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1
p. 257-281
Modes Nouvelles. [titre d'après la table]
Début :
Il est temps de satisfaire la curiosité de vos Belles [...]
Mots clefs :
Couleurs, Modes, Jupes, Dentelle, Marchands, Habillements, Étoffes, Gazes, Toiles, Manteaux, Point de France, Échelles, Mousseline, Satin, Coiffes, Rubans, Boutons, Noeuds, Manches
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texteReconnaissance textuelle : Modes Nouvelles. [titre d'après la table]
uriofité de vos Belles de Province , & de vous entretenir
desModesnouvellesdontvous
m'avez mandé pluſieurs fois qu'elles ſouhaitoient de trou- ver quelque Article dans les Lettres queje vous envoye.Ce n'eſt pas une affaire peu amba- raffante,&je ne ſçay comment j'aurois pû m'acquiter de ma parole, fi je ne me fuſſe trouvé dernierement dans une Ruelle
abondante en Perſonnesdu bel
air. On yrailloit un Mary ja- loux, lors que je vis entrer une Féme moitié Pretieuſe,& moitie Coquette. Queje fuis fati- guée:dit- elle, apres avoir ſalüé la Compagnie;l'ay eſté aujourQij
184 LE MERCVRE d'hui chez plus de vingt Mar- chands , &je n'en fuis guéres fortie plus ſçavante quej'y ſuis entrée. J'ay reçeu dix Lettres de la Campagne, parleſquelles on me prie de mander les Mo- des nouvelles , & je ne ſçay qu'écrire là-deſſus. Onn'a ja- mais veu en France ce que l'on voit aujourd'hui, il n'y a plus deModesgenerales,parce qu'il yen a tropde particulieres; à
peinetrouve-t- ondeux Perſon- nes veſtuës de la meſme maniere , chacun s'habille à ſa fantaiſie, &l'on ne paroiſt plus extravagant comme autrefois,
lors qu'on n'eſt pasmis comme les autres. Pour moy , continua-t-elle, je ne feray point de réponſe,&je ne finirois jamais,
fije voulois écrire la diverſité
des Habillemens de chaque
GALANT. 185 Particulier. Je donnay d'abord dans ſon ſens , pour l'amener apres plus facilement à mon but &je luidis enſuite que fi
elle vouloit prier toute laCom- pagnie de s'entretenir ſur cette matiere , & que chacundit les
Modesqu'il croyoit les plusge- nerales,je les écrirois fur l'heu- re , &qu'ainſi elle trouveroit fon Memoire des Modes tout
fait, ſans qu'elle fift autre cho- ſe que dire ſon avis.Cette pen- ſee lui plût , chacun promit d'expliquer ce qu'il ſçavoition me donna de l'encre &du pa- pier, &j'écrivis pour elle &
pour moy, ceque vous allez li- re touchant les Modes dont on
ſe fert depuis qu'on ne porte plus d'or&d'argent.
On parla d'abord des Eto- fes , ou plutoft on en voulut
üj
Σ
186 LE MERCVRE
parler ; car à peine euft-on-en-- tâmé ce difcours, qu'unejeune Beauté prit la parole,&dit que de cinquante Femmes du bel
air, à peine on trouvoit - on deux qui portaffent des Etof- fes ; &que hors quelques Taf- fetas & Tabis decoupez &
mouchetez, gris &changeans,
qui estoient un reſte de Mode
des Habits d'Etamine & de
Serge des Grifettes du Printemps , on ne voyoit plus de Femmes veſtuës que deToil- les&deGazes ; &elle adjoûta qu'elle les aimoit tellement ;
qu'elle avoit voulu voir toutes celles qui avoient eſté faites,&
que leur diverſité & leur
beauté eſtoient des chofes ad
mirables. On la pria de par.
ler de toutes celles qu'el
le avoit veuës , & voicy de
GALANT. 187
t
i
quelle maniere elle s'en ac- quita.
Onfait, depuis que les cha-- leurs ont commencé,des Man--
teaux&des Jupes de pluſieurs fortes de Gazes; les moindres
4
font les unies, les rayees , & ALE DE carreaux.
LYON celles qui font à E
leurs, meflees, & fans eftreme
lées. If y en a auffi beaucoup de rebrochées , dont les fleurs
paroiffent de relief. On en voit
fur des fonds bruns couvertes.
de fleurs de toutes couleurs;
&il s'en trouve de meſme fur
des fonds blancs qui font le plus bel effet du monde ; d'au- tres font fur des fonds mou
chetez, & d'autres font à colomnes. Les Femmes du grand air qui ont le petit deüil , en portentde blanches , avec des
preſque de toutes con-
188 LE MERCVRE
fleurs noires rebrochées ; &
celles qui font plus modeftes,
en mettent de noires unies ,
avec des Jupes de Gaze bleuës deffous. Les Gazes dont les
fonds & les fleurs font blanches, ſe portentbeaucoup plus enJupesqu'enManteaux.Cel- les qui ſont rayées , & qui ont de grandes eſpaces entre les ra- yes , remplies de toutes fortes de fleurs,fonttres-belles : Mais
quelque beauté qu'ayenttou- tes ces Gazes , pourſuivit-elle,
je ne defefpere pas d'en voir encor deplus extraordinaires,
puis qu'il n'eſt point de jour qu'on n'en remarque aux Thuilleries d'un deſſein tout
nouveau. Il n'eſt rien de plus agreable que tous les Mateaux deGaze, continua la meſme,&
ils ne font effacez que par ceux
GALANT. 189 de Poincts de France fur de la
Toille jaune,qui eftant accom-- pagnez d'Echelles de mefme
Poinct, donnent un certain air
degrandeur à ceux quiles por- tent , que les Etofés les plus remplies d'or &d'arget ne font pas toûjours remarquer dans les Perſonnes les plus quali- lifiées..Onvoit aufli , adjoûtat- elle , quelques Manteaux &
Jupes de Taffetas volans &
changeas, mais le nombre n'en eſt pas grand. Puis que vous avez parle des Manteaux , re- prit une autre,je vais parlerdes Jupes;j'en achetayhyer,& ce- la fur cauſe que je m'infor-- may de celles quifont les plus àla mode.On en voitencor qui fonttoutes de Poinct de Frace,
&dautres toutes de Poinct
d'Angleterre mais comme elles
190 LE MERCVRE
font extrémement cheres , le
nombre n'en eſt pas fi grand;&
celles dont on porte le plus ,
font desMouffeline rayée,avec unPoinct au bas des plus hauts que l'on puiſſe trouver. Ily en a auſſi beaucoup de Taffetas de toutes fortes de couleurs , fous des Gazes que chacun choifit àſa fantaiſie ; mais la plupart les prennentblanches. On en voit depuis quelques jours de Toille decoupée , comme on decoupoit le Tabis & le Satin.
