REMARQUES' sur la Réponse qui a .
paru dans le Mercure du mois de No»
vemb're dernier à la question : Si les
Chartes qui ». font point dattées , mais
munies de Sceaux dé personnes illustres,
dont le temps n est pas douteux , pe «-
vent pajfcr pour certaines & autcntiquest
RE'PONS E.
JSppS^jl.'O» est d'avis que l'on y doit
P Ijjifj "lQ"Kr T°y , ©- qu'elles peuvent
|Éjg|gg| [ preuve qu'une choje est an.
Ay Cet
i MERCURE DE FRANCE
Cet avis , quoique bon en lui-même
est cependant trop vague , & trop gene
rai , les raisons fur leíquelles il est fondé
supposent le faux , &c l'on ne croit pas
qu'elles soient jamais admises par ceux
qui font un peu versez dans la connoisfance
des Chartes.
Il y a un certain milieu à garder en tou
tes choses. C'est un excès causé par l'igno
rance de l'Histoire Diplomatique , & des
coutumes des siecle? paslèz , de rejetter
abíolument toutes les Chartes qui manq
ent de dattes , de signatures ou de
sceaux ; & c'en est un autre de les admet
tre trop facilement- L'Auteur de la Ré
ponse > est tombé dans celui.ci , qui est
bien le moindre ; 8c M s de la Justice
tombent tous les jours dans l'autre , Se
en même temps condamnent' de faux des .
pieces , lesquelles avec les conditions
Îiu'ils exigent seroient entierement fauses
aux yeux des connoisteurs. Cette
erreur vient de ce qu'ils croyent que les
anciennes Chartes ne peuvent être bon
nes fans les formalitez des Actes d'au
jourd'hui , & qu'elles dévoient être dres
sées dans les siecles paísez comme elles
le fuit depuis un certain temps.
Il falloit donc distinguer les lieux, les.
temps, &: les personnes ; car íuivant ces. i
trois différents rapports il y a des Char
tes
JANVIER 1724. 3
tes fans dacte , auxquelles on peut, &
(on doic ajouter foy , & d'autres qui n'en
meritent aucune. Or l'on peut connoître
à peu près le temps d'une Charte
fins datte , par l'écriture , & par les per
sonnes qui y sont nommées. Pour les
lieux ils y sont presque toujours mar
quez.
Chez les Romains tout Acte étoit nul
lorsqu'il n'étoit point datté du jour &
du Coníulat , abfine die & Consule , &
par les Loix des Àllemans , {a) il étoit
défendu d'avoir égard à aucune Charte
qui n'étoit pas dattée du jour & de l'an.
C'est ce qui fait qu'on ne trouve qu'une
feule de leurs Chartes qui n'ait point de
datte : c'est la 55 .- dans Goldast. Ainsi
les Chartes faites dans les lieux où les
Loix Romaines , &ç celles des Allemans
étoient observées doivent être dattées ,
autrement il y a grande apparence qu'el
les sont fau fies.
Il n'en est pas de même de celles des
François & des Germains , on en trou
ve beaucoup fans aucune datte. (b) Ferard
en a raporté un grand nombre des
Ducs de Bourgogne , & même de quel
ques Evêques , 8c l'on env voit beaucoup
(a) Leges Aìamann. cap. 42. .
b) Pcrard , pag. r?*. tu, ait. *M. &
vantes.
A vj de
4 MERCURE DE FRANCE.
de pareilles dans les traditions de l'Ab
baye de Fulde.
Mais il faut faire attention que cet
uíàge ne s'est introduit que vers le 10e
siecle , & qu'il a fini dans le 13e & cela
principalement dans les Chartes: des
Seigneurs & des autres particuliers; car
pour celles des Rois il est très.rare (a)
d'en trouver íàns datte , au moins dans
les siecles dont nous venons de parler ,
excepté celles qui étoient de peu de con
sequence, & qui devoient être execu
tées fur le champ. Encore y marquoit.on
le plus souvent le mois , & même le
jour du mois. Il est vrai que les Char
tes des Rois de la premiere race n'ont
quelquefois pour toute datte que leur
nom , où les années de leur Regne. Il y
en a deux de cette premiere sorte dans le
supplement de la Diplom. p. 92. L'une
est de Clothaire IL & l'autre de Dagobert
I. & deux autres dans la nouvelle
Histoire de l'Abbaye de S. Germain ; (b)
sçavoir le Testament de Dagobert qui
n'a. ni datte, ni signature, &.une Charte
de Thierry IL
Au reste , il est aisé de distinguer les
Chartes des Rois Merovingiens de celles
(«.! Mabillon. Diplom. p. in.
