Résultats : 7 texte(s)
Détail
Liste
1
p. 167-175
ARCHITECTURE.
Début :
Si les hommes n'étoient pas aussi portés qu'ils le sont à se livrer dans leurs opinions [...]
Mots clefs :
Ordre architectural, Goût, Colonnade, Arts, Architecture, Roi, Esprit
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texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE.
ARCHITECTURE .
pas
auffi portés
I les hommes n'étoient
qu'ils le font à fe livrer dans leurs opinions
à des excès toujours condamnables ,
s'ils n'autorifoient pas par des exemples
trop fouvent répétés ,à douter de l'équité de
leurs motifs , on ne pourroit leur conteſter
le droit honorable d'étendre leurs difcuffions
& leur critique fur les objets les plus
refpectables en tous genres : mais lorsqu'on
voit ( pour me reftreindre aux matieres de
goût ) qu'à peine a - t - on ofé ſubſtituer à
l'adoration d'Homere quelques recherches
fur de légers défauts , dont il eft certain
qu'il n'a pas dû être exempt , qu'auffi - tôt
on brife fes autels , on arrache fa couronne
, on méprife & on raille fes adorateurs ;
ne doit - on pas être porté à fouhaiter
qu'à l'exemple de Mahomet , on impoſe
un filence profond & mystérieux fur les
Divinités des fciences , des arts & du goût ?
Mais où fe trouvera le Légiflateur dont
la miſſion ſera affez généralement reconnue
, pour établir cette loi de prévoyance
que l'efprit impoferoit à l'efprit ? d'ailleurs,
ofer montrer de nos jours une pareille
168 MERCURE DE FRANCE.
méfiance , ne feroit- ce pas refufer à notre
fiécle ce titre refpectable de philofophe
dont il fe pare , & dont il efpere que la
postérité fera fon titre diftinctif ? Puifqu'il
en arbore l'étendart , il doit être louable
& permis aujourd'hui ou jamais de hazarder
quelques réflexions qui ont pour objet
un de ces chefs - d'oeuvres des arts faits pour
être adorés aveuglément dans un fiécle
d'enthouſiaſme & de préjugés ; mais faits
pour être difcutés dans un fiécle fage ,
éclairé , enfin dans un fiécle philofophe
comme le nôtre.
Il s'agit ici de la colonade & des projets
du rétabliſſement du Louvre.
Il est néceffaire d'établir premierement
les raifons pour lefquelles , fous le regne
de Louis XIV , les Architectes employés
à cet ouvrage ont pris pour le finir une
route différente de celle qu'avoient tenue
ceux qui l'avoient commencé.
En général , il est avantageux aux progrès
des connoiffances humaines , que les
efprits & les talens d'un fiécle profitent &
s'enrichiffent de ce que l'efprit & le talent
avoient amaffé déja de thréfors & de richeffes
; mais le profit feroit inconteſtablement
plus confidérable & plus rapide ,
fi les grands ouvrages & les vaftes projets
conduits & exécutés par la même main ,
qui
AVRIL. 11755. 1.69
qui en a tracé les efquiffes , nous offroient
plus fouvent les idées accomplies de ceux
qui les ont conçus . Il arrive malheureufement
que ces auteurs ont des jours plus
bornés que leur entreprife , & qu'après
eux on s'écarte toujours de leurs vûes , ou
bien que l'on abandonne leurs plans.
Il ne falloit pour finir l'édifice dont il
eft queftion , qu'ordonner aux Architectes
de fuivre ce qui étoit commencé , nous
aurions fous les yeux le plus fuperbe palais
de l'Europe. Louis XIV attribuant
aux artiftes les principes & les grands motifs
qui le faifoient agir , fit venir des pays
étrangers des hommes de réputation : tous
ceux qui étoient en France furent chargés
de travailler ; mais l'amour propre injufte
leur perfuada qu'il n'y avoit aucune
gloire à prétendre , s'ils fuivoient des idées
qu'ils n'auroient point créées.
On fit donc différens projets qui occafionnerent
, comme aujourd'hui , des conteftations
fans nombre parmi les artiſtes ,
& des libelles fans fin de la part des critiques,
Il fut réfolu qu'on éleveroit la colonade
pour former l'entrée du Louvre , &
que l'on doubleroit l'aîle fur la riviere ,
pour loger le Roi plus commodément dans
cette partie. 200
Réfléchiffons fur le réfultat de tant de
H
170 MERCURE DE FRANCE .
difcuffions , d'obfervations , de critiques ,
& d'avis différens .
-Quel eft - il ? 'une façade de palais fans
croifées , dont l'ufage n'a pu fe faire deviner
depuis qu'elle eft bâtie , dont les
inconvéniens font fans hombre , & dont
la beauté déplacée a cependant un droit
trop jufte fur notre admiration pour qu'on
puiffe être foupçonné de le lui refufer.
L'Architecte , emporté par le defir de concevoir
& d'enfanter une production neuve
& grande , a-t- il donc regardé comme
pen intéreffant l'ufage qu'on feroit de fes
travaux ? quelle eft la deftination de la
magnifique colonade qu'il a placée au premier
étage de cette façade L'a- t- il faite
pour placer du monde à l'arrivée , ou à la
fortie du Roi L'a - t-il ornée pour le Roi
lui-inême dans les occafions où l'on auroit
donné des fêtes dans la place fur laquelle
elle devoit dominer ? Dans l'un ou dans
l'autre cas , n'eût-il pas été encore à defirer
que la colonade fe trouvât placée dans
le milieu , comme l'endroit le plus convenable
& le plus décent ? La fuppofez - vous
propre à faciliter la communication d'un
côté du palais à l'autre ? Alors pourquoi
cette interruption ménagée pour faire une
mauvaiſe arcade , dans laquelle fe voit une
Petite porte ? C'eft ainfi que les idées de
AVRIL. 1755. 171
grandeur & cet enthouſiaſme qui femblent
pour nous un état violent , ne font pas ว
l'abri d'un mêlange de grandes & de petites
productions. J'ajoûterai encore , c'eft
ainfi que la perfection abfolue exige que
l'imagination prenne toujours l'ordre d'une
fage & utile convenance , qui eft la bafe
des fciences , des arts & du goût.
ger par
Pallons maintenant à l'examen de la façade
, qui placée du côté de la rivière , eſt
celle que l'Architecte a eu intention de
deftiner à l'appartement du Roi. A en jul'entrée
dont nous venons de parler
, & par lės progrès que doit offrir la
magnificence d'un palais , quelle devroit.
être la riche décoration de cette aîle qu'un
grand Monarque avoit choifie pour fon
féjour ? Cependant , oubliant cette conve
nance fi jufte , ou bien épuifé par l'effort
qu'il vient de faire , l'Architecte ne préfente
à notre curiofité qu'un bâtiment
froid , décoré d'architecture en bas relief,
autrement dit de pilaftres fans colonnes ,
& fans auctin avant-corps qui interrompe
par des repos & par des maffes l'ennuyeufe
monotonie qui y regne.
Des Architectes qui n'étant pas gênés ,
ont été capables de commettre des fautes
auffi avérées , ne nous autorifent - ils pas à
examiner avec moins de fertile ce qui
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
a pu
les engager à décorer la Cour d'un
troifieme ordre , par préférence à l'attique
de l'ancien projet.
Je m'imagine que deux raifons font les
principales caufes de ce changement : le
defir d'innover , & les difficultés qu'ils
ont rencontrées en voulant exécuter l'attique
, après avoir fait les façades extérieures.
Jugeons à préfent de la validité de ces
deux motifs : le premier fi général & fi
fouvent ennemi du bien , n'a pas befoin
d'une longue difcuffion . Les innovations
particulieres telles que celles - ci , ne faiſant
jamais partie d'un plan général , ont prefque
toujours l'air déplacé.
Cependant il étoit néceffaire de montrer
fa capacité : fuivre ce qui étoit commencé
, c'étoit , ou paroître plagiaire , ou
montrer un génie peu capable de reffource
& d'invention : d'ailleurs , par rapport
au dehors , qui ne peut entrer en comparaifon
avec le dedans , il falloit fe réfoudre
à fupprimer les dômes , les pavillons ,
les combles. Si l'on exécute ces retranchemens
, & fi l'on place ce feul attique , ne
paroîtra- t- il pas qu'on a cherché à appauvrir
un édifice que le projet d'un grand
Roi eft d'enrichir & d'orner ? Pourquoi
dirent- ils , cédant à toute la folidité de ces
raifons , ne formons - nous pas un troifieme
:I
AVRIL.
1755. 173
ordre qui , par fa nouveauté , fera briller
nos talens , & par fa richeffe fera conforme
au deffein de celui qui nous emploie ?
L'invention n'eft pas une déeffe docile ,
elle refuſe fouvent fes faveurs à ceux qui
les defirent . On eut beau propofer des prix
à celui qui ajoûteroit un nouvel ordre à
ceux que le caprice a fi fouvent défigurés ,
& que le bon goût a toujours rétablis ; if
ne fe trouva pas de Callimachus , & l'on
fe vit contraint de fe fervir d'une de ces
productions , dont la nouveauté fait le feut
mérite , & qu'on fe garderoit bien d'adopter
aujourd'hui.
Mais en fuppofant même que cet ordre
fût digne d'être joint à ceux que le
difcernement de tant de frécles nous a
tranfmis , feroit- il bien placé , & rendroit
il l'effet qu'on s'eft propofé ?
J'ofe répondre que non . On a eu deffein
fans doute , en fupprimant les pavillons ,
les dômes & les combles , qui ne peuvent
fubfifter relativement au dehors , de trouver
quelque chofe qui réparât cette perte.
Mais en établiffant ce troifieme ordre
dans toute l'étendue de l'édifice , tout le
bâtiment fe trouvera alors couronné à la
même hauteur & de niveau ; au lieu qu'en
confervant l'attique dans les ailes , en ádmettant
le troiſieme ordre dans les pavil-
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE .
lons des milieux , en décorant le deffus 'de
l'attique dans les quatre pavillons des angles
, cette cour intérieure préfentera une
décoration , dont le jeu détruira cette uniformité
dont l'architecture doit autant fe
garantir que les autres productions des arts.
Il feroit aifé de développer ces réflexions
& de prouver que ce projet eft celui qui
convient mieux à l'entiere perfection , fi
defirée d'un des plus beaux monumens de
la nation. Un nombre infini d'inconvéniens
dans les partis différens qu'on peut
prendre, me fourniroit une matiere qui deviendroit
infenfiblement trop abondante.
Je fouhaite feulement qu'on fe repréfente
l'effet que produira l'ordre françois exécu
té dans les petits avant- corps du milieu des
aîles , où s'en trouve à préfent le modele
en maffe. Qui pourra fupporter l'exceffive
hauteur de ces avant - corps , comparée à
leur largeur , puifqu'ils font déja trop
hauts , en y employant même l'attique.
Au refte , je ne prétens pas juftifier
abfolument l'attique des défauts qu'on
peut lui imputer ; furchargé d'ornemens ,
décoré de figures & de trophées d'une
proportion trop forte , il ne peut foutenir
fes droits avec avantage que contre
un adverfaire dont la caufe eft infiniment
moins favorable que la fienne .
AVRILIS 1755. 175
4
De plus , tout changement dans cet ouvrage
confacré par la vénération publique ,
paroîtra toujours un crime à ceux qui ,
veulent jouir du plaifir de blâmer , fans
prendre la jufte peine d'approfondir & de
s'éclairer. Mais fi la critique fondée concourt
à l'avantage des arts qu'elle éclaire ,
& à la réputation durable des artiſtes
qu'elle applaudit , ces murmures paffagers
rien n'autorife , ne doivent jamais
fufpendre des réfolutions que la raifon
& le goût d'accord ont approuvées.
pas
auffi portés
I les hommes n'étoient
qu'ils le font à fe livrer dans leurs opinions
à des excès toujours condamnables ,
s'ils n'autorifoient pas par des exemples
trop fouvent répétés ,à douter de l'équité de
leurs motifs , on ne pourroit leur conteſter
le droit honorable d'étendre leurs difcuffions
& leur critique fur les objets les plus
refpectables en tous genres : mais lorsqu'on
voit ( pour me reftreindre aux matieres de
goût ) qu'à peine a - t - on ofé ſubſtituer à
l'adoration d'Homere quelques recherches
fur de légers défauts , dont il eft certain
qu'il n'a pas dû être exempt , qu'auffi - tôt
on brife fes autels , on arrache fa couronne
, on méprife & on raille fes adorateurs ;
ne doit - on pas être porté à fouhaiter
qu'à l'exemple de Mahomet , on impoſe
un filence profond & mystérieux fur les
Divinités des fciences , des arts & du goût ?
Mais où fe trouvera le Légiflateur dont
la miſſion ſera affez généralement reconnue
, pour établir cette loi de prévoyance
que l'efprit impoferoit à l'efprit ? d'ailleurs,
ofer montrer de nos jours une pareille
168 MERCURE DE FRANCE.
méfiance , ne feroit- ce pas refufer à notre
fiécle ce titre refpectable de philofophe
dont il fe pare , & dont il efpere que la
postérité fera fon titre diftinctif ? Puifqu'il
en arbore l'étendart , il doit être louable
& permis aujourd'hui ou jamais de hazarder
quelques réflexions qui ont pour objet
un de ces chefs - d'oeuvres des arts faits pour
être adorés aveuglément dans un fiécle
d'enthouſiaſme & de préjugés ; mais faits
pour être difcutés dans un fiécle fage ,
éclairé , enfin dans un fiécle philofophe
comme le nôtre.
Il s'agit ici de la colonade & des projets
du rétabliſſement du Louvre.
Il est néceffaire d'établir premierement
les raifons pour lefquelles , fous le regne
de Louis XIV , les Architectes employés
à cet ouvrage ont pris pour le finir une
route différente de celle qu'avoient tenue
ceux qui l'avoient commencé.
En général , il est avantageux aux progrès
des connoiffances humaines , que les
efprits & les talens d'un fiécle profitent &
s'enrichiffent de ce que l'efprit & le talent
avoient amaffé déja de thréfors & de richeffes
; mais le profit feroit inconteſtablement
plus confidérable & plus rapide ,
fi les grands ouvrages & les vaftes projets
conduits & exécutés par la même main ,
qui
AVRIL. 11755. 1.69
qui en a tracé les efquiffes , nous offroient
plus fouvent les idées accomplies de ceux
qui les ont conçus . Il arrive malheureufement
que ces auteurs ont des jours plus
bornés que leur entreprife , & qu'après
eux on s'écarte toujours de leurs vûes , ou
bien que l'on abandonne leurs plans.
Il ne falloit pour finir l'édifice dont il
eft queftion , qu'ordonner aux Architectes
de fuivre ce qui étoit commencé , nous
aurions fous les yeux le plus fuperbe palais
de l'Europe. Louis XIV attribuant
aux artiftes les principes & les grands motifs
qui le faifoient agir , fit venir des pays
étrangers des hommes de réputation : tous
ceux qui étoient en France furent chargés
de travailler ; mais l'amour propre injufte
leur perfuada qu'il n'y avoit aucune
gloire à prétendre , s'ils fuivoient des idées
qu'ils n'auroient point créées.
On fit donc différens projets qui occafionnerent
, comme aujourd'hui , des conteftations
fans nombre parmi les artiſtes ,
& des libelles fans fin de la part des critiques,
Il fut réfolu qu'on éleveroit la colonade
pour former l'entrée du Louvre , &
que l'on doubleroit l'aîle fur la riviere ,
pour loger le Roi plus commodément dans
cette partie. 200
Réfléchiffons fur le réfultat de tant de
H
170 MERCURE DE FRANCE .
difcuffions , d'obfervations , de critiques ,
& d'avis différens .
-Quel eft - il ? 'une façade de palais fans
croifées , dont l'ufage n'a pu fe faire deviner
depuis qu'elle eft bâtie , dont les
inconvéniens font fans hombre , & dont
la beauté déplacée a cependant un droit
trop jufte fur notre admiration pour qu'on
puiffe être foupçonné de le lui refufer.
L'Architecte , emporté par le defir de concevoir
& d'enfanter une production neuve
& grande , a-t- il donc regardé comme
pen intéreffant l'ufage qu'on feroit de fes
travaux ? quelle eft la deftination de la
magnifique colonade qu'il a placée au premier
étage de cette façade L'a- t- il faite
pour placer du monde à l'arrivée , ou à la
fortie du Roi L'a - t-il ornée pour le Roi
lui-inême dans les occafions où l'on auroit
donné des fêtes dans la place fur laquelle
elle devoit dominer ? Dans l'un ou dans
l'autre cas , n'eût-il pas été encore à defirer
que la colonade fe trouvât placée dans
le milieu , comme l'endroit le plus convenable
& le plus décent ? La fuppofez - vous
propre à faciliter la communication d'un
côté du palais à l'autre ? Alors pourquoi
cette interruption ménagée pour faire une
mauvaiſe arcade , dans laquelle fe voit une
Petite porte ? C'eft ainfi que les idées de
AVRIL. 1755. 171
grandeur & cet enthouſiaſme qui femblent
pour nous un état violent , ne font pas ว
l'abri d'un mêlange de grandes & de petites
productions. J'ajoûterai encore , c'eft
ainfi que la perfection abfolue exige que
l'imagination prenne toujours l'ordre d'une
fage & utile convenance , qui eft la bafe
des fciences , des arts & du goût.
ger par
Pallons maintenant à l'examen de la façade
, qui placée du côté de la rivière , eſt
celle que l'Architecte a eu intention de
deftiner à l'appartement du Roi. A en jul'entrée
dont nous venons de parler
, & par lės progrès que doit offrir la
magnificence d'un palais , quelle devroit.
