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51
p. 36-38
LE TEMPLE DE LA PÉNITENCE.
Début :
Dans un antre profond, au milieu des déserts, [...]
Mots clefs :
Sang, Pénitence, Gloire, Pleurs
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texteReconnaissance textuelle : LE TEMPLE DE LA PÉNITENCE.
LE TEMPLE DE LA PÉNITENCE.
Dans un antre profond , au milieu des déferts,
Loin du faſte des cours & des hommes pervers ,
S'éleve un vieux palais de ftructure fauvage ,
Préfentant à la vûe une effrayante image.
La crainte d'effuyer d'éternels châtimens
En fit pofer d'abord les premiers fondemens .
Pour la Divinité l'attache la plus pure
De ce trifte palais régla l'architecture.
L'auftere pénitence en proie à fes douleurs ;
Habite ce féjour de foupirs & de pleurs :
De là découle un fleuve infpirant les allarmes ,
Il eft formé de fang & groffi par les larmes .
Les remords font placés aux portes du palais ,
Ces cruels à punir ne ſe laſſent jamais.
La ferveur aux autels amene les victimes ,
Et fait couler le fang pour réparer les crimes.
Ciel ! quels horribles cris ont pénétré mes fens !
Tout retentit ici de funébres accens.
L'un pleure fes forfaits , l'autre par la fouffrance
Efpere racheter fa premiere innocence ;
Celui- ci , le jouet d'un monde féducteur ,
En déteste à jamais la funefte grandeur.
De différens états une foule timide
Y marche en frémiſfant , le repentir la guide
MA I. ∙1755. 37
A l'exemple d'un Roi ( a ) qu'admiroit Ifraël ,
Des Princes & des grands encenfent cet autel.
Charles ( b ) qui fut fameux dans la paix , dans la
guerre ,
Qui foumit à fes loix le Germain & l'tbere ,
Qui détruifit le Maure , & vainquit les François,
Qui remplit l'univers de fes heureux ſuccès ;
Du faîte de la gloire il fe plaît à defcendre ,
Dans ces murs pénitens il fe couvre de cendre .
Je vois fon diadême aux voûtes fufpendu ,
Et parmi les fujets le Prince confondu.
Mais quels font ces tyrans qu'en ces lieux on entraîne
?
La pénitence met ces monftres à la chaîne ;
Ils refpirent encore , à fes pieds terraffés ,
Les crimes que par- tout leur fureur a tracés .
A leurs traits odieux je connois, le caprice ,
La dure oppreffion , la fraude , l'injuſtice ;
Le jeûne & la priere y tiennent dans les fers ,
De mille affreux forfaits ces miniftres divers.
Si j'avance mes pas dans ces facrés portiques ,
Je vois diminuer les fpectacles tragiques.
L'eſpérance bientôt écartant les douleurs ,
Fait un féjour charmant de ce féjour d'horreurs ;
Les pleurs & les fanglots ne s'y font plus entendre
,
Quelques foupirs à peine échappent d'un coeur
tendre.
( a ) David.
(b ) Charles-Quint
38 MERCURE DE FRANCE.
Mais quel eft tout -à- coup cet objet merveilleux ,
Ce fantôme éclatant qui vient frapper mes yeux !
La gloire ! ... je la vois fur un char de lumiere
Des cieux en un moment traverfer la carriere .
Ce n'eft pas cette gloire idole des héros ,
Que la mort avec eux précipite aux tombeaux ;
C'eft de tous les plaifirs l'éternel affemblage ,
Et de toute vertu l'infaillible partage.
Vertueux pénitens , fon feu pur & facré
Répandra dans vos coeurs un plaifir ignoré ;
Partez ...& de vos fronts ôtez cette pouffiere ,
Dépouillez pour jamais le cilice & la haire
Séchez vos triftes pleurs , & ménagez ce fang
Que votre auftérité vous arrachoit du flanc ;
Et pour fixer enfin vos heureufes conquêtes ,
De lauriers immortels allez ceindre vos têtes .
Par M. Hefpel , Rhétoricien , au
College de Jéfuites de Lille en Flandres.
Le ton de ce poëme me paroît bon en
général : il y a de la vérité dans les images
, & de l'harmonie dans les vers . Je crois
qu'ils annoncent du talent , & qu'ils promettent
d'autant plus que l'auteur n'a que
feize ans on ne peut trop l'encourager ;
mais il faut l'avertir de ne point négliger
la rime ; celles de guerre & d'lbere qu'il a
employées , ne font point exactes.
Dans un antre profond , au milieu des déferts,
Loin du faſte des cours & des hommes pervers ,
S'éleve un vieux palais de ftructure fauvage ,
Préfentant à la vûe une effrayante image.
La crainte d'effuyer d'éternels châtimens
En fit pofer d'abord les premiers fondemens .
Pour la Divinité l'attache la plus pure
De ce trifte palais régla l'architecture.
L'auftere pénitence en proie à fes douleurs ;
Habite ce féjour de foupirs & de pleurs :
De là découle un fleuve infpirant les allarmes ,
Il eft formé de fang & groffi par les larmes .
Les remords font placés aux portes du palais ,
Ces cruels à punir ne ſe laſſent jamais.
La ferveur aux autels amene les victimes ,
Et fait couler le fang pour réparer les crimes.
Ciel ! quels horribles cris ont pénétré mes fens !
Tout retentit ici de funébres accens.
L'un pleure fes forfaits , l'autre par la fouffrance
Efpere racheter fa premiere innocence ;
Celui- ci , le jouet d'un monde féducteur ,
En déteste à jamais la funefte grandeur.
De différens états une foule timide
Y marche en frémiſfant , le repentir la guide
MA I. ∙1755. 37
A l'exemple d'un Roi ( a ) qu'admiroit Ifraël ,
Des Princes & des grands encenfent cet autel.
Charles ( b ) qui fut fameux dans la paix , dans la
guerre ,
Qui foumit à fes loix le Germain & l'tbere ,
Qui détruifit le Maure , & vainquit les François,
Qui remplit l'univers de fes heureux ſuccès ;
Du faîte de la gloire il fe plaît à defcendre ,
Dans ces murs pénitens il fe couvre de cendre .
Je vois fon diadême aux voûtes fufpendu ,
Et parmi les fujets le Prince confondu.
Mais quels font ces tyrans qu'en ces lieux on entraîne
?
La pénitence met ces monftres à la chaîne ;
Ils refpirent encore , à fes pieds terraffés ,
Les crimes que par- tout leur fureur a tracés .
A leurs traits odieux je connois, le caprice ,
La dure oppreffion , la fraude , l'injuſtice ;
Le jeûne & la priere y tiennent dans les fers ,
De mille affreux forfaits ces miniftres divers.
Si j'avance mes pas dans ces facrés portiques ,
Je vois diminuer les fpectacles tragiques.
L'eſpérance bientôt écartant les douleurs ,
Fait un féjour charmant de ce féjour d'horreurs ;
Les pleurs & les fanglots ne s'y font plus entendre
,
Quelques foupirs à peine échappent d'un coeur
tendre.
( a ) David.
(b ) Charles-Quint
38 MERCURE DE FRANCE.
Mais quel eft tout -à- coup cet objet merveilleux ,
Ce fantôme éclatant qui vient frapper mes yeux !
La gloire ! ... je la vois fur un char de lumiere
Des cieux en un moment traverfer la carriere .
Ce n'eft pas cette gloire idole des héros ,
Que la mort avec eux précipite aux tombeaux ;
C'eft de tous les plaifirs l'éternel affemblage ,
Et de toute vertu l'infaillible partage.
Vertueux pénitens , fon feu pur & facré
Répandra dans vos coeurs un plaifir ignoré ;
Partez ...& de vos fronts ôtez cette pouffiere ,
Dépouillez pour jamais le cilice & la haire
Séchez vos triftes pleurs , & ménagez ce fang
Que votre auftérité vous arrachoit du flanc ;
Et pour fixer enfin vos heureufes conquêtes ,
De lauriers immortels allez ceindre vos têtes .
Par M. Hefpel , Rhétoricien , au
College de Jéfuites de Lille en Flandres.
Le ton de ce poëme me paroît bon en
général : il y a de la vérité dans les images
, & de l'harmonie dans les vers . Je crois
qu'ils annoncent du talent , & qu'ils promettent
d'autant plus que l'auteur n'a que
feize ans on ne peut trop l'encourager ;
mais il faut l'avertir de ne point négliger
la rime ; celles de guerre & d'lbere qu'il a
employées , ne font point exactes.
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Résumé : LE TEMPLE DE LA PÉNITENCE.
Le poème 'Le Temple de la Pénitence' décrit un lieu de pénitence situé dans un antre profond, loin des cours et des hommes pervers. Ce palais, dédié à la Divinité, est habité par des pénitents en proie à leurs douleurs. Un fleuve de sang et de larmes y coule, et les remords en gardent les portes. Les cris et les pleurs des pénitents résonnent dans ce lieu funèbre. Des princes et des grands, comme le roi David et Charles Quint, viennent se repentir après avoir connu la gloire. Les tyrans y sont également enchaînés pour leurs crimes. Plus on avance dans le temple, plus les spectacles tragiques diminuent, laissant place à l'espérance et à un lieu charmant. La gloire apparaît sous la forme d'un fantôme éclatant, offrant aux pénitents un plaisir éternel et le partage de toutes les vertus. Ils sont invités à se débarrasser de leur cilice et de leur haire, à sécher leurs pleurs et à se ceindre de lauriers immortels. Le poème est écrit par M. Hespel, un rhétoricien de seize ans au Collège des Jésuites de Lille, et est jugé prometteur malgré quelques erreurs de rime.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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52
p. 96-105
Observations de M. Pessault de la Tour, Médecin à Beaufort, sur un mémoire de M. Le Cat, [titre d'après la table]
Début :
Ce 1 Février 1755. Le Mémoire que M. le Cat donne par [...]
Mots clefs :
Fluide, Sang, Maladies, Maladie, Remèdes
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texteReconnaissance textuelle : Observations de M. Pessault de la Tour, Médecin à Beaufort, sur un mémoire de M. Le Cat, [titre d'après la table]
Ce 1 Février 1755 . I
1
E Mémoire que M. le Cat donne par
extrait dans le Mercure de Novembre
dernier touchant les fievres malignes , &
en particulier celles qui ont regné à Rouen
à la fin de l'année 1753 , & au commencement
de celle de 1754 , renferme un fyftême
qui, s'il n'eft pas fufceptible d'objection,
pourroit l'être du moins de quelqu'éclai
ciffement .
Des trois parties qui compofent le corps
de fes réflexions à ce fujet , je ne m'attacherai
qu'aux deux dernieres , dont voici
le précis .
Dans l'une , il prétend que les maladies
internes , & en particulier les fievres malignes
dont il s'agit , ne font que des maladies
externes très-connues , & que par
l'infpection des cadavres dont il a fait faire
ouverture , il a obfervé que celle qui a
regné à Rouen , étoit un herpès placé à
l'eftomac & aux inteftins grêles ; que les
remedes chez ceux qui en font guéris, n'ont
eu ce fuccès que parce qu'ils font analogues
aux topiques que la chirurgie emploie
dans le traitement du herpès.
Dans l'autre , il condamne l'opinion
prefque
JUIN. 1755. 97
prefque générale où l'on eft que les maladies
réfident dans les humeurs .
A bien confiderer les argumens que M.
le Cat propofe pour appuyer fon fyltême ,
il eft à craindre qu'il ne fe foit prêté avec
un peu trop de complaifance à la fécondité
de fon imagination , à l'inftar de bien d'autres
fçavans , particulierement de certains
Anglois.
1. Il prétend que l'état des liqueurs
dépend de celui des folides , & que le réciproque
eft fort rare.
2 °. Que fi les maladies étoient dans les
fluides , il n'y auroit pas une feule maladie
locale ; les maladies au contraire devroient
fe trouver dans tous les points du tiffu de
nos parties , en les fuppofant dans les liquides
, qui occupent ,tous les points de nos
folides .
3°. Que l'on pourroit dire que la dépravation
n'eft tombée que fur une partie des
Auides , ce qui feroit infoutenable , felon
lui , attendu que cette parcelle de nos hu
meurs , quelque petite qu'elle fût , devroit
en très- peu de tems corrompre tout le refte
par le mouvement continuel de la circulation.
Cela pofé , toute maladie humorale
devroit être univerfelle ; par exemple , fi la
contagion répandue dans l'air avoit prife
fur nos humeurs , nul homme n'en échap-
II. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
peroit , les Médecins fur-tout comme les
plus expofés .
Que n'aurois-je point à redouter , ſi je
me propofois comme adverfaire d'un tel
fçavant ? mais non , je ne cherche qu'à
m'inftruire.
Je dis donc que la cure des maladies en
queſtion , que M. le Cat n'attribue qu'à
l'analogie que les remedes internes ont
avec les topiques que la chirurgie a coutume
d'employer pour la guérifon des maladies
externes , fouffre d'autant plus de difficulté
, que les topiques font les remedes
les moins effentiels dans le traitement de
ces maladies , fur- tout du herpès , & que fi
ces remedes extérieurs contribuent en
quelque chofe à leur guérifon , ce ne peutêtre
au contraire que parce qu'ils font analogues
eux- mêmes aux remedes internes
que
la médecine a coutume de mettre en
ufage pour les guérir ; cela eft d'autant
plus évident , que ce qui paroît à l'exté
rieur dans ces fortes de maladies , ne peut
paffer que pour l'effet & non pour la caufe :
prendre l'un pour l'autre ce feroit affurément
fe tromper groffierement.
Quant à la feconde partie , il n'eft pas
néceffaire d'être Médecin , ni Chirurgien ,
pour fçavoir que le chyle eft le germe du
Lang ,
, que celui - ci l'eft de toutes les autres
JUIN. 1755. ANDTHEDIA
humeurs , & par une conféquence inevi
table , fi le chyle eſt vicié par quelque caufe
que ce foit , ce qui arrive tous les jours ,
fang le fera néceffairement ; de même file
fang tombe en dépravation , les autres humeurs
tiendront de leur fource : donc les
maladies réfident dans les fluides , puifqu'ils
font fujets à tomber en dépravation ;
foutenir le contraire , ce feroit démentir
F'expérience. Mais , replique M. le Cat , fi
la maladie réfide dans les liquides , il n'y
aura pas une feule maladie locale , toute
maladie humorale fera générale & devra
occuper tous les points du tiffa de nos
parties. Une telle objection qu'il , fe fait à
lui-même ne devoit point être capable de
l'alarmer fi fort fur le fentiment commun
& c'eft argumenter contre fes propres lumieres
que de conteſter la vérité d'un fait ,
parce qu'il s'opere par des voies qui nous
font inconnues. M. le Cat auroit donc eu
plus de raifon d'examiner fi véritablement
la chofe eft telle qu'il s'imagine qu'elle
devroit l'être , en partant des vrais principes
ou non , fans nier ce qui fe palle tous
les jours fous fes yeux : dira-t-il , par exemple,
que les virus de toute efpece , foit dartreux
, écrouelleux , fcorbutiques , vénériens
, contagieux , & c . n'ont aucune prife
fur nos humeurs ? niera- t-il qu'elles péchent
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
4
"
& dans leur quantité & dans leur qualité ?
tous les caracteres de dépravation qui s'obfervent
journellement dans le fang que
l'on tire des veines des différens malades ,
font- ils illufoires ou bien ce fang n'eft- il
dépravé que dans le vaiffeau d'où il fort ?
en ce cas l'on fe ferviroit des propres are
mes de l'auteur en lui oppofant fa troifie
me objection. Il doit croire après tout que
dans toutes les mala
maladies en question
quoique tous les Points du tiflu de nos
folides ne paroiffent pas affectés d'une maniere
également fenfible , ils le font cependant
& même doivent l'être , mais d'une
façon relative à l'intensité de la corrup
tion à la nature du fluide , à l'uſage de
chaque partie , à leur fenfibilité?, aauuxxdidifffférentes
pofitions & modifications qui les
mettent dans le cas d'éprouver plus pu
moins fenfiblement les impreffions des
humeurs viciées ; aux différens obftacles
foit de la part des folides ou des fluides
& ſouvent des deux enſemble , qui empêchent
ces derniers de pénétrer dans leurs
fecrétoires , & de s'infinuer dans les vifceres
aufquels ils appartiennent naturellement,
d'où naiffent les ftafes & les écarts
de ces mêmes liquides , qui affectent certaines
parties plus particulierement, que
d'autres , d'où l'on doit conclure qu'inde
JUIN. 1755. 101
pendamment que tous les points du tifft
de nos folides foient affectés dans le cas
où les humeurs font en dyfcrafie , il ne s'enfait
pas qu'ils doivent être tous avec la
même force ; & fi les malades en pareil cas
ne s'apperçoivent pas d'une léfion géné
rale , c'est que ( par les raifons ci- deffus )
la plus forte impreffion l'emporte fur la
moindre .
200 UB
Dire que toute contagion devroit être
générale , & que perfonne n'en devroit
échapper fi l'air contagieux avoit affaire
à nos liqueurs , c'eft , ce me femblé , une
propofition qui n'eft pas moins fufceptible
de difficulté que le refte ; & je ne vois pas
quand même la chofe fe pafferoit comme
le perfuade l'auteur du nouveau fyftême
qu'il pût en tirer une conféquence bien
triomphante , attendu que de quelque façon
que fe répande un air contagieux , &
quelque partie de nous- mêmes qu'il affecte,
il doit attaquer indifféremment tous ceux
qui le refpirent ; & fi le contraire arrive ,
ce ne peut être que par une difpofition non
moins heureufe que fecrette de certains
tempéramens fur lefquels les miafmes ne
font pas la même impreffion , femblables à
l'eau régale qui diffout certains métaux
fans pouvoir mordre fur les autres. '
La dépendance de l'état des Anides de
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
celui des folides , fans du moins admettre
le réciproque , ne me paroît pas mieux fondée
; & à examiner le tout en rigueur , l'on
pourroit prendre un parti diamétralement
oppofé à celui de l'auteur , en ce que ceuxci
ne reçoivent de nourriture que des premiers
, qui ne peuvent fouffrir la moindre
altération fans leur nuire d'une façon relative
; ceux- là au contraire éprouvent tous
les jours des dérangemens , légers à la vérité
, qui n'en apportent aucuns aux liqueurs
; mais je n'adopterai ni l'un , ni
l'autre par préférence , & ne prétends point
m'écarter de l'équilibre fi néceffaire entre
les folides & les fluides pour la confervation
de la vie & de la fanté : ainfi il faut
les croire dans une dépendance réciproque ,
& quand même les fluides dépendroient
de l'état des folides , ils n'en feroient pas
pour cela à l'abri des dépravations. Difons
donc feulement que la léfion des uns attire
la léfion des autres ; tout eft mutuel par
conféquent.
M. le Cat dévoile enfin fon myftere , &
s'explique d'une maniere à la vérité bien
différente que femble l'annoncer fon début
; il foutient que les maladies réfident
dans le fluide des nerfs : l'opinion générale
n'eft pas du moins entierement convaincue
d'erreur , puifque ce fluide fait partie des
JUIN. 1755. 103
humeurs. Refte à fçavoir maintenant par
quel chemin il conduira la maladie dans
le Auide nerveux , qui ne peut pécher , felon
lui , que par fa qualité ou fa trop petite
quantité ; quand il auroit ajouté auffi par
fa trop grande abondance , la chofe n'en
feroit pas plus mal , parce qu'en fait des
fonctions animales , ainfi que de toute autre
méchanique , la jufte proportion qui
eft effentielle, peut pécher par le trop comme
par le trop peu. Mais paffons par là
deffus , puifqu'il a jugé à propos d'y paffer
lui- même ; je ne veux cependant pas dire
par là que les grands hommes foient à
imiter en tout , parce qu'il n'y a perfonne
qui n'ait fes défauts. Je reviens donc à la
queftion , & dis qu'aucun vice ne peut
pénétrer dans la cavité des nerfs pour y
infecter les efprits , fans paffer par la même
route qui conduit ces mêmes efprits dans
les nerfs or le fang eft l'unique route qui
conduit les efprits dans les nerfs , puifqu'il
en eft la fource ; donc toute contagion doit
paffer par le fang avant de parvenir jufqu'aux
efprits. M. le Cat ne dira pas qu'elle
fe fait paffage feulement au travers des
pores des nerfs , parce qu'en ce cas elle
pafferoit également au travers de ceux qui
font répandus fur tous les points du tiſſu
de nos parties , & par une conféquence
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE .
non moins prépondérante , toutes les autres
humeurs en feroient attaquées également.
en
A l'égard des maladies qu'il prétend expliquer
par leurs véritables caufes ,
donnant des raifons convaincantes du méchanifme
des cryfes qu'il ne fait confifter
que dans la dépuration du fuc nerveux ,
qui bien différent des autres humeurs , ne
retourne point à fon réſervoir , & ne peut
par conféquent corrompre les fluides dont
il s'eft féparé une fois pour toujours ; l'auteur
de ce raifonnement n'ignore pas que
les membranes ne font que des développemens
de l'extrêmité des nerfs ; qu'elles
donnent origine à une infinité de petits
tuyaux connus fous le nom de veines lymphatiques
, qui n'ont d'autre ufage que
celui de reporter dans le fang les réfidus du
fuc nerveux , qui , comme on voit , circule
également que le refte des fluides : donc
l'auteur de la nouvelle opinion fe trouve
pour la feconde fois en proie à fa troifieme
objection par les conféquences même qu'il
en tire.
Voilà , je penfe , tout ce que l'on peut
objecter en raccourci contre un fyftême qui
ne doit pas furprendre feulement par l'air
de nouveauté qu'on lui donne : quoiqu'il
en foit , je me perfuade que fon auteur a
prévu toutes ces difficultés ; que bien loin
JUIN 1755. 105
•
*
de les regarder comme orageufes , il ne les
envifagera que comme une rofée qui donne
un nouvel éclat aux fleurs fur lefquelles
elle fe répand : j'attends donc avec impatience
cette théorie lumineufe qui doit
nous garantir des tâtonnemens fi defagréables
pour les praticiens & fi dangereux
pour les malades : belles & magnifiques
promeffes conçues dans des termes qui ne
le font pas moins ; c'eft grand dommage
qu'ils foient placés avant la démonftration
. Malgré tout , je fens l'obligation où
je fuis d'y répondre avec des expreffions
de même prix mais comme mon infuffifance
ne me permet pas de les puifer dans
mon propre fonds , je ne celerai pas que
je fuis forcé de les emprunter de l'Orateur
françois ; il fair trop bien l'éloge de l'efprit
inventeur pour ne m'en pas fervir en
l'honneur de M. le Cat. Je dirai donc
qu'un tel génie n'a point de modele , titre
qui annonce une fupériorité de gloire.
qu'on ne peut difputer fans injuftice ; il
fert aux autres de modele , titre qui porte
une étendue de bienfaits qu'on ne peut
méconnoître fans ingratitude. Ainfi pour
ene paffer pour injufte nipour ingrat vis- àvis
cer auteur , je me ferai un devoir 'de me
foumettre à la déciſion des fçavans . tid
Peffault de la Tour, Médecin à Beaufort,
1
E Mémoire que M. le Cat donne par
extrait dans le Mercure de Novembre
dernier touchant les fievres malignes , &
en particulier celles qui ont regné à Rouen
à la fin de l'année 1753 , & au commencement
de celle de 1754 , renferme un fyftême
qui, s'il n'eft pas fufceptible d'objection,
pourroit l'être du moins de quelqu'éclai
ciffement .
Des trois parties qui compofent le corps
de fes réflexions à ce fujet , je ne m'attacherai
qu'aux deux dernieres , dont voici
le précis .
Dans l'une , il prétend que les maladies
internes , & en particulier les fievres malignes
dont il s'agit , ne font que des maladies
externes très-connues , & que par
l'infpection des cadavres dont il a fait faire
ouverture , il a obfervé que celle qui a
regné à Rouen , étoit un herpès placé à
l'eftomac & aux inteftins grêles ; que les
remedes chez ceux qui en font guéris, n'ont
eu ce fuccès que parce qu'ils font analogues
aux topiques que la chirurgie emploie
dans le traitement du herpès.
Dans l'autre , il condamne l'opinion
prefque
JUIN. 1755. 97
prefque générale où l'on eft que les maladies
réfident dans les humeurs .
A bien confiderer les argumens que M.
le Cat propofe pour appuyer fon fyltême ,
il eft à craindre qu'il ne fe foit prêté avec
un peu trop de complaifance à la fécondité
de fon imagination , à l'inftar de bien d'autres
fçavans , particulierement de certains
Anglois.
1. Il prétend que l'état des liqueurs
dépend de celui des folides , & que le réciproque
eft fort rare.
2 °. Que fi les maladies étoient dans les
fluides , il n'y auroit pas une feule maladie
locale ; les maladies au contraire devroient
fe trouver dans tous les points du tiffu de
nos parties , en les fuppofant dans les liquides
, qui occupent ,tous les points de nos
folides .
3°. Que l'on pourroit dire que la dépravation
n'eft tombée que fur une partie des
Auides , ce qui feroit infoutenable , felon
lui , attendu que cette parcelle de nos hu
meurs , quelque petite qu'elle fût , devroit
en très- peu de tems corrompre tout le refte
par le mouvement continuel de la circulation.
Cela pofé , toute maladie humorale
devroit être univerfelle ; par exemple , fi la
contagion répandue dans l'air avoit prife
fur nos humeurs , nul homme n'en échap-
II. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
peroit , les Médecins fur-tout comme les
plus expofés .