(í) Histoire de l'Abbaye de S.. Germain , .
pieces juuir. p. 4, & suivantes.
des
JANVIER 1714/ f
des autres qui les ont suivis , & même
celles des particuliers de leur temps, de
celles des temps posterieurs ; car on ob
serva preíque toujours de leur temps
cette formule , datum qnod fecit menfìs
N. dies N_4»#o N. Regis nostri , cowïendio
in dei nomine feliciter. Ou bien
iatum fub die v. Kal. &c. ou enfin fait*
.ejjio fub die &c. Mais la premiere sornule
étoit plus commune aux Rois , &
a derniere aux particuliers. Cette soriule
varia dès les commencemens de la
euxiéme race ,. & du Regne même de
'epin. Au lieu de. regni nostri , on mit
°gni Domini , Sec. k la troisième persons
, Se au datum ou data ,.. &c On ajouta
1nm, &c. Il y eut ensuite bien d'autres
îangemens juiqu'à Charles le Gros qui
ajouta l'année de l'Incarnation. Os
:rroit peut.être ici avec plaisir toutes
s differentes formules des dattes & des
nelusions des Chartes des Rois, & des
rtkuliers juíqu'à nos jours ; mais ce
oit trop s'écarter, & ce peut être le
et d'une Diísertation particuliere , en
endant on renvoye à la Diplomatie
e , où l'on trouvera íuffisamment de
ai se satisfaire.
Il n'y a donc presque eu que les par.
jliers , quelques Comtes , Ducs , &
êques qui ayent manqué de mettre
une
4 MERCURE DE FRANCE.
line datce à leurs Chartes.' Il s'en voit
tìn grand nombre dans le Yrésor. des
Anecd. dans la nouvelle édition des Di
plômes d'Aub. le Mire, &fen particu
lier parmi les pieces justificatives de
l'Histoire de l'Abbaye de S. Germain,
entre autres une de la Comtesse Eve fans
datte, ni signature, laquelle a été don
née vers l'an 849. Cependant ce non
usage n'étoit pas absolument universel ,
même dans l'onzième &c douzième siecle,
puiíque l'on en voit plusieurs avec le
mois 8e le regne du Roy, d'autres avec
l'année du regne fans mois ni jour, &
d'autres enfin avec, regnante DominoNpomifiâante
NV Comite N. fans en mar
quer les années.
Il y a une chose qui peut servir à
donner quelque ordre à cette diversité si
confuse. C'est qu'il ne paroît dans ces
deux siecles prelqu'aucun Acte fans datte
que ceux que l'on appelle notices , &
qui commencent par ces mots , noti
fia , notum fit , noveritis notifico , 8c
les Statuts Sc decrets des Abbez, des
Evêques , ou de leurs Chapitrest On en
trouve beaucoup dans l'Histoire de Saint
Germain, & pas une n'est dattée avant
l'an 1191. peut.être que ceci n'étoit
particulier qu'à la France , puisque pa-
«eils Actes faits dans la Belgique (ont
presque
JANVIER 1714. 7
preíque tous dattez , au moins ceux qui'
font raportez dans la nouvelle -édition/
d'Aubert le Mire*
Quant aux Diplômes de nos Rois il.
y en a plusieurs, principalement depuis'
le commencement de l'xi. siecle juíqu'à
la fin du 13e qui font dattez de l'année
de l'Incarnation , íâns mois , ni jour ; Se
d'autres avec le mois íans lejour. Tels.
íònt entre autres deux de Philippe Au
guste, raportez dans Perard , page 340..
mais l'on n'en trouve aucun fans quel
que marque chronologique.
