Provenance du texte (27)
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Détail
Liste
Résultats : 27 texte(s)
1
p. 294-297
AUTRE ENIGME.
Début :
J'ay la mesme Mere que l'Homme ; [...]
Mots clefs :
Pot de terre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE ENIGME.
AUTRE ENIGME .
Jaylamesme Mere que l' Homme;
Chez mille Autheurs l'on me compare
à luys
Mon ufage merendfi commun aujourd'huy,
Qu'on me voit au "apon comme on -
me voit à Rome.
Se
Si je tombe, au moment qu'on me
donne le jour,
Mon Perepar un heureux tour,
Des débris de mon Corps fait une
Creature,
Qu'on peut dire mon Frere ; admirez
mon amour!
Pour purger les defauts de mapauvre
Nature,
GALANT 295
A peine fuis-je fait, qu'on me met
dans le feu;
I'y fouffre , j'y rougis , &je wy
plains unpeu,
Mais ma vie en devient & plusforte,
&pluspurc.
$2
Malgré mesfoins pour plaire en diverfesfaçons
,
Et malgré lesfecours que je donne
à la vie,
L'Homme jamais n'a l'ame plus
ravie,
Qu'en me voyantpres des tifons.
S&
Pour vous montrer combien j'aime
mon Perc,
Te le nourris quand il m'afait;
Pour le produire, helas , il entr'ouvre
ma Mere,
า .
Bb iiij
296 MERCURE
Etplus en me faifantfa main paroift
fevere,
Etplusjefuisparfait.
S&
Icfuis en bonne odeur felon qui je
fréquentes
Quelquefoisje fens bon , fouventje
fens mauvais;
Ie donne du dégonft, je donne des
attraits ,
Selon que le casfe préfente.
$2
L'onde & le feu , qui font élemens
oppofez,
Par mon moyen apprivoifez,
Pareiffent l'un & l'autre eftre d'accord
ensemble,
Quand dans mon corps j'affemble
Un Tout deplufieurs compofez.
GALANT 297
$2
Mais enfin , comme l'Homme , &
mortel, & fragile,
Selon quej'ayfouffert pendant que
jayvécu
Un soufle bienfouvent, ou le mindre
feftu,
Me tüe, & me rend inutile.
Jaylamesme Mere que l' Homme;
Chez mille Autheurs l'on me compare
à luys
Mon ufage merendfi commun aujourd'huy,
Qu'on me voit au "apon comme on -
me voit à Rome.
Se
Si je tombe, au moment qu'on me
donne le jour,
Mon Perepar un heureux tour,
Des débris de mon Corps fait une
Creature,
Qu'on peut dire mon Frere ; admirez
mon amour!
Pour purger les defauts de mapauvre
Nature,
GALANT 295
A peine fuis-je fait, qu'on me met
dans le feu;
I'y fouffre , j'y rougis , &je wy
plains unpeu,
Mais ma vie en devient & plusforte,
&pluspurc.
$2
Malgré mesfoins pour plaire en diverfesfaçons
,
Et malgré lesfecours que je donne
à la vie,
L'Homme jamais n'a l'ame plus
ravie,
Qu'en me voyantpres des tifons.
S&
Pour vous montrer combien j'aime
mon Perc,
Te le nourris quand il m'afait;
Pour le produire, helas , il entr'ouvre
ma Mere,
า .
Bb iiij
296 MERCURE
Etplus en me faifantfa main paroift
fevere,
Etplusjefuisparfait.
S&
Icfuis en bonne odeur felon qui je
fréquentes
Quelquefoisje fens bon , fouventje
fens mauvais;
Ie donne du dégonft, je donne des
attraits ,
Selon que le casfe préfente.
$2
L'onde & le feu , qui font élemens
oppofez,
Par mon moyen apprivoifez,
Pareiffent l'un & l'autre eftre d'accord
ensemble,
Quand dans mon corps j'affemble
Un Tout deplufieurs compofez.
GALANT 297
$2
Mais enfin , comme l'Homme , &
mortel, & fragile,
Selon quej'ayfouffert pendant que
jayvécu
Un soufle bienfouvent, ou le mindre
feftu,
Me tüe, & me rend inutile.
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3
p. 377-379
ENIGME.
Début :
Des deux nouvelles Enigmes que je vous envoye, la premiere / Je suis Fille de l'Air, sans corps quoy que j'en donne. [...]
Mots clefs :
Glace
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
Des deux nouvelles Enigmes
que je vous envoye , la premiere
eft de Mr de la Barre , de Tours
& l'autre , de la Fauvete de Morlaix.
J
ENIGME.
E fuis Fille de l'Air , fans corpe,i
quoy que j'en donne.
Les Dottes éclairés , mefententfans
me voir.
Fevrier 1684
蛋逗
378 MERCURE
I´ntiaque rout,je #'épargneperſonne
LesPauvres craignetmonpouvoir.
Des Riches , dans l'Eté les plaifirs
j'affaifonne,
Comine cela ſefait , chacun le peut
Sçavoir.
EYE KHS 2902 ) HOT
Quoy qu'un Rien , je produis une
Fille brillante, bourg alon@
asfliy
L'éclat qu'on voit en elle aux Saphirs
eft pareils
Mais malgrecet éclat qu'auxjeux elle
préſente,
Safierté demeure impuiſſante
Au moindre regard duSoleil
Cet Aftre eftant abfent , itn'estrien
qui ne meures
homlase
Tout languis ; l'Vnivers
fans luy n'a
point d'appas.paulyang
A
Afon abordtourrit , & tout chante.
y basi
GALANT. 379
Maſeule Fille, en le voyant , bélas !
S'évanouit , fe meurt, & mourant
zri\ielle plcuxe,
que je vous envoye , la premiere
eft de Mr de la Barre , de Tours
& l'autre , de la Fauvete de Morlaix.
J
ENIGME.
E fuis Fille de l'Air , fans corpe,i
quoy que j'en donne.
Les Dottes éclairés , mefententfans
me voir.
Fevrier 1684
蛋逗
378 MERCURE
I´ntiaque rout,je #'épargneperſonne
LesPauvres craignetmonpouvoir.
Des Riches , dans l'Eté les plaifirs
j'affaifonne,
Comine cela ſefait , chacun le peut
Sçavoir.
EYE KHS 2902 ) HOT
Quoy qu'un Rien , je produis une
Fille brillante, bourg alon@
asfliy
L'éclat qu'on voit en elle aux Saphirs
eft pareils
Mais malgrecet éclat qu'auxjeux elle
préſente,
Safierté demeure impuiſſante
Au moindre regard duSoleil
Cet Aftre eftant abfent , itn'estrien
qui ne meures
homlase
Tout languis ; l'Vnivers
fans luy n'a
point d'appas.paulyang
A
Afon abordtourrit , & tout chante.
y basi
GALANT. 379
Maſeule Fille, en le voyant , bélas !
S'évanouit , fe meurt, & mourant
zri\ielle plcuxe,
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4
p. 330
ENIGME.
Début :
Voicy une nouvelle Enigme. Elle est de Mr Hegron de Tours. / Un peu plus pâle que l'Aurore, [...]
Mots clefs :
Citron
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
Voicy une nouvelle Enigme.
Elle est de Me Hegron de Tours.
:
ENIGME .
Un pluspale quelAurare Jeſuisd'agreable couleur;
Je prens ma beauté, mafraîcheur,
Au noir & chaud Climat du Mores
Jenais, jevis ausein deFlore,
Dans leparfum de mon odeur;
Je réjouis & boucke& coeur,
Les Festins, les Festes j'honore.
Cher au Malade comme au Sain,
Leplus critique Medecin
Dema vertu vante l'usage;
Et touchant quatredes cing Sens,
Du Voluptueux & du Sage
F'anime lesplus languiſſans.
Elle est de Me Hegron de Tours.
:
ENIGME .
Un pluspale quelAurare Jeſuisd'agreable couleur;
Je prens ma beauté, mafraîcheur,
Au noir & chaud Climat du Mores
Jenais, jevis ausein deFlore,
Dans leparfum de mon odeur;
Je réjouis & boucke& coeur,
Les Festins, les Festes j'honore.
Cher au Malade comme au Sain,
Leplus critique Medecin
Dema vertu vante l'usage;
Et touchant quatredes cing Sens,
Du Voluptueux & du Sage
F'anime lesplus languiſſans.
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5
p. 121-130
LE LOUP, LE RENARD, ET LA MULE. FABLE.
Début :
Je vous envoye une Fable que vous trouverez aussi finement / Helas, que n'ay-je encor mon heureuse ignorance ! [...]
Mots clefs :
Loup, Renard, Mule, Ignorance, Instruit, Hasard, Ennui
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE LOUP, LE RENARD, ET LA MULE. FABLE.
Je vous envoye une Fable
que vous trouverez auffi finement
tournée que toutes
les autres que vous avez déja
leuës de M' de la Barre de
Tours. Vous me mandiez
qu'il vous ennuyoit de ne plus
rien voir de luy , & heureuſement
j'ay dequoy vous fatisfaire.
[ Fevrier 1685.
L
122 MERCURE
5252525252525252
LE LOUP,
LE RENARD,
ET LA MULE.
FABLE .
HElas, que n'ay-je encor mon
heureuse ignorance!
Qu'il m'eftfâcheux, Iris , d'eftre trop
bien inftruit!
Je vous aimois ,&j'avois l'espérance
Que par devoir oupar reconnoif-
Sance
Vous me feriez goûter le fruit
Que méritoient mesfeux, mesfoins
& ma conftance;
Mais aujourd'huy mon espoir eft
détruit,
GALANT. 123
Et par ce que vous m'avez dit
F'ay connu vostre coeur &fon indiférence.
`Hélas, que n'ay-je encor mon heureuſe
ignorance!
Qu'ilm'eftfâcheux, Iris, d'eftre trop
bien inftruit!
$2
Mon Rival a parfon abſence
Evité la trifle Sentence,
Qui le pouvoit réduire où me voila
réduit.
Il n'est pas plus aimé, j'y vois de l'aparence;
Maisfon malheur n'estpoint en évidence.
Fene goûteray plus l'espoir dont il
jouit:
Ah, trop malheureufefcience!
Voyez l'ennuy cruel que vous avez
produit.
Lij
124 MERCURE
Hélas que n'ay-je encor mon heureuſe
ignorance!
Qu'ilm'estfacheux, Iris , d'eftre trop
bien inftruit!
Sa
Ainfiparloit un pauvre Diable,
Trop curieux pourfon malheur,
Qui voulant lire au fond du coeur
D'une jeune Beauté qui n'étoit pas
traitable,
cc que le Loup
va voir dans
r vit ce
cette Fable.
25
Sire le Loup & Sire le Renard,
Animaux exerçans par tout la tyrannie
Se rencontrerent par hazard,
Tous deux ne cherchant point mauvaife
compagnie,
Nefe plaifantpas moins , qu'avec plus
méchans qu'eux;
GALANT. 125
Enfin donc, par hazard, s'étant trouvez
tous deux.
Apres quelque ceremonie,
Comme il convient à Gensfçachans
leur pain manger
.
Ils font un petit tour de promenade
enfemble.
Ilfautfçavoir comme un Berger,
A leur affecttousfes Moutons r'af-
Jemble,
Et comme tout Mananpour Volatille
tremble,
Renard & Loup, par tout conduisant
le
danger.
Ils marcherent parlant du beau icmps, ›
de la pluye,
Car Couple qui ne s'aime
Et qu'aucun commerce ne lie,
pas,
A des narrez bien longs trouvefort
peu d'appas..
Pour animer leur tefte- à- tefte,;
L
iij
126 MERCURE
3
Que n'ont- ils quelque Tiers ?un Tiers
eft un fecours,
Quifert beaucoup,lors que le Couple
eftbefte:
De cecy nous voyons lapreuve tous les
jours.
Ce Tiers à point nomméparut dans
un palage
Grave & penfif, mais qui n'étoit
pointfot,
Rouge de poil , de moyen Age,
C'eficit une Mule , en un mot.
Nos deux Meffieurs y viennent tout
en nage,
Pour accourir ils avoient pris le
trot.
Eftant un peu remis , le Loupfit la
Harangue
,
Mais, comme vousfçavez, il a mauvaife
langue,
Et ne pût pas perfuader
GALANT. 127
La Mule à découvrir comment elle
s'apelle.
Sire Renard, s'aproche plusprés d'elle ,
Afin de mieux luy demander
Ses qualités,fen nom, &fanaiffance ,
Car, ny le Loup , ny luy , n'eurent,
dit- il,jamais,
Ny l'honneur de la voir , ny de fa
connoiffance.
Avouray- je mon ignorance,
Dit la Mule ? excufez l'aveu queje
vous fais,
( Il est un peu d'une Pecore ).
Foy d'Animal d'honneur , je ne
fçay pas mon nom.
Bon , c'eft railler, dit le Loup.
Non,
Non, repartit la Mule, il eft vray,
je l'ignore,
Mes Parens, pour raiſon , ne me
l'ont point appris.
Liiij
128 MERCURE
D'un teldifcours nos Gens eftant
Surpris,
Tousdeux s'obtinerent encore
A la preffer àqui mieux mieux;
Mais la Mule en fçavoit plus
Roux.
Qui de vous deux fçait le
mieux lire,
Leur dit- elle?Le Loup luy dit d'abord,
c'eft moy.
Le Renard ne dit rien, voulantfça.
voir pourquoy
Se fait cette demande. A mon pied
de derriere ,
Dit la Mule , mon nom est écrit ,
lifez donc .
Qii , moy , dit le Renard ? lireje
ne fçûs onc ,
Difant ces mots , il tourna le der-
-riere.
Je lis comme un Doccur , Oh,
montrez , dit le Loup .
GALANT. 129
La Mule en luy montrant , vous luy
lache un grand coup
Defon Fer à crampons au milieu du
vifage,
Et de ce coup ilfut étendu roide
mort.
Tant pis pour vous , Signor
Dottor,
Dit le Renard ,fuyant fans parler,
davantage.
$2
Or fus , lequel est le plusfage
A voftre avis , de ces deux Animaux?
Je tiens pour le Renard , & pourfon.
ignorance,
Une fachenfe experience ,
Nous faifant voir , que fi par la
fcience
de bien, il vient beau-
Il vient un peu de bien,
coup de maux.
