Extrait. d.e l' Hifloire de Charlemagne • .
Le fond de cet OuTrage efr l'Hifioire de
Chaa:·le111ag11c ; mais elle ell: précédée de
Co1zfidérations far ii remièr~ Race, & fi,i ...
. Ylt de . Confiâérations~r lafe,ende.
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1 U,i.JU I :J4 tJ
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i 6$ · M E R C U R E
Ces Co11fidérations ent;'re11r daris ~c pla11
de l 'Ouv~age, & font t1ne partie etfenticlle
d11 f~tjer. Il f:1lloic monr1·c1· toue le tnal 'que
Cl1arle1nagne avoir à corriger, & qu'il a
corrigé e11 partie; il falloir 1no11trer tour le
· bien que Ces Succeffears a voient à détruire,
· · & qu'ils ont déc.ruic entièret11enr. ,
: · C' ell ce tableau qu'on a voulu préfe11rer;
ce !011c ces vici!Iirudes dont on a tâché d'expofer
& les caufes & les effets ; en gé11éral,
· 011 a voulu tirer de cerce partie de 11otire
Hifroire tot1res les vérités utiles, coures les .
moralités Îlnporra11tes · u'elle peut fournir •
.. L'Hifl:ojre doit no11- euletnent être racontée,
in ais et1co re être raif on11ée ; il faut que
. lés hon1rr1es & les ~véneme11~ foienr j\tgés ;
il faur q11e les fautes & les erreurs dû patfé
. foient la 1e~o11 de l'a\1e11ir ; il faut qu,011
· fache ce qu1 s'eft fair, ~our favoi1· ce qll'il
faut faire & ce qu'il fau·t éviter. D'ailleurs,
les f~lifrorie11s n' 011r pas toujours jugé aflèz
, fiaineme11t tles chofes; la pltipart des jugeme11s
de l'Hifi:oire f 011t à réforn1er) & c, eft
un 1notif de plus de rflifonner aujourd 'hui
_ l' Hifloire. Il faut rayer de fes A11t1 les, il
fattt dé111enrir à la face . de- l'Univers. cous
· · ces jt1get11e11s infettés de l'e(prit du MachiavelJiline,
ces tloges de la g11€1·re, ces ho111-
niage~ proftirl1és ~ tt crin1e i·éputé heure11x, à
la fot1 rberie r.ép11tée ad1·0ite; il faut s'élever
contre ce~ e1111en1is du rg.ç11re hu111a'in, qoi
... 011t ofé diftit1gt1~r d.e~~0r?lcs, l't1ne pour
le pet1 ple, 1, autr__ e pou1· Jes Rois ; i~ne ;.qui
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D E F R A N C E. t~t
règle les droits des particulirrs, l,autre i qui
fait la dcfiinée des Em l'ires; contre ~es Ecri- ·
vains , ou pervers ou ftu 11idcs qui, lailfaftt
da,1s l, oubli ou li\1rant tnême au mépris les
vertus pacifiques ·& bienfaifai.1tes , ont toujours
célébré les vices r11rbulens & funefies.
Quai1t à la 1n4_11ière d"e111 ployer la in oralité,
elle doir bcauèoup ''arier dans la forme.
Tantôt 1, At1tcur l'é11011ce de lui-même, tantôt
il la place dans la boucl1e d'un de fes
pcrfonnagcs, tantôt il la f upprime entièrement
lorfqt1'elle fort atfcz d,elle-n1ê1ne du
fond Ju f ujet, &: q11e l'cf prit ne peut pas ne
pas la fer1tir & ne pas la ft1 pplécr ... Lorfque
Agt·ippin·e c1·ie at1 Centurion qui la 111aifacre
par l'ordre de fo11 fils, & qui 1, a voit déjà
frappée à la rête : Frappe les entrailles q1,i.
ont J'01·té ce monflre,, 'Y"'ENT REM FEl<.I. Ces
det1x inots 011r pJ t1s d, éloqt1encc & de mo·
rai icé que 11, en a uroic11t les N'~l t1s fortes déclan1a
rio11s co11tre le pa1·riclde. Lor:f<.1t1' apres
avojr rapporté les c1·itnes lo11g- te1nps
impunis de'-Néi·on, l,Hiîl:ot·ie11 ajot1re: L4
/011, rie patience du genre· humain fa , lqffa
en Tl; 011 n'a pas De( OÏ 11 d, ételltl t·e Ôa'\'a ntagc
la n1enace terrible que c~rrc pl1rafe li
fttnplc fair à tot1s les tyrans; inais tOLltes les .
fois qt1e les préjugés ou d, opi11io11 ot1 d'ufagc
s'oppofe11r a la i11oralité & . ]a repot1ffe11t,
on ne peot la fail·e f orrir avec r1·op d,éclar.
on ne pet1t l' énor1cer trop formclle1ne11c ni
l1 d~velopp e r rrop pleine1ne11r.
