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1
p. 572-574
Nouvelles Estampes, [titre d'après la table]
Début :
L'Estampe que nous avons déja annoncée du Portrait historié de [...]
Mots clefs :
Estampe, Portrait, Danseuse, Peintres, Graveurs, Tableau, Mosaïque
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texteReconnaissance textuelle : Nouvelles Estampes, [titre d'après la table]
L'Estampe que nous avons déja annoncée du
Portrait historié de la De Camargo , premiere
Danseuse de l'Opera, est en vente, et le grand débit
qu'on en fait , prouve l'applaudissement du
Public .On lit ces quatre Vers au bas de la Planche,
Fidelle aux loix de la cadence ,
Jeforme augréde l'art les pas les plus hardis.
Ori
MARS. 1731. 573
Originale dans ma danse ,
Je puis le disputer aux Balons , aux Blondis .
Deux nouvelles Estampes qui paroissent depuis
peu , sont très - capables de soutenir et d'augmenter
la réputation des Peintres et des Graveurs
François. Les sieurs Charles Coypel et Lepicier ,
en sont les Auteurs. La premiere est d'après un
Tableau en hauteur , du Cabinet du Comte de
Morville; l'ingenieux Peintre y a répresenté l'Amour
Précepteur , sous la figure d'un jeune Doc
teur , gravement assis , qui explique l'Art d'aimer
à une petite fille , d'autres petites personnes
écoutent et étudient leurs leçons. Cette pensée est
excellemment renduë par des expressions fines et
naïves , par des attitudes et par des ajustemens
aussi galans que modestes. L'habile main qui a
gravé ce Morceau , n'a rien laissé desirer aux
Connoisseurs les plus délicats . C'est une touche
tendre , précise , legere et une entente admirable .
On lit ces quatre Vers au bas .
1
L'airgrave que je fais paroître ,
Belles , ne doit point allarmers
Il caracterise le Maître ,
Et ne le fait pas moins aimer.
La seconde Estampe représente une gracieuse
Veuve dont la Toilette n'est pas fort chargée ,
aussi ses appas sont- ils très- naturels , sans la
moindre pincée d'art ni de coquetterie. Elle rêve
devant son Miroir , dont la glace ne court aucun
risque d'être cassée. On lit au bas.
Entre deux mouvemens sans cesse partagée ,
La Veuve en cet instant les exprime à la fois :
LA
574 MERCURE DE FRANCE.
L'un est la liberté de faire un nouveau choix ,
L'autre la peur d'étre changée, í
Le 23. du mois passé M. Vanloo , Peintre
'Histoire , Agregé de l'Académie Royale de
Peinture et de Sculpture , y fut reçû , et donna
pour sa réception un grand Tableau représentant
Diane et Endymion , qui fut generalement approuvé
, et que quantité de Curieux vont voir
avec plaisir.
On écrit de Rome qu'on exposa le 18. du mois
dernier dans l'Eglise de Saint Pierre , le beau Ta--
bleau en Mosaïque , copié par le Cavalier Pierre
Paul Chriftoferi , d'aprés le Tableau Original de
sainte Petronille , peint par le celebre Guarcino
d'Acento , Disciple des Carraches.
On nous a envoïé de Lyon une grande Estampe
qui y a été gravée depuis peu par le sieut
André Houat , d'aprés un dessein à la plume
du Chevalier de Serre , représentant Ariane et
Bacchus. C'est une fort belle et fort riche com
position
Portrait historié de la De Camargo , premiere
Danseuse de l'Opera, est en vente, et le grand débit
qu'on en fait , prouve l'applaudissement du
Public .On lit ces quatre Vers au bas de la Planche,
Fidelle aux loix de la cadence ,
Jeforme augréde l'art les pas les plus hardis.
Ori
MARS. 1731. 573
Originale dans ma danse ,
Je puis le disputer aux Balons , aux Blondis .
Deux nouvelles Estampes qui paroissent depuis
peu , sont très - capables de soutenir et d'augmenter
la réputation des Peintres et des Graveurs
François. Les sieurs Charles Coypel et Lepicier ,
en sont les Auteurs. La premiere est d'après un
Tableau en hauteur , du Cabinet du Comte de
Morville; l'ingenieux Peintre y a répresenté l'Amour
Précepteur , sous la figure d'un jeune Doc
teur , gravement assis , qui explique l'Art d'aimer
à une petite fille , d'autres petites personnes
écoutent et étudient leurs leçons. Cette pensée est
excellemment renduë par des expressions fines et
naïves , par des attitudes et par des ajustemens
aussi galans que modestes. L'habile main qui a
gravé ce Morceau , n'a rien laissé desirer aux
Connoisseurs les plus délicats . C'est une touche
tendre , précise , legere et une entente admirable .
On lit ces quatre Vers au bas .
1
L'airgrave que je fais paroître ,
Belles , ne doit point allarmers
Il caracterise le Maître ,
Et ne le fait pas moins aimer.
La seconde Estampe représente une gracieuse
Veuve dont la Toilette n'est pas fort chargée ,
aussi ses appas sont- ils très- naturels , sans la
moindre pincée d'art ni de coquetterie. Elle rêve
devant son Miroir , dont la glace ne court aucun
risque d'être cassée. On lit au bas.
Entre deux mouvemens sans cesse partagée ,
La Veuve en cet instant les exprime à la fois :
LA
574 MERCURE DE FRANCE.
L'un est la liberté de faire un nouveau choix ,
L'autre la peur d'étre changée, í
Le 23. du mois passé M. Vanloo , Peintre
'Histoire , Agregé de l'Académie Royale de
Peinture et de Sculpture , y fut reçû , et donna
pour sa réception un grand Tableau représentant
Diane et Endymion , qui fut generalement approuvé
, et que quantité de Curieux vont voir
avec plaisir.
On écrit de Rome qu'on exposa le 18. du mois
dernier dans l'Eglise de Saint Pierre , le beau Ta--
bleau en Mosaïque , copié par le Cavalier Pierre
Paul Chriftoferi , d'aprés le Tableau Original de
sainte Petronille , peint par le celebre Guarcino
d'Acento , Disciple des Carraches.
On nous a envoïé de Lyon une grande Estampe
qui y a été gravée depuis peu par le sieut
André Houat , d'aprés un dessein à la plume
du Chevalier de Serre , représentant Ariane et
Bacchus. C'est une fort belle et fort riche com
position
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Résumé : Nouvelles Estampes, [titre d'après la table]
Le texte annonce la vente d'une estampe représentant le portrait de la danseuse La Camargo, première danseuse de l'Opéra, qui connaît un grand succès public. Cette estampe est accompagnée de quatre vers mettant en avant ses talents de danseuse. Deux nouvelles estampes, réalisées par Charles Coypel et Lepicier, renforcent la réputation des peintres et graveurs français. La première est inspirée d'un tableau du Cabinet du Comte de Morville, intitulé 'L'Amour Précepteur', et est saluée pour sa finesse et son habileté. La seconde représente une veuve rêveuse devant son miroir, accompagnée de vers explicatifs. Le 23 du mois précédent, M. Vanloo a été reçu à l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture avec un tableau de Diane et Endymion. À Rome, une mosaïque copiée par le Cavalier Pierre Paul Chriftoferi a été exposée à Saint-Pierre. Enfin, une grande estampe d'Ariane et Bacchus, gravée par André Houat d'après un dessin du Chevalier de Serre, a été envoyée de Lyon.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1610-1612
Exposition de Tableaux, [titre d'après la table]
Début :
L'usage d'exposer les Ouvrages des Peintres à la [...]
Mots clefs :
Exposition de tableaux, Peintres, Académie royale de peinture et de sculpture, Salon du vieux Louvre
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texteReconnaissance textuelle : Exposition de Tableaux, [titre d'après la table]
L'usage d'exposer les Ouvrages des Peintres
la critique du Public, est tres - ancien et tres utile,
les observations sensées par l'on fait pour la
perfection de l'Art , dont les esprits dociles et les gens qui ont du talent , sçavent profiter ; mais
plus encore par la noble émulation et par l'ardeur naturelle dans tous les hommes d'acquerir
de la réputation et de s'élever. Cet usage s'ob- serve tres exactement à Rome , où l'Académie
de S. Luc fait à certains jours un pompeux étá- lage de ses productions , ce qui attire toujours
un grand concours et ouvie un vaste champ aux
réfléxions et à la critique des Artistes , des cof.
·
noisseurs , &c.
Notre Académie Royale de Peinture et Sculptu
re fit une superbe montre de ses ouvrages en 1699. dans la grande Gallerie du Louvre , qui fit
beaucoup
JUILLET.
1732. 1617
beaucoup d'honneur à l'Ecole Françoise , et qui
dès ce temps- là lui donna la supériorité sur toutes les autres , au jugement même des Etrangers;
jugement qui fut confirmé il y a cinq ans dans
le grand Salon du vieux Louvre , où les jeunes
Peintres et Sculpteurs de l'Académie exposerent leurs Ouvrages, ausquels le Public rendit jus
tice , en les honorant d'un concours prodigieux.
On étoit dans l'habitude d'exposer tous les ans ,
à l'occasion des Processions de la Fête- Dieu, dans
la Place Dauphine , et à l'entrée de cette Place ,
du côté du Pont- Neuf, quantité de Tableaux de
Peintres anciens et modernes, qui attiroient beau- coup de Spectateurs; mais depuis quelque- temps
on n'en voyoit presque plus , au grand regret dupublic , qui a sçu tres- bon gré à quelques jeunes.
Peintres , qui y ont exposé cette année plusieurs
de leurs Tableaux , qu'on a vus avec beaucoup
de plaisir , principalement ceux du sieur Char
din , de l'Académie Royale , qui sont peints avec
un soin et une vérité à ne rien laisser à désirer .
Deux de ces Tableaux , qui ont été faits pour
le Comte de Rottembourg Ambassadeur de France à la Cour de Madrid , representant differens
animaux , des Instrumens et Trophées de Musique , et plusieurs autres petits Tableaux , d'ustenciles, & c. Mais ce qui lui a fait le plus d'honneur , c'est un Bas- relief , peint d'après un Basrelief de bronze , de François Flamand , représentant des Enfans , que ce fameux Maftre faisoit à merveilles , et que le Pinceau de l'habile
Peintre a si -bien sçu imiter , que par le secours
des yeux , quelque près que l'on soit , on est encore séduit au point qu'il faut absolument mettre la main sur la toile et toucher le Tableau pour
être détrompé. On peut voir ce Tableau dans le
G iiij Cabi
1612 MERCURE DE FRANCE
Cabinet de M. Vanlo , Peintre de l'Académie,
du premier rang.
Ön voyoit encore dans la même Place , un
beau Tableau du sieur Grimoud , representant un
Joueur de Vielle , quatre Portraits du Sr Autrean
le fils , qui ont été fort approuvez, plusieurs du
Sr le Sueur , et quelques autres. Mais ce qui fit le
plus de plaisir, c'est le Portrait du grand pere du
Sr Matheron, Marchand Jouaillier à Paris,peint
il y a 49 ans , par l'illustre M. Rigaud , et qui
est un des plus beaux morceaux qu'on sçauroit voir.
la critique du Public, est tres - ancien et tres utile,
les observations sensées par l'on fait pour la
perfection de l'Art , dont les esprits dociles et les gens qui ont du talent , sçavent profiter ; mais
plus encore par la noble émulation et par l'ardeur naturelle dans tous les hommes d'acquerir
de la réputation et de s'élever. Cet usage s'ob- serve tres exactement à Rome , où l'Académie
de S. Luc fait à certains jours un pompeux étá- lage de ses productions , ce qui attire toujours
un grand concours et ouvie un vaste champ aux
réfléxions et à la critique des Artistes , des cof.
·
noisseurs , &c.
Notre Académie Royale de Peinture et Sculptu
re fit une superbe montre de ses ouvrages en 1699. dans la grande Gallerie du Louvre , qui fit
beaucoup
JUILLET.
1732. 1617
beaucoup d'honneur à l'Ecole Françoise , et qui
dès ce temps- là lui donna la supériorité sur toutes les autres , au jugement même des Etrangers;
jugement qui fut confirmé il y a cinq ans dans
le grand Salon du vieux Louvre , où les jeunes
Peintres et Sculpteurs de l'Académie exposerent leurs Ouvrages, ausquels le Public rendit jus
tice , en les honorant d'un concours prodigieux.
On étoit dans l'habitude d'exposer tous les ans ,
à l'occasion des Processions de la Fête- Dieu, dans
la Place Dauphine , et à l'entrée de cette Place ,
du côté du Pont- Neuf, quantité de Tableaux de
Peintres anciens et modernes, qui attiroient beau- coup de Spectateurs; mais depuis quelque- temps
on n'en voyoit presque plus , au grand regret dupublic , qui a sçu tres- bon gré à quelques jeunes.
Peintres , qui y ont exposé cette année plusieurs
de leurs Tableaux , qu'on a vus avec beaucoup
de plaisir , principalement ceux du sieur Char
din , de l'Académie Royale , qui sont peints avec
un soin et une vérité à ne rien laisser à désirer .
Deux de ces Tableaux , qui ont été faits pour
le Comte de Rottembourg Ambassadeur de France à la Cour de Madrid , representant differens
animaux , des Instrumens et Trophées de Musique , et plusieurs autres petits Tableaux , d'ustenciles, & c. Mais ce qui lui a fait le plus d'honneur , c'est un Bas- relief , peint d'après un Basrelief de bronze , de François Flamand , représentant des Enfans , que ce fameux Maftre faisoit à merveilles , et que le Pinceau de l'habile
Peintre a si -bien sçu imiter , que par le secours
des yeux , quelque près que l'on soit , on est encore séduit au point qu'il faut absolument mettre la main sur la toile et toucher le Tableau pour
être détrompé. On peut voir ce Tableau dans le
G iiij Cabi
1612 MERCURE DE FRANCE
Cabinet de M. Vanlo , Peintre de l'Académie,
du premier rang.
Ön voyoit encore dans la même Place , un
beau Tableau du sieur Grimoud , representant un
Joueur de Vielle , quatre Portraits du Sr Autrean
le fils , qui ont été fort approuvez, plusieurs du
Sr le Sueur , et quelques autres. Mais ce qui fit le
plus de plaisir, c'est le Portrait du grand pere du
Sr Matheron, Marchand Jouaillier à Paris,peint
il y a 49 ans , par l'illustre M. Rigaud , et qui
est un des plus beaux morceaux qu'on sçauroit voir.
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Résumé : Exposition de Tableaux, [titre d'après la table]
Le texte aborde l'importance historique des expositions d'œuvres d'art pour l'amélioration de l'art et la reconnaissance des artistes. À Rome, l'Académie de Saint-Luc organise régulièrement des expositions publiques. En France, l'Académie Royale de Peinture et Sculpture a présenté ses œuvres au Louvre en 1699, soulignant la supériorité de l'École Française. Des expositions annuelles se tenaient également à la Place Dauphine lors des Processions de la Fête-Dieu, attirant un large public. Récemment, des jeunes peintres, dont Chardin, ont exposé leurs tableaux, suscitant un grand intérêt. Chardin a été particulièrement distingué pour un bas-relief imitant une œuvre de François Flamand. D'autres artistes comme Grimoud, Autrean, et Le Sueur ont également exposé leurs œuvres, ainsi qu'un portrait du grand-père du sieur Matheron, réalisé par Rigaud.
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3
p. 489-494
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Châlons en Champagne, au mois de Decembre 1732. dans laquelle il est parlé des Ouvrages de differens Peintres renommez.
Début :
Je n'ai pas de meilleur moïen pour prévenir les accès de l'ennui que de [...]
Mots clefs :
Châlons-en-Champagne, Plaisir, Esprit, Ouvrages, Chasse, Peintres
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Châlons en Champagne, au mois de Decembre 1732. dans laquelle il est parlé des Ouvrages de differens Peintres renommez.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Chálons
en Champagne , au mois de Decembre
1732. dans laquelle il est parlé des
Ouvrages de differens Peintres renammez.
E n'ai pas de meilleur moïen pour
prévenir les accès de l'ennui que de
me rappeller ces beaux jours dont nous
avons passé ensemble la plus grande
partie. Je me transporte en esprit auprès
de vous . Il me semble que nous allons encore
, avec M. le Chevalier Dorigny, voir
le riche Cabinet de M. de Julienne aux
Gobelins. L'esprit également rempli des
idées riantes , que nous ont données les
Ouvrages de Katean, et de celles lais
J ledeche de
que
D v sept
490 MERCURE DE FRANCE
•
sent les manieres gracieuses de l'illustre
Curieux qui travaille avec tant de succès
à l'immortaliser ; nous courons chercher
de nouveaux plaisirs chez M. d'Argenville.