Que n'aurois-je point à redouter , ſi je
me propofois comme adverfaire d'un tel
fçavant ? mais non , je ne cherche qu'à
m'inftruire.
Je dis donc que la cure des maladies en
queſtion , que M. le Cat n'attribue qu'à
l'analogie que les remedes internes ont
avec les topiques que la chirurgie a coutume
d'employer pour la guérifon des maladies
externes , fouffre d'autant plus de difficulté
, que les topiques font les remedes
les moins effentiels dans le traitement de
ces maladies , fur- tout du herpès , & que fi
ces remedes extérieurs contribuent en
quelque chofe à leur guérifon , ce ne peutêtre
au contraire que parce qu'ils font analogues
eux- mêmes aux remedes internes
que
la médecine a coutume de mettre en
ufage pour les guérir ; cela eft d'autant
plus évident , que ce qui paroît à l'exté
rieur dans ces fortes de maladies , ne peut
paffer que pour l'effet & non pour la caufe :
prendre l'un pour l'autre ce feroit affurément
fe tromper groffierement.
Quant à la feconde partie , il n'eft pas
néceffaire d'être Médecin , ni Chirurgien ,
pour fçavoir que le chyle eft le germe du
Lang ,
, que celui - ci l'eft de toutes les autres
JUIN. 1755. ANDTHEDIA
humeurs , & par une conféquence inevi
table , fi le chyle eſt vicié par quelque caufe
que ce foit , ce qui arrive tous les jours ,
fang le fera néceffairement ; de même file
fang tombe en dépravation , les autres humeurs
tiendront de leur fource : donc les
maladies réfident dans les fluides , puifqu'ils
font fujets à tomber en dépravation ;
foutenir le contraire , ce feroit démentir
F'expérience. Mais , replique M. le Cat , fi
la maladie réfide dans les liquides , il n'y
aura pas une feule maladie locale , toute
maladie humorale fera générale & devra
occuper tous les points du tiffa de nos
parties. Une telle objection qu'il , fe fait à
lui-même ne devoit point être capable de
l'alarmer fi fort fur le fentiment commun
& c'eft argumenter contre fes propres lumieres
que de conteſter la vérité d'un fait ,
parce qu'il s'opere par des voies qui nous
font inconnues. M. le Cat auroit donc eu
plus de raifon d'examiner fi véritablement
la chofe eft telle qu'il s'imagine qu'elle
devroit l'être , en partant des vrais principes
ou non , fans nier ce qui fe palle tous
les jours fous fes yeux : dira-t-il , par exemple,
que les virus de toute efpece , foit dartreux
, écrouelleux , fcorbutiques , vénériens
, contagieux , & c . n'ont aucune prife
fur nos humeurs ? niera- t-il qu'elles péchent
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
4
"
& dans leur quantité & dans leur qualité ?
tous les caracteres de dépravation qui s'obfervent
journellement dans le fang que
l'on tire des veines des différens malades ,
font- ils illufoires ou bien ce fang n'eft- il
dépravé que dans le vaiffeau d'où il fort ?
en ce cas l'on fe ferviroit des propres are
mes de l'auteur en lui oppofant fa troifie
me objection. Il doit croire après tout que
dans toutes les mala
maladies en question
quoique tous les Points du tiflu de nos
folides ne paroiffent pas affectés d'une maniere
également fenfible , ils le font cependant
& même doivent l'être , mais d'une
façon relative à l'intensité de la corrup
tion à la nature du fluide , à l'uſage de
chaque partie , à leur fenfibilité?, aauuxxdidifffférentes
pofitions & modifications qui les
mettent dans le cas d'éprouver plus pu
moins fenfiblement les impreffions des
humeurs viciées ; aux différens obftacles
foit de la part des folides ou des fluides
& ſouvent des deux enſemble , qui empêchent
ces derniers de pénétrer dans leurs
fecrétoires , & de s'infinuer dans les vifceres
aufquels ils appartiennent naturellement,
d'où naiffent les ftafes & les écarts
de ces mêmes liquides , qui affectent certaines
parties plus particulierement, que
d'autres , d'où l'on doit conclure qu'inde
JUIN. 1755. 101
pendamment que tous les points du tifft
de nos folides foient affectés dans le cas
où les humeurs font en dyfcrafie , il ne s'enfait
pas qu'ils doivent être tous avec la
même force ; & fi les malades en pareil cas
ne s'apperçoivent pas d'une léfion géné
rale , c'est que ( par les raifons ci- deffus )
la plus forte impreffion l'emporte fur la
moindre .
200 UB
Dire que toute contagion devroit être
générale , & que perfonne n'en devroit
échapper fi l'air contagieux avoit affaire
à nos liqueurs , c'eft , ce me femblé , une
propofition qui n'eft pas moins fufceptible
de difficulté que le refte ; & je ne vois pas
quand même la chofe fe pafferoit comme
le perfuade l'auteur du nouveau fyftême
qu'il pût en tirer une conféquence bien
triomphante , attendu que de quelque façon
que fe répande un air contagieux , &
quelque partie de nous- mêmes qu'il affecte,
il doit attaquer indifféremment tous ceux
qui le refpirent ; & fi le contraire arrive ,
ce ne peut être que par une difpofition non
moins heureufe que fecrette de certains
tempéramens fur lefquels les miafmes ne
font pas la même impreffion , femblables à
l'eau régale qui diffout certains métaux
fans pouvoir mordre fur les autres. '
La dépendance de l'état des Anides de
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
celui des folides , fans du moins admettre
le réciproque , ne me paroît pas mieux fondée
; & à examiner le tout en rigueur , l'on
pourroit prendre un parti diamétralement
oppofé à celui de l'auteur , en ce que ceuxci
ne reçoivent de nourriture que des premiers
, qui ne peuvent fouffrir la moindre
altération fans leur nuire d'une façon relative
; ceux- là au contraire éprouvent tous
les jours des dérangemens , légers à la vérité
, qui n'en apportent aucuns aux liqueurs
; mais je n'adopterai ni l'un , ni
l'autre par préférence , & ne prétends point
m'écarter de l'équilibre fi néceffaire entre
les folides & les fluides pour la confervation
de la vie & de la fanté : ainfi il faut
les croire dans une dépendance réciproque ,
& quand même les fluides dépendroient
de l'état des folides , ils n'en feroient pas
pour cela à l'abri des dépravations. Difons
donc feulement que la léfion des uns attire
la léfion des autres ; tout eft mutuel par
conféquent.
M. le Cat dévoile enfin fon myftere , &
s'explique d'une maniere à la vérité bien
différente que femble l'annoncer fon début
; il foutient que les maladies réfident
dans le fluide des nerfs : l'opinion générale
n'eft pas du moins entierement convaincue
d'erreur , puifque ce fluide fait partie des
JUIN. 1755. 103
humeurs. Refte à fçavoir maintenant par
quel chemin il conduira la maladie dans
le Auide nerveux , qui ne peut pécher , felon
lui , que par fa qualité ou fa trop petite
quantité ; quand il auroit ajouté auffi par
fa trop grande abondance , la chofe n'en
feroit pas plus mal , parce qu'en fait des
fonctions animales , ainfi que de toute autre
méchanique , la jufte proportion qui
eft effentielle, peut pécher par le trop comme
par le trop peu. Mais paffons par là
deffus , puifqu'il a jugé à propos d'y paffer
lui- même ; je ne veux cependant pas dire
par là que les grands hommes foient à
imiter en tout , parce qu'il n'y a perfonne
qui n'ait fes défauts. Je reviens donc à la
queftion , & dis qu'aucun vice ne peut
pénétrer dans la cavité des nerfs pour y
infecter les efprits , fans paffer par la même
route qui conduit ces mêmes efprits dans
les nerfs or le fang eft l'unique route qui
conduit les efprits dans les nerfs , puifqu'il
en eft la fource ; donc toute contagion doit
paffer par le fang avant de parvenir jufqu'aux
efprits. M. le Cat ne dira pas qu'elle
fe fait paffage feulement au travers des
pores des nerfs , parce qu'en ce cas elle
pafferoit également au travers de ceux qui
font répandus fur tous les points du tiſſu
de nos parties , & par une conféquence
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE .
non moins prépondérante , toutes les autres
humeurs en feroient attaquées également.
en
A l'égard des maladies qu'il prétend expliquer
par leurs véritables caufes ,
donnant des raifons convaincantes du méchanifme
des cryfes qu'il ne fait confifter
que dans la dépuration du fuc nerveux ,
qui bien différent des autres humeurs , ne
retourne point à fon réſervoir , & ne peut
par conféquent corrompre les fluides dont
il s'eft féparé une fois pour toujours ; l'auteur
de ce raifonnement n'ignore pas que
les membranes ne font que des développemens
de l'extrêmité des nerfs ; qu'elles
donnent origine à une infinité de petits
tuyaux connus fous le nom de veines lymphatiques
, qui n'ont d'autre ufage que
celui de reporter dans le fang les réfidus du
fuc nerveux , qui , comme on voit , circule
également que le refte des fluides : donc
l'auteur de la nouvelle opinion fe trouve
pour la feconde fois en proie à fa troifieme
objection par les conféquences même qu'il
en tire.
Voilà , je penfe , tout ce que l'on peut
objecter en raccourci contre un fyftême qui
ne doit pas furprendre feulement par l'air
de nouveauté qu'on lui donne : quoiqu'il
en foit , je me perfuade que fon auteur a
prévu toutes ces difficultés ; que bien loin
JUIN 1755. 105
•
*
de les regarder comme orageufes , il ne les
envifagera que comme une rofée qui donne
un nouvel éclat aux fleurs fur lefquelles
elle fe répand : j'attends donc avec impatience
cette théorie lumineufe qui doit
nous garantir des tâtonnemens fi defagréables
pour les praticiens & fi dangereux
pour les malades : belles & magnifiques
promeffes conçues dans des termes qui ne
le font pas moins ; c'eft grand dommage
qu'ils foient placés avant la démonftration
. Malgré tout , je fens l'obligation où
je fuis d'y répondre avec des expreffions
de même prix mais comme mon infuffifance
ne me permet pas de les puifer dans
mon propre fonds , je ne celerai pas que
je fuis forcé de les emprunter de l'Orateur
françois ; il fair trop bien l'éloge de l'efprit
inventeur pour ne m'en pas fervir en
l'honneur de M. le Cat. Je dirai donc
qu'un tel génie n'a point de modele , titre
qui annonce une fupériorité de gloire.
qu'on ne peut difputer fans injuftice ; il
fert aux autres de modele , titre qui porte
une étendue de bienfaits qu'on ne peut
méconnoître fans ingratitude. Ainfi pour
ene paffer pour injufte nipour ingrat vis- àvis
cer auteur , je me ferai un devoir 'de me
foumettre à la déciſion des fçavans . tid
Peffault de la Tour, Médecin à Beaufort,
Fermer
53
p. 96-105
Observations de M. Pessault de la Tour, Médecin à Beaufort, sur un mémoire de M. Le Cat, [titre d'après la table]
Début :
Ce 1 Février 1755. Le Mémoire que M. le Cat donne par [...]
Mots clefs :
Fluide, Sang, Maladies, Maladie, Remèdes
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texteReconnaissance textuelle : Observations de M. Pessault de la Tour, Médecin à Beaufort, sur un mémoire de M. Le Cat, [titre d'après la table]
Ce 1 Février 1755 . I
1
E Mémoire que M. le Cat donne par
extrait dans le Mercure de Novembre
dernier touchant les fievres malignes , &
en particulier celles qui ont regné à Rouen
à la fin de l'année 1753 , & au commencement
de celle de 1754 , renferme un fyftême
qui, s'il n'eft pas fufceptible d'objection,
pourroit l'être du moins de quelqu'éclai
ciffement .
Des trois parties qui compofent le corps
de fes réflexions à ce fujet , je ne m'attacherai
qu'aux deux dernieres , dont voici
le précis .
Dans l'une , il prétend que les maladies
internes , & en particulier les fievres malignes
dont il s'agit , ne font que des maladies
externes très-connues , & que par
l'infpection des cadavres dont il a fait faire
ouverture , il a obfervé que celle qui a
regné à Rouen , étoit un herpès placé à
l'eftomac & aux inteftins grêles ; que les
remedes chez ceux qui en font guéris, n'ont
eu ce fuccès que parce qu'ils font analogues
aux topiques que la chirurgie emploie
dans le traitement du herpès.
Dans l'autre , il condamne l'opinion
prefque
JUIN. 1755. 97
prefque générale où l'on eft que les maladies
réfident dans les humeurs .
A bien confiderer les argumens que M.
le Cat propofe pour appuyer fon fyltême ,
il eft à craindre qu'il ne fe foit prêté avec
un peu trop de complaifance à la fécondité
de fon imagination , à l'inftar de bien d'autres
fçavans , particulierement de certains
Anglois.
1. Il prétend que l'état des liqueurs
dépend de celui des folides , & que le réciproque
eft fort rare.
2 °. Que fi les maladies étoient dans les
fluides , il n'y auroit pas une feule maladie
locale ; les maladies au contraire devroient
fe trouver dans tous les points du tiffu de
nos parties , en les fuppofant dans les liquides
, qui occupent ,tous les points de nos
folides .
3°. Que l'on pourroit dire que la dépravation
n'eft tombée que fur une partie des
Auides , ce qui feroit infoutenable , felon
lui , attendu que cette parcelle de nos hu
meurs , quelque petite qu'elle fût , devroit
en très- peu de tems corrompre tout le refte
par le mouvement continuel de la circulation.
Cela pofé , toute maladie humorale
devroit être univerfelle ; par exemple , fi la
contagion répandue dans l'air avoit prife
fur nos humeurs , nul homme n'en échap-
II. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
peroit , les Médecins fur-tout comme les
plus expofés .
Que n'aurois-je point à redouter , ſi je
me propofois comme adverfaire d'un tel
fçavant ? mais non , je ne cherche qu'à
m'inftruire.
Je dis donc que la cure des maladies en
queſtion , que M. le Cat n'attribue qu'à
l'analogie que les remedes internes ont
avec les topiques que la chirurgie a coutume
d'employer pour la guérifon des maladies
externes , fouffre d'autant plus de difficulté
, que les topiques font les remedes
les moins effentiels dans le traitement de
ces maladies , fur- tout du herpès , & que fi
ces remedes extérieurs contribuent en
quelque chofe à leur guérifon , ce ne peutêtre
au contraire que parce qu'ils font analogues
eux- mêmes aux remedes internes
que
la médecine a coutume de mettre en
ufage pour les guérir ; cela eft d'autant
plus évident , que ce qui paroît à l'exté
rieur dans ces fortes de maladies , ne peut
paffer que pour l'effet & non pour la caufe :
prendre l'un pour l'autre ce feroit affurément
fe tromper groffierement.
Quant à la feconde partie , il n'eft pas
néceffaire d'être Médecin , ni Chirurgien ,
pour fçavoir que le chyle eft le germe du
Lang ,
, que celui - ci l'eft de toutes les autres
JUIN. 1755. ANDTHEDIA
humeurs , & par une conféquence inevi
table , fi le chyle eſt vicié par quelque caufe
que ce foit , ce qui arrive tous les jours ,
fang le fera néceffairement ; de même file
fang tombe en dépravation , les autres humeurs
tiendront de leur fource : donc les
maladies réfident dans les fluides , puifqu'ils
font fujets à tomber en dépravation ;
foutenir le contraire , ce feroit démentir
F'expérience. Mais , replique M. le Cat , fi
la maladie réfide dans les liquides , il n'y
aura pas une feule maladie locale , toute
maladie humorale fera générale & devra
occuper tous les points du tiffa de nos
parties. Une telle objection qu'il , fe fait à
lui-même ne devoit point être capable de
l'alarmer fi fort fur le fentiment commun
& c'eft argumenter contre fes propres lumieres
que de conteſter la vérité d'un fait ,
parce qu'il s'opere par des voies qui nous
font inconnues. M. le Cat auroit donc eu
plus de raifon d'examiner fi véritablement
la chofe eft telle qu'il s'imagine qu'elle
devroit l'être , en partant des vrais principes
ou non , fans nier ce qui fe palle tous
les jours fous fes yeux : dira-t-il , par exemple,
que les virus de toute efpece , foit dartreux
, écrouelleux , fcorbutiques , vénériens
, contagieux , & c . n'ont aucune prife
fur nos humeurs ? niera- t-il qu'elles péchent
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
4
"
& dans leur quantité & dans leur qualité ?
tous les caracteres de dépravation qui s'obfervent
journellement dans le fang que
l'on tire des veines des différens malades ,
font- ils illufoires ou bien ce fang n'eft- il
dépravé que dans le vaiffeau d'où il fort ?
en ce cas l'on fe ferviroit des propres are
mes de l'auteur en lui oppofant fa troifie
me objection. Il doit croire après tout que
dans toutes les mala
maladies en question
quoique tous les Points du tiflu de nos
folides ne paroiffent pas affectés d'une maniere
également fenfible , ils le font cependant
& même doivent l'être , mais d'une
façon relative à l'intensité de la corrup
tion à la nature du fluide , à l'uſage de
chaque partie , à leur fenfibilité?, aauuxxdidifffférentes
pofitions & modifications qui les
mettent dans le cas d'éprouver plus pu
moins fenfiblement les impreffions des
humeurs viciées ; aux différens obftacles
foit de la part des folides ou des fluides
& ſouvent des deux enſemble , qui empêchent
ces derniers de pénétrer dans leurs
fecrétoires , & de s'infinuer dans les vifceres
aufquels ils appartiennent naturellement,
d'où naiffent les ftafes & les écarts
de ces mêmes liquides , qui affectent certaines
parties plus particulierement, que
d'autres , d'où l'on doit conclure qu'inde
JUIN. 1755. 101
pendamment que tous les points du tifft
de nos folides foient affectés dans le cas
où les humeurs font en dyfcrafie , il ne s'enfait
pas qu'ils doivent être tous avec la
même force ; & fi les malades en pareil cas
ne s'apperçoivent pas d'une léfion géné
rale , c'est que ( par les raifons ci- deffus )
la plus forte impreffion l'emporte fur la
moindre .
200 UB
Dire que toute contagion devroit être
générale , & que perfonne n'en devroit
échapper fi l'air contagieux avoit affaire
à nos liqueurs , c'eft , ce me femblé , une
propofition qui n'eft pas moins fufceptible
de difficulté que le refte ; & je ne vois pas
quand même la chofe fe pafferoit comme
le perfuade l'auteur du nouveau fyftême
qu'il pût en tirer une conféquence bien
triomphante , attendu que de quelque façon
que fe répande un air contagieux , &
quelque partie de nous- mêmes qu'il affecte,
il doit attaquer indifféremment tous ceux
qui le refpirent ; & fi le contraire arrive ,
ce ne peut être que par une difpofition non
moins heureufe que fecrette de certains
tempéramens fur lefquels les miafmes ne
font pas la même impreffion , femblables à
l'eau régale qui diffout certains métaux
fans pouvoir mordre fur les autres. '
La dépendance de l'état des Anides de
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
celui des folides , fans du moins admettre
le réciproque , ne me paroît pas mieux fondée
; & à examiner le tout en rigueur , l'on
pourroit prendre un parti diamétralement
oppofé à celui de l'auteur , en ce que ceuxci
ne reçoivent de nourriture que des premiers
, qui ne peuvent fouffrir la moindre
altération fans leur nuire d'une façon relative
; ceux- là au contraire éprouvent tous
les jours des dérangemens , légers à la vérité
, qui n'en apportent aucuns aux liqueurs
; mais je n'adopterai ni l'un , ni
l'autre par préférence , & ne prétends point
m'écarter de l'équilibre fi néceffaire entre
les folides & les fluides pour la confervation
de la vie & de la fanté : ainfi il faut
les croire dans une dépendance réciproque ,
& quand même les fluides dépendroient
de l'état des folides , ils n'en feroient pas
pour cela à l'abri des dépravations. Difons
donc feulement que la léfion des uns attire
la léfion des autres ; tout eft mutuel par
conféquent.
M. le Cat dévoile enfin fon myftere , &
s'explique d'une maniere à la vérité bien
différente que femble l'annoncer fon début
; il foutient que les maladies réfident
dans le fluide des nerfs : l'opinion générale
n'eft pas du moins entierement convaincue
d'erreur , puifque ce fluide fait partie des
JUIN. 1755. 103
humeurs. Refte à fçavoir maintenant par
quel chemin il conduira la maladie dans
le Auide nerveux , qui ne peut pécher , felon
lui , que par fa qualité ou fa trop petite
quantité ; quand il auroit ajouté auffi par
fa trop grande abondance , la chofe n'en
feroit pas plus mal , parce qu'en fait des
fonctions animales , ainfi que de toute autre
méchanique , la jufte proportion qui
eft effentielle, peut pécher par le trop comme
par le trop peu. Mais paffons par là
deffus , puifqu'il a jugé à propos d'y paffer
lui- même ; je ne veux cependant pas dire
par là que les grands hommes foient à
imiter en tout , parce qu'il n'y a perfonne
qui n'ait fes défauts. Je reviens donc à la
queftion , & dis qu'aucun vice ne peut
pénétrer dans la cavité des nerfs pour y
infecter les efprits , fans paffer par la même
route qui conduit ces mêmes efprits dans
les nerfs or le fang eft l'unique route qui
conduit les efprits dans les nerfs , puifqu'il
en eft la fource ; donc toute contagion doit
paffer par le fang avant de parvenir jufqu'aux
efprits. M. le Cat ne dira pas qu'elle
fe fait paffage feulement au travers des
pores des nerfs , parce qu'en ce cas elle
pafferoit également au travers de ceux qui
font répandus fur tous les points du tiſſu
de nos parties , & par une conféquence
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE .
non moins prépondérante , toutes les autres
humeurs en feroient attaquées également.
en
A l'égard des maladies qu'il prétend expliquer
par leurs véritables caufes ,
donnant des raifons convaincantes du méchanifme
des cryfes qu'il ne fait confifter
que dans la dépuration du fuc nerveux ,
qui bien différent des autres humeurs , ne
retourne point à fon réſervoir , & ne peut
par conféquent corrompre les fluides dont
il s'eft féparé une fois pour toujours ; l'auteur
de ce raifonnement n'ignore pas que
les membranes ne font que des développemens
de l'extrêmité des nerfs ; qu'elles
donnent origine à une infinité de petits
tuyaux connus fous le nom de veines lymphatiques
, qui n'ont d'autre ufage que
celui de reporter dans le fang les réfidus du
fuc nerveux , qui , comme on voit , circule
également que le refte des fluides : donc
l'auteur de la nouvelle opinion fe trouve
pour la feconde fois en proie à fa troifieme
objection par les conféquences même qu'il
en tire.
Voilà , je penfe , tout ce que l'on peut
objecter en raccourci contre un fyftême qui
ne doit pas furprendre feulement par l'air
de nouveauté qu'on lui donne : quoiqu'il
en foit , je me perfuade que fon auteur a
prévu toutes ces difficultés ; que bien loin
JUIN 1755. 105
•
*
de les regarder comme orageufes , il ne les
envifagera que comme une rofée qui donne
un nouvel éclat aux fleurs fur lefquelles
elle fe répand : j'attends donc avec impatience
cette théorie lumineufe qui doit
nous garantir des tâtonnemens fi defagréables
pour les praticiens & fi dangereux
pour les malades : belles & magnifiques
promeffes conçues dans des termes qui ne
le font pas moins ; c'eft grand dommage
qu'ils foient placés avant la démonftration
. Malgré tout , je fens l'obligation où
je fuis d'y répondre avec des expreffions
de même prix mais comme mon infuffifance
ne me permet pas de les puifer dans
mon propre fonds , je ne celerai pas que
je fuis forcé de les emprunter de l'Orateur
françois ; il fair trop bien l'éloge de l'efprit
inventeur pour ne m'en pas fervir en
l'honneur de M. le Cat. Je dirai donc
qu'un tel génie n'a point de modele , titre
qui annonce une fupériorité de gloire.
qu'on ne peut difputer fans injuftice ; il
fert aux autres de modele , titre qui porte
une étendue de bienfaits qu'on ne peut
méconnoître fans ingratitude. Ainfi pour
ene paffer pour injufte nipour ingrat vis- àvis
cer auteur , je me ferai un devoir 'de me
foumettre à la déciſion des fçavans . tid
Peffault de la Tour, Médecin à Beaufort,
1
E Mémoire que M. le Cat donne par
extrait dans le Mercure de Novembre
dernier touchant les fievres malignes , &
en particulier celles qui ont regné à Rouen
à la fin de l'année 1753 , & au commencement
de celle de 1754 , renferme un fyftême
qui, s'il n'eft pas fufceptible d'objection,
pourroit l'être du moins de quelqu'éclai
ciffement .
Des trois parties qui compofent le corps
de fes réflexions à ce fujet , je ne m'attacherai
qu'aux deux dernieres , dont voici
le précis .
Dans l'une , il prétend que les maladies
internes , & en particulier les fievres malignes
dont il s'agit , ne font que des maladies
externes très-connues , & que par
l'infpection des cadavres dont il a fait faire
ouverture , il a obfervé que celle qui a
regné à Rouen , étoit un herpès placé à
l'eftomac & aux inteftins grêles ; que les
remedes chez ceux qui en font guéris, n'ont
eu ce fuccès que parce qu'ils font analogues
aux topiques que la chirurgie emploie
dans le traitement du herpès.
Dans l'autre , il condamne l'opinion
prefque
JUIN. 1755. 97
prefque générale où l'on eft que les maladies
réfident dans les humeurs .
