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1
p. 2364-2368
BOUQUET, à Mr de Pibrac. Comte de Marigny.
Début :
Les Bootes déja sous sa main dans les Cieux, [...]
Mots clefs :
Esprit, Coeur, Dialogue
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texteReconnaissance textuelle : BOUQUET, à Mr de Pibrac. Comte de Marigny.
BOUQUET , à M' de Pibrac,
Comte de Marigny.
LEE Bootes déja fous fa main dans les Cieux ,
Avoit vû tourner la grande Ourſe, ( 1 )
; Où pour me faire entendre mieux
La nuit avoit fourni la moité de fa courſe ?
Quand j'ai fongé [ je vous arrête icy ,
Pour vous avertir que les fonges ( 2 )
Vers ce temps ne font point menſonges
;
Horace au moins le dit ainfi. ]
J'ai fongé qu'on alloit célébrer votre Fête.
Je m'éveille en furſaut ; ſoudain fans autre enquête
;
Pour vous prouver mon parfait dévoûment ,
Mon Coeur à mon Eſprit demande un compli
ment.
f1) Ces deux Vers font une imitation de ceux
par où Anacréon a commencé fa troifiéme Odes
fur laquelle il eft bon de voir les Remarques de
Madame Dacier.
( 2) Poft mediam noctem, quum fomnia
vera. Horace , Sat. 10. liv. 1. v. 33 furquoi
Monfieur Dacier rapporte pluſieurs paſſages ,
conformes à celui là.
Mais
NOVEMBRE. 1730. 2365
Mais , qui l'ût crû ? Mon Efprit un moment
A douté s'il devoit accorder ſa requête ,
Vous verrez fur quel fondement ,
Si vous daignez lire le Dialogue
Qu'à la fuite de ce Prologue
Je place naturellement.
DIALOGUE.
Entre mon Caur & mon Efprit.
Le Coeur à l'Esprit.
Non , je ne puis fouffrir votre indolence extrême.
Quoi ! tandis que de Morelet ( a )
Déja l'Efprit s'anime à produire un Sonnet ,
Pour offrir fon tribut à Pibrac qui vous aime ,
Vous ne tenterez pas de lui faire un Bouquet ?
L'Efprit.
Non ; car je fuis à fec , à vous le trancher net.
Pourquoi vous obftiner , depuis près de deux
Luftres ,
A m'exercer toûjours fur le même ſujet ?
Ah ! fi de fes Ayeux illuftres
J'ofois chanter du moins tous les Exploits divers
( a ) Auditeur en la Chambre des Comptes de
Dijon , fameux par fes Sonnets, & ami de Monfieur
de Pibrac,
Que
2366 MERCURE DE FRANCE
Que je fçaurois , fans peine , enfanter de bons.
Vers !
Où fi , laiffant à part fon ancienne nobleffe
J'ofois célébrer fa fagefle ,
Sa prudence , fon équité ,
Sa candeur , fon honnêteté
11
Son efprit , fa délicateffe ,
Et mille autres vertus encor ;
Vous me verriez bien- tôt . , comme un autre
Pindare ,
Sans craindre le deftin d'Icare ;
Jufqu'aux Cieux prendre mon effor.
Mais fi-tôt que je vante un mérite , fi rare ›
Une jeune Divinité ,
Que l'on voit de fes pas compagne inféparable ›
Et qui fe fait connoítre à fa pudeur aimable ,
Les
yeux
nable
baffez s'avance , & d'un ton conve-
A fa noble fimplicité ,
Me tient ce difceurs refpectable.
Au modefte Pibrac , quoique tout dévoué ,
Sçais - tu que par son coeur de foibleſſe incapable
,
Ton hommage est défavoué ?
Parmille qualitex fans doute il eft louable ,
Mais il n'en fuit pas moins l'honneur d'être
lové.
Croi moi, fi tu veux être à fes yeux agréables
Se
NOVEMBRE. 1730. 2367
·Sur toutes les vertus dont le Ciel l'a doüé,
Garde unfilence inviolable.
A ces mots , quelque ardeur qui me vienne
infpirer
Je n'ofe de Pibrac bleffer la modeftie ,
Et contraint , malgré moi , de vaincre mon envie
,
Je le vois , je me tais , & ne puis qu'admirer.
Le Coeur.
d'une frivole excufe
Non , non , vous me payez
Ce n'eft pas ainfi qu'on m'abuſe ,
Quoi que vous me difiez , il attend un Bouquet ,
Je le veux , il le faut , fecondez mon projet.
Car enfin , pouvez - vous vous flater qu'on préfume
,
Qu'un Bouquet , pour Pibrac , foit un ingrat
fujer ?
Si vous vouliez lui faire un fidele portrait
Du zéle qui pour lui fans ceffe me confume ,
De mes tranſports reconnoiflans ,
De mon profond refpect , du plaifir que je fens
Quand je vais par devoir , plutôt que par cou
tume ,
Près de lui brûler mon encens ;
Vous rempliriez plus d'un volume..
L'Efprit.
Eh bien ! je cede enfin à vos difcours preffans.
Ma
2368 MERCURE DE FRANCE
Ma verve ſe réchauffe au beau feu qui vous
guide :
L'Eſprit raiſonne en vain lorfque le coeur décide-
Mais pour calmer votre couroux ,
Parlez , que faut-il que je faffe ?
Le Coeur.
Allez vîte fur le Parnaſſe
Mettre en vers le débat qui vient d'être entre
nous.
Pibrac avec plaifir ....
L'Esprit.
Quoi ! vous figurez - vous
Qu'un tel Bouquet le fatisfaffe ?
Hé !
que
Le Coeur.
rien ne vous embaraffe !
Confiez à mes foins ce que vous aurez fait.
Pibrac , dont l'ame eft complaifante ,
De vos moindres Ecrits eft toujours fatisfait ,
Quand c'est moi qui les lui préfente.
Par M. CoCQUARD , Avocas
au Parlement de Dijon.
Comte de Marigny.
LEE Bootes déja fous fa main dans les Cieux ,
Avoit vû tourner la grande Ourſe, ( 1 )
; Où pour me faire entendre mieux
La nuit avoit fourni la moité de fa courſe ?
Quand j'ai fongé [ je vous arrête icy ,
Pour vous avertir que les fonges ( 2 )
Vers ce temps ne font point menſonges
;
Horace au moins le dit ainfi. ]
J'ai fongé qu'on alloit célébrer votre Fête.
Je m'éveille en furſaut ; ſoudain fans autre enquête
;
Pour vous prouver mon parfait dévoûment ,
Mon Coeur à mon Eſprit demande un compli
ment.
f1) Ces deux Vers font une imitation de ceux
par où Anacréon a commencé fa troifiéme Odes
fur laquelle il eft bon de voir les Remarques de
Madame Dacier.
( 2) Poft mediam noctem, quum fomnia
vera. Horace , Sat. 10. liv. 1. v. 33 furquoi
Monfieur Dacier rapporte pluſieurs paſſages ,
conformes à celui là.
Mais
NOVEMBRE. 1730. 2365
Mais , qui l'ût crû ? Mon Efprit un moment
A douté s'il devoit accorder ſa requête ,
Vous verrez fur quel fondement ,
Si vous daignez lire le Dialogue
Qu'à la fuite de ce Prologue
Je place naturellement.
DIALOGUE.
Entre mon Caur & mon Efprit.
Le Coeur à l'Esprit.
Non , je ne puis fouffrir votre indolence extrême.
Quoi ! tandis que de Morelet ( a )
Déja l'Efprit s'anime à produire un Sonnet ,
Pour offrir fon tribut à Pibrac qui vous aime ,
Vous ne tenterez pas de lui faire un Bouquet ?
L'Efprit.
Non ; car je fuis à fec , à vous le trancher net.
Pourquoi vous obftiner , depuis près de deux
Luftres ,
A m'exercer toûjours fur le même ſujet ?
Ah ! fi de fes Ayeux illuftres
J'ofois chanter du moins tous les Exploits divers
( a ) Auditeur en la Chambre des Comptes de
Dijon , fameux par fes Sonnets, & ami de Monfieur
de Pibrac,
Que
2366 MERCURE DE FRANCE
Que je fçaurois , fans peine , enfanter de bons.
Vers !
Où fi , laiffant à part fon ancienne nobleffe
J'ofois célébrer fa fagefle ,
Sa prudence , fon équité ,
Sa candeur , fon honnêteté
11
Son efprit , fa délicateffe ,
Et mille autres vertus encor ;
Vous me verriez bien- tôt . , comme un autre
Pindare ,
Sans craindre le deftin d'Icare ;
Jufqu'aux Cieux prendre mon effor.
Mais fi-tôt que je vante un mérite , fi rare ›
Une jeune Divinité ,
Que l'on voit de fes pas compagne inféparable ›
Et qui fe fait connoítre à fa pudeur aimable ,
Les
yeux
nable
baffez s'avance , & d'un ton conve-
A fa noble fimplicité ,
Me tient ce difceurs refpectable.
Au modefte Pibrac , quoique tout dévoué ,
Sçais - tu que par son coeur de foibleſſe incapable
,
Ton hommage est défavoué ?
Parmille qualitex fans doute il eft louable ,
Mais il n'en fuit pas moins l'honneur d'être
lové.
Croi moi, fi tu veux être à fes yeux agréables
Se
NOVEMBRE. 1730. 2367
·Sur toutes les vertus dont le Ciel l'a doüé,
Garde unfilence inviolable.
A ces mots , quelque ardeur qui me vienne
infpirer
Je n'ofe de Pibrac bleffer la modeftie ,
Et contraint , malgré moi , de vaincre mon envie
,
Je le vois , je me tais , & ne puis qu'admirer.
Le Coeur.
d'une frivole excufe
Non , non , vous me payez
Ce n'eft pas ainfi qu'on m'abuſe ,
Quoi que vous me difiez , il attend un Bouquet ,
Je le veux , il le faut , fecondez mon projet.
Car enfin , pouvez - vous vous flater qu'on préfume
,
Qu'un Bouquet , pour Pibrac , foit un ingrat
fujer ?
Si vous vouliez lui faire un fidele portrait
Du zéle qui pour lui fans ceffe me confume ,
De mes tranſports reconnoiflans ,
De mon profond refpect , du plaifir que je fens
Quand je vais par devoir , plutôt que par cou
tume ,
Près de lui brûler mon encens ;
Vous rempliriez plus d'un volume..
L'Efprit.
Eh bien ! je cede enfin à vos difcours preffans.
Ma
2368 MERCURE DE FRANCE
Ma verve ſe réchauffe au beau feu qui vous
guide :
L'Eſprit raiſonne en vain lorfque le coeur décide-
Mais pour calmer votre couroux ,
Parlez , que faut-il que je faffe ?
Le Coeur.
Allez vîte fur le Parnaſſe
Mettre en vers le débat qui vient d'être entre
nous.
Pibrac avec plaifir ....
L'Esprit.
Quoi ! vous figurez - vous
Qu'un tel Bouquet le fatisfaffe ?
Hé !
que
Le Coeur.
rien ne vous embaraffe !
Confiez à mes foins ce que vous aurez fait.
Pibrac , dont l'ame eft complaifante ,
De vos moindres Ecrits eft toujours fatisfait ,
Quand c'est moi qui les lui préfente.
Par M. CoCQUARD , Avocas
au Parlement de Dijon.
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Résumé : BOUQUET, à Mr de Pibrac. Comte de Marigny.
Dans une lettre adressée au Comte de Marigny, également connu sous le nom de Pibrac, Bouquet relate un rêve où il voyait célébrer la fête de Pibrac et exprime son dévouement envers lui. La lettre prend ensuite la forme d'un dialogue intérieur entre le cœur et l'esprit de Bouquet. Le cœur reproche à l'esprit son indolence, soulignant que l'esprit de Morelet, un ami de Pibrac, a déjà composé un sonnet en son honneur. L'esprit, en revanche, refuse de se concentrer uniquement sur les exploits de Pibrac, préférant célébrer ses diverses vertus. Il mentionne également une jeune divinité, la pudeur, qui l'empêche de vanter les mérites de Pibrac de manière excessive. Le cœur insiste néanmoins pour que l'esprit compose un bouquet de vers en l'honneur de Pibrac, arguant que ce dernier appréciera ce geste. Finalement, l'esprit cède et accepte de mettre en vers le débat qui les a opposés, confiant au cœur la tâche de présenter ce bouquet à Pibrac.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1198-1199
VERS Envoyez à M. le Président Bouhier, de l'Académie Françoise, le jour de sa Fête.
Début :
Illustre Favori de Thémis et des Muses, [...]
Mots clefs :
Fête, Favori, Talents, Vertus, Accueil, Médecine, Vers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS Envoyez à M. le Président Bouhier, de l'Académie Françoise, le jour de sa Fête.
VERS
Envoyez à M. le Président Bouhier ,
de l'Académie Françoise ,
Le jour de sa Fête.
Illustre Favori de Thémis et des Muses ,
Cher Bouhier , reçois mes excuses.
En ce jour solemnel , où chacun à l'envi ,
S'empresse à t'aller rendre hommage ,
Purgon , qui sous ses loix tient mon corps asservi ,
Me prive de cet avantage.
Encor si dans ces Vers , pour bien peindre à tes
yeux ,
Les.
MAY. 1731. 1199
Les divers sentimens qu'ont fait naftre en mon
ame ,
Tes talens , tes vertus , ton accueil gracieux ,
Apollon m'inspiroit sa poëtique flâme !
Mais par un sort fatal en lui ,
Au lieu du Dieu des Vers, qui souvent me domine,
Je ne puis trouver aujourd'hui ,
Que le Dieu de la Medecine. (A)
Je croyois du moins qu'à mon gré ,
Je pourrois recourir aux richesses de Flore ;
Mais ce matin Zéphire ayant peu soupiré ,
Et l'Aurore encor moins pleuré ,
Ils n'ont dans nos Jardins presque rien fait éclore;
Et l'on n'a pupar-tout cueillir que quelques Acurs,
Peu dignes d'être entrelacées ,
Parmi celles que les neuf Soeurs ,
Sur ta tête Sçavante avec art ont placées.
(a) Apollon est le Dieu des Vers et le Dieu
de la Medecine; c'est ce qu'il dit lui-même
dans Ovide , Liv. 1. de ses Métam.
Per me concordant carmina nervis . . ....
Inventum Medicina meum est , opiferque per
orbem ,
Dicor , et herbarum est subjecta potentia nobis.
Par M. Cocquard , Avocat au Parlement
de Dijon .
Envoyez à M. le Président Bouhier ,
de l'Académie Françoise ,
Le jour de sa Fête.
Illustre Favori de Thémis et des Muses ,
Cher Bouhier , reçois mes excuses.
En ce jour solemnel , où chacun à l'envi ,
S'empresse à t'aller rendre hommage ,
Purgon , qui sous ses loix tient mon corps asservi ,
Me prive de cet avantage.
Encor si dans ces Vers , pour bien peindre à tes
yeux ,
Les.
MAY. 1731. 1199
Les divers sentimens qu'ont fait naftre en mon
ame ,
Tes talens , tes vertus , ton accueil gracieux ,
Apollon m'inspiroit sa poëtique flâme !
Mais par un sort fatal en lui ,
Au lieu du Dieu des Vers, qui souvent me domine,
Je ne puis trouver aujourd'hui ,
Que le Dieu de la Medecine. (A)
Je croyois du moins qu'à mon gré ,
Je pourrois recourir aux richesses de Flore ;
Mais ce matin Zéphire ayant peu soupiré ,
Et l'Aurore encor moins pleuré ,
Ils n'ont dans nos Jardins presque rien fait éclore;
Et l'on n'a pupar-tout cueillir que quelques Acurs,
Peu dignes d'être entrelacées ,
Parmi celles que les neuf Soeurs ,
Sur ta tête Sçavante avec art ont placées.
(a) Apollon est le Dieu des Vers et le Dieu
de la Medecine; c'est ce qu'il dit lui-même
dans Ovide , Liv. 1. de ses Métam.
Per me concordant carmina nervis . . ....
Inventum Medicina meum est , opiferque per
orbem ,
Dicor , et herbarum est subjecta potentia nobis.
Par M. Cocquard , Avocat au Parlement
de Dijon .
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Résumé : VERS Envoyez à M. le Président Bouhier, de l'Académie Françoise, le jour de sa Fête.
Le poème est adressé à M. le Président Bouhier, membre de l'Académie Française, à l'occasion de sa fête. L'auteur, M. Cocquard, avocat au Parlement de Dijon, s'excuse de ne pouvoir rendre hommage en personne à Bouhier, étant retenu par son médecin, Purgon. Il souhaite néanmoins célébrer les talents, les vertus et l'accueil gracieux de Bouhier. Le poète regrette de ne pouvoir être inspiré par Apollon, le dieu des vers, car il est influencé par le dieu de la médecine. Il déplore également l'absence de belles fleurs à offrir, les jardins n'ayant pas encore produit de fleurs dignes de Bouhier. Le poème se conclut par une référence à Apollon, qui est à la fois le dieu des vers et de la médecine, selon Ovide.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 2516-2523
EPITRE FAMILIERE, A M. GILET, Ancien Substitut en la Chambre des Comptes de Dijon.
Début :
A peine Phébus ce matin, [...]
Mots clefs :
Empire marin, Pèlerin, Catholique romain, Voiture, Sarrasin, Suzerain
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE FAMILIERE, A M. GILET, Ancien Substitut en la Chambre des Comptes de Dijon.
EPITRE FAMILIERE ,
A M. GILET , (a)
Ancien Substitut en la Chambre des
Comptes de Dijon.