Il nous ouvre le Porte - feü: lle qui
contient un grand nombre de desseins
Originaux des meilleurs Maîtres des
Païs bas. Alors je ne me crois plus renfermé
dans l'enceinte de son appartement.
Je me promene avec vous dans les agréa
bles Païsages de Brugbel. Herman Svavenwelt
nous conduit auprès des Ruines
et des Solitudes des environs de Rome ,
dans lesquelles il se retiroit pour étudier
plus tranquillement la nature. Fosse de
Mompré nous égare quelquefois dans de
vastes Déserts , er du Sommet d'un Montagne
escarpée , où son génie nous transport
, il nous fait découvrir une prodigieuse
étendue de Païs . Ici nous voïons
des Vallées profondes ; là des Forêts de
Chênes et de Sapins , qui les couvrent de
leur ombre ; un amas de Cabannes nous
présente un peu plus loin l'Image de la
retraite de l'Innocence .
ť
A quelque distance s'éleve un Château
, dont les Jardins délicieux s'étendent
jusqu'aux bords d'un Fleuve , qui
serpente en formant plusieurs Isles . Ne
diroit- on pas que ses Eaux portent l'abonMAR
S. 1733 . 491
bondance dans les Campagnes qu'il ar-
Fose , et qu'elles facilitent le commerce
d'un nombre de Villes et de Bourgades
qui se perdent dans l'éloignement ? A
peine sommes - nous descendus de la Mon
tagne de Mompré , que Bloemaert nous
invite à nous reposer avec ses Bergers.
Appuyez contre le Tronc noüeux d'un
vieux Chesne , nous les considerons quel
que- temps ; leur simplicité , leur candeur
nous disposent à trouver du plaisir dans
une Chaumine enfumée , dans laquelle
Rinbrant nous conduit.
Après que nous avons raisonné sur la
Phisionomie d'un vieux Pere de famille
qui fixe Pattention de son Epouse et de
ses Enfans , par la lecture qu'il leur fait ,
à la clarté d'une Lampe. D. Teniers , nous
tire de ce réduit , pour nous donner le
Spectacle d'une . Fête de Village, Pierre
de Laert , Brauver et Van Ostade , nous
font entrer au Cabaret : par bonheur malgré
ce qu'ils nous y montrent de divertissant
nous n'aimons pas à y rester autant
qu'eux ; nous sortons pour prendre
dans les Champs un plaisir plus digne de
nous. Bergheim nous le Procure ; nous
entendons le Bêlement de ses Brebis , et le
Mugissement de ses Boeufs , auprès d'une
Cascade qui se précipite à travers des Ro
Dvj chers
492 MERCURE DE FRANCE
chers qui ne paroissent accessibles qu'aux
Chévres qui vont y dépouiller les Buissons.
Cette vûë nous porte à d'agréables réveries
; mais tout à'coup nous voïons accourir
une troupe de Dames et de Cavaliers
, montez sur les plus beaux Chevaux
de l'Ecurie de Vanverman. Ils reviennent
ensemble de la Chasse ; nous
nous en appercevons aux Veneurs , aux
Fauconniers , aux Chiens , aux Оyseaux
de Proye , aux Valets chargez de Gibier ,
qui les suivent. Les Païsans sortent de
feurs Maisons pour admirer leur Equipage
leste et galant ; d'un côté les Meres
font remarquer à leurs Enfans la grosseur
énorme du Sanglier qui vient d'être
pris ; et d'un autre elles retirent avec
précipitation ceux qu'une curiosité témeraire
expose trop à la vivacité des
Chevaux .
Que dirai - je du Regal dont nous sommes
redevables aux attentions de Jean
Bol? Rien ne lui a échappé dans la nature
de tout ce qui pouvoit nous réjouir
la Chasse , la Pêche , les Occupations
, les Amusemens de la Campagne ,
les Oyseaux , les Animaux , les Poissons ,
les Insectes , les Reptiles , les Fleurs , les
Fruits , les Plantes et les Coquillages
pous
MAR S. 1733-
493
nous sont offerts dans le petit espace de
son Domaine. Enfin Corneille Poclenbourg
permet à Diane et à ses Nimphes de se
baigner devant nous , et Rotenhamer n'a
pas moins de complaisance.
Voilà , Monsieur , les douces illusions
que je ne cesse d'entretenir ; voilà les temedes
les plus efficaces que j'employe
pour détourner la mélancolie , qui pourroit
répandre sur mon esprit autant de
nuages que la triste saison de l'Hyver répand
autour de moi de Brouillars et de
Frimats. C'est ainsi que j'écarte l'ennui
de ma solitude je suis aidé par quelques:
Estampes que je viens de recevoir d'Allemagne
, le dessein et la gravure ne les
rendent pas recommandables . Qu'importe
? Elles m'ainusent par la variété des objets
qu'elles représentent , et, mon imagination
prend plaisir à finir ce qu'ellės:
n'ont fait qu'ébaucher ; je m'y promene
dans de vastes Jardins sans me lasser, j'en
parcours les Labyrintes sans m'égarer , je
m'y retire dans des Grottes dont je ne
crains pas que l'humidité m'incommode
; j'y vois de près les Ours et les Sangliers
sans redouter ni les Grifes des uns ,
ni les Deffenses meutrieres des autres; j'y
partage les travaux des Païsans de Souabe
sans me fatiguer , et leurs divertissemens
Sans
494 MERCURE
DE FRANCE
sans me compromettre
; enfin il me sems
ble ( n'est- ce pas ce que l'on peut penser
de plus flateur ? ) que je fais l'amour aux
plus jolies Bergeres sans avoir rien à
craindre , ni de la satire des envieux , ni
de la persécution des jaloux.
en Champagne , au mois de Decembre
1732. dans laquelle il est parlé des
Ouvrages de differens Peintres renammez.
E n'ai pas de meilleur moïen pour
prévenir les accès de l'ennui que de
me rappeller ces beaux jours dont nous
avons passé ensemble la plus grande
partie. Je me transporte en esprit auprès
de vous . Il me semble que nous allons encore
, avec M. le Chevalier Dorigny, voir
le riche Cabinet de M. de Julienne aux
Gobelins. L'esprit également rempli des
idées riantes , que nous ont données les
Ouvrages de Katean, et de celles lais
J ledeche de
que
D v sept
490 MERCURE DE FRANCE
•
sent les manieres gracieuses de l'illustre
Curieux qui travaille avec tant de succès
à l'immortaliser ; nous courons chercher
de nouveaux plaisirs chez M. d'Argenville.
Il nous ouvre le Porte - feü: lle qui
contient un grand nombre de desseins
Originaux des meilleurs Maîtres des
Païs bas. Alors je ne me crois plus renfermé
dans l'enceinte de son appartement.
Je me promene avec vous dans les agréa
bles Païsages de Brugbel. Herman Svavenwelt
nous conduit auprès des Ruines
et des Solitudes des environs de Rome ,
dans lesquelles il se retiroit pour étudier
plus tranquillement la nature. Fosse de
Mompré nous égare quelquefois dans de
vastes Déserts , er du Sommet d'un Montagne
escarpée , où son génie nous transport
, il nous fait découvrir une prodigieuse
étendue de Païs . Ici nous voïons
des Vallées profondes ; là des Forêts de
Chênes et de Sapins , qui les couvrent de
leur ombre ; un amas de Cabannes nous
présente un peu plus loin l'Image de la
retraite de l'Innocence .
ť
A quelque distance s'éleve un Château
, dont les Jardins délicieux s'étendent
jusqu'aux bords d'un Fleuve , qui
serpente en formant plusieurs Isles . Ne
diroit- on pas que ses Eaux portent l'abonMAR
S. 1733 . 491
bondance dans les Campagnes qu'il ar-
Fose , et qu'elles facilitent le commerce
d'un nombre de Villes et de Bourgades
qui se perdent dans l'éloignement ? A
peine sommes - nous descendus de la Mon
tagne de Mompré , que Bloemaert nous
invite à nous reposer avec ses Bergers.
Appuyez contre le Tronc noüeux d'un
vieux Chesne , nous les considerons quel
que- temps ; leur simplicité , leur candeur
nous disposent à trouver du plaisir dans
une Chaumine enfumée , dans laquelle
Rinbrant nous conduit.
Après que nous avons raisonné sur la
Phisionomie d'un vieux Pere de famille
qui fixe Pattention de son Epouse et de
ses Enfans , par la lecture qu'il leur fait ,
à la clarté d'une Lampe. D. Teniers , nous
tire de ce réduit , pour nous donner le
Spectacle d'une . Fête de Village, Pierre
de Laert , Brauver et Van Ostade , nous
font entrer au Cabaret : par bonheur malgré
ce qu'ils nous y montrent de divertissant
nous n'aimons pas à y rester autant
qu'eux ; nous sortons pour prendre
dans les Champs un plaisir plus digne de
nous. Bergheim nous le Procure ; nous
entendons le Bêlement de ses Brebis , et le
Mugissement de ses Boeufs , auprès d'une
Cascade qui se précipite à travers des Ro
Dvj chers
492 MERCURE DE FRANCE
chers qui ne paroissent accessibles qu'aux
Chévres qui vont y dépouiller les Buissons.
Cette vûë nous porte à d'agréables réveries
; mais tout à'coup nous voïons accourir
une troupe de Dames et de Cavaliers
, montez sur les plus beaux Chevaux
de l'Ecurie de Vanverman. Ils reviennent
ensemble de la Chasse ; nous
nous en appercevons aux Veneurs , aux
Fauconniers , aux Chiens , aux Оyseaux
de Proye , aux Valets chargez de Gibier ,
qui les suivent. Les Païsans sortent de
feurs Maisons pour admirer leur Equipage
leste et galant ; d'un côté les Meres
font remarquer à leurs Enfans la grosseur
énorme du Sanglier qui vient d'être
pris ; et d'un autre elles retirent avec
précipitation ceux qu'une curiosité témeraire
expose trop à la vivacité des
Chevaux .
Que dirai - je du Regal dont nous sommes
redevables aux attentions de Jean
Bol? Rien ne lui a échappé dans la nature
de tout ce qui pouvoit nous réjouir
la Chasse , la Pêche , les Occupations
, les Amusemens de la Campagne ,
les Oyseaux , les Animaux , les Poissons ,
les Insectes , les Reptiles , les Fleurs , les
Fruits , les Plantes et les Coquillages
pous
MAR S. 1733-
493
nous sont offerts dans le petit espace de
son Domaine. Enfin Corneille Poclenbourg
permet à Diane et à ses Nimphes de se
baigner devant nous , et Rotenhamer n'a
pas moins de complaisance.
Voilà , Monsieur , les douces illusions
que je ne cesse d'entretenir ; voilà les temedes
les plus efficaces que j'employe
pour détourner la mélancolie , qui pourroit
répandre sur mon esprit autant de
nuages que la triste saison de l'Hyver répand
autour de moi de Brouillars et de
Frimats. C'est ainsi que j'écarte l'ennui
de ma solitude je suis aidé par quelques:
Estampes que je viens de recevoir d'Allemagne
, le dessein et la gravure ne les
rendent pas recommandables . Qu'importe
? Elles m'ainusent par la variété des objets
qu'elles représentent , et, mon imagination
prend plaisir à finir ce qu'ellės:
n'ont fait qu'ébaucher ; je m'y promene
dans de vastes Jardins sans me lasser, j'en
parcours les Labyrintes sans m'égarer , je
m'y retire dans des Grottes dont je ne
crains pas que l'humidité m'incommode
; j'y vois de près les Ours et les Sangliers
sans redouter ni les Grifes des uns ,
ni les Deffenses meutrieres des autres; j'y
partage les travaux des Païsans de Souabe
sans me fatiguer , et leurs divertissemens
Sans
494 MERCURE
DE FRANCE
sans me compromettre
; enfin il me sems
ble ( n'est- ce pas ce que l'on peut penser
de plus flateur ? ) que je fais l'amour aux
plus jolies Bergeres sans avoir rien à
craindre , ni de la satire des envieux , ni
de la persécution des jaloux.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Châlons en Champagne, au mois de Decembre 1732. dans laquelle il est parlé des Ouvrages de differens Peintres renommez.
En décembre 1732, à Châlons en Champagne, une lettre évoque les souvenirs agréables partagés entre l'auteur et un ami. Ils se remémorent la visite du riche cabinet de M. de Julienne aux Gobelins, où ils ont admiré les œuvres de peintres tels que Katean et Le Deche de Septembre. Par la suite, ils se rendent chez M. d'Argenville pour contempler des dessins originaux des maîtres des Pays-Bas. La lettre décrit ensuite des promenades imaginaires à travers divers paysages et œuvres d'art. Ils se promènent dans les paysages de Brughel, explorent les ruines romaines de Herman Svavenwelt, et traversent les vastes déserts de Fosse de Mompré. Ils visitent également des scènes pastorales de Bloemaert, des intérieurs de Rembrandt, et des fêtes de village de David Teniers. La lettre se conclut par des scènes de chasse et des paysages campagnards, illustrant comment l'auteur utilise son imagination pour échapper à l'ennui et à la mélancolie hivernale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 1505-1513
SECONDE LETTRE écrite de Châlons en Champagne, à M. *** au sujet des Peintres Flamands, &c.
Début :
Vos reproches sont justes, Monsieur, et il est de mon interêt de vous [...]
Mots clefs :
École flamande, Dessins, Tableaux, Collection, Génie, Imagination, Peinture, Dezallier d'Argenville, Peintres, Peintres flamands
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texteReconnaissance textuelle : SECONDE LETTRE écrite de Châlons en Champagne, à M. *** au sujet des Peintres Flamands, &c.
SECONDE LETTRE écrite de
Châlons en Champagne , à M. *** au 、
sujet des Peintres Flamands , &c .
V
Os reproches sont justes , Monsieur,
et il est de mon interêt de vous
répondre au sujet des Peintres de PEcole
Flamande dont j'ai parlé dans ma
Lettre inserée dans le Mercure du mois
de Mars dernier . Toutes mes inclinations,
dites - vous , semblent se renfermer dans
l'Ecole Flamande , et vous m'appliquez
ce Vers de Virgile :
Non omnes Arbusta juvant humilesque myrica
1506 MERCURE DE FRANCE
Je conviens avec vous , Monsieur , que
tous les Curieux ne sont pas du même
goût ; tous ne se contentent pas du naturel
, du simple , du naïf et du champêtre
; il leur faut du grand , du pathétique
, du sublime , de l'extraordinaire , et
la Nature toute seule ne fait presque jamais
uniquement l'objet de leur admiration
, que lorsqu'elle se présente dans ce
point de vue dans lequel les Grecs autrefois
et de nos jours les Italiens et les
François , ont eu l'art de la répresenter.
Le détail suivant suffira , je crois , pour
vous guérir de toute prévention pour
les Flamands ; et pour vous convaincre que
les Italiens et les François ont sçû trouver
dans mon estime la place qu'ils méritent.
Peut être même dois-je cette explication
au Public , aussi- bien quà vous,
pour être plus exact au sujet du Cabinet
de M. Dargenville , et justifier son goût ,
qu'on pourroit supposer , comme vous
avez fait du mien , de pancher trop pour
l'Ecole Flamande. C'est le Curieux de
tous les Pays, l'Amateur de tous les Arts ;
ses momens les plus chéris sont ceux que
des occupations plus sérieuses lui permettent
de donner au Dessein ,età la Peinture
; il sçait partager cet amour avec
tant de justesse entre les Ecoles qui ont
conJUILLET.
1733. 1507
contribué à faire fleurir les Arts , qu'on
ne peut point l'accuser de cette partialité
qui caractérise plutôt un homme préyenu
, qu'un vrai connoisseur. On ne
< voit en effet chez plusieurs Amateurs
que des Desseins et des Tableaux d'une
espece ; ils épousent , pour ainsi dire , une
Ecole et ils consacrent leur passion à ce
qu'elle a mis au jour , quelquefois au préjudice
de ce que toutes les autres ont produit.