· E~re urile, en 1111 .111ot, êrre utile, voilà
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"1.lii . M E R C U R E
le grand devoir de rour Écrivai11, 8' la eon~
.iet1nnatio11 de tant d' écrirs.
Tel eft le précis d~ la Préface ; on pettt
la· regarder co111mc un petit Traité de l'u(age
de la 1norale dans l'Hiftoire & de la inanière
de l'y e1nplo}1er. Si nous rrouvio1~~
cerce Differtarion dans la Préf1ce de roue
autre Auteur, nous e11 conclu1·ions qt1e cet
Atlteur croit avoir tnis quelqt1e pl1ilof o·
phie & quelque n1oraliré da11s fo11 Ou\' rage;
nous ne pouvons c.l~nc nous difpenfer d'admectre
cette co11r1'e qt1ence pour nous4 111Ac 1T-ics,
· autrement ce ferait avoir deux poids & deltX
n1efures.
Pour jug~1· de cc qu'a .fair Charlen1agne ~
il faut connaître ce qu'il avoir à faire; il
f:ïtlt voir da11s quel état il avoir reçu la
france, & _dans qt1el état il l'a laiffé_e.
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.. .L'Introduélion, qui co11tient des obfier\ra·
tio11s fur la pre1nière Rac:e , & qtti appartient
plt1s effe11tielleLne1·1t au f ujer que les
Inrroduél:ions orc.ii11aires, efr divifée en
quatre Chapitres.
Le premier préfente des obfervarions générales
fur l' ef prit de guerre, & u11 parallèle
des guerres des .. Peuples barbares & de
celles des Pet1ples policés.
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Dans l, ét:tr· de barbat·ie, la guerre cfl: conti11t1elle;
elle efi l ,t111i q t1e affaire, elle forme
feule l'ef prit gé11éral : da11s l'érar qt1'011 appelle
policé, la guerre n' cft qu'intertnirtenrc.
Si 011 étoit cout-à-fait i)ol1cé, la glterre cef:
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feroit entièreme11r. ~o.ite police tient à la
paix, & a befoin de la paix.
ILes guerres des Pet1plcs barbares f on~
beaucoup moi11s de1·aifo11!1ables que les 11ôtres.
Cl1 aifés par let11· 1nu lrirude, d,t1n fol ing1
·ar & fa11s cultu1·e qui 11e .peur plus les
11ou1·rit·, ils fe 1·épande11t da11s des cli1nars
plt1s het11·eux, & vo1Jt opp1·i111er des Pel1pJes
que Ja jquilfa11ce 1nê111e des Arts re11d moi11s
propres à la guerre. t,agrc~feur alors a ~u
rnoi11s un i11rérêt: préifa11t, t111 objet fc11Cible
& q•J'il peur remplir; il a co11it111u11en1ent, fur
les Peuples qt1,il arraque, l,avanrage de la
force & de la férocité qt1e don11e J3 barbarie;
inais des Pe11pJes de11t l'érablitfe111ent
ell: for1né depuis Jong-re1nps, des Pet1pl~s
policés, e11ro11rés de ro111te part de Nations
également policées, des Peuples à .qui le
.. com1nercc peut fournir routes les jouiifaa·
ces que la mature dl1 fol leur a refufées, qui
favent échanger tous les avantages ref peetifs
, faire Ji{ paroîr1·e & 1, éloigne111e11t des
lieux & la diffé1·ence des c1i1nats; des Peu-
. ples pour qui les mers, loi11 d'être des barrières
qui les {épare11t , devie1111enr cte nou~
eaux liens & ·de not1velles f ot1rces de ricHeifes
& de bo11heur ; des Reu ples e1:ifin
fur qui l'oeil de la Poliriqt1e extérieure efr
roujot1rs ouvert our préve11i r t0ut accroif.
