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1
p. 1-2
« Je me souviens, Madame, que vous me témoignâtes il y [...] »
Début :
Je me souviens, Madame, que vous me témoignâtes il y [...]
Mots clefs :
Origines, Tombeaux, Cérémonies, Sépultures
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texteReconnaissance textuelle : « Je me souviens, Madame, que vous me témoignâtes il y [...] »
E me
fouviens , Madame
que vous me
témoignâtes
ily a quel
que temps , que vous
Seriez bien aife d'eftre entierement
inftruite de ce qui regarde l'origine
des Tombeaux , & les cé-
Q. de Fanvier 1685.
A
[
Σ Extraordinaire
rémonics des Sépultures . e propofay
auffi - toft cette matiére au Public , &
M Rault de Rouen , dont le mérite
vous eft connu par pluſieurs Ouvrages
que vous avez vous de luy , l'a
traitée fi amplement & avec des recherches
fi curieufes , que l'on peut
dire qu'il l'a épuisée . Ainfi je ne
doute point qu'il n'ait répondu par-`
faitement à ce que vous avez pú
attendre d'un pareil travail. Vous
voudrez bien cependant , avant que
de venir à cette lecture , jetter les
yeux fur quelques Sonnets , dont les
Bouts- rimez Latins qui ont eu.cours
depuis quelques Mois , ont fait eftimer
la bizarre nouveauté. Vous les
trouverez remplis avec beaucoup de
jufteffe . Ils m'ont efté envoyez de
Dijon , ou chacun , comme à l'envy,
s'est fait un plaifir d'y travailler
fur des fujets differens.
fouviens , Madame
que vous me
témoignâtes
ily a quel
que temps , que vous
Seriez bien aife d'eftre entierement
inftruite de ce qui regarde l'origine
des Tombeaux , & les cé-
Q. de Fanvier 1685.
A
[
Σ Extraordinaire
rémonics des Sépultures . e propofay
auffi - toft cette matiére au Public , &
M Rault de Rouen , dont le mérite
vous eft connu par pluſieurs Ouvrages
que vous avez vous de luy , l'a
traitée fi amplement & avec des recherches
fi curieufes , que l'on peut
dire qu'il l'a épuisée . Ainfi je ne
doute point qu'il n'ait répondu par-`
faitement à ce que vous avez pú
attendre d'un pareil travail. Vous
voudrez bien cependant , avant que
de venir à cette lecture , jetter les
yeux fur quelques Sonnets , dont les
Bouts- rimez Latins qui ont eu.cours
depuis quelques Mois , ont fait eftimer
la bizarre nouveauté. Vous les
trouverez remplis avec beaucoup de
jufteffe . Ils m'ont efté envoyez de
Dijon , ou chacun , comme à l'envy,
s'est fait un plaifir d'y travailler
fur des fujets differens.
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Résumé : « Je me souviens, Madame, que vous me témoignâtes il y [...] »
Le texte est une lettre datée du 25 janvier 1685, adressée à une dame. L'auteur y évoque son intérêt pour l'origine des tombeaux et des cérémonies funéraires. Il mentionne que M. Rault de Rouen a traité ce sujet de manière exhaustive et avec des recherches curieuses, répondant ainsi aux attentes de la destinataire. Avant de lire cet ouvrage, l'auteur suggère de consulter quelques sonnets, dont les bouts-rimés latins ont suscité un intérêt récent. Ces sonnets, envoyés de Dijon, couvrent divers sujets et sont jugés remplis de justesse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 14-81
DE L'ORIGINE DE LA SEPULTURE, DES TOMBEAUX, Et du temps que l'on a brûlé les Corps.
Début :
Comme la Vie est le premire principe des Hommes ; de mesme [...]
Mots clefs :
Corps, Sépulture, Monuments, Sépulcre, Tombeaux, Égyptiens, Romains, Bible, Empereur, Prince, Marbre, Funérailles, Ossements, Coutumes, Juifs, Mausolée, Ensevelissement, Momies, Inscriptions, Défunts, Vénération, Richesses
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texteReconnaissance textuelle : DE L'ORIGINE DE LA SEPULTURE, DES TOMBEAUX, Et du temps que l'on a brûlé les Corps.
DE L'ORIGINE
DE LA
SEPULTURE,
DES TOMBEAUX ,
Et du temps que l'on a brûlé
les Corps
.
C
Omme la Vie eſt le premier
principe des Hommes
; de mefme la Mort eft leur
dermer terme . C'eſt d'où vient
que le Droit de la Sepulture eft
fi ancien , que peu apres la
création du Monde , & la chûte
de nôtre premier Pere , il a eſté
introduit & mis en ufage . Dieu
du Mercure Galant.
15
dit au premier Homme apres fon
peché qu'il étoit poudre, & qu'il retourneroit
enpoudre , parce qu'apres
la mort les corps des Hommes
doivent eftre mis dans la Terre,
comme dans le fein de leur commune
Mere , d'où ils ont efté tirez
en leur naiffance .
Mais avant que de parler des
Tombeaux , de la Sepulture , &
de l'ufage que les Anciens y ont
obſervé , il eſt à propos de dire
que l'origine en a prefque commencé
avec le Monde , & que
les premiers Hommes ont enfévely
les Corps des Défunts .
C'est un foin & une pieté qui
s'eft pratiquée comme par une
Loy , que la Nature mefme avoit
impofée. L'exemple en a paffé
chez la Pofterité , & le foin des
>
16
Extraordinaire
Funerailles a efté en fuite religieufement
étably & obfervé.
Mais fur tout on doit dire qu'Adam
& Noë ont efté les premiers
qui ayent fait ouverture
de la Terre pour y ensevelir les
corps , n'y ayant eu perfonne qui
ait en leurs deux temps précédé
l'un ny l'autre.
Abel , comme rapporte Jofephe
liv. 1. Chapitre 3. de fes
Antiquitez Judaïques , à l'âge de
129. ans fut la premiere Victime
de la mort , & reçût un ſi mauvais
traitement de Cain fon frere
, que ce Barbare apres luy
avoir arraché la vie , en cacha
le corps dans les haliers , pour
ne luy pas donner la Sepulture,
exerçant encore une nouvelle
cruauté fur fon Frere
apres
fa
du Mercure Galant.
17
mort. Mais Eliphas Themanite
dit , que Cain apres un meurtre
fi fanglant , devint vagabond &
comme furieux , ayant toûjours
devant les yeux l'image de fon
crime ; qu'il ne fe retiroit que
dans les Cavernes & les Foreſts
comme une Beſte , & que Dieu
fulmina contre luy un decret,
par lequel il fut ordonné qu'il
perdroit la vie par le fer , &
qu'il deviendroit la proye des
Vautours & des Animaux fauvages
, ainlì que les Septante ont
interpreté le paffage de Job fur
ce ſujet Chapitre 15. verf. 22. &
comme Olimpiodore l'a expliqué
. Voila les termes de ce decret
; Hominem impium decretum ,
ait , effe à Deo in manus ferri , &
ordinatum in efcas vulturum . Ce qui
Q. deJanvier 1685. B
18 Extraordinaire
à la verité fut jugé une punition
rigoureuſe , mais digne de l'im..
pieté de ce Parricide .
.
Adam touché au vif de la
mort d'Abel fon fils , en fit chercher
le corps , & apres plufieurs .
jours de deuil , de larmes & de
foûpirs , prit le foin de l'inhu .
mer avec beaucoup de pompe,.
& luy erigea un Monument qui
devoit fervir à luy mefme ,
& à fes autres enfans .. L'on :
tient communément que ce nefut
pas loin de Sion . Voila la
premiere Sepulture & le pre.
mier Tombeau , auquel ce Pere
affligé ajoûta encore une belle
Epitaphe , conceuë en ces paroles.
Quis tantus de hoc loco , tamque
fonorus clamor ? Rogas Viator ?
adhuc inauditum tibi parricidium,
du Mercure Galant.
19
& c . Salien la rapporte en l'année
du Monde
130.
La privation de la Sepulture .
avoit quelque chofe d horrible.-
Ce fut toutefois de cette melme.
peine la plus barbare de toutes ,
que les Egyptiens traiterent les
Hebreux fous Pharaon leur Roy;
car apres avoir miferablement
porté le joug de fa tyrannie , &
un long & rude efclavages , ils
en jettoient les Corps dans les
Champs fans les enfevelir , & ne
permirent pas mefme de mettre
de la pouffiere deffus , ny de ré
pandre des larmes apres leur
mort ; mais Dieu vangea bien
cette barbarie , felon que le remarque
Philon Juif en la vie de :
Moyle.
La fainte Ecriture nous fait :
B. ij
20 Extraordinaire
connoiſtre, aux Nombres Chapitre
16. verf. 34. que Dieu mefme
a voulu quelquefois que les
impies , en vangeance de leurs
crimes , ayent efté privez de la
Sepulture en diverfes manieres ,
ou eftant engloutis tout vifs dans
les entrailles de la Terre, comme
il est arrivé à Coré , Datham &
Abiron , ou eftant confumez du
feu du Ciel , fans qu'il foit refté
la moindre partie de leurs corps
pour
eftre mife dans la Sepulture
, comme le mefme Jofephe &
Philon le rapportent .
Ce fut là une effroyable vangeance
, & un terrible Monument
, quand cinq fameuſes Villes
furent entierement confumées
du feu du Ciel avec tous
leurs Habitans , à l'exception de
du Mercure Galant, 21
Loth & de fa Famille , encore
fon Epouſe par fa faute fut- elle
changée en fa propre Image ; &
quand Sodome & Gomorrhe du
nombre de Pentapolis devinrent
une vafte Mer de fouphre & de
bitume , pour punir les crimes
de ceux qui les habitoient . Les
Hiftoriens en feront toûjours
mention , & la pofterité en parlera
à jamais .
5.
C'eft de là auffi qu'eft venu
ce fameux Lac appellé Afphaltide
, ou cette Mer morte , dont
Joſephe liv.
&
4.
de la Guerre
de Juifs , & Hegefippe liv.
14. Chapitre 18. recitent tant de
merveilles , & apres eux Ariftote
& Strabon , & plufieurs autres.
Mais revenons à Adam & å
12 Extraordinaire
Noë , dont nous avons parlé cy--
devant. Noë , ce grand Patriarche
, averty de Dieu qu'il euft à
baftir l'Arche , pour ſe garantir
luy & fa famille des eaux du Dé .
luge univerfel , femble avoir donné
à tous les hommes qui devoient
venir apres luy , une idée
de la Sepulture & des Tombeaux
, car comme dit Orohoaita ,
le plus fçavant & le plus fameux
de tous les Auteurs Syriens , liv. 1 .
du Paradis Terreftre , Partie 1 .
Chapitre 14. & la Bibliotheque -
des Pères , Chapitre 1. il convertit:
cette mefme Arche en un
Tombeau , & par une pieté infigne
envers les Vivans & les
Morts , en s'y retirant , emporta
avec foy les offemens d'Adam ,
qui avoient eſté tirez du Sepul2-
*
du Mercure Galant
23
1
S
3
chre d'Abel , & apres en efte
forty fain & fauf avec fa Famille ,
il en retira les, mefmes offemens.
d'Adam , qu'il avoit gardez com.
me un dépoft , & les partagea cn--
tre fes Fils avec les Parties de la
Terre , & dans la divifion qu'il
en fit , il donna à Sem qui eftoit
l'aifné , le Crane , & la Region
pour habiter , qui depuis a efté:
dire la Judée.
On tient communement que
le Mont - Calvaire eft le lieu où
le Crané d'Adam a efté enfevely
par ce mefme Sem, & en fui .
te le reste de fes autres offemens,
& que cette Montagne a pris
fon nom de cette Sepulture . C'eft:
une ancienne Tradition , qui a
duré chez les Syriens , dit le
mefme Orohoaita , & qui y dure
encore..
24
Extraordinaire
Mais il ne faut pas s'étonner,
fi ces chofes font paffées fous fi.
lence dans les Livres de Moyfe ;
& que ne faifant mention que
de la Creation du Monde , de
la Chûte du premier Homme ,
& de la Propagation du Genre
Humain , il ne rapporte rien du
premier Age du Monde . L'Auteur
de la précédente opinion a
receu comme par Tradition des
plus anciens Syriens , ce qu'il en
a écrit , & que les Juifs tiennent
de luy.
Saint Epiphane fur la fin de
fon Livre , parle ouvertement de
cette Divifion de tout le Monde
entre les Fils de Noë , & affure
que la Paleſtine , dans laquelle
la Judée eft compriſe , eftoit
tombée au fort de Sem , quoy
qu'il
du Mercure Galant. 25
qu'il foit arrivé en fuite que
les
defcendans de Cham s'en foient
emparez par violence . C'eſt enfin
le fentiment de tous les Peres
, que les os d'Adam ont efté
portez apres le Déluge en la
Paleftine , où ils ont efté enfevelis.
C'est ce que confirme
Torniollus année 930. de fes Annales
Saintes , & Salien en la
mefme année.
Comme il n'y a pas à douter
de la pieté de Noë envers les os
d'Adam felon que faint Bafile
fur Ifaye Chapitre 5. & Theo.
phylacte fur Jonas Chapitre 19.
le remarquent , on doit dire auffi
que
le foin charitable de la Sepulcure
, des Funérailles
Tombeaux , & du Miniftere qui
s'y obferve , a pris fon origine
2. deJanvier 1685.
C
des
26 Extraordinaire
d'Adam , & poftérieurement de
Noë , qu'il s'eftétendu en fuite
à toute la Poftérité , & qu'il a
enfin obtenu la force d'une Loy
inviolable. D
La Tradition des anciens Juifs
cft d'une grande authorité pour
perfuader que les offemens d'A
dam ont efté enfevelis en Hebron
, comme faint Hierômé le
répete plufieurs fois , & la plus
grande partie des Peres le tiennent
auffi , & fur tout dans le
lieu du Calvaire , la Paleftine ,
la Judée & Hebron eſtant preſque
la mefme chofe ; tous lefquels
Peres Malveda cite en fon
Livre du Paradis Terreftre, chapitre
54. & 55.
A l'égard de la Sepulture chez
les Anciens Hebreux , ne rapdu
Mercure Galant. 27
1
7
porte. t'on pas qu'Abraham par
une révelation divine , entre les
Actions les plus confidérables,
avoit une grande vénération
pour ce dernier devoir que l'on
rend aux Défunts ? Car quand il
eut perdu Sara fa chere Epoufe,
n'acheta t'il pas par quatre cens
Sicles d'argent le Champ nommé
Ephron , pour y porter le
Corps de la Défunte? Ce fut par
la le premier qui dedia une choi
fe profane à l'ufage picux & facré
de la Sepulture , comme le
dit la Genefe Chapitre 23 .
A
23.
Mais felon le fentiment de
faint Chryfoftome Homelie
ce qui eft de plus confidérable ,
ce grand Patriarche ne s'eftoit
rien acquis par aucun prix d'argent
avant. ce Champ & cette
Cij
28
Extraordinaire
Sepulture , pour n'avoir rien devant
les yeux ou dans l'efprit de
plus prefent que le Tombeau;
& ce mefme Saint le loue pour
fon extréme pieté d'avoir pris
tant de foin de la Sepulture , tant
pour luy que pour les fiens .
Ce n'eft pas encore affez pour
Abraham d'avoir religieuſe..
ment pourvû à la Sepulture de
Sara mais il s'eft porté à la
Pompe des Funérailles , qu'il vou
lut y eftre obſervée , avec des
larmes & des plaintes ; ce que
Moïse exprime en la Geneſe Cha
pitre 23. par des termes dignes
d'un fi grand Perfonnage , mef
me apres avoir rendu les der
niers devoirs aux Manes de fon
Epouſe , il pria les Hethéens
d'avoir le mefme foin de fa Sedu
Mercure Galant.
29
car
pulture , & de ne luy pas denier
ce droit d'humanité , fitoft
qu'il auroit rendu l'ame
le deuil & les plaintes ne défignent
pas feulement les larmes .
& les foupirs , que les vifs reffentimens
de la douleur tirent
du coeur & des yeux , mais tout
ce qui peut regarder les Fune.
railles & leur Pompe.
Moyle remarque que les fentimens
de douleur , & la magni.
ficence de la Pompe funebre ne
furent pas moindres en la mort :
de Jacob; auffi Patriarche, & pe--
tit fils d'Abraham , qu'ils avoient
eſté en la mort d'Abraham meſ
me ; & ce Jacob pere de Jofeph,.
ne regretta pas moins la privation
de la Sepulture de fon Fils ,
C iij
39
Extraordinaire
que la mort pitoyable & funeſte
de ce mefme Fils , laquelle fes
Freres avoient annoncé à leur
Pere eftre
malheureuſement arrivée
, pour avoir efté devoré
des Beftes fauvages ; tant le foin
de la Sepulture eftoit recommandable
chez les anciens Hé
breux . C'est ce que remarque
Philon Juif. En effet , cet Auteur
fait une peinture trifte &
lugubre de Jacob affligé pour la
mort de ce Jofeph. Les termes
en arracheroient de la tendreffe
des coeurs les plus infenfibles , &
feroient couler les larmes des
yeux des plus endurcis.
C'eft de là auffi que ces Saints
Patriarches , comme la fainte
Ecriture l'enfeigne , Genele Chapitre
35. prenoient foin d'elever
du Mercure Galant.
3F .
des Pyramides fur les Sepulcres
des leurs . Jacobce Saint Per
fonnage , comme dit Brochard
en la Defcription de la Terre
Sainte , fit ériger fur le Sepulcre
de Rachel fon Epoufe , une Pyq
ramide d'un excellent Ouvrage,
au pied de laquelle & tout au
tour il en fit placer douze autres
un peu moindres , felon le
nombre de fes Enfans, tant pour
rendre ces Monument illuftre a
la pofterité , que pour marquer
L'efperance de la Refurrection &
de la Vie immortelle , commer
témoigne.de -Lyra parlant de ce
Patriarche .
La Geneſe Chapitre 5o.net
nous reniet - elle pas en memoi
re quelle Pompe funebre ce mef
me Jacob reçût en Egypte apres
Ciiij
32
Extraordinaires
y eftre mort Son Corps fut
honoré d'un fuperbe & magni
fique appareil , & auffi éclatant
que fi c'euft efté celuy d'un Roy,
& les mefmes honneurs furent
pareillement rendus à Joſeph ſon
fils Intendant de l'Egypte , apres
fon trépas.
Saint Ambroife eftime que la
couftume de faire des Obfeques.
eft venue des anciens Hebreux;
car Jacob fut regretté pendant
40. jours , & Moyfe durant 30 .
Cette couftume s'eft diverſe.
ment introduite chez les Nations
poſterieures , comme la fuite le
fera remarquer.
Mais entendons ce que dit
Ciceron fur le foin de la Sepulä
ture. Ce foin , dit - il , marque l'ef
poir de l'Immortalité. Car pourquoy
du Mercure Galant.
33
P
•
s'attacherfifort &fi naturellement
la Sepulture , s'il ne s'enfuit la réi
nion du Corps avec fon Ame , &
que la mort ne foit un paſſage à une
meilleure vie ? A quoy fervent ces
grands Monumens * ces Sepulcres
magnifiques ces Epitaphes , & ces
préparatifs de Pompe funebre ,
Aut
fi ce n'est une esperance de l'avenir
? Voila des termes qui ne fentent
pas le Pyen , mais un ef
prit, éclairé des lumieres de la
Foy. og
Les anciens Hebreux avoient
des Sepulchres particuliers aux
Familles , & d'autres communs
aux Estrangers , qu'ils appelloient
, Polyandria , comme vou,
lant dire que ces Monumens
eftoient pour un grand nombre
de Corps eufemble , ainfi que le :
34
«Extraordinaire
"
mot le fignifie , & c'eftoit où les
Perfonnes inconnues eftoient enfévelies
.
Les Egyptiens rendoient un
culte & une veneration fingu
liere aux Corps des Défunts ,
comme aux organes de leurs
Ames, qu'ils croyoient , ainly que
dit Herodote Livre 1 , immortelles.
A ce fujet , ils prenoient un
grand foin de les embaumer , &
de les munir de quantité d'o
deurs & d'aromats , pour leur
donner beaucoup de fuavité , &
les garantir à mefme temps de
la corruption. Ils employoient
à ce foin jufques à 40. & 50. jours,
& d'avantage s'il eftoit neceffai
re , comme on le voit en la Ge
nefe , & dans Diodore le Sici
lien Livre 1. Chapitre 2. Mais on
du Mercure Galant.
35
trouve deux manieres de faire
ces Embaumemens .
Caffien , Colloque 15. Chapitre
3. explique d'où peut venir
que les Egyptiens prenoient un
fi grand foin d'embaumer leš
Corps , & de les mettre en des
lieux élevez pour les conferver
avec plus de feureté .
·
La nature de l'Egypte eft telle
, dit il , que la plus grande
partie de la Terre eft inondée
des eaux du Nil , qui fe dégor
ge & couvre les Campagnes tous
les ans , & pendant un aſſez
long intervalle de temps , y laiffant
un limon & une vafe pourriffante.
Alors les Egyptiens font
contraints de mettre ces Corps
ainfi embaumez & liez fortement
de bandes , dans les, lieux
1
36 Extraordinaire
les plus hauts & loin de l'humi
dité. Ces lieux font ordinairement
les Montagnes , où ils les
enfoüiffent dans le fable , ou des
Roches taillées , en forte qu'ils
y font des Cellules
propres à
enfevelir les Corps . Ils les met
tent auffi en de hautes Pyrami
des , comme on faifoit principalement
ceux des Rois & des
Princes de l'Egypte , qui de leur
vivant avoient pris foin de les
faire baftir eux mefmes ; de là
viennent ces grandes Pyramides
de Memphis ou du grand Cai
re, & d'autres lieux voifins.
Les
Deferts de
l'Egypte ont
encore plufieurs de ces Pyramides
, dont par l'antiquité quel .
ques unes font enfoncées
dans le
fable , d'autres font à demy rom
du Mercure Galant.
37
་
puës , & d'autres font encore en
leur entier , & l'on y peut monter
par le dehors › y ayant des
Marches qui vont tout autour ;
& fur le milieu l'on trouve des
Voutes fort étendues & fpacieufes
, où l'on peut entrer , & ce
font les lieux où les Corps des
Rois & des Princes de l'Egypte
ont efté enfevelis. On peut parvenir
jufques au fommet par ces
mefmes Marches ; mais la defcen.
te en eft beaucoup plus difficile
à caufe de la hauteur , les yeux
pouvant eftte éblouis j c'eft
pourquoy on prend ordinairement
des Guides. M Fer.
manel , Conſeiller du Parlement
de Rouen , ayant fait le Voya
ge de la Terre Sainte , en parle
comme Témoin oculaire , en for
38
Extraordinaire .
Voyage du Levant , eftant alors
accompagné du Sieur Scohouë
Eftranger.
On voit autour de ces Pyramides
des Hieroglyphes gravez,
dont les fignifications & les mar
ques font Myftérieuſes . Le Pere
Kirker en a fait un fçavant Recueil
, & en a donné l'interpré.
tation en cct Ouvrage curieux ,
durant qu'il eftoit Bibliothecaire
du Vatican.
On a mefme trouvé des Trẹ.
fors , & de grandes Richeſſes
dans le fond de ces Pyramides;
& de là on préfume que les
Corps des Rois & des Princes ,
& leurs Trefors ont efté enlevez
, depuis que le grand Caire
& plufieurs autres Villes ont efté
bafties en Egypte , où on leur a
du Mercure Galant,
39
A dreffé d'autres Monumens ma
gnifiques pour les y conſerver.
Les pierres des Monumens font
tachetées de rouge & de blanc,
car
telle en' eſt la nature , n'y
ayant guere d'autre Marbre dans
ce Pays.
La plus commune opinion des
Auteurs qui ont écrit de ces Pyramides
anciennes , eft que dans
l'Egypte , il y en a trois princi.
pales. La plus haute dès trois ,
comme difent Pline , Strabon ,
Pomponius Mela , Démocrate ,
Ammian Marcellin , Oforius &
autres , eftoit conftruite de pier
res apportées de l'Arabie , &
c'eftoit un prodige comment on
avoit peu tirer des pierres d'une
fi immenſe étendue & d'une fi
grande pefanteur , & les mon
40 Extraordinaire
ter apres les avoir mifes en ou
vrage. On tiendroit pour une
Fable , que trois cents foixante
mille hommes y ayent travaillé
vingt années pour l'achever. Sa
bafe occupoit huit Arpens de
terre. Les quatre Angles avoient
chacun de leur coflé huit cents
quatre vingts trois pieds de longueur.
La hauteur , à prendre de
la bafe au fommet , eftoit de 363
pieds. Les deux autres Pyrami
des font moindres en toute leurs
parties.
On peut juger que les Egyptiens
ont efté ceux qui ontexcellé
par deffus toutes les autres
Nations en la magnificence &
en la pompe de leurs Sepulcres
& de leurs autres Monumens,
comme difent Herodote Livre 3.
du Mercure Galant.
41
Diodore Livre 1. Strabon Liv . 17.
& Pline Livre 16: Chapitre 123
comme auffi en la dépenfe exceffive
, & au nombre des Artifans
qu'ils y employoient. Leurs
Tombeaux n'eftoient pas feule.
ment ornez de Pyramides , mais
encore de Coloffes , de Statuës ,
de Sphinx , de Colomnes , d'Obelifques
, de Labyrinthes , &
d'autres fuperbes ornemens . C'eſtce
que dit Martial au commencement
de fes Epigrammes , en
faifant comparaifon avec un Ouvrage
d'un des plus grands Em--
pereurs Romains.
-
Barbara Pyramidum filcat mira--
cuta Memphis.
En voila encore une autre , ”
qu'Amafis Roy d'Egypte avoirfait
conftruire , de laquelle laa
DD 2. deJanvier 1685.
4,2 Extraordinaire
merveille confiftoit en fa figure
& en fa grandeur ; mais c'eftoit
plûtoft par vanité & par oftentation
, qu'autrement . Ce Monument
eftoit fait en figure de
Sphinx , & d'une fi vafte largeur,
que le ciscuit feulement de la
tefte , à prendre par le front ,
avoit cent deux pieds. Sa longueur
eftoit de cent quarantetrois
, & la hauteur eftoit depuis
le nombril , jufqu'au fommet de
la tefte de 82. comme dit Pline
Livre 36. Chapitre 12. Et ce qui
eft encore plus furprenant , &
qui paffe toute créance , l'Ou,
vrage eftoit de Marbre , & d'une
pierre feule & naturelle. Voila
la Sepulture de ce Roy , dont
parle Lucain Livre 9 .
Non mihi Pyramidum Tumulis
cuulfus Amafis...
du Mercure Galant.
433
Ces mefmes Merveilles font,
rapportées par Bellonius , en fes
Obfervations fingulieres Livre 2 .
fur les Ouvrages admirables de
P'Antiquité , & par Pierius en
fes Hieroglyphiques Livre 60..
Platon mefme en fon Phedon ,
infere l'immortalité de l'Ame par
les Corps des Egyptiens , qui ,
demeuroient incorruptibles apres
tant de Siécles en leurs Tombeaux.
3
Ileft icy à propos de parler,
des / Corps qui fe trouvoient , &
fe trouvent encore dans les Se--
pulcres de l'Egypte. On leur
donne le nom de Mumies , Ily en a
de deux fortes ; les uns font embaumez
par dedans , & les autres
par dehors . On en trouve
en des lieux taillez dans les Ro
Dij
44
Extraordinaireches
rangez à colte l'un de
l'autre , enveloppez de Linceuls
rayez de diverfes couleurs , &
ferrez de Bandes diverſement
rayées auffi . Ces Mumies qui font
embaumées par dehors , fe confervent
fans corruption en leurs
linceals , & en leurs bandes , à
cauſe du Baume & des Aromats .
dont elles font munies. Ces
Corps fous leurs couvertures ont
de petites Images de terre ver
te de differentes figures fur leur
eftomach , & mefme ſi extrava
gantes qu'on les prendroit pour
des Idoles. Quelques - uns ont
creu que c'eftoit leurs Talifmans .