Les Femmes qui font un peu fur le retour,&quelques autres
encor , portent des Jupes de Brocard , & d'autres Etofes ;
les unesmettentun petitPoinct
de Erance enbas,les autres une
Dantelle noire. Il y en a qui mettent des Guipures de tou- tes couleurs;mais quand on les
GALANT. 191 pliffe, on met des Dantelles de foye douce, fans fonds, & fans eftre guipées ni gommées. Il yadiverſesmanieres de mettre
ces Dantelles ; les unes en ont
une grande pliffée, &un Pied qui releve; & les autres deux
grandes pliſſées à deux doigts l'une de l'autre, & toutes deux tombantes.
Quandcelle quiavoitparlé desJupes àlamode eu finy fon diſcours , on preſſa une vieille Fille qui n'avoit ni beauté ni agrément,&qui par toutesces raiſons ſe retranchoit ſur lebel
Eſprit , de dire quelque choſe furle ſujet dela Converſation,
Elle répondit avec un air dé- daigneux,qu'elle ne ſçavoitpas commenton pouvoit perdre le temps à parler de ces bagatel- les,&que cette matiere n'étoit
192 LE MERCVRE
bonne que pour certaines Fé- mes qui n'auroientjamais rien àdire, fans le ſecours de leurs
Habillemens. On luyrépondit qu'elle avoit raiſon ; mais que
lors qu'on eſtoit en compagnie,
onſe rendoit ridicule, fi l'on ne
faifoit comme les autres , puis qu'ilſembloitqu'on lesmépri- faft , &qu'onvoulut ſe diſtinguer; cequ'unEfprit bien tour- né de devoit jamais faire. He bien, reprit-elle bruſquement,
puis que l'eſprit de bagatelle regne aujourd'hui , ilfaut faire
comme les autres. Si je me ſuis défenduë de parler des Modes nouvelles , ce n'eſt pas que je les ignore : comme il ne faut point d'eſprit pour les apprendre,& qu'on n'abeſoin que d'avoir des yeux , tout le monde les doit ſçavoir , &je
croy
GALANT. 193
croy n'en ignorer aucune. Elle s'arreſta un moment , puis elle entra dans le détail de toutes
les Modes dont on n'avoit
point encor parle , qu'elle de- bita avec un torrent de paroles,
ſans s'arreſter un moment , ni
laifſfer le temps à aucun de la Compagnie de lui repliquer par unſeul mot. Voicy tout cequ'elledit.
Laplupart des Coëffes que l'on porte à preſent , font à co- lomnes blanches & fans fonds;
onen voit auffi de noires à pe- tites Mouches , de Gazes fort claires d'Angleterre fans fods,
deblanches, de rouffes , &des
Cornettes de mefme ces dornieres. Onne fait plus de Bonnets friſez ,&l'on met deux petites Cornettes &une grande.
On fe cordonne de Poinct de
Tome V. R
194 LE MERCVRE
France &de Rubans detoutes
couleurs. Jamais ils n'ont tant
eſté enregne qu'ils fontdepuis la Defenſe de l'or &de l'argét;
&l'on mettat d'Echelles,qu'il eſt impoffible que cette Mode foit long-tempsen regne,parce quelesGensdequalité nemã- quent jamais de quitter celles qui deviennent trop commu- nes. On porte beaucoup de Gandsgarnis,&tous les Man- teaux font retrouffez avecdes
Rubans. Toutes lesGarnitures
fontrempliesde Ferets ; ils font plus courts , plus brillans , &
mieux travaillezque les ronds quel'onportoit ilya quelques années, & il n'y ariendeplus agreable ; on en met juſques aux Rubans de Souliers. Les
Manchesdont onſeſert à pre- ſent,ſont de pluſieurs manières.
GALANT. 195
1
2
Il y en a de pliſſées , avec du Poinct enbas.On en voitd'autres qui ne font point pliffées,
&qui ontune Dentelle qui re- leve, avec un petit Pied. Il s'en
trouve auſſi beaucoup à boüil- lons. Laplupart des Manchettes qui accompagnent ces Mã- ches, font à trois rangs. On porte toûjours des Bas de la Chine , & l'on n'en met plus guéres de marbrez. Les Sou- liers font de pluſieurs manieres. Ondecoupe des Cuirs fur des Etofes de toutes fortes de
couleurs. Il yen a de mouche- tez, laffez aux coſtez avec un
petit Molet , & de brodez de
Soye.Les plus magnifiques ſont ceux qui font de Toille de Marſeille piquée , &qui font garnis deDantelle d'Angleter- re ou de Poinct de France,forRij
196 LE MERCVRE
mantune maniere deRoze antique , comme on en mettoit
autrefois fur les Souliers. On
envoit auſſi de Geais de toutes couleurs. Les Eventails les
plus ordinaires font de Peaux de Vélin , avec des Bâtons de
Calanbourg.On les porte toû- jours grādes,& les belles Pein- tures ſonttoûjours à la mode.
On fait à preſent beaucoup dePoincts de Frace fans fonds,
&des Picots en compannes à
tous lesbeaux Mouchoirs. On
en aveu quelques-uns avec de petites Fleurs fur les grandes,
que l'on pouroit appeller des Fleurs volantes, n'eſtant atta--
chées que par le milieu ; mais il n'y a pas d'apparence que cetteModeſoit ſuivie.
Toutes ces choſes ayanteſté dites de fuite , celle qui en fit
GALANT. 197
de
al
le recit ſe trouva tellemét hors
d'haleine,qu'apres avoir ache- vé,elle ne pût dire autre choſe.
La Belle qui vouloit mander
des Modes en Province , crût
en ſçavoir aſſez , & l'on auroit
finy cette matiere , fi une Per- fonne de la compagnie n'euſt dit qu'il faloit auſſi s'entretenir des manieresde s'habiller des
Hommes. N'en foyez point en peine, repartit uneBeauté en- joüée , j'ay vingt Amans qui àl'envy s'eforcentde ſemettre bienpour meplaire , &je ſçay comment il faut qu'un Hom- me ſoit pour eſtre à la mode.