être la riche décoration de cette aîle qu'un
grand Monarque avoit choifie pour fon
féjour ? Cependant , oubliant cette conve
nance fi jufte , ou bien épuifé par l'effort
qu'il vient de faire , l'Architecte ne préfente
à notre curiofité qu'un bâtiment
froid , décoré d'architecture en bas relief,
autrement dit de pilaftres fans colonnes ,
& fans auctin avant-corps qui interrompe
par des repos & par des maffes l'ennuyeufe
monotonie qui y regne.
Des Architectes qui n'étant pas gênés ,
ont été capables de commettre des fautes
auffi avérées , ne nous autorifent - ils pas à
examiner avec moins de fertile ce qui
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
a pu
les engager à décorer la Cour d'un
troifieme ordre , par préférence à l'attique
de l'ancien projet.
Je m'imagine que deux raifons font les
principales caufes de ce changement : le
defir d'innover , & les difficultés qu'ils
ont rencontrées en voulant exécuter l'attique
, après avoir fait les façades extérieures.
Jugeons à préfent de la validité de ces
deux motifs : le premier fi général & fi
fouvent ennemi du bien , n'a pas befoin
d'une longue difcuffion . Les innovations
particulieres telles que celles - ci , ne faiſant
jamais partie d'un plan général , ont prefque
toujours l'air déplacé.
Cependant il étoit néceffaire de montrer
fa capacité : fuivre ce qui étoit commencé
, c'étoit , ou paroître plagiaire , ou
montrer un génie peu capable de reffource
& d'invention : d'ailleurs , par rapport
au dehors , qui ne peut entrer en comparaifon
avec le dedans , il falloit fe réfoudre
à fupprimer les dômes , les pavillons ,
les combles. Si l'on exécute ces retranchemens
, & fi l'on place ce feul attique , ne
paroîtra- t- il pas qu'on a cherché à appauvrir
un édifice que le projet d'un grand
Roi eft d'enrichir & d'orner ? Pourquoi
dirent- ils , cédant à toute la folidité de ces
raifons , ne formons - nous pas un troifieme
:I
AVRIL.
1755. 173
ordre qui , par fa nouveauté , fera briller
nos talens , & par fa richeffe fera conforme
au deffein de celui qui nous emploie ?
L'invention n'eft pas une déeffe docile ,
elle refuſe fouvent fes faveurs à ceux qui
les defirent . On eut beau propofer des prix
à celui qui ajoûteroit un nouvel ordre à
ceux que le caprice a fi fouvent défigurés ,
& que le bon goût a toujours rétablis ; if
ne fe trouva pas de Callimachus , & l'on
fe vit contraint de fe fervir d'une de ces
productions , dont la nouveauté fait le feut
mérite , & qu'on fe garderoit bien d'adopter
aujourd'hui.
Mais en fuppofant même que cet ordre
fût digne d'être joint à ceux que le
difcernement de tant de frécles nous a
tranfmis , feroit- il bien placé , & rendroit
il l'effet qu'on s'eft propofé ?
J'ofe répondre que non . On a eu deffein
fans doute , en fupprimant les pavillons ,
les dômes & les combles , qui ne peuvent
fubfifter relativement au dehors , de trouver
quelque chofe qui réparât cette perte.
Mais en établiffant ce troifieme ordre
dans toute l'étendue de l'édifice , tout le
bâtiment fe trouvera alors couronné à la
même hauteur & de niveau ; au lieu qu'en
confervant l'attique dans les ailes , en ádmettant
le troiſieme ordre dans les pavil-
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE .
lons des milieux , en décorant le deffus 'de
l'attique dans les quatre pavillons des angles
, cette cour intérieure préfentera une
décoration , dont le jeu détruira cette uniformité
dont l'architecture doit autant fe
garantir que les autres productions des arts.
Il feroit aifé de développer ces réflexions
& de prouver que ce projet eft celui qui
convient mieux à l'entiere perfection , fi
defirée d'un des plus beaux monumens de
la nation. Un nombre infini d'inconvéniens
dans les partis différens qu'on peut
prendre, me fourniroit une matiere qui deviendroit
infenfiblement trop abondante.
Je fouhaite feulement qu'on fe repréfente
l'effet que produira l'ordre françois exécu
té dans les petits avant- corps du milieu des
aîles , où s'en trouve à préfent le modele
en maffe. Qui pourra fupporter l'exceffive
hauteur de ces avant - corps , comparée à
leur largeur , puifqu'ils font déja trop
hauts , en y employant même l'attique.
Au refte , je ne prétens pas juftifier
abfolument l'attique des défauts qu'on
peut lui imputer ; furchargé d'ornemens ,
décoré de figures & de trophées d'une
proportion trop forte , il ne peut foutenir
fes droits avec avantage que contre
un adverfaire dont la caufe eft infiniment
moins favorable que la fienne .
AVRILIS 1755. 175
4
De plus , tout changement dans cet ouvrage
confacré par la vénération publique ,
paroîtra toujours un crime à ceux qui ,
veulent jouir du plaifir de blâmer , fans
prendre la jufte peine d'approfondir & de
s'éclairer. Mais fi la critique fondée concourt
à l'avantage des arts qu'elle éclaire ,
& à la réputation durable des artiſtes
qu'elle applaudit , ces murmures paffagers
rien n'autorife , ne doivent jamais
fufpendre des réfolutions que la raifon
& le goût d'accord ont approuvées.
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Résumé : ARCHITECTURE.
Le texte aborde les excès critiques en matière d'architecture et de goût, en prenant l'exemple de l'adoration d'Homère. L'auteur suggère qu'il est permis de discuter des chefs-d'œuvre des arts dans un siècle philosophe comme le sien, notamment en ce qui concerne la colonnade et les projets de rétablissement du Louvre. Sous le règne de Louis XIV, les architectes chargés de terminer le Louvre ont pris une direction différente de celle de leurs prédécesseurs. L'auteur souligne l'avantage de tirer profit des acquis des siècles précédents, mais note que des ouvrages exécutés par la même main offriraient des idées plus accomplies. Louis XIV fit venir des architectes étrangers et français pour travailler au Louvre. Cependant, l'amour-propre des architectes les poussa à proposer des projets différents, entraînant des contestations et des critiques. Il fut décidé d'élever la colonnade pour l'entrée du Louvre et de doubler l'aile sur la rivière pour loger le roi plus commodément. L'auteur critique la façade du palais sans croisées, dont l'usage n'est pas clair et présente de nombreux inconvénients. Il questionne la destination de la colonnade et son placement, ainsi que la façade côté rivière, destinée à l'appartement du roi, qu'il trouve froide et monotone. Les architectes ont choisi de décorer la cour d'un troisième ordre plutôt que l'attique de l'ancien projet, principalement par le désir d'innovation et les difficultés rencontrées. L'auteur juge ces motifs peu valables et critique la nouveauté de l'ordre architectural choisi, qui ne semble pas bien placé et ne produit pas l'effet souhaité. Il conclut en souhaitant que les décisions soient prises en accord avec la raison et le goût, et non influencées par des critiques superficielles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 188-189
ARCHITECTURE.
Début :
Le 15 Janvier 1755, M. Blondel, Architecte, Professeur & Directeur de l'Ecole [...]
Mots clefs :
Architecture, École des Arts, Jacques-François Blondel
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE.
ARCHITECTURE.
Leese,anvier &,Mr
E15 Janvier 175 § , M. Blondel , Archide
l'Eco-
LE DES ARTS , rue de la Harpe , près de la
JANVIER. 1755. 189
Sorbonne , fera l'ouverture de fon fecond
cours public élémentaire d'Architecture ,
par un difcours hiftorique qui fervira d'in
troduction à l'Architecture & aux autres
arts qui ont relation avec elle . Il fera
compofé de quarante leçons , qui feront
données régulierement tous les jeudis &
famedis de chaque femaine , depuis trois
heures jufqu'à cinq. L'objet de ce cours
élémentaire eft la connoiffance de l'Architecture
, qui eft indiſpenſablement néceffaire
aux hommes en place. Pour cela on
difcutera en général les opinions des Anciens
& des Modernes , & l'on y traitera
en particulier des principes de la décoration
, de la diftribution & de la conftruction
des bâtimens , de la convenance
de la proportion , de la fymmétrie & de
tous les arts de goût , fans lefquels il eſt
impoffible de parvenir à difcerner le bon ,
le médiocre & le défectueux .
Leese,anvier &,Mr
E15 Janvier 175 § , M. Blondel , Archide
l'Eco-
LE DES ARTS , rue de la Harpe , près de la
JANVIER. 1755. 189
Sorbonne , fera l'ouverture de fon fecond
cours public élémentaire d'Architecture ,
par un difcours hiftorique qui fervira d'in
troduction à l'Architecture & aux autres
arts qui ont relation avec elle . Il fera
compofé de quarante leçons , qui feront
données régulierement tous les jeudis &
famedis de chaque femaine , depuis trois
heures jufqu'à cinq. L'objet de ce cours
élémentaire eft la connoiffance de l'Architecture
, qui eft indiſpenſablement néceffaire
aux hommes en place. Pour cela on
difcutera en général les opinions des Anciens
& des Modernes , & l'on y traitera
en particulier des principes de la décoration
, de la diftribution & de la conftruction
des bâtimens , de la convenance
de la proportion , de la fymmétrie & de
tous les arts de goût , fans lefquels il eſt
impoffible de parvenir à difcerner le bon ,
le médiocre & le défectueux .
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Résumé : ARCHITECTURE.
Le document annonce l'ouverture d'un cours public élémentaire d'architecture par M. Blondel à l'École des Arts, rue de la Harpe, près de la Sorbonne, à partir du 18 janvier 1755. Ce cours, composé de quarante leçons, se tiendra chaque jeudi et samedi de trois à cinq heures. Il vise à fournir une connaissance indispensable de l'architecture aux hommes en place. Le programme inclut des discussions sur les opinions des Anciens et des Modernes, ainsi que des principes de la décoration, de la distribution et de la construction des bâtiments, de la convenance, de la proportion, de la symétrie et des arts de goût. Ces éléments sont jugés essentiels pour distinguer le bon, le médiocre et le défectueux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 135-143
ARCHITECTURE. Observations sur la maniere dont sont decorés les extéieurs de nos églises ; par M. Patte, Architecte.
Début :
Quelque libre que paroisse la composition des édifices, il est, pour ainsi [...]
Mots clefs :
Églises, Extérieurs, Décoration, Portail, Ordres, Architectes
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texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE. Observations sur la maniere dont sont decorés les extéieurs de nos églises ; par M. Patte, Architecte.
ARCHITECTURE .
Obfervationsfur la maniere dont font decorés
les extérieurs de nos églifes ; par M. Patte,,
Architecte.
Uelque libre
que paroiffe la compofition
des édifices , il eft , pour ainfi
dire , une forte de coftume de décoration ,
tant intérieure qu'extérieure
, que l'on doit
obferver relativement
à leurs ufages & à
leurs deſtinations
: la décoration qui convient
à une fontaine , ne doit pas convenir
à un retable d'autel , celle d'un Palais à
un Hôpital ; & il ne feroit pas moins ridicule
d'affecter à une maifon ordinaire
la décoration
qui convient
à une égliſe ,
que d'affecter à une égliſe la décoration
d'un bâtiment ordinaire ; cependant il eſt
rare & très- rare qu'un édifice foit compofé
de maniere à annoncer fa deftination
,
de forte qu'on ne puiffe s'y méprendre
.
Cette partie de l'art eft des plus difficiles ,
& il n'appartient qu'aux Architectes du
premier ordre d'y réuffir ..
Nous n'avons point d'édifices publics
où ce défaut foit plus fenfible que dans
l'extérieur de nos églifes ; & il eft étonnant
que nos Architectes françois ayent
136 MERCURE DE FRANCE.
-
été jufqu'ici fi peu attentifs à la convenance
de leurs compofitions. En effet eft il
naturel d'élever , ainfi qu'on le pratique
tous les jours , plufieurs ordres de colonnes
les uns au- deffus des autres pour décorer
leurs portails cette ordonnance ne femble
- t - elle pas donner au dehors de nos
temples l'air d'un édifice fait pour être habité?
car les différens ordres extérieurs ont
toujours coutume d'annoncer les différens
étages de l'intérieur d'un bâtiment , ce
qu'il eft affûrement abfurde de fuppofer
dans une églife .
Pour mieux faire fentir le vice de cette
décoration , oppofons-lui par contraſte la
maniere dont les anciens, nos Maîtres dans
les beaux Arts , décoroient ces fortes d'édifices
; ils penfoient avec raifon devoir
caractériſer les dehors de la demeure de
l'Etre fuprême par un enfemble grand &
majestueux , qui écartât toute idée d'un bâtiment
ordinaire ; ils employoient pourcet
effet un feul ordre coloffal , formant un
periftyle ou porche au pourtour , & cou-.
ronné par un fronton du côté de l'entrée ,
dans le tympan duquel étoit repréſenté
un bas - relief en rapport avec la dédicace
de leurs temples.
C'eft ainfi qu'étoient décorés les plus
beaux temples de la Grece & de l'Italie ,
MA I. 1755. 137
y
dont nous avons , foit des defcriptions ,
foit de précieux reftes, qui font encore aujourd'hui
, jufques dans leurs ruines , l'étonnement
des plus grands Maîtres ; c'eſt
ainfi que Michel Ange & Palladio , les
deux plus habiles Architectes modernes de
l'Italie , ont compofé les différens portails
qu'ils ont fait exécuter à Rome , à Venife
& autres lieux.
Pour quelle raifon les Architectes de
nos jours fe font- ils donc écartés d'une
compofition fi judicieufe aux portails des
églifes de S. Gervais , de la Sorbonne , du
Val-de- Grace , des Invalides , de S. Roch ,
de S. Sulpice , de l'Oratoire , des Petits Pe
de S. Euftache , qu'on conftruit actuellement
, & autres ?On voit par-tout dans
res ,
* Outre le défaut de plufieurs ordres élevés les
uns au - deffus des autres qu'aura ce porrail que
l'on diftribue gravé dans le public , il en aura un
fingulier , & qu'il eft étonnant qu'on n'ait pas prévú
lors de fa compofition . Au fecond ordre ionique
les deux colonnes du milieu qui font retraite
, afin de laiffer profiler les deux tours , paroîtront
par l'optique , tronquées plufieurs pieds au- deffus
de leurs bafes , à caufe de la grande faillie de
l'entablement dorique , qui aura vis- à-vis de ces
colonnes environ neuf à dix pieds ; ce qui fera
un très- mauvais effet en exécution. On commence
à mettre la main à l'oeuvre , & on réfléchit
enfuite ; ne devroit-ce pas toujours être le con
traire ?
138 MERCURE DE FRANCE.
leurs élévations deux ou trois ordres , furmontés
les uns au- deffus des autres, contre
toute idée de convenance. Entrons un peu
dans l'examen de ce qui a pu donner lieu
à cette forte de décoration .
L'Architecture fortoit à peine de la barbarie
gothique où elle étoit demeurée
plongée depuis tant de fiécles , que l'on
vit élever par De Broffes le portail de l'églife
de S. Gervais ; la réputation que s'acquit
d'abord ce monument par fa nouveauté
& par la beauté de l'exécution de fes
différens ordres , féduifit au point defaire
illufion au vice radical de l'ordonnance
de fa compofition : les éloges que l'on prodigua
à cet édifice firent croire aux Architectes
qui vinrem enfuite , que c'étoit
un modele qu'ils ne pouvoient fe difpenfer
d'imiter en de femblables occafions ;
de la font venus tous ces portails compofés
, pour ainfi dire , fur le même moule
& tous également repréhenfibles , puifqu'ils
s'écartent d'une fage & judicieufe
convenance qui doit être la baſe des arts
& du goût.
On pourra peut - être objecter que la
grande élévation des couvertures de nos
églifes oblige d'élever ainfi plufieurs ordres
pour pouvoir les cacher. A cela il eft
facile de répondre qu'il n'y a qu'à fuppri
MA I. 1755. 139
mer ces énormes toîts de charpente , qui
ne font qu'un ufage abufif fans aucune néceffité
, la voûte plein- ceintre de la nef
d'une égliſe couverte de dalles de pierre à
recouvrement , & jointoyées avec de la limaille
d'acier & de l'urine , eft le feul toît
qui convienne au fanctuaire de la Divinité
on a une expérience reconnue de
cette conftruction , & c'eft ainfi qu'étoient
couverts la plupart des temples des Grecs
& des Romains.
