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1
p. 1050-1062
DISSERTATION sur les Enseignes Militaires des François. par M. Beneton-de-Perrin, Ecuyer, ancien Gendarme de la Garde du Roy. Seconde Partie.
Début :
Après avoir dit dans la premiere Partie de cet Ouvrage ce qui obligea [...]
Mots clefs :
Saint Denis, Comtes de Vexin, Abbaye de Saint-Denis, Église, Seigneurs, Prince, Églises, Bannière, Dévotion, Monastère, Enseignes militaires
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texteReconnaissance textuelle : DISSERTATION sur les Enseignes Militaires des François. par M. Beneton-de-Perrin, Ecuyer, ancien Gendarme de la Garde du Roy. Seconde Partie.
DISSERTATION sur les Enseignes
Militaires des François . par M. Benetonde-
Perrin , Ecuyer , ancien Gendarme
de la Garde du Roy. Seconde Partie .
A
Près avoir dit dans la premiere Partie
de cet Ouvrage ce qui obligea
les Rois de France à changer de Patron ,
et ce qui fit qu'à leur exemple le Peuple
diminua peu - à - peu sa dévotion a S.Martin
, pour la donner toute entiere à saint
Denis ; remontons présentement aux
temps qui ont précedé ce changement.
Sans entrer dans la fameuse dispute si
S. Denis , premier Evêque de Paris , est
le même que Denis l'Areopagite , converti
par
l'Apôtre S. Paul dans la Ville
d'Athénes , qui de Rome passa dans les
Gaules dès le premier siecle de l'Eglise ,
ou s'il est un autre Denis , qui , avec six
autres saints Missionnaires , ne vinrent dans
les Gaules qu'au temps de Décius ; il est
toujours certain qu'un S. Denis , Evêque,
fut le premier qui annonça aux Parisiens
les veritez de l'Evangile , et qu'il souffrit
le martyre avec deux de ses Compagnons
dans le lieu même où il avoit exercé sa
Mission .
Après
JUIN. 1733. 1051
Après la mort de ce Saint , une femme
vertueuse et riche , nommée Catule ,
devenue , sans doute , Chrétienne par les
´Sermons du Martyr, fit secrettement enlever
son Corps et ceux de ses Compagnons ,
et les fit inhumer tous trois dans un
Champ qui lui appartenoit , et qui à cause
d'elle fut appellé Catolacum , et Catalliacum.
Les Chrétiens , pour ne point oublier
l'endroit qui contenoit les Corps de
ces saints Martyrs , mirent dessus une
marque, ou Montjoye , et aussi tôt qu'ils
furent en liberté de faire quelque Acte
public de leur Religion , ils bâtirent sur
cet endroit une Oratoire ou petite Chapelle
, que sainte Géneviève changea en
Eglise et qui devint bien- tôt un Monastere
, puisque dès l'an 6c0 . sous Clotaire
second , il y avoit déja un Abbé
qui gouvernoit la Communauté Religicu
se de S. Denis .
Le Roy Dagobert fut le premier qui
donna à cette Abbaye de grandes possessions
en terres , et les Successcurs de ce
Prince se firent un mérite d'enrichir extraordinairement
le Monastere de S. Denis
, par de continuelles liberalitez , jusqu'au
temps de Charles le Chauve. Alors
les Normands étant venu aborder ent
Neustrie , et ces Barbares ayant remonté
1. Vol. Ay la
1052 MERCURE DE FRANCE
·
&
la Seine pour ravager les Païs voisins de
cette Riviete , les Religieux de S. Denys
recoururent à la protection des Rois ,
pour la conservation des biens qu'ils renoient
d'eux ; mais les Rois occupez aib
leurs, tant par les Guerres intestines , que
par les ravages que d'autres Normands
faisoient en attaquant le Royaume par
plusieurs endroits , et ne pouvant par
consequent s'engager à deffendre en personne
l'Abbaye de S. Denys ; ils commirent
ce soin aux Comtes du Véxin , qui
étoient leurs plus proches Officiers , et faisant
résidence aux environs de cette Abbaye;
par là plus à portée que tous autres
à veiller à sa deffense. Voilà l'origine et
l'établissement des premiers Avouez ou
Deffenseurs de S. Denys .
Les Comtes de Véxin étoient pour lors
des Officiers Amovibles , comme tous les
autres Comtes du Royaume ; ainsi l'Abbaye
de S.Denys changeoit d'Avoüé toutes
les fois que leVéxin changeoit de Gouverneur.
Cela dura jusqu'au Regne de Charles
le Simple, qui ayant cedé aux Normands
toute la Neustrie , avec une partie du
Véxin ; ceux qui devinrent Comtes de
l'autre partie de ce Païs , demeurée à la
France , s'en rendirent presque aussi-tôr
1. Vol.
SeiJUIN.
1733.
1053
Seigneurs proprietaires , et étendirent la
même propriété sur l'Avoüerie de S. Denys
, rendant ces deux Dignités héréditaires
dans leurs familles .
Les Historiens faute d'avoir mis de la
distinction entre la qualité de Comte et
celle d'Avoüé , ont cru que les derniers
Seigneurs du Véxin étoient Vassaux de
l'Abbaye de S. Denys pour leur Comté ;
ce qui n'est point mon sentiment.
Car si le Comté de Véxin eut relevé de
l'Abbaye de S. Denys , les Religieux auroient
été en droit d'exiger l'hommage
des Ducs de Normandie qui joüissoient
de la moitié de ce Comté; et l'on ne voit
point qu'aucun Prince Normand ait été
citté , ni se soit soumis à cet hommage.
Les premiers Comtes de Véxin n'ont
pas pû le faire; ils dépendoient entierement
des Rois qui n'auroient point souffert
que leurs Officiers allassent faire hommage
d'un Païs dont ils n'étoient que les
gardiens ; permettroit - on presentement
à un Gouverneur de Province ou de Ville
d'aller soumettre son Gouvernement
à une Eglise à laquelle il auroit dévotion ?
il en auroit été de même si les Comtes
de Véxin avoient voulu faire une semblable
démarche.
L'Abbaye de S. Denys n'a eu la Sei-
1. Vol.
A vj gneurie
1054 MERCURE DE FRANCE
gneurie du lieu où elle est scituée que par
la donation que lui en fit le Roy Robert,
l'an 996. En ce temps - là les Rois donnoient
assez aisément les Domaines utiles,
mais rarement les Justices et les Droits
Seigneuriaux ; ils éroient soigneux de se
les conserver ; ainsi il paroît peu croïable
qu'un Monastere qui n'étoit point Seigneur
du lieu où il étoit , pût avoir la Suseraineté
sur un territoire aussi considérable
que le Véxin , Les Rois avoient interêt
de soûtenir le droit de Suseraineté
sur ce territoire entier, parce que s'ils s'étoient
un peu relâchés , cela auroit servi
de prétexte aux Ducs de Normandie
lorsqu'ils furent devenus Rois d'Angleterre
, et les plus redoutables ennemis de
la France , pour soustraire une partie de
leur Domaine à l'hommage qu'ils devoient
à la Couronne , dans la prétention
qu'ils ne l'auroient dû qu'à l'Abbaye
de Saint Denys pour leur part du
Véxin.
,
Nos Rois connoissoient si bien que
leur interêt demandoit l'affoiblissement
des Comtes du Véxin , trop voisins de
Paris , que les derniers possesseurs de ce
Comté , étoient plutôt Comtes dans le
Païs , que Comtes du Païs , tant leur autorité
fut mitigée par les Rois , qui n'ai-
I. Vol. moient
JUIN. 1733 . 1055
moient point d'avoir un Vassal si puissant
à la porte de leur Capitale. Aussi
Philippe I. profita bien tôt de la mort ,
sans enfans , de Simon , surnommé le
Bienheureux , dernier de ces Comtes ,
arrivée l'an 1c88 . pour réünir à son Domaine
le Comté de Véxin , qu'il donna
ensuite à son fils , Loüis , surnommé le
Gros, et qui par ce moyen devint Avoüé
de S. Denys. C'est ce Prince , qui étant
Roy, fit un usage general de la Banniere
de l'Abbaye , dont il avoit l'Avouerie ,
et la fit porter dans toutes les Guerres
d'Etat qu'il entreprit. Après la réunion
du Véxin à la Couronne , la dévotion à
S. Denys devint si grande , que les Rois ,
successeurs de Louis le Gros , se firent
honneur d'être les premiers Avoüez de
l'Eglise de ce Saint.
Ils s'obligerent en cette qualité de
prendre les armes pour en conserver les
droits toutes les fois qu'il en seroit besoin
; et cette obligation leur fit naître
l'idée pieuse de se servir de la Banniere
de ce Monastere , non seulement dans les
occasions où il s'agiroit d'en deffendre les
biens , mais encore dans toutes celles où
il s'agiroit de la deffense de leur propre
Royaume , et d'avoir en cette Banniere
la nrême confiance que leurs Prédeces
1. Vol.
scurs
1056 MERCURE DE FRANCE
seurs avoient eue en celle de S. Martin ,
dont on ne faisoit plus d'usage .
L'Histoire nous a conservé la memoire
de ce qui se passa quand le Roy Louis
le Gros alla à S. Denys , l'an 1124. y lever
l'Oriflamme pour la premiere fois ,
afin de s'en servir dans la Guerre qu'il
alloit avoir contre l'Empereur Henry V.
,
La maniere dont ce Prince parla dans
l'Assemblée qui se tint à cette occasion ,
a donné lieu de croire qu'il y reconnut
n'avoir droit de se servir de la Banniere
de S. Denys , qu'en qualité de Vassal de
l'Abbaye , à cause du Comté de Vexin .
Voicy le discours du Roy , tiré d'une
Patente que Doublet nous a conservée
dans son Histoire de S.Denys. Liv. 3.
