ce que
Patmosphere terrestre ( M. Privat de Molieres ,
leçon 4. ) circule plus vite que la Terre . Huguens
a crá que cette atmosphere alloit dix sept fois
plus vite que le Globe , Si cet excès de vêtesse du
fluide circulaire étoit la cause de la pesanteur ,
la chute des corps seroit horizontale , au lieu
II. Vol. Cv d'être
1314 MERCURE DE FRANCE
d'être perpendiculaire. Dailleurs il est très- cer
tain qu'un mobile entraîné par le courant d'un
fluide , doit , à la longue , aller à peu près aussi
vite que le courant qui l'entraîne.
L'explication Cartesienne de la pesanteur a été
attaquée par cette objection très- forte , que les
cercles décrits par le fluide circulaire diminuant
toujours depuis l'équateur jusqu'aux poles , la
force centrifuge , rapportée au mouvement
circulaire du tourbillon , auroit des centres
differens dans les cercles inégaux , et que les
corps y seroient repoussez , non pas perpendicu
lairement au centre de la Terre , mais à des parties
de son axe plus ou moins éloignées du centre
; ce qui est contraire à l'experience , la chute
des corps se faisant toujours dans la ligne du
Zénit , à moins qu'il ne survienne quelque cause
étrangere. Descartes, qui a prévû cette objection ,
a répondu ( Princip. part. 4. ) que quoique le
fluide qui participe aux mouvemens journalier
et annuel de la Terre , ait en general un mouvement
circulaire , on doit neanmoins concevoir
que toutes les parties de ce fluide se balancent et
sont opposées l'une à l'autre , en telle sorte que
leur action s'étend vers tous les côtez et que la
résistance qu'elle éprouve de la part du Globe ,
donne parmi ces mouvemens en tous sens , une
principale direction aux parties du fluide , suivant
des lignes droites tirées du centre . Cette solution
de Descartes n'est pas claire , il ne dit
point de quelle maniere cette résistance de la
part du Globe peut faire tomber les corps massifs
perpendiculairement au centre. Voicy une bypothese
qui me paroît lever la difficulté.
Suivant les loix du mouvement , la matiere
globuleuse et la matiere subtile , qui ont beaucoup
plus de force centrifuge que le troisiéme
II. Vole élement
JUIN. 1734. -1315
Element , s'élancent en tout sens par des lignes
droites ; et au milieu du fluide , dont la révolu
tion en general est circulaire , une grande quantité
de matiere globuleuse et subtile , conserve
toujours un mouvement direct , autant que les
interstices du troisiéme élement peuvent le permettre;
car l'impenetrabilité est une propriété
de la matiere dans tous les Systêmes. La matiere
subtile traverse même les tourbillons par un
mouvement en ligne directe , avec encore plus de
facilité ( Act. erud. Lips. May 1690. P. 232. ) que
la matiere globaleuse qui passe necessairement
d'un tourbillon dans un autre, pour que les Etoiles
ou les Soleils des autres tourbillons puissent
être apperçus de celui où nous sommes . Ce sont
ces mouvemens en ligne droite des matieres globuleuse
et subtile , qui obligent les corps solides
de tomber à plomb et perpendiculairement au
centre de la Terre . Car ces élemens , qui ont
beaucoup plus de mobilité , venant à se traver .
ser et étant opposez en tout sens , ils obligent les
corps solides qu'ils rencontrent de se précipiter
par le côté le plus foible , qui est toujours perpendiculaire
au Clobe , parce que c'est le côté
par où il arrive une beaucoup moindre quantité
de ces matieres globuleuse et subtile . C'est ainsi
que tout l'effort de la poudre à canon se fait par
l'endroit qu'elle trouve le plus foible . Si les trois
élemens qui composent la matiere ethérée ont
differens mouvemens dans cette hypothese , cette
diversité procede des loix même du mouvement.
La pesanteur (M. Privat de Molieres, leçon 4. )
ne consiste qu'en ce que les corps pesants ont
un plus grand nombre de leurs parties en repos,
Le centre n'est point par lui - même une cause
physique . Le nom de force centrifuge ne laisse
pas d'être fort convenable à une plus grande mo-
II. Vol. C vi bilité
1316 MERCURE DE FRANCE
bilité ; car quoiqu'elle soit indépendante du cen
tre , la matiere la plus mobile repousse vers lui
les corps solides.
Bien loin que la force accélératrice doive être
moindre en raison inverse des quarrez des dis
tances , elle doit être plus grande dans les couches
voisines de la circonference , parce que ces
couches sont bien plus rarefiées et qu'une maticre
qui a beaucoup plus de mobilité , y abonde
davantage , tandis que les couches inferieures ou
voisines du centre sont beaucoup plus denses.
Suivant ces principes , l'atmosphere voisine du
Soleil doit etre ( Hartsoëk . rec . de piéc Physiq.
p. 37. ) un fluide plus épais que le vif argent , et
les autres couches du tourbillon à proportion.
Ainsi un corps doit se précipiter avec moins de
vîtesse dans les couches inferieures près du centre
, de même que les experiences journalieres
nous apprennent qu'il se précipite avec beaucoup
moins de vitesse dans l'air grossier que dans le
vuide pneumatique ; beaucoup moins vite dans
l'eau que dans un air grossier ; et si l'on suppose
des fluides extremement épais , comme le vif
argent ou l'or fondu , un corps a besoin d'une
très- grande force pour les traverser.
Quoiqu'un fluide plus dense diminue beaucoup
la force accelerative dans la chute des corps , les
Globes des Planetes doivent y circuler plus vîte ,
comme il arrive dans le périhélie , parce que plus
le fluide est épais , plus son mouvement circulaire
a de force, et que d'ailleurs les Globes des
Planetes , dans leurs périhélies , reçoivent une
impression plus active des rayons du Soleil .
On ne peut rien déterminer sur les forces acceleratives
, soit à cause de cette extrême cifference
des fluides, soit parce qu'il est très - incertain
( Elem. de la Géoné . de l'.nfin. part. 2. §. 8. ) si
II. Vol. ja
JUIN. 1734 1317
la force motrice ne s'applique au corps qui doit
être mû, qu'autant de temps précisement qu'il
en faut pour le choc , ou si cette force s'applique
continuellement au corps , le poursuit dans son
mouvement et renouvelle à chaque instant son
impression sur iui. Il paroît que dans le premier
instant , où la force motrice trouve le corps en
repos eului donne un coup , elle doit lui imprimer
une plus grande vitesse que dans le second
instant , où elle le trouve fuyant devant elle et se
dérobant à son action , C'est neanmoins sur les
principes d'une résistance toujours semblable du
Auide , et d'une acceleration du mouvement uniforme
et toujours proportionnée au temps , qu'est
appuyée la celebre démonstration de Galilée, que
les espaces parcourus sont comme les quarrez des
temps et que la chute des corps graves suit la progression
des nombres impairs , 1. 3. 5.7. 9. &c.
Comine on ne peut sçavoir rien de positif ni de la
qualité des fluides éloignez , ni de la maniere dons
la force motrice continue d'agir sur le corps dont
la chute est commencée , la prétendue démoustration
ne peut avoir de solidité .
J'avoue que plusieurs de ces hypothèses s'accordent
peu avec celles qui ont eu cours jusqu'icy
dans les differens Systêmes . Mais elles
sont vrai - semblables et satisfont à toutes les difficultez
par lesquelles on s'est efforcé de détruire
le Systême de Descartes , qui donne seul des causes
vraiment physiques de tous les Phénomenes ;
qui a l'avantage de présenter l'idée la plus magnifique
de la construction de l'univers , et dont
on peut dire , ce me semble , que non - seulement
il mérite la préférence sur toutes les autres Philosophies
, mais qu'aucune n'est à portée de la
lui disputer. Il y auroit plusieurs réfléxions à
II. Vol. faire
1318 MERCURE DE FRANCE
faire sur les autres parties de la Philosophie de
Descartes , sur sa Métaphysique , sur sa Morale
&c. Mais nous ne nous sommes proposez que
d'examiner son Systême de Physique , et dans la
vûë seulement de le comparer avec la Philosophie
Newtonienne ; car Descartes a encore cer
avantage sur Newton , d'avoir embrassé une Philosophie
generale , au lieu que Newton a borné
la sienne à une explication du Systême du Monde
par l'attraction , et à une Optique qui est res
tée imparfaite.
comparaison des Philosophies de Descartes
J
et de Newton .
E ne puis justifier deux excès ( Cartes . Prin
cip. part. 4. ) de la Philosophie de Descartes &
le premier , d'avoir poussé trop loin les effet de
ses corpuscules ; comme d'émouvoir l'imagination
de ceux qui dorment , ou même qui sont
éveillez , en excitant des pensées qui avertissent
des évenemens les pius éloignez , en faisant ressentir
les grandes afflictions, ou les joyes fort vives
d'un intime ami , les mauvais desseins d'un
ennemi , et autres choses semblables . Le second
d'avoir attribué à ses principes une certitude ,
non- seulement morale, comme celle de l'existence
d'une Ville de Rome mais une certitude métaphysique,
fondée sur ce que les notions claires et distinctes
ne peuvent nous tromper . Il est vrai que
j'ai des notions claires et distinctes du systême de
Descartes , mais comme d'une hypothese ingénieuse
et brillante , et non comme d'une réalité .
Descartes a mal raisonné ( Princip. part. 2. )
pour prouver l'infinité du Monde. En quelque
endroit, dit- il , que nous puissions supposer les li
mites de l'Univers , nous imaginons encore au-delà
II. Val des
JUIN. 174. 1309
des espaces , et par conséquent de la matiere , puis
que l'idée de l'étendue ou de l'espace renferme né
cessairement l'idée de la matiere . La réponse est
qu'au - delà des bornes du Monde materiel , il n'y
a ni espace , ni étenduë , ni matiere. A la verité,
nous ne pouvons pas connoître où sont placées
ces bornes de l'Univers , mais nous concevons
très-clairement que l'Univers ne peut être sans
limites ;et comme il est extensible de plus en plus
à l'infini , il ne peut être étendu actuellement à
l'infiai.
Cette regle de mouvement posée par Descartes
Princip. part. 2. ) qu'un corps perd autant de son
mouvement , qu'il en communique , me paroît
insoutenable. Le P. Daniel l'a réfutée ( Voyag. du
Monde de Descart. ) par l'exemple suivant. Une
balle de Mousquet perd peu de mouvement et en
communique beaucoup à l'aîle d'un mouliner
qu'elle frappe , si les autres aîles sont égales , et
Pessieu poli et bien proportionné , au lieu qu'elle
en communique peu et en perd beaucoup , si les
aîles du moulinet sont inégales et l'essieu rouillé
ou trop gros. Il me semble très - vrai semblable
et très-conforme aux experiences , d'établir pour
principe que le mouvement se communiqué suivant
la disposition des corps à se mouvoir à peu
près comme le feu , lequel étant très- foible, cause
de grands embrasemens dans une matiere fort
combustible , au lieu qu'un feu très - ardent ne
fait qu'une médiocre impression sur les matieres .
qui n'ont que très-peu de disposition à s'enflammer
et cette analogie du mouvement et du feu
est d'autant plus naturelle , que le feu consiste
dans le mouvement.
Je ne donne pas une grande confiance à cet autre
axiôme de Descartes ( Princip . part. 2. ) qu'il
II. Vol C iij
1310 MERCURE DE FRANCE
a dans le monde une quantité de mouvement
toujours égale . A la verité , il n'est pas impossi
ble que cela soit ainsi , mais la preuve quil en
apporte , n'a aucune force. Nous ne devons pas ,
dit - il , supposer de changement dans les Ouvrages
de Dieu , de peur de lui attribuer de l'inconstance.
Comme si la diversité admirable qui regne dans
la Nature , qui consiste , selon toutes les apparences
, dans l'augmentation ou dans la diminution
du mouvement , n'étoit pas l'effet d'une provi
dence toujours constante et uniforme , qui a vou
Ju orner la nature par cette varieté. La même
raison nous engageroit à dire qu'il y a toujours
dans le monde une égale quantité de rondeur ,
de couleur et de toutes les autres sortes de formes
et d'accidents ; ce qui n'a aucune vraisemblance.
L'analogie remarquée cy- dessus entre le
mouvement et le feu , est fort contraire à cer
axiome de Descartes ; car il n'est pas probable
que le feu doive diminuer dans une partie de la
matiere , pour augmenter dans une autre.