130 MERCURE
A propos de cette Fable,
vous ferez bien aife d'aprendre
que le S Blageart en doit
debiter un Recueil au commencement
du mois prochain
, fous le Tître de Fables
Nouvelles
. Je ne vous
puis dire qui en eft l'Autheur.
Je fçay feulement que plufieurs
Perfonnes d'efprit qui
les ont veuës , les eftiment
fort , & difent en les loüant,
que l'Illuftre M ' de la Fontaine
qui a pouffé ſi loin ce
genre d'écrire , les lira luymefme
avec plaifir .
que vous trouverez auffi finement
tournée que toutes
les autres que vous avez déja
leuës de M' de la Barre de
Tours. Vous me mandiez
qu'il vous ennuyoit de ne plus
rien voir de luy , & heureuſement
j'ay dequoy vous fatisfaire.
[ Fevrier 1685.
L
122 MERCURE
5252525252525252
LE LOUP,
LE RENARD,
ET LA MULE.
FABLE .
HElas, que n'ay-je encor mon
heureuse ignorance!
Qu'il m'eftfâcheux, Iris , d'eftre trop
bien inftruit!
Je vous aimois ,&j'avois l'espérance
Que par devoir oupar reconnoif-
Sance
Vous me feriez goûter le fruit
Que méritoient mesfeux, mesfoins
& ma conftance;
Mais aujourd'huy mon espoir eft
détruit,
GALANT. 123
Et par ce que vous m'avez dit
F'ay connu vostre coeur &fon indiférence.
`Hélas, que n'ay-je encor mon heureuſe
ignorance!
Qu'ilm'eftfâcheux, Iris, d'eftre trop
bien inftruit!
$2
Mon Rival a parfon abſence
Evité la trifle Sentence,
Qui le pouvoit réduire où me voila
réduit.
Il n'est pas plus aimé, j'y vois de l'aparence;
Maisfon malheur n'estpoint en évidence.
Fene goûteray plus l'espoir dont il
jouit:
Ah, trop malheureufefcience!
Voyez l'ennuy cruel que vous avez
produit.
Lij
124 MERCURE
Hélas que n'ay-je encor mon heureuſe
ignorance!
Qu'ilm'estfacheux, Iris , d'eftre trop
bien inftruit!
Sa
Ainfiparloit un pauvre Diable,
Trop curieux pourfon malheur,
Qui voulant lire au fond du coeur
D'une jeune Beauté qui n'étoit pas
traitable,
cc que le Loup
va voir dans
r vit ce
cette Fable.
25
Sire le Loup & Sire le Renard,
Animaux exerçans par tout la tyrannie
Se rencontrerent par hazard,
Tous deux ne cherchant point mauvaife
compagnie,
Nefe plaifantpas moins , qu'avec plus
méchans qu'eux;
GALANT. 125
Enfin donc, par hazard, s'étant trouvez
tous deux.
Apres quelque ceremonie,
Comme il convient à Gensfçachans
leur pain manger
.
Ils font un petit tour de promenade
enfemble.
Ilfautfçavoir comme un Berger,
A leur affecttousfes Moutons r'af-
Jemble,
Et comme tout Mananpour Volatille
tremble,
Renard & Loup, par tout conduisant
le
danger.
Ils marcherent parlant du beau icmps, ›
de la pluye,
Car Couple qui ne s'aime
Et qu'aucun commerce ne lie,
pas,
A des narrez bien longs trouvefort
peu d'appas..
Pour animer leur tefte- à- tefte,;
L
iij
126 MERCURE
3
Que n'ont- ils quelque Tiers ?un Tiers
eft un fecours,
Quifert beaucoup,lors que le Couple
eftbefte:
De cecy nous voyons lapreuve tous les
jours.
Ce Tiers à point nomméparut dans
un palage
Grave & penfif, mais qui n'étoit
pointfot,
Rouge de poil , de moyen Age,
C'eficit une Mule , en un mot.
Nos deux Meffieurs y viennent tout
en nage,
Pour accourir ils avoient pris le
trot.
Eftant un peu remis , le Loupfit la
Harangue
,
Mais, comme vousfçavez, il a mauvaife
langue,
Et ne pût pas perfuader
GALANT. 127
La Mule à découvrir comment elle
s'apelle.
Sire Renard, s'aproche plusprés d'elle ,
Afin de mieux luy demander
Ses qualités,fen nom, &fanaiffance ,
Car, ny le Loup , ny luy , n'eurent,
dit- il,jamais,
Ny l'honneur de la voir , ny de fa
connoiffance.
Avouray- je mon ignorance,
Dit la Mule ? excufez l'aveu queje
vous fais,
( Il est un peu d'une Pecore ).
Foy d'Animal d'honneur , je ne
fçay pas mon nom.
Bon , c'eft railler, dit le Loup.
Non,
Non, repartit la Mule, il eft vray,
je l'ignore,
Mes Parens, pour raiſon , ne me
l'ont point appris.
Liiij
128 MERCURE
D'un teldifcours nos Gens eftant
Surpris,
Tousdeux s'obtinerent encore
A la preffer àqui mieux mieux;
Mais la Mule en fçavoit plus
Roux.
Qui de vous deux fçait le
mieux lire,
Leur dit- elle?Le Loup luy dit d'abord,
c'eft moy.
Le Renard ne dit rien, voulantfça.
voir pourquoy
Se fait cette demande. A mon pied
de derriere ,
Dit la Mule , mon nom est écrit ,
lifez donc .
Qii , moy , dit le Renard ? lireje
ne fçûs onc ,
Difant ces mots , il tourna le der-
-riere.
Je lis comme un Doccur , Oh,
montrez , dit le Loup .
GALANT. 129
La Mule en luy montrant , vous luy
lache un grand coup
Defon Fer à crampons au milieu du
vifage,
Et de ce coup ilfut étendu roide
mort.
Tant pis pour vous , Signor
Dottor,
Dit le Renard ,fuyant fans parler,
davantage.
$2
Or fus , lequel est le plusfage
A voftre avis , de ces deux Animaux?
Je tiens pour le Renard , & pourfon.
ignorance,
Une fachenfe experience ,
Nous faifant voir , que fi par la
fcience
de bien, il vient beau-
Il vient un peu de bien,
coup de maux.
130 MERCURE
A propos de cette Fable,
vous ferez bien aife d'aprendre
que le S Blageart en doit
debiter un Recueil au commencement
du mois prochain
, fous le Tître de Fables
Nouvelles
. Je ne vous
puis dire qui en eft l'Autheur.
Je fçay feulement que plufieurs
Perfonnes d'efprit qui
les ont veuës , les eftiment
fort , & difent en les loüant,
que l'Illuftre M ' de la Fontaine
qui a pouffé ſi loin ce
genre d'écrire , les lira luymefme
avec plaifir .
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Résumé : LE LOUP, LE RENARD, ET LA MULE. FABLE.
La lettre, datée de février 1685, accompagne une fable intitulée 'Le Loup, le Renard et la Mule'. L'expéditeur répond à une demande de son destinataire, qui s'ennuyait de ne plus recevoir de nouvelles de M. de la Barre de Tours. La fable narre la rencontre fortuite entre un loup et un renard, deux animaux tyranniques, qui se promènent ensemble par ennui. Ils croisent une mule qui ignore son propre nom. Le loup et le renard tentent de découvrir ce nom. La mule les défie de lire son nom écrit sur son pied arrière. Le loup accepte et se fait frapper par le fer à crampons de la mule, ce qui le tue. Le renard, plus prudent, refuse et s'enfuit. La morale de la fable suggère que la prudence et l'ignorance peuvent parfois éviter des maux. La lettre mentionne également qu'un certain S. Blageart publiera prochainement un recueil de fables nouvelles, appréciées par plusieurs personnes d'esprit, et que même l'illustre M. de la Fontaine les lirait avec plaisir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 33-49
OENOPHILE CONTE.
Début :
Je vous envoye un Conte nouveau de Mr de la / Toutes les Grandeurs de la Terre [...]
Mots clefs :
Terre, Histoire, Rêve, Morale, Fortune, Gueux, Prédicateur, Conteur, Courtisans, Bonté, Duc, Enchantements, Galanterie, Catastrophe, Orgueil, Vainqueur, Opéra, Trône, Valets
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : OENOPHILE CONTE.
Je vous envoye un Conte
nouveau de M' de la Barre de
Tours. Ses Galans Ouvrages
ont tant d'agrément , & vous
avez toûjours pris tant de
plaifir à les lire , que je croy
vous en procurer un fort
grand , en vous faiſant part
de celuy- cy.
34 MERCURE
$25552555-2552 555
CNOPHILE
T
CONTE.
Outes les Grandeurs dé la
Terre
Sont auffifragiles que verre,
( De tel propos je n'auray pas les
Gants)
Etl'Hiftoirefournit mainte& mainte
Avanture
Parmy les Petits & les Grands,
Qui montre ce propos n'eftre pas imposture..
Suivons donc. Les grandeurs de l'Hu
maine Nature
N'ont rien que de prest àfinir;
Un mefme inftant les voit naiftre
& mourir;
GALANT. 35
C'est un refve qui plaist dans le moment
qu'il dure,
Etqui laiffe àfafuite un fâcheuxfou
venir;
C'est un abus, une peinture,
Une idée, unfantôme, une ombre,;
enfin un rien..
Quelque Cenfeur me defavoie,.
Et traite ma Morale en Morale de
Chien.
Quoy, ce gros Financier, dira- t- il,
&fon Bien
•
Sont des Chanfons ? Hé- oy. C'eft à
tort qu'on le loüc;
Je vais le montrer aujourd'huy;
Et le gueux Oenophile au milieu de fa
boue,
Quandil a bûdix coups , eftplus heureux
queluy.
Pafchal, un Autheur d'importance,
Dansfes Ecrits met peu de diférence
36 MERCURE
Entre le Gueux refvant la nuit
Poffederfous fon Toit tous les tréfors
de France,
Et le Riche avesfa Finance
Enpauvretéqui refve eftre réduit.
De Fortune en effet n'est - ce pas une
niche,
Que le dormir, & du Pauvre , & du
Riche?
Pourquoy ne pas dans lefommeil
Laiffer le Gueux , dont le réveil
Renouvelle les maux ? ou bien tout aw
contraire,
Pourquoy faire dormir qui doit veiller
toûjours?
Maisfans m'embarraffer àfaire .
De longs, & par ainfi defort mauvais
difcours;
Longs & mauvais , c'est affezpour
déplaire,
Quand onfait le Prédicateur.
GALANT.
37
e
Ne prefchons plus ; parlons d'une
autre Affaire,
Erplûtost devenons Conteur;
Car un Conte, fuft- il un Conte à la
Cigogne,
Vaut
toûjoursmieux qu'un
ennuyeux
Sermon.
Se
Difons done, que du temps de Philippe
le
Bon,
( Ce Philippe le Bon eftoit Duc de
Bourgogne )
Avint un certain Fait
Affez plaisant, & digne de mémoire,
Etpour moralifer un affezjoly trait,
Au
demeurant tres- vray, je l'ay lu
dans l'
Hiftoires
Quiconque ne me voudra croire,
La peut lire àfon tour. Philippé par
hazard
Dans letemps qu'on boit àla neige,
38 MERCURE
C'est à dire l'Eré) fuivy d'ungros
Cortége,
S'enrevenoitfert tard,
Apres avoirfait un tour du Rampart
DeBezançon, promenade ordinaire
Qu'avec fes Courtisans le bon Duc
fouloitfaire.
En traverfant la Rüe, il aperceut un
Gueux,
Faifant vilaine može,
Déchiré , plein defang, hideux,
Renverfe fur un tas de boue.
Cet objet émutle bon Duc,
Qui penfa que le Gueux tomboit du
malcaduci
Et comme il eftoit charitable,
Etpourtousfes Sujetsplein d'extréme
bonté,
Il voulut que ce Miſérable
Defon bourbier dés l'inſtantfuſt ôté,
Et bienplus, il voulut, pour eftre décroté
GALANT. 39
Qu'au Palais ilfust emporté.
Au premierappareil on connut Oenophile,
Fameux Beuveur, qui n'avoitpour
métier
Que defefferdu Vinde Quartieren
Quartier,
Etque de promener une foif inutile
Dans les Tavernes de la ville,
D'oùfortantfans avoir le moyen de
payer,
N'ayant pas vaillant une obole,
Tvremortildormoit dans le premier
bourbier.
Quand le Ducfceur qu'eftoit le
Drôle,
Car le nom d'Oenophile en tous lieux
faifoit bruit,
Et defes Faits en Vin chacun eftoit
inftruit )
Il luy fit préparer un aſſez plaisant
rôle,
40 MERCURE
Ilordonna qu'ilfustfrifé,
Mufqué, frotté, lavé, poudré, peigné,
razé,
Proprement
aromatizé
.
( Précaution
fort néceſſaire
Pour ce qu'on vouloitfaire )
Ilfut couchédans unfuperbe Lit,
Avecles Ornemens de nuit
Qu'on donne àGensde confequence,
Dontje tais la magnificence.
Pour la marquer en un mot, ilsuffit
Que le Duc de Bourgogne.
Ordonna qu'on traitast comme luy cet
Yvrogne.
Chacunfe retira pour predrefon repos ,
Laiffant au lendemain le refte.
La nuitfur le Palaisjetta d'heureux
Pavots ,
Tout dormit à merveille ; aucun refve
funefte,
ExcitéparBacchus &fa douce vapeur,
GALANT. 41
N'embarraffale cerveau du Beaveur.
Le Phabetor des Gens quife plaisent à
boire,
Luyparut mille fois verfant à pleines
mains
Parfa Corne d'yvoire
Tous les refves plaifans qu'il prodigue
aux Humains.
L'Aurore dont l'éclat embellit toutes
chofes,
Avoit, pourmarquer le retour
Du Dieu qui tous les jours du Monde
fait le tour,
Parfumé tous les airs de Fafmins &
de Rofes,
Cela veut dire en Profe, il eftoitjour-
Vous Seaurez que qui verfifie,
Je veux dire les Gens qu'Apollon
deifie,
Peuvent impunément s'exprimerpas
rébus,
Mars
1685,
42. MERCURE
Ouparmots qu'en François nous appellons
Phébus.
Dans mes Contes parfois je mele ce
langage,
Qui paroist tant.foit peu guindés :
Mais quoy ?jervais comejefurs guidé,
Sire Apollon pour moy n'en fait pas
davantage.
