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p. 77-104
Analyse de l'Esprit des Loix, contenue dans la note qui accompagne l'Eloge de M. de Montesquieu par M. d'Alembert. Nous l'avions annoncée pour le premier Mercure de ce mois, & nous acquittons notre parole.
Début :
La plûpart des gens de Lettres qui ont parlé de l'Esprit des Loix, s'étant plus [...]
Mots clefs :
Montesquieu, De l'esprit des lois, Gouvernement, Peuple, Nature, Hommes, Lois, États, Esprit, Pays, Peuple, Peuples, Liberté, Religion, Gouvernement, Monarchie, Égalité, République, Servitude, Crimes
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texteReconnaissance textuelle : Analyse de l'Esprit des Loix, contenue dans la note qui accompagne l'Eloge de M. de Montesquieu par M. d'Alembert. Nous l'avions annoncée pour le premier Mercure de ce mois, & nous acquittons notre parole.
Analyfe de l'Esprit des Loix , contenue dans
la note qui accompagne l'Eloge de M. de
Montefquieu par M. d'Alembert. Nous
l'avions annoncée pour le premier Mercure
de ce mois , & nous acquittons notre
parole.
Lparle de l'efprit des Loix , s étant plus
A plupart des gens de Lettres qui ont
attachés à le critiquer qu'à en donner une
idée juſte , nous allons tâcher de fuppléer
à ce qu'ils auroient dû faire , & d'en développer
le plan , le caractere & l'objet.
Ceux qui en trouveront l'analy fe trop longue
, jugeront peut être, après l'avoir lue ,
qu'il n'y avoit que ce feul moyen de bien
faire faifir la méthode de l'Auteur . On
doit fe fouvenir d'ailleurs que l'hiftoire
des écrivains célebres n'eft que celle de
leurs penfées & de leurs travaux , & que
cette partie de leur éloge en eft la plus
effentielle & la plus utile , fur-tout à la
tête d'un ouvrage rel que l'Encyclopédie.
Les homme dans l'état de nature , abf-
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
traction faite de toute religion , ne connoiffant
dans les différends qu'ils peuvent
avoir , d'autre loi que celle des animaux ,
le droit du plus fort, on doit regarder l'établiffement
des fociétés comme une espece
de traité contre ce droit injufte ; traité
deftiné à établir entre les différentes parties
du genre humain une forte de balance.
Mais il en eft de l'équilibre moral
comme du phyſique : il eft rare qu'il foit
parfait & durable ; & les traités du genre
humain font , comme les traités entre nos
Princes , une femence continuelle de divifion.
L'intérêt , le befoin & le plaifir ,
ont rapproché les hommes ; mais ces mêmes
motifs les pouffent fans ceffe à vouloir
jouir des avantages de la focieté fans en
porter les charges ; & c'eft en ce fens qu'on
peut dire avec l'Auteur , que les hommes ,
dès qu'ils font en focieté , font en état de
guerre. Car la guerre fuppofe dans ceux
qui fe la font , finon l'égalité de force ,
au moins l'opinion de cette égalité , d'où
naît le defir & l'efpoir mutuel de fe vaincre
. Or dans l'état de focieté , fi la balance
n'eft jamais parfaite entre les hommes ,
elle n'eft pas non plus trop inégale : au contraire
, où ils n'auroient rien à fe difputer
dans l'état de nature , ou fi la néceffité les
y obligeoit , on ne verroit que la foibleffe
DECEMBRE. 1755 . 79
fuyant devant la force , des oppreffeurs
fans combat , & des opprimés fans réfiftance .
Voilà donc les hommes réunis & armés
tout-à- la-fois , s'embraffant d'un côté , fi
on peut parler ainfi , & cherchant de l'autre
à fe bleffer mutuellement : les loix font
le lien plus ou moins efficace , deſtiné à
fufpendre ou à retenir leurs coups. Mais
l'étendue prodigieufe du globe que nous
habitons , la nature différente des régions
de la terre & des peuples qui la couvrent ,
ne permettant pas que tous les hommes
vivent fous un feul & même gouvernement
, le humain a dû fe partager
genre
en un certain nombre d'Etats , diftingués
par la différence des loix auxquelles ils
obéiffent. Un feul gouvernement n'auroit
fait du genre humain qu'un corps exténué
& languiffant , étendu fans vigueur fur la
furface de la terre . Les différens Etats font
autant de corps agiles & robuftes , qui en
fe donnant la main les uns aux autres ,
n'en forment qu'un , & dont l'action réciproque
entretient partout le mouvement
& la vie .
On peut diftinguer trois fortes de gouvernemens
; le Républicain , le Monarchique
, le Defpotique . Dans le Républicain ,
le peuple en corps a la fouveraine puiffance
; dans le Monarchique , un feul
Div
So MERCURE DE FRANCE.
gouverne par des loix fondamentales ;
dans le Defpotique , on ne connoît d'autre
loi que la volonté du maître , ou plutôt
du tyran. Ce n'eft pas à dire qu'il n'y
ait dans l'univers que ces trois efpeces
d'Etats , ce n'eft pas à dire même qu'il y
ait des Etats qui appartiennent uniquement
& rigoureufement à quelqu'une de
ces formes : la plupart font , pour ainfi
dire , mi partis ou nuancés les uns des autres.
Ici la Monarchie incline au Defpotifme
; là le gouvernement monarchique eft
combiné avec le Républicain ; ailleurs ce
n'eft pas le peuple entier , c'eft feulement
une partie du peuple qui fait les loix .
Mais la divifion précédente n'en eft pas
moins exacte & moins jufte : les trois efpeces
de gouvernement qu'elle renferme
font tellement diftingués , qu'elles n'ont
proprement rien de commun ; & d'ailleurs
tous les Etats que nous connoiffons , participent
de l'une ou de l'autre. Il étoit
donc néceffaire de former de ces trois
efpeces des claffes particulieres , & de
s'appliquer à déterminer les loix qui leur
font propres ; il fera facile enfuite de modifier
ces loix dans l'application à quelque
gouvernement que ce foit , felon
qu'il appartiendra plus ou moins à ces différentes
formes.
DECEMBRE . 1755 .
Dans les divers Etats , les loix doivent
être relatives à leur nature , c'est- à- dire à
ce qui les conftitue , & à leur principe ,
c'eft-à- dire à ce qui les foutient & les fait
agir ; diftinction importante , la clef d'une
infinité de loix , & dont l'Auteur tire bien
des conféquences.
Les principales loix relatives à la nature
de la Démocratie font , que le peuple
y foit à certains égards le Monarque ,
à d'autres le Sujet ; qu'il élife & juge fes
Magiftrats , & que les Magiftrats en certaines
occafions décident. La nature de la
Monarchie demande qu'il y ait entre le
Monarque & le peuple beaucoup de pouvoirs
& de rangs intermédiaires , & un
corps , dépofitaire des loix médiateur
entre les fujets & le Prince . La nature du
Defpotifme exige que le tyran exerce fon
autorité , ou par lui feul , ou par un feul
qui le repréfente.
>
Quant au principe des trois gouvernemens
, celui de la Démocratie eft l'amour
de la République , c'eft à dire de l'égalité
dans les Monarchies où un feul eft le
difpenfareur des diftinctions & des ré- ,
compenfes , & où l'on s'accoutume à conconfondre
l'Etat avec ce feul homme , le
principe eft l'honneur , c'eft- à- dire l'ambition
& l'amour de l'eftime : fous le Def-
Dv
82
MERCURE DE FRANCE.
potifme enfin , c'eft la crainte. Plus ces
principes font en vigueur , plus le gouvernement
eft ftable ; plus ils s'alterent &
fe corrompent , plus il incline à fa deftruction
. Quand l'Auteur parle de l'égalité
dans les Démocraties , il n'entend pas
une égalité extrême , abfolue , & par conféquent
chimérique ; il entend cet heureux
équilibre qui rend tous les citoyens
également foumis aux loix , & également
intéreffés à les obferver.
Dans chaque gouvernement les loix de
l'éducation doivent être relatives au principe
; on entend ici par éducation celle
qu'on reçoit en entrant dans le monde , &
non celle des parens & des maîtres , qui
fouvent y eft contraire , fur- tout dans cerrains
Etats . Dans les Monarchies , l'éducation
doit avoir pour objet l'urbanité &
les égards réciproques : dans les Etats defpotiques
, la terreur & l'aviliffement des
efprits : dans les Républiques on a befoin
de toute la puiffance de l'éducation : elle
doit infpirer un fentiment noble , mais
pénible , le renoncement à foi-même , d'où
naît l'amour de la patrie.
Les loix que le Législateur donne , doivent
être conformes au principe de chaque
gouvernement ; dans la République ,
entretenir l'égalité & la frugalité ; dans
DECEMBRE. 1755. 83
la Monarchie , foutenir la nobleffe fans
écrafer le peuple ; fous le gouvernement
defpotique , tenir également tous les Etats
dans le filence. On ne doit point accufer
M. de Montefquieu d'avoir ici tracé aux
Souverains les principes du pouvoir arbitraire
, dont le nom feul eft fi odieux aux
Princes juftes , & à plus forte raifon au citoyen
fage & vertueux . C'eft travailler à
l'anéantir que de montrer ce qu'il faut faire
pour le conferver : la perfection de ce
gouvernement en eft la ruine ; & le code
exact de la tyrannie , tel que l'Auteur le
donne , eft en même tems la fatyre & le
fléau le plus redoutable des tyrans. A l'égard
des autres gouvernemens, ils ont chacun
leurs avantages ; le républicain eft plus
propte aux petits Etats ; le monarchique ,
aux grands ; le républicain plus fujer aux
excès , le monarchique, aux abus ; le républicain
apporte plus de maturité dans l'exécution
des loix , le monarchique plus de
promptitude.
La différence des principes des trois
gouvernemens doit en produire dans le
nombre & l'objet des loix , dans la forme
des jugemens & la nature des peines. La
conftitution des Monarchies étant invariable
& fondamentale , exige plus de loix
civiles & de tribunaux , afin que la juftice
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
foit rendue d'une maniere plus uniforme
& moins arbitraire ; dans les Etats modérés
, foit Monarchies , foit Républiques ,
on ne fçauroit apporter trop de formalités
aux loix criminelles. Les peines doivent
non feulement être en proportion avec le
crime , mais encore les plus douces qu'il
eft poffible , fur- tout dans la Démocratie ;
l'opinion attachée aux peines fera fouvent
plus d'effet que leur grandeur même. Dans
les Républiques , il faut juger felon la loi ,
parce qu'aucun particulier n'eft le maître
de l'altérer. Dans les Monarchies , la clémence
du Souverain peut quelquefois l'adoucir
; mais les crimes ne doivent jamais
y être jugés que par les Magiftrats expreffément
chargés d'en connoître. Enfin c'eft
principalement dans les Démocraties que
les loix doivent être féveres contre le luxe,
le relâchement des moeurs & la féduction
des femmes. Leur douceur & leur foibleffe
même les rend affez propres à gouverner
dans les Monarchies , & l'Hiftoire prouve
que fouvent elles ont porté la couronne
avec gloire.
M. de Montefquieu ayant ainfi parcouru
chaque gouvernement en particulier ,
les examine enfuite dans le rapport qu'ils
peuvent avoir les uns aux autres , mais
feulement fous le point de vue le plus
DECEM BRE. 1755. 85
"
général , c'est-à-dire fous celui qui eft uniquement
relatif à leur nature & à leur
principe. Envifagés de cette maniere , les
Etats ne peuvent avoir d'autres rapports
que celui de fe défendre , ou d'attaquer.
Les Républiques devant , par leur nature ,
renfermer un petit Etat , elles ne peuvent
fe défendre fans alliance ; mais c'eft avec
des Républiques qu'elles doivent s'allier .
La force defenfive de la Monarchie confifte
principalement à avoir des frontieres
hors d'infulte. Les Etats ont , comme les
hommes , le droit d'attaquer pour leur propre
confervation. Du droit de la guerre
dérive celui de conquête ; droit nécellaire ,
légitime & malheureux , qui laiſſe toujours
à payer une dette immenfe pour s'acquitter
envers la nature humaine , & dont la loi
générale eft de faire aux vaincus le moins
de mal qu'il eft poffible . Les Républiques
peuvent moins conquérir que les Monarchies
; des conquêtes immenfes fuppofent
le defpotifme ou l'affurent . Un des grands
principes de l'efprit de conquête doit être
de rendre meilleure , autant qu'il eft poffible
, la condition du peuple conquis :
c'eft fatisfaire tout- à - la-fois la loi naturelle
& la maxime , d'Etat . Rien n'eft plus
beau que le traité de paix de Gelon avec
les Carthaginois , par lequel il leur défen86
MERCURE DE FRANCE.
dit d'immoler à l'avenir leurs propres enfans.
Les Efpagnols , en conquérant le Pérou
, auroient dû obliger de même les habitans
à ne plus immoler des hommes à
leurs Dieux ; mais ils crurent plus avantageux
d'immoler ces peuples mêmes . Ils
n'eurent plus pour conquête qu'un vafte
défert : ils furent forcés à dépeupler leur
pays , & s'affoiblirent pour toujours par
leur propre victoire . On peut être obligé
quelquefois de changer les loix du peuple
vaincu ; rien ne peut jamais obliger de lui
ôter fes moeurs ou même fes coutumes ,
qui font fouvent toutes les moeurs . Mais
le moyen le plus für de conferver une conquête
, c'eft de mettre , s'il eft poffible , le
peuple vaincu au niveau du peuple conquerant
; de lui accorder les mêmes droits
& les mêmes privileges : c'eft ainfi qu'en
ont fouvent ufé les Romains ; c'eft ainfi
fur-tout qu'en ufa Céfar à l'égard des
Gaulois.
Jufqu'ici , en confiderant chaque gouvernement
, tant en lui-même , que dans
fon rapport aux autres , nous n'avons eu
égard ni à ce qui doit leur être commun ,
ni aux circonftances particulieres tirées
ou de la nature du pays , ou du génie des
peuples : c'eft ce qu'il faut maintenant développer.
DECEMBRE . 1755. 87
La loi commune de tous les gouvernemens
, du moins des gouvernemens modérés
, & par conféquent juftes , eft la liberté
politique dont chaque citoyen doit
jouir. Cette liberté n'eft point la licence
abfurde de faire tout ce qu'on veut , mais
le pouvoir de faire tout ce que les loix
permettent. Elle peut être envisagée , ou
dans fon rapport à la conftitution
dans fon rapport au citoyen.
ou
Il y a dans la conftitution de chaque
Etat deux fortes de pouvoirs , la puiflance
législative & l'exécutrice ; & cette derniere
a deux objets , l'intérieur de l'Etat
& le dehors . C'eft de la diftribution légitime
& de la répartition convenable de
ces différentes efpeces de pouvoirs que dépend
la plus grande perfection de la liberté
politique par rapport à la conftitution.
M. de Montefquieu en apporte pour
preuve la conftitution de la République
Romaine & celle de l'Angleterre . Il trouve
le principe de celle- ci dans cette loi
fondamentale du gouvernement des anciens
Germains , que les affaires peu importantes
y étoient décidées par les chefs ,
& que les grandes étoient portées au tribunal
de la nation , après avoir auparavant
été agitées par les chefs. M. de Monrefquieu
n'examine point fi les Anglois
8S MERCURE DE FRANCE.
jouiffent ou non de cette extrême liberté
politique que leur conftitution leur donne
, il lui fuffit qu'elle foit établie par
leurs loix : il eft encore plus éloigné de
vouloir faire la fatyre des autres Etats. Il
croit au contraire que l'excès , même dans
le bien , n'eft pas toujours défirable ; que
la liberté extrême a fes inconveniens ›
comme l'extrême fervitude ; & qu'en général
la nature humaine s'accommode
mieux d'un état moyen.
La liberté politique confidérée par rapport
au citoyen , confifte dans la fureté
où il eft à l'abri des loix , ou du moins
dans l'opinion de cette fureté, qui fait qu'un
citoyen n'en craint point un autre . C'eſt
principalement par la nature & la proportion
des peines , que cette liberté s'établit
ou fe détruit. Les crimes contre la Religion
doivent être punis par la privation
des biens que la Religion procure ; les
crimes contre les moeurs , par la honte
les crimes contre la tranquillité publique ,
par la prifon ou l'exil ; les crimes contre
la fureté , par les fupplices . Les écrits doivent
être moins punis que les actions , jamais
les fimples penfées ne doivent l'être :
accufations non juridiques , efpions , lettres
anonymes , toutes ces reffources de la
tyrannie , également honteufes à ceux qui
;
DECEMBRE . 1755. Se
en font l'inftrument, & à ceux qui s'en fervent
, doivent être profcrites dans un bon
gouvernement monarchique . Il n'eft permis
d'accufer qu'en face de la loi , qui punit
toujours ou l'accufé , ou le calomniateur.
Dans tout autre cas , ceux qui
gouvernent doivent dire avec l'Empereur
Conftance : Nous ne sçaurions foupçonner
celui à qui il a manqué un accuſateur , lorf
qu'il ne lui manquoit pas un ennemi . C'eſt
une très -bonne inftitution que celle d'une
partie publique qui fe charge , au nom de
l'Etat , de pourfuivre les crimes , & qui ait
toute l'utilité des délateurs , fans en avoir
les vils intérêts , les inconvéniens , & l'infamie.
La grandeur des impôts doit être en
proportion directe avec la liberté . Ainfi
dans les Démocraties ils peuvent être plus
grands qu'ailleurs, fans être onéreux , parce
que chaque citoyen les regarde comme
un tribut qu'il fe paye à lui-même , & qui
affure la tranquillité & le fort de chaque
membre. De plus , dans un Etat démocratique
, l'emploi infidele des deniers pu-,
blics eft plus difficile , parce qu'il eft plus
aifé de le connoître & de le punir , le dépofitaire
en devant compte , pour ainsi
dire , au premier citoyen qui l'exige .
Dans quelque gouvernement que ce foit,
90 MERCURE DE FRANCE.
l'efpece de tributs la moins onéreuſe , eft
celle qui eft établie fur les marchandiſes ;
parce que le citoyen paye
fans s'en appercevoir.
La quantité exceffive de troupes
en tems de paix , n'eft qu'un prétexte pour
charger le peuple d'impôts , un moyen
d'énerver l'Etat , & un inftrument de fervitude.
La régie des tributs qui en fait
rentrer le produit en entier dans le fifc
public , eft fans comparaifon moins à charge
au peuple, & par conféquent plus avantageufe
, lorfqu'elle peut avoir lieu , que
la ferme de ces mêmes tributs , qui laiſſe
toujours entre les mains de quelques particuliers
une partie des revenus de l'Etat.
Tout eft perdu furtout ( ce font ici les
termes de l'Auteur ) lorfque la profeffion
de traitant devient honorable ; & elle le
devient dès que le luxe eft en vigueur.
Laiffer quelques hommes fe nourrir de la
fubftance publique , pour les dépouiller à
leur tour , comme on l'a autrefois pratiqué
dans certains Etats , c'eft réparer une
injuftice par une autre , & faire deux maux
au lieu d'un .
Venons maintenant , avec M. de Montefquieu
, aux circonftances particulieres
indépendantes de la nature du gouvernement
, & qui doivent en modifier les loix.
Les circonftances qui viennent de la naDECEMBRE
1755. 91
ture du pays font de deux fortes ; les unes
ont rapport au climat , les autres au terrein.
Perfonne ne doute que le climat
n'influe fur la difpofition habituelle des
corps , & par conféquent fur les caracteres.
C'eft pourquoi les loix doivent fe conformer
au phyfique du climat dans les
chofes indifférentes , & au contraire le
combattre dans les effets vicieux : ainfi
dans les pays où l'ufage du vin eft nuifible
, c'eft une très -bonne loi que celle qui
l'interdit. Dans les pays où la chaleur du
climat porte à la pareffe , c'eft une trèsbonne
loi que celle qui encourage au travail.
Le gouvernement peut donc corriger
les effets du climat , & cela fuffit pour
mettre l'Esprit des Loix à couvert du reproche
très- injufte qu'on lui a fait d'attribuer
tout au froid & à la chaleur : car
outre que la chaleur & le froid ne font
pas la feule chofe par laquelle les climats
foient diftingués , il feroit auffi abfurde
de nier certains effets du climat que de
vouloir lui attribuer tout.
L'ufage des Efclaves établi dans les Pays
chauds de l'Afie & de l'Amérique , & réprouvé
dans les climats tempérés de l'Europe
, donne fujet à l'Auteur de traiter de
l'Esclavage civil. Les hommes n'ayant pas
plus de droit fur la liberté que fur la vie
92 MERCURE DE FRANCE.
les uns des autres , il s'enfuit que l'efclavage
, généralement parlant , eft contre la
loi naturelle. En effet , le droit d'esclavage
ne peut venir ni de la guerre , puifqu'il ne
pourroit être alors fondé que fur le rachat.
de la vie , & qu'il n'y a plus de droit fur la
vie de ceux qui n'attaquent plus ; ni de la
vente qu'un homme fait de lui- même à un
autre , puifque tout citoyen étant redevable
de fa vie à l'Etat , lui eft à plus forte
raifon redevable de fa liberté , & par conféquent
n'eft pas le maître de la vendre .
D'ailleurs quel feroit le prix de cette vente
? Ce ne peut être l'argent donné au vendeur
, puifqu'au moment qu'on fe rend
efclave , toutes les poffeffions appartiennent
au maître : or une vente fans prix eft
auffi chimérique qu'un contrat fans condition.
Il n'y a peut- être jamais eu qu'une
loi jufte en faveur de l'efclavage , c'étoit
la loi Romaine qui rendoit le débiteur efclave
du créancier ; encore cette loi ,
pour
être équitable , devoit borner la fervitude
quant au dégré & quant au tems. L'efclavage
peut tout au plus être toléré dans les
Etats defpotiques , où les hommes libres ,
trop foibles contre le gouvernement, cherchent
à devenir , pour leur propre utilité ,
les efclaves de ceux qui tyrannifent l'Etat ;
ou bien dans les climats dont la chaleur
2
DECEMBRE . 1755. 93
énerve fi fort le corps , & affoiblit tellement
le courage , que les hommes n'y font
portés à un devoir pénible , que par la
crainte du châtiment.
A côté de l'esclavage civil on peut placer
la fervitude domeftique , c'eft- à-dire ,
celle où les femmes font dans certains climats
: elle peut avoir lieu dans ces contrées
de l'Afie où elles font en état d'habiter
avec les hommes avant que de pouvoir
faire ufage de leur raifon ; nubiles par la
loi du climat , enfans par celle de la nature.
Cette fujétion devient encore plus néceffaire
dans les Pays où la polygamie eft
établie ; ufage que M. de Montefquieu ne
prétend pas juftifier dans ce qu'il a de contraire
à la Religion , mais qui dans les
lieux où il eft reçu ( & à ne parler que politiquement
) peut être fondé jufqu'à`un
certain point , ou fur la nature du Pays
ou fur le rapport du nombre des femmes
au nombre des hommes. M. de Montefquieu
parle à cette occafion de la Répudiation
& du Divorce ; & il établit fur de
bonnes raifons , que la répudiation une
fois admife , devroit être permife aux femmes
comme aux hommes.
Si le climat a tant d'influence fur la fervitude
domestique & civile , il n'en a pas
moins fur la fervitude politique , c'est- à94
MERCURE DE FRANCE.
dire fur celle qui foumet un peuple à un
autre. Les peuples du Nord font plus forts
& plus courageux que ceux du Midi ; ceux
ci doivent donc en géneral être fubjugués ,
ceux - là conquérans ; ceux - ci efclaves ,
ceux -là libres : c'eft auffi ce que l'Hiftoire
confirme . L'Afie a été conquiſe onze fois
par lès peuples du Nord ; l'Europe a fouffert
beaucoup moins de révolutions .
A l'égard des loix relatives à la nature
du terrein , il eft clair que la Démocratie
convient mieux que la Monarchie aux
Pays ftériles , où la terre a befoin de toute
l'induftrie des hommes. La liberté d'ailleurs
eft en ce cas une efpece de dédommagement
de la dureté du travail . Il faut
plus de loix pour un peuple agriculteur que
pour un peuple qui nourrit des troupeaux,
pour celui - ci que pour un peuple chaffeur,
pour un peuple qui fait ufage de la monnoie
, que pour celui qui l'ignore.
Enfin on doit avoir égard au génie particulier
de la Nation . La vanité qui groffit
les objets , eft un bon reffort pour le gouvernement
; l'orgueil qui les dépriſe eft un
reffort dangereux . Le Légiflateur doit ref
pecter jufqu'à un certain point les préjugés
, les paffions , les abus. Il doit imiter
Solon , qui avoit donné aux Athéniens ,
non les meilleures loix en elles-mêmes ,
DECEMBRE
1755. 95
mais les meilleures qu'ils puffent avoir . Le
caractere gai de ces peuples demandoit des
loix plus faciles ; le caractere dur des Lacédémoniens
, des loix plus féveres. Les
loix font un mauvais moyen pour changer
les manieres & les ufages ; c'eft par les récompenfes
& l'exemple qu'il faut tâcher
d'y parvenir. Il eft pourtant vrai en mêmetems
, que les loix d'un peuple , quand on
n'affecte pas d'y choquer groffierement &
directement fes moeurs , doivent influer
infenfiblement fur elles , foit pour les affermir,
foit pour les changer.
Après avoir approfondi de cette maniere
la nature & l'efprit des Loix par rapport
aux différentes efpeces de Pays & de
peuples , l'Auteur revient de nouveau à
confidérer les Etats les uns par rapport aux
autres. D'abord en les comparant entre
eux d'une maniere générale , il n'avoit
pu les envifager que par rapport au mal
qu'ils peuvent fe faire. Ici il les envifage
par rapport aux fecours mutuels
qu'ils peuvent le donner : or ces fecours
font principalement fondés fur le Commerce.
Si l'efprit de Commerce produit
naturellement un efprit d'intérêt oppofé
à la fublimité des vertus morales , il
rend auffi un peuple naturellement jufte ,
& en éloigne l'oifiveté & le brigandage.
96 MERCURE DE FRANCE.
Les Nations libres qui vivent fous des
gouvernemens modérés , doivent s'y livrer
plus que les Nations efclaves. Jamais une
Nation ne doit exclure de fon commerce
une autre Nation , fans de grandes raifons.
Au refte la liberté en ce genre n'eft pas une
faculté abfolue accordée aux Négocians de
faire ce qu'ils veulent ; faculté qui leur
feroit fouvent préjudiciable : elle confifte
à ne gêner les Négocians qu'en faveur du
Commerce. Dans la Monarchie la Nobleffe
ne doit point s'y adonner , encore
moins le Prince . Enfin il eft des Nations
auxquelles le Commerce eft défavantageux
; ce ne font pas celles qui n'ont befoin
de rien , mais celles qui ont besoin de
tout : paradoxe que l'Auteur rend fenfible
par l'exemple de la Pologne , qui manque
de tout , excepté de bled , & qui , par
le commerce qu'elle en fait , prive les
payfans de leur nourriture , pour fatisfaire
au luxe des Seigneurs. M. de Montefquieu ,
à l'occafion des loix que le Commerce
exige , fait l'hiftoire de fes différentes révolutions
; & cette partie de fon livre
n'eft ni la moins intéreffante , ni la moins
curieufe. Il compare l'appauvriffement de
l'Espagne ,, par la découverte de l'Amérique
, au fort de ce Prince imbécille de la
Fable , prêt à mourir de faim , pour avoir
demandé
1
DECEMBRE. 1755 : 97
demandé aux Dieux que tout ce qu'il toucheroit
fe convertit en or. L'ufage de la
monnoie étant une partie confidérable de
l'objet du Commerce , & fon principal
inftrument , il a cru devoir , en conféquence
, traiter des opérations fur la monnoie
, du change , du payement des dettes
publiques , du prêt à intérêt dont il fixe
les loix & les limites , & qu'il ne confond
nullement avec les excès fi juftement condamnés
de l'ufure.
La population & le nombre des habitans
ont avec le Commerce un rapport
immédiat ; & les mariages ayant pour objet
la population , M. de Montefquieu approfondit
ici cette importante matiere. Če
qui favorife le plus la propagation eft la
continence publique ; l'expérience prouve
que les conjonctions illicites y contribuent
peu , & même y nuifent. On a établi avec
juftice , pour les mariages , le confentement
des peres ; cependant on y doit mettre
des reftrictions : car la loi doit en général
favorifer les mariages. La loi qui
défend le mariage des meres avec les fils ,
oft ( indépendamment des préceptes de la
Religion ) une très-bonne loi civilę ; car
fans parler de plufieurs autres raifons , les
contractans étant d'âge très- différent , ces
fortes de mariages peuvent rarement avoir
I. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
>
la propagation pour objet. La loi qui défend
le mariage du pere avec la fille , eſt
fondée fur les mêmes motifs : cependant
( à ne parler que civilement ) elle n'eft pas
fi indifpenfablement néceffaire que l'autre
à l'objet de la population , puifque la vertu
d'engendrer finit beaucoup plus tard
dans les hommes ; auffi l'ufage contraire
a t'il eu lieu chez certains peuples que la
lumiere du Chriftianifme n'a point éclairés.
Comme la nature porte d'elle -même
au mariage , c'eft un mauvais gouvernement
que celui où on aura befoin d'y encourager.
La liberté , la fûreté , la modération
des impôts , la profcription du luxe,
font les vrais principes & les vrais foutiens
de la population : cependant on peut
avec fuccès faire des loix pour encourager
les mariages , quand , malgré la corruption
, il reste encore des refforts dans
le peuple qui l'attachent à fa patrie. Rien
n'eft plus beau que les loix d'Augufte pour
favorifer la propagation de l'efpece : par
malheur il fit ces loix dans la décadence ,
ou plutôt dans la chute de la République ;
& les citoyens découragés devoient prévoir
qu'ils ne mettroient plus au monde
que
des efclaves : auffi l'exécution de ces
loix fut elle bien foible durant tout le
tems des Empereurs payens. Conftantin
DECEM BRE . 1755. 99
enfin les abolit en fe faifant Chrétien ,
comme fi le Chriftianifme avoit pour but
de dépeupler la fociété , en confeillant à
un petit nombre la perfection du célibat.
L'établiſſement des hôpitaux , felon l'efprit
dans lequel il eft fait , peut nuire à la;
population , ou la favorifer. Il peut & il
doit même y avoir des hôpitaux dans un
Etat dont la plupart des citoyens n'ont que
leur , induftrie pour reffource , parce que
cette induftrie peut quelquefois être malheureuſe
; mais les fecours que ces hôpitaux
donnent , ne doivent être que paffagers
, pour ne point encourager la mendicité
& la fainéantife. Il faut commencer
par rendre le peuple riche , & bâtir enfuite
des hôpitaux pour les befoins imprévus
& preffans . Malheureux les Pays où
la multitude des hôpitaux & des monafteres
, qui ne font que des hôpitaux perpétuels
, fait que tout le monde eft à fon
aife , excepté ceux qui travaillent.
M. de Montefquieu n'a encore parlé
que des loix humaines. Il paffe maintenant
à celles de la Religion , qui dans prefque
tous les Etats font un objet fi effentiel
du gouvernement. Par- tout il fait l'éloge
du Chriftaifine ; il en montre les avantages
& la grandeur ; il cherche à le faire
aimer. Il foutient qu'il n'eft pas impoffi
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
ble , comme Bayle l'a prétendu , qu'une
fociété de parfaits Chrétiens forme un
Etat fubfiftant & durable . Mais il s'eft cru
permis auffi d'examiner ce que les différentes
Religions ( humainement parlant )
peuvent avoir de conforme ou de contraire
au génie & à la fituation des peuples
qui les profeffent. C'est dans ce point de
vue qu'il faut lire tout ce qu'il a écrit fur
cette matiere , & qui a été l'objet de tant
de déclamations injuftes. Il eft furprenant
furtout que dans un fiecle qui en appelle
tant d'autres barbares , on lui ait fait un
crime de ce qu'il dit de la tolérance ; comme
fi c'étoit approuver une religion que
de la tolérer comme fi enfin l'Evangile
même ne profcrivoit pas tout autre moyende
le répandre , que la douceur & la perfuafion.