Presenti itaque Venerabili Abbate Prefata
Ecclesia Sugerio , quem fidelem et familiarem
optimatum nostrorum Vexillum de
altario beatorum Martyrum , ad quos comitatus
Vilcassini , quem nos ab ipsis infeodem
habemus , spectare dignoscitur , morem
antiquum antecessorum nostrorum servantes
et imitantes , signiferi jure , sicut Comites
Vilcassini soliti erant , suscepimus.
Ces termes qui ont paru décisifs à ceux
qui ont soutenu que le Roi fit alors hommage
du Comté de Vexin, ne me paroissent
pas tels ; cette preuve n'est point in-
I, Vol.
conJUIN.
1733 1057
contestable , selon moi ; la piété du Prince
, et sa grande dévotion à S. Denys , auroient
bien pû lui faire avancer des expressions
un peu fortes , sans distinguer
assez pourquoi les Comtes de Vexin rendoient
hommage ; confondant sa qualité
d'Avoué avec celle de Comte , et les termes
: De more Antecessorum suorum , peuvent
s'entendre que le Roy reconnoît
avoir , signiferi jure , le droit de porter
P'Enseigne de S. Denys , de même que les
Comtes de Vexin l'avoient en qualité
d'Avoüés , et par conséquent de Vassaux
de l'Abbaye en cette qualité.
Enfin , si on ne peut rien rabatre de la
forme des termes de cette reconnoissance
; la cause qui la fit faire ainsi , peut
être attribuée à l'usage où l'on étoit alors,
et qui avoit commencé dans le siecle précedent
, où le Seigneur d'un Fief croioit
faire un Acte de grande piété , en soumettant
volontairemént sa Terre à l'Eglise
d'un Saint , qu'il prenoit pour le:
Protecteur de sa famille.
On rendoit cette soumission , sans prétendre
préjudicier à celle qu'on devoit à
son Seigneur dominant, ce qui faisoit que
ce dernier la permettoit. Les Comtes de
Vexin auroient pû faire un pareil hommage
à S. Denys , sans préjudice de celui
qu'ils devoient aux Rois .
tos8 MERCURE DE FRANCE
Les Seigneurs de la Tour en Auvergne
soumirent leur Fief de la Tour à l'Abbaye
de Clugny , fauf ce qu'ils devoient
aux Comtes d'Auvergne leurs Souverains.
Munier , dans son Histoire d'Authun ;
rapporte les hommages que les Seigneurs
du Fief de Clugny lés - Authun , faisoient
devant l'Autel et la Chasse de S. Symphorien
de cette Ville , quoique ce Fief
de Clugny relevat d'un autre Seigneur.
Louis XI. Roy de France , fit hommage
pour lui et ses Successeurs Rois , du
Comté de Boulogne en Picardie , à Notre
Dame de la même Ville ; et Louis XIII. a
mis sa Couronne sons la protection de la
Sainte Vierge , par un voeu fait à l'Eglise
de Notre Dame de Paris ; toutes ces
soumissions volontaires et l'effet d'une
grande piété , ne tirent point à conséquence
, et ne peuvent point passer pour
de vraies sujettions.
que
Il faut penser la même chose de celle
les Comtes de Vexin devoient à Saint
Denys, et je suis persuadé que ces Comtes
ne la devoient que pour des Terres dépendantes
de l'Abbaye , dont ils jouissoient
en qualité d'Avoüez . En effet
qu'on examine bien la céremonie qui se
faisoit quand nos Rois alloient pren-
I. Vol.
dre
JUIN. 1733.
1059
dre l'Oriflame , on verra que ce n'étoit
qu'un Acte de dévotion qui n'avoit rien
qui sentit l'hommage juridique.
Le Roy après avoir fait sa priere devant
l'Autel sur lequel étoient les Chasses
des Martyrs , prenoit lui - même la Banniere
qui étoit aussi dessus l'Autel , pour
montrer qu'il ne tenoit le droit de la
prendre que de sa puissance , et que la
piété seule , qui l'engageoit à proteger le
Monastere , lui faisoit si fort estimer son
Enseigne, à cause du Saint à qui elle étoit
consacrée, qu'il esperoit par elle attirer la
protection du Ciel sur son Armée. Ensuite
le Roy tenant en main cette Enseigne
la remettoit à un des plus vaillans
Chevaliers de sa Cour , pour la porter en
son nom , pendant l'Expedition qu'on
alloit entreprendre , et ce Seigneur faisoit
serment de la deffendre au peril de
sa vie , et de la rapporter dans le lieu où
il la prenoit.
Je regarde les Porte - Oriflammes
comme les Vidâmes de nos Rois et les
Avoüés particuliers de Saint Denys.
J'ai déja dit que les Rois sont de droit
les Protecteurs et les Grands Avoüés de
toutes les Eglises de leur Royaume ; ils
avoient fait les Comtes d'Anjou et du
Vexin leurs Lieutenans dans celles de S.
I. Vol. Martin
1060 MERCURE DE FRANCE
Martin et de S. Denys , et ils ne firent
exercer ces Lieutenances par d'autres Seigneurs
, que quand la posterité mâle de
ces Comtes eut manqué.
Outre ces Lieutenans d'honneur , les
Grosses Abbayes avoient d'antres Avoüez
d'un plus bas étage pour avoir soin des
biens détachez et éloignez de ces Abbayes.
Ces Avouez particuliers se nommoient
Signiferi Ecclesiarum , Porte- Enseignes
des Eglises.
L'Abbaye de S.Denys en avoit plusieurs
à la fois , comme celui de Berneval en
Normandie , et les Seigneurs de Chevreuse
près Montfort. Ces derniers , l'an
1226 , remirent leur droit d'Avoüérie ,
moyennant une somme d'argent ; il falloit
cependant que par cette vente ils ne
se fussent pas dépouillez tout - à - fait de
l'honneur de contribuer à la deffense de
l'Abbaye de S. Denys , puisque les premiers
Porte Oriflammes connus , étoient
de cette famille , et qu'on n'en trouve
point qui ait exercé cet Ofice avant Anceau
, Sire de Chevreuse , qui perdit l'O
riflamme et la vie à la Bataille de Monsen
- Puelle , l'an 1304.
Chacun de ces Avoüez particuliers
avoit son Enseigne , comme cela se prouve
par le nom qu'on leur donnoit de
I. Vol. SiJUIN.
1733 1061
Signiferi Ecclesiarum ; ainsi l'Abbaye de
S. Denys ayant plusieurs Avoüez , devoit
avoir plusieurs Bannieres , qui toutes auroient
pû s'appeller Oriflammes , puisqu'elles
avoient toutes la même forme ,
par la raison que je vais dire ; cependant
on ne donna ce nom qu'à la principale ,
qui restoit dans l'Abbaye , et que l'on
regardoit proprement comme appartenante
aux Martyrs.
Toutes les Bannieres des Eglises dédiées
à des Saints de ce genre , étoient
rouges et frangées, de synope ou de verts
l'une de ces couleurs désignant les souffrances,
et l'autre l'esperance qui animoit
ces Saints en répandant leur sang pour
Jesus-Christ.
L'Eglise de Brioude en France , dédiée
à S. Julien Martyr, celles de Tubnigen
et de Bolbingen en Allemagne , de même
qu'une infinité d'autres Eglises qu'on me
dispensera de nommer , avoient de semblables
Bannieres ; l'Etendart des Dauphins
de Viennois étoit rouge , avec un
S. George representé dessus ; il servoit à
l'inauguration de chaque Dauphin . Après
qu'on avoit mis au nouveau Prince l'Epée
au côté , et l'Anneau au doigt , il
prenoit d'une main le Sceptre , et de
l'autre cet Etendart , qui après la cere-
1. Vol.
monie
1062 MERCURE DE FRANCE
monie étoit remis dans la Sacristie de l'Eglise
de S.André de Grenoble où il restoit
toujours en dépôt , comme l'ont remarqué
Jean Beneton , mon grand oncle , et
M. de Valbonnais dans leurs Mémoires
du Dauphiné.
Plusieurs Seigneurs qui se trouverent
Avoüez des Eglises lorsque l'on commençi
à prendre des Armoiries , s'en firent
avec les Bannieres qu'ils avoient droit de
porter ; telle est l'origine des Armes des
Comtes d'Auverge , des Seigneurs de Clin
champ en Normandie , et des Comtes de
Verdemberg en Allemagne . Ces trois
exemples suffiront pour prouver ce que
j'avance.
Le reste paroitra dans le Mercure pro¬
chain.
Militaires des François . par M. Benetonde-
Perrin , Ecuyer , ancien Gendarme
de la Garde du Roy. Seconde Partie .
A
Près avoir dit dans la premiere Partie
de cet Ouvrage ce qui obligea
les Rois de France à changer de Patron ,
et ce qui fit qu'à leur exemple le Peuple
diminua peu - à - peu sa dévotion a S.Martin
, pour la donner toute entiere à saint
Denis ; remontons présentement aux
temps qui ont précedé ce changement.
Sans entrer dans la fameuse dispute si
S. Denis , premier Evêque de Paris , est
le même que Denis l'Areopagite , converti
par
l'Apôtre S. Paul dans la Ville
d'Athénes , qui de Rome passa dans les
Gaules dès le premier siecle de l'Eglise ,
ou s'il est un autre Denis , qui , avec six
autres saints Missionnaires , ne vinrent dans
les Gaules qu'au temps de Décius ; il est
toujours certain qu'un S. Denis , Evêque,
fut le premier qui annonça aux Parisiens
les veritez de l'Evangile , et qu'il souffrit
le martyre avec deux de ses Compagnons
dans le lieu même où il avoit exercé sa
Mission .
Après
JUIN. 1733. 1051
Après la mort de ce Saint , une femme
vertueuse et riche , nommée Catule ,
devenue , sans doute , Chrétienne par les
´Sermons du Martyr, fit secrettement enlever
son Corps et ceux de ses Compagnons ,
et les fit inhumer tous trois dans un
Champ qui lui appartenoit , et qui à cause
d'elle fut appellé Catolacum , et Catalliacum.