Nous avons defon Litfaitfortir le
Soleil,
Allons en Courtifan habile
Nous trouver au Levé du Seigneur
acnophile,
Et nousfaurons quelferafon réveil.
Imaginez vous lafurpriſe
D'un Gueux qui n'avoit pas vaillant
une Chemife,
Et qui (fouvent couchédehors)
Se trouve en Draps de lin bordez de
Point d'Espagne
,
Et comme un Prince de Cocagne,
GALANT. 43
Se voit environné des plus riches tréfors.
En croira- t - ilfes yeux ? Il n'oſe.
Est- ce un enchantement ? Est- ce métemplycofe,
Illufion, metamorphofe?
Par quei heureux deftin eft - il Grand
devenu;
Luy qui naguere eftoit tout nud?
Pendant qu'à débrouiller tel Cabos ili
s'applique,
Une douce Mufique.
Acheva de troubler fa petite raison;
Il ne pût s'empefcher de dire une
Oraifon
Qu'ilfçavoit contre l'Art Ma--
gigner
S'il eust crû goufter dans ces lieux
Des douceurs à la finfemblables aux
premieres,
Ilnefe pouvoit rien de mieux;
Dij
44 MERCURE
Mais il craignoit les Etrivieres,
Catastrophe où fouvent aboutit le
plaifir
De pareille galanterie.
De malle-peur ilfe fentitfaifir, ve
Eftimant, pis encor, que cefust Diablerie.
En Bourgogne en ce temps.couroient
des Farfadets,
Autrement dits Efprits Follets ,
Qui n'entendoient point raillerie,
Fougueux comme les Gens qui battent
leurs Valets.
Achevons. Ilentra quatre Pages bien
faits,
Maistre d' Hoftel, une autre Troupes
De Valets de pied , de Laquais,
Dont l'un tenoit une Soucouppe,
L'autre une Ecuelle- oreille avec un
Confommé.
Voicy, luy dit un Gentilhomme,
GALANT.
45
Voftre Bouillon accoûtumé,
Monfeigneur. Il leprit tout come
Si veritablement il eut tous les matins
Fait telmétier. Aifément l'habitude
Se feroit à tels Mets ; & quand d'heu
reux deftins
Succédent au mal le plus rude,
On s'accoutume avec facilité
Au bien que l'on n'a pointgoufté.
Bien plus , à noftre compte
Lebien qui nous vient nous eft dû;
Etfi quelque chagrin nous vient, tout
estperdu.
Mais heureux mille fois l'Homme qui
fefurmonte,
Et quifagementfe contient,
Quandle bien ou le mal luy vient!
Par tropje moralife ;
Wenons au Fait. Le Duc Philippefe
déguife ,
Et. vient accompagné de trente Cour
tifans
46 MERCURE
1
Sous autant de déguiſemens.
Chacun luy fait la révérence,
Luy vientfouhaiter le bonjour,
Et tout de mefme quà la Cour,
Luy dit autrement qu'il ne penfe ..
On l'habillefuperbement;
Tous les Bijoux du Ducfirent l'ajuste--
ment.
C'étoient Canons de Point de Géne.
( Génes lors s'amuſoit à fabriquer du
Point,
Etfon orgueil n'attiroitpoint
De Bombe à feu Grégeoisfurfafuperbe
arénej
Enfin pourtrancher court, l'Yvrogne
eftoitbrillant .
Autant
que
le Soleil levant;
Et Bacchus revenant des Climats dee
l'Aurore,
ParoiffoitmoinsVainqueur que luya.
Maispourrendre parfait ce Spectacles
inouy,
GALANT. 47
Ilmanquoit quelque chofe encores ›
C'ist que les Dames du Palais
Vinffent avec tous leurs attraits;
Ce quije fit.Ce dernier trait l'acable,.
Mais il revint dans un moment
Defon étonnement,
Quand on le fit paffer dans un Apar
tement,
Qui luy parut d'autant plus agreable:
Qu'ily vit uneTable
Qu'onfervoit magnifiquement.
Il nefoupçonna plus que cefust Dia
blerie,
Quand ilfe vitplacé dans l'endroit
leplus haut,
Oùfans fe déferrer il mangea comme
il faut,
Commençant à trouver l'invention.
jolie.
Dans cette Cour
Adiférensplaifirs onpaffa tout le jour
48 MERCURE
Comme au Bal, comme au feu, comme
à la Comédie,
On comme à l'Opéra. Mais non ; dans
ce temps - là
On ne connoifoit point ce que c'est
qu'Opera.
Bref, onfe divertit à ce qu'on eut
envie,
Fufqu'à ce que le Soleilſe coucha.
Onfervit le Souper, Oenophile foupas
Ily beut trop, ils'yfoula,
Sibien qu'il s'y couvritla vie,
Et fa Principautépar ce tropfut per
düe ;
Ce qui fit qu'à l'instant on le desha
billa,
De fes Haillons on lepouilla;
Quatre Valets de pied le portent dans
la Rüe,
Au mefme endroit d'où le Duc le
tira.
Voila
GALANT. 49
Voila comment la Fortune fe jouë,
Aujourd hayfur le Trône, & demain
dans la bouë.
Que nefçay je comment Oenophile
20 parla E
Dansle moment qu'il s'éveilla!
nouveau de M' de la Barre de
Tours. Ses Galans Ouvrages
ont tant d'agrément , & vous
avez toûjours pris tant de
plaifir à les lire , que je croy
vous en procurer un fort
grand , en vous faiſant part
de celuy- cy.
34 MERCURE
$25552555-2552 555
CNOPHILE
T
CONTE.
Outes les Grandeurs dé la
Terre
Sont auffifragiles que verre,
( De tel propos je n'auray pas les
Gants)
Etl'Hiftoirefournit mainte& mainte
Avanture
Parmy les Petits & les Grands,
Qui montre ce propos n'eftre pas imposture..
Suivons donc. Les grandeurs de l'Hu
maine Nature
N'ont rien que de prest àfinir;
Un mefme inftant les voit naiftre
& mourir;
GALANT. 35
C'est un refve qui plaist dans le moment
qu'il dure,
Etqui laiffe àfafuite un fâcheuxfou
venir;
C'est un abus, une peinture,
Une idée, unfantôme, une ombre,;
enfin un rien..
Quelque Cenfeur me defavoie,.
Et traite ma Morale en Morale de
Chien.
Quoy, ce gros Financier, dira- t- il,
&fon Bien
•
Sont des Chanfons ? Hé- oy. C'eft à
tort qu'on le loüc;
Je vais le montrer aujourd'huy;
Et le gueux Oenophile au milieu de fa
boue,
Quandil a bûdix coups , eftplus heureux
queluy.
Pafchal, un Autheur d'importance,
Dansfes Ecrits met peu de diférence
36 MERCURE
Entre le Gueux refvant la nuit
Poffederfous fon Toit tous les tréfors
de France,
Et le Riche avesfa Finance
Enpauvretéqui refve eftre réduit.
De Fortune en effet n'est - ce pas une
niche,
Que le dormir, & du Pauvre , & du
Riche?
Pourquoy ne pas dans lefommeil
Laiffer le Gueux , dont le réveil
Renouvelle les maux ? ou bien tout aw
contraire,
Pourquoy faire dormir qui doit veiller
toûjours?
Maisfans m'embarraffer àfaire .
De longs, & par ainfi defort mauvais
difcours;
Longs & mauvais , c'est affezpour
déplaire,
Quand onfait le Prédicateur.
GALANT.
37
e
Ne prefchons plus ; parlons d'une
autre Affaire,
Erplûtost devenons Conteur;
Car un Conte, fuft- il un Conte à la
Cigogne,
Vaut
toûjoursmieux qu'un
ennuyeux
Sermon.
Se
Difons done, que du temps de Philippe
le
Bon,
( Ce Philippe le Bon eftoit Duc de
Bourgogne )
Avint un certain Fait
Affez plaisant, & digne de mémoire,
Etpour moralifer un affezjoly trait,
Au
demeurant tres- vray, je l'ay lu
dans l'
Hiftoires
Quiconque ne me voudra croire,
La peut lire àfon tour. Philippé par
hazard
Dans letemps qu'on boit àla neige,
38 MERCURE
C'est à dire l'Eré) fuivy d'ungros
Cortége,
S'enrevenoitfert tard,
Apres avoirfait un tour du Rampart
DeBezançon, promenade ordinaire
Qu'avec fes Courtisans le bon Duc
fouloitfaire.
En traverfant la Rüe, il aperceut un
Gueux,
Faifant vilaine može,
Déchiré , plein defang, hideux,
Renverfe fur un tas de boue.
Cet objet émutle bon Duc,
Qui penfa que le Gueux tomboit du
malcaduci
Et comme il eftoit charitable,
Etpourtousfes Sujetsplein d'extréme
bonté,
Il voulut que ce Miſérable
Defon bourbier dés l'inſtantfuſt ôté,
Et bienplus, il voulut, pour eftre décroté
GALANT. 39
Qu'au Palais ilfust emporté.
Au premierappareil on connut Oenophile,
Fameux Beuveur, qui n'avoitpour
métier
Que defefferdu Vinde Quartieren
Quartier,
Etque de promener une foif inutile
Dans les Tavernes de la ville,
D'oùfortantfans avoir le moyen de
payer,
N'ayant pas vaillant une obole,
Tvremortildormoit dans le premier
bourbier.
Quand le Ducfceur qu'eftoit le
Drôle,
Car le nom d'Oenophile en tous lieux
faifoit bruit,
Et defes Faits en Vin chacun eftoit
inftruit )
Il luy fit préparer un aſſez plaisant
rôle,
40 MERCURE
Ilordonna qu'ilfustfrifé,
Mufqué, frotté, lavé, poudré, peigné,
razé,
Proprement
aromatizé
.
( Précaution
fort néceſſaire
Pour ce qu'on vouloitfaire )
Ilfut couchédans unfuperbe Lit,
Avecles Ornemens de nuit
Qu'on donne àGensde confequence,
Dontje tais la magnificence.
Pour la marquer en un mot, ilsuffit
Que le Duc de Bourgogne.
Ordonna qu'on traitast comme luy cet
Yvrogne.
Chacunfe retira pour predrefon repos ,
Laiffant au lendemain le refte.
La nuitfur le Palaisjetta d'heureux
Pavots ,
Tout dormit à merveille ; aucun refve
funefte,
ExcitéparBacchus &fa douce vapeur,
GALANT. 41
N'embarraffale cerveau du Beaveur.
Le Phabetor des Gens quife plaisent à
boire,
Luyparut mille fois verfant à pleines
mains
Parfa Corne d'yvoire
Tous les refves plaifans qu'il prodigue
aux Humains.
L'Aurore dont l'éclat embellit toutes
chofes,
Avoit, pourmarquer le retour
Du Dieu qui tous les jours du Monde
fait le tour,
Parfumé tous les airs de Fafmins &
de Rofes,
Cela veut dire en Profe, il eftoitjour-
Vous Seaurez que qui verfifie,
Je veux dire les Gens qu'Apollon
deifie,
Peuvent impunément s'exprimerpas
rébus,
Mars
1685,
42. MERCURE
Ouparmots qu'en François nous appellons
Phébus.
Dans mes Contes parfois je mele ce
langage,
Qui paroist tant.foit peu guindés :
Mais quoy ?jervais comejefurs guidé,
Sire Apollon pour moy n'en fait pas
davantage.
Nous avons defon Litfaitfortir le
Soleil,
Allons en Courtifan habile
Nous trouver au Levé du Seigneur
acnophile,
Et nousfaurons quelferafon réveil.
Imaginez vous lafurpriſe
D'un Gueux qui n'avoit pas vaillant
une Chemife,
Et qui (fouvent couchédehors)
Se trouve en Draps de lin bordez de
Point d'Espagne
,
Et comme un Prince de Cocagne,
GALANT. 43
Se voit environné des plus riches tréfors.
En croira- t - ilfes yeux ? Il n'oſe.
Est- ce un enchantement ? Est- ce métemplycofe,
Illufion, metamorphofe?
Par quei heureux deftin eft - il Grand
devenu;
Luy qui naguere eftoit tout nud?
Pendant qu'à débrouiller tel Cabos ili
s'applique,
Une douce Mufique.
Acheva de troubler fa petite raison;
Il ne pût s'empefcher de dire une
Oraifon
Qu'ilfçavoit contre l'Art Ma--
gigner
S'il eust crû goufter dans ces lieux
Des douceurs à la finfemblables aux
premieres,
Ilnefe pouvoit rien de mieux;
Dij
44 MERCURE
Mais il craignoit les Etrivieres,
Catastrophe où fouvent aboutit le
plaifir
De pareille galanterie.
De malle-peur ilfe fentitfaifir, ve
Eftimant, pis encor, que cefust Diablerie.
En Bourgogne en ce temps.couroient
des Farfadets,
Autrement dits Efprits Follets ,
Qui n'entendoient point raillerie,
Fougueux comme les Gens qui battent
leurs Valets.
Achevons. Ilentra quatre Pages bien
faits,
Maistre d' Hoftel, une autre Troupes
De Valets de pied , de Laquais,
Dont l'un tenoit une Soucouppe,
L'autre une Ecuelle- oreille avec un
Confommé.
Voicy, luy dit un Gentilhomme,
GALANT.
45
Voftre Bouillon accoûtumé,
Monfeigneur. Il leprit tout come
Si veritablement il eut tous les matins
Fait telmétier. Aifément l'habitude
Se feroit à tels Mets ; & quand d'heu
reux deftins
Succédent au mal le plus rude,
On s'accoutume avec facilité
Au bien que l'on n'a pointgoufté.
Bien plus , à noftre compte
Lebien qui nous vient nous eft dû;
Etfi quelque chagrin nous vient, tout
estperdu.
Mais heureux mille fois l'Homme qui
fefurmonte,
Et quifagementfe contient,
Quandle bien ou le mal luy vient!
Par tropje moralife ;
Wenons au Fait. Le Duc Philippefe
déguife ,
Et. vient accompagné de trente Cour
tifans
46 MERCURE
1
Sous autant de déguiſemens.
Chacun luy fait la révérence,
Luy vientfouhaiter le bonjour,
Et tout de mefme quà la Cour,
Luy dit autrement qu'il ne penfe ..
On l'habillefuperbement;
Tous les Bijoux du Ducfirent l'ajuste--
ment.
C'étoient Canons de Point de Géne.