A Peine Phébus ce matin ,
Sortoit de l'Empire Marin ,
(a) On trouve diverses Pieces de M. Gillet,
dans le Mercure Galant de M de Visé, et dans le
troisiéme volume des Poësies de M. de Santeüil¸
derniere Edition de Paris.
NOVEMBRE. 1731. 2517
Pour annoncer au Pelerin ,
Un jour agréable et screin ,
Quand le marteau d'un noir Vulcain ,
Qui par malheur est mon voisin ,
M'a fait quitter mon traversin.
En bon Catholique Romain ,
J'ai couru , d'un Dominicain ,
Que j'ai pris pour mon Chapelain ,
Entendre l'Office divin.
J'ai fait ensuite à mon Roussin ,
Manger un double picottin ,
Et je me suis mis en chemin ,
Suivi seulement d'un Mâtin ,
Pour aller voir un mien cousin ,
Dans son Château de Gaillardin .
Je ne craignois pas qu'un Coquin ,
Dans quelque réduit clandestin
Me vînt forcer d'un air hautain ,
A lui donner mon saint Crêpin ;
Car j'emportois pour tout frusquin ;
Mon Voiture et mon Sarrasin .
Or , tandis que sur un terrain ,
Tantôt raboteux , tantôt plein ,
En ruminant , j'allois mon train ;
Un petit Seigneur Suzerain ,
Qu'on dit être cent fois plus vain
Que s'il étoit vrai Souverain ,
Mappercevant d'un boulingria ,
Me
2518 MERCURE DE FRANCE
>
Me joint et me serrant la main :
Eh! bonjour, mon Contemporain ,
M'a- t'il dit d'un ton fort benin ,
Entrez, venez gouter mon vin.
Je descends de mon Guilledin , («)
Qu'on attache au coin d'un Jardin
Sans de foin lui donner un brin ,
Ni d'avoine le moindre grain.
J'entre dans un taudis mal sain ,
Que de foibles ais de Sapin ,
Ne défendoient pas du Garbin . (b)
Là , je rencontre un Grimelin ,
Qui portant encor le béguin ,
D'un broüet mangeoit le gratin.
Plus loin , son frere consanguin ,
Dont mon pere, étant Echevin ,
Fut forcé d'être le Parrain ,
Assis sur un petit Gradin ,
Se régaloit d'un Poupelin , (✔)
Tandis que son frere uterin ,
Battoit parfois d'un Tambourin.
La Maîtresse au bec de Corbin ,
Qui pourroit passer pour un Nain ;
Sans le secours d'un haut Patin ,
(a) Cheval d'Angleterre qui est hongre.
(b) Nom de Vent.
(c) Terme de Patissier , c'est une espece de
Gâteau,
S'o
NOVEMBRE. 1731. 2519
S'occupoit à filer du Lin. -
Je l'aborde en riant , soudain
Elle court dans un Magazin ,
Se dépouiller d'un Casaquin ,
Pour mettre un Corset de basin ,
Et sa robbe de blanc Satin .
Au travers d'un leger quintin , (*)
Elle laisse entrevoir son sein ,
Met un Bijou diamantin ,
Qu'elle gardoit dans son écrin ,
Et sur- tout avec du Carmin ,
Se fait un teint incarnadin.
Dans cet équipage mondain ,
Elle revient d'un air badin.
Par son entretien libertin ,
J'ai compris qu'à l'amour enclin ,
Son coeur n'étoit pas inhumain ,
Et que sans la prendre en Tarquin , (b)
On mettroit l'avanture à fin.
Mais venons à notre Festin .
Son Mary vrai George Dandin ,
Me guide dans un soûterrain ,
Humide , même au mois de Juin
Je m'assieds sur un strapontin ,
Jadis couvert d'un Chevrotin ;
(a) Sorte de Toile fort fine.
(b) On sfait que Tarquin jouit de Lucrece
par force,
D'abord
2520 MERCURE DE FRANCE
D'abord on ouvre un manequin
D'où l'on tire un noir et long pain ;
On m'en presente un gros lopin ,
Capable d'appaiser la faim ,
Du plus avide Limousin.
Un jeune et crasseux Galoppin ,
Appórte sur un plat d'étain ,
Un Cochon , que pour Marcassin ,
Fait passer mon Hôte taquin ;
A côté l'on sert du Boudin ,
Tout farci d'oignon et de thin .
Je demande à boire ; un Trotin ,
Dans un gobelet cristalin ,
Me verse du vrai chicotin ,
Qui ne sentoit que le pepin.
Pour entremets un Ramequin ,
Artive avec quelque fretin
Que dès la veille un Riverain ,
Avoit pêché prés d'un Moulin.
Pour le dessert , dans un coffin
On range maint vieux Massepain ,
Et d'un plancher bas et vilain ,
L'Hôte détache un vert Raisin ,
Qu'Erigone , (a ) j'en suis certain ;
N'eût regardé qu'avec dédain .
›
(a ) Bacchus métamorphosé en grape de Rai
sin, séduisit Erigone. V, Ovide, Liv, 6. Metam›
Vers 125. Fab. 20
C
NOVEMBRE. 1731. 25.2x
Cependant de fats un Essain ,
Vient ajoûter à mon chagrin.
Le premier est un Medecin ,
Qui vantant son Art assassin
Nous a parlé d'un anodin ,
Par lui ffairé dans un bassin.
Le second est un Tabarin ,
Qui veut chausser le brodequin ;
Mais croyant imiter Pasquin ,
Pierrot , Scaramouche , Arlequin ,
On le prend pour un Baladin .
Que dirai- je d'un grand flandrin ,
Qui revêtu d'un Colletin ,
Et paré de son gorgerin ;
D'un vieux sabre et d'un pulverin
Juroit sans cesse par Calvin ?
Si l'on en croit ce Spadassin ,
Les Ennemis devant Denain , (a).
L'ont vû faire le diablotin :
Il dit que dans un Ravelin ,
Il mit en fuite le Germain
Et qu'affrontant un Serpentin ,
Il fut blessé dans un Cavin ,
Quand Villars auprès de Bouchain , ( b)
Faisoit maint et maint Orphelin.
(a ) Les François prirent Denain en 1712 .
(b) M. le Maréchal de Villars reprit Bou
chain , en 1712.
Mais
2522 MERCURE DE FRANCE
Mais sur tout un Abbé poupin ,
En manteau court , en escarpin ,
Prêchant comme l'Abbé Cotin ,
Quelquefois d'un ton argentin ,
Citoit un mot Grec ou Latin ,
Qu'il avoit lû dans Calepin ;
Comparoît Virgile à Lucain ,
Et le Pays à Rabutin.
Pour récompenser ce faquin ,
J'aurois souhaité qu'un Scapin ,
L'eût regalé d'un gros gourdin.
Phébus étant sur son déclin ,
Je quitte mon Hôte mesquin .
En entrant dans le Bois prochain ,
'Au pied d'un épaís Aubepin ,
Je voy la femme de Robin ,
Sur la fougere et le plantin ,
'Assise auprès d'un blond Forain ,
Je ne suis à malice enclin ,
Mais je soupçonnai , cher Lubin ,
Ce tête - à-tête clandestin ;
Car la pudeur n'est pas un frein ,
Quî retienne un coeur feminin ,
Quand vers un objet masculin,
L'entraîne l'amoureux Lutin.
Enfin chez mon cousin germain ,
J'arrive , graces au Destin,
Et j'y vais boire à verre plein ,
Du
NOVEMBRE. 1731. 2523
Du Champagne et du Chambertin ,
Que je préfere au vin du Rhin ,
Et même au Nectar que Jupin ,
Se fait servir par son Menin.,
Adieu donc , jusques à demain.
M. COCQUARD , Avocat au Parlement
de Dijon.
A M. GILET , (a)
Ancien Substitut en la Chambre des
Comptes de Dijon.
A Peine Phébus ce matin ,
Sortoit de l'Empire Marin ,
(a) On trouve diverses Pieces de M. Gillet,
dans le Mercure Galant de M de Visé, et dans le
troisiéme volume des Poësies de M. de Santeüil¸
derniere Edition de Paris.
NOVEMBRE. 1731. 2517
Pour annoncer au Pelerin ,
Un jour agréable et screin ,
Quand le marteau d'un noir Vulcain ,
Qui par malheur est mon voisin ,
M'a fait quitter mon traversin.
En bon Catholique Romain ,
J'ai couru , d'un Dominicain ,
Que j'ai pris pour mon Chapelain ,
Entendre l'Office divin.
J'ai fait ensuite à mon Roussin ,
Manger un double picottin ,
Et je me suis mis en chemin ,
Suivi seulement d'un Mâtin ,
Pour aller voir un mien cousin ,
Dans son Château de Gaillardin .
Je ne craignois pas qu'un Coquin ,
Dans quelque réduit clandestin
Me vînt forcer d'un air hautain ,
A lui donner mon saint Crêpin ;
Car j'emportois pour tout frusquin ;
Mon Voiture et mon Sarrasin .
Or , tandis que sur un terrain ,
Tantôt raboteux , tantôt plein ,
En ruminant , j'allois mon train ;
Un petit Seigneur Suzerain ,
Qu'on dit être cent fois plus vain
Que s'il étoit vrai Souverain ,
Mappercevant d'un boulingria ,
Me
2518 MERCURE DE FRANCE
>
Me joint et me serrant la main :
Eh! bonjour, mon Contemporain ,
M'a- t'il dit d'un ton fort benin ,
Entrez, venez gouter mon vin.
Je descends de mon Guilledin , («)
Qu'on attache au coin d'un Jardin
Sans de foin lui donner un brin ,
Ni d'avoine le moindre grain.
J'entre dans un taudis mal sain ,
Que de foibles ais de Sapin ,
Ne défendoient pas du Garbin . (b)
Là , je rencontre un Grimelin ,
Qui portant encor le béguin ,
D'un broüet mangeoit le gratin.
Plus loin , son frere consanguin ,
Dont mon pere, étant Echevin ,
Fut forcé d'être le Parrain ,
Assis sur un petit Gradin ,
Se régaloit d'un Poupelin , (✔)
Tandis que son frere uterin ,
Battoit parfois d'un Tambourin.
La Maîtresse au bec de Corbin ,
Qui pourroit passer pour un Nain ;
Sans le secours d'un haut Patin ,
(a) Cheval d'Angleterre qui est hongre.
(b) Nom de Vent.
(c) Terme de Patissier , c'est une espece de
Gâteau,
S'o
NOVEMBRE. 1731. 2519
S'occupoit à filer du Lin. -
Je l'aborde en riant , soudain
Elle court dans un Magazin ,
Se dépouiller d'un Casaquin ,
Pour mettre un Corset de basin ,
Et sa robbe de blanc Satin .
Au travers d'un leger quintin , (*)
Elle laisse entrevoir son sein ,
Met un Bijou diamantin ,
Qu'elle gardoit dans son écrin ,
Et sur- tout avec du Carmin ,
Se fait un teint incarnadin.
Dans cet équipage mondain ,
Elle revient d'un air badin.
Par son entretien libertin ,
J'ai compris qu'à l'amour enclin ,
Son coeur n'étoit pas inhumain ,
Et que sans la prendre en Tarquin , (b)
On mettroit l'avanture à fin.
Mais venons à notre Festin .
Son Mary vrai George Dandin ,
Me guide dans un soûterrain ,
Humide , même au mois de Juin
Je m'assieds sur un strapontin ,
Jadis couvert d'un Chevrotin ;
(a) Sorte de Toile fort fine.
(b) On sfait que Tarquin jouit de Lucrece
par force,
D'abord
2520 MERCURE DE FRANCE
D'abord on ouvre un manequin
D'où l'on tire un noir et long pain ;
On m'en presente un gros lopin ,
Capable d'appaiser la faim ,
Du plus avide Limousin.
Un jeune et crasseux Galoppin ,
Appórte sur un plat d'étain ,
Un Cochon , que pour Marcassin ,
Fait passer mon Hôte taquin ;
A côté l'on sert du Boudin ,
Tout farci d'oignon et de thin .
Je demande à boire ; un Trotin ,
Dans un gobelet cristalin ,
Me verse du vrai chicotin ,
Qui ne sentoit que le pepin.
Pour entremets un Ramequin ,
Artive avec quelque fretin
Que dès la veille un Riverain ,
Avoit pêché prés d'un Moulin.
Pour le dessert , dans un coffin
On range maint vieux Massepain ,
Et d'un plancher bas et vilain ,
L'Hôte détache un vert Raisin ,
Qu'Erigone , (a ) j'en suis certain ;
N'eût regardé qu'avec dédain .
›
(a ) Bacchus métamorphosé en grape de Rai
sin, séduisit Erigone. V, Ovide, Liv, 6. Metam›
Vers 125. Fab. 20
C
NOVEMBRE. 1731. 25.2x
Cependant de fats un Essain ,
Vient ajoûter à mon chagrin.
Le premier est un Medecin ,
Qui vantant son Art assassin
Nous a parlé d'un anodin ,
Par lui ffairé dans un bassin.
Le second est un Tabarin ,
Qui veut chausser le brodequin ;
Mais croyant imiter Pasquin ,
Pierrot , Scaramouche , Arlequin ,
On le prend pour un Baladin .
Que dirai- je d'un grand flandrin ,
Qui revêtu d'un Colletin ,
Et paré de son gorgerin ;
D'un vieux sabre et d'un pulverin
Juroit sans cesse par Calvin ?
Si l'on en croit ce Spadassin ,
Les Ennemis devant Denain , (a).
L'ont vû faire le diablotin :
Il dit que dans un Ravelin ,
Il mit en fuite le Germain
Et qu'affrontant un Serpentin ,
Il fut blessé dans un Cavin ,
Quand Villars auprès de Bouchain , ( b)
Faisoit maint et maint Orphelin.
(a ) Les François prirent Denain en 1712 .
(b) M. le Maréchal de Villars reprit Bou
chain , en 1712.
Mais
2522 MERCURE DE FRANCE
Mais sur tout un Abbé poupin ,
En manteau court , en escarpin ,
Prêchant comme l'Abbé Cotin ,
Quelquefois d'un ton argentin ,
Citoit un mot Grec ou Latin ,
Qu'il avoit lû dans Calepin ;
Comparoît Virgile à Lucain ,
Et le Pays à Rabutin.
Pour récompenser ce faquin ,
J'aurois souhaité qu'un Scapin ,
L'eût regalé d'un gros gourdin.
Phébus étant sur son déclin ,
Je quitte mon Hôte mesquin .
En entrant dans le Bois prochain ,
'Au pied d'un épaís Aubepin ,
Je voy la femme de Robin ,
Sur la fougere et le plantin ,
'Assise auprès d'un blond Forain ,
Je ne suis à malice enclin ,
Mais je soupçonnai , cher Lubin ,
Ce tête - à-tête clandestin ;
Car la pudeur n'est pas un frein ,
Quî retienne un coeur feminin ,
Quand vers un objet masculin,
L'entraîne l'amoureux Lutin.
Enfin chez mon cousin germain ,
J'arrive , graces au Destin,
Et j'y vais boire à verre plein ,
Du
NOVEMBRE. 1731. 2523
Du Champagne et du Chambertin ,
Que je préfere au vin du Rhin ,
Et même au Nectar que Jupin ,
Se fait servir par son Menin.,
Adieu donc , jusques à demain.
M. COCQUARD , Avocat au Parlement
de Dijon.
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Résumé : EPITRE FAMILIERE, A M. GILET, Ancien Substitut en la Chambre des Comptes de Dijon.
L'épître familière adressée à M. Gilet, ancien substitut à la Chambre des Comptes de Dijon, décrit une journée du narrateur en novembre 1731. Le narrateur est réveillé par le bruit d'un voisin et se rend à l'office divin chez un dominicain. Ensuite, il se dirige vers la maison de son cousin à Gaillardin. En chemin, il rencontre un petit seigneur qui l'invite à goûter son vin. Le narrateur décrit la demeure du seigneur, où il observe plusieurs membres de la famille occupés à diverses activités. La maîtresse de maison se pare élégamment pour le recevoir. Le repas servi est modeste et comprend du pain, du cochon, du boudin, du vin, du poisson, du massepain et du raisin. Plusieurs invités, dont un médecin, un comédien, un soldat et un abbé, se joignent à la conversation. Après le repas, le narrateur quitte l'hôte pour se rendre chez son cousin, où il savoure du champagne et du chambertin. Il conclut en saluant M. Cocquard, avocat au Parlement de Dijon.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 453-457
EPITHALAME, A M. le Comte de Marigny-Pribrac, sur le Mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, sa petite-fille, et petite-niéce de M. le Cardinal de Bissy, avec M. le Comte de la Magdelaine Ragny.
Début :
Un jour, las d'écouter les plaintes et les voeux, [...]
Mots clefs :
Amour, Hymen, Minerve, Bragny, Déesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITHALAME, A M. le Comte de Marigny-Pribrac, sur le Mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, sa petite-fille, et petite-niéce de M. le Cardinal de Bissy, avec M. le Comte de la Magdelaine Ragny.
EPITH ALAME,
AM.le Comte de Marigny-Pibrac , ( a )
sur le Mariage de Mademoiselle de
Tyard - Bragny , sa petite-fille , et petiteniéce de M. le Cardinal de Bissy , avec
M.le Comte de la Magdelaine Ragny.
N jour , las d'écouter les plaintes et les vœux ,
Des Epoux asservis sous un joug rigoureux ,
Jupiter au Dieu d'Hymenée
Reprocha vivement leur triste destinée.
