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1
p. 2516-2523
EPITRE FAMILIERE, A M. GILET, Ancien Substitut en la Chambre des Comptes de Dijon.
Début :
A peine Phébus ce matin, [...]
Mots clefs :
Empire marin, Pèlerin, Catholique romain, Voiture, Sarrasin, Suzerain
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texteReconnaissance textuelle : EPITRE FAMILIERE, A M. GILET, Ancien Substitut en la Chambre des Comptes de Dijon.
EPITRE FAMILIERE ,
A M. GILET , (a)
Ancien Substitut en la Chambre des
Comptes de Dijon.
A Peine Phébus ce matin ,
Sortoit de l'Empire Marin ,
(a) On trouve diverses Pieces de M. Gillet,
dans le Mercure Galant de M de Visé, et dans le
troisiéme volume des Poësies de M. de Santeüil¸
derniere Edition de Paris.
NOVEMBRE. 1731. 2517
Pour annoncer au Pelerin ,
Un jour agréable et screin ,
Quand le marteau d'un noir Vulcain ,
Qui par malheur est mon voisin ,
M'a fait quitter mon traversin.
En bon Catholique Romain ,
J'ai couru , d'un Dominicain ,
Que j'ai pris pour mon Chapelain ,
Entendre l'Office divin.
J'ai fait ensuite à mon Roussin ,
Manger un double picottin ,
Et je me suis mis en chemin ,
Suivi seulement d'un Mâtin ,
Pour aller voir un mien cousin ,
Dans son Château de Gaillardin .
Je ne craignois pas qu'un Coquin ,
Dans quelque réduit clandestin
Me vînt forcer d'un air hautain ,
A lui donner mon saint Crêpin ;
Car j'emportois pour tout frusquin ;
Mon Voiture et mon Sarrasin .
Or , tandis que sur un terrain ,
Tantôt raboteux , tantôt plein ,
En ruminant , j'allois mon train ;
Un petit Seigneur Suzerain ,
Qu'on dit être cent fois plus vain
Que s'il étoit vrai Souverain ,
Mappercevant d'un boulingria ,
Me
2518 MERCURE DE FRANCE
>
Me joint et me serrant la main :
Eh! bonjour, mon Contemporain ,
M'a- t'il dit d'un ton fort benin ,
Entrez, venez gouter mon vin.
Je descends de mon Guilledin , («)
Qu'on attache au coin d'un Jardin
Sans de foin lui donner un brin ,
Ni d'avoine le moindre grain.
J'entre dans un taudis mal sain ,
Que de foibles ais de Sapin ,
Ne défendoient pas du Garbin . (b)
Là , je rencontre un Grimelin ,
Qui portant encor le béguin ,
D'un broüet mangeoit le gratin.
Plus loin , son frere consanguin ,
Dont mon pere, étant Echevin ,
Fut forcé d'être le Parrain ,
Assis sur un petit Gradin ,
Se régaloit d'un Poupelin , (✔)
Tandis que son frere uterin ,
Battoit parfois d'un Tambourin.
La Maîtresse au bec de Corbin ,
Qui pourroit passer pour un Nain ;
Sans le secours d'un haut Patin ,
(a) Cheval d'Angleterre qui est hongre.
(b) Nom de Vent.
(c) Terme de Patissier , c'est une espece de
Gâteau,
S'o
NOVEMBRE. 1731. 2519
S'occupoit à filer du Lin. -
Je l'aborde en riant , soudain
Elle court dans un Magazin ,
Se dépouiller d'un Casaquin ,
Pour mettre un Corset de basin ,
Et sa robbe de blanc Satin .
Au travers d'un leger quintin , (*)
Elle laisse entrevoir son sein ,
Met un Bijou diamantin ,
Qu'elle gardoit dans son écrin ,
Et sur- tout avec du Carmin ,
Se fait un teint incarnadin.
Dans cet équipage mondain ,
Elle revient d'un air badin.
Par son entretien libertin ,
J'ai compris qu'à l'amour enclin ,
Son coeur n'étoit pas inhumain ,
Et que sans la prendre en Tarquin , (b)
On mettroit l'avanture à fin.
Mais venons à notre Festin .
Son Mary vrai George Dandin ,
Me guide dans un soûterrain ,
Humide , même au mois de Juin
Je m'assieds sur un strapontin ,
Jadis couvert d'un Chevrotin ;
(a) Sorte de Toile fort fine.