( Génes lors s'amuſoit à fabriquer du
Point,
Etfon orgueil n'attiroitpoint
De Bombe à feu Grégeoisfurfafuperbe
arénej
Enfin pourtrancher court, l'Yvrogne
eftoitbrillant .
Autant
que
le Soleil levant;
Et Bacchus revenant des Climats dee
l'Aurore,
ParoiffoitmoinsVainqueur que luya.
Maispourrendre parfait ce Spectacles
inouy,
GALANT. 47
Ilmanquoit quelque chofe encores ›
C'ist que les Dames du Palais
Vinffent avec tous leurs attraits;
Ce quije fit.Ce dernier trait l'acable,.
Mais il revint dans un moment
Defon étonnement,
Quand on le fit paffer dans un Apar
tement,
Qui luy parut d'autant plus agreable:
Qu'ily vit uneTable
Qu'onfervoit magnifiquement.
Il nefoupçonna plus que cefust Dia
blerie,
Quand ilfe vitplacé dans l'endroit
leplus haut,
Oùfans fe déferrer il mangea comme
il faut,
Commençant à trouver l'invention.
jolie.
Dans cette Cour
Adiférensplaifirs onpaffa tout le jour
48 MERCURE
Comme au Bal, comme au feu, comme
à la Comédie,
On comme à l'Opéra. Mais non ; dans
ce temps - là
On ne connoifoit point ce que c'est
qu'Opera.
Bref, onfe divertit à ce qu'on eut
envie,
Fufqu'à ce que le Soleilſe coucha.
Onfervit le Souper, Oenophile foupas
Ily beut trop, ils'yfoula,
Sibien qu'il s'y couvritla vie,
Et fa Principautépar ce tropfut per
düe ;
Ce qui fit qu'à l'instant on le desha
billa,
De fes Haillons on lepouilla;
Quatre Valets de pied le portent dans
la Rüe,
Au mefme endroit d'où le Duc le
tira.
Voila
GALANT. 49
Voila comment la Fortune fe jouë,
Aujourd hayfur le Trône, & demain
dans la bouë.
Que nefçay je comment Oenophile
20 parla E
Dansle moment qu'il s'éveilla!
Fermer
Résumé : OENOPHILE CONTE.
Le texte est une lettre accompagnant un conte de M. de la Barre de Tours, connu pour ses œuvres agréables. Le conte commence par une réflexion sur la fragilité des grandeurs terrestres, illustrée par des exemples historiques. Il met en scène un dialogue entre un galant et un censeur, ce dernier critiquant la morale du conte. Le galant répond que les richesses sont éphémères et que le bonheur peut être trouvé même dans la pauvreté. L'histoire se déroule du temps de Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Un soir, Philippe découvre un gueux nommé Oenophile, ivre et endormi dans la boue. Ému par sa condition, Philippe ordonne de l'amener au palais, où Oenophile est lavé, habillé et traité comme un prince. Le lendemain, Oenophile se réveille entouré de richesses et de luxe, croyant d'abord à un enchantement. Il est servi par des pages et des valets, et Philippe, déguisé, lui rend visite avec sa cour. Oenophile passe la journée à profiter des plaisirs de la cour, mais le soir, il est ramené à son état initial, habillé en haillons et déposé dans la rue. Ce conte illustre la volatilité de la fortune, qui peut élever ou abaisser les individus en un instant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 68-74
LES ARBRES CHOISIS PAR LES DEUX. FABLE.
Début :
Parmy les Fables nouvelles que le Sieur Blageart debite, & / Tout ce qui reluit n'est pas or, [...]
Mots clefs :
Arbres, Prudence, Fruits, Fleurs, Automne, Cieux, Univers, Plantes, Enfants, Minerve
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES ARBRES CHOISIS PAR LES DEUX. FABLE.
Parmy les Fables nouvel
les que le Sieur Blageart debite
, & qui ſont ſi eſtimées
du Public , il y en a une qui
porte pour titre , Les Arbres
choifis par les Dieux. M' de la
Barre de Tours a mis en Vers
cette même Fable. Je vous
GALANT. 69
l'envoye.Vous ferez ſans doute
bien aiſe de voir comment
deux Autheurs , qui ont tous
deux beaucoup de talent à
bien conter , auront traité la
meſme matiere.
Szsssess S2552 SSS
LES ARBRES
CHOISIS PAR LES DIEUX.
FABLE.
Tout ce qui veluit n'estpas or, 2
C'est une verité dont on tombe d'accord.
Si vous voulez avec prudences
70 MERCURE
Fugerd'un objettel qu'il eſt's
Regardez s'il est bon ,Sans trop voir
s'il vous plaiſt,
Etne voustrompez pas àlasimple apparence.
Confiderez levray , ne pensez point
au beau,
Au plaisant préferez l'utile,
Lesfruits aux fleurs, lefecond au
Sterile,
LeSolide au brillant , l'Automne au
Renouveau.
Sima Morale eft veritable,
Fen croy le sens commun , j'en croy
mesme.la Fable..
52
Un jour Jupin &tous les autres
Dicux,
Dans la grande SaledesCicux,
Tinrent le divin Conſiſtoire...
Ony traita milleſujets divers
GALANT. 71
Qui concernoient la Police & la
gloire
De ce vaste Univers .
Quand on parlades Arbres& des
Plantes,
Et de leurs Ames vegetantes,
Onfit , dans ce Conseil d'Etat,
De creux raisonnemens , car fur chas
quemiftere
Comme l'on peutjuger , les Dieux en
Sçaventfaire,
Mais creux ou non , voicy le réful.
tat.
Sçavoir, que chacun d'eux fist un
choix volontaire
De l' Arbre qui pourroit luy plaire,
Pour ensuitele proteger,
Etle garderde tout danger,
Comme dufeu du Ciel , des Vents,
des Orages,
Des Eaux, des longs Hyvers , & des
autresravages
72 MERCURE
Le Chesne fur ce pied futchoisi par
Fupin,
Cibelle aprés luy prit le Pin,
Apollon le Dieu de la Live
Pour certaines raisons , s'appliqua le
Laurier,
Hercule le haut Peuplier,
Dame Cypris quifait que d'amouron
Soupire
Prit avec ſon Enfant les Myrthes
amoureuх:
Enfin , àqui pis pis , &non àqui
mieux mieux
Chacun choisit àboulle- veuë.
Minerve dont au Ciel laſageſſe eft
connue,
S'écria d'un air furieux
Non , je ne puis fouffrir une telle
béveuë
Voſtre Conſeil a la berluë,
Et voſtre choixeſt indigne des
Dieux. Pren
F
GALANT. 73
Prendre des Plantes inutiles,
Arbres ſans rapport, infertiles,
Etpropres à jetter au feu .
Pins & Lauriers, Peupliers,Myr.
thes , Cheſnes,
Ne font - ce pas des Plantes
vaines?
Pourquoy donc les choiſir ? Arreſtez-
vous un peu
Ma fille, dit fupin, ſçachez noſtre
penſée.
Noſtre protection ſembloit intéreffée
En la donnant aux Arbres portant
fruits ;
Nous ne voulons rien davantage
Que l'écorce & que le feüilla.
ge;
Il eſt des Dieux puiſſans de proteger
gratis.
Avril 1685. G
24. MERCURE
C'eſt pouffer un peu loin voſtre
délicateſſe,
Dit Minerve , je fais confifter ma
fagefle
A faire un choix qu'approuve la
raifon:
J'ay choiſi l'Olivier,j'en trouve le
fruitbon ,
Le feüillage m'en plaift ..... Que
Minerve eſt aimable !
Interrompit Jupin en l'embras-
Sant
Ouy , ma fille , c'eſt peu que d'aimer
le plaiſant
Joignons pour eſtre heureux l'utile
à l'agréable.
les que le Sieur Blageart debite
, & qui ſont ſi eſtimées
du Public , il y en a une qui
porte pour titre , Les Arbres
choifis par les Dieux. M' de la
Barre de Tours a mis en Vers
cette même Fable. Je vous
GALANT. 69
l'envoye.Vous ferez ſans doute
bien aiſe de voir comment
deux Autheurs , qui ont tous
deux beaucoup de talent à
bien conter , auront traité la
meſme matiere.
Szsssess S2552 SSS
LES ARBRES
CHOISIS PAR LES DIEUX.
FABLE.
Tout ce qui veluit n'estpas or, 2
C'est une verité dont on tombe d'accord.
Si vous voulez avec prudences
70 MERCURE
Fugerd'un objettel qu'il eſt's
Regardez s'il est bon ,Sans trop voir
s'il vous plaiſt,
Etne voustrompez pas àlasimple apparence.
Confiderez levray , ne pensez point
au beau,
Au plaisant préferez l'utile,
Lesfruits aux fleurs, lefecond au
Sterile,
LeSolide au brillant , l'Automne au
Renouveau.
Sima Morale eft veritable,
Fen croy le sens commun , j'en croy
mesme.la Fable..
52
Un jour Jupin &tous les autres
Dicux,
Dans la grande SaledesCicux,
Tinrent le divin Conſiſtoire...
Ony traita milleſujets divers
GALANT. 71
Qui concernoient la Police & la
gloire
De ce vaste Univers .
Quand on parlades Arbres& des
Plantes,
Et de leurs Ames vegetantes,
Onfit , dans ce Conseil d'Etat,
De creux raisonnemens , car fur chas
quemiftere
Comme l'on peutjuger , les Dieux en
Sçaventfaire,
Mais creux ou non , voicy le réful.
tat.
Sçavoir, que chacun d'eux fist un
choix volontaire
De l' Arbre qui pourroit luy plaire,
Pour ensuitele proteger,
Etle garderde tout danger,
Comme dufeu du Ciel , des Vents,
des Orages,
Des Eaux, des longs Hyvers , & des
autresravages
72 MERCURE
Le Chesne fur ce pied futchoisi par
Fupin,
Cibelle aprés luy prit le Pin,
Apollon le Dieu de la Live
Pour certaines raisons , s'appliqua le
Laurier,
Hercule le haut Peuplier,
Dame Cypris quifait que d'amouron
Soupire
Prit avec ſon Enfant les Myrthes
amoureuх:
Enfin , àqui pis pis , &non àqui
mieux mieux
Chacun choisit àboulle- veuë.
Minerve dont au Ciel laſageſſe eft
connue,
S'écria d'un air furieux
Non , je ne puis fouffrir une telle
béveuë
Voſtre Conſeil a la berluë,
Et voſtre choixeſt indigne des
Dieux. Pren
F
GALANT. 73
Prendre des Plantes inutiles,
Arbres ſans rapport, infertiles,
Etpropres à jetter au feu .
Pins & Lauriers, Peupliers,Myr.
thes , Cheſnes,
Ne font - ce pas des Plantes
vaines?
Pourquoy donc les choiſir ? Arreſtez-
vous un peu
Ma fille, dit fupin, ſçachez noſtre
penſée.
Noſtre protection ſembloit intéreffée
En la donnant aux Arbres portant
fruits ;
Nous ne voulons rien davantage
Que l'écorce & que le feüilla.
ge;
Il eſt des Dieux puiſſans de proteger
gratis.
Avril 1685. G
24. MERCURE
C'eſt pouffer un peu loin voſtre
délicateſſe,
Dit Minerve , je fais confifter ma
fagefle
A faire un choix qu'approuve la
raifon:
J'ay choiſi l'Olivier,j'en trouve le
fruitbon ,
Le feüillage m'en plaift ..... Que
Minerve eſt aimable !
Interrompit Jupin en l'embras-
Sant
Ouy , ma fille , c'eſt peu que d'aimer
le plaiſant
Joignons pour eſtre heureux l'utile
à l'agréable.
Fermer
9
p. 1074-1079
L'AMOUR DE LA PATRIE. ODE
Début :
Dans cet azile solitaire, [...]
Mots clefs :
Patrie, Amour, Dieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR DE LA PATRIE. ODE
L'AMOUR DE LA PATRIE.
D
O DE
Ans cét azile folitaire ,
Prête ta voix à ma douleur ,
Mufe , unique dépofitaire
Des ennuis fecrets de mon coeur.
Aux ris , aux jeux quand tout conſpire ,
Pardonne-mei fi fur ta Lyre
Je n'exprime que des regrets' ;
Plus à craindre que Philomele ,
Je viens foupirer avec elle.
Dans le filence des Forêts.
En vain fur cette aimable rive
La jeune Flore eft de retour ;
En vain Cerès long- tems captive
Rouvre fon fein au Dieu du Jour ;
Ces bords chéris de la Nature
Pour charmer l'ennui que j'endure
N'ont point d'attraits affez flatteurs ,
Par le defir de ma Patrie
Mon ame toujours attendrie
EA peu fenfible à leurs douceurs.
Loin
U IN 1730 . 1075
Loin du féjour que je regrette
J'ai déja vû quatre Printems ;
Une inquiétude fecrette
En a marqué tous les inftans.
De cette demeure chérie
Une importune rêverie
Me rappelle l'éloignement ;
Faut-il qu'un fouvenir que j'aime
Loin d'adoucir ma peine extrême
En aigriffe le fentiment ?
Mais que dis -je , forçant l'obftacle:
Qui me fépare de ces lieux ,
Mon efprit fe donne un fpectacle
Dont ne peuvent jouir mes yeux.
Pourquoi m'en ferois -je une peine
La douce erreur qui me ramene
Vers les objets de mes foupirs
Eft le feul plaifir qui me refte
Dans la privation funefte
D'un bien qui manque à mes defirs.
Soit inftinct , foit reconnoiffance
L'homme par un penchant fecret
Cherit le lieu de fa Naiffance
Et ne le quitte qu'à regret ;
Les Regions Hyperborées
Les plus infertiles Contrées
1
I Fol Sont
1076 MERCURE DE FRANCE
Sont cheres à leurs Habitans ;
Tranſplantez fur nos doux rivages
Les Peuples nés aux lieux fauvages ;
Leurs coeurs y feront peu contens.
Sans ce penchant qui nous domine
Par un invifible reffort ,
Le Laboureur en fa chaumine
Vivroit-il content de fon fort ?
Helas ! au foyer de fes Peres ,
Trifte héritier de leurs miferes ,
Que pourroit- il trouver d'attraits
Si la naiffance & l'habitude.
Ne lui rendoient fa folitude
Plus charmante que les Palais ?