Les Chrétiens , pour ne point oublier
l'endroit qui contenoit les Corps de
ces saints Martyrs , mirent dessus une
marque, ou Montjoye , et aussi tôt qu'ils
furent en liberté de faire quelque Acte
public de leur Religion , ils bâtirent sur
cet endroit une Oratoire ou petite Chapelle
, que sainte Géneviève changea en
Eglise et qui devint bien- tôt un Monastere
, puisque dès l'an 6c0 . sous Clotaire
second , il y avoit déja un Abbé
qui gouvernoit la Communauté Religicu
se de S. Denis .
Le Roy Dagobert fut le premier qui
donna à cette Abbaye de grandes possessions
en terres , et les Successcurs de ce
Prince se firent un mérite d'enrichir extraordinairement
le Monastere de S. Denis
, par de continuelles liberalitez , jusqu'au
temps de Charles le Chauve. Alors
les Normands étant venu aborder ent
Neustrie , et ces Barbares ayant remonté
1. Vol. Ay la
1052 MERCURE DE FRANCE
·
&
la Seine pour ravager les Païs voisins de
cette Riviete , les Religieux de S. Denys
recoururent à la protection des Rois ,
pour la conservation des biens qu'ils renoient
d'eux ; mais les Rois occupez aib
leurs, tant par les Guerres intestines , que
par les ravages que d'autres Normands
faisoient en attaquant le Royaume par
plusieurs endroits , et ne pouvant par
consequent s'engager à deffendre en personne
l'Abbaye de S. Denys ; ils commirent
ce soin aux Comtes du Véxin , qui
étoient leurs plus proches Officiers , et faisant
résidence aux environs de cette Abbaye;
par là plus à portée que tous autres
à veiller à sa deffense. Voilà l'origine et
l'établissement des premiers Avouez ou
Deffenseurs de S. Denys .
Les Comtes de Véxin étoient pour lors
des Officiers Amovibles , comme tous les
autres Comtes du Royaume ; ainsi l'Abbaye
de S.Denys changeoit d'Avoüé toutes
les fois que leVéxin changeoit de Gouverneur.
Cela dura jusqu'au Regne de Charles
le Simple, qui ayant cedé aux Normands
toute la Neustrie , avec une partie du
Véxin ; ceux qui devinrent Comtes de
l'autre partie de ce Païs , demeurée à la
France , s'en rendirent presque aussi-tôr
1. Vol.
SeiJUIN.
1733.
1053
Seigneurs proprietaires , et étendirent la
même propriété sur l'Avoüerie de S. Denys
, rendant ces deux Dignités héréditaires
dans leurs familles .
Les Historiens faute d'avoir mis de la
distinction entre la qualité de Comte et
celle d'Avoüé , ont cru que les derniers
Seigneurs du Véxin étoient Vassaux de
l'Abbaye de S. Denys pour leur Comté ;
ce qui n'est point mon sentiment.
Car si le Comté de Véxin eut relevé de
l'Abbaye de S. Denys , les Religieux auroient
été en droit d'exiger l'hommage
des Ducs de Normandie qui joüissoient
de la moitié de ce Comté; et l'on ne voit
point qu'aucun Prince Normand ait été
citté , ni se soit soumis à cet hommage.
Les premiers Comtes de Véxin n'ont
pas pû le faire; ils dépendoient entierement
des Rois qui n'auroient point souffert
que leurs Officiers allassent faire hommage
d'un Païs dont ils n'étoient que les
gardiens ; permettroit - on presentement
à un Gouverneur de Province ou de Ville
d'aller soumettre son Gouvernement
à une Eglise à laquelle il auroit dévotion ?
il en auroit été de même si les Comtes
de Véxin avoient voulu faire une semblable
démarche.
L'Abbaye de S. Denys n'a eu la Sei-
1. Vol.
A vj gneurie
1054 MERCURE DE FRANCE
gneurie du lieu où elle est scituée que par
la donation que lui en fit le Roy Robert,
l'an 996. En ce temps - là les Rois donnoient
assez aisément les Domaines utiles,
mais rarement les Justices et les Droits
Seigneuriaux ; ils éroient soigneux de se
les conserver ; ainsi il paroît peu croïable
qu'un Monastere qui n'étoit point Seigneur
du lieu où il étoit , pût avoir la Suseraineté
sur un territoire aussi considérable
que le Véxin , Les Rois avoient interêt
de soûtenir le droit de Suseraineté
sur ce territoire entier, parce que s'ils s'étoient
un peu relâchés , cela auroit servi
de prétexte aux Ducs de Normandie
lorsqu'ils furent devenus Rois d'Angleterre
, et les plus redoutables ennemis de
la France , pour soustraire une partie de
leur Domaine à l'hommage qu'ils devoient
à la Couronne , dans la prétention
qu'ils ne l'auroient dû qu'à l'Abbaye
de Saint Denys pour leur part du
Véxin.
,
Nos Rois connoissoient si bien que
leur interêt demandoit l'affoiblissement
des Comtes du Véxin , trop voisins de
Paris , que les derniers possesseurs de ce
Comté , étoient plutôt Comtes dans le
Païs , que Comtes du Païs , tant leur autorité
fut mitigée par les Rois , qui n'ai-
I. Vol. moient
JUIN. 1733 . 1055
moient point d'avoir un Vassal si puissant
à la porte de leur Capitale. Aussi
Philippe I. profita bien tôt de la mort ,
sans enfans , de Simon , surnommé le
Bienheureux , dernier de ces Comtes ,
arrivée l'an 1c88 . pour réünir à son Domaine
le Comté de Véxin , qu'il donna
ensuite à son fils , Loüis , surnommé le
Gros, et qui par ce moyen devint Avoüé
de S. Denys. C'est ce Prince , qui étant
Roy, fit un usage general de la Banniere
de l'Abbaye , dont il avoit l'Avouerie ,
et la fit porter dans toutes les Guerres
d'Etat qu'il entreprit. Après la réunion
du Véxin à la Couronne , la dévotion à
S. Denys devint si grande , que les Rois ,
successeurs de Louis le Gros , se firent
honneur d'être les premiers Avoüez de
l'Eglise de ce Saint.
Ils s'obligerent en cette qualité de
prendre les armes pour en conserver les
droits toutes les fois qu'il en seroit besoin
; et cette obligation leur fit naître
l'idée pieuse de se servir de la Banniere
de ce Monastere , non seulement dans les
occasions où il s'agiroit d'en deffendre les
biens , mais encore dans toutes celles où
il s'agiroit de la deffense de leur propre
Royaume , et d'avoir en cette Banniere
la nrême confiance que leurs Prédeces
1. Vol.
scurs
1056 MERCURE DE FRANCE
seurs avoient eue en celle de S. Martin ,
dont on ne faisoit plus d'usage .
L'Histoire nous a conservé la memoire
de ce qui se passa quand le Roy Louis
le Gros alla à S. Denys , l'an 1124. y lever
l'Oriflamme pour la premiere fois ,
afin de s'en servir dans la Guerre qu'il
alloit avoir contre l'Empereur Henry V.
,
La maniere dont ce Prince parla dans
l'Assemblée qui se tint à cette occasion ,
a donné lieu de croire qu'il y reconnut
n'avoir droit de se servir de la Banniere
de S. Denys , qu'en qualité de Vassal de
l'Abbaye , à cause du Comté de Vexin .
Voicy le discours du Roy , tiré d'une
Patente que Doublet nous a conservée
dans son Histoire de S.Denys. Liv. 3.
Presenti itaque Venerabili Abbate Prefata
Ecclesia Sugerio , quem fidelem et familiarem
optimatum nostrorum Vexillum de
altario beatorum Martyrum , ad quos comitatus
Vilcassini , quem nos ab ipsis infeodem
habemus , spectare dignoscitur , morem
antiquum antecessorum nostrorum servantes
et imitantes , signiferi jure , sicut Comites
Vilcassini soliti erant , suscepimus.
Ces termes qui ont paru décisifs à ceux
qui ont soutenu que le Roi fit alors hommage
du Comté de Vexin, ne me paroissent
pas tels ; cette preuve n'est point in-
I, Vol.
conJUIN.
1733 1057
contestable , selon moi ; la piété du Prince
, et sa grande dévotion à S. Denys , auroient
bien pû lui faire avancer des expressions
un peu fortes , sans distinguer
assez pourquoi les Comtes de Vexin rendoient
hommage ; confondant sa qualité
d'Avoué avec celle de Comte , et les termes
: De more Antecessorum suorum , peuvent
s'entendre que le Roy reconnoît
avoir , signiferi jure , le droit de porter
P'Enseigne de S. Denys , de même que les
Comtes de Vexin l'avoient en qualité
d'Avoüés , et par conséquent de Vassaux
de l'Abbaye en cette qualité.
Enfin , si on ne peut rien rabatre de la
forme des termes de cette reconnoissance
; la cause qui la fit faire ainsi , peut
être attribuée à l'usage où l'on étoit alors,
et qui avoit commencé dans le siecle précedent
, où le Seigneur d'un Fief croioit
faire un Acte de grande piété , en soumettant
volontairemént sa Terre à l'Eglise
d'un Saint , qu'il prenoit pour le:
Protecteur de sa famille.
On rendoit cette soumission , sans prétendre
préjudicier à celle qu'on devoit à
son Seigneur dominant, ce qui faisoit que
ce dernier la permettoit. Les Comtes de
Vexin auroient pû faire un pareil hommage
à S. Denys , sans préjudice de celui
qu'ils devoient aux Rois .
tos8 MERCURE DE FRANCE
Les Seigneurs de la Tour en Auvergne
soumirent leur Fief de la Tour à l'Abbaye
de Clugny , fauf ce qu'ils devoient
aux Comtes d'Auvergne leurs Souverains.