C'est encore une défectuosité dans le Systême
Cartésien , de supposer ( Princip . part 3. et 4. )
que la Terre , les autres Planetes , et même leurs
Satellites ont été dans leur origine , autant de
Soleils ou d'Etoiles ; mais que le mouvement s'étant
rallenti dans la matiere qui composoit ces
Globes , ils sont devenus opaques , de lumineux
qu'ils étoient ; que leur activité et leurs for,
ces ont été détruites , qu'ils se sont éteints et en
croutez , pour ainsi dire ; et que ne pouvant plus
défendre leurs tourbillons contre la pression des
tourbillons voisins , ils ont été assujettis à suivre
le mouvement de celui où ils sont entrez. Il est
plus digne de la magnificence de l'ouvrage , de
penser qu'il a été conservé tel , qu'il a été pro-
II. Vol. duit
JUIN. 1734: 1311
duit au commencement, qu'il s'est fait differents
amas de matiere compacte , et que ses particules
s'étant liées ensemble les Planetes en ont
été formées dans les régions où elles se sont
mises en équilibre avec les fluides de la matiere
étherée ; que ces Globes ont toujours été opaques
et propres seulement à refléchir la lumière,
parce que leur matiere a admis dans ses interstices
la matiere globuleuse du second élément ,
conjointement avec la matiere subtile du premier,
et que le mouvement rapide de l'une a été calmé
par l'autre , ce qui a empêché dès le commencement
que ces Globes n'ayent été enflammez er
lumineux par eux- mêmes , comme le Soleil.
Descartes , en suivant le même principe qui
lui a fait placer au centre la matiere subtile pour
en composer le Soleil ; ou plutôt en continuant
de s'écarter des principes de son mécanisme general
et des loix du mouvement , par lesquelles
il explique la pesanteur , dit que la matiere celeste
( Princip. part. 3. ) est plus déliée , à mesure
qu'elle approche du Soleil ou du centre , et que
les. Planetes les plus denses et les plus solides en
doivent être les plus éloignées . Il n'y a qu'à
prendre la contre- partie du Systême de Descartes
en ce point, pour lui rendre la régularité , la
justese et l'uniformité.
Il faut se représenter le Soleil comme le plus
vaste de tous les Globes , placé au centre du
tourbillon et composé de la matiere la plus compacte,
penetrée de la matiere subtile , qui remplissant
tous ses interstices , y domine avec assez
de force pour communiquer la rapidité de son
mouvement à toute la masse du Soleil . Ce qui
produit le feu le plus ardent , par la force de
masse jointe à la force de vitesse. Ce feu est en
› II. Vol. Ciiij même131
MERCURE DE FRANCE
même-temps le seul capable de porter le mou→
vement et la fécondité dans tout son tourbillon ,
et la lumiere beaucoup au delà , ainsi qu'il est nécessaire
pour qu'il puisse être apperçu des autres
tourbillons , sous la forme d'une Etoile.
De même que le fer rouge ou le charbon al→
lumé ne s'élancent pas dans l'air par un mouve
ment semblable à celui de la flamme , parce que
Pair qui les environne , conserve la force de sa
pression à l'égard de leurs parties , qui s'y prê–
tent d'autant plus , qu'elles ont plus de masse ou
de solidité , aussi la masse du Globe Solaire est
contenue dans ses limites par la répercussion de
son atmosphere qui le presse de toute part. Ce.
Globe suspendu dans un parfait équilibre , trèsdisposé
à tourner par le mouvement intrinséque
du troisiéme et du premier élement qui le composent
, est encore puissamment déterminé à
une révolution sur son axe , par la répercussion
qu'il éprouve dans toute sa superficie de la part
de son atmosphere, en même- temps qu'il chasse
de tous côtez la matiere globuleuse , et que ses
rayons sont transmis par elle. C'est cette activité
centrale qui fait tourner toutes les Planetes dans
des temps differens en suivant la route de l'écliptique
, du même sens et vers le même côté
que le Soleil tourne sur son axe . Chaque Planete
doit, suivant ce méchanisme , non - seulement décrire
autour du Soleil les orbites dont je viens de
parler , mais encore avoir une révolution sur son
axe , causée par le mouvement intrinseque des
trois élemens qui la composent , et par le mouvement
exterieur du fluide ou de l'atmosphere
qui l'emporte autour du centre commun.
Les taches du Soleil , par leurs divers aspects,
me laissent aucun doute qu'il ne tourne sur son
11. Vol.
axo.
JUIN. 1734 1313
axe. C'est donc ce premier mobile , qui par sa
révolution imprime à tout son tourbillon un
mouvement du même côté ; sçavoir , du Couchant
par le Midy vers l'Orient. Les taches que
les Astronomes observent sur les Planetes , font
conjecturer , avec beaucoup de vrai- semblance ,
que leurs superficies plus denses en certains endroits
et plus rares dans d'autres , sont , en consequence
de cette inégalité,differeminent affectées
de l'impulsion des rayons solaires ; ce qui peut
être regardé comine un principe très- physique
des aphélies et périhélies des Planetes , de l'apogée
et du périgée de la Lune , et de sa latitude
des deux côtez de ses nouds.
Le premier éleinent s'insinue par tout , mais il
ne subsiste point seul , et il se convertit en parties
globuleuses du second élement , ou en parties
branchues du troisiéme . Ainsi aucun des trois
élemens ne peut être épuisé , parce que leur conversibilité
mutuelle répare tout ce qui se dissipe.
L'uniformité de la Nature nous fait conjecturer
que ce qui nous est connu dans le tourbillon de
notre Soleil , est semblable par la construction ,
par le mouvement et par les Phénomenes , à ce
qui se passe dans les tourbillons des Etoiles ou
des autres Soleils garnis de leurs Planetes , comme
le nôtre .
Il nous reste à examiner les difficultez qui
concernent la pesanteur. Descartes l'explique par
l'impulsion du fluide ou de la matiere éthérée.
La chute des corps ne peut venir de ce que
Patmosphere terrestre ( M. Privat de Molieres ,
leçon 4. ) circule plus vite que la Terre . Huguens
a crá que cette atmosphere alloit dix sept fois
plus vite que le Globe , Si cet excès de vêtesse du
fluide circulaire étoit la cause de la pesanteur ,
la chute des corps seroit horizontale , au lieu
II. Vol. Cv d'être
1314 MERCURE DE FRANCE
d'être perpendiculaire. Dailleurs il est très- cer
tain qu'un mobile entraîné par le courant d'un
fluide , doit , à la longue , aller à peu près aussi
vite que le courant qui l'entraîne.
L'explication Cartesienne de la pesanteur a été
attaquée par cette objection très- forte , que les
cercles décrits par le fluide circulaire diminuant
toujours depuis l'équateur jusqu'aux poles , la
force centrifuge , rapportée au mouvement
circulaire du tourbillon , auroit des centres
differens dans les cercles inégaux , et que les
corps y seroient repoussez , non pas perpendicu
lairement au centre de la Terre , mais à des parties
de son axe plus ou moins éloignées du centre
; ce qui est contraire à l'experience , la chute
des corps se faisant toujours dans la ligne du
Zénit , à moins qu'il ne survienne quelque cause
étrangere. Descartes, qui a prévû cette objection ,
a répondu ( Princip. part. 4. ) que quoique le
fluide qui participe aux mouvemens journalier
et annuel de la Terre , ait en general un mouvement
circulaire , on doit neanmoins concevoir
que toutes les parties de ce fluide se balancent et
sont opposées l'une à l'autre , en telle sorte que
leur action s'étend vers tous les côtez et que la
résistance qu'elle éprouve de la part du Globe ,
donne parmi ces mouvemens en tous sens , une
principale direction aux parties du fluide , suivant
des lignes droites tirées du centre . Cette solution
de Descartes n'est pas claire , il ne dit
point de quelle maniere cette résistance de la
part du Globe peut faire tomber les corps massifs
perpendiculairement au centre. Voicy une bypothese
qui me paroît lever la difficulté.
Suivant les loix du mouvement , la matiere
globuleuse et la matiere subtile , qui ont beaucoup
plus de force centrifuge que le troisiéme
II. Vole élement
JUIN. 1734. -1315
Element , s'élancent en tout sens par des lignes
droites ; et au milieu du fluide , dont la révolu
tion en general est circulaire , une grande quantité
de matiere globuleuse et subtile , conserve
toujours un mouvement direct , autant que les
interstices du troisiéme élement peuvent le permettre;
car l'impenetrabilité est une propriété
de la matiere dans tous les Systêmes. La matiere
subtile traverse même les tourbillons par un
mouvement en ligne directe , avec encore plus de
facilité ( Act. erud. Lips. May 1690. P. 232. ) que
la matiere globaleuse qui passe necessairement
d'un tourbillon dans un autre, pour que les Etoiles
ou les Soleils des autres tourbillons puissent
être apperçus de celui où nous sommes . Ce sont
ces mouvemens en ligne droite des matieres globuleuse
et subtile , qui obligent les corps solides
de tomber à plomb et perpendiculairement au
centre de la Terre . Car ces élemens , qui ont
beaucoup plus de mobilité , venant à se traver .
ser et étant opposez en tout sens , ils obligent les
corps solides qu'ils rencontrent de se précipiter
par le côté le plus foible , qui est toujours perpendiculaire
au Clobe , parce que c'est le côté
par où il arrive une beaucoup moindre quantité
de ces matieres globuleuse et subtile . C'est ainsi
que tout l'effort de la poudre à canon se fait par
l'endroit qu'elle trouve le plus foible . Si les trois
élemens qui composent la matiere ethérée ont
differens mouvemens dans cette hypothese , cette
diversité procede des loix même du mouvement.
La pesanteur (M. Privat de Molieres, leçon 4. )
ne consiste qu'en ce que les corps pesants ont
un plus grand nombre de leurs parties en repos,
Le centre n'est point par lui - même une cause
physique . Le nom de force centrifuge ne laisse
pas d'être fort convenable à une plus grande mo-
II. Vol. C vi bilité
1316 MERCURE DE FRANCE
bilité ; car quoiqu'elle soit indépendante du cen
tre , la matiere la plus mobile repousse vers lui
les corps solides.
Bien loin que la force accélératrice doive être
moindre en raison inverse des quarrez des dis
tances , elle doit être plus grande dans les couches
voisines de la circonference , parce que ces
couches sont bien plus rarefiées et qu'une maticre
qui a beaucoup plus de mobilité , y abonde
davantage , tandis que les couches inferieures ou
voisines du centre sont beaucoup plus denses.
Suivant ces principes , l'atmosphere voisine du
Soleil doit etre ( Hartsoëk . rec . de piéc Physiq.
p. 37. ) un fluide plus épais que le vif argent , et
les autres couches du tourbillon à proportion.
Ainsi un corps doit se précipiter avec moins de
vîtesse dans les couches inferieures près du centre
, de même que les experiences journalieres
nous apprennent qu'il se précipite avec beaucoup
moins de vitesse dans l'air grossier que dans le
vuide pneumatique ; beaucoup moins vite dans
l'eau que dans un air grossier ; et si l'on suppose
des fluides extremement épais , comme le vif
argent ou l'or fondu , un corps a besoin d'une
très- grande force pour les traverser.
Quoiqu'un fluide plus dense diminue beaucoup
la force accelerative dans la chute des corps , les
Globes des Planetes doivent y circuler plus vîte ,
comme il arrive dans le périhélie , parce que plus
le fluide est épais , plus son mouvement circulaire
a de force, et que d'ailleurs les Globes des
Planetes , dans leurs périhélies , reçoivent une
impression plus active des rayons du Soleil .
On ne peut rien déterminer sur les forces acceleratives
, soit à cause de cette extrême cifference
des fluides, soit parce qu'il est très - incertain
( Elem. de la Géoné . de l'.nfin. part. 2. §. 8. ) si
II. Vol. ja
JUIN. 1734 1317
la force motrice ne s'applique au corps qui doit
être mû, qu'autant de temps précisement qu'il
en faut pour le choc , ou si cette force s'applique
continuellement au corps , le poursuit dans son
mouvement et renouvelle à chaque instant son
impression sur iui. Il paroît que dans le premier
instant , où la force motrice trouve le corps en
repos eului donne un coup , elle doit lui imprimer
une plus grande vitesse que dans le second
instant , où elle le trouve fuyant devant elle et se
dérobant à son action , C'est neanmoins sur les
principes d'une résistance toujours semblable du
Auide , et d'une acceleration du mouvement uniforme
et toujours proportionnée au temps , qu'est
appuyée la celebre démonstration de Galilée, que
les espaces parcourus sont comme les quarrez des
temps et que la chute des corps graves suit la progression
des nombres impairs , 1. 3. 5.7. 9. &c.