Ceux qu'un deftin libre & tranquile
Retient fous leurs propres lambris-
Jouiffent de ce bien facile
Sans en connoître tout le prix ;
Mais quand le Ciel moins favorable
Nous prive du Pays aimable
Où nous avons reçû le jour ,
La voix du coeur fe fait entendre ,
Et nous inſpire un défir tendre
De revoir cet heureux féjour.
I. Vol. Pour
JUIN. 1730. 1077
Pour fixer le volage Ulyffe
Par Neptune perſecuté ,
En vain Calypfo plus propice
Lui promet l'immortalité ;
Cette efperance fi flatteufe
Dans une Ile délicieuſe
Ne peut captiver le Heros ;
Sa chere Itaque le rappelle';
Il part , il brave encor pour elle
La fureur des vents & des flots .
來
Mais tandis que ce Roi d'Itaque
Fuit Calypfo malgré l'Amour ,
Je vois le jeune Telemaque
Aborder à la même Cour ;
Autre Ulyffe pour la Déeffe ,
Ce fils guidé par la Sageffe
Refufe des jours immortels ,
Fidele à ces Dieux domestiques ,
Il veut de leurs Temples antiques
Encenfer encor les Autels.
A ces traits , qui peut méconnoître
L'Amour genéreux & puiſſant
Que le climat qui nous yoit naître
Nous infpire à tous en naiffant ?
Ce noble Amour dans la difgrace
Nous arme d'une utile audace
I. Vol.
Contre
1078 MERCURE DE FRANCE
Contre le fort & le danger ;
Si par des routes peu connuës
*
Un Mortel vole au fein des Nuës ,
fuir un Cielé tranger.
C'est
pour
Quand cet Amour est notre guide
Pour nous la Mort a des appas ;
Par lui plus d'une ame intrépide
A fçû triompher du trépas.
Quel eft ce Guerrier magnanime
Qui dans un tenebreux abîme
Se précipite fans effroi ?
C'eft Curtius , reconnois , Rome ,
Le dévouement de ce grand homme
Il vient de périr ; c'eſt pour toi.
N'admirons plus l'humeur barbare
De ces Philofophes errans
Qu'on a vûs par un goût bizarre
Pour leur Patrie indifferens.
Orgueilleux Citoyens du monde
De votre fecte vagabonde
Ma raiſon ne peut faire cas ;
Je n'y vois que des coeurs fauvages ,
Des fous parés du nom de fages
Bien plus dignes du nom d'ingrats,
* Dédale .
I. Vol.
Bords
JUIN. 1730. 1079
Bords de la Somme , aimables Plaines ,
Dont m'éloigne un deftin jaloux ,
Que ne puis -je brifer les chaines
Qui me retiennent loin de vous !
Que ne puis-je , nouveau Dédale ,
un fi vafte intervale Franchir
Par un induftrieux effor ,
Et jouir enfin fans allarmes
D'un féjour où regnent les charmes
Et les vertus de l'Age d'Or.
Greffet.
Cette Ode venuë de Tours , auroit été
imprimée dans le Mercure de May , fi elle
fut arrivée à tems.
D
O DE
Ans cét azile folitaire ,
Prête ta voix à ma douleur ,
Mufe , unique dépofitaire
Des ennuis fecrets de mon coeur.
Aux ris , aux jeux quand tout conſpire ,
Pardonne-mei fi fur ta Lyre
Je n'exprime que des regrets' ;
Plus à craindre que Philomele ,
Je viens foupirer avec elle.
Dans le filence des Forêts.
En vain fur cette aimable rive
La jeune Flore eft de retour ;
En vain Cerès long- tems captive
Rouvre fon fein au Dieu du Jour ;
Ces bords chéris de la Nature
Pour charmer l'ennui que j'endure
N'ont point d'attraits affez flatteurs ,
Par le defir de ma Patrie
Mon ame toujours attendrie
EA peu fenfible à leurs douceurs.
Loin
U IN 1730 . 1075
Loin du féjour que je regrette
J'ai déja vû quatre Printems ;
Une inquiétude fecrette
En a marqué tous les inftans.
De cette demeure chérie
Une importune rêverie
Me rappelle l'éloignement ;
Faut-il qu'un fouvenir que j'aime
Loin d'adoucir ma peine extrême
En aigriffe le fentiment ?
Mais que dis -je , forçant l'obftacle:
Qui me fépare de ces lieux ,
Mon efprit fe donne un fpectacle
Dont ne peuvent jouir mes yeux.
Pourquoi m'en ferois -je une peine
La douce erreur qui me ramene
Vers les objets de mes foupirs
Eft le feul plaifir qui me refte
Dans la privation funefte
D'un bien qui manque à mes defirs.
Soit inftinct , foit reconnoiffance
L'homme par un penchant fecret
Cherit le lieu de fa Naiffance
Et ne le quitte qu'à regret ;
Les Regions Hyperborées
Les plus infertiles Contrées
1
I Fol Sont
1076 MERCURE DE FRANCE
Sont cheres à leurs Habitans ;
Tranſplantez fur nos doux rivages
Les Peuples nés aux lieux fauvages ;
Leurs coeurs y feront peu contens.
Sans ce penchant qui nous domine
Par un invifible reffort ,
Le Laboureur en fa chaumine
Vivroit-il content de fon fort ?
Helas ! au foyer de fes Peres ,
Trifte héritier de leurs miferes ,
Que pourroit- il trouver d'attraits
Si la naiffance & l'habitude.
Ne lui rendoient fa folitude
Plus charmante que les Palais ?
Ceux qu'un deftin libre & tranquile
Retient fous leurs propres lambris-
Jouiffent de ce bien facile
Sans en connoître tout le prix ;
Mais quand le Ciel moins favorable
Nous prive du Pays aimable
Où nous avons reçû le jour ,
La voix du coeur fe fait entendre ,
Et nous inſpire un défir tendre
De revoir cet heureux féjour.
I. Vol. Pour
JUIN. 1730. 1077
Pour fixer le volage Ulyffe
Par Neptune perſecuté ,
En vain Calypfo plus propice
Lui promet l'immortalité ;
Cette efperance fi flatteufe
Dans une Ile délicieuſe
Ne peut captiver le Heros ;
Sa chere Itaque le rappelle';
Il part , il brave encor pour elle
La fureur des vents & des flots .
來
Mais tandis que ce Roi d'Itaque
Fuit Calypfo malgré l'Amour ,
Je vois le jeune Telemaque
Aborder à la même Cour ;
Autre Ulyffe pour la Déeffe ,
Ce fils guidé par la Sageffe
Refufe des jours immortels ,
Fidele à ces Dieux domestiques ,
Il veut de leurs Temples antiques
Encenfer encor les Autels.
A ces traits , qui peut méconnoître
L'Amour genéreux & puiſſant
Que le climat qui nous yoit naître
Nous infpire à tous en naiffant ?
Ce noble Amour dans la difgrace
Nous arme d'une utile audace
I. Vol.
Contre
1078 MERCURE DE FRANCE
Contre le fort & le danger ;
Si par des routes peu connuës
*
Un Mortel vole au fein des Nuës ,
fuir un Cielé tranger.
C'est
pour
Quand cet Amour est notre guide
Pour nous la Mort a des appas ;
Par lui plus d'une ame intrépide
A fçû triompher du trépas.
Quel eft ce Guerrier magnanime
Qui dans un tenebreux abîme
Se précipite fans effroi ?
C'eft Curtius , reconnois , Rome ,
Le dévouement de ce grand homme
Il vient de périr ; c'eſt pour toi.
N'admirons plus l'humeur barbare
De ces Philofophes errans
Qu'on a vûs par un goût bizarre
Pour leur Patrie indifferens.
Orgueilleux Citoyens du monde
De votre fecte vagabonde
Ma raiſon ne peut faire cas ;
Je n'y vois que des coeurs fauvages ,
Des fous parés du nom de fages
Bien plus dignes du nom d'ingrats,
* Dédale .
I. Vol.
Bords
JUIN. 1730. 1079
Bords de la Somme , aimables Plaines ,
Dont m'éloigne un deftin jaloux ,
Que ne puis -je brifer les chaines
Qui me retiennent loin de vous !
Que ne puis-je , nouveau Dédale ,
un fi vafte intervale Franchir
Par un induftrieux effor ,
Et jouir enfin fans allarmes
D'un féjour où regnent les charmes
Et les vertus de l'Age d'Or.
Greffet.
Cette Ode venuë de Tours , auroit été
imprimée dans le Mercure de May , fi elle
fut arrivée à tems.
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Résumé : L'AMOUR DE LA PATRIE. ODE
Le texte 'L'AMOUR DE LA PATRIE' est une ode qui exprime la douleur de l'exil et l'amour profond pour la patrie. Le poète, dans un lieu solitaire, confie ses regrets et ses souffrances à la muse. Malgré la beauté de la nature environnante, son cœur est tourmenté par la nostalgie de sa patrie. Il évoque les quatre printemps passés loin de son foyer, marqués par une inquiétude secrète. La douce erreur de se remémorer sa patrie est le seul plaisir qui lui reste dans l'absence de ce bien désiré. L'homme, par un penchant naturel, chérit le lieu de sa naissance et le quitte à regret. Même les régions les plus inhospitalières sont chères à leurs habitants. Le poète souligne que sans ce penchant, le laboureur ne trouverait pas de charme dans sa chaumine. Ceux qui restent chez eux ignorent la valeur de ce bien, mais ceux qui en sont privés ressentent un désir tendre de revoir leur foyer. L'exemple d'Ulysse, qui préfère retourner à Ithaque malgré les promesses de Calypso, illustre cet amour pour la patrie. De même, Télémaque refuse l'immortalité pour rester fidèle à ses dieux domestiques. Cet amour généreux et puissant inspire courage et audace face à l'adversité. Le poète admire le dévouement de Curtius, qui se sacrifie pour Rome, et critique les philosophes indifférents à leur patrie, les qualifiant d'ingrats. Enfin, le poète exprime son désir de revenir sur les bords de la Somme, comparant son souhait à celui de Dédale voulant franchir un vaste intervalle pour retrouver son foyer.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. [1627]-1637
ODE A Made *** Mere d'une jeune Religieuse, morte à Amiens au mois de Mars 1731.
Début :
Quelle douleur obstinée, [...]
Mots clefs :
Tombeau, Chagrin, Funèbres couleurs, Ombre, Douleur extrême, Destin, Mort, Gémir, Ennui, Mânes paisibles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE A Made *** Mere d'une jeune Religieuse, morte à Amiens au mois de Mars 1731.
ODE
A Made *** Mere.d'une jeune Religieuse,
morte à Amiens au mois de Mars 1731.
Uelle douleur obstinée ,
Change en nuits vos plus beaux
jours ?
Près d'un Tombeau prosternée ,
Voulez-vous pleurer toûjours ?
Le chagrin qui vous dévore ,
Chaque jour , avant l'Aurore ,
A ij Remet
SHIP
1628
MERCURE DE
FRANCE
Remet votre esprit aux fers :
La nuit vient , et trouve encore
Vos yeux aux larmes ouverts.
Les Graces accoûtumées ,
'A servir votre enjoûment ,
Sont surprises , allarmées ,
De cet affreux changement ;
Elles ne sçauroient se plaire ,
Dans ce réduit solitaire ,
Peint de funebres couleurs , *
Où votre ennui volontaire ,
Vient se nourrir dans les pleurs.
Trop justement attendrie ,
Vous avez dû pour un temps ,
Plaindre une fille chérie ,
Moissonnée en son printemps :
Dans ces premieres allarmes ,
La plainte même a des charmes ,
Dont un coeur triste est jaloux ;
Loin de condamner vos larmes ,
J'en répandois avec vous.
Mais c'est être trop constante ,
Dans de mortels déplaisirs :
La Nature se contente ,
T
D'u
JUILLET.
16.29
1731.
D'un mois entier de soupirs.
Hélas ! un chagrin si tendre,
Ranimera- t'il ta cendre
Ombre , encor chere à nos coeurs ?
Non , tu ne peux nous entendre ,
Ni répondre à nos clameurs.
C'en est fait : son jour suprême ,
Est expiré sans retour.;
Er votre douleur extrême ,
Ne peut lui rendre un seul jour.
Si les larmes maternelles ,
Du sein des nuits éternelles ,
Pouvoient enfin l'arracher ,
Vos yeux à l'amour fidelles ,
Ne devroient point se sécher..
La plainte la plus amére ,
N'attendrit pas le Destin :
Malgré les cris d'une mere "
La Mort retient sọn butin ;
Avide de funerailles ,
Ce Monstre né sans entrailles ,
g Sans cesse armé de flambeaux
Erre autour de nos Murailles
Pour nous creuser des Tombeaux,
y
A iij La
1630 MERCURE DE FRANCE
La Mort dans sa vaste course ,
Voit des Parens éplorez ,
Gémir ( trop foible ressource ! )
Sur des Enfans expirez ;
Sourde à leur plainte importune ,
Elle unit leur infortune-
Aux objets de leurs regrets ,
Dans une tombe commune
Et sous les mêmes Cyprès.
Des Enfers pâle Ministre ,
L'Ennui , comme un fier Vautour
Suit leurs pas d'un vol sinistre ,
Et les devore à leur tour.
De leur tragique tristesse ,
N'imitez point la foiblesse ;
Victime de vos langueurs 2
Bientôt à notre tendresse ,
Vous couteriez d'autres pleurs.
Soupirez-vous par coutume ,
Comme ces sombres Esprits ,
`Qui traînent dans l'amertume ,
La chaîne de leurs ennuis ?
C'est à tort que le Portique ,
Avec le Parnasse antiquè ,
Tient qu'il est doux de gémir ;
Un
JUILLET. 1731 , 1631
Un deüil lent et léthargique
Ne fut jamais un plaisir.
Quelle constance insensée ,
Veut nous dévouer aux Morts ?
Croit- on leur cendre glacée ,
Jalouse de ces transports ?
Pourquoi ces sanglots pénibles ,
Qui chez les Mânes paisibles ,
Ne seront point entendus ?
Leurs Ombres sont insensibles
Er nos soupirs sont perdus.
Dans l'horreur d'un bois sauvage ,
La Tourterelle gémie ,
Mais des peines du veuvage ,
Le Temps enfin l'affranchit ;
Semblable à la Tourterelle ,
En vain la douleur fidelle
T
Veut conserver son dégout ,
Le Temps triomphe enfin d'elle ,
Comme il triomphe de tout.