Vous me dites si agréablement dans
votre Lettre , Monsieur , et ce sont vos
propres termes :» Vous vous êtes assez
promené dans les Paysages du Breughel,
» vous avez suffisamment pris part aux
»Scenes divertissantes de Teniers , de
» Brauver et de Van- Ostade , enfin vous
» avez assez rêvé dans les Antres sauvages
>> et au bord des Fontaines avec les Ber-
" gers de Bloemart et de Berghem ; il
faut que vous passiez des Grottes que
» la main de la Nature a creusées dans les
» Montagnes , dans les Temples dont la
» belle Architecture a décoré les céle-
»bres Villes de Rome , de Florence , de
»Venise , de Naples , de Genes et de Pa
> ris. Vous devez у considerer ce que la
>> Peinture et la Sculpture y ont fait de
plus beau , soit pour l'ornement des
>> voutes , soit pour la décoration des Au-
» tels
>>
1508 MERCURE DE FRANCE
» tels. Sortez des Cabanes et des Chau-
>> imines enfumées ; transportez - vous dans
» les Palais des Rois , dans les Hôtels des
» Grands , dans les Edifices publics , dans
» les Cabinets des Particuliers , et racontez-
>> nous ce que le Pinceau , le ciseau , la plume;
» le crayon et le burin ont produit , soit
» pour conserver la memoire des princi-
» paux évenemens de l'Antiquité sacrée
» et profane , pour donner un nouveau
» jour à l'Histoire , pour ajouter un nou-
» veau lustre à la vertu héroïque ; soit
» enfin pour faire les délices des yeux et
» pour relever les charmes de la Poësie.
»par les agrémens de la Peinture , & c.
Vous serez fatisfait , Monsieur , et
nous allons faire ensemble le voyage
d'Italie , en présentant à vos yeux ce que
la Collection de M Dargenville a de plus
favorable , pour faire voir que les grands
Maîtres d'Italie et de France dans leur
génie , leur goût , le tour d'imagination,
l'expression , la correction , et les grandes
ordonnances surpassent infiniment les
Flamands , qui n'ont de leur côté que la
couleur et le vrai en partage.
Trois cent desseins de l'Ecole Romaine
, depuis Raphaël jusqu'à Carlomarati
& ses Disciples , donnent l'idée la plus
juste de la correction et de la précifion
des
JUILLET. 1733. 1509
des contours dans ceux qui font arrêtez;
Cl ceux qui ne sont que l'effet du, premier
feu de l'imagination , secondée par une
main libre sure et legere , offrent ces
de traits hardis , ces touches fieres et spirituelles,
qui caracterisent l'impétuosité du
ezegenie ; et les uns et les autres contribuent
à faire sentir qu'elle a été la naissance
, le progrès et la perfection des plus
grands morceaux de Peinture .
On peut remarquer dans ces précieux
a restes des études des Peintres celebres , la
fécondité , la rapidité , l'exactitude , et là
netteté avec laquelle ils ont mis leurs idées
dau jour. La verité qu'ils ont donnée aux
airs de têtes , les contrastes qu'ils ont
cherchés dans les atitudes, les belles formes
equ'ils ont choisies , les graces qu'ils ont
étudiées , et les caprices ingénieux et les
bizareries élégantes dont ils se sont servis
pour reveiller l'attention du Spectateur ,
et pour jetter du vif et du piquant dans
leurs Tableaux .
Ici l'on aime la sagesse de la composition
de Raphaël ; là Jule Romain éton .
ae par les saillies de son imagination ,
l'un charme par la douce majesté de ses
figures , l'autre surprend par l'air impoant
qu'il donne aux siennes. Le premier
ffre dans ses Tableaux le sublime de
la
1510 MERCURE DE FRANCE
1
la Poësie ; le second en exprime le merveilleux,
la fureur et l'entousiasme . Leurs
Disciples se sont efforcez à l'envi de
les imiter , et dans les caracteres de douceur
ou de fierté qu'ils font sentir dans leurs
Desseins , on reconnoît lequel des deux en
particulier ils ont choisi pour modele.
Quel plaisir n'a - t'on pas d'éprouver en
quelque sorte l'impression du génie terrible
de Michel Ange , dans les Desseins de
sa main, que l'on voit à la tête de l'Ecole
Florentine ; la collection en monte à 200
pieces , dont les dernieres sont reconnues
pour être de Benedette Lutti , le plus habile
homme que cette Ecole ait produit
de nos jours vous sçavez , Monsieur ,
combien les Poëtes Toscans se sont rendus
recommandables par le beau feu de
leur imagination , l'agrément et la pureté
de leur stile. Les Peintres de cetre Nation
se sont distinguez par des qualitez
semblables ; j'en appelle à témoin les Ouvrages
du Rosso , d'André del Sarté , du
Pontorme , de Salviati , Procacini , Prietro,
de Cortone , Cyroferri , Tempeste , Stephano
della Bella , également celebres du côté des
riches inventions et des traits hardis et gracieux
sur lesquels ils ont sçû les produire.
L'Ecole Lombarde , depuis le Correge
jusqu'à Daniel Crespi , dit l'Espagnol ,
qui
JUILLET.. 1733. 1511.
*
qui est encore vivant , compose deux
gros volumes in folio , d'environ 390.
Desseins. Le nom du Correge ne vous présente-
t'il pas l'idée d'un homme qui doit
plus qu'un autre à la faveur particuliere
du genie ? et dont les Desseins portent le
caractere des graces dont personne n'a été
autant doué que lui ? excepté neanmoins le
Parmesan et le Baroche . Les Carache, le Guide
, le Dominiquain , le Lanfranc , le Guerchin
, ornent infiniment cette Ecole.
L'Ecole Venitienne , qui s'étend depuis
les Bellins jusqu'à Sebastien Ricci
encore vivant, offre environ 200. Desseins
dans un volume , où ceux de Paul Veronese
et duTintoret,brillent et par leur nombre et -
par leur choix . Vous sentez , M. combien
cet article est interessant , puisque
rien n'a été plus abondant que le génie ,
plus magnifique que l'ordonnance , et
plus fier que l'execution de ces Maîtres ,
dont les Tableaux surprenants font le
principal ornement des Eglises et des Palais
de Venise.
La cinquiéme Ecole est subdivisée en
trois autres , qui sont , l'Ecole Napolitaine
, la Genoise et celle de Luques . Cette
collection comprend environ 200. pieces,
entre lesquelles plusieurs grandes ordonnances
du Cangiage , se font remarquer
par
1512 MERCURE DE FRANCE
par la singularité de sa maniere. On y
voit aussi de beaux Morceaux de Salvator
Rosa , de Lucas fordans et de Solimene ;
Ensorte que l'Ecole d'Italie en general , en
y ajoûtant les Desseins de l'Ecole des Caraches
, est composée de 1500. Desseins.
L'Ecole Françoise , suivie depuis deux
cens ans sans interruption , est composée
de six volumes in folio , et comprend
près de 1000. Desseins choisis ; elle commence
à Freminet et à Jean Cousin , et
offrant des Ouvrages de Vouet , de Blanchan,
du Poussin , du Bourdon , de le Sueur,
de le Brun et autres , elle passe jusqu'aux
habiles Modernes actuellement vivans.
Les trois volumes de l'Ecole Flamande
dont je vous ai tant parlé précédemment ,
contiennent près de six cent Desseins , et
l'Ecole Allemande et Hollandoise , environ
400 ; de maniere qu'avec un vòlume
de Desseins d'après Nature , un autre
de Desseins à la plume , et un troisiéme
de Desseins d'Architecture ; la collection
de M. Dargenville , monte à 4000. Desseins
originaux et choisis , qu'il a apportés
de ses voyages et qu'il fait venir tous
les jours des Pays Etrangers.
4
Je ne vous dis rien de ses Tableaux
de ses Livres , de 100. volumes d'Estam-
>
pes choisies des meilleurs Maîtres , d'une
TopoJUILLET.
1733. 1513
Topographie très - ample,d'une collection
de Pierres , de Coquilles rares , de Mineraux
et d'autres Morceaux concernant
l'Histoire Naturelle .
•
Si je n'avois pas tant de preuves de
votre attachement à cette partie de l'Histoire
de l'Esprit humain , qui sert en particulier
à prouver l'ascendant du génie
la force de l'imagination , et les differens
caracteres que lui imprime la varieté des
climats , des préjugez des moeurs , et de
tout ce que M. l'Abbé du Bos entend
par Causes Phisiques et Causes Morales
je vous prierois de me pardonner un si
long détail. Mais je suis persuadé que
tout dépourvû qu'il est des graces du
stile , il vous fera quelque plaisir. Je
suis , & c.
Châlons en Champagne , à M. *** au 、
sujet des Peintres Flamands , &c .
V
Os reproches sont justes , Monsieur,
et il est de mon interêt de vous
répondre au sujet des Peintres de PEcole
Flamande dont j'ai parlé dans ma
Lettre inserée dans le Mercure du mois
de Mars dernier . Toutes mes inclinations,
dites - vous , semblent se renfermer dans
l'Ecole Flamande , et vous m'appliquez
ce Vers de Virgile :
Non omnes Arbusta juvant humilesque myrica
1506 MERCURE DE FRANCE
Je conviens avec vous , Monsieur , que
tous les Curieux ne sont pas du même
goût ; tous ne se contentent pas du naturel
, du simple , du naïf et du champêtre
; il leur faut du grand , du pathétique
, du sublime , de l'extraordinaire , et
la Nature toute seule ne fait presque jamais
uniquement l'objet de leur admiration
, que lorsqu'elle se présente dans ce
point de vue dans lequel les Grecs autrefois
et de nos jours les Italiens et les
François , ont eu l'art de la répresenter.
Le détail suivant suffira , je crois , pour
vous guérir de toute prévention pour
les Flamands ; et pour vous convaincre que
les Italiens et les François ont sçû trouver
dans mon estime la place qu'ils méritent.
Peut être même dois-je cette explication
au Public , aussi- bien quà vous,
pour être plus exact au sujet du Cabinet
de M. Dargenville , et justifier son goût ,
qu'on pourroit supposer , comme vous
avez fait du mien , de pancher trop pour
l'Ecole Flamande. C'est le Curieux de
tous les Pays, l'Amateur de tous les Arts ;
ses momens les plus chéris sont ceux que
des occupations plus sérieuses lui permettent
de donner au Dessein ,età la Peinture
; il sçait partager cet amour avec
tant de justesse entre les Ecoles qui ont
conJUILLET.
1733. 1507
contribué à faire fleurir les Arts , qu'on
ne peut point l'accuser de cette partialité
qui caractérise plutôt un homme préyenu
, qu'un vrai connoisseur. On ne
< voit en effet chez plusieurs Amateurs
que des Desseins et des Tableaux d'une
espece ; ils épousent , pour ainsi dire , une
Ecole et ils consacrent leur passion à ce
qu'elle a mis au jour , quelquefois au préjudice
de ce que toutes les autres ont produit.
Vous me dites si agréablement dans
votre Lettre , Monsieur , et ce sont vos
propres termes :» Vous vous êtes assez
promené dans les Paysages du Breughel,
» vous avez suffisamment pris part aux
»Scenes divertissantes de Teniers , de
» Brauver et de Van- Ostade , enfin vous
» avez assez rêvé dans les Antres sauvages
>> et au bord des Fontaines avec les Ber-
" gers de Bloemart et de Berghem ; il
faut que vous passiez des Grottes que
» la main de la Nature a creusées dans les
» Montagnes , dans les Temples dont la
» belle Architecture a décoré les céle-
»bres Villes de Rome , de Florence , de
»Venise , de Naples , de Genes et de Pa
> ris. Vous devez у considerer ce que la
>> Peinture et la Sculpture y ont fait de
plus beau , soit pour l'ornement des
>> voutes , soit pour la décoration des Au-
» tels
>>
1508 MERCURE DE FRANCE
» tels. Sortez des Cabanes et des Chau-
>> imines enfumées ; transportez - vous dans
» les Palais des Rois , dans les Hôtels des
» Grands , dans les Edifices publics , dans
» les Cabinets des Particuliers , et racontez-
>> nous ce que le Pinceau , le ciseau , la plume;
» le crayon et le burin ont produit , soit
» pour conserver la memoire des princi-
» paux évenemens de l'Antiquité sacrée
» et profane , pour donner un nouveau
» jour à l'Histoire , pour ajouter un nou-
» veau lustre à la vertu héroïque ; soit
» enfin pour faire les délices des yeux et
» pour relever les charmes de la Poësie.
»par les agrémens de la Peinture , & c.
Vous serez fatisfait , Monsieur , et
nous allons faire ensemble le voyage
d'Italie , en présentant à vos yeux ce que
la Collection de M Dargenville a de plus
favorable , pour faire voir que les grands
Maîtres d'Italie et de France dans leur
génie , leur goût , le tour d'imagination,
l'expression , la correction , et les grandes
ordonnances surpassent infiniment les
Flamands , qui n'ont de leur côté que la
couleur et le vrai en partage.
Trois cent desseins de l'Ecole Romaine
, depuis Raphaël jusqu'à Carlomarati
& ses Disciples , donnent l'idée la plus
juste de la correction et de la précifion
des
JUILLET. 1733. 1509
des contours dans ceux qui font arrêtez;
Cl ceux qui ne sont que l'effet du, premier
feu de l'imagination , secondée par une
main libre sure et legere , offrent ces
de traits hardis , ces touches fieres et spirituelles,
qui caracterisent l'impétuosité du
ezegenie ; et les uns et les autres contribuent
à faire sentir qu'elle a été la naissance
, le progrès et la perfection des plus
grands morceaux de Peinture .
On peut remarquer dans ces précieux
a restes des études des Peintres celebres , la
fécondité , la rapidité , l'exactitude , et là
netteté avec laquelle ils ont mis leurs idées
dau jour. La verité qu'ils ont donnée aux
airs de têtes , les contrastes qu'ils ont
cherchés dans les atitudes, les belles formes
equ'ils ont choisies , les graces qu'ils ont
étudiées , et les caprices ingénieux et les
bizareries élégantes dont ils se sont servis
pour reveiller l'attention du Spectateur ,
et pour jetter du vif et du piquant dans
leurs Tableaux .
Ici l'on aime la sagesse de la composition
de Raphaël ; là Jule Romain éton .
ae par les saillies de son imagination ,
l'un charme par la douce majesté de ses
figures , l'autre surprend par l'air impoant
qu'il donne aux siennes. Le premier
ffre dans ses Tableaux le sublime de
la
1510 MERCURE DE FRANCE
1
la Poësie ; le second en exprime le merveilleux,
la fureur et l'entousiasme . Leurs
Disciples se sont efforcez à l'envi de
les imiter , et dans les caracteres de douceur
ou de fierté qu'ils font sentir dans leurs
Desseins , on reconnoît lequel des deux en
particulier ils ont choisi pour modele.
Quel plaisir n'a - t'on pas d'éprouver en
quelque sorte l'impression du génie terrible
de Michel Ange , dans les Desseins de
sa main, que l'on voit à la tête de l'Ecole
Florentine ; la collection en monte à 200
pieces , dont les dernieres sont reconnues
pour être de Benedette Lutti , le plus habile
homme que cette Ecole ait produit
de nos jours vous sçavez , Monsieur ,
combien les Poëtes Toscans se sont rendus
recommandables par le beau feu de
leur imagination , l'agrément et la pureté
de leur stile. Les Peintres de cetre Nation
se sont distinguez par des qualitez
semblables ; j'en appelle à témoin les Ouvrages
du Rosso , d'André del Sarté , du
Pontorme , de Salviati , Procacini , Prietro,
de Cortone , Cyroferri , Tempeste , Stephano
della Bella , également celebres du côté des
riches inventions et des traits hardis et gracieux
sur lesquels ils ont sçû les produire.
L'Ecole Lombarde , depuis le Correge
jusqu'à Daniel Crespi , dit l'Espagnol ,
qui
JUILLET.. 1733. 1511.
*
qui est encore vivant , compose deux
gros volumes in folio , d'environ 390.
Desseins. Le nom du Correge ne vous présente-
t'il pas l'idée d'un homme qui doit
plus qu'un autre à la faveur particuliere
du genie ? et dont les Desseins portent le
caractere des graces dont personne n'a été
autant doué que lui ? excepté neanmoins le
Parmesan et le Baroche . Les Carache, le Guide
, le Dominiquain , le Lanfranc , le Guerchin
, ornent infiniment cette Ecole.
L'Ecole Venitienne , qui s'étend depuis
les Bellins jusqu'à Sebastien Ricci
encore vivant, offre environ 200. Desseins
dans un volume , où ceux de Paul Veronese
et duTintoret,brillent et par leur nombre et -
par leur choix . Vous sentez , M. combien
cet article est interessant , puisque
rien n'a été plus abondant que le génie ,
plus magnifique que l'ordonnance , et
plus fier que l'execution de ces Maîtres ,
dont les Tableaux surprenants font le
principal ornement des Eglises et des Palais
de Venise.
La cinquiéme Ecole est subdivisée en
trois autres , qui sont , l'Ecole Napolitaine
, la Genoise et celle de Luques . Cette
collection comprend environ 200. pieces,
entre lesquelles plusieurs grandes ordonnances
du Cangiage , se font remarquer
par
1512 MERCURE DE FRANCE
par la singularité de sa maniere. On y
voit aussi de beaux Morceaux de Salvator
Rosa , de Lucas fordans et de Solimene ;
Ensorte que l'Ecole d'Italie en general , en
y ajoûtant les Desseins de l'Ecole des Caraches
, est composée de 1500. Desseins.