fen1ent de puif ai1ce capable d'alar1ner la
liberté générale : quel inrérêr pet1ve11r ·ils
~ avoir de faire la guerre, ou plurôc quel in~
sérêt n, ont·ils poinc de 11e.la pas faire~
)
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Le réfultat de ce Cl1apicre eft que l' cf prit
de guerre en tout ge11re f oulève contte Je
: bonheur du genre - humain une 1nulrirude
d' en11e111is. · ·
Dans la guerre, des Go11quérans, .fléaux
de l'Univers. ·
Dans la Politique extérieure, des fot1rbes
malfaifans qui éternifenr les guerres.
Dans la Politique intérieure , des tyrans
qui forcent les Peuples à la révolte e11 les
accablant, ou des féditieux qt1i féduifent les
· Peuples pot1r les poulfer à, la révolte.
Dans la Religio11, des perfécaceurs qui la
feroie11t ha'.ir.
Da11s les Lettres, des .tiifputet1rs inrolb~
rans qt1i les profanent, & qui. co11verri,fenc
·en poi(on ce que l'U11iver.s a de plus ain1a-
. b!e & de plus utile. ' ~ .
• 1 Voilà ei1 général les maladies dent Charlcj
1nagne a voit à gt1érir "le g'e11re ht1111ai~. ) l
· Dans le fecond Chapir1·e, 011 exa1ninc
"plus p:trticalièrement, on ft1iv;a11t l'ldifloi1·t!,
quell es moet1rs l,efp1·it de gllerre avoir i11trodt11tes
dans la France & da11s l,Ett1·ope ava11t
Charle111a t1e. Ce Chapitrie co11rie11r l'Bjf-
.. toi1:e de la pret11ière Race depuis Clo~is 1
jufqt1'à Clo~1is II. U11 feul c1·ait, qai 'av.oit
.. pettt être pas éré a{fez remarqt1é, f uffir pour
peind rc les l11oeu rs à cette époque. Dans u11
efpacc d'environ ce11r cinquante ~atis, depuis
l'an 48' jt1fciu'à l'an 63 o, on compte plus
de qt1arante Rais ou 61s de Rois ou tués dans
les batailles, 9u a!faaiaés de .. fang-froid., w
IV~U/U4tl---------
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D E F R N c E. I~J
·cmpoifo1\11és, fans coa1pter beaucot1p" à' enfans
de ces Princes tués au bcr.ceau, & dont
oi111e fait 11i les 11oms ni le t101nbre.
Les Rais Fainéa11s & ' les Maires dlt Palais •
font lJobjet du troifiè1ne Chapir1·e. •
Les auteurs de la Race Ca1·lovingienne >
S.' Ar11ouJ , Pépin de Hoc1fral, <-harlesMartel,
Pépi11-Je · Bref, font le fttjet da
quar1iè~11e & dernier Chapitre de l,intro- •
duétio11.
Les inoeurs a";oient fait qt1elqt1es progrès.