' D'Iphigénie immolée ,
Je vois le Bucher fumant:
Clytemnestre désolée ,
A iiij
Veut
1622
MERCURE DE FRANCE
Veut la suivre au Monument ;.
Une si triste manie ,
Par Egisthe fut bannie ,
L'Amour essuya ses pleurs.
Tels , de notre Iphigénie ,
Nous oublirons les malheurs.
Sur son aîle fugitive ,
Si le Temps doit emporter ,
Cette tristesse plaintive ,
Que vous semblez, respecter 3.
Sans attendre en servitude
Que de votre inquiétude ,
Il chasse le noir poison ,
Combattez-en l'habitude ,
Et vainquez-vous par raison.
D'une Grecque
magnanime ,
L'Héroïque fermeté ,
D'un chagrin pusillanime ,
Vous apprend l'indignité ;
Céphise , d'un oeil austere ,
Voit sa fille la plus chere ,
Entre ses bras expirer ,
Plus Heroïne que mere ,.
Elle craint de soupirer.,
D&
JUILLET. 1731. 1633
De son courage infléxible ,
Nature , ne te plains pas ;
Un coeur peut être sensible,
Sans cris pompeux sans éclats.
A la Parque en vain rebelle ,
Pourquoi m'affliger , dit-elle ,
J'y songeai , dès soǹ Berceau
J'élevois une Mortelle
Soumise au fatal Cizeau.
Mais non , Stoïques exemples ,,
Vous êtes d'un vain secours ;
Ce n'est que dans tes saints Temples ,
Grand Dieu , qu'est notre recours :
Pour guérir ce coup
funeste
Il faut une main Celeste ,
N'esperons rien des Mortels;
Un Consolateur nous reste
Il nous attend aux Autels.
"
Portez donc au Sanctuaire ,,
Soumise aux Divins Arrêts ,
Portez le coeur d'une mere
97
Chrétienne dans ses regrets..
Adorez- y , dans vos peines ,
L'Auteur des Loix souveraines ,
Qui décident de nos jours :
Av
1634 MERCURE DE FRANCE
Il rompt nos plus tendres chaînes,
Pour fixer seul nos amours.
Son choix nous l'avoit ravie ,
Celle dont j'écris le sórt ,
Long -temps avant que sa vie ,
Fût éteinte par la Mort.
D'un Monde que P'erreur vante
Une retraite fervente ,
Lui fermoit tous les chemins ;
Pour Dieu seul encor vivante ,
Elle étoit morte aux Humains...
La Victime , Dieu propice ,
A l'Autel alloit marcher ;
Déja pour le Sacrifice ,
L'Amour Saint dresse un Bucher ;
L'Encens , les Fleurs , tout s'aprête ,
Bien- tôt ta jeune Conquête ,
Va s'offrir ... Que dis-je ? helas !
J'allois chanter une Fête ,
Il faut pleurer un Trépas.
Qu'entens -je ? quels cris funebres !"
* Quelque temps avant sa derniere maladie
alle étoit sur le point de faire ses voeux ; elle
les prononça au lit de la mort,
Je
JUILLET. 1731. 1635
Je vois la Jeunesse en deuil :
Dans ces profondes tenebres.
Pour qui s'ouvre le cercueil ?
O Mort ! s'il est temps encore
De ses jours , dans leur Aurore
Ne tranche point le tissu ;
Cruelle ! envain je t'implore ,
Elle expire ! elle a vécu.
Ainsi périt une Rose ,
Que frappe un souffle mortel
On la cueille à peine éclose ,
Pour en parer un Autel
Depuis l'Aube matinale ,
La douce odeur qu'elle exhale
Parfume un Temple enchanté ;
Le jour fuit , la nuit fatale
Ensevelit sa beauté.
}
Ciel , nous plaignons sa jeunesse ,
Dont tes Loix ferment le cours ,
de ta Sagesse
Mais aux yeux
Elle avoit rempli ses jours ;
Ce n'est point par la durée,
Que doit être mesurée ,
La course de tes Elus ::
La mort n'est prématurée ,
Que pour qui meurt sans vertusä
A vj Pour
1636 MERCURE DE FRANCE
Pour départir ses Couronnes
Dieu ne compte point les ans ,
De ceux qu'aux Celestes Trônes ,
Sa main place avant le temps ;
Oui , d'un âge exempe de vices,
Les innocentes Prémices ,
Egalent , devant ses yeux ,
Vos plus nombreux sacrifices ,
Heros , vicillis pour les Cieux..
Vous donc Objet de mes rimes
De votre coeur abbatu ,
Par ces solides maximes ,
Fortifiez la vertu ; .·
A mille maux asservie ,,
Celle qui vous est ravie
Sembloit née à la douleur ::
Pour elle une courte vie ,
Fut un bienfait du Seigneur..
Si le Ciel est son partage ),
Gardez d'elle à l'avenir ,
Sans la pleurer davantage ,
112 .
uile souvenir ;.
Arbitre des années ,
(
Dieu, qui voit nos destinées:
Eclore et s'évanouir ,
Joigne
JUILLET. 1637 1737.
Joigne à vos ans les journées ,
Dont elle auroit dû joüit.
A Tours....
A Made *** Mere.d'une jeune Religieuse,
morte à Amiens au mois de Mars 1731.
Uelle douleur obstinée ,
Change en nuits vos plus beaux
jours ?
Près d'un Tombeau prosternée ,
Voulez-vous pleurer toûjours ?
Le chagrin qui vous dévore ,
Chaque jour , avant l'Aurore ,
A ij Remet
SHIP
1628
MERCURE DE
FRANCE
Remet votre esprit aux fers :
La nuit vient , et trouve encore
Vos yeux aux larmes ouverts.
Les Graces accoûtumées ,
'A servir votre enjoûment ,
Sont surprises , allarmées ,
De cet affreux changement ;
Elles ne sçauroient se plaire ,
Dans ce réduit solitaire ,
Peint de funebres couleurs , *
Où votre ennui volontaire ,
Vient se nourrir dans les pleurs.
Trop justement attendrie ,
Vous avez dû pour un temps ,
Plaindre une fille chérie ,
Moissonnée en son printemps :
Dans ces premieres allarmes ,
La plainte même a des charmes ,
Dont un coeur triste est jaloux ;
Loin de condamner vos larmes ,
J'en répandois avec vous.
Mais c'est être trop constante ,
Dans de mortels déplaisirs :
La Nature se contente ,
T
D'u
JUILLET.
16.29
1731.
D'un mois entier de soupirs.
Hélas ! un chagrin si tendre,
Ranimera- t'il ta cendre
Ombre , encor chere à nos coeurs ?
Non , tu ne peux nous entendre ,
Ni répondre à nos clameurs.
C'en est fait : son jour suprême ,
Est expiré sans retour.;
Er votre douleur extrême ,
Ne peut lui rendre un seul jour.
Si les larmes maternelles ,
Du sein des nuits éternelles ,
Pouvoient enfin l'arracher ,
Vos yeux à l'amour fidelles ,
Ne devroient point se sécher..
La plainte la plus amére ,
N'attendrit pas le Destin :
Malgré les cris d'une mere "
La Mort retient sọn butin ;
Avide de funerailles ,
Ce Monstre né sans entrailles ,
g Sans cesse armé de flambeaux
Erre autour de nos Murailles
Pour nous creuser des Tombeaux,
y
A iij La
1630 MERCURE DE FRANCE
La Mort dans sa vaste course ,
Voit des Parens éplorez ,
Gémir ( trop foible ressource ! )
Sur des Enfans expirez ;
Sourde à leur plainte importune ,
Elle unit leur infortune-
Aux objets de leurs regrets ,
Dans une tombe commune
Et sous les mêmes Cyprès.
Des Enfers pâle Ministre ,
L'Ennui , comme un fier Vautour
Suit leurs pas d'un vol sinistre ,
Et les devore à leur tour.
De leur tragique tristesse ,
N'imitez point la foiblesse ;
Victime de vos langueurs 2
Bientôt à notre tendresse ,
Vous couteriez d'autres pleurs.
Soupirez-vous par coutume ,
Comme ces sombres Esprits ,
`Qui traînent dans l'amertume ,
La chaîne de leurs ennuis ?
C'est à tort que le Portique ,
Avec le Parnasse antiquè ,
Tient qu'il est doux de gémir ;
Un
JUILLET. 1731 , 1631
Un deüil lent et léthargique
Ne fut jamais un plaisir.
Quelle constance insensée ,
Veut nous dévouer aux Morts ?
Croit- on leur cendre glacée ,
Jalouse de ces transports ?
Pourquoi ces sanglots pénibles ,
Qui chez les Mânes paisibles ,
Ne seront point entendus ?
Leurs Ombres sont insensibles
Er nos soupirs sont perdus.
Dans l'horreur d'un bois sauvage ,
La Tourterelle gémie ,
Mais des peines du veuvage ,
Le Temps enfin l'affranchit ;
Semblable à la Tourterelle ,
En vain la douleur fidelle
T
Veut conserver son dégout ,
Le Temps triomphe enfin d'elle ,
Comme il triomphe de tout.
' D'Iphigénie immolée ,
Je vois le Bucher fumant:
Clytemnestre désolée ,
A iiij
Veut
1622
MERCURE DE FRANCE
Veut la suivre au Monument ;.
Une si triste manie ,
Par Egisthe fut bannie ,
L'Amour essuya ses pleurs.
Tels , de notre Iphigénie ,
Nous oublirons les malheurs.
Sur son aîle fugitive ,
Si le Temps doit emporter ,
Cette tristesse plaintive ,
Que vous semblez, respecter 3.
Sans attendre en servitude
Que de votre inquiétude ,
Il chasse le noir poison ,
Combattez-en l'habitude ,
Et vainquez-vous par raison.
D'une Grecque
magnanime ,
L'Héroïque fermeté ,
D'un chagrin pusillanime ,
Vous apprend l'indignité ;
Céphise , d'un oeil austere ,
Voit sa fille la plus chere ,
Entre ses bras expirer ,
Plus Heroïne que mere ,.
Elle craint de soupirer.,
D&
JUILLET. 1731. 1633
De son courage infléxible ,
Nature , ne te plains pas ;
Un coeur peut être sensible,
Sans cris pompeux sans éclats.
A la Parque en vain rebelle ,
Pourquoi m'affliger , dit-elle ,
J'y songeai , dès soǹ Berceau
J'élevois une Mortelle
Soumise au fatal Cizeau.
Mais non , Stoïques exemples ,,
Vous êtes d'un vain secours ;
Ce n'est que dans tes saints Temples ,
Grand Dieu , qu'est notre recours :
Pour guérir ce coup
funeste
Il faut une main Celeste ,
N'esperons rien des Mortels;
Un Consolateur nous reste
Il nous attend aux Autels.
"
Portez donc au Sanctuaire ,,
Soumise aux Divins Arrêts ,
Portez le coeur d'une mere
97
Chrétienne dans ses regrets..
Adorez- y , dans vos peines ,
L'Auteur des Loix souveraines ,
Qui décident de nos jours :
Av
1634 MERCURE DE FRANCE
Il rompt nos plus tendres chaînes,
Pour fixer seul nos amours.
Son choix nous l'avoit ravie ,
Celle dont j'écris le sórt ,
Long -temps avant que sa vie ,
Fût éteinte par la Mort.
D'un Monde que P'erreur vante
Une retraite fervente ,
Lui fermoit tous les chemins ;
Pour Dieu seul encor vivante ,
Elle étoit morte aux Humains...
La Victime , Dieu propice ,
A l'Autel alloit marcher ;
Déja pour le Sacrifice ,
L'Amour Saint dresse un Bucher ;
L'Encens , les Fleurs , tout s'aprête ,
Bien- tôt ta jeune Conquête ,
Va s'offrir ... Que dis-je ? helas !
J'allois chanter une Fête ,
Il faut pleurer un Trépas.
Qu'entens -je ? quels cris funebres !"
* Quelque temps avant sa derniere maladie
alle étoit sur le point de faire ses voeux ; elle
les prononça au lit de la mort,
Je
JUILLET. 1731. 1635
Je vois la Jeunesse en deuil :
Dans ces profondes tenebres.
Pour qui s'ouvre le cercueil ?
O Mort ! s'il est temps encore
De ses jours , dans leur Aurore
Ne tranche point le tissu ;
Cruelle ! envain je t'implore ,
Elle expire ! elle a vécu.
Ainsi périt une Rose ,
Que frappe un souffle mortel
On la cueille à peine éclose ,
Pour en parer un Autel
Depuis l'Aube matinale ,
La douce odeur qu'elle exhale
Parfume un Temple enchanté ;
Le jour fuit , la nuit fatale
Ensevelit sa beauté.
}
Ciel , nous plaignons sa jeunesse ,
Dont tes Loix ferment le cours ,
de ta Sagesse
Mais aux yeux
Elle avoit rempli ses jours ;
Ce n'est point par la durée,
Que doit être mesurée ,
La course de tes Elus ::
La mort n'est prématurée ,
Que pour qui meurt sans vertusä
A vj Pour
1636 MERCURE DE FRANCE
Pour départir ses Couronnes
Dieu ne compte point les ans ,
De ceux qu'aux Celestes Trônes ,
Sa main place avant le temps ;
Oui , d'un âge exempe de vices,
Les innocentes Prémices ,
Egalent , devant ses yeux ,
Vos plus nombreux sacrifices ,
Heros , vicillis pour les Cieux..
Vous donc Objet de mes rimes
De votre coeur abbatu ,
Par ces solides maximes ,
Fortifiez la vertu ; .·
A mille maux asservie ,,
Celle qui vous est ravie
Sembloit née à la douleur ::
Pour elle une courte vie ,
Fut un bienfait du Seigneur..
Si le Ciel est son partage ),
Gardez d'elle à l'avenir ,
Sans la pleurer davantage ,
112 .
uile souvenir ;.
Arbitre des années ,
(
Dieu, qui voit nos destinées:
Eclore et s'évanouir ,
Joigne
JUILLET. 1637 1737.
Joigne à vos ans les journées ,
Dont elle auroit dû joüit.
A Tours....
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Résumé : ODE A Made *** Mere d'une jeune Religieuse, morte à Amiens au mois de Mars 1731.