Munier , dans son Histoire d'Authun ;
rapporte les hommages que les Seigneurs
du Fief de Clugny lés - Authun , faisoient
devant l'Autel et la Chasse de S. Symphorien
de cette Ville , quoique ce Fief
de Clugny relevat d'un autre Seigneur.
Louis XI. Roy de France , fit hommage
pour lui et ses Successeurs Rois , du
Comté de Boulogne en Picardie , à Notre
Dame de la même Ville ; et Louis XIII. a
mis sa Couronne sons la protection de la
Sainte Vierge , par un voeu fait à l'Eglise
de Notre Dame de Paris ; toutes ces
soumissions volontaires et l'effet d'une
grande piété , ne tirent point à conséquence
, et ne peuvent point passer pour
de vraies sujettions.
que
Il faut penser la même chose de celle
les Comtes de Vexin devoient à Saint
Denys, et je suis persuadé que ces Comtes
ne la devoient que pour des Terres dépendantes
de l'Abbaye , dont ils jouissoient
en qualité d'Avoüez . En effet
qu'on examine bien la céremonie qui se
faisoit quand nos Rois alloient pren-
I. Vol.
dre
JUIN. 1733.
1059
dre l'Oriflame , on verra que ce n'étoit
qu'un Acte de dévotion qui n'avoit rien
qui sentit l'hommage juridique.
Le Roy après avoir fait sa priere devant
l'Autel sur lequel étoient les Chasses
des Martyrs , prenoit lui - même la Banniere
qui étoit aussi dessus l'Autel , pour
montrer qu'il ne tenoit le droit de la
prendre que de sa puissance , et que la
piété seule , qui l'engageoit à proteger le
Monastere , lui faisoit si fort estimer son
Enseigne, à cause du Saint à qui elle étoit
consacrée, qu'il esperoit par elle attirer la
protection du Ciel sur son Armée. Ensuite
le Roy tenant en main cette Enseigne
la remettoit à un des plus vaillans
Chevaliers de sa Cour , pour la porter en
son nom , pendant l'Expedition qu'on
alloit entreprendre , et ce Seigneur faisoit
serment de la deffendre au peril de
sa vie , et de la rapporter dans le lieu où
il la prenoit.
Je regarde les Porte - Oriflammes
comme les Vidâmes de nos Rois et les
Avoüés particuliers de Saint Denys.
J'ai déja dit que les Rois sont de droit
les Protecteurs et les Grands Avoüés de
toutes les Eglises de leur Royaume ; ils
avoient fait les Comtes d'Anjou et du
Vexin leurs Lieutenans dans celles de S.
I. Vol. Martin
1060 MERCURE DE FRANCE
Martin et de S. Denys , et ils ne firent
exercer ces Lieutenances par d'autres Seigneurs
, que quand la posterité mâle de
ces Comtes eut manqué.
Outre ces Lieutenans d'honneur , les
Grosses Abbayes avoient d'antres Avoüez
d'un plus bas étage pour avoir soin des
biens détachez et éloignez de ces Abbayes.
Ces Avouez particuliers se nommoient
Signiferi Ecclesiarum , Porte- Enseignes
des Eglises.
L'Abbaye de S.Denys en avoit plusieurs
à la fois , comme celui de Berneval en
Normandie , et les Seigneurs de Chevreuse
près Montfort. Ces derniers , l'an
1226 , remirent leur droit d'Avoüérie ,
moyennant une somme d'argent ; il falloit
cependant que par cette vente ils ne
se fussent pas dépouillez tout - à - fait de
l'honneur de contribuer à la deffense de
l'Abbaye de S. Denys , puisque les premiers
Porte Oriflammes connus , étoient
de cette famille , et qu'on n'en trouve
point qui ait exercé cet Ofice avant Anceau
, Sire de Chevreuse , qui perdit l'O
riflamme et la vie à la Bataille de Monsen
- Puelle , l'an 1304.
Chacun de ces Avoüez particuliers
avoit son Enseigne , comme cela se prouve
par le nom qu'on leur donnoit de
I. Vol. SiJUIN.
1733 1061
Signiferi Ecclesiarum ; ainsi l'Abbaye de
S. Denys ayant plusieurs Avoüez , devoit
avoir plusieurs Bannieres , qui toutes auroient
pû s'appeller Oriflammes , puisqu'elles
avoient toutes la même forme ,
par la raison que je vais dire ; cependant
on ne donna ce nom qu'à la principale ,
qui restoit dans l'Abbaye , et que l'on
regardoit proprement comme appartenante
aux Martyrs.
Toutes les Bannieres des Eglises dédiées
à des Saints de ce genre , étoient
rouges et frangées, de synope ou de verts
l'une de ces couleurs désignant les souffrances,
et l'autre l'esperance qui animoit
ces Saints en répandant leur sang pour
Jesus-Christ.
L'Eglise de Brioude en France , dédiée
à S. Julien Martyr, celles de Tubnigen
et de Bolbingen en Allemagne , de même
qu'une infinité d'autres Eglises qu'on me
dispensera de nommer , avoient de semblables
Bannieres ; l'Etendart des Dauphins
de Viennois étoit rouge , avec un
S. George representé dessus ; il servoit à
l'inauguration de chaque Dauphin . Après
qu'on avoit mis au nouveau Prince l'Epée
au côté , et l'Anneau au doigt , il
prenoit d'une main le Sceptre , et de
l'autre cet Etendart , qui après la cere-
1. Vol.
monie
1062 MERCURE DE FRANCE
monie étoit remis dans la Sacristie de l'Eglise
de S.André de Grenoble où il restoit
toujours en dépôt , comme l'ont remarqué
Jean Beneton , mon grand oncle , et
M. de Valbonnais dans leurs Mémoires
du Dauphiné.
Plusieurs Seigneurs qui se trouverent
Avoüez des Eglises lorsque l'on commençi
à prendre des Armoiries , s'en firent
avec les Bannieres qu'ils avoient droit de
porter ; telle est l'origine des Armes des
Comtes d'Auverge , des Seigneurs de Clin
champ en Normandie , et des Comtes de
Verdemberg en Allemagne . Ces trois
exemples suffiront pour prouver ce que
j'avance.
Le reste paroitra dans le Mercure pro¬
chain.
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Résumé : DISSERTATION sur les Enseignes Militaires des François. par M. Beneton-de-Perrin, Ecuyer, ancien Gendarme de la Garde du Roy. Seconde Partie.
La dissertation de M. Benetonde-Perrin explore l'évolution de la dévotion des rois et du peuple français de saint Martin à saint Denis. Saint Denis, premier évêque de Paris, a annoncé l'Évangile aux Parisiens et a été martyr. Après sa mort, une femme vertueuse, Catule, a fait inhumer son corps et ceux de ses compagnons dans un champ nommé Catolacum. Les chrétiens ont marqué cet endroit et y ont construit une chapelle, devenue monastère sous Clotaire II. Le roi Dagobert a enrichi l'abbaye de Saint-Denis, et ses successeurs ont continué à la protéger contre les Normands. Les comtes du Vexin, officiers des rois, ont été chargés de défendre l'abbaye. Sous Charles le Simple, les comtes du Vexin sont devenus seigneurs propriétaires et ont rendu l'avouerie de Saint-Denis héréditaire. Les historiens ont souvent confondu les rôles de comte et d'avoué, mais l'abbaye n'a obtenu la seigneurie du lieu qu'en 996 par donation du roi Robert. Philippe I a réuni le comté du Vexin à la couronne et a fait de la bannière de Saint-Denis l'emblème royal. Louis VI a levé l'oriflamme à Saint-Denis en 1124 pour une guerre contre l'empereur Henri V. Cet acte était un geste de dévotion plutôt qu'un hommage juridique. Les rois ont continué à utiliser l'oriflamme comme symbole de protection divine pour leurs armées. Les porte-oriflammes étaient considérés comme les vidâmes des rois et les avoués particuliers de Saint-Denis. Le texte mentionne également les enseignes particulières appelées 'Avoüez' utilisées par certaines abbayes et églises. Chaque Avoüez avait une enseigne spécifique. L'Abbaye de Saint-Denis possédait plusieurs bannières appelées Oriflammes, bien que ce nom soit réservé à la principale. Ces bannières étaient rouges et frangées de synope ou de vert, symbolisant respectivement les souffrances et l'espérance des martyrs. Des églises dédiées à des saints martyrs, comme celle de Brioude en France et celles de Tübingen et de Bolbingen en Allemagne, possédaient des bannières similaires. L'étendard des Dauphins de Viennois était rouge avec une représentation de Saint Georges et servait lors de l'inauguration des Dauphins. Après la cérémonie, il était conservé dans la sacristie de l'église de Saint-André de Grenoble. Certains seigneurs, devenus Avoüez des églises, ont adopté les bannières comme armoiries, expliquant l'origine des armes des Comtes d'Auvergne, des Seigneurs de Clinchamp en Normandie et des Comtes de Verdemberg en Allemagne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1262-1276
SUITE de la Dissertation sur les Enseignes Militaires des François.
Début :
Les Eglises dédiées à des Saints, du rang des Confesseurs, avoient leurs [...]
Mots clefs :
Enseignes militaires, Oriflamme, Abbaye de Saint-Denis, Montjoye, Rois, Tombeau, Armée, Saints, Montagne, Coutume, Martyrs, Trésor, Gardiens
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texteReconnaissance textuelle : SUITE de la Dissertation sur les Enseignes Militaires des François.
SUITE de la Dissertation sur les
Enseignes Militaires des François.
La
Es Eglises dédiées à des Saints , du
rang des Confesseurs , avoient leurs
Bannieres de couleur Bleue ou Violette :
celle de S.Martin devoit être de cette cou-
* L'Auteur ne prétend point condamner le jugement
de l'Académie , et quiconque l'interpréteroit
ainsi , n'entendroit point le sens de la Strophe.