(b) On sfait que Tarquin jouit de Lucrece
par force,
D'abord
2520 MERCURE DE FRANCE
D'abord on ouvre un manequin
D'où l'on tire un noir et long pain ;
On m'en presente un gros lopin ,
Capable d'appaiser la faim ,
Du plus avide Limousin.
Un jeune et crasseux Galoppin ,
Appórte sur un plat d'étain ,
Un Cochon , que pour Marcassin ,
Fait passer mon Hôte taquin ;
A côté l'on sert du Boudin ,
Tout farci d'oignon et de thin .
Je demande à boire ; un Trotin ,
Dans un gobelet cristalin ,
Me verse du vrai chicotin ,
Qui ne sentoit que le pepin.
Pour entremets un Ramequin ,
Artive avec quelque fretin
Que dès la veille un Riverain ,
Avoit pêché prés d'un Moulin.
Pour le dessert , dans un coffin
On range maint vieux Massepain ,
Et d'un plancher bas et vilain ,
L'Hôte détache un vert Raisin ,
Qu'Erigone , (a ) j'en suis certain ;
N'eût regardé qu'avec dédain .
›
(a ) Bacchus métamorphosé en grape de Rai
sin, séduisit Erigone. V, Ovide, Liv, 6. Metam›
Vers 125. Fab. 20
C
NOVEMBRE. 1731. 25.2x
Cependant de fats un Essain ,
Vient ajoûter à mon chagrin.
Le premier est un Medecin ,
Qui vantant son Art assassin
Nous a parlé d'un anodin ,
Par lui ffairé dans un bassin.
Le second est un Tabarin ,
Qui veut chausser le brodequin ;
Mais croyant imiter Pasquin ,
Pierrot , Scaramouche , Arlequin ,
On le prend pour un Baladin .
Que dirai- je d'un grand flandrin ,
Qui revêtu d'un Colletin ,
Et paré de son gorgerin ;
D'un vieux sabre et d'un pulverin
Juroit sans cesse par Calvin ?
Si l'on en croit ce Spadassin ,
Les Ennemis devant Denain , (a).
L'ont vû faire le diablotin :
Il dit que dans un Ravelin ,
Il mit en fuite le Germain
Et qu'affrontant un Serpentin ,
Il fut blessé dans un Cavin ,
Quand Villars auprès de Bouchain , ( b)
Faisoit maint et maint Orphelin.
(a ) Les François prirent Denain en 1712 .
(b) M. le Maréchal de Villars reprit Bou
chain , en 1712.
Mais
2522 MERCURE DE FRANCE
Mais sur tout un Abbé poupin ,
En manteau court , en escarpin ,
Prêchant comme l'Abbé Cotin ,
Quelquefois d'un ton argentin ,
Citoit un mot Grec ou Latin ,
Qu'il avoit lû dans Calepin ;
Comparoît Virgile à Lucain ,
Et le Pays à Rabutin.
Pour récompenser ce faquin ,
J'aurois souhaité qu'un Scapin ,
L'eût regalé d'un gros gourdin.
Phébus étant sur son déclin ,
Je quitte mon Hôte mesquin .
En entrant dans le Bois prochain ,
'Au pied d'un épaís Aubepin ,
Je voy la femme de Robin ,
Sur la fougere et le plantin ,
'Assise auprès d'un blond Forain ,
Je ne suis à malice enclin ,
Mais je soupçonnai , cher Lubin ,
Ce tête - à-tête clandestin ;
Car la pudeur n'est pas un frein ,
Quî retienne un coeur feminin ,
Quand vers un objet masculin,
L'entraîne l'amoureux Lutin.
Enfin chez mon cousin germain ,
J'arrive , graces au Destin,
Et j'y vais boire à verre plein ,
Du
NOVEMBRE. 1731. 2523
Du Champagne et du Chambertin ,
Que je préfere au vin du Rhin ,
Et même au Nectar que Jupin ,
Se fait servir par son Menin.,
Adieu donc , jusques à demain.
M. COCQUARD , Avocat au Parlement
de Dijon.
A M. GILET , (a)
Ancien Substitut en la Chambre des
Comptes de Dijon.
A Peine Phébus ce matin ,
Sortoit de l'Empire Marin ,
(a) On trouve diverses Pieces de M. Gillet,
dans le Mercure Galant de M de Visé, et dans le
troisiéme volume des Poësies de M. de Santeüil¸
derniere Edition de Paris.