Oui , c'est vous , lui dit-il , qui causez leurs mal- heurs ,
Lorsque sans consulter leurs panchans-, leurs humeurs ,
Vous osez à Plutus en faire un Sacrifice :
Moi - même tous les jours , grace à votre ca⇒
price ,
J'éprouve des chagrins que j'ai peine à bannir , `
( a ) M. de Pibrac , Chancelier de Marguerite
de Valois , Reine de Navarre , Président et Conseiller au Conseil du Roy , connu par ses diverses Ambassades et par ses fameux Quatrains , est le BisAyeul do M, le Comte de Marigny-Pibrac.
De
454 MERCURE DE FRANCE
Et ma foudre cent fois auroit dû vous punir ;
De m'avoir choisi pour Epouse >
Junon, ma propre sœur , querelleuse et jalouse.
L'Hymen tremble à ces mots altiers ;
L'Amour par un souris, en témoigne sa joye ,
Aux dépens de l'Hymen , l'Amour rit volon
tiers.
Eh-bien ! vous le il faut voyez ,
l'on que pourvoye ,
Dit le Dieu de Cythere , aux maux que vous causez ,
Mon Frere , tant d'Epoux que vous tyrannisez
D'un regret éternel ne seroient point la proye,
Si nous n'étions pas divisez.
Pour rendre heureux les cœurs , je vous ouvre
une voye ,
C'est de souffrir, qu'à l'avenir .
Je vous livre tous ceux que vous devrez unir.
Aux conseils de l'Amour, qui cherche à le
séduire
L'Hymen étoit prêt à souscrire ,
Quand Minerve élevant sa voix ,
´Arrêtez , lui dit-elle , est- ce ainsi qu'on oublie
Que croire l'Amour seul , c'est croire la Folie ?
Des Sujets que sans aucun choix ,
L'Hymen par Cupidon , voit ranger sous ses loix&
L'aveugle
MARS. 1732. 455
L'aveugle passion est à peine assouvie ,
Que tout leur feu s'éteint , que le dégoût s'en,
suit:
L'Epouse à son réveil funeste ,
Voit que le tendre Amant s'enfuit ,
Et que l'Epoux fâcheux lui reste.
De vos Fêtes, Hymen , ce n'est pas qu'à mon tour ,
Je prétende bannir le Dieu de la tendresse ,
Non ; mais n'invitez pas l'Amour sans la Sa
gesse,
Ni la Sagesse sans l'Amour,
Jupiter applaudit à la sage Déesse ,
Minerve , Hymen , Amour , que votre haine cesse ,
Et tous trois à mes yeux courez vous embrasser ;
Je veux , dit- il , je veux que dès cette journée ,
Pallas marque à l'Amour les Cœurs qu'il faut
blesser
Pour les assujettir aux loix de l'Hymenée.
J'ai déja fait un choix , reprend soudain Pallas ;
Et l'Amour et PHymen n'ont qu'à suivre mes
pas
De la voûte étoilée , on voit ces Dieux des- cendre :
D'un yol léger ils vont se rendre
Chez
455 MERCURE DE FRANCE
Chez Ragny , qui croissant à l'ombre des Lau- riers ,
Cueillis par ses Ayeux guerriers ,
S'exerçoit sans relâche Gloire ,
→ aux Vertus que la
Grave éternellement au Temple de Mémoire.
Pallas d'un air plein de douceur ,
Lui tient , en l'abordant , ce langage flateur.
Mortel , chéri des Dieux , reconnoissez Minerve.
Je viens vous annoncer que le Ciel vous réserve
Pour faire bientôt le bonheur
D'une sage Beauté qui doit faire le vôtre ;
Les liens dont l'Hymen vous joindra l'un et
l'autre ,
Suivront l'offre de votre cœur.
Courez , allez trouver cette aimable Mortelle ,
Elle est digne de vous , comme vous digne delle.
C'est la jeune Bragny , qui paroît ignorer
Tous les attraits divers qui la font adorer.
Je ne vous vante point son ancienne noblesse ,
Ce mérite étranger charme peu le Sagesse ;
Mais pour être assûré des vertus de Bragny,
Apprenez qu'elle sort du sang de Marigny.
Ragný párt à ces mots. Minerve sur ses tračės
Conduit l'Amour , l'Hymen , les Plaisirs et les
Graces ;
Il
MARS. 1732. 457
1 joint Bragny, lui parle , elle ose l'écouter ;
Son extrême délicatesse ,
Ne lui défend pas d'accepter
L'hommage d'un Mortel , guidé par la Sagesse.
De cet heureux instant , l'Amour sçait profiter ,
il prend son arc , il tire , et tous deux i les blesse
De traits qui dans leurs cœurs ouverts à la tendresse ,
Font naître des transports, jusqu'alors inconnus;
Et PHymen secondant l'ardeur qui les entraîne ,
Compose pour eux une chaîne
De la Ceinture de Vénus.
Ovous, qui recevez en ce jour agréable,
De leur douce union un pur contentement
Trop heureux , Marigny , ne doutez nullement
Que leur félicité ne soit invariable ,
Puisque par la vertu d'un Hymen si charmant
Leur amour sera sage , et leur sagesse aimable.
Par M. CocQUARD, Avocat au
Parlement de Dijon.
AM.le Comte de Marigny-Pibrac , ( a )
sur le Mariage de Mademoiselle de
Tyard - Bragny , sa petite-fille , et petiteniéce de M. le Cardinal de Bissy , avec
M.le Comte de la Magdelaine Ragny.
N jour , las d'écouter les plaintes et les vœux ,
Des Epoux asservis sous un joug rigoureux ,
Jupiter au Dieu d'Hymenée
Reprocha vivement leur triste destinée.
Oui , c'est vous , lui dit-il , qui causez leurs mal- heurs ,
Lorsque sans consulter leurs panchans-, leurs humeurs ,
Vous osez à Plutus en faire un Sacrifice :
Moi - même tous les jours , grace à votre ca⇒
price ,
J'éprouve des chagrins que j'ai peine à bannir , `
( a ) M. de Pibrac , Chancelier de Marguerite
de Valois , Reine de Navarre , Président et Conseiller au Conseil du Roy , connu par ses diverses Ambassades et par ses fameux Quatrains , est le BisAyeul do M, le Comte de Marigny-Pibrac.
De
454 MERCURE DE FRANCE
Et ma foudre cent fois auroit dû vous punir ;
De m'avoir choisi pour Epouse >
Junon, ma propre sœur , querelleuse et jalouse.
L'Hymen tremble à ces mots altiers ;
L'Amour par un souris, en témoigne sa joye ,
Aux dépens de l'Hymen , l'Amour rit volon
tiers.
Eh-bien ! vous le il faut voyez ,
l'on que pourvoye ,
Dit le Dieu de Cythere , aux maux que vous causez ,
Mon Frere , tant d'Epoux que vous tyrannisez
D'un regret éternel ne seroient point la proye,
Si nous n'étions pas divisez.
Pour rendre heureux les cœurs , je vous ouvre
une voye ,
C'est de souffrir, qu'à l'avenir .
Je vous livre tous ceux que vous devrez unir.
Aux conseils de l'Amour, qui cherche à le
séduire
L'Hymen étoit prêt à souscrire ,
Quand Minerve élevant sa voix ,
´Arrêtez , lui dit-elle , est- ce ainsi qu'on oublie
Que croire l'Amour seul , c'est croire la Folie ?
Des Sujets que sans aucun choix ,
L'Hymen par Cupidon , voit ranger sous ses loix&
L'aveugle
MARS. 1732. 455
L'aveugle passion est à peine assouvie ,
Que tout leur feu s'éteint , que le dégoût s'en,
suit:
L'Epouse à son réveil funeste ,
Voit que le tendre Amant s'enfuit ,
Et que l'Epoux fâcheux lui reste.
De vos Fêtes, Hymen , ce n'est pas qu'à mon tour ,
Je prétende bannir le Dieu de la tendresse ,
Non ; mais n'invitez pas l'Amour sans la Sa
gesse,
Ni la Sagesse sans l'Amour,
Jupiter applaudit à la sage Déesse ,
Minerve , Hymen , Amour , que votre haine cesse ,
Et tous trois à mes yeux courez vous embrasser ;
Je veux , dit- il , je veux que dès cette journée ,
Pallas marque à l'Amour les Cœurs qu'il faut
blesser
Pour les assujettir aux loix de l'Hymenée.
J'ai déja fait un choix , reprend soudain Pallas ;
Et l'Amour et PHymen n'ont qu'à suivre mes
pas
De la voûte étoilée , on voit ces Dieux des- cendre :
D'un yol léger ils vont se rendre
Chez
455 MERCURE DE FRANCE
Chez Ragny , qui croissant à l'ombre des Lau- riers ,
Cueillis par ses Ayeux guerriers ,
S'exerçoit sans relâche Gloire ,
→ aux Vertus que la
Grave éternellement au Temple de Mémoire.
Pallas d'un air plein de douceur ,
Lui tient , en l'abordant , ce langage flateur.
Mortel , chéri des Dieux , reconnoissez Minerve.
Je viens vous annoncer que le Ciel vous réserve
Pour faire bientôt le bonheur
D'une sage Beauté qui doit faire le vôtre ;
Les liens dont l'Hymen vous joindra l'un et
l'autre ,
Suivront l'offre de votre cœur.
Courez , allez trouver cette aimable Mortelle ,
Elle est digne de vous , comme vous digne delle.
C'est la jeune Bragny , qui paroît ignorer
Tous les attraits divers qui la font adorer.
Je ne vous vante point son ancienne noblesse ,
Ce mérite étranger charme peu le Sagesse ;
Mais pour être assûré des vertus de Bragny,
Apprenez qu'elle sort du sang de Marigny.
Ragný párt à ces mots. Minerve sur ses tračės
Conduit l'Amour , l'Hymen , les Plaisirs et les
Graces ;
Il
MARS. 1732. 457
1 joint Bragny, lui parle , elle ose l'écouter ;
Son extrême délicatesse ,
Ne lui défend pas d'accepter
L'hommage d'un Mortel , guidé par la Sagesse.
De cet heureux instant , l'Amour sçait profiter ,
il prend son arc , il tire , et tous deux i les blesse
De traits qui dans leurs cœurs ouverts à la tendresse ,
Font naître des transports, jusqu'alors inconnus;
Et PHymen secondant l'ardeur qui les entraîne ,
Compose pour eux une chaîne
De la Ceinture de Vénus.
Ovous, qui recevez en ce jour agréable,
De leur douce union un pur contentement
Trop heureux , Marigny , ne doutez nullement
Que leur félicité ne soit invariable ,
Puisque par la vertu d'un Hymen si charmant
Leur amour sera sage , et leur sagesse aimable.
Par M. CocQUARD, Avocat au
Parlement de Dijon.
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Résumé : EPITHALAME, A M. le Comte de Marigny-Pribrac, sur le Mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, sa petite-fille, et petite-niéce de M. le Cardinal de Bissy, avec M. le Comte de la Magdelaine Ragny.
Le poème épithalame célèbre le mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, petite-fille et nièce du Cardinal de Bissy, avec le Comte de la Magdelaine Ragny. Il commence par une plainte de Jupiter à Hyménée, qui reproche à ce dernier de sacrifier les sentiments des époux au profit de la richesse. L'Amour et Minerve interviennent alors. L'Amour suggère de laisser les époux choisir leurs partenaires, tandis que Minerve met en garde contre les dangers de suivre uniquement la passion. Jupiter décide que l'Amour et Hyménée doivent suivre les conseils de la sagesse incarnée par Minerve. Minerve descend sur Terre et annonce au Comte de Ragny qu'il est destiné à épouser une jeune femme sage et vertueuse, Mademoiselle de Tyard-Bragny. Elle vante les mérites de Bragny, soulignant son origine noble et ses vertus. Minerve conduit ensuite l'Amour et Hyménée auprès de Bragny, qui accepte les hommages de Ragny. L'Amour les blesse de ses flèches, et Hyménée les unit par une chaîne symbolisant leur amour et leur sagesse. Le poème se termine par une bénédiction pour les époux, assurant que leur union sera heureuse et durable grâce à la combinaison de l'amour et de la sagesse.
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5
p. 725-726
MADRIGAL. Traduit de l'Italien du Marini.
Début :
Venus, je sçai qu'Amour a fui de ton Empire, [...]
Mots clefs :
Marini, Baiser
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL. Traduit de l'Italien du Marini.
MADRIGAL.
Traduit de l'Italien du Marini.
Enus , je sçai qu'Amour a fui de ton Empire.
Et qu'en proye au plus vifchagrin ,
Tu promets un baiser à qui te pourra dire ,
Ou se cache ce Dieu málin , *
Ah! cesse les regrets où ton cœur s'abandonne ,
* Le Poëte dans ces quatre Vers a fait allusion
aucommencement de la premiere Idille de Moschus,
et ce Madrigal est , à vrai dire , une Réponse à
cette Idille.
E iiij Déesse
726 MERCURE DE FRANCE
Déesse , donne-moi ce doux baiser promis,
Ou fais qu'Ismene me le donne ;
C'es dans ses beaux yeux qu'est ton Fils.
M. COQUARD, Avocat au Parlement .
de Dijon.
Traduit de l'Italien du Marini.
Enus , je sçai qu'Amour a fui de ton Empire.
Et qu'en proye au plus vifchagrin ,
Tu promets un baiser à qui te pourra dire ,
Ou se cache ce Dieu málin , *
Ah! cesse les regrets où ton cœur s'abandonne ,
* Le Poëte dans ces quatre Vers a fait allusion
aucommencement de la premiere Idille de Moschus,
et ce Madrigal est , à vrai dire , une Réponse à
cette Idille.
E iiij Déesse
726 MERCURE DE FRANCE
Déesse , donne-moi ce doux baiser promis,
Ou fais qu'Ismene me le donne ;
C'es dans ses beaux yeux qu'est ton Fils.
M. COQUARD, Avocat au Parlement .
de Dijon.
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Résumé : MADRIGAL. Traduit de l'Italien du Marini.
Le texte présente un madrigal traduit de l'italien par Marini, adressé à Enus. Amour a quitté son empire, et Enus promet un baiser à celui qui trouvera ce dieu. Le poème fait référence à la première idylle de Moschus et mentionne M. Coquard, avocat au Parlement de Dijon.
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6
p. 818
IDYLLE. Traduite du Grec de Bion.
Début :
Avec un zele extreme, au malin Dieu d'Amour [...]
Mots clefs :
Grec, Dieu d'amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IDYLLE. Traduite du Grec de Bion.
IDYLL E,
Traduite du Grec de Bion.
Τα Μοῖσαι τον Ερωτα ,
Vec un zele extreme, au malin Dieu d'Amour
Les Filles de Memoire en tous lieux font leur
cour.
Aussi , qu'un. Insensible ose s'approcher d'elles ,
Il les fait toutes fuir et les trouve rebelles ;
Mais dès que fléchissant sous le joug amoureux,
D'un air tendre il commence à soupirer sesfeux,
85°
Elles lui vont soudain offrir leur assistance.
On peut s'en rapporter à mon experience ;
Si je chante un Heros ou quelqu'autre des Dieux,
Les accens de ma voix n'ont rien de gracieux;
Mais quand je veux chanter ou l'Amour ou Silvie,
De ma bouche les Vers coulent pleins d'har monie,
Par M. CoCQUARD, Avocat an Par
lement de Dijon.
Traduite du Grec de Bion.
Τα Μοῖσαι τον Ερωτα ,
Vec un zele extreme, au malin Dieu d'Amour
Les Filles de Memoire en tous lieux font leur
cour.
Aussi , qu'un. Insensible ose s'approcher d'elles ,
Il les fait toutes fuir et les trouve rebelles ;
Mais dès que fléchissant sous le joug amoureux,
D'un air tendre il commence à soupirer sesfeux,
85°
Elles lui vont soudain offrir leur assistance.
On peut s'en rapporter à mon experience ;
Si je chante un Heros ou quelqu'autre des Dieux,
Les accens de ma voix n'ont rien de gracieux;
Mais quand je veux chanter ou l'Amour ou Silvie,
De ma bouche les Vers coulent pleins d'har monie,
Par M. CoCQUARD, Avocat an Par
lement de Dijon.
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Résumé : IDYLLE. Traduite du Grec de Bion.
Le poème 'IDYLL E' de Bion, traduit par M. CoCQUARD, décrit les Muses, sensibles à l'amour. Elles aident ceux qui aiment et fuient les autres. Le poète note que ses vers sont ordinaires sauf lorsqu'il chante l'amour ou Sylvie.
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7
p. 1482-1489
DIVERTISSEMENT. Executé chez Madame *** au sujet de l'Asyle qu'elle a donné à une Assemblée de Musique qu'on avoit voulu détruire.
Début :
PERSONNAGES. MINERVE, Déesse de la Sagesse et des Beaux-Arts. [...]
Mots clefs :
Asile, Assemblée de musique, Triomphe, Heureux, Personnages
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DIVERTISSEMENT. Executé chez Madame *** au sujet de l'Asyle qu'elle a donné à une Assemblée de Musique qu'on avoit voulu détruire.
DIVERTISSEMENT.
Executé chez Madame *** au sujet de
l'Asyle qu'elle a donné à une Assemblée
de Musique qu'on avoit voulu détruire.
PERSONNAGES.
Minerve , Déesse de la Sagesse et des
Beaux- Arts.
Apollon ,
Terpsicore, Muse qui préside à la Lyre.
Euterpe , Muse qui préside à la Flute.
Eleves de Terpsicore et d'Euterpe.
La Scene est au Parnasse.
Q
Apollon.
Uel silence regne en ces lieux !
Et quel spectacle, ô Ciel, se presente à mes yeux !
Terpsicore désespérée ,
Pousse de longs soupirs, garants de ses douleurs;
Et comme Elle , Euterpe éplorée ,
Me présage quelques malheurs.