Ceux en qui la fuperftition n'a
pas éteint tout fentiment de compaflion
& de juftice , ne pourront lire , fans être
attendris , la remontrance aux Inquifiteurs,
ce tribunal odieux , qui outrage la Religion
en paroiffant la venger.
Enfin après avoir traité en particulier
des différentes efpeces de loix que les
hommes peuvent avoir , il ne reste plus
qu'à les comparer toutes enfemble , & à
les examiner dans leur rapport avec les
chofes fur lefquelles elles ftatuent. Les
DECEMBRE. 1755. 101
hommes font gouvernés par différentes efpeces
de loix ; par le droit naturel , commun
à chaque individu ; par le droit divin
, qui eft celui de la Religion ; par le
droit eccléfiaftique , qui eft celui de la
police de la Religion ; par le droit civil ,
qui eft celui des membres d'une même
fociété
; par
le droit politique , qui eft celui
du gouvernement de cette fociété ; par
le droit des gens , qui eft celui des fociétés
les unes par rapport aux autres. Ces droits
ont chacun leurs objets diftingués , qu'il
faut bien fe garder de confondre. On
ne doit jamais régler par l'un ce qui appar
tient à l'autre , pour ne point mettre de dé
fordre ni d'injuftice dans les principes qui
gouvernent les hommes . Il faut enfin que
les principes qui prefcrivent le genre des
loix , & qui en circonfcrivent l'objet , regnent
auffi dans la maniere de les compofer.
L'efprit de modération doit , autant qu'il eft
poffible , en dicter toutes les difpofitions.
Des loix bien faites feront conformes à
l'efprit du Législateur , même en paroiffant
s'y oppofer. Telle étoit la fameuſe
loi de Solon , par laquelle tous ceux qui
ne prenoient point de part dans les féditions
, étoient déclarés infâmes . Elle prévenoit
les féditions , ou les rendoit utiles.
en forçant tous les membres de la Répu
1
1
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
blique à s'occuper de fes vrais intérêts .
L'Oftracifime même étoit une très - bonne
loi ; car d'un côté elle étoit honorable au
citoyen qui en étoit l'objet , & prévenoit
de l'autre les effets de l'ambition ; il falloit
d'ailleurs un très - grand nombre de fuffrages,
& on ne pouvoit bannir que tous les
cinq ans. Souvent les loix qui paroiffent les
mêmes, n'ont ni le même motif, ni le même
effet , ni la même équité : la forme du gouvernement
, les conjonctures & le génie du
peuple changent tout . Enfin le ftyle des
loix doit être fimple & grave : elles peuvent
fe difpenfer de motiver , parce que
le motif eft fuppofé exifter dans l'efprit
du Législateur ; mais quand elles motivent
, ce doit être fur des principes évidens
elles ne doivent pas reffembler à
cette loi qui , défendant aux aveugles de
plaider , apporte pour raifon qu'ils ne peuvent
pas voir les ornemens de la Magiftrature
.
M. de Montefquieu , pour montrer par
des exemples l'application de fes principes
, a choifi deux différens peuples , le
plus célébre de la terre , & celui dont
'Hiftoire nous intéreffe le plus , les Romains
& les François. Il ne s'attache qu'a
une partie de la Jurifprudence du premier;
celle qui regarde les fucceffions . A l'égard
DECEMBRE. 1755. 103
turs ,
des François , il entre dans le plus grand
détail fur l'origine & les révolutions de
leurs loix civiles , & fur les différens
ufages abolis ou fubfiftans , qui en ont été
la fuite il s'étend principalement fur les
loix féodales , cette efpece de gouvernement
inconnu à toute l'antiquité , qui le
fera peut- être pour toujours aux fiecles fur-
& qui a fait tant de biens & tant
de maux. Il difcute fur-tout ces loix dans
le rapport qu'elles ont à l'établiffement &
aux révolutions de la Monarchie Françoife
; il prouve , contre M. l'Abbé du
Bos , que les Francs font réellement entrés
en conquérans dans les Gaules , &
qu'il n'eft pas vrai , comme cet Auteur le
prétend , qu'ils ayent été appellés par les
peuples pour fuccéder aux droits des Empereurs
Romains qui les opprimoient :
détail profond , exact & curieux , mais
dans lequel il nous eft impoffible de le
fuivre , & dont les points principaux fe
trouveront d'ailleurs répandus dans différens
endroits de ce Dictionnaire , aux articles
qui s'y rapportent.
Telle eft l'analyfe générale , mais trèsinforme
& très-imparfaite , de l'ouvrage
de M. de Montefquieu : nous l'avons féparée
du refte de fon éloge , pour ne pas
trop interrompre la fuite de notre récit.
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
M. Dalembert nous permettra de combattre
ici fa modeftie . Nous ofons dire , d'après
la voix publique , que cette analyſe
eft un modele, qu'elle met l'Efprit des Loix
dans tout fon jour , & qu'il n'eft pas poffible
d'en faire une meilleure . Heureux
le texte , quelque mérite qu'il ait en foi ,
qui eft ainfi commenté !
la note qui accompagne l'Eloge de M. de
Montefquieu par M. d'Alembert. Nous
l'avions annoncée pour le premier Mercure
de ce mois , & nous acquittons notre
parole.
Lparle de l'efprit des Loix , s étant plus
A plupart des gens de Lettres qui ont
attachés à le critiquer qu'à en donner une
idée juſte , nous allons tâcher de fuppléer
à ce qu'ils auroient dû faire , & d'en développer
le plan , le caractere & l'objet.
Ceux qui en trouveront l'analy fe trop longue
, jugeront peut être, après l'avoir lue ,
qu'il n'y avoit que ce feul moyen de bien
faire faifir la méthode de l'Auteur . On
doit fe fouvenir d'ailleurs que l'hiftoire
des écrivains célebres n'eft que celle de
leurs penfées & de leurs travaux , & que
cette partie de leur éloge en eft la plus
effentielle & la plus utile , fur-tout à la
tête d'un ouvrage rel que l'Encyclopédie.
Les homme dans l'état de nature , abf-
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
traction faite de toute religion , ne connoiffant
dans les différends qu'ils peuvent
avoir , d'autre loi que celle des animaux ,
le droit du plus fort, on doit regarder l'établiffement
des fociétés comme une espece
de traité contre ce droit injufte ; traité
deftiné à établir entre les différentes parties
du genre humain une forte de balance.
Mais il en eft de l'équilibre moral
comme du phyſique : il eft rare qu'il foit
parfait & durable ; & les traités du genre
humain font , comme les traités entre nos
Princes , une femence continuelle de divifion.
L'intérêt , le befoin & le plaifir ,
ont rapproché les hommes ; mais ces mêmes
motifs les pouffent fans ceffe à vouloir
jouir des avantages de la focieté fans en
porter les charges ; & c'eft en ce fens qu'on
peut dire avec l'Auteur , que les hommes ,
dès qu'ils font en focieté , font en état de
guerre. Car la guerre fuppofe dans ceux
qui fe la font , finon l'égalité de force ,
au moins l'opinion de cette égalité , d'où
naît le defir & l'efpoir mutuel de fe vaincre
. Or dans l'état de focieté , fi la balance
n'eft jamais parfaite entre les hommes ,
elle n'eft pas non plus trop inégale : au contraire
, où ils n'auroient rien à fe difputer
dans l'état de nature , ou fi la néceffité les
y obligeoit , on ne verroit que la foibleffe
DECEMBRE. 1755 . 79
fuyant devant la force , des oppreffeurs
fans combat , & des opprimés fans réfiftance .
Voilà donc les hommes réunis & armés
tout-à- la-fois , s'embraffant d'un côté , fi
on peut parler ainfi , & cherchant de l'autre
à fe bleffer mutuellement : les loix font
le lien plus ou moins efficace , deſtiné à
fufpendre ou à retenir leurs coups. Mais
l'étendue prodigieufe du globe que nous
habitons , la nature différente des régions
de la terre & des peuples qui la couvrent ,
ne permettant pas que tous les hommes
vivent fous un feul & même gouvernement
, le humain a dû fe partager
genre
en un certain nombre d'Etats , diftingués
par la différence des loix auxquelles ils
obéiffent. Un feul gouvernement n'auroit
fait du genre humain qu'un corps exténué
& languiffant , étendu fans vigueur fur la
furface de la terre . Les différens Etats font
autant de corps agiles & robuftes , qui en
fe donnant la main les uns aux autres ,
n'en forment qu'un , & dont l'action réciproque
entretient partout le mouvement
& la vie .
On peut diftinguer trois fortes de gouvernemens
; le Républicain , le Monarchique
, le Defpotique . Dans le Républicain ,
le peuple en corps a la fouveraine puiffance
; dans le Monarchique , un feul
Div
So MERCURE DE FRANCE.
gouverne par des loix fondamentales ;
dans le Defpotique , on ne connoît d'autre
loi que la volonté du maître , ou plutôt
du tyran. Ce n'eft pas à dire qu'il n'y
ait dans l'univers que ces trois efpeces
d'Etats , ce n'eft pas à dire même qu'il y
ait des Etats qui appartiennent uniquement
& rigoureufement à quelqu'une de
ces formes : la plupart font , pour ainfi
dire , mi partis ou nuancés les uns des autres.
Ici la Monarchie incline au Defpotifme
; là le gouvernement monarchique eft
combiné avec le Républicain ; ailleurs ce
n'eft pas le peuple entier , c'eft feulement
une partie du peuple qui fait les loix .
Mais la divifion précédente n'en eft pas
moins exacte & moins jufte : les trois efpeces
de gouvernement qu'elle renferme
font tellement diftingués , qu'elles n'ont
proprement rien de commun ; & d'ailleurs
tous les Etats que nous connoiffons , participent
de l'une ou de l'autre. Il étoit
donc néceffaire de former de ces trois
efpeces des claffes particulieres , & de
s'appliquer à déterminer les loix qui leur
font propres ; il fera facile enfuite de modifier
ces loix dans l'application à quelque
gouvernement que ce foit , felon
qu'il appartiendra plus ou moins à ces différentes
formes.
DECEMBRE . 1755 .
Dans les divers Etats , les loix doivent
être relatives à leur nature , c'est- à- dire à
ce qui les conftitue , & à leur principe ,
c'eft-à- dire à ce qui les foutient & les fait
agir ; diftinction importante , la clef d'une
infinité de loix , & dont l'Auteur tire bien
des conféquences.
Les principales loix relatives à la nature
de la Démocratie font , que le peuple
y foit à certains égards le Monarque ,
à d'autres le Sujet ; qu'il élife & juge fes
Magiftrats , & que les Magiftrats en certaines
occafions décident. La nature de la
Monarchie demande qu'il y ait entre le
Monarque & le peuple beaucoup de pouvoirs
& de rangs intermédiaires , & un
corps , dépofitaire des loix médiateur
entre les fujets & le Prince . La nature du
Defpotifme exige que le tyran exerce fon
autorité , ou par lui feul , ou par un feul
qui le repréfente.
>
Quant au principe des trois gouvernemens
, celui de la Démocratie eft l'amour
de la République , c'eft à dire de l'égalité
dans les Monarchies où un feul eft le
difpenfareur des diftinctions & des ré- ,
compenfes , & où l'on s'accoutume à conconfondre
l'Etat avec ce feul homme , le
principe eft l'honneur , c'eft- à- dire l'ambition
& l'amour de l'eftime : fous le Def-
Dv
82
MERCURE DE FRANCE.
potifme enfin , c'eft la crainte. Plus ces
principes font en vigueur , plus le gouvernement
eft ftable ; plus ils s'alterent &
fe corrompent , plus il incline à fa deftruction
. Quand l'Auteur parle de l'égalité
dans les Démocraties , il n'entend pas
une égalité extrême , abfolue , & par conféquent
chimérique ; il entend cet heureux
équilibre qui rend tous les citoyens
également foumis aux loix , & également
intéreffés à les obferver.
Dans chaque gouvernement les loix de
l'éducation doivent être relatives au principe
; on entend ici par éducation celle
qu'on reçoit en entrant dans le monde , &
non celle des parens & des maîtres , qui
fouvent y eft contraire , fur- tout dans cerrains
Etats . Dans les Monarchies , l'éducation
doit avoir pour objet l'urbanité &
les égards réciproques : dans les Etats defpotiques
, la terreur & l'aviliffement des
efprits : dans les Républiques on a befoin
de toute la puiffance de l'éducation : elle
doit infpirer un fentiment noble , mais
pénible , le renoncement à foi-même , d'où
naît l'amour de la patrie.
Les loix que le Législateur donne , doivent
être conformes au principe de chaque
gouvernement ; dans la République ,
entretenir l'égalité & la frugalité ; dans
DECEMBRE. 1755. 83
la Monarchie , foutenir la nobleffe fans
écrafer le peuple ; fous le gouvernement
defpotique , tenir également tous les Etats
dans le filence. On ne doit point accufer
M. de Montefquieu d'avoir ici tracé aux
Souverains les principes du pouvoir arbitraire
, dont le nom feul eft fi odieux aux
Princes juftes , & à plus forte raifon au citoyen
fage & vertueux . C'eft travailler à
l'anéantir que de montrer ce qu'il faut faire
pour le conferver : la perfection de ce
gouvernement en eft la ruine ; & le code
exact de la tyrannie , tel que l'Auteur le
donne , eft en même tems la fatyre & le
fléau le plus redoutable des tyrans. A l'égard
des autres gouvernemens, ils ont chacun
leurs avantages ; le républicain eft plus
propte aux petits Etats ; le monarchique ,
aux grands ; le républicain plus fujer aux
excès , le monarchique, aux abus ; le républicain
apporte plus de maturité dans l'exécution
des loix , le monarchique plus de
promptitude.
La différence des principes des trois
gouvernemens doit en produire dans le
nombre & l'objet des loix , dans la forme
des jugemens & la nature des peines. La
conftitution des Monarchies étant invariable
& fondamentale , exige plus de loix
civiles & de tribunaux , afin que la juftice
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
foit rendue d'une maniere plus uniforme
& moins arbitraire ; dans les Etats modérés
, foit Monarchies , foit Républiques ,
on ne fçauroit apporter trop de formalités
aux loix criminelles. Les peines doivent
non feulement être en proportion avec le
crime , mais encore les plus douces qu'il
eft poffible , fur- tout dans la Démocratie ;
l'opinion attachée aux peines fera fouvent
plus d'effet que leur grandeur même. Dans
les Républiques , il faut juger felon la loi ,
parce qu'aucun particulier n'eft le maître
de l'altérer. Dans les Monarchies , la clémence
du Souverain peut quelquefois l'adoucir
; mais les crimes ne doivent jamais
y être jugés que par les Magiftrats expreffément
chargés d'en connoître. Enfin c'eft
principalement dans les Démocraties que
les loix doivent être féveres contre le luxe,
le relâchement des moeurs & la féduction
des femmes. Leur douceur & leur foibleffe
même les rend affez propres à gouverner
dans les Monarchies , & l'Hiftoire prouve
que fouvent elles ont porté la couronne
avec gloire.
M. de Montefquieu ayant ainfi parcouru
chaque gouvernement en particulier ,
les examine enfuite dans le rapport qu'ils
peuvent avoir les uns aux autres , mais
feulement fous le point de vue le plus
DECEM BRE. 1755. 85
"
général , c'est-à-dire fous celui qui eft uniquement
relatif à leur nature & à leur
principe. Envifagés de cette maniere , les
Etats ne peuvent avoir d'autres rapports
que celui de fe défendre , ou d'attaquer.
Les Républiques devant , par leur nature ,
renfermer un petit Etat , elles ne peuvent
fe défendre fans alliance ; mais c'eft avec
des Républiques qu'elles doivent s'allier .
La force defenfive de la Monarchie confifte
principalement à avoir des frontieres
hors d'infulte. Les Etats ont , comme les
hommes , le droit d'attaquer pour leur propre
confervation. Du droit de la guerre
dérive celui de conquête ; droit nécellaire ,
légitime & malheureux , qui laiſſe toujours
à payer une dette immenfe pour s'acquitter
envers la nature humaine , & dont la loi
générale eft de faire aux vaincus le moins
de mal qu'il eft poffible . Les Républiques
peuvent moins conquérir que les Monarchies
; des conquêtes immenfes fuppofent
le defpotifme ou l'affurent . Un des grands
principes de l'efprit de conquête doit être
de rendre meilleure , autant qu'il eft poffible
, la condition du peuple conquis :
c'eft fatisfaire tout- à - la-fois la loi naturelle
& la maxime , d'Etat . Rien n'eft plus
beau que le traité de paix de Gelon avec
les Carthaginois , par lequel il leur défen86
MERCURE DE FRANCE.
dit d'immoler à l'avenir leurs propres enfans.
Les Efpagnols , en conquérant le Pérou
, auroient dû obliger de même les habitans
à ne plus immoler des hommes à
leurs Dieux ; mais ils crurent plus avantageux
d'immoler ces peuples mêmes . Ils
n'eurent plus pour conquête qu'un vafte
défert : ils furent forcés à dépeupler leur
pays , & s'affoiblirent pour toujours par
leur propre victoire . On peut être obligé
quelquefois de changer les loix du peuple
vaincu ; rien ne peut jamais obliger de lui
ôter fes moeurs ou même fes coutumes ,
qui font fouvent toutes les moeurs . Mais
le moyen le plus für de conferver une conquête
, c'eft de mettre , s'il eft poffible , le
peuple vaincu au niveau du peuple conquerant
; de lui accorder les mêmes droits
& les mêmes privileges : c'eft ainfi qu'en
ont fouvent ufé les Romains ; c'eft ainfi
fur-tout qu'en ufa Céfar à l'égard des
Gaulois.
Jufqu'ici , en confiderant chaque gouvernement
, tant en lui-même , que dans
fon rapport aux autres , nous n'avons eu
égard ni à ce qui doit leur être commun ,
ni aux circonftances particulieres tirées
ou de la nature du pays , ou du génie des
peuples : c'eft ce qu'il faut maintenant développer.
DECEMBRE . 1755. 87
La loi commune de tous les gouvernemens
, du moins des gouvernemens modérés
, & par conféquent juftes , eft la liberté
politique dont chaque citoyen doit
jouir. Cette liberté n'eft point la licence
abfurde de faire tout ce qu'on veut , mais
le pouvoir de faire tout ce que les loix
permettent. Elle peut être envisagée , ou
dans fon rapport à la conftitution
dans fon rapport au citoyen.
ou
Il y a dans la conftitution de chaque
Etat deux fortes de pouvoirs , la puiflance
législative & l'exécutrice ; & cette derniere
a deux objets , l'intérieur de l'Etat
& le dehors . C'eft de la diftribution légitime
& de la répartition convenable de
ces différentes efpeces de pouvoirs que dépend
la plus grande perfection de la liberté
politique par rapport à la conftitution.
M. de Montefquieu en apporte pour
preuve la conftitution de la République
Romaine & celle de l'Angleterre . Il trouve
le principe de celle- ci dans cette loi
fondamentale du gouvernement des anciens
Germains , que les affaires peu importantes
y étoient décidées par les chefs ,
& que les grandes étoient portées au tribunal
de la nation , après avoir auparavant
été agitées par les chefs. M. de Monrefquieu
n'examine point fi les Anglois
8S MERCURE DE FRANCE.
jouiffent ou non de cette extrême liberté
politique que leur conftitution leur donne
, il lui fuffit qu'elle foit établie par
leurs loix : il eft encore plus éloigné de
vouloir faire la fatyre des autres Etats. Il
croit au contraire que l'excès , même dans
le bien , n'eft pas toujours défirable ; que
la liberté extrême a fes inconveniens ›
comme l'extrême fervitude ; & qu'en général
la nature humaine s'accommode
mieux d'un état moyen.
La liberté politique confidérée par rapport
au citoyen , confifte dans la fureté
où il eft à l'abri des loix , ou du moins
dans l'opinion de cette fureté, qui fait qu'un
citoyen n'en craint point un autre . C'eſt
principalement par la nature & la proportion
des peines , que cette liberté s'établit
ou fe détruit. Les crimes contre la Religion
doivent être punis par la privation
des biens que la Religion procure ; les
crimes contre les moeurs , par la honte
les crimes contre la tranquillité publique ,
par la prifon ou l'exil ; les crimes contre
la fureté , par les fupplices . Les écrits doivent
être moins punis que les actions , jamais
les fimples penfées ne doivent l'être :
accufations non juridiques , efpions , lettres
anonymes , toutes ces reffources de la
tyrannie , également honteufes à ceux qui
;
DECEMBRE . 1755. Se
en font l'inftrument, & à ceux qui s'en fervent
, doivent être profcrites dans un bon
gouvernement monarchique . Il n'eft permis
d'accufer qu'en face de la loi , qui punit
toujours ou l'accufé , ou le calomniateur.
Dans tout autre cas , ceux qui
gouvernent doivent dire avec l'Empereur
Conftance : Nous ne sçaurions foupçonner
celui à qui il a manqué un accuſateur , lorf
qu'il ne lui manquoit pas un ennemi . C'eſt
une très -bonne inftitution que celle d'une
partie publique qui fe charge , au nom de
l'Etat , de pourfuivre les crimes , & qui ait
toute l'utilité des délateurs , fans en avoir
les vils intérêts , les inconvéniens , & l'infamie.
La grandeur des impôts doit être en
proportion directe avec la liberté . Ainfi
dans les Démocraties ils peuvent être plus
grands qu'ailleurs, fans être onéreux , parce
que chaque citoyen les regarde comme
un tribut qu'il fe paye à lui-même , & qui
affure la tranquillité & le fort de chaque
membre. De plus , dans un Etat démocratique
, l'emploi infidele des deniers pu-,
blics eft plus difficile , parce qu'il eft plus
aifé de le connoître & de le punir , le dépofitaire
en devant compte , pour ainsi
dire , au premier citoyen qui l'exige .
Dans quelque gouvernement que ce foit,
90 MERCURE DE FRANCE.
l'efpece de tributs la moins onéreuſe , eft
celle qui eft établie fur les marchandiſes ;
parce que le citoyen paye
fans s'en appercevoir.
La quantité exceffive de troupes
en tems de paix , n'eft qu'un prétexte pour
charger le peuple d'impôts , un moyen
d'énerver l'Etat , & un inftrument de fervitude.
La régie des tributs qui en fait
rentrer le produit en entier dans le fifc
public , eft fans comparaifon moins à charge
au peuple, & par conféquent plus avantageufe
, lorfqu'elle peut avoir lieu , que
la ferme de ces mêmes tributs , qui laiſſe
toujours entre les mains de quelques particuliers
une partie des revenus de l'Etat.
Tout eft perdu furtout ( ce font ici les
termes de l'Auteur ) lorfque la profeffion
de traitant devient honorable ; & elle le
devient dès que le luxe eft en vigueur.
Laiffer quelques hommes fe nourrir de la
fubftance publique , pour les dépouiller à
leur tour , comme on l'a autrefois pratiqué
dans certains Etats , c'eft réparer une
injuftice par une autre , & faire deux maux
au lieu d'un .
Venons maintenant , avec M. de Montefquieu
, aux circonftances particulieres
indépendantes de la nature du gouvernement
, & qui doivent en modifier les loix.
Les circonftances qui viennent de la naDECEMBRE
1755. 91
ture du pays font de deux fortes ; les unes
ont rapport au climat , les autres au terrein.
Perfonne ne doute que le climat
n'influe fur la difpofition habituelle des
corps , & par conféquent fur les caracteres.
C'eft pourquoi les loix doivent fe conformer
au phyfique du climat dans les
chofes indifférentes , & au contraire le
combattre dans les effets vicieux : ainfi
dans les pays où l'ufage du vin eft nuifible
, c'eft une très -bonne loi que celle qui
l'interdit. Dans les pays où la chaleur du
climat porte à la pareffe , c'eft une trèsbonne
loi que celle qui encourage au travail.
Le gouvernement peut donc corriger
les effets du climat , & cela fuffit pour
mettre l'Esprit des Loix à couvert du reproche
très- injufte qu'on lui a fait d'attribuer
tout au froid & à la chaleur : car
outre que la chaleur & le froid ne font
pas la feule chofe par laquelle les climats
foient diftingués , il feroit auffi abfurde
de nier certains effets du climat que de
vouloir lui attribuer tout.
L'ufage des Efclaves établi dans les Pays
chauds de l'Afie & de l'Amérique , & réprouvé
dans les climats tempérés de l'Europe
, donne fujet à l'Auteur de traiter de
l'Esclavage civil. Les hommes n'ayant pas
plus de droit fur la liberté que fur la vie
92 MERCURE DE FRANCE.
les uns des autres , il s'enfuit que l'efclavage
, généralement parlant , eft contre la
loi naturelle. En effet , le droit d'esclavage
ne peut venir ni de la guerre , puifqu'il ne
pourroit être alors fondé que fur le rachat.
de la vie , & qu'il n'y a plus de droit fur la
vie de ceux qui n'attaquent plus ; ni de la
vente qu'un homme fait de lui- même à un
autre , puifque tout citoyen étant redevable
de fa vie à l'Etat , lui eft à plus forte
raifon redevable de fa liberté , & par conféquent
n'eft pas le maître de la vendre .
D'ailleurs quel feroit le prix de cette vente
? Ce ne peut être l'argent donné au vendeur
, puifqu'au moment qu'on fe rend
efclave , toutes les poffeffions appartiennent
au maître : or une vente fans prix eft
auffi chimérique qu'un contrat fans condition.
Il n'y a peut- être jamais eu qu'une
loi jufte en faveur de l'efclavage , c'étoit
la loi Romaine qui rendoit le débiteur efclave
du créancier ; encore cette loi ,
pour
être équitable , devoit borner la fervitude
quant au dégré & quant au tems. L'efclavage
peut tout au plus être toléré dans les
Etats defpotiques , où les hommes libres ,
trop foibles contre le gouvernement, cherchent
à devenir , pour leur propre utilité ,
les efclaves de ceux qui tyrannifent l'Etat ;
ou bien dans les climats dont la chaleur
2
DECEMBRE . 1755. 93
énerve fi fort le corps , & affoiblit tellement
le courage , que les hommes n'y font
portés à un devoir pénible , que par la
crainte du châtiment.
A côté de l'esclavage civil on peut placer
la fervitude domeftique , c'eft- à-dire ,
celle où les femmes font dans certains climats
: elle peut avoir lieu dans ces contrées
de l'Afie où elles font en état d'habiter
avec les hommes avant que de pouvoir
faire ufage de leur raifon ; nubiles par la
loi du climat , enfans par celle de la nature.
Cette fujétion devient encore plus néceffaire
dans les Pays où la polygamie eft
établie ; ufage que M. de Montefquieu ne
prétend pas juftifier dans ce qu'il a de contraire
à la Religion , mais qui dans les
lieux où il eft reçu ( & à ne parler que politiquement
) peut être fondé jufqu'à`un
certain point , ou fur la nature du Pays
ou fur le rapport du nombre des femmes
au nombre des hommes. M. de Montefquieu
parle à cette occafion de la Répudiation
& du Divorce ; & il établit fur de
bonnes raifons , que la répudiation une
fois admife , devroit être permife aux femmes
comme aux hommes.
Si le climat a tant d'influence fur la fervitude
domestique & civile , il n'en a pas
moins fur la fervitude politique , c'est- à94
MERCURE DE FRANCE.
dire fur celle qui foumet un peuple à un
autre. Les peuples du Nord font plus forts
& plus courageux que ceux du Midi ; ceux
ci doivent donc en géneral être fubjugués ,
ceux - là conquérans ; ceux - ci efclaves ,
ceux -là libres : c'eft auffi ce que l'Hiftoire
confirme . L'Afie a été conquiſe onze fois
par lès peuples du Nord ; l'Europe a fouffert
beaucoup moins de révolutions .
A l'égard des loix relatives à la nature
du terrein , il eft clair que la Démocratie
convient mieux que la Monarchie aux
Pays ftériles , où la terre a befoin de toute
l'induftrie des hommes. La liberté d'ailleurs
eft en ce cas une efpece de dédommagement
de la dureté du travail . Il faut
plus de loix pour un peuple agriculteur que
pour un peuple qui nourrit des troupeaux,
pour celui - ci que pour un peuple chaffeur,
pour un peuple qui fait ufage de la monnoie
, que pour celui qui l'ignore.
Enfin on doit avoir égard au génie particulier
de la Nation . La vanité qui groffit
les objets , eft un bon reffort pour le gouvernement
; l'orgueil qui les dépriſe eft un
reffort dangereux . Le Légiflateur doit ref
pecter jufqu'à un certain point les préjugés
, les paffions , les abus. Il doit imiter
Solon , qui avoit donné aux Athéniens ,
non les meilleures loix en elles-mêmes ,
DECEMBRE
1755. 95
mais les meilleures qu'ils puffent avoir . Le
caractere gai de ces peuples demandoit des
loix plus faciles ; le caractere dur des Lacédémoniens
, des loix plus féveres. Les
loix font un mauvais moyen pour changer
les manieres & les ufages ; c'eft par les récompenfes
& l'exemple qu'il faut tâcher
d'y parvenir. Il eft pourtant vrai en mêmetems
, que les loix d'un peuple , quand on
n'affecte pas d'y choquer groffierement &
directement fes moeurs , doivent influer
infenfiblement fur elles , foit pour les affermir,
foit pour les changer.
Après avoir approfondi de cette maniere
la nature & l'efprit des Loix par rapport
aux différentes efpeces de Pays & de
peuples , l'Auteur revient de nouveau à
confidérer les Etats les uns par rapport aux
autres. D'abord en les comparant entre
eux d'une maniere générale , il n'avoit
pu les envifager que par rapport au mal
qu'ils peuvent fe faire. Ici il les envifage
par rapport aux fecours mutuels
qu'ils peuvent le donner : or ces fecours
font principalement fondés fur le Commerce.
Si l'efprit de Commerce produit
naturellement un efprit d'intérêt oppofé
à la fublimité des vertus morales , il
rend auffi un peuple naturellement jufte ,
& en éloigne l'oifiveté & le brigandage.
96 MERCURE DE FRANCE.
Les Nations libres qui vivent fous des
gouvernemens modérés , doivent s'y livrer
plus que les Nations efclaves. Jamais une
Nation ne doit exclure de fon commerce
une autre Nation , fans de grandes raifons.
Au refte la liberté en ce genre n'eft pas une
faculté abfolue accordée aux Négocians de
faire ce qu'ils veulent ; faculté qui leur
feroit fouvent préjudiciable : elle confifte
à ne gêner les Négocians qu'en faveur du
Commerce. Dans la Monarchie la Nobleffe
ne doit point s'y adonner , encore
moins le Prince . Enfin il eft des Nations
auxquelles le Commerce eft défavantageux
; ce ne font pas celles qui n'ont befoin
de rien , mais celles qui ont besoin de
tout : paradoxe que l'Auteur rend fenfible
par l'exemple de la Pologne , qui manque
de tout , excepté de bled , & qui , par
le commerce qu'elle en fait , prive les
payfans de leur nourriture , pour fatisfaire
au luxe des Seigneurs. M. de Montefquieu ,
à l'occafion des loix que le Commerce
exige , fait l'hiftoire de fes différentes révolutions
; & cette partie de fon livre
n'eft ni la moins intéreffante , ni la moins
curieufe. Il compare l'appauvriffement de
l'Espagne ,, par la découverte de l'Amérique
, au fort de ce Prince imbécille de la
Fable , prêt à mourir de faim , pour avoir
demandé
1
DECEMBRE. 1755 : 97
demandé aux Dieux que tout ce qu'il toucheroit
fe convertit en or. L'ufage de la
monnoie étant une partie confidérable de
l'objet du Commerce , & fon principal
inftrument , il a cru devoir , en conféquence
, traiter des opérations fur la monnoie
, du change , du payement des dettes
publiques , du prêt à intérêt dont il fixe
les loix & les limites , & qu'il ne confond
nullement avec les excès fi juftement condamnés
de l'ufure.