Devant le regne de Charles le Gros
les Chartes des particuliers íe dattoient eiv
Italie du regne de l'Empereur, du Roy,
du Comte , Se en même temps de l'indiction.
Sous íon regne on commença à y
ajouter l'année de l'Incarnation , princi
palement en Allemagne ; (a) ainsi qu'il
paroît dans lesTrad. de Fulde, page 509..
où il y a une Charte dattée de l'an
783/ & deux autres de 800. & 802..
Mais ce ne íònt pas encore les premieres
que l'on ait dattées de l'an de i'Jncarna.
tion, puisque le continuateur du Reciieil/
des Diplômes d'Aubert Ie Mire raporte s.
page 1 1 2Ó. deux Chartes de Pépin le
Gros dit d'Heristel , dattées de l'an 687.
(a) Mabìl. Diplom. p..
S MERCURE DE FRANCE:
Se <?$> i. de l'Incarnation indict, 4e Le 5;
de sa Principauté , &c.
Il y a cependant beaucoup lieu de ne
íè pas trop fier à ces deux .Chartes pour
plusieurs raisons qui ne sont pas de nôtre
ïùjet , du. moins pour les dattes qui pourroient
y; avoir été ajoutées après coup.
En voilà aílez pour donner une idée
des Chartes .dattées , & non dattées, &
de celles qui ne le font , pour ainsi dire ,
qu'à demi. On voit par là quand elles
peuvent faire foy , étant íàns datte , &
qui étoient les personnes qui negligeoient
de les marquer, Examinons à present les.
raisons fur leíquelles l'Auteur de la Ré^.
ponse fonde sa décision-
Suite de la Réponse. .
Car la Charte , quoique faite pour la. '
même fin , n'approchoit cependant pas de
ce que nous nommons aujourd'hui un ASte,
en ne s'en est servi que tant qu'il n'y
Ai/oit point , ou très .peu de Notaires , &c.
Premierement tout ceci ne dit rien , &
ne regarde pas la question proposée , il
s'agit des Chartes non dattées , & non
pas de celles qui n'a voient ppint de si
gnature.
Secondement, on ne voit pas pour
quelle raison l' Auteur de la Réponse
met
J A N VIE t' Vit f
met la Charte tout au.dessous de l'Acte
de Notaire. U est vrai qu'on n'y obfèr-
Voit' pas les formalitez d'aujourd'hui ;
mais celles dont on se servoit ne la
rendoient pas moins , pour ne pas dire
plus authentique que les Actes de No
taires. S'il s'agit des Chartes de nos Rois>
c'étaient leurs Referendaires ou Chan
celiers qui en étaient les Notaires j fous
la premiere race les Princes les lìgnoient
preíque toujours., £c on y appofoit le
cachet de leurs anneaux , & eníuite leur«
sceaux ; lôus ceux de la deuxième. Le
Prince les íìgnoit de son Monogramme ,
& en generai on peut dire qu'ils n'accordoient
, Se ne faiioient presque point ex
pedier des privileges que lorsqu'ils
tenoient leurs cours plenieres, ou ea
presence des Grands Officiers de la Cou
ronne, leíquels sont toujours nommez ,
Sc signent dans les Chartes des Rois de'
la troisième race , depuis Louis le Gros.
(a) D'où vient cette formule observée'
dans. la fuite , Aílum Parifiis , &c. astan~
tïbus in Palatio nostr'o quorum nominafubtitulata
futit & signa. Signum N. Da.
piferi S. N. Const-abulariï Baftculario
nullo S. N. Camerarii data per manum
lí. Cancellarii , ou vacante cancellaria.
S'il s'agit des Chartes des particuliers,'
(«) Mabil. Diplom..p. 104..
outíe.'
lé MERCURE DÉ fRANCÊ.-
Outre qu'elles étoient preíque toujours
écrites par des Notaires , leíquels quoique
íàns privilege exclusif étoient veriblement,'
8c pas leúf profeísion hommes3
publics elles étoient ordinairement don*
nées , relues 8c signées dans des assem
blées publiques , In mallo publico. In gtr
nerali placito. In convensu Nobiliwn, &C
(a) Le Seigneur les faiseít publier de
vant íes pairs , Se devant ses Vassaux quï
étoient obligez d'être fa caution y il étoit'-
reciproquement la leur ; mais d'une au
tre maniere , ne s'engageanc seulement
qu'à les contraindre d'executer leurs
conventions , 8c les autres- , obligeant
pour leur ^Seigneur , 8c leurs corps &
leurs biens. Ç'est.là cette servitude dont
il est. parlé dans íes Chartes.