Elle prononça ces paroles d'un air qui plût à toute l'Affem- blée. On la pria de dire ce qu'elle ſçavoit là-deffus , &
fans ſe faire preffer , elle com- mençade la forte.
Riij
198 LE MERCVRE
L'ajustement eſt moins ne- ceffaire aux Hommes qu'à la plupart des Femmes , & il ca- che moins leurs defauts. Un
Homme eſt toûjours affez pa- ré quand il a bonne mine; il plaiſt enHabit de Cavalier, &
fans ornemens ; & les Femmes
qui ne font point ajuſtées,plai- fent rarement , à moins que leurbeauté ne foit veritable &
toute à elles. On dira , pour- ſuivit cette Charmate Perfonne , que j'aime bien les Hom- mes,de parler ainfi à leur avantage : Cependant tous mes Amans font également bien auprés de moy,&publient que je ſuis la plus cruelle Perſonne du monde. Tantqu'ils parlerõt ainfi , je ne me plaindray pas d'eux ,&je croirois qu'on ne medevroitguéres eſtimer, s'ils
GALANT. 199 tenoient un autre langage. Le defir qu'ils ontde me plaire,fait qu'ils ne paroiffent devat moy qu'avec une propreté ache- vée,&tout cela ſans avoir d'Erofes magnifiques. On n'en voit point preſentement , elles ſont preſque toutes unies; à
peine en trouve-t-onde ſoye,
&l'on ne porte que des Dro- guets,desEtamines &des Ser- ges; mais quand un Homme eft bien coëffé &bie chauffé,
qu'il a de beau Linge, une belle Garniture, &unebelle Veſte,il eſt plusparé que s'il eſtoit chargé de Broderie ou de gros Galons d'or , qui ne feroient que l'épaiffir. Les Hommes portent à preſent des Véftes fort lõgues, garnies de Poincts.
Les plus nouvelles ſont de Mouſſeline claire rayée , avec
200 LE MERCVRE
de la Toille jaune deſſous , &
du Poinct deſſus. Leurs Chapeaux ſont petits, leurs Gands garnis de Rubans étroits , &
toute leurGarniture de méme.
Aumilieude ces petits Rubas,
ils ont àleur Chapeau, fur leur Manches , au Nœud de leurs
Epées,&quelquefois auxdeux coſtez de leurs Culotes ou
Rhingraves,desNœudsdeRu- ban large, auxdeux coſtez du- quel eft coufuë uneDentelle
blache. Depuisquelques jours ony en met de noire,qu'on fait
coudre aumilieu du Ruban,de
maniere qu'elle le couvre tout entier. Onvoit pluſieurs Ha- bits avec quantité de rangs d'œillets; ilsn'eſtoient d'abord
que blancs , & aux revers des
Manches ; on en met preſente- ment par tout , &ils font de
GALAN T. 201
toutes couleurs ; on commence meſme à les entourerde pe- tits Cordonnets qui font pluſieurs figures, comme aux Bau- driers. D'abord que l'argent fut defendu, on porta desCor- donsde foye aurore , &de foye blanche , qu'on prenoit pour del'or &pourde l'argent. On met des Boutons des meſmes
couleurs ,&depuis peu on en porte de meflez comme les Garnitures. Les Hommes commencent à devenir magnifiques en Souliers"; ils en ontde
brodez qui coûtent quatre Loüis la paire , mais on en voit encor peu. La Converſation auroit eſté plus longue , ſans une viſite ſerieuſe qui ſurvint,
& qui l'interrompit ; c'eſt pourquoy je prie vos belles Provinciales de ſe conten
202. LE MERCVRE
ter de ce je vous envoye.
desModesnouvellesdontvous
m'avez mandé pluſieurs fois qu'elles ſouhaitoient de trou- ver quelque Article dans les Lettres queje vous envoye.Ce n'eſt pas une affaire peu amba- raffante,&je ne ſçay comment j'aurois pû m'acquiter de ma parole, fi je ne me fuſſe trouvé dernierement dans une Ruelle
abondante en Perſonnesdu bel
air. On yrailloit un Mary ja- loux, lors que je vis entrer une Féme moitié Pretieuſe,& moitie Coquette. Queje fuis fati- guée:dit- elle, apres avoir ſalüé la Compagnie;l'ay eſté aujourQij
184 LE MERCVRE d'hui chez plus de vingt Mar- chands , &je n'en fuis guéres fortie plus ſçavante quej'y ſuis entrée. J'ay reçeu dix Lettres de la Campagne, parleſquelles on me prie de mander les Mo- des nouvelles , & je ne ſçay qu'écrire là-deſſus. Onn'a ja- mais veu en France ce que l'on voit aujourd'hui, il n'y a plus deModesgenerales,parce qu'il yen a tropde particulieres; à
peinetrouve-t- ondeux Perſon- nes veſtuës de la meſme maniere , chacun s'habille à ſa fantaiſie, &l'on ne paroiſt plus extravagant comme autrefois,
lors qu'on n'eſt pasmis comme les autres. Pour moy , continua-t-elle, je ne feray point de réponſe,&je ne finirois jamais,
fije voulois écrire la diverſité
des Habillemens de chaque
GALANT. 185 Particulier. Je donnay d'abord dans ſon ſens , pour l'amener apres plus facilement à mon but &je luidis enſuite que fi
elle vouloit prier toute laCom- pagnie de s'entretenir ſur cette matiere , & que chacundit les
Modesqu'il croyoit les plusge- nerales,je les écrirois fur l'heu- re , &qu'ainſi elle trouveroit fon Memoire des Modes tout
fait, ſans qu'elle fift autre cho- ſe que dire ſon avis.Cette pen- ſee lui plût , chacun promit d'expliquer ce qu'il ſçavoition me donna de l'encre &du pa- pier, &j'écrivis pour elle &
pour moy, ceque vous allez li- re touchant les Modes dont on
ſe fert depuis qu'on ne porte plus d'or&d'argent.