Quel est le sujet de vos pleurs ?
Parlez , que sans détour votre bouche plaintive ,
Daigne à ma foy le confier !
Terpsicore , d'où vient que votre Lyre oisive
Est
JUILLET.
1483 1732
Est suspendue à ce Laurier?
Et qu'Euterpe au pied de ce Hêtre ,
Languissant avec vous dans un triste repos,
Du son de sa Flute champêtre
Craint de réveiller nos Echos ? -
Terpsicore.
Non , n'attendez pas que j'expose
Avos yeux le plus noir forfait ;
Le tourment qu'une injure cause,
Redouble au récit qu'on en fait,
Apollon.
Ah! plutôt loin de vous contraindre,
Avos chagrins donnez un libre cours:
La douleur , à se plaindre ,
"
Se soulage toujours.
Terpsicore.
Non , n'attendez pas que j'expos
A vos yeux le plus noir forfait
Le tourment qu'une injure cause
Redouble au récit qu'on en fait.
Apollon.
Eh bien si vous voulez dissimuler l'offense
Qui de vos déplaisirs aigrit la violence ,
Nommez-moi seulement , qui vous ose outfa→
gerEt
1484 MERCURE DE FRANCE
Et mes traits vont vous en venger.
Euterpe.
Ah ! l'espoir de cette vengeance
Suffit pour m'engager à rompre le silence.
Avec des Amphions naissans ,
Par l'ordre de Pallas qui toujours nous seconde
Dans les Climats que l'Ouche arrose de son ondé ,
Tranquilles , nous formions des Accords ravis→
sans ;
Lorsque l'affreuse Envie , ardente à nous détruire ,
Est venueinfecter de ses cruels poisons ,
Le lieu qui résonnoit de nos tendres Chansons
De ma sœur éperduë elle a soüillé la Lyre ,
Et dispersé nos Nourrissons.
८
Apollon.
Muses , croyez- en mon Oracle ,
Vous vaincrez ses efforts jaloux ;
Les Ris renaîtront parmi Vous ;
Plus on a souffert d'un obstacle ,
Et plus le triomphe en est doux.
"Sur les flots , quand l'orage gronde ,
Le pâle Nocher craint la mort ;
Mais si quelque heureux coup du Sort
Le
JUILLET. 1732. 1485
Le dérobe aux fureurs de l'Onde,
Plus joyeux il arrive au Port.
Muses, croyez-en mon Oracle,
Vous vaincrez ses efforts jaloux ;
Les Ris renaîtront parmi Vous;
Plus on a souffert d'un obstacle ,
Et plus le triomphe en est doux.
Mais quelle Déïté suprême ,
En ces lieux tout-à- coup éblouit mes regards
Euterpe.
O Ciel ! c'est Minerve elle-même ,
Qui vient de rassembler nos Nourrissons épars.
SCENE I I.
Minerve , Apollon , Terpsicore , Euterpe .
Eleves de Terpsicore et d'Euterpe.
Euterpe.
Venez , secourable Déesse ,
Venez par vos conseils vainqueurs
Rétablir l'allégresse
Dans le fond de nos cœurs.
Terpsicore. •
Les malheureux en votre absence
S'abandonnent au désespoir ;
1
B Mais
148 MERCURE DE FRANCE
Mais ils recouvrent l'esperance ,
Si-tôt qu'ils peuvent vous revoir.
Euterpe et Terpsicore.
Venez , secourable Déesse ,
Venez par vos conseils vainqueurs ,
Rétablir l'allégresse ,
Dans le fond de nos cœurs.
Minerve.
Devos tristes regrets étouffez le murmure ;
Muses , j'ai sçu , j'ai plaint , j'ai vengé votre injure. "
Pour remplir les projets que vous aviez for- mez ,
TAMYRHE ( a ) qui vous aime autant que vous l'aimez ,
TAMYRHE , à mes conseils docile ,
A tous vos Nourrissons par ma voix ranimez
Dans un superbe lieu promet un sûr Azyle.
Decet heureux succès dont vos cœurs sont chaimez ,
J'ai vû pâlir l'Envie , elle se désespere ,
Et dans son Antre obscur, plein d'Insectes rampans ,
Ce Monstre écumant de colere ,
Est allé loin de vous , dévorer ses Serpens.
( a) L'on désigne sous ce nom , Madame ⋆ ⋆
qui a donnéAsyle à l'Assemblée de Musique , persécutée par les Envieux.
Terpsi-
JUILLET. 1732 1487
Terpsicore et Euterpe.
Triomphe ! Victoire !
De Minerve en ce jour
Celebrons la gloire
Et chantons tour à tour
Triomphe ! Victoire !
Apollon et les Eleves de Terpsicore
et d'Euterpe.
Triomphe ! Victoire !
De Minerve en ce jour ,
Celebrous la gloire ,
Et chantons tour à tour ,
Triomphe ! Victoire !
Minerve.
Pouvois-je moins faire pour vous
Que d'embrasser votre deffense ?
De tous les Arts divers qui sont sous ma puissance ,
Le Vêtre de tout temps m'a paru le plus doux.*
Heureux qui de l'Harmonie
Entend les sons mélodieux !
Ils font dans les Cieux
Le plaisir des Dieux ,
Et par tux des Humains la peine est adoucie.
Heureux qui de l'Harmonie
Bij Entend
1488 MERCURE DE FRANCE
Entend les sons mélodieux !
Les charmes invincibles
D'une agréable Voix
Ont dompté la fureur des Ours les plus terri
bles ,
Et sçû rendre sensibles
Les Rochers et les Bois.
Sur l'infernale Rive ,
Le Dieu même des Morts ?
Aprêté quelquefois une oreille attentive
A de tendres Accords.
Apollon , Terpsicore , Euterpe ;
et leurs Eleves.
Heureux qui de l'Harmonie
Intend les sons mélodieux !
Ils font dans les Cieux
Le plaisir des Dieux ,
Et par eux ,des Humains , la peine est adoucie.
Heureux qui de l'Harmonic
Entend les sons mélodieux !
Minerve.
Ovous qui d'un sort tranquille
Joüirez désormais , en dépit des Jaloux ,
Dans le glorieux azyle,
Que
JUILLET: 1732 . 1489
Que TAMYRHE à mes yeux vient d'accorder pous vous ,
Aux yeux de cette Mortelle ,
Par les Airs les plus touchans
Signalez tous votre zéle ;
Elle est digne de vos Chants ,
Que vos Chants soient dignes
d'Elle.
Terpsicore , Euterpe et leurs Eleves.
Aux yeux de cette Mortelle ,
Par les Airs les plus touchans,
Signalons tous notre zele ;
Elle est digne de nos Chants ,
Que nos Chants soient dignes d'Elle.
Les paroles sont de M. COCQUARD , Avocat au
Parlement de Dijon , et la Musique de M. l'Abbé FAUBERT
Executé chez Madame *** au sujet de
l'Asyle qu'elle a donné à une Assemblée
de Musique qu'on avoit voulu détruire.
PERSONNAGES.
Minerve , Déesse de la Sagesse et des
Beaux- Arts.
Apollon ,
Terpsicore, Muse qui préside à la Lyre.
Euterpe , Muse qui préside à la Flute.
Eleves de Terpsicore et d'Euterpe.
La Scene est au Parnasse.
Q
Apollon.
Uel silence regne en ces lieux !
Et quel spectacle, ô Ciel, se presente à mes yeux !
Terpsicore désespérée ,
Pousse de longs soupirs, garants de ses douleurs;
Et comme Elle , Euterpe éplorée ,
Me présage quelques malheurs.
Quel est le sujet de vos pleurs ?
Parlez , que sans détour votre bouche plaintive ,
Daigne à ma foy le confier !
Terpsicore , d'où vient que votre Lyre oisive
Est
JUILLET.
1483 1732
Est suspendue à ce Laurier?
Et qu'Euterpe au pied de ce Hêtre ,
Languissant avec vous dans un triste repos,
Du son de sa Flute champêtre
Craint de réveiller nos Echos ? -
Terpsicore.
Non , n'attendez pas que j'expose
Avos yeux le plus noir forfait ;
Le tourment qu'une injure cause,
Redouble au récit qu'on en fait,
Apollon.
Ah! plutôt loin de vous contraindre,
Avos chagrins donnez un libre cours:
La douleur , à se plaindre ,
"
Se soulage toujours.
Terpsicore.
Non , n'attendez pas que j'expos
A vos yeux le plus noir forfait
Le tourment qu'une injure cause
Redouble au récit qu'on en fait.
Apollon.
Eh bien si vous voulez dissimuler l'offense
Qui de vos déplaisirs aigrit la violence ,
Nommez-moi seulement , qui vous ose outfa→
gerEt
1484 MERCURE DE FRANCE
Et mes traits vont vous en venger.
Euterpe.
Ah ! l'espoir de cette vengeance
Suffit pour m'engager à rompre le silence.
Avec des Amphions naissans ,
Par l'ordre de Pallas qui toujours nous seconde
Dans les Climats que l'Ouche arrose de son ondé ,
Tranquilles , nous formions des Accords ravis→
sans ;
Lorsque l'affreuse Envie , ardente à nous détruire ,
Est venueinfecter de ses cruels poisons ,
Le lieu qui résonnoit de nos tendres Chansons
De ma sœur éperduë elle a soüillé la Lyre ,
Et dispersé nos Nourrissons.
८
Apollon.
Muses , croyez- en mon Oracle ,
Vous vaincrez ses efforts jaloux ;
Les Ris renaîtront parmi Vous ;
Plus on a souffert d'un obstacle ,
Et plus le triomphe en est doux.
"Sur les flots , quand l'orage gronde ,
Le pâle Nocher craint la mort ;
Mais si quelque heureux coup du Sort
Le
JUILLET. 1732. 1485
Le dérobe aux fureurs de l'Onde,
Plus joyeux il arrive au Port.
Muses, croyez-en mon Oracle,
Vous vaincrez ses efforts jaloux ;
Les Ris renaîtront parmi Vous;
Plus on a souffert d'un obstacle ,
Et plus le triomphe en est doux.
Mais quelle Déïté suprême ,
En ces lieux tout-à- coup éblouit mes regards
Euterpe.
O Ciel ! c'est Minerve elle-même ,
Qui vient de rassembler nos Nourrissons épars.
SCENE I I.
Minerve , Apollon , Terpsicore , Euterpe .
Eleves de Terpsicore et d'Euterpe.
Euterpe.
Venez , secourable Déesse ,
Venez par vos conseils vainqueurs
Rétablir l'allégresse
Dans le fond de nos cœurs.
Terpsicore. •
Les malheureux en votre absence
S'abandonnent au désespoir ;
1
B Mais
148 MERCURE DE FRANCE
Mais ils recouvrent l'esperance ,
Si-tôt qu'ils peuvent vous revoir.
Euterpe et Terpsicore.
Venez , secourable Déesse ,
Venez par vos conseils vainqueurs ,
Rétablir l'allégresse ,
Dans le fond de nos cœurs.
Minerve.
Devos tristes regrets étouffez le murmure ;
Muses , j'ai sçu , j'ai plaint , j'ai vengé votre injure. "
Pour remplir les projets que vous aviez for- mez ,
TAMYRHE ( a ) qui vous aime autant que vous l'aimez ,
TAMYRHE , à mes conseils docile ,
A tous vos Nourrissons par ma voix ranimez
Dans un superbe lieu promet un sûr Azyle.
Decet heureux succès dont vos cœurs sont chaimez ,
J'ai vû pâlir l'Envie , elle se désespere ,
Et dans son Antre obscur, plein d'Insectes rampans ,
Ce Monstre écumant de colere ,
Est allé loin de vous , dévorer ses Serpens.
( a) L'on désigne sous ce nom , Madame ⋆ ⋆
qui a donnéAsyle à l'Assemblée de Musique , persécutée par les Envieux.
Terpsi-
JUILLET. 1732 1487
Terpsicore et Euterpe.
Triomphe ! Victoire !
De Minerve en ce jour
Celebrons la gloire
Et chantons tour à tour
Triomphe ! Victoire !
Apollon et les Eleves de Terpsicore
et d'Euterpe.
Triomphe ! Victoire !
De Minerve en ce jour ,
Celebrous la gloire ,
Et chantons tour à tour ,
Triomphe ! Victoire !
Minerve.
Pouvois-je moins faire pour vous
Que d'embrasser votre deffense ?
De tous les Arts divers qui sont sous ma puissance ,
Le Vêtre de tout temps m'a paru le plus doux.*
Heureux qui de l'Harmonie
Entend les sons mélodieux !
Ils font dans les Cieux
Le plaisir des Dieux ,
Et par tux des Humains la peine est adoucie.
Heureux qui de l'Harmonie
Bij Entend
1488 MERCURE DE FRANCE
Entend les sons mélodieux !
Les charmes invincibles
D'une agréable Voix
Ont dompté la fureur des Ours les plus terri
bles ,
Et sçû rendre sensibles
Les Rochers et les Bois.
Sur l'infernale Rive ,
Le Dieu même des Morts ?
Aprêté quelquefois une oreille attentive
A de tendres Accords.
Apollon , Terpsicore , Euterpe ;
et leurs Eleves.
Heureux qui de l'Harmonie
Intend les sons mélodieux !
Ils font dans les Cieux
Le plaisir des Dieux ,
Et par eux ,des Humains , la peine est adoucie.
Heureux qui de l'Harmonic
Entend les sons mélodieux !
Minerve.
Ovous qui d'un sort tranquille
Joüirez désormais , en dépit des Jaloux ,
Dans le glorieux azyle,
Que
JUILLET: 1732 . 1489
Que TAMYRHE à mes yeux vient d'accorder pous vous ,
Aux yeux de cette Mortelle ,
Par les Airs les plus touchans
Signalez tous votre zéle ;
Elle est digne de vos Chants ,
Que vos Chants soient dignes
d'Elle.
Terpsicore , Euterpe et leurs Eleves.
Aux yeux de cette Mortelle ,
Par les Airs les plus touchans,
Signalons tous notre zele ;
Elle est digne de nos Chants ,
Que nos Chants soient dignes d'Elle.
Les paroles sont de M. COCQUARD , Avocat au
Parlement de Dijon , et la Musique de M. l'Abbé FAUBERT
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Résumé : DIVERTISSEMENT. Executé chez Madame *** au sujet de l'Asyle qu'elle a donné à une Assemblée de Musique qu'on avoit voulu détruire.
Le texte relate un divertissement organisé chez Madame *** en hommage à l'asile qu'elle a offert à une assemblée de musique menacée de destruction. La scène se déroule au Parnasse et implique plusieurs personnages divins : Minerve, Apollon, Terpsicore et Euterpe, ainsi que leurs élèves. Apollon, intrigué par l'atmosphère triste, interroge Terpsicore et Euterpe sur la cause de leur désespoir. Terpsicore refuse d'abord de parler, mais Euterpe révèle que l'Envie a perturbé leurs activités musicales en infectant leur lieu de rassemblement et en dispersant leurs élèves. Apollon les rassure en leur promettant que leurs efforts seront couronnés de succès. Minerve apparaît ensuite, annonçant qu'elle a vengé l'injure subie par les Muses. Elle révèle que Tamyrè, une protectrice des Muses, a offert un asile sûr à leurs élèves dans un superbe lieu. Minerve célèbre la victoire sur l'Envie et exalte les bienfaits de l'harmonie, capable d'apaiser même les créatures les plus féroces. Elle encourage les Muses et leurs élèves à honorer Madame *** par des chants dignes de sa protection. Les paroles du divertissement sont de M. Cocquard et la musique de l'Abbé Faubert.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 2362-2379
LETTRE sur l'Ail, écrite par M. COCQUART, Avocat au Parlement de Dijon, à M. ** le 15 Septembre 1732.
Début :
Quoi ! Monsieur, vous qui aimez tant l'Ail, et qui avez occasion d'en [...]
Mots clefs :
Ail, Grammairien , Singulier, Cuisinier, Philosophe, Poètes latins, Pluriel, Proverbe grec
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur l'Ail, écrite par M. COCQUART, Avocat au Parlement de Dijon, à M. ** le 15 Septembre 1732.
LETTRE sur l'Ail , écrite par M. CocQUARD , Avocat au Parlement de Dijon
à M. **. le 15 Septembre 1732.
Q
,
l'Ail, et avez
Uoi ! Monsieur Vous qui aimez
tant l'Ail , et qui avez occasion d'en
parler tous les jours , vous avez jusqu'ici
negligé de vous instruire si la pureté de
notre Langue veut qu'on dise des ails , ou
des aulx , ou simplement de l'ail ? En verité , je ne vous reconnois pas, et j'ai trop
de soin de votre réputation , pour ne
vous pas donner sur le champ l'éclaircis
sement que vous désirez.
Quoique , suivant la régle génerale établie par Vaugelas , 1 tous les noms dont
les pluriels se terminent en aulx , se terminent en al , ou en ail , dit T. Corneille,
Remarq. sur la Langue Franç. verb. Pseaume
pénitentiel.
I tous
NOVEMBRE. 1732 2363
I tous les noms terminez en ail ou en al
n'ont pas aulx au pluriel ; car si bail fait
baux , émail émaux , travail travaux , &c.
attirail , camail , détail , éventail , &c.
font attirails , camails , détails , éventails :
de sorte que c'est à l'usage seul qu'il faut recourir pour décider votre doute sur le
mot Ail.