La population & le nombre des habitans
ont avec le Commerce un rapport
immédiat ; & les mariages ayant pour objet
la population , M. de Montefquieu approfondit
ici cette importante matiere. Če
qui favorife le plus la propagation eft la
continence publique ; l'expérience prouve
que les conjonctions illicites y contribuent
peu , & même y nuifent. On a établi avec
juftice , pour les mariages , le confentement
des peres ; cependant on y doit mettre
des reftrictions : car la loi doit en général
favorifer les mariages. La loi qui
défend le mariage des meres avec les fils ,
oft ( indépendamment des préceptes de la
Religion ) une très-bonne loi civilę ; car
fans parler de plufieurs autres raifons , les
contractans étant d'âge très- différent , ces
fortes de mariages peuvent rarement avoir
I. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
>
la propagation pour objet. La loi qui défend
le mariage du pere avec la fille , eſt
fondée fur les mêmes motifs : cependant
( à ne parler que civilement ) elle n'eft pas
fi indifpenfablement néceffaire que l'autre
à l'objet de la population , puifque la vertu
d'engendrer finit beaucoup plus tard
dans les hommes ; auffi l'ufage contraire
a t'il eu lieu chez certains peuples que la
lumiere du Chriftianifme n'a point éclairés.
Comme la nature porte d'elle -même
au mariage , c'eft un mauvais gouvernement
que celui où on aura befoin d'y encourager.
La liberté , la fûreté , la modération
des impôts , la profcription du luxe,
font les vrais principes & les vrais foutiens
de la population : cependant on peut
avec fuccès faire des loix pour encourager
les mariages , quand , malgré la corruption
, il reste encore des refforts dans
le peuple qui l'attachent à fa patrie. Rien
n'eft plus beau que les loix d'Augufte pour
favorifer la propagation de l'efpece : par
malheur il fit ces loix dans la décadence ,
ou plutôt dans la chute de la République ;
& les citoyens découragés devoient prévoir
qu'ils ne mettroient plus au monde
que
des efclaves : auffi l'exécution de ces
loix fut elle bien foible durant tout le
tems des Empereurs payens. Conftantin
DECEM BRE . 1755. 99
enfin les abolit en fe faifant Chrétien ,
comme fi le Chriftianifme avoit pour but
de dépeupler la fociété , en confeillant à
un petit nombre la perfection du célibat.
L'établiſſement des hôpitaux , felon l'efprit
dans lequel il eft fait , peut nuire à la;
population , ou la favorifer. Il peut & il
doit même y avoir des hôpitaux dans un
Etat dont la plupart des citoyens n'ont que
leur , induftrie pour reffource , parce que
cette induftrie peut quelquefois être malheureuſe
; mais les fecours que ces hôpitaux
donnent , ne doivent être que paffagers
, pour ne point encourager la mendicité
& la fainéantife. Il faut commencer
par rendre le peuple riche , & bâtir enfuite
des hôpitaux pour les befoins imprévus
& preffans . Malheureux les Pays où
la multitude des hôpitaux & des monafteres
, qui ne font que des hôpitaux perpétuels
, fait que tout le monde eft à fon
aife , excepté ceux qui travaillent.
M. de Montefquieu n'a encore parlé
que des loix humaines. Il paffe maintenant
à celles de la Religion , qui dans prefque
tous les Etats font un objet fi effentiel
du gouvernement. Par- tout il fait l'éloge
du Chriftaifine ; il en montre les avantages
& la grandeur ; il cherche à le faire
aimer. Il foutient qu'il n'eft pas impoffi
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
ble , comme Bayle l'a prétendu , qu'une
fociété de parfaits Chrétiens forme un
Etat fubfiftant & durable . Mais il s'eft cru
permis auffi d'examiner ce que les différentes
Religions ( humainement parlant )
peuvent avoir de conforme ou de contraire
au génie & à la fituation des peuples
qui les profeffent. C'est dans ce point de
vue qu'il faut lire tout ce qu'il a écrit fur
cette matiere , & qui a été l'objet de tant
de déclamations injuftes. Il eft furprenant
furtout que dans un fiecle qui en appelle
tant d'autres barbares , on lui ait fait un
crime de ce qu'il dit de la tolérance ; comme
fi c'étoit approuver une religion que
de la tolérer comme fi enfin l'Evangile
même ne profcrivoit pas tout autre moyende
le répandre , que la douceur & la perfuafion.
Ceux en qui la fuperftition n'a
pas éteint tout fentiment de compaflion
& de juftice , ne pourront lire , fans être
attendris , la remontrance aux Inquifiteurs,
ce tribunal odieux , qui outrage la Religion
en paroiffant la venger.
Enfin après avoir traité en particulier
des différentes efpeces de loix que les
hommes peuvent avoir , il ne reste plus
qu'à les comparer toutes enfemble , & à
les examiner dans leur rapport avec les
chofes fur lefquelles elles ftatuent. Les
DECEMBRE. 1755. 101
hommes font gouvernés par différentes efpeces
de loix ; par le droit naturel , commun
à chaque individu ; par le droit divin
, qui eft celui de la Religion ; par le
droit eccléfiaftique , qui eft celui de la
police de la Religion ; par le droit civil ,
qui eft celui des membres d'une même
fociété
; par
le droit politique , qui eft celui
du gouvernement de cette fociété ; par
le droit des gens , qui eft celui des fociétés
les unes par rapport aux autres. Ces droits
ont chacun leurs objets diftingués , qu'il
faut bien fe garder de confondre. On
ne doit jamais régler par l'un ce qui appar
tient à l'autre , pour ne point mettre de dé
fordre ni d'injuftice dans les principes qui
gouvernent les hommes . Il faut enfin que
les principes qui prefcrivent le genre des
loix , & qui en circonfcrivent l'objet , regnent
auffi dans la maniere de les compofer.
L'efprit de modération doit , autant qu'il eft
poffible , en dicter toutes les difpofitions.
Des loix bien faites feront conformes à
l'efprit du Législateur , même en paroiffant
s'y oppofer. Telle étoit la fameuſe
loi de Solon , par laquelle tous ceux qui
ne prenoient point de part dans les féditions
, étoient déclarés infâmes . Elle prévenoit
les féditions , ou les rendoit utiles.
en forçant tous les membres de la Répu
1
1
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
blique à s'occuper de fes vrais intérêts .
L'Oftracifime même étoit une très - bonne
loi ; car d'un côté elle étoit honorable au
citoyen qui en étoit l'objet , & prévenoit
de l'autre les effets de l'ambition ; il falloit
d'ailleurs un très - grand nombre de fuffrages,
& on ne pouvoit bannir que tous les
cinq ans. Souvent les loix qui paroiffent les
mêmes, n'ont ni le même motif, ni le même
effet , ni la même équité : la forme du gouvernement
, les conjonctures & le génie du
peuple changent tout . Enfin le ftyle des
loix doit être fimple & grave : elles peuvent
fe difpenfer de motiver , parce que
le motif eft fuppofé exifter dans l'efprit
du Législateur ; mais quand elles motivent
, ce doit être fur des principes évidens
elles ne doivent pas reffembler à
cette loi qui , défendant aux aveugles de
plaider , apporte pour raifon qu'ils ne peuvent
pas voir les ornemens de la Magiftrature
.
M. de Montefquieu , pour montrer par
des exemples l'application de fes principes
, a choifi deux différens peuples , le
plus célébre de la terre , & celui dont
'Hiftoire nous intéreffe le plus , les Romains
& les François. Il ne s'attache qu'a
une partie de la Jurifprudence du premier;
celle qui regarde les fucceffions . A l'égard
DECEMBRE. 1755. 103
turs ,
des François , il entre dans le plus grand
détail fur l'origine & les révolutions de
leurs loix civiles , & fur les différens
ufages abolis ou fubfiftans , qui en ont été
la fuite il s'étend principalement fur les
loix féodales , cette efpece de gouvernement
inconnu à toute l'antiquité , qui le
fera peut- être pour toujours aux fiecles fur-
& qui a fait tant de biens & tant
de maux. Il difcute fur-tout ces loix dans
le rapport qu'elles ont à l'établiffement &
aux révolutions de la Monarchie Françoife
; il prouve , contre M. l'Abbé du
Bos , que les Francs font réellement entrés
en conquérans dans les Gaules , &
qu'il n'eft pas vrai , comme cet Auteur le
prétend , qu'ils ayent été appellés par les
peuples pour fuccéder aux droits des Empereurs
Romains qui les opprimoient :
détail profond , exact & curieux , mais
dans lequel il nous eft impoffible de le
fuivre , & dont les points principaux fe
trouveront d'ailleurs répandus dans différens
endroits de ce Dictionnaire , aux articles
qui s'y rapportent.
Telle eft l'analyfe générale , mais trèsinforme
& très-imparfaite , de l'ouvrage
de M. de Montefquieu : nous l'avons féparée
du refte de fon éloge , pour ne pas
trop interrompre la fuite de notre récit.
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
M. Dalembert nous permettra de combattre
ici fa modeftie . Nous ofons dire , d'après
la voix publique , que cette analyſe
eft un modele, qu'elle met l'Efprit des Loix
dans tout fon jour , & qu'il n'eft pas poffible
d'en faire une meilleure . Heureux
le texte , quelque mérite qu'il ait en foi ,
qui eft ainfi commenté !
Fermer
Résumé : Analyse de l'Esprit des Loix, contenue dans la note qui accompagne l'Eloge de M. de Montesquieu par M. d'Alembert. Nous l'avions annoncée pour le premier Mercure de ce mois, & nous acquittons notre parole.
Le texte présente une analyse de l'œuvre 'De l'esprit des lois' de Montesquieu, souvent mal comprise par les critiques. L'auteur de l'analyse se propose d'explorer le plan, le caractère et l'objet de l'ouvrage, en se concentrant sur les pensées et travaux de Montesquieu, ce qui est pertinent dans le contexte de l'Encyclopédie. L'analyse examine les concepts d'état de nature et de société, où les hommes, initialement régis par le droit du plus fort, établissent des sociétés pour créer un équilibre moral. Cet équilibre est rare et durable, et les hommes cherchent souvent à jouir des avantages de la société sans en porter les charges, ce qui les met en état de guerre. Le texte distingue trois types de gouvernements : républicain, monarchique et despotique. Dans le gouvernement républicain, le peuple détient la souveraineté ; dans le monarchique, un seul gouvernant règne selon des lois fondamentales ; dans le despotique, la loi est la volonté du maître. Ces formes de gouvernement peuvent se combiner ou se nuancer. Les lois doivent être adaptées à la nature et au principe de chaque gouvernement. Par exemple, dans une démocratie, le peuple est à la fois monarque et sujet, élisant et jugeant ses magistrats. Dans une monarchie, il existe des pouvoirs intermédiaires entre le monarque et le peuple. Dans un despotisme, le tyran exerce son autorité seul ou par un représentant. Les principes des gouvernements sont l'amour de la République pour la démocratie, l'honneur pour la monarchie, et la crainte pour le despotisme. L'éducation doit également être adaptée à ces principes. Les lois doivent être conformes au principe de chaque gouvernement, et les peines doivent être proportionnées aux crimes, avec une préférence pour les peines douces dans les démocraties. Le texte examine ensuite les rapports entre les gouvernements, soulignant que les républiques doivent s'allier entre elles pour se défendre, tandis que les monarchies doivent avoir des frontières sûres. Le droit de conquête est légitime mais doit être utilisé pour améliorer la condition des peuples conquis. Enfin, l'analyse aborde la liberté politique, définie comme le pouvoir de faire ce que les lois permettent. Cette liberté dépend de la distribution légitime et de la répartition convenable des pouvoirs législatif et exécutif dans chaque État. Montesquieu examine les constitutions de la République romaine et de l'Angleterre, soulignant que l'excès de liberté ou de servitude a des inconvénients et que la nature humaine s'accommode mieux d'un état moyen. Les crimes doivent être punis de manière proportionnée à leur gravité. Les impôts doivent être proportionnés à la liberté, et dans les démocraties, ils peuvent être plus élevés sans être onéreux. Une quantité excessive de troupes en temps de paix est un moyen d'énerver l'État et d'instaurer la servitude. Le texte aborde également les circonstances particulières qui modifient les lois, telles que le climat et le terrain. L'esclavage civil est jugé contraire à la loi naturelle et peut être toléré uniquement dans les États despotiques ou dans les climats chauds. Montesquieu traite des lois relatives à la nature du terrain et au génie particulier de la nation, soulignant que la démocratie convient mieux aux pays stériles où la terre nécessite toute l'industrie des hommes. Le texte discute également des lois concernant le mariage et la population, ainsi que des principes de gouvernement et des lois religieuses. Les lois contre les mariages incestueux sont fondées sur des motifs naturels, bien que leur nécessité puisse varier selon les cultures. La propagation de l'espèce est favorisée par la liberté, la sécurité, la modération des impôts et la prohibition du luxe. Montesquieu examine les lois humaines et religieuses, soulignant les avantages du christianisme tout en discutant de la tolérance religieuse. Il compare différentes espèces de lois, insistant sur l'importance de ne pas les confondre. Les lois doivent être simples, graves et motivées par des principes évidents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 104-107
« ELOGE funebre de M. le Président de Montesquieu. Monumenta doloris exigua [...] »
Début :
ELOGE funebre de M. le Président de Montesquieu. Monumenta doloris exigua [...]
Mots clefs :
Montesquieu, Coeur, Esprit
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « ELOGE funebre de M. le Président de Montesquieu. Monumenta doloris exigua [...] »
ELOGE funebre de M. le Préfident de
Montefquieu. Monumenta doloris exigua
ingentis. Virg. Æneid. lib. 9. 1755. M. le
Febvre de Beauvrai en eft l'Auteur. Nous
allons extraire ici deux ou trois endroits
de ce petit poëme, qui mettront le Lecteur
à portée de juger de fon mérite . Nous
commencerons par le début qui nous a
paru annoncer très - bien fon héros.
OFrance, prends le deuil ! il n'eſt plus ce grand
homme
,
Par qui tu furpaffois Athenes , Londre & Rome
Cet Oracle du gout & de la vérité ,
Ce pere , cet ami de la focieté ;
Ce héros , citoyen , ce refpectacle Sage ,
Qui feul peut-être a fçu , par un rare affemblage .
Four inftruire à la fois , & charmer l'univers ,
Joindre à mille vertus mille talens divers !
Il n'eft plus ! mais le fort qui termina ſa vie ,
Au moins , en defarmant l'impitoyable envie ,
DECEMBRE. 1755. -105
Permet à ton amour , pour calmer tes douleurs ,
D'honorer fon tombeau , de le joncher de fleurs ;
Et dans le juste accès du zele qui t'enflamme ,
D'ofer enfin tout haut célébrer fa grande ame.
Voici un portrait des François digne
d'être cité .
Loin des antres du Nord , féjour des noirs.
frimats ,
Loin d'arides déferts & de brulans climats ,
Au fein d'une contrée , où regne l'abondance ,
Sous le ciel le plus doux habite un peuple im
menſe ,
Capricieux , fenfé , vif à la fois & lent ,
Son caractere eft prompt , mo teré , pétalant.
Sémillant , enjoué , tendre , aimable & volage ,
C'eft l'enfant de l'amour, c'est la brillante image
Réfléchi , diffipé , folide , inconféquent ,
Il penfe par inftinet , & par accès il fent.
Fier à la fois & doux , prévenant , intraitable ,
Son efprit eft changeant , fon coeur invariable . ,
Propre à tous les talens , & né pour tous les arts,
Prudent & courageux , bravant tous les hazards
Avide de plaifirs , de gloire & de fatigues ,
Il cherche le repos , la guerre & les intrigues ,
Des fortes paffions n'éprouvant point l'accès ,
Des vices , des vertus , il ignore l'excès.
Trop altier pour defcendre à d'indignes baffefles ;
p'a que des défauts , ou plutôt des foibleffes.
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
Effentiel , frivole , & plein d'humanité,
La nature le fit pour la focieté.
Le voilà cependant ce peuple refpectable ,
Que l'étranger décrie , & nous peint fi coupable.
Ufbek , qui ne fongeoit qu'à le rendre meilleur ,
Sçut mieux apprécier fon efprit & fon coeur.
Dans cette peinture que nous trouvons
auffi jufte qu'ingénieufe dans tous fes
contraftes , il s'offre un trait ou un vers
qui nous femble d'une vérité moins exacte
: c'eft celui- ci :
Son efprit eft changeant , fon coeur invariable.
Nous croyons que les fentimens du
François ne varient pas moins que fes idées .
Montagne , Auteur charmant , honneur de ta
patrie ,
Accours de l'Elysée en ces terreftres lieux :
Viens voir , à la faveur d'un mafque ingénieux ,
Egayant , comme toi , fa morale profonde ,
L'un de tes defcendans , fage au ſein du grand
monde ,
Du François qu'il amufe , & peint de fes couleurs,
Honnir le ridicule , & corriger les moeurs.
Je fuis encore fâché que ces derniers
vers , par lefquels je finirai , & qui font
d'un ton noble , foient , pour ainfi dire ,
tachés par cette expreffion baffe bannir le
ridicule. Il ne faut qu'un mot ignoble
?
DECEMBRE. 1755. 107
pour gâter la plus belle tirade.
Montefquieu. Monumenta doloris exigua
ingentis. Virg. Æneid. lib. 9. 1755. M. le
Febvre de Beauvrai en eft l'Auteur. Nous
allons extraire ici deux ou trois endroits
de ce petit poëme, qui mettront le Lecteur
à portée de juger de fon mérite . Nous
commencerons par le début qui nous a
paru annoncer très - bien fon héros.
OFrance, prends le deuil ! il n'eſt plus ce grand
homme
,
Par qui tu furpaffois Athenes , Londre & Rome
Cet Oracle du gout & de la vérité ,
Ce pere , cet ami de la focieté ;
Ce héros , citoyen , ce refpectacle Sage ,
Qui feul peut-être a fçu , par un rare affemblage .
Four inftruire à la fois , & charmer l'univers ,
Joindre à mille vertus mille talens divers !
Il n'eft plus ! mais le fort qui termina ſa vie ,
Au moins , en defarmant l'impitoyable envie ,
DECEMBRE. 1755. -105
Permet à ton amour , pour calmer tes douleurs ,
D'honorer fon tombeau , de le joncher de fleurs ;
Et dans le juste accès du zele qui t'enflamme ,
D'ofer enfin tout haut célébrer fa grande ame.
Voici un portrait des François digne
d'être cité .
Loin des antres du Nord , féjour des noirs.
frimats ,
Loin d'arides déferts & de brulans climats ,
Au fein d'une contrée , où regne l'abondance ,
Sous le ciel le plus doux habite un peuple im
menſe ,
Capricieux , fenfé , vif à la fois & lent ,
Son caractere eft prompt , mo teré , pétalant.
Sémillant , enjoué , tendre , aimable & volage ,
C'eft l'enfant de l'amour, c'est la brillante image
Réfléchi , diffipé , folide , inconféquent ,
Il penfe par inftinet , & par accès il fent.
Fier à la fois & doux , prévenant , intraitable ,
Son efprit eft changeant , fon coeur invariable . ,
Propre à tous les talens , & né pour tous les arts,
Prudent & courageux , bravant tous les hazards
Avide de plaifirs , de gloire & de fatigues ,
Il cherche le repos , la guerre & les intrigues ,
Des fortes paffions n'éprouvant point l'accès ,
Des vices , des vertus , il ignore l'excès.
Trop altier pour defcendre à d'indignes baffefles ;
p'a que des défauts , ou plutôt des foibleffes.
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
Effentiel , frivole , & plein d'humanité,
La nature le fit pour la focieté.
Le voilà cependant ce peuple refpectable ,
Que l'étranger décrie , & nous peint fi coupable.
Ufbek , qui ne fongeoit qu'à le rendre meilleur ,
Sçut mieux apprécier fon efprit & fon coeur.
Dans cette peinture que nous trouvons
auffi jufte qu'ingénieufe dans tous fes
contraftes , il s'offre un trait ou un vers
qui nous femble d'une vérité moins exacte
: c'eft celui- ci :
Son efprit eft changeant , fon coeur invariable.
Nous croyons que les fentimens du
François ne varient pas moins que fes idées .
Montagne , Auteur charmant , honneur de ta
patrie ,
Accours de l'Elysée en ces terreftres lieux :
Viens voir , à la faveur d'un mafque ingénieux ,
Egayant , comme toi , fa morale profonde ,
L'un de tes defcendans , fage au ſein du grand
monde ,
Du François qu'il amufe , & peint de fes couleurs,
Honnir le ridicule , & corriger les moeurs.
Je fuis encore fâché que ces derniers
vers , par lefquels je finirai , & qui font
d'un ton noble , foient , pour ainfi dire ,
tachés par cette expreffion baffe bannir le
ridicule. Il ne faut qu'un mot ignoble
?
DECEMBRE. 1755. 107
pour gâter la plus belle tirade.
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Résumé : « ELOGE funebre de M. le Président de Montesquieu. Monumenta doloris exigua [...] »
Le texte est un éloge funèbre de Montesquieu, écrit par M. le Febvre de Beauvrai en 1755. L'auteur extrait des passages du poème pour en juger le mérite. Montesquieu est décrit comme un grand homme surpassant Athènes, Londres et Rome, un oracle du goût et de la vérité, un père et un ami de la société, un héros sage et un exemple pour l'univers. Le poème invite la France à honorer sa mémoire et à célébrer sa grande âme. Le texte présente également un portrait des Français, les décrivant comme capricieux, sensibles, vifs et lents, enjoués, tendres, aimables et volages. Ils sont réfléchis, dissipés, solides, inconstants, fiers, doux, prévenants et intraitables. Leur esprit est changeant, mais leur cœur est invariable. Ils sont propres à tous les talents et nés pour tous les arts, prudents et courageux, avides de plaisirs, de gloire et de fatigues. Ils cherchent le repos, la guerre et les intrigues, sans éprouver les accès des fortes passions. Ils ont des défauts ou des faiblesses, sont essentiels, frivoles et pleins d'humanité, faits pour la société. L'auteur critique un trait du portrait, estimant que les sentiments des Français varient autant que leurs idées. Il invite Montesquieu à voir un de ses descendants, sage et amusant, qui honnit le ridicule et corrige les mœurs. Le texte se termine par une critique de l'expression 'bannir le ridicule', jugée ignoble et gâchant une belle tirade.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 107-121
« Nous avons annoncé au mois de Septembre la nouvelle Collection académique, [...] »
Début :
Nous avons annoncé au mois de Septembre la nouvelle Collection académique, [...]
Mots clefs :
Collection, Nature, Vérité, Docteur, Académies, Médecine, Découvertes, Philosophie, Physique, Discours
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texteReconnaissance textuelle : « Nous avons annoncé au mois de Septembre la nouvelle Collection académique, [...] »
Nous avons annoncé au mois de Septembre
la nouvelle Collection académique ,
c. avec promeffe d'en parler plus expreffément
une autre fois . Nous allons la
remplir . La feule infpection de fon titre a
dû déja faire connoître l'étendue du projet
de l'Editeur.
Cet ouvrage eft précédé d'un beau difcours
préliminaire qui préfente des vues
très- philofophiques . Elles font juger avantageufement
du mérite de M. Gueneau
qui en eft l'Auteur. Comme il fent vivement
l'importance des vérités phyfiques
que cette collection a pour objet , il s'exprime
de même. Les matieres les plus abftraites
deviennent intéreffantes fous une
main auffi habile que la fienne . Il joint à
la profondeur du raifonnement l'éloquence
du ftyle ; deux qualités d'autant plus
dignes d'éloges , qu'elles ne vont pas toujours
enfemble.
On n'entend pas ici cette éloquence qui
cherche à furprendre par de fauffes lueurs ,
& qui fait difparoître la vérité fous des
ornemens qui lui font étrangers. Toat
homme qui penfe en philofophe , eft bien
éloigné de l'employer à un pareil ufage.
Ce feroit prendre l'abus de l'éloquence
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
pour l'eloquence elle- même , qui a pour
bale la folidité du jugement . On entend
donc par là cette énergie d'expreffion qui
communique ,, pour ainfi dire , la vie aux
idées dont elle rend la force plus fenfible ,
en leur prêtant un nouvel éclat . M. Gueneau
débute par des réflexions générales fur
la marche de l'efprit humain dans le développement
des connoillances qui appartiennent
à l'étude de la nature Il en marque
les progrès , & failit avec art tous
les rapports qui en dépendent. Il infifte
particulierement fur la néceffité de l'obfervation
, dont il analyſe les principes . It
approfondit la méthode qui doit fervir de
guide aux Obfervateurs dans leurs recherches
,pour
arriver à la certitude phyfique.
»Le premier objet ( dit- il ) qui fe préten-
» te à obferver , celui qu'il nous importe le
» plus de bien connoître , c'eft nous- mêmes.
Cette efpece d'obfervation inté-
» rieure doit précéder toute autre obfer-
» vation , & peut feule nous rendre capables
de juger fainement des êtres qui
» font hors de nous En effet nous ne connoiffons
point immédiatement ces êtres ;
nous ne pourrons jamais pénétrer leur
nature intime , & leur effence réelle ; les
idées que nous en avons , fe terminent
à leur furface , & même à parler rigouDECEMBRE
. 1755. 109
"
reuſement , nous n'appercevons point
» ces furfaces , mais feulement les impref-
»fions qu'elles font fur nos organes . Tou-
» tes ces vérités font certaines pour quiconque
fçait réfléchir ; & s'il eft abfurde à
» l'Egoifte d'en conclure qu'il exifte ſeul ;
»de suppofer que ce qu'on appelle les ob-
» jets extérieurs , ne font autre choſe que
»fes différentes manieres de voir , & n'ont
» aucune réalité hors de lui ; de fe perfua-
» der que les limites de fon être font celles
» de la nature ; & de vouloir ainfi réduire
» l'univers aux dime fons d'un atome ,
» il eft raisonnable aufli d'avouer que la
» maniere dont nous connoiffons notre
» exiftence , eft très- différente de celle
» dont nous connoiffons toute autre exif-
"tence : la premiere eft une confcience
intime , un fentiment profond ; la fe-
» conde eft une conféquence déduite de
» cette vérité premiere : la certitude eft
égale des deux côtés ; mais la preuve
» n'eft pas la même. Dans le premier cas ,
» ceft une lumiere directe immédiate-
»ment préfente à notre ame ; dans le fe-
»' cond , c'est une lumiere réfléchie par des
objets extérieurs , & modifiée par nos
» fens. Car nos fens font la feule voye
≫ par laquelle nous puiffions communi-
" quer avec la nature ; c'eft un milieu
110 MERCURE DE FRANCE.
22
interpofé entre notre ame & le monde
» phyfique'; milieu à travers lequel paf-
» fent néceffairement les images des cho-
» fes , ou plutôt les ombres projettées fur
» notre fens intérieur. Il faut donc avant
" tout travailler à épurer ce milieu , & à
» écarter tout ce qui pourroit alterer ces
images primitives , & les teindre de
couleurs étrangeres ; ou du moins il faut
» fe mettre en état de reconnoître , & même
de rectifier les altérations qu'elles
» fubiffent à leur paffage. »
"
"3
D
Ce que nous venons de rapporter du
Difcours de M. Gueneau , montre qu'il
employe heureufement les notions métaphyfiques
dans la définition des chofes
dont il traite , & fuffit en même-temps ,
pour donner une idée de fa maniere d'écrire
, analogue à fa façon de penfer. Nous
ajouterons un autre morceau qui nous paroît
frappé au même coin. Il s'agit de repréfenter
les effets que le préjugé a coututume
de produire , & les funeftes fuites
qu'il entraîne après lui : Voici comme s'explique
l'Auteur. » Le préjugé eft le plus
grand ennemi de la vérité , & par con-
» féquent de l'homme , puifque l'hom-
» me ne peut fe rendre heureux que par
« la connoiffance de la vérité. Cet enne-
» mi nous obféde dès notre naiffance ,
DECEMBRE. 1755. Τ
ou plutôt il femble être né avec nous :
» à peine notrepaupiere commence à s'ou-
» vrir , qu'il nous enveloppe de fes om-
» bres : fon murmure confus eft le pre-
» mier bruit qui frappe nos oreilles ; &
» nos premiers regards font fouillés par
l'erreur. A mefure que nos facultés fe
développent , le préjugé fe les affujetir ,
& fe fortifie avec elles : non- feulement
» il falfifie le témoignage de nos lens ,
» il obfurcit encore les foibles lueurs de
» notre raifon. L'éducation , l'exemples,
23
toute communication avec les autres
» hommes , lui fervent fouvent de moyen
» pour accroître & perpétuer fa contagion
: quelquefois il fe fait la guerre à
» lui-même , pour triompher de nous plus
furement ; il n'eft point de formes qu'il
» ne prenne pour nous fubjuguer , ou pour
» nous féduire , & jamais il n'eft plus ter-
» rible , que lorfqu'il fe produit fous des
» dehors refpectés. Cependant il nuit en
» core moins à la vérité par les menfonges
qu'il accrédite , que par le vice qu'il
» introduit dans la méthode de raifonner.»
M. Gueneau propofe enfuite le reméde
qu'il faut appliquer au mal , & il qualifie
ce reméde de donte méthodique. » C'est
( continue- t'il ) cette ignorance de convention,
par laquelle un Philofophe s'é-
و د
"""
112 MERCURE DE FRANCE.
و ر
"
» leve au - deffus de fes opinions , que le
vulgaire appelle fes connoillances , afin
» de les juger toutes avec une fermeté
» éclairée , d'affigner à chacune fon dégré
précis de probabilité , de rejetter
» toutes celles qui ne font point fondées ,
» & de s'attacher inviolablement à la vé-
» rité mieux connue. Ce doute eft appellé
» méthodique , parce qu'il fuppofe une
méthode fure de diftinguer l'obfcur de
» l'évident , le faux du vrai , & même le
» vrai du vaiſemblable. Il ne fufpend no-
» tre jugement , que lorfque la lumiere
» vient à nous manquer : il differe effen-
» tiellement du Pyrrhonifme , qui n'eſt
» autre chofe que le défefpoir d'un efprit
» foible , qui a fçu fe defabufer de fes pré-
» jugés , mais qui n'ayant pas le courage
» de chercher la vérité , fait de vains ef-
» forts pour l'anéantir. Le doute philofophique
eft aucontraire le premier effort
» d'une ame généreufe , qui veut fecouer
» le joug de l'erreur : c'eft le premier pas
» qu'il faut faire pour arriver à la cer-
» titude , & il n'est pas moins oppofé à
l'aveugle indécifion du Pyrrhonien , qu'à
» l'aveugle témérité du Dogmatique . C'eft
» moins un doute réel , qu'un examen
» après coup , par lequel la raifon rentre
» dans fes droits , & ſe prépare à la vérité ,
"
و ر
DECEMBRE . 1755. 113
en fe dégageant des entraves de l'opi-
» nion. "
Il ne faudroit pas moins que copier le
Difcours d'un bout à l'autre , pour mettre
à portée de juger de la jufteffe des remarques
de M. Gueneau , & en même- temps
faire appercevoir l'enchaînement de fes
idées , avec leur dépendance mutuelle .