L'Ecole Françoise , suivie depuis deux
cens ans sans interruption , est composée
de six volumes in folio , et comprend
près de 1000. Desseins choisis ; elle commence
à Freminet et à Jean Cousin , et
offrant des Ouvrages de Vouet , de Blanchan,
du Poussin , du Bourdon , de le Sueur,
de le Brun et autres , elle passe jusqu'aux
habiles Modernes actuellement vivans.
Les trois volumes de l'Ecole Flamande
dont je vous ai tant parlé précédemment ,
contiennent près de six cent Desseins , et
l'Ecole Allemande et Hollandoise , environ
400 ; de maniere qu'avec un vòlume
de Desseins d'après Nature , un autre
de Desseins à la plume , et un troisiéme
de Desseins d'Architecture ; la collection
de M. Dargenville , monte à 4000. Desseins
originaux et choisis , qu'il a apportés
de ses voyages et qu'il fait venir tous
les jours des Pays Etrangers.
4
Je ne vous dis rien de ses Tableaux
de ses Livres , de 100. volumes d'Estam-
>
pes choisies des meilleurs Maîtres , d'une
TopoJUILLET.
1733. 1513
Topographie très - ample,d'une collection
de Pierres , de Coquilles rares , de Mineraux
et d'autres Morceaux concernant
l'Histoire Naturelle .
•
Si je n'avois pas tant de preuves de
votre attachement à cette partie de l'Histoire
de l'Esprit humain , qui sert en particulier
à prouver l'ascendant du génie
la force de l'imagination , et les differens
caracteres que lui imprime la varieté des
climats , des préjugez des moeurs , et de
tout ce que M. l'Abbé du Bos entend
par Causes Phisiques et Causes Morales
je vous prierois de me pardonner un si
long détail. Mais je suis persuadé que
tout dépourvû qu'il est des graces du
stile , il vous fera quelque plaisir. Je
suis , & c.
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Résumé : SECONDE LETTRE écrite de Châlons en Champagne, à M. *** au sujet des Peintres Flamands, &c.
La lettre, rédigée à Châlons en Champagne, répond à des critiques concernant une prétendue préférence pour l'école flamande de peinture. L'auteur reconnaît la diversité des goûts parmi les amateurs et justifie son inclination en se référant à la collection de M. Dargenville, un connaisseur qui apprécie toutes les écoles de peinture. La lettre décrit ensuite les différentes écoles italiennes, telles que les écoles romaine, florentine, lombarde, vénitienne, napolitaine, génoise et lucquoise, en mettant en avant la qualité et la diversité des œuvres. Elle mentionne également l'école française, suivie depuis deux cents ans, ainsi que les écoles flamande, allemande et hollandaise. La collection de M. Dargenville est impressionnante, comprenant environ 4000 dessins originaux et choisis, ainsi que des tableaux, des livres, des estampes et des objets d'histoire naturelle. L'auteur conclut en exprimant son attachement à l'histoire de l'esprit humain et aux diverses manifestations du génie.
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5
p. 175-178
« La gravure en général est un talent soumis, c'est-à-dire l'imitation d'un autre [...] »
Début :
La gravure en général est un talent soumis, c'est-à-dire l'imitation d'un autre [...]
Mots clefs :
Gravure, Graveurs, Peintres
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texteReconnaissance textuelle : « La gravure en général est un talent soumis, c'est-à-dire l'imitation d'un autre [...] »
А
BEAUX ARTS.
Agravure en général eft un talent ſoumis
, c'eft- à- dire l'imitation d'un autre
Art. Il ne faut pas entendre par ce mot ,
une copie féche & fervile ; car l'Artiſte
Graveur ne réuffit que par les équivalens
qu'il fçait préfenter . L'intelligence & le
talent lui font donc néceffaires pour arriver
par des voies différentes au même but
que le Peintre. Cette définition générale
renferme l'idée d'un travail particulier , &
le travail exige des variétés fans nombre.
Un Graveur eft néceffairementobligé de
les obferver , felon les circonftances ; mais
fon premier devoir eft d'être toujours foumis
à l'imitation du trait , & à la maniere
du Maître. Hiv
376 MERCURE DE FRANCE.
L'hiſtoire & le portrait ne font pas traités
de la même façon par les Peintres ; des
paffions , des malles de lumiere très- étendues
, des grouppes , des payſages , des
ciels , de l'air , de la vagueffe , &c. Toutes
ces chofes font fort oppofées à une compofition
fimple , à une lumiere répandue fur
un feul point , à des ornemens foumis &
faits pour concourir à un feul objet ; voilà
les idées générales de ces deux genres. Un
Graveur doit faire fentir leurs différens
effets , fans avoir d'autres fecours que le
blanc & le noir , & les oppofitions qu'il
peut tirer de la variété de fon travail.
Ces difficultés doivent augmenter par la
réflexion , le mérite que l'on reconnoît à
ceux dont le burin a fçu rendre des effets
fi flatteurs à la vûe ; on doit même fouvent
excufer les Artiftes , & ne reprocher qu'aux
Peintres plufieurs chofes moins heureufes
qu'on remarque quelquefois dans leurs
planches ; car tous les Peintres n'ont pas
l'intelligence ou la patience néceffaires pour
retoucher les épreuves , & conduire un
Graveur à l'avantage de fon Art. Rubens
fera toujours le mieux gravé des Peintres.
Plein de goût & d'intelligence , il a formé
fes Graveurs , il retouchoit les épreuves ,
& les accordoit pour le blanc & le noir ,
& donnoit , pour ainfi dire , une nouvelle
DECEMBRE. 1754. 177
harmonie différente de fon tableau , mais
Toujours conféquente & plus convenable.
M. Rigaud a eu les mêmes attentions &
la même conduite pour la belle collection
de fes portraits qu'il a laiffés à la poftérité.
L'un & l'autre de ces grands Artiſtes fçavoient
que dans quelques fiécles leurs Ou
vrages ne feroient plus connus que par la
gravure , & cette idée vraie & humiliante
en quelque façon pour des hommes qui
ont excellé , n'avoit point encore frappé
les Maîtres célébres qui ont paru dans
le premier fiécle du renouvellement des
Arts ; ils faifoient peu de cas de la gravure,
ils la regardoient comme une copie privée
de plufieurs fecours , & s'embarraffoient
peu de la façon dont elle les traduifoit.
Ces réflexions font occafionnées
par un portrait qui repréfente un homme
Tranquille , & dont le loifir ne prend rien
fur Refprit , car fa tête eft vive & animée ;
il eft peint par M. Nonnote , & gravé par
M. Daulé.
La compofition en eft belle & aifée , &
Pexécution du Graveur eft fçavante & d'un
beau détail. Le travail de la tête & des
mains est jufte & careffé ; le fond & les
accompagnemens font bien traités , ils font
à leur ton , & préfentent les variétés de
Hy
178 MERCURE DE FRANCE.
burin , fi néceffaires dans la gravure . If
feroit peut - être à defirer que la robe de
chambre & la vefte euffent été un peu
teintées pour donner plus de repos au refte
du tableau .
Malgré cette legere critique , pour la
quelle même il faudroit que l'on pût comparer
l'original à l'eftampe , nous pouvons
affurer que c'eft un très - bel ouvrage de
gravure , & qui doit faire honneur à foa
Auteur.
On lit ces Vers au bas de l'eftampe :
Latus inprafens animus , quod ultrà eft
Oderit curare , & amara lento
Temperet rifu..... HOR.
Daulé demeure rue du Plâtre S. Jacques.
BEAUX ARTS.
Agravure en général eft un talent ſoumis
, c'eft- à- dire l'imitation d'un autre
Art. Il ne faut pas entendre par ce mot ,
une copie féche & fervile ; car l'Artiſte
Graveur ne réuffit que par les équivalens
qu'il fçait préfenter . L'intelligence & le
talent lui font donc néceffaires pour arriver
par des voies différentes au même but
que le Peintre. Cette définition générale
renferme l'idée d'un travail particulier , &
le travail exige des variétés fans nombre.
Un Graveur eft néceffairementobligé de
les obferver , felon les circonftances ; mais
fon premier devoir eft d'être toujours foumis
à l'imitation du trait , & à la maniere
du Maître. Hiv
376 MERCURE DE FRANCE.
L'hiſtoire & le portrait ne font pas traités
de la même façon par les Peintres ; des
paffions , des malles de lumiere très- étendues
, des grouppes , des payſages , des
ciels , de l'air , de la vagueffe , &c. Toutes
ces chofes font fort oppofées à une compofition
fimple , à une lumiere répandue fur
un feul point , à des ornemens foumis &
faits pour concourir à un feul objet ; voilà
les idées générales de ces deux genres. Un
Graveur doit faire fentir leurs différens
effets , fans avoir d'autres fecours que le
blanc & le noir , & les oppofitions qu'il
peut tirer de la variété de fon travail.
Ces difficultés doivent augmenter par la
réflexion , le mérite que l'on reconnoît à
ceux dont le burin a fçu rendre des effets
fi flatteurs à la vûe ; on doit même fouvent
excufer les Artiftes , & ne reprocher qu'aux
Peintres plufieurs chofes moins heureufes
qu'on remarque quelquefois dans leurs
planches ; car tous les Peintres n'ont pas
l'intelligence ou la patience néceffaires pour
retoucher les épreuves , & conduire un
Graveur à l'avantage de fon Art. Rubens
fera toujours le mieux gravé des Peintres.
Plein de goût & d'intelligence , il a formé
fes Graveurs , il retouchoit les épreuves ,
& les accordoit pour le blanc & le noir ,
& donnoit , pour ainfi dire , une nouvelle
DECEMBRE. 1754. 177
harmonie différente de fon tableau , mais
Toujours conféquente & plus convenable.
M. Rigaud a eu les mêmes attentions &
la même conduite pour la belle collection
de fes portraits qu'il a laiffés à la poftérité.
L'un & l'autre de ces grands Artiſtes fçavoient
que dans quelques fiécles leurs Ou
vrages ne feroient plus connus que par la
gravure , & cette idée vraie & humiliante
en quelque façon pour des hommes qui
ont excellé , n'avoit point encore frappé
les Maîtres célébres qui ont paru dans
le premier fiécle du renouvellement des
Arts ; ils faifoient peu de cas de la gravure,
ils la regardoient comme une copie privée
de plufieurs fecours , & s'embarraffoient
peu de la façon dont elle les traduifoit.
Ces réflexions font occafionnées
par un portrait qui repréfente un homme
Tranquille , & dont le loifir ne prend rien
fur Refprit , car fa tête eft vive & animée ;
il eft peint par M. Nonnote , & gravé par
M. Daulé.
La compofition en eft belle & aifée , &
Pexécution du Graveur eft fçavante & d'un
beau détail. Le travail de la tête & des
mains est jufte & careffé ; le fond & les
accompagnemens font bien traités , ils font
à leur ton , & préfentent les variétés de
Hy
178 MERCURE DE FRANCE.
burin , fi néceffaires dans la gravure . If
feroit peut - être à defirer que la robe de
chambre & la vefte euffent été un peu
teintées pour donner plus de repos au refte
du tableau .
Malgré cette legere critique , pour la
quelle même il faudroit que l'on pût comparer
l'original à l'eftampe , nous pouvons
affurer que c'eft un très - bel ouvrage de
gravure , & qui doit faire honneur à foa
Auteur.
On lit ces Vers au bas de l'eftampe :
Latus inprafens animus , quod ultrà eft
Oderit curare , & amara lento
Temperet rifu..... HOR.
Daulé demeure rue du Plâtre S. Jacques.
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Résumé : « La gravure en général est un talent soumis, c'est-à-dire l'imitation d'un autre [...] »
Le texte explore la gravure comme un art imitant la peinture, nécessitant intelligence et talent pour reproduire les œuvres originales. Les graveurs doivent adapter leur travail aux circonstances tout en restant fidèles au trait et à la manière du maître. Ils doivent également rendre les différences entre l'histoire et le portrait, en utilisant uniquement le blanc et le noir. Les difficultés de la gravure augmentent avec la réflexion, et le mérite est reconnu à ceux qui réussissent à créer des effets flatteurs. Rubens et Rigaud sont mentionnés pour leur collaboration réussie avec des graveurs, retouchant les épreuves pour harmoniser les couleurs. Le texte cite également un portrait gravé par Daulé, représentant un homme tranquille avec une composition belle et aisée, et une exécution savante. Malgré une légère critique sur les teintes de la robe de chambre et de la veste, l'œuvre est jugée très belle et honorable. Daulé réside rue du Plâtre S. Jacques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 22-24
PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES ROMAINS.
Début :
Avec Jules Romain, le Feti sympathise ; [...]
Mots clefs :
Peintres romains, Domenico Fetti, Gaspard Dughet, Francesco Romanelli, Ciro Ferri, Giacinto Brandi, Peintres
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texteReconnaissance textuelle : PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES ROMAINS.
PORTRAITS
DE CINQ FAMEUX PEINTRES
ROMAINS.
Dominique Feti.
Avec Jules Romain , le Feti fympathife ;
Il penfe grandement , s'exprime avec fierté.
Par fon pinceau moëlleux que conduit la franchife
,
Le connoiffeur eft ragouté.
De fes riches préfens maint cabinet fe pare
En vain on lui reproche un deffein négligé :
} Par un attrait vainqueur de mon goût il s'empare ,
Et je crois la critique enfant du préjugé
Gafpre Dugbet.
L'art ici me déploie un fpectacle enchanteur :
Pour ce feuillage épais Zéphir a quitté Flore ;
Il Pagite fous lui je goûte la fraîcheur ,
Mon oeil y cherche au loin la beauté que j'adore.
Que d'heureux accidens il trouve en fon chemin !
Ruine , chûte d'eau , tout au repos l'engage .
Mais , que dis-je , fuyons , imitons ce Silvain ;
* Un fougeux ouragan s'éleve en ce bocage.
...
* Il peignit pour le Cardinal de Lorraine une
JUIN. · 1755 • 23
François Romanelli.
Quel gracieux pare ces têtes !
Je les contemple & j'en deviens l'amant.
Que cette freſque a droit de faire des conquêtes !
Elle eft d'un ton frais , raviffant.
Romanelli , c'eſt ton ouvrage ,
Je le crois ; les regards du Monarque puiffant *
Qui t'honora de fon fuffrage ,
Firent plus d'une fois éclore le talent .
Ciro Ferri.
Cet éleve eft égal à fon illuftre maître ,
Le virtuofe admire & confond leurs travaux.
On renaît dans les fiens ; Ferri redonne l'être
Au Cortone , à celui qui guida fes pinceaux.
Là , cent chefs-d'oeuvres de peinture ,
Ici la noble architecture ,
Tel qu'un foleil font briller fes crayons .
L'envie après la mort veut qu'on le défigure **
Et fait de fon couchant éclipfer les rayons.
>
bourafque , qui eft un de fes plus beaux tableaux.
Aucun Peintre avant le Gafpre n'avoit attiré dans
Jes paysages le vent & l'orage.
* Louis XIV.
** La coupole de fainte Agnès , dans la place Navone
, fut fon dernier ouvrage. En mourant , il le
laiffa imparfait ; Corbellini , fon éleve , l'acheva
d'une maniere à deshonorer son maître. On fçait
que la jaloufie eut beaucoup de part au choix qu'on
fit de ce médiocre Artifte.
24 MERCURE DE FRANCE.
Ce
Giacinto Brandi.
que le Brandi crée eft riche & plein de feu ;)
Par - tout fon faire annonce un efprit grand ,
fertile.
Ah ! pourquoi de fon art ne s'eft- il fait qu'un jeu ?
Quelle honte il couroit moins au beau qu'à
l'utile.
Son coloris eût pris de la vigueur ,
S'il n'eût pas été fourd à la voix de la gloire ;
Et fon trait plus correct l'eût rendu la terreur
Des Peintres qui fur lui remportent la victoire.
DE CINQ FAMEUX PEINTRES
ROMAINS.
Dominique Feti.
Avec Jules Romain , le Feti fympathife ;
Il penfe grandement , s'exprime avec fierté.
Par fon pinceau moëlleux que conduit la franchife
,
Le connoiffeur eft ragouté.
De fes riches préfens maint cabinet fe pare
En vain on lui reproche un deffein négligé :
} Par un attrait vainqueur de mon goût il s'empare ,
Et je crois la critique enfant du préjugé
Gafpre Dugbet.
L'art ici me déploie un fpectacle enchanteur :
Pour ce feuillage épais Zéphir a quitté Flore ;
Il Pagite fous lui je goûte la fraîcheur ,
Mon oeil y cherche au loin la beauté que j'adore.