A bien confiderer les argumens que M.
le Cat propofe pour appuyer fon fyltême ,
il eft à craindre qu'il ne fe foit prêté avec
un peu trop de complaifance à la fécondité
de fon imagination , à l'inftar de bien d'autres
fçavans , particulierement de certains
Anglois.
1. Il prétend que l'état des liqueurs
dépend de celui des folides , & que le réciproque
eft fort rare.
2 °. Que fi les maladies étoient dans les
fluides , il n'y auroit pas une feule maladie
locale ; les maladies au contraire devroient
fe trouver dans tous les points du tiffu de
nos parties , en les fuppofant dans les liquides
, qui occupent ,tous les points de nos
folides .
3°. Que l'on pourroit dire que la dépravation
n'eft tombée que fur une partie des
Auides , ce qui feroit infoutenable , felon
lui , attendu que cette parcelle de nos hu
meurs , quelque petite qu'elle fût , devroit
en très- peu de tems corrompre tout le refte
par le mouvement continuel de la circulation.
Cela pofé , toute maladie humorale
devroit être univerfelle ; par exemple , fi la
contagion répandue dans l'air avoit prife
fur nos humeurs , nul homme n'en échap-
II. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
peroit , les Médecins fur-tout comme les
plus expofés .
Que n'aurois-je point à redouter , ſi je
me propofois comme adverfaire d'un tel
fçavant ? mais non , je ne cherche qu'à
m'inftruire.
Je dis donc que la cure des maladies en
queſtion , que M. le Cat n'attribue qu'à
l'analogie que les remedes internes ont
avec les topiques que la chirurgie a coutume
d'employer pour la guérifon des maladies
externes , fouffre d'autant plus de difficulté
, que les topiques font les remedes
les moins effentiels dans le traitement de
ces maladies , fur- tout du herpès , & que fi
ces remedes extérieurs contribuent en
quelque chofe à leur guérifon , ce ne peutêtre
au contraire que parce qu'ils font analogues
eux- mêmes aux remedes internes
que
la médecine a coutume de mettre en
ufage pour les guérir ; cela eft d'autant
plus évident , que ce qui paroît à l'exté
rieur dans ces fortes de maladies , ne peut
paffer que pour l'effet & non pour la caufe :
prendre l'un pour l'autre ce feroit affurément
fe tromper groffierement.
Quant à la feconde partie , il n'eft pas
néceffaire d'être Médecin , ni Chirurgien ,
pour fçavoir que le chyle eft le germe du
Lang ,
, que celui - ci l'eft de toutes les autres
JUIN. 1755. ANDTHEDIA
humeurs , & par une conféquence inevi
table , fi le chyle eſt vicié par quelque caufe
que ce foit , ce qui arrive tous les jours ,
fang le fera néceffairement ; de même file
fang tombe en dépravation , les autres humeurs
tiendront de leur fource : donc les
maladies réfident dans les fluides , puifqu'ils
font fujets à tomber en dépravation ;
foutenir le contraire , ce feroit démentir
F'expérience. Mais , replique M. le Cat , fi
la maladie réfide dans les liquides , il n'y
aura pas une feule maladie locale , toute
maladie humorale fera générale & devra
occuper tous les points du tiffa de nos
parties. Une telle objection qu'il , fe fait à
lui-même ne devoit point être capable de
l'alarmer fi fort fur le fentiment commun
& c'eft argumenter contre fes propres lumieres
que de conteſter la vérité d'un fait ,
parce qu'il s'opere par des voies qui nous
font inconnues. M. le Cat auroit donc eu
plus de raifon d'examiner fi véritablement
la chofe eft telle qu'il s'imagine qu'elle
devroit l'être , en partant des vrais principes
ou non , fans nier ce qui fe palle tous
les jours fous fes yeux : dira-t-il , par exemple,
que les virus de toute efpece , foit dartreux
, écrouelleux , fcorbutiques , vénériens
, contagieux , & c . n'ont aucune prife
fur nos humeurs ? niera- t-il qu'elles péchent
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
4
"
& dans leur quantité & dans leur qualité ?
tous les caracteres de dépravation qui s'obfervent
journellement dans le fang que
l'on tire des veines des différens malades ,
font- ils illufoires ou bien ce fang n'eft- il
dépravé que dans le vaiffeau d'où il fort ?
en ce cas l'on fe ferviroit des propres are
mes de l'auteur en lui oppofant fa troifie
me objection. Il doit croire après tout que
dans toutes les mala
maladies en question
quoique tous les Points du tiflu de nos
folides ne paroiffent pas affectés d'une maniere
également fenfible , ils le font cependant
& même doivent l'être , mais d'une
façon relative à l'intensité de la corrup
tion à la nature du fluide , à l'uſage de
chaque partie , à leur fenfibilité?, aauuxxdidifffférentes
pofitions & modifications qui les
mettent dans le cas d'éprouver plus pu
moins fenfiblement les impreffions des
humeurs viciées ; aux différens obftacles
foit de la part des folides ou des fluides
& ſouvent des deux enſemble , qui empêchent
ces derniers de pénétrer dans leurs
fecrétoires , & de s'infinuer dans les vifceres
aufquels ils appartiennent naturellement,
d'où naiffent les ftafes & les écarts
de ces mêmes liquides , qui affectent certaines
parties plus particulierement, que
d'autres , d'où l'on doit conclure qu'inde
JUIN. 1755. 101
pendamment que tous les points du tifft
de nos folides foient affectés dans le cas
où les humeurs font en dyfcrafie , il ne s'enfait
pas qu'ils doivent être tous avec la
même force ; & fi les malades en pareil cas
ne s'apperçoivent pas d'une léfion géné
rale , c'est que ( par les raifons ci- deffus )
la plus forte impreffion l'emporte fur la
moindre .
200 UB
Dire que toute contagion devroit être
générale , & que perfonne n'en devroit
échapper fi l'air contagieux avoit affaire
à nos liqueurs , c'eft , ce me femblé , une
propofition qui n'eft pas moins fufceptible
de difficulté que le refte ; & je ne vois pas
quand même la chofe fe pafferoit comme
le perfuade l'auteur du nouveau fyftême
qu'il pût en tirer une conféquence bien
triomphante , attendu que de quelque façon
que fe répande un air contagieux , &
quelque partie de nous- mêmes qu'il affecte,
il doit attaquer indifféremment tous ceux
qui le refpirent ; & fi le contraire arrive ,
ce ne peut être que par une difpofition non
moins heureufe que fecrette de certains
tempéramens fur lefquels les miafmes ne
font pas la même impreffion , femblables à
l'eau régale qui diffout certains métaux
fans pouvoir mordre fur les autres. '
La dépendance de l'état des Anides de
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
celui des folides , fans du moins admettre
le réciproque , ne me paroît pas mieux fondée
; & à examiner le tout en rigueur , l'on
pourroit prendre un parti diamétralement
oppofé à celui de l'auteur , en ce que ceuxci
ne reçoivent de nourriture que des premiers
, qui ne peuvent fouffrir la moindre
altération fans leur nuire d'une façon relative
; ceux- là au contraire éprouvent tous
les jours des dérangemens , légers à la vérité
, qui n'en apportent aucuns aux liqueurs
; mais je n'adopterai ni l'un , ni
l'autre par préférence , & ne prétends point
m'écarter de l'équilibre fi néceffaire entre
les folides & les fluides pour la confervation
de la vie & de la fanté : ainfi il faut
les croire dans une dépendance réciproque ,
& quand même les fluides dépendroient
de l'état des folides , ils n'en feroient pas
pour cela à l'abri des dépravations. Difons
donc feulement que la léfion des uns attire
la léfion des autres ; tout eft mutuel par
conféquent.
M. le Cat dévoile enfin fon myftere , &
s'explique d'une maniere à la vérité bien
différente que femble l'annoncer fon début
; il foutient que les maladies réfident
dans le fluide des nerfs : l'opinion générale
n'eft pas du moins entierement convaincue
d'erreur , puifque ce fluide fait partie des
JUIN. 1755. 103
humeurs. Refte à fçavoir maintenant par
quel chemin il conduira la maladie dans
le Auide nerveux , qui ne peut pécher , felon
lui , que par fa qualité ou fa trop petite
quantité ; quand il auroit ajouté auffi par
fa trop grande abondance , la chofe n'en
feroit pas plus mal , parce qu'en fait des
fonctions animales , ainfi que de toute autre
méchanique , la jufte proportion qui
eft effentielle, peut pécher par le trop comme
par le trop peu. Mais paffons par là
deffus , puifqu'il a jugé à propos d'y paffer
lui- même ; je ne veux cependant pas dire
par là que les grands hommes foient à
imiter en tout , parce qu'il n'y a perfonne
qui n'ait fes défauts. Je reviens donc à la
queftion , & dis qu'aucun vice ne peut
pénétrer dans la cavité des nerfs pour y
infecter les efprits , fans paffer par la même
route qui conduit ces mêmes efprits dans
les nerfs or le fang eft l'unique route qui
conduit les efprits dans les nerfs , puifqu'il
en eft la fource ; donc toute contagion doit
paffer par le fang avant de parvenir jufqu'aux
efprits. M. le Cat ne dira pas qu'elle
fe fait paffage feulement au travers des
pores des nerfs , parce qu'en ce cas elle
pafferoit également au travers de ceux qui
font répandus fur tous les points du tiſſu
de nos parties , & par une conféquence
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE .
non moins prépondérante , toutes les autres
humeurs en feroient attaquées également.
en
A l'égard des maladies qu'il prétend expliquer
par leurs véritables caufes ,
donnant des raifons convaincantes du méchanifme
des cryfes qu'il ne fait confifter
que dans la dépuration du fuc nerveux ,
qui bien différent des autres humeurs , ne
retourne point à fon réſervoir , & ne peut
par conféquent corrompre les fluides dont
il s'eft féparé une fois pour toujours ; l'auteur
de ce raifonnement n'ignore pas que
les membranes ne font que des développemens
de l'extrêmité des nerfs ; qu'elles
donnent origine à une infinité de petits
tuyaux connus fous le nom de veines lymphatiques
, qui n'ont d'autre ufage que
celui de reporter dans le fang les réfidus du
fuc nerveux , qui , comme on voit , circule
également que le refte des fluides : donc
l'auteur de la nouvelle opinion fe trouve
pour la feconde fois en proie à fa troifieme
objection par les conféquences même qu'il
en tire.
Voilà , je penfe , tout ce que l'on peut
objecter en raccourci contre un fyftême qui
ne doit pas furprendre feulement par l'air
de nouveauté qu'on lui donne : quoiqu'il
en foit , je me perfuade que fon auteur a
prévu toutes ces difficultés ; que bien loin
JUIN 1755. 105
•
*
de les regarder comme orageufes , il ne les
envifagera que comme une rofée qui donne
un nouvel éclat aux fleurs fur lefquelles
elle fe répand : j'attends donc avec impatience
cette théorie lumineufe qui doit
nous garantir des tâtonnemens fi defagréables
pour les praticiens & fi dangereux
pour les malades : belles & magnifiques
promeffes conçues dans des termes qui ne
le font pas moins ; c'eft grand dommage
qu'ils foient placés avant la démonftration
. Malgré tout , je fens l'obligation où
je fuis d'y répondre avec des expreffions
de même prix mais comme mon infuffifance
ne me permet pas de les puifer dans
mon propre fonds , je ne celerai pas que
je fuis forcé de les emprunter de l'Orateur
françois ; il fair trop bien l'éloge de l'efprit
inventeur pour ne m'en pas fervir en
l'honneur de M. le Cat. Je dirai donc
qu'un tel génie n'a point de modele , titre
qui annonce une fupériorité de gloire.
qu'on ne peut difputer fans injuftice ; il
fert aux autres de modele , titre qui porte
une étendue de bienfaits qu'on ne peut
méconnoître fans ingratitude. Ainfi pour
ene paffer pour injufte nipour ingrat vis- àvis
cer auteur , je me ferai un devoir 'de me
foumettre à la déciſion des fçavans . tid
Peffault de la Tour, Médecin à Beaufort,
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Résumé : Observations de M. Pessault de la Tour, Médecin à Beaufort, sur un mémoire de M. Le Cat, [titre d'après la table]
Le texte traite d'un mémoire de M. le Cat publié dans le Mercure de novembre précédent, qui aborde les fièvres malignes à Rouen à la fin de 1753 et au début de 1754. Le mémoire propose que les maladies internes, telles que les fièvres malignes, sont en réalité des maladies externes connues, comme l'herpès, localisées à l'estomac et aux intestins grêles. M. le Cat suggère que les remèdes efficaces pour ces maladies sont analogues aux traitements topiques utilisés en chirurgie pour l'herpès. Le texte critique l'opinion générale selon laquelle les maladies résident dans les humeurs. M. le Cat argue que l'état des liquides dépend de celui des solides et que les maladies ne peuvent être locales si elles résident dans les fluides. Il affirme que toute maladie humorale devrait être générale et affecter tous les points du tissu corporel. Cependant, le texte conteste ces arguments en soulignant que les remèdes internes sont plus efficaces que les topiques pour traiter les maladies en question. Il note également que le chyle, germe du sang, et les autres humeurs peuvent être viciés, ce qui prouve que les maladies résident dans les fluides. Le texte conclut en soulignant que les objections de M. le Cat ne sont pas fondées et que les maladies peuvent affecter différents points du corps de manière relative à l'intensité de la corruption et à la sensibilité des parties affectées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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54
p. 65-75
LE MALHEUR D'AIMER. POEME, Par M. Gaillard, Avocat.
Début :
Non, je ne veux plus rien aimer ; [...]
Mots clefs :
Malheur, Aimer, Amour, Coeur, Dieux, Yeux, Vertu, Sang, Traits
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texteReconnaissance textuelle : LE MALHEUR D'AIMER. POEME, Par M. Gaillard, Avocat.
LE MALHEUR D'AIMER.
POEME ,
Par M. Gaillard , Avocat.
N On , je ne veux plus rien aimer ;
Un jufte orgueil m'enflamme , un jour heureux
m'éclaire ,
J'arrache en frémiffant ce coeur tendre & fincere
Aux perfides attraits qui l'avoient fçu charmer..
Combien l'illufion leur prêta de puiffance !
Et combien je rougis de ma folle conſtance !
Quoi ! c'eft-là cet objet adorable & facré ,
Chef- d'oeuvre de l'amour , par lui-même admiré ,
Sur qui la main des Dieux ( foit faveur ou colere)
Epuifa tous fes dons , & fur- tout l'art de plaire ! ...
Quel démon m'aveugloit : quel charme impérieux
Enchaînoit ma raiſon & faſcinoit mes yeux ?
J'aimois . J'embelliffois ma fatale chimere
Des traits les plus touchans d'une vertu fincere ;
Que ne peut-on toujours couvrir la vérité
Du voile de l'amour & de la volupté !
Hélas ! de mon erreur j'aime encor la mémoire ;
Je regrette mes fers , & pleure ma victoire 30
Que dis-je , malheureux ? Ah ! je devois pleurer,
66 MERCURE DE FRANCE.
Lorfque prompt à me nuire , ardent à m'égarer ;
Je fubis les rigueurs d'un indigné efclavage ;
Les Dieux de ces périls m'avoient tracé l'image.
Un fonge ( & j'aurois dû plutôt m'en ſouvenir )
A mon coeur imprudent annonçoit l'avenir.
J'errois fur les bords de la feine
Dans des bofquêts charmans confacrés au plaifir }
Avec Thémire , avec Climene ,
Par des jeux innocens j'amufois mon loifir.
Un enfant inconnu deſcend fur le rivage ,
Il mêle un goût plus vif à notre badinage ,
Il pare la nature , il embellit le jour ,
L'univers animé parut fentir l'amour.
Ses aîles , fon carquois m'infpiroient quelque
crainte ,
Mais dans les yeux touchans l'innocence étoit
peinte.
Il me tendit les bras . Son ingénuité
Intéreffa mon coeur qu'entraînoit fa beauté ;
Careffé par Thémire , & loué par Climéne
A leurs plus doux tranfports il fe prêtoit à peine ,
J'attirois tous fes foins , & j'étois feul flaté .
Il aimoit , diſoit-il , à me voir , à m'entendre ,
Il fembloit à mon fort prendre un intérêt tendre ,
Avec un air charmant il plaçoit de ſa main
Des lauriers fur mon front , des roſes dans mon
fein ; . -
Qui ne l'auroit aimé ? pardonnez , ô fageffe
AOUST.
1755 67
Je fçais trop à préfent qu'il faut n'aimer que
vous ;
Mais de ce traître enfant que les piéges font doux !
Que les traits ont de force & nos coeurs de foibleffe
! )
Il me montra de loin le palais des plaiſirs ,
J'y volai plein d'eſpoir , fur l'aîle des defirs .
Là , tout eft volupté ! tranfport , erreur , ivreffe ,
Là , tout peint , tout infpire , & tout fent la tendreffe
;
Dans mille objets trompeurs l'art fçait vous préfenter
Celui qui vous enchante , ou va vous enchanter.
J'apperçus deux portraits : l'un fut celui d'Or
phife ,
Mon oeil en fut frappé , mon ame en fut ſurpriſes
Vieille , elle avoit d'Hébé l'éclat & les attraits
Sa beauté m'éblouit fans m'attacher jamais .
Mais l'amour m'attendoit au portrait de Sylvie
Il alloit décider du bonheur de ma vie.
Sans éclat , fans beauté , fa naïve douceur
Fixa mon oeil avide , & pénétra mon coeur.
Dans fes yeux languiffans , ou l'art ou la nature
Avoient peint les vertus d'une ame noble & pure
Tous mes fens enivrés d'une rapide ardeur
Friffonnoient de plaifir , & nommoient mon vain
queur ...
Cependant fous mes pas s'ouvre un profond abî
me 2
68 MERCURE DE FRANCE.
J'y tombe , & je m'écrie : O trahiſon , ô crime !
De quels fleuves de fang me vois-je environné ?
Dans ces fombres cachots des malheureux gémiffent
,
De leurs cris effrayans ces voûtes retentiſſent :
Fuyons .... Des fers cruels me tiennent enchaîné ;
Mille dards ont percé mon coeur infortuné ,
O changement affreux ! quel art t'a pû produire ?
Une voix me répond : Pallas , va-t'en inftruire ?
L'amour fuit démafquant fon viſage odieux .
La rage d'Erinnys étincelle en fes yeux ,
Des ferpens couronnoient fa tête frémiffante ;
Le reſpect enchaînoit fon audace impuiffante ;
Il fecouoit pourtant d'un bras féditieux
Un flambeau dont Pallas éteignoit tous les feuxJ
Je la vis , & je crus l'avoir toujours aimée ,
Ses vertus s'imprimoient dans mon ame enflam
mée ,
J'admirois ces traits fiers , cette noble pudeur ,
Où du maître des Dieux éclatoit la fplendeur.
» Tombez , a- t-elle dit , chaînes trop rigoureu-
>> fes !
» Fermez-vous pour jamais, cicatrices honteufes !
>> Mortel ! je n'ai changé, ni l'amour , ni ces lieux ,
» Mais j'ai rompu le charme & deffillé tes yeux.
» La volupté verfoit l'éclat fur l'infamie ,
» D'un mafque de douceur couvroit la perfidie ;
La vertu feule eft belle , & n'a qu'un même
aſpect ,
A OUST . 1755. 69
» L'amour vrai qu'elle infpire eft enfant du ref-
» pect.
» Mais ſui – moi , viens apprendre à détefter ce
>> maître
>> Que les humains féduits fervent fans le connoî-
» tre ,
» Qui t'entraînoit toi -même , & t'alloit écraser
» Sous le poids de ces fers que j'ai daigné brifer.
>> Ce monftre en traits de fang , ſous ces voûtes
» horribles ,
» Grava de fes fureurs les monumens terribles.
ô Que vis-je ? .... ô paffions & fource des for
faits !
Quels tourmens vous caufez , quels maux vous
avez faits !
Térée au fond des bois outrage Philomele ?
Progné, foeur trop fenfible & mere trop cruelle ;
A cet époux inceftueux ,
De fon fils déchiré , fert les membres affreux.
Soleil ! tu reculas pour le feftin d'Atrée !
As-tu
pu
fans horreur voir celui de Térée ?
Mais quels font ces héros enflammés de fureur ;
Qui partagent les Dieux jaloux de leur valeur ? ....
Dieux votre fang rougit les ondes du Scamandre
;
Patrocle , Hector , Achille , ont confondu leur
cendre
70 MERCURE DE FRANCE.
Sous fon palais brûlant Priam eft écrasé ,
Le fceptre de l'Afie en fes mains eft brifé ,
Tout combat , tout périt : Pour qui ? pour une
femme ,
De mille amans trompés vil rebut , refte infame.
Le fier Agamemnon , ce chef de tant de Rois ,
Dont l'indocile Achille avoit fubi les loix ,
Revient après vingt ans de gloire & de mifere
Expirer fous les coups d'une épouse adultere .
Aux autels de les Dieux Pyrrhus eft égorgé ;
Hermione eft rendue à ſon époux vengé.
Pour laver ton affront , ô Phédre ! l'impofture
Charge de tes forfaits la vertu la plus pure ;
Sur un fils trop aimable un pere furieux
Appelle en frémiffant la vengeance des Dieux .
Le courroux de Neptune exauçant fa priere
Seme d'ennuis mortels fa fatale carriere.
Biblis , & vous , Myrrha , d'une exécrable ar
deur
Par des pleurs éternels vous expiez l'horreur.
O Robbe de Neffus ! & trompeufe efperance !
O d'un monftre infolent effroyable vengeance !
Sur le bucher fatal Hercule eft confumé ;
Héros plus grand qu'un Dieu , s'il n'avoit point
aimé !
Tu fuis , ingrat Jaſon , ta criminelle épouſe :
A O UST. 1755 71 .
Mais ... connois -tu Médée & fa rage jalouſe ?
Elle immola fon frere , & fe perdit pour toi ,
Tu ne peux ni la voir , ni la fuir fans effroi ! ....^
Mais la voici , grands Dieux ! furieufe , tremblan
I
te ......
Un fer étincélant arme fa main fanglante ,
Elle embraffe fes fils , & frémit de terreur
Ah ! d'un crime effrayant tout annonce l'horreur...
Arrête , Amour barbare , & toi , mere égarée ,
De quel fang fouilles-tu ta main deſeſpérée ?
La nature en frémit , l'enfer doute en ce jour
Qui l'emporte en fureur , ou Médée ou l'Amour.
Le jour vint m'arracher à ce fpectacle horrible,
Pour éclairer mon coeur la vérité terrible
Avoit emprunté par pitié
Les traits d'un utile menfonge. , .
Tout fuit , tout n'étoit qu'un vain fonge ,
Et mon coeur a tout oublié.
Deux Amours,, deux erreurs ont partagé ma
vie ,
Fadorai la vertu dans le coeur de Sylvie ,
Par des vices brillans Orphiſe m'enchanta ,
La vertu s'obscurcit , & le vice éclata ,
Orphife étoit perfide autant qu'elle étoit belle ,
Sylvie .... elle étoit femme , elle fut infidelle..
Sur quel fable mouvant fondois-je un vain eſpoir &
La candeur, la conftance eft-elle en leur pou
voir ?
72 MERCURE DE FRANCE.
(
Je te connois enfin , ſexe aimable & parjure ,
Ornement & fléau de la trifte nature !
Tu veux vaincre & regner , fur- tout tu veux tra
hir.
Notre opprobre eft ta gloire , & nos maux ton
t
plaifir.
Du généreux excès d'un amour héroïque
La vertueufe Alçefte étoit l'exemple unique.
Adorable en fa vie , admirable en ſa mort ,
Elle étonna les Dieux , & confondit le fort.
En fubiffant fa loi cruelle.
Otoi , qui poffedas cette épouſe fidele ,
Tu ne méritois pas , Admete , un fort fi beau ;
Si l'Amour ne t'entraîne avec elle au tombeau !
Elle eſt mere , & du fang t'immole la foibleffe !
Elle eft Reine , & connoit la conftante amitié !
Infenfible à fa perte , elle plaint ta tendreſſe ,
Dans les yeux prefque éteints brille encor la
pitié ;
Elle entre en t'embraffant dans la nuit éternelle ,
C'est pour toi qu'elle meurt , peux- tu vivre fans
elle ?
Hélas ! le coeur humain doit-il former des voeux ?
De toutes les vertus Alcefte eft le modele ,
Mais s'il étoit fuivi , ferions -nous plus heureux ?
Amour ! contre tes traits où prendroit - on des
armes ?
Ofemmes qui pourroit fe fouftraire à vos charmes
si
A O UST. 1755 . 75
Si vos coeurs fecondoient le pouvoir de vos yeux ?
La nature s'émeut à l'aspect d'une belle :
Le coeur dit : La voilà , mon bonheur dépend d'elle.
Que l'épreuve dément un préfage fi doux !
Hélás les vrais plaifirs ne font pas faits pour
nous.
Nous jouiffons bien peu de la douceur fuprême
De plaire à nos tyrans , ou d'aimer qui nous aimed
Dans l'empire amoureux tout coeur eſt égaré ,
Et loin des biens offerts cherche un bien defiré.
Ariane brûloit pour l'inconftant Théfée :
Mais il venge àfon tour cette amante abufée ;
Il aime , & dans fon fils on lui donne un rival ;
Phédre adore Hyppolite , & Phédre eft mépriféer
Phyllis eft fufpendue à l'amandier fatal ;
Démophoon fidele eût vû Phyllis volage ,
Tel eft de Cupidon le cruel badinage ;
Il fe nourrit de fang , il s'abbreuve de pleurs ,
Il enchaîne , & jamais il n'affortit les coeurs.