C'est pourquoi nous ne pouvons trop
en recommander la lecture , qui fervira à
confirmer la bonne opinion que nous
avons conçue du travail de l'Auteur. L'é
poque de la révolution que la Philofophie
a éprouvée dans ces derniers fiécles , fixe
toute fon attention . Elle doit fe rapporter
à la naiffance de ces Grands hommes , qui
ont diffipé les ténébres que la Scholaftique
avoit répandues fur les Sciences . On
voit ici paroître tour à tour le Chancelier
Bacon , Galilée , Defcartes , Mallebranche ,
Leibnitz & Newton , qu'il fuffit de nommer
pour faire leur éloge. M. Gueneau
puife dans le vrai les traits que fa plume
lui fournit , pour caracteriſer là trempe
de leur efprit. L'équité dirige par - tout les
jugemens , lorfqu'il eft queftion d'apprécier
le mérite de leurs découvertes . Il
procéde à l'examen des hypotèfes qu'il
fçait réduite à leur jufte valeur . Descartes
ne trouve dans l'Auteur qu'un Cenfeur
114 MERCURE DE FRANCE.
éclairé qui témoigne fon eftimne pour lui ,
dans le temps même qu'il appuye le plus
fortement fur les erreurs qui font parti
culieres à ce Philofophe. Elles apprennent
à fe tenir en garde contre les écarts de l'imagination
, à laquelle Defcartes femble
avoir donné trop d'effor dans la maniere
d'établir fon fyftême Phyfique . Il y a
moyen de les rectifier par les propres principes
de fa Méthode qui a tracé la route
qui conduit à la vérité. L'Auteur reconnoît
avec plaifir les obligations infinies
que l'on a à ce grand homme , dont le
génie vafte & profond embraffoit les ob
jets les plus fublimes , comme il eſt aiſé
de s'en convaincre par fes Méditations .
S'il n'a pas toujours réuffi dans l'explication
des loix de la nature , ce n'eſt pas
une raifon pour lui refufer un talent fu
périeur , & encore moins pour le traiter
avec mépris. C'est ce que font pourtant
certains Modernes , dont une prévention
outrée régle tous les fentimens . Sa réputation
ne fera pas moins en fureté , pour
être uniquement attaquée par des gens que
les préjugés fubjuguent .
.. On ne fera fans doute pas fâché de fçavoir
comment M. Gueneau a faifi le caractere
de la Philofophie du célébre Anglois
, de qui les opinions font à préſent
DECEMBRE. 1755. IT'S
dominantes . Voici ce qu'il dit à ce fujet .
» Enfin Newton parut , étonna l'Univers ,
» & l'éclaira d'un nouveau jour : il pur-
» gea la Philofophie de tout ce que le Car-
» téfianiſme y avoit laiffé ou mis d'erreur
» & d'incertitude : il ia ramena de la fpé-
» culation des caufes poffibles à l'obfer-
» vation des effets récis : il penfa que fi
» l'on connoiffoit bien l'enchaînement &
la loi de tous les phénomenes , on con-
» noîtroit affez la nature : il regarda les
» hypothèſes commes ces nuages voltigeans
, qu'amene un tourbillon qu'un
» fouffle diffipe , & qui interceptent la
»lumiere, ou qui l'alterent en la réfléchiffant.
Ces principes joints à de grandes
a vues , à une fagacité prodigieufe , & à
» un travail infatigable , le conduifirent à
» des découvertes également hautes & fo-
» lides .
M. Gueneau entre enfuite dans le dérail
du plan fur lequel la Collellion Académique
a été exécutée , & nous inftruit du
but que l'on s'y eft propofé . Cet Ouvrage
porte de lui -même fa recommandation
fans qu'il foit befoin de s'étendre fur les
avantages inconteftables qui lui font propres.
C'est une tâche que l'Editeur a
très -bien remplie . Il fait honneur de la
premiere idée de cette Collection , à feu M.
T16 MERCURE DE FRANCE.
Berryat , Docteur en Médecine , & Correfpondant
de l'Académie Royale des
Sciences de Paris . Il ne doute pas que ce
projet n'eût reçu fous les mains de cet habile
homme toute l'étendue & toute la
perfection qu'il comportoit , fi fa mort
n'eût mis un obftacle invincible à l'éxécution
de fes vues fur cet article. M. Gueneau
s'eft donc à fon défaut chargé de l'entrepriſe
, dont l'importance a engagé plufieurs
Gens de Lettres à s'affocier à fes
travaux , pour concourir avec lui par leurs
foins , à la publication de ce vafte Recueil.
11 obferve que le nombre des Académies
qui fe multiplient tous les jours
rend cette Collection abfolument néceffaire
: elle offre tout ce que les compilations
peuvent avoir d'avantageux , & eft
exempte des défauts qui leur font ordinaires
. Nous ofons dire de plus que le
difcernement qu'on remarque dans le
choix des fujets qui conftituent ce Recueil,
la rend très- estimable . Son objet eft de renfermer
les obfervations & les découvertes
faites depuis le renouvellement de la Philofophie
, par les plus fameux Phyficiens
de l'Europe , fur l'Histoire Naturelle & la
Botanique , la Phyſique expérimentale & la
Chimie , la Médecine & l'Anatomie. Les
Mémoires des Académies célébres , & les
,
DECEMBRE. 1755. 117
bons Ouvrages périodiques de France ,
d'Angleterre, d'Italie & d'Allemagne , doivent
fournir les materiaux de cette Collection.
On fe propofe de raffembler avec
foin en moins de quarante Volumes , tous
les faits relatifs à ces trois parties de la
Philofopie naturelle ; ce qui épargnera la
peine de les chercher dans plus de huit
cens Volumes originaux écrits en différentes
langues , où ils font répandus. On
s'eft attaché dans leur arrangement à l'ordre
des temps , parce qu'il eft le plus propre
l'inftruction des Lecteurs. Il n'y a qu'une
circonftance où l'on a cru devoir s'en écar
ter ; c'eft lorfqu'il a fallu rapprocher cer
tains faits , qui n'empruntent leur évidence
que de leur réunion. On aura dans cette
Collection , une fuite d'expériences &
d'obfervations comme enchaînées les unes'
aux autres : les voies de la comparaifon
qu'elle facilitera , rendront par ce moyen
leur utilité plus fenfible. Elle a d'autant
plus de droit de s'attendre à un accueil favorable
de la part des perfonnes qui s'oc
cupent de l'étude de la nature ; que le fuccès
des diverfes piéces qu'elle met fous
leurs yeux , eft confirmé depuis long temps
par le fceau de l'approbation publique.
Il ne paroît encore que trois Volumes ; on
en promet un quatrième pour Pâques 1756,
1S MERCURE DE FRANCE.
& on s'engage à donner les autres fucceffivement
de fix mois en fix mois . Nous
allons expofer un précis des matieres qu'ils .
contiennent , felon la divifion qui leur appartient.
C'est tout ce que nous pouvons faire pour
un Ouvrage , qui par fa nature n'eſt guete
fufceptible d'extrait. Les trois parties
différentes qui entrent dans fa compofition
, peuvent-être détachées ; de forte.
qu'il fera facile d'en former trois fuites
féparées , dont chacune fera complete en:
fon genre. En ce cas , ceux qui voudront
fe borner à l'acquifition de l'une des trois ,
auront la liberté de fe fatifaire . Cependant
nous croyons que toutes les trois préfentent
des chofes capables d'intereffer la
curiofité des Sçavans , & de les déterminer
par conféquent à acquérir la Collection
entiere. Le premier Volume comprend ,
outre le Difcours préliminaire dont nous
avons déja parlé , tout ce que l'Académie
del Cimento de Florence a mis au jour fous
le titre d'Effais d'Expériences Phyfiques, avec
les additions du Docteur Muffchenbroek ,
qui font en notes, Elles roulent fur les obfervations
poftérieures , comparées avec
celles des Phyficiens de Florence , & traitent
de quantité de découvertes du Docteur
Muffchenbroek lui-même , fur toutes forDECEMBRE.
1755 119
es de matieres ; mais particulierement fur
la formation de la glace , fur l'expanfion
des folides caufés par l'action de la chaleur
, fur l'effervefcence réfultant des différens
mélanges , &c. Le nouvel Editeur
a joint un extrait des vingt premieres années
du Journal des Sçavans , où l'on a réuni
toutes les piéces de ce Journal , qui ont
rapport à l'objet de la Collection Académique.
Le fecond Volume contient les quatorze
premieres années des Tranfactions Philo-
Sophiques de la Société Royale de Londres ,
& la Collection Philofophique publiée par le
Docteur Hook , pour remplir une lacune
de près de cinq années , qui fe trouve dans
la fuite des Tranfallions , depuis 1678 .
jufqu'en 1683 .
La premiere Décurie des Ephémérides
de l'Académie des Curieux de la Nature
Allemagne , & la moitié de la feconde
Décurie , qui va jufqu'en 1686. font la:
matiere du troifiéme Volume,
Il eft jufte que nous fallions connoître
les noms des Gens de Lettres à qui le Public
eft redevable de la traduction des
piéces qui compofent les Recueils Originaux
, d'où ont été tirés ces premiers Volumes
de la Collection Académique .
On ne les fçauroit trop louer d'avoir tra120
MERCURE DE FRANCE.
vaillé à tranſmettre dans notre Langue , les
grandes découvertes qu'elles renferment.
Le Traducteur des Effais de l'Académie
del Cimento , a voulu garder l'Anonyme ,
& cela par des motifs qu'on ne fpécifie
point. On nous apprend que M. Lavirotte,
Docteur-Régent de la Faculté de Médecine
de Paris , Cenfeur Royal , & l'un des
Auteurs du Journal des Sçavans , a pris
fur lui le foin de revoir la traduction de ce
Morceau .
Ce qui paroît des Tranfactions Philofophiques
, a été traduit par M. Roux , Docteur
en Médecine , par M. Larcher , par
M. le Chevalier de Buffon , & par M.
Daubenton , frere aîné de l'Académicien
du même nom, & l'un des Auteurs de
l'Encyclopedie.
Les articles qui concernent l'Agriculture
, ont été confiés à M. Daubenton ; &
il étoit mal aifé de choisir quelqu'un qui
fût plus en état que lui de fe bien acquitter
de cette partie qu'il poffede à fonds .
Les Ephém rides d'Allemagne ont été
traduites par M. Nadaut , Avocat Général
Honoraire de la Chambre des Comptes de
Dijon , & Correfpondant de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , & par M.
Daubenton le jeune, proche parent de ceux
du même nom , que nous venons de citer.
M.
DECEMBRE . 1755. 121
M. Barberet , Docteur en Médecine à Dijon
, a dreffé les Tables Alphabétiques rai .
Jonnées , qui font à la fin de chaque Volume.
Il eſt aifé de fentir les avantages
attachés à cette Collection , par ce détail
qui indique le fonds de l'Ouvrage. Nous
ajouterons qu'elle eft enrichie de plus de
150 figures , fur près de So planches en
taille- douce. Il faut dire à la louange des
Libraires affociés , qu'il n'ont rien épargné
de tout ce qui dépend de l'Art Typogra
phique , dont l'exécution répond parfaitement
à la beauté de l'entreprife .
Nous n'appuierons pas davantage fur
les éloges que méritent les vues de l'Editeur
, & les travaux de fes collegues . Ce
font autant de moyens qui concourent à
rendre la nouvelle Collection infiniment
précieufe aux connoiffeurs , & à leur faire
défirer avec empreffement les volumes fuivans.
la nouvelle Collection académique ,
c. avec promeffe d'en parler plus expreffément
une autre fois . Nous allons la
remplir . La feule infpection de fon titre a
dû déja faire connoître l'étendue du projet
de l'Editeur.
Cet ouvrage eft précédé d'un beau difcours
préliminaire qui préfente des vues
très- philofophiques . Elles font juger avantageufement
du mérite de M. Gueneau
qui en eft l'Auteur. Comme il fent vivement
l'importance des vérités phyfiques
que cette collection a pour objet , il s'exprime
de même. Les matieres les plus abftraites
deviennent intéreffantes fous une
main auffi habile que la fienne . Il joint à
la profondeur du raifonnement l'éloquence
du ftyle ; deux qualités d'autant plus
dignes d'éloges , qu'elles ne vont pas toujours
enfemble.
On n'entend pas ici cette éloquence qui
cherche à furprendre par de fauffes lueurs ,
& qui fait difparoître la vérité fous des
ornemens qui lui font étrangers. Toat
homme qui penfe en philofophe , eft bien
éloigné de l'employer à un pareil ufage.
Ce feroit prendre l'abus de l'éloquence
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
pour l'eloquence elle- même , qui a pour
bale la folidité du jugement . On entend
donc par là cette énergie d'expreffion qui
communique ,, pour ainfi dire , la vie aux
idées dont elle rend la force plus fenfible ,
en leur prêtant un nouvel éclat . M. Gueneau
débute par des réflexions générales fur
la marche de l'efprit humain dans le développement
des connoillances qui appartiennent
à l'étude de la nature Il en marque
les progrès , & failit avec art tous
les rapports qui en dépendent. Il infifte
particulierement fur la néceffité de l'obfervation
, dont il analyſe les principes . It
approfondit la méthode qui doit fervir de
guide aux Obfervateurs dans leurs recherches
,pour
arriver à la certitude phyfique.
»Le premier objet ( dit- il ) qui fe préten-
» te à obferver , celui qu'il nous importe le
» plus de bien connoître , c'eft nous- mêmes.
Cette efpece d'obfervation inté-
» rieure doit précéder toute autre obfer-
» vation , & peut feule nous rendre capables
de juger fainement des êtres qui
» font hors de nous En effet nous ne connoiffons
point immédiatement ces êtres ;
nous ne pourrons jamais pénétrer leur
nature intime , & leur effence réelle ; les
idées que nous en avons , fe terminent
à leur furface , & même à parler rigouDECEMBRE
. 1755. 109
"
reuſement , nous n'appercevons point
» ces furfaces , mais feulement les impref-
»fions qu'elles font fur nos organes . Tou-
» tes ces vérités font certaines pour quiconque
fçait réfléchir ; & s'il eft abfurde à
» l'Egoifte d'en conclure qu'il exifte ſeul ;
»de suppofer que ce qu'on appelle les ob-
» jets extérieurs , ne font autre choſe que
»fes différentes manieres de voir , & n'ont
» aucune réalité hors de lui ; de fe perfua-
» der que les limites de fon être font celles
» de la nature ; & de vouloir ainfi réduire
» l'univers aux dime fons d'un atome ,
» il eft raisonnable aufli d'avouer que la
» maniere dont nous connoiffons notre
» exiftence , eft très- différente de celle
» dont nous connoiffons toute autre exif-
"tence : la premiere eft une confcience
intime , un fentiment profond ; la fe-
» conde eft une conféquence déduite de
» cette vérité premiere : la certitude eft
égale des deux côtés ; mais la preuve
» n'eft pas la même. Dans le premier cas ,
» ceft une lumiere directe immédiate-
»ment préfente à notre ame ; dans le fe-
»' cond , c'est une lumiere réfléchie par des
objets extérieurs , & modifiée par nos
» fens. Car nos fens font la feule voye
≫ par laquelle nous puiffions communi-
" quer avec la nature ; c'eft un milieu
110 MERCURE DE FRANCE.
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interpofé entre notre ame & le monde
» phyfique'; milieu à travers lequel paf-
» fent néceffairement les images des cho-
» fes , ou plutôt les ombres projettées fur
» notre fens intérieur. Il faut donc avant
" tout travailler à épurer ce milieu , & à
» écarter tout ce qui pourroit alterer ces
images primitives , & les teindre de
couleurs étrangeres ; ou du moins il faut
» fe mettre en état de reconnoître , & même
de rectifier les altérations qu'elles
» fubiffent à leur paffage. »
"
"3
D
Ce que nous venons de rapporter du
Difcours de M. Gueneau , montre qu'il
employe heureufement les notions métaphyfiques
dans la définition des chofes
dont il traite , & fuffit en même-temps ,
pour donner une idée de fa maniere d'écrire
, analogue à fa façon de penfer. Nous
ajouterons un autre morceau qui nous paroît
frappé au même coin. Il s'agit de repréfenter
les effets que le préjugé a coututume
de produire , & les funeftes fuites
qu'il entraîne après lui : Voici comme s'explique
l'Auteur. » Le préjugé eft le plus
grand ennemi de la vérité , & par con-
» féquent de l'homme , puifque l'hom-
» me ne peut fe rendre heureux que par
« la connoiffance de la vérité. Cet enne-
» mi nous obféde dès notre naiffance ,
DECEMBRE. 1755. Τ
ou plutôt il femble être né avec nous :
» à peine notrepaupiere commence à s'ou-
» vrir , qu'il nous enveloppe de fes om-
» bres : fon murmure confus eft le pre-
» mier bruit qui frappe nos oreilles ; &
» nos premiers regards font fouillés par
l'erreur. A mefure que nos facultés fe
développent , le préjugé fe les affujetir ,
& fe fortifie avec elles : non- feulement
» il falfifie le témoignage de nos lens ,
» il obfurcit encore les foibles lueurs de
» notre raifon. L'éducation , l'exemples,
23
toute communication avec les autres
» hommes , lui fervent fouvent de moyen
» pour accroître & perpétuer fa contagion
: quelquefois il fe fait la guerre à
» lui-même , pour triompher de nous plus
furement ; il n'eft point de formes qu'il
» ne prenne pour nous fubjuguer , ou pour
» nous féduire , & jamais il n'eft plus ter-
» rible , que lorfqu'il fe produit fous des
» dehors refpectés. Cependant il nuit en
» core moins à la vérité par les menfonges
qu'il accrédite , que par le vice qu'il
» introduit dans la méthode de raifonner.»
M. Gueneau propofe enfuite le reméde
qu'il faut appliquer au mal , & il qualifie
ce reméde de donte méthodique. » C'est
( continue- t'il ) cette ignorance de convention,
par laquelle un Philofophe s'é-
و د
"""
112 MERCURE DE FRANCE.
و ر
"
» leve au - deffus de fes opinions , que le
vulgaire appelle fes connoillances , afin
» de les juger toutes avec une fermeté
» éclairée , d'affigner à chacune fon dégré
précis de probabilité , de rejetter
» toutes celles qui ne font point fondées ,
» & de s'attacher inviolablement à la vé-
» rité mieux connue. Ce doute eft appellé
» méthodique , parce qu'il fuppofe une
méthode fure de diftinguer l'obfcur de
» l'évident , le faux du vrai , & même le
» vrai du vaiſemblable. Il ne fufpend no-
» tre jugement , que lorfque la lumiere
» vient à nous manquer : il differe effen-
» tiellement du Pyrrhonifme , qui n'eſt
» autre chofe que le défefpoir d'un efprit
» foible , qui a fçu fe defabufer de fes pré-
» jugés , mais qui n'ayant pas le courage
» de chercher la vérité , fait de vains ef-
» forts pour l'anéantir. Le doute philofophique
eft aucontraire le premier effort
» d'une ame généreufe , qui veut fecouer
» le joug de l'erreur : c'eft le premier pas
» qu'il faut faire pour arriver à la cer-
» titude , & il n'est pas moins oppofé à
l'aveugle indécifion du Pyrrhonien , qu'à
» l'aveugle témérité du Dogmatique . C'eft
» moins un doute réel , qu'un examen
» après coup , par lequel la raifon rentre
» dans fes droits , & ſe prépare à la vérité ,
"
و ر
DECEMBRE . 1755. 113
en fe dégageant des entraves de l'opi-
» nion. "
Il ne faudroit pas moins que copier le
Difcours d'un bout à l'autre , pour mettre
à portée de juger de la jufteffe des remarques
de M. Gueneau , & en même- temps
faire appercevoir l'enchaînement de fes
idées , avec leur dépendance mutuelle .
C'est pourquoi nous ne pouvons trop
en recommander la lecture , qui fervira à
confirmer la bonne opinion que nous
avons conçue du travail de l'Auteur. L'é
poque de la révolution que la Philofophie
a éprouvée dans ces derniers fiécles , fixe
toute fon attention . Elle doit fe rapporter
à la naiffance de ces Grands hommes , qui
ont diffipé les ténébres que la Scholaftique
avoit répandues fur les Sciences . On
voit ici paroître tour à tour le Chancelier
Bacon , Galilée , Defcartes , Mallebranche ,
Leibnitz & Newton , qu'il fuffit de nommer
pour faire leur éloge. M. Gueneau
puife dans le vrai les traits que fa plume
lui fournit , pour caracteriſer là trempe
de leur efprit. L'équité dirige par - tout les
jugemens , lorfqu'il eft queftion d'apprécier
le mérite de leurs découvertes . Il
procéde à l'examen des hypotèfes qu'il
fçait réduite à leur jufte valeur . Descartes
ne trouve dans l'Auteur qu'un Cenfeur
114 MERCURE DE FRANCE.
éclairé qui témoigne fon eftimne pour lui ,
dans le temps même qu'il appuye le plus
fortement fur les erreurs qui font parti
culieres à ce Philofophe. Elles apprennent
à fe tenir en garde contre les écarts de l'imagination
, à laquelle Defcartes femble
avoir donné trop d'effor dans la maniere
d'établir fon fyftême Phyfique . Il y a
moyen de les rectifier par les propres principes
de fa Méthode qui a tracé la route
qui conduit à la vérité. L'Auteur reconnoît
avec plaifir les obligations infinies
que l'on a à ce grand homme , dont le
génie vafte & profond embraffoit les ob
jets les plus fublimes , comme il eſt aiſé
de s'en convaincre par fes Méditations .
S'il n'a pas toujours réuffi dans l'explication
des loix de la nature , ce n'eſt pas
une raifon pour lui refufer un talent fu
périeur , & encore moins pour le traiter
avec mépris. C'est ce que font pourtant
certains Modernes , dont une prévention
outrée régle tous les fentimens . Sa réputation
ne fera pas moins en fureté , pour
être uniquement attaquée par des gens que
les préjugés fubjuguent .
.. On ne fera fans doute pas fâché de fçavoir
comment M. Gueneau a faifi le caractere
de la Philofophie du célébre Anglois
, de qui les opinions font à préſent
DECEMBRE. 1755. IT'S
dominantes . Voici ce qu'il dit à ce fujet .
» Enfin Newton parut , étonna l'Univers ,
» & l'éclaira d'un nouveau jour : il pur-
» gea la Philofophie de tout ce que le Car-
» téfianiſme y avoit laiffé ou mis d'erreur
» & d'incertitude : il ia ramena de la fpé-
» culation des caufes poffibles à l'obfer-
» vation des effets récis : il penfa que fi
» l'on connoiffoit bien l'enchaînement &
la loi de tous les phénomenes , on con-
» noîtroit affez la nature : il regarda les
» hypothèſes commes ces nuages voltigeans
, qu'amene un tourbillon qu'un
» fouffle diffipe , & qui interceptent la
»lumiere, ou qui l'alterent en la réfléchiffant.
Ces principes joints à de grandes
a vues , à une fagacité prodigieufe , & à
» un travail infatigable , le conduifirent à
» des découvertes également hautes & fo-
» lides .
M. Gueneau entre enfuite dans le dérail
du plan fur lequel la Collellion Académique
a été exécutée , & nous inftruit du
but que l'on s'y eft propofé . Cet Ouvrage
porte de lui -même fa recommandation
fans qu'il foit befoin de s'étendre fur les
avantages inconteftables qui lui font propres.
C'est une tâche que l'Editeur a
très -bien remplie . Il fait honneur de la
premiere idée de cette Collection , à feu M.
T16 MERCURE DE FRANCE.
Berryat , Docteur en Médecine , & Correfpondant
de l'Académie Royale des
Sciences de Paris . Il ne doute pas que ce
projet n'eût reçu fous les mains de cet habile
homme toute l'étendue & toute la
perfection qu'il comportoit , fi fa mort
n'eût mis un obftacle invincible à l'éxécution
de fes vues fur cet article. M. Gueneau
s'eft donc à fon défaut chargé de l'entrepriſe
, dont l'importance a engagé plufieurs
Gens de Lettres à s'affocier à fes
travaux , pour concourir avec lui par leurs
foins , à la publication de ce vafte Recueil.
11 obferve que le nombre des Académies
qui fe multiplient tous les jours
rend cette Collection abfolument néceffaire
: elle offre tout ce que les compilations
peuvent avoir d'avantageux , & eft
exempte des défauts qui leur font ordinaires
. Nous ofons dire de plus que le
difcernement qu'on remarque dans le
choix des fujets qui conftituent ce Recueil,
la rend très- estimable . Son objet eft de renfermer
les obfervations & les découvertes
faites depuis le renouvellement de la Philofophie
, par les plus fameux Phyficiens
de l'Europe , fur l'Histoire Naturelle & la
Botanique , la Phyſique expérimentale & la
Chimie , la Médecine & l'Anatomie. Les
Mémoires des Académies célébres , & les
,
DECEMBRE. 1755. 117
bons Ouvrages périodiques de France ,
d'Angleterre, d'Italie & d'Allemagne , doivent
fournir les materiaux de cette Collection.
On fe propofe de raffembler avec
foin en moins de quarante Volumes , tous
les faits relatifs à ces trois parties de la
Philofopie naturelle ; ce qui épargnera la
peine de les chercher dans plus de huit
cens Volumes originaux écrits en différentes
langues , où ils font répandus. On
s'eft attaché dans leur arrangement à l'ordre
des temps , parce qu'il eft le plus propre
l'inftruction des Lecteurs. Il n'y a qu'une
circonftance où l'on a cru devoir s'en écar
ter ; c'eft lorfqu'il a fallu rapprocher cer
tains faits , qui n'empruntent leur évidence
que de leur réunion. On aura dans cette
Collection , une fuite d'expériences &
d'obfervations comme enchaînées les unes'
aux autres : les voies de la comparaifon
qu'elle facilitera , rendront par ce moyen
leur utilité plus fenfible. Elle a d'autant
plus de droit de s'attendre à un accueil favorable
de la part des perfonnes qui s'oc
cupent de l'étude de la nature ; que le fuccès
des diverfes piéces qu'elle met fous
leurs yeux , eft confirmé depuis long temps
par le fceau de l'approbation publique.
Il ne paroît encore que trois Volumes ; on
en promet un quatrième pour Pâques 1756,
1S MERCURE DE FRANCE.
& on s'engage à donner les autres fucceffivement
de fix mois en fix mois . Nous
allons expofer un précis des matieres qu'ils .
contiennent , felon la divifion qui leur appartient.
C'est tout ce que nous pouvons faire pour
un Ouvrage , qui par fa nature n'eſt guete
fufceptible d'extrait. Les trois parties
différentes qui entrent dans fa compofition
, peuvent-être détachées ; de forte.
qu'il fera facile d'en former trois fuites
féparées , dont chacune fera complete en:
fon genre. En ce cas , ceux qui voudront
fe borner à l'acquifition de l'une des trois ,
auront la liberté de fe fatifaire . Cependant
nous croyons que toutes les trois préfentent
des chofes capables d'intereffer la
curiofité des Sçavans , & de les déterminer
par conféquent à acquérir la Collection
entiere. Le premier Volume comprend ,
outre le Difcours préliminaire dont nous
avons déja parlé , tout ce que l'Académie
del Cimento de Florence a mis au jour fous
le titre d'Effais d'Expériences Phyfiques, avec
les additions du Docteur Muffchenbroek ,
qui font en notes, Elles roulent fur les obfervations
poftérieures , comparées avec
celles des Phyficiens de Florence , & traitent
de quantité de découvertes du Docteur
Muffchenbroek lui-même , fur toutes forDECEMBRE.
1755 119
es de matieres ; mais particulierement fur
la formation de la glace , fur l'expanfion
des folides caufés par l'action de la chaleur
, fur l'effervefcence réfultant des différens
mélanges , &c. Le nouvel Editeur
a joint un extrait des vingt premieres années
du Journal des Sçavans , où l'on a réuni
toutes les piéces de ce Journal , qui ont
rapport à l'objet de la Collection Académique.
Le fecond Volume contient les quatorze
premieres années des Tranfactions Philo-
Sophiques de la Société Royale de Londres ,
& la Collection Philofophique publiée par le
Docteur Hook , pour remplir une lacune
de près de cinq années , qui fe trouve dans
la fuite des Tranfallions , depuis 1678 .
jufqu'en 1683 .
La premiere Décurie des Ephémérides
de l'Académie des Curieux de la Nature
Allemagne , & la moitié de la feconde
Décurie , qui va jufqu'en 1686. font la:
matiere du troifiéme Volume,
Il eft jufte que nous fallions connoître
les noms des Gens de Lettres à qui le Public
eft redevable de la traduction des
piéces qui compofent les Recueils Originaux
, d'où ont été tirés ces premiers Volumes
de la Collection Académique .
On ne les fçauroit trop louer d'avoir tra120
MERCURE DE FRANCE.
vaillé à tranſmettre dans notre Langue , les
grandes découvertes qu'elles renferment.
Le Traducteur des Effais de l'Académie
del Cimento , a voulu garder l'Anonyme ,
& cela par des motifs qu'on ne fpécifie
point. On nous apprend que M. Lavirotte,
Docteur-Régent de la Faculté de Médecine
de Paris , Cenfeur Royal , & l'un des
Auteurs du Journal des Sçavans , a pris
fur lui le foin de revoir la traduction de ce
Morceau .
Ce qui paroît des Tranfactions Philofophiques
, a été traduit par M. Roux , Docteur
en Médecine , par M. Larcher , par
M. le Chevalier de Buffon , & par M.
Daubenton , frere aîné de l'Académicien
du même nom, & l'un des Auteurs de
l'Encyclopedie.
Les articles qui concernent l'Agriculture
, ont été confiés à M. Daubenton ; &
il étoit mal aifé de choisir quelqu'un qui
fût plus en état que lui de fe bien acquitter
de cette partie qu'il poffede à fonds .
Les Ephém rides d'Allemagne ont été
traduites par M. Nadaut , Avocat Général
Honoraire de la Chambre des Comptes de
Dijon , & Correfpondant de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , & par M.
Daubenton le jeune, proche parent de ceux
du même nom , que nous venons de citer.
M.
DECEMBRE . 1755. 121
M. Barberet , Docteur en Médecine à Dijon
, a dreffé les Tables Alphabétiques rai .
Jonnées , qui font à la fin de chaque Volume.
Il eſt aifé de fentir les avantages
attachés à cette Collection , par ce détail
qui indique le fonds de l'Ouvrage. Nous
ajouterons qu'elle eft enrichie de plus de
150 figures , fur près de So planches en
taille- douce. Il faut dire à la louange des
Libraires affociés , qu'il n'ont rien épargné
de tout ce qui dépend de l'Art Typogra
phique , dont l'exécution répond parfaitement
à la beauté de l'entreprife .
Nous n'appuierons pas davantage fur
les éloges que méritent les vues de l'Editeur
, & les travaux de fes collegues . Ce
font autant de moyens qui concourent à
rendre la nouvelle Collection infiniment
précieufe aux connoiffeurs , & à leur faire
défirer avec empreffement les volumes fuivans.
Fermer
Résumé : « Nous avons annoncé au mois de Septembre la nouvelle Collection académique, [...] »
Le texte annonce la publication d'une nouvelle Collection académique, précédée d'un discours préliminaire de M. Gueneau. Ce discours expose des vues philosophiques et met en avant l'importance des vérités physiques. Gueneau combine profondeur de réflexion et éloquence stylistique, tout en évitant l'éloquence trompeuse. Il insiste sur l'observation et la méthode pour atteindre la certitude physique, commençant par l'observation de soi-même avant d'explorer le monde extérieur. Le préjugé est identifié comme un ennemi de la vérité, et Gueneau propose un doute méthodique pour le combattre. Le texte mentionne également des figures historiques telles que Bacon, Galilée, Descartes, Malebranche, Leibniz et Newton, soulignant leurs contributions à la philosophie et à la science. La Collection académique vise à rassembler les observations et découvertes des plus célèbres physiciens européens dans divers domaines scientifiques, évitant ainsi la dispersion des informations dans de nombreux volumes originaux. Le texte précise que trois volumes sont déjà publiés, avec un quatrième prévu pour Pâques 1756. Cette collection facilite la comparaison entre expériences et observations et est destinée aux personnes étudiant la nature. Elle a déjà reçu l'approbation publique. Le premier volume inclut les 'Essais d'Expériences Physiques' de l'Académie del Cimento de Florence, avec des additions du Docteur Musschenbroek, traitant de diverses découvertes, notamment sur la formation de la glace et l'expansion des solides chauffés. Il comprend également un extrait des vingt premières années du 'Journal des Sçavans'. Le deuxième volume contient les quatorze premières années des 'Transactions Philosophiques' de la Société Royale de Londres et une collection philosophique du Docteur Hook. Le troisième volume présente les 'Éphémérides' de l'Académie des Curieux de la Nature en Allemagne, couvrant les années jusqu'en 1686. Les traductions des textes originaux ont été réalisées par plusieurs savants, dont M. Lavirotte, M. Roux, M. Larcher, le Chevalier de Buffon, M. Daubenton, M. Nadaut, et M. Barberet. La collection est enrichie de plus de 150 figures sur près de 50 planches en taille-douce et bénéficie d'une excellente qualité typographique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 121-126
« GÉOGRAPHIE GÉNÉRALE composée en latin par Bernard Varenius, revue par [...] »
Début :
GÉOGRAPHIE GÉNÉRALE composée en latin par Bernard Varenius, revue par [...]