II. Vol. leus
JUIN. 1733. 1263
leur , et c'est peut - être ce qui fit que lorsque
nos Rois prirent des Fleurs de Lys
pour armoiries , ils les mirent sur un
fond de gros bleu , en l'honneur de saint
Martin , dont la dévotion n'étoit pas
tout-à- fait tombée dans ces temps - là.
On prit la coutume de faire les Bannieres
de couleurs qui montrassent la
classe des Saints à qui elles étoient dédiées
, conformement à l'usage des Ecclesiastiques
, qui ont toujours observé ,
en faisant l'Office Divin , d'avoir des ornemens
qui désignassent la qualité du
Saint dont on fait la fête , prenant des
Chappes blanches pour les fêtes des
Vierges , des rouges pour les Martyrs ,
des vertes et des bleues pour les Confesseurs
, et des noires pour l'Office des
Morts.
Toutes ces Bannieres se terminoient en
trois pointes , désignant la Trinité. Celle
de Saint Denys prit le nom d'Oriflamme;
à cause de sa forme qui étoit une Lance
dorée , à laquelle pendoit un morééau
d'Etoffe de soye rouge , taillé en ma→
niere de flamme à trois pointes , terminées
chacune par une Houpe verte.M.du
Cange a fait une Dissertation qui renferme
tout ce que les Auteurs François ont
II. Vol. A v ' écrit
1264 MERCURE DE FRANCE
écrit de cette mystérieuse Enseigne , on
peut y avoir recours.
L'emploi de celui qui la portoit pour
le Roy , n'étoit qu'une commission ; le
Gentilhomme qui en avoit été chargé
pendant une Guerre , la reportoit à saint
Denis aussi- tôt que la Guerre étoit finie ;
et si on avoit besoin de la reprendre pour
une autre expédition , la commission en
étoit donnée souvent à un autre Gentilhomme.
Mais comme le temps change les usages,
les derniers Porte Oriflammes se succedoient
quelquefois de pere en fils dans
cette fonction ; et de plus ils négligeoient
de rapporter ce pieux dépôt qu'on leur
avoit confié dans le lieu où il devoit être
et le gardoient chez eux , sur tout quand
l'expedition pour laquelle ont l'avoit
prise , n'étoit point terminée , et qu'il
falloit retourner à la Guerre la Campagne
suivante .
On voit par l'Histoire de l'Abbaye de
S. Denys , de Dom Félibien , ( pag. 313. )
que le Roy Charles VI.après avoir nommé
Hurin , Sire d'Aumont , pour garder
l'Oriflamme , lui ordonna d'aller prendre
cetre Enseigne que Guillaume des
Bordes ( qui la gardoit auparavant ) avoit
11. Vol.
reJUIN.
1733 .
1265
retenue chez lui , n'ayant point eu occasion
de la déployer pour le service du
Roy , et ordonna en même temps au Sire
d'Aumont de la reporter dans l'Abbaye
de S. Denys .
L'ignorance et la crédulité où l'on étoit
dans lessiéc les où l'Oriflamme fut en réputation
, faisoit débiter bien des contes
sur son origine , on prétendoit qu'elle
avoit été apportée du Ciel , par un Ange ,
avec l'Ecu flourdelisé , dans le temps de
la conversion de Clovis , et long - temps
après que cette Enseigne eut cessé de paroître
dans les Armées,on croïoit qu'elle s'en
étoit retournée au Ciel , on se persuadoit
core qu'elle ne s'usoit point ; mais présentement
qu'on est revenu de toutes ces
pieuses fables , il est raisonnable de penser
que quand l'Oriflamme étoit vieille
et déchirée, on en substituoit une autre à
sa place , et les Religieux faisoient de la
vieille ce qu'ils vouloient , et quelquefois
elle restoit au Porte - Oriflamme , qui
en disposoit à sa volonté; comme les Colonels
font aujourd'hui des Drapeaux et des
Etendarts qui ont servi à leurs Regimens
qu'ils gardent souvent chez eux comme
des marques honorables pour leurs Descendans
, quand ils n'en veulent pas disposer
en faveur de quelque Eglise où
II. Vol.
·A vj
il
1266 MERCURE DE FRANCE
ils ont dévotion , ou en faire quelqu'au
tre usage.
La coutume d'offrir à la Divinité les
Enseignes prises sur l'Ennemi est tresancienne
; les Payens mettoient dans les
Temples de leurs Dieux les Trophées
qu'ils rapportoient de la Guerre. Les Philistins
après avoir vaincu Saül , appendirent
les armes de ce Roy aux voutes du
Temple de leur Dieu Astaroth, ( Les Rois,
liv. 1. ) et dans l'histoire de Sablé , par
M. Ménage , on voit dans la Généalogie
des Seigneurs de Mayenne , qu'un de ces
Seigneurs étant revenu d'une Croisade
offrit à une Eglise de sa Terre les Enseignes
qu'il avoit rapportées de son voïage.
On expose dans l'Eglise de Notre - Dame
de Paris toutes les Enseignes de Terre
et de Mer qui se gagnent sur l'Ennemi
pendant une Guerre , et on ne les ôte que
quand la paix est faite.
Le Poëte Malherbe dans une Lettre
qu'il écrit à son Cousin , le 22 Decembre
1627. lui dit : Les Drapeaux pris sur les
Anglois , à l'attaque de l'Isle de Rhé ,
furent hier apportez au Louvre , on leur
fit faire un tour dans la Cour , selon la
coutume , et on les porta ensuite à N. D.
Il y en a 44. qui ont tous au bout d'enhaut
et au coin , qui est vers le bois , un
II. Vol mor
JUIN. 1733. 1267
morceau de Tafetas blanc , d'environ 3
pieds en quarré , et en ce Tafetas , il yуэa
une Croix rouge qui touche à toutes les
4 faces de ce quarré. De maniere qu'en
admettant ( comme on le doit ) le renouvellement
de l'Oriflamme, quand elle étoit
usée , on accordera deux opinions diffé
rentes d'Auteurs sur le sort que cette Enseigne
a eu depuis que nos Rois ne l'ont
plus fait porter dans leurs Armées ; ce
qui arriva sous Charles VII . pendant que
les Anglois étoient Maîtres de Paris. Les
uns soutenant qu'elle étoit toujours restée
dans le trésor de S. Denys , où on la
voyoit encore en 1534 et 1594. suivant
les Inventaires du même trésor, faits dans
ces années- là ; et les autres ont pensé
qu'elle a pû rester en la possession des
Gentilhommes qui en avoient la garde ,
et que par conséquent on peut trouver
des Oriflammes dans les Archives des
descendans de ces Gentilhommes. Messieurs
d'Harcourt en conservent un , qui
leur vient par succession de Pierre de
Villiers l'Isle - Adam , Grand - Maître de
France et Porte Oriflamme , dont la fille
épousa Jean de Garenciere , et fut Ayeul
d'une Tugdal de Karmoisien , mariée à
Jean de Gaillon , grand- pere de ' Françoise
de Gaillon femme de François.
II. Vol. d'Har
1268 MERCURE DE FRANCE
d'Harcourt , Seigneur de Beuvron , à la
posterité duquel appartient ( selon M. de
la Roque, dans son Histoire de la Maison
d'Harcourt , ) le droit de garder l'Oriflamme
, en supposant que cette dignité
étoit devenue sur sa fin héréditaire dans
les familles de ceux qui l'ont possedée .
Quant à la difference que le P. Daniel
( dans sa Milice Françoise ) trouve ,
entre l'Oriflamme, qui est chez Messieurs
d'Harcourt , et celle qui étoit dans le
Trésor de S.Denys , ce qui lui fait dire que
la premiere n'est pas la véritable , c'est
une minutie où il ne faut point s'arrêter ,
car quoique l'Etendart de S. Denys ait
été pendant long temps d'une seule couleur
pleine , la mode y'a pû faire ajouter
dans les derniers temps des ornemens ,
comme des Flammes et des Couronnes
en Broderies d'or. Il suffit que la couleur
de l'Oriflamme, conservée chez Messieurs
d'Harcourt, soit rouge, pour croire qu'el
le peut être aussi véritable que celle qui
se trouvoit dans le Trésor de S. Denys au
16 siécle, quoique celle - cy fut plus grande
et d'une étoffe unie .
Il n'est pas même certain qu'il n'y eut
qu'une Oriflamme d'usage en mêmetemps
, et que quand il y en avoit une à
l'Armée , il n'y en cut pas encore une
II. Vol.
autre
JUIN. 1733. 1269
autre qui restoit à S. Denys , pour les
besoins extraordinaires de l'Abbaye , ou
pour envoyer à une seconde Armée
Royale ; car l'Oriflamme étoit un Etendart
, attaché à l'Armée , et non à la personne
des Rois , comme je le ferai voir
en parlant de l'Etendart Royal , autre
Enseigne qui ne quittoit point le Corps
du Roy , au lieu que l'Oriflamme alloit
toute seule à la tête de l'armée , gardée
seulement par une Troupe de Cavaliers
d'Elite Vexillum sancti Dionisii quod
omnes præcedere in bella solebat.
Voicy ce que dit Rigord , Historien
de Philippe Auguste , en parlant de ce
qui se fit à S. Denis , lorsque ce Prince y
alla prendre l'Oriflamme pour son voyage
d'Outremer , après que le Roy , à genoux
devant le Sépulchre des Saints Martyrs
, eut imploré par ses prieres et ses larmes
, l'assistance du Ciel , il reçut la Pannetiere
et le Bourdon des mains de Guillaume
, Archevêque de Rheims , son oncle
maternel , et il y prit ensuite de sa propre
main deux Etendarts qui étoient sur la
Châsse des Saints Martyrs .