De plus , à l'aide de la maniere de décorer
des anciens , il eſt toujours poffible
d'atteindre à toutes les hauteurs que l'on
peut defirer fans le fecours de plufieurs
ordres , ainfi qu'on pourra le remarquer
dans un projet * que j'ai compofé à ce
deffein pour le grand portail de l'églife
de S. Euftache , en m'affujettiffant à la
hauteur de la nef , qui eft affurement une
des plus élevées de nos Eglifes de Paris.
La vûe de cette eftampe pourra fervir à
convaincre par comparaifon , combien
* Ce projet , auffi -bien que celui qui a été compofé
par Louis le Vau , célebre Architecte , fous
le miniftere de M. de Colbert , & dont on a vu le
modele expofé pendant quelque tems dans l'églife
de S. Euftache , fe vendent à Paris chez l'auteur
rue des Noyers , la fixieme porte cochere à droite:
en entrant par la rue S. Jacques. Prix 1 liv. 4 £.
140 MERCURE DE FRANCE.
cette maniere de traiter ces fortes d'édifices
eft préférable à tous égards à celle
qui a été ufitée jufqu'ici en France.
Un autre avantage qui réfulteroit de
l'emploi d'un ordre coloffal dans nos portails
, eft qu'en le faiſant regner à l'entour
de nos églifes , leur extérieur qui a
coutume d'être fi fort négligé , feroit décoré
naturellement , & cacheroit les arcsboutans
qui font toujours à l'oeil un effer
defagréable ; & quoique par la même raifon
les croifées de la nef ne s'apperçuffent
pas en dehors , l'intérieur de nos églifes
n'en feroit pas moins éclairé , comme on
peut le remarquer dans celle de S. Pierre
de Rome .
Ce défaut de difcernement de nos Architectes
dans la maniere de décorer les
portails , n'eft pas le feul qu'on puiffe leur
reprocher : eft- il décent que la plupart de
nos églifes modernes , ( j'en excepte celle
de S. Sulpice ) ne foient pas toujours précédées
de porches ou veftibules où l'on puiffe
fe préparer au recueillement convenable
avant d'y entrer ? c'eft , ( le dirai - je à notre
honte ) une attention à laquelle les anciens
ne manquoient point ; un réglement
fur la décence de la conftruction de nos
églifes honoreroit affurément la pieté de
nos Magiſtrats.
MA I. 1755. 141
Enfin eft- il convenable de placer les armes
d'un Prince ou d'un homme en place
dans le tympan des frontons de nos portails
, ainfi qu'on le pratique affez fouvent ?
& ne feroit -il pas plus raifonnable de fubftituer
à ces ornemens mondains , & étrangers
à la religion , des bas- reliefs relatifs à
la piété & à la dédicace de nos temples ?
Efperons que le nouveau plan qu'on fe
propofe d'exécuter pour l'églife de fainte
Génevieve nous donnera un modele en
ce genre , & que Paris , l'émule de l'ancienne
Rome , fera décoré d'un temple qui
en fera l'ornement ; l'emplacement
eft des
plus favorables pour exécuter du beau , &
fans doute les voeux du public feront remplis
à cet égard, Dans une grande ville qui
abonde en étrangers & en connoiffeurs
de
toutes les nations , il n'eft rien de plus facile
que d'avoir des confeils éclairés , il
ne faut dans les perfonnes en place que la
bonne volonté de les mettre à profit . Il y
a deux moyens ufités pour réuffir à faire
exécuter du beau en architecture ; l'un de
choifir un Architecte reconnu pour habile ,
l'autre de propofer un concours dont le
public foit juge : le premier n'eft pas toujours
auffi für que le fecond ; on a pour
expérience que les plus habiles gens ne fe
montrent pas toujours tels. Si la réputa142
MERCURE DE FRANCE.
tion eût dû faire préférer un Architecte
pour la conftruction du Louvre , affurément
le Bernin * auroit eu la préférence
fur Perrault ; aucun Artiſte de fon tems ne
jouiffoit d'une réputation auffi brillante
dans l'Europe ; & cependant fi fon projet
qui eft gravé , avoit eu lieu , il ne feroit pas
à la France l'honneur que lui fait celui qui
a été exécuté. On pourroit citer nombre
d'exemples femblables , où de célebres Artiftes
, dans de grandes occafions , fe font
fait voir au -deffous de leur réputation.
Le fecond ( je veux dire un concours ) eft
prefque infaillible ; mais pour qu'il ait fon
efficacité , il faut que l'on foit bien perfuadé
que les perfonnes en place ont une
ferme réfolution de couronner le meilleur
projet par l'exécution ; que les recommendations
& les titres ne feront point admis
en concurrence , c'eſt le moyen d'encourager
le talent ; & plus d'une fois l'on a vû
* Pour attirer le Cavalier Bernin en France
pour la conftruction du Louvre , Louis XIV lui
affûra une penfion de fix mille livres pendant fa
vie , & une gratification de cinquante mille écus ;
il lui envoya en même tems fon portrait orné de
diamans. Outre les frais de fon voyage qui devoient
lui être payés , on lui promit encore cent
livres par jour pendant fon féjour à Paris , tant
étoit grande l'eftime que l'on avoit conçue pour
la haute capacité de cet artiſte.
1
MA I. 1755. 143
en pareil cas l'émulation faire enfanter des
merveilles , qui ne fe feroient jamais produites
fans cette voie. A la fin d'un falon
de MM. les Peintres du Roi , on ſçait , à
n'en pas douter , quels font les meilleurs
tableaux ; on fçauroit pareillement quels
feroient les meilleurs projets. Combien de
monumens embelliroient Paris & nos provinces
, fi l'on s'étoit fouvent fervi de cette
voie ?
Obfervationsfur la maniere dont font decorés
les extérieurs de nos églifes ; par M. Patte,,
Architecte.
Uelque libre
que paroiffe la compofition
des édifices , il eft , pour ainfi
dire , une forte de coftume de décoration ,
tant intérieure qu'extérieure
, que l'on doit
obferver relativement
à leurs ufages & à
leurs deſtinations
: la décoration qui convient
à une fontaine , ne doit pas convenir
à un retable d'autel , celle d'un Palais à
un Hôpital ; & il ne feroit pas moins ridicule
d'affecter à une maifon ordinaire
la décoration
qui convient
à une égliſe ,
que d'affecter à une égliſe la décoration
d'un bâtiment ordinaire ; cependant il eſt
rare & très- rare qu'un édifice foit compofé
de maniere à annoncer fa deftination
,
de forte qu'on ne puiffe s'y méprendre
.
Cette partie de l'art eft des plus difficiles ,
& il n'appartient qu'aux Architectes du
premier ordre d'y réuffir ..
Nous n'avons point d'édifices publics
où ce défaut foit plus fenfible que dans
l'extérieur de nos églifes ; & il eft étonnant
que nos Architectes françois ayent
136 MERCURE DE FRANCE.
-
été jufqu'ici fi peu attentifs à la convenance
de leurs compofitions. En effet eft il
naturel d'élever , ainfi qu'on le pratique
tous les jours , plufieurs ordres de colonnes
les uns au- deffus des autres pour décorer
leurs portails cette ordonnance ne femble
- t - elle pas donner au dehors de nos
temples l'air d'un édifice fait pour être habité?
car les différens ordres extérieurs ont
toujours coutume d'annoncer les différens
étages de l'intérieur d'un bâtiment , ce
qu'il eft affûrement abfurde de fuppofer
dans une églife .
Pour mieux faire fentir le vice de cette
décoration , oppofons-lui par contraſte la
maniere dont les anciens, nos Maîtres dans
les beaux Arts , décoroient ces fortes d'édifices
; ils penfoient avec raifon devoir
caractériſer les dehors de la demeure de
l'Etre fuprême par un enfemble grand &
majestueux , qui écartât toute idée d'un bâtiment
ordinaire ; ils employoient pourcet
effet un feul ordre coloffal , formant un
periftyle ou porche au pourtour , & cou-.
ronné par un fronton du côté de l'entrée ,
dans le tympan duquel étoit repréſenté
un bas - relief en rapport avec la dédicace
de leurs temples.
C'eft ainfi qu'étoient décorés les plus
beaux temples de la Grece & de l'Italie ,
MA I. 1755. 137
y
dont nous avons , foit des defcriptions ,
foit de précieux reftes, qui font encore aujourd'hui
, jufques dans leurs ruines , l'étonnement
des plus grands Maîtres ; c'eſt
ainfi que Michel Ange & Palladio , les
deux plus habiles Architectes modernes de
l'Italie , ont compofé les différens portails
qu'ils ont fait exécuter à Rome , à Venife
& autres lieux.
Pour quelle raifon les Architectes de
nos jours fe font- ils donc écartés d'une
compofition fi judicieufe aux portails des
églifes de S. Gervais , de la Sorbonne , du
Val-de- Grace , des Invalides , de S. Roch ,
de S. Sulpice , de l'Oratoire , des Petits Pe
de S. Euftache , qu'on conftruit actuellement
, & autres ?On voit par-tout dans
res ,
* Outre le défaut de plufieurs ordres élevés les
uns au - deffus des autres qu'aura ce porrail que
l'on diftribue gravé dans le public , il en aura un
fingulier , & qu'il eft étonnant qu'on n'ait pas prévú
lors de fa compofition . Au fecond ordre ionique
les deux colonnes du milieu qui font retraite
, afin de laiffer profiler les deux tours , paroîtront
par l'optique , tronquées plufieurs pieds au- deffus
de leurs bafes , à caufe de la grande faillie de
l'entablement dorique , qui aura vis- à-vis de ces
colonnes environ neuf à dix pieds ; ce qui fera
un très- mauvais effet en exécution. On commence
à mettre la main à l'oeuvre , & on réfléchit
enfuite ; ne devroit-ce pas toujours être le con
traire ?
138 MERCURE DE FRANCE.
leurs élévations deux ou trois ordres , furmontés
les uns au- deffus des autres, contre
toute idée de convenance. Entrons un peu
dans l'examen de ce qui a pu donner lieu
à cette forte de décoration .
L'Architecture fortoit à peine de la barbarie
gothique où elle étoit demeurée
plongée depuis tant de fiécles , que l'on
vit élever par De Broffes le portail de l'églife
de S. Gervais ; la réputation que s'acquit
d'abord ce monument par fa nouveauté
& par la beauté de l'exécution de fes
différens ordres , féduifit au point defaire
illufion au vice radical de l'ordonnance
de fa compofition : les éloges que l'on prodigua
à cet édifice firent croire aux Architectes
qui vinrem enfuite , que c'étoit
un modele qu'ils ne pouvoient fe difpenfer
d'imiter en de femblables occafions ;
de la font venus tous ces portails compofés
, pour ainfi dire , fur le même moule
& tous également repréhenfibles , puifqu'ils
s'écartent d'une fage & judicieufe
convenance qui doit être la baſe des arts
& du goût.
On pourra peut - être objecter que la
grande élévation des couvertures de nos
églifes oblige d'élever ainfi plufieurs ordres
pour pouvoir les cacher. A cela il eft
facile de répondre qu'il n'y a qu'à fuppri
MA I. 1755. 139
mer ces énormes toîts de charpente , qui
ne font qu'un ufage abufif fans aucune néceffité
, la voûte plein- ceintre de la nef
d'une égliſe couverte de dalles de pierre à
recouvrement , & jointoyées avec de la limaille
d'acier & de l'urine , eft le feul toît
qui convienne au fanctuaire de la Divinité
on a une expérience reconnue de
cette conftruction , & c'eft ainfi qu'étoient
couverts la plupart des temples des Grecs
& des Romains.
De plus , à l'aide de la maniere de décorer
des anciens , il eſt toujours poffible
d'atteindre à toutes les hauteurs que l'on
peut defirer fans le fecours de plufieurs
ordres , ainfi qu'on pourra le remarquer
dans un projet * que j'ai compofé à ce
deffein pour le grand portail de l'églife
de S. Euftache , en m'affujettiffant à la
hauteur de la nef , qui eft affurement une
des plus élevées de nos Eglifes de Paris.
La vûe de cette eftampe pourra fervir à
convaincre par comparaifon , combien
* Ce projet , auffi -bien que celui qui a été compofé
par Louis le Vau , célebre Architecte , fous
le miniftere de M. de Colbert , & dont on a vu le
modele expofé pendant quelque tems dans l'églife
de S. Euftache , fe vendent à Paris chez l'auteur
rue des Noyers , la fixieme porte cochere à droite:
en entrant par la rue S. Jacques. Prix 1 liv. 4 £.
140 MERCURE DE FRANCE.
cette maniere de traiter ces fortes d'édifices
eft préférable à tous égards à celle
qui a été ufitée jufqu'ici en France.
Un autre avantage qui réfulteroit de
l'emploi d'un ordre coloffal dans nos portails
, eft qu'en le faiſant regner à l'entour
de nos églifes , leur extérieur qui a
coutume d'être fi fort négligé , feroit décoré
naturellement , & cacheroit les arcsboutans
qui font toujours à l'oeil un effer
defagréable ; & quoique par la même raifon
les croifées de la nef ne s'apperçuffent
pas en dehors , l'intérieur de nos églifes
n'en feroit pas moins éclairé , comme on
peut le remarquer dans celle de S. Pierre
de Rome .
Ce défaut de difcernement de nos Architectes
dans la maniere de décorer les
portails , n'eft pas le feul qu'on puiffe leur
reprocher : eft- il décent que la plupart de
nos églifes modernes , ( j'en excepte celle
de S. Sulpice ) ne foient pas toujours précédées
de porches ou veftibules où l'on puiffe
fe préparer au recueillement convenable
avant d'y entrer ? c'eft , ( le dirai - je à notre
honte ) une attention à laquelle les anciens
ne manquoient point ; un réglement
fur la décence de la conftruction de nos
églifes honoreroit affurément la pieté de
nos Magiſtrats.
MA I. 1755. 141
Enfin eft- il convenable de placer les armes
d'un Prince ou d'un homme en place
dans le tympan des frontons de nos portails
, ainfi qu'on le pratique affez fouvent ?
& ne feroit -il pas plus raifonnable de fubftituer
à ces ornemens mondains , & étrangers
à la religion , des bas- reliefs relatifs à
la piété & à la dédicace de nos temples ?
Efperons que le nouveau plan qu'on fe
propofe d'exécuter pour l'églife de fainte
Génevieve nous donnera un modele en
ce genre , & que Paris , l'émule de l'ancienne
Rome , fera décoré d'un temple qui
en fera l'ornement ; l'emplacement
eft des
plus favorables pour exécuter du beau , &
fans doute les voeux du public feront remplis
à cet égard, Dans une grande ville qui
abonde en étrangers & en connoiffeurs
de
toutes les nations , il n'eft rien de plus facile
que d'avoir des confeils éclairés , il
ne faut dans les perfonnes en place que la
bonne volonté de les mettre à profit . Il y
a deux moyens ufités pour réuffir à faire
exécuter du beau en architecture ; l'un de
choifir un Architecte reconnu pour habile ,
l'autre de propofer un concours dont le
public foit juge : le premier n'eft pas toujours
auffi für que le fecond ; on a pour
expérience que les plus habiles gens ne fe
montrent pas toujours tels. Si la réputa142
MERCURE DE FRANCE.
tion eût dû faire préférer un Architecte
pour la conftruction du Louvre , affurément
le Bernin * auroit eu la préférence
fur Perrault ; aucun Artiſte de fon tems ne
jouiffoit d'une réputation auffi brillante
dans l'Europe ; & cependant fi fon projet
qui eft gravé , avoit eu lieu , il ne feroit pas
à la France l'honneur que lui fait celui qui
a été exécuté. On pourroit citer nombre
d'exemples femblables , où de célebres Artiftes
, dans de grandes occafions , fe font
fait voir au -deffous de leur réputation.
Le fecond ( je veux dire un concours ) eft
prefque infaillible ; mais pour qu'il ait fon
efficacité , il faut que l'on foit bien perfuadé
que les perfonnes en place ont une
ferme réfolution de couronner le meilleur
projet par l'exécution ; que les recommendations
& les titres ne feront point admis
en concurrence , c'eſt le moyen d'encourager
le talent ; & plus d'une fois l'on a vû
* Pour attirer le Cavalier Bernin en France
pour la conftruction du Louvre , Louis XIV lui
affûra une penfion de fix mille livres pendant fa
vie , & une gratification de cinquante mille écus ;
il lui envoya en même tems fon portrait orné de
diamans. Outre les frais de fon voyage qui devoient
lui être payés , on lui promit encore cent
livres par jour pendant fon féjour à Paris , tant
étoit grande l'eftime que l'on avoit conçue pour
la haute capacité de cet artiſte.