Les ongles des pieds & des mains
font peints de Vermillon. C'a
efté de tout temps la couftume
des Egyptiens de peindre ces
S
du Mercure Galant. 45
parties de leurs Corps chez eux
apres leur mort.
On trouve auffi de ces Mumies
enfevelies fur les Montagnes
dans le fable , où le Soleil venant
à donner à plomb , en fait
diftiler une certaine liqueur ou
graiffe fouveraine , qu'on appelle
auffi Mumie , qui guerit die
verfes maladies communes , le
Spafme , les Schirres , l'Artriti
de , le Tetanus ou contraction
de Nerfs , Tartres. Voila l'effet
de celles qui font embaumées
par dehors. Mais je ne trouve
aucun Auteur ancien qui ait parlé
de ces Mumies . Ce n'eft pas
cer Alphalte , Bitume ou Pétrole
qui diftile des Rochers , &
qui paffe mefme au travers ; quoy
qu'ils puiffent avoir quelques
A
46 Extraordinaire
vertus excellentes .
Les Egyptiens . ont une autre
efpece de Mumies , qui font des
Corps défechez . Ils les endur.
ciffent tellement , qu'il n'y a
point de Parchemin qui en apro
che en dureté , & mefme ils ne
font guere moins durs que PAI "
rain . Saint Auguſtin au diſcours
120. des divins Noms , Chapi
tre 12 parle de ces Cadavres
ainfi endurcis , & on les appelle.
en la langue du pays Gabbares.
C'eft ainfi que les nomme Ift
dore , auffi en fa Glofe, felon la
langue de ces Regions . Mais ces
Gabbares ne rendent aucune liqueur
, ou graiffe , comme les
autres.
On remarque que les Egy
ptiens vuidoient les entrailles de
du Mercure Galant.
47
ces derniers Corps ; & comme
on n'y trouve aucune incifion
fur l'eftomach ny au ventre , de
là on a préfumé qu'on les tiroit
par le fondement , & la cervelle
par les narines ; cu s'il y en
avoit quelqu'une , elle eftoir fi
bien coufuë , que l'on ne pou
voit s'en appercevoir. C'eftoit
de cette maniere qu'ils les embaumoient
par le dedans ; eftant
pourtant enfevelis dans leurs
linceuls de la maniere que les
autres. Ces Corps n'eftoient
point fujets à la corruption , &
c'eftoient ceux qui estoient or
dinairement dans les Pyrami
des .
Nous dirons en paffant que
les Egyptiens vendent rarement
de ces Corps appellez . Mumies
48 Extraordinaire
ou Gabbares , parce que les Maîtres
des Vaiffeaux n'en veulent
pas permettre le tranfport en
Europe , comme fi ces corps enlevez
de leur pays ,
préfageoient
fur Mer quelque finiftre acci.
dent , foit que leur imagination
foit préoccupée de cette fuperftition
, ou que quelquefois il
s'en foit enfuivy quelque effet
furprenant , comme Tempeftes,
Vents ou Orages , qui les ayent
jettez dans cette erreur , ils en
attribuent toûjours la cauſe a
ces Corps tirez de leur Sepulture.
Ce n'eft pas qu'en effet la
graiffe ou l'huile que l'on tireroit
de ces Corps , ne fuſt auſſ
fouveraine que le Baume d'Egypte.
Les odeurs & les parfums
dont
du Mercure Galant.
4.9
dont on fe fervoit ordinairement
chez les Egyptiens , eſtoient le
Baume d'Egypte , n'y ayant que
ce Royaume qui en produife.
L'encens , la Myrrhe , & d'autres
Aromats , qu'engendre l'Arabie,
y eftoient employez , auffi
bien que ceux qui viennent de
Corycie , de Sabée , de Cilicie
& d'autres Regions du Levant ;
& mefme du temps de Neron,
on remarque que cet Empereur
fit une dépense fi prodigieufe
aux Funérailles de Poppée fon
Epoufe , pour ces odeurs & ces
parfums Aromatiques , qu'à peine
l'Arabie pourroit - elle ſuffire ,
& fournir en une année ce que
fa prodigalité confuma en un
jour. Le Corps de cette Impératrice
ne fut pas brûlé , comme
Q. deJanvier 1685.
-
E
50 Extraordinaire
c'eftoit la couftume de ces temslà
, ainfi que la fuite le fera connoiſtre
.
;
Les Juifs ont imité la méthode
d'enfevelir les Corps comme
les Egyptiens
car ils les embaumoient
, mais feulement par
dehors , & les couvroient ou de
linceuls , ou de drap de Pourpre,
& les ferroient auffi de bandes .
C'est ce qui fe remarque dans
les Funérailles du Roy Afa,
comme on le lit au Livre 2. du
Paralipom. 10. n . 4. où la Pompe
alla jufqu'à un grand excez .
Ils les mettoient enfuite au
Tombeau, felon que dit Sanchez
fur le Livre des Roys Chap.3 .
n. 12.
Cette coustume a efté meſme
introduite en l'Eglife depuis ce
du Mercure Galant,
temps -là , comme le remarque
Tertullien en fon
Apologétique,
où la profufion & les dépenfes
du Baume & des autres odeurs
Aromatiques eftoient fi excef.
fives & fi indignes des Chrẻ.
tiens , qu'il s'emporte contre ces
excez par ces paroles . Si les Arabes
fe pleignent , dit - il , que ceux
de Sabée fçachant que leurs Aromats
feront employez plus curieufement à
embaumer & à enfevelir les Chré.
1 tiens , qu'à parfumer leurs Autels.
U
Les mefmes odeurs ou de pareilles
, fe jettoient dans les
Tombeaux ou dans les Buchers,
comme ce difcours le fera voir
en fon lieu . Mais revenons aux
Sepulcres & aux Tombeaux.
L'Ecriture Sainte ne fait- elle
e pas mention des Monumens
E ij
52
Extraordinaire
la
merveilleux , conftruits pour
Sepulture des Roys de Juda , &
principalement de celuy que fit
ériger Salomon pour David fon
Pere , fur les deffeins
que
David
mefme en avoit donnez? Ce Sepulcre
eftant en grande vénération
chez les Juifs , tomba en
ruïne fous l'Empereur
Adrien ,
comme marque Dion en la vie
de cet Empereur.
Jofephe en fes Antiquitez Judaïques
Livre 11. Chapitre dernier
, témoigne que dans le Sepulcre
de David , & dans celuy
de Salomon , il y avoit eu de
grandes richeffes enfermées ,
aufquelles il eftoit défendu de
toucher. C'eftoit en la Ville de
Sion où ces Monumens eftoient.
Toutefois Hyrcan , grand Pondu
Mercure Galant.
53
tife , eſtant affiegé en la meſme
Ville par Antiochus , pour la
racheter du Siége , & pour éloigner
l'Ennemi , fut contraint ide
faire foüir dans le Sepulcre de
David , & d'en tirer trois mille
Talens , dont une partie fervit à
détourner Antiochus de fon entrepriſe
, & l'autre fut employée
à lever une Armée pour la défenſe
de la mefme Ville . La néceffité
obligea ce Pontife à fai
re foüiller dans la Sepulture des
Roys contre la défenfe.
Mais long temps apres , le meſ
meJofephe rapporte , que le Roy
Herodes avide d'or & d'argent,
n'eut point de fcrupule de violer
la Sepulture de ce mefme.
Roy , en faisant ouvrir ce Mo--
nument.
E iij
54
Extraordinaire
D'abord il en tira de tres riches
Ornemens qui y estoient
enfermez ; mais il ajoûte qu'on
ne pût parvenir jufques aux
Cendres & aux Trefors de ce
Roy , & qu'une flâme foudaine
s'eftant élevée du fond du Sepulcre
, y confuma deux Satellites
que ce Roy y avoit employez
, pour chercher les Trefors
qu'il en vouloit tirer
que le Ciel purit ainfi l'avarice
d'Herodes, qui fut obligé de faire
remettre le Monument au
mefme état qu'il eftoit auparavant.
>
&
Ce n'eftoit pas feulement avec
les Corps des Roys , que l'on inhumoit
des Trefors & des
chofes prétieuſes ; mais meſme
avec ceux des Prophetes , com .
2
du Mercure Galant. ss
1
-C
1.
>
me Sozomene le fait voir au
dernier Livre de fon Hiftoire
Ecclefiaftique . Ce fut à ce def
fein que les Chaldéens en la prife
de Jérufalem défoüirent les
Offemens des Roys de Juda , des
Princes , des Prophetes , & d'au
tres principaux de la Ville ,
pour en tirer les Trefors &
d'autres richeffes , fi elles y
eftoient cachées , comme le
Prophete Jéremie l'avoit prédit
beaucoup auparavant , pleurant
fur les miféres de cette Ville , &
comme le Prophete Baruch les
a depuis déplorées amérement.
C'est ce qui fut remarqué en la
découverte du Corps de Zacharie
auffi Prophete , qui arriva du
temps du mefme Baruch : car
on trouva à fes pieds un certain
E j
56 Extraordinaire
3
7
petit enfant Hebreu forty de race
Royale , ayant une Couronne
d'or en fa tefte , & des chauſ
fures d'or à fes pieds , & le
corps couvert d'un habit prétieux
; ce qui eftoit la marque
du grand foin & de la finguliere
vénération que les Anciens
avoient pour les Corps des illuftres
Défunts, de les accompa
gner de fi riches ornemens.
On a auffi trouvé dans les
mefmes Monurnens ou Sepul.
cres, des Médailles tres- Antiques,
qui d'un cofté portoient la figu
re d'Empereurs , de Roys ou de
Princes , & de l'autre des lettres
Hieroglyphiques , des Trophées
d'Armes , des Devifes ou
des Emblémes ; & c'eſt dont les
Médalliftes picquent la curiofité
"
du Mercure Galant. $7
de ceux qui aiment les Antiquailles
. Brafficamus à fait paroiftre
dans fon Promptuaire fes
recherches au contentement des .
Sçavans & des Curieux.
Plutarque auffi parlant de la
ville de Pélufe , préfentement
dite Damiete , Strabon Livre-
15. & Ammiam Marcellin Livre.
6. difent que les Roys des Macédoniens
& des Perfes avoient
auffi couftume d'enfermer des .
Trefors dans leurs Tombeaux.
Planudes en lifant des Infcriptions
de Sepulcres , découvrit
ingénieufement un Trefor caché
dans un Monument antique,
& cet Arabe fubtil , qui ayant
leu fur le front d'une grande
Statuë , qui eftoit au frontispice
d'un Sepulcre à découvert , ces
58
Extraordinaire
lignes : Aux Ides de May j'auray la
tefte d'or , fçeut pénétrer dans le
fens de ces paroles ; car bien
que l'on euft déja caffé la tefte
à cette Statuë aux Ides de May,
on fut obligé de la rétablir en
fon entier , pour ne la pas défigurer
, dautant qu'on n'y avoit
trouvé que du marbre ;
du marbre ; mais luy
plus intelligent alla foüir au premier
jour des Ides de May , au
lieu où l'ombre de cette tefte
donnoit , & y trouva autant d'or
que l'ombre fe pouvoit étendre
fur la terre.
L'ufage des Romains fut auffi
affez frequent d'accompagner les
Corps de richeffes en leurs Sepultures.
Toutefois la Loy des
XII. Tables le défendit enfuite
, pour ne pas donner lieu
du Mercure Galant.
59
à violer les Sepulcres des Morts ,
& pour reprimer l'avarice . Voi
la ce que porte cette Loy , neve
aurum addito. Il n'y a pas d'autre
raison que ces Trefors cachez
donnoient occafion de rompre
les Tombeau , de violer la
Sepulture , & de porter les Avares
à cette infamie de foüiller
jufque dans les lieux facrez ce
qui a efté défendu de tout temps .
Philoftrare en la vie d'Apollonius
liv. 7. affure que cet ar.
gent qui avoit efté tiré de la Sepulture
des Morts ne devoit
point entrer dans le commerce
des Hommes principalement
celuy qui y avoit efté dérobé ,
ou qui eftoit tiré des Tombeaux
par avarice .
Le Roy Théodoric fit deux
60 Extraordinaire
1
Ordonnances fur cette matiere,
dont l'une enjoignoit l'information
contre ceux qui avoient ofé
foüiller dans les Sepulchres &
en violer le droit , & l'autre qui
commandoit de rapporter au
bien commun & à l'utilité pu.
blique , les richeffes qu'on auroit
trouvées par hazard dans les
Tombeaux .
L'Hiftoire de Padout fur fes
Antiquitez rapporte que l'on
trouva dans le Tombeau d'Antenor
, qui fut le Fondateur de
cette Ville , plus de trente mille
livres d'argent , qu'il y avoit fait
mettre avant que de mourir.
Mais cette Infcription que Semiramis
Reyne de Babylone , fit
pofer de fon vivant fur fon Se.
pulcre , trompa finement l'avadu
Mercure Galant. 61
rice du Roy Darius . Elle y avoit
fait graver en groffes lettres ces
Mots : Si cui Regum Babylonis fuerit
pecunia penuria , aperto Sepulcro,
fumito. Ce Monument demeura
plufieurs Siécles en fon entier ,`
fans qu'aucun des Defcendans ou
Succeffeurs de cette Reyne y
touchaft , juſques au temps de
Darius. Ce Roy aveuglé d'une
avarice extréme , quoy qu'il fuft
le plus puiffant , & le plus riche
de tous les Roys du Monde,
paffant par là , & ayant leu cette
Infcription , au lieu des immenfes
Richeffes qu'il efperoit y
trouver , n'y rencontra rien que
ces autres paroles gravées au dedans
qui luy reprochoient avec
honte fon avarice. Nifi pecunia
effes inexplebilis , & turpis lucri
62 Extraordinaire
cupidus , defunctorum Sepulcra non
violaffes. Quelle infamie pour un
Roy & quelle tache qui ne
pourra jamais s'effacer!
La magnificence des Sepulchres
a paru tant aux Pyrami
des , dont nous avons parlé ,
qu'en la ftructure differente des
uns & des autres. Mais voila
d'où vient ce nom de Maufolée,
qu'on donne aux plus beaux Se.
pulchres & aux Tombeaux les
plus fuperbes , tant de l'Antiquité
que des Modernes ; & mefme
aux représentations qui fe
font dans les Temples , en la
mort des Roys , des Reynes , ou
des grands Heros.
Artemife Reyne de Carie , un
des Royaumes de l'Afie majeure
, voyant Maufolus
fon
du Mercure Galant.
63
Epoux mort , touchée d'une
vive douleur , fit ériger en fon
honneur & en fa memoire un
Monument , qui du nom de ce
Prince prit celuy de Mauſolée.
La ftructure de ce Tombeau fut
d'un fi excellent ouvrage qu'elle
luy fit douner le nom de la fixiéme
Merveille du Monde. La
figure en eftoit quarrée , & cet
Ouvrage fut donné à quatre
Maiſtres des plus habiles pour y
travailler. La partie Orientale
fut deſtinée à Scopas pour la
graver ; celle du couchant à
Leocare ; celle du Septentrion à
Briaffe , & celle du Midy à Timothée
. Ce grand Monument
fut formé en Pyramide , comme
la plus part l'eftoient dans ce
temps - là . Au fommet de ce
64
Extraordinaire
grand Ouvrage , eftoit la Satuë
du Roy affis dans un Trône la
Couronne en la tefte . Le commencement
& la Bafe eftoient
par Portiques & fans Marches.
La feconde élévation fuivoit la
mefme forme , mais avec des
Marches murées en dehors ; &
la troifiéme avec des Marches
en dedans pour monter au plus
haut. Les Arcades du premier
Etage eftoient fi larges , que d'un
Pilliers à l'autre il Y avoit 73.
pieds . Elles eftoient fupportées
de 36. Colomnes d'une pierre
feule chacune.
La merveille de ce Monument
confiftoit en l'Architecture, en la
grandeur , en la hauteur , & en la
Sculpture . Comme c'étoit l'Ouvrage
des plus fçavans Maiſtres ,
du Mercure Galant.
651
auffi n'y fut- il rien épargné pour
la dépenfe . La grandeur des Sta--
tues qui en faifoient l'ornement,
furprenoit les yeux . Ce ne fut
pas affez que toutes ces Merveilles
pour en faire une , fi Ar.
temife , Epouſe de Maufole , ne
faifoit voir quelque chofe de :
plus merveilleux . C'est elle qui
apres avoir rendu les derniers
devoirs à fon Epoux avec toute
la pompe imaginable , & ayant
fait confumer fon Corps dans le:
Bucher avec les Odeurs , less
Parfums & les Aromats les plus™
préticux , en recueillit les Cendres
qu'elle enferma dans une
Urne d'or en ce mefme Monu--
ment . Mais cette Reyne ne vou-:
lant pas luy furvivre , s'enfermaz
au mefme lieu , & le refte de:
Q.de Janvier 1685, F
66 Extraordinaire
fes jours ne vécut que de ces
mefmes Cendres détrempées de
fes larmes pour tout aliment .
Ainfi elle mefme devint le Mau
folée de fon Epoux , en expirant
dans ce Monument. Ce
font là des marques d'une ten.
dreffe & d'un amour inexpliquable.
Je puis dire qu'au ſujet des ſept
Merveilles du monde , dont la
premiére , qui eft le Maufolée
eft du nombre , j'ay eſté affez
heureux pour les avoir entremef.
lées toutes dans un Diftique Latin
par leurs noms , avec celuy du
Roy , pour Infcription fur le
Louvre , avec d'autres qui ont
efté leuës à Verfailles , dans le
temps que beaucoup de monde y
travailloit. La curiofité du Public
du Mercure Galant.
67
me les fait employer icy.
Hoc Lodoici Ephefum , Mcmphim,
Babylona , Coloffum,
Maufolea, Pharon, cum Jove , vincit
opus .
Le Livre d'André Palladio, fur
les magnifiques Sepultures , imprimé
à Rome avec fes Figures ,
parle avantageufement du Maufolée
de la Reyne Artemife , en
faveur du Roy Maufolus fon
Epoux.
Varron & Pline rapportent les
merveilles du Sepulcre de Porfenna
, Roy d'Hetrurie , qui pre.
fentement eft la Tofcane , Il eft
prés la ville de Clufe . Ce Monument
eft de pierre , fait en
quarré, dont chaque cofté a trois
cens pieds de largeur. La Bife eft
auffi quarrée. Le corps de l'Ou-
Fij
68 Extraordinaire
vrage s'éleve jufqu'à la moitié en
Pyramide , & au dedans il y a un
Labyrinthe.Sur ce Labyrinthe on
voit une Plateforme qui foûtient
cinq Pyramides , quatre aux Angles
, & une au milieu . Elles ont en
leur Baſe foixante & quinze pieds.
Elles font hautes de cent cinquate
pieds , & tellement égales , qu'en
leur fommet il y a un Chapiteau
d'Airain qui les couvre toutes , &
qui foûtient cinq autres pierres
d'une hauteur prodigieufe. Du
pied de ce Monument jufqu'au
faifte , l'on compte cinq cens
pieds. C'eft où l'on tient que
Porfenna eft ‹ t inhumé .
Les Empereurs , les Roys & les
Princes , fur les modelles des Anciens,
fe font fait ériger de grands
& magnifiques Monumens pour
du Mercure Galant. 69
leurs Sepultures , comme pour fe
rendre immortels par ces Ouvrages
. On voit encore à Rome en
la Vallée Martia , les veftiges du
Sepulcre de l'Empereur Augufte,
fort prés de l'Eglife S. Roch. II
eftoit autrefois orré de Marbre
blanc , de Porphyre , de grandes
Colomnes , d'Obelifques , & d'excellentes
Statuës , & avoit douze
Portes & trois ceintures de Murailles.
Il eftoit de forme ronde
& de cent coudées de haut. Au
fommet eftoit la Statuë de cet
Empereur faite d'Airain , tenant
en fa main fon Sceptre , & ayant
une Couronne en la tefte. Il l'avoit
fait baftir . non feulement
pour luy , mais auffi pour les
Empereurs qui luy devoient fuc
ceder. Le Sepulcre de l'Empe
70 Extraordinaire
reur Adrien eftoit encore en
la mefme Ville , & c'eft où eft
maintenant le Château S. Ange,
qui eft joint par un Pont fur le
Tybre.
Ce Monument dans fon temps.
eftoit embelly & diverfifié de
Marbres differens & exquis , de
Statuës , de Chars de Triomphe ,
& d'autres Ornemens artificieufement
travaillez , mais ils furent
rüinez par l'Armée des Goths ,
du temps de Belifaire.
Le Pontife Boniface VIII . y
fit faire le Château qui s'y voit
prefentement , & qui porte le
nom de S. Ange ; car un Ange y
parut deffus l'épée à la main ,
comme pour chaffer la pefte qui
defoloit Rome , comme cela arriva
, & depuis le nom de S. Ange
du Mercure Galant.
7 ፤
Y
luy eft demeuré. Alexandre VI .
le ceignit de foffez & de baftions,
fit conftruire une Gallerie couverte
& une autre découver
te , qui va juſqu'au Palais de faint
Pierre . Paul III. a depuis embelly
ce mefme Château de divers
Apartemens fomptueux.
>
Il y a encore plusieurs autres
Maufolées en la mefme Ville ; rel
que celuy de Septimius Severus ,
que l'on apelloit Septizonium , à
caufe des fept Ceintures dont il
eftoit environné , & celuy de Ceftius
, qui ne cédoit pas au préce
dent en beauté , & dont il refte
encore des veftiges . Les Romains
font fi jaloux de ces marques
d'antiquité , que depuis un Cardinal
fe voulant fervir des rüines
d'un de ces illuftres Monumens ,
72
Extraordinaire
il en fut empefché par l'autorité
Pontificale.
Proche de ces magnifiques Se--
pulcres eftoient des Obelifques .
d'une hauteur étonnante , & d'une
feule pierre . Il y en avoit deux au
Maufolée d'Auguſte , de quarante-
deux pieds. On tient mefme
que les cendres de Jules Cefar
étoient au fommet de celuy qui
avoit foixante & douze pieds ; en
la place defquelles Sixte V. a fait
mettre de fon temps une riche
Croix . Il y avoit des Lettres &
des Caracteres Egyptiens gravez
autour,
On érigeoit auffi des Colomnes
proche des Sepulcres en la
mefme Ville . Celle qui fut bâtie
en l'honneur de l'Empereur Trajan
, comme dit le mefme Palladio
dis Mercure Galant.
73
dio , avoit cent vingt- huit pieds
de hauteur ; & cet Empereur ne
la vit pas , parce qu'ayant entre
pris la Guerre contre les Parthes ,
il mourut au retour de cette expedition
en la ville de Seuleucie
en Syrie. Mais depuis fes cendres
furent rapportées à Rome ,
& mifes dans une Vrne d'or au
haut de cette Colomne. L'an 1588 .
Sixte V. fit mettre au lieu de
cette Vrne l'Image de S. Pierre,
faite de Bronze doré & d'une
grande ſtature . Autour de cette
Colomne , les Guerres & les Vi.
& oires de Trajan étoient gravées
en figures de Marbre , & principalement
fon entrepriſe contre
les Daces ,
Il y a des Villes entiéres bâties
& deftinées à la Sepulture des
2. deJanvier 1685. G
74
Extraordinaire
Empereurs & des Roys , comme
Seleucie par Conftätin le Grand ,
Antinoë par l'Empereur Adrien,
quoy que fon Sepulcre ait eſté à
Rome , où prefentement eft le
Château Saint Ange , comme il
eft dit cy- devant , Bucephalie
par
Alexandre le Grand , Taphofyris
par les Egyptiens , & plufieurs
autres ; ce que témoigne
Zuingerus ,
Pour la matiére de ces Monu~
mens , la Pierre , le Marbre , le
Porphyre , & mefme le Verre y
ont efté employez , comme on
voit dans Strabon liv. 17. qui die
que Ptolomée érigea pour Alexandre
le Grand , un Sepulcre
entiérement de verre, où le corps
ne pouvoit rendre aucune mauvaife
odeur , & étoit toûjours
du Mercure Galant. 75
4]
i
prefent aux yeux par la tranfparence
de la matière .
Plutarque raporte que le Sepulcre
d'Anthée , ce Géant fameux
qui combatit contre Hercule , &
dont il fut vaincu , a foixante &
dix coudées de long, & qu'il étoit
tenu comme une chofe Sacrée ;
car fi la moindre partie en étoit
offencée , & n'étoit pas réparée
au plûtoft , une pluye continuelle
tomboit en la mefme Region , &
la defoloit .
Il en arrive prefqu'autant à l'égard
du Sepulcre du Poëte Stratus
, qui fe voit à Pompejopolis ,
ville de Syrie , comme fait mention
Olaus Magnus , contre lequel
fi un Paffant jette une pierre
, elle rejaillit auffi- toft contre
luy , plûtoft par un prodige que
Gij
76
Extraordinaire
par aucune
raiſon naturelle
. Ces
exemples
ne font icy raportez
que pour marquer
la venération
qu'on doit avoir pour les Tombeaux
, & pour ceux qui y prennent
leur repos.
Le Tombeau de Virgile , Prin .
ce des Poëtes Latins , étoit conftruit
à la vuë de la ville de Naples
, & étoit d'une grande éminence
;
mais maintenant il eft
couvert d'arbriffeaux & de brof.
failles. On en voit encore les
grands veftiges à l'entrée d'une
caverne du Mont Paufitippus ,
comme on le remarque dans le
livre des Monumens & des Eloges
des illuftres Perfonnages ,
avec cette Infcription .
Qui cineres ? Tumuli hæc veſtigia ;
conditur olim
du Mercure Galant.
77
Ille hoc , qui cecinit pafcua , rura,
duces.
Si les Payens fe font fait des
Dieux , de leur nombre la pluf
part étoient mortels . Lucien qui
s'en raille , raporte dans le Dialogue
qu'il intitule Philopater, que
le Sepulcre de Jupiter leur Sou
verain étoit conftruit dans l'Ifle
de Créte , en une certaine Vallée
où autrefois il avoit efté nourry,
lors que Cybéle fa Mere le mit
au Monde dans la Foreft Dictée,
où les Corybantes par leur bruit
& le cliquetis de leurs Armes
empefcherent que Saturne fon
Pere n'entendift les cris de l'Enfant,
& qu'il n'en fuft devoré.
Le mefme Autheur en fon Dialogue
, qui porte pour Tître le
Deüil , aprend beaucoup de cho
G iij
78
Extraordinaire
fesfur la matiére de la Sepulture.
On y voit entr'autres que les
Grecs, tantoft brûloient les corps ,
& tantoft les inhumoient . Que
les Perfes les enterroient avec
des meubles prétieux , & avec de
grandes richeffes , felon la qualité
des perfonnes. Que les Indiens
fe fervoient de Tombeaux & de
Buchers , & qu'ils oignoient les
corps de fuif. Que les Scythes.
mangeoient fouvent les corps
leurs Amis en de grands Banquets ;
que les Egyptiens les embaumoient
. Mais nous traiterons du
tout feparément.
de
Revenons du Prophane au Sacré.
Au milieu de la Vallée de
Jofaphat , on trouve le Sepulcre
d'Abfalon , Fils de David . Il eft
coupé dans la Roche à la pointe
du Mercure Galant .
79
du cifeau , mais les Juifs l'ont tellement
en horreur, qu'ils yjettent
des pierres en paffant , à caufe du
mauvais deffein qu'il avoit entrepris
contre le Roy fon Pere.
Prés de la ville de Jérufalem ,
on voit les sépultures des Roys
de Juda , pareillement taillées
dans la Roche , & feparées les
unes des autres . Ce font autant
de Sepulcres en forme de cabinets
, & dont les Portes ont cela
de merveilleux , qu'elles font de
pierre , & tournent fur des pivots
de pierre auffi , le tout n'étant
que d'une feule pièce.