Vous , dont un vent propice enfle aujourd'hui
les voiles ,
Qui lifez , pleins d'efpoir , fur le front des étoiles
L'approche du bonheur & la route du port.
Ah ! tremblez ! mille écueils vous préfentent la
mort.
J'entens mugir les flots & gronder les tempêtes.
L'abime eft fous vos pieds , la foudre eft fur vos
têtes ;
D
74 MERCURE DE FRANCE.
D'une fauffe amitié les perfides douceurs
De l'infidélité préparent les noirceurs ;
Bientôt on oubliera juſqu'à ces faveurs même ,
Dont on flate avec art votre tendreffe extrême ;
On verra vos tourmens d'un oeil fec & ferein .
Vainement pour voler à des ardeurs nouvelles
Le dépit & l'orgueil vous prêteront leurs aîles.
Vous ferez retenus par cent chaînes d'airain.
Les caprices fougueux , les fombres jaloufies ,
Et la haine allumée au flambeau des Furies ,
Etoufferont fans ceffe & produiront l'amour ,
De vos coeurs déchirés , indomptable vautour.
Sauvez de ces revers vos flammes généreuſes ;
Sortez , s'il en eft tems , de ces mers orageuſes ,
Regagnez le rivage , & cherchez le bonheur
Dans le calme des fens & dans la paix du coeur.
Des fieres paffions brifez le joug infâme ,
Fuyez la volupté , ce doux poifon de l'ame ,
La gloire & la vertu combleront tous vos voeux ,
Sous leur aimable empire on vit toujours heureux
.
Ainfi parloit Sylvandre , & fa douleur amere
Méconnoiffoit l'Amour maſqué par la colere ,
Quand d'un fouris flateur , fait pour charmer les
Dieux ,
A fes yeux éperdus Sylvie ouvrit les cieux ;
Quel moment ! quel combat pour fon ame attendrie
!
Elle approche , il pålit , il fe trouble ....... il
s'écrie ,
Frémiffant de couroux , de tendreffe & d'effroi ;
Tu l'emportes , cruelle , & mon coeur est à toi.
Unfeul de tes regards affure ta victoire ,
T'aimer eft ma vertu , t'enflammer eft ma gloire.
POEME ,
Par M. Gaillard , Avocat.
N On , je ne veux plus rien aimer ;
Un jufte orgueil m'enflamme , un jour heureux
m'éclaire ,
J'arrache en frémiffant ce coeur tendre & fincere
Aux perfides attraits qui l'avoient fçu charmer..
Combien l'illufion leur prêta de puiffance !
Et combien je rougis de ma folle conſtance !
Quoi ! c'eft-là cet objet adorable & facré ,
Chef- d'oeuvre de l'amour , par lui-même admiré ,
Sur qui la main des Dieux ( foit faveur ou colere)
Epuifa tous fes dons , & fur- tout l'art de plaire ! ...
Quel démon m'aveugloit : quel charme impérieux
Enchaînoit ma raiſon & faſcinoit mes yeux ?
J'aimois . J'embelliffois ma fatale chimere
Des traits les plus touchans d'une vertu fincere ;
Que ne peut-on toujours couvrir la vérité
Du voile de l'amour & de la volupté !
Hélas ! de mon erreur j'aime encor la mémoire ;
Je regrette mes fers , & pleure ma victoire 30
Que dis-je , malheureux ? Ah ! je devois pleurer,
66 MERCURE DE FRANCE.
Lorfque prompt à me nuire , ardent à m'égarer ;
Je fubis les rigueurs d'un indigné efclavage ;
Les Dieux de ces périls m'avoient tracé l'image.
Un fonge ( & j'aurois dû plutôt m'en ſouvenir )
A mon coeur imprudent annonçoit l'avenir.
J'errois fur les bords de la feine
Dans des bofquêts charmans confacrés au plaifir }
Avec Thémire , avec Climene ,
Par des jeux innocens j'amufois mon loifir.
Un enfant inconnu deſcend fur le rivage ,
Il mêle un goût plus vif à notre badinage ,
Il pare la nature , il embellit le jour ,
L'univers animé parut fentir l'amour.
Ses aîles , fon carquois m'infpiroient quelque
crainte ,
Mais dans les yeux touchans l'innocence étoit
peinte.
Il me tendit les bras . Son ingénuité
Intéreffa mon coeur qu'entraînoit fa beauté ;
Careffé par Thémire , & loué par Climéne
A leurs plus doux tranfports il fe prêtoit à peine ,
J'attirois tous fes foins , & j'étois feul flaté .
Il aimoit , diſoit-il , à me voir , à m'entendre ,
Il fembloit à mon fort prendre un intérêt tendre ,
Avec un air charmant il plaçoit de ſa main
Des lauriers fur mon front , des roſes dans mon
fein ; . -
Qui ne l'auroit aimé ? pardonnez , ô fageffe
AOUST.
1755 67
Je fçais trop à préfent qu'il faut n'aimer que
vous ;
Mais de ce traître enfant que les piéges font doux !
Que les traits ont de force & nos coeurs de foibleffe
! )
Il me montra de loin le palais des plaiſirs ,
J'y volai plein d'eſpoir , fur l'aîle des defirs .
Là , tout eft volupté ! tranfport , erreur , ivreffe ,
Là , tout peint , tout infpire , & tout fent la tendreffe
;
Dans mille objets trompeurs l'art fçait vous préfenter
Celui qui vous enchante , ou va vous enchanter.
J'apperçus deux portraits : l'un fut celui d'Or
phife ,
Mon oeil en fut frappé , mon ame en fut ſurpriſes
Vieille , elle avoit d'Hébé l'éclat & les attraits
Sa beauté m'éblouit fans m'attacher jamais .
Mais l'amour m'attendoit au portrait de Sylvie
Il alloit décider du bonheur de ma vie.
Sans éclat , fans beauté , fa naïve douceur
Fixa mon oeil avide , & pénétra mon coeur.
Dans fes yeux languiffans , ou l'art ou la nature
Avoient peint les vertus d'une ame noble & pure
Tous mes fens enivrés d'une rapide ardeur
Friffonnoient de plaifir , & nommoient mon vain
queur ...
Cependant fous mes pas s'ouvre un profond abî
me 2
68 MERCURE DE FRANCE.
J'y tombe , & je m'écrie : O trahiſon , ô crime !
De quels fleuves de fang me vois-je environné ?
Dans ces fombres cachots des malheureux gémiffent
,
De leurs cris effrayans ces voûtes retentiſſent :
Fuyons .... Des fers cruels me tiennent enchaîné ;
Mille dards ont percé mon coeur infortuné ,
O changement affreux ! quel art t'a pû produire ?
Une voix me répond : Pallas , va-t'en inftruire ?
L'amour fuit démafquant fon viſage odieux .
La rage d'Erinnys étincelle en fes yeux ,
Des ferpens couronnoient fa tête frémiffante ;
Le reſpect enchaînoit fon audace impuiffante ;
Il fecouoit pourtant d'un bras féditieux
Un flambeau dont Pallas éteignoit tous les feuxJ
Je la vis , & je crus l'avoir toujours aimée ,
Ses vertus s'imprimoient dans mon ame enflam
mée ,
J'admirois ces traits fiers , cette noble pudeur ,
Où du maître des Dieux éclatoit la fplendeur.
» Tombez , a- t-elle dit , chaînes trop rigoureu-
>> fes !
» Fermez-vous pour jamais, cicatrices honteufes !
>> Mortel ! je n'ai changé, ni l'amour , ni ces lieux ,
» Mais j'ai rompu le charme & deffillé tes yeux.
» La volupté verfoit l'éclat fur l'infamie ,
» D'un mafque de douceur couvroit la perfidie ;
La vertu feule eft belle , & n'a qu'un même
aſpect ,
A OUST . 1755. 69
» L'amour vrai qu'elle infpire eft enfant du ref-
» pect.
» Mais ſui – moi , viens apprendre à détefter ce
>> maître
>> Que les humains féduits fervent fans le connoî-
» tre ,
» Qui t'entraînoit toi -même , & t'alloit écraser
» Sous le poids de ces fers que j'ai daigné brifer.
>> Ce monftre en traits de fang , ſous ces voûtes
» horribles ,
» Grava de fes fureurs les monumens terribles.
ô Que vis-je ? .... ô paffions & fource des for
faits !
Quels tourmens vous caufez , quels maux vous
avez faits !
Térée au fond des bois outrage Philomele ?
Progné, foeur trop fenfible & mere trop cruelle ;
A cet époux inceftueux ,
De fon fils déchiré , fert les membres affreux.
Soleil ! tu reculas pour le feftin d'Atrée !
As-tu
pu
fans horreur voir celui de Térée ?
Mais quels font ces héros enflammés de fureur ;
Qui partagent les Dieux jaloux de leur valeur ? ....
Dieux votre fang rougit les ondes du Scamandre
;
Patrocle , Hector , Achille , ont confondu leur
cendre
70 MERCURE DE FRANCE.
Sous fon palais brûlant Priam eft écrasé ,
Le fceptre de l'Afie en fes mains eft brifé ,
Tout combat , tout périt : Pour qui ? pour une
femme ,
De mille amans trompés vil rebut , refte infame.
Le fier Agamemnon , ce chef de tant de Rois ,
Dont l'indocile Achille avoit fubi les loix ,
Revient après vingt ans de gloire & de mifere
Expirer fous les coups d'une épouse adultere .
Aux autels de les Dieux Pyrrhus eft égorgé ;
Hermione eft rendue à ſon époux vengé.
Pour laver ton affront , ô Phédre ! l'impofture
Charge de tes forfaits la vertu la plus pure ;
Sur un fils trop aimable un pere furieux
Appelle en frémiffant la vengeance des Dieux .
Le courroux de Neptune exauçant fa priere
Seme d'ennuis mortels fa fatale carriere.
Biblis , & vous , Myrrha , d'une exécrable ar
deur
Par des pleurs éternels vous expiez l'horreur.
O Robbe de Neffus ! & trompeufe efperance !
O d'un monftre infolent effroyable vengeance !
Sur le bucher fatal Hercule eft confumé ;
Héros plus grand qu'un Dieu , s'il n'avoit point
aimé !
Tu fuis , ingrat Jaſon , ta criminelle épouſe :
A O UST. 1755 71 .
Mais ... connois -tu Médée & fa rage jalouſe ?
Elle immola fon frere , & fe perdit pour toi ,
Tu ne peux ni la voir , ni la fuir fans effroi ! ....^
Mais la voici , grands Dieux ! furieufe , tremblan
I
te ......
Un fer étincélant arme fa main fanglante ,
Elle embraffe fes fils , & frémit de terreur
Ah ! d'un crime effrayant tout annonce l'horreur...
Arrête , Amour barbare , & toi , mere égarée ,
De quel fang fouilles-tu ta main deſeſpérée ?
La nature en frémit , l'enfer doute en ce jour
Qui l'emporte en fureur , ou Médée ou l'Amour.
Le jour vint m'arracher à ce fpectacle horrible,
Pour éclairer mon coeur la vérité terrible
Avoit emprunté par pitié
Les traits d'un utile menfonge. , .
Tout fuit , tout n'étoit qu'un vain fonge ,
Et mon coeur a tout oublié.
Deux Amours,, deux erreurs ont partagé ma
vie ,
Fadorai la vertu dans le coeur de Sylvie ,
Par des vices brillans Orphiſe m'enchanta ,
La vertu s'obscurcit , & le vice éclata ,
Orphife étoit perfide autant qu'elle étoit belle ,
Sylvie .... elle étoit femme , elle fut infidelle..
Sur quel fable mouvant fondois-je un vain eſpoir &
La candeur, la conftance eft-elle en leur pou
voir ?
72 MERCURE DE FRANCE.
(
Je te connois enfin , ſexe aimable & parjure ,
Ornement & fléau de la trifte nature !
Tu veux vaincre & regner , fur- tout tu veux tra
hir.
Notre opprobre eft ta gloire , & nos maux ton
t
plaifir.
Du généreux excès d'un amour héroïque
La vertueufe Alçefte étoit l'exemple unique.
Adorable en fa vie , admirable en ſa mort ,
Elle étonna les Dieux , & confondit le fort.
En fubiffant fa loi cruelle.
Otoi , qui poffedas cette épouſe fidele ,
Tu ne méritois pas , Admete , un fort fi beau ;
Si l'Amour ne t'entraîne avec elle au tombeau !
Elle eſt mere , & du fang t'immole la foibleffe !
Elle eft Reine , & connoit la conftante amitié !
Infenfible à fa perte , elle plaint ta tendreſſe ,
Dans les yeux prefque éteints brille encor la
pitié ;
Elle entre en t'embraffant dans la nuit éternelle ,
C'est pour toi qu'elle meurt , peux- tu vivre fans
elle ?
Hélas ! le coeur humain doit-il former des voeux ?
De toutes les vertus Alcefte eft le modele ,
Mais s'il étoit fuivi , ferions -nous plus heureux ?
Amour ! contre tes traits où prendroit - on des
armes ?
Ofemmes qui pourroit fe fouftraire à vos charmes
si
A O UST. 1755 . 75
Si vos coeurs fecondoient le pouvoir de vos yeux ?
La nature s'émeut à l'aspect d'une belle :
Le coeur dit : La voilà , mon bonheur dépend d'elle.
Que l'épreuve dément un préfage fi doux !
Hélás les vrais plaifirs ne font pas faits pour
nous.
Nous jouiffons bien peu de la douceur fuprême
De plaire à nos tyrans , ou d'aimer qui nous aimed
Dans l'empire amoureux tout coeur eſt égaré ,
Et loin des biens offerts cherche un bien defiré.
Ariane brûloit pour l'inconftant Théfée :
Mais il venge àfon tour cette amante abufée ;
Il aime , & dans fon fils on lui donne un rival ;
Phédre adore Hyppolite , & Phédre eft mépriféer
Phyllis eft fufpendue à l'amandier fatal ;
Démophoon fidele eût vû Phyllis volage ,
Tel eft de Cupidon le cruel badinage ;
Il fe nourrit de fang , il s'abbreuve de pleurs ,
Il enchaîne , & jamais il n'affortit les coeurs.
Vous , dont un vent propice enfle aujourd'hui
les voiles ,
Qui lifez , pleins d'efpoir , fur le front des étoiles
L'approche du bonheur & la route du port.
Ah ! tremblez ! mille écueils vous préfentent la
mort.
J'entens mugir les flots & gronder les tempêtes.
L'abime eft fous vos pieds , la foudre eft fur vos
têtes ;
D
74 MERCURE DE FRANCE.
D'une fauffe amitié les perfides douceurs
De l'infidélité préparent les noirceurs ;
Bientôt on oubliera juſqu'à ces faveurs même ,
Dont on flate avec art votre tendreffe extrême ;
On verra vos tourmens d'un oeil fec & ferein .
Vainement pour voler à des ardeurs nouvelles
Le dépit & l'orgueil vous prêteront leurs aîles.
Vous ferez retenus par cent chaînes d'airain.
Les caprices fougueux , les fombres jaloufies ,
Et la haine allumée au flambeau des Furies ,
Etoufferont fans ceffe & produiront l'amour ,
De vos coeurs déchirés , indomptable vautour.
Sauvez de ces revers vos flammes généreuſes ;
Sortez , s'il en eft tems , de ces mers orageuſes ,
Regagnez le rivage , & cherchez le bonheur
Dans le calme des fens & dans la paix du coeur.
Des fieres paffions brifez le joug infâme ,
Fuyez la volupté , ce doux poifon de l'ame ,
La gloire & la vertu combleront tous vos voeux ,
Sous leur aimable empire on vit toujours heureux
.
Ainfi parloit Sylvandre , & fa douleur amere
Méconnoiffoit l'Amour maſqué par la colere ,
Quand d'un fouris flateur , fait pour charmer les
Dieux ,
A fes yeux éperdus Sylvie ouvrit les cieux ;
Quel moment ! quel combat pour fon ame attendrie
!
Elle approche , il pålit , il fe trouble ....... il
s'écrie ,
Frémiffant de couroux , de tendreffe & d'effroi ;
Tu l'emportes , cruelle , & mon coeur est à toi.
Unfeul de tes regards affure ta victoire ,
T'aimer eft ma vertu , t'enflammer eft ma gloire.
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Résumé : LE MALHEUR D'AIMER. POEME, Par M. Gaillard, Avocat.
Le poème 'Le Malheur d'Aimer' de M. Gaillard, avocat, explore les tourments de l'amour et ses illusions. Le narrateur, initialement enflammé par un orgueil justifié, se libère des attraits perfides qui l'ont charmé. Il regrette son erreur passée, où il idéalisait un être aimé, croyant voir en lui un chef-d'œuvre de l'amour. Il se remémore un songe prémonitoire où il était avec Thémire et Climène, et où un enfant inconnu, symbolisant l'amour, les rejoignait, embellissant leur journée. Dans ce songe, l'enfant, par sa beauté et son innocence, captivait le cœur du narrateur, qui se laissait séduire par ses charmes. L'enfant lui montrait un palais des plaisirs, où tout inspirait la tendresse. Le narrateur y voyait deux portraits : celui d'Orphise, dont la beauté ancienne ne l'attachait pas, et celui de Sylvie, dont la naïve douceur fixait son regard et pénétrait son cœur. Cependant, un abîme s'ouvrait sous ses pas, révélant des cachots où des malheureux gémissaient. Il se sentait enchaîné par des fers cruels, percé par mille dards. Pallas, démasquant l'amour, lui révélait la véritable nature de ses sentiments. L'amour, démasqué, montrait un visage odieux, couronné de serpents, tandis que Pallas éteignait ses feux. Le narrateur découvrait alors la véritable beauté de Sylvie, dont les vertus s'imprimaient dans son âme enflammée. Sylvie lui révélait que la véritable beauté résidait dans la vertu et le respect. Elle l'invitait à suivre un chemin de vertu pour échapper aux tourments de l'amour. Le poème se termine par une réflexion sur les dangers de l'amour, illustrés par des exemples mythologiques de trahisons et de tragédies. Le narrateur conclut en exhortant à fuir les passions dévastatrices pour trouver le bonheur dans la paix du cœur et la vertu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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55
p. 178-182
Lettre à M. Hosty. Londres, ce 5 Juin 1755.
Début :
Enfin j'ai reçu, Monsieur, la réponse du docteur Hadow à quelques-unes de vos [...]
Mots clefs :
Inoculation, Jacques Hadow, Sang, Incision, Docteur, Docteur Pringle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre à M. Hosty. Londres, ce 5 Juin 1755.
Lettre à M. Hofty . Londres , ce 5 Juin 175.5.
Enfin j'ai reçu , Monfieur , la réponſe
du docteur Hadow à quelques- unes de vos
queſtions , elle me paroît judicieufe & fatisfaifante
par rapport aux trois premieres ;
lorfqu'il aura fini , je ne manquerai pas de
vous en faire part . Je vous renouvelle les
fouhaits finceres que je fais pour tous vos
fuccès , & pour celui de l'inoculation en
général.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Signé , Jean Pringle.
Lettre au docteur Pringle . Warwick ,
ce 2 Juin 1755.
Je ſuis honteux , Monfieur , de répondre
fi tard à votre lettre ; je n'étois point
chez moi , lorfque je l'ai reçue , & j'ai été
tellement occupé depuis à achever les inoculations
de cette faifon , & à quelques
A OUST. 1755. 179
autres affaires , que je n'ai pas eu le tems
de faire une réponſe convenable aux queftions
du docteur Hofty . Je ferai toujours
prêt à lui communiquer ou à tout autre de
vos amis , tout ce que je fçai , & tout ce
que j'ai obfervé dans la pratique de l'inoculation
.
M. Hofty fouhaite d'abord fçavoir ce
que j'obferve dans le choix d'un fujer pour
Finoculation par rapport au tempéramment
, à l'âge , au fexe ; il eft certain que
les jeunes gens qui fe portent bien font les
fujets les plus propres pour être inoculés.
Mais lorfque la petite vérole paroît en
quelque endroit , la terreur qu'elle occafionne
eft fi grande , & il fe trouve tant de
perfonnes qui demandent à être inoculées
que nous ne pouvons les renvoyer , d'autant
plus que ceux qui ont été refufés par
un inoculateur , ont recours à un autre. Je
n'ai jamais refufé qu'une feule perfonne ,
& depuis dix-huit ans que je me mêle de
cette opération , j'en ai inoculé depuis l'âge
de trois mois jufqu'à foixante - deux ans.
Je pense que le tems le plus für pour l'inoculation
eft depuis trois ans , ou lorsque les
premieres dents ont toutes perçées , jufqu'à
l'âge de dix ou douze ans. A cet age
on n'a aucune frayeur de cette maladie..
Les enfans dont les dents percent , ont des
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
accès convulfifs , quelquefois la premiere
nuit de la fievre , & aucuns enfuite , mais
plus fréquemment la nuit de l'éruption .
Je n'ai pas remarqué que ce fymptome fut
fatal , la faignée ou l'application des fangfues
le fait communément ceffer. A force
de voir des malades inoculés fans diftinction
, je fuis devenu beaucoup plus hardi
que je ne l'aurois jamais cru . Les ſcorbutiques
, les afthmatiques , ceux qui font
attaqués de rhumatifmes , les filles qui ont
les pâles couleurs , ne fe trouvent pas plus
mal de cette méthode que les autres . Un
fang épais & coëneux ne produit pas autant
de petite vérole qu'un fang bien vermeil
& qui a peu de férofité. Les perfonnes
blondes dont la peau eft fine & mince ,
l'ont communément moins que les noires
dont la peau eft épaiffe & dure . J'ai cependant
traité quelques- unes de ces derhieres
qui ont eu des ſymptomes très-favorables.
Les perfonnes maigres ne réuffiffent
pas mieux que celles qui font un peu graffes
& dans un embonpoint. J'ai inoculé
quelques hommes qui pefoient deux cens
cinquante- deux livres , dont l'éruption fe
fit d'une maniere très aifée . Les femmes
en général fouffrent davantage .
Å l'égard des préparations générales qui
forment la feconde queftion de M. Hofty ,
A O UST. 1755. 181
elles font les mêmes que celles de Londres.
Au commencement je faifois faigner mes
malades le jour qui précédoit l'inoculation
pour voir en quel' état étoit leur fang.
Si je n'en étois pas content , je leur faifois
continuer les remedes préparatoires
un peu plus long- tems , mais maintenant
je ne fuis pas fi fcrupuleux , je ne
faigne ni les enfans , ni les jeunes filles
pâles , ni les femmes hiftériques & foibles.
J'avois autrefois coutume de donner un
vomitifun foir ou deux avant que la fievre
parut , afin de nettoyer l'eftomac & les inteftins
. Mais j'ai plufieurs fois éprouvé que
la violence du vomitif occafionnoit la
fievre , qui ne difparoiffoit que dans le
tems de l'éruption ; à préfent lorfque je
juge qu'un vomitif eft néceffaire , je le
donne le foir qui fuit l'inoculation .
Pour fatisfaire à la troifiéme queftion
fur l'incifion , j'en fais maintenant une
ou deux , & auffi légere qu'il eft poffible.
Dans les commencemens , je faifois une incifion
à un bras & à la jambe opposée
Mais j'ai trouvé cette méthode fujette à
quelques inconvéniens parmi le beau fexe,
des inflammations , des clous , des tumeurs
paroiffent quelquefois auffitôt après l'exficcation
de l'incifion de la jambe.
J'ai vu quelquefois des fymptômes très182
MERCURE DE FRANCE.
violens , occafionnés par une incifion trop
profonde fur le milieu du mufcle biceps.
J'efpere la femaine prochaine répondre
à quelques autres queftions de M. Hofty s
que je voudrois obliger fur ce que vous.
m'en dites.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Signé , Jacques Hadow , M. D.
Enfin j'ai reçu , Monfieur , la réponſe
du docteur Hadow à quelques- unes de vos
queſtions , elle me paroît judicieufe & fatisfaifante
par rapport aux trois premieres ;
lorfqu'il aura fini , je ne manquerai pas de
vous en faire part . Je vous renouvelle les
fouhaits finceres que je fais pour tous vos
fuccès , & pour celui de l'inoculation en
général.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Signé , Jean Pringle.
Lettre au docteur Pringle . Warwick ,
ce 2 Juin 1755.
Je ſuis honteux , Monfieur , de répondre
fi tard à votre lettre ; je n'étois point
chez moi , lorfque je l'ai reçue , & j'ai été
tellement occupé depuis à achever les inoculations
de cette faifon , & à quelques
A OUST. 1755. 179
autres affaires , que je n'ai pas eu le tems
de faire une réponſe convenable aux queftions
du docteur Hofty . Je ferai toujours
prêt à lui communiquer ou à tout autre de
vos amis , tout ce que je fçai , & tout ce
que j'ai obfervé dans la pratique de l'inoculation
.
M. Hofty fouhaite d'abord fçavoir ce
que j'obferve dans le choix d'un fujer pour
Finoculation par rapport au tempéramment
, à l'âge , au fexe ; il eft certain que
les jeunes gens qui fe portent bien font les
fujets les plus propres pour être inoculés.
Mais lorfque la petite vérole paroît en
quelque endroit , la terreur qu'elle occafionne
eft fi grande , & il fe trouve tant de
perfonnes qui demandent à être inoculées
que nous ne pouvons les renvoyer , d'autant
plus que ceux qui ont été refufés par
un inoculateur , ont recours à un autre. Je
n'ai jamais refufé qu'une feule perfonne ,
& depuis dix-huit ans que je me mêle de
cette opération , j'en ai inoculé depuis l'âge
de trois mois jufqu'à foixante - deux ans.