1
MA I. 1755. 143
en pareil cas l'émulation faire enfanter des
merveilles , qui ne fe feroient jamais produites
fans cette voie. A la fin d'un falon
de MM. les Peintres du Roi , on ſçait , à
n'en pas douter , quels font les meilleurs
tableaux ; on fçauroit pareillement quels
feroient les meilleurs projets. Combien de
monumens embelliroient Paris & nos provinces
, fi l'on s'étoit fouvent fervi de cette
voie ?
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Résumé : ARCHITECTURE. Observations sur la maniere dont sont decorés les extéieurs de nos églises ; par M. Patte, Architecte.
Dans son texte 'Observations sur la manière dont font décorés les extérieurs de nos églises', l'architecte M. Patte critique les erreurs courantes dans la décoration des églises françaises. Il insiste sur l'importance de choisir une décoration adaptée à la fonction de chaque type de bâtiment. Patte reproche l'utilisation de plusieurs ordres de colonnes superposés sur les portails des églises, une pratique qui, selon lui, donne l'impression que les églises sont des bâtiments habités. Il compare cette approche à la manière dont les anciens décoraient leurs temples, en utilisant un seul ordre colossal pour créer une apparence majestueuse et grandiose. Patte mentionne que les architectes français ont souvent imité le portail de l'église Saint-Gervais, conçu par De Broffes, malgré ses défauts. Il propose de supprimer les toits de charpente et d'utiliser des voûtes en plein cintre pour les églises, comme le faisaient les Grecs et les Romains. Il suggère également d'utiliser des ordres colossaux pour décorer les extérieurs des églises, ce qui cacherait les arcs-boutants et améliorerait l'esthétique. Le texte critique également l'absence de porches ou de vestibules dans les églises modernes, ainsi que la présence d'armes profanes dans les tympans des frontons. Patte espère que le nouveau plan pour l'église Sainte-Geneviève servira de modèle. Il recommande de choisir des architectes compétents ou d'organiser des concours pour garantir la qualité des projets architecturaux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 144-155
ARCHITECTURE. Lettre de M.... à M. le Comte de Ch. sur le Louvre. (a)
Début :
Je veux vous faire part, Monsieur, d'une critique du péristile du Louvre que je [...]
Mots clefs :
Architecture, Façade, Louvre, Monument, Édifices, Péristyle, Palais
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texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE. Lettre de M.... à M. le Comte de Ch. sur le Louvre. (a)
ARCHITECTURE.
Lettre de M.... à M. le Comte de Ch.
fur le Louvre. (a )
E veux vous faire part, Monfieur , d'une
queje
viens de voir dans le Mercure d'Avril . Je
connois la chaleur de votre intérêt pour ce
célebre monument , & je crois vous donner
une preuve finguliere de mon amitié ,
en vous expofant les prétendus défauts
qu'attaque ce cenfeur anonyme.
Il m'a paru un homme de l'art , mais on
découvre aifément à travers les éloges qu'il
donne à ce beau monument , que fon admiration
eft plus contrainte que fincere. Il
demande d'abord qu'on lui permette quelques
réflexions hazardées fur un de ces chefsd'oeuvres
des arts ( b ) faits pour être adorés
aveuglément dans un fiecle d'enthousiasme
& de préjugés ( reconnoît- on à ces traits
le fiécle de Louis XIV ? ) ( c) maisfaits pour
( a ) Les notes qui accompagnent cette lettre
Tont d'un Artiſte auffi éclairé qu'impartial.
(6) Le périftile.
(c) Non fans doute , le Cenfeur a pu le dire
être
JUIN. 1755. 145
être difcutés dans un fiècle fage , éclairé
enfin dans un fiécle philofophe comme le nôtre.
Ce fiécle , tout philofophe qu'il eft ,
pourra-t-il nous indiquer quelques- uns de
Les chefs - d'oeuvres qui ayent furpaffé ou
même approché de ceux du fiécle dernier
dans tous les genres ? ›
Une nouvelle du
preuve peu d'équité ,
& j'oſe dire du peu de goût de ce nouveau
cenfeur , c'eft qu'au lieu de faire élever
cette admirable façade , il eût fouhaité de
faire achever le Louvre fur les mêmes deffeins
de l'ancien ; & nous aurions , dit - il ,
fous les yeux le plus fuperbe palais de l'Europe.
L'on ne fçauroit marquer un mépris
plus injurieux pour l'architecture de Perrault
qu'en lui préférant un édifice où l'on
ne trouve ni compofition , ni proportions ,
en général de tout fiécle où l'on n'auroit pas les
lumieres néceflaires pour diftinguer ce qui eft digne
d'admiration de ce qui eft repréhensible ; il
n'y a nulle apparence que dans le fiécle paffé ce
grand ouvrage ait échappé à la critique de tant
d'habiles Artiftes qui fe diftinguerent alors ; mais
il eft arrivé ce qui arrivera toujours : quelques
défauts qu'on puiffe démontrer dans un bel ou
vrage , ce qu'il a de beau lui attirera l'admiration
, & payera avec ufure pour les défauts qui
peuvent s'y rencontrer : de là l'inutilité des critiques
, fi ce n'eft pour l'inftruction de ceux qui
étudient , de peur qu'ils n'imitent ces défauts
comme confacrés.
II. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
ni régles. Trois frontons enclavés les
uns dans les autres , des Caryatides placées
à un fecond étage , des ornemens à la
vérité d'un bon deffein & d'une belle exécution
, mais prefque tous déplacés , fuperflus
& prodigués fans choix. ( d )
Sur quel fondement attribuer enfuite à
l'injuftice de l'amour propre des Architectes
de Louis XIV , le refus de fuivre cet
ancien plan qu'il eftime fi fort , pour y
fubftituer par vanité leurs propres idées ?
Ne fe préfentoit- il pas un motif plus naturel
& plus équitable ? celui de mettre à
profit dans une occafion fi heureuſe & fi
rare les progrès de l'efprit humain , celui
des connoiffances & des talens , la fcience
des vraies proportions , l'eftime & la pré-
( d ) L'Auteur tombe ici dans le même défaut
qu'il reproche à fon adverſaire , en faiſant la cririque
d'un morceau qui eft rempli d'affez de
beautés pour mériter fon refpect ; d'ailleurs, quand
fon antagoniſte a dit ce qu'il lui reproche , ce
n'eft point à cette partie du Louvre qu'il faifoit
allufion , mais à celle qui du côté de la riviere ſe
trouve maſquée par ce que M. Perrault a bâti devant
, & on a en effet lieu d'en regretter la perte ,
cette partie étant , au fentiment de plufieurs , plus
belle que ce qui la cache : il eft vrai qu'elle ne
pouvoit s'allier avec le périftile du Louvre ; mais
e - il ridicule de defirer que Perrault eût trouvé
le moyen
de faire une belle chofe fans en facri
fier une autre déja faite ?
JUIN. · 1755. 147
férence de ce beau fimple à l'abondance &
à la profufion des ornemens , reffource ordinaire
de l'ignorance & du défaut de goût ?
Que réfulte - t - il du fentiment de notre
Ariftarque ? une façade de palais fans
croifées , dont on n'a pu deviner jusqu'à
préfent l'ufage & la deftination , & dont les
inconvéniens font fans nombre , & les beautés
déplacées ? Il fe donne bien de garde de
nous détailler aucune de ces beautés , ni
d'en louer les perfections. Il commence par
chercher des défauts à cette façade , pour
affoiblir l'impreffion d'admiration dont
elle frappe tous les regards , en s'efforçant
de rendre cette admiration injufte & pref
que ridicule ; mais il n'eſt aifé de combattre
avec fuccès une approbation univerfelle
, & foutenue pendant le cours de
près d'un fiécle.
pas
Il dir que l'on n'a pu deviner jufqu'à
préfent la deftination de cette façade ; mais
n'auroit-il pas dû s'en informer avant de la
condamner ? Je crois pouvoir l'en inftruire
après avoir répondu à un reproche qu'il
fait à M. Perrault , & que ce grand architecte
n'a point mérité.
Il l'accufe de n'avoir interrompu la
communication de ce périftile que pour
faire une mauvaiſe arcade & une petite
porte . Quelle apparence qu'une porte auffi
Gij
148 MERCURE DE FRANCE,
fimple ait été chez un auffi grand compofiteur
l'objet de cette interruption ! le bon
fens peut-il adopter une idée fifinguliere ?
Ces deux périftiles ont chacun deux portes
à leurs deux extrêmités , qui leur font
fuffifantes. Etoit - il fenfé que l'architecte .
fupprimât ou gâtât ce beau pavillon du
milieu pour donner plus d'étendue à deux
périftiles qui ont chacun plus de trentecinq
toifes : d'ailleurs quelle raiſon a- t- il
d'appeller une mauvaife arcade une porte
dont les proportions font excellentes , & à
laquelle on ne pouvoit donner qu'une forme
ceintrée fans la rendre défectueufe ?
Eft-il mieux fondé de blâmer la petite.
porte placée dans un renfoncement de
douze pieds de profondeur , & fans laquelle
il eût été impoffible de fermer le
Louvre ? Eût-on pû mettre des venteaux à
une ouverture de quarante-deux pieds de
hauteur ? Il étoit donc indifpenfable d'en
menager avec art une plus petite , que l'on
pûr ouvrir & fermer(e). Je reviens à l'ufage
f. 1
-L'Auteur.veut ici excufer un défaut inexcu→
fable , & qui eft reconnu univerfellement pour tel.
Je parle de cette porte ceintrée qui interrompt le
périftile en dedans & en dehors , ce n'eft pas là
deffus qu'il faut défendre Perrault : d'ailleurs it
eft inutile qu'une porte foit dans une autre , la
porte quarrée fufifoite, qus der
A
JUIN. 1755 . 149
& à la deſtination de cette façade , qui eft
pour notre critique un problême , & dont
je lui ai promis la folution .
Il est très- certain , & je l'ai fçu par Mrs
Defgot & Boffrand qui avoient connu M.
Perrault dans leur jeuneffe , que lorfque
Louis XIV déclara qu'il vouloit le frontifpice
de fon Louvre enrichi de tout ce
que l'architecture avoit acquis de perfection
fous fon regne , & de tout ce qu'elle
pouvoit produire de plus régulier en même-
tems , & de plus conforme aux belles
proportions & à la majeftueufe fimplicité
de l'architecture antique , il n'eut aucune
intention d'habiter jamais ce Palais , mais
feulement d'élever à fon entrée un édifice
dont la magnificence égalât & la grandeur
de fes idées , & la dignité d'une maifon que
la nation regardoit comme celle de fon
Roi , par les honneurs qu'il avoit attachés
à fes entrées. Il vouloit encore qu'elle pût
fervir aux fiécles à venir de monument &
de témoin évident & inconteſtable des
merveilles de fon regne dans tous les genres
, mais fur-tout dans celui de la perfection
des beaux Arts . Il y eut encore un autre
motif qui détermina à employer dans
cette façade tout ce que l'architecture avoit
de plus majestueux & de plus frappant . Le
deffein de M. Colbert étoit d'ouvrir une
Giij
150 MERCURE DE FRANCE .
large & belle rue vis- à-vis le Louvre , qui
auroit été continuée jufques à l'arc de
triomphe du fauxbourg S. Antoine , & qui
auroit fervi d'avenue au plus vafte palais
par fon enceinte qu'il y eût eu en Europe ,
puifqu'il étoit décidé qu'on éleveroit du
côté de la rue S. Honoré une galerie parallele
à l'ancienne qui eft fur la riviere ,
& qu'il n'y auroit aucun bâtiment entre le
Louvre & le palais des Tuileries. Quelle
décoration n'exigeoit pas l'objet d'un point
de vue d'une fi prodigieufe étendue ( ƒ) !
Louis XIV , en qui l'excellence d'un
goût naturel égaloit fon amour pour le
grand en tout , ne fut point fatisfait de
plufieurs deffeins qui lui furent préfentés ,
où les croifées n'avoient point été oubliées,
& fur-tout dans celui du Cavalier Bernin
(g ) : mais Perrault fçut faifir en ha-
(f)Toutes les raifons que l'Auteur apporte ici
autorifent Perrault à faire un monument de la
plus grande magnificence & d'une grandeur coloffale
, mais nullement à interrompre par une
arcade fon architecture , & à faire le milieu plein
& maffif comme il eft . A l'égard du défaut de croifées
, il est très-bien juftifié , parce qu'en effet les
niches préfenteront toujours un plus riche fpectacle
que des fenêtres.
(g ) Le projet du Bernin n'étoit pas à rejetter
parce qu'il y avoit des croifées , mais parce
qu'il ne valoit rien d'ailleurs.
JUIN. 1755- 151
bile homme l'avantage unique de la deftination
de cet édifice , & compofer cet admirable
frontifpice , où il n'étoit affervi
ni à la ftructure des palais ordinaires ni à
leurs façades percées à jour ; c'eft ce qui
lui fit concevoir & enfanter ce fublime
deffein , qui fut dans le même inſtant préfenté
, admiré & agréé par Louis XIV.
Voilà ce qui a échappé aux connoiffan
ces de l'auteur de la critique , & qui détruit
tous fes efforts pour dégrader ce bel
édifice . L'ignorance à la vérité de ce que
je viens de lui expofer , peut excufer &
même autorifer les erreurs qu'on trouve
dans la fuite de l'examen de cette façade
au fujet de fa deftination . Telle est l'impoffibilité
où l'on eût été d'y placer des
fpectateurs dans le milieu , à l'occafion des
fêtes qui auroient été données dans l'efpace
en face de ce Château ( b ) . Il n'eft cependant
pas vraisemblable qu'il n'ait jamais
oui parler du fuperbe carroufel donné
par Louis XIV dans la cour du palais
(b ) Il ne s'enfuit pas de ce que les fêtes publiques
pouvoient fe donner dans la cour des Tuileries
, qu'il fût néceffaire de remplir le milieu
du périftile , de telle maniere que perfonne ne pût
s'y placer pour voir le beau coup d'oeil de cette
grande rue , projettée jufqu'à l'arc de triomphe da
fauxbourg S, Antoine.
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
·
des Tuileries qui en a gardé le nom , &
que cette cour étant beaucoup plus fpacieufe
que celle du Louvre , elle eût par
conféquent toujours été choifie pour des
fêtes . Notre Cenfeur auroit encore pû deviner
la deſtination de ce palais par une
réflexion bien fimple : c'eft que le palais
le plus fuperbe ne fçauroit être digne d'un
Roi , s'il n'a fous fes yeux & à fa bienſéance
les agrémens & la promenade d'un magnifique
jardin. Ces réflexions euffent peutêtre
moderé la vivacité de fa critique , &
l'euffent obligé de donner à Perrault les éloges
qu'il mérite , quoique l'on apperçoive
dans fes remarques une confpiration déclarée
contre notre admiration. Ce Cenfeur
peu équitable n'ayant pû fe faire illufion fur
la foibleffe des coups qu'il a portés à cette
façade admirable , qui fe bornent à fon
inutilité apparente & à l'interruption des
deux périftiles , a cherché des défauts
dans l'architecture de la façade de ce palais
du côté de la riviere , mais avec auffi
peu de fuccès. Il prétend que c'eft dans
cette partie du Louvre que Perrault avoit
eu intention de placer l'appartement du
Roi dans cette fuppofition il s'éleve vivement
contre la fimplicité indécente de
fa décoration extérieure ; il la blâme d'être
fans avant corps qui interrompent par -
UIN. 1755.
153
des repos & des maffes l'ennuyeufe monotonie
qui y regne. Cette premiere critique
tombe d'elle- même , puifque l'on
voit dans cette façade trois avant-corps ,
l'un dans le milieu qui devoit être couronné
d'un grand fronton orné de fculptures
, tel qu'il eft gravé dans les plans du
Louvre , d'après le deffein original de
Perrault , & qui font entre les mains de
tout le monde ; les deux autres font placés
aux pavillons des deux extrêmités. ( ż)
En fecond lieu , ce bâtiment dont la fimplicité
l'offenfe fi fort & le rend froid à
Les yeux , ne l'auroit point été fi les pilaftres
qui en décorent la face étoient cannelés
comme ils le doivent être , les chapitaux
corinthiens fculptés & les trois
corps décorés de médaillons couronnés de
mafques & de guirlandes , & de tous les
ornemens dont ils devoient être enrichis.
Lorfqu'il defire dans ce palais un progrès
A
(i ) L'Auteur défend mieux la façade du côté
de la riviere , qui feroit en effet plus riche fi les
pilaftres étoient cannelés & les ornemens finis ;
mais on ne peut nier que cette fuite de pilaftres
n'ait quelque chofe de nonotone , & que fi les
avant- corps étoient ornés de colonnes il en réfulteroit
plus d'agrément & de variété , fans qu'el-
Tes ôtaffent le jour, comme il le croit , puifqu'il y
en a à la façade de Verfailles qui n'obfcurciffent
point la grande galerie .