Comine on ne peut sçavoir rien de positif ni de la
qualité des fluides éloignez , ni de la maniere dons
la force motrice continue d'agir sur le corps dont
la chute est commencée , la prétendue démoustration
ne peut avoir de solidité .
J'avoue que plusieurs de ces hypothèses s'accordent
peu avec celles qui ont eu cours jusqu'icy
dans les differens Systêmes . Mais elles
sont vrai - semblables et satisfont à toutes les difficultez
par lesquelles on s'est efforcé de détruire
le Systême de Descartes , qui donne seul des causes
vraiment physiques de tous les Phénomenes ;
qui a l'avantage de présenter l'idée la plus magnifique
de la construction de l'univers , et dont
on peut dire , ce me semble , que non - seulement
il mérite la préférence sur toutes les autres Philosophies
, mais qu'aucune n'est à portée de la
lui disputer. Il y auroit plusieurs réfléxions à
II. Vol. faire
1318 MERCURE DE FRANCE
faire sur les autres parties de la Philosophie de
Descartes , sur sa Métaphysique , sur sa Morale
&c. Mais nous ne nous sommes proposez que
d'examiner son Systême de Physique , et dans la
vûë seulement de le comparer avec la Philosophie
Newtonienne ; car Descartes a encore cer
avantage sur Newton , d'avoir embrassé une Philosophie
generale , au lieu que Newton a borné
la sienne à une explication du Systême du Monde
par l'attraction , et à une Optique qui est res
tée imparfaite.
Fermer
Résumé : DERNIÈRE PARTIE de la comparaison des Philosophies de Descartes et de Newton.
Le texte compare les philosophies de Descartes et de Newton, en soulignant plusieurs critiques des théories de Descartes. L'auteur reproche à Descartes d'avoir exagéré les effets de ses corpuscules, comme l'influence sur l'imagination des rêves ou la perception des émotions à distance. Il critique également Descartes pour avoir attribué une certitude métaphysique à ses principes, basés sur les notions claires et distinctes, que l'auteur considère plutôt comme une hypothèse ingénieuse. L'auteur conteste la preuve de Descartes sur l'infini de l'univers, arguant que l'idée d'étendue implique nécessairement celle de matière, mais que l'univers ne peut être étendu à l'infini. Il réfute aussi la règle de Descartes selon laquelle un corps perd autant de mouvement qu'il en communique, en utilisant l'exemple d'une balle de mousquet frappant une aile de moulin. L'auteur remet en question l'axiome de Descartes selon lequel la quantité de mouvement dans le monde est toujours égale, trouvant cette idée peu probable et contraire à l'observation de la diversité naturelle. Il critique également la théorie cartésienne sur l'origine des planètes, qui seraient des soleils éteints, préférant une vision où les planètes ont toujours été opaques et réfléchissantes. Le texte propose une alternative au système cartésien, décrivant le Soleil comme un globe compact et lumineux au centre du tourbillon, capable de communiquer son mouvement à tout le système. Il explique la rotation des planètes et les taches solaires, ainsi que la conversion mutuelle des trois éléments (subtile, globuleuse et branchue) qui empêchent leur épuisement. Enfin, l'auteur examine la théorie cartésienne de la pesanteur, la trouvant insuffisante pour expliquer la chute perpendiculaire des corps. Il propose une hypothèse où la matière subtile et globuleuse, ayant plus de force centrifuge, traverse le fluide en ligne droite, obligeant les corps solides à tomber perpendiculairement au centre de la Terre. Le texte traite également de divers aspects de la physique, notamment la nature de la poudre à canon, la pesanteur et les mouvements des corps dans différents fluides. La poudre à canon agit sur le point le plus faible d'un obstacle. La pesanteur est expliquée par le repos des parties des corps pesants. Le centre n'est pas une cause physique en soi, mais la matière mobile repousse les corps solides vers lui. La force accélératrice est plus grande dans les couches rarefiées et mobiles, comme celles proches de la circonférence d'un tourbillon. L'atmosphère solaire est décrite comme un fluide dense, et les corps se déplacent plus lentement dans des fluides épais. Les planètes circulent plus vite dans les fluides denses, comme lors du périhélie, en raison de l'influence des rayons solaires. Le texte critique la démonstration de Galilée sur la chute des corps, estimant qu'elle repose sur des hypothèses incertaines concernant la résistance des fluides et l'action continue de la force motrice. Il conclut en défendant le système de Descartes, le jugeant supérieur aux autres philosophies, y compris celle de Newton, pour son explication physique des phénomènes et sa vision magnifiante de l'univers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 7-30
IDÉES DES PROGRÈS De la Philosophie en France.
Début :
La Philosophie est de toutes les sciences celle qui a fait les progrès les plus [...]
Mots clefs :
Philosophie, France, Progrès, Esprit, Système, Newton, Descartes, Physique, Nature, Philosophes, Géométrie, Découvertes, Observations
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IDÉE DES PROGRES
Les
De la Philofophie en France.
a
A Philofophie eft de toutes les fciences
celle qui a fait les progrès les plus
rapides de nos jours ; les autres connoif-
Lances n'ont pas été portées à un dégré de
perfection plus haut que dans les beaux
fécles de la Grece & de Rome. Les reffources
de l'art font bornées ; l'efprit humain
ne faifant que fe replier fur lui - même ,
a bientôt parcouru la petite fphere de fes
idées , & trouvé les limites que la main
éternelle a prefcrites à fon activité. Au
lieu que la nature eft un abyfme où l'oeil
du Philofophe fe perd fans en trouver jamais
le fond ; c'eft une carriere immenfe
& dont l'immenfité femble augmenter à
mefure qu'on y pénétre plus avant . Les
Philofophes modernes , qui femblent avoit
marché à pas de géans dans cette carriere
, & qui ont laiffé les anciens fi
loin derriere eux , n'ont fait que nous
montrer le but ; les nouvelles lumieres
qu'ils ont portées dans la nuit de la nature
n'ont pas été affez vives pour nous conduire
à la vérité , & n'ont guere fervi qu'à
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
nous éclairer fur l'intervalle énorme qui
nous en féparoit encore. Mais fi le méchanifme
de l'univers eft toujours un fecret
pour nous , du moins pouvons- nous
nous flatter d'être fur la bonne route pour
le découvrir ou pour fentir l'impoffibilité
d'y réuffir. Les François ne font pas ceux
qui ont eu le moins de part aux progrès
de la philofophie ; le grand Defcartes qui
a fi bien mérité d'en être appellé le pere ,
a ouvert le premier la carriere , & a fervi
de guide aux philofophes qui l'ont fuivi .
On fçait affez le defpotifme avec lequel
la philofophie d'Ariftote regnoit fur les
bancs de l'école ; le fanatifme pour fes décifions
étoit monté au plus haut point de
l'extravagance ; on ne cherchoit plus à
concilier fes principes avec les phénomenes
de la nature qui les contredifoient ,
c'étoit les phénomenes que l'on vouloit
adapter à ces principes. Quelques bons efprits
avoient connu les abfurdités du péripatetime
, & avoient fait de vains efforts
pour en réformer les abus : cette philofophie
qu'on avoit eu raifon d'admirer
dans des fiécles d'engourdiffement & de
barbarie de l'efprit humain , avoir été
confacrée par le tems , l'ignorance & le
pédantifme. Bacon parut ; ce grand homme
vit les entraves que cette fuperfti
DECEMBRE . 1754.
tion ridicule mettoit à la raifon ; il ofa
propofer de refondre le fyftême des connoillances
humaines , & démontra la néceffité
d'une nouvelle méthode pour étudier
la nature. Ce que l'illuftre Anglois
n'avoit fait qu'entrevoir , Defcartes l'exécuta
: il détruifit de fond en comble le péripatétifme
, & chercha à élever un nouveau
fyftême fur d'autres fondemens.
Il n'y avoit alors que l'aftronomie & les
mathématiques qui fuffent cultivées avec
fuccès , les autres parties de la philofophie
étoient prefque abandonnées ; d'ailleurs
elles étoient entierement détachées
les unes des autres , & traitées féparément :
un aſtronome n'étoit qu'aftronome , un
géometre n'étoit que geometre , un médecin
n'étoit que médecin , un métaphyficien
n'étoit rien . Defcartes apperçut les
rapports qui lioient ces différentes connoiffances
, & les fecours qu'elles devoient fe
prêter l'une à l'autre ; il rapprocha ces
membres épars , & n'en fit qu'un feul corps
de fcience.
Il appliqua l'algebre à la géométrie , &
la géométrie à la phyfique : c'est à cette
idée fublime , à ce coup de génie qu'il faut
rapporter les progrès étonnans qu'on a fait
dans les fciences phyfico-mathématiques.
On peut dire qu'il a créé la métaphysique ,
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
par la diftinction auffi fimple que lumineu
fe des deux fubſtances ; diſtinction qui
anéantit les difputes frivoles & ridicules
des métaphyficiens fcholaftiques fur la nature
de l'ame , & par fon admirable méthode
, à laquelle nous devons peut- être
cet efprit philofophique qui s'eſt développé
dans fon fiécle , & a fait des progrès fi
fenfibles dans le nôtre. Il a pris la géomé
trie où les anciens l'avoient laiffée , & en
a reculé bien loin les limites . Enfin il 2
répandu une nouvelle lumiere par- tout ;
mais elle n'a guere fervi qu'à ceux qui
font venus après lui , & ne l'a pas empêché
de s'égarer. Il auroit deviné la nature
fi elle avoit pû fe deviner ; mais il
falloit l'obferver , & il n'en a pas eu le
tems fes erreurs appartiennent à la foi
bieffe de l'humanité & à l'ignorance de fon
fiécle ; mais fes découvertes ne font qu'à
lui ainfi en abandonnant fes idées fauffes
, refpectons toujours fon génie , admi
rable même lorfqu'il s'eft trompé . L'hy
pothefe brillante des tourbillons , fi célé→
bre , fi combattue , & fi bien détruite par
les nouvelles obfervations , ne feroit fûrement
pas entrée dans la tête d'un hommemédiocre
; fon fyftême fur l'ame des bêtes ,
regardé communément comme une plaifanterie
, & ridicule aux yeux de bien des
DECEMBRE. 1754 .
gens , eft à mon avis une idée plus férieufe
, & qui s'étend plus loin qu'on ne penfe ,
lorfqu'on la confidere dans tous fes rapports
: demandez- le à Bayle , & au médecin
Lami.
Je me fuis beaucoup étendu fur Defcartes
, parce qu'on commence à oublier
tout ce qu'on lui doit. Comme la plupart
de fes ouvrages ne font plus d'une grande
utilité , parce qu'on a été plus loin que
lui , on ne fe fouvient plus que fans lui ,
peut-être on feroit encore dans les ténébres.
Lorfqu'il a paru , la philofophie étoit
une terre en friche : elle n'a pas produit
beaucoup de fruits fous fes mains ; mais il
en a arraché les ronces , il l'a préparée , &
a appris à là rendre féconde : en eft - ce trop
peu pour mériter notre reconnoiffance ?
Je ne peux m'empêcher de le regarder comme
un homme rare , qui fubjugué par l'impulfion
du génie , étoit né pour faire une
révolution , & dont les découvertes feront
une des plus brillantes époques de l'hiftoire
de l'efprit humain.
Gaffendi , contemporain de Descartes",
mérite auffi une place honorable dans l'hiftoire
de la philofophie , quoiqu'il n'ait pas'
travaillé avec beaucoup de fuccès pour elle.
Né avec un génie extrêmement méthodique
& une fagacité peu commune , il fue
Avj
12 MERCURE DE FRANCE.
révolté , comme Defcartes , des abfurdités
de la fcholaftique : il la combattit avec vivacité
, & voulut relever le fyftême d'Epicure
, pour l'établir fur les débris de celui
d'Ariftote . Il employa beaucoup d'adreffe
& de fubtilité pour expliquer la
formation & la confervation de l'univers
par le mouvement direct & la déclinaifon
des atômes . Il donna à cette hypotheſe un
vernis d'orthodoxie , & toute la probabi
lité dont elle étoit fufceptible ; mais cette
fecte des atomiftes modernes ne fut pas
nombreuſe ; chimere pour chimere , on
garda celle qui étoit déja établie , quoique
plus abfurde encore .