Je pense que le tems le plus für pour l'inoculation
eft depuis trois ans , ou lorsque les
premieres dents ont toutes perçées , jufqu'à
l'âge de dix ou douze ans. A cet age
on n'a aucune frayeur de cette maladie..
Les enfans dont les dents percent , ont des
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
accès convulfifs , quelquefois la premiere
nuit de la fievre , & aucuns enfuite , mais
plus fréquemment la nuit de l'éruption .
Je n'ai pas remarqué que ce fymptome fut
fatal , la faignée ou l'application des fangfues
le fait communément ceffer. A force
de voir des malades inoculés fans diftinction
, je fuis devenu beaucoup plus hardi
que je ne l'aurois jamais cru . Les ſcorbutiques
, les afthmatiques , ceux qui font
attaqués de rhumatifmes , les filles qui ont
les pâles couleurs , ne fe trouvent pas plus
mal de cette méthode que les autres . Un
fang épais & coëneux ne produit pas autant
de petite vérole qu'un fang bien vermeil
& qui a peu de férofité. Les perfonnes
blondes dont la peau eft fine & mince ,
l'ont communément moins que les noires
dont la peau eft épaiffe & dure . J'ai cependant
traité quelques- unes de ces derhieres
qui ont eu des ſymptomes très-favorables.
Les perfonnes maigres ne réuffiffent
pas mieux que celles qui font un peu graffes
& dans un embonpoint. J'ai inoculé
quelques hommes qui pefoient deux cens
cinquante- deux livres , dont l'éruption fe
fit d'une maniere très aifée . Les femmes
en général fouffrent davantage .
Å l'égard des préparations générales qui
forment la feconde queftion de M. Hofty ,
A O UST. 1755. 181
elles font les mêmes que celles de Londres.
Au commencement je faifois faigner mes
malades le jour qui précédoit l'inoculation
pour voir en quel' état étoit leur fang.
Si je n'en étois pas content , je leur faifois
continuer les remedes préparatoires
un peu plus long- tems , mais maintenant
je ne fuis pas fi fcrupuleux , je ne
faigne ni les enfans , ni les jeunes filles
pâles , ni les femmes hiftériques & foibles.
J'avois autrefois coutume de donner un
vomitifun foir ou deux avant que la fievre
parut , afin de nettoyer l'eftomac & les inteftins
. Mais j'ai plufieurs fois éprouvé que
la violence du vomitif occafionnoit la
fievre , qui ne difparoiffoit que dans le
tems de l'éruption ; à préfent lorfque je
juge qu'un vomitif eft néceffaire , je le
donne le foir qui fuit l'inoculation .
Pour fatisfaire à la troifiéme queftion
fur l'incifion , j'en fais maintenant une
ou deux , & auffi légere qu'il eft poffible.
Dans les commencemens , je faifois une incifion
à un bras & à la jambe opposée
Mais j'ai trouvé cette méthode fujette à
quelques inconvéniens parmi le beau fexe,
des inflammations , des clous , des tumeurs
paroiffent quelquefois auffitôt après l'exficcation
de l'incifion de la jambe.
J'ai vu quelquefois des fymptômes très182
MERCURE DE FRANCE.
violens , occafionnés par une incifion trop
profonde fur le milieu du mufcle biceps.
J'efpere la femaine prochaine répondre
à quelques autres queftions de M. Hofty s
que je voudrois obliger fur ce que vous.
m'en dites.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Signé , Jacques Hadow , M. D.
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Résumé : Lettre à M. Hosty. Londres, ce 5 Juin 1755.
La correspondance entre Jean Pringle et Jacques Hadow, datée de juin 1755, aborde le sujet de l'inoculation contre la variole. Pringle informe Hadow qu'il a reçu une réponse satisfaisante du docteur Hadow concernant des questions posées par M. Hofty. Pringle exprime ses vœux de succès pour Hofty et pour l'inoculation en général. Dans sa lettre, Hadow s'excuse pour son retard de réponse, expliquant qu'il était occupé par les inoculations et d'autres affaires. Il se déclare prêt à partager ses observations sur la pratique de l'inoculation. Hadow répond aux questions de Hofty concernant le choix des sujets pour l'inoculation. Il note que les jeunes gens en bonne santé sont les meilleurs candidats, mais qu'il inocule des personnes de tous âges, y compris les nourrissons et les personnes âgées. Il recommande l'inoculation entre trois et douze ans, car les enfants de cet âge n'ont pas peur de la maladie. Hadow décrit également les symptômes observés chez les enfants inoculés, comme les convulsions et la fièvre. Il mentionne que les personnes de constitution différente (scorbutiques, asthmatiques, rhumatismales) ne souffrent pas plus que les autres. Il observe que les personnes à la peau fine et claire ont généralement moins de symptômes que celles à la peau épaisse et foncée. Les femmes souffrent généralement plus que les hommes. Concernant les préparations générales, Hadow indique qu'elles sont similaires à celles utilisées à Londres. Il a cessé de faire jeûner les patients avant l'inoculation et utilise des vomitifs avec prudence pour éviter de provoquer la fièvre. Pour l'incision, il préfère maintenant faire une ou deux incisions légères, évitant ainsi les inflammations et les tumeurs observées avec des incisions plus profondes.
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56
p. 153-160
« LA PEINTURE, poëme, par M. Baillet, Baron de S. Julien. A Amsterdam ; & se [...] »
Début :
LA PEINTURE, poëme, par M. Baillet, Baron de S. Julien. A Amsterdam ; & se [...]
Mots clefs :
Poème, Peinture, Sang, Amour, Haine
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texteReconnaissance textuelle : « LA PEINTURE, poëme, par M. Baillet, Baron de S. Julien. A Amsterdam ; & se [...] »
LA PEINTURE , poëme , par M. Baillet ,
Baron de S. Julien. A Amfterdam ; & fe
trouve à Paris , chez Quillau , rue S. Jacques
, & chez Jombert , rue Dauphine.
Ce court poëme qui n'a guere plus de
deux cens vers , contient moins les préceptes
que les louanges de l'art qu'il célebre
: il nous paroît l'ouvrage d'un Auteur
qui joint au goût de la Peinture , le talent
de la Poéfie.
Quelques tirades que nous allons citer ,
le prouveront mieux que nos difcours .
Otoi , dont la beauté fit mon premier amour ,
Peinture , que j'aimai , dès que je vis le jour .....
Viens , dévoile à mes fens tes auguftes myfteres,,
Dirige tes crayons dans mes mains téméraires,
Allume dans mon fein ces tranſports créateurs
Des refforts du génie inftrumens & moteurs ,
Ce feu noble & facré , cet orgueil de notre être
Où l'homme égal aux Dieux , ſemble ſe reconnoître
,
Ce don qu'aucun effort ne fçauroit obtenir ,
Et qu'il faut éprouver pour te bien définir.
Fuyez. N'efpérez rien de vos foins téméraires,
Gy
154 MERCURE DE FRANCE.
Artifans fans génie , ouvriers mercenaires ,
Qui dans ce champ de gloire , attirés par la faim ,
Envifagez pour but non l'honneur , mais le gain.
Allez , portez ailleurs cette vile induſtrie :
Ivres du fol efpoir dont votre ame eft nourrie ;
Il faut , pour le remplir , battre un autre fentier :
La peinture eft un art , & non pas un métier.
A l'occafion des Peintres d'animaux.
voici un morceau philofophique , où la
brute doit remercier le Poëte de la fupériorité
qu'il femble lui donner fur l'homme
, & qu'elle mérite peut- être à certains
égards.
Quel bras de Prométhée , oſant ravir la flâme ,
A l'inftin&t de la brute ajoute encore une ame ?
Nous fait voir des forêts les hôtes tous égaux ,
De l'homme fier & vain , plus fuperbes rivaux.
Plus courageux , plus fiers , plus foumis , plus dociles
,
Plus juftes , plus prudens , plus chaftes , plus tranquiles
,
Plus fobres , plus actifs , aux travaux plus conftans,
Plus fideles amis , plus fideles amans ;
Rois de cet Univers , fi la fourbe & l'adreſſe ,
L'artifice toujours appui de la foibleffe ,
Et les pieges couverts à la force tendus ,
N'étoient pas des humains les premieres vertus.
DECEMBRE 1755. ISS
La peinture d'Hiftoire me paroît bien
peinte dans le morceau fuivant..
Où m'as-tu tranfporté , Déeffe enchantereffe :
Quel nouveau feu dans moi fait paffer fon ivreffe !
Quel jour plus lumineux a frappé mes regards ,
Quels chefs-d'oeuvres vivans naiffent de toutes
parts !
C'étoit donc peu pour toi , féduifante peinture ,
De tromper par ton art , l'art même & la nature ;
Cet art vouloit un but & des projets plus hauts ,
De plus nobles fuccès pour tes nobles travaux .
Pour couronner ta gloire , ainfi que ton ouvrage ,
Dans le fond de nos coeurs , il fe fraye un paffage ,
Y réveille à la fois la pitié , la terreur ,
L'amour , l'ambition , la haine & la fureur ,
Toutes nos paffions , ces idoles fi cheres ,
De l'ame des humains , tyrans trop volontaires.
Le morceau de la haine des fils de Jocafte
eft encore un des mieux frappés . Il
termine le Poëme , & nous finirons par
lui ce précis.
C'eft un fecret penchant que nous éprouvons tous ,
Il naît , fe fortifie , & ne meurt qu'avec nous ,
Nous aimons par inftinct ceux qui nous firent
naître ,
Et.croyons tout devoir à qui nous devons l'être.
Notre coeur généreux , plein de ces fentimens ,
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
Aime à multiplier ces tendres mouvemens .
Les neveux , les amis , les parens de nos Peres
Partagent avec eux ces refpects volontaires ;
Chacun d'eux les reçoit & les rend à ſon tour ,
Et les dégrés du fang font des dégrés d'amour.
Mais quand l'indépendance amenant la difcorde !
Des Peres & des Fils a troublé la concorde ,
Ou qu'un vil intérêt , deftructeur des maifons ,
Dans nos coeurs à longs traits répandant fes poi
fons ,
Une fois a rompu ce lien invincible ,
Plus le fang nous unit , plus la haine eft terrible.
Thebe en vit autrefois un exemple fameux.
Deux freres , nés d'un fang profcrit , inceftueux ,
Surpaffant en fureur les crimes de leur race ,
Comblerent dans fes murs leur fratricide audace.
Tous deux las de verfer le fang de leurs fujets ,
De s'habhorrer toujours , fans fe venger jamais ,.
Et de commettre au fort leur rage impatiente ,
Choifirent dans leur bras une route moins lente.
L'un vers l'autre avec joye , on les vit s'avancer ,
Se mefurer , fe joindre , ainfi que fe percer ,
Tomber , & ranimant leur facrilege envie ,
Poursuivre en fon rival les reftes de ſa vie ;
Et contens de la perdre en pouvant la ravir ,
Se rapprocher tous deux , s'égorger & mourir.
A ces freres éteints , par leur haine célebres ,
Thebes fit décerner tous les honneurs funebres ;
Et l'on réunit morts , fur un même bucher ,
DECEMBRE. 1755. 157
Ceux , que vivans , le fang n'avoit pu rapprocher.
O prodige ! à l'inftant la flamme divifée
Se fépare fur eux , ardente & courroucée :
A travers l'épaiffeur de fes globes brúlans.
On croit voir dans les airs leurs ſpectres menaçans
Sindigner , en mourant , d'un foin qui les honore ;
Et dans ces coeurs glacés la haine vit encore.
On a joint à ce Poëme un écrit en profe,
qui a pour titre , Caracteres des Peintres
François actuellement vivans , nouvelle.
édition. Il eft du même Auteur , & mérite
d'être lu.
LA MORT DE SÉJAN , Tragédie en vers.
qui n'a pas été jouée , précédée de deux
Epîtres en vers , Prix 30 fols. A Berlin ;.
& fe vend à Paris chez Duchefne , rue faint
Jacques.
C'eft un coup d'effai qui mérite d'autant
plus d'indulgence que l'auteur n'a que
vingt-deux ans.
NOUVELLE MÉTHODE pour apprendre
la Langue Latine par un fyftême fi facile
qu'il eft à la portée d'un enfant de cinq à
fix ans qui fçait lire : & fi prompt qu'on y
fait plus de progrès en deux ou trois années
qu'en huit ou dix , en fuivant la
158 MERCURE DE FRANCE.
route ordinaire , par M. de Launay , Auteur
de la nouvelle Méthode pour apprendre
à lire . Celle- ci eft propofée par ſoufcription
en quatre volumes in So. A Paris,
chez la veuve Robinot , quai des Grands
Auguftins , & chez Babuty fils , même
qual , 1755.
L'Auteur nous affure que par cet ouvrage
, tout fujet capable d'application depuis
cinq ans jufqu'à foixante , après un mois
ou deux d'inftruction , peut apprendre
feul & fans maître , à expliquer les Auteurs
latins les plus difficiles , & à rendre
raifon de toutes les regles de la Grammaire
& de la maniere la plus commode
& la plus aifée , fans aucun effort d'imagination
ni de mémoire . Ce fyftême eft
général , & peut s'appliquer à toutes les
langues. Le prix en feuilles fera pour les
Soufcripteurs de douze livres , dont fix
feront payées en foufcrivant; La foufcription
aura lieu jufqu'au mois de Février
prochain 1756 ; paffé ce tems , le prix fera
de dix-huit livres. Le premier volume
paroîtra au commencement de Février
& les trois autres de mois en mois.
PRINCIPES GENERAUX & raifonnés
de la Grammaire Françoife , avec
des obfervations fur l'orthographe , les
DECEMBRE 1755. 159
accents , la ponctuation , & la prononcia--
tion ; & un abrégé de regles de la verfification
françoife , dédiés à Mgr . le Duc de
Chartres , par M. Reftaut , Avocat au Parlement
& aux Confeils du Roi . Septieme
édition revue & corrigée par l'Auteur.
A Paris , chez la veuve Lottin , J. H. Buttard
, rue S. Jacques ; & chez Defaint &
Saillant , rue S. Jean de Beauvais . 1755 .
Cet ouvrage eft un des meilleurs qu'on
ait faits fur notre langue. Les nombreuſes
éditions qui en ont été données , le louent
beaucoup plus que tout le bien que nous
pourrions en dire. La feptieme que nous
annonçons , met le comble à l'éloge . La
même Grammaire fe trouve à Poitiers ,
chez J. Felix Faulcon Imprimeur du
Clergé.
OBSERVATIONS critiques & politiques
fur le commerce maritime , dans
lefquelles on difcute quelques points felatifs
à l'induftrie & au commerce des Colonies
Françoifes , un volume in- 12 , petit
format , imprimé à Amfterdam ; & fe trouve
à Paris , chez Jombert , rue Dauphine.
1755.
Il paroîtra vers la fin de Janvier prochain
une carte en quatre feuilles , inti160
MERCURE DE FRANCE .
tulée Canada , Louisiane , & Terres Angloifes.
On peut attendre de M. d'Anville
qui a compofé cette carte , l'exactitude &
l'abondance de détail qui caractériſent ſes
ouvrages.
Baron de S. Julien. A Amfterdam ; & fe
trouve à Paris , chez Quillau , rue S. Jacques
, & chez Jombert , rue Dauphine.
Ce court poëme qui n'a guere plus de
deux cens vers , contient moins les préceptes
que les louanges de l'art qu'il célebre
: il nous paroît l'ouvrage d'un Auteur
qui joint au goût de la Peinture , le talent
de la Poéfie.
Quelques tirades que nous allons citer ,
le prouveront mieux que nos difcours .
Otoi , dont la beauté fit mon premier amour ,
Peinture , que j'aimai , dès que je vis le jour .....
Viens , dévoile à mes fens tes auguftes myfteres,,
Dirige tes crayons dans mes mains téméraires,
Allume dans mon fein ces tranſports créateurs
Des refforts du génie inftrumens & moteurs ,
Ce feu noble & facré , cet orgueil de notre être
Où l'homme égal aux Dieux , ſemble ſe reconnoître
,
Ce don qu'aucun effort ne fçauroit obtenir ,
Et qu'il faut éprouver pour te bien définir.
Fuyez. N'efpérez rien de vos foins téméraires,
Gy
154 MERCURE DE FRANCE.
Artifans fans génie , ouvriers mercenaires ,
Qui dans ce champ de gloire , attirés par la faim ,
Envifagez pour but non l'honneur , mais le gain.
Allez , portez ailleurs cette vile induſtrie :
Ivres du fol efpoir dont votre ame eft nourrie ;
Il faut , pour le remplir , battre un autre fentier :
La peinture eft un art , & non pas un métier.
A l'occafion des Peintres d'animaux.
voici un morceau philofophique , où la
brute doit remercier le Poëte de la fupériorité
qu'il femble lui donner fur l'homme
, & qu'elle mérite peut- être à certains
égards.
Quel bras de Prométhée , oſant ravir la flâme ,
A l'inftin&t de la brute ajoute encore une ame ?
Nous fait voir des forêts les hôtes tous égaux ,
De l'homme fier & vain , plus fuperbes rivaux.
Plus courageux , plus fiers , plus foumis , plus dociles
,
Plus juftes , plus prudens , plus chaftes , plus tranquiles
,
Plus fobres , plus actifs , aux travaux plus conftans,
Plus fideles amis , plus fideles amans ;
Rois de cet Univers , fi la fourbe & l'adreſſe ,
L'artifice toujours appui de la foibleffe ,
Et les pieges couverts à la force tendus ,
N'étoient pas des humains les premieres vertus.
DECEMBRE 1755. ISS
La peinture d'Hiftoire me paroît bien
peinte dans le morceau fuivant..
Où m'as-tu tranfporté , Déeffe enchantereffe :
Quel nouveau feu dans moi fait paffer fon ivreffe !
Quel jour plus lumineux a frappé mes regards ,
Quels chefs-d'oeuvres vivans naiffent de toutes
parts !
C'étoit donc peu pour toi , féduifante peinture ,
De tromper par ton art , l'art même & la nature ;
Cet art vouloit un but & des projets plus hauts ,
De plus nobles fuccès pour tes nobles travaux .
Pour couronner ta gloire , ainfi que ton ouvrage ,
Dans le fond de nos coeurs , il fe fraye un paffage ,
Y réveille à la fois la pitié , la terreur ,
L'amour , l'ambition , la haine & la fureur ,
Toutes nos paffions , ces idoles fi cheres ,
De l'ame des humains , tyrans trop volontaires.
Le morceau de la haine des fils de Jocafte
eft encore un des mieux frappés . Il
termine le Poëme , & nous finirons par
lui ce précis.
C'eft un fecret penchant que nous éprouvons tous ,
Il naît , fe fortifie , & ne meurt qu'avec nous ,
Nous aimons par inftinct ceux qui nous firent
naître ,
Et.croyons tout devoir à qui nous devons l'être.
Notre coeur généreux , plein de ces fentimens ,
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
Aime à multiplier ces tendres mouvemens .
Les neveux , les amis , les parens de nos Peres
Partagent avec eux ces refpects volontaires ;
Chacun d'eux les reçoit & les rend à ſon tour ,
Et les dégrés du fang font des dégrés d'amour.
Mais quand l'indépendance amenant la difcorde !
Des Peres & des Fils a troublé la concorde ,
Ou qu'un vil intérêt , deftructeur des maifons ,
Dans nos coeurs à longs traits répandant fes poi
fons ,
Une fois a rompu ce lien invincible ,
Plus le fang nous unit , plus la haine eft terrible.
Thebe en vit autrefois un exemple fameux.
Deux freres , nés d'un fang profcrit , inceftueux ,
Surpaffant en fureur les crimes de leur race ,
Comblerent dans fes murs leur fratricide audace.
Tous deux las de verfer le fang de leurs fujets ,
De s'habhorrer toujours , fans fe venger jamais ,.
Et de commettre au fort leur rage impatiente ,
Choifirent dans leur bras une route moins lente.
L'un vers l'autre avec joye , on les vit s'avancer ,
Se mefurer , fe joindre , ainfi que fe percer ,
Tomber , & ranimant leur facrilege envie ,
Poursuivre en fon rival les reftes de ſa vie ;
Et contens de la perdre en pouvant la ravir ,
Se rapprocher tous deux , s'égorger & mourir.
A ces freres éteints , par leur haine célebres ,
Thebes fit décerner tous les honneurs funebres ;
Et l'on réunit morts , fur un même bucher ,
DECEMBRE. 1755. 157
Ceux , que vivans , le fang n'avoit pu rapprocher.
O prodige ! à l'inftant la flamme divifée
Se fépare fur eux , ardente & courroucée :
A travers l'épaiffeur de fes globes brúlans.
On croit voir dans les airs leurs ſpectres menaçans
Sindigner , en mourant , d'un foin qui les honore ;
Et dans ces coeurs glacés la haine vit encore.
On a joint à ce Poëme un écrit en profe,
qui a pour titre , Caracteres des Peintres
François actuellement vivans , nouvelle.
édition. Il eft du même Auteur , & mérite
d'être lu.
LA MORT DE SÉJAN , Tragédie en vers.
qui n'a pas été jouée , précédée de deux
Epîtres en vers , Prix 30 fols. A Berlin ;.
& fe vend à Paris chez Duchefne , rue faint
Jacques.
C'eft un coup d'effai qui mérite d'autant
plus d'indulgence que l'auteur n'a que
vingt-deux ans.
NOUVELLE MÉTHODE pour apprendre
la Langue Latine par un fyftême fi facile
qu'il eft à la portée d'un enfant de cinq à
fix ans qui fçait lire : & fi prompt qu'on y
fait plus de progrès en deux ou trois années
qu'en huit ou dix , en fuivant la
158 MERCURE DE FRANCE.
route ordinaire , par M. de Launay , Auteur
de la nouvelle Méthode pour apprendre
à lire . Celle- ci eft propofée par ſoufcription
en quatre volumes in So. A Paris,
chez la veuve Robinot , quai des Grands
Auguftins , & chez Babuty fils , même
qual , 1755.
L'Auteur nous affure que par cet ouvrage
, tout fujet capable d'application depuis
cinq ans jufqu'à foixante , après un mois
ou deux d'inftruction , peut apprendre
feul & fans maître , à expliquer les Auteurs
latins les plus difficiles , & à rendre
raifon de toutes les regles de la Grammaire
& de la maniere la plus commode
& la plus aifée , fans aucun effort d'imagination
ni de mémoire . Ce fyftême eft
général , & peut s'appliquer à toutes les
langues. Le prix en feuilles fera pour les
Soufcripteurs de douze livres , dont fix
feront payées en foufcrivant; La foufcription
aura lieu jufqu'au mois de Février
prochain 1756 ; paffé ce tems , le prix fera
de dix-huit livres. Le premier volume
paroîtra au commencement de Février
& les trois autres de mois en mois.
PRINCIPES GENERAUX & raifonnés
de la Grammaire Françoife , avec
des obfervations fur l'orthographe , les
DECEMBRE 1755. 159
accents , la ponctuation , & la prononcia--
tion ; & un abrégé de regles de la verfification
françoife , dédiés à Mgr . le Duc de
Chartres , par M. Reftaut , Avocat au Parlement
& aux Confeils du Roi . Septieme
édition revue & corrigée par l'Auteur.
A Paris , chez la veuve Lottin , J. H. Buttard
, rue S. Jacques ; & chez Defaint &
Saillant , rue S. Jean de Beauvais . 1755 .
Cet ouvrage eft un des meilleurs qu'on
ait faits fur notre langue. Les nombreuſes
éditions qui en ont été données , le louent
beaucoup plus que tout le bien que nous
pourrions en dire. La feptieme que nous
annonçons , met le comble à l'éloge . La
même Grammaire fe trouve à Poitiers ,
chez J. Felix Faulcon Imprimeur du
Clergé.
OBSERVATIONS critiques & politiques
fur le commerce maritime , dans
lefquelles on difcute quelques points felatifs
à l'induftrie & au commerce des Colonies
Françoifes , un volume in- 12 , petit
format , imprimé à Amfterdam ; & fe trouve
à Paris , chez Jombert , rue Dauphine.
1755.
Il paroîtra vers la fin de Janvier prochain
une carte en quatre feuilles , inti160
MERCURE DE FRANCE .
tulée Canada , Louisiane , & Terres Angloifes.
On peut attendre de M. d'Anville
qui a compofé cette carte , l'exactitude &
l'abondance de détail qui caractériſent ſes
ouvrages.
Fermer
Résumé : « LA PEINTURE, poëme, par M. Baillet, Baron de S. Julien. A Amsterdam ; & se [...] »
Le texte présente une critique du poème 'La Peinture' de M. Baillet, Baron de Saint-Julien, disponible à Amsterdam et à Paris. Ce poème, composé de deux cents vers, célèbre l'art de la peinture et les talents de son auteur, qui combine un goût prononcé pour la peinture et un talent poétique. Le poème exalte la peinture comme un art noble, distinct d'un simple métier, et critique les artistes sans génie qui recherchent uniquement le gain matériel. Il inclut des réflexions philosophiques sur la supériorité des animaux sur les humains dans certains aspects. Le poème décrit également la peinture d'histoire, qui doit éveiller les passions humaines, et se termine par une évocation de la haine fratricide des fils de Jocaste. En outre, le texte mentionne un écrit en prose du même auteur intitulé 'Caractères des Peintres Français actuellement vivans'. D'autres publications de l'auteur sont également citées, telles que la tragédie 'La Mort de Séjan', une nouvelle méthode pour apprendre le latin, une grammaire française, et des observations critiques sur le commerce maritime.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
57
p. 217-239
COMEDIE FRANÇOISE. / Extrait de l'Orphelin de la Chine.