Troisièmement y les Notaires publics
étoient bien plus anciens & bien plus.
communs que l'Auteur ne l'a crû ; car
outre qu'il en est parlé dans les Loix des
Ripuaires fous le nom de Chanceliers^
dans les Chartes de Childebert , & de
S. Germain., Evêque de Paris (c) pour
l'Abbaye de son nom; Charlemagne dans
le j. Capitulaire de l'an 8oj. ordonne,
(») Bouilíard , Histoire de l'Abbaye de Saint
Germain , pieces justificatives , page 7. ' .
(b) Ad fidejujfores tollendos.
\c) Histoire de S. Germain, pages i. & *.
ut
"I A N V í Ê tí tfn. fi
.Ht mijfì nostri scabînios Advocatos yNotariosperfîngiila
loca éligant s tkc. Depuis
ce temps ilj y en a toujours eu,& en
aísez grand nombre y les Evêqtìes, les
Abbez 8c ks Seigneurs avoient ordinai
rement leurs Notaires , ou Chanceliers
qui servoient pour tous leurs Vaslàux ,
car il ne leur étoit pas permis de faire
des Chartes , c'est ce qui fait qde celles
áusquelles ils sont interessez soit pour
vente ou donation aux Eglises , sont tou.*
jfours au nom du Seigneur y qui donne ?
ou qui vend comme proprietaire , après.
avoir marqué qu'un tel ion Vassal, refîgnavit
in manus suas , &c.
Ainsi les Chartes ne se faisoient point
par le premier venu > comme l'Auteut
l'insinuë , mais par des Chanceliers oit
Notaires qui étoient publics. Et ces Offi
ces étoient exercez communément paf
des Clercs , ou des Moines q»i étoient
les moins ignorans de ces temps.là , Si
qui servoient en même temps de Cha
pelains à ces Seigneurs.
Il étoit si necessaire pour k validité
des Chartes qu'elles fuisent écrites par'
des personnes , dont le nom & l'écris
ture fu/sent si connues , qu'elles fuisent
Censées personnes publiques que le Pape
' Innocent II í. (a) regarde comme nut
1*1 Innoc.III. liw í. Epist- 3 f
a Mercure de francs.
«n privilege de l'Empereur Henry , quia
nec erat publica manu conseílmn j nef
figillum habzbat ambenticum.
Suite de la Réponse.'
Lu negligence avoit tellement pris le
dessus , que les personnes de la. premiere
difiinclion ne /pavoient pas assez, bien
écrire poursigner leur nom , ce qui a dvn*
né lieu aux sceaux , &c'
Ce n'est point à l'ignorance d'écrire
oU de signer que l'on doit l'usage d'ap
poser des sceaux, Se des cachets fur les
titres. Cet uíage est de l'antiquité la plus
íçculée; Lorsque Pharaon donna à Jo
seph le Gouvernement dé l?Egypte , (a)
tulit a-nnulum de- manu- sua & dedit eum
in manu cjus.. Les Lettres d'Assuerus ,.
Roy des Perses & des Medes , accordées'
à Esther en faveur des Juifs, (bj; anftulo
ipfius obsignata funt & mijst per
veredarios ,-Sc.c. Lefc Romains s'en fer-'
voient aussi , ainsi que les Historiens, &
les cabinets des curieux qui en íorit rem
plis en font foy. Et nos premiers Rois',
dont il s'agit ici plus particulierement
ont eu des cachets , aufquels les sceaux
ont succedé. On garde encore dans le
(a) Genes. 41.
(*} E/lhexé c l' "
cabinet^
î A.NViER 1714. 13
cabinet du Roy l'Aneau de Childeric,
pexc du grand Clo.vis. Mais .ce qui fait
voir que ce n'est point pour íuppléer à
la íignature (a) qu'on s'est mis a ícelei
les titres ; c'est que les Chartes ictus la
premiere race de nos Rois , sont preíque
toutes ignées &c sce.léçs. -Et non.íèuler
ment .celles de nos Rois , mais encore
çelles des Evêques & des Seigneurs par*;
ticuliers.