On parla d'abord des Eto- fes , ou plutoft on en voulut
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parler ; car à peine euft-on-en-- tâmé ce difcours, qu'unejeune Beauté prit la parole,&dit que de cinquante Femmes du bel
air, à peine on trouvoit - on deux qui portaffent des Etof- fes ; &que hors quelques Taf- fetas & Tabis decoupez &
mouchetez, gris &changeans,
qui estoient un reſte de Mode
des Habits d'Etamine & de
Serge des Grifettes du Printemps , on ne voyoit plus de Femmes veſtuës que deToil- les&deGazes ; &elle adjoûta qu'elle les aimoit tellement ;
qu'elle avoit voulu voir toutes celles qui avoient eſté faites,&
que leur diverſité & leur
beauté eſtoient des chofes ad
mirables. On la pria de par.
ler de toutes celles qu'el
le avoit veuës , & voicy de
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quelle maniere elle s'en ac- quita.
Onfait, depuis que les cha-- leurs ont commencé,des Man--
teaux&des Jupes de pluſieurs fortes de Gazes; les moindres
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font les unies, les rayees , & ALE DE carreaux.
LYON celles qui font à E
leurs, meflees, & fans eftreme
lées. If y en a auffi beaucoup de rebrochées , dont les fleurs
paroiffent de relief. On en voit
fur des fonds bruns couvertes.
de fleurs de toutes couleurs;
&il s'en trouve de meſme fur
des fonds blancs qui font le plus bel effet du monde ; d'au- tres font fur des fonds mou
chetez, & d'autres font à colomnes. Les Femmes du grand air qui ont le petit deüil , en portentde blanches , avec des
preſque de toutes con-
188 LE MERCVRE
fleurs noires rebrochées ; &
celles qui font plus modeftes,
en mettent de noires unies ,
avec des Jupes de Gaze bleuës deffous. Les Gazes dont les
fonds & les fleurs font blanches, ſe portentbeaucoup plus enJupesqu'enManteaux.Cel- les qui ſont rayées , & qui ont de grandes eſpaces entre les ra- yes , remplies de toutes fortes de fleurs,fonttres-belles : Mais
quelque beauté qu'ayenttou- tes ces Gazes , pourſuivit-elle,
je ne defefpere pas d'en voir encor deplus extraordinaires,
puis qu'il n'eſt point de jour qu'on n'en remarque aux Thuilleries d'un deſſein tout
nouveau. Il n'eſt rien de plus agreable que tous les Mateaux deGaze, continua la meſme,&
ils ne font effacez que par ceux
GALANT. 189 de Poincts de France fur de la
Toille jaune,qui eftant accom-- pagnez d'Echelles de mefme
Poinct, donnent un certain air
degrandeur à ceux quiles por- tent , que les Etofés les plus remplies d'or &d'arget ne font pas toûjours remarquer dans les Perſonnes les plus quali- lifiées..Onvoit aufli , adjoûtat- elle , quelques Manteaux &
Jupes de Taffetas volans &
changeas, mais le nombre n'en eſt pas grand. Puis que vous avez parle des Manteaux , re- prit une autre,je vais parlerdes Jupes;j'en achetayhyer,& ce- la fur cauſe que je m'infor-- may de celles quifont les plus àla mode.On en voitencor qui fonttoutes de Poinct de Frace,
&dautres toutes de Poinct
d'Angleterre mais comme elles
190 LE MERCVRE
font extrémement cheres , le
nombre n'en eſt pas fi grand;&
celles dont on porte le plus ,
font desMouffeline rayée,avec unPoinct au bas des plus hauts que l'on puiſſe trouver. Ily en a auſſi beaucoup de Taffetas de toutes fortes de couleurs , fous des Gazes que chacun choifit àſa fantaiſie ; mais la plupart les prennentblanches. On en voit depuis quelques jours de Toille decoupée , comme on decoupoit le Tabis & le Satin.
Les Femmes qui font un peu fur le retour,&quelques autres
encor , portent des Jupes de Brocard , & d'autres Etofes ;
les unesmettentun petitPoinct
de Erance enbas,les autres une
Dantelle noire. Il y en a qui mettent des Guipures de tou- tes couleurs;mais quand on les
GALANT. 191 pliffe, on met des Dantelles de foye douce, fans fonds, & fans eftre guipées ni gommées. Il yadiverſesmanieres de mettre
ces Dantelles ; les unes en ont
une grande pliffée, &un Pied qui releve; & les autres deux
grandes pliſſées à deux doigts l'une de l'autre, & toutes deux tombantes.
Quandcelle quiavoitparlé desJupes àlamode eu finy fon diſcours , on preſſa une vieille Fille qui n'avoit ni beauté ni agrément,&qui par toutesces raiſons ſe retranchoit ſur lebel
Eſprit , de dire quelque choſe furle ſujet dela Converſation,
Elle répondit avec un air dé- daigneux,qu'elle ne ſçavoitpas commenton pouvoit perdre le temps à parler de ces bagatel- les,&que cette matiere n'étoit
192 LE MERCVRE
bonne que pour certaines Fé- mes qui n'auroientjamais rien àdire, fans le ſecours de leurs
Habillemens. On luyrépondit qu'elle avoit raiſon ; mais que
lors qu'on eſtoit en compagnie,
onſe rendoit ridicule, fi l'on ne
faifoit comme les autres , puis qu'ilſembloitqu'on lesmépri- faft , &qu'onvoulut ſe diſtinguer; cequ'unEfprit bien tour- né de devoit jamais faire. He bien, reprit-elle bruſquement,
puis que l'eſprit de bagatelle regne aujourd'hui , ilfaut faire
comme les autres. Si je me ſuis défenduë de parler des Modes nouvelles , ce n'eſt pas que je les ignore : comme il ne faut point d'eſprit pour les apprendre,& qu'on n'abeſoin que d'avoir des yeux , tout le monde les doit ſçavoir , &je
croy
GALANT. 193
croy n'en ignorer aucune. Elle s'arreſta un moment , puis elle entra dans le détail de toutes
les Modes dont on n'avoit
point encor parle , qu'elle de- bita avec un torrent de paroles,
ſans s'arreſter un moment , ni
laifſfer le temps à aucun de la Compagnie de lui repliquer par unſeul mot. Voicy tout cequ'elledit.
Laplupart des Coëffes que l'on porte à preſent , font à co- lomnes blanches & fans fonds;
onen voit auffi de noires à pe- tites Mouches , de Gazes fort claires d'Angleterre fans fods,
deblanches, de rouffes , &des
Cornettes de mefme ces dornieres. Onne fait plus de Bonnets friſez ,&l'on met deux petites Cornettes &une grande.