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
de magnificence fupérieure , ou au moins
égale à celle de la façade de l'entrée , il
auroit voulu fans doute le même périftile ,
mais percé par des croifées , ce qui eût
été impoffible. Ces croifées placées dans
un renfoncement de dix-fept pieds , auroient-
elles éclairé fuffifamment les
appartemens
, & n'y auroient- elles pas plutôt
jetté le fombre & la trifteffe d'un faux jour
plus infupportable que l'entiere obfcurité ?
Un autre inconvénient que l'on n'auroit
jamais pû fauver dans la continuation du
périftile , c'étoit de ne pouvoir rendre les
appartemens de cette partie doubles , &
par conféquent habitables par Sa Majefté
dans des jours de fêtes .
Je paffe fous filence ce qu'il dit de l'intérieur
de la cour : il convient avec raifon
de l'embarras prefque invincible où
furent alors les Architectes , ou de continuer
l'attique , ou en le fupprimant , de
raccorder la nouvelle architecture avec
l'ancienne. Les plus habiles de nos jours
ont tenté d'imaginer pour cet accord un
meilleur deffein que celui qu'on a exécuté
en partie , & ils ont tous avoué que leurs
efforts ont été fans fuccès.
L'Auteur finit fa critique par une affertion
dont on pourra lui difputer la vérité ;
c'eft que tout changement dans un ouvra
JUIN. 1755. 155
ge
confacré à la vénération publique , paroîtra
toujours un crime. Je puis lui répondre
que s'il eût propofé quelque chofe
de nouveau & d'un meilleur accord que
ce que l'on a exécuté dans les façades intérieures
, le public fenfé & éclairé en eût
été très - reconnoiffant , & auroit penſé
comme luis qu'une critique fondée concourt
à l'avantage des arts qu'elle éclaire , & que
les murmures ne doivent jamais empêcher
de publier ce que le goût , d'accord avec la
raison , ont approuvé. ( k )
(k ) Le réſultat de ces deux écrits eft que l'Auteur
de la lettre eft fondé dans le reproche qu'il
fait au Cenfeur du Louvre d'avoir parlé avec trop
peu de ménagement d'un édifice qui fait & qui
fera toujours , malgré fes défauts , l'admiration
de tous les gens de goût ; cependant on ne peut
pas dire que la cenfure de ce Critique manque
de jufteffe , mais qu'elle eft déplacée , dans un
tems où tous les vrais citoyens voyent avec un
plaifir qui tient du transport les préparatifs qu'on
fait pour achever ce ſuperbe monument, Elle paroit
d'autant plus repréhenfible que la multitude
non inftruite peut en conclure , que ce n'eft pas
la peine de finir un ouvrage dont on releve les
défauts avec tant d'amertume , & que d'ailleurs
il y a quelque ingratitude à reconnoître fi mal
le zéle de ceux qui s'occupent du foin de le faire
porter à fon entiere perfection.
Lettre de M.... à M. le Comte de Ch.
fur le Louvre. (a )
E veux vous faire part, Monfieur , d'une
queje
viens de voir dans le Mercure d'Avril . Je
connois la chaleur de votre intérêt pour ce
célebre monument , & je crois vous donner
une preuve finguliere de mon amitié ,
en vous expofant les prétendus défauts
qu'attaque ce cenfeur anonyme.
Il m'a paru un homme de l'art , mais on
découvre aifément à travers les éloges qu'il
donne à ce beau monument , que fon admiration
eft plus contrainte que fincere. Il
demande d'abord qu'on lui permette quelques
réflexions hazardées fur un de ces chefsd'oeuvres
des arts ( b ) faits pour être adorés
aveuglément dans un fiecle d'enthousiasme
& de préjugés ( reconnoît- on à ces traits
le fiécle de Louis XIV ? ) ( c) maisfaits pour
( a ) Les notes qui accompagnent cette lettre
Tont d'un Artiſte auffi éclairé qu'impartial.
(6) Le périftile.
(c) Non fans doute , le Cenfeur a pu le dire
être
JUIN. 1755. 145
être difcutés dans un fiècle fage , éclairé
enfin dans un fiécle philofophe comme le nôtre.
Ce fiécle , tout philofophe qu'il eft ,
pourra-t-il nous indiquer quelques- uns de
Les chefs - d'oeuvres qui ayent furpaffé ou
même approché de ceux du fiécle dernier
dans tous les genres ? ›
Une nouvelle du
preuve peu d'équité ,
& j'oſe dire du peu de goût de ce nouveau
cenfeur , c'eft qu'au lieu de faire élever
cette admirable façade , il eût fouhaité de
faire achever le Louvre fur les mêmes deffeins
de l'ancien ; & nous aurions , dit - il ,
fous les yeux le plus fuperbe palais de l'Europe.
L'on ne fçauroit marquer un mépris
plus injurieux pour l'architecture de Perrault
qu'en lui préférant un édifice où l'on
ne trouve ni compofition , ni proportions ,
en général de tout fiécle où l'on n'auroit pas les
lumieres néceflaires pour diftinguer ce qui eft digne
d'admiration de ce qui eft repréhensible ; il
n'y a nulle apparence que dans le fiécle paffé ce
grand ouvrage ait échappé à la critique de tant
d'habiles Artiftes qui fe diftinguerent alors ; mais
il eft arrivé ce qui arrivera toujours : quelques
défauts qu'on puiffe démontrer dans un bel ou
vrage , ce qu'il a de beau lui attirera l'admiration
, & payera avec ufure pour les défauts qui
peuvent s'y rencontrer : de là l'inutilité des critiques
, fi ce n'eft pour l'inftruction de ceux qui
étudient , de peur qu'ils n'imitent ces défauts
comme confacrés.
II. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
ni régles. Trois frontons enclavés les
uns dans les autres , des Caryatides placées
à un fecond étage , des ornemens à la
vérité d'un bon deffein & d'une belle exécution
, mais prefque tous déplacés , fuperflus
& prodigués fans choix. ( d )
Sur quel fondement attribuer enfuite à
l'injuftice de l'amour propre des Architectes
de Louis XIV , le refus de fuivre cet
ancien plan qu'il eftime fi fort , pour y
fubftituer par vanité leurs propres idées ?
Ne fe préfentoit- il pas un motif plus naturel
& plus équitable ? celui de mettre à
profit dans une occafion fi heureuſe & fi
rare les progrès de l'efprit humain , celui
des connoiffances & des talens , la fcience
des vraies proportions , l'eftime & la pré-
( d ) L'Auteur tombe ici dans le même défaut
qu'il reproche à fon adverſaire , en faiſant la cririque
d'un morceau qui eft rempli d'affez de
beautés pour mériter fon refpect ; d'ailleurs, quand
fon antagoniſte a dit ce qu'il lui reproche , ce
n'eft point à cette partie du Louvre qu'il faifoit
allufion , mais à celle qui du côté de la riviere ſe
trouve maſquée par ce que M. Perrault a bâti devant
, & on a en effet lieu d'en regretter la perte ,
cette partie étant , au fentiment de plufieurs , plus
belle que ce qui la cache : il eft vrai qu'elle ne
pouvoit s'allier avec le périftile du Louvre ; mais
e - il ridicule de defirer que Perrault eût trouvé
le moyen
de faire une belle chofe fans en facri
fier une autre déja faite ?
JUIN. · 1755. 147
férence de ce beau fimple à l'abondance &
à la profufion des ornemens , reffource ordinaire
de l'ignorance & du défaut de goût ?
Que réfulte - t - il du fentiment de notre
Ariftarque ? une façade de palais fans
croifées , dont on n'a pu deviner jusqu'à
préfent l'ufage & la deftination , & dont les
inconvéniens font fans nombre , & les beautés
déplacées ? Il fe donne bien de garde de
nous détailler aucune de ces beautés , ni
d'en louer les perfections. Il commence par
chercher des défauts à cette façade , pour
affoiblir l'impreffion d'admiration dont
elle frappe tous les regards , en s'efforçant
de rendre cette admiration injufte & pref
que ridicule ; mais il n'eſt aifé de combattre
avec fuccès une approbation univerfelle
, & foutenue pendant le cours de
près d'un fiécle.
pas
Il dir que l'on n'a pu deviner jufqu'à
préfent la deftination de cette façade ; mais
n'auroit-il pas dû s'en informer avant de la
condamner ? Je crois pouvoir l'en inftruire
après avoir répondu à un reproche qu'il
fait à M. Perrault , & que ce grand architecte
n'a point mérité.
Il l'accufe de n'avoir interrompu la
communication de ce périftile que pour
faire une mauvaiſe arcade & une petite
porte . Quelle apparence qu'une porte auffi
Gij
148 MERCURE DE FRANCE,
fimple ait été chez un auffi grand compofiteur
l'objet de cette interruption ! le bon
fens peut-il adopter une idée fifinguliere ?
Ces deux périftiles ont chacun deux portes
à leurs deux extrêmités , qui leur font
fuffifantes. Etoit - il fenfé que l'architecte .
fupprimât ou gâtât ce beau pavillon du
milieu pour donner plus d'étendue à deux
périftiles qui ont chacun plus de trentecinq
toifes : d'ailleurs quelle raiſon a- t- il
d'appeller une mauvaife arcade une porte
dont les proportions font excellentes , & à
laquelle on ne pouvoit donner qu'une forme
ceintrée fans la rendre défectueufe ?
Eft-il mieux fondé de blâmer la petite.
porte placée dans un renfoncement de
douze pieds de profondeur , & fans laquelle
il eût été impoffible de fermer le
Louvre ? Eût-on pû mettre des venteaux à
une ouverture de quarante-deux pieds de
hauteur ? Il étoit donc indifpenfable d'en
menager avec art une plus petite , que l'on
pûr ouvrir & fermer(e). Je reviens à l'ufage
f. 1
-L'Auteur.veut ici excufer un défaut inexcu→
fable , & qui eft reconnu univerfellement pour tel.
Je parle de cette porte ceintrée qui interrompt le
périftile en dedans & en dehors , ce n'eft pas là
deffus qu'il faut défendre Perrault : d'ailleurs it
eft inutile qu'une porte foit dans une autre , la
porte quarrée fufifoite, qus der
A
JUIN. 1755 . 149
& à la deſtination de cette façade , qui eft
pour notre critique un problême , & dont
je lui ai promis la folution .
Il est très- certain , & je l'ai fçu par Mrs
Defgot & Boffrand qui avoient connu M.
Perrault dans leur jeuneffe , que lorfque
Louis XIV déclara qu'il vouloit le frontifpice
de fon Louvre enrichi de tout ce
que l'architecture avoit acquis de perfection
fous fon regne , & de tout ce qu'elle
pouvoit produire de plus régulier en même-
tems , & de plus conforme aux belles
proportions & à la majeftueufe fimplicité
de l'architecture antique , il n'eut aucune
intention d'habiter jamais ce Palais , mais
feulement d'élever à fon entrée un édifice
dont la magnificence égalât & la grandeur
de fes idées , & la dignité d'une maifon que
la nation regardoit comme celle de fon
Roi , par les honneurs qu'il avoit attachés
à fes entrées. Il vouloit encore qu'elle pût
fervir aux fiécles à venir de monument &
de témoin évident & inconteſtable des
merveilles de fon regne dans tous les genres
, mais fur-tout dans celui de la perfection
des beaux Arts . Il y eut encore un autre
motif qui détermina à employer dans
cette façade tout ce que l'architecture avoit
de plus majestueux & de plus frappant . Le
deffein de M. Colbert étoit d'ouvrir une
Giij
150 MERCURE DE FRANCE .
large & belle rue vis- à-vis le Louvre , qui
auroit été continuée jufques à l'arc de
triomphe du fauxbourg S. Antoine , & qui
auroit fervi d'avenue au plus vafte palais
par fon enceinte qu'il y eût eu en Europe ,
puifqu'il étoit décidé qu'on éleveroit du
côté de la rue S. Honoré une galerie parallele
à l'ancienne qui eft fur la riviere ,
& qu'il n'y auroit aucun bâtiment entre le
Louvre & le palais des Tuileries. Quelle
décoration n'exigeoit pas l'objet d'un point
de vue d'une fi prodigieufe étendue ( ƒ) !
Louis XIV , en qui l'excellence d'un
goût naturel égaloit fon amour pour le
grand en tout , ne fut point fatisfait de
plufieurs deffeins qui lui furent préfentés ,
où les croifées n'avoient point été oubliées,
& fur-tout dans celui du Cavalier Bernin
(g ) : mais Perrault fçut faifir en ha-
(f)Toutes les raifons que l'Auteur apporte ici
autorifent Perrault à faire un monument de la
plus grande magnificence & d'une grandeur coloffale
, mais nullement à interrompre par une
arcade fon architecture , & à faire le milieu plein
& maffif comme il eft . A l'égard du défaut de croifées
, il est très-bien juftifié , parce qu'en effet les
niches préfenteront toujours un plus riche fpectacle
que des fenêtres.
(g ) Le projet du Bernin n'étoit pas à rejetter
parce qu'il y avoit des croifées , mais parce
qu'il ne valoit rien d'ailleurs.
JUIN. 1755- 151
bile homme l'avantage unique de la deftination
de cet édifice , & compofer cet admirable
frontifpice , où il n'étoit affervi
ni à la ftructure des palais ordinaires ni à
leurs façades percées à jour ; c'eft ce qui
lui fit concevoir & enfanter ce fublime
deffein , qui fut dans le même inſtant préfenté
, admiré & agréé par Louis XIV.
Voilà ce qui a échappé aux connoiffan
ces de l'auteur de la critique , & qui détruit
tous fes efforts pour dégrader ce bel
édifice . L'ignorance à la vérité de ce que
je viens de lui expofer , peut excufer &
même autorifer les erreurs qu'on trouve
dans la fuite de l'examen de cette façade
au fujet de fa deftination . Telle est l'impoffibilité
où l'on eût été d'y placer des
fpectateurs dans le milieu , à l'occafion des
fêtes qui auroient été données dans l'efpace
en face de ce Château ( b ) . Il n'eft cependant
pas vraisemblable qu'il n'ait jamais
oui parler du fuperbe carroufel donné
par Louis XIV dans la cour du palais
(b ) Il ne s'enfuit pas de ce que les fêtes publiques
pouvoient fe donner dans la cour des Tuileries
, qu'il fût néceffaire de remplir le milieu
du périftile , de telle maniere que perfonne ne pût
s'y placer pour voir le beau coup d'oeil de cette
grande rue , projettée jufqu'à l'arc de triomphe da
fauxbourg S, Antoine.
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
·
des Tuileries qui en a gardé le nom , &
que cette cour étant beaucoup plus fpacieufe
que celle du Louvre , elle eût par
conféquent toujours été choifie pour des
fêtes . Notre Cenfeur auroit encore pû deviner
la deſtination de ce palais par une
réflexion bien fimple : c'eft que le palais
le plus fuperbe ne fçauroit être digne d'un
Roi , s'il n'a fous fes yeux & à fa bienſéance
les agrémens & la promenade d'un magnifique
jardin. Ces réflexions euffent peutêtre
moderé la vivacité de fa critique , &
l'euffent obligé de donner à Perrault les éloges
qu'il mérite , quoique l'on apperçoive
dans fes remarques une confpiration déclarée
contre notre admiration. Ce Cenfeur
peu équitable n'ayant pû fe faire illufion fur
la foibleffe des coups qu'il a portés à cette
façade admirable , qui fe bornent à fon
inutilité apparente & à l'interruption des
deux périftiles , a cherché des défauts
dans l'architecture de la façade de ce palais
du côté de la riviere , mais avec auffi
peu de fuccès. Il prétend que c'eft dans
cette partie du Louvre que Perrault avoit
eu intention de placer l'appartement du
Roi dans cette fuppofition il s'éleve vivement
contre la fimplicité indécente de
fa décoration extérieure ; il la blâme d'être
fans avant corps qui interrompent par -
UIN. 1755.
153
des repos & des maffes l'ennuyeufe monotonie
qui y regne. Cette premiere critique
tombe d'elle- même , puifque l'on
voit dans cette façade trois avant-corps ,
l'un dans le milieu qui devoit être couronné
d'un grand fronton orné de fculptures
, tel qu'il eft gravé dans les plans du
Louvre , d'après le deffein original de
Perrault , & qui font entre les mains de
tout le monde ; les deux autres font placés
aux pavillons des deux extrêmités. ( ż)
En fecond lieu , ce bâtiment dont la fimplicité
l'offenfe fi fort & le rend froid à
Les yeux , ne l'auroit point été fi les pilaftres
qui en décorent la face étoient cannelés
comme ils le doivent être , les chapitaux
corinthiens fculptés & les trois
corps décorés de médaillons couronnés de
mafques & de guirlandes , & de tous les
ornemens dont ils devoient être enrichis.