Que d'heureux accidens il trouve en fon chemin !
Ruine , chûte d'eau , tout au repos l'engage .
Mais , que dis-je , fuyons , imitons ce Silvain ;
* Un fougeux ouragan s'éleve en ce bocage.
...
* Il peignit pour le Cardinal de Lorraine une
JUIN. · 1755 • 23
François Romanelli.
Quel gracieux pare ces têtes !
Je les contemple & j'en deviens l'amant.
Que cette freſque a droit de faire des conquêtes !
Elle eft d'un ton frais , raviffant.
Romanelli , c'eſt ton ouvrage ,
Je le crois ; les regards du Monarque puiffant *
Qui t'honora de fon fuffrage ,
Firent plus d'une fois éclore le talent .
Ciro Ferri.
Cet éleve eft égal à fon illuftre maître ,
Le virtuofe admire & confond leurs travaux.
On renaît dans les fiens ; Ferri redonne l'être
Au Cortone , à celui qui guida fes pinceaux.
Là , cent chefs-d'oeuvres de peinture ,
Ici la noble architecture ,
Tel qu'un foleil font briller fes crayons .
L'envie après la mort veut qu'on le défigure **
Et fait de fon couchant éclipfer les rayons.
>
bourafque , qui eft un de fes plus beaux tableaux.
Aucun Peintre avant le Gafpre n'avoit attiré dans
Jes paysages le vent & l'orage.
* Louis XIV.
** La coupole de fainte Agnès , dans la place Navone
, fut fon dernier ouvrage. En mourant , il le
laiffa imparfait ; Corbellini , fon éleve , l'acheva
d'une maniere à deshonorer son maître. On fçait
que la jaloufie eut beaucoup de part au choix qu'on
fit de ce médiocre Artifte.
24 MERCURE DE FRANCE.
Ce
Giacinto Brandi.
que le Brandi crée eft riche & plein de feu ;)
Par - tout fon faire annonce un efprit grand ,
fertile.
Ah ! pourquoi de fon art ne s'eft- il fait qu'un jeu ?
Quelle honte il couroit moins au beau qu'à
l'utile.
Son coloris eût pris de la vigueur ,
S'il n'eût pas été fourd à la voix de la gloire ;
Et fon trait plus correct l'eût rendu la terreur
Des Peintres qui fur lui remportent la victoire.
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Résumé : PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES ROMAINS.
Le texte présente cinq peintres romains célèbres : Dominique Feti, Gaspard Dughet, François Romanelli, Ciro Ferri et Giacinto Brandi. Dominique Feti est apprécié pour son style, bien que son dessin soit parfois négligé. Gaspard Dughet est renommé pour ses paysages enchanteurs intégrant des éléments naturels comme le vent et l'orage, notamment dans son tableau 'bourafque'. François Romanelli est célèbre pour ses fresques gracieuses et ravissantes, honorées par un monarque. Ciro Ferri, élève de Pietro da Cortona, excelle en peinture et en architecture, mais sa coupole de Sainte-Agnès est restée inachevée à sa mort et complétée médiocrement par son élève Corbellini. Giacinto Brandi est reconnu pour son esprit fertile et son art riche, bien que son application ne soit pas toujours utile.
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7
p. 44-46
PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES D'ITALIE.
Début :
J'admire un heureux choix dans ces sujets champêtres. [...]
Mots clefs :
Peintres d'Italie, Carlo Maratta, Paul Véronèse, Camillo Procaccini, Annibale Carracci, Jacopo Bassano, Peintres
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texteReconnaissance textuelle : PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES D'ITALIE.
PORTRAITS
DE CINQ FAMEUX PEINTRES
J'Adn
D'ITALIE.
Jacques Baffan.
' Admire un heureux choix dans ces fujets
champêtres.
Ils mettent fous mes yeux l'efprit des livres
faints.
Quel pinceau ferme & gras ! non , non les plus
grand maîtres ,
D'un fuccès plus brillant n'ont pas eu leurs fronts
ceints.
Loin de noyer fa touche , il eft plein de franchife
,
L'expreffion s'y trouve , & l'effet en furprend.
Payfage , animaux , portraits , tout y maîtrife.
Tromper eft pour le Peintre un triomphe écla
tant.
Annibal Carrache.
La maniere , le goût qu'Annibal fe forma ,
A fes Maîtres enfin fervirent de modele.
De fon feu la Peinture avec foin l'anima ;
Et bientôt à Bologne il s'y montra fidele .
JUILLE T. 1755. 45
*
Quel ouvrage divin je vois la poësie
Applaudir au pinceau de ce fier féducteur ;
Et pleine du tranfport dont le beau l'a faifie
Elle fourit , embraffe , & reconnoît fa foeur.
Camille Proccaffini.
Qui préfente à mes yeux ces contours reffentis ?
Seroit-ce le pinceau d'un fecond Michel - Ange ?
L'ordonnance , la main , l'efprit , le coloris ,
Tout fe difpute ici le prix de la louange .
Ce corps vit , il fe meut par un pouvoir divin ,
L'expreffion ravit dans ce bel air de tête .
Si Camille à fa fougue eût toujours mis un frein ,
Nature l'eût créé fon premier interprête.
Paul Veroneze.
Que de feu , de grandeur , quelle magnificence !
Non , non , Peintre charmant , tu n'a point de
rivaux.
Plus ton pinceau s'éleve , & plus fon excellence
Immortalife tes travaux.
Tes chefs-d'oeuvres font ceux du génie & des graces
:
L'amateur éclairé les dévore des
yeux :
* On peut regarder la galerie Farnese peinte à
Pologne , comme un vrai poëme. Le Pouffin difoit
que dans cet ouvrage Annibal avoit furpallé tous
les Peintres , qui l'avoient précédé qu'il s'étoit
auſſi ſurpaſſé lui-même.
I
46 MERCURE DE FRANCE.
La nature partout y reconnoît ſes traces
Et s'étonne d'y voir le coloris des Dieux.
Carle Maratte.
>
La Peinture fourit aux graces de Maratte
C'est le reftaurateur du divin Raphaël.
Ce qui fait le grand Maître en fes tableaux éclate,
Il rend l'ame & les traits de la Reine du ciel .
A ce dernier talent * on crut qu'il ſe bornoit :
Mais peignant Conftantin qui renverſe l'idole ,
Il détruifit le faux bruit qui couroit.
En vain fa modestie aux honneurs s'oppofoit ,
Il en reçut au Capitole.
* On difoit qu'il ne fçavoit bien peindre que des
Vierges, fes confreres le nommoient par dériſion
Carluccio delle Madonne ; mais le baptiftaire de
S. Jean de Latran fit bientôt ceffer ce bruit.
DE CINQ FAMEUX PEINTRES
J'Adn
D'ITALIE.
Jacques Baffan.
' Admire un heureux choix dans ces fujets
champêtres.
Ils mettent fous mes yeux l'efprit des livres
faints.
Quel pinceau ferme & gras ! non , non les plus
grand maîtres ,
D'un fuccès plus brillant n'ont pas eu leurs fronts
ceints.
Loin de noyer fa touche , il eft plein de franchife
,
L'expreffion s'y trouve , & l'effet en furprend.
Payfage , animaux , portraits , tout y maîtrife.
Tromper eft pour le Peintre un triomphe écla
tant.
Annibal Carrache.
La maniere , le goût qu'Annibal fe forma ,
A fes Maîtres enfin fervirent de modele.
De fon feu la Peinture avec foin l'anima ;
Et bientôt à Bologne il s'y montra fidele .
JUILLE T. 1755. 45
*
Quel ouvrage divin je vois la poësie
Applaudir au pinceau de ce fier féducteur ;
Et pleine du tranfport dont le beau l'a faifie
Elle fourit , embraffe , & reconnoît fa foeur.
Camille Proccaffini.
Qui préfente à mes yeux ces contours reffentis ?
Seroit-ce le pinceau d'un fecond Michel - Ange ?
L'ordonnance , la main , l'efprit , le coloris ,
Tout fe difpute ici le prix de la louange .
Ce corps vit , il fe meut par un pouvoir divin ,
L'expreffion ravit dans ce bel air de tête .
Si Camille à fa fougue eût toujours mis un frein ,
Nature l'eût créé fon premier interprête.
Paul Veroneze.
Que de feu , de grandeur , quelle magnificence !
Non , non , Peintre charmant , tu n'a point de
rivaux.
Plus ton pinceau s'éleve , & plus fon excellence
Immortalife tes travaux.
Tes chefs-d'oeuvres font ceux du génie & des graces
:
L'amateur éclairé les dévore des
yeux :
* On peut regarder la galerie Farnese peinte à
Pologne , comme un vrai poëme. Le Pouffin difoit
que dans cet ouvrage Annibal avoit furpallé tous
les Peintres , qui l'avoient précédé qu'il s'étoit
auſſi ſurpaſſé lui-même.
I
46 MERCURE DE FRANCE.
La nature partout y reconnoît ſes traces
Et s'étonne d'y voir le coloris des Dieux.
Carle Maratte.
>
La Peinture fourit aux graces de Maratte
C'est le reftaurateur du divin Raphaël.
Ce qui fait le grand Maître en fes tableaux éclate,
Il rend l'ame & les traits de la Reine du ciel .
A ce dernier talent * on crut qu'il ſe bornoit :
Mais peignant Conftantin qui renverſe l'idole ,
Il détruifit le faux bruit qui couroit.
En vain fa modestie aux honneurs s'oppofoit ,
Il en reçut au Capitole.
* On difoit qu'il ne fçavoit bien peindre que des
Vierges, fes confreres le nommoient par dériſion
Carluccio delle Madonne ; mais le baptiftaire de
S. Jean de Latran fit bientôt ceffer ce bruit.
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Résumé : PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES D'ITALIE.
Le texte présente des portraits de cinq célèbres peintres italiens. Jacques Baffan admire J'Adn pour ses sujets champêtres, la fermeté de son pinceau, et sa maîtrise des paysages, animaux et portraits. Annibal Carrache est loué pour avoir revitalisé la peinture avec son énergie et son goût, devenant un modèle à Bologne. Camille Proccaffini est comparé à Michel-Ange pour son ordonnance, sa technique, son esprit et son usage des couleurs, bien que sa fougue nécessitait parfois plus de contrôle. Paul Veroneze est célébré pour son feu, sa grandeur et sa magnificence, ses œuvres étant comparées à des poèmes. Enfin, Carle Maratte est décrit comme le restaurateur de Raphaël, capable de rendre l'âme et les traits des sujets qu'il peint, notamment la Vierge Marie et l'empereur Constantin.
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8
p. 56-67
Lettre apologétique d'un Gentilhomme Italien à M. l'Abbé Prevot. Sur l'article du Journal étranger de Janvier 1755, qui a pour titre Introduction à la partie historique.
Début :
Plus l'Italie a sçu apprécier & goûter la saine morale que vous avez répandue [...]
Mots clefs :
Italie, Abbé Prévost, Mérite, Journal étranger, Poésie, Littérature, Art, Peintres, Architecture
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre apologétique d'un Gentilhomme Italien à M. l'Abbé Prevot. Sur l'article du Journal étranger de Janvier 1755, qui a pour titre Introduction à la partie historique.
Lettre apologétique d'un Gentilhomme
Italien à M. l'Abbé Prevot.
Sur l'article du Journal étranger de Janvier
1755 , qui a pour titre Introduction à
la partie hiftorique.
Plaine morale que vous avez répandue
Lus l'Italie a fçu apprécier & goûter la
dans vos Romans , chefs - d'oeuvre d'une
imagination vive & féconde , & d'un coeur
qui fans effort a adopté la vertu & réprouvé
le vice , plus elle a dû être fenfible aux
idées defavantageufes que vous donneriez
de fes habitans à qui n'en jugeroit que
d'après vos fuffrages. Mere des fciences &
des arts elle fe voit à regret accufée par
un juge auffi intégre qu'éclairé , d'en être
devenue la marâtre , & de n'avoir pas vou
lu conferver chez elle ce goût même qui y
avoit pris naiſſance.
Affez malheureux pour être né dans un
pays qui nefe reffemble plus , je le ne fuis pas
au point de négliger entierement fa réputation
. L'amour de la patrie, peut- être le
defir d'être éclairé par vos lumieres , m'ont
fait entreprendre fa juftification. Ces deux
principes qui me guident , méritent l'inJUILLET.
1755. 57
dulgence d'un auteur vertueux : daignez
en leur faveur pardonner à un étranger
des fautes de ſtyle ou de langage.
vous ,
Tous les étrangers conviennent , dites-
Monfieur , que cette belle partie de
Europe n'est plus que la dépofitaire oifive
des travaux de fes ancêtres ; les écoles n'y
font plus des corps fubfiftans de peinture ...
L'art refte encore ; mais les ouvriers manquent
à lart .
Sans entrer dans une difcuffion , qui n'eſt
point de ma compétence , fur la derniere
de ces phrafes , qui pourroit être regardée
même par un François comme peu intellible
, permettez que j'en examine ce qui
fait mon objet : La vérité.
Pour que l'Italie fut la dépofitaire oifive
des travaux de fes ancêtres , il faudroit
néceffairement , de deux chofes l'une , ou
qu'on n'y travaillât plus du tout dans les
mêmes genres , ou qu'on trouvât ( .chez
fes voisins qui fe font élevés , tandis qu'elle
s'eft mal foutenue ) des Artiſtes fort fupérieurs.
Quant à la premiere de ces propofitions
il faudroit , Monfieur , que vous cuffiez
paffé vos jours dans le trifte tombeau de
Selima , pour ignorer avec quelle ardeur
on cultive encore en Italie la peinture , la
fculpture & l'architecture .
Cv
58 MERCURE DE FRANCE..
La feconde propofition mérite un peut
plus d'être difcutée.
Quoiqu'il foit peut- être vrai que nous
ne fuivions
pas d'affez près les grands modeles
du fiécle de Léon X , il faut voir fi
les arts de l'Italie font fi fort dégénérés
dans le nôtre , qu'on ne puiffe les comparer
à ceux de fes voifins.
Peut-être , Monfieur , avec l'étendue
de connoiffances que vous poffedez , découvrirez-
vous parmi eux des Peintres fupérieurs
à l'Espagnolet , au Tréviſan , à Sebaftien
Coucha , à Solimene , à Carle Maratte
, au Tripolo , au Piazzetta , au Panini
tous de ces derniers tems , & dont quelques-
uns jouiffent encore de leur réputation.
La France qui a fur ce point le tort
de ne pas penfer comme vous , tache en
attendant d'enrichir fes galeries des ouvrages
de ces Artiſtes médiocres , guidés uniquement
par leur instinct mêlé de goût &
de raifon , tandis que notre pauvre Italie
n'a pas encore décoré les fiennes des morceaux
rares & précieux de vos Peintres
modernes non qu'elle leur refufât le génie
& le talent , mais parce qu'elle les croiroit
un peu moins approchant des grands
modeles de Raphaël , du Titien , des Carraches
dont elle eft l'oifive dépofutaire. Les
noms fameux de leurs fucceffeurs que je
JUILLET. 1755. 59
viens de vous indiquer , vous prouveront
du moins les ouvriers ne manquent
point à l'art , au moins dans ce genre.
que
L'architecture & la fculpture s'y fou
tiennent de même avec un vif empreffement
d'atteindre à la perfection des grands
modeles . Un homme de condition qui s'eft
adonné en homme de génie * au premier
de ces arts , ne nous laifferoit point regretter
le fiécle de Vitruve , s'il ne falloit
que du talent pour exécuter de grandes
chofes. Tout ce qui nous refte de la belle
antiquité , eft devenu inimitable ; non
pas faute de goût ni de lumieres dans nos
artiftes , mais faute de moyens dans ceux
qui les emploient . Où prendroient nos
Architectes les fonds néceffaires à la conftruction
de ces thermes , ces amphithéatres
, ces cirques , ces arcs de triomphe ,
ces temples , ces palais , ornemens de l'ancienne
Rome ? Maîtreffe de l'univers elle
pouvoit fournir à ces dépenfes prodigieufes
. Des Etats dont les bornes font refferrées
, les revenus médiocres , les citoyens
peu riches , ne peuvent fans donner dans le
ridicule , envifager de fi grands objets.
Pour juger fainement du talent des Ar-
M. le Comte Alfieri , Architecte de S. M. le
Roi de Sardaigne.
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
tiſtes, il faut examiner fi dans la proportion
des moyens , leurs ouvrages ont atteint le
vrai beau. Sans remonter plus haut que le
Pontife regnant , je ne vous citerai de Rome
que la feule fontaine de Trevi : oppofez-
lui , Monfieur , la plus belle des vôtres.