Les ancêr1·es de Cha1·le1nagne écoitnt:
1noi11s fé1·oces qt1e les Rois guc--.rrie1·s de la
Ri1ce ~1 érovingic11ne. Charles-Martel & les f
deux Pépi ne; a ''oienr de la grandeur: & de
l~éclat:. Les Cor1qt1éra11s Mérovin~iens n'avoie11t
éré que des atfaffi11s terribles. Les
critnes de pure fé1·ocité dcvenoient plus ra- ·
res; mais ot1 co1n1nercoir encore les crimes
policiques , 011 lés com1netroit inême pat
fyfl:êtnc, c' eft la. plus ancie11nc comn1e la
plus ft111ef.l:e des er:reurs. On croit que le
M acnja ve!Ji[111e eft la doél:rine~ ou l' ei:reur
des fiècl~s Q~lairés; on fe trotnpe, il appartjenr
fur .. t (> tl t aux J<!u·pJes barbares; c .. eft
alors q-t1e le f rt: 1eut rot1jot1rs oppri1ner, &
le f(>i ~le t \ ll .t>t1rs rroi-n per. Les Peupl~s barbares
<Y· .~ ~ erJ~ d1ns u11 hat1t d~gré cette
vile fcie. cc· '1° 11tiiie, "eette petite fi11e((e
fittpide ~ ~ ·~ J· e111~i =- ~ de i·:i rouri11e, l'impuiff
a11c~· \ .. ~ ~ PV er ,~01 e( p1·it jufqa' à ) a rai- j
fo11, & f0... .. t1r jÛt-~1t1,à la,jt1!l:iGe, font encore
1101101· r. t1 • ?n de f"'olitique. Quand il exif: ·
. tcia: uit i ue, elle fera bieJ1 fi1nple, cc
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1 Vi.J\J I :.J4U
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1 _ 1·,, M E R ,C U R E
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fe1·a la jultice, ou encore miet1x la bie11fai- ·
fance, qui eft la jt1ftîce fuprên1e ; car il efr
f ouveraÎ11e1nent jufi:e de fait·e tout le pien
dont on efr capable. Le bien doit avoir la
vertu d,attirer le bien, puifquc le inal a celle
d' ~rrirer le mal ; 011 efr bien sûr du· n1oins
que ce 111al, qu' 011 efr toujot1rs fi empreffé
de faire, fer.a rendu au centuple. Pou1 .. quoi
donc faire le mal? Quel i11térêt, quelle politique
peut pre(crire le foin fu11cfte d' aff
embler ainfi fur fa tête tous les fléaux de la •
haime & de la vengeance ? Pourquoi [ai.Gr
toutes les occaG011s cle 11uîre à f~s voiu11s >
parce 'qu'ils ont faili ou qu, on prévoit qu'ils
failiro11t tot1tes celles de 11ous nuire? Eh!
confentons à do1111er l'exemple, co1nmençons
l'expérience du bien, ~elle du 1,nal eft
faire; 11ot1s Cavons ce ~u'il a produit & cc
qt1'il prodtiira: dif ons pltts, celle du bien
nlê1ne efr faite •. En effet, ouvrons 11os A11nalcs,
n1aJgré 1:iorre fyfrên1e perpét11el de
gt1errc, quiconque a voulu vi·1re en paix y a
vécu. Depuis la fondarion de notre Monarchie,
011 n'avoir pas encore compris que la
paix pût jatnais êrre un état permanent. De·
puis Gt11llaume le Co11quérant & Philippe 1, ·
·on avoir en~ore tnoins co1npris que la France
pût faire t1ne paix folide avec les .,.~nglois.
Enfin, .. ...Sa irzt Louis vint ; il ~Quiut la paix>
& la paix avec l' Angleter-re. Quel moyen
c1nploya·t-il ' la bienfaifance. Il remit aux
Angloiw tour c-e que le droit rigoureux de
confifcation av~it pu leur enlever fans injUfticc
.. ; il conquit les coeurs en rendant des
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D E F R A N C E. 167
États. Le fruit de cette tnodératio11 fa11s
cxei.nple, fur une paix fans cxe1nple aul1i;'
ut1e paix de r1·ente-ci11q ai1s e11tre les deux
Nario11s., u11e amitié fi11cèt·e ent1·e les deux:
Rois, no11 pas feuleroent pe11dant f 0J1 règc1e>
111ais e11core pet1llant le règ11c entier de l)hi--:
· lippe-le Hardi fon fils. * · ,
T.el ell l,efprit da11s leqt1el cet Ouv1·age ·
eft co111 pofé ; c' efi: le 1nê111e qui règ11e <.ia11s
l,Hi!l:oi1·e de Fra11çois I, & fur· tottt dans
celle de la Rivalir·é de la Fra11ce & de l' Angleterre,
Ouvrages du 1nên1e At1~eur; c'eft
l' ainour de la paix, l' éloig11et11e11r pour la ..
guerre, l'ho1·reur pour la viole11cc & l'in- ·
ju fl:ice; l' Al1tet1r attaque {ur- tout le Machiavellift11e,
co11rin11elle111e11t, dans routes [es
hra11ch\Ts & dans toutes Ces f ubdivifio11s. _,
L'Hill:oii·e de Cl1arle1nag11e ouvre le
fecond Volt1111e. -
· I11gell1ei111, près éte 1'1aye11ce, Charlebou
l·g, 11rès de Mu11icl1, Carlfiar et1 Franco11ie,
Liége, 1\ix, qui n' avoit poi•1t encore
~ Il f;iudroit co11clure d'u11 pareil pri11cipe, qu'il
fuffiroit à un Roi d'être Bicnfaifant pour cunfervcr
la paix~ maie; u11 Prince !era e11 vain Bitnfuifant &
Mod 'ré, fi fo11 voi{i11 ne l'efi pas; & dans ce dernier
cas il faut néceffai1·emc11t que la force arra-.
che ce que la Bienf~ifa11ce & la Modération ne polir ...
ront p11s obr.enir. Tel eft le fyfl:ême de guerre aétucl
qu·on ne peut pas regardc-r co1n1ne un tribut payé
à 1'crreur par l'l1umanité.