Lorfqu'il defire dans ce palais un progrès
A
(i ) L'Auteur défend mieux la façade du côté
de la riviere , qui feroit en effet plus riche fi les
pilaftres étoient cannelés & les ornemens finis ;
mais on ne peut nier que cette fuite de pilaftres
n'ait quelque chofe de nonotone , & que fi les
avant- corps étoient ornés de colonnes il en réfulteroit
plus d'agrément & de variété , fans qu'el-
Tes ôtaffent le jour, comme il le croit , puifqu'il y
en a à la façade de Verfailles qui n'obfcurciffent
point la grande galerie .
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
de magnificence fupérieure , ou au moins
égale à celle de la façade de l'entrée , il
auroit voulu fans doute le même périftile ,
mais percé par des croifées , ce qui eût
été impoffible. Ces croifées placées dans
un renfoncement de dix-fept pieds , auroient-
elles éclairé fuffifamment les
appartemens
, & n'y auroient- elles pas plutôt
jetté le fombre & la trifteffe d'un faux jour
plus infupportable que l'entiere obfcurité ?
Un autre inconvénient que l'on n'auroit
jamais pû fauver dans la continuation du
périftile , c'étoit de ne pouvoir rendre les
appartemens de cette partie doubles , &
par conféquent habitables par Sa Majefté
dans des jours de fêtes .
Je paffe fous filence ce qu'il dit de l'intérieur
de la cour : il convient avec raifon
de l'embarras prefque invincible où
furent alors les Architectes , ou de continuer
l'attique , ou en le fupprimant , de
raccorder la nouvelle architecture avec
l'ancienne. Les plus habiles de nos jours
ont tenté d'imaginer pour cet accord un
meilleur deffein que celui qu'on a exécuté
en partie , & ils ont tous avoué que leurs
efforts ont été fans fuccès.
L'Auteur finit fa critique par une affertion
dont on pourra lui difputer la vérité ;
c'eft que tout changement dans un ouvra
JUIN. 1755. 155
ge
confacré à la vénération publique , paroîtra
toujours un crime. Je puis lui répondre
que s'il eût propofé quelque chofe
de nouveau & d'un meilleur accord que
ce que l'on a exécuté dans les façades intérieures
, le public fenfé & éclairé en eût
été très - reconnoiffant , & auroit penſé
comme luis qu'une critique fondée concourt
à l'avantage des arts qu'elle éclaire , & que
les murmures ne doivent jamais empêcher
de publier ce que le goût , d'accord avec la
raison , ont approuvé. ( k )
(k ) Le réſultat de ces deux écrits eft que l'Auteur
de la lettre eft fondé dans le reproche qu'il
fait au Cenfeur du Louvre d'avoir parlé avec trop
peu de ménagement d'un édifice qui fait & qui
fera toujours , malgré fes défauts , l'admiration
de tous les gens de goût ; cependant on ne peut
pas dire que la cenfure de ce Critique manque
de jufteffe , mais qu'elle eft déplacée , dans un
tems où tous les vrais citoyens voyent avec un
plaifir qui tient du transport les préparatifs qu'on
fait pour achever ce ſuperbe monument, Elle paroit
d'autant plus repréhenfible que la multitude
non inftruite peut en conclure , que ce n'eft pas
la peine de finir un ouvrage dont on releve les
défauts avec tant d'amertume , & que d'ailleurs
il y a quelque ingratitude à reconnoître fi mal
le zéle de ceux qui s'occupent du foin de le faire
porter à fon entiere perfection.
Fermer
Résumé : ARCHITECTURE. Lettre de M.... à M. le Comte de Ch. sur le Louvre. (a)
La lettre de M.... à M. le Comte de Ch. aborde une critique anonyme publiée dans le Mercure d'avril concernant l'architecture du Louvre. L'auteur de la lettre reconnaît l'intérêt du comte pour ce monument et partage les critiques formulées par le censeur anonyme, qualifié d'homme de l'art. Ce dernier propose des réflexions sur le Louvre, affirmant que les œuvres du siècle de Louis XIV doivent être adorées aveuglément, tandis que le siècle actuel, plus sage et éclairé, peut les discuter. Le censeur critique la façade actuelle, préférant l'achèvement du Louvre selon les anciens plans, qu'il juge plus superbe. Il reproche à l'architecture de Perrault son manque de composition et de proportions, et déplore l'absence de croisées. La lettre défend Perrault en expliquant que Louis XIV n'avait pas l'intention d'habiter le Louvre, mais de créer un monument magnifiquement décoré pour témoigner de la grandeur de son règne. Elle souligne également que la façade actuelle répondait à un projet urbanistique ambitieux, incluant une large rue et une galerie parallèle. La critique du censeur est jugée inéquitable et manquant de goût, notamment en ce qui concerne l'interruption des péristyles et l'absence de croisées. Le texte discute également des défis architecturaux rencontrés lors de la construction de la façade du château de Versailles. L'auteur souligne que, bien que la grande galerie soit bien éclairée, il aurait été impossible de percer des croisées dans la façade pour éclairer les appartements sans créer une lumière insupportable. De plus, la continuité du péristyle aurait empêché de rendre les appartements doubles et habitables lors des jours de fête. L'auteur reconnaît les difficultés rencontrées par les architectes pour concilier l'ancienne et la nouvelle architecture, et mentionne que même les experts actuels n'ont pas trouvé de meilleure solution. La critique se termine par une réflexion sur les changements apportés aux ouvrages consacrés à la vénération publique, qualifiés de 'crime'. L'auteur répond que des critiques constructives peuvent contribuer à l'amélioration des arts. La censure du critique est jugée mal placée, surtout en période de préparatifs pour achever le monument, et pourrait décourager le public non instruit et sembler ingrate envers ceux qui travaillent à la perfection de l'ouvrage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 159-172
ARCHITECTURE. Mercure du mois de Juin de l'année 2355.
Début :
Une société de Gens de Lettres, vient de publier un nouveau volume de ses [...]
Mots clefs :
Architecture, Architecte, Mémoires, Gloire, Architecture antique, Église, Édifices, Goût, Portail, Marchés, Louvre, Bâtiment, Société de gens de Lettres
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texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE. Mercure du mois de Juin de l'année 2355.
ARCHITECTURE.
Mercure du mois de Juin de l'année 2355-
Ne fociété de Gens de Lettres , vient
de publier un nouveau volume de fes
Mémoires *.
C'eft une chofe admirable que la vertueuſe
ténacité avec laquelle cet illuftre
corps s'attache à multiplier fes découvertes
fur nos antiquités françoiſes .
J'en rendrai compte , non fuivant l'ordre
felon lequel les Mémoires font arrangés
dans le volume , mais en mettant de
* Ces mémoires fontd'autant plus rares , qu'ils
font l'ouvrage des fçavans qui font à naître , &
qu'ils ont été faits plufieurs fiecles après le nôtre.
Jufqu'ici l'érudition avoit employé fa fagacité à
débrouiller le cahos des tems paffés , mais elle
étend aujourd'hui fes lumieres jufqu'à percer les
ténébres d'un âge à venir. C'eſt donner un être à
la poffibilité , c'eft réaliſer les conjectures , & ( ce
que j'eftime le plus dans ce morceau , ) c'est trouver
une maniere auffi nouvelle qu'ingénieufe , de
louer le fiecle préfent , fans bleffer la modeftie de
perfonne. Je crois faire un vrai préſent au public
de l'inférer dans mon journal.
160 MERCURE DE FRANCE.
fuite ceux qui traittent des matieres qui ont
du rapport les unes aux autres. Ainfi , je
rapporterai d'abord ceux qui concernent
l'Architecture antique.
Le premier eft celui du célébre M. Scarcher
, déja connu par tant d'ouvrages remplis
de la plus profonde érudition , il Y
traite des reftes d'Architecture de l'ancienne
ville de Paris. Il prouve d'abord d'une
maniere irréfiftible que le quartier de la
Cour , que nous diftinguons fous le nom
de quartier de Verfailles , étoit autrefois
hors de la ville de Paris , & qu'il y avoit
même une étendue confidérable de terrein
inhabité entre l'une & l'autre , il prétend
qu'alors la ville n'avoit qu'environ une
lieue d'étendue. On eft furpris , fans doute ,
de voir que cette ville magnifique ait eû
de fifoibles commencemens. Cependant il
eft difficile de fe refufer à la force des
ves qu'il a recueillies avec un courage infatigable
dans une quantité prodigieufe
d'anciens livres qu'il lui a fallu parcourir.
Il entreprend de prouver que la ville finiffoit
où l'on voit à préfent cette admirable
ftatue du grand Roi Louis XV. qui fut
furnommé par fes fujets le Bien -aimé
comme on le voit par les infcriptions de
la ftatue qui nous refte auffi bien confervée
que fi elle fortoit de la fonte , & qui
preuJUILLET.
1755 161
durera moins encore que la mémoire d'un
fi beau titre & la gloire de ce grand Monarque.
Enfuite il fait voir par un raifonnement
très étendu & plein d'érudition , que le
pont qu'on nomme Royal a pris fon nom
de cette ſtatue, contre le fentiment de quelques-
uns qui croyent qu'il fe nommoit
ainfi avant qu'elle fut érigée, Ce qu'il dit
fur ce fujer eft fi evident qu'il ne femble
pas qu'on puiffe le contefter d'avantage.
Il paffe enfuite à des recherches trèscurieufes
fur le merveilleux bâtiment du
Louvre , il réfute furabondamment le mémoire
donné dans la même Société l'année
précédente où l'on avoit avancé que ce fuperbe
édifice avoit été achevé & porté à fon
entiere perfection fous le regne de Louis
XIV. fondé fur l'autorité des Hiftoires ,
confervées dans les anciennes bibliothetheques
; il fait voir qu'il a été long- temps
abandonné à caufe des guerres qui ont troublé
la fin du XVIIe fiécle & le commencement
du XVIII , & qui ont affuré à la
France la fupériorité fur fes voifins , la
fplendeur & le repos dont elle jouit depuis
ces deux fiécles également célébres . Il rapporte
à ce fujet un trait d'hiftoire curieux
où l'on voit que celui qui étoit alors à la
tête des Arts , fecondant avec zele & avec
162 MERCURE DE FRANCE.
un goût peu commun , les intentions & l'inclination
du Roy régnant , pour les grandes
chofes , entreprit de reftaurer & d'achever
cet édifice , dont une partie tomboit
en ruine. Il fixe la datte de cet important
événement vers le milieu du XVIIIe fiécle .
"
Il détruit enfuite entiérement l'objection
la plus impofante que fon antagoniſte
avoit alléguée contre la vérité de ce fait
qui étoit le peu de vraisemblance qu'il
trouvoit à croire qu'une perfonne en place
pût avoir abandonné la gloire de conftruire
de nouveaux édifices , & s'être contentée
de celle d'amener à leur fin les ouvrages
commencés par fes prédéceffeurs , qui
méritoient d'être confervés à la postérité.
M. Scarcher fait voir combien cette idée
eft fauffe , & qu'elle n'eft fondée que fur
la reffemblance que nous fuppofons entre
les hommes d'alors , & ceux du temps où
nous vivons. Il eſt bien vrai que de nos
jours nous voyons rarement achever les
grandes entrepriſes , parce qu'il eft du bon
air de ne point fuivre les maximes ni les
idées de fes prédéceffeurs , mais il n'en
étoit pas ainfi dans ces temps héroïques ;
chacun mettoit fa gloire à contribuer autant
qu'il étoit en lui à celle du Roy
régnant , & lorfque le moyen le plus digne
avoit été trouvé par fon devancier , on le
JUILLET. 1755. 163
fuivoit fans difficulté. D'ailleurs , on ne
peut pas dire que le Supérieur de ces tempslà
fe foit uniquement borné à fuivre ou à
finir ce que les autres avoient tracé . Il nous
refte plufieurs édifices très confidérables
& d'une grande beauté qui ont été commencés
& achevés fous ce regne.
On ne peut trop admirer la facilité & la
juftefle avec laquelle notre Sçavant éclaircit
ces temps que leur éloignement nous
rend fi obfcurs . Si d'une part il nous fait
voir avec certitude que ce fuperbe bâtiment
a été négligé pendant quelques années
, en même temps il s'éleve avec la plus
grande force contre ceux qui ont avancé
que pendant long-temps cet édifice a été
environné d'écuries , de petites maiſons ,
même d'échoppes. Il fait voir quelle abfurdité
il y a à penfer que dans un fiècle auffi
éclairé , on ait fouffert une pareille profanation
, ce qu'il dit là- deffus eft rempli
d'éloquence.
J'abrege quantité de réflexions non moins
curieufes qu'il fait fur les beautés du Lou
vre & qu'il faut lire dans l'original , pour
paffer à ce qu'il dit fur l'Eglife antique de
fainte Génevieve de la montagne. Il croit
que cet admirable édifice a été bâti par le
même architecte que le fuperbe périftile du
Louvre. La tradition reçue jufqu'à préfent
164 MERCURE DE FRANCE.
étoit que cette églife avoit été commencée
vers le milieu du dix -huitiéme fiécle : en
admettant fes preuves , il faudroit en établir
la datte environ un fiécle plûtôt , ce
qui répugne un peu à la beauté de fa confervation
, cependant les raifons qu'il apporte
ne font point à rejetter. Il s'appuie
fur le fentiment de nos plus habiles architectes
, qui en conſidérant la noble ſimplicité
du goût de cette architecture , y reconnoiffent
le même ſtile qu'au Louvre , quoique
dans une compofition différente. Ils
prétendent que le goût du dix- huitiéme
fiécle a été inférieur , à en juger par quelques
reftes de bâtimens dont la datte eft
certaine & par quelques écrits de ces
temps- là qui font remplis de plaintes contre
le mauvais goût qui régnoit alors , &
où l'on en explique les défauts de maniere
à nous en donner une idée affez diftincte.
Or , on ne voit aucun de ces défauts ni
dans cette églife , ni au Louvre ; au contraire
ces édifices font encore les regles du
vrai beau .
La feconde preuve qu'il tire du nom
de l'architecte , fait voir avec quelle fagacité
il éclaircit les antiquités les plus épineuſes.
L'hiſtoire nous a confervé le nom
de l'architecte de ce beau periftile du Louvre
qui regarde le Levant , il fe nommoit
JUILLE T. 1755. 165
Perrault. M. Scarcher prouve à travers
mille difficultés que c'eft ce même nom qui
eft tracé à fainte Genevieve , & qui eft tellement
effacé , qu'il n'y a qu'un homme
auffi verfé dans les antiquités que M. Scarcher
, qui puiffe nous en donner l'intelligence.
La premiere difficulté qui fe rencontre
eft que le nom de Perrault eft compofé
de huit lettres & qu'on n'en apperçoit
que fept dans les foibles traces qui restent
fur ce marbre ; mais nous verrons bien-tôt
comment on doit expliquer cela. Les deux
dernieres lettres de ce nom , qui fe voyent
encore affez diftin&tement , font OT, & il
ya tout lieu de croire que celle qui les
précede eft une L. M. Scarcher prouve premierement
par un grand nombre d'autorités
refpectables que les anciens François
prononçoient la diphtongue an , de même
que la lettre o , & qu'ainfi ils mettoient indifféremment
l'une pour l'autre. Cette découverte
répond en même temps d'une ma
niere évidente à la premiere difficulté des
fept premieres lettres qui fe trouvent à
fainte Génevieve au lieu de huit , que demande
fa fuppofition , car il eft clair qu'ici
la lettre o tient lieu de deux . Il reste la difficulté
de L qui fe trouve avant l'O , au
lieu que dans le nom de Perrault , elle ſe
trouve après an. 11 y fatisfait du moins
曩
166 MERCURE DE FRANCE .
d'une maniere probable , en difant qu'il eft
poffible que la modeſtie de l'architecte
l'ayant empêché d'y mettre lui-même fon
nom , il n'a été mis qu'après la mort , &
que ceux qui l'ont gravé , l'ont ainfi défiguré
, ou par corruption , ou plûtôt parce
que c'étoit en effet la véritable prononciation
de ce temps- là , comme nous voyons
encore dans le nôtre que les Allemands
prononcent Makre quoiqu'ils écrivent Maker
, ainfi on peut avoir prononcé OLT,
quoiqu'il foit écrit LOT. Nous nous fommes
un peu étendus fur cet article , quoique
nous l'ayons beaucoup abrégé , parce
que c'eft un des plus importans de ce fçavant
mémoire & celui où l'on découvre la
plus rare érudition ; s'il y a quelque choſe
qui paroiffe inadmiffible , c'eft cet excès
de modeſtie qu'il ſuppoſe dans un architecte
; mais encore une fois , nous ne deyons
pas juger des hommes de ces fiécles
vertueux par ceux du nôtre. Il reſte encore
une objection. Plufieurs fçavans ont prétendu
que la premiere lettre de ce nom eft
une S , & qu'il eft difficile avec les traces
qui en reftent d'en faire un P * . C'eſt là
* Il y en a qui vont plus loin . Ayant de meilleurs
yeux , ils ont cru entrevoir uneƒavant l , &
fuppléant à la diphtongue qui manque , ils ont
conjecturé que le véritable nom de l'architecte
JUILLET. 1755- 167
qu'il faut voir M. Scarcher employer toutes
les forces de fon éloquence pour y trouver
un P , il faut le lire dans l'original ,
mais il eft vrai qu'il eft bien difficile quand
on l'a lû de ne l'y pas trouver avec lui ,
malgré les difficultés que préfente l'infpection
du marbre.