Début :
Ce que nous avions annoncé dans le Mercure d'Octobre au sujet de l'Orphelin / Cette Piece est précédée d'une Epitre ou d'un Discours préliminaire adressé à [...]
Mots clefs :
Comédie-Française, Époux, Rois, Enfant, Orphelin, Mère, Sang, Mort, Maître, Nature, Vainqueur, Répliques, Empereur, Femme, Vertu, Victime, Tragédie, Palais, Gloire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMEDIE FRANÇOISE. / Extrait de l'Orphelin de la Chine.
COMEDIE FRANÇOISE.
E que nous avions annoncé dans le
Mercure d'Octobre au fujet de l'Orphelin
de la Chine , eft exactement arrivé.
L'interruption qu'il a effuyée n'a fervi
qu'à rendre fa repriſe plus brillante . L'im
preffion même nuisible ordinairement
aux pieces de Théâtre , n'a pu faire aucun
tort au fuccès de cette Tragédie. Les
Comédiens François l'ont redonnée pour
la neuvième fois le 22 Octobre , avec un
grand concours & un applaudiffement
général : l'affluence & la réuffite ont été
égales pendant toutes les repréſentations
qui ont été au nombre de dix- fept. Notre
fentiment étoit fondé fur ce qu'un rôle
intéreffant qui domine , & qui eft fupérieurement
joué , eft prefque toujours le
garand fûr d'un fuccès conftant. Il fuffic
même lui feul pour établir une piece à demeure.
Phedre , Ariane & Médée pen-
1. Vol. K
218 MERCURE DE FRANCE.
vent fervir d'exemples. Quelque beau cependant
que foit le perfonnage d'Idamé
nous ne prétendons pas qu'il doive exclure
le mérite des autres qui lui font fubordonnés.
L'extrait que nous allons faire
de l'Orphelin , prouvera que nous ne bornons
point fes beautés à celles d'un feul
rôle.
Extrait de l'Orphelin de la Chine.
Cette Piece eft précédée d'une Epitre
ou d'un Difcours préliminaire adreffé à
M. le Maréchal Duc de Richelieu . L'Auteur
y déclare que l'idée de fa Tragédie
lui eft venue à la lecture de l'Orphelin de
Tchao , Tragédie Chinoife , traduite par
le P. de Prémare , & non pas Brémare ,
comme il eft imprimé dans cette épitre.
La Scene eft dans un Palais des Mandarins
, qui tient au Palais Impérial dans la
la ville de Cambalu , aujourd'hui Pekin .
Les Acteurs font au nombre de ſept. Gen
giskan , EmpereurTartare. Octar , Ofman,
guerriers Tartares. Zamti , Mandarin
lettré. Idamé , femme de Zamti. Affeli ,
attaché à Idamé. Etan , attaché à Zamti.
Idamé ouvre le premier Acte avec Affeli
dans l'inftant où le Catai eft conquis
& faccagé ; elle apprend à fa confidente en
DECEMBRE . 1755. 219
gémiffant que le deftructeur de ce vaſte
Empire
Eft un Scythe , un foldat dans la poudre élevé ,
qui vint autrefois demander un afile dans
ce même Palais , où il porte aujourd'hui
la flamme, & qu'enfin Gengiskan n'eſt autre
que Temugin qui brûla pour elle , &
qui fut rejetté par fes parens. Un refus ,
ajoute-t'elle ,
Un refus a produit les malheurs de la terre :
De nos peuples jaloux tu connois la fierté ,
De nos Arts , de nos Loix , l'augufte antiquité ;
Une Religion de tout tems épurée ,
De cent fecles de gloire une fuite avérée :
Tout nous interdifoit dans nos préventions ,
Une indigne alliance avec les Nations.
Enfin un autre hymen , un plus faint noeud m'engage
:
Le vertueux Zamti mérita mon fuffrage .
Qui l'eût cru dans ces tems de paix & de bonheur
Qu'un Scythe méprifé feroit notre vainqueur !
Voilà ce qui m'allarme , & qui me défefpere ;
J'ai refuſé la main ; je fuis épouſe & mere :
Il ne pardonne pas : il fe vit outrager ;
Et l'univers fçait trop s'il aime à fe vanger.
Affeli veut la confoler , en lui difant
que les Coréens raffemblent une armée ;
mais elle répond que tout accroît fes
frayeurs , qu'elle ignore le deftin de l'Empereur
& de la Reine , & que le dernier
fruit de leur hymen , dont l'enfance eft
confiée à fes foins , redouble encore fa
Kij
220 MERCURE DE FRANCE .
crainte & fa pitié . Un foible rayon d'ef
poir vient luire dans fon ame consternée.
Mon époux , ajoute- t'elle , a porté les pas
au Palais .
Une ombre de refpect pour fon faint miniſtere ,
Peut-être adoucirá ces vainqueurs forcenés.
On dit que ces Brigands aux meurtres acharnés ,
Qui rempliffent de fang la terre intimidée
Ont d'un Dieu cependant confervé quelque idée ,
Tant la nature même en toute Nation ,
Grava l'Etre fuprême & la Religion.
Zamti qui paroît , vient augmenter les
terreurs de fa femme.
J'entre , dit- il , par des détours ignorés du vulgaire.
Je vois ces vils humains , ces monftres des déferts ,
A notre auguftre maître ofer donner des fers ;
Traîner dans fon palais , d'une main fanguinaire ,
Le pere , les enfans & leur mourante mere ;
Le pillage , le meurtre environnoient ces lieux.
Ce Prince infortuné , tourne vers moi les yeux ;
Il m'appelle , il me dit , dans fa langue facrée
Du Conquérant tartare & du peuple ignorée :
Conferve au moins le jour au dernier de mes fils.
Jugez , fi mes fermens & mon coeur l'ont promis ;
Jugez , de mon devoir , quelle eft la voix preffante.
J'ai fenti ranimer ma force la guiffante,
J'ai revolé vers vous , & c.
Etan entre éperdu. Il leur apprend que
la fuite eft impoffible ; qu'une garde cruelle
y met une barriere infurmontable , &
que tout tremble dans l'esclavage , depuis
DECEMBRE. 1755 .
221
que l'Empereur, fes enfans , & fon épouse,
ont été malfacrés . Octar furvient , & met
le comble à leur effroi par ces terribles
mots qui caractériſent
fi bien un Scythe ,
& qui font toujours applaudis.
Je vous ordonne au nom du vainqueur des humains
De mettre fans tarder cet enfant dans mes mains ;
Je vais l'attendre . Allez , qu'on m'apporte ce gage.
Pour peu que vous tardiez , le fang & le carnage
Vont encore en ces lieux fignaler fon courroux ,
Et la deftruction commencera par vous.
La nuit vient , le jour fuit . Vous, avant qu'il finiffe,
Si vous aimez la vie , allez , qu'on obéiffe .
Ce perfonnage quoiqu'il agiffe peu , &
qu'il foit fubalterne , frappe plus au Théâ
tre , il a plus de phifionomie que Gengis
fon maître ; il eft vrai que le fieur de Bellecour
le rend très-bien , & fait un beau
Tartare. Idamé tremble pour les jours de
l'enfant de tant de Rois , & dit qu'elle fuivroit
leurs Souverains dans la tombe , fi
elle n'étoit retenue par l'intérêt d'un fils
unique qui a befoin de fa vie . Zamti
s'écrie :
Après l'atrocité de leur indigne fort ,
Qui pourroit redouter & refufer la mort !
Le coupable la craint , le malheureux l'appelle ,
Le brave la défie , & marche au-devant d'elle ,
Le fage qui l'attend , la reçoit fans regrets.
Idamé lui demande ce qu'il a réfolu ,
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE.
fon époux lui replique de garder le ferment
qu'il a fait de conferver la vie du
dernier rejetton de la tige royale , & lui
dit d'aller l'attendre auprès de cet enfant.
Zamti refté feul avec Etan , lui confie le.
funefte projet qu'il a conçu de fubftituer
fon fils à la place de l'orphelin , & de facrifier
fon propre fang pour fauver celui
de fes Rois. Après avoir fait jurer à ce
confident qu'il tiendra ce fecret enfeveli ,
il le charge du foin d'aller cacher ce dépôt
précieux dans le fein des tombeaux bâtis
par leurs Empereurs , en attendant qu'il
puiffe faifir l'inftant de le remettre au chef
de la Corée. On ne peut pas mettre plus
d'intérêt dans un premier Acte.
Zamti qui a fermé cet Acte , commence
feul le fecond : fes entrailles font déchirées
; il dis dans fes cruelles allarmes.
O! mon fils , mon cher fils , as-tu perdu le jour à
Aura-t'on confommé ce fatal facrifice ?
Je n'ai pu de ma main te conduire au fupplice.
Etan paroît , & lui apprend qu'il a caché
l'Orphelin dans les tombeaux de fes
peres . Il l'inftruit en même tems que dans
l'abfence d'Idamé , on a conduit fon fils
à leurs vainqueurs barbares. Ah ! s'écrie
alors Zamti qui craint les reproches de
fon épouse .
DECEMBRE. 1755 . 223
Ah ! du moins , cher Etan , fi tu pouvois lui dire
Que nous avons livré l'héritier de l'Empire ,
Que j'ai caché mon fils , qu'il eft en fûreté !
Impofons quelque tems à fa crédulité.
Hélas ! la vérité fi fouvent eft cruelle ;
On l'aime & les humains font malheureux par elle .
On ne peut pas mieux excufer la néceffité
d'un menfonge . Etan fort , Idamé entre
défolée , & forme avec fon mari la
fcene la plus forte & la plus intéreffante :
elle l'eft au point qu'il faudroit la tranſcrire
entiere pour en rendre toutes les beautés
. Eh ! comment rendre d'ailleurs l'action
admirable , & le jeu accompli de l'Acrice
! Il faut voir Mlle Clairon. Il faut l'enrendre
dans ce rôle , pour juger de fa perfection.
Idamé s'écrie en arrivant.
"
Qu'ai-je vu qu'a- t'on fait ? Barbare , eft- il pof
fible ?
L'avez- vous commandé ce facrifice horrible ?
•
Quoi? fur toi , la nature a fi peu de pouvoir?
Zamti répond.
Elle n'en a que trop , mais moins que mon devoir
Et je dois plus au fang de mon malheureux maître,
Qu'à cet enfant obfcur à qui j'ai donné l'être.
1 Idamé réplique.
Non , je ne connois point cette horrible vertu .
J'ai vu nos murs en cendres , & ce trône abattu ;
J'ai pleuré de nos Rois les difgraces affreufes :
Mais par quelles fureurs encor plus douloureuſes ,
Veux- tu de ton époufe , avançant le trépas ,
Kiv ..
124 MERCURE DE FRANCE.
Livrer le fang d'un fils qu'on ne demande pas ?
Ces Rois enfèvelis , difparus dans la poudre ,
Sont-ils pour toi des Dieux dont tu craignes la
foudre ?
A ces dieux impuiffans , dans la tombe endormis
As- tu fait le ferment d'affaffiner ton fils ?
Hélas ! grands & petits , & fujets & Monarques ,
Diftingués un moment par de frivoles marques ,
Egaux par la nature , égaux par le malheur,
Tout mortel eft charge de la propre douleur :
Sa peine lui faffit ; & dans ce grand naufrage ,
Raflembler nos débris , voilà notre partage.
Où ferois- je ? grand dieu ! fi ma crédulité
Eu: tombé dans le piége à mes pas préfenté.
Auprès du fils des Rois fi j'étois demeurée ,
La victime aux bourreaux alloit être livrée :
Je ceffois d'être mere ; & le même couteau ,
Sur le corps de mon fils , me plongeoit au tombeau.
Graces à mon amour , inquiete , troublée ,
A ce fatal berceau l'inftinet m'a rappellée.
J'ai vu porter mon fils à nos cruels vainqueurs ;
Mes mains l'ont arraché des mains des raviſſeurs.
Barbare, ils n'ont point eu ta fermeté cruelle !
J'en ai chargé foudain cette eſclave fidelle ,
Qui foutient de fon lait fes miférables jours,
Ces jours qui périſſoient fans moì , ſans mon ſecours
;
J'ai confervé le fang du fils & de la mere ,
Et j'ofe dire encor de fon malheureux pere.
Zamti perfifte à vouloir immoler fon
fils. Elle s'y oppofe toujours en mere intrepide.
Son mari lui reproche alors de trahir
à la fois , le Ciel , l'Empire . & le fang de
fes Rois. Idamé lui fait cette réponſe admirable.
t
DECEMBRE . 1755. 225
De mes Rois : va , te dis- je , ils n'ont rien à prétendre
,
Je ne dois point mon fang en tribut à leur cendre.
Va , le nom de fujet n'eft pas plus faint pour nous,
Que ces noms fi facrés & de pere & d'époux.
La nature & l'hyinen , voilà les loix premieres ,
Les devoirs , les liens des Nations entieres :
Ces loix viennent des dieux , le reſte eft des humains
.
Ne me fais point hair le fang des Souverains.
Oui , fauvons l'Orphelin d'un vainqueur homicide
,
Mais ne le fauvons pas au prix d'un parricide.
Que les jours de mon fils n'achetent point fes
jours.
Loin de l'abandonner , je vole à fon fecours.
Je prens pitié de lui ; prends pitié de toi- même ,
De ton fils innocent , de la mere qui t'aime.
Je ne menace plus : je tombe à res genoux.
O pere infortuné , cher & cruel époux ,
Pour qui j'ai méprifé , tu t'en fouviens peut être,
Ce mortel qu'aujourd'hui le fort a fait ton maître!
Accorde moi mon fils , accorde moi ce fang
Que le plus pur amour a formé dans mon flanc ;
Et ne réfifte point au cri terrible & ter dre
Qu'à tes fens défolés l'amour a fait entendre.
Le fier Octar vient les interrompre , il
annonce l'arrivée de Gengiskan , & ordons
ne à fes foldats de fuivre les pas du Mandarin
& de fa femme ; de faifir l'enfant
qu'elle a repris , & d'apporter la victime
aux pieds de leur maître. Zamti promet de
la livrer, & Idamé déclare qu'on ne l'obtiendra
qu'avec la vie.
K v
226 MERCURE DE FRANCE.
Gengis paroît environné de fes guer
riers , & leur dit .
Que le glaive fe cache , & que la mort s'arrête ;
Je veux que les vaincus refpirent déformais.
J'envoiai la terreur , & j'apporte la paix :
La mort du fils des Rois fuffit à ma vengeance.
Qu'on ceffe de livrer aux flammes , au pillage ,
Ces archives de loix , ce vafte amas d'écrits ,
Tous ces fruits du génie , obiets de vos mépris .
Si l'erreur les dicta , cette erreur m'eft utile ;
Elle occupe ce peuple , & le rend plus docile.
Il renvoie fa fuite , & demeuré feul
avec Octar , il lui avoue qu'au comble
des grandeurs , le fouvenir d'une femme
qui avoit refufé fa main , lui revient dans
la penfée , qu'elle le pourfuit jufqu'au feint
de la victoire , mais qu'il veur l'oublier.
Ofman vient l'informer que la victime
alloit être égorgée , lorfqu'un événement
imprévu a fufpendu fon trépas. Dans ce
moment , dit-il ,
Une femme éperdue , & de larmes baignée
Arrive , tend les bras à la garde indignée ;
Et nous furprenant tous par fes cris forcenés ,
Arrêtez , c'est mon fils que vous affaffinez .
C'est mon fils , on vous trompe au choix de la
victime.
Cependant fon époux devant nous appellé .
De nos Rois , a - t'il dit , voilà ce qui nous refte
Frappez , voilà le fang que vous me demandez.
DECEMBRE . 1755. 227
Olman ajoute que dans ce doute confus ,
il revient demander à fon Empereur de
nouveaux ordres. Gengis charge Octar
d'interroger ce couple audacieux , & d'arracher
la vérité de leur bouche . Il ordonne
à fes autres guerriers d'aller chacun à
fon pofte , & d'y veiller fidelement de
peur d'une furprife de la part des Coréens.
Ce fecond Acte eft fi plein de chaleur
qu'on en eût fait un beau quatrieme : 'peutêtre
même que l'action y eft trop avancée ,
& qu'elle prend fur celle des Actes fuivans
, qui font un peu vuides , & qui ont
befoin des détails dont ils font embellis.
Gengis rentre pour revenir : il ouvre le
troifieme Acte , & demande à Ofnan fi
l'on a éclairci l'impofture de ces captifs.
Ce dernier lui répond qu'à l'afpect des
tourmens , le Mandarin perfifte dans fon
pemier aveu , & que fa femme , dont les
larmes augmentent la beauté , demande à
fe jetter aux pieds de Gengiskan . Elle paroît
; ce Conquérant eft frappé de fes traits ;
il la reconnoît pour cet objet qu'il a autrefois
adoré. Cette fcene ne tient pas tout ce
qu'elle promet . Gengis dit à Idamé de fe
raffurer ; que fon Empereur oublie l'affront
qu'elle a fait à Temugin ; que le dernier
rejetton d'une race ennemie eft la
K vj
228 MERCURE DE FRANCE.
feule victime qu'il demande ; qu'il faut
qu'on la lui livre , & qu'elle importe à fa
fureté ; qu'ldamé ne doit rien craindre
pour fon fils , & qu'il l'a prend fous fa
garde. Mais , ajoute- t'il , je veux être inftruit
de la vérité .
Quel indigne artifice ofe-t'on m'oppoſer
De vous , de votre époux , qui prétend m'impofer?
Il interroge cet époux qui eft amené devant
lui. Zamti répond qu'il a rempli fon
devoir. Gengis ordonne aux fiens qu'on
faififfe l'enfant que cet efclave a remis en
leurs mains : la tendre Idamé s'y oppofe :
le Tyran impatient , luidit de l'éclaircir fur
l'heure , ou qu'on va immoler la victime .
Eh bien ! s'écrie - t'elle , mon fils l'emporte.
Mon époux a livré ce fils .
Je devois l'imiter , mais enfin je ſuis mere;
Mon ame eft au-deffous d'un fi cruel effort.
Je n'ai pu , de mon fils , confentir à la mort.
Hélas ! au défefpoir que j'ai trop fait paroître ,
Une mere ailément pouvoit fe reconnoître..
Voyez , de cet enfant , le pere confondu ,
Qui ne vous a trahi qu'à force de vertu .
L'un n'attend fon falut que de fon innocence ,
Et l'autre eft refpectable alors qu'il vous offenfe.
Ne puniffez que moi , qui trahis à la fois
Et l'époux que j'admire , & le fang de nos Rois.
Digne époux , digne objet de toute ma tendreffe,
La pitié maternelle eft ma feule foibleffe ,
Mon fort fera le tien : Je meurs , fi tu péris :
Pardonne-moi du moins d'avoir ſauvé ton fils..
DECEMBRE. 1755. L2F
Je t'ai tout pardonné , lui répond Zamsi
, je n'ai plus rien à craindre pour le
fang de mon Roi. Ses jours font en fureté . Ils
ne le font pas , le récrie Gengis furieux.
Va réparer ton crime , ou fubir le trépas.
Zamti lui fait cette belle réplique.
Le crime eft d'obéir à des ordres injuftes ..
Tu fus notre vainqueur , & tu n'es pas mon Roi.
Si j'étois ton fujet , je te ferois fidelle.
Arrache-moi la vie , & refpecte mon zele.
Je t'ai livré mon fils , j'ai pu te l'immoler.
Penſes-tu que pour moi , je puifle encor trembler ?
Gengis commande qu'on l'entraîne :
Idamé veut le fléchir ; mais il lui ordonne
de fuivre fon mari . Comme elle infifte
il lui dit :
Allez , fi jamais la clémence
Dans mon coeur , malgré moi , pouvoit encor
entrer.
Vousfentez quels affronts il faudroit réparer.
Seul avec Octar , il fait éclater fon dépit
& fon amour. Son confident combat
cette flâme qu'il ne conçoit pas . Ofman
revient lui apprendre qu'Idamé & Zamti
refufent de découvrir l'azyle qui cache.
l'Orphelin , & qu'ils preffent tous deux
que la mort les uniffe. Gengis l'interrompt ,
& lui commande de voler vers Idamé , &c.
de l'affurer que fes jours font facrés & font
230 MERCURE DE FRANCE.
chers à fon maitre. Octar lui demande
quels ordres il veut donner fur cet enfant
des Rois qu'on cache à fa vengeance. Aucun
, répond- t'il .
Je veux qu'Idamé vive ; ordonne tout le refte.
Quel est votre efpoir , lui réplique
Octar ? Gengis termine l'Acte , en lui
difant :
D'être aimé de l'ingrate , ou de me venger d'elle ,
De la punir : tu vois ma foibleffe nouvelle .
Emporté , malgré moi , par de contraires voeux ,
Je frémis & j'ignore encor ce que je veux.
Gengis ouvre encore le quatrieme Acte,
& ordonne aux fiens de fe rendre aux pieds
des murs , en difant que l'infolent Coréen a
proclamé Roi cet enfant malheureux , mais
qu'il va marcher contr'eux fa tête à la main ;
qu'il a trop différé fa mort , & qu'il veut
enfin fans délai que Zamti lui obéiffe. Il
nous paroît que le commencement de cet
Acte fait le cercle , & retourne fur le
troisieme . Octar vient encore dire que le
Mandarin eft inflexible. Gengis s'écrie
étonné .
Quels font donc ces humains que mon bonheur
maîtrife !
A fon Roi qui n'eft plus , immolant la nature ,
L'un voit périr fon fils fans crainte & fans mur
mure ,
DECEMBRE. 1755.234
L'autre pour fon époux eft prête à s'immoler,
Rien ne peut les fléchir , rien ne les fait trembler..
Je vois un peuple antique , induftrieux , immenfes
Ses Rois fur la fageffe ont fondé leur puiffance ;
De leurs voifins foumis , heureux Législateurs ,
Gouvernant fans conquête , & regnant par les
moeurs.
Le ciel ne nous donna que la force en partage.
Nos Arts font les combats , détruire eft notre ou
vrage.
Ah ! de quoi m'ont fervi tant de fuccès divers !
Quel fruit me revient-il des pleurs de l'univers !
Nous rougiffons de fang le char de la victoire.
Peut-être qu'en effet il eft une autre gloire.
Mon coeur eft en fecret jaloux de leurs vertus ,
Et vainqueur , je voudrois égaler les vaincus.
Octar combat le fentiment de fon Maître
avec une franchife militaire , & lui dit :
Quel mérite ont des arts , enfans de la moleffe ,
Qui n'ont pu les fauver des fers & de la mort ?
Le foible eft destiné pour fervir le plus fort.
Tout céde fur la terre aux travaux , au courage
Mais c'est vous qui cédez & fouffrez un outrage.
Il ajoute que fes compagnons en murmurent
tout haut : Gengis lui répond :
Que l'on cherche Idamé . Sur ce qu'Octar infifte
: il lui replique en defpote.
Obéis.
De ton zele hardi réprime la rudeffe :
Je veux que mes fujets refpectent ma foibleffe.
Gengis feul , fe livre à tout fon amour ;
en témoignant fon mépris pour les monf232
MERCURE DE FRANCE.
tres cruels qui font à fa fuite. Idamé paroit
, il lui offre fon trône avec fa main.
Le divorce , dit-il , par mes loix eft permis ,
Et le vainqueur du monde à vous feule eft foumis.
S'il vous fut odieux , le trône a quelques charmes;
Et le bandeau des Rois peut effuyer des larmes.
La vertueufe Idamé lui répond avec une
noble ingénuité , que dans le tems qu'il
n'étoit que Temugin , elle auroit accepté
fa main qui étoit pure alors , fi fes parens
l'avoient agréé. Mais , ajoute-t'elle :
Mon hymen eft un noeud formé par le ciel même.
Mon époux m'eft facré ; je dirai plus : Je l'aime :
Je le préfere à vous , au trône , à vos grandeurs.
Pardonnez mon aveu , mais reſpectez nos moeurs :
Ne penfez pas non plus que je mette ma gloire
A remporter fur vous cette illuftre victoire ;
A braver un vainqueur , à tirer vanité
De ces juftes refus qui ne m'ont point couté.
Je remplis mon devoir , & je me rends juftice:
Je ne fais point valoir un pareil facrifice.
Portez ailleurs les dons que vous me propofez ;
Détachez- vous d'un coeur qui les a méprifez ;
Et puifqu'il faut toujours quidamé vous implore ,
Permettez qu'à jamais mon époux les ignore .
De ce foible triomphe il feroit moins flatté ,
Qu'indigné de l'outrage à ma fidélité .
Gengis lui dit en la quittant :
Quand tout nous uniffoit , vos loix que je dérefte
Ordonnerent ma honte & votre hymen funefte ;
Je les anéantis , je parle , c'eft affez ;
DECEMBRE 1755. 233
Imitez l'univers , Madame , obéiffez .
Mes ordres font donnés , & votre indigne époux
Doit remettre en mes mains votre Empereur &
vous .
Leurs jours me répondront de votre obéiffance.
Idamé gemit de fa cruelle pofition . Affeli
moins févere , lui confeille de fe relâcher
un peu de cette extrême aufterité
pour affurer les jours de fon mari , &
le bien de l'Empire . Zamti furvient , & lui
déclare qu'elle feule refte à l'Orphelin dans
l'Univers , que c'eft à elle à lui conferver
la vie , ainfi qu'à fon fils. Epoufe le Tyran
, pourſuit il.
Ta ferviras de mere à ton Roi malheureux.
Regne , que ton Roi vive , & que ton époux meure.