Si l'on en croit un Grammairien ano
nyme , 2 on peut se servir de ce mot au
pluriel , et on doit dire des ails et non
des aulx. Richelet 3 avance que ce
mot ail faisoit il y a quelque- tems son
pluriel en aulx , mais qu'aujourd'hui il se
termine d'ordinaire en ails.
pas
Consultez au contraire Furetiere , 4 il
vous dira qu'ail fait aulx au pluriel. L'Académie Françoise 5 tient le même langage ; et je ne doute pas non plus que si
l'on étoit absolument contraint de se setvir du mot ail au pluriel , il ne fallût dire
des aulx et non pas des ails.
Mais , Monsieur , le plus sûr est de
n'employer ce mot qu'au singulier , et
Notes sur Vaugelas , verb. Pseaume péni tentiel.
2 Réflex. sur l'usage présent de la Langue.
3. Dictionn. verbo ail.
4 Dictionn. verbo ail."
5 Dictionn. vérbo ail.
C iiij voici
2364 MERCURE DE FRANCE
voici mes garants. Le Grammairien anonyme que je citois tout à l'heure , et qui
s'est déclaré pour ails plutôt que pour
aulx , avoue cependant qu'il aimeroit
mieux dire deux têtes d'ail que deux ails.
Menage I soûtient qu'encore que tous nos
Anciens ayent dit aulx , et même plusieurs
de nos Modernes , ce mot ail n'est plus
usité qu'au singulier. Richelet demeure
d'accord qu'il est plus en usage au singulier qu'au pluriel. M. de la Touche 2 croit
qu'on ne dit ni ails ni aulx au pluriel :
disons donc , il mange de l'ail , il aime
fail , il a mangé deux têtes d'ail , &c.
Eh bien ! Monsieur , vous voilà satisfait sur l'usage de ce mot; souffrez, s'il vous
plaît , que je me satisfasse à mon tour, en
déclamant ici contre la chose même ; d'autant plus que c'est vous qui m'en avez
donné depuis peu un juste sujet.
Il vous souvient , Monsieur , que Samedi dernier , soupant chez vous avec notre
ami ... vous nous vantâ es certains mets ,
qui me parurent effectivement si délicieux , que je ne pûs m'empêcher
149
1 Observ. sur la Langue Franç. Tom. 1. ch.
2 Art de bien parler François , Tom. II. ver bo ail.
De
NOVEMBRE. 1732. 2365
De faire en bien mangeant l'éloge des mor ceaux I
Et de dire à la louange de votre Ćuisinier :
Ma foi , vive Mignot et tout ce qu'il apre
te • 2
Mais je ne vous eus pas plutôt quitté ,
que je m'aperçûs de sa trahison , et que
» Dans le monde entier ,
Jamais empoisonneur ne sçût mieux son mé- tier. 3
Je me trouvai incommodé en rentrant
chez moi ; et après m'être plus d'une fois
écrié avec Horace : 4
Quid hoc veneni savit in pracordiis ?
Num viperinus his cruor
Incoctis herbis mefefellit ? an malas
Canidia tractavit dapes ?
Je reconnus enfin que mon incommodité provenoit très - certainement de la
trop grande quantité d'ail que votre Cuisinier avoit mis dans ses ragoûts. Et quoiPlines assûre l'ail est ami de Ve- que que
1 Boileau , Sat. III.
2 Boileau , Sat. III.
3 Ode 3. Liv. V.
4 Hist. Natur.L. XX. Ch, 6.
Cv nus,
2366 MERCURE DE FRANCE
nus , et fait dormir; je m'allai non seut
lement coucher dans un appartement éloigné decelui de ma femme , mais je ne pûs
fermer l'œil de toute la nuit ; je la passai
en murmurant , tantôt contre votre Cuisinier , et tantôt contre vous- même ; oui,
contre vous-même , mangeur d'ail que
Vous êtes ; et s'il vous arrive jamais de
demander de semblables ragoûts lorsqu'il
vous plaira de m'inviter , vous serez bien
heureux que je me contente de faire contre vous l'imprécation dont Horace I menaça autrefois Mécene , qui lui avoit fait
manger d'un plat d'herbes où l'on avoit
mêlé de l'ail :
A si quidunquam tale concupiveris,
Jocose Mecenas, precor
Manum puella suavio opponat tuo ,
Extrema et in spondâ cubet.
Dès que les Cocqs commencerent à
chanter , je me levai dans le dessein d'aller respirer à la Campagne un air plus
pur que celui de ma chambre , qui étoit
empestée les exhalaisons de l'ail dont par
j'avois été empoisonné la veille.
» Mais admire avec moi le sort dont la pour
suite
Ode 3. Liv. y5 .
Me
NOVEMBRE. 1732. 2367,
Me fait courir alors au piége que j'évite. 1
:
Comme c'étoit un Dimanche , je fus ;
avant que de partir , obligé d'entendre
la Messe à peine étois-je à genoux dans
le fond d'une Chapelle , que de miserables Vignerons , qui se vinrent ranger
autour de moi , penserent me faire évanoüir par l'odeur insupportable de l'ail qui
avoit déja infecté leur haleine : ce qui me
fit faire deux refléxions ; l'une , que si
j'avois eu le malheur de naître chez la
Nation Egyptienne du temps qu'on la
voyoit
Adorer les Serpens , les Poissons , les Oi seaux
» Aux Chiens , aux Chats , aux Boucs , offrir des Sacrifices ,
Conjurer l'ail , l'oignon d'être à ses vœux propice ,
»Et croire follement maîtres de ses destins ,
>> Ces Dieux nez du fumier porté dans ses Jar- dins ;
Je n'aurois jamais pû me résoudre à fléchir les genoux devant l'ail , et j'aurois
bien plutôt offert mon hommage à des
Dieux encore plus ridicules que tous
ceux dont Boileau a parlé d'après Juve溪 Racine , Andromaque , Act 1. Sc. 1.
Cvj nal
2368 MERCURE DE FRANCE
nal et Pline 1 dans les Vers que vous ve
nez de lire.
Ma seconde refléxion fut que de même
qu'il étoit défendu à ceux qui avoient
mangé de l'ail , d'entrer dans le Temple
de la Mere des Dieux , 2 il seroit à souhaiter qu'à l'avenir , on défendit aussi
très-expressément à toutes personnes de
quelque qualité et condition qu'elles fussent , de mettre le pied dans nos Eglises
après en avoir mangé
En attendant ces défenses salutaires ;
j'eus beau inviter les Manans dont j'ai
parlé , à s'éloigner un peu de moi , par
rapport à l'incommodité que me causoit
l'odeur de l'ail dont ils s'étoient regalez.
Rustica progenies nescit habere modum. 5·
?
Ces Manans ne bougerent point : Palsandié , me répondit l'un d'entre eux
si cette odeur vous incommode tant , je consentons , pour vous faire plaisir, de ne jamais manger d'ail , à condition néanmoins
que vous nous envoyerez tous les jours des
mêts plus friands. Cette repartie , de la
1 Boileau , Sat. 12. Juvenal Sat. 15. Pline Hist. nat. Liv. 19 ch. 6.
2 Athenée , Liv . X. ch. s.
3 Ovide.
2 C
part
NOVEMBRE. 1732. 2369
part d'un Rustaud , m'en rappelle en ce
moment une toute semblable que fit ацtrefois un Philosophe à la bonne Déesse :
Voici à quel propos. Stilpon de Mégare ,
Disciple d'Euclide , étant non- seulement
entré dans le Temple de Cybelle , après
avoir bien mangé de l'ail ; mais s'y étant
couché et endormi , il crut voir en songe
cette Déesse qui lui reprochoit ainsi son
audace : Quoi! Stilpon , vous êtes Philosophe , et vous violez ma loi qui défend
L'entrée de mon Temple à tous ceux qui ont
mangé de Pail Ah ! Déesse , répondit
Stilpon toujours en révant , donnez- moi
و
manger quelque chose de meilleur , et je
vous jure que je ne mangerai plus d'ail.
Vous remarquerez , Monsieur , en pas
sant , qu'Athenée 1 rapporte cette avanture comme une marque de la tempérance de Stilpon , et qu'au contraire , Mé
nage 2 et Bayle 3 l'alleguent comme une
preuve de l'irréligion de ce Philosophe.
Je n'examinerai point ici qui d'Ath née
ou de Ménage et Bayle a raison , de peur
que vous ne me disiez , d'après un Proverbe Grec > 4 que vous m'avez parlé
I Liv. X. Ch. 5.
2 Sur Diogene Laërt. L. II. n. 117.
Dictionn. verbo. Stilpon , Remarq. E.
4 E'zw' própoda mi a iww , &c.
Fail
2370 MERCURE DE FRANCE
d'ail , et que je vous réponds d'oignon. Revenons donc au petit voyage que j'avois médité , et dont vous avez été la
cause.
Au sortir de la Messe , je partis , espérant qu'après avoir bien pris l'air , je me
réjouirois à Chenove I chez un de mes
amis qui m'avoit très- souvent prié de
l'aller voir cette Automne. A moitié chemin , je rencontrai une certaine Coquette ,
Qui souvent d'un repas sortant toute enfu mée ,
Fait même à ses Amans trop foibles d'esto- mac >
Redouter ses baisers pleins d'ail et de tabac. z
Aussi tôt qu'elle m'eut reconnu , elle
fit arrêter sa Chaise , moins pour me
souhaitter le bon jour , que pour avoir
occasion de se plaindre de ce que dernierement je lui présentai mon oreille lorsqu'elle voulut m'embrasser à son retour de ***. En un autre tems , j'aurois d'abord été un peu embarassé sur ma réponse à ce reproche imprévû ; mais j'étois si
rempli de l'idée de l'ail , que cela me fit
1 Village à une lieuë de Dijon.
2 Boileau , Sat. X.
souve
NOVEMBRE. 1732. 2371
Souvenir sur le champ d'un Passage de
l'Amphitryon de Moliere , 1 où Sosie
s'excusant de n'avoir pas voulu baiser
Cléanthis , lui dit :
J'avois mangé de l'ail , et fis en homme sage
» De détourner un peu mon haleine de toi.
Ainsi je me tirai promptement d'affaire
avec ma Coquette , en lui débitant ces
deux Vers , que son amour propre lui fit
prendre pour une excuse sincere, et nous
continuâmes notre voïage ; elle du côté
de Dijon , et moi du côté de Chenove
Mais que cette Coquette fut bi n - tôt
vang'e et du refus que j'avois fait de recevoir son baiser , et de l'excuse que je
venois de lui alléguer ! Car étant arrivé
chez mon ami , je vis de si jolies et de si
agréables Demoiselles de ma connoissance, qu'une prompte tentation me vint de
les embrasser; j'étois sur le point d'y suctomber , quand à quelques pas d'elles , ja
sentis ,
Namque sagacius unus odor , 2
Je sentis l'odeur de l'ail le plus fort
dont la liberté qui regne à la Campagne,
les avoit engagées dès le matin à faire dé
1 Act. 2. Sect. 30
2 Horace, Ode 12. liv.ş..
bau
2372 MERCURE DE FRANCE
bauche ; de sorte que , comme , selon
Plutarque , l'Aimant frotté d'ail n'attire plus le fer , ces Belles n'eurent plus le
pouvoir de m'attirer , si - tôt que j'eus reconnu que l'Ail avoit porté préjudice à
leur haleine.
Pour comble d'infortune, lorsque l'heure du dîné fut venue, on nous servit force ragoûts, que j'aurois voulu que les.
Harpyes nous eussent enlevez de dessus
la Table , car ils étoient encore plus empoisonnez d'Ail que les vôtres. Toute la
Compagnie ne laissa pourtant pas de s'en
régaler :
Pour moi , j'étois si transporté ,
Qui donnant de fureur tout le festin au Dia- ble ,
"Jeme suis vû vingt fois prêt à quitter la Ta- ble ,
» Et dût-on m'appeller et fantasque et bourru
J'allois sortir enfin quand le Rot a paru. 2
Après dîné , on proposa une partie de
Quadrille , dont je fus ravi ; car comme il
s'offrit des Joueurs plus empressez que
moi , je me retirai dans un petit Cabinet,
où mon Ami me donna pour m'amuser ,
less Bucoliques de Virgile ; Ouvrage tres1 Propos de table , liv. 4. q. 7.
a Boileau, Sat. 111-
pro
NOVEMBRE. 1732. 2373
propre à lire à la Campagne , mais mon
mauvais sort me fit , à l'ouverture du Liyre ,justement tomber sur ces Vers:
Thestylis et rapido fessis messoribus astu ,
Allia , serpyllumque herbas contundit olentes. I
Robustes Moissonneurs , à qui l'Ail ne
fait point de mal , m'écriai - je à l'instant,
que j'envie votre estomac de fer !
O dura messorum ilia ! 2
Le passage de Virgile me fit naître la
curiosité de m'éclaircir dans le Commentaire , d'où vient que dès le tems duPrince des Poëtes Latins , l'on donnoit de l'Ait
aux Moissonneurs , fatiguez de la chaleur
du jour ; j'appris , et vous ne serez pas fâché d'apprendre , que c'est parce qu'on
s'imaginoit que l'Ail desseche les humeurs , causées par la trop grande quantité d'eau que les gens de cetre espece ont
coutume de boire , et sert de préservatif
contre le venin des Serpens qui pourroient les piquer.
Quelles que soient ces raisons , et quoique Briot 3 ait écrit que l'Ail est la Thériaque des Païsans , il me semble que si
1 Eglog. 2.
2
Horace , Ode 3. liv. 5.
1 Hist. natur. d'Angleterre.
}
j'avois
2374 MERCURE DE FRANCE
j'avois été en la place de ce Païsan donɛ
parle la Fontaine , 1 à qui son Seigneur offensé dit :
I
De trois choses l'une ,'
» Tu peux choisir ; ou de manger trente Aulx
J'entends sans boire , et sans prendre repos ,
B Ou de souffrir trente bons coups de Gaules ,
Bien appliquez sur tes larges épaules ,
Ou de payer sur le champ cent écus.
Il me semble , dis - je , que je n'aurois
pas été incertain du choix , et que je me
serois bien gardé de préferer , ainsi que le
Païsan, les trente Aulx sans boire , aux
trente coups de Gaules , et au payement
des cent écus ; j'aurois mieux aimé , au
contraire , recevoir les trente coups de
Gaules et payer encore les cent écus , que
de les trente Aulx , même en bû- manger
vant.
Enfin , Monsieur , mon aversion pour
l'Ail est si grande , qu'à mon retour , j'ai
renouvellé à ma Cuisiniere les deffenses
que je lui avois faites d'en acheter jamais
et d'en mêler dans aucune Sauce, ni dans
aucun Ragoûts et quoique Aristophane
2 ait voulu décrier un Avare , en disant
I Conte 5. tom. I.
2 Dans la Comédie des Guespes.
qu'il
NOVEMBRE. 1732 2375
qu'il ne donnoit pas une tête d'Ail, je me
flate au contraire qu'on me loüera de ce
que je n'en donnerai point du tout , et
qu'on ne meregardera pas pour cela com→
me un avaricieux. Bien plus , je vais faire
mettre au dessus de la Cheminée de ma
Cuisine un Tableau, où seront imprimezen gros caractere , ces mots : NE M'ANGE
NI AIL NI FEVES , qui sont la traduction d'un Proverbe Grec.
Je prévois , Monsieur , que pour soutenir les interêts des Mangeurs d'Ail ,
vous me répondrez que ce Proverbe Grec
ne doit pas être pris à la Lettre , et qu'il
signifie : Ne vaspas à la Guerre , et ne sois
pas fuge. Je conviens que Suïdas qui le
raporte , 2 prétend que c'en est là le véritable sens , parce qu'autrefois les Soldats
portoient avec eux et mangeoient de
Ail , et que les Juges rongeoient des
Féves pour s'empêcher de dormir à l'Audience mais aussi vous devez convenir
que pour faire entendre que le métier de
Soldat, et la condition de Juge n'étoient
pas à envier ; on ne s'est servi de ce Proverbe : Ne mange ni Ail , ni Féves , que
parce qu'au fond c'est un fort mauvais
aliment.
;
Z Mélanges Historiques.
E
2376 MERCURE DE FRANCE
Et ne me repliquez pas que Pline le
Naturaliste i dit qu'on croit que l'Ail est
bon pour quelques Médicamens , sur tout
à la Campagne ; car je vous répondrai.1 .
que les Poisons servent aussi dans la Médecine. 2° . Que le même Pline a remar
qué 2 plusieurs mauvaises qualitez de
F'Ail , entr'autres qu'il est venteux , qu'il
desseche l'estomac , qu'il cause la soif et
des inflammations , qu'il corrompt l'ha
leine , qu'il est nuisible à la vue. Qu'on
fasse cuire , ajoute - t - il , 3 de l'Ail qui
naît dans les Champs , et qu'on l'y séme
ensuite , les Oyseaux qui en mangeront
seront si étourdis,qu'ils se laisseront prendre à la main.
A considerer même l'étymologie du
mot Ail , il vient sans contredit du mot
latin Allium. 4 Or Allium n'a été ainsi
appellé , selon Isidore , 5 qu'à cause de la
forte odeur qu'il répand , Allium dictum
quòd oleat.
4
Et cette odeur infecte tellement l'endroit où croît l'Ail , que la même terre
ne peut en porter deux années de suite
7.1 Liv. 19. ch. 6.
2 Liv. 19. ch. 6. et Liv. 20. ch . 6.
3
Liv. 20. ch. 6.