Le cartéfianifme n'eut pas le même fort ,
parce qu'il étoit mieux fondé ; il fit une
fortune étonnante dans toute l'Europe , il
eut les adverfaires & les fectateurs les plus
diftingués ; il fut profcrit en France , rétabli
enfuite , & adopté avec empreffement
dès qu'il fut mieux connu .
Mrs Rohault & Regis furent les premiers
qui le profefferent en France , & ils
le firent avec un fuccès & des applaudiffemens
finguliers. Mais le plus illuftre partifan
de Defcartes fut fans doute le P. Malebranche
, de l'Oratoire , phyficien , géometre
, & plus grand métaphyficien encore
; il ne prit que les principes de fon
2
I
a
DECEMBRE. 1754. 13
maître , & s'en fervit en homme de génie.
Il adopta fon fyftême des tourbillons ,
après y avoir reformé beaucoup de choſes ,
& le défendit avec vigueur. Dans la métaphyfique
il alla beaucoup plus loin que
Defcartes ; fes principes le conduifirent à
nier l'existence des corps , & s'il l'admit ,
ce fut parce que l'Ecriture Sainte le lui enfeignoit
: quelque finguliere que foit cette
conclufion , on ne peut prefque pas douter
qu'il n'ait été de la meilleure foi du monde .
Il prétendit démontrer que nous nepouvions
pas voir les objets hors de nous , encore
inoins dans nous , & que nous ne pouvions
les appercevoir que dans Dieu. Il étaya ces
idées abftraites de la métaphyfique la plus
fubtile, d'une élocution pleine de force & de
nobleffe , & de l'imagination la plus brillante
: mais malgré ces avantages , la profondeur
&l'obfcurité de fes idées garantirent de
la féduction. Il faut une grande contention
d'efprit & un grand goût de métaphyfique
pour le fuivre dans fes fpéculations ; ce
font des espéces de points indivisibles , dit M.
de Fontenelle : fi on ne les attrappe pas toutà-
fait jufie , on les manque tout - à -fait . Aufli
le P. Mallebranche fe plaignit-il beaucoup
de n'être pas compris par ceux qui le critiquoient.
On fçait que M. Arnaud attaqua
fon fyftême avec un acharnement des
14 MERCURE DE FRANCE.
moins philofophiques . M. Arnaud ne m'en.
tend pas , difoit Mallebranche : cb qui voulez
- vous donc qui vous entende ? lui répondit-
on .
Le mallebranchifme a fait naître la fecte
des immatérialistes , fort peu reçue en France
, mais qui a fait plus de progrès en Angleterre
; ces philofophes nient l'existence
de la matiere , telle que nous la concevons
, & même fa poflibilité ; les illufions
des fens font leur grand argument : ils
prouvent très-bien que les qualités que
nous regardons comme inhérentes aux
corps , telles que la couleur , l'étendue ,
&c. ne font que de pures idées de notre
ame, qui n'exiftent point hors d'elle , & qui
n'ont aucune analogie avec la nature des
objets qui les excitent en nous. Les dialogues
de Berkeley , ouvrage fingulier , où
Fon trouve une logique fubtile avec beaucoup
de fimplicité , font voir combien ce
fyftême eft féduifant, quelque abfurde qu'il
paroiffe au premier coup d'oeil , & combien
font preffans les argumens fur lef- ,
quels il est établi. Quelques-uns pouffent
encore ces idées plus loin , & prétendent
que chaque individu n'eft fûr que de fa
propre exiftence , & qu'il pourroit avoir
routes les idées & les fenfations dont il eft
affecté , fans qu'il y eût aucun autre être
DECEMBRE. 1754. 15
hors de lui ; c'eft la fecte des Egorftes : quel
que inacceffible qu'elle foit aux traits de
la métaphyfique , elle révolte trop les notions
les plus fimples pour trouver beaucoup
de fectateurs.
M. de Fontenelle a peut-être mieux mérité
de la philofophie que beaucoup de
ceux qui l'ont enrichie de découvertes. On
ne voit que des dévots qui dégoûtent de la dévotion
, dit un de nos moraliſtes. Avant
M. de Fontenelle on voyoit des philofophes
qui dégoûtoient de la philofophie ;
il fit voir que ce n'étoit pas la faute de la
philofophie : il la dépouilla de cet air fauvage
qui la rendoit fi peu trairable ; il l'embellit
des graces de fon imagination , & il
fit naître des fleurs où l'on ne foupçonnoit
que des épines : fon livre de la pluralité
des mondes eft un monument qui lui
fera autant d'honneur qu'à l'efprit de la
nation.
Qu'on me permette une digreffion à
laquelle je ne peux me refufer , & que
l'efprit de patriotifme m'arrache. Il y a
long- tems qu'on accufe les François d'être
legers & fuperficiels , & de ne faire qu'effleurer
les fciences : les Anglois , dit- on ,
font bien plus philofophes que nous : pourquoi
? parce qu'ils traitent la philofophie:
d'un air grave & ferieux. Et moi je crois
"
16 MERCURE DE FRANCE.
que nous le fommes pour le moins autant
qu'eux , précisément parce que nous la traitons
légèrement ; il faut polléder bien nettement
une matiere philofophique , pour la
dégager des termes barbares , des idées abtrules
, & des épines du calcul fous lef
quels d'autres font obligés de l'envelopper
, & pour la réduire à un raifonnement
fimple , à des images fenfibles , & aux expreflions
les plus communes , pour lui prêter
même des ornemens : c'est ce que M.
de Fontenelle , & d'autres après lui ont fait
avec fuccès. Il y a des gens qui croyent
que la féchereffe eft effentielle aux ouvra
ges fcientifiques , comme il y en a eu jadis
qui ne croyoient pas qu'on pût être philofophe
fans avoir une barbe fale & un
manteau déchiré. Cet efprit de fuperficie
qu'on nous reproche , n'eft que le vernis de
nos ouvrages qui ne nuit point à leur folidité.
La raifon toute nue a fouvent l'air
rebutant ; nos écrivains la rendent aimable
en la parant de fleurs : c'eft le vaſe dont
on frotte les bords de miel , pour faire ava
ler à un enfant un reméde falutaire : aux
yeux du philofophe , les hommes ordinaires
font- ils autre chofe que des enfans ?
Le cartéfianifme commençoit à être reçu
affez généralement , fur tout en France
lorfque le newtonianiſme parut , & vint
DECEMBRE. 1754. 17
partager les efprits. Comme les ouvrages
de Newton paroiffoient inacceffibles fans le
fecours de la plus fublime géométrie , fon
fyftême ne fut pas répandu d'abord , & refta
quelque tems entre les mains de quelques
adeptes. M. de Maupertuis a été le premier
qui en a donné quelques effais dans
notre langue ; mais il étoit réfervé à un
homme qui ne s'étoit fait qu'un jeu de la
phyfique & de la géométrie , de le produire
au grand jour c'eft M. de Voltaire . Il
donna fes Elémens de la philofophie de Newton
, ouvrage écrit avec la précifion , l'élégance
& la netteté qui lui font propres.
Ce livre fit une fenfation prodigieufe , &
par le nom de l'Auteur , & par les nouveautés
philofophiques qu'il mettoit fous
les yeux du public. D'abord les géometres
que M. de V. humilioit , & les beaux efprits
qu'il avoit humiliés dès long - tems ,
fe déchaînerent à l'uniflon contre lui ; il
paroiffoit inconcevable qu'un homme qui
avoit fait de beaux vers pût être géometre
& phyficien : on ne peut pas mieux
parler , difoit-on , de ce qu'on n'entend
pas ; comme fi l'efprit , en philofophie ,
pouvoit fuppléer aux lumieres. Pour apprécier
le mérite de cet ouvrage & la prévention
ridicule de certaines gens qui ne
font pas même en état de le lire , il faut
18 MERCURE DE FRANCE.
jetter les yeux fur les critiques qu'on en
fit dans le tems. Cette multitude de fautes
énormes qu'on devoit mettre au grand jour ,
fe réduisirent à des erreurs légeres , à quelques
mauvaifes épigrammes , à des ob
jections vagues , & dont la plupart tomboient
fur Newton , & non pas fur M. de
Voltaire . D'ailleurs quand il n'auroit pas
bien faifi Newton dans quelques détails ,
quel eft le phyficien qui puiffe fe flatter
de ne l'avoir jamais manqué : Le reproche
le mieux fondé qu'on ait fait à M. de Voltaire
, c'est peut-être fur la maniere peu
avantageufe dont il a parlé de Deſcartes :
je ne peux pas mieux faire que de rapporter
ici quelques reflexions du P. Caftel à
ce fujet ( Mem. de Trev . Octob. 1739. )..
» M. de Voltaire a fi fort honoré notre
» nation par fes propres talens , qu'elle
peut bien lui pardonner le peu d'hon .
neur qu'elle lui enleve en rabaiffant
» Defcartes. En faveur de M. de Voltaire
» poëte , on devroir juger moins rigoureu-
» fement M. de Voltaire philofophe ; &
»en prenant les chofes du bon côté , en-
>>core eft- ce une louable entrepriſe d'avoir
» ofé s'enfoncer i avant dans des matie-
» res fi épineufes , au mépris de toutes ces
» fleurs qu'il pouvoit s'amufer à cueillir fi
agréablement , & toujours prêtes à éclore
ود
DECEMBRE . 1754 IS
fous fa main ; & n'eft-ce rien que la célébrité
qu'il a donnée à la philofophie ,
» & par conféquent aux philofophes ; l'oc-
» cafion même qu'il donne aux cartéfiens
de triompher du grand Newton ?
Le Newtonianifme une fois mis au
grand jour , fit fur les efprits des impreffions
bien différentes ; il fut adopté des
ans & attaqué par d'autres avec une égale
vivacité. Comme il battoit en ruine le cartéfianifme
, les Carréfiens fe mirent fur la
défenfive . M. Privat de Molieres , bon géometre
& affez fubtil phyficien , fut celui
qui défendit les tourbillons avec le plus de
faccès : il fentit bien qu'ils étoient en défaut
dans beaucoup de phénomenes , & il les réforma
en habile homme ; il les adapta aux
nouvelles expériences avec adreffe , & ii
fit fervir à confirmer fon fyftême les mê
mes obfervations que les Newtoniens apportoient
pour le détruire. Malgré tous
fes efforts cependant , les tourbillons tom
berent dans un difcrédit total , & on peut
dire qu'ils ont pouffé les derniers foupirs
entre les mains de M. de Fontenelle , dont
la Théorie des tourbillons fera vraisemblablement
le dernier ouvrage qu'on fera en leur
faveur.
Quelque abfurdités métaphyfiques que
le Newtonianifme entraîne après lui , on
20 MERCURE DE FRANCE.
ne peut nier que ce fyftême ne foit bien
féduifant ; il ſemble n'être fondé que fur
des faits & des démonftrations. La facilité
admirable avec laquelle il explique les mouvemens
des corps céleftes & beaucoup de
phénomenes julques- là inacceffibles , la fineffe
& la mutitude des obfervations qui en
font la bafe , & un grand étalage de calcul ,
en ont impofé ; on n'a pas voulu voir l'illufion
de quelques expériences , & le peu
de liaifon de certains faits avec les inductions
que Newton en tire pour établir fes
principes ; enfin la ruine des tourbillons
& la néceffité d'un fyftême pour le vulgaire
des philofophes , tout cela a beaucoup favorifé
l'établiffement de la nouvelle phyfique.
Peu de tems après , Madame la Marquife
du Chaſtelet vint auffi fe mettre fur
les rangs , & oppofer Leibnitz à Newton.
Leibnitz , commenté par M. Wolf , avoit
fait beaucoup de fortune en Allemagne ;
quelques idées métaphyfiques , de fimples
projections éparfes dans fes ouvrages , fe
font étendues fous la main de M. Wolf,
& ont donné matiere à beaucoup de gros
volumes , dans lefquels il a remis en honneur
le goût des définitions , & les termes
barbares de l'école combinés avec une méthode
féchement géométrique. Leibnitz
DECEMBRE. 1754. 21
n'a pas été fi heureux en France , quoique
Madame du Chaſtelet lui eût donné un
air plus François dans fes Inftitutions de
physique. Cet ouvrage et écrit avec beaucoup
de méthode , de nobleffe & de précifion
; mais il ne fit pas beaucoup de profélites
, & on ne jugea pas à propos de
croire aux Monades fur la parole de Madame
du Chaftelet . Cette femme illuftre a
laiffé entre les mains de M. de Clairault
une traduction Françoife du grand ouvrage
de Newton , avec des commentaires
très -profonds fur ce que les mathématiques
ont de plus fublime : ce livre eft prêt
à paroître. Madame du Chaftelet & cette
célébre Mlle Agnefi, qui profeffe les mathé
matiques à Boulogne , & qui a donné il y
quelques années un excellent ouvrage d'analyfe
, font des phénomenes qui feront
honneur au beau fexe , à la géométrie &
notre fiécle.