N'y auroic-il pas à épiloguer μn peu fur la mode.
ration de S. Louis qui pouvoit, Çtrc néccffitée par
les circoafta:J1ces? (Note de /'Editeur.)
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I 68 . . M E R c V R E .
allors le f urnom de la Chapelle, fe f 0•11:
dif puré l,ho11neur d~avoir do1111é la i1aiil:1nce
à ce grand Pri11ce, co1nme autrefois pl11-
lieurs Villes Grecqt1es à Ho1nèt·e ; ca1· après
la 1no1·t.tous les t1r1·es de gloire fo11c égaux>
& le f ouveni1· des grands Ho1n1nes e11 tout
genre fe pet·pérue égale111e11t. C'eft au Château
d'Ingelhei1n que Cl1arles naquit, le 1'
Ecvrier 741, fuivant l' opi.ni~11 co1n1nune. l
Carloman, fo11 frère puî11é, qui partagea>
felgn l,ufage du te1nps, avec lui les États de
fon èt·e, n'eft connu dans l'Hiftoire que par
la ja ou1Îc qu'il e11t coure fa vie des gra11des
. qt1alirés de Cl1arles, fenti1nenr qui attelle
l'i11fêrioriré de Carlo1na11.
~ Ils fu1·c11t couro111:1és le mên1e jour ( 9
Oétobre 768), Charles à Noyon, Carlo-
1uan à Soiif ons.
Le pre111ier exploit qui s'offrit à la valeur
d.c ( .harles, fur l'expédition d' Aquitair>e. Ce
Reyau1ne ou cette Province, réunie à la Cou·
ron11e par Pépi11-le-Bref, réclamoit de not1-
veau l'inclépendal1ce, ou plutôt les Pri11ces
de 1-a Maifon d'Aquitaine, itfue de Clovis &
de Clotaire II par Aribert, Boggis & le D11c
Eudes récla1noient ce Duché héréditaire. de
let1r Maifo11. Carlo1nan éroit parti avec fon
frère pot1r f ou111ettre l' Aquitai11c. Dar1s la
rôute il le qt1ittc b1·uf qt1e111e11t, & retire fes '
troupes , )ai!I111t à Cl1arles tou~ l'embarras
de certe cxpéd~cio11; c'était lui en laïffer roucc ~
ltil gloire. Dès que Charletnag11e parue, l' Aql:
litai11e rec9nnut f on Maîcre ; la rapidité
· -- avec •
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D E F R A N C E. 16?
&\'CC laquelle il s'était éla11cé f,1r cet Etat
(car i·aétiviré qui, cot11me on l'a obfer\1é
plufieu1·s fois da11s l'Introduétion, éivoit diftingt1é
Charles Martel & I>épin-le Bref parlni
tous les Guerriers éroit, pow· ain{i di1·e, exagérée
en lui, & tc11oir de la tnagic & du ro·
Hige), l'alfurance avec laqt1clle il 111arè oit
au milieu de ce peuple e11ne111i, comme Ull
Roi parn1i fes f ujers, & un père parmi fes
mfa11s; un mêla11ge adroit de clé1nence &
.de fer1ncté, 11 extérieu1· le plus a va11tageux,
la figt11·c & la taille des Héros, des 1n.anièrcs
à- la fois impofantes & ai111ablcs, la brillante
affabilité de Céfar, la 1najell:é qt1, eut
dans la fuite Louis XIV, avec 11ne fimplicité
~ui l'eût en1bel lie; des traits fiers & doux
pleins de feu & de grâce, u11 air d'at1dace •
de force & de bon ré; enfin, les trois Pépins
& Charles-Martel renailfans en lui avec pltlS
.(!'éclat & de grandeur, toltt annonçait un
Prince 11é pour co1n111a11der aux homn1es
p0t1r co11quérir les E111pires & pour fL1bju
guer les -ca:urs. Charles 11e prie contre les
Aqt1it:ains d1autres précautio11s que He faire
bâtir fur la Dorrdog11e tin Château fort qui
s'appela Franciac J c'efr·à dire, Château du
,Franfois; on l'apHclle aujourd'l1ui Fronfac,
11om dins lequel, à ~trav~rs la coi·ruetion , · 1
~ ell aifê d'appercevoir la prononf iatÎDn & la
fignificacion pr.imirives. '> ,
Pépi11 l~ Rr:ef a voit fair la guerre aux Lom.