Il est vrai qu'il y a un temps & de»
lieux toìi les sceaux suppleoient aux si
gnatures i mais l'uíàge de signer & d?
sceller en même temps était bien plu?
ancien. C'est ce qui paroît certain parle
témoignage de Gregoire .de Tours qui
dit {&) que Mummole envoyé par le
Roy Theodebert vers l'Empereur Justir
nien , étant à l'extrémité fit faire son
(a) Von peut ajouter que les sceaux supfleoient
encore moins aux dattes, & que
Auteur de la Lettre écrite d Evreux dans le
Mercure d'XDcìpbre 1713. quoique bien mieux
au fait des Chartes que celui.ci , n'y a pas fait
allez d'attention , lorsqu'il a avance que dans
l'onzième & douzième siecles , il n'y avoït sas
une Charte qui n'eut son sceau , &c. il est
pourra voir un grand nombre fans dattes &
fans sceau dans les Recueils des Chartes ; 8ç
en particulier dans les pieces justificatives dé
la nouvelle Histoire de l'Abbaye de Saint
î.Germain. '
(b) Greg. Tftrpn. de Gltr.MarU lib. 1. cxti
teftar.
f 4 MERCURE DE FRANCE,
íestament., & le fit munir de signatures
.& de íceaux- Fecit testamentum fuum sertht
, munitum fubfcriptionibus ac figillis ,
&Cz. Dans le siecle suivant Berthramn ,
Evêque du Mans fit mettre siir son testa
ment les signatures., 8c les sceaux de íépt
personnes illustres. Septem virorum honestorum
fubscriptionibus & figillis.
Charlemagne signe & scelle la Charte
{a) pour l'Abbaye de S. Germain , manu
nostra fubfcriptionis fabter decrevimus robarare
, & de amuio nofiro fubter figillare.
Chez les Anglois même les íèeaux , quoi
que communs à tout le monde, au moins
depuis Guillaume le Conquerant , ne tenoient
pas lieu de signatures , mais bien
de Tabellions qui n'y étoient pas en usa
ge loríque ce Prince conquit l'Angle
terre ; cfKoHiam Tabellionum ttfus ( dit
(b) Matthieu Paris ) in eo regno non httbebamr.
Cependant il faut convenir que
depuis Gregoire de Tours jusqu'à l'oneiéme
siecle , il se trouve bien des Char
tes des Rois , d'Evêques & de Seigneurs
qui n'ont aucunes marques de cachets ,
ni de sceaux. Or la veritable marque
qu'une Charte ait été scellée , n'est pas
qu'il y ait des trous, par lefquelj leî
(a) Boiiillard. Hist. de l'Abbaye de S. Ger
main, p. u,
(i) Math. ïarìs. ad an, 1237.
lac»
JANVIER 1714. ts
|acs ou cordons du sceau auroient été
pastez , ou quelques restes de cire appli
quée dessus ; mais c'est loríqu'il est énon.
jcé dans l'Acte qu'elle* été ícellée. Car
sans cela les sceaux íèroienc une preuyg
de fausseté.
Suite de la Réponse.
L'on se servoit dans le même temps des
ghartes parties ou coupées , c'est.à.dire
qu'après avoir fait une Charte , on la
fioupoit en pieces , dont chaque contrac
tant en prenoit une pour la representer lors
de l'execution des conventions , Sec.
Ceci est dit d'une maniere si décisive,
-qu'on croiroit que tout cela est vrai , &
que l'Auteur a vu de ces Cljarces parties ;
jnais il permettra que l'on assure qu'il
n'en connoît que le nom , & qu'on n'a
jamais coupé en pieces Jes Chartes com
me il s'imagine.'