Ecoutez vos Artiſtes même les plus diftingués
, vos Académiciens jufqu'au Mécene *
qui dirige , qui éclaire , qui anime leurs
travaux , tous éleves de l'Italie , ils lui doivent
trop pour ne pas prendre fa défenfe .
Ce feroit entrer dans une difcuffion dont
on eft déja fatigué , que de m'étendre ici
fur notre Mufique ; il fuffit qu'en général
on lui accorde la fupériorité.
J'aime fi fort , Monfieur , à m'en rapporter
à vos décifions , que je ne vous
difputerai point l'origine de la langue
italienne . Je crois avec vous qu'elle tire
fa fource du Grec & du Latin ; mais je ne
fçaurois vous paffer , Monfieur , cette application
que vous nous fuppofez à décliner
de notre fource : nous y puifons.
journellement , non feulement les termes ,
mais les phraſes entieres ; & nos Académiciens
della Crufca en adoptent entierement
la fyntaxe. Ce n'eft , décidez -vous , qu'à
Rome & à Florence qu'elle fe conferve dans
toute fa pureté. Mais que diriez - vous de
quelqu'un qui affureroit qu'on ne parle
JUILLET. 1755. 61.
François qu'à Blois , & Allemand qu'à
Leipfick ? Vous avez confondu avec la
langue même les différens idiômes du même
peuple que vous appellés en France
patois. Penfez-y , Monfieur , & lifez nos
écrits modernes , vous verrez que les gens
de lettres parlent ou du moins écrivent
auffi-bien à Naples qu'à Rome , à Padoue
qu'à Florence , & ainfi de toutes les langues
de l'univers.
Pardonnez , fi j'appelle auffi de l'arrêt
que vous prononcez fur le mérite de cette
langue : Vous avez la bonté de lui accorder
la moleffe & la douce harmonie, mais
vous lui refuſez la force & l'énergie :
Souffrez , Monfieur , une queftion qui ne
doit jamais offenfer un homme de lettres
lorfqu'il cherche la vérité. La connoiffezvous
affez cette langue & les morceaux de
force qu'elle a produits , pour donner un
certain dégré d'autenticité à l'oracle que
vous prononcez ? Lifez , s'il vous plaît ,
ces huit ou dix vers que je cite au hazard ,
de quelqu'un qui n'eft pas auteur de profeffion
* , ( c'eft le defefpoir d'un amant ; )
vous me direz de bonne foi fi vous connoiffez
un crayon plus noir & plus énergique.
* M. le Comte Pietro Scoți de Sarmato.
62 MERCURE DE FRANCE.
Tra balge & rupi inpenetrabile fia
Latro ritiro ; urli di lupi ogn'ora ,
Turbino i fonni , e la nafcente aurora »
Tarda ritorni a ricondurre il giorno.
Forbida luce de Digiuno fuoco .
Qual ne i fepolcri la pietá racchiude
O poco fcemi , o crefca orrore al loco,
Qui federommi al mio dolor Vicino ,
Stanco d'effer materia all ' atra incude
Del fiero amore del crudel deftino.
Je me flate , Monfieur , que vous ne
refuferez pas plus à ces vers la force &
l'énergie que le fon & l'harmonie : La
peinture y eft affreufe , mais d'une vérité
frappante ; & ne diroit- on pas que l'ima
gination qui en a broyé les couleurs , avoit
pris fes nuances dans Cleveland , ou l'Homme
de qualité ?
λ
Mais laiffons enfin les arts agréables
pour nous élever jufqu'aux fciences fublimes.
Je fuis trop preffé de vous remercier
au nom de toute ma nation de ce que
vous lui permettez d'avoir fes Hiftoriens ,
fes Philofophes & fes Poëtes , pour m'ar
rêter plus long-tems à des objets fur lef
quels je crois l'avoir fuffisamment juftifiée.
Je crois voir cependant que ce petit éloge
n'eft qu'un buiffon de fleurs deftiné à cacher
un ferpent : J'apperçois trop que vous
JUILLE T. 1755. 03
.
nous refufez la folidité néceffaire pour
les recherches profondes , la jufteffe d'efprit
fans laquelle on ne peut imaginer ,
fuivre & détailler un fyftême , la longue
& patiente méditation par laquelle on parvient
à la connoiffance des vérités philofophiques.
MM. d'Alembert & Clairault ,
Mathématiciens françois , que l'Italie fait
gloire d'honorer & de refpecter , vous diront
cependant qu'ils eftiment un Marquis
Poleni , un Zachieri , & beaucoup d'autres
dont les noms peut- être vous font inconnus
des études différentes détournoient
votre attention ) ; mais ils n'ont
point échappé aux autres Mathématiciens
de l'Europe. M. Morand , que les étrangers
n'en eftiment pas moins , parce que
la France l'admire , daigne avouer Morgagni
& Molinelli . Vous n'avez point de
Botanifte qui ne faffe le plus grand cas de
Pontedera , & la Tofcane feule fournit
plufieurs Naturaliftes dont les Buffon &
les Réaumur n'ignorent dès long-tems ni
l'existence ni le mérite . Ajoutons à ces
noms célebres deux femmes illuftres dignes
rivales de votre Emilie , Mefdames Baffi &
Agnefi que les Italiens & les étrangers admirent
également , & dans leurs profonds
écrits & dans les chaires de Profeffeurs ,
que la premiere remplit à Bologne.
64 MERCURE DE FRANCE.
Si vous aviez connu , Monfieur , tous
ces noms déja confacrés dans les faftes
du fçavoir , auriez vous foupçonné nos
Philofophes de ne pouvoir fe garantir des
préjugés de la Magie & de l'Aftrologie 2 à
ce foupçon ma réponſe eft bien fimple
Long - tems avant les procès fameux de
Gauffredi , d'Urbain Grandier , de la Maréchale
d'Ancre & d'autres affaires d'éclat
qui plus récemment ont occupé la France ,
nos Philofophes & nos fçavans ne parloient
déja plus de Magie. A l'égard de
l'Aftrologie lifez vos hiftoriens , ils vous
diront que la France commença de s'en
entêter lorfque l'Italie achevoit de s'en
defabufer ; mais avouons de bonne foi
qu'on s'en moque aujourd'hui autant d'un
côté que de l'autre.
,
J
» Il s'en faut beaucoup que l'Italie mo-
» derne ait des modeles à nous offrir , ni
» qu'elle approche de ceux qu'elle a reçus
» comme nous de l'Italie latine . Tel eft ,
Monfieur votre jugement au fujet de
l'hiftoire ; il eft vrai que nous n'avons plus
les Tites Live , les Salufte , les Tacite
& c , mais nous refuferez - vous Guicciardin
, Macchiaveli , Bembo , Davila , Frapaolo;
& de nos jours les Gianoni , les
Muratori & les Burnamici . Vous avez
affurement lû ces hiftoriens , convenez
JUILLET. 175 5 :
qu'ils auroient mérité votre approbation .
Sur l'éloquence de la chaire , vous êtes
encore en défaut ; vous nous accufez ,
Monfieur , d'un vice que nous condamnons
dans le mauvais fiécle du Seicento
où les Bifchicci , les Allegories , & mille
autres puérilités de même nature remplaçoient
fouvent la morale , l'onction & let
raifonnement . Revenus nous - mêmes de
notre erreur paffée nous déplorons les fautes
de nos ancêtres , & nous blâmons autant
les modernes qui y retombent que
ceux qui nous condamnent fans nous connoître.
Que répondriez-vous à un critique
qui jugeroit vos prédicateurs fur les fermons
de Coiffereau , ou fur les capucinades
de vos Miffionaires.
Je ne vous fuivrai point à la piſte dans
le labyrinthe des phrafes un peu entortillées
, où vous déclamez contre notre genre
dramatique : Je ne vous faifirai qu'au paffage
, où vous imaginez ne pas bleffer la
vraiſemblance en ofant avancer qu'en Italie
c'est l'imperfection de la fociété , le peu de
commerce entre les deux fexes qui a retardé
les progrès du théatre comique . Je reſpecte
trop les gens
de lettres , & vous particu-:
lierement , Monfieur , pour vous paffer
les propofitions que vous hazardez à ce
fujet.
,
66 MERCURE DE FRANCE.
A
Vous , Monfieur , qui fçavez , & qui
nous apprenez fi bien les moeurs de tant
de peuples dont on connoit à peine les
noms , comment avez - vous pu imaginer
les deux fexes auíli féparés que vous les
fuppofez en Italie ? fi moins attaché à vos
Penates vous aviez daigné employer quel
ques mois feulement à la connoiffance de
nos climats , vous auriez vû avec plaifir
que les deux fexes y font bien plus réunis
qu'à Paris. Là au lieu de fe raffembler a
T'heure d'un fouper on fe voit toute la
journée , toutes les maifons font ouvertes
à la bonne compagnie depuis le matin juſ
qu'affez avant dans la nuit , coutumé qui
rend inutile chez nous l'établiffement de
ces petites maiſons où chacun à Paris fem
ble chercher plutôt un afyle pour la liberté
& pour le plaifir qu'un théatre du fentiment
& des grandes paffions.
Je ferai , fi vous voulez , un peu plus
d'accord avec vous fur la rareté que vous
croyez voir en Italie de certains ouvrages
de pur agrément , tel que les pieces fugiti
ves , les effais , les mêlanges de littérature &
de poësie , & tant d'autres productions lé
geres dont la France abonde , & qui peuvent
recevoir le nom de liberiinage d'esprit.
Mais hélas ! Monfieur , croiriez- vous de
bonne foi que nous duffions tant vous en
JUILLET. 1753. 207
vier cette abondance , & vous fembler fi
fort à plaindre de n'écrire guères que pour
notre raiſon ?
Telles font , Monfieur , les obfervations
que j'ai crû devoir faire fur votre introduction
à la partie hiftorique. Avec moins
d'envie de mériter vos éloges , j'aurois
peut-être négligé la défenſe de ma patrie.
Je vous crois trop d'efprit , de modération
& d'impartialité pour ne pas m'en fçavoir
quelque gré. Un Journal étranger eft fait
pour plaire à toute l'Europe ; il ne faut
donc point qu'il prenne trop le goût du
terroir qui l'a produit ; & fi jamais il étoit
permis de s'écarter du vrai , du moins il
feroit plus fûr de flater que de cenfurer
trop légerement des nations entieres : celles-
ci pourroient à leur tour apprécier trop
vite l'auteur fur l'étiquete de l'ouvrage.
Italien à M. l'Abbé Prevot.
Sur l'article du Journal étranger de Janvier
1755 , qui a pour titre Introduction à
la partie hiftorique.
Plaine morale que vous avez répandue
Lus l'Italie a fçu apprécier & goûter la
dans vos Romans , chefs - d'oeuvre d'une
imagination vive & féconde , & d'un coeur
qui fans effort a adopté la vertu & réprouvé
le vice , plus elle a dû être fenfible aux
idées defavantageufes que vous donneriez
de fes habitans à qui n'en jugeroit que
d'après vos fuffrages. Mere des fciences &
des arts elle fe voit à regret accufée par
un juge auffi intégre qu'éclairé , d'en être
devenue la marâtre , & de n'avoir pas vou
lu conferver chez elle ce goût même qui y
avoit pris naiſſance.
Affez malheureux pour être né dans un
pays qui nefe reffemble plus , je le ne fuis pas
au point de négliger entierement fa réputation
. L'amour de la patrie, peut- être le
defir d'être éclairé par vos lumieres , m'ont
fait entreprendre fa juftification. Ces deux
principes qui me guident , méritent l'inJUILLET.
1755. 57
dulgence d'un auteur vertueux : daignez
en leur faveur pardonner à un étranger
des fautes de ſtyle ou de langage.
vous ,
Tous les étrangers conviennent , dites-
Monfieur , que cette belle partie de
Europe n'est plus que la dépofitaire oifive
des travaux de fes ancêtres ; les écoles n'y
font plus des corps fubfiftans de peinture ...
L'art refte encore ; mais les ouvriers manquent
à lart .
Sans entrer dans une difcuffion , qui n'eſt
point de ma compétence , fur la derniere
de ces phrafes , qui pourroit être regardée
même par un François comme peu intellible
, permettez que j'en examine ce qui
fait mon objet : La vérité.
Pour que l'Italie fut la dépofitaire oifive
des travaux de fes ancêtres , il faudroit
néceffairement , de deux chofes l'une , ou
qu'on n'y travaillât plus du tout dans les
mêmes genres , ou qu'on trouvât ( .chez
fes voisins qui fe font élevés , tandis qu'elle
s'eft mal foutenue ) des Artiſtes fort fupérieurs.
Quant à la premiere de ces propofitions
il faudroit , Monfieur , que vous cuffiez
paffé vos jours dans le trifte tombeau de
Selima , pour ignorer avec quelle ardeur
on cultive encore en Italie la peinture , la
fculpture & l'architecture .
Cv
58 MERCURE DE FRANCE..
La feconde propofition mérite un peut
plus d'être difcutée.
Quoiqu'il foit peut- être vrai que nous
ne fuivions
pas d'affez près les grands modeles
du fiécle de Léon X , il faut voir fi
les arts de l'Italie font fi fort dégénérés
dans le nôtre , qu'on ne puiffe les comparer
à ceux de fes voifins.
Peut-être , Monfieur , avec l'étendue
de connoiffances que vous poffedez , découvrirez-
vous parmi eux des Peintres fupérieurs
à l'Espagnolet , au Tréviſan , à Sebaftien
Coucha , à Solimene , à Carle Maratte
, au Tripolo , au Piazzetta , au Panini
tous de ces derniers tems , & dont quelques-
uns jouiffent encore de leur réputation.
La France qui a fur ce point le tort
de ne pas penfer comme vous , tache en
attendant d'enrichir fes galeries des ouvrages
de ces Artiſtes médiocres , guidés uniquement
par leur instinct mêlé de goût &
de raifon , tandis que notre pauvre Italie
n'a pas encore décoré les fiennes des morceaux
rares & précieux de vos Peintres
modernes non qu'elle leur refufât le génie
& le talent , mais parce qu'elle les croiroit
un peu moins approchant des grands
modeles de Raphaël , du Titien , des Carraches
dont elle eft l'oifive dépofutaire. Les
noms fameux de leurs fucceffeurs que je
JUILLET. 1755. 59
viens de vous indiquer , vous prouveront
du moins les ouvriers ne manquent
point à l'art , au moins dans ce genre.
que
L'architecture & la fculpture s'y fou
tiennent de même avec un vif empreffement
d'atteindre à la perfection des grands
modeles . Un homme de condition qui s'eft
adonné en homme de génie * au premier
de ces arts , ne nous laifferoit point regretter
le fiécle de Vitruve , s'il ne falloit
que du talent pour exécuter de grandes
chofes. Tout ce qui nous refte de la belle
antiquité , eft devenu inimitable ; non
pas faute de goût ni de lumieres dans nos
artiftes , mais faute de moyens dans ceux
qui les emploient . Où prendroient nos
Architectes les fonds néceffaires à la conftruction
de ces thermes , ces amphithéatres
, ces cirques , ces arcs de triomphe ,
ces temples , ces palais , ornemens de l'ancienne
Rome ? Maîtreffe de l'univers elle
pouvoit fournir à ces dépenfes prodigieufes
. Des Etats dont les bornes font refferrées
, les revenus médiocres , les citoyens
peu riches , ne peuvent fans donner dans le
ridicule , envifager de fi grands objets.
Pour juger fainement du talent des Ar-
M. le Comte Alfieri , Architecte de S. M. le
Roi de Sardaigne.
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
tiſtes, il faut examiner fi dans la proportion
des moyens , leurs ouvrages ont atteint le
vrai beau. Sans remonter plus haut que le
Pontife regnant , je ne vous citerai de Rome
que la feule fontaine de Trevi : oppofez-
lui , Monfieur , la plus belle des vôtres.
Ecoutez vos Artiſtes même les plus diftingués
, vos Académiciens jufqu'au Mécene *
qui dirige , qui éclaire , qui anime leurs
travaux , tous éleves de l'Italie , ils lui doivent
trop pour ne pas prendre fa défenfe .
Ce feroit entrer dans une difcuffion dont
on eft déja fatigué , que de m'étendre ici
fur notre Mufique ; il fuffit qu'en général
on lui accorde la fupériorité.
J'aime fi fort , Monfieur , à m'en rapporter
à vos décifions , que je ne vous
difputerai point l'origine de la langue
italienne . Je crois avec vous qu'elle tire
fa fource du Grec & du Latin ; mais je ne
fçaurois vous paffer , Monfieur , cette application
que vous nous fuppofez à décliner
de notre fource : nous y puifons.
journellement , non feulement les termes ,
mais les phraſes entieres ; & nos Académiciens
della Crufca en adoptent entierement
la fyntaxe. Ce n'eft , décidez -vous , qu'à
Rome & à Florence qu'elle fe conferve dans
toute fa pureté. Mais que diriez - vous de
quelqu'un qui affureroit qu'on ne parle
JUILLET. 1755. 61.