Quoique Newton l'ait emporté fur Defcartes
& Leibnitz , il s'en faut cependant
bien qu'il ait fubjugué tous les efprits ; il a
encore enFrance des adverfaires bien redoutables.
Il y a trop de chofes dans fon ſyſ
tême qui font de la peine à la raifon , pour
ne pas révolter tous ceux qui croyent encore
que la méthode de Defcartes eft la
feule qui puiffe nous conduire à la vérité,
22 MERCURE DE FRANCE.
1
s'il nous eft donné d'y atteindre .
1 Toutes ces difputes philofophiques ont
éclairé les efprits , le goût des fyftêmes
s'eft perdu , & a fait place à un fcepticifme
raifonné & modéré , fort généralement
répandu , & d'autant mieux établi qu'il
n'eft ni l'effet de l'ignorance , ni une affectation
de fingularité ; c'eft peut- être auffi
ce qui nuira le plus aux progrès de la philofophie.
Il faut donner l'effor à l'imagi
nation pour aller loin : les plus grandes
découvertes de fpéculation ne font gueres
que des heureuſes témérités du génie ,
& les plus habiles philofophes ont été des
gens à fyftêmes : ce n'eft qu'à force de s'égarer
en effayant differentes routes , que
l'on rencontrera la bonne.
Il est vrai que la voye des expériences ,
quoique la plus lente , eft bien plus sûret
& plus commode ; c'eft auffi celle qu'a
prife l'Académie des Sciences : elle a déclaré
qu'elle n'adoptoit aucun fyftême. Le
tems d'en faire un n'eft pas encore arrivé ,
il faut attendre que l'on ait affez de matériaux
pour bâtir un fyftême général de l'univers
; ce n'eft qu'en amaffant des obfervations
& en établiffant des faits , que l'on
pourra y parvenir. On s'eft donc jetté principalement
du côté de la phyfique expéri
mentale , comme la partie de la philo
1
I
1
DECEMBRE. 1754. 23
fophie dont l'utilité eft plus fenfible.
Bacon , Galilée & Torricelli ont jetté les
fondemens de la phyfique expérimentale ;
le premier par des vues neuves & fublimes
; Galilée par fa théorie de l'accéléra
tion du mouvement dans la chûte des
corps ; & Torricelli par fes expériences fur
la pefanteur de l'air. Ces découvertes importantes
ont porté dans la phyfique une
nouvelle lumiere , que les Boyle , les Pafcal
, les Newton , &c . ont encore étendue
bien au-delà : ce font des veines heureuſes
qui ont conduit à des mines fécondes .
Le goût des expériences s'eft répandu
chez toutes les nations fçavantes , & il eft
cultivé aujourd'hui avec beaucoup de foin
& de fuccès. Parmi ceux qui peuvent être
cités dans ce genre , on s'attend bien à voir
le nom de M. de Reaumur , qui a fait des
recherches approfondies fur plufieurs parties
de la phyfique , & principalement fur
l'hiftoire naturelle. Obfervateur exact &
infatigable , les plus petits détails n'échap
perent pas à la fineffe & à la fagacité qu'it
porte dans tous fes procédés : fon Hiftoire
des infectes , avec beaucoup de longueurs ,
eft remplie de chofes neuves , utiles & délicates
. Zélé pour le bien public , il n'a pas
dédaigné de confacrer fes talens à des objets
, petits en apparence , mais qui tendent
14 MERCURE DE FRANCE.
à perfectionner les arts méchaniques , ou
prévenir quelques befoins de la fociété .
Les moyens de faire une nouvelle teintud'augmenter
la fécondité des terres ,
de garantir les étoffes des teignes , de conferver
des oeufs frais pendant trois à quatre
mois , voilà les objets de fa curiofité & de
fon travail. Des vues auffi fages & auffi
eſtimables devroient fervir d'exemple à
beaucoup de fçavans , qui croiroient s'avilir
par de femblables détails , & qui facrifient
à des recherches brillantes des recherches
plus utiles , mais obfcures . M. de Reaumur
ne trouve pas dans tous fes concitoyens
les mêmes difpofitions à rendre juſtice à
fes travaux , mais il les trouvera dans fa
nation ; & fa réputation ne peut être bleffée
par les petites épigrammes & le mépris
affecté de quelques perfonnes qui , ce
me femble , n'ont pas pris confeil de leurs
lumieres & de leur philofophie.
C'eft bien ici le lieu de rendre à un philofophe
citoyen l'hommage que méritent
fes talens & l'emploi refpectable qu'il en
fait ; je parle de M. Duhamel , de l'Académie
des Sciences , à qui nous devons
l'excellent Traité de la culture des terres ,
dont les principes font fi peu connus & mériteroient
tant de l'être. Il a réuni fes lumieres
& fes obfervations aux découvertes
des
DECEMBRE. 1754. 25
des Anglois , qui dans cette partie effentielle
font bien faits pour être nos maîtres
& nos modeles. Il a cherché les moyens de
conferver les grains dans les greniers ; il
a imaginé une charrue d'une conftruction
neuve & fort commode , qui abrege beaucoup
les travaux des laboureurs , cette portion
du peuple la plus néceffaire & la plus
miférable. Les principes de M. Duhamel
font fimples & évidens ; on lui a rendu
juftice : mais c'eſt peu d'être loué , il veut
être utile ; & ce ne feroit pas la premiere
fois qu'un philofophe auroit parlé , qu'on
auroit trouvé qu'il a raifon , & que fes
avis n'auroient été fuivis. Quoiqu'il
en foit , on ne doit pas fe laffer de travailler
à la perfection de l'agriculture , qui en
ouvrant dans l'Etat une nouvelle fource
de richeffes réelles & permanentes , donneroit
à notre commerce le plus grand
avantage , & prefque le feul qui lui manque
fur celui de nos voisins .
pas
Si quelqu'un a eu l'efprit de fyftême
dans notre fiécle , je crois que c'eft M. de
Buffon : une tête philofophe , des vûes
grandes , une imagination forte & lumineufe
, & l'art de faifir les analogies ; voilà
ce qu'il m'a femblé appercevoir dans l'Hiftoire
naturelle , & ce qui forme , fi je ne
me trompe , l'efprit de fyftême. M. de Buf-
II.Vol. B
26 MERCURE DE FRANCE.
fon , qui par un ftyle riche , élégant , har
monieux , plein de nobleſſe & de poëfie ,
efface Platon & Mallebranche , & donne
à la philofophie un éclat qu'elle n'avoit
pas encore eu , n'a pas été plus heureux
que Deſcartes dans fes conjectures fur l'origine
du monde & la génération des animaux.
Mais fi l'hiftoire de notre globe par
M. de Buffon eft un roman , c'eft celui
d'un habile phyficien : fon hypotheſe fur
la génération marque les bornes de nos
lumieres dans cette matiere ténébreuſe , le
defefpoir de la phyfique : fes obfervations
microfcopiques fi délicates & fi fingulieres,
feront peut-être plus utiles , parce qu'il
eft toujours utile de détruire des erreurs.
Les anciens avoient cru , fur de fimples apparences
peu approfondies , que la corruption
pouvoit engendrer des animaux.
Lorfque le microfcope , qui a élargi l'univers
aux yeux des philofophes , eut découvert
à Hartzoeker & à Lewenhoek les animalcules
qui fe meuvent dans les liqueurs ,
on fe moqua beaucoup des anciens , & il
ne parut plus douteux que tous les êtres
vivans font déja organifés dans la femence
, & qu'ils ne font que fe développer &
augmenter de volume. Mais ce principe
reçu fans conteftation & avancé avec ce
ton de confiance que donne trop fouvent
DECEMBRE . 1754. 29
la chaleur des premieres découvertes , s'eſt
trouvé en défaut dans la reproduction merveilleufe
des polypes , & il eft anéanti
aujourd'hui par les expériences de MM. de
Buffon & de Needham ; la production des
petites anguilles qu'ils ont vû fe former
dans le bled niellé & dans d'autres infufions
, remet en honneur l'opinion des anciens
; nous avons cru voir une étincelle
de lumiere , & nous rentrons dans une nuit
plus fombre. Les animalcules fpermatiques
ne font plus que de petites machines or
ganifées & fans vie ; il eft vrai que les obfervations
microfcopiques font trop fuf
ceptibles d'illufion pour qu'on ne s'en dépas
: celles de Lewenhoek ont été détruites
par celles de M. de Buffon , cellesci
peuvent être détruites par d'autres ; dans
cette matiere obfcure on finit , comme dans
prefque toutes les autres , par douter.
fie
Les fectateurs de la philofophie corpufculaire
ne pardonneront pas aifément à
M. de Buffon d'avoir établi la poffibilité
de fes moules intérieurs fur la ruine du méchaniſme
univerfel , & d'avoir mieux ainé
expliquer la circulation du fang , le jeu des
muſcles , en général toute l'économie animale
par des qualités occultes femblables
aux caufes de la pefanteur , des attractions
magnétiques , &c. que par des principes
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
purement méchaniques ; cela pourroit faire
craindre , difent- ils , le retour du fiécle
d'Ariftote. Epicure créa la phyfique corpufculaire
; ne voyant dans la nature que
de la matiere & du mouvement , il ne
chercha pas d'autres caufes pour expliquer
tous les phénomenes ; mais n'ayant pas encore
affez de faits & d'obſervations , ce
principe lui manqua dans l'application ;
on crut pour lors que ce qu'on ne pouvoit
pas expliquer par les loix du méchanifme
ne s'opéroit pas par ces loix ; de là
l'horreur du vuide , de- là l'attraction , &c.
L'attraction , ce monftre métaphysique ,
dont on ne peut plus fe paffer dans la phy-.
fique célefte , s'eft introduite auffi dans la
chymie. Les affinités de M. Geoffroi ne
font que le même terme déguifé ; elles paroiffent
préfenter une idée plus fimple , &
n'en font pas moins inintelligibles . Nous
devons aux Anglois cet abus de l'attraction ,
auffi bien que celui du calcul : ils réduifent
tout en problêmes algébriques ; l'antique
fuperftition fur la fcience mystérieuse
des nombres femble renaître . Jean Craig
a ofé calculer les dégrés de probabilité
des principes du chriftianifme , & le décroiffement
de cette probabilité : felon fes
calculs , la religion ne peut plus durer que
1400 ans. L'eſtimable auteur de l'Hiftoire
DECEMBRE . 1754 29
critique de la philofophie a calculé auffi les
dégrés de force de la certitude morale . Le
Chevalier Petty , créateur de l'arithmétique
politique , a cru pouvoir foumettre à
l'algebre l'art même de gouverner les hommes.
Le résultat de quelques -uns de fes
calculs peut faire juger de leur folidité ;
il croit avoir démontré que le grand nombre
des impôts ne fçauroit être nuifible à
la fociété & au bien d'un Etat . Il a calculé
ce que valoit un homme en Angleterre ,
& il l'a évalué à 1300 livres environ de
notre monnoie. Un Philofophe fublime
qui connoît bien le prix des hommes , ajoute
qu'il y a des pays où un homme ne
vaut rien , & d'autres où il vaut moins
que rien ( a ) . La médecine n'a pas été à
l'abri des excurfions de la géométrie : aux
aphorifmes d'Hypocrate & de Boerhaave
on a fubftitué des formules algébriques ;
on a voulu évaluer le mouvement des fluides
dans le corps humain , la force des
nerfs & des mufcles confidérés comme des
cordes , des leviers d'un certain genre ,
des piftons , &c. Mais qu'avons nous gagné
à ces abus de la géométrie on l'a
détournée de fon véritable objet , & elle a
eu le fort de l'efprit de notre nation : elle
( a ) Efprit des loix , liv. XXIII . chap. XVII,
Bij
30 MERCURE DE FRANCE.
a perdu en profondeur ce qu'elle a gagné
en fuperficie , & je ne doute pas qu'elle
ne touche au moment de fa décadence ,
qui vient d'être prédite par un homme de
beaucoup d'efprit . Cette fcience qui n'étoit
qu'un inftrument entre les mains de Defcartes
& de Newton , & qui n'eft faite
que pour en fervir , étoit devenue une
fcience orgueilleufe qui s'étoit élevée fur
les débris des autres , fur ceux de la métaphyfique
fur tout , parce qu'il eft bien
plus facile d'apprendre à calculer qu'à raifonner.