Voilà certainement une occasion où il
paroît deux Oriflammes à la fois , peutêtre
qu'on les doubloit pour n'en pas
manquer en cas qu'il s'en perdît une ;
II. Vol. en
270 MERCURE DE FRANCE
en supposant cela on accordera ce qui
se trouve dans deux Historiens , Jacques
Meyer et Guillaume Guyard , le premier
soutenant que la véritable Oriflamme
fut perdue au combat de Mons en
Puelle, et qu'elle ne se retrouva plus, pendant
que le second assure que l'Oriflamme
qui se perdit dans ce Combat , n'étoit
qu'une Enseigne contrefaite que le
Roy avoit fait paroître ce jour - là pour
encourager ses Soldats ; cecy sent bien
le conte fait à plaisir ; quelle raison le
Roy auroit-il eû de tromper ses Soldats.
dans la supposition de cette fausse Enseigne
? Ne vaut-il pas mieux convenir
que dans les occasions que l'on jugeoit
devoir être périlieuses , on se munissoit
de deux de ces Enseignes , pour pouvoir
les substituer l'une à l'autre , en cas qu'il
s'en perdit une , et que c'est ce qui fut
fait à la bataille de Mons en Puelle , où
l'une ayant été perduë la veille , il en
reparut une autre le lendemain .
Ce que je dis n'est point pour diminuer
l'estime que nous croyons que nos
Ancêtres faisoient de cet Etendart . Ils le
regardoient comme un Symbole de Religion
; et dans cette idée ils lui donnoient
le premier rang sur toutes leurs autres:
Enseignes .
4
II. Vol Qmaibus
JUIN . 1733: 1271
Omnibus in bellis habet omnia signa
preire , dans l'esperance que leur Saint
Patron , à qui appartenoit cette Enseigne,
obtiendroit du Ciel par ses prieres la direction
des guerres qu'ils entreprenoient
et les feroient réussir à leur avantage.
Le nom du Saint devint aussi leur cri
de guerre ; ce fut sous Louis le Gros
qu'on commença à invoquer S. Denis ,
Patron du Royaume , dans tous les besoins
Militaires par ces mots , MONTJOYE
SAINT DENIS , qui sont devenus la Devise
génerale de nos Rois. Dans tous les
temps et chez toutes les Nations , la
coûtume des Soldats étoit de faire de
grands cris avant que de combattre et
après avoir combattu ; les premiers de
ces cris pour exciter le courage et jetter
l'effroy dans le coeur de l'Ennemi , et les
seconds pour remercier les Dieux qu'on
adoroit du gain d'une bataille , et en célebrer
la premiere réjouissance .
Clovis dans le Champ de Colbrac ;
implore le secours du Dieu que sa femme
adore. Les François devenus Chrétiens ,
adressent leurs cris à S. Martin , ensuite
à S. Denis , esperant attirer sur eux les
faveurs du Ciel par l'intercession de leurs
Saints Protecteurs.
De tous les Auteurs qui ont voulu
II. Vol.
expliquer
1272 MERCURE DE FRANCE
expliquer le mot de Montjoye , qui précedoit
celui de S. Denis dans l'acclamation
Militaire des François , Mrs Ducange
et de Caseneuve , sont ceux qui ont
le mieux pensé sur la véritable signifisation
de ce mot , en disant que c'est
un vieux terme François qui exprime
une Colline ,
diminutif de Montagne 3
toute l'erreur du premier de ces deux
Sçavans , est de dire que par le mot de
Montjoye , il faut entendre seulement la
Montagne de Montmartre où S. Denis
fut martyrisé ; le Pere Daniel , dans sa
Milice Françoise , qui a voulu le relever
sur cette méprise , a plus mal fait que
lui en disant que Montmartre est une
veritable Montagne , qu'elle est trop
haute pour qu'on lui puisse donner ce
nom de Montjoye , et qu'elle se trouve
appellée par tout Montagne de Mars , et
non pas Montjoye , est- ce là une raison assez
solide pour que Montjoye ne puisse pas
signifier un petit Mont ? Si ce Pere avoit
poussé ses Recherches jusques dans les
usages que les Gaulois et les Germains
observoient en enterrant leurs Morts ,
il auroit trouvé la preuve que Montjoye
a signifié une petite Montagne artificielle
qui se formoit de la maniere que voicy :
Quand un Chef de Guerre de ces Na-
II. Vol. tions
JUIN. 1733. 1273
tions mouroit au milieu de son armée ,
après que le corps avoit été mis dans
une fosse avec toutes les ceremonies qui
s'observoient en pareil cas , chaque Soldat
portoit une pelletée de terre pour
recouvrir la fosse de son General , ca
qui formoit dessus une petite éminence
qui devenoit haute à proportion que
l'armée
qui faisoit l'enterrement , étoit nombreuse.
La Flandre et les Provinces qui l'avoisinent
, sont encore pleines de ces monticules
qu'on appelloit dans le Pays des
Tombes , pour mieux conserver le souvenir
du sujet qui les a produites ; avant
que de prendre ce nom de Tombes , elles
avoint celui de Montjoye , terme qui a
toujours signifié en vieux François une
élevation , qui sert à marquer un lieu
que l'on veut reconnoître , et où l'on
veut parvenir quand on en est éloigné.
›
Les Phares qui sont sur les Ports de
Mer , les Balises , faites de tonneaux ou
de pieces de bois flotantes sur l'eau pour
servir à guider les Vaisseaux entre des
Rochers cachez sous l'eau , et enfin toutes
sortes de marques propres à faire éviter
les dangers et à montrer les lieux éloignez
, ou ceux qui renferment des choses
dignes de memoire , étoient nommez
II. Vel. des
1274 MERCURE DE FRANCE
des Montjoyes , parcequ'elles apprenoient
avec plaisir à ceux qui les voyoient , des
Endroits que l'on auroit eu peine à re
trouver sans leurs secours.
On élevoit des Montjoyes sur les Tombeaux
des personnes de considération ,
plus ou moins magnifiques et remarqua
bles , selon la dignité de ces personnes ;
les premiers Chrétiens persécutez , mirent
des marques moins sensibles sur les Tombeaux
des Martyrs qui se trouvoient en
pleine campagne ; ces marques , qui n'étoient
souvent que de simples pierres ,
eurent le même nom . On n'oublia pas
sans doute de mettre une Montjoye sur
le Tombeau de S. Denis et de ses Compagnons
, jusqu'à-ce qu'on fût en liberté
de renfermer ce Tombeau dans une Eglise
; dans la suite l'Eglise où il étoit renfermé
étant devenue célebre par la dévotion
les Fidelles eurent à ce Tomque
beau , les Rois qui s'en rendirent les Protecteurs
, se regarderent en même-temps
comine les Gardiens de ce S. Tombeau ; et
pour montrer publiquement l'honneus
qu'ils se faisoient de cette qualité , ils
l'exprimoient par le nom ancien de Montjoye
, et prirent delà occasion de crier
à la guerre Montjoye S. Denis , comme
s'ils eussent voulu dire nous sommes les
II. Vel.
garN.
1733. 1275
"
gardiens du Tombeau de S. Denis , la
Banniere dont nous nous servons en est
la marque , et nous la portons pour deffendre
les biens qui appartiennent à ce
Saint , et qui ont été offerts à son Tombeau.
Dans toutes les Religions du Monde
les Princes qui ont eu de la pieté , se
sont toujours fait honneur d'être dépositaires
de quelques Monumens respectables
de ces Religions. Il semble même
que la destinée des Empires soit , pour
ainsi dire , attachée à la conservation de
ces Monumens. Les Payens enchaînoient
leurs Dieux . Une Ville croyoit ne jamais
succomber aux efforts de ses Ennemis
tant qu'elle étoit en possession de ses
Lares et de ses Pénates. La ruine de Troye
ne fut attribuée qu'à l'enlevement du
Palladium.
Les Empereurs Ottomans gardent avec
soin dans leur Serrail l'Etendart de guerre
et la Robbe de Mahomet. Tous les
Princes de cette Religion qui ont possedé
la Ville de Jérusalem , ont tous pris
la qualité de Maîtres ou de Possesseurs
du S. Tombeau.
Pourquoi nos Rois Très- Chrétiens ne
se seroient-ils pas fait le même honneur
de se dire les Gardiens du Tombeau d'un
II. Vol.
Martys
16/0 VIL
ע ע
Martyr de qui leurs Peuples tiennent la
Foy , et de montrer l'estime qu'ils faisoient
de ce Titre par ce cri d'allegresse
Montjoye S. Denis.
Enseignes Militaires des François.
La
Es Eglises dédiées à des Saints , du
rang des Confesseurs , avoient leurs
Bannieres de couleur Bleue ou Violette :
celle de S.Martin devoit être de cette cou-
* L'Auteur ne prétend point condamner le jugement
de l'Académie , et quiconque l'interpréteroit
ainsi , n'entendroit point le sens de la Strophe.
II. Vol. leus
JUIN. 1733. 1263
leur , et c'est peut - être ce qui fit que lorsque
nos Rois prirent des Fleurs de Lys
pour armoiries , ils les mirent sur un
fond de gros bleu , en l'honneur de saint
Martin , dont la dévotion n'étoit pas
tout-à- fait tombée dans ces temps - là.
On prit la coutume de faire les Bannieres
de couleurs qui montrassent la
classe des Saints à qui elles étoient dédiées
, conformement à l'usage des Ecclesiastiques
, qui ont toujours observé ,
en faisant l'Office Divin , d'avoir des ornemens
qui désignassent la qualité du
Saint dont on fait la fête , prenant des
Chappes blanches pour les fêtes des
Vierges , des rouges pour les Martyrs ,
des vertes et des bleues pour les Confesseurs
, et des noires pour l'Office des
Morts.