Elle l'interrompt , & lui dit :
Me connois-tu ? veux-tu que ce funefte rang
Soit le prix de ma honte , & le prix de ton fanga
Penfes- tu que je fois moins époufe que mere ?
Tu t'abules , cruel , & ta vertu févere
A commis contre toi deux crimes en un jour ,
Qui font frémir tous deux la nature & l'amour.
Barbare envers ton fils , & plus envers moi -même.
Ne te fouviens-tu plus qui je fuis , & qui t'aime ?
Crois-moi : le jufte ciel daigne mieux m'inſpirer ;
Je puis fauver mon Roi fans nous deshonorer.
Soit amour , foit mépris , le Tyran qui m'offenfe,
Sur moi , fur mes deffeins , n'eft pas en défiance:
Dans ces remparts fumans , & de fang abbreuvés,
234 MERCURE DE FRANCE.
Je fuis libre , & mes pas ne font pas obfervés.
Le Chef des Coréens s'ouvre un fecret paffage
Non loin de ces tombeaux , où ce précieux gage ,
A l'ail qui le pourfuit , fut caché par tes mains.
De ces tombeaux facrés je fçais tous les chemins;
Je cours y ranimer fa languiffante vie,
Le rendre aux défenfeurs armés pour la patrie ;
Le porter en mes bras dans leurs rangs belliqueux
,
Comme un préfent d'un Dieu qui combat avec
eux.
Tu mourras , je le fçais ; mais , tout couverts de
gloire
Nous laifferons de nous une illuftre mémoire,
Mettons nos noms obfcurs au rang des plus
grands noms :
Et juge fi mon coeur a fuivi tes leçons .
Zamti tranfporté , s'écrie avec juftice,
Idamé , ta veftu l'emporte ſur la mienne !
En effet , cette vertu eft puifée dans la
nature & dans la raifon. Elle forme le
véritable héroïfme , qui honore l'humanité
fans en fortir. Tout grand qu'il eft ,
nous fentons que notre efpece en eft capable.
La vertu de Zamti tient plus au
préjugé. C'est une grandeur d'ame qui dégenere
en fanatifme , & qui eft d'autant
moins vraie , qu'elle bleffe les loix primitives
, & qu'elle excede nos forces. Voilà
pourquoi le caractere d'Idamé paroît fupérieur
à celui de Zamti , & nous intéreffe
davantage , même à la lecture.
DECEMBRE. 1755. 235
Idamé & Affeli commencent le cinquieme
Acte . Idamé a été arrêtée dans fa fuite
avec l'Orphelin. Elle eft captive une feconde
fois , & n'a plus d'efpoir que dans
la mort . Octar vient lui dire d'attendre,
l'Empereur qui veut lui parler , & qui paroit
un moment après . Gengis éclate en
reproches , & finit par preffer Idamé de
s'unir à lui , ce n'eft qu'à ce prix , dit-il ,
que je puis pardonner , & changer les châtimens
en bienfaits tout dépend d'un mor.
Prononcez fans tarder , fans feinte , fans détour ,
Si je vous dois enfin ma haine ou mon amour.
Idamé qui foutient fon noble caractere
jufqu'au bout , lui répond ,
L'un & l'autre aujourd'hui feroit trop condamnable
,
Votre haine eft injufte & votre amour coupable.
Cet amour eft indigne , & de vous & de moi :
Vous me devez juftice ; & fi vous êtes Roi ,
Je la veux , je l'attens pour moi contre vous-mê
me.
Je fuis loin de braver votre grandeur fuprême ;
Je la rappelle en vous , lorfque vous l'oubliez
Et vous-même en fecret vous me juftifiez .
Vous choififfez ma haine , réplique - t'il ,
vous l'aurez .
Votre époux , votre Prince & votre fils , cruelle,
Vont payer de leur fang votre fierté rebelle.
Ce mot , que je voulois , les a tous , condamés.
236 MERCURE DE FRANCE.
C'en est fait , & c'eſt vous qui les affaffinez .
Idamé tombe alors aux pieds de fon
maître , & lui demande une grace à genoux
. Il lui ordonne de fe lever & de déclarer
ce qu'elle veur. Elle le fupplie de
permettre qu'elle ait un entretien fecret
avec fon mari . Gengis le lui accorde , en
difant ;
Non , ce n'étoit pas lui qu'il falloit confulter !
Il m'enleva fon Prince , il vous a poffedée .
Que de crimes ! fa grace eft encore accordée .
Qu'il la tienne de vous , qu'il vous doive fon
fort .
Préfentez à fes yeux le divorce ou la mort.
Il la laiffe . Zamti paroît , elle lui dit :
la mort la plus honteufe t'attend . Ecoutemoi
:
Ne fçavons- nous mourir que par l'ordre d'un Roi ?
Les taureaux aux autels tombent en facrifice ;
Les criminels tremblans font traînés au fupplice
Lés mortels généreux difpofent de leur fort ;
Pourquoi des' mains d'un maître attendre ici la
mort
L'homme étoit -il donc né pour tant de dépendancea
De nos voiſins altiers imitons la conftance.
De la nature humaine ils foutiennent les droits ,
Vivent libres chex eux , & meurent à leur choix .
Un affront leur fuffit pour fortir de la vie ,
Er plus que le néant ils craignent l'infâmie.
Le hardi Japonnois n'attend pas qu'au cercueil
Un Defpote infolent le plonge d'un coup d'oeil.
DECEMBRE. 1755 . 237
Nous avons enfeigné ces braves Infulaires :
Apprenons d'eux enfin des vertus néceffaires .
Scachons mourir comme eux.
Son époux l'approuve ; mais ajoutet'il
, que pouvons - nous feuls & défarmés ?
Idamé tire un poignard qu'elle lui préfente
, en lui difant :
Tiens , fois libre avec moi , frappe , & délivrenous.
J'ai tremblé que ma main , mal affermie encore ,
Ne portât fur moi- même un coup mal affuré,
Enfonce dans ce coeur un bras moins égaré,
Immole avec courage une époufe fidelle ,
Tout couvert de mon fang tombe , & meurs auprès
d'elle.
Qu'à mes derniers momens j'embraffe mon époux;
Que le Tyran le voie , & qu'il en foit jaloux.
Zamti prend le poignard , en tremblant,
il balance ; & comme il veut s'en frapper ,
Gengis arrive à propos pour le défarmer .
O ciel ! s'écrie til , qu'alliez- vous faire ?
Idamé lui replique :
Nous délivrer de toi , finir notre mifere ,
A tant d'atrocités dérober notre fort.
Zamti ajoute :
Veux-tu nous envier juſques à notre mort ?
Oui , lui dit Gengis , que tant de vertu
fubjugue :
Je rougis fur le trône où n'a mis la victoire ,
D'être au- deſſous de vous au milieu de ma gloire;
238 MERCURE DE FRANCE.
En vain par mes exploits j'ai fçu me fignaler :
Vous m'avez avili ; je veux vous égaler.
J'ignorois qu'un mortel pût fe dompter lui-même.
Je l'apprens ; je vous dois cette grandeur fuprême.
Jouiffez de P'honneur d'avoir pu me changer :
Je viens vous réunir , je viens vous protéger.
Veillez , heureux époux , fur l'innocente vie
De l'enfant de vos Rois , que ma main vous con."
fie.
Par le droit des combats j'en pouvois difpofer :
Je vous remets ce droit dont j'allois abuſer.
Croyez qu'à cet enfant heureux dans fa mifere ,
Ainfi qu'à votre fils , je tiendrai lieu de pere .
Vous verrez fi l'on peut fe fier à ma foi.
Je fus un conquerant , vous m'avez fait un Roi.
Zamti pénetré d'un retour fi génereux ,
dit à ce Conquerant :
Ah ! vous ferez aimer votre joug aux vaincus.
Idamé tranfportée de joie & de furprife
, lui demande à fon tour.
Qui peut vous infpirer ce deffein ?
Gengis lui répond par ce mot , qui termine
le vers & la piece.
Vos vertus.
Ce dénouement eft très - applaudi , &
fait d'autant plus de plaifir qu'il finit la
tragédie fans effufion de fang. On doit dire
à la louange des Comédiens François ,
qu'ils n'ont rien épargné pour la mettre
au théatre avec tout l'éclat qu'elle mérite.
Ils y ont même obſervé le coſtume autant
DECEMBRE . 1755. 239
qu'il eft poffible de le fuivre. Mlle Clairon
faite pour fervir de modele , a ofé la premiere
fupprimer le panier. Mlle Hus à eu
le courage de l'imiter ; elles y ont gagné :
tout Paris a approuvé le changement , &
ne les a trouvées que plus aimables.
Les mêmes Comédiens vont remettre
fucceffivement les Troyennes & Philoctete
de M. de Châteaubrun , en attendant Andromaque
& Aftianax , tragédie nouvelle
du même Auteur. Le cothurne eft riche
cette année , & promet à ce théatre un
heureux hyver.
E que nous avions annoncé dans le
Mercure d'Octobre au fujet de l'Orphelin
de la Chine , eft exactement arrivé.
L'interruption qu'il a effuyée n'a fervi
qu'à rendre fa repriſe plus brillante . L'im
preffion même nuisible ordinairement
aux pieces de Théâtre , n'a pu faire aucun
tort au fuccès de cette Tragédie. Les
Comédiens François l'ont redonnée pour
la neuvième fois le 22 Octobre , avec un
grand concours & un applaudiffement
général : l'affluence & la réuffite ont été
égales pendant toutes les repréſentations
qui ont été au nombre de dix- fept. Notre
fentiment étoit fondé fur ce qu'un rôle
intéreffant qui domine , & qui eft fupérieurement
joué , eft prefque toujours le
garand fûr d'un fuccès conftant. Il fuffic
même lui feul pour établir une piece à demeure.
Phedre , Ariane & Médée pen-
1. Vol. K
218 MERCURE DE FRANCE.
vent fervir d'exemples. Quelque beau cependant
que foit le perfonnage d'Idamé
nous ne prétendons pas qu'il doive exclure
le mérite des autres qui lui font fubordonnés.
L'extrait que nous allons faire
de l'Orphelin , prouvera que nous ne bornons
point fes beautés à celles d'un feul
rôle.
Extrait de l'Orphelin de la Chine.
Cette Piece eft précédée d'une Epitre
ou d'un Difcours préliminaire adreffé à
M. le Maréchal Duc de Richelieu . L'Auteur
y déclare que l'idée de fa Tragédie
lui eft venue à la lecture de l'Orphelin de
Tchao , Tragédie Chinoife , traduite par
le P. de Prémare , & non pas Brémare ,
comme il eft imprimé dans cette épitre.
La Scene eft dans un Palais des Mandarins
, qui tient au Palais Impérial dans la
la ville de Cambalu , aujourd'hui Pekin .
Les Acteurs font au nombre de ſept. Gen
giskan , EmpereurTartare. Octar , Ofman,
guerriers Tartares. Zamti , Mandarin
lettré. Idamé , femme de Zamti. Affeli ,
attaché à Idamé. Etan , attaché à Zamti.
Idamé ouvre le premier Acte avec Affeli
dans l'inftant où le Catai eft conquis
& faccagé ; elle apprend à fa confidente en
DECEMBRE . 1755. 219
gémiffant que le deftructeur de ce vaſte
Empire
Eft un Scythe , un foldat dans la poudre élevé ,
qui vint autrefois demander un afile dans
ce même Palais , où il porte aujourd'hui
la flamme, & qu'enfin Gengiskan n'eſt autre
que Temugin qui brûla pour elle , &
qui fut rejetté par fes parens. Un refus ,
ajoute-t'elle ,
Un refus a produit les malheurs de la terre :
De nos peuples jaloux tu connois la fierté ,
De nos Arts , de nos Loix , l'augufte antiquité ;
Une Religion de tout tems épurée ,
De cent fecles de gloire une fuite avérée :
Tout nous interdifoit dans nos préventions ,
Une indigne alliance avec les Nations.
Enfin un autre hymen , un plus faint noeud m'engage
:
Le vertueux Zamti mérita mon fuffrage .
Qui l'eût cru dans ces tems de paix & de bonheur
Qu'un Scythe méprifé feroit notre vainqueur !
Voilà ce qui m'allarme , & qui me défefpere ;
J'ai refuſé la main ; je fuis épouſe & mere :
Il ne pardonne pas : il fe vit outrager ;
Et l'univers fçait trop s'il aime à fe vanger.
Affeli veut la confoler , en lui difant
que les Coréens raffemblent une armée ;
mais elle répond que tout accroît fes
frayeurs , qu'elle ignore le deftin de l'Empereur
& de la Reine , & que le dernier
fruit de leur hymen , dont l'enfance eft
confiée à fes foins , redouble encore fa
Kij
220 MERCURE DE FRANCE .
crainte & fa pitié . Un foible rayon d'ef
poir vient luire dans fon ame consternée.
Mon époux , ajoute- t'elle , a porté les pas
au Palais .
Une ombre de refpect pour fon faint miniſtere ,
Peut-être adoucirá ces vainqueurs forcenés.
On dit que ces Brigands aux meurtres acharnés ,
Qui rempliffent de fang la terre intimidée
Ont d'un Dieu cependant confervé quelque idée ,
Tant la nature même en toute Nation ,
Grava l'Etre fuprême & la Religion.
Zamti qui paroît , vient augmenter les
terreurs de fa femme.
J'entre , dit- il , par des détours ignorés du vulgaire.
Je vois ces vils humains , ces monftres des déferts ,
A notre auguftre maître ofer donner des fers ;
Traîner dans fon palais , d'une main fanguinaire ,
Le pere , les enfans & leur mourante mere ;
Le pillage , le meurtre environnoient ces lieux.
Ce Prince infortuné , tourne vers moi les yeux ;
Il m'appelle , il me dit , dans fa langue facrée
Du Conquérant tartare & du peuple ignorée :
Conferve au moins le jour au dernier de mes fils.
Jugez , fi mes fermens & mon coeur l'ont promis ;
Jugez , de mon devoir , quelle eft la voix preffante.
J'ai fenti ranimer ma force la guiffante,
J'ai revolé vers vous , & c.
Etan entre éperdu. Il leur apprend que
la fuite eft impoffible ; qu'une garde cruelle
y met une barriere infurmontable , &
que tout tremble dans l'esclavage , depuis
DECEMBRE. 1755 .
221
que l'Empereur, fes enfans , & fon épouse,
ont été malfacrés . Octar furvient , & met
le comble à leur effroi par ces terribles
mots qui caractériſent
fi bien un Scythe ,
& qui font toujours applaudis.
Je vous ordonne au nom du vainqueur des humains
De mettre fans tarder cet enfant dans mes mains ;
Je vais l'attendre . Allez , qu'on m'apporte ce gage.
Pour peu que vous tardiez , le fang & le carnage
Vont encore en ces lieux fignaler fon courroux ,
Et la deftruction commencera par vous.
La nuit vient , le jour fuit . Vous, avant qu'il finiffe,
Si vous aimez la vie , allez , qu'on obéiffe .
Ce perfonnage quoiqu'il agiffe peu , &
qu'il foit fubalterne , frappe plus au Théâ
tre , il a plus de phifionomie que Gengis
fon maître ; il eft vrai que le fieur de Bellecour
le rend très-bien , & fait un beau
Tartare. Idamé tremble pour les jours de
l'enfant de tant de Rois , & dit qu'elle fuivroit
leurs Souverains dans la tombe , fi
elle n'étoit retenue par l'intérêt d'un fils
unique qui a befoin de fa vie . Zamti
s'écrie :
Après l'atrocité de leur indigne fort ,
Qui pourroit redouter & refufer la mort !
Le coupable la craint , le malheureux l'appelle ,
Le brave la défie , & marche au-devant d'elle ,
Le fage qui l'attend , la reçoit fans regrets.
Idamé lui demande ce qu'il a réfolu ,
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE.
fon époux lui replique de garder le ferment
qu'il a fait de conferver la vie du
dernier rejetton de la tige royale , & lui
dit d'aller l'attendre auprès de cet enfant.
Zamti refté feul avec Etan , lui confie le.
funefte projet qu'il a conçu de fubftituer
fon fils à la place de l'orphelin , & de facrifier
fon propre fang pour fauver celui
de fes Rois. Après avoir fait jurer à ce
confident qu'il tiendra ce fecret enfeveli ,
il le charge du foin d'aller cacher ce dépôt
précieux dans le fein des tombeaux bâtis
par leurs Empereurs , en attendant qu'il
puiffe faifir l'inftant de le remettre au chef
de la Corée. On ne peut pas mettre plus
d'intérêt dans un premier Acte.
Zamti qui a fermé cet Acte , commence
feul le fecond : fes entrailles font déchirées
; il dis dans fes cruelles allarmes.
O! mon fils , mon cher fils , as-tu perdu le jour à
Aura-t'on confommé ce fatal facrifice ?
Je n'ai pu de ma main te conduire au fupplice.
Etan paroît , & lui apprend qu'il a caché
l'Orphelin dans les tombeaux de fes
peres . Il l'inftruit en même tems que dans
l'abfence d'Idamé , on a conduit fon fils
à leurs vainqueurs barbares. Ah ! s'écrie
alors Zamti qui craint les reproches de
fon épouse .
DECEMBRE. 1755 . 223
Ah ! du moins , cher Etan , fi tu pouvois lui dire
Que nous avons livré l'héritier de l'Empire ,
Que j'ai caché mon fils , qu'il eft en fûreté !
Impofons quelque tems à fa crédulité.
Hélas ! la vérité fi fouvent eft cruelle ;
On l'aime & les humains font malheureux par elle .
On ne peut pas mieux excufer la néceffité
d'un menfonge . Etan fort , Idamé entre
défolée , & forme avec fon mari la
fcene la plus forte & la plus intéreffante :
elle l'eft au point qu'il faudroit la tranſcrire
entiere pour en rendre toutes les beautés
. Eh ! comment rendre d'ailleurs l'action
admirable , & le jeu accompli de l'Acrice
! Il faut voir Mlle Clairon. Il faut l'enrendre
dans ce rôle , pour juger de fa perfection.
Idamé s'écrie en arrivant.
"
Qu'ai-je vu qu'a- t'on fait ? Barbare , eft- il pof
fible ?
L'avez- vous commandé ce facrifice horrible ?
•
Quoi? fur toi , la nature a fi peu de pouvoir?
Zamti répond.
Elle n'en a que trop , mais moins que mon devoir
Et je dois plus au fang de mon malheureux maître,
Qu'à cet enfant obfcur à qui j'ai donné l'être.
1 Idamé réplique.
Non , je ne connois point cette horrible vertu .
J'ai vu nos murs en cendres , & ce trône abattu ;
J'ai pleuré de nos Rois les difgraces affreufes :
Mais par quelles fureurs encor plus douloureuſes ,
Veux- tu de ton époufe , avançant le trépas ,
Kiv ..
124 MERCURE DE FRANCE.
Livrer le fang d'un fils qu'on ne demande pas ?
Ces Rois enfèvelis , difparus dans la poudre ,
Sont-ils pour toi des Dieux dont tu craignes la
foudre ?
A ces dieux impuiffans , dans la tombe endormis
As- tu fait le ferment d'affaffiner ton fils ?
Hélas ! grands & petits , & fujets & Monarques ,
Diftingués un moment par de frivoles marques ,
Egaux par la nature , égaux par le malheur,
Tout mortel eft charge de la propre douleur :
Sa peine lui faffit ; & dans ce grand naufrage ,
Raflembler nos débris , voilà notre partage.
Où ferois- je ? grand dieu ! fi ma crédulité
Eu: tombé dans le piége à mes pas préfenté.
Auprès du fils des Rois fi j'étois demeurée ,
La victime aux bourreaux alloit être livrée :
Je ceffois d'être mere ; & le même couteau ,
Sur le corps de mon fils , me plongeoit au tombeau.
Graces à mon amour , inquiete , troublée ,
A ce fatal berceau l'inftinet m'a rappellée.
J'ai vu porter mon fils à nos cruels vainqueurs ;
Mes mains l'ont arraché des mains des raviſſeurs.
Barbare, ils n'ont point eu ta fermeté cruelle !
J'en ai chargé foudain cette eſclave fidelle ,
Qui foutient de fon lait fes miférables jours,
Ces jours qui périſſoient fans moì , ſans mon ſecours
;
J'ai confervé le fang du fils & de la mere ,
Et j'ofe dire encor de fon malheureux pere.
Zamti perfifte à vouloir immoler fon
fils. Elle s'y oppofe toujours en mere intrepide.
Son mari lui reproche alors de trahir
à la fois , le Ciel , l'Empire . & le fang de
fes Rois. Idamé lui fait cette réponſe admirable.
t
DECEMBRE . 1755. 225
De mes Rois : va , te dis- je , ils n'ont rien à prétendre
,
Je ne dois point mon fang en tribut à leur cendre.
Va , le nom de fujet n'eft pas plus faint pour nous,
Que ces noms fi facrés & de pere & d'époux.
La nature & l'hyinen , voilà les loix premieres ,
Les devoirs , les liens des Nations entieres :
Ces loix viennent des dieux , le reſte eft des humains
.
Ne me fais point hair le fang des Souverains.
Oui , fauvons l'Orphelin d'un vainqueur homicide
,
Mais ne le fauvons pas au prix d'un parricide.
Que les jours de mon fils n'achetent point fes
jours.
Loin de l'abandonner , je vole à fon fecours.
Je prens pitié de lui ; prends pitié de toi- même ,
De ton fils innocent , de la mere qui t'aime.
Je ne menace plus : je tombe à res genoux.
O pere infortuné , cher & cruel époux ,
Pour qui j'ai méprifé , tu t'en fouviens peut être,
Ce mortel qu'aujourd'hui le fort a fait ton maître!
Accorde moi mon fils , accorde moi ce fang
Que le plus pur amour a formé dans mon flanc ;
Et ne réfifte point au cri terrible & ter dre
Qu'à tes fens défolés l'amour a fait entendre.
Le fier Octar vient les interrompre , il
annonce l'arrivée de Gengiskan , & ordons
ne à fes foldats de fuivre les pas du Mandarin
& de fa femme ; de faifir l'enfant
qu'elle a repris , & d'apporter la victime
aux pieds de leur maître. Zamti promet de
la livrer, & Idamé déclare qu'on ne l'obtiendra
qu'avec la vie.
K v
226 MERCURE DE FRANCE.
Gengis paroît environné de fes guer
riers , & leur dit .
Que le glaive fe cache , & que la mort s'arrête ;
Je veux que les vaincus refpirent déformais.
J'envoiai la terreur , & j'apporte la paix :
La mort du fils des Rois fuffit à ma vengeance.
Qu'on ceffe de livrer aux flammes , au pillage ,
Ces archives de loix , ce vafte amas d'écrits ,
Tous ces fruits du génie , obiets de vos mépris .
Si l'erreur les dicta , cette erreur m'eft utile ;
Elle occupe ce peuple , & le rend plus docile.
Il renvoie fa fuite , & demeuré feul
avec Octar , il lui avoue qu'au comble
des grandeurs , le fouvenir d'une femme
qui avoit refufé fa main , lui revient dans
la penfée , qu'elle le pourfuit jufqu'au feint
de la victoire , mais qu'il veur l'oublier.
Ofman vient l'informer que la victime
alloit être égorgée , lorfqu'un événement
imprévu a fufpendu fon trépas. Dans ce
moment , dit-il ,
Une femme éperdue , & de larmes baignée
Arrive , tend les bras à la garde indignée ;
Et nous furprenant tous par fes cris forcenés ,
Arrêtez , c'est mon fils que vous affaffinez .
C'est mon fils , on vous trompe au choix de la
victime.
Cependant fon époux devant nous appellé .
De nos Rois , a - t'il dit , voilà ce qui nous refte
Frappez , voilà le fang que vous me demandez.
DECEMBRE . 1755. 227
Olman ajoute que dans ce doute confus ,
il revient demander à fon Empereur de
nouveaux ordres. Gengis charge Octar
d'interroger ce couple audacieux , & d'arracher
la vérité de leur bouche . Il ordonne
à fes autres guerriers d'aller chacun à
fon pofte , & d'y veiller fidelement de
peur d'une furprife de la part des Coréens.
Ce fecond Acte eft fi plein de chaleur
qu'on en eût fait un beau quatrieme : 'peutêtre
même que l'action y eft trop avancée ,
& qu'elle prend fur celle des Actes fuivans
, qui font un peu vuides , & qui ont
befoin des détails dont ils font embellis.
Gengis rentre pour revenir : il ouvre le
troifieme Acte , & demande à Ofnan fi
l'on a éclairci l'impofture de ces captifs.
Ce dernier lui répond qu'à l'afpect des
tourmens , le Mandarin perfifte dans fon
pemier aveu , & que fa femme , dont les
larmes augmentent la beauté , demande à
fe jetter aux pieds de Gengiskan . Elle paroît
; ce Conquérant eft frappé de fes traits ;
il la reconnoît pour cet objet qu'il a autrefois
adoré. Cette fcene ne tient pas tout ce
qu'elle promet . Gengis dit à Idamé de fe
raffurer ; que fon Empereur oublie l'affront
qu'elle a fait à Temugin ; que le dernier
rejetton d'une race ennemie eft la
K vj
228 MERCURE DE FRANCE.
feule victime qu'il demande ; qu'il faut
qu'on la lui livre , & qu'elle importe à fa
fureté ; qu'ldamé ne doit rien craindre
pour fon fils , & qu'il l'a prend fous fa
garde. Mais , ajoute- t'il , je veux être inftruit
de la vérité .
Quel indigne artifice ofe-t'on m'oppoſer
De vous , de votre époux , qui prétend m'impofer?