NOVEMBRE. 1731. 2517
Pour annoncer au Pelerin ,
Un jour agréable et screin ,
Quand le marteau d'un noir Vulcain ,
Qui par malheur est mon voisin ,
M'a fait quitter mon traversin.
En bon Catholique Romain ,
J'ai couru , d'un Dominicain ,
Que j'ai pris pour mon Chapelain ,
Entendre l'Office divin.
J'ai fait ensuite à mon Roussin ,
Manger un double picottin ,
Et je me suis mis en chemin ,
Suivi seulement d'un Mâtin ,
Pour aller voir un mien cousin ,
Dans son Château de Gaillardin .
Je ne craignois pas qu'un Coquin ,
Dans quelque réduit clandestin
Me vînt forcer d'un air hautain ,
A lui donner mon saint Crêpin ;
Car j'emportois pour tout frusquin ;
Mon Voiture et mon Sarrasin .
Or , tandis que sur un terrain ,
Tantôt raboteux , tantôt plein ,
En ruminant , j'allois mon train ;
Un petit Seigneur Suzerain ,
Qu'on dit être cent fois plus vain
Que s'il étoit vrai Souverain ,
Mappercevant d'un boulingria ,
Me
2518 MERCURE DE FRANCE
>
Me joint et me serrant la main :
Eh! bonjour, mon Contemporain ,
M'a- t'il dit d'un ton fort benin ,
Entrez, venez gouter mon vin.
Je descends de mon Guilledin , («)
Qu'on attache au coin d'un Jardin
Sans de foin lui donner un brin ,
Ni d'avoine le moindre grain.
J'entre dans un taudis mal sain ,
Que de foibles ais de Sapin ,
Ne défendoient pas du Garbin . (b)
Là , je rencontre un Grimelin ,
Qui portant encor le béguin ,
D'un broüet mangeoit le gratin.
Plus loin , son frere consanguin ,
Dont mon pere, étant Echevin ,
Fut forcé d'être le Parrain ,
Assis sur un petit Gradin ,
Se régaloit d'un Poupelin , (✔)
Tandis que son frere uterin ,
Battoit parfois d'un Tambourin.
La Maîtresse au bec de Corbin ,
Qui pourroit passer pour un Nain ;
Sans le secours d'un haut Patin ,
(a) Cheval d'Angleterre qui est hongre.
(b) Nom de Vent.
(c) Terme de Patissier , c'est une espece de
Gâteau,
S'o
NOVEMBRE. 1731. 2519
S'occupoit à filer du Lin. -
Je l'aborde en riant , soudain
Elle court dans un Magazin ,
Se dépouiller d'un Casaquin ,
Pour mettre un Corset de basin ,
Et sa robbe de blanc Satin .
Au travers d'un leger quintin , (*)
Elle laisse entrevoir son sein ,
Met un Bijou diamantin ,
Qu'elle gardoit dans son écrin ,
Et sur- tout avec du Carmin ,
Se fait un teint incarnadin.
Dans cet équipage mondain ,
Elle revient d'un air badin.
Par son entretien libertin ,
J'ai compris qu'à l'amour enclin ,
Son coeur n'étoit pas inhumain ,
Et que sans la prendre en Tarquin , (b)
On mettroit l'avanture à fin.
Mais venons à notre Festin .
Son Mary vrai George Dandin ,
Me guide dans un soûterrain ,
Humide , même au mois de Juin
Je m'assieds sur un strapontin ,
Jadis couvert d'un Chevrotin ;
(a) Sorte de Toile fort fine.
(b) On sfait que Tarquin jouit de Lucrece
par force,
D'abord
2520 MERCURE DE FRANCE
D'abord on ouvre un manequin
D'où l'on tire un noir et long pain ;
On m'en presente un gros lopin ,
Capable d'appaiser la faim ,
Du plus avide Limousin.
Un jeune et crasseux Galoppin ,
Appórte sur un plat d'étain ,
Un Cochon , que pour Marcassin ,
Fait passer mon Hôte taquin ;
A côté l'on sert du Boudin ,
Tout farci d'oignon et de thin .
Je demande à boire ; un Trotin ,
Dans un gobelet cristalin ,
Me verse du vrai chicotin ,
Qui ne sentoit que le pepin.