4 Richelet , Dictionn, Verbo , Ail.
s Origin. ou Etymol. liv. 17. cap. 10. des cho es rustiques.
eq
NOVEMBRE. 1732. 2377
et que cette plante craint de s'y succeder
à elle-même. Cette derniere observation
est d'Olivier de Serres , 1 dans son Théatre d'Agriculture , qui , si l'on s'en rapporte à Scaliger , 2 est si beau , qu'Henry
IV. à qui il est dédié , se le faisoit apporter après dîner , durant trois ou quatre
mois ; et tout impatient qu'étoit ce Prin- ce , il y faisoit à chaque fois une lecture.
d'une demi heure. Continuons :
Eh ! comment pourroit- on se persuader que l'Ail n'est pas pernicieux , puisqu'il se nourrit du plus mauvais suc de la
terre ? C'est ce qui résulte de ce passage
de Plutarque : 3 Comme les bons Jardiniers , dit - il , estiment que les Roses et
les Violettes deviennent meilleures lorsqu'il y a de l'Ail semé auprès , parce que
Ail attire tout le mauvais suç de la terre
qui les nourrit , de même notre ennemi
attirant toute notre envie et notre malignité , nous rend plus traitables et plus.
gracieux envers nos amis qui sont dans
La prosperité. Remarquez er core , s'il vous
plait , Monsieur, le parallele que fait Plu tarque , de l'Ail et d'un Ennemi.
I Olivier de Serres , sieur du Pradel.
2 Scaligeriana.
3. Traité de l'utilité qu'on peut recevoir de ses ennemis.
Oka
2378 MERCURE DE FRANCE
Oseroit-on , après cela , trouver étran→
ge qu'Horace ait dit , 1 que l'Ail est plus
nuisible que la Ciguë ?
Cicutis allium nocentius ?
Que pour faire mourir les Parricides ;
il ne faut point choisir d'autre poison
que l'Ail?Que l'herbe dont Médée frotta
Jason , lorsqu'il alloit pour dompter les
fiers Taureaux qui gardoient la Toison
d'Or, étoit de véritable Ail ? Que la robbe qu'elle envoya à la fille de Créon , sa
Rivale , étoit empoisonnée avec del Ail ?
Notre Ami *** qui vient d'entrer
dans mon Cabinet , et qui par ces dernie
res lignes , qu'il a lûes familierement pardessus mon épaule , a deviné que cette
Lettre s'addressoit à vous , m'avertit que
vous ne manquerez pas de me faire icy
une objection que vous lui fîtes un jour ,
lorsqu'il vous cita cette Tirade d'Horace :
c'est- à - dire , que vous ne manquerez pas
de soûtenir qu'on doit rejetter le témoi
gnage de ce Poëte , parce qu'il ne paroît
pas tout-à-fait d'accord avec lui-même ,
puisqu'il attribue à l'Ail deux effets contraires , en disant que l'Ail fut salutaire à
Jason , et funeste à la fille du Roy de
Corinthe. Jules Scaliger avoit fait cette
Ode 3. liv. 5.
marque
NOVEMBRE. 1732. 2379
remarque avant vous , Monsieur ; mais
quelque plausible qu'elle semble d'abord
M. Dacier 1 y a suffisamment répondu ,
en faisant voir qu'Horace prétend que
Médée avoit donné quelque Antidote à
Jason , et que cet Ail dont elle le frotta
n'agissoit point contre lui , mais contre
les Taureaux qu'il vouloit dompter.
,
C'est pour le coup,Monsieur , que vous
direz avec fondement de mon éloquence, ce que Varron et Balzac 2 ont dit
de celle de quelques Sçavans , qu'elle sentoit l'Ail. Comme je craindrois que les
nouvelles Observations que je pourrois
ajoûter au sujet de l'Ail , ne vous engageassent à faire à votre tour contre moi ,
cette imprécation de Plaute.
TeJupiter Diique omnes perdant ,oboluisti allium .
Je suis , M onsieur , &c
à M. **. le 15 Septembre 1732.
Q
,
l'Ail, et avez
Uoi ! Monsieur Vous qui aimez
tant l'Ail , et qui avez occasion d'en
parler tous les jours , vous avez jusqu'ici
negligé de vous instruire si la pureté de
notre Langue veut qu'on dise des ails , ou
des aulx , ou simplement de l'ail ? En verité , je ne vous reconnois pas, et j'ai trop
de soin de votre réputation , pour ne
vous pas donner sur le champ l'éclaircis
sement que vous désirez.
Quoique , suivant la régle génerale établie par Vaugelas , 1 tous les noms dont
les pluriels se terminent en aulx , se terminent en al , ou en ail , dit T. Corneille,
Remarq. sur la Langue Franç. verb. Pseaume
pénitentiel.
I tous
NOVEMBRE. 1732 2363
I tous les noms terminez en ail ou en al
n'ont pas aulx au pluriel ; car si bail fait
baux , émail émaux , travail travaux , &c.
attirail , camail , détail , éventail , &c.
font attirails , camails , détails , éventails :
de sorte que c'est à l'usage seul qu'il faut recourir pour décider votre doute sur le
mot Ail.
Si l'on en croit un Grammairien ano
nyme , 2 on peut se servir de ce mot au
pluriel , et on doit dire des ails et non
des aulx. Richelet 3 avance que ce
mot ail faisoit il y a quelque- tems son
pluriel en aulx , mais qu'aujourd'hui il se
termine d'ordinaire en ails.
pas
Consultez au contraire Furetiere , 4 il
vous dira qu'ail fait aulx au pluriel. L'Académie Françoise 5 tient le même langage ; et je ne doute pas non plus que si
l'on étoit absolument contraint de se setvir du mot ail au pluriel , il ne fallût dire
des aulx et non pas des ails.
Mais , Monsieur , le plus sûr est de
n'employer ce mot qu'au singulier , et
Notes sur Vaugelas , verb. Pseaume péni tentiel.
2 Réflex. sur l'usage présent de la Langue.
3. Dictionn. verbo ail.
4 Dictionn. verbo ail."
5 Dictionn. vérbo ail.
C iiij voici
2364 MERCURE DE FRANCE
voici mes garants. Le Grammairien anonyme que je citois tout à l'heure , et qui
s'est déclaré pour ails plutôt que pour
aulx , avoue cependant qu'il aimeroit
mieux dire deux têtes d'ail que deux ails.
Menage I soûtient qu'encore que tous nos
Anciens ayent dit aulx , et même plusieurs
de nos Modernes , ce mot ail n'est plus
usité qu'au singulier. Richelet demeure
d'accord qu'il est plus en usage au singulier qu'au pluriel. M. de la Touche 2 croit
qu'on ne dit ni ails ni aulx au pluriel :
disons donc , il mange de l'ail , il aime
fail , il a mangé deux têtes d'ail , &c.
Eh bien ! Monsieur , vous voilà satisfait sur l'usage de ce mot; souffrez, s'il vous
plaît , que je me satisfasse à mon tour, en
déclamant ici contre la chose même ; d'autant plus que c'est vous qui m'en avez
donné depuis peu un juste sujet.
Il vous souvient , Monsieur , que Samedi dernier , soupant chez vous avec notre
ami ... vous nous vantâ es certains mets ,
qui me parurent effectivement si délicieux , que je ne pûs m'empêcher
149
1 Observ. sur la Langue Franç. Tom. 1. ch.
2 Art de bien parler François , Tom. II. ver bo ail.
De
NOVEMBRE. 1732. 2365
De faire en bien mangeant l'éloge des mor ceaux I
Et de dire à la louange de votre Ćuisinier :
Ma foi , vive Mignot et tout ce qu'il apre
te • 2
Mais je ne vous eus pas plutôt quitté ,
que je m'aperçûs de sa trahison , et que
» Dans le monde entier ,
Jamais empoisonneur ne sçût mieux son mé- tier. 3
Je me trouvai incommodé en rentrant
chez moi ; et après m'être plus d'une fois
écrié avec Horace : 4
Quid hoc veneni savit in pracordiis ?
Num viperinus his cruor
Incoctis herbis mefefellit ? an malas
Canidia tractavit dapes ?
Je reconnus enfin que mon incommodité provenoit très - certainement de la
trop grande quantité d'ail que votre Cuisinier avoit mis dans ses ragoûts. Et quoiPlines assûre l'ail est ami de Ve- que que
1 Boileau , Sat. III.
2 Boileau , Sat. III.
3 Ode 3. Liv. V.
4 Hist. Natur.L. XX. Ch, 6.
Cv nus,
2366 MERCURE DE FRANCE
nus , et fait dormir; je m'allai non seut
lement coucher dans un appartement éloigné decelui de ma femme , mais je ne pûs
fermer l'œil de toute la nuit ; je la passai
en murmurant , tantôt contre votre Cuisinier , et tantôt contre vous- même ; oui,
contre vous-même , mangeur d'ail que
Vous êtes ; et s'il vous arrive jamais de
demander de semblables ragoûts lorsqu'il
vous plaira de m'inviter , vous serez bien
heureux que je me contente de faire contre vous l'imprécation dont Horace I menaça autrefois Mécene , qui lui avoit fait
manger d'un plat d'herbes où l'on avoit
mêlé de l'ail :
A si quidunquam tale concupiveris,
Jocose Mecenas, precor
Manum puella suavio opponat tuo ,
Extrema et in spondâ cubet.
Dès que les Cocqs commencerent à
chanter , je me levai dans le dessein d'aller respirer à la Campagne un air plus
pur que celui de ma chambre , qui étoit
empestée les exhalaisons de l'ail dont par
j'avois été empoisonné la veille.
» Mais admire avec moi le sort dont la pour
suite
Ode 3. Liv. y5 .
Me
NOVEMBRE. 1732. 2367,
Me fait courir alors au piége que j'évite. 1
:
Comme c'étoit un Dimanche , je fus ;
avant que de partir , obligé d'entendre
la Messe à peine étois-je à genoux dans
le fond d'une Chapelle , que de miserables Vignerons , qui se vinrent ranger
autour de moi , penserent me faire évanoüir par l'odeur insupportable de l'ail qui
avoit déja infecté leur haleine : ce qui me
fit faire deux refléxions ; l'une , que si
j'avois eu le malheur de naître chez la
Nation Egyptienne du temps qu'on la
voyoit
Adorer les Serpens , les Poissons , les Oi seaux
» Aux Chiens , aux Chats , aux Boucs , offrir des Sacrifices ,
Conjurer l'ail , l'oignon d'être à ses vœux propice ,
»Et croire follement maîtres de ses destins ,
>> Ces Dieux nez du fumier porté dans ses Jar- dins ;
Je n'aurois jamais pû me résoudre à fléchir les genoux devant l'ail , et j'aurois
bien plutôt offert mon hommage à des
Dieux encore plus ridicules que tous
ceux dont Boileau a parlé d'après Juve溪 Racine , Andromaque , Act 1. Sc. 1.
Cvj nal
2368 MERCURE DE FRANCE
nal et Pline 1 dans les Vers que vous ve
nez de lire.
Ma seconde refléxion fut que de même
qu'il étoit défendu à ceux qui avoient
mangé de l'ail , d'entrer dans le Temple
de la Mere des Dieux , 2 il seroit à souhaiter qu'à l'avenir , on défendit aussi
très-expressément à toutes personnes de
quelque qualité et condition qu'elles fussent , de mettre le pied dans nos Eglises
après en avoir mangé
En attendant ces défenses salutaires ;
j'eus beau inviter les Manans dont j'ai
parlé , à s'éloigner un peu de moi , par
rapport à l'incommodité que me causoit
l'odeur de l'ail dont ils s'étoient regalez.
Rustica progenies nescit habere modum. 5·
?
Ces Manans ne bougerent point : Palsandié , me répondit l'un d'entre eux
si cette odeur vous incommode tant , je consentons , pour vous faire plaisir, de ne jamais manger d'ail , à condition néanmoins
que vous nous envoyerez tous les jours des
mêts plus friands. Cette repartie , de la
1 Boileau , Sat. 12. Juvenal Sat. 15. Pline Hist. nat. Liv. 19 ch. 6.
2 Athenée , Liv . X. ch. s.
3 Ovide.
2 C
part
NOVEMBRE. 1732. 2369
part d'un Rustaud , m'en rappelle en ce
moment une toute semblable que fit ацtrefois un Philosophe à la bonne Déesse :
Voici à quel propos. Stilpon de Mégare ,
Disciple d'Euclide , étant non- seulement
entré dans le Temple de Cybelle , après
avoir bien mangé de l'ail ; mais s'y étant
couché et endormi , il crut voir en songe
cette Déesse qui lui reprochoit ainsi son
audace : Quoi! Stilpon , vous êtes Philosophe , et vous violez ma loi qui défend
L'entrée de mon Temple à tous ceux qui ont
mangé de Pail Ah ! Déesse , répondit
Stilpon toujours en révant , donnez- moi
و
manger quelque chose de meilleur , et je
vous jure que je ne mangerai plus d'ail.
Vous remarquerez , Monsieur , en pas
sant , qu'Athenée 1 rapporte cette avanture comme une marque de la tempérance de Stilpon , et qu'au contraire , Mé
nage 2 et Bayle 3 l'alleguent comme une
preuve de l'irréligion de ce Philosophe.
Je n'examinerai point ici qui d'Ath née
ou de Ménage et Bayle a raison , de peur
que vous ne me disiez , d'après un Proverbe Grec > 4 que vous m'avez parlé
I Liv. X. Ch. 5.
2 Sur Diogene Laërt. L. II. n. 117.
Dictionn. verbo. Stilpon , Remarq. E.
4 E'zw' própoda mi a iww , &c.
Fail
2370 MERCURE DE FRANCE
d'ail , et que je vous réponds d'oignon. Revenons donc au petit voyage que j'avois médité , et dont vous avez été la
cause.
Au sortir de la Messe , je partis , espérant qu'après avoir bien pris l'air , je me
réjouirois à Chenove I chez un de mes
amis qui m'avoit très- souvent prié de
l'aller voir cette Automne. A moitié chemin , je rencontrai une certaine Coquette ,
Qui souvent d'un repas sortant toute enfu mée ,
Fait même à ses Amans trop foibles d'esto- mac >
Redouter ses baisers pleins d'ail et de tabac. z
Aussi tôt qu'elle m'eut reconnu , elle
fit arrêter sa Chaise , moins pour me
souhaitter le bon jour , que pour avoir
occasion de se plaindre de ce que dernierement je lui présentai mon oreille lorsqu'elle voulut m'embrasser à son retour de ***. En un autre tems , j'aurois d'abord été un peu embarassé sur ma réponse à ce reproche imprévû ; mais j'étois si
rempli de l'idée de l'ail , que cela me fit
1 Village à une lieuë de Dijon.
2 Boileau , Sat. X.
souve
NOVEMBRE. 1732. 2371
Souvenir sur le champ d'un Passage de
l'Amphitryon de Moliere , 1 où Sosie
s'excusant de n'avoir pas voulu baiser
Cléanthis , lui dit :
J'avois mangé de l'ail , et fis en homme sage
» De détourner un peu mon haleine de toi.
Ainsi je me tirai promptement d'affaire
avec ma Coquette , en lui débitant ces
deux Vers , que son amour propre lui fit
prendre pour une excuse sincere, et nous
continuâmes notre voïage ; elle du côté
de Dijon , et moi du côté de Chenove
Mais que cette Coquette fut bi n - tôt
vang'e et du refus que j'avois fait de recevoir son baiser , et de l'excuse que je
venois de lui alléguer ! Car étant arrivé
chez mon ami , je vis de si jolies et de si
agréables Demoiselles de ma connoissance, qu'une prompte tentation me vint de
les embrasser; j'étois sur le point d'y suctomber , quand à quelques pas d'elles , ja
sentis ,
Namque sagacius unus odor , 2
Je sentis l'odeur de l'ail le plus fort
dont la liberté qui regne à la Campagne,
les avoit engagées dès le matin à faire dé
1 Act. 2. Sect. 30
2 Horace, Ode 12. liv.ş..
bau
2372 MERCURE DE FRANCE
bauche ; de sorte que , comme , selon
Plutarque , l'Aimant frotté d'ail n'attire plus le fer , ces Belles n'eurent plus le
pouvoir de m'attirer , si - tôt que j'eus reconnu que l'Ail avoit porté préjudice à
leur haleine.
Pour comble d'infortune, lorsque l'heure du dîné fut venue, on nous servit force ragoûts, que j'aurois voulu que les.
Harpyes nous eussent enlevez de dessus
la Table , car ils étoient encore plus empoisonnez d'Ail que les vôtres. Toute la
Compagnie ne laissa pourtant pas de s'en
régaler :
Pour moi , j'étois si transporté ,
Qui donnant de fureur tout le festin au Dia- ble ,
"Jeme suis vû vingt fois prêt à quitter la Ta- ble ,
» Et dût-on m'appeller et fantasque et bourru
J'allois sortir enfin quand le Rot a paru. 2
Après dîné , on proposa une partie de
Quadrille , dont je fus ravi ; car comme il
s'offrit des Joueurs plus empressez que
moi , je me retirai dans un petit Cabinet,
où mon Ami me donna pour m'amuser ,
less Bucoliques de Virgile ; Ouvrage tres1 Propos de table , liv. 4. q. 7.
a Boileau, Sat. 111-
pro
NOVEMBRE. 1732. 2373
propre à lire à la Campagne , mais mon
mauvais sort me fit , à l'ouverture du Liyre ,justement tomber sur ces Vers:
Thestylis et rapido fessis messoribus astu ,
Allia , serpyllumque herbas contundit olentes. I
Robustes Moissonneurs , à qui l'Ail ne
fait point de mal , m'écriai - je à l'instant,
que j'envie votre estomac de fer !
O dura messorum ilia ! 2
Le passage de Virgile me fit naître la
curiosité de m'éclaircir dans le Commentaire , d'où vient que dès le tems duPrince des Poëtes Latins , l'on donnoit de l'Ait
aux Moissonneurs , fatiguez de la chaleur
du jour ; j'appris , et vous ne serez pas fâché d'apprendre , que c'est parce qu'on
s'imaginoit que l'Ail desseche les humeurs , causées par la trop grande quantité d'eau que les gens de cetre espece ont
coutume de boire , et sert de préservatif
contre le venin des Serpens qui pourroient les piquer.