Il est bien à fouhaiter que le goût
abufif du calcul ne fafle plus d'obſtacle au
retour de la métaphyfique , dont le flambeau
peut feul nous éclairer fur les nouvelles
erreurs que de faufles lumieres ont
introduites , & qui retardent fenfiblement
les progrès de la philofophie.
Les
De la Philofophie en France.
a
A Philofophie eft de toutes les fciences
celle qui a fait les progrès les plus
rapides de nos jours ; les autres connoif-
Lances n'ont pas été portées à un dégré de
perfection plus haut que dans les beaux
fécles de la Grece & de Rome. Les reffources
de l'art font bornées ; l'efprit humain
ne faifant que fe replier fur lui - même ,
a bientôt parcouru la petite fphere de fes
idées , & trouvé les limites que la main
éternelle a prefcrites à fon activité. Au
lieu que la nature eft un abyfme où l'oeil
du Philofophe fe perd fans en trouver jamais
le fond ; c'eft une carriere immenfe
& dont l'immenfité femble augmenter à
mefure qu'on y pénétre plus avant . Les
Philofophes modernes , qui femblent avoit
marché à pas de géans dans cette carriere
, & qui ont laiffé les anciens fi
loin derriere eux , n'ont fait que nous
montrer le but ; les nouvelles lumieres
qu'ils ont portées dans la nuit de la nature
n'ont pas été affez vives pour nous conduire
à la vérité , & n'ont guere fervi qu'à
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
nous éclairer fur l'intervalle énorme qui
nous en féparoit encore. Mais fi le méchanifme
de l'univers eft toujours un fecret
pour nous , du moins pouvons- nous
nous flatter d'être fur la bonne route pour
le découvrir ou pour fentir l'impoffibilité
d'y réuffir. Les François ne font pas ceux
qui ont eu le moins de part aux progrès
de la philofophie ; le grand Defcartes qui
a fi bien mérité d'en être appellé le pere ,
a ouvert le premier la carriere , & a fervi
de guide aux philofophes qui l'ont fuivi .
On fçait affez le defpotifme avec lequel
la philofophie d'Ariftote regnoit fur les
bancs de l'école ; le fanatifme pour fes décifions
étoit monté au plus haut point de
l'extravagance ; on ne cherchoit plus à
concilier fes principes avec les phénomenes
de la nature qui les contredifoient ,
c'étoit les phénomenes que l'on vouloit
adapter à ces principes. Quelques bons efprits
avoient connu les abfurdités du péripatetime
, & avoient fait de vains efforts
pour en réformer les abus : cette philofophie
qu'on avoit eu raifon d'admirer
dans des fiécles d'engourdiffement & de
barbarie de l'efprit humain , avoir été
confacrée par le tems , l'ignorance & le
pédantifme. Bacon parut ; ce grand homme
vit les entraves que cette fuperfti
DECEMBRE . 1754.
tion ridicule mettoit à la raifon ; il ofa
propofer de refondre le fyftême des connoillances
humaines , & démontra la néceffité
d'une nouvelle méthode pour étudier
la nature. Ce que l'illuftre Anglois
n'avoit fait qu'entrevoir , Defcartes l'exécuta
: il détruifit de fond en comble le péripatétifme
, & chercha à élever un nouveau
fyftême fur d'autres fondemens.
Il n'y avoit alors que l'aftronomie & les
mathématiques qui fuffent cultivées avec
fuccès , les autres parties de la philofophie
étoient prefque abandonnées ; d'ailleurs
elles étoient entierement détachées
les unes des autres , & traitées féparément :
un aſtronome n'étoit qu'aftronome , un
géometre n'étoit que geometre , un médecin
n'étoit que médecin , un métaphyficien
n'étoit rien . Defcartes apperçut les
rapports qui lioient ces différentes connoiffances
, & les fecours qu'elles devoient fe
prêter l'une à l'autre ; il rapprocha ces
membres épars , & n'en fit qu'un feul corps
de fcience.
Il appliqua l'algebre à la géométrie , &
la géométrie à la phyfique : c'est à cette
idée fublime , à ce coup de génie qu'il faut
rapporter les progrès étonnans qu'on a fait
dans les fciences phyfico-mathématiques.
On peut dire qu'il a créé la métaphysique ,
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
par la diftinction auffi fimple que lumineu
fe des deux fubſtances ; diſtinction qui
anéantit les difputes frivoles & ridicules
des métaphyficiens fcholaftiques fur la nature
de l'ame , & par fon admirable méthode
, à laquelle nous devons peut- être
cet efprit philofophique qui s'eſt développé
dans fon fiécle , & a fait des progrès fi
fenfibles dans le nôtre. Il a pris la géomé
trie où les anciens l'avoient laiffée , & en
a reculé bien loin les limites . Enfin il 2
répandu une nouvelle lumiere par- tout ;
mais elle n'a guere fervi qu'à ceux qui
font venus après lui , & ne l'a pas empêché
de s'égarer. Il auroit deviné la nature
fi elle avoit pû fe deviner ; mais il
falloit l'obferver , & il n'en a pas eu le
tems fes erreurs appartiennent à la foi
bieffe de l'humanité & à l'ignorance de fon
fiécle ; mais fes découvertes ne font qu'à
lui ainfi en abandonnant fes idées fauffes
, refpectons toujours fon génie , admi
rable même lorfqu'il s'eft trompé . L'hy
pothefe brillante des tourbillons , fi célé→
bre , fi combattue , & fi bien détruite par
les nouvelles obfervations , ne feroit fûrement
pas entrée dans la tête d'un hommemédiocre
; fon fyftême fur l'ame des bêtes ,
regardé communément comme une plaifanterie
, & ridicule aux yeux de bien des
DECEMBRE. 1754 .
gens , eft à mon avis une idée plus férieufe
, & qui s'étend plus loin qu'on ne penfe ,
lorfqu'on la confidere dans tous fes rapports
: demandez- le à Bayle , & au médecin
Lami.
Je me fuis beaucoup étendu fur Defcartes
, parce qu'on commence à oublier
tout ce qu'on lui doit. Comme la plupart
de fes ouvrages ne font plus d'une grande
utilité , parce qu'on a été plus loin que
lui , on ne fe fouvient plus que fans lui ,
peut-être on feroit encore dans les ténébres.
Lorfqu'il a paru , la philofophie étoit
une terre en friche : elle n'a pas produit
beaucoup de fruits fous fes mains ; mais il
en a arraché les ronces , il l'a préparée , &
a appris à là rendre féconde : en eft - ce trop
peu pour mériter notre reconnoiffance ?
Je ne peux m'empêcher de le regarder comme
un homme rare , qui fubjugué par l'impulfion
du génie , étoit né pour faire une
révolution , & dont les découvertes feront
une des plus brillantes époques de l'hiftoire
de l'efprit humain.
Gaffendi , contemporain de Descartes",
mérite auffi une place honorable dans l'hiftoire
de la philofophie , quoiqu'il n'ait pas'
travaillé avec beaucoup de fuccès pour elle.
Né avec un génie extrêmement méthodique
& une fagacité peu commune , il fue
Avj
12 MERCURE DE FRANCE.
révolté , comme Defcartes , des abfurdités
de la fcholaftique : il la combattit avec vivacité
, & voulut relever le fyftême d'Epicure
, pour l'établir fur les débris de celui
d'Ariftote . Il employa beaucoup d'adreffe
& de fubtilité pour expliquer la
formation & la confervation de l'univers
par le mouvement direct & la déclinaifon
des atômes . Il donna à cette hypotheſe un
vernis d'orthodoxie , & toute la probabi
lité dont elle étoit fufceptible ; mais cette
fecte des atomiftes modernes ne fut pas
nombreuſe ; chimere pour chimere , on
garda celle qui étoit déja établie , quoique
plus abfurde encore .
Le cartéfianifme n'eut pas le même fort ,
parce qu'il étoit mieux fondé ; il fit une
fortune étonnante dans toute l'Europe , il
eut les adverfaires & les fectateurs les plus
diftingués ; il fut profcrit en France , rétabli
enfuite , & adopté avec empreffement
dès qu'il fut mieux connu .
Mrs Rohault & Regis furent les premiers
qui le profefferent en France , & ils
le firent avec un fuccès & des applaudiffemens
finguliers. Mais le plus illuftre partifan
de Defcartes fut fans doute le P. Malebranche
, de l'Oratoire , phyficien , géometre
, & plus grand métaphyficien encore
; il ne prit que les principes de fon
2
I
a
DECEMBRE. 1754. 13
maître , & s'en fervit en homme de génie.
Il adopta fon fyftême des tourbillons ,
après y avoir reformé beaucoup de choſes ,
& le défendit avec vigueur. Dans la métaphyfique
il alla beaucoup plus loin que
Defcartes ; fes principes le conduifirent à
nier l'existence des corps , & s'il l'admit ,
ce fut parce que l'Ecriture Sainte le lui enfeignoit
: quelque finguliere que foit cette
conclufion , on ne peut prefque pas douter
qu'il n'ait été de la meilleure foi du monde .
Il prétendit démontrer que nous nepouvions
pas voir les objets hors de nous , encore
inoins dans nous , & que nous ne pouvions
les appercevoir que dans Dieu. Il étaya ces
idées abftraites de la métaphyfique la plus
fubtile, d'une élocution pleine de force & de
nobleffe , & de l'imagination la plus brillante
: mais malgré ces avantages , la profondeur
&l'obfcurité de fes idées garantirent de
la féduction. Il faut une grande contention
d'efprit & un grand goût de métaphyfique
pour le fuivre dans fes fpéculations ; ce
font des espéces de points indivisibles , dit M.
de Fontenelle : fi on ne les attrappe pas toutà-
fait jufie , on les manque tout - à -fait . Aufli
le P. Mallebranche fe plaignit-il beaucoup
de n'être pas compris par ceux qui le critiquoient.
On fçait que M. Arnaud attaqua
fon fyftême avec un acharnement des
14 MERCURE DE FRANCE.
moins philofophiques . M. Arnaud ne m'en.
tend pas , difoit Mallebranche : cb qui voulez
- vous donc qui vous entende ? lui répondit-
on .
Le mallebranchifme a fait naître la fecte
des immatérialistes , fort peu reçue en France
, mais qui a fait plus de progrès en Angleterre
; ces philofophes nient l'existence
de la matiere , telle que nous la concevons
, & même fa poflibilité ; les illufions
des fens font leur grand argument : ils
prouvent très-bien que les qualités que
nous regardons comme inhérentes aux
corps , telles que la couleur , l'étendue ,
&c. ne font que de pures idées de notre
ame, qui n'exiftent point hors d'elle , & qui
n'ont aucune analogie avec la nature des
objets qui les excitent en nous. Les dialogues
de Berkeley , ouvrage fingulier , où
Fon trouve une logique fubtile avec beaucoup
de fimplicité , font voir combien ce
fyftême eft féduifant, quelque abfurde qu'il
paroiffe au premier coup d'oeil , & combien
font preffans les argumens fur lef- ,
quels il est établi. Quelques-uns pouffent
encore ces idées plus loin , & prétendent
que chaque individu n'eft fûr que de fa
propre exiftence , & qu'il pourroit avoir
routes les idées & les fenfations dont il eft
affecté , fans qu'il y eût aucun autre être
DECEMBRE. 1754. 15
hors de lui ; c'eft la fecte des Egorftes : quel
que inacceffible qu'elle foit aux traits de
la métaphyfique , elle révolte trop les notions
les plus fimples pour trouver beaucoup
de fectateurs.
M. de Fontenelle a peut-être mieux mérité
de la philofophie que beaucoup de
ceux qui l'ont enrichie de découvertes. On
ne voit que des dévots qui dégoûtent de la dévotion
, dit un de nos moraliſtes. Avant
M. de Fontenelle on voyoit des philofophes
qui dégoûtoient de la philofophie ;
il fit voir que ce n'étoit pas la faute de la
philofophie : il la dépouilla de cet air fauvage
qui la rendoit fi peu trairable ; il l'embellit
des graces de fon imagination , & il
fit naître des fleurs où l'on ne foupçonnoit
que des épines : fon livre de la pluralité
des mondes eft un monument qui lui
fera autant d'honneur qu'à l'efprit de la
nation.