Mots clefs :
Géographie, Réflexions, Réflexions, Isaac Newton
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « GÉOGRAPHIE GÉNÉRALE composée en latin par Bernard Varenius, revue par [...] »
GÉOGRAPHIE GÉNÉRALE compofée en
latin par Bernard Varenius , revue par
Ifaac Newton , augmentée par Jacques Jurin
, traduite en anglois d'après les éditions
latines données par ces auteurs ,
avec des additions fur les nouvelles découvertes
, & préfentement traduite de l'anglois
en François avec des figures en taille-
I. Vol F
122 MERCURE DE FRANCE .
douce . A Paris , chez Vincent , rue S. Severin
, à l'Ange ; & Lottin , rue S. Jacques ,
au Coq , 1755. 4. vol. in-1 2.
Le titre feul déclare affez l'importance
de cet Ouvrage dont l'auteur eft Varenius
qui l'a écrit en latin . Les fréquentes éditions
de ce livre , qui fe font , pour ainfi
dire , fuccédées les unes aux autres , font
une preuve de fa bonté , & font fon plus
bel éloge . Le fuffrage d'un auffi grand
somme que M. Newton , ajoute le dernier
trait à fa louange . Cet illuftre philofophe
le jugea digne de fon attention ,
puifqu'il voulut lui-même prendre foin de
l'édition qui parut en 1672 à Cambridge :
il occupoit alors une chaire de Mathématiques
dans la fameufe Univerfité de cette
ville. Il commenta Varenius qui a traité
fon fujet en Géometre & en Phyficien ;
il trouva fa Géographie très-propre à être
mife entre les mains de fes éleves à qui il
faifoit des leçons publiques fur la même
matiere. Il la corrigea dans les chofes où
Varenius avoit fe il éclaircit
pu tromper ;
celles que celui ci n'avoit point affez développées
, & l'augmenta en beaucoup
d'endroits pour fuppléer à ce qui manquoit
pour la perfection de l'Ouvrage. Il fuffifoit
qu'un livre eût été revu par M. Newton
avec autant d'exactitude de fa part ,
DECEMBRE. 1755. 123
pour accélérer le débit de l'édition qui
s'épuifa malgré la quantité d'exemplaires.
qui s'étoient diftribuées à Cambridge . C'eft
ce qui engagea dans la fuite du tems , le
Docteur Jurin à donner une nouvelle édition
de cette Géographie , qu'il accompagna
d'un très- bon fupplément qui renferme
les découvertes les plus modernes pour
l'inftruction des jeunes étudians. Il la dédia
au Docteur Bentlei , à la follicitation
duquel il l'avoit entrepriſe. C'eft d'après
cette derniere édition latine , qu'a été compofée
la Traduction angloife qui paroît
être fort eftimée ; & la Traduction françoife
que nous annonçons , a été faite
fur cette Edition Angloife , fupérieure à
toutes les Editions Latines qui l'ont précédée.
Au moins , c'est ce que nous affure
M. de Puifieux qui eft le Traducteur françois
, & qui ne fe fera fans doute déterminé
à porter un pareil jugement , qu'après
les avoir comparées enfemble . On
doit lui fçavoir gré d'avoir rendu public
en notre langue un ouvrage auffi effentiel
pour perfectionner les connoiffances rela
tives à la Géographie . Ce livre eft trop
connu parmi les Sçavans pour nous arrêter
ici à en apprécier le mérite ; & la réputa
tion décidée dont il jouit nous difpenfe
d'en faire l'extrait. Fij
124 MERCURE
DE FRANCE.
REFLEXIONS fur les connoiffances
préliminaires au Chriftianifme , pour fervir
à l'inftruction des jeunes gens. A Paris ,
chez Vincent , rue S. Severin , à l'Ange ,
1 vol. in-12 . 1755 .
L'objet de ces réflexions eft l'expofition
des preuves qui établiffent l'existence de
Dieu , de la connoiffance duquel émane
la Religion qui , envifagée dans fon état
naturel , oblige l'homme fa créature , à des
devoirs envers lui . Ces confidérations préliminaires
conduifent à la néceffité d'admettre
une révélation ; & c'eſt d'elle que
le Chriftianifme tire toute fa force &
l'excellence de fa morale . L'Auteur a pour
cet effet retracé toutes les vérités qu'il
enfeigne dans une courte analyſe qui eft
une fuite de ces Réflexions . Elle fervira à
donner une teinture des notions Théologiques
à ceux qui ne fçavent tout au plus
que ce que leur catéchifme a pu leur apprendre.
On nous dit dans un avertiſſement
que l'inftruction des jeunes gens eft l'unique
but que l'Auteur s'eft propofé dans l'ouvrage
qu'il publie . On ajoute que le feul
fruit qu'il cherche à recueillir de fes foins ,
eft celui de former la jeuneffe aux vertus
dont la pratique eft recommandée par les
préceptes de l'Evangile. Cet aveu fait
DECEMBRE. 1755. 125
voir que fes vues font aufli louables que
fon travail eft édifiant .
PARAPHRASE & Explication des Pleaumes,
avec le texte de laVulgate ajouté à la
fuite felon l'ordre de cette Verfion , &
felon les Variantes Hébraïques . A Paris ,
chez Vincent , rue faint Severin , à l'Ange,
1755. gros volume in- 12 . Le même Libraire
vient de donner une nouvelle édition
d'un ouvrage intitulé , Confolations
chrétiennes avec des Réfléxions fur les buit
beatitudes , & la Paraphrafe des trois Cantiques
du Dante. Il a imprimé les Elémens
de Géométrie , traduits de l'anglois de
M.Thomas Simpfon de la Société Royale
de Londres , & Profeffeur de Mathématiques
à Wolwich , auxquels font ajoutés
deux petits ouvrages du même Auteur ; le
premier eft un effai fur les Maximis &
Minimis , des lignes , des angles & des
furfaces. Le fecond eft une fuite de problêmes
compliqués , dont il donne la con-
Atruction géométrique.
DISSERTATION ANATOMIQUE & pratique
fur une maladie de la peau d'une efpece
fort finguliere , adreffée en forme de
lettre à M. l'Abbé Nolet , de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , & c. par
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
M. Cuifio , Médecin de Naples , traduite
de l'italien , par M. V *** , Médecin de la
Faculté de Paris. A Paris , chez Vincent ,
rue faint Severin , à l'Ange , 1755. Le
même Libraire vend le vingt -unieme &
dernier volume des Mémoires de Rouffet,
in-8° . A Amfterdam. On trouve auffi chez
lui la Bible de le Cene , in -fol. 2. vol .
Nous annonçons la nouvelle édition
du nouvel abregé chronologique de l'Hiftoire
de France , enfemble lefupplément de cette
édition ; c'eft la cinquieme in. 12. donnée
par l'Auteur , depuis 1744 que parut
cet ouvrage pour la premiere fois : nons
ne parlons point des deux éditions in - 4 ° .
auffi imprimées fous fes yeux , ni des éditions
contrefaites dans les pays étrangers..
latin par Bernard Varenius , revue par
Ifaac Newton , augmentée par Jacques Jurin
, traduite en anglois d'après les éditions
latines données par ces auteurs ,
avec des additions fur les nouvelles découvertes
, & préfentement traduite de l'anglois
en François avec des figures en taille-
I. Vol F
122 MERCURE DE FRANCE .
douce . A Paris , chez Vincent , rue S. Severin
, à l'Ange ; & Lottin , rue S. Jacques ,
au Coq , 1755. 4. vol. in-1 2.
Le titre feul déclare affez l'importance
de cet Ouvrage dont l'auteur eft Varenius
qui l'a écrit en latin . Les fréquentes éditions
de ce livre , qui fe font , pour ainfi
dire , fuccédées les unes aux autres , font
une preuve de fa bonté , & font fon plus
bel éloge . Le fuffrage d'un auffi grand
somme que M. Newton , ajoute le dernier
trait à fa louange . Cet illuftre philofophe
le jugea digne de fon attention ,
puifqu'il voulut lui-même prendre foin de
l'édition qui parut en 1672 à Cambridge :
il occupoit alors une chaire de Mathématiques
dans la fameufe Univerfité de cette
ville. Il commenta Varenius qui a traité
fon fujet en Géometre & en Phyficien ;
il trouva fa Géographie très-propre à être
mife entre les mains de fes éleves à qui il
faifoit des leçons publiques fur la même
matiere. Il la corrigea dans les chofes où
Varenius avoit fe il éclaircit
pu tromper ;
celles que celui ci n'avoit point affez développées
, & l'augmenta en beaucoup
d'endroits pour fuppléer à ce qui manquoit
pour la perfection de l'Ouvrage. Il fuffifoit
qu'un livre eût été revu par M. Newton
avec autant d'exactitude de fa part ,
DECEMBRE. 1755. 123
pour accélérer le débit de l'édition qui
s'épuifa malgré la quantité d'exemplaires.
qui s'étoient diftribuées à Cambridge . C'eft
ce qui engagea dans la fuite du tems , le
Docteur Jurin à donner une nouvelle édition
de cette Géographie , qu'il accompagna
d'un très- bon fupplément qui renferme
les découvertes les plus modernes pour
l'inftruction des jeunes étudians. Il la dédia
au Docteur Bentlei , à la follicitation
duquel il l'avoit entrepriſe. C'eft d'après
cette derniere édition latine , qu'a été compofée
la Traduction angloife qui paroît
être fort eftimée ; & la Traduction françoife
que nous annonçons , a été faite
fur cette Edition Angloife , fupérieure à
toutes les Editions Latines qui l'ont précédée.
Au moins , c'est ce que nous affure
M. de Puifieux qui eft le Traducteur françois
, & qui ne fe fera fans doute déterminé
à porter un pareil jugement , qu'après
les avoir comparées enfemble . On
doit lui fçavoir gré d'avoir rendu public
en notre langue un ouvrage auffi effentiel
pour perfectionner les connoiffances rela
tives à la Géographie . Ce livre eft trop
connu parmi les Sçavans pour nous arrêter
ici à en apprécier le mérite ; & la réputa
tion décidée dont il jouit nous difpenfe
d'en faire l'extrait. Fij
124 MERCURE
DE FRANCE.
REFLEXIONS fur les connoiffances
préliminaires au Chriftianifme , pour fervir
à l'inftruction des jeunes gens. A Paris ,
chez Vincent , rue S. Severin , à l'Ange ,
1 vol. in-12 . 1755 .
L'objet de ces réflexions eft l'expofition
des preuves qui établiffent l'existence de
Dieu , de la connoiffance duquel émane
la Religion qui , envifagée dans fon état
naturel , oblige l'homme fa créature , à des
devoirs envers lui . Ces confidérations préliminaires
conduifent à la néceffité d'admettre
une révélation ; & c'eſt d'elle que
le Chriftianifme tire toute fa force &
l'excellence de fa morale . L'Auteur a pour
cet effet retracé toutes les vérités qu'il
enfeigne dans une courte analyſe qui eft
une fuite de ces Réflexions . Elle fervira à
donner une teinture des notions Théologiques
à ceux qui ne fçavent tout au plus
que ce que leur catéchifme a pu leur apprendre.
On nous dit dans un avertiſſement
que l'inftruction des jeunes gens eft l'unique
but que l'Auteur s'eft propofé dans l'ouvrage
qu'il publie . On ajoute que le feul
fruit qu'il cherche à recueillir de fes foins ,
eft celui de former la jeuneffe aux vertus
dont la pratique eft recommandée par les
préceptes de l'Evangile. Cet aveu fait
DECEMBRE. 1755. 125
voir que fes vues font aufli louables que
fon travail eft édifiant .
PARAPHRASE & Explication des Pleaumes,
avec le texte de laVulgate ajouté à la
fuite felon l'ordre de cette Verfion , &
felon les Variantes Hébraïques . A Paris ,
chez Vincent , rue faint Severin , à l'Ange,
1755. gros volume in- 12 . Le même Libraire
vient de donner une nouvelle édition
d'un ouvrage intitulé , Confolations
chrétiennes avec des Réfléxions fur les buit
beatitudes , & la Paraphrafe des trois Cantiques
du Dante. Il a imprimé les Elémens
de Géométrie , traduits de l'anglois de
M.Thomas Simpfon de la Société Royale
de Londres , & Profeffeur de Mathématiques
à Wolwich , auxquels font ajoutés
deux petits ouvrages du même Auteur ; le
premier eft un effai fur les Maximis &
Minimis , des lignes , des angles & des
furfaces. Le fecond eft une fuite de problêmes
compliqués , dont il donne la con-
Atruction géométrique.
DISSERTATION ANATOMIQUE & pratique
fur une maladie de la peau d'une efpece
fort finguliere , adreffée en forme de
lettre à M. l'Abbé Nolet , de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , & c. par
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
M. Cuifio , Médecin de Naples , traduite
de l'italien , par M. V *** , Médecin de la
Faculté de Paris. A Paris , chez Vincent ,
rue faint Severin , à l'Ange , 1755. Le
même Libraire vend le vingt -unieme &
dernier volume des Mémoires de Rouffet,
in-8° . A Amfterdam. On trouve auffi chez
lui la Bible de le Cene , in -fol. 2. vol .
Nous annonçons la nouvelle édition
du nouvel abregé chronologique de l'Hiftoire
de France , enfemble lefupplément de cette
édition ; c'eft la cinquieme in. 12. donnée
par l'Auteur , depuis 1744 que parut
cet ouvrage pour la premiere fois : nons
ne parlons point des deux éditions in - 4 ° .
auffi imprimées fous fes yeux , ni des éditions
contrefaites dans les pays étrangers..
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Résumé : « GÉOGRAPHIE GÉNÉRALE composée en latin par Bernard Varenius, revue par [...] »
En 1755, plusieurs ouvrages et publications ont été publiés. L'œuvre principale est une 'Géographie générale' rédigée en latin par Bernard Varenius. Cette œuvre a été revue et augmentée par Isaac Newton, alors professeur de mathématiques à Cambridge, qui l'a corrigée et enrichie pour ses élèves. La traduction française de cet ouvrage a été réalisée à partir de l'édition anglaise, jugée supérieure aux éditions latines précédentes. Le traducteur, M. de Puifieux, a souligné l'importance de cet ouvrage pour les connaissances géographiques. Le texte mentionne également d'autres publications, telles que 'Réflexions sur les connaissances préliminaires au Christianisme', destinées à instruire les jeunes sur l'existence de Dieu et la nécessité de la révélation chrétienne. Un autre ouvrage est une 'Paraphrase et Explication des Psaumes', incluant le texte de la Vulgate et des variantes hébraïques. Le libraire a également publié des 'Consolations chrétiennes' et des 'Éléments de Géométrie' traduits de l'anglais. Enfin, le texte annonce une 'Dissertation anatomique et pratique' sur une maladie de la peau, traduite de l'italien, ainsi que diverses autres publications, dont une nouvelle édition de l'abrégé chronologique de l'Histoire de France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 126-139
« JOURNAL en vers de ce qui s'est passé au camp de Richemont, commandé par [...] »
Début :
JOURNAL en vers de ce qui s'est passé au camp de Richemont, commandé par [...]
Mots clefs :
Camp, Camp de Richemont, Guerre, Yeux, Infanterie, Honneur, Esprit, Cavalerie, Escadrons, Lettres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « JOURNAL en vers de ce qui s'est passé au camp de Richemont, commandé par [...] »
JOURNAL en vers de ce qui s'eft paffé
au camp de Richemont , commandé par
M. de Chevert , Lieutenant Général des
armées du Roi , commencé le 26 Août
1755 , & fini le 25 Septembre fuivant..
A Paris , chez Lambert , rue de la Comédie
Françoiſe , 1755 .
M. Vallier , Colonel d'Infanterie , eft
l'Auteur de cet agréable Journal . C'eft
prefque avoir créé un nouveau genre. Cet
ellai doit lui faire d'autant plus d'honneur
DECEMBRE. 1755 . 127
qu'au premier coup d'oeil il paroiffoit impoffible
d'exprimer en vers , la difpofition
d'une armée ou celle d'une attaque , la fituation
des terreins , les pofitions des rivieres
, des villages & des chauffées ; y
faire entrer pour la premiere fois les termes
de l'art , tous rebelles à la poéfie , mais
néceffaires , & qui plus eft , uniques pour
bien peindre les différentes manoeuvres de
la guerre ; tout cela préfente d'abord des
difficultés qui étonnent au point que l'exécution
a l'air d'une gageure , & qu'il falloit
être , comme l'Auteur , auffi poëte que
guerrier pour les vaincre avec tant de
bonheur. Pour rendre l'ouvrage plus varié
& plus intéreffant , la galanterie eft venue
au fecours de M. V. Si Mars a été fon
Apollon, Venus & les Graces ont été fes
Muſes . Ce contrafte aimable délaffe agréa
blement le Lecteur des fatigues militaires
qu'il partage avec l'Auteur qui les décrit .
Tous les mouvemens de chaque parti font
peints avec tant de feu & de vérité qu'on
croit être dans un camp , & fouvent dans
la mêlée. On eft préfent à l'action ; on y
prend part. Cet exemple heureux nous
prouve qu'on peut tout dire en vers comme
en profe , & que le vrai talent amené
toujours la réuffite. L'Auteur a fait choix
des vers libres , comme plus affortis à la
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE ,
matiere , & plus propres à rendre la rapidité
des évolutions. Son Poëme en contient
près de huit cens ; & malgré quelques
repétitions inévitables , il le fait lire
avec intérêt d'un bout à l'autre .
Comme ceux qui ne le connoiffent pas
pourroient former là -deffus quelque doutes
, j'en vais extraire ici différens morceaux
qui fuffiront pour les convaincre
que cet éloge n'eft qu'une juftice. L'Auteur
débute en fujet plein de zele ,
François digne de l'être.
Louis ici fait flotter fes drapeaux :
en
Ce n'eft encor qu'une image de guerre ;
Et fes guerriers dont la valeur préfere
Les horreurs de la mort aux douceurs du repos ,
Pour enfanglanter leurs travaux ,
N'attendent que l'inſtant d'allumer le tonnerre ,
Qui porte les decrets des Maîtres de la terre ,
Ainfi qu'il eft l'organe des héros.
Louis va décider ; laiffons à fa prudence
A difcuter nos intérêts :
S'il eft content , nous demandons la paix ;
S'ily voit l'ombre de l'offenſe ,
Que tout parle de fa vengeance ,
Que nos biens , que nos jours affurent fes projets.
Il s'exprime enfuite en guerrier aimable
qui fuit les drapeaux de l'amour dans un
DECEMBRE. 1755. 129
camp de paix , où les femmes courent voir
fans danger les manoeuvres de la guerre .
Mais le bruit du tambour , le fon de la trom➡
pette
Invitent nos guerriers à fe rendre à leurs rangs,
Le fexe croit entendre la Mulette ,
Il en fait fes amuſemens.
Nous n'intimidons point fes charmes ,
Nous leur prêtons de nouveaux feux.
Il vient oppoler à nos armes
Les armes que l'amour place dans les beaux yeux:
Si dans nos camps on répand quelques larmes ,
C'eſt nous qui les verfons ; & s'il eft des alfarmes
,
Elles font pour les coeurs qui ne font pas heureux.
Le ciel s'ouvre à mes yeux , & je crois voir l'aufore
:
Non , non ; feroit -ce Hebé ! Vous , qu'aux cieux
on adore ,
Aux mortelles d'ici difputez - vous nos coeurs ?
Pour les vergers qu'on deshonore ,
Eft- ce Pomone enfin qui vient verfer des pleuss
Ou bien c'eft la Déeffe Flore
Qui craint fans doute pour fes fleurs.
Je me trompois ; c'eſt mieux encore ;
La jeune Eglé , fous des lambris dorés ,
Où fon époux nous froit moins urile ,
Quitte avec lui le féjour de la ville ,
Fy
130 MERCURE DE FRANCE.
Et vient orner nos champs qui ne font plus parés
--Les fleurs fous fe , pas vont renaître :
Une feconde fois la terre va s'ouvrir.
Les nouvelles moiffons qu'on y verroit paroître ;
Comme les yeux ne pourront l'embellir .
La maison qu'elle habite eft un fecond exemple
De la faveur des Dieux pour la tendre Baucis :
Pour elle & Philemon dans la pouffiere affis ,
D'un humble logement les Dieux firent un tem→
ple..
Près d'Eglé , fous le chaume , on croit être à
Cypris.
- On ne peut pas annoncer d'une façon
plus galante l'arrivée de Madame de Caumartin
, Intendante de Mets , à Richemont
, ni fur ce qu'elle habitoit une maifon
de payfan , faire une application plusheureufe
de la fable de Baucis & de Philemon
, dont Jupiter changea la chaumiere
en un temple.
Chevert parcft , & chacun en filence
Partage fes régards entre la troupe & lui .
Quel fpectacle à nos yeux offre- t-il aujourd'hui ?
Ses ordres font portés. On s'ébranle , on s'avance :
Le champ de Mars eft occupé ;
Le foldat attentif à l'ordre qu'on lui donne
Marche par bataillon ; il forme une colonne ;
Il manoeuvre , il s'exerce ainfi qu'il eft campé ....
}
DECEMBRE . 1755- 131
Chacun alors fe fait un crime
De n'être pas à ſon devoir.
Que de préciſion ! l'efprit qui les anime ,
Semble être un feul reffort qui les fait tous mouvoir.
De l'exercice par Bataillons & par Brigades
, à la tête du camp , l'Auteur paffe paſſe
ainfi à l'attaque d'une grand'Garde de
Cavalerie .
Des efcadrons entrent dans la carriere ,
Et vont l'un contre l'autre exercer leur valeur.
L'un défend ce que l'autre attaque avec fureur.
Je vois Turpin & fa troupe légere ;
Couvert d'une noble pouffiere
Il arrive , il menace , il tient confeil , réfout.
C'est l'éclair que l'on voit précéder le tonnerre :
L'eil n'eft pas affez prompt pour le fuivre par
tout .
Le jeune Berchini , digne héritier d'un père ,
Dont la France connoît le zele & la valeur
De Turpin prêt à remporter l'honneur ,.
Vient arrêter la fougue , & fervir de barriere.
Nous allons maintenant offrir un plus
grand tableau : c'eft la manoeuvre du 9
Septembre , où toute la Cavalerie , aux
ordres de M. de Poianne , atraqua en plaine
toute l'Infanterie commandée par M.
de Chevert .
2
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
Mais un nuage de pouffiere
S'éleve dans les airs , & vient frapper mes yeux :
Il s'ouvre , & laiffe voir des efcadrons nombreux,
D'un pas léger , la contenance fiere ,
Marcher droit à nos bataillons.
Poianne contre nous conduit fes eſcadrons ;
On en connoît la valeur , la prudence ,
On en connoît l'activité.
Il range fon armée avec intelligence ,
Il vient à nous avec vivacité .
Le foldat en frémit , mais n'en prend point d'allarmes
:
Il s'attend à combattre , il prépare les armes ,
Chevert , fes difpofitions.
Il veut de l'ennemi , qui comptoit le furprendre ,
Prévenir les deffeins , l'attaquer le premier ,
Et le forçant lui - même à fe défendre ,
Arracher de fes mains la palme & le laurier.
Voici des vers qui refpirent tout le fen
du falpêtre , & la fuieur de l'action qu'ils
repréfentent.
Poianne eft indigné de trouver tant d'obſtacle ;
Ses efcadrons , qu'il vient de partager ,
Vont offrir un nouveau fpectacle ,
Tous à la fois s'apprêtent à charger.
Ce corps eft immobile , & par- tout on le couvre-:
De tous côtés alors on voit en même tems
Des efcadrons attaquer tous nos flancs.
DECEMBRE. 1755. 133
On diroit qu'auffitôt le Mont Vefuve s'ouvre ,
Et qu'il vomit les feux fur tous les affaillans .
De ce mont redouté préſentez - vous l'image ,
Quand le feu fort de fes goufres profonds
Ses feux & la fumée y forment un nuage ,
Et confondent leur fource avec ces tourbillons.
Telle & plus forte encore eft l'épaiffe fumée ,
Quifuit le feu que font les angles & les flancs :
On ne voit plus le corps d'armée ,
11 femble enfeveli fous ces feux dévorans ;
Ils couvrent tous les combattans ,
Ils éclipfent les cieux , ils nous cachent la terre ,
Les chevaux écumans , les chefs impatiens;
Des Huffards , des Dragons , la troupe plus légere
Cherche inutilement à defunir nos rangs ;
Nous leur offrons par tout l'invincible barriere
Qui rend leurs refforts impuiffans
Et leur ardeur qui fe modere
>
Donne le tems à quelques mouvemens.
Ces quatre vers peignent bien les Grenadiers
que l'Auteur commandoit , & le
caracterifent lui-même.
Les Grenadiers font des Dieux à la guerre :
On s'empreffe avec eux d'en courir les hazards ,
Avec eux , ce jour - là , défiant le tonnerre ,
J'aurois vaincu , je crois , Bellonne au champ de
Mars.
134 MERCURE DE FRANCE.
Pour égayer & varier le tableau , M. V.
s'écrie :
Mufe de Saint Lambert , prête - moi tes pinceaux
;
Dis - nous comment d'Eglé , la divine compa
gne
Quitte Paris , le remplit de regrets ,
Pour venir avec elle embellir la campagne :
Elle vient y regner fur de nouveaux ſujets.
Peins- nous Comus , peins - nous Thalie
Et tous leurs charmes féduifans ;
Peins- nous la charmante Emilie ,
Délices & foutien de notre Comédie ,
Et le fléau de mille foupirans ,
Dont chacun d'eux a grande envie
D'en obtenir quelques inftans.
C'étoit une Actrice de la Comédie de
Mets qui alloit jouer au camp ; mais l'Auteur,
revient vite aux combats ..
N'entens-je pas crier aux armes ?
Plaifirs , pour un moment laiffez - moi vous quitter
,
L'honneur chez les François paffe avant tous vos
charmes ,
tin.
Madame de la Porte ,foeur de M. de CaumarDECEMBRE.
1755. 139
Il vole à fes devoirs , il va vous mériter.
L'utilité des camps de paix eft heureufement
exprimée dans les fix vers fuivans.
Par-tout on voit attaquer & défendre ,
Par -tout on croit fervir l'Etat ;
N'est -ce pas en effet travailler pour la France ,
Que d'en former les Officiers ?
C'eft élever des forts d'avance ,
C'eft y planter pour elle des lauriers.
Nous allons finir cet extrait par le récit
de la derniere manoeuvre , du 2.0 Septembre
, où l'on attaqua le village d'Uckange.
Les colonnes alors s'approchent du village';
Le centre & les côtés fe trouvent réunis :
Nous attaquons par-tout , par- tout eft l'avantage;
Les ennemis font inveftis :
Il faut prévenir leur défaite .
D'Eftaing alors y donne tous fes foins.
Il fonge à faire fa retraite ,
Il en a prévu tous les points .
Chacun des poftes fe replie ,
Se retire fur lui , point de confufion ,
Chacun retourne à fa divifion ;
Et chacun fous fon feu fe range & fe rallie.
On le fuit , il fait face ; on le charge , il fait feu,
Il gagne les mailons & le fein du village ,
136 MERCURE DE FRANCE.
S'y retire en bon ordre , & là finit l'image
Des combats , dont Louis a voulu faire un jeu.
Ce dernier trait en termine l'hiſtoire.
Chacun au camp revient couvert de gloire ,
Avec l'ami , l'ennemi confondu ,
Voit les talens fans jaloufie ,
Chacun les vante , les public.
Voilà le fceau de la vertu.
C'ett en avoir que de la reconnoître ,
Et dans tout genre on ne peut être maître
Qu'en lui rendant l'honneur qu'on lui fçait être
dû.
Nous donnerons au prochain Mercure
un récit court , mais détaillé du camp de
Valence, ainfi que de celui de Richemont,
s l'article de la Cour.
LETTRE fur cette queftion : Si Ffprit
philofophique eft plus nuifible , qu'utile aux
Belles Lettres ; A Monfieur le Marquis de
Beauteville , de l'Académie Royale des Sciences
de Toulouse , par M. de R..... 1795 ,
chez Duchefne , Libraire au Temple du
Goût.
Je joins à cette annonce le précis fuivant
qu'un ami de l'Auteur m'a prié d'inférer
dans le Mercure , & qu'on va lire
ici tel qu'il m'a été envoié.
Cette Lettre peut être divifée en quatre
DÉCEMBRE. 1755. 137 .
parties ; dans la premiere , l'Efprit philofophique
& le génie des Belles- Lettres
font confidérés en eux -mêmes , & comme
caracteres de l'ame d'où réfultent différentes
manieres d'envifager & de traiter les
fujets.
Dans la feconde on décrit la méthode
philofophique & la marche du génie littéraire.
Dans la troifieme on indique les défauts
que l'efprit philofophique tranfporté de la
Philofophie dans les Belles- Lettres , y doit
répandre , avec quelque foin qu'il tâche
de fe déguifer.
Et dans la quatrieme , on prouve que
l'efprit philofophique incapable de produire
dans les Belles- Lettres , n'eft en état
de juger des productions du génie que
d'après le goût .
Il regne beaucoup de profondeur & de
vues dans la premiere partie , la feconde eft
traitée avec toute " exactitude qu'exigeoit
la matiere : les allufions critiques de la troifieme
font d'une grande fineffe ; & la quatrieme
eft ornée d'une image fimbolique qui
repréſente avec jufteffe la correfpondance
& le concert du génie & du goût. Cette lettre
qui eft adreffée à un Philofophe du
premier ordre , eft un de ces ouvrages qui
ne femblent deftinés qu'au petit nombre
135 MERCURE DE FRANCE.
de lecteurs qui aiment à penfer , & qui
veulent approfondir la théorie des Arts .
UNE perfonne à portée d'avoir les meilleures
inftructions , travaille à une Chronologie
Militaire où fe trouvera l'Histoire
des Officiers fupérieurs & généraux , &
celle des Troupes de la Maifon du Roi , &
des Régimens d'infanterie , cavalerie &
dragons , foir exiftans , foit réformés. Il
défireroit avoir communication des titres
qui font répandus dans les familles ; & on
prie ceux qui ont dans leurs titres ou papiers
:
1º. Des Pouvoirs de Lieutenans Géné
raux .
2º. Des Brevets de Maréchaux de Camps
ou de Brigadiers.
3°. Des Ordres de Directeurs ou Inf
pecteurs Généraux .
4°. Des Provifions de Grand-Croix , &
de Commandeurs de l'Ordre de S. Louis.
5 °. Des Provifions de Maréchaux Généraux
de logis des Camps & Armées du
Roi , ou de Maréchaux de logis de la cavaleric.
6°. Des Provifions de Gouverneurs des
Provinces.
7°. Des Commiffions de Colonels de
Régiment d'infanterie , cavalerie ou dragons.
1
DECEMBRE. 1755. 139
8°. Enfin des Commiffions de Capitaines
aux Gardes .
De vouloir bien en envoyer la note dans
la forme ci- deffous .
Pour les Lieutenans Généraux , Maréchaux
de Camps & Brigadiers.