On fe cordonne de Poinct de
Tome V. R
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France &de Rubans detoutes
couleurs. Jamais ils n'ont tant
eſté enregne qu'ils fontdepuis la Defenſe de l'or &de l'argét;
&l'on mettat d'Echelles,qu'il eſt impoffible que cette Mode foit long-tempsen regne,parce quelesGensdequalité nemã- quent jamais de quitter celles qui deviennent trop commu- nes. On porte beaucoup de Gandsgarnis,&tous les Man- teaux font retrouffez avecdes
Rubans. Toutes lesGarnitures
fontrempliesde Ferets ; ils font plus courts , plus brillans , &
mieux travaillezque les ronds quel'onportoit ilya quelques années, & il n'y ariendeplus agreable ; on en met juſques aux Rubans de Souliers. Les
Manchesdont onſeſert à pre- ſent,ſont de pluſieurs manières.
GALANT. 195
1
2
Il y en a de pliſſées , avec du Poinct enbas.On en voitd'autres qui ne font point pliffées,
&qui ontune Dentelle qui re- leve, avec un petit Pied. Il s'en
trouve auſſi beaucoup à boüil- lons. Laplupart des Manchettes qui accompagnent ces Mã- ches, font à trois rangs. On porte toûjours des Bas de la Chine , & l'on n'en met plus guéres de marbrez. Les Sou- liers font de pluſieurs manieres. Ondecoupe des Cuirs fur des Etofes de toutes fortes de
couleurs. Il yen a de mouche- tez, laffez aux coſtez avec un
petit Molet , & de brodez de
Soye.Les plus magnifiques ſont ceux qui font de Toille de Marſeille piquée , &qui font garnis deDantelle d'Angleter- re ou de Poinct de France,forRij
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mantune maniere deRoze antique , comme on en mettoit
autrefois fur les Souliers. On
envoit auſſi de Geais de toutes couleurs. Les Eventails les
plus ordinaires font de Peaux de Vélin , avec des Bâtons de
Calanbourg.On les porte toû- jours grādes,& les belles Pein- tures ſonttoûjours à la mode.
On fait à preſent beaucoup dePoincts de Frace fans fonds,
&des Picots en compannes à
tous lesbeaux Mouchoirs. On
en aveu quelques-uns avec de petites Fleurs fur les grandes,
que l'on pouroit appeller des Fleurs volantes, n'eſtant atta--
chées que par le milieu ; mais il n'y a pas d'apparence que cetteModeſoit ſuivie.
Toutes ces choſes ayanteſté dites de fuite , celle qui en fit
GALANT. 197
de
al
le recit ſe trouva tellemét hors
d'haleine,qu'apres avoir ache- vé,elle ne pût dire autre choſe.
La Belle qui vouloit mander
des Modes en Province , crût
en ſçavoir aſſez , & l'on auroit
finy cette matiere , fi une Per- fonne de la compagnie n'euſt dit qu'il faloit auſſi s'entretenir des manieresde s'habiller des
Hommes. N'en foyez point en peine, repartit uneBeauté en- joüée , j'ay vingt Amans qui àl'envy s'eforcentde ſemettre bienpour meplaire , &je ſçay comment il faut qu'un Hom- me ſoit pour eſtre à la mode.
Elle prononça ces paroles d'un air qui plût à toute l'Affem- blée. On la pria de dire ce qu'elle ſçavoit là-deffus , &
fans ſe faire preffer , elle com- mençade la forte.
Riij
198 LE MERCVRE
L'ajustement eſt moins ne- ceffaire aux Hommes qu'à la plupart des Femmes , & il ca- che moins leurs defauts. Un
Homme eſt toûjours affez pa- ré quand il a bonne mine; il plaiſt enHabit de Cavalier, &
fans ornemens ; & les Femmes
qui ne font point ajuſtées,plai- fent rarement , à moins que leurbeauté ne foit veritable &
toute à elles. On dira , pour- ſuivit cette Charmate Perfonne , que j'aime bien les Hom- mes,de parler ainfi à leur avantage : Cependant tous mes Amans font également bien auprés de moy,&publient que je ſuis la plus cruelle Perſonne du monde. Tantqu'ils parlerõt ainfi , je ne me plaindray pas d'eux ,&je croirois qu'on ne medevroitguéres eſtimer, s'ils
GALANT. 199 tenoient un autre langage. Le defir qu'ils ontde me plaire,fait qu'ils ne paroiffent devat moy qu'avec une propreté ache- vée,&tout cela ſans avoir d'Erofes magnifiques. On n'en voit point preſentement , elles ſont preſque toutes unies; à
peine en trouve-t-onde ſoye,
&l'on ne porte que des Dro- guets,desEtamines &des Ser- ges; mais quand un Homme eft bien coëffé &bie chauffé,
qu'il a de beau Linge, une belle Garniture, &unebelle Veſte,il eſt plusparé que s'il eſtoit chargé de Broderie ou de gros Galons d'or , qui ne feroient que l'épaiffir. Les Hommes portent à preſent des Véftes fort lõgues, garnies de Poincts.
Les plus nouvelles ſont de Mouſſeline claire rayée , avec
200 LE MERCVRE
de la Toille jaune deſſous , &
du Poinct deſſus. Leurs Chapeaux ſont petits, leurs Gands garnis de Rubans étroits , &
toute leurGarniture de méme.
Aumilieude ces petits Rubas,
ils ont àleur Chapeau, fur leur Manches , au Nœud de leurs
Epées,&quelquefois auxdeux coſtez de leurs Culotes ou
Rhingraves,desNœudsdeRu- ban large, auxdeux coſtez du- quel eft coufuë uneDentelle
blache. Depuisquelques jours ony en met de noire,qu'on fait
coudre aumilieu du Ruban,de
maniere qu'elle le couvre tout entier. Onvoit pluſieurs Ha- bits avec quantité de rangs d'œillets; ilsn'eſtoient d'abord
que blancs , & aux revers des
Manches ; on en met preſente- ment par tout , &ils font de
GALAN T. 201
toutes couleurs ; on commence meſme à les entourerde pe- tits Cordonnets qui font pluſieurs figures, comme aux Bau- driers. D'abord que l'argent fut defendu, on porta desCor- donsde foye aurore , &de foye blanche , qu'on prenoit pour del'or &pourde l'argent. On met des Boutons des meſmes
couleurs ,&depuis peu on en porte de meflez comme les Garnitures. Les Hommes commencent à devenir magnifiques en Souliers"; ils en ontde
brodez qui coûtent quatre Loüis la paire , mais on en voit encor peu. La Converſation auroit eſté plus longue , ſans une viſite ſerieuſe qui ſurvint,
& qui l'interrompit ; c'eſt pourquoy je prie vos belles Provinciales de ſe conten
202. LE MERCVRE
ter de ce je vous envoye.