Qu'on me permette une digreffion à
laquelle je ne peux me refufer , & que
l'efprit de patriotifme m'arrache. Il y a
long- tems qu'on accufe les François d'être
legers & fuperficiels , & de ne faire qu'effleurer
les fciences : les Anglois , dit- on ,
font bien plus philofophes que nous : pourquoi
? parce qu'ils traitent la philofophie:
d'un air grave & ferieux. Et moi je crois
"
16 MERCURE DE FRANCE.
que nous le fommes pour le moins autant
qu'eux , précisément parce que nous la traitons
légèrement ; il faut polléder bien nettement
une matiere philofophique , pour la
dégager des termes barbares , des idées abtrules
, & des épines du calcul fous lef
quels d'autres font obligés de l'envelopper
, & pour la réduire à un raifonnement
fimple , à des images fenfibles , & aux expreflions
les plus communes , pour lui prêter
même des ornemens : c'est ce que M.
de Fontenelle , & d'autres après lui ont fait
avec fuccès. Il y a des gens qui croyent
que la féchereffe eft effentielle aux ouvra
ges fcientifiques , comme il y en a eu jadis
qui ne croyoient pas qu'on pût être philofophe
fans avoir une barbe fale & un
manteau déchiré. Cet efprit de fuperficie
qu'on nous reproche , n'eft que le vernis de
nos ouvrages qui ne nuit point à leur folidité.
La raifon toute nue a fouvent l'air
rebutant ; nos écrivains la rendent aimable
en la parant de fleurs : c'eft le vaſe dont
on frotte les bords de miel , pour faire ava
ler à un enfant un reméde falutaire : aux
yeux du philofophe , les hommes ordinaires
font- ils autre chofe que des enfans ?
Le cartéfianifme commençoit à être reçu
affez généralement , fur tout en France
lorfque le newtonianiſme parut , & vint
DECEMBRE. 1754. 17
partager les efprits. Comme les ouvrages
de Newton paroiffoient inacceffibles fans le
fecours de la plus fublime géométrie , fon
fyftême ne fut pas répandu d'abord , & refta
quelque tems entre les mains de quelques
adeptes. M. de Maupertuis a été le premier
qui en a donné quelques effais dans
notre langue ; mais il étoit réfervé à un
homme qui ne s'étoit fait qu'un jeu de la
phyfique & de la géométrie , de le produire
au grand jour c'eft M. de Voltaire . Il
donna fes Elémens de la philofophie de Newton
, ouvrage écrit avec la précifion , l'élégance
& la netteté qui lui font propres.
Ce livre fit une fenfation prodigieufe , &
par le nom de l'Auteur , & par les nouveautés
philofophiques qu'il mettoit fous
les yeux du public. D'abord les géometres
que M. de V. humilioit , & les beaux efprits
qu'il avoit humiliés dès long - tems ,
fe déchaînerent à l'uniflon contre lui ; il
paroiffoit inconcevable qu'un homme qui
avoit fait de beaux vers pût être géometre
& phyficien : on ne peut pas mieux
parler , difoit-on , de ce qu'on n'entend
pas ; comme fi l'efprit , en philofophie ,
pouvoit fuppléer aux lumieres. Pour apprécier
le mérite de cet ouvrage & la prévention
ridicule de certaines gens qui ne
font pas même en état de le lire , il faut
18 MERCURE DE FRANCE.
jetter les yeux fur les critiques qu'on en
fit dans le tems. Cette multitude de fautes
énormes qu'on devoit mettre au grand jour ,
fe réduisirent à des erreurs légeres , à quelques
mauvaifes épigrammes , à des ob
jections vagues , & dont la plupart tomboient
fur Newton , & non pas fur M. de
Voltaire . D'ailleurs quand il n'auroit pas
bien faifi Newton dans quelques détails ,
quel eft le phyficien qui puiffe fe flatter
de ne l'avoir jamais manqué : Le reproche
le mieux fondé qu'on ait fait à M. de Voltaire
, c'est peut-être fur la maniere peu
avantageufe dont il a parlé de Deſcartes :
je ne peux pas mieux faire que de rapporter
ici quelques reflexions du P. Caftel à
ce fujet ( Mem. de Trev . Octob. 1739. )..
» M. de Voltaire a fi fort honoré notre
» nation par fes propres talens , qu'elle
peut bien lui pardonner le peu d'hon .
neur qu'elle lui enleve en rabaiffant
» Defcartes. En faveur de M. de Voltaire
» poëte , on devroir juger moins rigoureu-
» fement M. de Voltaire philofophe ; &
»en prenant les chofes du bon côté , en-
>>core eft- ce une louable entrepriſe d'avoir
» ofé s'enfoncer i avant dans des matie-
» res fi épineufes , au mépris de toutes ces
» fleurs qu'il pouvoit s'amufer à cueillir fi
agréablement , & toujours prêtes à éclore
ود
DECEMBRE . 1754 IS
fous fa main ; & n'eft-ce rien que la célébrité
qu'il a donnée à la philofophie ,
» & par conféquent aux philofophes ; l'oc-
» cafion même qu'il donne aux cartéfiens
de triompher du grand Newton ?
Le Newtonianifme une fois mis au
grand jour , fit fur les efprits des impreffions
bien différentes ; il fut adopté des
ans & attaqué par d'autres avec une égale
vivacité. Comme il battoit en ruine le cartéfianifme
, les Carréfiens fe mirent fur la
défenfive . M. Privat de Molieres , bon géometre
& affez fubtil phyficien , fut celui
qui défendit les tourbillons avec le plus de
faccès : il fentit bien qu'ils étoient en défaut
dans beaucoup de phénomenes , & il les réforma
en habile homme ; il les adapta aux
nouvelles expériences avec adreffe , & ii
fit fervir à confirmer fon fyftême les mê
mes obfervations que les Newtoniens apportoient
pour le détruire. Malgré tous
fes efforts cependant , les tourbillons tom
berent dans un difcrédit total , & on peut
dire qu'ils ont pouffé les derniers foupirs
entre les mains de M. de Fontenelle , dont
la Théorie des tourbillons fera vraisemblablement
le dernier ouvrage qu'on fera en leur
faveur.
Quelque abfurdités métaphyfiques que
le Newtonianifme entraîne après lui , on
20 MERCURE DE FRANCE.
ne peut nier que ce fyftême ne foit bien
féduifant ; il ſemble n'être fondé que fur
des faits & des démonftrations. La facilité
admirable avec laquelle il explique les mouvemens
des corps céleftes & beaucoup de
phénomenes julques- là inacceffibles , la fineffe
& la mutitude des obfervations qui en
font la bafe , & un grand étalage de calcul ,
en ont impofé ; on n'a pas voulu voir l'illufion
de quelques expériences , & le peu
de liaifon de certains faits avec les inductions
que Newton en tire pour établir fes
principes ; enfin la ruine des tourbillons
& la néceffité d'un fyftême pour le vulgaire
des philofophes , tout cela a beaucoup favorifé
l'établiffement de la nouvelle phyfique.
Peu de tems après , Madame la Marquife
du Chaſtelet vint auffi fe mettre fur
les rangs , & oppofer Leibnitz à Newton.
Leibnitz , commenté par M. Wolf , avoit
fait beaucoup de fortune en Allemagne ;
quelques idées métaphyfiques , de fimples
projections éparfes dans fes ouvrages , fe
font étendues fous la main de M. Wolf,
& ont donné matiere à beaucoup de gros
volumes , dans lefquels il a remis en honneur
le goût des définitions , & les termes
barbares de l'école combinés avec une méthode
féchement géométrique. Leibnitz
DECEMBRE. 1754. 21
n'a pas été fi heureux en France , quoique
Madame du Chaſtelet lui eût donné un
air plus François dans fes Inftitutions de
physique. Cet ouvrage et écrit avec beaucoup
de méthode , de nobleffe & de précifion
; mais il ne fit pas beaucoup de profélites
, & on ne jugea pas à propos de
croire aux Monades fur la parole de Madame
du Chaftelet . Cette femme illuftre a
laiffé entre les mains de M. de Clairault
une traduction Françoife du grand ouvrage
de Newton , avec des commentaires
très -profonds fur ce que les mathématiques
ont de plus fublime : ce livre eft prêt
à paroître. Madame du Chaftelet & cette
célébre Mlle Agnefi, qui profeffe les mathé
matiques à Boulogne , & qui a donné il y
quelques années un excellent ouvrage d'analyfe
, font des phénomenes qui feront
honneur au beau fexe , à la géométrie &
notre fiécle.
Quoique Newton l'ait emporté fur Defcartes
& Leibnitz , il s'en faut cependant
bien qu'il ait fubjugué tous les efprits ; il a
encore enFrance des adverfaires bien redoutables.
Il y a trop de chofes dans fon ſyſ
tême qui font de la peine à la raifon , pour
ne pas révolter tous ceux qui croyent encore
que la méthode de Defcartes eft la
feule qui puiffe nous conduire à la vérité,
22 MERCURE DE FRANCE.
1
s'il nous eft donné d'y atteindre .
1 Toutes ces difputes philofophiques ont
éclairé les efprits , le goût des fyftêmes
s'eft perdu , & a fait place à un fcepticifme
raifonné & modéré , fort généralement
répandu , & d'autant mieux établi qu'il
n'eft ni l'effet de l'ignorance , ni une affectation
de fingularité ; c'eft peut- être auffi
ce qui nuira le plus aux progrès de la philofophie.
Il faut donner l'effor à l'imagi
nation pour aller loin : les plus grandes
découvertes de fpéculation ne font gueres
que des heureuſes témérités du génie ,
& les plus habiles philofophes ont été des
gens à fyftêmes : ce n'eft qu'à force de s'égarer
en effayant differentes routes , que
l'on rencontrera la bonne.
Il est vrai que la voye des expériences ,
quoique la plus lente , eft bien plus sûret
& plus commode ; c'eft auffi celle qu'a
prife l'Académie des Sciences : elle a déclaré
qu'elle n'adoptoit aucun fyftême. Le
tems d'en faire un n'eft pas encore arrivé ,
il faut attendre que l'on ait affez de matériaux
pour bâtir un fyftême général de l'univers
; ce n'eft qu'en amaffant des obfervations
& en établiffant des faits , que l'on
pourra y parvenir. On s'eft donc jetté principalement
du côté de la phyfique expéri
mentale , comme la partie de la philo
1
I
1
DECEMBRE. 1754. 23
fophie dont l'utilité eft plus fenfible.
Bacon , Galilée & Torricelli ont jetté les
fondemens de la phyfique expérimentale ;
le premier par des vues neuves & fublimes
; Galilée par fa théorie de l'accéléra
tion du mouvement dans la chûte des
corps ; & Torricelli par fes expériences fur
la pefanteur de l'air. Ces découvertes importantes
ont porté dans la phyfique une
nouvelle lumiere , que les Boyle , les Pafcal
, les Newton , &c . ont encore étendue
bien au-delà : ce font des veines heureuſes
qui ont conduit à des mines fécondes .
Le goût des expériences s'eft répandu
chez toutes les nations fçavantes , & il eft
cultivé aujourd'hui avec beaucoup de foin
& de fuccès. Parmi ceux qui peuvent être
cités dans ce genre , on s'attend bien à voir
le nom de M. de Reaumur , qui a fait des
recherches approfondies fur plufieurs parties
de la phyfique , & principalement fur
l'hiftoire naturelle. Obfervateur exact &
infatigable , les plus petits détails n'échap
perent pas à la fineffe & à la fagacité qu'it
porte dans tous fes procédés : fon Hiftoire
des infectes , avec beaucoup de longueurs ,
eft remplie de chofes neuves , utiles & délicates
. Zélé pour le bien public , il n'a pas
dédaigné de confacrer fes talens à des objets
, petits en apparence , mais qui tendent
14 MERCURE DE FRANCE.
à perfectionner les arts méchaniques , ou
prévenir quelques befoins de la fociété .