Toutes ces Bannieres se terminoient en
trois pointes , désignant la Trinité. Celle
de Saint Denys prit le nom d'Oriflamme;
à cause de sa forme qui étoit une Lance
dorée , à laquelle pendoit un morééau
d'Etoffe de soye rouge , taillé en ma→
niere de flamme à trois pointes , terminées
chacune par une Houpe verte.M.du
Cange a fait une Dissertation qui renferme
tout ce que les Auteurs François ont
II. Vol. A v ' écrit
1264 MERCURE DE FRANCE
écrit de cette mystérieuse Enseigne , on
peut y avoir recours.
L'emploi de celui qui la portoit pour
le Roy , n'étoit qu'une commission ; le
Gentilhomme qui en avoit été chargé
pendant une Guerre , la reportoit à saint
Denis aussi- tôt que la Guerre étoit finie ;
et si on avoit besoin de la reprendre pour
une autre expédition , la commission en
étoit donnée souvent à un autre Gentilhomme.
Mais comme le temps change les usages,
les derniers Porte Oriflammes se succedoient
quelquefois de pere en fils dans
cette fonction ; et de plus ils négligeoient
de rapporter ce pieux dépôt qu'on leur
avoit confié dans le lieu où il devoit être
et le gardoient chez eux , sur tout quand
l'expedition pour laquelle ont l'avoit
prise , n'étoit point terminée , et qu'il
falloit retourner à la Guerre la Campagne
suivante .
On voit par l'Histoire de l'Abbaye de
S. Denys , de Dom Félibien , ( pag. 313. )
que le Roy Charles VI.après avoir nommé
Hurin , Sire d'Aumont , pour garder
l'Oriflamme , lui ordonna d'aller prendre
cetre Enseigne que Guillaume des
Bordes ( qui la gardoit auparavant ) avoit
11. Vol.
reJUIN.
1733 .
1265
retenue chez lui , n'ayant point eu occasion
de la déployer pour le service du
Roy , et ordonna en même temps au Sire
d'Aumont de la reporter dans l'Abbaye
de S. Denys .
L'ignorance et la crédulité où l'on étoit
dans lessiéc les où l'Oriflamme fut en réputation
, faisoit débiter bien des contes
sur son origine , on prétendoit qu'elle
avoit été apportée du Ciel , par un Ange ,
avec l'Ecu flourdelisé , dans le temps de
la conversion de Clovis , et long - temps
après que cette Enseigne eut cessé de paroître
dans les Armées,on croïoit qu'elle s'en
étoit retournée au Ciel , on se persuadoit
core qu'elle ne s'usoit point ; mais présentement
qu'on est revenu de toutes ces
pieuses fables , il est raisonnable de penser
que quand l'Oriflamme étoit vieille
et déchirée, on en substituoit une autre à
sa place , et les Religieux faisoient de la
vieille ce qu'ils vouloient , et quelquefois
elle restoit au Porte - Oriflamme , qui
en disposoit à sa volonté; comme les Colonels
font aujourd'hui des Drapeaux et des
Etendarts qui ont servi à leurs Regimens
qu'ils gardent souvent chez eux comme
des marques honorables pour leurs Descendans
, quand ils n'en veulent pas disposer
en faveur de quelque Eglise où
II. Vol.
·A vj
il
1266 MERCURE DE FRANCE
ils ont dévotion , ou en faire quelqu'au
tre usage.
La coutume d'offrir à la Divinité les
Enseignes prises sur l'Ennemi est tresancienne
; les Payens mettoient dans les
Temples de leurs Dieux les Trophées
qu'ils rapportoient de la Guerre. Les Philistins
après avoir vaincu Saül , appendirent
les armes de ce Roy aux voutes du
Temple de leur Dieu Astaroth, ( Les Rois,
liv. 1. ) et dans l'histoire de Sablé , par
M. Ménage , on voit dans la Généalogie
des Seigneurs de Mayenne , qu'un de ces
Seigneurs étant revenu d'une Croisade
offrit à une Eglise de sa Terre les Enseignes
qu'il avoit rapportées de son voïage.
On expose dans l'Eglise de Notre - Dame
de Paris toutes les Enseignes de Terre
et de Mer qui se gagnent sur l'Ennemi
pendant une Guerre , et on ne les ôte que
quand la paix est faite.
Le Poëte Malherbe dans une Lettre
qu'il écrit à son Cousin , le 22 Decembre
1627. lui dit : Les Drapeaux pris sur les
Anglois , à l'attaque de l'Isle de Rhé ,
furent hier apportez au Louvre , on leur
fit faire un tour dans la Cour , selon la
coutume , et on les porta ensuite à N. D.
Il y en a 44. qui ont tous au bout d'enhaut
et au coin , qui est vers le bois , un
II. Vol mor
JUIN. 1733. 1267
morceau de Tafetas blanc , d'environ 3
pieds en quarré , et en ce Tafetas , il yуэa
une Croix rouge qui touche à toutes les
4 faces de ce quarré. De maniere qu'en
admettant ( comme on le doit ) le renouvellement
de l'Oriflamme, quand elle étoit
usée , on accordera deux opinions diffé
rentes d'Auteurs sur le sort que cette Enseigne
a eu depuis que nos Rois ne l'ont
plus fait porter dans leurs Armées ; ce
qui arriva sous Charles VII . pendant que
les Anglois étoient Maîtres de Paris. Les
uns soutenant qu'elle étoit toujours restée
dans le trésor de S. Denys , où on la
voyoit encore en 1534 et 1594. suivant
les Inventaires du même trésor, faits dans
ces années- là ; et les autres ont pensé
qu'elle a pû rester en la possession des
Gentilhommes qui en avoient la garde ,
et que par conséquent on peut trouver
des Oriflammes dans les Archives des
descendans de ces Gentilhommes. Messieurs
d'Harcourt en conservent un , qui
leur vient par succession de Pierre de
Villiers l'Isle - Adam , Grand - Maître de
France et Porte Oriflamme , dont la fille
épousa Jean de Garenciere , et fut Ayeul
d'une Tugdal de Karmoisien , mariée à
Jean de Gaillon , grand- pere de ' Françoise
de Gaillon femme de François.
II. Vol. d'Har
1268 MERCURE DE FRANCE
d'Harcourt , Seigneur de Beuvron , à la
posterité duquel appartient ( selon M. de
la Roque, dans son Histoire de la Maison
d'Harcourt , ) le droit de garder l'Oriflamme
, en supposant que cette dignité
étoit devenue sur sa fin héréditaire dans
les familles de ceux qui l'ont possedée .
Quant à la difference que le P. Daniel
( dans sa Milice Françoise ) trouve ,
entre l'Oriflamme, qui est chez Messieurs
d'Harcourt , et celle qui étoit dans le
Trésor de S.Denys , ce qui lui fait dire que
la premiere n'est pas la véritable , c'est
une minutie où il ne faut point s'arrêter ,
car quoique l'Etendart de S. Denys ait
été pendant long temps d'une seule couleur
pleine , la mode y'a pû faire ajouter
dans les derniers temps des ornemens ,
comme des Flammes et des Couronnes
en Broderies d'or. Il suffit que la couleur
de l'Oriflamme, conservée chez Messieurs
d'Harcourt, soit rouge, pour croire qu'el
le peut être aussi véritable que celle qui
se trouvoit dans le Trésor de S. Denys au
16 siécle, quoique celle - cy fut plus grande
et d'une étoffe unie .
Il n'est pas même certain qu'il n'y eut
qu'une Oriflamme d'usage en mêmetemps
, et que quand il y en avoit une à
l'Armée , il n'y en cut pas encore une
II. Vol.
autre
JUIN. 1733. 1269
autre qui restoit à S. Denys , pour les
besoins extraordinaires de l'Abbaye , ou
pour envoyer à une seconde Armée
Royale ; car l'Oriflamme étoit un Etendart
, attaché à l'Armée , et non à la personne
des Rois , comme je le ferai voir
en parlant de l'Etendart Royal , autre
Enseigne qui ne quittoit point le Corps
du Roy , au lieu que l'Oriflamme alloit
toute seule à la tête de l'armée , gardée
seulement par une Troupe de Cavaliers
d'Elite Vexillum sancti Dionisii quod
omnes præcedere in bella solebat.
Voicy ce que dit Rigord , Historien
de Philippe Auguste , en parlant de ce
qui se fit à S. Denis , lorsque ce Prince y
alla prendre l'Oriflamme pour son voyage
d'Outremer , après que le Roy , à genoux
devant le Sépulchre des Saints Martyrs
, eut imploré par ses prieres et ses larmes
, l'assistance du Ciel , il reçut la Pannetiere
et le Bourdon des mains de Guillaume
, Archevêque de Rheims , son oncle
maternel , et il y prit ensuite de sa propre
main deux Etendarts qui étoient sur la
Châsse des Saints Martyrs .
Voilà certainement une occasion où il
paroît deux Oriflammes à la fois , peutêtre
qu'on les doubloit pour n'en pas
manquer en cas qu'il s'en perdît une ;
II. Vol. en
270 MERCURE DE FRANCE
en supposant cela on accordera ce qui
se trouve dans deux Historiens , Jacques
Meyer et Guillaume Guyard , le premier
soutenant que la véritable Oriflamme
fut perdue au combat de Mons en
Puelle, et qu'elle ne se retrouva plus, pendant
que le second assure que l'Oriflamme
qui se perdit dans ce Combat , n'étoit
qu'une Enseigne contrefaite que le
Roy avoit fait paroître ce jour - là pour
encourager ses Soldats ; cecy sent bien
le conte fait à plaisir ; quelle raison le
Roy auroit-il eû de tromper ses Soldats.
dans la supposition de cette fausse Enseigne
? Ne vaut-il pas mieux convenir
que dans les occasions que l'on jugeoit
devoir être périlieuses , on se munissoit
de deux de ces Enseignes , pour pouvoir
les substituer l'une à l'autre , en cas qu'il
s'en perdit une , et que c'est ce qui fut
fait à la bataille de Mons en Puelle , où
l'une ayant été perduë la veille , il en
reparut une autre le lendemain .