M. Scarcher traite enfuite des reftes antiques
de l'Eglife de faint Pierre & faint
Paul , qu'une tradition fans fondement
nomme faint Sulpice. Il démontre que nous
n'avons pas cet édifice ( dont il ne refte
prefque que le portail ) tel qu'il a été bâti .
Que les arcades qui font au fecond ordre ,
y ont été conftruites depuis par quelque
raifon de folidité occafionnée par les ravages
du temps , & qu'il n'y a nulle apparènce
qu'un architecte de ce mérite eut mis ces
maffifs au fecond ordre n'en ayant pas mis
au premier , c'eft- à-dire , le fort fur le
foible. Il prouve encore que les coloffes
monftrueux qui font fur les tours , ont été
pareillement ajoûtés par quelque raifon de
dévotion populaire , qui a voulu que l'on
vit les patrons de cette églife les plus
grands qu'il étoit poffible ; que les tours
ont été terminées en ligne droite par l'architecte
premier auteur de cet édifice , &
étoit Sauflot ou Souflot. J'avoue que je ferois affez
de ce dernier ſentiment,
168 MERCURE DE FRANCE:
que le couronnement que nous y voyons
maintenant eft une augmentation faite
dans un fiecle où le goût avoit dégénéré.
Il ne paroît pas auffi bien fondé , lorfqu'il
foutient que le fronton eft dans le même
cas d'être venu après coup. Il prétend
décider le problême qui embarraffe tous
nos architectes , c'est - à - dire , l'impoffibilité
qu'il y a que l'églife dont nous jugeons
par quelques arcades demi ruinées
qui fubfiftent encore , puiffe avoir été liée
avec ce portail . En effet , on ne voit aucune
hauteur ni aucune ligne qui y ait du rapport.
Il dit qu'alors l'intérieur de l'égliſe
étoit à deux ordres l'un fur l'autre femblables
à ceux du portail avec un rang de galleries
regnant tout au tour, que cette églife
ayant été détruite ou par quelque accident
ou par la barbarie des fiecles fuivans , on a
édifié à fa place ce bâtiment irrégulier qui
s'y accorde fi peu ; ce qui donne quelque
vraisemblance à fa fuppofition , c'eft qu'indépendamment
de leur peu de rapport avec
le portail ces fragmens qui nous reftent
n'en ont pas même entr'eux . Ce fentiment
n'eft cependant pas fans difficulté , on a
peine à concevoir que dans l'efpace de
temps qui s'est écoulé depuis fa premiere
conftruction , une égliſe auffi bien bâtie
que celle qui devoit tenir à ce portail , ait
été
JUILLET. 1755. 169
été détruite , relevée une feconde fois aufli
folidement que nous le voyons par ces
reftes , & encore ruinée . On ne peut que
difficilement fuppofer qu'elle ait été abbattue
exprès , d'ailleurs nous ne connoiffons
point de fiecle de barbarie depuis ces temps
mémorables. Les arts ont toujours été floriffans
, & n'ont fait que fe perfectionner
jufqu'au point d'élévation où nous les
voyons maintenant. M. Scarcher permettra
que nous ne nous rendions pas encore
fur cet article , & que nous attendions des
preuves plus fortes que le temps & fon
profond fçavoir lui feront découvrir.
Notre favant auteur paffe enfuite à un
refte de bâtiment ancien qu'on croit avoir
été une églife fous l'invocation de faint
Roch. Ce qu'on trouve de plus fatisfaiſant
dans les réflexions de M. Scarcher fur cette
églife , ce font les raifons dont il s'appuye
pour détruire le fentiment de ceux qui foutiennent
que le double focle qui porte les
arcades de la nef a été apparent dans fa
premiere conftruction . Il fait voir que le
focle d'enbas étoit la fondation qui fe trouvoit
enfevelie dans l'intérieur du terrein
qu'il n'eft vifible que parce qu'on a baiffé
le terrein intérieur de l'églife , & combien
il eft ridicule de penfer que jamais aucun
architecte fe foit avifé de mettre deux fo-
H
170 MERCURE DE FRANCE.
cles l'un fur l'autre , & fi élévés que les
bazes des colonnes font de beaucoup audeffus
de la vue. Il établit une feconde
preuve fur ce qu'on trouve par d'anciennes
eftampes qu'on croit gravées dans ces mêmes
tems , qu'il y a eu 15 ou 16 marches
pour monter à cette églife , au lieu qu'à
préfent il ne s'en trouve que cinq. Selon
fon idée , on a détruit les marches qui
montoient jufqu'au niveau du premier
focle. Ce fentiment n'eft probable que dans
la fuppofition que les marches que l'on y
voit maintenant ne font point du tout les
anciennes , car il auroit fallu pour monter
jufqu'à la hauteur des bazes du portail
qu'elles n'euffent laiffé aucun pallier ; ce
qui , quoique poffible , laiffe quelque doute
, d'autant plus qu'en calculant la hauteur
& l'enfoncement que produifent un
nombre de marches femblables à celles qui
reftent , on n'y trouve pas un rapport jufte
avec le nombre des marches indiquées dans
l'eftampe , il eft vrai qu'il ajoute une raifon
plaufible pour remédier au défaut de
juftelle du calcul de ces marches , il fait
remarquer que naturellement le terrein
des villes fe hauffe par un abus auquel on
ne fonge point à tenir la main , parce que
l'on apporte toujours & qu'on ne remporte
jamais. Tout ceci porta un caractere de
JUILLET. 1755. 171
vraisemblance auquel on a peine à ſe
refufer.
·
Il entreprend de prouver que cette églife
précede au moins d'un fiecle le bâtiment
du Louvre , c'est- à- dire , avant que la bonne
architecture fut bien connue . Premierement
par le défaut infupportable des bazes
& des chapiteaux des colomnes qui ſe pénetrent
avec les pilaftres , défaut ridicule
qu'on n'eut jamais fouffert dans un fiecle
plus éclairé. Secondement , par les fauffes
courbes qui font l'enfoncement des efpeces
de niches où font les petites portes de
l'églife . Il prétend que ces courbes font
les effais par où l'on a commencé avant
que de trouver les formes régulieres . Cette
feconde preuve n'eſt pas de la force de la
premiere , car on trouve plufieurs édifices
dont la datte eft certaine , & qui font conftruits
plus d'un fiecle & demi après , où
l'on voit ces mêmes courbes employées &
de plus mauvaiſes encore , d'ailleurs plufieurs
fçavans prétendent quele propre de
l'efprit humain , eft de trouver d'abord
tour naturellement le fimple qui eft le vrai
beau ; & que le goût ne fe corrompt qu'à
force de vouloir aller au-delà.
Au refte , il eft fi difficile de pénétrer
dans ces tems anciens , que les conjectures
vraisemblables doivent être regardées
Hij
172 MERCURE DE FRANCE:
comme des démonftrations . Ce mémoire
renferme quantité de recherches intéreſfantes
aufquelles je renvoye le lecteur
pour ne pas être trop long.
Mercure du mois de Juin de l'année 2355-
Ne fociété de Gens de Lettres , vient
de publier un nouveau volume de fes
Mémoires *.
C'eft une chofe admirable que la vertueuſe
ténacité avec laquelle cet illuftre
corps s'attache à multiplier fes découvertes
fur nos antiquités françoiſes .
J'en rendrai compte , non fuivant l'ordre
felon lequel les Mémoires font arrangés
dans le volume , mais en mettant de
* Ces mémoires fontd'autant plus rares , qu'ils
font l'ouvrage des fçavans qui font à naître , &
qu'ils ont été faits plufieurs fiecles après le nôtre.
Jufqu'ici l'érudition avoit employé fa fagacité à
débrouiller le cahos des tems paffés , mais elle
étend aujourd'hui fes lumieres jufqu'à percer les
ténébres d'un âge à venir. C'eſt donner un être à
la poffibilité , c'eft réaliſer les conjectures , & ( ce
que j'eftime le plus dans ce morceau , ) c'est trouver
une maniere auffi nouvelle qu'ingénieufe , de
louer le fiecle préfent , fans bleffer la modeftie de
perfonne. Je crois faire un vrai préſent au public
de l'inférer dans mon journal.
160 MERCURE DE FRANCE.
fuite ceux qui traittent des matieres qui ont
du rapport les unes aux autres. Ainfi , je
rapporterai d'abord ceux qui concernent
l'Architecture antique.
Le premier eft celui du célébre M. Scarcher
, déja connu par tant d'ouvrages remplis
de la plus profonde érudition , il Y
traite des reftes d'Architecture de l'ancienne
ville de Paris. Il prouve d'abord d'une
maniere irréfiftible que le quartier de la
Cour , que nous diftinguons fous le nom
de quartier de Verfailles , étoit autrefois
hors de la ville de Paris , & qu'il y avoit
même une étendue confidérable de terrein
inhabité entre l'une & l'autre , il prétend
qu'alors la ville n'avoit qu'environ une
lieue d'étendue. On eft furpris , fans doute ,
de voir que cette ville magnifique ait eû
de fifoibles commencemens. Cependant il
eft difficile de fe refufer à la force des
ves qu'il a recueillies avec un courage infatigable
dans une quantité prodigieufe
d'anciens livres qu'il lui a fallu parcourir.
Il entreprend de prouver que la ville finiffoit
où l'on voit à préfent cette admirable
ftatue du grand Roi Louis XV. qui fut
furnommé par fes fujets le Bien -aimé
comme on le voit par les infcriptions de
la ftatue qui nous refte auffi bien confervée
que fi elle fortoit de la fonte , & qui
preuJUILLET.
1755 161
durera moins encore que la mémoire d'un
fi beau titre & la gloire de ce grand Monarque.
Enfuite il fait voir par un raifonnement
très étendu & plein d'érudition , que le
pont qu'on nomme Royal a pris fon nom
de cette ſtatue, contre le fentiment de quelques-
uns qui croyent qu'il fe nommoit
ainfi avant qu'elle fut érigée, Ce qu'il dit
fur ce fujer eft fi evident qu'il ne femble
pas qu'on puiffe le contefter d'avantage.
Il paffe enfuite à des recherches trèscurieufes
fur le merveilleux bâtiment du
Louvre , il réfute furabondamment le mémoire
donné dans la même Société l'année
précédente où l'on avoit avancé que ce fuperbe
édifice avoit été achevé & porté à fon
entiere perfection fous le regne de Louis
XIV. fondé fur l'autorité des Hiftoires ,
confervées dans les anciennes bibliothetheques
; il fait voir qu'il a été long- temps
abandonné à caufe des guerres qui ont troublé
la fin du XVIIe fiécle & le commencement
du XVIII , & qui ont affuré à la
France la fupériorité fur fes voifins , la
fplendeur & le repos dont elle jouit depuis
ces deux fiécles également célébres . Il rapporte
à ce fujet un trait d'hiftoire curieux
où l'on voit que celui qui étoit alors à la
tête des Arts , fecondant avec zele & avec
162 MERCURE DE FRANCE.
un goût peu commun , les intentions & l'inclination
du Roy régnant , pour les grandes
chofes , entreprit de reftaurer & d'achever
cet édifice , dont une partie tomboit
en ruine. Il fixe la datte de cet important
événement vers le milieu du XVIIIe fiécle .
"
Il détruit enfuite entiérement l'objection
la plus impofante que fon antagoniſte
avoit alléguée contre la vérité de ce fait
qui étoit le peu de vraisemblance qu'il
trouvoit à croire qu'une perfonne en place
pût avoir abandonné la gloire de conftruire
de nouveaux édifices , & s'être contentée
de celle d'amener à leur fin les ouvrages
commencés par fes prédéceffeurs , qui
méritoient d'être confervés à la postérité.
M. Scarcher fait voir combien cette idée
eft fauffe , & qu'elle n'eft fondée que fur
la reffemblance que nous fuppofons entre
les hommes d'alors , & ceux du temps où
nous vivons. Il eſt bien vrai que de nos
jours nous voyons rarement achever les
grandes entrepriſes , parce qu'il eft du bon
air de ne point fuivre les maximes ni les
idées de fes prédéceffeurs , mais il n'en
étoit pas ainfi dans ces temps héroïques ;
chacun mettoit fa gloire à contribuer autant
qu'il étoit en lui à celle du Roy
régnant , & lorfque le moyen le plus digne
avoit été trouvé par fon devancier , on le
JUILLET. 1755. 163
fuivoit fans difficulté. D'ailleurs , on ne
peut pas dire que le Supérieur de ces tempslà
fe foit uniquement borné à fuivre ou à
finir ce que les autres avoient tracé . Il nous
refte plufieurs édifices très confidérables
& d'une grande beauté qui ont été commencés
& achevés fous ce regne.
On ne peut trop admirer la facilité & la
juftefle avec laquelle notre Sçavant éclaircit
ces temps que leur éloignement nous
rend fi obfcurs . Si d'une part il nous fait
voir avec certitude que ce fuperbe bâtiment
a été négligé pendant quelques années
, en même temps il s'éleve avec la plus
grande force contre ceux qui ont avancé
que pendant long-temps cet édifice a été
environné d'écuries , de petites maiſons ,
même d'échoppes. Il fait voir quelle abfurdité
il y a à penfer que dans un fiècle auffi
éclairé , on ait fouffert une pareille profanation
, ce qu'il dit là- deffus eft rempli
d'éloquence.
J'abrege quantité de réflexions non moins
curieufes qu'il fait fur les beautés du Lou
vre & qu'il faut lire dans l'original , pour
paffer à ce qu'il dit fur l'Eglife antique de
fainte Génevieve de la montagne. Il croit
que cet admirable édifice a été bâti par le
même architecte que le fuperbe périftile du
Louvre. La tradition reçue jufqu'à préfent
164 MERCURE DE FRANCE.
étoit que cette églife avoit été commencée
vers le milieu du dix -huitiéme fiécle : en
admettant fes preuves , il faudroit en établir
la datte environ un fiécle plûtôt , ce
qui répugne un peu à la beauté de fa confervation
, cependant les raifons qu'il apporte
ne font point à rejetter. Il s'appuie
fur le fentiment de nos plus habiles architectes
, qui en conſidérant la noble ſimplicité
du goût de cette architecture , y reconnoiffent
le même ſtile qu'au Louvre , quoique
dans une compofition différente. Ils
prétendent que le goût du dix- huitiéme
fiécle a été inférieur , à en juger par quelques
reftes de bâtimens dont la datte eft
certaine & par quelques écrits de ces
temps- là qui font remplis de plaintes contre
le mauvais goût qui régnoit alors , &
où l'on en explique les défauts de maniere
à nous en donner une idée affez diftincte.
Or , on ne voit aucun de ces défauts ni
dans cette églife , ni au Louvre ; au contraire
ces édifices font encore les regles du
vrai beau .
La feconde preuve qu'il tire du nom
de l'architecte , fait voir avec quelle fagacité
il éclaircit les antiquités les plus épineuſes.
L'hiſtoire nous a confervé le nom
de l'architecte de ce beau periftile du Louvre
qui regarde le Levant , il fe nommoit
JUILLE T. 1755. 165
Perrault. M. Scarcher prouve à travers
mille difficultés que c'eft ce même nom qui
eft tracé à fainte Genevieve , & qui eft tellement
effacé , qu'il n'y a qu'un homme
auffi verfé dans les antiquités que M. Scarcher
, qui puiffe nous en donner l'intelligence.