Pouvoir de Lieutenant Général ou Bre
vet de Maréchal de Camp , ou Brigadier ,
pour M . . . . . . en mettant le nom de
baptême & de famille , les qualifications
qui lui font données dans lefdits Pouvoir
ou Brevet ; la date defdits Brevet ou Pouvoir
, & le nom des Secrétaires d'Etat qui
les ont contre- fignées ; obfervant auffi de
mettre autant qu'il fera poffible la date de
la mort defdits Officiers.
A l'égard des autres Provifions & Com
miffions dont il eft parlé ci- deffus , on prie
d'y ajouter de plus , comment les Officiers
ont en ces places , foit par nouvelle levée
ou par la mort & démiffion de M. un tel ,
comme cela eft marqué dans lefdites commiflions.
- L'on prie d'obferver 1 ° . que l'on ne demande
fimplement que des notes dans la
forme ci-deffus , & point de copies, 2 ° . D'adreffer
ces notes à M. Defprés , premier
Commis du Bureau de la Guerre , à Verfailles.
au camp de Richemont , commandé par
M. de Chevert , Lieutenant Général des
armées du Roi , commencé le 26 Août
1755 , & fini le 25 Septembre fuivant..
A Paris , chez Lambert , rue de la Comédie
Françoiſe , 1755 .
M. Vallier , Colonel d'Infanterie , eft
l'Auteur de cet agréable Journal . C'eft
prefque avoir créé un nouveau genre. Cet
ellai doit lui faire d'autant plus d'honneur
DECEMBRE. 1755 . 127
qu'au premier coup d'oeil il paroiffoit impoffible
d'exprimer en vers , la difpofition
d'une armée ou celle d'une attaque , la fituation
des terreins , les pofitions des rivieres
, des villages & des chauffées ; y
faire entrer pour la premiere fois les termes
de l'art , tous rebelles à la poéfie , mais
néceffaires , & qui plus eft , uniques pour
bien peindre les différentes manoeuvres de
la guerre ; tout cela préfente d'abord des
difficultés qui étonnent au point que l'exécution
a l'air d'une gageure , & qu'il falloit
être , comme l'Auteur , auffi poëte que
guerrier pour les vaincre avec tant de
bonheur. Pour rendre l'ouvrage plus varié
& plus intéreffant , la galanterie eft venue
au fecours de M. V. Si Mars a été fon
Apollon, Venus & les Graces ont été fes
Muſes . Ce contrafte aimable délaffe agréa
blement le Lecteur des fatigues militaires
qu'il partage avec l'Auteur qui les décrit .
Tous les mouvemens de chaque parti font
peints avec tant de feu & de vérité qu'on
croit être dans un camp , & fouvent dans
la mêlée. On eft préfent à l'action ; on y
prend part. Cet exemple heureux nous
prouve qu'on peut tout dire en vers comme
en profe , & que le vrai talent amené
toujours la réuffite. L'Auteur a fait choix
des vers libres , comme plus affortis à la
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE ,
matiere , & plus propres à rendre la rapidité
des évolutions. Son Poëme en contient
près de huit cens ; & malgré quelques
repétitions inévitables , il le fait lire
avec intérêt d'un bout à l'autre .
Comme ceux qui ne le connoiffent pas
pourroient former là -deffus quelque doutes
, j'en vais extraire ici différens morceaux
qui fuffiront pour les convaincre
que cet éloge n'eft qu'une juftice. L'Auteur
débute en fujet plein de zele ,
François digne de l'être.
Louis ici fait flotter fes drapeaux :
en
Ce n'eft encor qu'une image de guerre ;
Et fes guerriers dont la valeur préfere
Les horreurs de la mort aux douceurs du repos ,
Pour enfanglanter leurs travaux ,
N'attendent que l'inſtant d'allumer le tonnerre ,
Qui porte les decrets des Maîtres de la terre ,
Ainfi qu'il eft l'organe des héros.
Louis va décider ; laiffons à fa prudence
A difcuter nos intérêts :
S'il eft content , nous demandons la paix ;
S'ily voit l'ombre de l'offenſe ,
Que tout parle de fa vengeance ,
Que nos biens , que nos jours affurent fes projets.
Il s'exprime enfuite en guerrier aimable
qui fuit les drapeaux de l'amour dans un
DECEMBRE. 1755. 129
camp de paix , où les femmes courent voir
fans danger les manoeuvres de la guerre .
Mais le bruit du tambour , le fon de la trom➡
pette
Invitent nos guerriers à fe rendre à leurs rangs,
Le fexe croit entendre la Mulette ,
Il en fait fes amuſemens.
Nous n'intimidons point fes charmes ,
Nous leur prêtons de nouveaux feux.
Il vient oppoler à nos armes
Les armes que l'amour place dans les beaux yeux:
Si dans nos camps on répand quelques larmes ,
C'eſt nous qui les verfons ; & s'il eft des alfarmes
,
Elles font pour les coeurs qui ne font pas heureux.
Le ciel s'ouvre à mes yeux , & je crois voir l'aufore
:
Non , non ; feroit -ce Hebé ! Vous , qu'aux cieux
on adore ,
Aux mortelles d'ici difputez - vous nos coeurs ?
Pour les vergers qu'on deshonore ,
Eft- ce Pomone enfin qui vient verfer des pleuss
Ou bien c'eft la Déeffe Flore
Qui craint fans doute pour fes fleurs.
Je me trompois ; c'eſt mieux encore ;
La jeune Eglé , fous des lambris dorés ,
Où fon époux nous froit moins urile ,
Quitte avec lui le féjour de la ville ,
Fy
130 MERCURE DE FRANCE.
Et vient orner nos champs qui ne font plus parés
--Les fleurs fous fe , pas vont renaître :
Une feconde fois la terre va s'ouvrir.
Les nouvelles moiffons qu'on y verroit paroître ;
Comme les yeux ne pourront l'embellir .
La maison qu'elle habite eft un fecond exemple
De la faveur des Dieux pour la tendre Baucis :
Pour elle & Philemon dans la pouffiere affis ,
D'un humble logement les Dieux firent un tem→
ple..
Près d'Eglé , fous le chaume , on croit être à
Cypris.
- On ne peut pas annoncer d'une façon
plus galante l'arrivée de Madame de Caumartin
, Intendante de Mets , à Richemont
, ni fur ce qu'elle habitoit une maifon
de payfan , faire une application plusheureufe
de la fable de Baucis & de Philemon
, dont Jupiter changea la chaumiere
en un temple.
Chevert parcft , & chacun en filence
Partage fes régards entre la troupe & lui .
Quel fpectacle à nos yeux offre- t-il aujourd'hui ?
Ses ordres font portés. On s'ébranle , on s'avance :
Le champ de Mars eft occupé ;
Le foldat attentif à l'ordre qu'on lui donne
Marche par bataillon ; il forme une colonne ;
Il manoeuvre , il s'exerce ainfi qu'il eft campé ....
}
DECEMBRE . 1755- 131
Chacun alors fe fait un crime
De n'être pas à ſon devoir.
Que de préciſion ! l'efprit qui les anime ,
Semble être un feul reffort qui les fait tous mouvoir.
De l'exercice par Bataillons & par Brigades
, à la tête du camp , l'Auteur paffe paſſe
ainfi à l'attaque d'une grand'Garde de
Cavalerie .
Des efcadrons entrent dans la carriere ,
Et vont l'un contre l'autre exercer leur valeur.
L'un défend ce que l'autre attaque avec fureur.
Je vois Turpin & fa troupe légere ;
Couvert d'une noble pouffiere
Il arrive , il menace , il tient confeil , réfout.
C'est l'éclair que l'on voit précéder le tonnerre :
L'eil n'eft pas affez prompt pour le fuivre par
tout .
Le jeune Berchini , digne héritier d'un père ,
Dont la France connoît le zele & la valeur
De Turpin prêt à remporter l'honneur ,.
Vient arrêter la fougue , & fervir de barriere.
Nous allons maintenant offrir un plus
grand tableau : c'eft la manoeuvre du 9
Septembre , où toute la Cavalerie , aux
ordres de M. de Poianne , atraqua en plaine
toute l'Infanterie commandée par M.
de Chevert .
2
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
Mais un nuage de pouffiere
S'éleve dans les airs , & vient frapper mes yeux :
Il s'ouvre , & laiffe voir des efcadrons nombreux,
D'un pas léger , la contenance fiere ,
Marcher droit à nos bataillons.
Poianne contre nous conduit fes eſcadrons ;
On en connoît la valeur , la prudence ,
On en connoît l'activité.
Il range fon armée avec intelligence ,
Il vient à nous avec vivacité .
Le foldat en frémit , mais n'en prend point d'allarmes
:
Il s'attend à combattre , il prépare les armes ,
Chevert , fes difpofitions.
Il veut de l'ennemi , qui comptoit le furprendre ,
Prévenir les deffeins , l'attaquer le premier ,
Et le forçant lui - même à fe défendre ,
Arracher de fes mains la palme & le laurier.
Voici des vers qui refpirent tout le fen
du falpêtre , & la fuieur de l'action qu'ils
repréfentent.
Poianne eft indigné de trouver tant d'obſtacle ;
Ses efcadrons , qu'il vient de partager ,
Vont offrir un nouveau fpectacle ,
Tous à la fois s'apprêtent à charger.
Ce corps eft immobile , & par- tout on le couvre-:
De tous côtés alors on voit en même tems
Des efcadrons attaquer tous nos flancs.
DECEMBRE. 1755. 133
On diroit qu'auffitôt le Mont Vefuve s'ouvre ,
Et qu'il vomit les feux fur tous les affaillans .
De ce mont redouté préſentez - vous l'image ,
Quand le feu fort de fes goufres profonds
Ses feux & la fumée y forment un nuage ,
Et confondent leur fource avec ces tourbillons.
Telle & plus forte encore eft l'épaiffe fumée ,
Quifuit le feu que font les angles & les flancs :
On ne voit plus le corps d'armée ,
11 femble enfeveli fous ces feux dévorans ;
Ils couvrent tous les combattans ,
Ils éclipfent les cieux , ils nous cachent la terre ,
Les chevaux écumans , les chefs impatiens;
Des Huffards , des Dragons , la troupe plus légere
Cherche inutilement à defunir nos rangs ;
Nous leur offrons par tout l'invincible barriere
Qui rend leurs refforts impuiffans
Et leur ardeur qui fe modere
>
Donne le tems à quelques mouvemens.
Ces quatre vers peignent bien les Grenadiers
que l'Auteur commandoit , & le
caracterifent lui-même.
Les Grenadiers font des Dieux à la guerre :
On s'empreffe avec eux d'en courir les hazards ,
Avec eux , ce jour - là , défiant le tonnerre ,
J'aurois vaincu , je crois , Bellonne au champ de
Mars.
134 MERCURE DE FRANCE.
Pour égayer & varier le tableau , M. V.
s'écrie :
Mufe de Saint Lambert , prête - moi tes pinceaux
;
Dis - nous comment d'Eglé , la divine compa
gne
Quitte Paris , le remplit de regrets ,
Pour venir avec elle embellir la campagne :
Elle vient y regner fur de nouveaux ſujets.
Peins- nous Comus , peins - nous Thalie
Et tous leurs charmes féduifans ;
Peins- nous la charmante Emilie ,
Délices & foutien de notre Comédie ,
Et le fléau de mille foupirans ,
Dont chacun d'eux a grande envie
D'en obtenir quelques inftans.
C'étoit une Actrice de la Comédie de
Mets qui alloit jouer au camp ; mais l'Auteur,
revient vite aux combats ..
N'entens-je pas crier aux armes ?
Plaifirs , pour un moment laiffez - moi vous quitter
,
L'honneur chez les François paffe avant tous vos
charmes ,
tin.
Madame de la Porte ,foeur de M. de CaumarDECEMBRE.
1755. 139
Il vole à fes devoirs , il va vous mériter.
L'utilité des camps de paix eft heureufement
exprimée dans les fix vers fuivans.
Par-tout on voit attaquer & défendre ,
Par -tout on croit fervir l'Etat ;
N'est -ce pas en effet travailler pour la France ,
Que d'en former les Officiers ?
C'eft élever des forts d'avance ,
C'eft y planter pour elle des lauriers.
Nous allons finir cet extrait par le récit
de la derniere manoeuvre , du 2.0 Septembre
, où l'on attaqua le village d'Uckange.
Les colonnes alors s'approchent du village';
Le centre & les côtés fe trouvent réunis :
Nous attaquons par-tout , par- tout eft l'avantage;
Les ennemis font inveftis :
Il faut prévenir leur défaite .
D'Eftaing alors y donne tous fes foins.
Il fonge à faire fa retraite ,
Il en a prévu tous les points .
Chacun des poftes fe replie ,
Se retire fur lui , point de confufion ,
Chacun retourne à fa divifion ;
Et chacun fous fon feu fe range & fe rallie.
On le fuit , il fait face ; on le charge , il fait feu,
Il gagne les mailons & le fein du village ,
136 MERCURE DE FRANCE.
S'y retire en bon ordre , & là finit l'image
Des combats , dont Louis a voulu faire un jeu.
Ce dernier trait en termine l'hiſtoire.
Chacun au camp revient couvert de gloire ,
Avec l'ami , l'ennemi confondu ,
Voit les talens fans jaloufie ,
Chacun les vante , les public.
Voilà le fceau de la vertu.
C'ett en avoir que de la reconnoître ,
Et dans tout genre on ne peut être maître
Qu'en lui rendant l'honneur qu'on lui fçait être
dû.
Nous donnerons au prochain Mercure
un récit court , mais détaillé du camp de
Valence, ainfi que de celui de Richemont,
s l'article de la Cour.
LETTRE fur cette queftion : Si Ffprit
philofophique eft plus nuifible , qu'utile aux
Belles Lettres ; A Monfieur le Marquis de
Beauteville , de l'Académie Royale des Sciences
de Toulouse , par M. de R..... 1795 ,
chez Duchefne , Libraire au Temple du
Goût.
Je joins à cette annonce le précis fuivant
qu'un ami de l'Auteur m'a prié d'inférer
dans le Mercure , & qu'on va lire
ici tel qu'il m'a été envoié.
Cette Lettre peut être divifée en quatre
DÉCEMBRE. 1755. 137 .
parties ; dans la premiere , l'Efprit philofophique
& le génie des Belles- Lettres
font confidérés en eux -mêmes , & comme
caracteres de l'ame d'où réfultent différentes
manieres d'envifager & de traiter les
fujets.
Dans la feconde on décrit la méthode
philofophique & la marche du génie littéraire.
Dans la troifieme on indique les défauts
que l'efprit philofophique tranfporté de la
Philofophie dans les Belles- Lettres , y doit
répandre , avec quelque foin qu'il tâche
de fe déguifer.
Et dans la quatrieme , on prouve que
l'efprit philofophique incapable de produire
dans les Belles- Lettres , n'eft en état
de juger des productions du génie que
d'après le goût .
Il regne beaucoup de profondeur & de
vues dans la premiere partie , la feconde eft
traitée avec toute " exactitude qu'exigeoit
la matiere : les allufions critiques de la troifieme
font d'une grande fineffe ; & la quatrieme
eft ornée d'une image fimbolique qui
repréſente avec jufteffe la correfpondance
& le concert du génie & du goût. Cette lettre
qui eft adreffée à un Philofophe du
premier ordre , eft un de ces ouvrages qui
ne femblent deftinés qu'au petit nombre
135 MERCURE DE FRANCE.
de lecteurs qui aiment à penfer , & qui
veulent approfondir la théorie des Arts .
UNE perfonne à portée d'avoir les meilleures
inftructions , travaille à une Chronologie
Militaire où fe trouvera l'Histoire
des Officiers fupérieurs & généraux , &
celle des Troupes de la Maifon du Roi , &
des Régimens d'infanterie , cavalerie &
dragons , foir exiftans , foit réformés. Il
défireroit avoir communication des titres
qui font répandus dans les familles ; & on
prie ceux qui ont dans leurs titres ou papiers
:
1º. Des Pouvoirs de Lieutenans Géné
raux .
2º. Des Brevets de Maréchaux de Camps
ou de Brigadiers.
3°. Des Ordres de Directeurs ou Inf
pecteurs Généraux .
4°. Des Provifions de Grand-Croix , &
de Commandeurs de l'Ordre de S. Louis.
5 °. Des Provifions de Maréchaux Généraux
de logis des Camps & Armées du
Roi , ou de Maréchaux de logis de la cavaleric.
6°. Des Provifions de Gouverneurs des
Provinces.
7°. Des Commiffions de Colonels de
Régiment d'infanterie , cavalerie ou dragons.
1
DECEMBRE. 1755. 139
8°. Enfin des Commiffions de Capitaines
aux Gardes .
De vouloir bien en envoyer la note dans
la forme ci- deffous .
Pour les Lieutenans Généraux , Maréchaux
de Camps & Brigadiers.
Pouvoir de Lieutenant Général ou Bre
vet de Maréchal de Camp , ou Brigadier ,
pour M . . . . . . en mettant le nom de
baptême & de famille , les qualifications
qui lui font données dans lefdits Pouvoir
ou Brevet ; la date defdits Brevet ou Pouvoir
, & le nom des Secrétaires d'Etat qui
les ont contre- fignées ; obfervant auffi de
mettre autant qu'il fera poffible la date de
la mort defdits Officiers.
A l'égard des autres Provifions & Com
miffions dont il eft parlé ci- deffus , on prie
d'y ajouter de plus , comment les Officiers
ont en ces places , foit par nouvelle levée
ou par la mort & démiffion de M. un tel ,
comme cela eft marqué dans lefdites commiflions.
- L'on prie d'obferver 1 ° . que l'on ne demande
fimplement que des notes dans la
forme ci-deffus , & point de copies, 2 ° . D'adreffer
ces notes à M. Defprés , premier
Commis du Bureau de la Guerre , à Verfailles.
Fermer
Résumé : « JOURNAL en vers de ce qui s'est passé au camp de Richemont, commandé par [...] »
Le texte présente un journal en vers rédigé par M. Vallier, Colonel d'Infanterie, relatant les événements survenus au camp de Richemont sous le commandement de M. de Chevert, Lieutenant Général des armées du Roi, du 26 août au 25 septembre 1755. Ce journal, publié à Paris chez Lambert, est considéré comme un nouveau genre littéraire car il décrit avec précision la disposition d'une armée, les attaques, les terrains, les positions des rivières, villages et chaumières, ainsi que les termes techniques de l'art militaire. L'auteur utilise des vers libres pour rendre la rapidité des évolutions militaires. Le poème, composé de près de huit cents vers, est enrichi par des éléments galants et des descriptions détaillées des mouvements militaires, permettant au lecteur de se sentir présent sur le champ de bataille. Le journal inclut également des descriptions de la vie au camp, comme l'arrivée de Madame de Caumartin, Intendante de Metz, et des manoeuvres militaires telles que l'attaque d'une grand'garde de cavalerie et la manoeuvre du 9 septembre où la cavalerie a attaqué l'infanterie. Le texte se termine par la description de la dernière manoeuvre du 20 septembre, où un village a été attaqué, et par des réflexions sur l'utilité des camps de paix pour former les officiers. Par ailleurs, le document énumère divers types de pouvoirs et commissions militaires, daté du 1er décembre 1755. Il inclut les pouvoirs de lieutenants généraux, les brevets de maréchaux de camp ou de brigadiers, les ordres de directeurs ou inspecteurs généraux, les provisions de grand-croix et de commandeurs de l'Ordre de Saint-Louis, les provisions de maréchaux généraux de logis, les provisions de gouverneurs des provinces, les commissions de colonels de régiment d'infanterie, de cavalerie ou de dragons, et enfin les commissions de capitaines aux Gardes. Le texte demande d'envoyer une note dans une forme spécifique pour chaque type de pouvoir ou commission. Pour les lieutenants généraux, maréchaux de camp et brigadiers, la note doit inclure le nom complet de l'officier, ses qualifications, la date du brevet ou du pouvoir, le nom du secrétaire d'État ayant contresigné le document, et, si possible, la date de décès de l'officier. Pour les autres provisions et commissions, il est demandé d'indiquer comment les officiers ont obtenu leurs places, soit par nouvelle levée, soit par la mort ou la démission d'un autre officier. Ces notes doivent être adressées à M. Desprès, premier commis du Bureau de la Guerre, à Versailles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 140-146
« HISTOIRE générale & particuliere de l'Astronomie en 3 vol. in-12 par M. Estève, [...] »
Début :
HISTOIRE générale & particuliere de l'Astronomie en 3 vol. in-12 par M. Estève, [...]
Mots clefs :
Astronomie, Science, Histoire de l'astronomie, Connaissances, Soleil, Égypte
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « HISTOIRE générale & particuliere de l'Astronomie en 3 vol. in-12 par M. Estève, [...] »
HISTOIRE générale & particuliere de
l'Aftronomie en 3 vol. in- 12 par M. Eſtève,
de la Société Royale des Sciences de Montpellier.
A Paris , chez Ch . Ant . Jombert ,
rue Dauphine , Prix , 8 liv. reliés .
Cet Ouvrage eft divifé en deux parties.
La premiere qui eft à la portée de tout le
monde traite des différentes Nations , &
des divers hommes qui ont cultivé l'Aſtronomie.
L'Auteur y fait entrevoir les connoiffances
qu'on a eues fur cette ſcience
dans les différens âges , & en préfente les
diverfes migrations. C'eft ici l'Hiftoire
générale . La feconde partie quoique expliquée
avec clarté , paroît plus particulierement
réfervée pour les Sçavans . Car l'Autear
y donne le tableau du progrès qu'a
fait l'efprit dans la fcience Aftronomique :
c'eft comme un Traité d'Aftronomie fait
par la méthode d'invention. Les premieres
ées que durent fe faire les hommes qui
confidérerent les altres , y font exposées ,
& conduifent infenfiblement à ce qu'il y a
de plus fublime dans la fcience Aftronomique.
Voilà l'Hiftoire particuliere.
M. Eftève nous donne dans un Avantpropos
, les raifons qui l'ont porté à faire
choix de ce plan , qui ne reffemble à aucun
de ceux dont on s'étoit fervi jufqu'à préfent
pour traiter l'Hiftorique des Sciences.
DECEMBRE. 1755. 141
23
»
« On auroit pu , dit- il , parler en même-
» tems de la Nation qui s'occupoit à l'Af-
» tronomie & des découvertes qu'elle y
» avoit faites ; mais ce plan tout fimple
» qu'il paroît , eût préfenté partout des
» obftacles. Il eût fallu fuppofer le lecteur
» inftruit de la fcience dont il faudra don-
> ner ici les premiers élémens : il eût fallu
parler d'une infinité d'erreurs dont les
» hommes ont été abufés , & qu'il eft plus
» à propos d'oublier que de retenir. Aucu
» ne Nation n'a commencé à perfection-
» ner une fcience par le point où l'avoit
» laillée le peuple chez qui elle avoit été
l'apprendre. D'ailleurs , en rangeant les
» découvertes Aftronomiques dans leur vé-
>> ritable ordre chronologique , nous ne fe-
» rions que tranfporter l'efprit du lecteur
» parmi plufieurs objets qui lui feroient
» tous également inconnus , & il lui feroit
prefque impoffible de fentir l'efprit &
» le mérite des différentes inventions .
19
93
L'Auteur divife la premiere partie , c'eftà-
dire , l'Hiftoire générale en deux différens
livres. Le premier livre a pour titre ,
Hiftoiregénérale de l'Aftronomie , depuis fon
origine jufqu'à Copernic. Le titre du fecond
livre eft , Hiftoire générale de l'Aftronomie ,
depuis Copernic jufqu'au milieu du dix-buitieme
fiecle. Ainfi dans ces deux livres fe
142 MERCURE
DE FRANCE.
દા
trouve compriſe l'Hiftoire de tous les tems.
En approfondiffant
l'Aftronomie , on
trouve l'explication de plufieurs fables anciennes
que la plupart des modernes
avoient mal interprétées . C'eft ainſi que
M. Eftève nous apprend que « Prométhée,
" Roi de Scythie qui avoit éclairé les hom-
» mes fur les mouvemens des Aftres , fut
» regardé comme un rival des Dieux qui
» avoit ofé dérober le feu du ciel pour
» animer des ftatues... Le berger Endy-
» mion qui obtient des faveurs de la chafte
Diane , n'eft qu'un Aftronome qui fut
» affez heureux déterminer quelques
83
" fon
pour
» loix du mouvement de la Lune . Phaeton
qui ne put conduire le char d'Apollon
pere , & qui au milieu de fa courfe
» incertaine eft foudroyé par Jupiter , n'eſt
>> autre chofe qu'un Prince qui portoit ce
» nom &, qui s'étant beaucoup occupé aux
»obfervations du Soleil , ne put cepen-
» dant en conftruire la théorie : c'eft ainfi
pas
» que les fables anciennes ne font de
vains jeux d'imagination ; mais plutôt
» des vérités hiftoriques enveloppées fous
» des fictions poétiques ».
Après les tems fabuleux de l'Aftronomie
, fe préfentent les tems poétiques ,
c'eft-à-dire , les tems où les écrits des Aftronomes
n'étoient que des ouvrages
de
DECEMBRE. 1755. 143
poéfie qui renfermoient fans fiction les découvertes
qu'ils avoient faites dans la fcience
des Aftres. C'eft fous cette époque qu'il
faut ranger le fameux voyage des Argonautes
; comme auffi le poëte Orphée.
Voici ce que l'Auteur dit de ce dernier.
«Il ne faut pas croire que le fameux chan-
" tre de la Thrace , fut un muficien qui
fçut feulement moduler des fons . Il chantoit
far fa lyre la naiffance des Dieux
» protecteurs de la Grece , & les préceptes
» de l'Aftronomie. C'étoit un poëte philofophe
qui ne profanoit pas le langage
» des Dieux , en lui faiſant exprimer des
» objets puériles " .
"
33
2
C'eft avec le même efprit d'examen que
l'Auteur confidere les connoiffances aftronomiques
, que l'Hiftorien Jofephe & Philon
ont attribuées aux Juifs. Il parle enfuite
de l'antiquité des Babyloniens , &
du tems où ils étoient déja appliqués à
l'aſtronomie , du voyage d'Abraham en
Egypte , de l'ufage de la tour de Babel &
des Mâges qui étoient les Philofophes , ou
plutôt les Aftronomes de cette partie de la
terre. Le chef de ces Mâges s'appelloit Zocoaftre
, qui fut l'inftituteur de la fameufe
doctrine des deux principes. C'eft dans
cette école que l'aftrologie judiciaire a
commencé à prendre naiffance.
144 MERCURE DE FRANCE.
Prefqu'en même tems les Egyptiens cultivoient
l'Aftronomie avec fuccès ; ils élevoient
ces fameufes pyramides dont la
pofition fut décidée par des opérations
aftronomiques ; car dit l'Auteur , avec
toutes les connoiffances que nous avons
» dans ce fiécle , nous ne fçaurions tracer
une ligne qui allât plus directement du
» nord au fud , que ne le font les faces de
» ces pyramides. » La maniere dont on
mefuroit en Egypte le diametre du foleil ,
mérite d'être remarquée. » Au moment où
» l'on commençoit à découvrir les pre-
» miers rayons de cet aftre , on faifoit par-
» tir un cheval qui couroit jufqu'à ce que
» le foleil fût entierement levé : enfuite on
» mefuroit l'efpace qu'avoit parcouru le
» cheval pendant le tems que le foleil
» avoit mis à monter fur l'horifon ; &
» comme on fçavoit ce que le même cour-
»fier parcouroit dans une heure , on avoit
la meſure du diametre du foleil en trèspetites
parties du tems .
ע
"
Les Phéniciens fuccéderent aux Egyptiens
: ils furent les premiers qui entreprirent
des voyages de long cours , & qui
firent fervir utilement l'aftronomie à la
navigation . Salomon leur donna la conduite
de la flotte qu'il envoya par la mer
Rouge en Ophir , d'où ils rapporterent
beaucoup d'or.
Thalés
-
DECEMBRE. 1755.
145
Thalès , chef de la fecte Ionique , fut
le premier des Grecs , qui de la Phénicie
apporta dans fa patrie la fcience des altres,
Cet homme déclaré le plus fage de fes
citoyens par l'oracle d'Appollon , obtine
la confiance de quelques Phéniciens qui
lui revelerent la fublimité de leurs connoiffances
. L'aftronomie germa dans la
Grece , & produifit la fameufe école d'Alexandrie
qui donna naiffance à l'immortel
Ptolomée. Ainfi l'aftronomie qui de
l'Egypte avoit paffé en Phénicie & dans
la Gréce , retourna en Egypte confidérablement
accrue .
Les Romains ne connurent qu'imparfaitement
cette ſcience, & on peut dire que de
l'école d'Alexandrie elle pafla à la Cour
des Caliphes , qui la tranfmirent aux Rois
Maures qui regnoient en Efpagne : c'eſt
de ces derniers que les Allemands l'ont
reçue , & l'ont enfuite répandue dans toute
l'Europe . Tel eft le plan détaillé du premier
livre de l'Hiftoire générale de l'Aftronomie.
Nous avons cru devoir entrer
dans ce détail , afin qu'on pût fe faire une
idée de l'immenfité des objets dont traitoit
cet ouvrage . C'eft feulement un tableau
raccourci que nous avons préfenté ,
& il ne nous a pas été poffible d'y joindre
toutes les réflexions nouvelles & intéref-
I.Vol. G
146 MERCURE
DE FRANCE
.
fantes dont cette Hiftoire eft ornée. Pour
ne point donner trop d'étendue à ce précis
, nous ne ferons pas mention des livres
fuivans.
NOBILIAIRE
ARMORIAL général de
Lorraine en forme de Dictionnaire
, par le
R. P. Dom Ambroife Pelletier, Bénédictin,
Curé de Senones. 3 vol . in -fol. propofés
par foufcription
. A Nancy , chez H. Thomas
, Imprimeur-Libraire , rue de la Boucherie
, à la Bible d'or. 1755. Le premier
volume contiendra les ennoblis , le fecond
les familles nobles , & le troifieme l'ancienne
Chevalerie. Ceux qui voudront
foufcrire , payeront l'ouvrage en blanc 63
livres , & les autres 84 livres. On ne délivrera
des foufcriptions
que jufqu'au premier
Janvier 1756. On s'adreffera à Nancy
, chez H. Thomas , Imprimeur ; & à
Paris , chez Ganeau , rue S. Severin. On
affranchira les lettres.
l'Aftronomie en 3 vol. in- 12 par M. Eſtève,
de la Société Royale des Sciences de Montpellier.
A Paris , chez Ch . Ant . Jombert ,
rue Dauphine , Prix , 8 liv. reliés .
Cet Ouvrage eft divifé en deux parties.
La premiere qui eft à la portée de tout le
monde traite des différentes Nations , &
des divers hommes qui ont cultivé l'Aſtronomie.
L'Auteur y fait entrevoir les connoiffances
qu'on a eues fur cette ſcience
dans les différens âges , & en préfente les
diverfes migrations. C'eft ici l'Hiftoire
générale . La feconde partie quoique expliquée
avec clarté , paroît plus particulierement
réfervée pour les Sçavans . Car l'Autear
y donne le tableau du progrès qu'a
fait l'efprit dans la fcience Aftronomique :
c'eft comme un Traité d'Aftronomie fait
par la méthode d'invention. Les premieres
ées que durent fe faire les hommes qui
confidérerent les altres , y font exposées ,
& conduifent infenfiblement à ce qu'il y a
de plus fublime dans la fcience Aftronomique.
Voilà l'Hiftoire particuliere.
M. Eftève nous donne dans un Avantpropos
, les raifons qui l'ont porté à faire
choix de ce plan , qui ne reffemble à aucun
de ceux dont on s'étoit fervi jufqu'à préfent
pour traiter l'Hiftorique des Sciences.