Ce que je dis n'est point pour diminuer
l'estime que nous croyons que nos
Ancêtres faisoient de cet Etendart . Ils le
regardoient comme un Symbole de Religion
; et dans cette idée ils lui donnoient
le premier rang sur toutes leurs autres:
Enseignes .
4
II. Vol Qmaibus
JUIN . 1733: 1271
Omnibus in bellis habet omnia signa
preire , dans l'esperance que leur Saint
Patron , à qui appartenoit cette Enseigne,
obtiendroit du Ciel par ses prieres la direction
des guerres qu'ils entreprenoient
et les feroient réussir à leur avantage.
Le nom du Saint devint aussi leur cri
de guerre ; ce fut sous Louis le Gros
qu'on commença à invoquer S. Denis ,
Patron du Royaume , dans tous les besoins
Militaires par ces mots , MONTJOYE
SAINT DENIS , qui sont devenus la Devise
génerale de nos Rois. Dans tous les
temps et chez toutes les Nations , la
coûtume des Soldats étoit de faire de
grands cris avant que de combattre et
après avoir combattu ; les premiers de
ces cris pour exciter le courage et jetter
l'effroy dans le coeur de l'Ennemi , et les
seconds pour remercier les Dieux qu'on
adoroit du gain d'une bataille , et en célebrer
la premiere réjouissance .
Clovis dans le Champ de Colbrac ;
implore le secours du Dieu que sa femme
adore. Les François devenus Chrétiens ,
adressent leurs cris à S. Martin , ensuite
à S. Denis , esperant attirer sur eux les
faveurs du Ciel par l'intercession de leurs
Saints Protecteurs.
De tous les Auteurs qui ont voulu
II. Vol.
expliquer
1272 MERCURE DE FRANCE
expliquer le mot de Montjoye , qui précedoit
celui de S. Denis dans l'acclamation
Militaire des François , Mrs Ducange
et de Caseneuve , sont ceux qui ont
le mieux pensé sur la véritable signifisation
de ce mot , en disant que c'est
un vieux terme François qui exprime
une Colline ,
diminutif de Montagne 3
toute l'erreur du premier de ces deux
Sçavans , est de dire que par le mot de
Montjoye , il faut entendre seulement la
Montagne de Montmartre où S. Denis
fut martyrisé ; le Pere Daniel , dans sa
Milice Françoise , qui a voulu le relever
sur cette méprise , a plus mal fait que
lui en disant que Montmartre est une
veritable Montagne , qu'elle est trop
haute pour qu'on lui puisse donner ce
nom de Montjoye , et qu'elle se trouve
appellée par tout Montagne de Mars , et
non pas Montjoye , est- ce là une raison assez
solide pour que Montjoye ne puisse pas
signifier un petit Mont ? Si ce Pere avoit
poussé ses Recherches jusques dans les
usages que les Gaulois et les Germains
observoient en enterrant leurs Morts ,
il auroit trouvé la preuve que Montjoye
a signifié une petite Montagne artificielle
qui se formoit de la maniere que voicy :
Quand un Chef de Guerre de ces Na-
II. Vol. tions
JUIN. 1733. 1273
tions mouroit au milieu de son armée ,
après que le corps avoit été mis dans
une fosse avec toutes les ceremonies qui
s'observoient en pareil cas , chaque Soldat
portoit une pelletée de terre pour
recouvrir la fosse de son General , ca
qui formoit dessus une petite éminence
qui devenoit haute à proportion que
l'armée
qui faisoit l'enterrement , étoit nombreuse.
La Flandre et les Provinces qui l'avoisinent
, sont encore pleines de ces monticules
qu'on appelloit dans le Pays des
Tombes , pour mieux conserver le souvenir
du sujet qui les a produites ; avant
que de prendre ce nom de Tombes , elles
avoint celui de Montjoye , terme qui a
toujours signifié en vieux François une
élevation , qui sert à marquer un lieu
que l'on veut reconnoître , et où l'on
veut parvenir quand on en est éloigné.
›
Les Phares qui sont sur les Ports de
Mer , les Balises , faites de tonneaux ou
de pieces de bois flotantes sur l'eau pour
servir à guider les Vaisseaux entre des
Rochers cachez sous l'eau , et enfin toutes
sortes de marques propres à faire éviter
les dangers et à montrer les lieux éloignez
, ou ceux qui renferment des choses
dignes de memoire , étoient nommez
II. Vel. des
1274 MERCURE DE FRANCE
des Montjoyes , parcequ'elles apprenoient
avec plaisir à ceux qui les voyoient , des
Endroits que l'on auroit eu peine à re
trouver sans leurs secours.
On élevoit des Montjoyes sur les Tombeaux
des personnes de considération ,
plus ou moins magnifiques et remarqua
bles , selon la dignité de ces personnes ;
les premiers Chrétiens persécutez , mirent
des marques moins sensibles sur les Tombeaux
des Martyrs qui se trouvoient en
pleine campagne ; ces marques , qui n'étoient
souvent que de simples pierres ,
eurent le même nom . On n'oublia pas
sans doute de mettre une Montjoye sur
le Tombeau de S. Denis et de ses Compagnons
, jusqu'à-ce qu'on fût en liberté
de renfermer ce Tombeau dans une Eglise
; dans la suite l'Eglise où il étoit renfermé
étant devenue célebre par la dévotion
les Fidelles eurent à ce Tomque
beau , les Rois qui s'en rendirent les Protecteurs
, se regarderent en même-temps
comine les Gardiens de ce S. Tombeau ; et
pour montrer publiquement l'honneus
qu'ils se faisoient de cette qualité , ils
l'exprimoient par le nom ancien de Montjoye
, et prirent delà occasion de crier
à la guerre Montjoye S. Denis , comme
s'ils eussent voulu dire nous sommes les
II. Vel.
garN.
1733. 1275
"
gardiens du Tombeau de S. Denis , la
Banniere dont nous nous servons en est
la marque , et nous la portons pour deffendre
les biens qui appartiennent à ce
Saint , et qui ont été offerts à son Tombeau.
Dans toutes les Religions du Monde
les Princes qui ont eu de la pieté , se
sont toujours fait honneur d'être dépositaires
de quelques Monumens respectables
de ces Religions. Il semble même
que la destinée des Empires soit , pour
ainsi dire , attachée à la conservation de
ces Monumens. Les Payens enchaînoient
leurs Dieux . Une Ville croyoit ne jamais
succomber aux efforts de ses Ennemis
tant qu'elle étoit en possession de ses
Lares et de ses Pénates. La ruine de Troye
ne fut attribuée qu'à l'enlevement du
Palladium.
Les Empereurs Ottomans gardent avec
soin dans leur Serrail l'Etendart de guerre
et la Robbe de Mahomet. Tous les
Princes de cette Religion qui ont possedé
la Ville de Jérusalem , ont tous pris
la qualité de Maîtres ou de Possesseurs
du S. Tombeau.
Pourquoi nos Rois Très- Chrétiens ne
se seroient-ils pas fait le même honneur
de se dire les Gardiens du Tombeau d'un
II. Vol.
Martys
16/0 VIL
ע ע
Martyr de qui leurs Peuples tiennent la
Foy , et de montrer l'estime qu'ils faisoient
de ce Titre par ce cri d'allegresse
Montjoye S. Denis.
Fermer
Résumé : SUITE de la Dissertation sur les Enseignes Militaires des François.
Le texte aborde les enseignes militaires françaises, notamment les bannières dédiées à des saints confesseurs, qui étaient généralement de couleur bleue ou violette. La bannière de Saint Martin, par exemple, était bleue, influençant ainsi le choix du fond bleu des armoiries royales ornées de fleurs de lys. Les bannières ecclésiastiques étaient codifiées par couleur selon la classe des saints célébrés : blanches pour les vierges, rouges pour les martyrs, vertes et bleues pour les confesseurs, et noires pour les offices des morts. L'Oriflamme, bannière de Saint Denis, se distinguait par sa forme de lance dorée avec un morceau d'étoffe rouge en forme de flamme à trois pointes, chacune terminée par une houpe verte. Cette enseigne était portée par un gentilhomme lors des guerres et rapportée à l'abbaye de Saint Denis après chaque conflit. Avec le temps, cette fonction est devenue héréditaire, et les porteurs négligeaient parfois de rapporter l'Oriflamme. L'Oriflamme était considérée comme un symbole religieux et était utilisée pour encourager les troupes. Le cri de guerre 'Montjoie Saint Denis' est devenu la devise générale des rois de France. Le mot 'Montjoie' signifie une petite colline ou monticule artificiel formé par les soldats lors des enterrements de leurs chefs. Le texte traite également de l'origine et de la signification de l'Oriflamme, certains croyant qu'elle était apportée du ciel par un ange, tandis que d'autres pensent qu'elle était remplacée lorsqu'elle était usée. Les Montjoyes étaient des élévations servant à marquer des lieux importants ou à éviter des dangers, comme les phares et balises. Elles étaient également érigées sur les tombeaux de personnes de considération, et les premiers chrétiens utilisaient des marques simples sur les tombeaux des martyrs. Le tombeau de Saint Denis et de ses compagnons fut marqué par une Montjoye jusqu'à ce qu'il soit transféré dans une église. Cette église devint célèbre, et les rois, en tant que protecteurs, se considéraient comme les gardiens du tombeau. Ils criaient 'Montjoye Saint Denis' en guerre pour affirmer leur rôle de défenseurs des biens du saint. Dans diverses religions, les princes pieux se faisaient honneur de protéger des monuments religieux, croyant que la conservation de ces monuments était liée à la destinée de leurs empires. Par exemple, les Ottomans gardaient l'étendard de Mahomet, et les princes possédant Jérusalem se proclamaient maîtres du Saint Tombeau. De même, les rois très chrétiens se voyaient comme les gardiens du tombeau de Saint Denis, un martyr dont les peuples tenaient la foi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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