Quelles que soient ces raisons , et quoique Briot 3 ait écrit que l'Ail est la Thériaque des Païsans , il me semble que si
1 Eglog. 2.
2
Horace , Ode 3. liv. 5.
1 Hist. natur. d'Angleterre.
}
j'avois
2374 MERCURE DE FRANCE
j'avois été en la place de ce Païsan donɛ
parle la Fontaine , 1 à qui son Seigneur offensé dit :
I
De trois choses l'une ,'
» Tu peux choisir ; ou de manger trente Aulx
J'entends sans boire , et sans prendre repos ,
B Ou de souffrir trente bons coups de Gaules ,
Bien appliquez sur tes larges épaules ,
Ou de payer sur le champ cent écus.
Il me semble , dis - je , que je n'aurois
pas été incertain du choix , et que je me
serois bien gardé de préferer , ainsi que le
Païsan, les trente Aulx sans boire , aux
trente coups de Gaules , et au payement
des cent écus ; j'aurois mieux aimé , au
contraire , recevoir les trente coups de
Gaules et payer encore les cent écus , que
de les trente Aulx , même en bû- manger
vant.
Enfin , Monsieur , mon aversion pour
l'Ail est si grande , qu'à mon retour , j'ai
renouvellé à ma Cuisiniere les deffenses
que je lui avois faites d'en acheter jamais
et d'en mêler dans aucune Sauce, ni dans
aucun Ragoûts et quoique Aristophane
2 ait voulu décrier un Avare , en disant
I Conte 5. tom. I.
2 Dans la Comédie des Guespes.
qu'il
NOVEMBRE. 1732 2375
qu'il ne donnoit pas une tête d'Ail, je me
flate au contraire qu'on me loüera de ce
que je n'en donnerai point du tout , et
qu'on ne meregardera pas pour cela com→
me un avaricieux. Bien plus , je vais faire
mettre au dessus de la Cheminée de ma
Cuisine un Tableau, où seront imprimezen gros caractere , ces mots : NE M'ANGE
NI AIL NI FEVES , qui sont la traduction d'un Proverbe Grec.
Je prévois , Monsieur , que pour soutenir les interêts des Mangeurs d'Ail ,
vous me répondrez que ce Proverbe Grec
ne doit pas être pris à la Lettre , et qu'il
signifie : Ne vaspas à la Guerre , et ne sois
pas fuge. Je conviens que Suïdas qui le
raporte , 2 prétend que c'en est là le véritable sens , parce qu'autrefois les Soldats
portoient avec eux et mangeoient de
Ail , et que les Juges rongeoient des
Féves pour s'empêcher de dormir à l'Audience mais aussi vous devez convenir
que pour faire entendre que le métier de
Soldat, et la condition de Juge n'étoient
pas à envier ; on ne s'est servi de ce Proverbe : Ne mange ni Ail , ni Féves , que
parce qu'au fond c'est un fort mauvais
aliment.
;
Z Mélanges Historiques.
E
2376 MERCURE DE FRANCE
Et ne me repliquez pas que Pline le
Naturaliste i dit qu'on croit que l'Ail est
bon pour quelques Médicamens , sur tout
à la Campagne ; car je vous répondrai.1 .
que les Poisons servent aussi dans la Médecine. 2° . Que le même Pline a remar
qué 2 plusieurs mauvaises qualitez de
F'Ail , entr'autres qu'il est venteux , qu'il
desseche l'estomac , qu'il cause la soif et
des inflammations , qu'il corrompt l'ha
leine , qu'il est nuisible à la vue. Qu'on
fasse cuire , ajoute - t - il , 3 de l'Ail qui
naît dans les Champs , et qu'on l'y séme
ensuite , les Oyseaux qui en mangeront
seront si étourdis,qu'ils se laisseront prendre à la main.
A considerer même l'étymologie du
mot Ail , il vient sans contredit du mot
latin Allium. 4 Or Allium n'a été ainsi
appellé , selon Isidore , 5 qu'à cause de la
forte odeur qu'il répand , Allium dictum
quòd oleat.
4
Et cette odeur infecte tellement l'endroit où croît l'Ail , que la même terre
ne peut en porter deux années de suite
7.1 Liv. 19. ch. 6.
2 Liv. 19. ch. 6. et Liv. 20. ch . 6.
3
Liv. 20. ch. 6.
4 Richelet , Dictionn, Verbo , Ail.
s Origin. ou Etymol. liv. 17. cap. 10. des cho es rustiques.
eq
NOVEMBRE. 1732. 2377
et que cette plante craint de s'y succeder
à elle-même. Cette derniere observation
est d'Olivier de Serres , 1 dans son Théatre d'Agriculture , qui , si l'on s'en rapporte à Scaliger , 2 est si beau , qu'Henry
IV. à qui il est dédié , se le faisoit apporter après dîner , durant trois ou quatre
mois ; et tout impatient qu'étoit ce Prin- ce , il y faisoit à chaque fois une lecture.
d'une demi heure. Continuons :
Eh ! comment pourroit- on se persuader que l'Ail n'est pas pernicieux , puisqu'il se nourrit du plus mauvais suc de la
terre ? C'est ce qui résulte de ce passage
de Plutarque : 3 Comme les bons Jardiniers , dit - il , estiment que les Roses et
les Violettes deviennent meilleures lorsqu'il y a de l'Ail semé auprès , parce que
Ail attire tout le mauvais suç de la terre
qui les nourrit , de même notre ennemi
attirant toute notre envie et notre malignité , nous rend plus traitables et plus.
gracieux envers nos amis qui sont dans
La prosperité. Remarquez er core , s'il vous
plait , Monsieur, le parallele que fait Plu tarque , de l'Ail et d'un Ennemi.
I Olivier de Serres , sieur du Pradel.
2 Scaligeriana.
3. Traité de l'utilité qu'on peut recevoir de ses ennemis.
Oka
2378 MERCURE DE FRANCE
Oseroit-on , après cela , trouver étran→
ge qu'Horace ait dit , 1 que l'Ail est plus
nuisible que la Ciguë ?
Cicutis allium nocentius ?
Que pour faire mourir les Parricides ;
il ne faut point choisir d'autre poison
que l'Ail?Que l'herbe dont Médée frotta
Jason , lorsqu'il alloit pour dompter les
fiers Taureaux qui gardoient la Toison
d'Or, étoit de véritable Ail ? Que la robbe qu'elle envoya à la fille de Créon , sa
Rivale , étoit empoisonnée avec del Ail ?
Notre Ami *** qui vient d'entrer
dans mon Cabinet , et qui par ces dernie
res lignes , qu'il a lûes familierement pardessus mon épaule , a deviné que cette
Lettre s'addressoit à vous , m'avertit que
vous ne manquerez pas de me faire icy
une objection que vous lui fîtes un jour ,
lorsqu'il vous cita cette Tirade d'Horace :
c'est- à - dire , que vous ne manquerez pas
de soûtenir qu'on doit rejetter le témoi
gnage de ce Poëte , parce qu'il ne paroît
pas tout-à-fait d'accord avec lui-même ,
puisqu'il attribue à l'Ail deux effets contraires , en disant que l'Ail fut salutaire à
Jason , et funeste à la fille du Roy de
Corinthe. Jules Scaliger avoit fait cette
Ode 3. liv. 5.
marque
NOVEMBRE. 1732. 2379
remarque avant vous , Monsieur ; mais
quelque plausible qu'elle semble d'abord
M. Dacier 1 y a suffisamment répondu ,
en faisant voir qu'Horace prétend que
Médée avoit donné quelque Antidote à
Jason , et que cet Ail dont elle le frotta
n'agissoit point contre lui , mais contre
les Taureaux qu'il vouloit dompter.
,
C'est pour le coup,Monsieur , que vous
direz avec fondement de mon éloquence, ce que Varron et Balzac 2 ont dit
de celle de quelques Sçavans , qu'elle sentoit l'Ail. Comme je craindrois que les
nouvelles Observations que je pourrois
ajoûter au sujet de l'Ail , ne vous engageassent à faire à votre tour contre moi ,
cette imprécation de Plaute.
TeJupiter Diique omnes perdant ,oboluisti allium .
Je suis , M onsieur , &c
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Résumé : LETTRE sur l'Ail, écrite par M. COCQUART, Avocat au Parlement de Dijon, à M. ** le 15 Septembre 1732.
La lettre, datée du 15 septembre 1732, est écrite par M. Cocquard, avocat au Parlement de Dijon, à un destinataire non nommé. L'auteur aborde la confusion entre les termes 'ails' et 'aulx' en français. Selon Vaugelas, les noms terminant en 'ail' ou 'al' ne prennent pas 'aulx' au pluriel. Cependant, des grammairiens comme Richelet et Furetière divergent sur cette règle. L'Académie Française et Furetière préfèrent 'aulx', tandis que Richelet note que 'ails' est plus courant. Cocquard recommande d'utiliser 'ail' au singulier pour éviter toute ambiguïté. L'auteur partage ensuite une expérience personnelle où il a été incommodé par une grande quantité d'ail lors d'un repas chez son destinataire. Il décrit les désagréments causés par l'odeur de l'ail, notamment lors d'une messe et lors de rencontres sociales. Il mentionne des références littéraires et historiques, comme Horace et Pline, pour illustrer les effets négatifs de l'ail. La lettre se termine par une réflexion sur l'usage de l'ail chez les paysans et les raisons historiques de cette pratique. Dans une autre lettre, datée de novembre 1732, l'auteur exprime son aversion profonde pour l'ail. Il préfère recevoir des coups plutôt que de consommer de l'ail, même en le mangeant cuit. À son retour, il a renouvelé l'interdiction à sa cuisinière d'utiliser de l'ail dans les sauces ou les ragoûts. L'auteur se flatte que son refus de l'ail soit loué, contrairement à l'avare décrié par Aristophane. Il prévoit de faire afficher au-dessus de la cheminée de sa cuisine un tableau avec l'inscription 'NE M'ANGE NI AIL NI FEVES', traduction d'un proverbe grec. L'auteur anticipe les arguments en faveur de l'ail, notamment son utilisation en médecine, mais les réfute en citant les mauvaises qualités de l'ail mentionnées par Pline. Il souligne également l'étymologie du mot 'ail' et son impact négatif sur la terre et les oiseaux. Le texte mentionne des références historiques et littéraires, comme Plutarque, Horace, et Médée, pour illustrer la nocivité de l'ail. L'auteur conclut en craignant que ses observations supplémentaires sur l'ail n'incitent son destinataire à faire une imprécation contre lui.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 1342-1348
DIVERTISSEMENT Executé par l'Academie de Musique de Dijon.
Début :
SUJET. La Poësie et la Musique s'unissent pour contribuer au plaisir de la [...]
Mots clefs :
Musique, Choeur de musiciens, Poésie, Mortels, Désirs, Gloire, Plaisirs, Amours, Fille de mémoire, Concert, Académie de musique de Dijon
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texteReconnaissance textuelle : DIVERTISSEMENT Executé par l'Academie de Musique de Dijon.
DIVERTISSEMENT
•
2
Executé
par
l'Academie de Musique
de Dijon.
SUJET. La Poësie et la Musique s'unissent
pour contribuer au plaisir de la:
Compagnie brillante et délicate , qui
assiste au Concert..
PERSONNAGES.
La Poësie :
La Musique..
Q
Choeur de Poëtes..
Choeur de Musiciens..
La Scene est à Dijon , dans la Sale
ordinaire du Concert..
LA POESIE.
Ue vois -je ? ou venez - vous de conduire
mes pas ?
Les Graces et les Ris' , les Amours et leur Mere :
Ont-ils abandonné Cythere ,
Pour fixer leur séjour dans ces lieux pleins d'ap
pas ?
La Musique.
Ma Soeur , cet agréable Azyle ,.
* Offre à vos yeux surpris , l'Elite d'une Ville ,
II. Vol. Off
JUIN.
1343 1733 .
Où l'on se plaît d'entendre et vos Vers et mes
Chants ,
Et dans ces lieux où je préside ,
Je voudrois signaler le zéle qui me guide ,
Par les accords les plus touchans .
Digne Fille de Mémoire ,
Secondez tous mes désirs ;
Ces Mortels assemblez , ont soin de notre gloire
;
Prenous soin de leurs plaisirs.
Choeur de Musiciens.
Digne Fille de Mémoire ,
Secondez tous nos désirs ;
Ces Mortels assemblez , ont soin de notre
glaire ;
Prenons soin de leurs plaisirs.
Que nos voix se confondent ,
Pour mieux ravir les sens ;
Que les Echos répondent
A nos tendres accens !
Digne Fille de mémoire ,
Secondez tous nos désirs ;
2
Ces Mortels assemblez , ont soin de notre gloi
re ,
Prenons soin de leurs plaisirs..
II. Vol. La
1344 MERCURE DE FRANCE
La Poësie .
Ne doutez point , ma Soeur , que ma reconnoissance
,
Ne réponde bien- tôt à votre impatience.
Déja pour vous servir( 1 ) , et pour vous conten
ter (2) ,
Je sens s'échauffer mon génie ;
y Et quand votre douce harmonie
Sur mes Vers pourroit l'emporter ,
Je vous surmonterai par l'ardeur infinie ,.
Qui va me faire tout tenter.
Quelle gloire charmante ,
D'entendre en ces beaux lieux ,
applaudir à mes
Vers !
Quelle gloire charmante
D'attirer par vos Airs ,
De Mortels délicats , une Troupe brillante !
L'Epoux d'Eurydice autrefois ,
Etoit moins glorieux sur les Monts de la Thrace
,
7
Quand des sons de sa Lyre , accompagnant sa
voix ,
Il voïoit accourir , pour plaindre sa disgrace ,
Les Ours , les Rochers et les Bois.
I A la Musique.
2 Au Choeur de Musiciens.
II. Vol. La
JUIN.
1345
1733 .
La Poësie et la Musique..
Quelle gloire charmante ,
D'entendre en ces beaux lieux
applaudir à
mes
Evos
Vers!
Quelle gloire charmante ,
D'attirer par
VOS
Airs ,
mes
De Mortels délicats , une Troupe brillante !
La Musique.
Eh bien , ma Soeur , sans différer ,
Sur les plus beaux sujets il faut nous préparer.
Accourez , Enfans de Cythere ,
Volez tous à notre secours ;
On se propose en vain de plaire ,
Sans les Graces et les Amours.
Que par leurs Chansons ravissantes ,
Nos plus fideles Nourrissons ,
Des Amphions et des Canentes
Fassent revivre icy les sons !
Accourez , Enfans de Cythere ,
Volez tous à notre secours ;
On se propose en vain de plaire ;
Sans les Graces et les Amours.
II. Vol. Choeur
1346 MERCURE DE FRANCE
Choeur de Musiciens.
Accourez , & c.
La Musique. I
vous , à qui Louis a commis sa puissance
O vous , qui de Thémis gouvernez la balance
;
Vous , Amis des neuf Soeurs ; Belles , dont le
pouvoir
Aux mortels fait tout entreprendre ;
Flatez notre plus doux espoir ,
En daignant dans ces lieux vous rendre
La Poësie et la Musique.
Par les soins que nous allons prendre ,
Yos sens seront séduits , il vous semblera voir
Ce que nous vous ferons entendre.
La Poësie.
Le Cor animera les diligens Chasseurs.
Guerriers , les bruïantes Trompettes ,
Scauront de Bellone en vos coeurs
Réveiller toutes les fureurs.
2
*
La Muslque s'addresse tour à tour à M. le
Comte de Tavanes , Brigadier des Armées du Roy
et son premier Lieutenant General en Bourgogne ;
aux Magistrats , aux beaux Esprits et aux Dames
qui assistent au Concert.
II. Vol.
Tirsis
JUIN. 1733.
1347
Tirsis et Corydon sur leurs tendres Musettes ,
De la tranquillité chanteront les douceurs.
Au Vice , pour livrer la guerre ,
Neptune agitera les Mers ;
Pluton ébranlera la Terre ;
Les Vents mugiront dans les Airs
Et , précédé par les éclairs ,
Du Ciel avec éclat , tombera le Tonnerre,
Le paisible Buyeur , orné de Pampres verts ,
Ventera le pouvoir de cet Enfant aimable ,
Que Sémele eut du Dieu qui régit l'Univers.
Les Ménades aux sons de sa voix agréable ,
Applaudiront , le Thyrse en main
Et le Satyre et le Sylvain ,
Danseront avec lui , pleins du jus délectable ,
Qui des plus malheureux adoucit le chagrin.
Ne pense pas que je t'oublie ,
Fils de Venus , auteur des plaisirs de la vie,
Ces Belles , qu'avec tant d'atours ,
De toutes parts je vois paroître ,
Des Coeurs ont sçu te rendre maître ;
Ma Lyre sous mes doigts résonneroit toujours,
Si je chantois tous les amours ,
Que leurs divins attraits font naître,
11. Vol. Choeur
1348 MERCURE DE FRANCE
Choeur de Poëtes et de Musiciens .
Chantons , livrons nos coeurs aux plus char
mans transports ,
Fuyez , fuyez , ennuyeuse Tristesse ;
Ne troublez jamais nos accords.
Fuyez , fuyez , ennuyeuse Tristesse ;
Que tout , au gré de nos désirs ,
Respire icy sans cesse ,
La joïe et les plaisirs !
Par M. CocQUART , Avocat al
Parlement de Dijon.
•
2
Executé
par
l'Academie de Musique
de Dijon.