Pour entremets un Ramequin ,
Artive avec quelque fretin
Que dès la veille un Riverain ,
Avoit pêché prés d'un Moulin.
Pour le dessert , dans un coffin
On range maint vieux Massepain ,
Et d'un plancher bas et vilain ,
L'Hôte détache un vert Raisin ,
Qu'Erigone , (a ) j'en suis certain ;
N'eût regardé qu'avec dédain .
›
(a ) Bacchus métamorphosé en grape de Rai
sin, séduisit Erigone. V, Ovide, Liv, 6. Metam›
Vers 125. Fab. 20
C
NOVEMBRE. 1731. 25.2x
Cependant de fats un Essain ,
Vient ajoûter à mon chagrin.
Le premier est un Medecin ,
Qui vantant son Art assassin
Nous a parlé d'un anodin ,
Par lui ffairé dans un bassin.
Le second est un Tabarin ,
Qui veut chausser le brodequin ;
Mais croyant imiter Pasquin ,
Pierrot , Scaramouche , Arlequin ,
On le prend pour un Baladin .
Que dirai- je d'un grand flandrin ,
Qui revêtu d'un Colletin ,
Et paré de son gorgerin ;
D'un vieux sabre et d'un pulverin
Juroit sans cesse par Calvin ?
Si l'on en croit ce Spadassin ,
Les Ennemis devant Denain , (a).
L'ont vû faire le diablotin :
Il dit que dans un Ravelin ,
Il mit en fuite le Germain
Et qu'affrontant un Serpentin ,
Il fut blessé dans un Cavin ,
Quand Villars auprès de Bouchain , ( b)
Faisoit maint et maint Orphelin.
(a ) Les François prirent Denain en 1712 .
(b) M. le Maréchal de Villars reprit Bou
chain , en 1712.
Mais
2522 MERCURE DE FRANCE
Mais sur tout un Abbé poupin ,
En manteau court , en escarpin ,
Prêchant comme l'Abbé Cotin ,
Quelquefois d'un ton argentin ,
Citoit un mot Grec ou Latin ,
Qu'il avoit lû dans Calepin ;
Comparoît Virgile à Lucain ,
Et le Pays à Rabutin.
Pour récompenser ce faquin ,
J'aurois souhaité qu'un Scapin ,
L'eût regalé d'un gros gourdin.
Phébus étant sur son déclin ,
Je quitte mon Hôte mesquin .
En entrant dans le Bois prochain ,
'Au pied d'un épaís Aubepin ,
Je voy la femme de Robin ,
Sur la fougere et le plantin ,
'Assise auprès d'un blond Forain ,
Je ne suis à malice enclin ,
Mais je soupçonnai , cher Lubin ,
Ce tête - à-tête clandestin ;
Car la pudeur n'est pas un frein ,
Quî retienne un coeur feminin ,
Quand vers un objet masculin,
L'entraîne l'amoureux Lutin.
Enfin chez mon cousin germain ,
J'arrive , graces au Destin,
Et j'y vais boire à verre plein ,
Du
NOVEMBRE. 1731. 2523
Du Champagne et du Chambertin ,
Que je préfere au vin du Rhin ,
Et même au Nectar que Jupin ,
Se fait servir par son Menin.,
Adieu donc , jusques à demain.
M. COCQUARD , Avocat au Parlement
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Résumé : EPITRE FAMILIERE, A M. GILET, Ancien Substitut en la Chambre des Comptes de Dijon.
L'épître familière adressée à M. Gilet, ancien substitut à la Chambre des Comptes de Dijon, décrit une journée du narrateur en novembre 1731. Le narrateur est réveillé par le bruit d'un voisin et se rend à l'office divin chez un dominicain. Ensuite, il se dirige vers la maison de son cousin à Gaillardin. En chemin, il rencontre un petit seigneur qui l'invite à goûter son vin. Le narrateur décrit la demeure du seigneur, où il observe plusieurs membres de la famille occupés à diverses activités. La maîtresse de maison se pare élégamment pour le recevoir. Le repas servi est modeste et comprend du pain, du cochon, du boudin, du vin, du poisson, du massepain et du raisin. Plusieurs invités, dont un médecin, un comédien, un soldat et un abbé, se joignent à la conversation. Après le repas, le narrateur quitte l'hôte pour se rendre chez son cousin, où il savoure du champagne et du chambertin. Il conclut en saluant M. Cocquard, avocat au Parlement de Dijon.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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