L'ode commémore une jeune religieuse décédée à Amiens en mars 1731. Le texte exprime la douleur intense et persistante de la mère de la défunte, qui pleure sa fille emportée en pleine jeunesse. Les Grâces, habituées à servir le bonheur, sont surprises par ce changement funeste et ne peuvent se plaire dans ce lieu de deuil. La mère reconnaît la légitimité de son chagrin après une telle perte, mais critique la constance excessive dans la douleur. Elle souligne que les larmes maternelles ne peuvent ramener les morts. La Mort est décrite comme un monstre avide, indifférent aux pleurs des parents. Le poème met en garde contre l'imitation de la faiblesse tragique et encourage à surmonter la tristesse par la raison. Il évoque l'exemple de Céphise, une mère stoïque qui, malgré sa douleur, ne se laisse pas submerger par les pleurs. La mère de la jeune religieuse trouve finalement du réconfort dans la foi chrétienne, adore Dieu et accepte la volonté divine. Elle rappelle que la mort n'est prématurée que pour ceux qui meurent sans vertus et que Dieu récompense les âmes pures, indépendamment de leur âge. Elle conclut en souhaitant que les jours perdus par la défunte soient ajoutés à sa propre vie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. [1]-7
ODE. A M. le Duc de Saint-Agnan, Ambassadeur de France à Rome, en lui envoyant une nouvelle Traduction des Eglogues de Virgile.
Début :
Quitte ces Bois, Muse Bergere, [...]
Mots clefs :
Charmer, Art des vers, Chantres, Muse, Antique
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texteReconnaissance textuelle : ODE. A M. le Duc de Saint-Agnan, Ambassadeur de France à Rome, en lui envoyant une nouvelle Traduction des Eglogues de Virgile.
OD E.
A M.le Duc de Saint- Agnan , Ambas
sadeurde France à Rome, en lui envoyant
une nouvelle Traduction des Eglogues
de Virgile.
Uitte ces Bois , Muse Bergere
Vole vers une aimable Cour ;
Tu n'y seras point étrangere
Tes Sœurs habitent ce séjour..
Déitez jadis adorées ,
L'Univers écoutoit leurs voix
DG
2 MERCURE DE FRANCE
De nos jours , Nymphes ignorées ,
Elles n'ont plus l'Encens des Rois.
L'Art des Vers , dans les doctes âges ,
Charma les plus fiers Conquerans :
Il est encor l'amour des Sages ,
Mais il n'est plus celui des Grands.
Art charmant, si Plutus t'exile ,
Si les Cours ignorent ton prix 3
Il te reste un Temple , un asile ;
Un Parnasse à tes Favoris.
De tes beautez arbitre juste ,,
Un Héros chérit tes Lauriers ;
Tel Pollion , aux jours d'Auguste ,
Joignoit le goût aux soins gueriers.
Des Chantres vantez d'Ausonie ,
Mécene fut le Protecteur :
Mais de leur sublime harmonie ,
Il ne fut point l'imitateur.
L'Ami des Chantres de la Seine
Unit dans un éclat égal ,
Au plaisir d'être leur Mécene ,
Le talent d'être leur Rival
Tu
JANVIER. 1732. 3
Tu sçais , Muse, de quelle grace ..
Sa Lyre anime une Chanson ;
On croit entendre encor Horace,
Ou l'élegant Anacréon.
Du Romain il a la finesse ,
Du Grec l'atticisme charmant ,
Comine eux , il prête à la Sagesse.
Tous les attraits de l'enjoûment.
Oseras-tu de ta Musette ,
Lui repeter les foibles Airs ?
Ose ; ton âge et ta houlette ,
Excusent tes humbles Concerts..
.
A ses yeux offre toi sans crainte
I n'a point ces dures froideurs ,
Cette fastuense contrainte
Eieres Compagnes dès grandeurs.
Rare vertu d'un rang illustre !
Ses yeux ne sont point éblouis,
Du nom brillant , du nouveau lustre
Qu'il doit aux faveurs de Louis.
Sous cet, auguste Caractere,
Le Tage autrefois l'admira ;
Au succès de son Ministere
Bien-tôt le Tibre applaudica..
>
Muse
MERCURE DE FRANCE
Muse , prens un essor plus libre ;
Parle toi même à ton Heros ;
Des applaudissemens du Tibre ,
Devenons les foibles Echos.
Dignefils d'un aimable Père,
Héritièr de ses agrémens :
Imitateur d'un sage Frere ,
Héritier de ses sentimens.
Chargé des Droits de la Couronne ,
'Allés , montrés dans cet Employ
Que sans être né sur le Trône ,
Onpeut penser et vivre en Roy.
Quand la Poësie ou la Prose
Occuperont vos doux loisirs :
Près des Murs que le Tibre arrose
Je vois quels seront vos plaisirs....
'Aux beaux Vers toûjours favorable ,
Toûjours épris du goût des Arts ;
Vous rétablirez l'ordre aimable ,
Du siecle des premiers Césars.
On n'y voit plus leur Cour antique ,
Théatre des Jeux de Phébus ; ·
C'est encor Rome magnifique ,
Mais Rome sçavante n'est plus.
De
JANVIER.
ร
1732.
·
De tant de sublimes Génies ,
Il ne reste chez leurs Neveux
Que les Champs où leurs Symphonies,
Charmerent l'oreille des Dieux.
Vous chérirez cette Contrée ,
Et les précieux Monumens ,
Où leur mémoire consacrée ,
Survit à la fuite des temps.
L'à de Menandre , autre Lélie,
Reprenant l'Attique Pinceau ,
Vous tracerez l'Art de Thalie,
A quelque Térence nouveau.
Vous aimerez ces doux asiles ,
Ces Bois , où le Chant renommé ,
Des Ovides et des Virgiles
Antiroit Auguste charmé.
Dans ces Solitudes chéries,
De la sçavante Antiquité ,
Des poëtiques rêveries ,
Yous chercherez la volupté.
De Tibur vous verrez les traces ,
Et sur ce Rivage charmant ,
A M.le Duc de Saint- Agnan , Ambas
sadeurde France à Rome, en lui envoyant
une nouvelle Traduction des Eglogues
de Virgile.
Uitte ces Bois , Muse Bergere
Vole vers une aimable Cour ;
Tu n'y seras point étrangere
Tes Sœurs habitent ce séjour..
Déitez jadis adorées ,
L'Univers écoutoit leurs voix
DG
2 MERCURE DE FRANCE
De nos jours , Nymphes ignorées ,
Elles n'ont plus l'Encens des Rois.
L'Art des Vers , dans les doctes âges ,
Charma les plus fiers Conquerans :
Il est encor l'amour des Sages ,
Mais il n'est plus celui des Grands.
Art charmant, si Plutus t'exile ,
Si les Cours ignorent ton prix 3
Il te reste un Temple , un asile ;
Un Parnasse à tes Favoris.
De tes beautez arbitre juste ,,
Un Héros chérit tes Lauriers ;
Tel Pollion , aux jours d'Auguste ,
Joignoit le goût aux soins gueriers.
Des Chantres vantez d'Ausonie ,
Mécene fut le Protecteur :
Mais de leur sublime harmonie ,
Il ne fut point l'imitateur.
L'Ami des Chantres de la Seine
Unit dans un éclat égal ,
Au plaisir d'être leur Mécene ,
Le talent d'être leur Rival
Tu
JANVIER. 1732. 3
Tu sçais , Muse, de quelle grace ..
Sa Lyre anime une Chanson ;
On croit entendre encor Horace,
Ou l'élegant Anacréon.
Du Romain il a la finesse ,
Du Grec l'atticisme charmant ,
Comine eux , il prête à la Sagesse.
Tous les attraits de l'enjoûment.
Oseras-tu de ta Musette ,
Lui repeter les foibles Airs ?
Ose ; ton âge et ta houlette ,
Excusent tes humbles Concerts..
.
A ses yeux offre toi sans crainte
I n'a point ces dures froideurs ,
Cette fastuense contrainte
Eieres Compagnes dès grandeurs.
Rare vertu d'un rang illustre !
Ses yeux ne sont point éblouis,
Du nom brillant , du nouveau lustre
Qu'il doit aux faveurs de Louis.
Sous cet, auguste Caractere,
Le Tage autrefois l'admira ;
Au succès de son Ministere
Bien-tôt le Tibre applaudica..
>
Muse
MERCURE DE FRANCE
Muse , prens un essor plus libre ;
Parle toi même à ton Heros ;
Des applaudissemens du Tibre ,
Devenons les foibles Echos.
Dignefils d'un aimable Père,
Héritièr de ses agrémens :
Imitateur d'un sage Frere ,
Héritier de ses sentimens.
Chargé des Droits de la Couronne ,
'Allés , montrés dans cet Employ
Que sans être né sur le Trône ,
Onpeut penser et vivre en Roy.
Quand la Poësie ou la Prose
Occuperont vos doux loisirs :
Près des Murs que le Tibre arrose
Je vois quels seront vos plaisirs....
'Aux beaux Vers toûjours favorable ,
Toûjours épris du goût des Arts ;
Vous rétablirez l'ordre aimable ,
Du siecle des premiers Césars.
On n'y voit plus leur Cour antique ,
Théatre des Jeux de Phébus ; ·
C'est encor Rome magnifique ,
Mais Rome sçavante n'est plus.
De
JANVIER.
ร
1732.
·
De tant de sublimes Génies ,
Il ne reste chez leurs Neveux
Que les Champs où leurs Symphonies,
Charmerent l'oreille des Dieux.
Vous chérirez cette Contrée ,
Et les précieux Monumens ,
Où leur mémoire consacrée ,
Survit à la fuite des temps.
L'à de Menandre , autre Lélie,
Reprenant l'Attique Pinceau ,
Vous tracerez l'Art de Thalie,
A quelque Térence nouveau.
Vous aimerez ces doux asiles ,
Ces Bois , où le Chant renommé ,
Des Ovides et des Virgiles
Antiroit Auguste charmé.
Dans ces Solitudes chéries,
De la sçavante Antiquité ,
Des poëtiques rêveries ,
Yous chercherez la volupté.
De Tibur vous verrez les traces ,
Et sur ce Rivage charmant ,
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Résumé : ODE. A M. le Duc de Saint-Agnan, Ambassadeur de France à Rome, en lui envoyant une nouvelle Traduction des Eglogues de Virgile.
En janvier 1732, une lettre adressée au Duc de Saint-Agnan, ambassadeur de France à Rome, est publiée dans le Mercure de France. L'auteur, se présentant comme une Muse bergère, accompagne la lettre d'une nouvelle traduction des Églogues de Virgile. Il invite le Duc à apprécier la poésie, un art autrefois admiré par les rois et les conquérants, mais aujourd'hui négligé par les grands. L'auteur souligne que l'art poétique trouve encore refuge auprès des sages et des héros. Il compare le Duc à Mécène, protecteur des chanteurs d'Ausonie, et loue ses talents poétiques, comparables à ceux d'Horace et d'Anacréon. La Muse offre ses humbles concerts au Duc, soulignant sa vertu et son absence de faste. La lettre se termine par une description des plaisirs du Duc près du Tibre, où il restaurera l'ordre aimable du siècle des premiers Césars. Le texte met en avant l'amour du Duc pour la poésie et les arts, ainsi que son admiration pour les sublimes génies de l'antiquité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
s. p.
L'INGRATITUDE. ODE.
Début :
Quelle Furie au teint livide, [...]
Mots clefs :
Ingratitude, Furie, Lethé, Amitié, Gloire, Libérateur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'INGRATITUDE. ODE.
L'INGRATITUDE.
ODE.
Uelle Furie au teint livide ,
S'avance ici d'un air vainqueur !
Dans ses mains luit ce fer perfide ,
Qui d'Agrippine ouvrit le cœur
L'insensible Oubli , l'Insolence ,
Les sourdes Haînes en silence ,
Entourent ce Monstre effronté ,
Tandis qu'il boit dans une Coupe ,
A ij Que
1464 MERCURE DE FRANCE
Que remplit l'infernale Troupe ,
Des froides eaux du noir Lethé.
Ingratitude , à de tels signes ,
Kisément on te reconnoît ;
Comment sur tes fureurs insignes,
Phébus est-il resté muet ?
It'a trop long- temps épargnées
Sur toi , de ma Muse indignée ,
Je vais lancer les premiers traits
Heureux , même en souillant mes rimes,
Du récit honteux de tes crimes ,
Si j'en arrête le progrès.
;
Naissons-nous injustes et traitres ?
L'homme est ingrat dès le berceau;
Jeune, sçait-il aimer ses Maîtres
Leurs bienfaits lui sont un fardeau
Homme fait , il se plaît , il s'aime
Il rapporte tout à lui- même,
Présomptueux dans tout état ;
Vieux enfin , rendez- iui service ,
Selon lui , c'est une justice ;
11 vit superbe ; il meurt ingrat.
་
Parmi l'énorme multitude ,
Des vices qu'on aime , et qu'on suit,
Pourquoi
JUILLET. 1732 1465
Pourquoi garder l'Ingratitude ,
Vice sans douceur et sans fruit ?
Reconnoissance officieuse
Pour garder ta Loi précieuse ,
En coûte- t-il tant à nos cœurs?
Est- tu de ces Vertus severes ,
Qui par des reglės trop austeres ,
Tyrannisent leurs Sectateurs ?
Sans doute il est une autre cause,
De ce lâche oubli des bienfaits :
L'Amour- propre en secret s'oppose ,
A de reconnoissans effets ;
Par un ambitieux délire',
Croyant lui-même se sûffire ;
Voulant ne rien devoir qu'à lui ,
II craint dans la reconnoissance ,
Un témoin de son impuissance ,
Et du besoin qu'il eut d'autrui.
Pour rendre ta main bienfaisante ,
Et t'émouvoir à la pitié ,
L'ingrat à tes yeux se présente ,
Sous le manteau de l'Amitié
Il rampe , adulateur servile ;
Ases vœux deviens - tu facile ?
Ne crois pas en faire un ami ;
F
A iij Tristo
1466 MERCURE DE FRANCE
Triste retour d'un noble zele ,
Tu n'en as fait qu'un infidele ,
Peut être même un ennemi.
榮
Déja son œil fuit ton approche ,
Et ta presence est son bourreau ,
Pour être exempt de ce reproche ,
Il voudroit t'ouvrir le Tombeau ;
Monstre des Bois , Race farouche ,
On peut vous gagner , on vous touche
Vous sentez le bien qu'on vous fait ;
Seul , des Monstres le plus sauvage ,
L'Ingrat trouve un sujet de rage ,
Dans le souvenir d'un bienfait.