Les Sepultures des Juges d'If
raël , ne font pas éloignées des
precédentes . Elles font profque
toutes en leur entier. La curio .
fité de les voir , porte les Voya-
G iiij
80 Extraordinaire
geurs à fe fervir d'Arabes , qui
pour peu d'argent donnent des
connoiffances du tout .
Le Sepulcre du Lazare eſt dans
la Bethanie affez profond , ayant
plufieurs marches pour y defcendre.
L'on tient que ce Monument
étoit commun à fa Famille;
car il n'eut pas efté conftruit en
fi peu de temps aprés fa mort.
C'eft de ce lieu que la Sageffe Incarnée
le tira pour le reffufciter,
en luy difant , Lazare , exiforas .
Les Sepulcres où ſont enterrez
Jes Innocens qu'Herode fit maf
facrer , font auffi taillez dans la
Roche ; comme auffi céluy de
fainte Paule vers Bethleem. C'eft
en fon honneur que S. Hierôme
a compofé cette Epitaphe.
Afpicis anguftum pracisâ rupe Sepulcrum
,
du Mercure Galant. 81
Hofpitium Paula eft caleftia regna
tenentis ,
Divitias linquens Bethlemiti conditur
antro.
Le Tombeau du mefme S. Hie
rôme n'eſt pas éloigné de là ,
ainfi que ceux de plufieurs autres
SS. Peres. L'on tient par une
commune opinion que la Refurrection
fe doit faire de tous les
Hommes en cette Vallée de Jo.
faphat au dernier Jugement , &
que comme il a efté poffible à
Dieu de divifer les Hommes en
la Transfiguration de Babylone,
il luy fera auffi facile de les raffembler
tous en un moment , au
mefme lieu , de toutes les Parties .
du Monde , pour y recevoir leur
jugement.
DE LA
SEPULTURE,
DES TOMBEAUX ,
Et du temps que l'on a brûlé
les Corps
.
C
Omme la Vie eſt le premier
principe des Hommes
; de mefme la Mort eft leur
dermer terme . C'eſt d'où vient
que le Droit de la Sepulture eft
fi ancien , que peu apres la
création du Monde , & la chûte
de nôtre premier Pere , il a eſté
introduit & mis en ufage . Dieu
du Mercure Galant.
15
dit au premier Homme apres fon
peché qu'il étoit poudre, & qu'il retourneroit
enpoudre , parce qu'apres
la mort les corps des Hommes
doivent eftre mis dans la Terre,
comme dans le fein de leur commune
Mere , d'où ils ont efté tirez
en leur naiffance .
Mais avant que de parler des
Tombeaux , de la Sepulture , &
de l'ufage que les Anciens y ont
obſervé , il eſt à propos de dire
que l'origine en a prefque commencé
avec le Monde , & que
les premiers Hommes ont enfévely
les Corps des Défunts .
C'est un foin & une pieté qui
s'eft pratiquée comme par une
Loy , que la Nature mefme avoit
impofée. L'exemple en a paffé
chez la Pofterité , & le foin des
>
16
Extraordinaire
Funerailles a efté en fuite religieufement
étably & obfervé.
Mais fur tout on doit dire qu'Adam
& Noë ont efté les premiers
qui ayent fait ouverture
de la Terre pour y ensevelir les
corps , n'y ayant eu perfonne qui
ait en leurs deux temps précédé
l'un ny l'autre.
Abel , comme rapporte Jofephe
liv. 1. Chapitre 3. de fes
Antiquitez Judaïques , à l'âge de
129. ans fut la premiere Victime
de la mort , & reçût un ſi mauvais
traitement de Cain fon frere
, que ce Barbare apres luy
avoir arraché la vie , en cacha
le corps dans les haliers , pour
ne luy pas donner la Sepulture,
exerçant encore une nouvelle
cruauté fur fon Frere
apres
fa
du Mercure Galant.
17
mort. Mais Eliphas Themanite
dit , que Cain apres un meurtre
fi fanglant , devint vagabond &
comme furieux , ayant toûjours
devant les yeux l'image de fon
crime ; qu'il ne fe retiroit que
dans les Cavernes & les Foreſts
comme une Beſte , & que Dieu
fulmina contre luy un decret,
par lequel il fut ordonné qu'il
perdroit la vie par le fer , &
qu'il deviendroit la proye des
Vautours & des Animaux fauvages
, ainlì que les Septante ont
interpreté le paffage de Job fur
ce ſujet Chapitre 15. verf. 22. &
comme Olimpiodore l'a expliqué
. Voila les termes de ce decret
; Hominem impium decretum ,
ait , effe à Deo in manus ferri , &
ordinatum in efcas vulturum . Ce qui
Q. deJanvier 1685. B
18 Extraordinaire
à la verité fut jugé une punition
rigoureuſe , mais digne de l'im..
pieté de ce Parricide .
.
Adam touché au vif de la
mort d'Abel fon fils , en fit chercher
le corps , & apres plufieurs .
jours de deuil , de larmes & de
foûpirs , prit le foin de l'inhu .
mer avec beaucoup de pompe,.
& luy erigea un Monument qui
devoit fervir à luy mefme ,
& à fes autres enfans .. L'on :
tient communément que ce nefut
pas loin de Sion . Voila la
premiere Sepulture & le pre.
mier Tombeau , auquel ce Pere
affligé ajoûta encore une belle
Epitaphe , conceuë en ces paroles.
Quis tantus de hoc loco , tamque
fonorus clamor ? Rogas Viator ?
adhuc inauditum tibi parricidium,
du Mercure Galant.
19
& c . Salien la rapporte en l'année
du Monde
130.
La privation de la Sepulture .
avoit quelque chofe d horrible.-
Ce fut toutefois de cette melme.
peine la plus barbare de toutes ,
que les Egyptiens traiterent les
Hebreux fous Pharaon leur Roy;
car apres avoir miferablement
porté le joug de fa tyrannie , &
un long & rude efclavages , ils
en jettoient les Corps dans les
Champs fans les enfevelir , & ne
permirent pas mefme de mettre
de la pouffiere deffus , ny de ré
pandre des larmes apres leur
mort ; mais Dieu vangea bien
cette barbarie , felon que le remarque
Philon Juif en la vie de :
Moyle.
La fainte Ecriture nous fait :
B. ij
20 Extraordinaire
connoiſtre, aux Nombres Chapitre
16. verf. 34. que Dieu mefme
a voulu quelquefois que les
impies , en vangeance de leurs
crimes , ayent efté privez de la
Sepulture en diverfes manieres ,
ou eftant engloutis tout vifs dans
les entrailles de la Terre, comme
il est arrivé à Coré , Datham &
Abiron , ou eftant confumez du
feu du Ciel , fans qu'il foit refté
la moindre partie de leurs corps
pour
eftre mife dans la Sepulture
, comme le mefme Jofephe &
Philon le rapportent .
Ce fut là une effroyable vangeance
, & un terrible Monument
, quand cinq fameuſes Villes
furent entierement confumées
du feu du Ciel avec tous
leurs Habitans , à l'exception de
du Mercure Galant, 21
Loth & de fa Famille , encore
fon Epouſe par fa faute fut- elle
changée en fa propre Image ; &
quand Sodome & Gomorrhe du
nombre de Pentapolis devinrent
une vafte Mer de fouphre & de
bitume , pour punir les crimes
de ceux qui les habitoient . Les
Hiftoriens en feront toûjours
mention , & la pofterité en parlera
à jamais .
5.
C'eft de là auffi qu'eft venu
ce fameux Lac appellé Afphaltide
, ou cette Mer morte , dont
Joſephe liv.
&
4.
de la Guerre
de Juifs , & Hegefippe liv.
14. Chapitre 18. recitent tant de
merveilles , & apres eux Ariftote
& Strabon , & plufieurs autres.
Mais revenons à Adam & å
12 Extraordinaire
Noë , dont nous avons parlé cy--
devant. Noë , ce grand Patriarche
, averty de Dieu qu'il euft à
baftir l'Arche , pour ſe garantir
luy & fa famille des eaux du Dé .
luge univerfel , femble avoir donné
à tous les hommes qui devoient
venir apres luy , une idée
de la Sepulture & des Tombeaux
, car comme dit Orohoaita ,
le plus fçavant & le plus fameux
de tous les Auteurs Syriens , liv. 1 .
du Paradis Terreftre , Partie 1 .
Chapitre 14. & la Bibliotheque -
des Pères , Chapitre 1. il convertit:
cette mefme Arche en un
Tombeau , & par une pieté infigne
envers les Vivans & les
Morts , en s'y retirant , emporta
avec foy les offemens d'Adam ,
qui avoient eſté tirez du Sepul2-
*
du Mercure Galant
23
1
S
3
chre d'Abel , & apres en efte
forty fain & fauf avec fa Famille ,
il en retira les, mefmes offemens.
d'Adam , qu'il avoit gardez com.
me un dépoft , & les partagea cn--
tre fes Fils avec les Parties de la
Terre , & dans la divifion qu'il
en fit , il donna à Sem qui eftoit
l'aifné , le Crane , & la Region
pour habiter , qui depuis a efté:
dire la Judée.
On tient communement que
le Mont - Calvaire eft le lieu où
le Crané d'Adam a efté enfevely
par ce mefme Sem, & en fui .
te le reste de fes autres offemens,
& que cette Montagne a pris
fon nom de cette Sepulture . C'eft:
une ancienne Tradition , qui a
duré chez les Syriens , dit le
mefme Orohoaita , & qui y dure
encore..
24
Extraordinaire
Mais il ne faut pas s'étonner,
fi ces chofes font paffées fous fi.
lence dans les Livres de Moyfe ;
& que ne faifant mention que
de la Creation du Monde , de
la Chûte du premier Homme ,
& de la Propagation du Genre
Humain , il ne rapporte rien du
premier Age du Monde . L'Auteur
de la précédente opinion a
receu comme par Tradition des
plus anciens Syriens , ce qu'il en
a écrit , & que les Juifs tiennent
de luy.
Saint Epiphane fur la fin de
fon Livre , parle ouvertement de
cette Divifion de tout le Monde
entre les Fils de Noë , & affure
que la Paleſtine , dans laquelle
la Judée eft compriſe , eftoit
tombée au fort de Sem , quoy
qu'il
du Mercure Galant. 25
qu'il foit arrivé en fuite que
les
defcendans de Cham s'en foient
emparez par violence . C'eſt enfin
le fentiment de tous les Peres
, que les os d'Adam ont efté
portez apres le Déluge en la
Paleftine , où ils ont efté enfevelis.
C'est ce que confirme
Torniollus année 930. de fes Annales
Saintes , & Salien en la
mefme année.
Comme il n'y a pas à douter
de la pieté de Noë envers les os
d'Adam felon que faint Bafile
fur Ifaye Chapitre 5. & Theo.
phylacte fur Jonas Chapitre 19.
le remarquent , on doit dire auffi
que
le foin charitable de la Sepulcure
, des Funérailles
Tombeaux , & du Miniftere qui
s'y obferve , a pris fon origine
2. deJanvier 1685.
C
des
26 Extraordinaire
d'Adam , & poftérieurement de
Noë , qu'il s'eftétendu en fuite
à toute la Poftérité , & qu'il a
enfin obtenu la force d'une Loy
inviolable. D
La Tradition des anciens Juifs
cft d'une grande authorité pour
perfuader que les offemens d'A
dam ont efté enfevelis en Hebron
, comme faint Hierômé le
répete plufieurs fois , & la plus
grande partie des Peres le tiennent
auffi , & fur tout dans le
lieu du Calvaire , la Paleftine ,
la Judée & Hebron eſtant preſque
la mefme chofe ; tous lefquels
Peres Malveda cite en fon
Livre du Paradis Terreftre, chapitre
54. & 55.
A l'égard de la Sepulture chez
les Anciens Hebreux , ne rapdu
Mercure Galant. 27
1
7
porte. t'on pas qu'Abraham par
une révelation divine , entre les
Actions les plus confidérables,
avoit une grande vénération
pour ce dernier devoir que l'on
rend aux Défunts ? Car quand il
eut perdu Sara fa chere Epoufe,
n'acheta t'il pas par quatre cens
Sicles d'argent le Champ nommé
Ephron , pour y porter le
Corps de la Défunte? Ce fut par
la le premier qui dedia une choi
fe profane à l'ufage picux & facré
de la Sepulture , comme le
dit la Genefe Chapitre 23 .
A
23.
Mais felon le fentiment de
faint Chryfoftome Homelie
ce qui eft de plus confidérable ,
ce grand Patriarche ne s'eftoit
rien acquis par aucun prix d'argent
avant. ce Champ & cette
Cij
28
Extraordinaire
Sepulture , pour n'avoir rien devant
les yeux ou dans l'efprit de
plus prefent que le Tombeau;
& ce mefme Saint le loue pour
fon extréme pieté d'avoir pris
tant de foin de la Sepulture , tant
pour luy que pour les fiens .
Ce n'eft pas encore affez pour
Abraham d'avoir religieuſe..
ment pourvû à la Sepulture de
Sara mais il s'eft porté à la
Pompe des Funérailles , qu'il vou
lut y eftre obſervée , avec des
larmes & des plaintes ; ce que
Moïse exprime en la Geneſe Cha
pitre 23. par des termes dignes
d'un fi grand Perfonnage , mef
me apres avoir rendu les der
niers devoirs aux Manes de fon
Epouſe , il pria les Hethéens
d'avoir le mefme foin de fa Sedu
Mercure Galant.
29
car
pulture , & de ne luy pas denier
ce droit d'humanité , fitoft
qu'il auroit rendu l'ame
le deuil & les plaintes ne défignent
pas feulement les larmes .
& les foupirs , que les vifs reffentimens
de la douleur tirent
du coeur & des yeux , mais tout
ce qui peut regarder les Fune.
railles & leur Pompe.
Moyle remarque que les fentimens
de douleur , & la magni.
ficence de la Pompe funebre ne
furent pas moindres en la mort :
de Jacob; auffi Patriarche, & pe--
tit fils d'Abraham , qu'ils avoient
eſté en la mort d'Abraham meſ
me ; & ce Jacob pere de Jofeph,.
ne regretta pas moins la privation
de la Sepulture de fon Fils ,
C iij
39
Extraordinaire
que la mort pitoyable & funeſte
de ce mefme Fils , laquelle fes
Freres avoient annoncé à leur
Pere eftre
malheureuſement arrivée
, pour avoir efté devoré
des Beftes fauvages ; tant le foin
de la Sepulture eftoit recommandable
chez les anciens Hé
breux . C'est ce que remarque
Philon Juif. En effet , cet Auteur
fait une peinture trifte &
lugubre de Jacob affligé pour la
mort de ce Jofeph. Les termes
en arracheroient de la tendreffe
des coeurs les plus infenfibles , &
feroient couler les larmes des
yeux des plus endurcis.
C'eft de là auffi que ces Saints
Patriarches , comme la fainte
Ecriture l'enfeigne , Genele Chapitre
35. prenoient foin d'elever
du Mercure Galant.
3F .
des Pyramides fur les Sepulcres
des leurs . Jacobce Saint Per
fonnage , comme dit Brochard
en la Defcription de la Terre
Sainte , fit ériger fur le Sepulcre
de Rachel fon Epoufe , une Pyq
ramide d'un excellent Ouvrage,
au pied de laquelle & tout au
tour il en fit placer douze autres
un peu moindres , felon le
nombre de fes Enfans, tant pour
rendre ces Monument illuftre a
la pofterité , que pour marquer
L'efperance de la Refurrection &
de la Vie immortelle , commer
témoigne.de -Lyra parlant de ce
Patriarche .
La Geneſe Chapitre 5o.net
nous reniet - elle pas en memoi
re quelle Pompe funebre ce mef
me Jacob reçût en Egypte apres
Ciiij
32
Extraordinaires
y eftre mort Son Corps fut
honoré d'un fuperbe & magni
fique appareil , & auffi éclatant
que fi c'euft efté celuy d'un Roy,
& les mefmes honneurs furent
pareillement rendus à Joſeph ſon
fils Intendant de l'Egypte , apres
fon trépas.
Saint Ambroife eftime que la
couftume de faire des Obfeques.
eft venue des anciens Hebreux;
car Jacob fut regretté pendant
40. jours , & Moyfe durant 30 .
Cette couftume s'eft diverſe.
ment introduite chez les Nations
poſterieures , comme la fuite le
fera remarquer.
Mais entendons ce que dit
Ciceron fur le foin de la Sepulä
ture. Ce foin , dit - il , marque l'ef
poir de l'Immortalité. Car pourquoy
du Mercure Galant.
33
P
•
s'attacherfifort &fi naturellement
la Sepulture , s'il ne s'enfuit la réi
nion du Corps avec fon Ame , &
que la mort ne foit un paſſage à une
meilleure vie ? A quoy fervent ces
grands Monumens * ces Sepulcres
magnifiques ces Epitaphes , & ces
préparatifs de Pompe funebre ,
Aut
fi ce n'est une esperance de l'avenir
? Voila des termes qui ne fentent
pas le Pyen , mais un ef
prit, éclairé des lumieres de la
Foy. og
Les anciens Hebreux avoient
des Sepulchres particuliers aux
Familles , & d'autres communs
aux Estrangers , qu'ils appelloient
, Polyandria , comme vou,
lant dire que ces Monumens
eftoient pour un grand nombre
de Corps eufemble , ainfi que le :
34
«Extraordinaire
"
mot le fignifie , & c'eftoit où les
Perfonnes inconnues eftoient enfévelies
.
Les Egyptiens rendoient un
culte & une veneration fingu
liere aux Corps des Défunts ,
comme aux organes de leurs
Ames, qu'ils croyoient , ainly que
dit Herodote Livre 1 , immortelles.
A ce fujet , ils prenoient un
grand foin de les embaumer , &
de les munir de quantité d'o
deurs & d'aromats , pour leur
donner beaucoup de fuavité , &
les garantir à mefme temps de
la corruption. Ils employoient
à ce foin jufques à 40. & 50. jours,
& d'avantage s'il eftoit neceffai
re , comme on le voit en la Ge
nefe , & dans Diodore le Sici
lien Livre 1. Chapitre 2. Mais on
du Mercure Galant.
35
trouve deux manieres de faire
ces Embaumemens .
Caffien , Colloque 15. Chapitre
3. explique d'où peut venir
que les Egyptiens prenoient un
fi grand foin d'embaumer leš
Corps , & de les mettre en des
lieux élevez pour les conferver
avec plus de feureté .
·
La nature de l'Egypte eft telle
, dit il , que la plus grande
partie de la Terre eft inondée
des eaux du Nil , qui fe dégor
ge & couvre les Campagnes tous
les ans , & pendant un aſſez
long intervalle de temps , y laiffant
un limon & une vafe pourriffante.
Alors les Egyptiens font
contraints de mettre ces Corps
ainfi embaumez & liez fortement
de bandes , dans les, lieux
1
36 Extraordinaire
les plus hauts & loin de l'humi
dité. Ces lieux font ordinairement
les Montagnes , où ils les
enfoüiffent dans le fable , ou des
Roches taillées , en forte qu'ils
y font des Cellules
propres à
enfevelir les Corps . Ils les met
tent auffi en de hautes Pyrami
des , comme on faifoit principalement
ceux des Rois & des
Princes de l'Egypte , qui de leur
vivant avoient pris foin de les
faire baftir eux mefmes ; de là
viennent ces grandes Pyramides
de Memphis ou du grand Cai
re, & d'autres lieux voifins.
Les
Deferts de
l'Egypte ont
encore plufieurs de ces Pyramides
, dont par l'antiquité quel .
ques unes font enfoncées
dans le
fable , d'autres font à demy rom
du Mercure Galant.
37
་
puës , & d'autres font encore en
leur entier , & l'on y peut monter
par le dehors › y ayant des
Marches qui vont tout autour ;
& fur le milieu l'on trouve des
Voutes fort étendues & fpacieufes
, où l'on peut entrer , & ce
font les lieux où les Corps des
Rois & des Princes de l'Egypte
ont efté enfevelis. On peut parvenir
jufques au fommet par ces
mefmes Marches ; mais la defcen.
te en eft beaucoup plus difficile
à caufe de la hauteur , les yeux
pouvant eftte éblouis j c'eft
pourquoy on prend ordinairement
des Guides. M Fer.
manel , Conſeiller du Parlement
de Rouen , ayant fait le Voya
ge de la Terre Sainte , en parle
comme Témoin oculaire , en for
38
Extraordinaire .
Voyage du Levant , eftant alors
accompagné du Sieur Scohouë
Eftranger.
On voit autour de ces Pyramides
des Hieroglyphes gravez,
dont les fignifications & les mar
ques font Myftérieuſes . Le Pere
Kirker en a fait un fçavant Recueil
, & en a donné l'interpré.
tation en cct Ouvrage curieux ,
durant qu'il eftoit Bibliothecaire
du Vatican.
On a mefme trouvé des Trẹ.
fors , & de grandes Richeſſes
dans le fond de ces Pyramides;
& de là on préfume que les
Corps des Rois & des Princes ,
& leurs Trefors ont efté enlevez
, depuis que le grand Caire
& plufieurs autres Villes ont efté
bafties en Egypte , où on leur a
du Mercure Galant,
39
A dreffé d'autres Monumens ma
gnifiques pour les y conſerver.
Les pierres des Monumens font
tachetées de rouge & de blanc,
car
telle en' eſt la nature , n'y
ayant guere d'autre Marbre dans
ce Pays.
La plus commune opinion des
Auteurs qui ont écrit de ces Pyramides
anciennes , eft que dans
l'Egypte , il y en a trois princi.
pales. La plus haute dès trois ,
comme difent Pline , Strabon ,
Pomponius Mela , Démocrate ,
Ammian Marcellin , Oforius &
autres , eftoit conftruite de pier
res apportées de l'Arabie , &
c'eftoit un prodige comment on
avoit peu tirer des pierres d'une
fi immenſe étendue & d'une fi
grande pefanteur , & les mon
40 Extraordinaire
ter apres les avoir mifes en ou
vrage. On tiendroit pour une
Fable , que trois cents foixante
mille hommes y ayent travaillé
vingt années pour l'achever. Sa
bafe occupoit huit Arpens de
terre. Les quatre Angles avoient
chacun de leur coflé huit cents
quatre vingts trois pieds de longueur.
La hauteur , à prendre de
la bafe au fommet , eftoit de 363
pieds. Les deux autres Pyrami
des font moindres en toute leurs
parties.
On peut juger que les Egyptiens
ont efté ceux qui ontexcellé
par deffus toutes les autres
Nations en la magnificence &
en la pompe de leurs Sepulcres
& de leurs autres Monumens,
comme difent Herodote Livre 3.
du Mercure Galant.
41
Diodore Livre 1. Strabon Liv . 17.
& Pline Livre 16: Chapitre 123
comme auffi en la dépenfe exceffive
, & au nombre des Artifans
qu'ils y employoient. Leurs
Tombeaux n'eftoient pas feule.
ment ornez de Pyramides , mais
encore de Coloffes , de Statuës ,
de Sphinx , de Colomnes , d'Obelifques
, de Labyrinthes , &
d'autres fuperbes ornemens . C'eſtce
que dit Martial au commencement
de fes Epigrammes , en
faifant comparaifon avec un Ouvrage
d'un des plus grands Em--
pereurs Romains.
-
Barbara Pyramidum filcat mira--
cuta Memphis.
En voila encore une autre , ”
qu'Amafis Roy d'Egypte avoirfait
conftruire , de laquelle laa
DD 2. deJanvier 1685.
4,2 Extraordinaire
merveille confiftoit en fa figure
& en fa grandeur ; mais c'eftoit
plûtoft par vanité & par oftentation
, qu'autrement . Ce Monument
eftoit fait en figure de
Sphinx , & d'une fi vafte largeur,
que le ciscuit feulement de la
tefte , à prendre par le front ,
avoit cent deux pieds. Sa longueur
eftoit de cent quarantetrois
, & la hauteur eftoit depuis
le nombril , jufqu'au fommet de
la tefte de 82. comme dit Pline
Livre 36. Chapitre 12. Et ce qui
eft encore plus furprenant , &
qui paffe toute créance , l'Ou,
vrage eftoit de Marbre , & d'une
pierre feule & naturelle. Voila
la Sepulture de ce Roy , dont
parle Lucain Livre 9 .
Non mihi Pyramidum Tumulis
cuulfus Amafis...
du Mercure Galant.
433
Ces mefmes Merveilles font,
rapportées par Bellonius , en fes
Obfervations fingulieres Livre 2 .
fur les Ouvrages admirables de
P'Antiquité , & par Pierius en
fes Hieroglyphiques Livre 60..
Platon mefme en fon Phedon ,
infere l'immortalité de l'Ame par
les Corps des Egyptiens , qui ,
demeuroient incorruptibles apres
tant de Siécles en leurs Tombeaux.
3
Ileft icy à propos de parler,
des / Corps qui fe trouvoient , &
fe trouvent encore dans les Se--
pulcres de l'Egypte. On leur
donne le nom de Mumies , Ily en a
de deux fortes ; les uns font embaumez
par dedans , & les autres
par dehors . On en trouve
en des lieux taillez dans les Ro
Dij
44
Extraordinaireches
rangez à colte l'un de
l'autre , enveloppez de Linceuls
rayez de diverfes couleurs , &
ferrez de Bandes diverſement
rayées auffi . Ces Mumies qui font
embaumées par dehors , fe confervent
fans corruption en leurs
linceals , & en leurs bandes , à
cauſe du Baume & des Aromats .
dont elles font munies. Ces
Corps fous leurs couvertures ont
de petites Images de terre ver
te de differentes figures fur leur
eftomach , & mefme ſi extrava
gantes qu'on les prendroit pour
des Idoles. Quelques - uns ont
creu que c'eftoit leurs Talifmans .
Les ongles des pieds & des mains
font peints de Vermillon. C'a
efté de tout temps la couftume
des Egyptiens de peindre ces
S
du Mercure Galant. 45
parties de leurs Corps chez eux
apres leur mort.
On trouve auffi de ces Mumies
enfevelies fur les Montagnes
dans le fable , où le Soleil venant
à donner à plomb , en fait
diftiler une certaine liqueur ou
graiffe fouveraine , qu'on appelle
auffi Mumie , qui guerit die
verfes maladies communes , le
Spafme , les Schirres , l'Artriti
de , le Tetanus ou contraction
de Nerfs , Tartres. Voila l'effet
de celles qui font embaumées
par dehors. Mais je ne trouve
aucun Auteur ancien qui ait parlé
de ces Mumies . Ce n'eft pas
cer Alphalte , Bitume ou Pétrole
qui diftile des Rochers , &
qui paffe mefme au travers ; quoy
qu'ils puiffent avoir quelques
A
46 Extraordinaire
vertus excellentes .
Les Egyptiens . ont une autre
efpece de Mumies , qui font des
Corps défechez . Ils les endur.
ciffent tellement , qu'il n'y a
point de Parchemin qui en apro
che en dureté , & mefme ils ne
font guere moins durs que PAI "
rain . Saint Auguſtin au diſcours
120. des divins Noms , Chapi
tre 12 parle de ces Cadavres
ainfi endurcis , & on les appelle.
en la langue du pays Gabbares.
C'eft ainfi que les nomme Ift
dore , auffi en fa Glofe, felon la
langue de ces Regions . Mais ces
Gabbares ne rendent aucune liqueur
, ou graiffe , comme les
autres.
On remarque que les Egy
ptiens vuidoient les entrailles de
du Mercure Galant.
47
ces derniers Corps ; & comme
on n'y trouve aucune incifion
fur l'eftomach ny au ventre , de
là on a préfumé qu'on les tiroit
par le fondement , & la cervelle
par les narines ; cu s'il y en
avoit quelqu'une , elle eftoir fi
bien coufuë , que l'on ne pou
voit s'en appercevoir. C'eftoit
de cette maniere qu'ils les embaumoient
par le dedans ; eftant
pourtant enfevelis dans leurs
linceuls de la maniere que les
autres. Ces Corps n'eftoient
point fujets à la corruption , &
c'eftoient ceux qui estoient or
dinairement dans les Pyrami
des .