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Résumé : Modes Nouvelles. [titre d'après la table]
Le texte relate une conversation entre plusieurs personnes discutant des nouvelles modes à Paris après l'interdiction de porter de l'or et de l'argent. Une femme, épuisée par ses recherches, exprime son désarroi face à la diversité des modes actuelles et demande à la compagnie de décrire les modes les plus générales. La discussion commence par les étoffes. Les femmes portent principalement des toiles et des gazes, avec une grande variété de motifs et de couleurs. Les mantaux et les jupes en gaze sont particulièrement à la mode, avec des fonds et des fleurs de différentes couleurs. Les femmes en deuil portent des gazes blanches avec des fleurs noires rebrochées, tandis que celles plus modestes optent pour des gazes noires unies avec des jupes en gaze bleue. Les mantaux et jupes en taffetas volants et changeants sont également mentionnés, bien que moins courants. Les jupes en point de France et d'Angleterre sont très chères, donc moins répandues. Les jupes en mousseline rayée avec un point au bas sont plus courantes, ainsi que celles en taffetas de diverses couleurs sous des gazes blanches. Certaines femmes portent des jupes en brocart ou en autres étoffes, avec des dentelles ou des guipures de différentes couleurs. Une vieille fille, initialement réticente à parler des modes, finit par détailler les coiffes, les rubans, les ferrets, les manches, les manchettes, les bas, les souliers, les éventails, les points de France, et les mouchoirs. Elle mentionne également les nouvelles modes masculines, où les hommes portent des vêtements simples mais bien ajustés, avec des vestes longues garnies de points, des chapeaux petits, et des rubans étroits. Enfin, une beauté de l'assemblée décrit les modes masculines, soulignant que les hommes se distinguent par leur propreté et leur bon goût, plutôt que par des ornements luxueux. Les vêtements masculins actuels incluent des vestes longues en mousseline claire rayée, des chapeaux petits, et des rubans étroits pour la garniture. Les hommes commencent également à porter des souliers brodés plus coûteux. La conversation est interrompue par une visite sérieuse. L'auteur mentionne que la discussion aurait pu se prolonger sans cette interruption et demande aux destinataires, désignées comme 'vos belles Provinciales', de se contenter de ce qu'il leur envoie. Le texte se termine par une référence à 'LE MERCVRE'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1445-1449
MORTS.
Début :
Les Chanoines Réguliers de l'Abbaye de sainte Genevieve respectueusement attachés à la [...]
Mots clefs :
Mademoiselle de Beaujolais, Abbaye de Sainte-Geneviève, Autel, Louis de Bréhan de Plélo, Argent, Blanc, Roi, Satin, Chanoines réguliers, Maison d'Orléans
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texteReconnaissance textuelle : MORTS.
MORT S.
Es Chanoines Réguliers de l'Abbaye de sainte
Genevieve respectueusement attachés à la
Maison d'Orleans , dont ils ressentent continuellement
la puissante protection , se sont portez
d'eux-mêmes à cétebrer up Service solemnel
II Vol. pour
$446 MERCURE DE FRANCE
pour
le repos de l'ame de Mademoiselle d'O:-
leans de Beaujolois Princesse du Sang. Rien n'a
été omis de ce qui peut rendre auguste une tel
cérémonie ,
- Le frontispice de l'Eglise étoit tendu de banc;
on avoit placé au milieu un grand écusson en
losange haut de 15 pieds , aux Armes de la Maison
d'Orleans. Toute l'Eglise étoit tendue en
blanc depuis le haut jusqu'en bas , avec des
Armoiries de distance en distance . Un Catafalque
placé dans le Choeur au-dessus du Tombeau de
Clovis , comprenoit differentes pieces , qui chacune
avoit leur beauté; une Estrade à quatre gradins
chargée de chandeliers et de girandoles d'argent
, conduisoit à une Représentation couverte
d'un poële de satin blanc bordé d'hermine , avec
une Croix de moëre d'argent . A l'extremité de
la Représentation se voyoit sur un carreau de satin
à glands d'argent , la Couronne de Princesse,
couverte d'un crêpe blanc. Un dais suspendu à la
voûte surmonté d'aigrettes blanches très- fines ,
servoit de couronnement ; il étoit de satin blanc
orné de grandes crépines d'argent en festons.
Des quatre angles sortoient d'amples rideaux
aussi de satin blanc avec des franges d'argent ,
soutenus et relevez en festons par des cordons t
grosses houpes d'argent.
L'Autel étoit des mieux ordonné ; un somptueux
dais de velours noir semé de larmes en relief
, s'élevoit au - dessus : les Trophées de la
Mort brodez sur la queue du dais , contenoient
une grande Croix de même travail, Venoit ensuite
une distribution de chandeliers entremêlés
de girandolles au bas étoit le Retable orné de
cartouches en broderie , et plusieurs rangs de
chandeliers d'argent.
II. Vol. L'Autel
JUIN 1734 1447
L'Autel n'ayant pu être ainsi disposé sans
ane espece de charpente qui paroissoit par derriere
, on eut soin de la couvrir d'un très-beau
morceau de broderie en velours noir , qui représentoit
les symboles du Jugement dernier , et un
Ange embouchant la trompette. Les Tribunes
étoient pareillement garnies de girandoles.
Les préparatifs achevés , les Chanoines Réguliers
chanterent ks Vigiles le Mercredi au
soir 9. Juin ; S. M. C. la Reine d'Espagne et
Monseigneur le Duc d'Orleans y assisterent. Le
Lendemain Jeudi , la Messe fut célebrée par l'Abbé
en habits Pontificaux ; les Ministres étoient
revêtus d'Ornemens magnifiques , soit Tuniques,
soit Chappes. Le Choeur avoit aussi ses Officiers
egalement revêtus.
Le concours fut grand au Service . Pour éviter
la confusion et le tumulte , les Suisses du Palais
Royal garderent les Portes.