bards; la Rei11e Berthe , f"J veu\'e, jaloufe de
réconcilier le~ ~eux Natio11s , propofa le
N°. 3 o, 2. 7 Juillet 17 · i. H
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s 10 · M E R C U R E.. .
mariage de Charles, f 011 fils aîné, avec Her ..
~ mengarde, fille de Didier , Roi des Lo111• ·
pa1·ds; le Pape Éti~1111e IV, ei111e111i de Didier,
ne négligea rien p0ur traverfer cette a·llianc:
e ; wil a v0it ·un prétexte qt1'il fit bien valoir,
eharleL11agne a voit llne ef pèce d' e11gagen1ent,
que la Nation ne paroîr pas avoir regard~
co1nme un ''J·ai rnariag~, avec 1111e fem1ne
no1111née Hi1niltrude, âo11t il a\'OÎt i11ê1ne t1n
fils .. Cet obftacle n' arrêt oit 11i la Reine Bertl1e,
ni le Roï Lo1nbard , ni Cha1·le111ag11c
lui-'mê111e, q11i ne t~noit plus à ce lien. Le
Pape, dans une lettre t1·ès-curieufe, infi!le
forteme11t fur· l'indi{folubiliré dts noeuds du
s.11ariagc; & pot1r toucl1er par· u11 endroit
(enfiblc les IJri11ces Cha1·les & C:a1·loman: • • •
. ~ Sotive11ez-\'Ot1s, leur dit-il, que mon pré-
• déce!feu·r e1:n pêcha Pépi11 de répt1dier vo•
. ,., tre inère~ ,, _Il inGtle bie11 t\avanr~ge en•
core fur l'ir1dignité prétendlte de cette al~
iancc; il affure que tot1tes les Lon1bardes
font puaqtés, lépreufes, dégoûtante~: Pete~
~ijfi.ma gens ..••• de cujus natione & leprofarum
enus qri.ri certum ijl; que le pet1ple J... om.
ard efi: ~n11e1i:ii de D~et1 & des lio1nmes;
qu'il n' efl pas corn pté par-tni les N arions, in
rzumero genti.um nequaquam comput«tur; & ,
comme s'~l eût éré qtieftion d'époufer une
idolâtre , & non pas uqc Catholique :
.,. Quelle monfi:ruet1fc all~anc~ , s'écrie le .
• Pontife, c11trc la lainière & les ténèbres! '~ ,
~ quelle f ociété dl1 fidèle avec l'infidclle !
• tfç$ f r411soifcs ~ 'lit· il , f oMt ti aimable; 1
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. . D~ E FRANCE • . ~17r
;,, ai1ncz-les, c,efi: votre· devoir: earrtm vos
,, oportet amori ej}è adnexos. ''• .
Il prétend qu,il n' efi pas pern1is aux Princes
d, épouf er des ér1~a11Bèrcs; il cire aux Prin
·ccs François l' exe1nple de let1r père, de leur
aïeul , de leur bifaïeul , qui tous avaient
épot1fé des Frat1çoifes; il leur allègue ft1r c,c
p i i1t l, autorité du Roi leu~ père , qt1i ~
·RreCfé par l'E111 pere11r Conftantin Copro'
nyt11e , de donner en '"1n~riage à f on fils la
Pri11ceffe Giféle, foeur de Charles & de Car-.