Nous dirons en paffant que
les Egyptiens vendent rarement
de ces Corps appellez . Mumies
48 Extraordinaire
ou Gabbares , parce que les Maîtres
des Vaiffeaux n'en veulent
pas permettre le tranfport en
Europe , comme fi ces corps enlevez
de leur pays ,
préfageoient
fur Mer quelque finiftre acci.
dent , foit que leur imagination
foit préoccupée de cette fuperftition
, ou que quelquefois il
s'en foit enfuivy quelque effet
furprenant , comme Tempeftes,
Vents ou Orages , qui les ayent
jettez dans cette erreur , ils en
attribuent toûjours la cauſe a
ces Corps tirez de leur Sepulture.
Ce n'eft pas qu'en effet la
graiffe ou l'huile que l'on tireroit
de ces Corps , ne fuſt auſſ
fouveraine que le Baume d'Egypte.
Les odeurs & les parfums
dont
du Mercure Galant.
4.9
dont on fe fervoit ordinairement
chez les Egyptiens , eſtoient le
Baume d'Egypte , n'y ayant que
ce Royaume qui en produife.
L'encens , la Myrrhe , & d'autres
Aromats , qu'engendre l'Arabie,
y eftoient employez , auffi
bien que ceux qui viennent de
Corycie , de Sabée , de Cilicie
& d'autres Regions du Levant ;
& mefme du temps de Neron,
on remarque que cet Empereur
fit une dépense fi prodigieufe
aux Funérailles de Poppée fon
Epoufe , pour ces odeurs & ces
parfums Aromatiques , qu'à peine
l'Arabie pourroit - elle ſuffire ,
& fournir en une année ce que
fa prodigalité confuma en un
jour. Le Corps de cette Impératrice
ne fut pas brûlé , comme
Q. deJanvier 1685.
-
E
50 Extraordinaire
c'eftoit la couftume de ces temslà
, ainfi que la fuite le fera connoiſtre
.
;
Les Juifs ont imité la méthode
d'enfevelir les Corps comme
les Egyptiens
car ils les embaumoient
, mais feulement par
dehors , & les couvroient ou de
linceuls , ou de drap de Pourpre,
& les ferroient auffi de bandes .
C'est ce qui fe remarque dans
les Funérailles du Roy Afa,
comme on le lit au Livre 2. du
Paralipom. 10. n . 4. où la Pompe
alla jufqu'à un grand excez .
Ils les mettoient enfuite au
Tombeau, felon que dit Sanchez
fur le Livre des Roys Chap.3 .
n. 12.
Cette coustume a efté meſme
introduite en l'Eglife depuis ce
du Mercure Galant,
temps -là , comme le remarque
Tertullien en fon
Apologétique,
où la profufion & les dépenfes
du Baume & des autres odeurs
Aromatiques eftoient fi excef.
fives & fi indignes des Chrẻ.
tiens , qu'il s'emporte contre ces
excez par ces paroles . Si les Arabes
fe pleignent , dit - il , que ceux
de Sabée fçachant que leurs Aromats
feront employez plus curieufement à
embaumer & à enfevelir les Chré.
1 tiens , qu'à parfumer leurs Autels.
U
Les mefmes odeurs ou de pareilles
, fe jettoient dans les
Tombeaux ou dans les Buchers,
comme ce difcours le fera voir
en fon lieu . Mais revenons aux
Sepulcres & aux Tombeaux.
L'Ecriture Sainte ne fait- elle
e pas mention des Monumens
E ij
52
Extraordinaire
la
merveilleux , conftruits pour
Sepulture des Roys de Juda , &
principalement de celuy que fit
ériger Salomon pour David fon
Pere , fur les deffeins
que
David
mefme en avoit donnez? Ce Sepulcre
eftant en grande vénération
chez les Juifs , tomba en
ruïne fous l'Empereur
Adrien ,
comme marque Dion en la vie
de cet Empereur.
Jofephe en fes Antiquitez Judaïques
Livre 11. Chapitre dernier
, témoigne que dans le Sepulcre
de David , & dans celuy
de Salomon , il y avoit eu de
grandes richeffes enfermées ,
aufquelles il eftoit défendu de
toucher. C'eftoit en la Ville de
Sion où ces Monumens eftoient.
Toutefois Hyrcan , grand Pondu
Mercure Galant.
53
tife , eſtant affiegé en la meſme
Ville par Antiochus , pour la
racheter du Siége , & pour éloigner
l'Ennemi , fut contraint ide
faire foüir dans le Sepulcre de
David , & d'en tirer trois mille
Talens , dont une partie fervit à
détourner Antiochus de fon entrepriſe
, & l'autre fut employée
à lever une Armée pour la défenſe
de la mefme Ville . La néceffité
obligea ce Pontife à fai
re foüiller dans la Sepulture des
Roys contre la défenfe.
Mais long temps apres , le meſ
meJofephe rapporte , que le Roy
Herodes avide d'or & d'argent,
n'eut point de fcrupule de violer
la Sepulture de ce mefme.
Roy , en faisant ouvrir ce Mo--
nument.
E iij
54
Extraordinaire
D'abord il en tira de tres riches
Ornemens qui y estoient
enfermez ; mais il ajoûte qu'on
ne pût parvenir jufques aux
Cendres & aux Trefors de ce
Roy , & qu'une flâme foudaine
s'eftant élevée du fond du Sepulcre
, y confuma deux Satellites
que ce Roy y avoit employez
, pour chercher les Trefors
qu'il en vouloit tirer
que le Ciel purit ainfi l'avarice
d'Herodes, qui fut obligé de faire
remettre le Monument au
mefme état qu'il eftoit auparavant.
>
&
Ce n'eftoit pas feulement avec
les Corps des Roys , que l'on inhumoit
des Trefors & des
chofes prétieuſes ; mais meſme
avec ceux des Prophetes , com .
2
du Mercure Galant. ss
1
-C
1.
>
me Sozomene le fait voir au
dernier Livre de fon Hiftoire
Ecclefiaftique . Ce fut à ce def
fein que les Chaldéens en la prife
de Jérufalem défoüirent les
Offemens des Roys de Juda , des
Princes , des Prophetes , & d'au
tres principaux de la Ville ,
pour en tirer les Trefors &
d'autres richeffes , fi elles y
eftoient cachées , comme le
Prophete Jéremie l'avoit prédit
beaucoup auparavant , pleurant
fur les miféres de cette Ville , &
comme le Prophete Baruch les
a depuis déplorées amérement.
C'est ce qui fut remarqué en la
découverte du Corps de Zacharie
auffi Prophete , qui arriva du
temps du mefme Baruch : car
on trouva à fes pieds un certain
E j
56 Extraordinaire
3
7
petit enfant Hebreu forty de race
Royale , ayant une Couronne
d'or en fa tefte , & des chauſ
fures d'or à fes pieds , & le
corps couvert d'un habit prétieux
; ce qui eftoit la marque
du grand foin & de la finguliere
vénération que les Anciens
avoient pour les Corps des illuftres
Défunts, de les accompa
gner de fi riches ornemens.
On a auffi trouvé dans les
mefmes Monurnens ou Sepul.
cres, des Médailles tres- Antiques,
qui d'un cofté portoient la figu
re d'Empereurs , de Roys ou de
Princes , & de l'autre des lettres
Hieroglyphiques , des Trophées
d'Armes , des Devifes ou
des Emblémes ; & c'eſt dont les
Médalliftes picquent la curiofité
"
du Mercure Galant. $7
de ceux qui aiment les Antiquailles
. Brafficamus à fait paroiftre
dans fon Promptuaire fes
recherches au contentement des .
Sçavans & des Curieux.
Plutarque auffi parlant de la
ville de Pélufe , préfentement
dite Damiete , Strabon Livre-
15. & Ammiam Marcellin Livre.
6. difent que les Roys des Macédoniens
& des Perfes avoient
auffi couftume d'enfermer des .
Trefors dans leurs Tombeaux.
Planudes en lifant des Infcriptions
de Sepulcres , découvrit
ingénieufement un Trefor caché
dans un Monument antique,
& cet Arabe fubtil , qui ayant
leu fur le front d'une grande
Statuë , qui eftoit au frontispice
d'un Sepulcre à découvert , ces
58
Extraordinaire
lignes : Aux Ides de May j'auray la
tefte d'or , fçeut pénétrer dans le
fens de ces paroles ; car bien
que l'on euft déja caffé la tefte
à cette Statuë aux Ides de May,
on fut obligé de la rétablir en
fon entier , pour ne la pas défigurer
, dautant qu'on n'y avoit
trouvé que du marbre ;
du marbre ; mais luy
plus intelligent alla foüir au premier
jour des Ides de May , au
lieu où l'ombre de cette tefte
donnoit , & y trouva autant d'or
que l'ombre fe pouvoit étendre
fur la terre.
L'ufage des Romains fut auffi
affez frequent d'accompagner les
Corps de richeffes en leurs Sepultures.
Toutefois la Loy des
XII. Tables le défendit enfuite
, pour ne pas donner lieu
du Mercure Galant.
59
à violer les Sepulcres des Morts ,
& pour reprimer l'avarice . Voi
la ce que porte cette Loy , neve
aurum addito. Il n'y a pas d'autre
raison que ces Trefors cachez
donnoient occafion de rompre
les Tombeau , de violer la
Sepulture , & de porter les Avares
à cette infamie de foüiller
jufque dans les lieux facrez ce
qui a efté défendu de tout temps .
Philoftrare en la vie d'Apollonius
liv. 7. affure que cet ar.
gent qui avoit efté tiré de la Sepulture
des Morts ne devoit
point entrer dans le commerce
des Hommes principalement
celuy qui y avoit efté dérobé ,
ou qui eftoit tiré des Tombeaux
par avarice .
Le Roy Théodoric fit deux
60 Extraordinaire
1
Ordonnances fur cette matiere,
dont l'une enjoignoit l'information
contre ceux qui avoient ofé
foüiller dans les Sepulchres &
en violer le droit , & l'autre qui
commandoit de rapporter au
bien commun & à l'utilité pu.
blique , les richeffes qu'on auroit
trouvées par hazard dans les
Tombeaux .
L'Hiftoire de Padout fur fes
Antiquitez rapporte que l'on
trouva dans le Tombeau d'Antenor
, qui fut le Fondateur de
cette Ville , plus de trente mille
livres d'argent , qu'il y avoit fait
mettre avant que de mourir.
Mais cette Infcription que Semiramis
Reyne de Babylone , fit
pofer de fon vivant fur fon Se.
pulcre , trompa finement l'avadu
Mercure Galant. 61
rice du Roy Darius . Elle y avoit
fait graver en groffes lettres ces
Mots : Si cui Regum Babylonis fuerit
pecunia penuria , aperto Sepulcro,
fumito. Ce Monument demeura
plufieurs Siécles en fon entier ,`
fans qu'aucun des Defcendans ou
Succeffeurs de cette Reyne y
touchaft , juſques au temps de
Darius. Ce Roy aveuglé d'une
avarice extréme , quoy qu'il fuft
le plus puiffant , & le plus riche
de tous les Roys du Monde,
paffant par là , & ayant leu cette
Infcription , au lieu des immenfes
Richeffes qu'il efperoit y
trouver , n'y rencontra rien que
ces autres paroles gravées au dedans
qui luy reprochoient avec
honte fon avarice. Nifi pecunia
effes inexplebilis , & turpis lucri
62 Extraordinaire
cupidus , defunctorum Sepulcra non
violaffes. Quelle infamie pour un
Roy & quelle tache qui ne
pourra jamais s'effacer!
La magnificence des Sepulchres
a paru tant aux Pyrami
des , dont nous avons parlé ,
qu'en la ftructure differente des
uns & des autres. Mais voila
d'où vient ce nom de Maufolée,
qu'on donne aux plus beaux Se.
pulchres & aux Tombeaux les
plus fuperbes , tant de l'Antiquité
que des Modernes ; & mefme
aux représentations qui fe
font dans les Temples , en la
mort des Roys , des Reynes , ou
des grands Heros.
Artemife Reyne de Carie , un
des Royaumes de l'Afie majeure
, voyant Maufolus
fon
du Mercure Galant.
63
Epoux mort , touchée d'une
vive douleur , fit ériger en fon
honneur & en fa memoire un
Monument , qui du nom de ce
Prince prit celuy de Mauſolée.
La ftructure de ce Tombeau fut
d'un fi excellent ouvrage qu'elle
luy fit douner le nom de la fixiéme
Merveille du Monde. La
figure en eftoit quarrée , & cet
Ouvrage fut donné à quatre
Maiſtres des plus habiles pour y
travailler. La partie Orientale
fut deſtinée à Scopas pour la
graver ; celle du couchant à
Leocare ; celle du Septentrion à
Briaffe , & celle du Midy à Timothée
. Ce grand Monument
fut formé en Pyramide , comme
la plus part l'eftoient dans ce
temps - là . Au fommet de ce
64
Extraordinaire
grand Ouvrage , eftoit la Satuë
du Roy affis dans un Trône la
Couronne en la tefte . Le commencement
& la Bafe eftoient
par Portiques & fans Marches.
La feconde élévation fuivoit la
mefme forme , mais avec des
Marches murées en dehors ; &
la troifiéme avec des Marches
en dedans pour monter au plus
haut. Les Arcades du premier
Etage eftoient fi larges , que d'un
Pilliers à l'autre il Y avoit 73.
pieds . Elles eftoient fupportées
de 36. Colomnes d'une pierre
feule chacune.
La merveille de ce Monument
confiftoit en l'Architecture, en la
grandeur , en la hauteur , & en la
Sculpture . Comme c'étoit l'Ouvrage
des plus fçavans Maiſtres ,
du Mercure Galant.
651
auffi n'y fut- il rien épargné pour
la dépenfe . La grandeur des Sta--
tues qui en faifoient l'ornement,
furprenoit les yeux . Ce ne fut
pas affez que toutes ces Merveilles
pour en faire une , fi Ar.
temife , Epouſe de Maufole , ne
faifoit voir quelque chofe de :
plus merveilleux . C'est elle qui
apres avoir rendu les derniers
devoirs à fon Epoux avec toute
la pompe imaginable , & ayant
fait confumer fon Corps dans le:
Bucher avec les Odeurs , less
Parfums & les Aromats les plus™
préticux , en recueillit les Cendres
qu'elle enferma dans une
Urne d'or en ce mefme Monu--
ment . Mais cette Reyne ne vou-:
lant pas luy furvivre , s'enfermaz
au mefme lieu , & le refte de:
Q.de Janvier 1685, F
66 Extraordinaire
fes jours ne vécut que de ces
mefmes Cendres détrempées de
fes larmes pour tout aliment .
Ainfi elle mefme devint le Mau
folée de fon Epoux , en expirant
dans ce Monument. Ce
font là des marques d'une ten.
dreffe & d'un amour inexpliquable.
Je puis dire qu'au ſujet des ſept
Merveilles du monde , dont la
premiére , qui eft le Maufolée
eft du nombre , j'ay eſté affez
heureux pour les avoir entremef.
lées toutes dans un Diftique Latin
par leurs noms , avec celuy du
Roy , pour Infcription fur le
Louvre , avec d'autres qui ont
efté leuës à Verfailles , dans le
temps que beaucoup de monde y
travailloit. La curiofité du Public
du Mercure Galant.
67
me les fait employer icy.
Hoc Lodoici Ephefum , Mcmphim,
Babylona , Coloffum,
Maufolea, Pharon, cum Jove , vincit
opus .
Le Livre d'André Palladio, fur
les magnifiques Sepultures , imprimé
à Rome avec fes Figures ,
parle avantageufement du Maufolée
de la Reyne Artemife , en
faveur du Roy Maufolus fon
Epoux.
Varron & Pline rapportent les
merveilles du Sepulcre de Porfenna
, Roy d'Hetrurie , qui pre.
fentement eft la Tofcane , Il eft
prés la ville de Clufe . Ce Monument
eft de pierre , fait en
quarré, dont chaque cofté a trois
cens pieds de largeur. La Bife eft
auffi quarrée. Le corps de l'Ou-
Fij
68 Extraordinaire
vrage s'éleve jufqu'à la moitié en
Pyramide , & au dedans il y a un
Labyrinthe.Sur ce Labyrinthe on
voit une Plateforme qui foûtient
cinq Pyramides , quatre aux Angles
, & une au milieu . Elles ont en
leur Baſe foixante & quinze pieds.
Elles font hautes de cent cinquate
pieds , & tellement égales , qu'en
leur fommet il y a un Chapiteau
d'Airain qui les couvre toutes , &
qui foûtient cinq autres pierres
d'une hauteur prodigieufe. Du
pied de ce Monument jufqu'au
faifte , l'on compte cinq cens
pieds. C'eft où l'on tient que
Porfenna eft ‹ t inhumé .
Les Empereurs , les Roys & les
Princes , fur les modelles des Anciens,
fe font fait ériger de grands
& magnifiques Monumens pour
du Mercure Galant. 69
leurs Sepultures , comme pour fe
rendre immortels par ces Ouvrages
. On voit encore à Rome en
la Vallée Martia , les veftiges du
Sepulcre de l'Empereur Augufte,
fort prés de l'Eglife S. Roch. II
eftoit autrefois orré de Marbre
blanc , de Porphyre , de grandes
Colomnes , d'Obelifques , & d'excellentes
Statuës , & avoit douze
Portes & trois ceintures de Murailles.
Il eftoit de forme ronde
& de cent coudées de haut. Au
fommet eftoit la Statuë de cet
Empereur faite d'Airain , tenant
en fa main fon Sceptre , & ayant
une Couronne en la tefte. Il l'avoit
fait baftir . non feulement
pour luy , mais auffi pour les
Empereurs qui luy devoient fuc
ceder. Le Sepulcre de l'Empe
70 Extraordinaire
reur Adrien eftoit encore en
la mefme Ville , & c'eft où eft
maintenant le Château S. Ange,
qui eft joint par un Pont fur le
Tybre.
Ce Monument dans fon temps.
eftoit embelly & diverfifié de
Marbres differens & exquis , de
Statuës , de Chars de Triomphe ,
& d'autres Ornemens artificieufement
travaillez , mais ils furent
rüinez par l'Armée des Goths ,
du temps de Belifaire.
Le Pontife Boniface VIII . y
fit faire le Château qui s'y voit
prefentement , & qui porte le
nom de S. Ange ; car un Ange y
parut deffus l'épée à la main ,
comme pour chaffer la pefte qui
defoloit Rome , comme cela arriva
, & depuis le nom de S. Ange
du Mercure Galant.
7 ፤
Y
luy eft demeuré. Alexandre VI .
le ceignit de foffez & de baftions,
fit conftruire une Gallerie couverte
& une autre découver
te , qui va juſqu'au Palais de faint
Pierre . Paul III. a depuis embelly
ce mefme Château de divers
Apartemens fomptueux.
>
Il y a encore plusieurs autres
Maufolées en la mefme Ville ; rel
que celuy de Septimius Severus ,
que l'on apelloit Septizonium , à
caufe des fept Ceintures dont il
eftoit environné , & celuy de Ceftius
, qui ne cédoit pas au préce
dent en beauté , & dont il refte
encore des veftiges . Les Romains
font fi jaloux de ces marques
d'antiquité , que depuis un Cardinal
fe voulant fervir des rüines
d'un de ces illuftres Monumens ,
72
Extraordinaire
il en fut empefché par l'autorité
Pontificale.
Proche de ces magnifiques Se--
pulcres eftoient des Obelifques .
d'une hauteur étonnante , & d'une
feule pierre . Il y en avoit deux au
Maufolée d'Auguſte , de quarante-
deux pieds. On tient mefme
que les cendres de Jules Cefar
étoient au fommet de celuy qui
avoit foixante & douze pieds ; en
la place defquelles Sixte V. a fait
mettre de fon temps une riche
Croix . Il y avoit des Lettres &
des Caracteres Egyptiens gravez
autour,
On érigeoit auffi des Colomnes
proche des Sepulcres en la
mefme Ville . Celle qui fut bâtie
en l'honneur de l'Empereur Trajan
, comme dit le mefme Palladio
dis Mercure Galant.
73
dio , avoit cent vingt- huit pieds
de hauteur ; & cet Empereur ne
la vit pas , parce qu'ayant entre
pris la Guerre contre les Parthes ,
il mourut au retour de cette expedition
en la ville de Seuleucie
en Syrie. Mais depuis fes cendres
furent rapportées à Rome ,
& mifes dans une Vrne d'or au
haut de cette Colomne. L'an 1588 .
Sixte V. fit mettre au lieu de
cette Vrne l'Image de S. Pierre,
faite de Bronze doré & d'une
grande ſtature . Autour de cette
Colomne , les Guerres & les Vi.
& oires de Trajan étoient gravées
en figures de Marbre , & principalement
fon entrepriſe contre
les Daces ,
Il y a des Villes entiéres bâties
& deftinées à la Sepulture des
2. deJanvier 1685. G
74
Extraordinaire
Empereurs & des Roys , comme
Seleucie par Conftätin le Grand ,
Antinoë par l'Empereur Adrien,
quoy que fon Sepulcre ait eſté à
Rome , où prefentement eft le
Château Saint Ange , comme il
eft dit cy- devant , Bucephalie
par
Alexandre le Grand , Taphofyris
par les Egyptiens , & plufieurs
autres ; ce que témoigne
Zuingerus ,
Pour la matiére de ces Monu~
mens , la Pierre , le Marbre , le
Porphyre , & mefme le Verre y
ont efté employez , comme on
voit dans Strabon liv. 17. qui die
que Ptolomée érigea pour Alexandre
le Grand , un Sepulcre
entiérement de verre, où le corps
ne pouvoit rendre aucune mauvaife
odeur , & étoit toûjours
du Mercure Galant. 75
4]
i
prefent aux yeux par la tranfparence
de la matière .
Plutarque raporte que le Sepulcre
d'Anthée , ce Géant fameux
qui combatit contre Hercule , &
dont il fut vaincu , a foixante &
dix coudées de long, & qu'il étoit
tenu comme une chofe Sacrée ;
car fi la moindre partie en étoit
offencée , & n'étoit pas réparée
au plûtoft , une pluye continuelle
tomboit en la mefme Region , &
la defoloit .
Il en arrive prefqu'autant à l'égard
du Sepulcre du Poëte Stratus
, qui fe voit à Pompejopolis ,
ville de Syrie , comme fait mention
Olaus Magnus , contre lequel
fi un Paffant jette une pierre
, elle rejaillit auffi- toft contre
luy , plûtoft par un prodige que
Gij
76
Extraordinaire
par aucune
raiſon naturelle
. Ces
exemples
ne font icy raportez
que pour marquer
la venération
qu'on doit avoir pour les Tombeaux
, & pour ceux qui y prennent
leur repos.
Le Tombeau de Virgile , Prin .
ce des Poëtes Latins , étoit conftruit
à la vuë de la ville de Naples
, & étoit d'une grande éminence
;
mais maintenant il eft
couvert d'arbriffeaux & de brof.
failles. On en voit encore les
grands veftiges à l'entrée d'une
caverne du Mont Paufitippus ,
comme on le remarque dans le
livre des Monumens & des Eloges
des illuftres Perfonnages ,
avec cette Infcription .
Qui cineres ? Tumuli hæc veſtigia ;
conditur olim
du Mercure Galant.
77
Ille hoc , qui cecinit pafcua , rura,
duces.
Si les Payens fe font fait des
Dieux , de leur nombre la pluf
part étoient mortels . Lucien qui
s'en raille , raporte dans le Dialogue
qu'il intitule Philopater, que
le Sepulcre de Jupiter leur Sou
verain étoit conftruit dans l'Ifle
de Créte , en une certaine Vallée
où autrefois il avoit efté nourry,
lors que Cybéle fa Mere le mit
au Monde dans la Foreft Dictée,
où les Corybantes par leur bruit
& le cliquetis de leurs Armes
empefcherent que Saturne fon
Pere n'entendift les cris de l'Enfant,
& qu'il n'en fuft devoré.
Le mefme Autheur en fon Dialogue
, qui porte pour Tître le
Deüil , aprend beaucoup de cho
G iij
78
Extraordinaire
fesfur la matiére de la Sepulture.
On y voit entr'autres que les
Grecs, tantoft brûloient les corps ,
& tantoft les inhumoient . Que
les Perfes les enterroient avec
des meubles prétieux , & avec de
grandes richeffes , felon la qualité
des perfonnes. Que les Indiens
fe fervoient de Tombeaux & de
Buchers , & qu'ils oignoient les
corps de fuif. Que les Scythes.
mangeoient fouvent les corps
leurs Amis en de grands Banquets ;
que les Egyptiens les embaumoient
. Mais nous traiterons du
tout feparément.
de
Revenons du Prophane au Sacré.
Au milieu de la Vallée de
Jofaphat , on trouve le Sepulcre
d'Abfalon , Fils de David . Il eft
coupé dans la Roche à la pointe
du Mercure Galant .
79
du cifeau , mais les Juifs l'ont tellement
en horreur, qu'ils yjettent
des pierres en paffant , à caufe du
mauvais deffein qu'il avoit entrepris
contre le Roy fon Pere.
Prés de la ville de Jérufalem ,
on voit les sépultures des Roys
de Juda , pareillement taillées
dans la Roche , & feparées les
unes des autres . Ce font autant
de Sepulcres en forme de cabinets
, & dont les Portes ont cela
de merveilleux , qu'elles font de
pierre , & tournent fur des pivots
de pierre auffi , le tout n'étant
que d'une feule pièce.
Les Sepultures des Juges d'If
raël , ne font pas éloignées des
precédentes . Elles font profque
toutes en leur entier. La curio .
fité de les voir , porte les Voya-
G iiij
80 Extraordinaire
geurs à fe fervir d'Arabes , qui
pour peu d'argent donnent des
connoiffances du tout .
Le Sepulcre du Lazare eſt dans
la Bethanie affez profond , ayant
plufieurs marches pour y defcendre.
L'on tient que ce Monument
étoit commun à fa Famille;
car il n'eut pas efté conftruit en
fi peu de temps aprés fa mort.
C'eft de ce lieu que la Sageffe Incarnée
le tira pour le reffufciter,
en luy difant , Lazare , exiforas .
Les Sepulcres où ſont enterrez
Jes Innocens qu'Herode fit maf
facrer , font auffi taillez dans la
Roche ; comme auffi céluy de
fainte Paule vers Bethleem. C'eft
en fon honneur que S. Hierôme
a compofé cette Epitaphe.
Afpicis anguftum pracisâ rupe Sepulcrum
,
du Mercure Galant. 81
Hofpitium Paula eft caleftia regna
tenentis ,
Divitias linquens Bethlemiti conditur
antro.
Le Tombeau du mefme S. Hie
rôme n'eſt pas éloigné de là ,
ainfi que ceux de plufieurs autres
SS. Peres. L'on tient par une
commune opinion que la Refurrection
fe doit faire de tous les
Hommes en cette Vallée de Jo.
faphat au dernier Jugement , &
que comme il a efté poffible à
Dieu de divifer les Hommes en
la Transfiguration de Babylone,
il luy fera auffi facile de les raffembler
tous en un moment , au
mefme lieu , de toutes les Parties .
du Monde , pour y recevoir leur
jugement.
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Résumé : DE L'ORIGINE DE LA SEPULTURE, DES TOMBEAUX, Et du temps que l'on a brûlé les Corps.