Plusieurs Prélats , des Generaux d'Ordre , des
Ecclésiastiques de tous les Corps , quantité de
Noblesse , de Dames de la premiere distinction
et des Magistrats invitez par les Chanoines Réguliers
, assisterent au Service , et furent placez
sur des sieges de deuil préparez à cet effet , tant
sur une estrade qu'on avoit dressé dans l'avant-
Sanctuaire , que dans le Choeur et le rond- point.
La présence de la Reine d'Espagne et de Monseigacur
le Duc d'Orleans augmentoit le lustre de
cette pieuse cérémonie . A côtéde S. A. R. étoient
les principaux Officiers de la Maison d'Orleans ,
et derriere , les Aumôniers en rochet , manteau
et bonnet quarré.
Le Comte de Bonamour Colonel au service
du Roi d'Espagne , et Capitaine dans le Régiment
des Gardes Walones , qui a été tué le 25
II. Vol. Maj
1448 MERCURE DE FRANCE
Mai dernier à la Journée de Bitonte dans le
Royaume de Naples , se nommoit Louis Germain
de Talhoët , et étoit d'une ancienne Noblesse
de la Province de Bretagne.
>
Louis- Robert- Hyppolite de Brehan Comte de
Plelo , ci -devant Mestre de Camp d'un Régiment
de Dragons , et auparavant Sous Lieutenant
des Gendarmes de Flandres , et Ambassadeur
du Roi en Dannemarck depuis 1729 , a été
tué le 27 Mai dernier à l'âge d'environ 35 ans ,
à l'attaque des retranchements de l'Armée Moscovite
assiegeant Dantzick. Il commandoit la
premiere colonne du Secours François destiné
pour cette Ville assiégée . Après avoir forcé les
barricades et penetré jusques dans les retranchements
il y a été frappé de plusieurs coups , ralliant
ses Troupes qui plioient sous le nombre et
le grand feu des. Moscovites. Il étoit fils deJean-
François de Brehan Comte de Mauron, et petitfils
de Maurille de Brehan Comte de Mauron , et
de Plelo , et de Louise de Quelen. Son bisayeul
étoit Louis de Brehan Baron de Château Brehan,
du Plessis , Mauron , Galinée , &c . Chevalier
de l'Ordre du Roi , Gentilhomme ordinaire de
sa Chambre , Maréchal de ses Camps et Armées,
tué aux guerres d'Allemagne en 1634. Le nom
de Brehan est un des plus nobles et des plus anciens
de la Bretagne , vraye Race d'ancienne Noblesse
de Chevalerie , et qui dans l'onzième et
douzième siecle tenoit rang parmi les anciens Barons
du Pays avant la Réduction faite en 1451 .
Louise Phelypeaux sa veuve , est fille de feu
Louis Phelypeaux Marquis de la Vrilliere , Ministre
et Secretaire d'Etat , et de Françoise de
Mailli , aujourd'hui Duchesse de Mazarin , et
Dame d'atour de la Reine , dont il laisse plu-
II. Vol. sicurs
JUI N. 1734.
1
1449
sieurs enfans en bas âge , ausquels le Roi a accordé
dix mille livres de pension .
Le premier Jun 1734 Nicolas-Simon - Jude
de Beauvau de Craon , Sous - Diacre , natif de
Lunéville en Lorraine , l'un des fils de Marc de
Beauvau Marquis de Craon et de Harouel , Prince
du Saint Empire , Grand d'Espagne de la
premiere classe , Conseiller d'Etat , et Grand
Ecuyer du Duc de Lorraine , et de Dame Anne
Marguerite de Liguiville Dame d'honneur de la
Duchesse de Lorraine , mourut de la petite ve
role à Rome à l'âge d'environ 24 ans.
Le 11 Juin 1734 Jacques- André de Mortani
( ou de Mortaigne en François ) Lieutenant Generaldes
Armées du Roi , mourut à Charlev ille
âgé de 84 ans. Il étoit Hongrois de nation , et
avoit été d'abord Lieutenant -Colonel du Régi
ment du Prince Administrateur de Wirtemberg.
Etant entré au Service de France , il fut fait Colonel
d'un Régiment de Hussarts en 169 ;, Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis en 1703
Brigadier le 10 Février 1704 , Maréchal de
Camp le 29 Mars 1710 , et Lieutenant- Gene
ral le, 30 Mars 1720.
Es Chanoines Réguliers de l'Abbaye de sainte
Genevieve respectueusement attachés à la
Maison d'Orleans , dont ils ressentent continuellement
la puissante protection , se sont portez
d'eux-mêmes à cétebrer up Service solemnel
II Vol. pour
$446 MERCURE DE FRANCE
pour
le repos de l'ame de Mademoiselle d'O:-
leans de Beaujolois Princesse du Sang. Rien n'a
été omis de ce qui peut rendre auguste une tel
cérémonie ,
- Le frontispice de l'Eglise étoit tendu de banc;
on avoit placé au milieu un grand écusson en
losange haut de 15 pieds , aux Armes de la Maison
d'Orleans. Toute l'Eglise étoit tendue en
blanc depuis le haut jusqu'en bas , avec des
Armoiries de distance en distance . Un Catafalque
placé dans le Choeur au-dessus du Tombeau de
Clovis , comprenoit differentes pieces , qui chacune
avoit leur beauté; une Estrade à quatre gradins
chargée de chandeliers et de girandoles d'argent
, conduisoit à une Représentation couverte
d'un poële de satin blanc bordé d'hermine , avec
une Croix de moëre d'argent . A l'extremité de
la Représentation se voyoit sur un carreau de satin
à glands d'argent , la Couronne de Princesse,
couverte d'un crêpe blanc. Un dais suspendu à la
voûte surmonté d'aigrettes blanches très- fines ,
servoit de couronnement ; il étoit de satin blanc
orné de grandes crépines d'argent en festons.
Des quatre angles sortoient d'amples rideaux
aussi de satin blanc avec des franges d'argent ,
soutenus et relevez en festons par des cordons t
grosses houpes d'argent.
L'Autel étoit des mieux ordonné ; un somptueux
dais de velours noir semé de larmes en relief
, s'élevoit au - dessus : les Trophées de la
Mort brodez sur la queue du dais , contenoient
une grande Croix de même travail, Venoit ensuite
une distribution de chandeliers entremêlés
de girandolles au bas étoit le Retable orné de
cartouches en broderie , et plusieurs rangs de
chandeliers d'argent.