Les moyens de faire une nouvelle teintud'augmenter
la fécondité des terres ,
de garantir les étoffes des teignes , de conferver
des oeufs frais pendant trois à quatre
mois , voilà les objets de fa curiofité & de
fon travail. Des vues auffi fages & auffi
eſtimables devroient fervir d'exemple à
beaucoup de fçavans , qui croiroient s'avilir
par de femblables détails , & qui facrifient
à des recherches brillantes des recherches
plus utiles , mais obfcures . M. de Reaumur
ne trouve pas dans tous fes concitoyens
les mêmes difpofitions à rendre juſtice à
fes travaux , mais il les trouvera dans fa
nation ; & fa réputation ne peut être bleffée
par les petites épigrammes & le mépris
affecté de quelques perfonnes qui , ce
me femble , n'ont pas pris confeil de leurs
lumieres & de leur philofophie.
C'eft bien ici le lieu de rendre à un philofophe
citoyen l'hommage que méritent
fes talens & l'emploi refpectable qu'il en
fait ; je parle de M. Duhamel , de l'Académie
des Sciences , à qui nous devons
l'excellent Traité de la culture des terres ,
dont les principes font fi peu connus & mériteroient
tant de l'être. Il a réuni fes lumieres
& fes obfervations aux découvertes
des
DECEMBRE. 1754. 25
des Anglois , qui dans cette partie effentielle
font bien faits pour être nos maîtres
& nos modeles. Il a cherché les moyens de
conferver les grains dans les greniers ; il
a imaginé une charrue d'une conftruction
neuve & fort commode , qui abrege beaucoup
les travaux des laboureurs , cette portion
du peuple la plus néceffaire & la plus
miférable. Les principes de M. Duhamel
font fimples & évidens ; on lui a rendu
juftice : mais c'eſt peu d'être loué , il veut
être utile ; & ce ne feroit pas la premiere
fois qu'un philofophe auroit parlé , qu'on
auroit trouvé qu'il a raifon , & que fes
avis n'auroient été fuivis. Quoiqu'il
en foit , on ne doit pas fe laffer de travailler
à la perfection de l'agriculture , qui en
ouvrant dans l'Etat une nouvelle fource
de richeffes réelles & permanentes , donneroit
à notre commerce le plus grand
avantage , & prefque le feul qui lui manque
fur celui de nos voisins .
pas
Si quelqu'un a eu l'efprit de fyftême
dans notre fiécle , je crois que c'eft M. de
Buffon : une tête philofophe , des vûes
grandes , une imagination forte & lumineufe
, & l'art de faifir les analogies ; voilà
ce qu'il m'a femblé appercevoir dans l'Hiftoire
naturelle , & ce qui forme , fi je ne
me trompe , l'efprit de fyftême. M. de Buf-
II.Vol. B
26 MERCURE DE FRANCE.
fon , qui par un ftyle riche , élégant , har
monieux , plein de nobleſſe & de poëfie ,
efface Platon & Mallebranche , & donne
à la philofophie un éclat qu'elle n'avoit
pas encore eu , n'a pas été plus heureux
que Deſcartes dans fes conjectures fur l'origine
du monde & la génération des animaux.
Mais fi l'hiftoire de notre globe par
M. de Buffon eft un roman , c'eft celui
d'un habile phyficien : fon hypotheſe fur
la génération marque les bornes de nos
lumieres dans cette matiere ténébreuſe , le
defefpoir de la phyfique : fes obfervations
microfcopiques fi délicates & fi fingulieres,
feront peut-être plus utiles , parce qu'il
eft toujours utile de détruire des erreurs.
Les anciens avoient cru , fur de fimples apparences
peu approfondies , que la corruption
pouvoit engendrer des animaux.
Lorfque le microfcope , qui a élargi l'univers
aux yeux des philofophes , eut découvert
à Hartzoeker & à Lewenhoek les animalcules
qui fe meuvent dans les liqueurs ,
on fe moqua beaucoup des anciens , & il
ne parut plus douteux que tous les êtres
vivans font déja organifés dans la femence
, & qu'ils ne font que fe développer &
augmenter de volume. Mais ce principe
reçu fans conteftation & avancé avec ce
ton de confiance que donne trop fouvent
DECEMBRE . 1754. 29
la chaleur des premieres découvertes , s'eſt
trouvé en défaut dans la reproduction merveilleufe
des polypes , & il eft anéanti
aujourd'hui par les expériences de MM. de
Buffon & de Needham ; la production des
petites anguilles qu'ils ont vû fe former
dans le bled niellé & dans d'autres infufions
, remet en honneur l'opinion des anciens
; nous avons cru voir une étincelle
de lumiere , & nous rentrons dans une nuit
plus fombre. Les animalcules fpermatiques
ne font plus que de petites machines or
ganifées & fans vie ; il eft vrai que les obfervations
microfcopiques font trop fuf
ceptibles d'illufion pour qu'on ne s'en dépas
: celles de Lewenhoek ont été détruites
par celles de M. de Buffon , cellesci
peuvent être détruites par d'autres ; dans
cette matiere obfcure on finit , comme dans
prefque toutes les autres , par douter.
fie
Les fectateurs de la philofophie corpufculaire
ne pardonneront pas aifément à
M. de Buffon d'avoir établi la poffibilité
de fes moules intérieurs fur la ruine du méchaniſme
univerfel , & d'avoir mieux ainé
expliquer la circulation du fang , le jeu des
muſcles , en général toute l'économie animale
par des qualités occultes femblables
aux caufes de la pefanteur , des attractions
magnétiques , &c. que par des principes
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
purement méchaniques ; cela pourroit faire
craindre , difent- ils , le retour du fiécle
d'Ariftote. Epicure créa la phyfique corpufculaire
; ne voyant dans la nature que
de la matiere & du mouvement , il ne
chercha pas d'autres caufes pour expliquer
tous les phénomenes ; mais n'ayant pas encore
affez de faits & d'obſervations , ce
principe lui manqua dans l'application ;
on crut pour lors que ce qu'on ne pouvoit
pas expliquer par les loix du méchanifme
ne s'opéroit pas par ces loix ; de là
l'horreur du vuide , de- là l'attraction , &c.
L'attraction , ce monftre métaphysique ,
dont on ne peut plus fe paffer dans la phy-.
fique célefte , s'eft introduite auffi dans la
chymie. Les affinités de M. Geoffroi ne
font que le même terme déguifé ; elles paroiffent
préfenter une idée plus fimple , &
n'en font pas moins inintelligibles . Nous
devons aux Anglois cet abus de l'attraction ,
auffi bien que celui du calcul : ils réduifent
tout en problêmes algébriques ; l'antique
fuperftition fur la fcience mystérieuse
des nombres femble renaître . Jean Craig
a ofé calculer les dégrés de probabilité
des principes du chriftianifme , & le décroiffement
de cette probabilité : felon fes
calculs , la religion ne peut plus durer que
1400 ans. L'eſtimable auteur de l'Hiftoire
DECEMBRE . 1754 29
critique de la philofophie a calculé auffi les
dégrés de force de la certitude morale . Le
Chevalier Petty , créateur de l'arithmétique
politique , a cru pouvoir foumettre à
l'algebre l'art même de gouverner les hommes.
Le résultat de quelques -uns de fes
calculs peut faire juger de leur folidité ;
il croit avoir démontré que le grand nombre
des impôts ne fçauroit être nuifible à
la fociété & au bien d'un Etat . Il a calculé
ce que valoit un homme en Angleterre ,
& il l'a évalué à 1300 livres environ de
notre monnoie. Un Philofophe fublime
qui connoît bien le prix des hommes , ajoute
qu'il y a des pays où un homme ne
vaut rien , & d'autres où il vaut moins
que rien ( a ) . La médecine n'a pas été à
l'abri des excurfions de la géométrie : aux
aphorifmes d'Hypocrate & de Boerhaave
on a fubftitué des formules algébriques ;
on a voulu évaluer le mouvement des fluides
dans le corps humain , la force des
nerfs & des mufcles confidérés comme des
cordes , des leviers d'un certain genre ,
des piftons , &c. Mais qu'avons nous gagné
à ces abus de la géométrie on l'a
détournée de fon véritable objet , & elle a
eu le fort de l'efprit de notre nation : elle
( a ) Efprit des loix , liv. XXIII . chap. XVII,
Bij
30 MERCURE DE FRANCE.
a perdu en profondeur ce qu'elle a gagné
en fuperficie , & je ne doute pas qu'elle
ne touche au moment de fa décadence ,
qui vient d'être prédite par un homme de
beaucoup d'efprit . Cette fcience qui n'étoit
qu'un inftrument entre les mains de Defcartes
& de Newton , & qui n'eft faite
que pour en fervir , étoit devenue une
fcience orgueilleufe qui s'étoit élevée fur
les débris des autres , fur ceux de la métaphyfique
fur tout , parce qu'il eft bien
plus facile d'apprendre à calculer qu'à raifonner.
Il est bien à fouhaiter que le goût
abufif du calcul ne fafle plus d'obſtacle au
retour de la métaphyfique , dont le flambeau
peut feul nous éclairer fur les nouvelles
erreurs que de faufles lumieres ont
introduites , & qui retardent fenfiblement
les progrès de la philofophie.
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Résumé : IDÉES DES PROGRÈS De la Philosophie en France.
Le texte discute des progrès rapides de la philosophie en France, notant que les autres sciences n'ont pas atteint le niveau de perfection des époques grecques et romaines. La philosophie moderne, bien que prometteuse, n'a pas encore révélé toutes les vérités de la nature. René Descartes, considéré comme le père de la philosophie moderne, a joué un rôle crucial en révolutionnant la pensée en détruisant l'aristotélisme et en proposant une nouvelle méthode pour étudier la nature. Il a uni différentes branches des sciences, comme l'astronomie, les mathématiques et la physique, et a appliqué l'algèbre à la géométrie et à la physique. Ses contributions ont marqué une époque brillante dans l'histoire de l'esprit humain. D'autres philosophes, comme Gassendi, ont combattu la scolastique et tenté de réformer la philosophie en s'inspirant d'Épicure. Le cartésianisme, bien que controversé, a gagné en popularité en Europe avec des partisans influents comme Rohault, Regis et Malebranche. Ce dernier a développé des idées métaphysiques complexes et a défendu le système des tourbillons de Descartes, donnant naissance à la secte des immatérialistes qui nient l'existence de la matière telle que nous la concevons. Fontenelle est loué pour avoir rendu la philosophie accessible et agréable, dépouillant ses aspects austères. Le texte compare les approches françaises et anglaises de la philosophie, soulignant que les Français traitent la philosophie de manière légère mais efficace, la rendant accessible et agréable. Le livre de Voltaire a suscité des réactions variées dans la communauté philosophique et scientifique. Les géomètres et les esprits éclairés, initialement humiliés, critiquèrent Voltaire, trouvant inconcevable qu'un poète puisse exceller en géométrie et en physique. Les critiques se réduisirent à des erreurs mineures et des épigrammes vagues, souvent dirigées contre Newton plutôt que contre Voltaire. Le Newtonianisme divisa les esprits, les cartésiens défendant les tourbillons avec acharnement, mais ces derniers tombèrent en disgrâce grâce aux efforts de M. de Fontenelle. Malgré certaines absurdités métaphysiques, le système newtonien fut adopté pour sa base factuelle et démonstrative, expliquant les mouvements des corps célestes et divers phénomènes. Madame du Châtelet soutint Leibnitz contre Newton, mais son ouvrage, bien que méthodique et précis, ne fit pas beaucoup de prosélytes. Elle laissa également une traduction de Newton avec des commentaires profonds. D'autres figures, comme Mlle Agnesi et M. de Reaumur, contribuèrent à la philosophie et à la physique expérimentale, cette dernière étant privilégiée par l'Académie des Sciences. Le texte critique l'approche de M. de Buffon, qui a proposé des explications pour la circulation du sang et l'économie animale en utilisant des qualités occultes similaires aux causes de la pesanteur et des attractions magnétiques, plutôt que des principes mécaniques. Cette méthode est comparée à celle d'Épicure, qui a créé la physique corpusculaire mais manquait de faits et d'observations pour l'appliquer correctement, menant à des concepts comme l'horreur du vide et l'attraction. Le texte dénonce également l'abus de l'attraction en chimie et l'influence des Anglais qui réduisent tout en problèmes algébriques. La médecine n'est pas épargnée, avec des formules algébriques remplaçant les aphorismes d'Hippocrate et de Boerhaave. Enfin, le texte déplore que la géométrie, autrefois un instrument au service de la philosophie, soit devenue une science orgueilleuse, détournée de son véritable objet.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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