Le texte explore l'origine et l'importance des pratiques funéraires, soulignant leur ancienneté et leur signification. La sépulture est présentée comme un droit ancien, instauré peu après la création du monde et la chute d'Adam. Dieu a informé Adam que les corps humains retourneraient à la poussière, justifiant ainsi l'ensevelissement des morts. Les premiers hommes, guidés par une loi naturelle, ont enseveli les corps des défunts. Adam et Noé sont mentionnés comme les premiers à avoir ouvert la terre pour y ensevelir les corps. Abel, le premier homme à mourir, a été tué par son frère Caïn, qui a caché son corps pour lui refuser une sépulture. Adam a cherché le corps d'Abel et lui a érigé un monument avec une épitaphe. La privation de sépulture est décrite comme une punition barbare, comme celle infligée aux Hébreux par Pharaon. Noé, averti par Dieu de construire l'arche pour survivre au déluge, a également joué un rôle dans l'établissement des pratiques funéraires. Il a converti l'arche en tombeau et a emporté avec lui les offrandes d'Adam tirées du sépulcre d'Abel. Après le déluge, il a partagé ces offrandes entre ses fils. Les traditions juives et chrétiennes soulignent la piété de Noé et d'Adam envers les morts. Abraham a acheté un champ pour y enterrer Sara, marquant ainsi la première dédication d'un lieu profane à un usage sacré. Les patriarches prenaient soin d'élever des monuments funéraires, comme Jacob qui a érigé une pyramide sur la tombe de Rachel. Les pratiques funéraires, y compris les obsèques et les monuments, sont vues comme des marques d'espoir en l'immortalité et en la résurrection. Les Hébreux possédaient des sépultures familiales et des lieux communs pour les étrangers, appelés 'Polyandria'. Les Égyptiens vénéraient les corps des défunts, qu'ils considéraient comme des organes immortels de l'âme. Ils prenaient grand soin d'embaumer les corps avec des huiles et des aromates pour les préserver de la corruption. Les Égyptiens enterraient souvent les corps embaumés dans des lieux élevés, comme des montagnes ou des pyramides, pour les protéger de l'humidité causée par les inondations du Nil. Les pyramides, notamment celles de Memphis, étaient des monuments majestueux construits pour les rois et les princes. Le texte mentionne également des trésors et des richesses trouvées dans les pyramides, ainsi que des momies, qui étaient des corps embaumés conservés dans des linceuls et des bandes. Les Égyptiens utilisaient divers aromates, comme le baume d'Égypte, l'encens et la myrrhe, pour les rites funéraires. Les Juifs adoptaient des pratiques similaires, embaumant les corps et les couvrant de linceuls ou de pourpre. L'Écriture sainte fait référence à des monuments funéraires impressionnants, comme celui érigé par Salomon pour David. Le texte traite également des sépultures royales et prestigieuses. Le grand prêtre de Jérusalem, assiégé par Antiochus, dut fouiller le sépulcre de David pour obtenir des fonds. Le roi Hérode, avide d'or, viola la sépulture de David mais fut arrêté par une flamme soudaine. Les sépultures des rois et des prophètes contenaient souvent des trésors et des objets précieux. Les Chaldéens, lors de la prise de Jérusalem, pillèrent les offrandes des rois et des prophètes. Des médailles antiques et des inscriptions étaient également trouvées dans ces sépultures. Les rois des Macédoniens et des Perses avaient également la coutume d'enterrer des trésors avec eux. Les Romains, bien que la loi des Douze Tables ait interdit de cacher des trésors dans les sépultures, avaient des pratiques similaires. Le roi Théodoric édicta des ordonnances contre ceux qui violaient les sépultures. Des trésors furent également trouvés dans des tombeaux célèbres, comme celui d'Antenor, fondateur de Padoue. Le texte décrit des sépultures magnifiques, comme le mausolée d'Artémise pour son époux Mausole, considéré comme l'une des sept merveilles du monde. Artémise, après la mort de Mausole, se fit enterrer avec lui.
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3
p. 97-104
Depart des Ambassadeurs pour Flandre, & ce qui se passe à Saint Denis. [titre d'après la table]
Début :
Ils partirent le Lundy 14. d'Octobre, & allerent disner à S. [...]
Mots clefs :
Flandre, Saint-Denis, Roi, Abbaye, Corps, Bénédictins, Ouverture, Ambassadeurs, Tombeaux, Pierreries
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texteReconnaissance textuelle : Depart des Ambassadeurs pour Flandre, & ce qui se passe à Saint Denis. [titre d'après la table]
Ils partirent le Lundy 14. d'Otobre
,& allerent diſner à S.
Denis,Ville de l'Iſle de France
à deux lieuës de Paris . Vous
ſçavez qu'elle eſt tres-confiderable
par une Abbaye de
Benedictins , qui eſt le lieu de
la Sepulture de nos Rois. Il
y a pluſieurs autres Eglifes
dans laVille , Paroiffes&Monaſteres.
Le Roy Henry I. y
fit aſſembler un grand nom
bredePrelats en 1053. pour ſe
trouver à l'ouverture de la
Chaſſe de S. Denys , fur ce
I
98 III. P. du Voyage
qu'il s'eſtoir émeu quelque
temps auparavant une fameuſe
diſpure , entre les Religieux
de cette Abbaye , & ceux de
S. Himmeran de Ratisbonne.
Ces derniers avoient fait
courir le bruit qu'ils avoient
le Corps de S. Denys Arcopagire
, & qu'il leur avoit été
donné par le Roy Arnoul.
L'ouverture de la Chaffe du
Saint ayant eſté faite en prefence
de ces Prelats affemblez
, on y trouva fon Corps
tout entier , à la referve d'un
bras , que le Pape Estienne
III. avoit emporté à Rome!)
I
1
des Amb.de Siam. 99
Quoy que les Ambaſſadeurs
ne deuſſent s'arreſter à
S. Denis que pour y diſner ,
ils ne laifferent pas de voir le
Trefor & les Tombeaux de
ceux de nos Rois , dont les
Corps ſont dans l'Egliſe de
l'Abbaye. Je ne vous repete
point ce que c'eſt que leTrefor
; il y a peu de perſonnes
enFrance qui ne l'ayentveu,
&d'ailleurs on a fait imprimer
pluſieurs Livres , qui ne
font remplis que de ce qu'il
contient. Les Ambaſſadeurs
s'attacherent particulierement
à regarder les Pierreries. Ils
Fij
100 III . P. du Voyage
en examinerent pluſieurs ,&
mirent meſme de la lumiere
derriere quelques-unes , qui
eftoient enchaſſées de maniere
qu'elles pouvoient eſtre
veuës des deux coſtez , & ils
en trouverent une que la lumiere
ainſi miſe faiſoit paroiſtre
d'une autre couleur.
Il y a quantité de choſes dans
ce Treſor que nous ſommes
obligez de reverer , & que la
Religion nous rend precieufes
, mais comme elles ne devoient
pas les toucher , on
peut dire qu'ils en virent
quantité , auſquelles ils ne
des Amb. de Siam. 101
s'arrêterent pas. On remarqua
même qu'encore que le beau
travail , l'or & les pierreries ,
les attachaffent beaucoup , ils
font tellement frappez de
tout ce qui a du raport au
Roy , qu'ils regarderent avec
beaucoup plus d'attention ,
& de plaifir les Ornemens
Royaux qui ſont conſervez
dans le meſme lieu qui enferme
le Trefor. Les figures
qui ornent les Tombeaux des
Rois , leur parurent merveilleuſes.
Ils en trouverent les
Bas- reliefs fort beaux , mais
fur toutceux qui font autour
I iij
102 111. P. du Voyage
du Tombeau de François I.
où l'on voit pluſieurs Batailles.
Cet ouvrage qui a des
beautez pour toutes les perſonnes
qui le voyent , en a
beaucoup davantage pour
ceux qui ont une parfaite
connoiſſance des beaux Arts .
Ils confidererent attentivement
le Tombeau de feu
Mr de Turenne & quoy
qu'il leur parût par luy-même
tres-digne de leur curiofité,
ils en admirerent encore
moins la magnificence qu'ils
ne firent la reconnoiffance
du Roy qui paroiffoit avec
des Amb.de Siam. 103
tant d'éclat pour un illuftre
Sujet, dans ce monumentque
Sa Majefté avoit fait élever à
ſes dépens. Ils dirent , que ce
Monarque prenoit tant de plaifor
à faire du bien , & à bonorer
le vray merite , qu'il n'épar
gnoit rien pour faire vivre la
memoire de ceux qui n'avoient
point épargnéleursang pour luy,
que cette maniere d'agir excitant
l'ardeur de tous fes braves
Sujets , il eſtoit impoffible qu'il
ne fût toujours vainqueur. Ils
examinerent la hauteur , la
longueur , & la largeur de
l'Eglife , & fortirent apres
I iiij
104 III. P. duVoyage
avoir remercié les Peres Benedictins
qui avoient pris
ſoin de leur faire voir toutes
ces chofes
,& allerent diſner à S.
Denis,Ville de l'Iſle de France
à deux lieuës de Paris . Vous
ſçavez qu'elle eſt tres-confiderable
par une Abbaye de
Benedictins , qui eſt le lieu de
la Sepulture de nos Rois. Il
y a pluſieurs autres Eglifes
dans laVille , Paroiffes&Monaſteres.
Le Roy Henry I. y
fit aſſembler un grand nom
bredePrelats en 1053. pour ſe
trouver à l'ouverture de la
Chaſſe de S. Denys , fur ce
I
98 III. P. du Voyage
qu'il s'eſtoir émeu quelque
temps auparavant une fameuſe
diſpure , entre les Religieux
de cette Abbaye , & ceux de
S. Himmeran de Ratisbonne.
Ces derniers avoient fait
courir le bruit qu'ils avoient
le Corps de S. Denys Arcopagire
, & qu'il leur avoit été
donné par le Roy Arnoul.
L'ouverture de la Chaffe du
Saint ayant eſté faite en prefence
de ces Prelats affemblez
, on y trouva fon Corps
tout entier , à la referve d'un
bras , que le Pape Estienne
III. avoit emporté à Rome!)
I
1
des Amb.de Siam. 99
Quoy que les Ambaſſadeurs
ne deuſſent s'arreſter à
S. Denis que pour y diſner ,
ils ne laifferent pas de voir le
Trefor & les Tombeaux de
ceux de nos Rois , dont les
Corps ſont dans l'Egliſe de
l'Abbaye. Je ne vous repete
point ce que c'eſt que leTrefor
; il y a peu de perſonnes
enFrance qui ne l'ayentveu,
&d'ailleurs on a fait imprimer
pluſieurs Livres , qui ne
font remplis que de ce qu'il
contient. Les Ambaſſadeurs
s'attacherent particulierement
à regarder les Pierreries. Ils
Fij
100 III . P. du Voyage
en examinerent pluſieurs ,&
mirent meſme de la lumiere
derriere quelques-unes , qui
eftoient enchaſſées de maniere
qu'elles pouvoient eſtre
veuës des deux coſtez , & ils
en trouverent une que la lumiere
ainſi miſe faiſoit paroiſtre
d'une autre couleur.
Il y a quantité de choſes dans
ce Treſor que nous ſommes
obligez de reverer , & que la
Religion nous rend precieufes
, mais comme elles ne devoient
pas les toucher , on
peut dire qu'ils en virent
quantité , auſquelles ils ne
des Amb. de Siam. 101
s'arrêterent pas. On remarqua
même qu'encore que le beau
travail , l'or & les pierreries ,
les attachaffent beaucoup , ils
font tellement frappez de
tout ce qui a du raport au
Roy , qu'ils regarderent avec
beaucoup plus d'attention ,
& de plaifir les Ornemens
Royaux qui ſont conſervez
dans le meſme lieu qui enferme
le Trefor. Les figures
qui ornent les Tombeaux des
Rois , leur parurent merveilleuſes.
Ils en trouverent les
Bas- reliefs fort beaux , mais
fur toutceux qui font autour
I iij
102 111. P. du Voyage
du Tombeau de François I.
où l'on voit pluſieurs Batailles.
Cet ouvrage qui a des
beautez pour toutes les perſonnes
qui le voyent , en a
beaucoup davantage pour
ceux qui ont une parfaite
connoiſſance des beaux Arts .
Ils confidererent attentivement
le Tombeau de feu
Mr de Turenne & quoy
qu'il leur parût par luy-même
tres-digne de leur curiofité,
ils en admirerent encore
moins la magnificence qu'ils
ne firent la reconnoiffance
du Roy qui paroiffoit avec
des Amb.de Siam. 103
tant d'éclat pour un illuftre
Sujet, dans ce monumentque
Sa Majefté avoit fait élever à
ſes dépens. Ils dirent , que ce
Monarque prenoit tant de plaifor
à faire du bien , & à bonorer
le vray merite , qu'il n'épar
gnoit rien pour faire vivre la
memoire de ceux qui n'avoient
point épargnéleursang pour luy,
que cette maniere d'agir excitant
l'ardeur de tous fes braves
Sujets , il eſtoit impoffible qu'il
ne fût toujours vainqueur. Ils
examinerent la hauteur , la
longueur , & la largeur de
l'Eglife , & fortirent apres
I iiij
104 III. P. duVoyage
avoir remercié les Peres Benedictins
qui avoient pris
ſoin de leur faire voir toutes
ces chofes
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Résumé : Depart des Ambassadeurs pour Flandre, & ce qui se passe à Saint Denis. [titre d'après la table]
Le 14 octobre, des voyageurs se rendirent à Saint-Denis, ville de l'Île-de-France située à deux lieues de Paris. Saint-Denis est connue pour son abbaye bénédictine, lieu de sépulture des rois de France, ainsi que pour ses nombreuses églises, paroisses et monastères. En 1053, le roi Henri Ier y convoqua des prélats pour ouvrir la châsse de Saint Denis et résoudre une dispute entre les religieux de cette abbaye et ceux de Saint Emmeran de Ratisbonne concernant la possession du corps de Saint Denis. Lors de leur visite, les ambassadeurs du Siam, initialement prévus pour déjeuner, explorèrent le trésor et les tombeaux royaux de l'abbaye. Ils admirèrent les pierreries, les ornements royaux, les figures et les bas-reliefs des tombeaux, notamment celui de François Ier, représentant plusieurs batailles. Ils examinèrent aussi le tombeau du maréchal de Turenne, appréciant la reconnaissance royale manifestée par ce monument. Les ambassadeurs notèrent la grandeur de l'église et remercièrent les pères bénédictins pour leur accueil.
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4
p. 23-39
ACADEMIE ROYALE des Médailles & Inscriptions.
Début :
Le Mardy 14e Avril Messieurs de l'Academie Royale des [...]
Mots clefs :
Défunt, Morts, Funérailles, Tombeaux, Épithalame, Académie royale des médailles et inscriptions
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texteReconnaissance textuelle : ACADEMIE ROYALE des Médailles & Inscriptions.
ACADEMIEROYALE
des Médailles &Inscriptions.
Le Mardy 14e Avril
Messieurs de l'Academie
Royale des Medailles &,
Inscriptions , firent iouverture
de leurs Aflcmblées.
Mr de Boze,Secretaire
perpetuel decetreAcademie
lût unEloge de feu Mr Defpreaux;
MrBaudelot lûtune
Dissertarton sur l'Antiquité
trouvée depuis peu dansffrglisedeNôtre-
Dame;&
Mr l'Abbé Anselme en lût
une sur les funerailles des
Anciens, dont voicy l'Extrait.
Je donneray dans la4
fuite les Extraits des deux
autres Discours de cette
Àflimblée.
Mr
Mr l'Abbé Anselme y
prononça une éloquente
& sçavante Dissertation
sur les Funerailles: ce
zéleardent,sincere,&
éclairé, qui fut toûjours
l'ame de ses prédications,
ne se dément pas même
icy dans un discours profane
,
son dessein est de
faire voir dans tous les
temps & dans toutes les
nations ce desir naturel
d'immorratiré
,
qui porte
les hommes à vouloir
simmortaliser les uns les
autres par des funerailles,
&c par des lTIOnumens
durables;c'est
ce sentimentd'immortalité
, dit-il, qui leur a
fait établir une esPece
de commerce & desocieté
avec les ames des
mortspar les devoirsfa*
nebres
,
dont ils esperoient
qu'elles auroient
quelque reconnoissance,
comme ils craignoient
qu'elles n'eussent duressentiment
contre ceux
qui manquoient à leur
rendre ces devoirs.
Mr L. A. établit les
devoirs des funerailles
par les idées qu'en ont
tous les hommes en general
; en fuite par les
coûtumes des Egyptiens,
parcelles des Grecs, par
celles des Romains; &
il promet enfin d'achever
son Ouvrage, en
continuant ainsi jusqu'aux
Chrétiens.
Je voudrois quela
mémoire me pût fournir
des morceaux suivis de
ce discours; mais je n'en
ay pu retenir que des
traits d'érudition, qui
seront icy dénuez des
graces, que Mr L. A.
leur a donnez en les
metant si bien en oeuvre.
Les Payens admettoient
trois Diviniccz aux funerailles
,
Pluton, Mercure,
& Venus Libitime ; cette
Venus, Dcesse des ombres,
marque l'idée qu'ilsavoient
de lareproduction dans la
mort ,
c'est-à-dire, de la
resurrection.
Il y avoit parmy eux des
fcpulchres vuides, qu'on
nommoit Cenotaphes ; ils
croyoient que les corps de
ceux Qui estoient morts
loin delà, venoient d'euxmêmes
s'y renfermer.
On enterroit les Morts
sur les chemins, d'où vient
l'inscription,Siste
,
Victor.
Pour marquer le respect
qu'on doit aux tombeaux,
on y representoit des grisons
,
des chiens, & des
lions, comme pour les garder
d'irreverence.
On conjuroit par les cendres
des Morts, Horace dit
à Barine, que n'ayant
jamais esté punie de ses
faux sermens
,
puisqu'elle
en devenoit plus belle, il
luy seroit avantageux de
jurer même par les cendres
de sa mere.
Les Egyptiens, aprés avoir
embaûmé les corps ,
les envelopoient dans des
bandelettes detoilles gom- -
mées, & les enchassoient
dans des boëtes de bois
odoriferant
,
c'estoient-là
leurs Momies, qu'ils conservoient,
les uns dans leurs
maisons, les autres dans des
cavernes voûtées, dont ils
bouchoient l'entrée avec
une colonne,&ilsembrassoient
cette colonne pour
dire le dernier adieu au
deffunt.
Ils appelloient Montagnes
de Pharaon, ces Pyramides
super bes qu'ils élevoient
sur les tombeaux.
Un Roy d'Egyprefitbâtir
un Palais magnifique
pour servir de tombeau à
sa fille, au milieu de ce Palais
estoit un grand salon
rempli de figures, ornées
de pierres precieuses, & le
corps de la deffunte estoit
enfermé dans une vache de
bois odoriferant, couverte
de lames d'or, cette vache
agenouillée portoit entre
ses cornes ungrand So
leil d'or.
On mertoiten la main du
deffunt une lettre cachetée,
pour apprendre à ceux de
l'autre monde qu'on avoit
rendu en celuy-cy tous les
devoirs au deffunt.
Les Grecs tournoient le
visage du mort vers l'orient
, pressentimens fecrct
que ces corps devoient un
jour revoir la lumiere.
A Megare on enterroit
le mort le visage en bas.
Diogene voulut estre ainsi
enterré, disant que toutes
choses se devant un jour
renverser
,
il regarderoit
éternellement le Ciel; idée
confuse de la rcCurreébon.
Les Phtéens celebroient
les funeraiiles par des réjoüissances
; les Atheniens,
par des lamentations,
Il cft plus loüa ble en
ces occasions,de se réjoüir
de la gloire du deffunt,
que de pleurer la perte
qu'on en a fait.
LesRomains ont imité la
magnificence des Grecs en
tombeaux, épitaphes, statuës
,
bas-reliefs. Et si tous
ces monumens,dit L. Ans.
estoient l'effet d'une'Vanité¡tif
tueuse
,
du moinsestoient-ils
utiles
, en ce que les morts
enseignoient l'histoire du monde
aux vivans.
Les Romains apprirent
des Grecs l'usage des bnchers
: Ils faisoientpartir un
Aigledusommetdubucherde
- leurs Empereurs, dit L. A.
£r illeurplaisoit de croire que
cet aigle emportoit l'ame pour
l'aller placer au rang des
Dieux ; cet aiglemarquoit
au moins
,
sans qu'ils y penfejfent,
que l'homme doit un
jour renaiflre de ses cendres.
Le Dictateur Silla commença
l'usage des bûchers,
ils finirent avec Caracalla,
& Geta les rétablit, il vouloit
éviter la Loy du Talion:
il ordonnna qu'on brûlast
son corps, de peur qu'on
ne le déterrast, comme il
avoit fait celuy de Marius.
Mr. L. Anselmefinit en
parlant des Epitaphes en
vers; il dit qu'ensuite les
Romains trouverent plus
commode de lesfaire en
prose; il ajoûte que le style
lapidaire n'cft pas moins
énergique en pro sequ'en
vers, on peut le prouver
par luy-même ; voicy un
Epitaphe qu'il fit pour le
feu Roy d'Angleterre.
$
EPITAPHIUM
REGIREGUM,
Felicique memorioe
AC 0 BIll. Majoris BritanU
Régis,
J$jiifinx hîcviscera condivoluit,
"ondi/IM ipse in 'ViJèrrjbtl:.
CsiRISTl.
Fortitudine bellicâ nullifecun*
dus.
Fide christianâ tIti non Par?
Per alteram quid non ausus ?
Illâplusquam Heros,
Ijlâ propeMartyr.
Fide fortis
,
Jccen/nsperic/tlts , erettusad< verfis.
Nemo Rex magis
, clii Regna,
quatuor Anglti , t Scotia, HibemU. Vbi
quartum ?
lpfeJihi.
Tria eripipotuere,
Quartum intactummansit.
Priorum defensio exercitus, qui
defecerunt.
postremi tutela Virtutes , nunquam
transfugoe.
Jj)uin nec tîla erepta omnino.
InstarRegnorum eflLZJDOFICZJS
Hones.
Sarcit amicitia talistantoesacrilegia
perfidie.
Imperat adkuc quiJi.exu/ûto
Moriturutvixit,Fideplenus,
Eòoqueadvolat, tjlÙJ Fides durit
"Ubi nulla perfidia potest.
Nonfletibushîc, Cmticislocus
tft:
Au*fîjlendunt,flenda, Anglia%
des Médailles &Inscriptions.
Le Mardy 14e Avril
Messieurs de l'Academie
Royale des Medailles &,
Inscriptions , firent iouverture
de leurs Aflcmblées.
Mr de Boze,Secretaire
perpetuel decetreAcademie
lût unEloge de feu Mr Defpreaux;
MrBaudelot lûtune
Dissertarton sur l'Antiquité
trouvée depuis peu dansffrglisedeNôtre-
Dame;&
Mr l'Abbé Anselme en lût
une sur les funerailles des
Anciens, dont voicy l'Extrait.
Je donneray dans la4
fuite les Extraits des deux
autres Discours de cette
Àflimblée.
Mr
Mr l'Abbé Anselme y
prononça une éloquente
& sçavante Dissertation
sur les Funerailles: ce
zéleardent,sincere,&
éclairé, qui fut toûjours
l'ame de ses prédications,
ne se dément pas même
icy dans un discours profane
,
son dessein est de
faire voir dans tous les
temps & dans toutes les
nations ce desir naturel
d'immorratiré
,
qui porte
les hommes à vouloir
simmortaliser les uns les
autres par des funerailles,
&c par des lTIOnumens
durables;c'est
ce sentimentd'immortalité
, dit-il, qui leur a
fait établir une esPece
de commerce & desocieté
avec les ames des
mortspar les devoirsfa*
nebres
,
dont ils esperoient
qu'elles auroient
quelque reconnoissance,
comme ils craignoient
qu'elles n'eussent duressentiment
contre ceux
qui manquoient à leur
rendre ces devoirs.
Mr L. A. établit les
devoirs des funerailles
par les idées qu'en ont
tous les hommes en general
; en fuite par les
coûtumes des Egyptiens,
parcelles des Grecs, par
celles des Romains; &
il promet enfin d'achever
son Ouvrage, en
continuant ainsi jusqu'aux
Chrétiens.
Je voudrois quela
mémoire me pût fournir
des morceaux suivis de
ce discours; mais je n'en
ay pu retenir que des
traits d'érudition, qui
seront icy dénuez des
graces, que Mr L. A.
leur a donnez en les
metant si bien en oeuvre.
Les Payens admettoient
trois Diviniccz aux funerailles
,
Pluton, Mercure,
& Venus Libitime ; cette
Venus, Dcesse des ombres,
marque l'idée qu'ilsavoient
de lareproduction dans la
mort ,
c'est-à-dire, de la
resurrection.
Il y avoit parmy eux des
fcpulchres vuides, qu'on
nommoit Cenotaphes ; ils
croyoient que les corps de
ceux Qui estoient morts
loin delà, venoient d'euxmêmes
s'y renfermer.
On enterroit les Morts
sur les chemins, d'où vient
l'inscription,Siste
,
Victor.
Pour marquer le respect
qu'on doit aux tombeaux,
on y representoit des grisons
,
des chiens, & des
lions, comme pour les garder
d'irreverence.
On conjuroit par les cendres
des Morts, Horace dit
à Barine, que n'ayant
jamais esté punie de ses
faux sermens
,
puisqu'elle
en devenoit plus belle, il
luy seroit avantageux de
jurer même par les cendres
de sa mere.
Les Egyptiens, aprés avoir
embaûmé les corps ,
les envelopoient dans des
bandelettes detoilles gom- -
mées, & les enchassoient
dans des boëtes de bois
odoriferant
,
c'estoient-là
leurs Momies, qu'ils conservoient,
les uns dans leurs
maisons, les autres dans des
cavernes voûtées, dont ils
bouchoient l'entrée avec
une colonne,&ilsembrassoient
cette colonne pour
dire le dernier adieu au
deffunt.
Ils appelloient Montagnes
de Pharaon, ces Pyramides
super bes qu'ils élevoient
sur les tombeaux.
Un Roy d'Egyprefitbâtir
un Palais magnifique
pour servir de tombeau à
sa fille, au milieu de ce Palais
estoit un grand salon
rempli de figures, ornées
de pierres precieuses, & le
corps de la deffunte estoit
enfermé dans une vache de
bois odoriferant, couverte
de lames d'or, cette vache
agenouillée portoit entre
ses cornes ungrand So
leil d'or.
On mertoiten la main du
deffunt une lettre cachetée,
pour apprendre à ceux de
l'autre monde qu'on avoit
rendu en celuy-cy tous les
devoirs au deffunt.
Les Grecs tournoient le
visage du mort vers l'orient
, pressentimens fecrct
que ces corps devoient un
jour revoir la lumiere.
A Megare on enterroit
le mort le visage en bas.
Diogene voulut estre ainsi
enterré, disant que toutes
choses se devant un jour
renverser
,
il regarderoit
éternellement le Ciel; idée
confuse de la rcCurreébon.
Les Phtéens celebroient
les funeraiiles par des réjoüissances
; les Atheniens,
par des lamentations,
Il cft plus loüa ble en
ces occasions,de se réjoüir
de la gloire du deffunt,
que de pleurer la perte
qu'on en a fait.
LesRomains ont imité la
magnificence des Grecs en
tombeaux, épitaphes, statuës
,
bas-reliefs. Et si tous
ces monumens,dit L. Ans.
estoient l'effet d'une'Vanité¡tif
tueuse
,
du moinsestoient-ils
utiles
, en ce que les morts
enseignoient l'histoire du monde
aux vivans.
Les Romains apprirent
des Grecs l'usage des bnchers
: Ils faisoientpartir un
Aigledusommetdubucherde
- leurs Empereurs, dit L. A.
£r illeurplaisoit de croire que
cet aigle emportoit l'ame pour
l'aller placer au rang des
Dieux ; cet aiglemarquoit
au moins
,
sans qu'ils y penfejfent,
que l'homme doit un
jour renaiflre de ses cendres.
Le Dictateur Silla commença
l'usage des bûchers,
ils finirent avec Caracalla,
& Geta les rétablit, il vouloit
éviter la Loy du Talion:
il ordonnna qu'on brûlast
son corps, de peur qu'on
ne le déterrast, comme il
avoit fait celuy de Marius.
Mr. L. Anselmefinit en
parlant des Epitaphes en
vers; il dit qu'ensuite les
Romains trouverent plus
commode de lesfaire en
prose; il ajoûte que le style
lapidaire n'cft pas moins
énergique en pro sequ'en
vers, on peut le prouver
par luy-même ; voicy un
Epitaphe qu'il fit pour le
feu Roy d'Angleterre.