SUJET. La Poësie et la Musique s'unissent
pour contribuer au plaisir de la:
Compagnie brillante et délicate , qui
assiste au Concert..
PERSONNAGES.
La Poësie :
La Musique..
Q
Choeur de Poëtes..
Choeur de Musiciens..
La Scene est à Dijon , dans la Sale
ordinaire du Concert..
LA POESIE.
Ue vois -je ? ou venez - vous de conduire
mes pas ?
Les Graces et les Ris' , les Amours et leur Mere :
Ont-ils abandonné Cythere ,
Pour fixer leur séjour dans ces lieux pleins d'ap
pas ?
La Musique.
Ma Soeur , cet agréable Azyle ,.
* Offre à vos yeux surpris , l'Elite d'une Ville ,
II. Vol. Off
JUIN.
1343 1733 .
Où l'on se plaît d'entendre et vos Vers et mes
Chants ,
Et dans ces lieux où je préside ,
Je voudrois signaler le zéle qui me guide ,
Par les accords les plus touchans .
Digne Fille de Mémoire ,
Secondez tous mes désirs ;
Ces Mortels assemblez , ont soin de notre gloire
;
Prenous soin de leurs plaisirs.
Choeur de Musiciens.
Digne Fille de Mémoire ,
Secondez tous nos désirs ;
Ces Mortels assemblez , ont soin de notre
glaire ;
Prenons soin de leurs plaisirs.
Que nos voix se confondent ,
Pour mieux ravir les sens ;
Que les Echos répondent
A nos tendres accens !
Digne Fille de mémoire ,
Secondez tous nos désirs ;
2
Ces Mortels assemblez , ont soin de notre gloi
re ,
Prenons soin de leurs plaisirs..
II. Vol. La
1344 MERCURE DE FRANCE
La Poësie .
Ne doutez point , ma Soeur , que ma reconnoissance
,
Ne réponde bien- tôt à votre impatience.
Déja pour vous servir( 1 ) , et pour vous conten
ter (2) ,
Je sens s'échauffer mon génie ;
y Et quand votre douce harmonie
Sur mes Vers pourroit l'emporter ,
Je vous surmonterai par l'ardeur infinie ,.
Qui va me faire tout tenter.
Quelle gloire charmante ,
D'entendre en ces beaux lieux ,
applaudir à mes
Vers !
Quelle gloire charmante
D'attirer par vos Airs ,
De Mortels délicats , une Troupe brillante !
L'Epoux d'Eurydice autrefois ,
Etoit moins glorieux sur les Monts de la Thrace
,
7
Quand des sons de sa Lyre , accompagnant sa
voix ,
Il voïoit accourir , pour plaindre sa disgrace ,
Les Ours , les Rochers et les Bois.
I A la Musique.
2 Au Choeur de Musiciens.
II. Vol. La
JUIN.
1345
1733 .
La Poësie et la Musique..
Quelle gloire charmante ,
D'entendre en ces beaux lieux
applaudir à
mes
Evos
Vers!
Quelle gloire charmante ,
D'attirer par
VOS
Airs ,
mes
De Mortels délicats , une Troupe brillante !
La Musique.
Eh bien , ma Soeur , sans différer ,
Sur les plus beaux sujets il faut nous préparer.
Accourez , Enfans de Cythere ,
Volez tous à notre secours ;
On se propose en vain de plaire ,
Sans les Graces et les Amours.
Que par leurs Chansons ravissantes ,
Nos plus fideles Nourrissons ,
Des Amphions et des Canentes
Fassent revivre icy les sons !
Accourez , Enfans de Cythere ,
Volez tous à notre secours ;
On se propose en vain de plaire ;
Sans les Graces et les Amours.
II. Vol. Choeur
1346 MERCURE DE FRANCE
Choeur de Musiciens.
Accourez , & c.
La Musique. I
vous , à qui Louis a commis sa puissance
O vous , qui de Thémis gouvernez la balance
;
Vous , Amis des neuf Soeurs ; Belles , dont le
pouvoir
Aux mortels fait tout entreprendre ;
Flatez notre plus doux espoir ,
En daignant dans ces lieux vous rendre
La Poësie et la Musique.
Par les soins que nous allons prendre ,
Yos sens seront séduits , il vous semblera voir
Ce que nous vous ferons entendre.
La Poësie.
Le Cor animera les diligens Chasseurs.
Guerriers , les bruïantes Trompettes ,
Scauront de Bellone en vos coeurs
Réveiller toutes les fureurs.
2
*
La Muslque s'addresse tour à tour à M. le
Comte de Tavanes , Brigadier des Armées du Roy
et son premier Lieutenant General en Bourgogne ;
aux Magistrats , aux beaux Esprits et aux Dames
qui assistent au Concert.
II. Vol.
Tirsis
JUIN. 1733.
1347
Tirsis et Corydon sur leurs tendres Musettes ,
De la tranquillité chanteront les douceurs.
Au Vice , pour livrer la guerre ,
Neptune agitera les Mers ;
Pluton ébranlera la Terre ;
Les Vents mugiront dans les Airs
Et , précédé par les éclairs ,
Du Ciel avec éclat , tombera le Tonnerre,
Le paisible Buyeur , orné de Pampres verts ,
Ventera le pouvoir de cet Enfant aimable ,
Que Sémele eut du Dieu qui régit l'Univers.
Les Ménades aux sons de sa voix agréable ,
Applaudiront , le Thyrse en main
Et le Satyre et le Sylvain ,
Danseront avec lui , pleins du jus délectable ,
Qui des plus malheureux adoucit le chagrin.
Ne pense pas que je t'oublie ,
Fils de Venus , auteur des plaisirs de la vie,
Ces Belles , qu'avec tant d'atours ,
De toutes parts je vois paroître ,
Des Coeurs ont sçu te rendre maître ;
Ma Lyre sous mes doigts résonneroit toujours,
Si je chantois tous les amours ,
Que leurs divins attraits font naître,
11. Vol. Choeur
1348 MERCURE DE FRANCE
Choeur de Poëtes et de Musiciens .
Chantons , livrons nos coeurs aux plus char
mans transports ,
Fuyez , fuyez , ennuyeuse Tristesse ;
Ne troublez jamais nos accords.
Fuyez , fuyez , ennuyeuse Tristesse ;
Que tout , au gré de nos désirs ,
Respire icy sans cesse ,
La joïe et les plaisirs !
Par M. CocQUART , Avocat al
Parlement de Dijon.
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Résumé : DIVERTISSEMENT Executé par l'Academie de Musique de Dijon.
Le texte relate une représentation organisée par l'Académie de Musique de Dijon, où la Poésie et la Musique se réunissent pour le divertissement d'une assemblée raffinée. L'événement se tient dans la salle habituelle des concerts de Dijon. La Poésie et la Musique dialoguent, exprimant leur souhait de contribuer au plaisir des spectateurs. La Poésie admire la beauté de la ville et l'harmonie entre les vers et les chants. Les chœurs de poètes et de musiciens soulignent l'importance de ravir les sens et de prendre soin de la gloire et des plaisirs des mortels. La Poésie et la Musique invoquent les Grâces, les Rires, les Amours et leur mère pour les assister. La Musique s'adresse ensuite à divers personnages présents, incluant M. le Comte de Tavanes, les magistrats, les beaux esprits et les dames. La représentation inclut des scènes animées par divers instruments comme le cor, les trompettes et les musettes, ainsi que des divinités telles que Neptune, Pluton et Jupiter. Ces scènes illustrent divers thèmes comme la chasse, la guerre, la tranquillité et les plaisirs. Le chœur final invite à chanter et à fuir la tristesse, célébrant la joie et les plaisirs. Le texte est signé par M. Cocquart, avocat au Parlement de Dijon.
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10
p. 1502-1505
EPITRE, A M. le Comte de TAVANES, Brigadier des Armées du Roy, et son premier Lieutenant General en Bourgogne.
Début :
Si jusques à ce jour, dans ma verve lyrique, [...]
Mots clefs :
Tavannes, Apollon, Héros
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE, A M. le Comte de TAVANES, Brigadier des Armées du Roy, et son premier Lieutenant General en Bourgogne.
EPITRE ,
A M. le Come de TAVANES , Brigadier
des Armées du Roy , et son premier Lieutenant
General en Bourgogne.
Si jusques à ce jour , dans ma verve lyrique ;
Je ne t'ai point offert un encens poëtique ,
Tavanes , ce n'est pas que pour chanter ton nom ,
Ma Muse n'ait souvent rêvé sur l'Hélicon.
Cent fois , quand j'ai formé le plan d'un long
Poëme ;
Pour
JUILLET. 1733. 1503
Pour mon premier Héros je t'ai choisi toi - même ;
Mais à ce noble emploi j'avois beau destiner ,
La Lyre qu'on entend sous mes doigts raisonner,
Aussi-tôt Apollon et sa Troupe immortelle ,
Condamnoient mon audace en approuvant mon
zele.
Laisse , me disoient - ils , à de's Auteurs fameux
Le soin de celebrer un Mortel digne d'eux.
Pour Chantre , un Mécenas doit avoir un Horace,
Voltaire peut chanter ton Héros avec grace ,
Cet Aigle , du Soleil soutiendroit les rayons ;
Mais toi que parmi nous rarement nous voyons,
Quand tu veux t'élever aussi haut que Pindare ,
Dans la profonde Mer tu tombes comme Icare.
Ainsi dans mes projets interrompu toujours ,T
Demon travail pour toi j'ai suspendu le cours ,
Et sur d'autres sujets moins grands et plus faciles,
Employant quelquefois des momens ' inutiles ,
Tavanes , j'attendois que pour te bien louer ,
Phébus et les neuf Soeurs daignassent m'avouer.
Toutefois , puisqu'enfin ma Muse a pú te plaire' ,
Je me crois maintenant séparé du vulgaire.
D'un suffrage si beau , content et glorfeux ,
Je sens que je puis prendre un essor jusqu'aux
Cieux . KurzbĮ alum.5295 30591
13
Non, je n'ai plus besoin des Filles de Mémoire ,
Mon zele me suffit pour celebrer ta gloire.
I! K
Dieux avec quel plaisir je dirai dans mes Vers ,
E
504 MERCURE DE FRANCE
Et des rares vertus et tes exploits divers !
En vain ta modestie au silence m'invite ..
Plus on fuit la louange et plus on la mérite ;
Et les Fils d'Apollon aux génereux Mortels ,
Doivent dans leurs Ecrits ériger des Autels.
Eh ! qui fut plus que toi digne de notre hommage!
N'est-on pas informé qu'aussi vaillant que sage ,
Tu sçais dans les horreurs du plus sanglant
combat ,
Etre tout à la fois Capitaine et Soldat ?
Que depuis qu'au Laurier a succedé l'Olive ,
Ton ardeur pour ton Roi n'en est pas moins
active ?
Que ton coeur vertueux , toujours grand , toû
jours droit ,
Pouvant tout ce qu'il veut , ne veut que ce qu'il
doir. ?
Que par les dons divers que ta main liberale,
Répand de toutes parts dans cette Capitale ;
Tu cherches, non l'honneur d'être crû génereux,
Mais l'unique plaisir de faire des heureux ?
Qu'aux beaux Arts qu'Apollon tient sous sa dé
pendance ,
Tu prêtes un appui digne de ta.naissance ?
Que quand je n'osois pas m'élever jusqu'à toi ,
Ta facile bonté descendit jusqu'à moi ?
Que contraire à ces Grands de qui l'ame com
mune ,
I
N'offre rien à nos yeux de grand que leur fortune,
Affable sans bassesse , et fier sans vanité ;
JUILLET. 1733. 1505
On te voit en tous lieux aimé, craint, respecté ,
Que charmé que Louis t'ait placé sur nos têtes,
Le Peuple en prenant part à tes superbes Fêtes ,
Dit que toûjours la gloire excitant tes désirs ,
Tu te montres Héros jusques dans tes plaisirs.
Mais quoi ! je m'apperçois que frappant la barriere
,
Mon Pégase est tout prêt d'entrer dans la carriere;
Eh bien ! sans differer , il la lui faut ouvrir ;
Sur le Pinde avec lui je brûle de courir ,
Et dans l'heureux transport où mon coeur s'a→
bandonne ,
Je vais chercher des fleurs pour former ta Couronne.
Par M.COCQUARD, Avoc. au Parlement de Dijon.
A M. le Come de TAVANES , Brigadier
des Armées du Roy , et son premier Lieutenant
General en Bourgogne.
Si jusques à ce jour , dans ma verve lyrique ;
Je ne t'ai point offert un encens poëtique ,
Tavanes , ce n'est pas que pour chanter ton nom ,
Ma Muse n'ait souvent rêvé sur l'Hélicon.
Cent fois , quand j'ai formé le plan d'un long
Poëme ;
Pour
JUILLET. 1733. 1503
Pour mon premier Héros je t'ai choisi toi - même ;
Mais à ce noble emploi j'avois beau destiner ,
La Lyre qu'on entend sous mes doigts raisonner,
Aussi-tôt Apollon et sa Troupe immortelle ,
Condamnoient mon audace en approuvant mon
zele.
Laisse , me disoient - ils , à de's Auteurs fameux
Le soin de celebrer un Mortel digne d'eux.
Pour Chantre , un Mécenas doit avoir un Horace,
Voltaire peut chanter ton Héros avec grace ,
Cet Aigle , du Soleil soutiendroit les rayons ;
Mais toi que parmi nous rarement nous voyons,
Quand tu veux t'élever aussi haut que Pindare ,
Dans la profonde Mer tu tombes comme Icare.
Ainsi dans mes projets interrompu toujours ,T
Demon travail pour toi j'ai suspendu le cours ,
Et sur d'autres sujets moins grands et plus faciles,
Employant quelquefois des momens ' inutiles ,
Tavanes , j'attendois que pour te bien louer ,
Phébus et les neuf Soeurs daignassent m'avouer.
Toutefois , puisqu'enfin ma Muse a pú te plaire' ,
Je me crois maintenant séparé du vulgaire.
D'un suffrage si beau , content et glorfeux ,
Je sens que je puis prendre un essor jusqu'aux
Cieux . KurzbĮ alum.5295 30591
13
Non, je n'ai plus besoin des Filles de Mémoire ,
Mon zele me suffit pour celebrer ta gloire.
I! K
Dieux avec quel plaisir je dirai dans mes Vers ,
E
504 MERCURE DE FRANCE
Et des rares vertus et tes exploits divers !
En vain ta modestie au silence m'invite ..
Plus on fuit la louange et plus on la mérite ;
Et les Fils d'Apollon aux génereux Mortels ,
Doivent dans leurs Ecrits ériger des Autels.
Eh ! qui fut plus que toi digne de notre hommage!
N'est-on pas informé qu'aussi vaillant que sage ,
Tu sçais dans les horreurs du plus sanglant
combat ,
Etre tout à la fois Capitaine et Soldat ?
Que depuis qu'au Laurier a succedé l'Olive ,
Ton ardeur pour ton Roi n'en est pas moins
active ?
Que ton coeur vertueux , toujours grand , toû
jours droit ,
Pouvant tout ce qu'il veut , ne veut que ce qu'il
doir. ?
Que par les dons divers que ta main liberale,
Répand de toutes parts dans cette Capitale ;
Tu cherches, non l'honneur d'être crû génereux,
Mais l'unique plaisir de faire des heureux ?
Qu'aux beaux Arts qu'Apollon tient sous sa dé
pendance ,
Tu prêtes un appui digne de ta.naissance ?
Que quand je n'osois pas m'élever jusqu'à toi ,
Ta facile bonté descendit jusqu'à moi ?
Que contraire à ces Grands de qui l'ame com
mune ,
I
N'offre rien à nos yeux de grand que leur fortune,
Affable sans bassesse , et fier sans vanité ;
JUILLET. 1733. 1505
On te voit en tous lieux aimé, craint, respecté ,
Que charmé que Louis t'ait placé sur nos têtes,
Le Peuple en prenant part à tes superbes Fêtes ,
Dit que toûjours la gloire excitant tes désirs ,
Tu te montres Héros jusques dans tes plaisirs.
Mais quoi ! je m'apperçois que frappant la barriere
,
Mon Pégase est tout prêt d'entrer dans la carriere;
Eh bien ! sans differer , il la lui faut ouvrir ;
Sur le Pinde avec lui je brûle de courir ,
Et dans l'heureux transport où mon coeur s'a→
bandonne ,
Je vais chercher des fleurs pour former ta Couronne.
Par M.COCQUARD, Avoc. au Parlement de Dijon.
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Résumé : EPITRE, A M. le Comte de TAVANES, Brigadier des Armées du Roy, et son premier Lieutenant General en Bourgogne.
L'épître est adressée à M. le Comte de Tavanes, Brigadier des Armées du Roy et son premier Lieutenant Général en Bourgogne. Le poète auteur de l'épître explique qu'il n'a pas encore célébré Tavanes dans ses œuvres, non par manque de désir, mais parce qu'il se sentait inapte à cette tâche. Apollon et les Muses lui ont conseillé de laisser cette mission à des auteurs plus célèbres, comme Voltaire. Cependant, l'auteur décide finalement de louer Tavanes, se sentant désormais capable de le faire grâce à l'inspiration. Le poète énumère les qualités et les actions de Tavanes : son courage et sa sagesse sur le champ de bataille, son dévouement au roi même en temps de paix, sa générosité, son soutien aux arts, et sa bonté envers les autres. Il souligne également la modestie de Tavanes, qui fuit la louange malgré ses mérites. Le peuple, charmé par Tavanes, le voit comme un héros même dans ses plaisirs. L'auteur conclut en exprimant son désir de composer une œuvre en l'honneur de Tavanes, prêt à s'élancer dans cette entreprise poétique.
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