François qu'à Blois , & Allemand qu'à
Leipfick ? Vous avez confondu avec la
langue même les différens idiômes du même
peuple que vous appellés en France
patois. Penfez-y , Monfieur , & lifez nos
écrits modernes , vous verrez que les gens
de lettres parlent ou du moins écrivent
auffi-bien à Naples qu'à Rome , à Padoue
qu'à Florence , & ainfi de toutes les langues
de l'univers.
Pardonnez , fi j'appelle auffi de l'arrêt
que vous prononcez fur le mérite de cette
langue : Vous avez la bonté de lui accorder
la moleffe & la douce harmonie, mais
vous lui refuſez la force & l'énergie :
Souffrez , Monfieur , une queftion qui ne
doit jamais offenfer un homme de lettres
lorfqu'il cherche la vérité. La connoiffezvous
affez cette langue & les morceaux de
force qu'elle a produits , pour donner un
certain dégré d'autenticité à l'oracle que
vous prononcez ? Lifez , s'il vous plaît ,
ces huit ou dix vers que je cite au hazard ,
de quelqu'un qui n'eft pas auteur de profeffion
* , ( c'eft le defefpoir d'un amant ; )
vous me direz de bonne foi fi vous connoiffez
un crayon plus noir & plus énergique.
* M. le Comte Pietro Scoți de Sarmato.
62 MERCURE DE FRANCE.
Tra balge & rupi inpenetrabile fia
Latro ritiro ; urli di lupi ogn'ora ,
Turbino i fonni , e la nafcente aurora »
Tarda ritorni a ricondurre il giorno.
Forbida luce de Digiuno fuoco .
Qual ne i fepolcri la pietá racchiude
O poco fcemi , o crefca orrore al loco,
Qui federommi al mio dolor Vicino ,
Stanco d'effer materia all ' atra incude
Del fiero amore del crudel deftino.
Je me flate , Monfieur , que vous ne
refuferez pas plus à ces vers la force &
l'énergie que le fon & l'harmonie : La
peinture y eft affreufe , mais d'une vérité
frappante ; & ne diroit- on pas que l'ima
gination qui en a broyé les couleurs , avoit
pris fes nuances dans Cleveland , ou l'Homme
de qualité ?
λ
Mais laiffons enfin les arts agréables
pour nous élever jufqu'aux fciences fublimes.
Je fuis trop preffé de vous remercier
au nom de toute ma nation de ce que
vous lui permettez d'avoir fes Hiftoriens ,
fes Philofophes & fes Poëtes , pour m'ar
rêter plus long-tems à des objets fur lef
quels je crois l'avoir fuffisamment juftifiée.
Je crois voir cependant que ce petit éloge
n'eft qu'un buiffon de fleurs deftiné à cacher
un ferpent : J'apperçois trop que vous
JUILLE T. 1755. 03
.
nous refufez la folidité néceffaire pour
les recherches profondes , la jufteffe d'efprit
fans laquelle on ne peut imaginer ,
fuivre & détailler un fyftême , la longue
& patiente méditation par laquelle on parvient
à la connoiffance des vérités philofophiques.
MM. d'Alembert & Clairault ,
Mathématiciens françois , que l'Italie fait
gloire d'honorer & de refpecter , vous diront
cependant qu'ils eftiment un Marquis
Poleni , un Zachieri , & beaucoup d'autres
dont les noms peut- être vous font inconnus
des études différentes détournoient
votre attention ) ; mais ils n'ont
point échappé aux autres Mathématiciens
de l'Europe. M. Morand , que les étrangers
n'en eftiment pas moins , parce que
la France l'admire , daigne avouer Morgagni
& Molinelli . Vous n'avez point de
Botanifte qui ne faffe le plus grand cas de
Pontedera , & la Tofcane feule fournit
plufieurs Naturaliftes dont les Buffon &
les Réaumur n'ignorent dès long-tems ni
l'existence ni le mérite . Ajoutons à ces
noms célebres deux femmes illuftres dignes
rivales de votre Emilie , Mefdames Baffi &
Agnefi que les Italiens & les étrangers admirent
également , & dans leurs profonds
écrits & dans les chaires de Profeffeurs ,
que la premiere remplit à Bologne.
64 MERCURE DE FRANCE.
Si vous aviez connu , Monfieur , tous
ces noms déja confacrés dans les faftes
du fçavoir , auriez vous foupçonné nos
Philofophes de ne pouvoir fe garantir des
préjugés de la Magie & de l'Aftrologie 2 à
ce foupçon ma réponſe eft bien fimple
Long - tems avant les procès fameux de
Gauffredi , d'Urbain Grandier , de la Maréchale
d'Ancre & d'autres affaires d'éclat
qui plus récemment ont occupé la France ,
nos Philofophes & nos fçavans ne parloient
déja plus de Magie. A l'égard de
l'Aftrologie lifez vos hiftoriens , ils vous
diront que la France commença de s'en
entêter lorfque l'Italie achevoit de s'en
defabufer ; mais avouons de bonne foi
qu'on s'en moque aujourd'hui autant d'un
côté que de l'autre.
,
J
» Il s'en faut beaucoup que l'Italie mo-
» derne ait des modeles à nous offrir , ni
» qu'elle approche de ceux qu'elle a reçus
» comme nous de l'Italie latine . Tel eft ,
Monfieur votre jugement au fujet de
l'hiftoire ; il eft vrai que nous n'avons plus
les Tites Live , les Salufte , les Tacite
& c , mais nous refuferez - vous Guicciardin
, Macchiaveli , Bembo , Davila , Frapaolo;
& de nos jours les Gianoni , les
Muratori & les Burnamici . Vous avez
affurement lû ces hiftoriens , convenez
JUILLET. 175 5 :
qu'ils auroient mérité votre approbation .
Sur l'éloquence de la chaire , vous êtes
encore en défaut ; vous nous accufez ,
Monfieur , d'un vice que nous condamnons
dans le mauvais fiécle du Seicento
où les Bifchicci , les Allegories , & mille
autres puérilités de même nature remplaçoient
fouvent la morale , l'onction & let
raifonnement . Revenus nous - mêmes de
notre erreur paffée nous déplorons les fautes
de nos ancêtres , & nous blâmons autant
les modernes qui y retombent que
ceux qui nous condamnent fans nous connoître.
Que répondriez-vous à un critique
qui jugeroit vos prédicateurs fur les fermons
de Coiffereau , ou fur les capucinades
de vos Miffionaires.
Je ne vous fuivrai point à la piſte dans
le labyrinthe des phrafes un peu entortillées
, où vous déclamez contre notre genre
dramatique : Je ne vous faifirai qu'au paffage
, où vous imaginez ne pas bleffer la
vraiſemblance en ofant avancer qu'en Italie
c'est l'imperfection de la fociété , le peu de
commerce entre les deux fexes qui a retardé
les progrès du théatre comique . Je reſpecte
trop les gens
de lettres , & vous particu-:
lierement , Monfieur , pour vous paffer
les propofitions que vous hazardez à ce
fujet.
,
66 MERCURE DE FRANCE.
A
Vous , Monfieur , qui fçavez , & qui
nous apprenez fi bien les moeurs de tant
de peuples dont on connoit à peine les
noms , comment avez - vous pu imaginer
les deux fexes auíli féparés que vous les
fuppofez en Italie ? fi moins attaché à vos
Penates vous aviez daigné employer quel
ques mois feulement à la connoiffance de
nos climats , vous auriez vû avec plaifir
que les deux fexes y font bien plus réunis
qu'à Paris. Là au lieu de fe raffembler a
T'heure d'un fouper on fe voit toute la
journée , toutes les maifons font ouvertes
à la bonne compagnie depuis le matin juſ
qu'affez avant dans la nuit , coutumé qui
rend inutile chez nous l'établiffement de
ces petites maiſons où chacun à Paris fem
ble chercher plutôt un afyle pour la liberté
& pour le plaifir qu'un théatre du fentiment
& des grandes paffions.
Je ferai , fi vous voulez , un peu plus
d'accord avec vous fur la rareté que vous
croyez voir en Italie de certains ouvrages
de pur agrément , tel que les pieces fugiti
ves , les effais , les mêlanges de littérature &
de poësie , & tant d'autres productions lé
geres dont la France abonde , & qui peuvent
recevoir le nom de liberiinage d'esprit.
Mais hélas ! Monfieur , croiriez- vous de
bonne foi que nous duffions tant vous en
JUILLET. 1753. 207
vier cette abondance , & vous fembler fi
fort à plaindre de n'écrire guères que pour
notre raiſon ?
Telles font , Monfieur , les obfervations
que j'ai crû devoir faire fur votre introduction
à la partie hiftorique. Avec moins
d'envie de mériter vos éloges , j'aurois
peut-être négligé la défenſe de ma patrie.
Je vous crois trop d'efprit , de modération
& d'impartialité pour ne pas m'en fçavoir
quelque gré. Un Journal étranger eft fait
pour plaire à toute l'Europe ; il ne faut
donc point qu'il prenne trop le goût du
terroir qui l'a produit ; & fi jamais il étoit
permis de s'écarter du vrai , du moins il
feroit plus fûr de flater que de cenfurer
trop légerement des nations entieres : celles-
ci pourroient à leur tour apprécier trop
vite l'auteur fur l'étiquete de l'ouvrage.
Fermer
Résumé : Lettre apologétique d'un Gentilhomme Italien à M. l'Abbé Prevot. Sur l'article du Journal étranger de Janvier 1755, qui a pour titre Introduction à la partie historique.
La lettre apologétique d'un gentilhomme italien adressée à l'abbé Prévost répond à un article du *Journal étranger* de janvier 1755, qui critiquait l'Italie en la qualifiant de 'marâtre' des sciences et des arts. L'auteur reconnaît les mérites de Prévost mais défend l'Italie contre ces accusations. Il souligne que l'Italie reste un berceau des arts et des sciences, malgré les difficultés économiques actuelles qui empêchent la réalisation de grands projets architecturaux. Pour prouver que les arts y sont toujours cultivés, il cite plusieurs artistes italiens contemporains. Il aborde également la musique, la langue italienne et les sciences, mentionnant des savants et des écrivains italiens respectés en Europe. La lettre critique les préjugés de Prévost sur l'Italie moderne, notamment sur la séparation des sexes et le théâtre comique. L'auteur conclut en invitant Prévost à mieux connaître les mœurs italiennes pour éviter les malentendus. Un autre texte, daté de juillet 1753, discute de la profusion de productions légères en France, telles que les essais et les mélanges de littérature et de poésie, qualifiées de 'libertinage d'esprit'. L'auteur exprime son regret de devoir critiquer cette abondance et déplore que ses écrits soient principalement destinés à la raison. Il justifie ses observations en introduisant une partie historique, soulignant qu'il a agi par amour pour sa patrie. L'auteur reconnaît l'esprit, la modération et l'impartialité de son interlocuteur et espère que celui-ci appréciera ses efforts. Il souligne que, bien qu'un journal étranger doive plaire à toute l'Europe, il ne doit pas trop refléter le goût local. L'auteur conseille de flatter plutôt que de censurer trop légèrement des nations entières, afin d'éviter que celles-ci ne jugent l'auteur sur la base de son ouvrage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 5-7
PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES D'ITALIE.
Début :
Cest sans doute des mains des graces [...]
Mots clefs :
Peintres d'Italie, Peintres, Goût, Le Parmesan, Philippe Lauri, Le Primatice, Polidore de Caravage, Luigi Garzi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES D'ITALIE.
PORTRAITS
DE CINQ FAMEUX PEINTRES
D'ITALIE.
Le Parmesan.
CEft fans doute des mains des graces
Que cet artiſte a reçu les pinceaux ,
A 11)
6 MERCURE DE FRANCE.
L'élégance , l'efprit , ſuivent par - tout ſes traces,
A cette riche empreinte on connoît ſes tableaux.
Le vent femble jouer avec fes draperies ,
La belle touche : Ah ! Dieux , quel contour immortel!
Peut-on trop admirer ces figures cheries? -
Tout y fent le Correge & le grand Raphaël .
Philippe Lauri.
Ce Peintre fait l'hiftoire avec goût & fineffe ,
Mais ce n'eft qu'en petit ; il dégénere en grand.
Ses fonds payfagés font frais , pleins de vagueffe ,
Leur fite eft embelli du fard qu'il y répand .
Quel aimable crayon ! que d'efprit il diftille !
A créer de l'efpace il fe montre fçavant ,
Si Lauri des Romains n'eft pas le plus habile ,
11 eft l'honneur du fecond fang.
Le Primatice.
>
Les charmes du pinceau remain
Furent chez les François tranfplantés par ce Maîtré.
L'on vit Fontainebleau décoré de fa main.
Le Roffo le craignit dès qu'il put le connoître.
Quelle gloire il parut au-deffus des bienfaits , !
Dont quatre de nos Rois à l'envi le comblerent.
On crut du Parmeſan revoir en lui les traits :
Du mauvais goût enfin fes talens triompherent.
}
AOUST. 17551 7
Polidore.
De vil manoeuvre il devint Peintre habile ,
En voyant les beautés qu'enfantoit Raphaël.
Que de correction ! que de goût dans fon ftyle !
La nature y confacre à l'antique un autel.
S'il peint de clair-obfcur des frifes ou des armes ;
L'oeil par le feul toucher peut être détrompé .
Son payfage auffi féduit par mille charmes ,
Le connoiffeur s'oublie en étant occupé.
Louis Garzi.
Dans ces grouppes d'enfans , quels ragoût de cou
leur.
Quel tendre dans leur chair ! oui , le fang y circule.
Cet ange me ravit par fa douce fplendeur ;
Mon oeil d'un jour divin croit voir le crépuscule .
Je reconnois Garzi , frais , correct , & fçavant ,
Traitant bien payſage , hiftoire , architecture.
L'âge fur fa vigueur lance un trait impuiſſant.
Frêt à payer tribut à la nature *
Un chef-d'oeuvre nouveau couronna fon talent.
* Il s'engagea à l'âge de quatre-vingt ans , par
ordre de Clement XI , à peindre la voûte de l'Eglife
desftigmates , qu'il termina beureufement. Rien n'y
fent la vieilleffe , & l'on regarde ce morceau comme
le triomphe de ce grand maître.
A inj
6 MERCURE DE FRANCE.
L'élégance , l'efprit , fuivent par -tout ſes traces.
A cette riche empreinte on connoît ſes tableaux.
Le vent femble jouer avec fes draperies ,
La belle touche : Ah ! Dieux , quel contour immortel!
Peut-on trop admirer ces figures cheries?
Tout y fent le Correge & le grand Raphaël.
Philippe Lauri.
Ce Peintre fait l'hiftoire avec goût & fineffe ,
Mais ce n'eft qu'en petit ; il dégénere en grand.
Ses fonds payfagés font frais , pleins de vagueffe ,
Leur fite eft embelli du fard qu'il y répand .
Quel aimable crayon ! que d'efprit il diftille !
A créer de l'efpace il fe montre fçavant ,
Si Lauri des Romains n'eft pas le plus habile ,
11 eft l'honneur du fecond fang.
Le Primatice.
Les charmes du pinceau remain
Furent chez les François tranfplantés par ce Maftre
.
L'on vit Fontainebleau décoré de fa main.
Le Roffo le craignit dès qu'il put le connoître.
Quelle gloire il parut au - deffus des bienfaits ,
Dont quatre
de nos Rois à l'envi le comblerent .
On crut du Parmeſan revoir en lui les traits :
Du mauvais goût enfin fes talens triompherent.
AOUST. 7 1755
Polidore.
De vil manoeuvre il devint Peintre habile ,
En voyant les beautés qu'enfantoit Raphaël .
Que de correction ! que de goût dans ſon ſtyle !
La nature Y confacre à l'antique un autel .
S'il peint de clair-obfcur des frifes ou des armes ;
L'oeil par le feul toucher peut être détrompé.
Son payſage auffi féduit par mille charmes ,
Le connoiffeur s'oublie en étant occupé.
Louis Garzi.
Dans ces grouppes d'enfans , quels ragoût de cou
leur.
Quel tendre dans leur chair ! oui , le fang y circule.
Cet ange me ravit par fa douce fplendeur ;
Mon oeil d'un jour divin croit voir le crépuscule .
Je reconnois Garzi , frais , correct , & fçavant ,
Traitant bien payſage , hiftoire , architecture.
L'age fur fa vigueur lance un trait impuiſſant.
Frêt à payer tribut à la nature *
Un chef- d'oeuvre nouveau couronna fon talent.