Il interroge cet époux qui eft amené devant
lui. Zamti répond qu'il a rempli fon
devoir. Gengis ordonne aux fiens qu'on
faififfe l'enfant que cet efclave a remis en
leurs mains : la tendre Idamé s'y oppofe :
le Tyran impatient , luidit de l'éclaircir fur
l'heure , ou qu'on va immoler la victime .
Eh bien ! s'écrie - t'elle , mon fils l'emporte.
Mon époux a livré ce fils .
Je devois l'imiter , mais enfin je ſuis mere;
Mon ame eft au-deffous d'un fi cruel effort.
Je n'ai pu , de mon fils , confentir à la mort.
Hélas ! au défefpoir que j'ai trop fait paroître ,
Une mere ailément pouvoit fe reconnoître..
Voyez , de cet enfant , le pere confondu ,
Qui ne vous a trahi qu'à force de vertu .
L'un n'attend fon falut que de fon innocence ,
Et l'autre eft refpectable alors qu'il vous offenfe.
Ne puniffez que moi , qui trahis à la fois
Et l'époux que j'admire , & le fang de nos Rois.
Digne époux , digne objet de toute ma tendreffe,
La pitié maternelle eft ma feule foibleffe ,
Mon fort fera le tien : Je meurs , fi tu péris :
Pardonne-moi du moins d'avoir ſauvé ton fils..
DECEMBRE. 1755. L2F
Je t'ai tout pardonné , lui répond Zamsi
, je n'ai plus rien à craindre pour le
fang de mon Roi. Ses jours font en fureté . Ils
ne le font pas , le récrie Gengis furieux.
Va réparer ton crime , ou fubir le trépas.
Zamti lui fait cette belle réplique.
Le crime eft d'obéir à des ordres injuftes ..
Tu fus notre vainqueur , & tu n'es pas mon Roi.
Si j'étois ton fujet , je te ferois fidelle.
Arrache-moi la vie , & refpecte mon zele.
Je t'ai livré mon fils , j'ai pu te l'immoler.
Penſes-tu que pour moi , je puifle encor trembler ?
Gengis commande qu'on l'entraîne :
Idamé veut le fléchir ; mais il lui ordonne
de fuivre fon mari . Comme elle infifte
il lui dit :
Allez , fi jamais la clémence
Dans mon coeur , malgré moi , pouvoit encor
entrer.
Vousfentez quels affronts il faudroit réparer.
Seul avec Octar , il fait éclater fon dépit
& fon amour. Son confident combat
cette flâme qu'il ne conçoit pas . Ofman
revient lui apprendre qu'Idamé & Zamti
refufent de découvrir l'azyle qui cache.
l'Orphelin , & qu'ils preffent tous deux
que la mort les uniffe. Gengis l'interrompt ,
& lui commande de voler vers Idamé , &c.
de l'affurer que fes jours font facrés & font
230 MERCURE DE FRANCE.
chers à fon maitre. Octar lui demande
quels ordres il veut donner fur cet enfant
des Rois qu'on cache à fa vengeance. Aucun
, répond- t'il .
Je veux qu'Idamé vive ; ordonne tout le refte.
Quel est votre efpoir , lui réplique
Octar ? Gengis termine l'Acte , en lui
difant :
D'être aimé de l'ingrate , ou de me venger d'elle ,
De la punir : tu vois ma foibleffe nouvelle .
Emporté , malgré moi , par de contraires voeux ,
Je frémis & j'ignore encor ce que je veux.
Gengis ouvre encore le quatrieme Acte,
& ordonne aux fiens de fe rendre aux pieds
des murs , en difant que l'infolent Coréen a
proclamé Roi cet enfant malheureux , mais
qu'il va marcher contr'eux fa tête à la main ;
qu'il a trop différé fa mort , & qu'il veut
enfin fans délai que Zamti lui obéiffe. Il
nous paroît que le commencement de cet
Acte fait le cercle , & retourne fur le
troisieme . Octar vient encore dire que le
Mandarin eft inflexible. Gengis s'écrie
étonné .
Quels font donc ces humains que mon bonheur
maîtrife !
A fon Roi qui n'eft plus , immolant la nature ,
L'un voit périr fon fils fans crainte & fans mur
mure ,
DECEMBRE. 1755.234
L'autre pour fon époux eft prête à s'immoler,
Rien ne peut les fléchir , rien ne les fait trembler..
Je vois un peuple antique , induftrieux , immenfes
Ses Rois fur la fageffe ont fondé leur puiffance ;
De leurs voifins foumis , heureux Législateurs ,
Gouvernant fans conquête , & regnant par les
moeurs.
Le ciel ne nous donna que la force en partage.
Nos Arts font les combats , détruire eft notre ou
vrage.
Ah ! de quoi m'ont fervi tant de fuccès divers !
Quel fruit me revient-il des pleurs de l'univers !
Nous rougiffons de fang le char de la victoire.
Peut-être qu'en effet il eft une autre gloire.
Mon coeur eft en fecret jaloux de leurs vertus ,
Et vainqueur , je voudrois égaler les vaincus.
Octar combat le fentiment de fon Maître
avec une franchife militaire , & lui dit :
Quel mérite ont des arts , enfans de la moleffe ,
Qui n'ont pu les fauver des fers & de la mort ?
Le foible eft destiné pour fervir le plus fort.
Tout céde fur la terre aux travaux , au courage
Mais c'est vous qui cédez & fouffrez un outrage.
Il ajoute que fes compagnons en murmurent
tout haut : Gengis lui répond :
Que l'on cherche Idamé . Sur ce qu'Octar infifte
: il lui replique en defpote.
Obéis.
De ton zele hardi réprime la rudeffe :
Je veux que mes fujets refpectent ma foibleffe.
Gengis feul , fe livre à tout fon amour ;
en témoignant fon mépris pour les monf232
MERCURE DE FRANCE.
tres cruels qui font à fa fuite. Idamé paroit
, il lui offre fon trône avec fa main.
Le divorce , dit-il , par mes loix eft permis ,
Et le vainqueur du monde à vous feule eft foumis.
S'il vous fut odieux , le trône a quelques charmes;
Et le bandeau des Rois peut effuyer des larmes.
La vertueufe Idamé lui répond avec une
noble ingénuité , que dans le tems qu'il
n'étoit que Temugin , elle auroit accepté
fa main qui étoit pure alors , fi fes parens
l'avoient agréé. Mais , ajoute-t'elle :
Mon hymen eft un noeud formé par le ciel même.
Mon époux m'eft facré ; je dirai plus : Je l'aime :
Je le préfere à vous , au trône , à vos grandeurs.
Pardonnez mon aveu , mais reſpectez nos moeurs :
Ne penfez pas non plus que je mette ma gloire
A remporter fur vous cette illuftre victoire ;
A braver un vainqueur , à tirer vanité
De ces juftes refus qui ne m'ont point couté.
Je remplis mon devoir , & je me rends juftice:
Je ne fais point valoir un pareil facrifice.
Portez ailleurs les dons que vous me propofez ;
Détachez- vous d'un coeur qui les a méprifez ;
Et puifqu'il faut toujours quidamé vous implore ,
Permettez qu'à jamais mon époux les ignore .
De ce foible triomphe il feroit moins flatté ,
Qu'indigné de l'outrage à ma fidélité .
Gengis lui dit en la quittant :
Quand tout nous uniffoit , vos loix que je dérefte
Ordonnerent ma honte & votre hymen funefte ;
Je les anéantis , je parle , c'eft affez ;
DECEMBRE 1755. 233
Imitez l'univers , Madame , obéiffez .
Mes ordres font donnés , & votre indigne époux
Doit remettre en mes mains votre Empereur &
vous .
Leurs jours me répondront de votre obéiffance.
Idamé gemit de fa cruelle pofition . Affeli
moins févere , lui confeille de fe relâcher
un peu de cette extrême aufterité
pour affurer les jours de fon mari , &
le bien de l'Empire . Zamti furvient , & lui
déclare qu'elle feule refte à l'Orphelin dans
l'Univers , que c'eft à elle à lui conferver
la vie , ainfi qu'à fon fils. Epoufe le Tyran
, pourſuit il.
Ta ferviras de mere à ton Roi malheureux.
Regne , que ton Roi vive , & que ton époux meure.
Elle l'interrompt , & lui dit :
Me connois-tu ? veux-tu que ce funefte rang
Soit le prix de ma honte , & le prix de ton fanga
Penfes- tu que je fois moins époufe que mere ?
Tu t'abules , cruel , & ta vertu févere
A commis contre toi deux crimes en un jour ,
Qui font frémir tous deux la nature & l'amour.
Barbare envers ton fils , & plus envers moi -même.
Ne te fouviens-tu plus qui je fuis , & qui t'aime ?
Crois-moi : le jufte ciel daigne mieux m'inſpirer ;
Je puis fauver mon Roi fans nous deshonorer.
Soit amour , foit mépris , le Tyran qui m'offenfe,
Sur moi , fur mes deffeins , n'eft pas en défiance:
Dans ces remparts fumans , & de fang abbreuvés,
234 MERCURE DE FRANCE.
Je fuis libre , & mes pas ne font pas obfervés.
Le Chef des Coréens s'ouvre un fecret paffage
Non loin de ces tombeaux , où ce précieux gage ,
A l'ail qui le pourfuit , fut caché par tes mains.
De ces tombeaux facrés je fçais tous les chemins;
Je cours y ranimer fa languiffante vie,
Le rendre aux défenfeurs armés pour la patrie ;
Le porter en mes bras dans leurs rangs belliqueux
,
Comme un préfent d'un Dieu qui combat avec
eux.
Tu mourras , je le fçais ; mais , tout couverts de
gloire
Nous laifferons de nous une illuftre mémoire,
Mettons nos noms obfcurs au rang des plus
grands noms :
Et juge fi mon coeur a fuivi tes leçons .
Zamti tranfporté , s'écrie avec juftice,
Idamé , ta veftu l'emporte ſur la mienne !
En effet , cette vertu eft puifée dans la
nature & dans la raifon. Elle forme le
véritable héroïfme , qui honore l'humanité
fans en fortir. Tout grand qu'il eft ,
nous fentons que notre efpece en eft capable.
La vertu de Zamti tient plus au
préjugé. C'est une grandeur d'ame qui dégenere
en fanatifme , & qui eft d'autant
moins vraie , qu'elle bleffe les loix primitives
, & qu'elle excede nos forces. Voilà
pourquoi le caractere d'Idamé paroît fupérieur
à celui de Zamti , & nous intéreffe
davantage , même à la lecture.
DECEMBRE. 1755. 235
Idamé & Affeli commencent le cinquieme
Acte . Idamé a été arrêtée dans fa fuite
avec l'Orphelin. Elle eft captive une feconde
fois , & n'a plus d'efpoir que dans
la mort . Octar vient lui dire d'attendre,
l'Empereur qui veut lui parler , & qui paroit
un moment après . Gengis éclate en
reproches , & finit par preffer Idamé de
s'unir à lui , ce n'eft qu'à ce prix , dit-il ,
que je puis pardonner , & changer les châtimens
en bienfaits tout dépend d'un mor.
Prononcez fans tarder , fans feinte , fans détour ,
Si je vous dois enfin ma haine ou mon amour.
Idamé qui foutient fon noble caractere
jufqu'au bout , lui répond ,
L'un & l'autre aujourd'hui feroit trop condamnable
,
Votre haine eft injufte & votre amour coupable.
Cet amour eft indigne , & de vous & de moi :
Vous me devez juftice ; & fi vous êtes Roi ,
Je la veux , je l'attens pour moi contre vous-mê
me.
Je fuis loin de braver votre grandeur fuprême ;
Je la rappelle en vous , lorfque vous l'oubliez
Et vous-même en fecret vous me juftifiez .
Vous choififfez ma haine , réplique - t'il ,
vous l'aurez .
Votre époux , votre Prince & votre fils , cruelle,
Vont payer de leur fang votre fierté rebelle.
Ce mot , que je voulois , les a tous , condamés.
236 MERCURE DE FRANCE.
C'en est fait , & c'eſt vous qui les affaffinez .
Idamé tombe alors aux pieds de fon
maître , & lui demande une grace à genoux
. Il lui ordonne de fe lever & de déclarer
ce qu'elle veur. Elle le fupplie de
permettre qu'elle ait un entretien fecret
avec fon mari . Gengis le lui accorde , en
difant ;
Non , ce n'étoit pas lui qu'il falloit confulter !
Il m'enleva fon Prince , il vous a poffedée .
Que de crimes ! fa grace eft encore accordée .
Qu'il la tienne de vous , qu'il vous doive fon
fort .
Préfentez à fes yeux le divorce ou la mort.
Il la laiffe . Zamti paroît , elle lui dit :
la mort la plus honteufe t'attend . Ecoutemoi
:
Ne fçavons- nous mourir que par l'ordre d'un Roi ?
Les taureaux aux autels tombent en facrifice ;
Les criminels tremblans font traînés au fupplice
Lés mortels généreux difpofent de leur fort ;
Pourquoi des' mains d'un maître attendre ici la
mort
L'homme étoit -il donc né pour tant de dépendancea
De nos voiſins altiers imitons la conftance.
De la nature humaine ils foutiennent les droits ,
Vivent libres chex eux , & meurent à leur choix .
Un affront leur fuffit pour fortir de la vie ,
Er plus que le néant ils craignent l'infâmie.
Le hardi Japonnois n'attend pas qu'au cercueil
Un Defpote infolent le plonge d'un coup d'oeil.
DECEMBRE. 1755 . 237
Nous avons enfeigné ces braves Infulaires :
Apprenons d'eux enfin des vertus néceffaires .
Scachons mourir comme eux.
Son époux l'approuve ; mais ajoutet'il
, que pouvons - nous feuls & défarmés ?
Idamé tire un poignard qu'elle lui préfente
, en lui difant :
Tiens , fois libre avec moi , frappe , & délivrenous.
J'ai tremblé que ma main , mal affermie encore ,
Ne portât fur moi- même un coup mal affuré,
Enfonce dans ce coeur un bras moins égaré,
Immole avec courage une époufe fidelle ,
Tout couvert de mon fang tombe , & meurs auprès
d'elle.
Qu'à mes derniers momens j'embraffe mon époux;
Que le Tyran le voie , & qu'il en foit jaloux.
Zamti prend le poignard , en tremblant,
il balance ; & comme il veut s'en frapper ,
Gengis arrive à propos pour le défarmer .
O ciel ! s'écrie til , qu'alliez- vous faire ?
Idamé lui replique :
Nous délivrer de toi , finir notre mifere ,
A tant d'atrocités dérober notre fort.
Zamti ajoute :
Veux-tu nous envier juſques à notre mort ?
Oui , lui dit Gengis , que tant de vertu
fubjugue :
Je rougis fur le trône où n'a mis la victoire ,
D'être au- deſſous de vous au milieu de ma gloire;
238 MERCURE DE FRANCE.
En vain par mes exploits j'ai fçu me fignaler :
Vous m'avez avili ; je veux vous égaler.
J'ignorois qu'un mortel pût fe dompter lui-même.
Je l'apprens ; je vous dois cette grandeur fuprême.
Jouiffez de P'honneur d'avoir pu me changer :
Je viens vous réunir , je viens vous protéger.
Veillez , heureux époux , fur l'innocente vie
De l'enfant de vos Rois , que ma main vous con."
fie.
Par le droit des combats j'en pouvois difpofer :
Je vous remets ce droit dont j'allois abuſer.
Croyez qu'à cet enfant heureux dans fa mifere ,
Ainfi qu'à votre fils , je tiendrai lieu de pere .
Vous verrez fi l'on peut fe fier à ma foi.
Je fus un conquerant , vous m'avez fait un Roi.
Zamti pénetré d'un retour fi génereux ,
dit à ce Conquerant :
Ah ! vous ferez aimer votre joug aux vaincus.
Idamé tranfportée de joie & de furprife
, lui demande à fon tour.
Qui peut vous infpirer ce deffein ?
Gengis lui répond par ce mot , qui termine
le vers & la piece.
Vos vertus.
Ce dénouement eft très - applaudi , &
fait d'autant plus de plaifir qu'il finit la
tragédie fans effufion de fang. On doit dire
à la louange des Comédiens François ,
qu'ils n'ont rien épargné pour la mettre
au théatre avec tout l'éclat qu'elle mérite.
Ils y ont même obſervé le coſtume autant
DECEMBRE . 1755. 239
qu'il eft poffible de le fuivre. Mlle Clairon
faite pour fervir de modele , a ofé la premiere
fupprimer le panier. Mlle Hus à eu
le courage de l'imiter ; elles y ont gagné :
tout Paris a approuvé le changement , &
ne les a trouvées que plus aimables.
Les mêmes Comédiens vont remettre
fucceffivement les Troyennes & Philoctete
de M. de Châteaubrun , en attendant Andromaque
& Aftianax , tragédie nouvelle
du même Auteur. Le cothurne eft riche
cette année , & promet à ce théatre un
heureux hyver.
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Résumé : COMEDIE FRANÇOISE. / Extrait de l'Orphelin de la Chine.
Le texte du Mercure de France de décembre 1755 relate le succès de la pièce de théâtre 'L'Orphelin de la Chine' à Paris. Après une interruption initiale, la tragédie a été jouée avec un grand succès, atteignant dix-sept représentations. Le rôle principal, interprété par un acteur de manière exceptionnelle, a été déterminant pour ce succès. La pièce, précédée d'une épître dédiée au Maréchal Duc de Richelieu, est inspirée de la tragédie chinoise 'L'Orphelin de Tchao', traduite par le Père de Prémare. L'action se déroule dans un palais des mandarins à Cambalu, aujourd'hui Pékin, et met en scène sept personnages, dont l'empereur tartare Gengiskan, des guerriers, des mandarins et leurs serviteurs. L'intrigue commence avec Idamé, femme du mandarin Zamti, qui apprend la conquête de son pays par Gengiskan, un Scythe qu'elle avait autrefois rejeté. Zamti, de retour au palais, décrit les atrocités commises par les conquérants. Octar, un guerrier tartare, ordonne la remise de l'orphelin royal. Zamti décide de sacrifier son propre fils pour sauver l'orphelin, mais Idamé s'y oppose farouchement, préférant sauver son enfant. Gengiskan apparaît ensuite, proclamant la paix et ordonnant la cessation des pillages. Il révèle également son amour non réciproque pour Idamé. La pièce se poursuit avec des révélations et des conflits entre les personnages, notamment autour du sort de l'orphelin et des enfants des souverains. Gengis Khan, après avoir été informé par Ofnan de la confession d'un Mandarin et de la beauté d'Idamé, reconnaît en elle une ancienne flamme. Il lui propose de sauver son fils en échange de la livraison d'un orphelin, dernier rejeton d'une race ennemie. Idamé, malgré sa peur, avoue avoir sauvé son fils et est prête à se sacrifier. Zamti, interrogé par Gengis, affirme avoir agi par devoir et refuse de trahir ses principes, même face à la mort. Gengis, frustré par leur résistance, ordonne leur arrestation et exprime son admiration pour leur courage et leur fidélité. Dans le cinquième acte, Idamé, capturée, refuse les propositions de Gengis et demande à mourir dignement. Elle convainc Zamti de se suicider avec elle pour éviter l'humiliation et la dépendance envers un tyran. Cependant, Zamti et Idamé sont interrompus par Gengis, qui les dissuade de leur geste. Gengis exprime son admiration pour leur vertu et décide de les protéger, leur remettant également le droit de disposer de leur enfant, qu'il considère comme le sien. Zamti et Idamé sont touchés par la générosité de Gengis, qui est motivée par leurs vertus. Le dénouement de la pièce est acclamé pour son absence de violence et son message positif. Les comédiens français, notamment Mlle Clairon et Mlle Hus, sont loués pour leur contribution à la mise en scène et leur respect des costumes. La saison théâtrale promet d'être riche avec plusieurs tragédies prévues, dont 'Andromaque' et 'Astianax' de M. de Châteaubrun.
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58
p. 211
« Le sieur Fabre, Arboriste, rue Mazarine, vis-à-vis la rue Guénegaud, [...] »
Début :
Le sieur Fabre, Arboriste, rue Mazarine, vis-à-vis la rue Guénegaud, [...]
Mots clefs :
Arboriste, Cresson de roche, Maladies de poitrine, Purification, Sang
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texteReconnaissance textuelle : « Le sieur Fabre, Arboriste, rue Mazarine, vis-à-vis la rue Guénegaud, [...] »
La fieur Fabre , Arborifte , rue Mazarine , vis
à- vis la rue Guénegaud , donne avis au Public , que
Fon trouve chez lui du Creflon de Roche , qu'il
fait venir des Pays Etrangers , qui eft propre pour
les perfonnes qui font attaquées de la poitrine , &
pour purifier la maffe du lang. Le prix eft de 6
liv. l'once.
à- vis la rue Guénegaud , donne avis au Public , que
Fon trouve chez lui du Creflon de Roche , qu'il
fait venir des Pays Etrangers , qui eft propre pour
les perfonnes qui font attaquées de la poitrine , &
pour purifier la maffe du lang. Le prix eft de 6
liv. l'once.
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59
p. 51-52
HOROSCOPE du premier Enfant de M. le Marquis D. F. Brigadier des Armées du Roi & C. des G. de la REINE.
Début :
DIGNE Sang de nos demi-Dieux, [...]
Mots clefs :
Événement, Sang, Astrologue, Enfant, Aïeux
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texteReconnaissance textuelle : HOROSCOPE du premier Enfant de M. le Marquis D. F. Brigadier des Armées du Roi & C. des G. de la REINE.
HOROSCOPE du premier Enfant de
M. le Marquis D. F. Brigadier des
Armées du Roi & C. des G. de la
REINE.
DIGNE IGNI Sang de nos demi- Dieux ,
De leur amour le premier gage ,
Votre avénement précieux
Fait retentir tout ce Rivage
Des tranfports d'un Peuple joyeux ;
Empreffé de vous rendre hommage.
Sur cet événement heureux
Tandis que tout fur cette plage ,
Signale fon zéle en fes jeux
Qui n'en font qu'une foible image ;
Souffrez qu'interrogeant les Cieur
Un Aftrologue de Village
Faffe en peu de mots de fon mieux
Votre horoſcope en fon langage.
Daignez d'un fouris gracieux
Favorifer ce badinage
Qui bravera les envieux
S'il peut avoir votre fuffrage.
Oui , pour vous , l'efpoir de ces lieux $
L'avenir par moi s'enviſage ,
Grace à mon art mystérieux.
Cij
52 MERCURE DE FRANCE .
De biens , d'honneurs quel aſſemblage
S'offre à mes regards curieux !
Des tems ils percent le nuage.
Je lis configné , d'âge en âge ,
Le deftin le plus glorieux
Qui doit être votre partage.
Tendre fruit des plus charmans noeuds
Aimable enfant , quel avantage
Pour nous comme pour nos Neveux !
Par la douceur & le courage
Que vous avez reçu des Dieux
Vous deviendrez par héritage
Grand & Bon comme vos ayeux,
Quel plus defirable appanage !
Vous ferez adoré comme eux ,
Et nous aimerez: doux préfage ,
Qui comble à jamais tous nos voeux,
Par M. D. L *** Abenné au Mercure
M. le Marquis D. F. Brigadier des
Armées du Roi & C. des G. de la
REINE.
DIGNE IGNI Sang de nos demi- Dieux ,
De leur amour le premier gage ,
Votre avénement précieux
Fait retentir tout ce Rivage
Des tranfports d'un Peuple joyeux ;
Empreffé de vous rendre hommage.
Sur cet événement heureux
Tandis que tout fur cette plage ,
Signale fon zéle en fes jeux
Qui n'en font qu'une foible image ;
Souffrez qu'interrogeant les Cieur
Un Aftrologue de Village
Faffe en peu de mots de fon mieux
Votre horoſcope en fon langage.
Daignez d'un fouris gracieux
Favorifer ce badinage
Qui bravera les envieux
S'il peut avoir votre fuffrage.
Oui , pour vous , l'efpoir de ces lieux $
L'avenir par moi s'enviſage ,
Grace à mon art mystérieux.
Cij
52 MERCURE DE FRANCE .
De biens , d'honneurs quel aſſemblage
S'offre à mes regards curieux !
Des tems ils percent le nuage.
Je lis configné , d'âge en âge ,
Le deftin le plus glorieux
Qui doit être votre partage.
Tendre fruit des plus charmans noeuds
Aimable enfant , quel avantage
Pour nous comme pour nos Neveux !
Par la douceur & le courage
Que vous avez reçu des Dieux
Vous deviendrez par héritage
Grand & Bon comme vos ayeux,
Quel plus defirable appanage !
Vous ferez adoré comme eux ,
Et nous aimerez: doux préfage ,
Qui comble à jamais tous nos voeux,
Par M. D. L *** Abenné au Mercure
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Résumé : HOROSCOPE du premier Enfant de M. le Marquis D. F. Brigadier des Armées du Roi & C. des G. de la REINE.
Le texte expose l'horoscope du premier enfant du Marquis D. F., Brigadier des Armées du Roi et Chevalier des Gardes de la Reine. L'enfant est perçu comme un précieux symbole d'amour, acclamé par un peuple réjoui. Un astrologue rural, utilisant un langage accessible, prédit un destin glorieux pour l'enfant. L'horoscope annonce une vie marquée par des biens et des honneurs, l'enfant étant destiné à hériter de la grandeur et de la bonté de ses ancêtres. Doté de douceur et de courage, il sera aimé et aimera en retour, réalisant ainsi les aspirations de tous. Le texte est signé par M. D. L ***, abbé au Mercure.
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