M
Mais n'est-ce point une chimere
Un phantôme que je combats ?
Fut-il jamais un caractere,
Marqué par des crimes si bas?
Oh Ciel! que n'est-ce une imposture !
A la honte de la Nature ,
Je vois que je n'ai rien outré ,
Je connois des cœurs que j'abhorré ,
Dont la noirceur surpasse encore ,
Ce que mes traits en ont montré.
Foibles, indigens que nous sommes ,
Chacun
JUILLET. 1732. 1467
Chacun seul ne se suffit point ;
Les bienfaits soutiennent les hommes ,
Par eux la Nature nous joint :
Elle forme des bons offices ,
Et des réciproques services ,.
Les nœuds de la Societé ;
Tout dépend de ce doux commerce.
L'ingratitude le renverse ;
C'est renverser l'humanité.
來
Pour prévenir ces ames viles ,
Faudra- t'il , Mortels bienfaisants
Que vos mains désormais stériles ,
Ne répandent plus de présens ?
Non ; leur dureté la plus noire ,
N'enleve rien à votre gloire ;
Il vaut mieux d'un soin génereux ,
Servir une foule coupable ,
Que de manquer un miserable ,
Dont vous pouvez faire un
M
heureux.
Des Dieux imitez les exemples
Dans vos dons desinteressez ;
Aucun n'est exclus de leurs Temples ;
Leurs bienfaits sur tous sont versez.
Le Soleil , qui dans sa carriere ,
Prête au vertueux sa lumiere ,
A iiij Le
1468 MERCURE DE FRANCE
Luit aussi pour le Scelerat ;
Le Ciel . cesseroit de répandre ,.
Les biens que l'homme en doit attendre ,
S'il en excluoit l'homme ingrat.
潞
Juste Thémis, contre un tel crime.,.
N'as-tu plus ni glaive ni voix ?
Que l'Ingrat n'est-il ta victime ,
Ainsi qu'il le fut autrefois !
Que ne reprens-tu dans notre âge ,
De ton antique Aréopage ,
L'équitable séverité !
L'Ingratitude étoit flétrie ,
Et souffroit loin de la Patrie,
Unexil trop bien mérité.
粥
Mais pourquoi te vantai- je , Athènes ,
Sur la justice de tes Loix ;
Quand par des rigueurs inhumaines .
Ta République en rompt les droits
Que de proscriptions ingrates !
Tes Miltiades , tes Socrates >
Sont livrez au plus triste sort ;
La méconnoissance et l'envie ,
Leur font de leur illustre vie ,
Un crime digne de la mort.
Ains
JUILLET. 1732. 1469
Ainsi parloit , fuyant sa Ville ,
Thémistocle aux Athéniens ;
» Tel qu'un Palmier qui sert d'azile ,
n
J'en sers à mes Concitoyens ;
»Pendant le Tonnerre et l'Orage ,
Sous mon impénetrable ombrage ,
»La peur des Foudres les conduit ;
"
»L'Orage cesse , on m'abandonne ,
»Et long- temps avant mon Automne ,
LaFoule ingrate abbat mon fruit.
讚
D'un cœur né droit , noble et sensible ,
Rien n'enflamme tant le courroux ,
Que l'Ingratitude infléxible ,
D'un traître qui se doit à nous ;
Sous vingt Poignards ( fin trop fatale ! }
Le Triomphateur de Pharsale ,
Voit ses jours vainqueurs abatus ;
Mais de tant de coups , le plus rude ;
Fut celui que l'Ingratitude ,
Porta par la main de Brutus,
讚
Mortels ingrats , ames féroces ,
Que mes sons puissent vous fléchir ;
Ou si de vos forfaits atroces ,
L'homme ne peut vous affranchir ; *
5
A v Que
1470 MERCURE DE FRANCE
Que les Animaux soient vos maîtres ;
O honte! ces stupides EstresSçavent-ils mieux l'Art des Humains
Oui , que Seneque vous apprenne ,
Ce qu'il admira dans l'Arêne
Des Amphithéatres Romains.
#
On lance un Lion , on l'anime ,
Contre un Esclave condamné ;
Mais à l'aspect de sa Victime
L'Animal recule étonné ;
Sa cruauté se change en joye ...
On déchaine sur cette Proye ,
D'autres Lions plus en courtoux :
Le premier , d'un cœur indomptable ,
Se met du parti du coupable ,
Et seul le deffend contre tous.
Autrefois , du Rivage More ,
Cet Esclave avoit fui les fers ;
Trouvant ce Lion jeune encore ,
Abandonné dans les Deserts ,
Il avoit nourri sa jeunesse ;
L'Animal , touché de tendresse ,
Reconnut son cher Bienfaicteur ;
Un instinct de reconnoissance ,
L'arma
JUILLET. I 1732.
147
L'arma si bien pour sa deffense ,
Qu'il sauva son Liberateur.
GRESSET.
A Tours , ce 26. Juin 1732.
ODE.
Uelle Furie au teint livide ,
S'avance ici d'un air vainqueur !
Dans ses mains luit ce fer perfide ,
Qui d'Agrippine ouvrit le cœur
L'insensible Oubli , l'Insolence ,
Les sourdes Haînes en silence ,
Entourent ce Monstre effronté ,
Tandis qu'il boit dans une Coupe ,
A ij Que
1464 MERCURE DE FRANCE
Que remplit l'infernale Troupe ,
Des froides eaux du noir Lethé.
Ingratitude , à de tels signes ,
Kisément on te reconnoît ;
Comment sur tes fureurs insignes,
Phébus est-il resté muet ?
It'a trop long- temps épargnées
Sur toi , de ma Muse indignée ,
Je vais lancer les premiers traits
Heureux , même en souillant mes rimes,
Du récit honteux de tes crimes ,
Si j'en arrête le progrès.
;
Naissons-nous injustes et traitres ?
L'homme est ingrat dès le berceau;
Jeune, sçait-il aimer ses Maîtres
Leurs bienfaits lui sont un fardeau
Homme fait , il se plaît , il s'aime
Il rapporte tout à lui- même,
Présomptueux dans tout état ;
Vieux enfin , rendez- iui service ,
Selon lui , c'est une justice ;
11 vit superbe ; il meurt ingrat.
་
Parmi l'énorme multitude ,
Des vices qu'on aime , et qu'on suit,
Pourquoi
JUILLET. 1732 1465
Pourquoi garder l'Ingratitude ,
Vice sans douceur et sans fruit ?
Reconnoissance officieuse
Pour garder ta Loi précieuse ,
En coûte- t-il tant à nos cœurs?
Est- tu de ces Vertus severes ,
Qui par des reglės trop austeres ,
Tyrannisent leurs Sectateurs ?
Sans doute il est une autre cause,
De ce lâche oubli des bienfaits :
L'Amour- propre en secret s'oppose ,
A de reconnoissans effets ;
Par un ambitieux délire',
Croyant lui-même se sûffire ;
Voulant ne rien devoir qu'à lui ,
II craint dans la reconnoissance ,
Un témoin de son impuissance ,
Et du besoin qu'il eut d'autrui.
Pour rendre ta main bienfaisante ,
Et t'émouvoir à la pitié ,
L'ingrat à tes yeux se présente ,
Sous le manteau de l'Amitié
Il rampe , adulateur servile ;
Ases vœux deviens - tu facile ?
Ne crois pas en faire un ami ;
F
A iij Tristo
1466 MERCURE DE FRANCE
Triste retour d'un noble zele ,
Tu n'en as fait qu'un infidele ,
Peut être même un ennemi.
榮
Déja son œil fuit ton approche ,
Et ta presence est son bourreau ,
Pour être exempt de ce reproche ,
Il voudroit t'ouvrir le Tombeau ;
Monstre des Bois , Race farouche ,
On peut vous gagner , on vous touche
Vous sentez le bien qu'on vous fait ;
Seul , des Monstres le plus sauvage ,
L'Ingrat trouve un sujet de rage ,
Dans le souvenir d'un bienfait.
M
Mais n'est-ce point une chimere
Un phantôme que je combats ?
Fut-il jamais un caractere,
Marqué par des crimes si bas?
Oh Ciel! que n'est-ce une imposture !
A la honte de la Nature ,
Je vois que je n'ai rien outré ,
Je connois des cœurs que j'abhorré ,
Dont la noirceur surpasse encore ,
Ce que mes traits en ont montré.
Foibles, indigens que nous sommes ,
Chacun
JUILLET. 1732. 1467
Chacun seul ne se suffit point ;
Les bienfaits soutiennent les hommes ,
Par eux la Nature nous joint :
Elle forme des bons offices ,
Et des réciproques services ,.
Les nœuds de la Societé ;
Tout dépend de ce doux commerce.
L'ingratitude le renverse ;
C'est renverser l'humanité.
來
Pour prévenir ces ames viles ,
Faudra- t'il , Mortels bienfaisants
Que vos mains désormais stériles ,
Ne répandent plus de présens ?
Non ; leur dureté la plus noire ,
N'enleve rien à votre gloire ;
Il vaut mieux d'un soin génereux ,
Servir une foule coupable ,
Que de manquer un miserable ,
Dont vous pouvez faire un
M
heureux.
Des Dieux imitez les exemples
Dans vos dons desinteressez ;
Aucun n'est exclus de leurs Temples ;
Leurs bienfaits sur tous sont versez.
Le Soleil , qui dans sa carriere ,
Prête au vertueux sa lumiere ,
A iiij Le
1468 MERCURE DE FRANCE
Luit aussi pour le Scelerat ;
Le Ciel . cesseroit de répandre ,.
Les biens que l'homme en doit attendre ,
S'il en excluoit l'homme ingrat.
潞
Juste Thémis, contre un tel crime.,.
N'as-tu plus ni glaive ni voix ?
Que l'Ingrat n'est-il ta victime ,
Ainsi qu'il le fut autrefois !
Que ne reprens-tu dans notre âge ,
De ton antique Aréopage ,
L'équitable séverité !
L'Ingratitude étoit flétrie ,
Et souffroit loin de la Patrie,
Unexil trop bien mérité.
粥
Mais pourquoi te vantai- je , Athènes ,
Sur la justice de tes Loix ;
Quand par des rigueurs inhumaines .
Ta République en rompt les droits
Que de proscriptions ingrates !
Tes Miltiades , tes Socrates >
Sont livrez au plus triste sort ;
La méconnoissance et l'envie ,
Leur font de leur illustre vie ,
Un crime digne de la mort.
Ains
JUILLET. 1732. 1469
Ainsi parloit , fuyant sa Ville ,
Thémistocle aux Athéniens ;
» Tel qu'un Palmier qui sert d'azile ,
n
J'en sers à mes Concitoyens ;
»Pendant le Tonnerre et l'Orage ,
Sous mon impénetrable ombrage ,
»La peur des Foudres les conduit ;
"
»L'Orage cesse , on m'abandonne ,
»Et long- temps avant mon Automne ,
LaFoule ingrate abbat mon fruit.
讚
D'un cœur né droit , noble et sensible ,
Rien n'enflamme tant le courroux ,
Que l'Ingratitude infléxible ,
D'un traître qui se doit à nous ;
Sous vingt Poignards ( fin trop fatale ! }
Le Triomphateur de Pharsale ,
Voit ses jours vainqueurs abatus ;
Mais de tant de coups , le plus rude ;
Fut celui que l'Ingratitude ,
Porta par la main de Brutus,
讚
Mortels ingrats , ames féroces ,
Que mes sons puissent vous fléchir ;
Ou si de vos forfaits atroces ,
L'homme ne peut vous affranchir ; *
5
A v Que
1470 MERCURE DE FRANCE
Que les Animaux soient vos maîtres ;
O honte! ces stupides EstresSçavent-ils mieux l'Art des Humains
Oui , que Seneque vous apprenne ,
Ce qu'il admira dans l'Arêne
Des Amphithéatres Romains.
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On lance un Lion , on l'anime ,
Contre un Esclave condamné ;
Mais à l'aspect de sa Victime
L'Animal recule étonné ;
Sa cruauté se change en joye ...
On déchaine sur cette Proye ,
D'autres Lions plus en courtoux :
Le premier , d'un cœur indomptable ,
Se met du parti du coupable ,
Et seul le deffend contre tous.
Autrefois , du Rivage More ,
Cet Esclave avoit fui les fers ;
Trouvant ce Lion jeune encore ,
Abandonné dans les Deserts ,
Il avoit nourri sa jeunesse ;
L'Animal , touché de tendresse ,
Reconnut son cher Bienfaicteur ;
Un instinct de reconnoissance ,
L'arma
JUILLET. I 1732.
147
L'arma si bien pour sa deffense ,
Qu'il sauva son Liberateur.
GRESSET.
A Tours , ce 26. Juin 1732.
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Résumé : L'INGRATITUDE. ODE.
L'ode 'L'Ingratitude', publiée dans le Mercure de France en juillet 1732, décrit l'ingratitude comme une furie livide, entourée de l'oubli, de l'insolence et des haines sourdes, symbolisée par un monstre effronté buvant les eaux du Lethé. L'auteur exprime son indignation face à ce vice et explore la nature humaine, soulignant que l'homme est ingrat dès le berceau, jeune, adulte et vieillard. L'ingratitude est présentée comme un vice sans douceur ni fruit, contraire à la reconnaissance. L'amour-propre et l'ambition empêchent souvent les gens de reconnaître les bienfaits reçus. L'ode met en garde contre les faux amis qui, sous le manteau de l'amitié, cherchent à tirer profit des bienfaits sans reconnaissance. L'ingratitude est comparée à un monstre sauvage qui trouve de la rage dans le souvenir des bienfaits. Le texte aborde également la nécessité des bienfaits pour soutenir les hommes et former les liens de la société. L'ingratitude renverse l'humanité et menace la solidarité. Malgré les dangers de l'ingratitude, il est recommandé de continuer à faire le bien, imitant les exemples des dieux et de la nature. L'ode critique les injustices passées, comme les proscriptions ingrates à Athènes, et les trahisons, comme celle de Brutus envers César. Elle se termine par un appel à la reconnaissance et à la justice, illustré par l'exemple d'un lion reconnaissant envers son bienfaiteur.
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16
p. 134-135
ENIGME.
Début :
Pour réussir dans l'art de me faire chercher, [...]
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Imprimerie
27
p. 167
LOGOGRYPHE. Adressé à Mademoiselle D***.
Début :
Je suis gracieux & brillant, [...]
Mots clefs :
Esprit
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