$
EPITAPHIUM
REGIREGUM,
Felicique memorioe
AC 0 BIll. Majoris BritanU
Régis,
J$jiifinx hîcviscera condivoluit,
"ondi/IM ipse in 'ViJèrrjbtl:.
CsiRISTl.
Fortitudine bellicâ nullifecun*
dus.
Fide christianâ tIti non Par?
Per alteram quid non ausus ?
Illâplusquam Heros,
Ijlâ propeMartyr.
Fide fortis
,
Jccen/nsperic/tlts , erettusad< verfis.
Nemo Rex magis
, clii Regna,
quatuor Anglti , t Scotia, HibemU. Vbi
quartum ?
lpfeJihi.
Tria eripipotuere,
Quartum intactummansit.
Priorum defensio exercitus, qui
defecerunt.
postremi tutela Virtutes , nunquam
transfugoe.
Jj)uin nec tîla erepta omnino.
InstarRegnorum eflLZJDOFICZJS
Hones.
Sarcit amicitia talistantoesacrilegia
perfidie.
Imperat adkuc quiJi.exu/ûto
Moriturutvixit,Fideplenus,
Eòoqueadvolat, tjlÙJ Fides durit
"Ubi nulla perfidia potest.
Nonfletibushîc, Cmticislocus
tft:
Au*fîjlendunt,flenda, Anglia%
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Résumé : ACADEMIE ROYALE des Médailles & Inscriptions.
Le 14 avril, l'Académie Royale des Médailles et Inscriptions organisa une assemblée. Mr de Boze, secrétaire perpétuel, lut un éloge de feu Mr Defpreaux. Mr Baudelot présenta une dissertation sur une antiquité récemment découverte dans l'église de Notre-Dame. L'Abbé Anselme lut une dissertation sur les funérailles des Anciens, dont un extrait fut fourni. L'Abbé Anselme développa une dissertation savante sur les funérailles, mettant en lumière le désir naturel d'immortalité qui pousse les hommes à immortaliser les défunts par des rites funéraires et des monuments durables. Il explora ce sentiment à travers les époques et les nations, en commençant par les idées générales des hommes, puis en détaillant les coutumes des Égyptiens, des Grecs et des Romains. Il mentionna les devoirs funéraires et les croyances associées, comme l'idée de la reproduction et de la résurrection chez les Païens. Les Égyptiens pratiquaient l'embaumement des corps, les enveloppaient dans des bandelettes et les conservaient sous forme de momies. Ils érigeaient des pyramides et des monuments funéraires ornés de pierres précieuses. Les Grecs et les Romains avaient des pratiques variées, comme tourner le visage du mort vers l'orient ou l'enterrer le visage en bas. Les Romains imitaient la magnificence grecque dans les tombeaux et les épitaphes, croyant que ces monuments enseignaient l'histoire aux vivants. L'Abbé Anselme conclut en parlant des épitaphes en vers et en prose, illustrant son propos par une épitaphe qu'il avait composée pour le roi d'Angleterre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 1292-1309
SUITE du Voyage de Basse-Normandie. LETTRE VII.
Début :
Le séjour de Torigny parût, Monsieur, si agréable à mes Compagnons [...]
Mots clefs :
Basse-Normandie, Voyage, Abbaye, Découvertes, Tombeaux, Village, Église, Recherches, Caen
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texteReconnaissance textuelle : SUITE du Voyage de Basse-Normandie. LETTRE VII.
SUITE du Voyage de Baffe- Normandie
LETTRE VII.
E féjour de Torigny parût , Mon-
Lfieur ,fi agréable à mes Compagnons
de Voyage , qu'ils me donnerent tout le
tems que je pouvois ſouhaiter , pour faire,
en les attendant, toutes mes courfes litteraires
aux environs de Caën . Comme les
ruines de Vieux , ou plutôt les découvertes
faites dans ce lieu par M. Foucault ,
étoient mon principal objet , je commen
çai pat m'y tranfporter , accompagné de
mon Docteur Medecin , & d'un autre Cu
rieux de la Ville , fuivis de quelques Domeftiques
en état d'agir en cas de befoin .
I.Vol.
Vieux
JUIN 1730. 1293
Vieux eftun village fitué à deux petites
lieuës de Caën , vers le Couchant de cette
ville , entre la riviere d'Orne , & la petite
riviere de Guynes , ce qui rend ce lieu.
fort agréable. C'eft un Fief noble , ou
plutôt ce font trois Fiefs contigus , dont
le premier appartient à M. de Pontpierredu
Four , & releve de la terre de Segue--
ville; le fecond & le troifiéme nommez de
Jacqueffon & d'Effon , relevent du Roy.
Vieux a été de tout tems renommé dans
le Païs , par l'opinion generale qui veut
que dans l'étendue du terrain , qui porte
ce nom il y eût autrefois une ville
, & cette opinion fortifiée par les
Monumens d'Antiquité qui y ont été.
trouvez en differens tems , eft aujour
d'hui confirmée par les nouvelles décou--
vertes qui y furent faites par les foins de
M. Foucault , découvertes que je ne vis
alors qu'en paffant , & dont je fuis à prefent
beaucoup plus en état de vous rendre
un compte exact ...
›
..Mais il faut vous dire , Monfieur , avec
franchife , qu'étant arrivé à Vieux , dans
Pintention d'en reconnoître les ruines ,
de conftater du moins ces nouvelles dé--
couvertes, & de les examiner fur les Me--
moires dont je n'avois pas oublié de me
charger , nous fumes fort furpris de ne
trouver prefque rien de ce que nous cher-
II. Vol By chions
1294 MERCURE DE FRANCE:
(
chions , & de ce que j'avois vû moi-même
la premiere fois que je paffai par Vieux :
en effet , à l'exception de quelques reſtes
de plufieurs grands Edifices ruinez, nom--
mez aujourd'hui Châteaux aux Oyes , &
aux Arres , tout eft , pour ainfi dire , dif
paru ; Gymnafe , Bains , Statues , Tombeaux
, Infcriptions , &c . Eft -ce illufion
eft- ce enchantement ? Non , Monfieur
cependant tout eft changé ; mais vous ne
perdrez rien à la Metamorphofe. Voici la
verité du fait.
Comme nous plaifantions fur nôtre
avanture , affis fur des tas de briques au
pied de ces Edifices ruinez , arriva le-
Gentilhomme du lieu , nommé M. de-
Vieux , homme fort âgé , qui nous pria:
fört honnêtement d'entrer dans faMaiſon ,
offrant de nous donner bien des éclairciffemens
fur notre recherche . Nous ne
pouvions gueres mieux rencontrer : car-
M. de Vieux étoit bien informé de tout ,.
tant en qualité d'Ancien , & de Seigneur
de ce lieu , que parce que M. Foucault
l'avoit chargé de la direction des travaux
qu'il fit faire à Vieux , & qu'en l'abſence
de M. l'Intendant on n'avoit pas , difoitil
, remué une pierre qu'il n'en eût une
connoiffance parfaite..
La raifon qu'il nous donna d'abord du
grand changement que nous trouvions ,
II. Vol. nous
JUIN 1730.
1295
nous parut fenfible & fuffifante , M. Foucault
animé de l'amour de l'Antiquité &
engagé par le fuccès de fes recherches , fit
faire un grand remûment dans tous ces
lieux . UnIntendant Antiquaire eft un terrible
homme en pareille rencontre. Les
Proprietaires& les Laboureurs des champs
renverfez , ou fous lefquels on avoit beaucoup
creufé , en murmurerent ; on les fit
taire en les dédommageant du dégât prefent
; mais pour l'avenir , dès que toutes
les operations furent faites , ces mêmes
Proprietaires, moins curieux d'Antiquités
que de quelques boiffeaux de blé de plus ,
rétablirent toutes chofes dans leur premier
état , en comblant , bouchant &
uniffant tout ce qui en avoit befoin ; enforte
qu'en continuant de labourer &
d'enfemencer les terres endommagées ,
prefque toutes ces belles découvertes dif
parurent & les Curieux de Caën
qui veulent qu'une fancienne ville fut
affife dans ce territoirre, reprirent là - def
fus leur premier langage.
›
Nunc feges eft ubi Troia fuit..
Voilà ,Monfieur, la verité d'un fit que
nous avions de la peine d'abord à comprendre.
Le bon M. de Vieux , plus chargé
de memoire que de litterature, nous fatisfit
affez fur toutes nos queftions ; car nous
*
II. Vol. B vj n'avions
1296 MERCURE DE FRANCE
n'avions befoin que des faits dont il avoit
été le témoin affidu ; ce qui fervit à éclaircir
quelques endroits de mes Memoires.
Il nous fit voir auffi qu'il ne s'étoit pas
oublié dans ces recherches , en nous montrant
dans fon jardin une grande quantité :
de tuyaux & de pots de brique, trouvez
difoit- il , dans la grande fale de ces bâ--
timens foûterrains ; les uns attachez fur la
muraille , prefque l'un contre l'autre , à
la hauteur de cinq pieds ; les autres
au plancher de la même fale , ayant
chacun un pied & demi de longueur , &
un demi pied de largeur. Du jardin nous ,
entrâmes dans la cuifine , qui étoit toute
pavée de longues & larges . briques quis
avoient été trouvées dans ces Edifices ruinez
, fur tout dans les débris des tombeaux..
M. de Vieux ajouta que dans un Cime
tierre , dit aujourd'hui de S. Martin , an-.
cien de plus de 500 ans , on trouva du
tems de ces recherches plufieurs grands
tombeaux de pierre & couverts , conte
nont chacun , plufieurs , fqueletes placés
P'un contre l'autre , ayant à côté d'eux des
haleb rdes , marque de valeur , ou de la
profeffion des armes . On découvrit , dit-- .
il , d'autres pareils tombeaux , dans le
champ nommé Catillon Gelet , & on en
trouve de pareils dans le Cimetiere, de la
II. Vol.
Rà
JUIN 1730. 12.9.7
Paroiffe de Vieux. Enfin il nous affura.
qu'on voit encore à Magny dans ce voifinage
, une espece de petite cuve de mar
bre rouge , d'environ fix pieds de circon--
ference , affez femblable à des Fonts Baptiſmaux
. , avec une Infcription Latine
dont il ignoroit le fens..
Enfin , notre Gentilhomme n'oublia
pas
les Medailles de toute efpece , trouvées,
de tout tems à Vieux & aux environs , affurant
que M..Foucault en avoit eû plus
de mille pour fa part. Il entreprit même
de nous en décrire plufieurs ; quoi faifant,.
ce fut pour nous , je vous l'avoue , une pe
tite ſcene affez réjouiffante ; jamais l'Antiquité
Metallique.ne.fût traitée plus plai--
famment , nous n'avions pas autrement
befoin d'une telle inftruction , vous en
jugerez par les Medailles , de la Reine
Chriftine, qu'il eftimoit beaucoup, & dont
il , affura qu'on avoit trouvé un grand
nombre. C'est ainsi , Monfieur , qu'il ap
pelloit Crifpine , femme de l'Empereur
Commode ,, dont effectivement il nous
montra plufieurs - medailles avec quantité
d'autres auffi communes: cela s'excufe facilement
dans une perfonne de fa profeſ--
fion..
Avant que de quitter Vieux , j'allai
accompagné du même Gentilhomme ,,
voir la carriere de marbre rouge , qui eft
II.Vol . aux
1298 MERCURE DE FRANCE
aux environs , & ainfi marquée dans la
Carte du Dioceſe de Bayeux ; mais fituée
dans le diſtrict du village voifin . Ce marbre
n'eſt pas du plus beau de fon efpece .
On affure que le pied-deftal antique de
Thorigny , dont il a déja été parlé , ainſi
que d'autres morceaux qu'on trouve dans :
les Eglifes de Caën , & fur tout la cuve de
Magny ,font de ce même marbre , ce qui
eft fortaifé à reconnoître.
Il ne tint qu'à nous de faire un grand
repas chez M.de Vieux : il vouloir à toute
force nous retenir jufqu'au lendemain ;
mais ayant amplement déjeûné à Caën , &
d'ailleurs m'étant venu une penfée fur la
Deſcription exacte de cesAntiquitez , qu'il
n'étoit plus poffible de revoir dans leur
entier , je réfolus de retourner de bonne
heure à cette Ville , pour la mettre à execution.
Il fallut cependant voir encore avec
quelque attention toute la maiſon du bon
Gentilhomme , & examiner fur tout fur
la porte de la Chapelle une repréfentation
en grand relief de Jefus-Chrift affis
dans le tombeau , accompagné de deux
Anges debout. Le P. de Vitry, Jefuite, eftimoit
fort cette figure , felon M.de Vieux,
& prétendoit que l'habile Sculpteur s'étoit
conformé à l'ancien ufage de mettre
en cette pofture les corps dans les fepul-
II.. Vol. chres
JUIN 1730. 1290
chres ; ufage qu'il croyoit avoir été pratiqué
à l'égard de Jefus - Chrift. C'eft fur
quoi nous ne conteftames point , & fur'
quoi , comme vous fçavez , divers Auteurs
ont écrit. L'Eglife Paroiffiale de
Vieux n'offre rien qui puiffe arrêter . Le
Curé eft à la nomination de l'Abbaye de
Fontenay..
De retour à Caen un pou tard , je fus
obligé de remettre au lendemain l'execution
de mon deffein. Outre plufieurs Lettres
de M. Foucault & de M.Galland , qui
m'inftruifoient affez fur les Antiquitez de
Vieux , j'avois un affez long. Narré fur le
même fujet , fait dans le tems même de la
découverte , par M. Bellin , Curé de Blainville
, habile homme , & Secretaire perperuel
de l'Academie de Caën , lequel
avoit eû bonne part à tout ce qui s'étoit
paffé là - deffus. C'étoit pour moi autant
& plus qu'il n'en falloit ; mais quand il
s'agit d'inftruire les autres fur des chofes
de cette nature , dont on n'a entendu
ler que confufément , on ne fçauroir prendre
trop de précaution pour fe faire bien
entendre , &pour ne rien dire que
vrai .
parde
Je crus donc qu'une petite conference
avec M. Bellin , que j'étois d'ailleurs bienaiſe
de revoir , acheveroit de jetter de la
clarté fur cette matiere , & qu'avec toutes
II. Vol.
ces
F300 MERCURE DE FRANCE
ces meſures je parviendrois à produire ens
fin une defcription exacte & claire desAntiquitez
de Vieux. Blainville n'eſt qu'à une
lieuë & demie de Caën , peu éloigné du
chemin qui mene à la Délivrande ,fameufe
Dévotion du Païs , au voisinage de la
mer, où l'on va de Caën en moins de deux
heures. Nous réfolumes d'aller droit à la
Délivrande & de revenir pár Blainville.
Nous partîmes de fort bon matin , parce
que j'étois bien aife de voir en paffant
l'Abbaye d'Ardennes qu'on trouve à une
petite lieuë de la Ville..
Cette Abbaye eft de l'Ordre de Prémontré
, & fondée au commencement du
douziéme fiecle. Un Difciple de S. Nortbert
, nommé Gilbert , en fut le premier-
Abbé , preſque dès l'origine de l'Ordre :
On ajoûte , que Philippe de Harcourt
Evêque de Bayeux , contemporain de ceɛ
Abbé , fit des biens confiderables à cette :
Maifon naiffante. C'étoit alors une vraie
folitude,à caufe des grands Bois dont elle :
étoit toute environnée , ce qui lui a fait
donner le nom d'Ardennes , de l'ancien
mot Gaulois Arden , qui fignifie foreft ,
nom qui s'eft confervé dans la grande fo--
reft des Ardennes , dans la Gaule Belgique,
& dans la plus grande foreft d'Angleter--
re: c'eft du moins le fentiment de M. a )
(a)Origines de Caën , ch. 22. på 3-125 .
11..Vol..
Huet :
JUIN. 1730. 1301
Huet ,qui à cette occafion & fur le même
fujet , releve une méprife de M. de la Roque
dans fon Hiftoire de la Maiſon de
Harcourt : cette Abbaye , où nous fûmes
fort bien reçûs , eft aujourd'hui un lieu
fort agreable , élevé. fur une petite coline,
avec des vûës charmantes . Les bâtimens en
font folides , commodes & fpacieux , & les
Religieux qui y demeurent joignent de la
politeffe à une grande édification : on y
aime auffi l'étude & l'application , convenable
à cet Etat.Ils nous apprirent qu'entre
quelques Abbez d'Ardennes , diftin
guez par leur érudition , on compte le fameux
Marguarin de la Bigne ; Auteur du
grand Ouvrage intitulé : La Bibliotheque
des Peres. Ce fçavant Homme , felon eux,
étoit de Vire , & doit être ajoûté aux Illuftres
de cette Ville , dont je vous ai par
lé dans ma derniere Lettre. M de la Baftie
eft aujourd'hui Abbé Commandataire.
d'Ardennes.
#
3:
Une large plaine qui ne fe termine qu'à
la mer , vers le Septentrion , nous conduifit
à laDélivrande, lieu celebre en Normandie
& dans les Provinces voisines
par le concours qu'une grande devotion
envers la fainte Vierge y attire de tous cô.
tez. Nous y entendîmes d'abord la Meffe,
& enfuite nous vîmes avec attention l'Eglife
qui eft fort jolie , extrêmement or
LL.Koh. née
1302 MERCURE DE FRANCE.
née , & très- bien deffervie par des Ecclefiaftiques
commis par M. l'Evêque de
Bayeux. Le Chapitre de la Cathedrale y
tient auffi un de fes Chanoines qui reçoit
les Offrandes , & dirige toutes chofes. Il
y a tout auprès un petit Seminaire conduit
par des Miffionnaires de la Congregation
de S. Lazare , dont nous vifitâmes
auffi P'Eglife & la Maiſon.
Nous apprîmes d'eux qu'on ne fçait
rien de bien affuré fur l'origine de l'Eglife
de la Délivrande , que quelques- uns font
remonter fans preuves à une haute Antiquité
; mais qu'on ne peut s'empêcher de
reconnoître que depuis un fort longtems
Dieu y eft particulierement fervi
& adoré , la Sainte Vierge honorée , & les
Fideles confolez & édifiez. Le vrai nom
moderne de ce lieu eft la Délivrande , duquel
, difent- ils , le Peuple ignorant à faiɛ
éelui de Délivrance : cependant Délivran
de eft un nom originairement Anglois : il
vient de Deale, qui en cette Langue fignifie
partie , portion de quelque chofe ; les
Normands difent Delle pour fignifier la
même chofe ; or les vieux titres portent
que la portion de terrain , ou la piece de
terre fur laquelle eft bâtie l'Eglife en
queftion , appartenoit au nommé Ivrand ,
ou Ivrande , & cette piece eft dénommée
Delle d'Ivrande , ou la piece de terre
AA II. Vol.
d'IJUIN.
1730. 1303
d'Ivrande : Rien ne paroît mieux dérivé ,
& il feroit difficile de trouver une meilleur
étymologie. Tout ce terrain eft de la
Paroiffe de Luc, à un quart de lieuë de -là ,
tirant vers la mer , & releve de l'Abbaye
de Fecamps, dont les Religieux font Pa
trons & Collateurs de la Cure.
Nous prenions congé de ces Meffieurs,
qui nous avoient offert obligeamment à
dîner , pour aller manger des huitres fur
le bord de la mer , & partir enfuite pour
Blainville , lorfque nous entendîmes un
grand bruit au dehors : ce bruit augmentoit
à mesure que nous fortions , & en
ayant demandé la cauſe au premier venu,
on nous dit que c'étoit une grande querelle
furvenue entre deux Etrangers, dont
on n'entendoit pas la Langue , qui s'échauffoit
beaucoup , & qui ne paroiffoit
ne devoir pas fi- tôt finir. Cela nous fit
avancer:mais il n'y avoit pas moyen d'approcher
: une nombreufe Populace envi
ronnoit les deux Champions , ils ne que
relloient point , mais autant valoit - il ,
car ils difputoient à outrance & fans ménager
les termes en Dialecticiens des plus
ferrez , ce qu'il nous étoit aifé d'entendre
de l'endroit où nous étions. La fingularité
du fait nous furprit , mais nous ne tar
dâmes pas d'être éclaircis ; car le Supe
ricus de la Maiſon ayant envoyé du mon-
II. Vola de
1304 MERCURE DE FRANCE
de pour impofer filence , & pour faire retirer
les Affiftans , nous vîmes fortir de la
foule les deux Conteftans fort échauffez &
tout enroüez , dont l'un, connu par mes
Compagnons de Voyage , étoit un bon
Hybernois , habitué à Caën ; l'autre étoit
un Pelerin Eſpagnol qui venoit du Mont
S. Michel . Le premier nous joignit fort
civilement , & ne nous quitta plus . Nous
les ramenâmes à Caen , & il nous conta
fon avanture, qui étoit telle.
•
Je fortois , nous dit-il , de cette Eglife
où j'ai coûtume de venir tous les Samedis
, quand j'ai rencontré ce Pelerin , lequel
après un leger falut m'a interrogé
affez brufquement en ces termes : Quoibous
ftoudouifti ? j'ai d'abord compris que
mon homme cherchoit noife , & qu'il
étoit frais émoulu des Ecoles . Vous fçavez
Meffieurs , que les Hibernois font un peu
Grecs fur l'article , & qu'en particulier
j'ai quelque petite réputation dans votre
Univerfité ; ainfi je n'ai point hefité à lui
répondre Studui Philofophia & etiam
Theologia. Il a fait là - deffus une exclamation
, puis tournant deux fois autour de
moi , il a debuté ainſi : Sentio te effe Thomiftam
, contra fic argumentor de Pramotione
Phifica, &m'a lâché tout de fuite un argument;
la difpute n'a gueres tardé à s'echauffer
& à nous attirer des Auditeurs , ou
II. Vol. plutôt
JUIN. 1730. 1305
plutôt des Spectateurs. Mon Adverfaire
n'eft rien moins que patient ; à chaque
négative que je lui donnois il fe trémouf
foit , & paroiffoit prêt à m'infulter ; enfin
, Meffieurs , la rumeur étoit à fon comble
lorsque vous nous avez entendu ; car
de la Prémotion Phyfique nous nous étions
jettés dans la diftinction des Attributs
& fur d'autres pareils points de pure Mé
taphyfique , lui foûtenant les fubtilités de
Scot, & moi , pour ne pas le faire mentir,
deffendant toujours les fentimens de l'autre
Ecole . Mais graces à la prudence de
M. le Superieur , la difpute a ceffé de la
maniere que vous l'avez vû , & graces à
votre courtoisie , j'efpere de me remettre
bientôt de la fatigue à laquelle je ne me
ferois jamais attendu , dans un lieu où j'étois
venu en partie pour me delaffer l'ef
prit.
Je vous avoue , Monfieur , que l'avanture
nous parut plaiſante ; nous en dejeunâmes
plus gayement. Après avoir vû
pêcher & avoir examiné plufieurs coquillages
fur les bords de la Mer , nous
remontâmes à Cheval pour nous rendre
à Blainville , où nous arrivâmes affez à
tems pour profiter d'un bon diner
que
M. Bellin , averti à mon inſçû par notre
Docteur , avoit préparé. Il s'étoit auffi
préparé lui-même en cherchant dans fes
II. Vol.
papiers
1306 MERCURE DE FRANCE
papiers & en rappellant dans fa memoire
tout ce qui pouvoit concerner les découvertes
de Vieux. Je fus , au refte , charmé
de revoir un ami de ce mérite , qui malgré
les années ne faifoit voir aucun changement
dans la folidité de fon efprit &
dans fes manieres polies & agréables .
Après le repas , le principal fujet de ma
vifite fut mis fur le tapis , & nous eumes
bientôt éclairci toutes choſes à cet égard ;
il me communiqua très obligeamment
tout ce qu'il avoit là- deffus , & me laiffa
emporter tout ce que je voulus. J'appris
de lui qu'à Blainville , comme à Vieux
on trouve de tems en tems des Médail
les & d'autres monumens de l'Antiquité
Romaine , dont il me promit de me donner
des preuves. Nous vîmes enfuite les
dehors du Village qui nous parurent fort
agréables , ce qui nous mena chez M.
D. L. L. qui a une fort jolie Maifon , &
poffede un Fiefdans le Marquifat de Blainville
; c'eft un homme de très bon commerce
, & qui fçait bien de bonnes choſes;
il me promit auffi une inftruction fur les
Antiquités trouvées dans ce Canton. La
Terre de Blainville appartient au Comte
de Rochechouart , frere du Duc de Mortemart
, lequel a époufé la fille de N Colbert
, Marquis de Blainville , troifiême
fils de Jean Baptifte Colbert , Miniſtre &
II. Vol. SecreJUIN.
1730 130 % -
Secretaire d'Etat , qui en avoit fait l'acquifition.
Blainville , au refte , n'eft pas un nom
donné à l'avanture; fi on en croit M.-Huet,
il renferme en lui une antiquité Gauloife ;
c'eſt Beleni Villa ; Apollon & Belenus
chez les Gaulois étoient la même Divinité .
Dans les vieux Titres , ajoûte ce Sçavant ,
le nom de ce Village eft Belainville ;
néanmoins dans plufieurs autres il eft nomme
Bléville , & dans la Charte de fondation
de l'Abbaye de Sainte Trinité de
Caen , Bledvilla , ce qui peut venir du
mot Bladum , qui dans la baffe Latinité
fignifie du bled , ainfi Bledville fignificroit
Village fertile en bled . Vous voyez ,
Monfieur , combien le nom d'un fimple
Village prend de formes differentes entre
les mains d'un habile homme. Il ne tint
à notre Hibernois que le nom même
de M. Bellin , Curé de Blainville , ne
devint miſterieux , & n'entrât pour quelque
chofe dans ces étimologies ..
pas
Au retour de notre petite promenade,
nous fûmes affez furpris de trouver dans
le Presbitere de la Delivrande le Pelerin
Efpagnol qui venoit d'arriver ; il fe jetta
aux pieds de M. le Curé , lui demandant
humblement fa benediction & l'hofpitalité
, ce qui lui fut accordé de bonne
grace , à condition qu'on ne difputeroit
II. Vol.
point ;
1308 MERCURE DE FRANCE
point ; là deffus , il vint embraffer fon
Antagoniſte , & nous fit civilité. Il produifit
enfuite fes papiers qui le firent
connoître pour Prêtre Espagnol & pour
Bachelier de la Faculté de Theologie d'Alcala
; il ajoûta qu'un vou folemnel l'avoit
conduit au Mont S. Michel , allant de Pro.
vince en Province & de Paroiffe en Paroiffe
, efperant s'en retourner de même
quand il auroit vû Caën .
Notre Medecin , homme fort jovial ,
lia avec lui converfation , & d'un ton affez
plaifant , ne fe montrant pas autrement
favorable à l'efprit de pelerinage ; le Bachelier
la foûtint encore plus plaifamment
entendant raillerie à merveilles , aux dépens
même de fa Nation dit de bons
mots avec efprit & de bonne grace , fans
oublier celui de l'Eſpagnol ( a ) aboyé de
près par des Chiens dans les Campagnes
de Bordeaux durant une forte gelée . La
converſation devint plus férieufe , quand
le rufé Pelerin , pour avoir fa revanche,
pouffa à fon tour notre Docteur fur la Phifique
, pour tomber , comme il fit , fur la
Medecine , dont il offrit de démontrer
( a ) Cet Espagnol voulant fe défaire des
Chiens à coups de pierres ne peut jamais en
détacher une fenle , à cause de la gelée ; fur
quoi il s'écria Maledicha la tierra en la quale
Jos perros fon deligados i las piedras ligadas.