·101nan, avoic répondu qu'':111e alliance étran~
gère lui paroilf oit illegirime , & fur-tout
~qu' il ne vouloir point faire une chofe défa.
gréa ble au Saint- Siége •
On 11,eut point ·d,égard à c~tte lettre, &
le 1nariage fe fic; l11.ais le Pape ft.:it ve11gé par
ce 111a1·iage 1~ê111e. Cha1·les n, ait11a tJoint fa
11ouvelle"époufe; qt1elqt1es i11fir1nités fecrettes
qu,il lui trot1va, l' e11 dégoûtèrent d, a- .
bord, il la répt1âia, & la 1·envoya au Roi
Didief fo11 pè1:e , qui ne pardo11111 ja1nais à
la Fra11ce 1, aff.ro11r fait à fa ' fi lle. Be1·rhe vit
avec aot1lcur dér1·uire f 011 ouvrage & dilliper
tès efpérances. C'eft le fcul chagïi11 , dit
Egi11ard , que f on fils ltti ait do1111é da11s fa
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.. Le Pri11ce Ca['lo1nan mot11·ut au cl1âreau • • e Sama11cy , ot1 Samot1cy , près de Lac.)11 ,
l.e ~ 'Déce111bre 77 1, âgé d' c11viron vi11 gt nns.
Il laiffoit deux fils en bas-âge: 011 v1t alors
un mémoraole effet tie ce gra11d art de plai re
& d'i1npof er, dont la Naturie a·1oit doué
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4 C l1arle111agne, & de la i·épl1tatio 11 gt1'il a~oit
dcjà de got1 ver11er avec g1·andeur, avec ju(tice
& ~ veç fagelfe. Les Gr:i.11ds des Er~1 rs qui
a voie11r été du p~ :- tag: de Carlo111an) i·eco11-
·11t1re11t f oletn11elle111ent Cha1·le1nag11e pour
l e1:1·1· Roi. Ger berge, veuve de Carlo111an, ·
~'e11fu.i r a\1ec fes fils l1ors de France; elle (ç
réf,_1gin chez le Roi de Lombardie , afyle in·
diqué à totts les enneluis de la Fra11ce, par
le reffc11time11t que co11fer,·0it ce Prir1ce de
l'affro11t que fa fille y avoir reçu. . · ...
Da11s le i11êtr1e -te111p5 on vir rep~ro1rre Je
Pttc d' Aquirai11e Httnaud, fils du Du~ Eudes,
& père du Duc Gaïffre. Da11s un léger dépit
d' a V oi1· écé battu par les François , & <.ians
·un tége1- re1nords d'a\1oir fait crev~r les yeux
·au Pt·ince Hatten, f on frère, il s' écoit fait
,M.oi11~ ~ & avoir cédé fo11 DL1ché à Ga.i'ffre
{on fils. Après la mort de Gai~ffre, il étoit
.rcnrré dans le Îiècle pot1r difpurer à Charle1nag11e
le Duçhé d' Aqt1iraine. Livré au ·
1 vai11queur, il avoir été enfert:né; il s'échappa .
~e fa pi:itbn , '& fc refira auffi à la Cour de
·Didier, ain!i que divers Seigneurs des Etats
,de Carlo111an, qtti n'avoienr point ap rot1vé
.. la dén1ar-che qt1e les aurrcs avoient aitc de
fe f ot1n1etrrc à Çharlemagnc. _
r Voilà donc contre Charle111agne non-fclllemeAt
u11 grand 0rage, . inais encore 011
, ~rand intérêt ; 1111e veuve abando11née par
·les f ujets de fon n1ari , une m~rc défolée •
, des orpl1elins dépouillés, des Grands prof.;.
rits pour leur fidèle arrachcme'1t au fang <lo
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D E- F R A N C 1!. t7 j
leur Sot1verai11; un père ~ lli1 Roi outragé
da11s ur1e fille in11oce11rc; u11 avtntut·ier, que
le~ viciffitt1Qjcs mê1ncs de fa defl:i11ée rendoienr
in1 e1·effa11t , récla1nant l'héritage de
fo11 fils, le patri111oi11e de fon père, tous ces
infortunés uniffa11t leurs haines, leur! effo1·1s
& Jeùrs reff ources : voilà cc qu,t111 jt:fl:c rtf.;.
fenr:n1enr armoit alors co11tre ]a fortune de
Charle1nagne; mais il réunitToir à vi11gt·rJcuf
ans toute la Monarchie F1·ançoife.
! Dans 11n fecond exrrait, notls le confidérero11s
feul fur le trône , & agiffant avec;
toutes les force! de cctre Monartbie.