* Il s'engagea à l'âge de quatre-vingt ans , par
ordre de Clement XI , à peindre la voûte de l'Eglife
desftigmates , qu'il termina heureusement . Rien n'y
fent la vieilleffe , & l'on regarde ce morceau comme
le triomphe de ce grand maître.
DE CINQ FAMEUX PEINTRES
D'ITALIE.
Le Parmesan.
CEft fans doute des mains des graces
Que cet artiſte a reçu les pinceaux ,
A 11)
6 MERCURE DE FRANCE.
L'élégance , l'efprit , ſuivent par - tout ſes traces,
A cette riche empreinte on connoît ſes tableaux.
Le vent femble jouer avec fes draperies ,
La belle touche : Ah ! Dieux , quel contour immortel!
Peut-on trop admirer ces figures cheries? -
Tout y fent le Correge & le grand Raphaël .
Philippe Lauri.
Ce Peintre fait l'hiftoire avec goût & fineffe ,
Mais ce n'eft qu'en petit ; il dégénere en grand.
Ses fonds payfagés font frais , pleins de vagueffe ,
Leur fite eft embelli du fard qu'il y répand .
Quel aimable crayon ! que d'efprit il diftille !
A créer de l'efpace il fe montre fçavant ,
Si Lauri des Romains n'eft pas le plus habile ,
11 eft l'honneur du fecond fang.
Le Primatice.
>
Les charmes du pinceau remain
Furent chez les François tranfplantés par ce Maîtré.
L'on vit Fontainebleau décoré de fa main.
Le Roffo le craignit dès qu'il put le connoître.
Quelle gloire il parut au-deffus des bienfaits , !
Dont quatre de nos Rois à l'envi le comblerent.
On crut du Parmeſan revoir en lui les traits :
Du mauvais goût enfin fes talens triompherent.
}
AOUST. 17551 7
Polidore.
De vil manoeuvre il devint Peintre habile ,
En voyant les beautés qu'enfantoit Raphaël.
Que de correction ! que de goût dans fon ftyle !
La nature y confacre à l'antique un autel.
S'il peint de clair-obfcur des frifes ou des armes ;
L'oeil par le feul toucher peut être détrompé .
Son payfage auffi féduit par mille charmes ,
Le connoiffeur s'oublie en étant occupé.
Louis Garzi.
Dans ces grouppes d'enfans , quels ragoût de cou
leur.
Quel tendre dans leur chair ! oui , le fang y circule.
Cet ange me ravit par fa douce fplendeur ;
Mon oeil d'un jour divin croit voir le crépuscule .
Je reconnois Garzi , frais , correct , & fçavant ,
Traitant bien payſage , hiftoire , architecture.
L'âge fur fa vigueur lance un trait impuiſſant.
Frêt à payer tribut à la nature *
Un chef-d'oeuvre nouveau couronna fon talent.
* Il s'engagea à l'âge de quatre-vingt ans , par
ordre de Clement XI , à peindre la voûte de l'Eglife
desftigmates , qu'il termina beureufement. Rien n'y
fent la vieilleffe , & l'on regarde ce morceau comme
le triomphe de ce grand maître.
A inj
6 MERCURE DE FRANCE.
L'élégance , l'efprit , fuivent par -tout ſes traces.
A cette riche empreinte on connoît ſes tableaux.
Le vent femble jouer avec fes draperies ,
La belle touche : Ah ! Dieux , quel contour immortel!
Peut-on trop admirer ces figures cheries?
Tout y fent le Correge & le grand Raphaël.
Philippe Lauri.
Ce Peintre fait l'hiftoire avec goût & fineffe ,
Mais ce n'eft qu'en petit ; il dégénere en grand.
Ses fonds payfagés font frais , pleins de vagueffe ,
Leur fite eft embelli du fard qu'il y répand .
Quel aimable crayon ! que d'efprit il diftille !
A créer de l'efpace il fe montre fçavant ,
Si Lauri des Romains n'eft pas le plus habile ,
11 eft l'honneur du fecond fang.
Le Primatice.
Les charmes du pinceau remain
Furent chez les François tranfplantés par ce Maftre
.
L'on vit Fontainebleau décoré de fa main.
Le Roffo le craignit dès qu'il put le connoître.
Quelle gloire il parut au - deffus des bienfaits ,
Dont quatre
de nos Rois à l'envi le comblerent .
On crut du Parmeſan revoir en lui les traits :
Du mauvais goût enfin fes talens triompherent.
AOUST. 7 1755
Polidore.
De vil manoeuvre il devint Peintre habile ,
En voyant les beautés qu'enfantoit Raphaël .
Que de correction ! que de goût dans ſon ſtyle !
La nature Y confacre à l'antique un autel .
S'il peint de clair-obfcur des frifes ou des armes ;
L'oeil par le feul toucher peut être détrompé.
Son payſage auffi féduit par mille charmes ,
Le connoiffeur s'oublie en étant occupé.
Louis Garzi.
Dans ces grouppes d'enfans , quels ragoût de cou
leur.
Quel tendre dans leur chair ! oui , le fang y circule.
Cet ange me ravit par fa douce fplendeur ;
Mon oeil d'un jour divin croit voir le crépuscule .
Je reconnois Garzi , frais , correct , & fçavant ,
Traitant bien payſage , hiftoire , architecture.
L'age fur fa vigueur lance un trait impuiſſant.
Frêt à payer tribut à la nature *
Un chef- d'oeuvre nouveau couronna fon talent.
* Il s'engagea à l'âge de quatre-vingt ans , par
ordre de Clement XI , à peindre la voûte de l'Eglife
desftigmates , qu'il termina heureusement . Rien n'y
fent la vieilleffe , & l'on regarde ce morceau comme
le triomphe de ce grand maître.
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Résumé : PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES D'ITALIE.
Le texte présente des portraits de cinq célèbres peintres italiens. Le Parmesan est décrit comme un artiste gracieux, dont les œuvres se distinguent par leur élégance et leur esprit. Ses tableaux sont marqués par une belle touche et des contours immortels, rappelant les styles de Correge et Raphaël. Philippe Lauri excelle dans la peinture d'histoire avec goût et finesse, mais ses grandes œuvres sont moins réussies. Ses paysages sont frais et pleins de vague, et il est considéré comme un honneur pour le second sang romain. Le Primatice a transplanté les charmes de son pinceau en France, décorant notamment Fontainebleau. Il a été craint par Rosso et comblé de bienfaits par quatre rois. Ses talents ont triomphé du mauvais goût, et il est comparé au Parmesan. Polidore, initialement manoeuvre, est devenu un peintre habile après avoir vu les beautés de Raphaël. Son style est marqué par la correction et le goût, et ses paysages séduisent par mille charmes. Louis Garzi est reconnu pour ses groupes d'enfants aux couleurs ragoûtantes et à la chair tendre. Il traite bien le paysage, l'histoire et l'architecture. À l'âge de quatre-vingts ans, il a peint la voûte de l'église des Stigmates sur ordre de Clément XI, réalisant un chef-d'œuvre qui ne montre aucun signe de vieillesse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 48-50
PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES D'ITALIE.
Début :
La vive impression des passions de l'ame ! [...]
Mots clefs :
Peintres d'Italie, Peintres, Léonard de Vinci, Giacomo Cavedone, Jean Lanfranc, Carlo Cignani
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES D'ITALIE.
PORTRAITS DE CINQ FAMEUX
PEINTRES D'ITALIE.
Leonard de Vinci.
LA vive impreffion des paffions de l'ame !
Voilà de Leonard le talent dominant.
Il inftruit Raphael. Michel- Ange le blâme :
La haine doit flatter dans un tel concurrent.
Quel riche fonds fon traité de Peinture
Prodigue à la poſtérité !
Allez puifer à cette fource pure ,
Vous que la gloire appelle à l'immortalité,
Jacques Cavedone.
Le Colonna , Rubens & Velafquez (1)
Admirent tes tableaux , les donnent au Carrache
Cette flatteufe erreur couronna tes fuccès ;
Ce jour , le Dieu du gout te donna ſon attache.
On le vit applaudir aux beaux contours du nu ,
Que ta fimple maniere enfante.
(1 ) Le Roi d'Espagne avoit dans fa Chapelle une
Vifitation du Cavedone , que ces trois célébres Artiftes
jugerent être d'Annibal Carrache. Pareille
méprife étoit arrivée à Venise chez le Sénateur
Grimani ,& arrivoit tous les jours à Bologne , furtout
au fujet du begu tableau de Saint Alo dans
l'Eglife de Mendicanti,
Hélas !
DECEMBRE . 1755 . 49
Hélas ! ce grand talent , qu'eft-il donc devenu
Tu rougis. Ton hyver m'afflige✶ & t'épouvante.
Jean Lanfranc.
La lumiere en ce lieu ** fçavamment fe dégrade
.
Quel génie abondant ! qu'il eft fier & léger !
Son élegance attire , & fon ton perfuade.
Vers ces grouppes on vole ..... on craint de les
charger.
C'eft bien toi qui naquis pour les grandes machi
nes ;
Le raccourci magique eft un jeu pour ta main.
Difons mieux : à ton gré les demeures divines
S'ouvrent leur gloire éclate aux yeux du genre
humain.
Alexandre Veroneze .
Plaire eft ton lot . Tu peins avec amour,
La vigueur de ces tons , ce beau fini , ces graces
Prêtent à la nature un féduifant atour.
* Il devint un Peintre fi médiocre qu'il fut réduit
à faire des ex voto. Enfin il mourut dans une rue
de Bologne , où il mandioitfon pain.
** L'on a ici particuliérement en vue la coupole
de S. André de la Valle , qui fait à Rome l'admiration
des curieux . La Vierge affife fur des nuages
regarde fonfils qui eft peint au haut de la lanterne :
Au basfont plufieurs grouppes de Saints de Prephêtes
, dont l'effet ne laiſſe rien à désirer..
II. Vol. C
50 MERCURE DE FRANCE.
Je la vois , elle craint que tu ne la furpafles.
Le meilleur choix par elle échappe de tes mains.
Ate rendre incorrect ſe peut - il qu'on parvienne ›
Tu t'efforces d'unir le deffein des Romains
A la couleur Vénitience ?
Charles Cignani.
Quel Peintre gracieux ; fon fertile génie ,
D'une légere main eft au mieux ſecondé,
Il brille trop pour que la calomnie
A le perfécuter n'ait un gout décidé .
Il foumet à fon art les paffions de l'ame.
La force & la fraîcheur diftinguent fon pinceau :
Emule d'Auguftin l'amour par lui m'enflamme,
Ce Dieu , pour l'admirer , déchire fon bandeau.
* Le Duc Ranucio le manda pour peindre à
Parme les murs d'une chambre , Sur le plafond de
laquelle Auguftin Carrache avoit exprimé le pouvoir
de l'amour. Ce Prince donna à Cignani le
même fujet à continuer ; il le traita avec beaucoup
d'élégance.
PEINTRES D'ITALIE.
Leonard de Vinci.
LA vive impreffion des paffions de l'ame !
Voilà de Leonard le talent dominant.
Il inftruit Raphael. Michel- Ange le blâme :
La haine doit flatter dans un tel concurrent.
Quel riche fonds fon traité de Peinture
Prodigue à la poſtérité !
Allez puifer à cette fource pure ,
Vous que la gloire appelle à l'immortalité,
Jacques Cavedone.
Le Colonna , Rubens & Velafquez (1)
Admirent tes tableaux , les donnent au Carrache
Cette flatteufe erreur couronna tes fuccès ;
Ce jour , le Dieu du gout te donna ſon attache.
On le vit applaudir aux beaux contours du nu ,
Que ta fimple maniere enfante.
(1 ) Le Roi d'Espagne avoit dans fa Chapelle une
Vifitation du Cavedone , que ces trois célébres Artiftes
jugerent être d'Annibal Carrache. Pareille
méprife étoit arrivée à Venise chez le Sénateur
Grimani ,& arrivoit tous les jours à Bologne , furtout
au fujet du begu tableau de Saint Alo dans
l'Eglife de Mendicanti,
Hélas !
DECEMBRE . 1755 . 49
Hélas ! ce grand talent , qu'eft-il donc devenu
Tu rougis. Ton hyver m'afflige✶ & t'épouvante.
Jean Lanfranc.
La lumiere en ce lieu ** fçavamment fe dégrade
.
Quel génie abondant ! qu'il eft fier & léger !
Son élegance attire , & fon ton perfuade.
Vers ces grouppes on vole ..... on craint de les
charger.
C'eft bien toi qui naquis pour les grandes machi
nes ;
Le raccourci magique eft un jeu pour ta main.
Difons mieux : à ton gré les demeures divines
S'ouvrent leur gloire éclate aux yeux du genre
humain.
Alexandre Veroneze .
Plaire eft ton lot . Tu peins avec amour,
La vigueur de ces tons , ce beau fini , ces graces
Prêtent à la nature un féduifant atour.
* Il devint un Peintre fi médiocre qu'il fut réduit
à faire des ex voto. Enfin il mourut dans une rue
de Bologne , où il mandioitfon pain.
** L'on a ici particuliérement en vue la coupole
de S. André de la Valle , qui fait à Rome l'admiration
des curieux . La Vierge affife fur des nuages
regarde fonfils qui eft peint au haut de la lanterne :
Au basfont plufieurs grouppes de Saints de Prephêtes
, dont l'effet ne laiſſe rien à désirer..
II. Vol. C
50 MERCURE DE FRANCE.
Je la vois , elle craint que tu ne la furpafles.
Le meilleur choix par elle échappe de tes mains.
Ate rendre incorrect ſe peut - il qu'on parvienne ›
Tu t'efforces d'unir le deffein des Romains
A la couleur Vénitience ?
Charles Cignani.
Quel Peintre gracieux ; fon fertile génie ,
D'une légere main eft au mieux ſecondé,
Il brille trop pour que la calomnie
A le perfécuter n'ait un gout décidé .
Il foumet à fon art les paffions de l'ame.
La force & la fraîcheur diftinguent fon pinceau :
Emule d'Auguftin l'amour par lui m'enflamme,
Ce Dieu , pour l'admirer , déchire fon bandeau.
* Le Duc Ranucio le manda pour peindre à
Parme les murs d'une chambre , Sur le plafond de
laquelle Auguftin Carrache avoit exprimé le pouvoir
de l'amour. Ce Prince donna à Cignani le
même fujet à continuer ; il le traita avec beaucoup
d'élégance.
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Résumé : PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES D'ITALIE.
Le texte présente des portraits de cinq célèbres peintres italiens. Léonard de Vinci est reconnu pour sa capacité à représenter les passions de l'âme, influençant Raphaël mais étant critiqué par Michel-Ange. Jacques Cavedone est admiré par le Colonna, Rubens et Vélasquez, qui attribuèrent à tort certains de ses tableaux à Annibal Carrache. Jean Lanfranc est loué pour son génie abondant et son talent pour les grandes compositions, notamment la coupole de l'église Saint-André de la Valle à Rome. Alexandre Veronese, après une carrière brillante, finit dans la misère, réduisant à peindre des ex-voto. Charles Cignani est apprécié pour son style gracieux et son talent à représenter les passions de l'âme, travaillant pour le Duc Ranucio à Parme.
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11
p. 147
VERS pour accompagner un Tableau de M. Amédée Vanloo, représentant différentes vertus, lesquelles vues par optique, forment le portrait ressemblant du ROI.
Début :
Des Rois & des Héros, tous les Peintres fameux, [...]
Mots clefs :
Rois, Héros, Peintres, Art
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texteReconnaissance textuelle : VERS pour accompagner un Tableau de M. Amédée Vanloo, représentant différentes vertus, lesquelles vues par optique, forment le portrait ressemblant du ROI.
VERS pour accompagner un Tableau
de M. Amédée Vanloo , repréfentant
différentes vertus , lefquelles vues par
optique , forment le portrait reffemblant
du ROI.
Dis Rois & des Héros , tous les Peintres fa- DES
meux ,
Sur la toile ont tranfmis l'image reflemblante.
Vanloo feul a peint l'âme , & fon art merveilleux
Animant les vertus , en elles nous préfente
Et les traits de Louis , & fon coeur généreux.
Par REGNAUDIN DE NASSY , fils.
de M. Amédée Vanloo , repréfentant
différentes vertus , lefquelles vues par
optique , forment le portrait reffemblant
du ROI.
Dis Rois & des Héros , tous les Peintres fa- DES
meux ,
Sur la toile ont tranfmis l'image reflemblante.
Vanloo feul a peint l'âme , & fon art merveilleux
Animant les vertus , en elles nous préfente
Et les traits de Louis , & fon coeur généreux.
Par REGNAUDIN DE NASSY , fils.
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