II. Vol.
l'incerJUI
N. 1730.
1309
l'incertitude & l'illufion , ajoûtant que les
PhyficiensFrançois n'étoient que lesEchos
des Efpagnols ; témoin , dit - il , votre Delcartes
qui a bâti tout fon ſyſtême de l'ame
des Bêtes, fur celui de notre Gomelius Pereira
b lequel long- tems avant la naiffance
du Philofophe François , a foutenu que les
bêtes n'ont point de fentiment , & font
de pures Machines. Le bon Curé qui avoit
interdit toute difpute ne parut pas trop
fâché de voir embarquer celle- ci , elle
étoit propre à nous faire coucher à Blainville
, comme il le fouhaitoit ; mais je
rompis les chiens à propos ; notre Docteur
fe tira d'embarras comme il pût ; le
Bachelier crût avoir triomphé , & nous
crûmes , en remontant à cheval , après
avoir bien embraffé notre Hôte , avoir
bien employé cette journée , qui fe termina
par notre retour à Caën .
Lelendemain je gardai la maiſon toute
la journée , pour dreffer fur toutes mes
Inftructions une Relation exacte des Recherches
& des Découvertes faites à Vieux
du tems de M. Foucault ; ce fera la matiere
de la premiere Lettre que je vous
écrirai , & j'efpere que votre curioſité en
fera fatisfaite. Je fuis , Monfieur & c .
( b ) G. Pereira , fameux Medecin du XIV:
fiecle , a foutenu cette Doctrine dans un Livro
imprimé en 1554.
LETTRE VII.
E féjour de Torigny parût , Mon-
Lfieur ,fi agréable à mes Compagnons
de Voyage , qu'ils me donnerent tout le
tems que je pouvois ſouhaiter , pour faire,
en les attendant, toutes mes courfes litteraires
aux environs de Caën . Comme les
ruines de Vieux , ou plutôt les découvertes
faites dans ce lieu par M. Foucault ,
étoient mon principal objet , je commen
çai pat m'y tranfporter , accompagné de
mon Docteur Medecin , & d'un autre Cu
rieux de la Ville , fuivis de quelques Domeftiques
en état d'agir en cas de befoin .
I.Vol.
Vieux
JUIN 1730. 1293
Vieux eftun village fitué à deux petites
lieuës de Caën , vers le Couchant de cette
ville , entre la riviere d'Orne , & la petite
riviere de Guynes , ce qui rend ce lieu.
fort agréable. C'eft un Fief noble , ou
plutôt ce font trois Fiefs contigus , dont
le premier appartient à M. de Pontpierredu
Four , & releve de la terre de Segue--
ville; le fecond & le troifiéme nommez de
Jacqueffon & d'Effon , relevent du Roy.
Vieux a été de tout tems renommé dans
le Païs , par l'opinion generale qui veut
que dans l'étendue du terrain , qui porte
ce nom il y eût autrefois une ville
, & cette opinion fortifiée par les
Monumens d'Antiquité qui y ont été.
trouvez en differens tems , eft aujour
d'hui confirmée par les nouvelles décou--
vertes qui y furent faites par les foins de
M. Foucault , découvertes que je ne vis
alors qu'en paffant , & dont je fuis à prefent
beaucoup plus en état de vous rendre
un compte exact ...
›
..Mais il faut vous dire , Monfieur , avec
franchife , qu'étant arrivé à Vieux , dans
Pintention d'en reconnoître les ruines ,
de conftater du moins ces nouvelles dé--
couvertes, & de les examiner fur les Me--
moires dont je n'avois pas oublié de me
charger , nous fumes fort furpris de ne
trouver prefque rien de ce que nous cher-
II. Vol By chions
1294 MERCURE DE FRANCE:
(
chions , & de ce que j'avois vû moi-même
la premiere fois que je paffai par Vieux :
en effet , à l'exception de quelques reſtes
de plufieurs grands Edifices ruinez, nom--
mez aujourd'hui Châteaux aux Oyes , &
aux Arres , tout eft , pour ainfi dire , dif
paru ; Gymnafe , Bains , Statues , Tombeaux
, Infcriptions , &c . Eft -ce illufion
eft- ce enchantement ? Non , Monfieur
cependant tout eft changé ; mais vous ne
perdrez rien à la Metamorphofe. Voici la
verité du fait.
Comme nous plaifantions fur nôtre
avanture , affis fur des tas de briques au
pied de ces Edifices ruinez , arriva le-
Gentilhomme du lieu , nommé M. de-
Vieux , homme fort âgé , qui nous pria:
fört honnêtement d'entrer dans faMaiſon ,
offrant de nous donner bien des éclairciffemens
fur notre recherche . Nous ne
pouvions gueres mieux rencontrer : car-
M. de Vieux étoit bien informé de tout ,.
tant en qualité d'Ancien , & de Seigneur
de ce lieu , que parce que M. Foucault
l'avoit chargé de la direction des travaux
qu'il fit faire à Vieux , & qu'en l'abſence
de M. l'Intendant on n'avoit pas , difoitil
, remué une pierre qu'il n'en eût une
connoiffance parfaite..
La raifon qu'il nous donna d'abord du
grand changement que nous trouvions ,
II. Vol. nous
JUIN 1730.
1295
nous parut fenfible & fuffifante , M. Foucault
animé de l'amour de l'Antiquité &
engagé par le fuccès de fes recherches , fit
faire un grand remûment dans tous ces
lieux . UnIntendant Antiquaire eft un terrible
homme en pareille rencontre. Les
Proprietaires& les Laboureurs des champs
renverfez , ou fous lefquels on avoit beaucoup
creufé , en murmurerent ; on les fit
taire en les dédommageant du dégât prefent
; mais pour l'avenir , dès que toutes
les operations furent faites , ces mêmes
Proprietaires, moins curieux d'Antiquités
que de quelques boiffeaux de blé de plus ,
rétablirent toutes chofes dans leur premier
état , en comblant , bouchant &
uniffant tout ce qui en avoit befoin ; enforte
qu'en continuant de labourer &
d'enfemencer les terres endommagées ,
prefque toutes ces belles découvertes dif
parurent & les Curieux de Caën
qui veulent qu'une fancienne ville fut
affife dans ce territoirre, reprirent là - def
fus leur premier langage.
›
Nunc feges eft ubi Troia fuit..
Voilà ,Monfieur, la verité d'un fit que
nous avions de la peine d'abord à comprendre.
Le bon M. de Vieux , plus chargé
de memoire que de litterature, nous fatisfit
affez fur toutes nos queftions ; car nous
*
II. Vol. B vj n'avions
1296 MERCURE DE FRANCE
n'avions befoin que des faits dont il avoit
été le témoin affidu ; ce qui fervit à éclaircir
quelques endroits de mes Memoires.
Il nous fit voir auffi qu'il ne s'étoit pas
oublié dans ces recherches , en nous montrant
dans fon jardin une grande quantité :
de tuyaux & de pots de brique, trouvez
difoit- il , dans la grande fale de ces bâ--
timens foûterrains ; les uns attachez fur la
muraille , prefque l'un contre l'autre , à
la hauteur de cinq pieds ; les autres
au plancher de la même fale , ayant
chacun un pied & demi de longueur , &
un demi pied de largeur. Du jardin nous ,
entrâmes dans la cuifine , qui étoit toute
pavée de longues & larges . briques quis
avoient été trouvées dans ces Edifices ruinez
, fur tout dans les débris des tombeaux..
M. de Vieux ajouta que dans un Cime
tierre , dit aujourd'hui de S. Martin , an-.
cien de plus de 500 ans , on trouva du
tems de ces recherches plufieurs grands
tombeaux de pierre & couverts , conte
nont chacun , plufieurs , fqueletes placés
P'un contre l'autre , ayant à côté d'eux des
haleb rdes , marque de valeur , ou de la
profeffion des armes . On découvrit , dit-- .
il , d'autres pareils tombeaux , dans le
champ nommé Catillon Gelet , & on en
trouve de pareils dans le Cimetiere, de la
II. Vol.
Rà
JUIN 1730. 12.9.7
Paroiffe de Vieux. Enfin il nous affura.
qu'on voit encore à Magny dans ce voifinage
, une espece de petite cuve de mar
bre rouge , d'environ fix pieds de circon--
ference , affez femblable à des Fonts Baptiſmaux
. , avec une Infcription Latine
dont il ignoroit le fens..
Enfin , notre Gentilhomme n'oublia
pas
les Medailles de toute efpece , trouvées,
de tout tems à Vieux & aux environs , affurant
que M..Foucault en avoit eû plus
de mille pour fa part. Il entreprit même
de nous en décrire plufieurs ; quoi faifant,.
ce fut pour nous , je vous l'avoue , une pe
tite ſcene affez réjouiffante ; jamais l'Antiquité
Metallique.ne.fût traitée plus plai--
famment , nous n'avions pas autrement
befoin d'une telle inftruction , vous en
jugerez par les Medailles , de la Reine
Chriftine, qu'il eftimoit beaucoup, & dont
il , affura qu'on avoit trouvé un grand
nombre. C'est ainsi , Monfieur , qu'il ap
pelloit Crifpine , femme de l'Empereur
Commode ,, dont effectivement il nous
montra plufieurs - medailles avec quantité
d'autres auffi communes: cela s'excufe facilement
dans une perfonne de fa profeſ--
fion..
Avant que de quitter Vieux , j'allai
accompagné du même Gentilhomme ,,
voir la carriere de marbre rouge , qui eft
II.Vol . aux
1298 MERCURE DE FRANCE
aux environs , & ainfi marquée dans la
Carte du Dioceſe de Bayeux ; mais fituée
dans le diſtrict du village voifin . Ce marbre
n'eſt pas du plus beau de fon efpece .
On affure que le pied-deftal antique de
Thorigny , dont il a déja été parlé , ainſi
que d'autres morceaux qu'on trouve dans :
les Eglifes de Caën , & fur tout la cuve de
Magny ,font de ce même marbre , ce qui
eft fortaifé à reconnoître.
Il ne tint qu'à nous de faire un grand
repas chez M.de Vieux : il vouloir à toute
force nous retenir jufqu'au lendemain ;
mais ayant amplement déjeûné à Caën , &
d'ailleurs m'étant venu une penfée fur la
Deſcription exacte de cesAntiquitez , qu'il
n'étoit plus poffible de revoir dans leur
entier , je réfolus de retourner de bonne
heure à cette Ville , pour la mettre à execution.
Il fallut cependant voir encore avec
quelque attention toute la maiſon du bon
Gentilhomme , & examiner fur tout fur
la porte de la Chapelle une repréfentation
en grand relief de Jefus-Chrift affis
dans le tombeau , accompagné de deux
Anges debout. Le P. de Vitry, Jefuite, eftimoit
fort cette figure , felon M.de Vieux,
& prétendoit que l'habile Sculpteur s'étoit
conformé à l'ancien ufage de mettre
en cette pofture les corps dans les fepul-
II.. Vol. chres
JUIN 1730. 1290
chres ; ufage qu'il croyoit avoir été pratiqué
à l'égard de Jefus - Chrift. C'eft fur
quoi nous ne conteftames point , & fur'
quoi , comme vous fçavez , divers Auteurs
ont écrit. L'Eglife Paroiffiale de
Vieux n'offre rien qui puiffe arrêter . Le
Curé eft à la nomination de l'Abbaye de
Fontenay..
De retour à Caen un pou tard , je fus
obligé de remettre au lendemain l'execution
de mon deffein. Outre plufieurs Lettres
de M. Foucault & de M.Galland , qui
m'inftruifoient affez fur les Antiquitez de
Vieux , j'avois un affez long. Narré fur le
même fujet , fait dans le tems même de la
découverte , par M. Bellin , Curé de Blainville
, habile homme , & Secretaire perperuel
de l'Academie de Caën , lequel
avoit eû bonne part à tout ce qui s'étoit
paffé là - deffus. C'étoit pour moi autant
& plus qu'il n'en falloit ; mais quand il
s'agit d'inftruire les autres fur des chofes
de cette nature , dont on n'a entendu
ler que confufément , on ne fçauroir prendre
trop de précaution pour fe faire bien
entendre , &pour ne rien dire que
vrai .
parde
Je crus donc qu'une petite conference
avec M. Bellin , que j'étois d'ailleurs bienaiſe
de revoir , acheveroit de jetter de la
clarté fur cette matiere , & qu'avec toutes
II. Vol.
ces
F300 MERCURE DE FRANCE
ces meſures je parviendrois à produire ens
fin une defcription exacte & claire desAntiquitez
de Vieux. Blainville n'eſt qu'à une
lieuë & demie de Caën , peu éloigné du
chemin qui mene à la Délivrande ,fameufe
Dévotion du Païs , au voisinage de la
mer, où l'on va de Caën en moins de deux
heures. Nous réfolumes d'aller droit à la
Délivrande & de revenir pár Blainville.
Nous partîmes de fort bon matin , parce
que j'étois bien aife de voir en paffant
l'Abbaye d'Ardennes qu'on trouve à une
petite lieuë de la Ville..
Cette Abbaye eft de l'Ordre de Prémontré
, & fondée au commencement du
douziéme fiecle. Un Difciple de S. Nortbert
, nommé Gilbert , en fut le premier-
Abbé , preſque dès l'origine de l'Ordre :
On ajoûte , que Philippe de Harcourt
Evêque de Bayeux , contemporain de ceɛ
Abbé , fit des biens confiderables à cette :
Maifon naiffante. C'étoit alors une vraie
folitude,à caufe des grands Bois dont elle :
étoit toute environnée , ce qui lui a fait
donner le nom d'Ardennes , de l'ancien
mot Gaulois Arden , qui fignifie foreft ,
nom qui s'eft confervé dans la grande fo--
reft des Ardennes , dans la Gaule Belgique,
& dans la plus grande foreft d'Angleter--
re: c'eft du moins le fentiment de M. a )
(a)Origines de Caën , ch. 22. på 3-125 .
11..Vol..
Huet :
JUIN. 1730. 1301
Huet ,qui à cette occafion & fur le même
fujet , releve une méprife de M. de la Roque
dans fon Hiftoire de la Maiſon de
Harcourt : cette Abbaye , où nous fûmes
fort bien reçûs , eft aujourd'hui un lieu
fort agreable , élevé. fur une petite coline,
avec des vûës charmantes . Les bâtimens en
font folides , commodes & fpacieux , & les
Religieux qui y demeurent joignent de la
politeffe à une grande édification : on y
aime auffi l'étude & l'application , convenable
à cet Etat.Ils nous apprirent qu'entre
quelques Abbez d'Ardennes , diftin
guez par leur érudition , on compte le fameux
Marguarin de la Bigne ; Auteur du
grand Ouvrage intitulé : La Bibliotheque
des Peres. Ce fçavant Homme , felon eux,
étoit de Vire , & doit être ajoûté aux Illuftres
de cette Ville , dont je vous ai par
lé dans ma derniere Lettre. M de la Baftie
eft aujourd'hui Abbé Commandataire.
d'Ardennes.
#
3:
Une large plaine qui ne fe termine qu'à
la mer , vers le Septentrion , nous conduifit
à laDélivrande, lieu celebre en Normandie
& dans les Provinces voisines
par le concours qu'une grande devotion
envers la fainte Vierge y attire de tous cô.
tez. Nous y entendîmes d'abord la Meffe,
& enfuite nous vîmes avec attention l'Eglife
qui eft fort jolie , extrêmement or
LL.Koh. née
1302 MERCURE DE FRANCE.
née , & très- bien deffervie par des Ecclefiaftiques
commis par M. l'Evêque de
Bayeux. Le Chapitre de la Cathedrale y
tient auffi un de fes Chanoines qui reçoit
les Offrandes , & dirige toutes chofes. Il
y a tout auprès un petit Seminaire conduit
par des Miffionnaires de la Congregation
de S. Lazare , dont nous vifitâmes
auffi P'Eglife & la Maiſon.
Nous apprîmes d'eux qu'on ne fçait
rien de bien affuré fur l'origine de l'Eglife
de la Délivrande , que quelques- uns font
remonter fans preuves à une haute Antiquité
; mais qu'on ne peut s'empêcher de
reconnoître que depuis un fort longtems
Dieu y eft particulierement fervi
& adoré , la Sainte Vierge honorée , & les
Fideles confolez & édifiez. Le vrai nom
moderne de ce lieu eft la Délivrande , duquel
, difent- ils , le Peuple ignorant à faiɛ
éelui de Délivrance : cependant Délivran
de eft un nom originairement Anglois : il
vient de Deale, qui en cette Langue fignifie
partie , portion de quelque chofe ; les
Normands difent Delle pour fignifier la
même chofe ; or les vieux titres portent
que la portion de terrain , ou la piece de
terre fur laquelle eft bâtie l'Eglife en
queftion , appartenoit au nommé Ivrand ,
ou Ivrande , & cette piece eft dénommée
Delle d'Ivrande , ou la piece de terre
AA II. Vol.
d'IJUIN.
1730. 1303
d'Ivrande : Rien ne paroît mieux dérivé ,
& il feroit difficile de trouver une meilleur
étymologie. Tout ce terrain eft de la
Paroiffe de Luc, à un quart de lieuë de -là ,
tirant vers la mer , & releve de l'Abbaye
de Fecamps, dont les Religieux font Pa
trons & Collateurs de la Cure.
Nous prenions congé de ces Meffieurs,
qui nous avoient offert obligeamment à
dîner , pour aller manger des huitres fur
le bord de la mer , & partir enfuite pour
Blainville , lorfque nous entendîmes un
grand bruit au dehors : ce bruit augmentoit
à mesure que nous fortions , & en
ayant demandé la cauſe au premier venu,
on nous dit que c'étoit une grande querelle
furvenue entre deux Etrangers, dont
on n'entendoit pas la Langue , qui s'échauffoit
beaucoup , & qui ne paroiffoit
ne devoir pas fi- tôt finir. Cela nous fit
avancer:mais il n'y avoit pas moyen d'approcher
: une nombreufe Populace envi
ronnoit les deux Champions , ils ne que
relloient point , mais autant valoit - il ,
car ils difputoient à outrance & fans ménager
les termes en Dialecticiens des plus
ferrez , ce qu'il nous étoit aifé d'entendre
de l'endroit où nous étions. La fingularité
du fait nous furprit , mais nous ne tar
dâmes pas d'être éclaircis ; car le Supe
ricus de la Maiſon ayant envoyé du mon-
II. Vola de
1304 MERCURE DE FRANCE
de pour impofer filence , & pour faire retirer
les Affiftans , nous vîmes fortir de la
foule les deux Conteftans fort échauffez &
tout enroüez , dont l'un, connu par mes
Compagnons de Voyage , étoit un bon
Hybernois , habitué à Caën ; l'autre étoit
un Pelerin Eſpagnol qui venoit du Mont
S. Michel . Le premier nous joignit fort
civilement , & ne nous quitta plus . Nous
les ramenâmes à Caen , & il nous conta
fon avanture, qui étoit telle.
•
Je fortois , nous dit-il , de cette Eglife
où j'ai coûtume de venir tous les Samedis
, quand j'ai rencontré ce Pelerin , lequel
après un leger falut m'a interrogé
affez brufquement en ces termes : Quoibous
ftoudouifti ? j'ai d'abord compris que
mon homme cherchoit noife , & qu'il
étoit frais émoulu des Ecoles . Vous fçavez
Meffieurs , que les Hibernois font un peu
Grecs fur l'article , & qu'en particulier
j'ai quelque petite réputation dans votre
Univerfité ; ainfi je n'ai point hefité à lui
répondre Studui Philofophia & etiam
Theologia. Il a fait là - deffus une exclamation
, puis tournant deux fois autour de
moi , il a debuté ainſi : Sentio te effe Thomiftam
, contra fic argumentor de Pramotione
Phifica, &m'a lâché tout de fuite un argument;
la difpute n'a gueres tardé à s'echauffer
& à nous attirer des Auditeurs , ou
II. Vol. plutôt
JUIN. 1730. 1305
plutôt des Spectateurs. Mon Adverfaire
n'eft rien moins que patient ; à chaque
négative que je lui donnois il fe trémouf
foit , & paroiffoit prêt à m'infulter ; enfin
, Meffieurs , la rumeur étoit à fon comble
lorsque vous nous avez entendu ; car
de la Prémotion Phyfique nous nous étions
jettés dans la diftinction des Attributs
& fur d'autres pareils points de pure Mé
taphyfique , lui foûtenant les fubtilités de
Scot, & moi , pour ne pas le faire mentir,
deffendant toujours les fentimens de l'autre
Ecole . Mais graces à la prudence de
M. le Superieur , la difpute a ceffé de la
maniere que vous l'avez vû , & graces à
votre courtoisie , j'efpere de me remettre
bientôt de la fatigue à laquelle je ne me
ferois jamais attendu , dans un lieu où j'étois
venu en partie pour me delaffer l'ef
prit.
Je vous avoue , Monfieur , que l'avanture
nous parut plaiſante ; nous en dejeunâmes
plus gayement. Après avoir vû
pêcher & avoir examiné plufieurs coquillages
fur les bords de la Mer , nous
remontâmes à Cheval pour nous rendre
à Blainville , où nous arrivâmes affez à
tems pour profiter d'un bon diner
que
M. Bellin , averti à mon inſçû par notre
Docteur , avoit préparé. Il s'étoit auffi
préparé lui-même en cherchant dans fes
II. Vol.
papiers
1306 MERCURE DE FRANCE
papiers & en rappellant dans fa memoire
tout ce qui pouvoit concerner les découvertes
de Vieux. Je fus , au refte , charmé
de revoir un ami de ce mérite , qui malgré
les années ne faifoit voir aucun changement
dans la folidité de fon efprit &
dans fes manieres polies & agréables .
Après le repas , le principal fujet de ma
vifite fut mis fur le tapis , & nous eumes
bientôt éclairci toutes choſes à cet égard ;
il me communiqua très obligeamment
tout ce qu'il avoit là- deffus , & me laiffa
emporter tout ce que je voulus. J'appris
de lui qu'à Blainville , comme à Vieux
on trouve de tems en tems des Médail
les & d'autres monumens de l'Antiquité
Romaine , dont il me promit de me donner
des preuves. Nous vîmes enfuite les
dehors du Village qui nous parurent fort
agréables , ce qui nous mena chez M.
D. L. L. qui a une fort jolie Maifon , &
poffede un Fiefdans le Marquifat de Blainville
; c'eft un homme de très bon commerce
, & qui fçait bien de bonnes choſes;
il me promit auffi une inftruction fur les
Antiquités trouvées dans ce Canton. La
Terre de Blainville appartient au Comte
de Rochechouart , frere du Duc de Mortemart
, lequel a époufé la fille de N Colbert
, Marquis de Blainville , troifiême
fils de Jean Baptifte Colbert , Miniſtre &
II. Vol. SecreJUIN.
1730 130 % -
Secretaire d'Etat , qui en avoit fait l'acquifition.
Blainville , au refte , n'eft pas un nom
donné à l'avanture; fi on en croit M.-Huet,
il renferme en lui une antiquité Gauloife ;
c'eſt Beleni Villa ; Apollon & Belenus
chez les Gaulois étoient la même Divinité .
Dans les vieux Titres , ajoûte ce Sçavant ,
le nom de ce Village eft Belainville ;
néanmoins dans plufieurs autres il eft nomme
Bléville , & dans la Charte de fondation
de l'Abbaye de Sainte Trinité de
Caen , Bledvilla , ce qui peut venir du
mot Bladum , qui dans la baffe Latinité
fignifie du bled , ainfi Bledville fignificroit
Village fertile en bled . Vous voyez ,
Monfieur , combien le nom d'un fimple
Village prend de formes differentes entre
les mains d'un habile homme. Il ne tint
à notre Hibernois que le nom même
de M. Bellin , Curé de Blainville , ne
devint miſterieux , & n'entrât pour quelque
chofe dans ces étimologies ..
pas
Au retour de notre petite promenade,
nous fûmes affez furpris de trouver dans
le Presbitere de la Delivrande le Pelerin
Efpagnol qui venoit d'arriver ; il fe jetta
aux pieds de M. le Curé , lui demandant
humblement fa benediction & l'hofpitalité
, ce qui lui fut accordé de bonne
grace , à condition qu'on ne difputeroit
II. Vol.
point ;
1308 MERCURE DE FRANCE
point ; là deffus , il vint embraffer fon
Antagoniſte , & nous fit civilité. Il produifit
enfuite fes papiers qui le firent
connoître pour Prêtre Espagnol & pour
Bachelier de la Faculté de Theologie d'Alcala
; il ajoûta qu'un vou folemnel l'avoit
conduit au Mont S. Michel , allant de Pro.
vince en Province & de Paroiffe en Paroiffe
, efperant s'en retourner de même
quand il auroit vû Caën .
Notre Medecin , homme fort jovial ,
lia avec lui converfation , & d'un ton affez
plaifant , ne fe montrant pas autrement
favorable à l'efprit de pelerinage ; le Bachelier
la foûtint encore plus plaifamment
entendant raillerie à merveilles , aux dépens
même de fa Nation dit de bons
mots avec efprit & de bonne grace , fans
oublier celui de l'Eſpagnol ( a ) aboyé de
près par des Chiens dans les Campagnes
de Bordeaux durant une forte gelée . La
converſation devint plus férieufe , quand
le rufé Pelerin , pour avoir fa revanche,
pouffa à fon tour notre Docteur fur la Phifique
, pour tomber , comme il fit , fur la
Medecine , dont il offrit de démontrer
( a ) Cet Espagnol voulant fe défaire des
Chiens à coups de pierres ne peut jamais en
détacher une fenle , à cause de la gelée ; fur
quoi il s'écria Maledicha la tierra en la quale
Jos perros fon deligados i las piedras ligadas.
II. Vol.
l'incerJUI
N. 1730.
1309
l'incertitude & l'illufion , ajoûtant que les
PhyficiensFrançois n'étoient que lesEchos
des Efpagnols ; témoin , dit - il , votre Delcartes
qui a bâti tout fon ſyſtême de l'ame
des Bêtes, fur celui de notre Gomelius Pereira
b lequel long- tems avant la naiffance
du Philofophe François , a foutenu que les
bêtes n'ont point de fentiment , & font
de pures Machines. Le bon Curé qui avoit
interdit toute difpute ne parut pas trop
fâché de voir embarquer celle- ci , elle
étoit propre à nous faire coucher à Blainville
, comme il le fouhaitoit ; mais je
rompis les chiens à propos ; notre Docteur
fe tira d'embarras comme il pût ; le
Bachelier crût avoir triomphé , & nous
crûmes , en remontant à cheval , après
avoir bien embraffé notre Hôte , avoir
bien employé cette journée , qui fe termina
par notre retour à Caën .
Lelendemain je gardai la maiſon toute
la journée , pour dreffer fur toutes mes
Inftructions une Relation exacte des Recherches
& des Découvertes faites à Vieux
du tems de M. Foucault ; ce fera la matiere
de la premiere Lettre que je vous
écrirai , & j'efpere que votre curioſité en
fera fatisfaite. Je fuis , Monfieur & c .
( b ) G. Pereira , fameux Medecin du XIV:
fiecle , a foutenu cette Doctrine dans un Livro
imprimé en 1554.
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Résumé : SUITE du Voyage de Basse-Normandie. LETTRE VII.