DECEMBRE. 1755. 141
23
»
« On auroit pu , dit- il , parler en même-
» tems de la Nation qui s'occupoit à l'Af-
» tronomie & des découvertes qu'elle y
» avoit faites ; mais ce plan tout fimple
» qu'il paroît , eût préfenté partout des
» obftacles. Il eût fallu fuppofer le lecteur
» inftruit de la fcience dont il faudra don-
> ner ici les premiers élémens : il eût fallu
parler d'une infinité d'erreurs dont les
» hommes ont été abufés , & qu'il eft plus
» à propos d'oublier que de retenir. Aucu
» ne Nation n'a commencé à perfection-
» ner une fcience par le point où l'avoit
» laillée le peuple chez qui elle avoit été
l'apprendre. D'ailleurs , en rangeant les
» découvertes Aftronomiques dans leur vé-
>> ritable ordre chronologique , nous ne fe-
» rions que tranfporter l'efprit du lecteur
» parmi plufieurs objets qui lui feroient
» tous également inconnus , & il lui feroit
prefque impoffible de fentir l'efprit &
» le mérite des différentes inventions .
19
93
L'Auteur divife la premiere partie , c'eftà-
dire , l'Hiftoire générale en deux différens
livres. Le premier livre a pour titre ,
Hiftoiregénérale de l'Aftronomie , depuis fon
origine jufqu'à Copernic. Le titre du fecond
livre eft , Hiftoire générale de l'Aftronomie ,
depuis Copernic jufqu'au milieu du dix-buitieme
fiecle. Ainfi dans ces deux livres fe
142 MERCURE
DE FRANCE.
દા
trouve compriſe l'Hiftoire de tous les tems.
En approfondiffant
l'Aftronomie , on
trouve l'explication de plufieurs fables anciennes
que la plupart des modernes
avoient mal interprétées . C'eft ainſi que
M. Eftève nous apprend que « Prométhée,
" Roi de Scythie qui avoit éclairé les hom-
» mes fur les mouvemens des Aftres , fut
» regardé comme un rival des Dieux qui
» avoit ofé dérober le feu du ciel pour
» animer des ftatues... Le berger Endy-
» mion qui obtient des faveurs de la chafte
Diane , n'eft qu'un Aftronome qui fut
» affez heureux déterminer quelques
83
" fon
pour
» loix du mouvement de la Lune . Phaeton
qui ne put conduire le char d'Apollon
pere , & qui au milieu de fa courfe
» incertaine eft foudroyé par Jupiter , n'eſt
>> autre chofe qu'un Prince qui portoit ce
» nom &, qui s'étant beaucoup occupé aux
»obfervations du Soleil , ne put cepen-
» dant en conftruire la théorie : c'eft ainfi
pas
» que les fables anciennes ne font de
vains jeux d'imagination ; mais plutôt
» des vérités hiftoriques enveloppées fous
» des fictions poétiques ».
Après les tems fabuleux de l'Aftronomie
, fe préfentent les tems poétiques ,
c'eft-à-dire , les tems où les écrits des Aftronomes
n'étoient que des ouvrages
de
DECEMBRE. 1755. 143
poéfie qui renfermoient fans fiction les découvertes
qu'ils avoient faites dans la fcience
des Aftres. C'eft fous cette époque qu'il
faut ranger le fameux voyage des Argonautes
; comme auffi le poëte Orphée.
Voici ce que l'Auteur dit de ce dernier.
«Il ne faut pas croire que le fameux chan-
" tre de la Thrace , fut un muficien qui
fçut feulement moduler des fons . Il chantoit
far fa lyre la naiffance des Dieux
» protecteurs de la Grece , & les préceptes
» de l'Aftronomie. C'étoit un poëte philofophe
qui ne profanoit pas le langage
» des Dieux , en lui faiſant exprimer des
» objets puériles " .
"
33
2
C'eft avec le même efprit d'examen que
l'Auteur confidere les connoiffances aftronomiques
, que l'Hiftorien Jofephe & Philon
ont attribuées aux Juifs. Il parle enfuite
de l'antiquité des Babyloniens , &
du tems où ils étoient déja appliqués à
l'aſtronomie , du voyage d'Abraham en
Egypte , de l'ufage de la tour de Babel &
des Mâges qui étoient les Philofophes , ou
plutôt les Aftronomes de cette partie de la
terre. Le chef de ces Mâges s'appelloit Zocoaftre
, qui fut l'inftituteur de la fameufe
doctrine des deux principes. C'eft dans
cette école que l'aftrologie judiciaire a
commencé à prendre naiffance.
144 MERCURE DE FRANCE.
Prefqu'en même tems les Egyptiens cultivoient
l'Aftronomie avec fuccès ; ils élevoient
ces fameufes pyramides dont la
pofition fut décidée par des opérations
aftronomiques ; car dit l'Auteur , avec
toutes les connoiffances que nous avons
» dans ce fiécle , nous ne fçaurions tracer
une ligne qui allât plus directement du
» nord au fud , que ne le font les faces de
» ces pyramides. » La maniere dont on
mefuroit en Egypte le diametre du foleil ,
mérite d'être remarquée. » Au moment où
» l'on commençoit à découvrir les pre-
» miers rayons de cet aftre , on faifoit par-
» tir un cheval qui couroit jufqu'à ce que
» le foleil fût entierement levé : enfuite on
» mefuroit l'efpace qu'avoit parcouru le
» cheval pendant le tems que le foleil
» avoit mis à monter fur l'horifon ; &
» comme on fçavoit ce que le même cour-
»fier parcouroit dans une heure , on avoit
la meſure du diametre du foleil en trèspetites
parties du tems .
ע
"
Les Phéniciens fuccéderent aux Egyptiens
: ils furent les premiers qui entreprirent
des voyages de long cours , & qui
firent fervir utilement l'aftronomie à la
navigation . Salomon leur donna la conduite
de la flotte qu'il envoya par la mer
Rouge en Ophir , d'où ils rapporterent
beaucoup d'or.
Thalés
-
DECEMBRE. 1755.
145
Thalès , chef de la fecte Ionique , fut
le premier des Grecs , qui de la Phénicie
apporta dans fa patrie la fcience des altres,
Cet homme déclaré le plus fage de fes
citoyens par l'oracle d'Appollon , obtine
la confiance de quelques Phéniciens qui
lui revelerent la fublimité de leurs connoiffances
. L'aftronomie germa dans la
Grece , & produifit la fameufe école d'Alexandrie
qui donna naiffance à l'immortel
Ptolomée. Ainfi l'aftronomie qui de
l'Egypte avoit paffé en Phénicie & dans
la Gréce , retourna en Egypte confidérablement
accrue .
Les Romains ne connurent qu'imparfaitement
cette ſcience, & on peut dire que de
l'école d'Alexandrie elle pafla à la Cour
des Caliphes , qui la tranfmirent aux Rois
Maures qui regnoient en Efpagne : c'eſt
de ces derniers que les Allemands l'ont
reçue , & l'ont enfuite répandue dans toute
l'Europe . Tel eft le plan détaillé du premier
livre de l'Hiftoire générale de l'Aftronomie.
Nous avons cru devoir entrer
dans ce détail , afin qu'on pût fe faire une
idée de l'immenfité des objets dont traitoit
cet ouvrage . C'eft feulement un tableau
raccourci que nous avons préfenté ,
& il ne nous a pas été poffible d'y joindre
toutes les réflexions nouvelles & intéref-
I.Vol. G
146 MERCURE
DE FRANCE
.
fantes dont cette Hiftoire eft ornée. Pour
ne point donner trop d'étendue à ce précis
, nous ne ferons pas mention des livres
fuivans.
NOBILIAIRE
ARMORIAL général de
Lorraine en forme de Dictionnaire
, par le
R. P. Dom Ambroife Pelletier, Bénédictin,
Curé de Senones. 3 vol . in -fol. propofés
par foufcription
. A Nancy , chez H. Thomas
, Imprimeur-Libraire , rue de la Boucherie
, à la Bible d'or. 1755. Le premier
volume contiendra les ennoblis , le fecond
les familles nobles , & le troifieme l'ancienne
Chevalerie. Ceux qui voudront
foufcrire , payeront l'ouvrage en blanc 63
livres , & les autres 84 livres. On ne délivrera
des foufcriptions
que jufqu'au premier
Janvier 1756. On s'adreffera à Nancy
, chez H. Thomas , Imprimeur ; & à
Paris , chez Ganeau , rue S. Severin. On
affranchira les lettres.
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Résumé : « HISTOIRE générale & particuliere de l'Astronomie en 3 vol. in-12 par M. Estève, [...] »
L'ouvrage 'Histoire générale & particuliere de l'Astronomie' en trois volumes, rédigé par M. Estève de la Société Royale des Sciences de Montpellier, est publié à Paris par Ch. Ant. Jombert. Il est structuré en deux parties. La première partie, accessible à un large public, explore les différentes nations et les individus ayant contribué à l'astronomie, ainsi que les connaissances accumulées au fil des siècles et les migrations des idées astronomiques. La seconde partie, plus technique, est destinée aux savants et détaille l'évolution de la science astronomique, des premières observations aux découvertes les plus récentes. L'auteur justifie son choix de plan en expliquant que traiter simultanément des nations et des découvertes aurait nécessité des connaissances préalables chez le lecteur et aurait mentionné des erreurs mieux oubliées que retenues. L'histoire générale est divisée en deux livres : le premier couvre l'astronomie depuis ses origines jusqu'à Copernic, et le second de Copernic jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. L'ouvrage examine également plusieurs fables anciennes, révélant des vérités historiques sous des fictions poétiques. Par exemple, Prométhée est présenté comme un astronome, et le berger Endymion comme un observateur de la Lune. Les temps poétiques de l'astronomie sont également abordés, où les écrits des astronomes étaient des œuvres de poésie contenant des découvertes scientifiques. L'auteur explore les connaissances astronomiques attribuées aux Juifs par les historiens Joseph et Philon, ainsi que l'antiquité des Babyloniens et leur contribution à l'astronomie. Il mentionne également les Égyptiens, qui utilisaient l'astronomie pour construire les pyramides et mesurer le diamètre du Soleil. Les Phéniciens, successeurs des Égyptiens, utilisaient l'astronomie pour la navigation. Thalès, chef de la secte Ionique, apporta l'astronomie en Grèce, menant à la fameuse école d'Alexandrie et à Ptolémée. Les Romains connurent l'astronomie de manière imparfaite, et cette science passa à la cour des Caliphes, puis aux Rois Maures en Espagne, avant d'être transmise aux Allemands et répandue en Europe.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 146-153
Lettre adressée au R. P. Dom Pelletier, Bénédictin de Senones, auteur d'un Nobiliaire de Lorraine, annoncé & proposé par souscription.
Début :
VOTRE projet d'un Nobiliaire de Lorraine annonce, mon R. Pere, un ouvrage [...]
Mots clefs :
Nobiliaire, Nobiliaire de Lorraine, Histoire, Recueil, Lettres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre adressée au R. P. Dom Pelletier, Bénédictin de Senones, auteur d'un Nobiliaire de Lorraine, annoncé & proposé par souscription.
Lettre adreffée au R. P. Dom Pelletier , Bénédictin
de Senones , auteur d'un Nobiliaire
de Lorraine , annoncé & propafe
par ſouſcription
.
VOTRE
projet d'un Nobiliaire
de
Lorraine
annonce
, mon R. Pere , un ouDECEMBRE.
1755. 147
vrage curieux , utile & fçavant ; mais permettez-
moi de vous propofer mes regrets
fur la forme alphabétique que vous voulez
donner à ce recueil précieux.
Je fçais que vous fuivez en cela des
exemples illuftres ; & fans fortir de l'Abbaye
de Senones , vous avez devant les
yeux le refpectable Auteur de l'Hiſtoire de
Lorraine , qui dans la bibliothéque de cette
province , a confondu tous les hommes
célebres , fans diftinction de tems , de profeffion
ni de facultés .
N'auroit-on pas été bien plus fatisfait
en trouvant dans cet ouvrage chaque fçavant
, artiſte , ou homme de lettres , placé
felon le tems , où il a honoré fon pays ;
difpofition qui préfenteroit un tableau
gracieux & inftructif de l'état des fciences
& des arts dans la Lorraine en chaque
fiécle & c'est même le deffein que Dom
Calmet annonce dans fa préface , comme
c'eft auffi le feul but raifonnable qu'on
puiffe fe propofer en donnant au public
une hiftoire littéraire.
: Ce que je viens de dire , mon R. Pere ,
doit s'appliquer à votre Nobiliaire. Il deviendroit
une hiftoire héraldique & généalogique
de laLorraine, & un tableau des
illuftrations & des accroiffemens de la
nobleffe , fi vous vouliez difpofer toutes
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
les maiſons & familles nobles & ennoblies
par ordre chronologique ; fçavoir les anciennes
maifons du pays , fuivant le tems
où leurs auteurs fe font le plus illuftrés ,
& les familles étrangeres dans celui où elles
ont commencé à paroître avec éclat en
Lorraine , & les ennoblis fuivant la date de
leurs Lettres.
Par cet arrangement on auroit une gallerie
héroïque qui rappelleroit l'hiftoire
du pays en même tems que celle des familles
,
, par l'attention avec laquelle on
citeroit (lorfqu'il y auroit lieu ) les fervices
qui auroient fait connoître le chef &
les defcendans du nom dont il feroit queftion
.
C'eft la feule méthode qui puiffe réunir
l'utilité & l'agrément , & rendre un ou
vrage digne de la curiofité des lecteurs de
gout , qui , cherchant dans toute lecture à
fe former un plan de la matiere traitée ,
font fatigués & rebutés par des tranſlations
fubites & continuelles d'un fiécle à
un autre.
A l'égard de ceux qui n'ont befoin que
de quelques recherches ifolées , une table
alphabétique les met auffi à portée de fe
fatisfaire , que fi tout l'ouvrage étoit dans
cette forme.
Un autre avantage de la méthode chro
1
DECEMBRE. 1755. 149
nologique , c'eft de fe prêter aux additions
que l'on eft obligé de faire à tout ce qui
dépend de la fucceffion des tems , & com
ment coudre un fupplément à un recueil
alphabétique fans fuivre un autre ordre ,
ce qui indique par foi - même le défaut de
l'ouvrage primitif , dont l'Auteur eft quelquefois
bientôt oublié & effacé par un
nouveau venu qui s'approprie le travail
entier au moyen d'une refonte qui lui coute
peu , au lieu que la facilité de joindre
des fupplémens à un ouvrage chronologique
, en conferve & maintient long- tems
le fonds & la gloire.
Il feroit à fouhaiter que cet inconvénient
ranimât un peu l'émulation des Auteurs
qui fe livrent aujourd'hui par une
fantaifie de mode à mettre tout en décou
pures , fous le nom de Dictionnaires ou
d'Almanachs.
J'ai l'honneur d'être , & c .
L'OBSERVATEUR HOLLANDOIS , OU
Lettres de M. de Van ** à M. H ** de la
Haye, fur l'état préfent des affaires de l'Eu .
rope ; à la Haye 1755 ; & fe trouve à Paris
, chez Defaint & Saillant . Il a déja paru
trois de ces Lettres , & il en paroîtra une
réguliérement tous les quinze jours.
Gij
150 MERCURE DE FRANCE.
Nous croyons devoir à ce fujet rappeller
un ouvrage juftement eftimé , qui a
pour titre Hiftoire & Commerce des Colonies
Angloifes , & c. On y trouve des notions
générales fur ces matieres. Ce livre
eft même le feul qui ait donné fur les Colonies
en question des détails, & des détails
furs .
EXAMEN PHYSIQUE ET CHIMIQUE
d'une eau minerale , trouvée chez M. de
Calfabigi à Paffy , comparée aux eaux du
même côteau , connues fous le nom des
nouvelles eaux minerales de Madame Belami
,,
par le Sr de Machy , Apothicaire ,
gagnant maîtriſe à l'Hôtel-Dieu . On trou
vera dans l'article des fciences , des réflexions
fur l'utilité du bleu de Pruffe , tiré
des eaux de M. de Calfabigi , en réponſe à
ce que le Sr de Machy en dit dans cet examen.'
CATALOGUE DES LIVRES , tant de
France que des pays étrangers , imprimés ,
ou qui fe trouvent à Paris , chez Guillyn ,
quai des Auguftins , au lys d'or . 1755 .
Nous allons annoncer aujourd'hui plufieurs
de ces livres que nous continuerons
à indiquer fucceffivement dans les Mercures
qui fuivront. Le Libraire promet de
DECEMBRE. 1755. 151
donner chaque année un nouveau Catalogue
dans le même gout.
ADOLPHI (Chrifto. Michael . ) Tractatus
de Fontibus quibufdam Soteriis . Vratif
lavia , in- 8 ° . Albini ( Bernardi Siegfried )
Hiftoria Mufculorum Hominum , 1734.
in-4°.figures Allen. Synopfis univerfæ Medicine
practica , five doctiffimorum Virorum
de Morbis , eorumque caufis , ac remediis
judicia. 1753 - in- 8 ° . Alpinus ( Profperus
) de præfagiendâ vitâ & morte Agrotantium
, ex editione Hieronym . Dav.
Gaubii. 1754. 1 vol in-4°. Annales d'Efpagne
& de Portugal , &c . par Jean Alvart
de Colmenar. 1741. 2 vol. in-4°. grand
papier. figures. Architecture de Philippe
Vingboons , in fol. figures. Arrêts remarquables
du Parlement de Toulouſe , par
Catellan , in-4° . 3 vol. Ayreri ( Georgii-
Henrici ) Opufcula varii argumenti ; Juridica
fcilicet & Hiftorica , ex editione Joan .
Henrici Jurigii . 1746. trois parties in- 8 ° .
Bible par M. le Cene , in -fol. 2 vol. Idem . par
Martin. Idem par Offervald , in-fol . Idem .
par Defimarets , in fol. 2 vol. gr. papier.
Idem , par Luyken , in -fol. grand papier.
Breviarium Romanum fans renvois
Avenione, 4 vol . in - 12 . 17 50. Bibliotheque
des Prédicateurs , par le P. Houdry , Jéfuite
, 22. vol . in-4° .
>
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
AVERTISSEMENT au fujet du Recueil
périodique d'Obfervations de Médecine ,
Chirurgie , Pharmacie , &c. par M. Vandermonde
, Docteur , Régent de la Faculré
de Paris , chez Vincent , rue S. Severin ,
1755.
Ce Journal , comme l'avertiffement
nous l'annonce , n'eft pas fondé fur la
fimple curiofité. Il eft moins fait pour
plaire que pour inftruire . On n'y trouvera
pas , dit l'Auteur , ce qui peut uniquement
orner l'efprit , on y verra les moyens
d'abréger les fouffrances des hommes , ou
de prolonger leur vie . Ce Recueil par
objet doit être fupérieur & préférable à
tous les autres. Quel intérêt peut entrer
en comparaifon avec celui qui réfulte du
bien- être & de la confervation du genre
humain !
fon
On avertit ceux qui voudront foufcrire ,
que le Libraire a reçu par forme de foufcription
dans le courant de Novembre dernier,
& recevra en Décembre & Janvier prochains
, 7 liv. 4 fols , pour le prix de douze
Recueils de l'année. Les Soufcripteurs
qui lui donneront leur adreffe dans cette
ville , recevront ce Journal le premier jour
de chaque mois. Les Provinces pourront
auffi s'arranger avec leurs Libraires , &
DECEMBRE. 1755. 153
même le faire venir par la pofte. Il n'en
coûtera que fix fols de port. Le prix de
chaque Journal fera fixé à 12 fols pour
ceux qui ne foufcriront point.
de Senones , auteur d'un Nobiliaire
de Lorraine , annoncé & propafe
par ſouſcription
.
VOTRE
projet d'un Nobiliaire
de
Lorraine
annonce
, mon R. Pere , un ouDECEMBRE.
1755. 147
vrage curieux , utile & fçavant ; mais permettez-
moi de vous propofer mes regrets
fur la forme alphabétique que vous voulez
donner à ce recueil précieux.
Je fçais que vous fuivez en cela des
exemples illuftres ; & fans fortir de l'Abbaye
de Senones , vous avez devant les
yeux le refpectable Auteur de l'Hiſtoire de
Lorraine , qui dans la bibliothéque de cette
province , a confondu tous les hommes
célebres , fans diftinction de tems , de profeffion
ni de facultés .
N'auroit-on pas été bien plus fatisfait
en trouvant dans cet ouvrage chaque fçavant
, artiſte , ou homme de lettres , placé
felon le tems , où il a honoré fon pays ;
difpofition qui préfenteroit un tableau
gracieux & inftructif de l'état des fciences
& des arts dans la Lorraine en chaque
fiécle & c'est même le deffein que Dom
Calmet annonce dans fa préface , comme
c'eft auffi le feul but raifonnable qu'on
puiffe fe propofer en donnant au public
une hiftoire littéraire.
: Ce que je viens de dire , mon R. Pere ,
doit s'appliquer à votre Nobiliaire. Il deviendroit
une hiftoire héraldique & généalogique
de laLorraine, & un tableau des
illuftrations & des accroiffemens de la
nobleffe , fi vous vouliez difpofer toutes
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
les maiſons & familles nobles & ennoblies
par ordre chronologique ; fçavoir les anciennes
maifons du pays , fuivant le tems
où leurs auteurs fe font le plus illuftrés ,
& les familles étrangeres dans celui où elles
ont commencé à paroître avec éclat en
Lorraine , & les ennoblis fuivant la date de
leurs Lettres.
Par cet arrangement on auroit une gallerie
héroïque qui rappelleroit l'hiftoire
du pays en même tems que celle des familles
,
, par l'attention avec laquelle on
citeroit (lorfqu'il y auroit lieu ) les fervices
qui auroient fait connoître le chef &
les defcendans du nom dont il feroit queftion
.
C'eft la feule méthode qui puiffe réunir
l'utilité & l'agrément , & rendre un ou
vrage digne de la curiofité des lecteurs de
gout , qui , cherchant dans toute lecture à
fe former un plan de la matiere traitée ,
font fatigués & rebutés par des tranſlations
fubites & continuelles d'un fiécle à
un autre.
A l'égard de ceux qui n'ont befoin que
de quelques recherches ifolées , une table
alphabétique les met auffi à portée de fe
fatisfaire , que fi tout l'ouvrage étoit dans
cette forme.
Un autre avantage de la méthode chro
1
DECEMBRE. 1755. 149
nologique , c'eft de fe prêter aux additions
que l'on eft obligé de faire à tout ce qui
dépend de la fucceffion des tems , & com
ment coudre un fupplément à un recueil
alphabétique fans fuivre un autre ordre ,
ce qui indique par foi - même le défaut de
l'ouvrage primitif , dont l'Auteur eft quelquefois
bientôt oublié & effacé par un
nouveau venu qui s'approprie le travail
entier au moyen d'une refonte qui lui coute
peu , au lieu que la facilité de joindre
des fupplémens à un ouvrage chronologique
, en conferve & maintient long- tems
le fonds & la gloire.
Il feroit à fouhaiter que cet inconvénient
ranimât un peu l'émulation des Auteurs
qui fe livrent aujourd'hui par une
fantaifie de mode à mettre tout en décou
pures , fous le nom de Dictionnaires ou
d'Almanachs.
J'ai l'honneur d'être , & c .
L'OBSERVATEUR HOLLANDOIS , OU
Lettres de M. de Van ** à M. H ** de la
Haye, fur l'état préfent des affaires de l'Eu .
rope ; à la Haye 1755 ; & fe trouve à Paris
, chez Defaint & Saillant . Il a déja paru
trois de ces Lettres , & il en paroîtra une
réguliérement tous les quinze jours.
Gij
150 MERCURE DE FRANCE.
Nous croyons devoir à ce fujet rappeller
un ouvrage juftement eftimé , qui a
pour titre Hiftoire & Commerce des Colonies
Angloifes , & c. On y trouve des notions
générales fur ces matieres. Ce livre
eft même le feul qui ait donné fur les Colonies
en question des détails, & des détails
furs .
EXAMEN PHYSIQUE ET CHIMIQUE
d'une eau minerale , trouvée chez M. de
Calfabigi à Paffy , comparée aux eaux du
même côteau , connues fous le nom des
nouvelles eaux minerales de Madame Belami
,,
par le Sr de Machy , Apothicaire ,
gagnant maîtriſe à l'Hôtel-Dieu . On trou
vera dans l'article des fciences , des réflexions
fur l'utilité du bleu de Pruffe , tiré
des eaux de M. de Calfabigi , en réponſe à
ce que le Sr de Machy en dit dans cet examen.'
CATALOGUE DES LIVRES , tant de
France que des pays étrangers , imprimés ,
ou qui fe trouvent à Paris , chez Guillyn ,
quai des Auguftins , au lys d'or . 1755 .
Nous allons annoncer aujourd'hui plufieurs
de ces livres que nous continuerons
à indiquer fucceffivement dans les Mercures
qui fuivront. Le Libraire promet de
DECEMBRE. 1755. 151
donner chaque année un nouveau Catalogue
dans le même gout.
ADOLPHI (Chrifto. Michael . ) Tractatus
de Fontibus quibufdam Soteriis . Vratif
lavia , in- 8 ° . Albini ( Bernardi Siegfried )
Hiftoria Mufculorum Hominum , 1734.
in-4°.figures Allen. Synopfis univerfæ Medicine
practica , five doctiffimorum Virorum
de Morbis , eorumque caufis , ac remediis
judicia. 1753 - in- 8 ° . Alpinus ( Profperus
) de præfagiendâ vitâ & morte Agrotantium
, ex editione Hieronym . Dav.
Gaubii. 1754. 1 vol in-4°. Annales d'Efpagne
& de Portugal , &c . par Jean Alvart
de Colmenar. 1741. 2 vol. in-4°. grand
papier. figures. Architecture de Philippe
Vingboons , in fol. figures. Arrêts remarquables
du Parlement de Toulouſe , par
Catellan , in-4° . 3 vol. Ayreri ( Georgii-
Henrici ) Opufcula varii argumenti ; Juridica
fcilicet & Hiftorica , ex editione Joan .
Henrici Jurigii . 1746. trois parties in- 8 ° .
Bible par M. le Cene , in -fol. 2 vol. Idem . par
Martin. Idem par Offervald , in-fol . Idem .
par Defimarets , in fol. 2 vol. gr. papier.
Idem , par Luyken , in -fol. grand papier.
Breviarium Romanum fans renvois
Avenione, 4 vol . in - 12 . 17 50. Bibliotheque
des Prédicateurs , par le P. Houdry , Jéfuite
, 22. vol . in-4° .
>
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
AVERTISSEMENT au fujet du Recueil
périodique d'Obfervations de Médecine ,
Chirurgie , Pharmacie , &c. par M. Vandermonde
, Docteur , Régent de la Faculré
de Paris , chez Vincent , rue S. Severin ,
1755.
Ce Journal , comme l'avertiffement
nous l'annonce , n'eft pas fondé fur la
fimple curiofité. Il eft moins fait pour
plaire que pour inftruire . On n'y trouvera
pas , dit l'Auteur , ce qui peut uniquement
orner l'efprit , on y verra les moyens
d'abréger les fouffrances des hommes , ou
de prolonger leur vie . Ce Recueil par
objet doit être fupérieur & préférable à
tous les autres. Quel intérêt peut entrer
en comparaifon avec celui qui réfulte du
bien- être & de la confervation du genre
humain !
fon
On avertit ceux qui voudront foufcrire ,
que le Libraire a reçu par forme de foufcription
dans le courant de Novembre dernier,
& recevra en Décembre & Janvier prochains
, 7 liv. 4 fols , pour le prix de douze
Recueils de l'année. Les Soufcripteurs
qui lui donneront leur adreffe dans cette
ville , recevront ce Journal le premier jour
de chaque mois. Les Provinces pourront
auffi s'arranger avec leurs Libraires , &
DECEMBRE. 1755. 153
même le faire venir par la pofte. Il n'en
coûtera que fix fols de port. Le prix de
chaque Journal fera fixé à 12 fols pour
ceux qui ne foufcriront point.
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Résumé : Lettre adressée au R. P. Dom Pelletier, Bénédictin de Senones, auteur d'un Nobiliaire de Lorraine, annoncé & proposé par souscription.
La lettre adressée au R. P. Dom Pelletier, bénédictin de Senones, traite du projet de ce dernier pour un 'Nobiliaire de Lorraine'. L'auteur exprime ses regrets concernant l'organisation alphabétique choisie pour cet ouvrage, qu'il considère comme curieux, utile et savant. Il suggère que les savants, artistes ou hommes de lettres devraient être classés chronologiquement, suivant le temps où ils ont honoré leur pays. Cette méthode permettrait de présenter un tableau instructif de l'état des sciences et des arts en Lorraine à chaque siècle, comme l'a annoncé Dom Calmet dans sa préface. L'auteur propose que le 'Nobiliaire' soit organisé de manière chronologique, en commençant par les anciennes maisons du pays, suivies des familles étrangères et des ennoblis selon la date de leurs lettres. Cette disposition permettrait de créer une galerie héroïque rappelant l'histoire du pays et des familles, tout en citant les services rendus par les chefs et descendants des noms mentionnés. L'organisation chronologique faciliterait également les additions futures et éviterait les inconvénients des ouvrages alphabétiques, souvent oubliés et remplacés par des refontes. L'auteur espère que cette réflexion encouragera les auteurs à éviter la mode des dictionnaires ou almanachs en découpures.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 153-160
« LA PEINTURE, poëme, par M. Baillet, Baron de S. Julien. A Amsterdam ; & se [...] »
Début :
LA PEINTURE, poëme, par M. Baillet, Baron de S. Julien. A Amsterdam ; & se [...]
Mots clefs :
Poème, Peinture, Sang, Amour, Haine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « LA PEINTURE, poëme, par M. Baillet, Baron de S. Julien. A Amsterdam ; & se [...] »
LA PEINTURE , poëme , par M. Baillet ,
Baron de S. Julien. A Amfterdam ; & fe
trouve à Paris , chez Quillau , rue S. Jacques
, & chez Jombert , rue Dauphine.
Ce court poëme qui n'a guere plus de
deux cens vers , contient moins les préceptes
que les louanges de l'art qu'il célebre
: il nous paroît l'ouvrage d'un Auteur
qui joint au goût de la Peinture , le talent
de la Poéfie.
Quelques tirades que nous allons citer ,
le prouveront mieux que nos difcours .
Otoi , dont la beauté fit mon premier amour ,
Peinture , que j'aimai , dès que je vis le jour .....
Viens , dévoile à mes fens tes auguftes myfteres,,
Dirige tes crayons dans mes mains téméraires,
Allume dans mon fein ces tranſports créateurs
Des refforts du génie inftrumens & moteurs ,
Ce feu noble & facré , cet orgueil de notre être
Où l'homme égal aux Dieux , ſemble ſe reconnoître
,
Ce don qu'aucun effort ne fçauroit obtenir ,
Et qu'il faut éprouver pour te bien définir.
Fuyez. N'efpérez rien de vos foins téméraires,
Gy
154 MERCURE DE FRANCE.
Artifans fans génie , ouvriers mercenaires ,
Qui dans ce champ de gloire , attirés par la faim ,
Envifagez pour but non l'honneur , mais le gain.
Allez , portez ailleurs cette vile induſtrie :
Ivres du fol efpoir dont votre ame eft nourrie ;
Il faut , pour le remplir , battre un autre fentier :
La peinture eft un art , & non pas un métier.
A l'occafion des Peintres d'animaux.
voici un morceau philofophique , où la
brute doit remercier le Poëte de la fupériorité
qu'il femble lui donner fur l'homme
, & qu'elle mérite peut- être à certains
égards.
Quel bras de Prométhée , oſant ravir la flâme ,
A l'inftin&t de la brute ajoute encore une ame ?
Nous fait voir des forêts les hôtes tous égaux ,
De l'homme fier & vain , plus fuperbes rivaux.