II. Vol. L'Autel
JUIN 1734 1447
L'Autel n'ayant pu être ainsi disposé sans
ane espece de charpente qui paroissoit par derriere
, on eut soin de la couvrir d'un très-beau
morceau de broderie en velours noir , qui représentoit
les symboles du Jugement dernier , et un
Ange embouchant la trompette. Les Tribunes
étoient pareillement garnies de girandoles.
Les préparatifs achevés , les Chanoines Réguliers
chanterent ks Vigiles le Mercredi au
soir 9. Juin ; S. M. C. la Reine d'Espagne et
Monseigneur le Duc d'Orleans y assisterent. Le
Lendemain Jeudi , la Messe fut célebrée par l'Abbé
en habits Pontificaux ; les Ministres étoient
revêtus d'Ornemens magnifiques , soit Tuniques,
soit Chappes. Le Choeur avoit aussi ses Officiers
egalement revêtus.
Le concours fut grand au Service . Pour éviter
la confusion et le tumulte , les Suisses du Palais
Royal garderent les Portes.
Plusieurs Prélats , des Generaux d'Ordre , des
Ecclésiastiques de tous les Corps , quantité de
Noblesse , de Dames de la premiere distinction
et des Magistrats invitez par les Chanoines Réguliers
, assisterent au Service , et furent placez
sur des sieges de deuil préparez à cet effet , tant
sur une estrade qu'on avoit dressé dans l'avant-
Sanctuaire , que dans le Choeur et le rond- point.
La présence de la Reine d'Espagne et de Monseigacur
le Duc d'Orleans augmentoit le lustre de
cette pieuse cérémonie . A côtéde S. A. R. étoient
les principaux Officiers de la Maison d'Orleans ,
et derriere , les Aumôniers en rochet , manteau
et bonnet quarré.
Le Comte de Bonamour Colonel au service
du Roi d'Espagne , et Capitaine dans le Régiment
des Gardes Walones , qui a été tué le 25
II. Vol. Maj
1448 MERCURE DE FRANCE
Mai dernier à la Journée de Bitonte dans le
Royaume de Naples , se nommoit Louis Germain
de Talhoët , et étoit d'une ancienne Noblesse
de la Province de Bretagne.
>
Louis- Robert- Hyppolite de Brehan Comte de
Plelo , ci -devant Mestre de Camp d'un Régiment
de Dragons , et auparavant Sous Lieutenant
des Gendarmes de Flandres , et Ambassadeur
du Roi en Dannemarck depuis 1729 , a été
tué le 27 Mai dernier à l'âge d'environ 35 ans ,
à l'attaque des retranchements de l'Armée Moscovite
assiegeant Dantzick. Il commandoit la
premiere colonne du Secours François destiné
pour cette Ville assiégée . Après avoir forcé les
barricades et penetré jusques dans les retranchements
il y a été frappé de plusieurs coups , ralliant
ses Troupes qui plioient sous le nombre et
le grand feu des. Moscovites. Il étoit fils deJean-
François de Brehan Comte de Mauron, et petitfils
de Maurille de Brehan Comte de Mauron , et
de Plelo , et de Louise de Quelen. Son bisayeul
étoit Louis de Brehan Baron de Château Brehan,
du Plessis , Mauron , Galinée , &c . Chevalier
de l'Ordre du Roi , Gentilhomme ordinaire de
sa Chambre , Maréchal de ses Camps et Armées,
tué aux guerres d'Allemagne en 1634. Le nom
de Brehan est un des plus nobles et des plus anciens
de la Bretagne , vraye Race d'ancienne Noblesse
de Chevalerie , et qui dans l'onzième et
douzième siecle tenoit rang parmi les anciens Barons
du Pays avant la Réduction faite en 1451 .
Louise Phelypeaux sa veuve , est fille de feu
Louis Phelypeaux Marquis de la Vrilliere , Ministre
et Secretaire d'Etat , et de Françoise de
Mailli , aujourd'hui Duchesse de Mazarin , et
Dame d'atour de la Reine , dont il laisse plu-
II. Vol. sicurs
JUI N. 1734.
1
1449
sieurs enfans en bas âge , ausquels le Roi a accordé
dix mille livres de pension .
Le premier Jun 1734 Nicolas-Simon - Jude
de Beauvau de Craon , Sous - Diacre , natif de
Lunéville en Lorraine , l'un des fils de Marc de
Beauvau Marquis de Craon et de Harouel , Prince
du Saint Empire , Grand d'Espagne de la
premiere classe , Conseiller d'Etat , et Grand
Ecuyer du Duc de Lorraine , et de Dame Anne
Marguerite de Liguiville Dame d'honneur de la
Duchesse de Lorraine , mourut de la petite ve
role à Rome à l'âge d'environ 24 ans.
Le 11 Juin 1734 Jacques- André de Mortani
( ou de Mortaigne en François ) Lieutenant Generaldes
Armées du Roi , mourut à Charlev ille
âgé de 84 ans. Il étoit Hongrois de nation , et
avoit été d'abord Lieutenant -Colonel du Régi
ment du Prince Administrateur de Wirtemberg.
Etant entré au Service de France , il fut fait Colonel
d'un Régiment de Hussarts en 169 ;, Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis en 1703
Brigadier le 10 Février 1704 , Maréchal de
Camp le 29 Mars 1710 , et Lieutenant- Gene
ral le, 30 Mars 1720.
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Résumé : MORTS.
En juin 1734, les Chanoines Réguliers de l'Abbaye de Sainte-Geneviève ont organisé une cérémonie funéraire en mémoire de Mademoiselle d'Orléans de Beaujolais, Princesse du Sang. Cette cérémonie, marquée par une grande solennité, a vu la décoration somptueuse de l'église avec des écussons, des armoiries et un catafalque richement orné. La Reine d'Espagne et le Duc d'Orléans ont assisté aux vigiles et à la messe, accompagnés de nombreux prélats, ecclésiastiques, nobles et magistrats. La présence de Suisses du Palais Royal a assuré le maintien de l'ordre durant l'événement. Le texte mentionne également plusieurs décès notables. Le Comte de Bonamour a été tué lors de la bataille de Bitonte. Louis-Robert-Hyppolite de Brehan, Comte de Plelo, est mort lors de l'attaque des retranchements de l'armée moscovite assiégeant Dantzick. Nicolas-Simon-Jude de Beauvau de Craon, Sous-Diacre, est décédé de la petite vérole à Rome. Enfin, Jacques-André de Mortani, Lieutenant Général des Armées du Roi, est mort à Charleville à l'âge de 84 ans.
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