Le texte décrit un voyage à Vieux, un village près de Caen en Normandie, entrepris par l'auteur accompagné de son médecin et d'un autre curieux. Leur objectif est d'examiner les ruines et les découvertes archéologiques réalisées par M. Foucault. À leur arrivée, ils constatent que les vestiges antiques ont été en grande partie dissimulés par les propriétaires terriens pour permettre la reprise des cultures. M. de Vieux, seigneur du lieu, explique que les découvertes ont été comblées après les fouilles. M. de Vieux montre aux visiteurs divers objets antiques, tels que des tuyaux de brique, des tombeaux de pierre et des médailles. Il mentionne également une carrière de marbre rouge et une sculpture en relief représentant Jésus-Christ dans le tombeau. L'auteur visite ensuite l'abbaye d'Ardennes, fondée au XIIe siècle, et la Délivrande, un lieu de pèlerinage dédié à la Vierge Marie. Le texte se termine par une description de l'église de la Délivrande et de son séminaire. Parallèlement, le texte relate une dispute philosophique entre un Irlandais et un pèlerin espagnol près de l'église de la Délivrande. L'Irlandais, habitué de Caen, se rend à l'église lorsqu'il est abordé par le pèlerin espagnol, qui lui demande en latin s'il étudie la philosophie et la théologie. La discussion s'enflamme rapidement, attirant une foule de spectateurs. Les deux hommes débattent de sujets métaphysiques, tels que la promotion physique et les attributs divins, chacun défendant des écoles de pensée opposées. La dispute est interrompue par le supérieur de la maison, qui impose le silence. L'Irlandais rejoint ensuite les narrateurs, qui le ramènent à Caen. Il explique que la dispute a commencé par une question en latin sur ses études et a rapidement dégénéré en un débat philosophique intense. Plus tard, le groupe se rend à Blainville, où ils rencontrent M. Bellin, qui partage des informations sur les antiquités locales. Le pèlerin espagnol, arrivé entre-temps, demande l'hospitalité au curé de la Délivrande. Une conversation s'ensuit entre le pèlerin et le médecin du groupe, qui discutent de la médecine et de la philosophie. Le texte se termine par le retour des narrateurs à Caen, après une journée riche en échanges intellectuels.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 1952-1960
DERNIERE SUITE des Mémoires de M. Capperon, &c. Sur l'Histoire naturelle, l'Histoire Civile & Ecclesiastique du Comté d'Eu.
Début :
Pour ne rien omettre, Monsieur, sur ce qui a raport à la piété dans notre [...]
Mots clefs :
Comté d'Eu, Tombeaux, Artillerie, Église, Armée, Habitants, Roi
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texteReconnaissance textuelle : DERNIERE SUITE des Mémoires de M. Capperon, &c. Sur l'Histoire naturelle, l'Histoire Civile & Ecclesiastique du Comté d'Eu.
DERNIERE SUITE des Mémoires
de M. Capperon , & c. Sur l'Hiftoire naturelle
, l'Hiftoire Civile & Ecclefiaftique
du Comté d'Eu .
P
*
Our ne rien omettre , Monfieur , fur
ce qui a raport à la piété dans notre
Hiftoire , je ne dois pas , ce me femble ,
oublier une faveur finguliere de la Providence
faite à la ville d'Eu , en la rendant
dépofitaire du Corps de l'Illuftre S. Laurent
, Archevêque de Dublin en Irlande ,
l'an 1181. Ce faint Archevêque paffant
par cette Ville , pour aller joindre le Roy
d'Angleterre , qui étoit en Normandie
Dieu permit qu'il y tomba malade, & qu'il
y mourut le 14 du mois de Novembre.
Six ans après la mort , le Comte d'Eu ;
Henry II. fils du Comte Jean , Religieux
à Foucarmont , dont je viens de parler ,
imitateur de fa piété , en faifant conf-
Voyez les Mercures de Juillet & Aoust ,
$730 truire
SEPTEMBRE . 1730. 1958
truire l'Eglife de Notre -Dame , qui fubfifte
encore aujourd'hui , le tombeau où
repofoit le Corps de ce S.Archevêque fut
ouvert ; il s'y fit , dit- on , tant de miracles
, & les guérifons miraculeufes attirerent
tant de malades à la ville d'Eu
qu'il eft remarqué dans l'original de la
Vie de ce Saint , écrite so ans après fa
mort ,par un Chanoine de l'Abbaye d'Eu ,
chapitre 31. Que quoiqu'on eut abandonné
le Château pour les loger , il ne
fuffifoit pas encore , tant le nombre en
étoit grand.
S Les habitans de la Villè d'Eu , témoins
de toutes ces merveilles , obtinrent après
cinq voïages faits à Rome , que cet illuftre
Saint fût folemnellement canonifé , ce
qui arriva l'onzième jour de Decembre
1226. par une Bulle du Pape Honoré III .
laquelle a cela de fingulier , qu'elle eft la
premiere Bulle de Canonifation où les
Papes aient accordé des Indulgences. Et
ces mêmes Indulgences y font énoncées ,
de la mème maniere qu'on en ufoit dans
les premiers tems , puifque le Pape déclare
qu'il remet vingt jours de la penitence
enjointe à tous ceux qui vifiteront
l'Eglife où le Corps de ce Saint repoſe
foit le jour de fa fête , ou un des jours de
l'octave.
Ceux qui ont tant foit peu de lecture
Ciij fça-
>
1954 MERCURE DE FRANCE
fçavent que les fentimens font fort partagez
fur le tems précis auquel la Poudre
à Čanon a été inventée. Les Hiftoriens
ont auffi fort varié , pour fixer le tems
auquel on a commencé à fe fervir de l'Artillerie.
Grand nombre l'ont placé bien
au deffous de fa veritable époque . Nauclerus
, par exemple , n'en fixe l'uſage
qu'en 1354. Baronius en 1360. d'autres
en 1380. Moreri dit pofitivement qu'avant
l'an 1425. l'Artillerie étoit incon
nuë en France. Mais felon Furetiere dans
fon Dictionaire , M. du Cange eft le premier
qui a découvert dans la Chambre
des Comptes de Paris , qu'on fe fervoit
en France de l'Artillerie dès l'an 1338.
Comme en effet , on y voit un compte
de cette même année , où il eft parlé de
la dépenſe faite pour la Poudre neceſſaire
aux Canons , qui furent employez devant
Puy- Guillaume , Château en Auvergne.
J'efpere qu'on trouvera bon , qu'à ce
titre , lequel jufqu'à preſent , comme je
crois , a paru unique , pour fixer ce point
d'hiftoire , j'en ajoute un autre , tiré des
Archives de notre Hôtel de Ville , qui en
confirme la verité. Il fe trouve dans un
ancien Livre en velin , où font infcrits par
années les noms des Maires & Echevins
depuis l'an 1272. On le nomme le Livre
rouge
SEPTEMBRE. 1730. 1955
rouge , lequel eft en deux volumes . Com
me on a eu foin d'écrire auffi dans ce Livre
ce qui s'eft paffé de plus confiderable
pendant l'adminiftration de chaque Maire
, on lit , volume premier , page 97. le
détail d'une defcente que les Anglois firent
à Tréport , au mois de Mai 1340.de
quelle maniere ils furent heureuſement
repouffez. On y fait obſerver que l'Artil
lerie dont on fe fervit dans cette occafion
y contribua beaucoup ; qu'on en faifoit
alors un fi grand cas , à caufe de la nouveauté
, que celui qui a décrit cette defcente
, remarque comme un grand bonheur
, qu'elle ne fut aucunement endommagée.
Cette ancienne Artillerie fe voit encore
aujourd'hui à Eu , & confifte en deux
groffes Boëtes de fer , qu'on chargeoit
alors de Cailloux ronds , au lieu de Boulets
de fer , comme on en ufoit encore en
1354. même pour les Moufquets , au rapport
de Mezerai , qui dit que ce fut dans
ce temps-là qu'on commença à s'en fervir
dans la guerre d'Italie ; lefquels Moufquets
étoient , dit- il , fi gros , qu'il falloit
deux hommes pour les porter , & on
ne les tiroit que pofez fur deux pieux en
fourchettes. Paffons à un autre fujet.
Le Tombeau fimbolique du Comte
d'Eu , Philippe d'Artois , Connétable de
C iiij France
1956 MERCURE DE FRANCE
France , qui eft dans l'Eglife de Notre-
Dame d'Eu , me paroît meriter qu'on
y faffe attention à caufe de fa fingularité.
Ce qui le diftingue des autres Tombeaux
'de la même Maifon d'Artois qui reſtent
'dans cette Eglife , confifte en ce qu'il eſt
le feul qui foit , non pas fimplement entouré
d'une grille de fer , pour empêcher
qu'on n'en approche , ainfi qu'on en voit
plufieurs autres ; mais en ce qu'il eft enfermé
comme dans une efpece de cage ,
la grille en étant fi proche , qu'on peut
le toucher comme on veut ; ce qui paroît
' d'autant plus myfterieux, que ce tombeau
n'a rien qui exige d'être plus précieufement
confervé que les autres. D'ailleurs ,
Paffectation qu'ont eu ceux qui ont travaillé
ces tombeaux , de pofer des figures
de petits chiens aux pieds de tous ceux
& celles qui y font reprefentez , donne
tout lieu de croire qu'il y avoit en tout
cela quelque chofe de caché.
En effet , c'eft une choſe certaine , que
dans le tems où ces Tombeaux ont été
faits , l'ufage étoit de donner à ceux dont
on voyoit les Repréſentations , certains
ornemens qui défignoient comment ils
étoient morts. Olivier de la Marche , dit
pofitivement dans l'Hiftoire qu'il a compofée
, au rapport de Gui Coquille , dans
fon Hiftoire du Nivernois , que ces petits
chiens
SEPTEMBRE. 1730. 1957
chiens qu'on mettoit alors aux pieds des
perfonnes reprefentées fur les Tombeaux,
fignifioient qu'elles étoient mortes dans
leur lit.Que fi c'étoient des Seigneurs qui
fuffent morts dans un combat , on les reprefentoit
armez de toutes pieces ; au
lieu que s'ils étoient morts , non dans un
Combat , mais ou de bleſſures , ou de maladies
, ou d'autres accidens de Guerre ,
on les reprefentoit également armez de
Cuiraffe , mais n'ayant ni le Cafque en
tête , ni les Gantelets aux mains .
Telle eft juftement , Monfieur , la maniere
dont Philippe d'Artois eft reprefen
té en Marbre fur fon Tombeau , car ce
Seigneur ayant eu le malheur d'être fait
prifonnier par les Turcs , l'an 1396. à la
fameufe bataille de Nicopolis, & de mourir
peu de temps après dans fa prifon ; cela
qui donna lieu pour marquer le genre
de fa mort , de le reprefenter armé , mais
fans Cafque à la tête , & fans Gantelets
aux mains , ayant deux petits chiens à
fes pieds , & d'ajouter une grille qui le
couvre dans fon Tombeau , à celle qui
environne ce même Tombeau, pour mieux
marquer qu'il étoit mort en prifon. Il ne
fera inutile de remarquer que par le
compte que j'ai vu de Roger de Malderée
, alors Receveur du Comté d'Eu , ce
Tombeau où eft la figure de Philippe
Су d'Artois
pas
1958 MERCURE DE FRANCE
d'Artois , de Marbre blanc , de grandeur
naturelle , pofée fur une Table de Marbre
noir , élevée fur le Tombeau , & la double
grille de fer qui l'enferme , n'ont couté
que cent livres , tant l'argent étoit rare
en ce temps - là.
Voicy un autre fait , lequel pour fa fingularité
mérite de trouver icy fa place.
C'eft Monftrelet qui le raporte ' en fon
Hiftoire , volume 1. chap. 125. Cet Hiſtorien
dit que le Roy d'Angleterre Henry
V. s'étant brouillé avec la France , il entra
dans ce Royaume par l'embouchure
de la Seine , le 13. Aouft 1415. avec une
Armée compofée de fix mille hommes
d'Armes , & de 24 mille Archers , d'où
il fe mit en marche , bien réfolu de ravager
tout le Païs qui étoit le long de la côte
jufqu'à Calais. Comme la Ville d'Eu étoit
fur la route , il comptoit bien de l'emporter
d'emblée , & d'en abandonner le pillage
à fes Troupes . Mais il n'en fut pas
ainfi ; car le Comte d'Eu , Charles d'Artois
, s'étant jetté dans cette Place pour la
défendre comme fon propre bien , il ne
tarda pas à lui faire connoître que la chofe
ne lui feroit pas auffi facile qu'il fe l'étoit
promis .
En effet , à peine le Comte d'Eu eut il
reçu avis , que les Coureurs de l'Armée
s'avançoient , qu'il fit faire fur eux une
vigouSEPTEMBRE.
1730. 1959
vigoureuſe fortie.L'attaque fut tres - rude
& ce fut là que fe paffa l'action fingulie
re dont je veux parler. Sçavoir , que dans
le tems que les habitans de la Ville d'Eu
chargeoient rudement les Anglois , un de
fes habitans , nommé Lamelot- Pierre, eut
le malheur de recevoir de la main d'un
Anglois un coup de Lance , qui lui perça
le ventre de part en part; mais ce qui doit
furprendre , c'eft que ce particulier , loin
de perdre toute prefence d'efprit & tout
courage par un coup fi terrible , prenant
la Lance d'une main & fe l'enfonçant
dans le ventre , s'avança toujours jufqu'à
ce qu'il fut à portée de tuer de fon Epée
qu'il tenoit de l'autre main , celui qui lui
avoit donné le coup mortel , & le fit ainfi
expirer en même - temps que lui .
Ce premier effai de valeur que donnerent
ceux qui étoient réfolus à bien défendre
la Ville , n'empêcha pas l'armée
Angloife d'en faire le Siége ; mais les Anglois
y trouvant plus de réfiftance qu'ils
n'avoient efperé , ſçachant d'ailleurs que
l'armée que le Roy de France avoit formée
en peu de temps , s'avançoit pour
les combattre , ils leverent le Siége le troifiéme
jour d'Octobre , & pafferent en Picardie
, où ayant été joints par l'armée
Françoife , le combat fe donna proche
d'Azincourt , dans le Comté de S. Paul.
C vj Je
1960 MERCURE DE FRANCE
Je n'en rapporterai qu'une feule circon-
"ftance fort finguliere , que j'ai tirée de la
Bibliotheque ancienne & nouvelle de le
Clerc , tom . 1. fçavoir , que la plufpart des
Soldats Anglois fe trouvant alors attaquez
d'une violente Diffenterie , ils n'héfiterent
pas , avant le Combat , de fe mettre
à nud de la ceinture en bas , pour évi
ter que de preffans befoins ne vinffent à
les troubler pendant la mêlée , ce qui n'empêcha
pas qu'ils ne remportaffent une entiere
victoire.
Je pourrois raporter un plus grand nombre
de faits ,non moins finguliers que ceux
dont je viens de vous entretenir ; mais
pour éviter une longueur qui pourroit
devenir ennuyeuſe , vous me permettrez
de faire icy Alte, & de reprendre un peu
halene. Je fuis toujours , Monfieur , votre
, &c.
A Eu , ce 1 May 1730.
de M. Capperon , & c. Sur l'Hiftoire naturelle
, l'Hiftoire Civile & Ecclefiaftique
du Comté d'Eu .
P
*
Our ne rien omettre , Monfieur , fur
ce qui a raport à la piété dans notre
Hiftoire , je ne dois pas , ce me femble ,
oublier une faveur finguliere de la Providence
faite à la ville d'Eu , en la rendant
dépofitaire du Corps de l'Illuftre S. Laurent
, Archevêque de Dublin en Irlande ,
l'an 1181. Ce faint Archevêque paffant
par cette Ville , pour aller joindre le Roy
d'Angleterre , qui étoit en Normandie
Dieu permit qu'il y tomba malade, & qu'il
y mourut le 14 du mois de Novembre.
Six ans après la mort , le Comte d'Eu ;
Henry II. fils du Comte Jean , Religieux
à Foucarmont , dont je viens de parler ,
imitateur de fa piété , en faifant conf-
Voyez les Mercures de Juillet & Aoust ,
$730 truire
SEPTEMBRE . 1730. 1958
truire l'Eglife de Notre -Dame , qui fubfifte
encore aujourd'hui , le tombeau où
repofoit le Corps de ce S.Archevêque fut
ouvert ; il s'y fit , dit- on , tant de miracles
, & les guérifons miraculeufes attirerent
tant de malades à la ville d'Eu
qu'il eft remarqué dans l'original de la
Vie de ce Saint , écrite so ans après fa
mort ,par un Chanoine de l'Abbaye d'Eu ,
chapitre 31. Que quoiqu'on eut abandonné
le Château pour les loger , il ne
fuffifoit pas encore , tant le nombre en
étoit grand.
S Les habitans de la Villè d'Eu , témoins
de toutes ces merveilles , obtinrent après
cinq voïages faits à Rome , que cet illuftre
Saint fût folemnellement canonifé , ce
qui arriva l'onzième jour de Decembre
1226. par une Bulle du Pape Honoré III .
laquelle a cela de fingulier , qu'elle eft la
premiere Bulle de Canonifation où les
Papes aient accordé des Indulgences. Et
ces mêmes Indulgences y font énoncées ,
de la mème maniere qu'on en ufoit dans
les premiers tems , puifque le Pape déclare
qu'il remet vingt jours de la penitence
enjointe à tous ceux qui vifiteront
l'Eglife où le Corps de ce Saint repoſe
foit le jour de fa fête , ou un des jours de
l'octave.
Ceux qui ont tant foit peu de lecture
Ciij fça-
>
1954 MERCURE DE FRANCE
fçavent que les fentimens font fort partagez
fur le tems précis auquel la Poudre
à Čanon a été inventée. Les Hiftoriens
ont auffi fort varié , pour fixer le tems
auquel on a commencé à fe fervir de l'Artillerie.
Grand nombre l'ont placé bien
au deffous de fa veritable époque . Nauclerus
, par exemple , n'en fixe l'uſage
qu'en 1354. Baronius en 1360. d'autres
en 1380. Moreri dit pofitivement qu'avant
l'an 1425. l'Artillerie étoit incon
nuë en France. Mais felon Furetiere dans
fon Dictionaire , M. du Cange eft le premier
qui a découvert dans la Chambre
des Comptes de Paris , qu'on fe fervoit
en France de l'Artillerie dès l'an 1338.
Comme en effet , on y voit un compte
de cette même année , où il eft parlé de
la dépenſe faite pour la Poudre neceſſaire
aux Canons , qui furent employez devant
Puy- Guillaume , Château en Auvergne.
J'efpere qu'on trouvera bon , qu'à ce
titre , lequel jufqu'à preſent , comme je
crois , a paru unique , pour fixer ce point
d'hiftoire , j'en ajoute un autre , tiré des
Archives de notre Hôtel de Ville , qui en
confirme la verité. Il fe trouve dans un
ancien Livre en velin , où font infcrits par
années les noms des Maires & Echevins
depuis l'an 1272. On le nomme le Livre
rouge
SEPTEMBRE. 1730. 1955
rouge , lequel eft en deux volumes . Com
me on a eu foin d'écrire auffi dans ce Livre
ce qui s'eft paffé de plus confiderable
pendant l'adminiftration de chaque Maire
, on lit , volume premier , page 97. le
détail d'une defcente que les Anglois firent
à Tréport , au mois de Mai 1340.de
quelle maniere ils furent heureuſement
repouffez. On y fait obſerver que l'Artil
lerie dont on fe fervit dans cette occafion
y contribua beaucoup ; qu'on en faifoit
alors un fi grand cas , à caufe de la nouveauté
, que celui qui a décrit cette defcente
, remarque comme un grand bonheur
, qu'elle ne fut aucunement endommagée.
Cette ancienne Artillerie fe voit encore
aujourd'hui à Eu , & confifte en deux
groffes Boëtes de fer , qu'on chargeoit
alors de Cailloux ronds , au lieu de Boulets
de fer , comme on en ufoit encore en
1354. même pour les Moufquets , au rapport
de Mezerai , qui dit que ce fut dans
ce temps-là qu'on commença à s'en fervir
dans la guerre d'Italie ; lefquels Moufquets
étoient , dit- il , fi gros , qu'il falloit
deux hommes pour les porter , & on
ne les tiroit que pofez fur deux pieux en
fourchettes. Paffons à un autre fujet.
Le Tombeau fimbolique du Comte
d'Eu , Philippe d'Artois , Connétable de
C iiij France
1956 MERCURE DE FRANCE
France , qui eft dans l'Eglife de Notre-
Dame d'Eu , me paroît meriter qu'on
y faffe attention à caufe de fa fingularité.
Ce qui le diftingue des autres Tombeaux
'de la même Maifon d'Artois qui reſtent
'dans cette Eglife , confifte en ce qu'il eſt
le feul qui foit , non pas fimplement entouré
d'une grille de fer , pour empêcher
qu'on n'en approche , ainfi qu'on en voit
plufieurs autres ; mais en ce qu'il eft enfermé
comme dans une efpece de cage ,
la grille en étant fi proche , qu'on peut
le toucher comme on veut ; ce qui paroît
' d'autant plus myfterieux, que ce tombeau
n'a rien qui exige d'être plus précieufement
confervé que les autres. D'ailleurs ,
Paffectation qu'ont eu ceux qui ont travaillé
ces tombeaux , de pofer des figures
de petits chiens aux pieds de tous ceux
& celles qui y font reprefentez , donne
tout lieu de croire qu'il y avoit en tout
cela quelque chofe de caché.
En effet , c'eft une choſe certaine , que
dans le tems où ces Tombeaux ont été
faits , l'ufage étoit de donner à ceux dont
on voyoit les Repréſentations , certains
ornemens qui défignoient comment ils
étoient morts. Olivier de la Marche , dit
pofitivement dans l'Hiftoire qu'il a compofée
, au rapport de Gui Coquille , dans
fon Hiftoire du Nivernois , que ces petits
chiens
SEPTEMBRE. 1730. 1957
chiens qu'on mettoit alors aux pieds des
perfonnes reprefentées fur les Tombeaux,
fignifioient qu'elles étoient mortes dans
leur lit.Que fi c'étoient des Seigneurs qui
fuffent morts dans un combat , on les reprefentoit
armez de toutes pieces ; au
lieu que s'ils étoient morts , non dans un
Combat , mais ou de bleſſures , ou de maladies
, ou d'autres accidens de Guerre ,
on les reprefentoit également armez de
Cuiraffe , mais n'ayant ni le Cafque en
tête , ni les Gantelets aux mains .
Telle eft juftement , Monfieur , la maniere
dont Philippe d'Artois eft reprefen
té en Marbre fur fon Tombeau , car ce
Seigneur ayant eu le malheur d'être fait
prifonnier par les Turcs , l'an 1396. à la
fameufe bataille de Nicopolis, & de mourir
peu de temps après dans fa prifon ; cela
qui donna lieu pour marquer le genre
de fa mort , de le reprefenter armé , mais
fans Cafque à la tête , & fans Gantelets
aux mains , ayant deux petits chiens à
fes pieds , & d'ajouter une grille qui le
couvre dans fon Tombeau , à celle qui
environne ce même Tombeau, pour mieux
marquer qu'il étoit mort en prifon. Il ne
fera inutile de remarquer que par le
compte que j'ai vu de Roger de Malderée
, alors Receveur du Comté d'Eu , ce
Tombeau où eft la figure de Philippe
Су d'Artois
pas
1958 MERCURE DE FRANCE
d'Artois , de Marbre blanc , de grandeur
naturelle , pofée fur une Table de Marbre
noir , élevée fur le Tombeau , & la double
grille de fer qui l'enferme , n'ont couté
que cent livres , tant l'argent étoit rare
en ce temps - là.
Voicy un autre fait , lequel pour fa fingularité
mérite de trouver icy fa place.
C'eft Monftrelet qui le raporte ' en fon
Hiftoire , volume 1. chap. 125. Cet Hiſtorien
dit que le Roy d'Angleterre Henry
V. s'étant brouillé avec la France , il entra
dans ce Royaume par l'embouchure
de la Seine , le 13. Aouft 1415. avec une
Armée compofée de fix mille hommes
d'Armes , & de 24 mille Archers , d'où
il fe mit en marche , bien réfolu de ravager
tout le Païs qui étoit le long de la côte
jufqu'à Calais. Comme la Ville d'Eu étoit
fur la route , il comptoit bien de l'emporter
d'emblée , & d'en abandonner le pillage
à fes Troupes . Mais il n'en fut pas
ainfi ; car le Comte d'Eu , Charles d'Artois
, s'étant jetté dans cette Place pour la
défendre comme fon propre bien , il ne
tarda pas à lui faire connoître que la chofe
ne lui feroit pas auffi facile qu'il fe l'étoit
promis .
En effet , à peine le Comte d'Eu eut il
reçu avis , que les Coureurs de l'Armée
s'avançoient , qu'il fit faire fur eux une
vigouSEPTEMBRE.
1730. 1959
vigoureuſe fortie.L'attaque fut tres - rude
& ce fut là que fe paffa l'action fingulie
re dont je veux parler. Sçavoir , que dans
le tems que les habitans de la Ville d'Eu
chargeoient rudement les Anglois , un de
fes habitans , nommé Lamelot- Pierre, eut
le malheur de recevoir de la main d'un
Anglois un coup de Lance , qui lui perça
le ventre de part en part; mais ce qui doit
furprendre , c'eft que ce particulier , loin
de perdre toute prefence d'efprit & tout
courage par un coup fi terrible , prenant
la Lance d'une main & fe l'enfonçant
dans le ventre , s'avança toujours jufqu'à
ce qu'il fut à portée de tuer de fon Epée
qu'il tenoit de l'autre main , celui qui lui
avoit donné le coup mortel , & le fit ainfi
expirer en même - temps que lui .
Ce premier effai de valeur que donnerent
ceux qui étoient réfolus à bien défendre
la Ville , n'empêcha pas l'armée
Angloife d'en faire le Siége ; mais les Anglois
y trouvant plus de réfiftance qu'ils
n'avoient efperé , ſçachant d'ailleurs que
l'armée que le Roy de France avoit formée
en peu de temps , s'avançoit pour
les combattre , ils leverent le Siége le troifiéme
jour d'Octobre , & pafferent en Picardie
, où ayant été joints par l'armée
Françoife , le combat fe donna proche
d'Azincourt , dans le Comté de S. Paul.
C vj Je
1960 MERCURE DE FRANCE
Je n'en rapporterai qu'une feule circon-
"ftance fort finguliere , que j'ai tirée de la
Bibliotheque ancienne & nouvelle de le
Clerc , tom . 1. fçavoir , que la plufpart des
Soldats Anglois fe trouvant alors attaquez
d'une violente Diffenterie , ils n'héfiterent
pas , avant le Combat , de fe mettre
à nud de la ceinture en bas , pour évi
ter que de preffans befoins ne vinffent à
les troubler pendant la mêlée , ce qui n'empêcha
pas qu'ils ne remportaffent une entiere
victoire.
Je pourrois raporter un plus grand nombre
de faits ,non moins finguliers que ceux
dont je viens de vous entretenir ; mais
pour éviter une longueur qui pourroit
devenir ennuyeuſe , vous me permettrez
de faire icy Alte, & de reprendre un peu
halene. Je fuis toujours , Monfieur , votre
, &c.
A Eu , ce 1 May 1730.
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Résumé : DERNIERE SUITE des Mémoires de M. Capperon, &c. Sur l'Histoire naturelle, l'Histoire Civile & Ecclesiastique du Comté d'Eu.
Le texte extrait des mémoires de M. Capperon relate divers événements historiques du comté d'Eu. En 1181, la ville d'Eu bénéficia d'une faveur divine avec la mort de l'archevêque Laurent de Dublin, qui tomba malade et décéda sur place. Six ans plus tard, le comte d'Eu fit construire une église pour abriter le tombeau de l'archevêque, où des miracles se produisirent, attirant de nombreux malades. En 1226, après cinq voyages à Rome, l'archevêque fut canonisé par le pape Honoré III, marquant la première bulle de canonisation accordant des indulgences. Le texte aborde également l'histoire de l'artillerie. Plusieurs historiens ont proposé des dates variées pour l'invention de la poudre à canon, mais des archives de la Chambre des Comptes de Paris et de l'Hôtel de Ville d'Eu confirment son usage dès 1338. En 1340, l'artillerie fut utilisée pour repousser une descente anglaise à Tréport. Le tombeau du comte Philippe d'Artois, connétable de France, est décrit comme singulier en raison de sa double grille de fer. Les petits chiens représentés sur les tombeaux indiquaient que la personne était morte dans son lit. Philippe d'Artois, capturé et mort en prison après la bataille de Nicopolis en 1396, est représenté sans casque ni gantelets, symbolisant sa mort en captivité. Enfin, le texte mentionne l'attaque de la ville d'Eu par le roi Henri V d'Angleterre en 1415. Un habitant, Lamelot-Pierre, blessé par une lance, tua son agresseur avant de succomber. Malgré cette résistance, les Anglais levèrent le siège et affrontèrent l'armée française près d'Azincourt.
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