Plus courageux , plus fiers , plus foumis , plus dociles
,
Plus juftes , plus prudens , plus chaftes , plus tranquiles
,
Plus fobres , plus actifs , aux travaux plus conftans,
Plus fideles amis , plus fideles amans ;
Rois de cet Univers , fi la fourbe & l'adreſſe ,
L'artifice toujours appui de la foibleffe ,
Et les pieges couverts à la force tendus ,
N'étoient pas des humains les premieres vertus.
DECEMBRE 1755. ISS
La peinture d'Hiftoire me paroît bien
peinte dans le morceau fuivant..
Où m'as-tu tranfporté , Déeffe enchantereffe :
Quel nouveau feu dans moi fait paffer fon ivreffe !
Quel jour plus lumineux a frappé mes regards ,
Quels chefs-d'oeuvres vivans naiffent de toutes
parts !
C'étoit donc peu pour toi , féduifante peinture ,
De tromper par ton art , l'art même & la nature ;
Cet art vouloit un but & des projets plus hauts ,
De plus nobles fuccès pour tes nobles travaux .
Pour couronner ta gloire , ainfi que ton ouvrage ,
Dans le fond de nos coeurs , il fe fraye un paffage ,
Y réveille à la fois la pitié , la terreur ,
L'amour , l'ambition , la haine & la fureur ,
Toutes nos paffions , ces idoles fi cheres ,
De l'ame des humains , tyrans trop volontaires.
Le morceau de la haine des fils de Jocafte
eft encore un des mieux frappés . Il
termine le Poëme , & nous finirons par
lui ce précis.
C'eft un fecret penchant que nous éprouvons tous ,
Il naît , fe fortifie , & ne meurt qu'avec nous ,
Nous aimons par inftinct ceux qui nous firent
naître ,
Et.croyons tout devoir à qui nous devons l'être.
Notre coeur généreux , plein de ces fentimens ,
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
Aime à multiplier ces tendres mouvemens .
Les neveux , les amis , les parens de nos Peres
Partagent avec eux ces refpects volontaires ;
Chacun d'eux les reçoit & les rend à ſon tour ,
Et les dégrés du fang font des dégrés d'amour.
Mais quand l'indépendance amenant la difcorde !
Des Peres & des Fils a troublé la concorde ,
Ou qu'un vil intérêt , deftructeur des maifons ,
Dans nos coeurs à longs traits répandant fes poi
fons ,
Une fois a rompu ce lien invincible ,
Plus le fang nous unit , plus la haine eft terrible.
Thebe en vit autrefois un exemple fameux.
Deux freres , nés d'un fang profcrit , inceftueux ,
Surpaffant en fureur les crimes de leur race ,
Comblerent dans fes murs leur fratricide audace.
Tous deux las de verfer le fang de leurs fujets ,
De s'habhorrer toujours , fans fe venger jamais ,.
Et de commettre au fort leur rage impatiente ,
Choifirent dans leur bras une route moins lente.
L'un vers l'autre avec joye , on les vit s'avancer ,
Se mefurer , fe joindre , ainfi que fe percer ,
Tomber , & ranimant leur facrilege envie ,
Poursuivre en fon rival les reftes de ſa vie ;
Et contens de la perdre en pouvant la ravir ,
Se rapprocher tous deux , s'égorger & mourir.
A ces freres éteints , par leur haine célebres ,
Thebes fit décerner tous les honneurs funebres ;
Et l'on réunit morts , fur un même bucher ,
DECEMBRE. 1755. 157
Ceux , que vivans , le fang n'avoit pu rapprocher.
O prodige ! à l'inftant la flamme divifée
Se fépare fur eux , ardente & courroucée :
A travers l'épaiffeur de fes globes brúlans.
On croit voir dans les airs leurs ſpectres menaçans
Sindigner , en mourant , d'un foin qui les honore ;
Et dans ces coeurs glacés la haine vit encore.
On a joint à ce Poëme un écrit en profe,
qui a pour titre , Caracteres des Peintres
François actuellement vivans , nouvelle.
édition. Il eft du même Auteur , & mérite
d'être lu.
LA MORT DE SÉJAN , Tragédie en vers.
qui n'a pas été jouée , précédée de deux
Epîtres en vers , Prix 30 fols. A Berlin ;.
& fe vend à Paris chez Duchefne , rue faint
Jacques.
C'eft un coup d'effai qui mérite d'autant
plus d'indulgence que l'auteur n'a que
vingt-deux ans.
NOUVELLE MÉTHODE pour apprendre
la Langue Latine par un fyftême fi facile
qu'il eft à la portée d'un enfant de cinq à
fix ans qui fçait lire : & fi prompt qu'on y
fait plus de progrès en deux ou trois années
qu'en huit ou dix , en fuivant la
158 MERCURE DE FRANCE.
route ordinaire , par M. de Launay , Auteur
de la nouvelle Méthode pour apprendre
à lire . Celle- ci eft propofée par ſoufcription
en quatre volumes in So. A Paris,
chez la veuve Robinot , quai des Grands
Auguftins , & chez Babuty fils , même
qual , 1755.
L'Auteur nous affure que par cet ouvrage
, tout fujet capable d'application depuis
cinq ans jufqu'à foixante , après un mois
ou deux d'inftruction , peut apprendre
feul & fans maître , à expliquer les Auteurs
latins les plus difficiles , & à rendre
raifon de toutes les regles de la Grammaire
& de la maniere la plus commode
& la plus aifée , fans aucun effort d'imagination
ni de mémoire . Ce fyftême eft
général , & peut s'appliquer à toutes les
langues. Le prix en feuilles fera pour les
Soufcripteurs de douze livres , dont fix
feront payées en foufcrivant; La foufcription
aura lieu jufqu'au mois de Février
prochain 1756 ; paffé ce tems , le prix fera
de dix-huit livres. Le premier volume
paroîtra au commencement de Février
& les trois autres de mois en mois.
PRINCIPES GENERAUX & raifonnés
de la Grammaire Françoife , avec
des obfervations fur l'orthographe , les
DECEMBRE 1755. 159
accents , la ponctuation , & la prononcia--
tion ; & un abrégé de regles de la verfification
françoife , dédiés à Mgr . le Duc de
Chartres , par M. Reftaut , Avocat au Parlement
& aux Confeils du Roi . Septieme
édition revue & corrigée par l'Auteur.
A Paris , chez la veuve Lottin , J. H. Buttard
, rue S. Jacques ; & chez Defaint &
Saillant , rue S. Jean de Beauvais . 1755 .
Cet ouvrage eft un des meilleurs qu'on
ait faits fur notre langue. Les nombreuſes
éditions qui en ont été données , le louent
beaucoup plus que tout le bien que nous
pourrions en dire. La feptieme que nous
annonçons , met le comble à l'éloge . La
même Grammaire fe trouve à Poitiers ,
chez J. Felix Faulcon Imprimeur du
Clergé.
OBSERVATIONS critiques & politiques
fur le commerce maritime , dans
lefquelles on difcute quelques points felatifs
à l'induftrie & au commerce des Colonies
Françoifes , un volume in- 12 , petit
format , imprimé à Amfterdam ; & fe trouve
à Paris , chez Jombert , rue Dauphine.
1755.
Il paroîtra vers la fin de Janvier prochain
une carte en quatre feuilles , inti160
MERCURE DE FRANCE .
tulée Canada , Louisiane , & Terres Angloifes.
On peut attendre de M. d'Anville
qui a compofé cette carte , l'exactitude &
l'abondance de détail qui caractériſent ſes
ouvrages.
Baron de S. Julien. A Amfterdam ; & fe
trouve à Paris , chez Quillau , rue S. Jacques
, & chez Jombert , rue Dauphine.
Ce court poëme qui n'a guere plus de
deux cens vers , contient moins les préceptes
que les louanges de l'art qu'il célebre
: il nous paroît l'ouvrage d'un Auteur
qui joint au goût de la Peinture , le talent
de la Poéfie.
Quelques tirades que nous allons citer ,
le prouveront mieux que nos difcours .
Otoi , dont la beauté fit mon premier amour ,
Peinture , que j'aimai , dès que je vis le jour .....
Viens , dévoile à mes fens tes auguftes myfteres,,
Dirige tes crayons dans mes mains téméraires,
Allume dans mon fein ces tranſports créateurs
Des refforts du génie inftrumens & moteurs ,
Ce feu noble & facré , cet orgueil de notre être
Où l'homme égal aux Dieux , ſemble ſe reconnoître
,
Ce don qu'aucun effort ne fçauroit obtenir ,
Et qu'il faut éprouver pour te bien définir.
Fuyez. N'efpérez rien de vos foins téméraires,
Gy
154 MERCURE DE FRANCE.
Artifans fans génie , ouvriers mercenaires ,
Qui dans ce champ de gloire , attirés par la faim ,
Envifagez pour but non l'honneur , mais le gain.
Allez , portez ailleurs cette vile induſtrie :
Ivres du fol efpoir dont votre ame eft nourrie ;
Il faut , pour le remplir , battre un autre fentier :
La peinture eft un art , & non pas un métier.
A l'occafion des Peintres d'animaux.
voici un morceau philofophique , où la
brute doit remercier le Poëte de la fupériorité
qu'il femble lui donner fur l'homme
, & qu'elle mérite peut- être à certains
égards.
Quel bras de Prométhée , oſant ravir la flâme ,
A l'inftin&t de la brute ajoute encore une ame ?
Nous fait voir des forêts les hôtes tous égaux ,
De l'homme fier & vain , plus fuperbes rivaux.
Plus courageux , plus fiers , plus foumis , plus dociles
,
Plus juftes , plus prudens , plus chaftes , plus tranquiles
,
Plus fobres , plus actifs , aux travaux plus conftans,
Plus fideles amis , plus fideles amans ;
Rois de cet Univers , fi la fourbe & l'adreſſe ,
L'artifice toujours appui de la foibleffe ,
Et les pieges couverts à la force tendus ,
N'étoient pas des humains les premieres vertus.
DECEMBRE 1755. ISS
La peinture d'Hiftoire me paroît bien
peinte dans le morceau fuivant..
Où m'as-tu tranfporté , Déeffe enchantereffe :
Quel nouveau feu dans moi fait paffer fon ivreffe !
Quel jour plus lumineux a frappé mes regards ,
Quels chefs-d'oeuvres vivans naiffent de toutes
parts !
C'étoit donc peu pour toi , féduifante peinture ,
De tromper par ton art , l'art même & la nature ;
Cet art vouloit un but & des projets plus hauts ,
De plus nobles fuccès pour tes nobles travaux .
Pour couronner ta gloire , ainfi que ton ouvrage ,
Dans le fond de nos coeurs , il fe fraye un paffage ,
Y réveille à la fois la pitié , la terreur ,
L'amour , l'ambition , la haine & la fureur ,
Toutes nos paffions , ces idoles fi cheres ,
De l'ame des humains , tyrans trop volontaires.
Le morceau de la haine des fils de Jocafte
eft encore un des mieux frappés . Il
termine le Poëme , & nous finirons par
lui ce précis.
C'eft un fecret penchant que nous éprouvons tous ,
Il naît , fe fortifie , & ne meurt qu'avec nous ,
Nous aimons par inftinct ceux qui nous firent
naître ,
Et.croyons tout devoir à qui nous devons l'être.
Notre coeur généreux , plein de ces fentimens ,
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
Aime à multiplier ces tendres mouvemens .
Les neveux , les amis , les parens de nos Peres
Partagent avec eux ces refpects volontaires ;
Chacun d'eux les reçoit & les rend à ſon tour ,
Et les dégrés du fang font des dégrés d'amour.
Mais quand l'indépendance amenant la difcorde !
Des Peres & des Fils a troublé la concorde ,
Ou qu'un vil intérêt , deftructeur des maifons ,
Dans nos coeurs à longs traits répandant fes poi
fons ,
Une fois a rompu ce lien invincible ,
Plus le fang nous unit , plus la haine eft terrible.
Thebe en vit autrefois un exemple fameux.
Deux freres , nés d'un fang profcrit , inceftueux ,
Surpaffant en fureur les crimes de leur race ,
Comblerent dans fes murs leur fratricide audace.
Tous deux las de verfer le fang de leurs fujets ,
De s'habhorrer toujours , fans fe venger jamais ,.
Et de commettre au fort leur rage impatiente ,
Choifirent dans leur bras une route moins lente.
L'un vers l'autre avec joye , on les vit s'avancer ,
Se mefurer , fe joindre , ainfi que fe percer ,
Tomber , & ranimant leur facrilege envie ,
Poursuivre en fon rival les reftes de ſa vie ;
Et contens de la perdre en pouvant la ravir ,
Se rapprocher tous deux , s'égorger & mourir.
A ces freres éteints , par leur haine célebres ,
Thebes fit décerner tous les honneurs funebres ;
Et l'on réunit morts , fur un même bucher ,
DECEMBRE. 1755. 157
Ceux , que vivans , le fang n'avoit pu rapprocher.
O prodige ! à l'inftant la flamme divifée
Se fépare fur eux , ardente & courroucée :
A travers l'épaiffeur de fes globes brúlans.
On croit voir dans les airs leurs ſpectres menaçans
Sindigner , en mourant , d'un foin qui les honore ;
Et dans ces coeurs glacés la haine vit encore.
On a joint à ce Poëme un écrit en profe,
qui a pour titre , Caracteres des Peintres
François actuellement vivans , nouvelle.
édition. Il eft du même Auteur , & mérite
d'être lu.
LA MORT DE SÉJAN , Tragédie en vers.
qui n'a pas été jouée , précédée de deux
Epîtres en vers , Prix 30 fols. A Berlin ;.
& fe vend à Paris chez Duchefne , rue faint
Jacques.
C'eft un coup d'effai qui mérite d'autant
plus d'indulgence que l'auteur n'a que
vingt-deux ans.
NOUVELLE MÉTHODE pour apprendre
la Langue Latine par un fyftême fi facile
qu'il eft à la portée d'un enfant de cinq à
fix ans qui fçait lire : & fi prompt qu'on y
fait plus de progrès en deux ou trois années
qu'en huit ou dix , en fuivant la
158 MERCURE DE FRANCE.
route ordinaire , par M. de Launay , Auteur
de la nouvelle Méthode pour apprendre
à lire . Celle- ci eft propofée par ſoufcription
en quatre volumes in So. A Paris,
chez la veuve Robinot , quai des Grands
Auguftins , & chez Babuty fils , même
qual , 1755.
L'Auteur nous affure que par cet ouvrage
, tout fujet capable d'application depuis
cinq ans jufqu'à foixante , après un mois
ou deux d'inftruction , peut apprendre
feul & fans maître , à expliquer les Auteurs
latins les plus difficiles , & à rendre
raifon de toutes les regles de la Grammaire
& de la maniere la plus commode
& la plus aifée , fans aucun effort d'imagination
ni de mémoire . Ce fyftême eft
général , & peut s'appliquer à toutes les
langues. Le prix en feuilles fera pour les
Soufcripteurs de douze livres , dont fix
feront payées en foufcrivant; La foufcription
aura lieu jufqu'au mois de Février
prochain 1756 ; paffé ce tems , le prix fera
de dix-huit livres. Le premier volume
paroîtra au commencement de Février
& les trois autres de mois en mois.
PRINCIPES GENERAUX & raifonnés
de la Grammaire Françoife , avec
des obfervations fur l'orthographe , les
DECEMBRE 1755. 159
accents , la ponctuation , & la prononcia--
tion ; & un abrégé de regles de la verfification
françoife , dédiés à Mgr . le Duc de
Chartres , par M. Reftaut , Avocat au Parlement
& aux Confeils du Roi . Septieme
édition revue & corrigée par l'Auteur.
A Paris , chez la veuve Lottin , J. H. Buttard
, rue S. Jacques ; & chez Defaint &
Saillant , rue S. Jean de Beauvais . 1755 .
Cet ouvrage eft un des meilleurs qu'on
ait faits fur notre langue. Les nombreuſes
éditions qui en ont été données , le louent
beaucoup plus que tout le bien que nous
pourrions en dire. La feptieme que nous
annonçons , met le comble à l'éloge . La
même Grammaire fe trouve à Poitiers ,
chez J. Felix Faulcon Imprimeur du
Clergé.
OBSERVATIONS critiques & politiques
fur le commerce maritime , dans
lefquelles on difcute quelques points felatifs
à l'induftrie & au commerce des Colonies
Françoifes , un volume in- 12 , petit
format , imprimé à Amfterdam ; & fe trouve
à Paris , chez Jombert , rue Dauphine.
1755.
Il paroîtra vers la fin de Janvier prochain
une carte en quatre feuilles , inti160
MERCURE DE FRANCE .
tulée Canada , Louisiane , & Terres Angloifes.
On peut attendre de M. d'Anville
qui a compofé cette carte , l'exactitude &
l'abondance de détail qui caractériſent ſes
ouvrages.
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Résumé : « LA PEINTURE, poëme, par M. Baillet, Baron de S. Julien. A Amsterdam ; & se [...] »
Le texte présente une critique du poème 'La Peinture' de M. Baillet, Baron de Saint-Julien, disponible à Amsterdam et à Paris. Ce poème, composé de deux cents vers, célèbre l'art de la peinture et les talents de son auteur, qui combine un goût prononcé pour la peinture et un talent poétique. Le poème exalte la peinture comme un art noble, distinct d'un simple métier, et critique les artistes sans génie qui recherchent uniquement le gain matériel. Il inclut des réflexions philosophiques sur la supériorité des animaux sur les humains dans certains aspects. Le poème décrit également la peinture d'histoire, qui doit éveiller les passions humaines, et se termine par une évocation de la haine fratricide des fils de Jocaste. En outre, le texte mentionne un écrit en prose du même auteur intitulé 'Caractères des Peintres Français actuellement vivans'. D'autres publications de l'auteur sont également citées, telles que la tragédie 'La Mort de Séjan', une nouvelle méthode pour apprendre le latin, une grammaire française, et des observations critiques sur le commerce maritime.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 160-164
SEANCE PUBLIQUE De l'Académie Françoise.
Début :
M. l'Abbé de Boismont ayant été élu par l'Académie Françoise à la place de feu [...]
Mots clefs :
Académie française, Discours, Nicolas Thyrel de Boismont, Esprit, Abbé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SEANCE PUBLIQUE De l'Académie Françoise.
SEANCE PUBLIQUE
De l'Académie Françoife.
M. l'Abbé de Boifmont ayant été élu
par l'Académie Françoife à la place de feu
M. l'Evêque de Mirepoix , y prit féance le
25 Octobre. Le difcours qu'il prononça ,
fut trouvé très- éloquent , & nous ofons
affurer que l'impreffion ne lui a rien fair
perdre de fa beauté. Ceux qui ne l'ont ni
entendu ni lu , en jugeront par les traits
que j'en vais citer. Je les prendrai dans
l'apologie qu'il fait du caractere actuel
de l'éloquence de la chaire , à qui l'on rẹ-
proche d'être trop ornée , & de courir
trop après l'efprit . Pourquoi , dit-il , lorfqu'il
s'agit de commander aux paffions
des hommes , dédaigneroit-on le charme
le plus puiffant qui les foumette , & qui les
captive ? J'appelle ainfi cet heureux art
d'embellir la raifon , d'adoucir la rudeffe
de fes traits , de lui donner une teinture
vive & pénétrante , de la dépouiller de
DECEMBRE. 1755. 161
cette féchereffe qui révolte , de cette monotonie
qui dégoute , de cette pefanteur
qui attiédit , & qui fatigue. Que produitelle
fans le fecours de cet art ? une attention
morte , une conviction froide , un
hommage aride & inanimé ; quelquefois
la tentation de fe venger de l'ennui par
le doute , & toujours le dépit fecret de
fentir que ce qui peut laiffer encore quelques
nuages dans l'efprit , ne foit pas du
moins protégé par le fuffrage du coeur.
On regrette tous les jours , ajoute- t- il
plus bas , la majestueufe fimplicité des premiers
défenfeurs. On veut que dans ces
rems heureux tout pliât fous le poids de
la vérité feule , & que pour la rendre victorieufe
il ait fuffi de la montrer fans parure
& fans art ; mais que prétend- on par
cette fuppofition chagrine ? fe perfuade- ton
que les premiers panégyriftes de la foi
dédaignerent les teffources du génie , abandonnerent
la vérité à fon ' auftérité naturelle
, repoufferent d'une main fuperftitieuſe
tous les ornemens qu'elle avoue , &
qu'en un mot un zele brulant & impétueux
leur tint lieu de tout ? illufion démentie
par les précieux monumens qui nous refrent
de ces gran is hommes. Qu'on écoute
S. Paul foudroyant la raifon humaine au
milieu de l'Areopage ; quelle critique dé-
1
162 MERCURE DE FRANCE.
licate ! quelle philofophie fublime ! quel
tableau brillant de l'immenfité du premier
être ! Non , quels que fuffent alors les fuccès
de la foi , les moyens humains entrerent
, je ne dis pas dans la compofition ,
mais dans la propagation fucceffive de cette
oeuvre divine . Alors , comme de nos
jours les controverfes , les écrits , les dif
cours publics prirent la teinture du caractere
perfonnel de l'efprit dominant du
fiecle , & fi j'ofe m'exprimer ainfi de
l'impulsion générale des moeurs. Tertullien
fut févere & bouillant , S. Auguftin
profond & lumineux, S. Chryfoftome pompeux
& folide , S. Bernard fenfible & fieuri.
Leur zele ne porte nulle part l'empreinte
d'une raifon féche & décharnée ; ils
l'enrichiffent , ils la parent de tous les tréfors
de l'imagination , moins déliée peutêtre
, moins minutieufe que celle de nos
jours , parce que leur âge étant plus fimple
, les vices avoient , pour ainfi dire
plus de corps & de confiftance : la corrup
tion étoit moins adroite , moins myſtérieufe
; elle ne forçoit point par conféquent,
à ces détails , & à ces nuances qui reffemblent
quelquefois à un foin affecté de l'art,
& qui n'appartiennent cependant qu'à un
efprit d'exactitude & d'obfervation . Lorfque
le vice eft devenu ingénieux , il a failu
DECEMBRE. 1755. 163
le devenir avec lui , pour le combattre.
Cette maniere de juftifier la néceffité où
l'on eft aujourd'hui d'employer les armes
de l'efprit pour faire triompher la parole
de Dieu , eft elle- même auffi ingénieufe ,
qu'elle eft nouvelle & bien faifie.
Monfieur l'Abbé Alary répondit à mon
fieur l'Abbé de Boifmont. Son difcours
eut l'approbation génerale , & le mérite
à double titre. Il eft élégant & court.
Après avoir donné en peu de mots au Récipiendaire
la louange due à fon talent
pour la chaire , il fait ainfi l'éloge de M.
l'Evêque de Mirepoix .
Né dans le fein d'une famille entierement
confacrée à la Religion , il ne connut
de vrais devoirs que ceux qu'elle prefcrit.
Son exactitude à les remplir le fit
renoncer abfolument au monde ; mais
malgré fa retraite, il ne put être long- tems
ignoré. Il parut dans le public pour y annoncer
les vérités éternelles..... Il n'eut
de commerce avec les grands que dans le
tribunal de la pénitence , & ils fe firent
gloire , en devenant fes amis , d'être à fon
infçu les protecteurs. Ce furent là , Monfieur
, les deux feuls nroyens qui fervirent
à fon élévation . Il ne dut rien à la fortune
, tout fut l'ouvrage de la providence ,
dont les voies impénétrables le conduifi164
MERCURE DE FRANCE.
rent aux premiers honneurs de l'Eglife ;
mais à peine y fut- il parvenu qu'il fut forcé
de s'arracher à fes travaux apoftoliques
déja récompenfés par les fruits les plus
abondans.
Deſtiné à l'inftruction de l'héritier du
premier trône de l'univers , il ne changea
point de maximes ; la Religion fut toujours
la bafe de fa conduite. Il ne fut occupé
que d'infpirer à fon augufte Eleve
les fentimens d'une pieté folide & éclairée
, l'amour du devoir & le defir de s'inftruire
, qualités fi néceffaires aux Souverains,
qui veulent faire le bonheur de leurs
peuples. Nous fommes tous témoins du
fuccès de fes foins ; & pouvions - nous
moins attendre d'un Prince , qui , dès les
premiers momens qu'il a connu la raifon
a donné les preuves les plus brillantes de
la vivacité de fon efprit , les marques les
plus fures de la folidité de fon jugement ,
les indices les plus certains de la fenfibilité
de fon coeur , reffource fi défirable
pour tous les malheureux .
De l'Académie Françoife.
M. l'Abbé de Boifmont ayant été élu
par l'Académie Françoife à la place de feu
M. l'Evêque de Mirepoix , y prit féance le
25 Octobre. Le difcours qu'il prononça ,
fut trouvé très- éloquent , & nous ofons
affurer que l'impreffion ne lui a rien fair
perdre de fa beauté. Ceux qui ne l'ont ni
entendu ni lu , en jugeront par les traits
que j'en vais citer. Je les prendrai dans
l'apologie qu'il fait du caractere actuel
de l'éloquence de la chaire , à qui l'on rẹ-
proche d'être trop ornée , & de courir
trop après l'efprit . Pourquoi , dit-il , lorfqu'il
s'agit de commander aux paffions
des hommes , dédaigneroit-on le charme
le plus puiffant qui les foumette , & qui les
captive ? J'appelle ainfi cet heureux art
d'embellir la raifon , d'adoucir la rudeffe
de fes traits , de lui donner une teinture
vive & pénétrante , de la dépouiller de
DECEMBRE. 1755. 161
cette féchereffe qui révolte , de cette monotonie
qui dégoute , de cette pefanteur
qui attiédit , & qui fatigue. Que produitelle
fans le fecours de cet art ? une attention
morte , une conviction froide , un
hommage aride & inanimé ; quelquefois
la tentation de fe venger de l'ennui par
le doute , & toujours le dépit fecret de
fentir que ce qui peut laiffer encore quelques
nuages dans l'efprit , ne foit pas du
moins protégé par le fuffrage du coeur.
On regrette tous les jours , ajoute- t- il
plus bas , la majestueufe fimplicité des premiers
défenfeurs. On veut que dans ces
rems heureux tout pliât fous le poids de
la vérité feule , & que pour la rendre victorieufe
il ait fuffi de la montrer fans parure
& fans art ; mais que prétend- on par
cette fuppofition chagrine ? fe perfuade- ton
que les premiers panégyriftes de la foi
dédaignerent les teffources du génie , abandonnerent
la vérité à fon ' auftérité naturelle
, repoufferent d'une main fuperftitieuſe
tous les ornemens qu'elle avoue , &
qu'en un mot un zele brulant & impétueux
leur tint lieu de tout ? illufion démentie
par les précieux monumens qui nous refrent
de ces gran is hommes. Qu'on écoute
S. Paul foudroyant la raifon humaine au
milieu de l'Areopage ; quelle critique dé-
1
162 MERCURE DE FRANCE.
licate ! quelle philofophie fublime ! quel
tableau brillant de l'immenfité du premier
être ! Non , quels que fuffent alors les fuccès
de la foi , les moyens humains entrerent
, je ne dis pas dans la compofition ,
mais dans la propagation fucceffive de cette
oeuvre divine . Alors , comme de nos
jours les controverfes , les écrits , les dif
cours publics prirent la teinture du caractere
perfonnel de l'efprit dominant du
fiecle , & fi j'ofe m'exprimer ainfi de
l'impulsion générale des moeurs. Tertullien
fut févere & bouillant , S. Auguftin
profond & lumineux, S. Chryfoftome pompeux
& folide , S. Bernard fenfible & fieuri.
Leur zele ne porte nulle part l'empreinte
d'une raifon féche & décharnée ; ils
l'enrichiffent , ils la parent de tous les tréfors
de l'imagination , moins déliée peutêtre
, moins minutieufe que celle de nos
jours , parce que leur âge étant plus fimple
, les vices avoient , pour ainfi dire
plus de corps & de confiftance : la corrup
tion étoit moins adroite , moins myſtérieufe
; elle ne forçoit point par conféquent,
à ces détails , & à ces nuances qui reffemblent
quelquefois à un foin affecté de l'art,
& qui n'appartiennent cependant qu'à un
efprit d'exactitude & d'obfervation . Lorfque
le vice eft devenu ingénieux , il a failu
DECEMBRE. 1755. 163
le devenir avec lui , pour le combattre.
Cette maniere de juftifier la néceffité où
l'on eft aujourd'hui d'employer les armes
de l'efprit pour faire triompher la parole
de Dieu , eft elle- même auffi ingénieufe ,
qu'elle eft nouvelle & bien faifie.
Monfieur l'Abbé Alary répondit à mon
fieur l'Abbé de Boifmont. Son difcours
eut l'approbation génerale , & le mérite
à double titre. Il eft élégant & court.
Après avoir donné en peu de mots au Récipiendaire
la louange due à fon talent
pour la chaire , il fait ainfi l'éloge de M.
l'Evêque de Mirepoix .
Né dans le fein d'une famille entierement
confacrée à la Religion , il ne connut
de vrais devoirs que ceux qu'elle prefcrit.
Son exactitude à les remplir le fit
renoncer abfolument au monde ; mais
malgré fa retraite, il ne put être long- tems
ignoré. Il parut dans le public pour y annoncer
les vérités éternelles..... Il n'eut
de commerce avec les grands que dans le
tribunal de la pénitence , & ils fe firent
gloire , en devenant fes amis , d'être à fon
infçu les protecteurs. Ce furent là , Monfieur
, les deux feuls nroyens qui fervirent
à fon élévation . Il ne dut rien à la fortune
, tout fut l'ouvrage de la providence ,
dont les voies impénétrables le conduifi164
MERCURE DE FRANCE.
rent aux premiers honneurs de l'Eglife ;
mais à peine y fut- il parvenu qu'il fut forcé
de s'arracher à fes travaux apoftoliques
déja récompenfés par les fruits les plus
abondans.
Deſtiné à l'inftruction de l'héritier du
premier trône de l'univers , il ne changea
point de maximes ; la Religion fut toujours
la bafe de fa conduite. Il ne fut occupé
que d'infpirer à fon augufte Eleve
les fentimens d'une pieté folide & éclairée
, l'amour du devoir & le defir de s'inftruire
, qualités fi néceffaires aux Souverains,
qui veulent faire le bonheur de leurs
peuples. Nous fommes tous témoins du
fuccès de fes foins ; & pouvions - nous
moins attendre d'un Prince , qui , dès les
premiers momens qu'il a connu la raifon
a donné les preuves les plus brillantes de
la vivacité de fon efprit , les marques les
plus fures de la folidité de fon jugement ,
les indices les plus certains de la fenfibilité
de fon coeur , reffource fi défirable
pour tous les malheureux .
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Résumé : SEANCE PUBLIQUE De l'Académie Françoise.
Lors d'une séance publique de l'Académie Française, l'Abbé de Boifmont a été élu pour succéder à M. l'Évêque de Mirepoix. Le 25 octobre, il a prononcé un discours jugé très éloquent, dont la beauté n'a pas été altérée par l'impression. Dans ce discours, il a défendu l'éloquence de la chaire, souvent critiquée pour être trop ornée et trop spirituelle. Il a argumenté que l'art d'embellir la raison est nécessaire pour captiver et soumettre les passions humaines. Sans cet art, l'attention reste morte, la conviction froide, et l'audience peut être tentée de douter. Il a regretté la simplicité des premiers défenseurs de la foi, mais a souligné que même eux utilisaient des moyens humains pour propager leur message. Il a cité des exemples comme Saint Paul, Tertullien, Saint Augustin, Saint Chrysostome et Saint Bernard, qui enrichissaient leurs discours de trésors d'imagination. L'Abbé Alary a répondu à l'Abbé de Boifmont avec un discours élégant et court, louant le talent de ce dernier pour la chaire et rendant hommage à M. l'Évêque de Mirepoix. Ce dernier, né dans une famille dévouée à la religion, a consacré sa vie à ses devoirs religieux, annonçant les vérités éternelles et gagnant le respect des grands. Il a été choisi pour instruire l'héritier du trône, lui inspirant une piété solide et éclairée, l'amour du devoir et le désir de s'instruire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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