Les Chartes parties ou coupées tirent
leur origine des Chartes appellées dans
les formules (a) de Marculfe Chant pa~
rida & paricuU , parce que c'étoient des
doubles copies d'un même acte fait entre
deujç parties égales inter pares , ou plutft
parce qu'elles étoient de pareille for
me, grandeur & écriture. A ces Char-
(a) Marculfi formuis. , lib* z.
tes
itf MERCURE DE FRANCE.
tes succederent les Chartes parties ow
.coupées , autrement Chartes endentées,
Charte indentatA , ou idetitat* , que l'on
appella dans les H. 11. Se 1.3 e. siecles
Chkographes ou CirographeS. C!étpient
auflì deux copies d'un même acte écrites
fur une même peau , & de même ma
niere, entre lesquels on .écrjvoit en
grands caracteres une ligne , qui ne contenoit
Jbuvent qu'une partie des Lettres
de l'Alphabet , quelquefois une Sentent
ce, 6c quelquefois le .nom du principal
des contractons $ & l'on separoitees deux
copies, en coupant la peau par le mi
lieu Se .le long de ces caracteres. A peu
pïès de la même maniere que l'on faiíòit
les premiers billets de banque , ait.
tpur desquels, on voyoit une partie de
pluíieurs traits entrelacez.
' Ces fortes de Chartes n'etoient gneres
;cn usage que pour les échanges , transac
tions Se accords entre deux ou plusieurs
Í>arties , Se l'on y marquoit la datte .de
a maniere qu'on avoit coutume de la
marquer dans le temps , Se les lieux où
elles éto.ient dressées. Lorsqu'il y avoit
plus que deux parties interessées au mê
me Acte , ôc que l'on étoit obligé d'en
faire trois ou quatre copies , on les écr re
voit en même temps fur la même peau ,
6c l'on écriyoitfcendeflture fur les lignes,
par
des jugemjenst aes iianrdcriox
B
.par lesquelles on les devoit separer.
i'Auteur de la Réponse , qui íâns
doute n'en a jamais vu íera bien aiíê d'en
voir ici une., & il y a lieu d'eiperer
qu'elle fera plaisir au.public., parce qu'el
les font aflez rares ; on l'a réduite de
grande en petite , & l'on n'en a fait co
pier que le commencement 8c la fin, ce
qui suffira pour en donner une idée , &
pour faire voir à 1J Auteur que. l'on dattoit
ces Chartes , .& que chaque partie
étoit une copie entiere du même Acte.
Cette piece dont l'original est dans les
Archives de l'Abbaye de Saint Bertin, a
pour endenture , ces mots DROGO
TARWANENSIS EPS. & c'est un
accord fait entre cet Evêque & l'Abbé
4e S. Bertin en l'année 1040.
.Suite de la Réponse.
D'ailleurs le sujet dont on composé ît la
Charte ne rouloit pour l'ordinaire que fur
des conventions qui n a voient sas besoin
d'un temps fixé , &c.
On íçait quels sent les íujets des
Chartes, c'étoientdes privileges accor
dez aux Villes, aux Eglises, &aux par
ticuliers par les Souverains, des dona
tions faites paf eux, ou par les Seigneurs,
des jugemens, des transactions , des
B baux
tt MERCURE DE FRANCE.
baux à ferme , &c. Voilà le sujet dont on
oompoíoit les Chartes. Or )e demaïde
/il ne rouloit c/ue Jur dus conventions cjui
n'avaient pas b"foin d'un temps fivé} La
chose est si claire qu' .1 íuffit d'y faire
faire attention. Nqus en avons dit aslez
pour faire voir que l'on .ne doit pas
ajouter foy indifferemment aux Chartes
non dattées , pour marquer en quel
temps , & quels lieux on les dattoit,
Se on ne les dattoit pas pour mon
trer l'antiquité desjsigriatjures., des sceaux
& des Notaires , Se pour .expliquer ce
que c'étoit que les Chartes parties. Nous
esperons que l'Auteur ne trouvera pas
mauvais que l'on ait un peu éclairci cette
matiere , & que l'on ne se íôit pas ren
contré de iòn sentiment.
Nous croyons que le public éclairé pen
sera comme nom furie merite de cette pier
Ce, il seroit a souhaiter cjjipn nous en
envoyât souvent de semblables : la Repu
blique des Lettres , & nôtre Journal en
particulier y gagneroient infiniment?