La premiere difficulté qui fe rencontre
eft que le nom de Perrault eft compofé
de huit lettres & qu'on n'en apperçoit
que fept dans les foibles traces qui restent
fur ce marbre ; mais nous verrons bien-tôt
comment on doit expliquer cela. Les deux
dernieres lettres de ce nom , qui fe voyent
encore affez diftin&tement , font OT, & il
ya tout lieu de croire que celle qui les
précede eft une L. M. Scarcher prouve premierement
par un grand nombre d'autorités
refpectables que les anciens François
prononçoient la diphtongue an , de même
que la lettre o , & qu'ainfi ils mettoient indifféremment
l'une pour l'autre. Cette découverte
répond en même temps d'une ma
niere évidente à la premiere difficulté des
fept premieres lettres qui fe trouvent à
fainte Génevieve au lieu de huit , que demande
fa fuppofition , car il eft clair qu'ici
la lettre o tient lieu de deux . Il reste la difficulté
de L qui fe trouve avant l'O , au
lieu que dans le nom de Perrault , elle ſe
trouve après an. 11 y fatisfait du moins
曩
166 MERCURE DE FRANCE .
d'une maniere probable , en difant qu'il eft
poffible que la modeſtie de l'architecte
l'ayant empêché d'y mettre lui-même fon
nom , il n'a été mis qu'après la mort , &
que ceux qui l'ont gravé , l'ont ainfi défiguré
, ou par corruption , ou plûtôt parce
que c'étoit en effet la véritable prononciation
de ce temps- là , comme nous voyons
encore dans le nôtre que les Allemands
prononcent Makre quoiqu'ils écrivent Maker
, ainfi on peut avoir prononcé OLT,
quoiqu'il foit écrit LOT. Nous nous fommes
un peu étendus fur cet article , quoique
nous l'ayons beaucoup abrégé , parce
que c'eft un des plus importans de ce fçavant
mémoire & celui où l'on découvre la
plus rare érudition ; s'il y a quelque choſe
qui paroiffe inadmiffible , c'eft cet excès
de modeſtie qu'il ſuppoſe dans un architecte
; mais encore une fois , nous ne deyons
pas juger des hommes de ces fiécles
vertueux par ceux du nôtre. Il reſte encore
une objection. Plufieurs fçavans ont prétendu
que la premiere lettre de ce nom eft
une S , & qu'il eft difficile avec les traces
qui en reftent d'en faire un P * . C'eſt là
* Il y en a qui vont plus loin . Ayant de meilleurs
yeux , ils ont cru entrevoir uneƒavant l , &
fuppléant à la diphtongue qui manque , ils ont
conjecturé que le véritable nom de l'architecte
JUILLET. 1755- 167
qu'il faut voir M. Scarcher employer toutes
les forces de fon éloquence pour y trouver
un P , il faut le lire dans l'original ,
mais il eft vrai qu'il eft bien difficile quand
on l'a lû de ne l'y pas trouver avec lui ,
malgré les difficultés que préfente l'infpection
du marbre.
M. Scarcher traite enfuite des reftes antiques
de l'Eglife de faint Pierre & faint
Paul , qu'une tradition fans fondement
nomme faint Sulpice. Il démontre que nous
n'avons pas cet édifice ( dont il ne refte
prefque que le portail ) tel qu'il a été bâti .
Que les arcades qui font au fecond ordre ,
y ont été conftruites depuis par quelque
raifon de folidité occafionnée par les ravages
du temps , & qu'il n'y a nulle apparènce
qu'un architecte de ce mérite eut mis ces
maffifs au fecond ordre n'en ayant pas mis
au premier , c'eft- à-dire , le fort fur le
foible. Il prouve encore que les coloffes
monftrueux qui font fur les tours , ont été
pareillement ajoûtés par quelque raifon de
dévotion populaire , qui a voulu que l'on
vit les patrons de cette églife les plus
grands qu'il étoit poffible ; que les tours
ont été terminées en ligne droite par l'architecte
premier auteur de cet édifice , &
étoit Sauflot ou Souflot. J'avoue que je ferois affez
de ce dernier ſentiment,
168 MERCURE DE FRANCE:
que le couronnement que nous y voyons
maintenant eft une augmentation faite
dans un fiecle où le goût avoit dégénéré.
Il ne paroît pas auffi bien fondé , lorfqu'il
foutient que le fronton eft dans le même
cas d'être venu après coup. Il prétend
décider le problême qui embarraffe tous
nos architectes , c'est - à - dire , l'impoffibilité
qu'il y a que l'églife dont nous jugeons
par quelques arcades demi ruinées
qui fubfiftent encore , puiffe avoir été liée
avec ce portail . En effet , on ne voit aucune
hauteur ni aucune ligne qui y ait du rapport.
Il dit qu'alors l'intérieur de l'égliſe
étoit à deux ordres l'un fur l'autre femblables
à ceux du portail avec un rang de galleries
regnant tout au tour, que cette églife
ayant été détruite ou par quelque accident
ou par la barbarie des fiecles fuivans , on a
édifié à fa place ce bâtiment irrégulier qui
s'y accorde fi peu ; ce qui donne quelque
vraisemblance à fa fuppofition , c'eft qu'indépendamment
de leur peu de rapport avec
le portail ces fragmens qui nous reftent
n'en ont pas même entr'eux . Ce fentiment
n'eft cependant pas fans difficulté , on a
peine à concevoir que dans l'efpace de
temps qui s'est écoulé depuis fa premiere
conftruction , une égliſe auffi bien bâtie
que celle qui devoit tenir à ce portail , ait
été
JUILLET. 1755. 169
été détruite , relevée une feconde fois aufli
folidement que nous le voyons par ces
reftes , & encore ruinée . On ne peut que
difficilement fuppofer qu'elle ait été abbattue
exprès , d'ailleurs nous ne connoiffons
point de fiecle de barbarie depuis ces temps
mémorables. Les arts ont toujours été floriffans
, & n'ont fait que fe perfectionner
jufqu'au point d'élévation où nous les
voyons maintenant. M. Scarcher permettra
que nous ne nous rendions pas encore
fur cet article , & que nous attendions des
preuves plus fortes que le temps & fon
profond fçavoir lui feront découvrir.
Notre favant auteur paffe enfuite à un
refte de bâtiment ancien qu'on croit avoir
été une églife fous l'invocation de faint
Roch. Ce qu'on trouve de plus fatisfaiſant
dans les réflexions de M. Scarcher fur cette
églife , ce font les raifons dont il s'appuye
pour détruire le fentiment de ceux qui foutiennent
que le double focle qui porte les
arcades de la nef a été apparent dans fa
premiere conftruction . Il fait voir que le
focle d'enbas étoit la fondation qui fe trouvoit
enfevelie dans l'intérieur du terrein
qu'il n'eft vifible que parce qu'on a baiffé
le terrein intérieur de l'églife , & combien
il eft ridicule de penfer que jamais aucun
architecte fe foit avifé de mettre deux fo-
H
170 MERCURE DE FRANCE.
cles l'un fur l'autre , & fi élévés que les
bazes des colonnes font de beaucoup audeffus
de la vue. Il établit une feconde
preuve fur ce qu'on trouve par d'anciennes
eftampes qu'on croit gravées dans ces mêmes
tems , qu'il y a eu 15 ou 16 marches
pour monter à cette églife , au lieu qu'à
préfent il ne s'en trouve que cinq. Selon
fon idée , on a détruit les marches qui
montoient jufqu'au niveau du premier
focle. Ce fentiment n'eft probable que dans
la fuppofition que les marches que l'on y
voit maintenant ne font point du tout les
anciennes , car il auroit fallu pour monter
jufqu'à la hauteur des bazes du portail
qu'elles n'euffent laiffé aucun pallier ; ce
qui , quoique poffible , laiffe quelque doute
, d'autant plus qu'en calculant la hauteur
& l'enfoncement que produifent un
nombre de marches femblables à celles qui
reftent , on n'y trouve pas un rapport jufte
avec le nombre des marches indiquées dans
l'eftampe , il eft vrai qu'il ajoute une raifon
plaufible pour remédier au défaut de
juftelle du calcul de ces marches , il fait
remarquer que naturellement le terrein
des villes fe hauffe par un abus auquel on
ne fonge point à tenir la main , parce que
l'on apporte toujours & qu'on ne remporte
jamais. Tout ceci porta un caractere de
JUILLET. 1755. 171
vraisemblance auquel on a peine à ſe
refufer.
·
Il entreprend de prouver que cette églife
précede au moins d'un fiecle le bâtiment
du Louvre , c'est- à- dire , avant que la bonne
architecture fut bien connue . Premierement
par le défaut infupportable des bazes
& des chapiteaux des colomnes qui ſe pénetrent
avec les pilaftres , défaut ridicule
qu'on n'eut jamais fouffert dans un fiecle
plus éclairé. Secondement , par les fauffes
courbes qui font l'enfoncement des efpeces
de niches où font les petites portes de
l'églife . Il prétend que ces courbes font
les effais par où l'on a commencé avant
que de trouver les formes régulieres . Cette
feconde preuve n'eſt pas de la force de la
premiere , car on trouve plufieurs édifices
dont la datte eft certaine , & qui font conftruits
plus d'un fiecle & demi après , où
l'on voit ces mêmes courbes employées &
de plus mauvaiſes encore , d'ailleurs plufieurs
fçavans prétendent quele propre de
l'efprit humain , eft de trouver d'abord
tour naturellement le fimple qui eft le vrai
beau ; & que le goût ne fe corrompt qu'à
force de vouloir aller au-delà.
Au refte , il eft fi difficile de pénétrer
dans ces tems anciens , que les conjectures
vraisemblables doivent être regardées
Hij
172 MERCURE DE FRANCE:
comme des démonftrations . Ce mémoire
renferme quantité de recherches intéreſfantes
aufquelles je renvoye le lecteur
pour ne pas être trop long.
Fermer
Résumé : ARCHITECTURE. Mercure du mois de Juin de l'année 2355.
Le Mercure de juin 1755 présente un nouveau volume des Mémoires de la Société de Gens de Lettres, qui se distingue par son exploration des antiquités françaises, y compris celles des siècles futurs. Le journal souligne la ténacité et l'érudition de cette société, qui étend ses recherches au-delà des temps passés pour éclairer les époques à venir. L'article se concentre sur les mémoires relatifs à l'architecture antique, notamment ceux de M. Scarcher. Ce dernier traite des vestiges architecturaux de l'ancienne ville de Paris, prouvant que le quartier de la Cour, aujourd'hui connu sous le nom de quartier de Versailles, était autrefois en dehors de la ville. Il démontre également que Paris avait une étendue limitée à l'époque, environ une lieue. Scarcher examine ensuite la statue de Louis XV et le pont Royal, affirmant que ce dernier tire son nom de la statue. Il réfute une affirmation précédente selon laquelle le Louvre aurait été achevé sous le règne de Louis XIV, expliquant que l'édifice a été négligé en raison des guerres et restauré au milieu du XVIIIe siècle. Le texte aborde également l'église Sainte-Geneviève, que Scarcher attribue au même architecte que le péristyle du Louvre, Perrault. Il discute des difficultés de lecture des inscriptions et des preuves historiques pour soutenir ses assertions. Scarcher traite également des vestiges de l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul, aujourd'hui connue sous le nom de Saint-Sulpice, démontrant que l'édifice a subi des modifications au fil du temps. Il conclut que l'église actuelle ne correspond pas à l'original et que certaines parties ont été ajoutées pour des raisons de solidité ou de dévotion populaire. Scarcher conteste l'idée que le double socle des arcades de la nef de l'église dédiée à saint Roch ait été visible lors de la première construction. Il argue que le socle inférieur était enfoui et n'est visible que parce que le terrain intérieur a été abaissé. Il trouve ridicule l'hypothèse que deux socles aient été construits l'un sur l'autre à une telle hauteur. Scarcher présente des preuves basées sur des anciennes estampes montrant 15 ou 16 marches pour accéder à l'église, contre cinq actuellement. Il suggère que les marches originales ont été détruites et que le terrain des villes tend à s'élever naturellement. Enfin, Scarcher tente de démontrer que cette église précède de plus d'un siècle le bâtiment du Louvre, avant que l'architecture ne soit bien maîtrisée. Il cite des défauts dans les bases et chapiteaux des colonnes, ainsi que des courbes incorrectes dans les niches des portes. Cependant, cette seconde preuve est contestée par des savants qui affirment que l'esprit humain trouve d'abord le beau simple et que le goût se corrompt en cherchant à aller au-delà.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 214-220
ARCHITECTURE. Suite du Mercure du mois de Juin de l'année 2355.
Début :
M. Diver rend compte dans un second mémoire, d'une antiquité découverte auprès [...]
Mots clefs :
Architecture, Église, Décoration, Bois, Vase, Prédicateur, Statue, Tribune, Antiquité
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texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE. Suite du Mercure du mois de Juin de l'année 2355.
ARCHITECTURE.
Suite du Mercure du mois de Juin de l'année
2355
M. Diver rend compte dans un fecond
un
mémoire , d'une antiquité découverte auprès
de l'églife de Sainte Génevieve de la
Montagne. C'eſt une forte de vafe de bois,
orné de bas reliefs & figures de fculpture
de même matiere , très - délicatement travaillées.
Il a été trouvé fous des monceaux
de petites pierres , qui paroiffent être les
ruines de quelque bâtiment confidérable.
Dans la defcription qu'il fait de ce vaſe,
il fe fert d'une comparaifon un peu triviale
, que cependant nous ne pouvons nous
difpenfer de rapporter , parce qu'elle donne
une idée précife de la forme de cette
forte de vaſe inconnu jufqu'ici. Il le compare
à l'égrugeoir qui nous fert à broyer
le fel en effet c'est une forte de demi
tonneau , d'un plus grand diametre qu'aucun
de ceux qui font en ufage ; il eft terminé
en cul de lampe. Les figures qui le
décorent , & qui repréfentent des vertus
AOUST. 1755. 215
chrétiennes , donnent lieu de croire qu'il
-étoit deftiné à quelque ufage religieux.
La difficulté eft de deviner cet ufage.
Quelques auteurs qui avoient été inftruits
des premiers de cette découverte , ont
prétendu que c'étoit une chaire à prêcher.
Ils avançoient fans aucune apparence que
cette machine étoit en l'air clouée contre
un pilier , & que l'on y montoit par une
échelle ; en effet on trouve une partie de
la rondeur interrompue , qu'ils prétendent
être l'ouverture par laquelle le Prédicateur
entroit. Ils ont été jufqu'à croire que
quelques reftes fculptés en bois , auffi de
forme ronde & convexe qu'on a trouvés au
même lieu , étoient une forte de couver-
-cle qu'on mettoit deffus , qui fermoit ce
vafe , lorfque le Prédicateur n'y étoit pas ,
& qui pouvoit s'élever par des machines
pour laiffer deffous l'efpace néceffaire à
Ï'Orateur ; alors , difent -ils , il fervoit comme
d'un rabat-voix pour empêcher qu'elle
.ne fe perdit dans l'immensité de l'églife.
Ils avancent encore pour comble d'abfurdité
, qu'une groffe ftatue de bois dont
on a trouvé quelques fragmens dans ce
même lieu , & qui n'a nulle proportion
-avec les figures qui entourent le vafe ,
étoit placée fur ce couvercle, & lui fervoit
comme de bouton .
216 MERCURE DE FRANCE.
"
·
M. Diver refute toutes ces extravagantes
idées , & ne laiffe aucun lieu à la replique
, nous donnerons ici en entier ſes
preuves , parce que c'eft un objet de curiofité
très important. " Remarquez que
quand on fuppoferoit qu'on ne dût faire
» remonter l'antiquité de ce vafe qu'au
» dix feptiéme fiécle. ( il prouve plus, bas
qu'il doit être beaucoup plus ancien, ) il eft
toujours vrai que les François de ces.tems
là pouvoient voir encore affez de reftes
» de l'ancienne Rome , & particulierement
» de la fameufe tribune aux harangues
» pour n'avoir pu adopter une forme auffi
» ridicule pour y placer l'Orateur chrétien :
de plus , comment fe figurer que cette
lourde machine ait été fimplement atta-
» chée à un pilier , & du reſte toute en l'air,
» de maniere à donner à l'Auditeur l'in-
» quiétude de voir tomber la chaire & le
»Prédicateur.
و د
39
و د
» La fuppofition qu'on y foit monté
par
» une échelle , eſt tout-à - fait indécente ,
3 ils devroient du moins fuppofer qu'il y
" avoit un escalier tournoyant autour du
pilier ; il eft vrai qu'un efcalier de cette
»forme paroît affez ridicule à imaginer
» dans une églife où tout doit être de for-
»mes fimples & grandes.
"
» De quelle utilité feroit un couvercle
1
qui
AOUS T. 1755 217
qui dans cette fuppofition ne couvriroit
» le vafe que lorfqu'il n'y a rien dedans .
» De plus il eft impoffible qu'on fe foit jamais
figuré que ce couvercle pût empêcher
la voix de fe perdre ou la réfléchir.
Le cône de voix qui fort de la bouche
» du Prédicateur ne pourroit jamais frap-
» per ce couvercle , qui n'avanceroit audeffus
de lui que d'un pied au plus , fi ce
n'eft lorfqu'il leveroit la tête d'une maniere
forcée , & dans les apoftrophes &
» exclamations vers le ciel , qui font fort
» rares dans un difcours. Si l'on prétend
33
qu'il arrête les ondulations de la voix
» & augmente leur force du côté où il eft
✯ beſoin d'être entendu , je réponds qu'une
» ſurface de fix ou fept pieds au plus , eft
de nulle valeur par rapport à l'efpace
vuide , & fans obftacle prochain pour
réfléchir la voix , qui refte dans l'églife ,
devant , au - deffus & aux côtés du Prédicateur.
Il est évident qu'on n'a point
» pu lui attribuer cette utilité. La fuppofi-
» tion même qu'on fait que ce vafe ait été
attaché à un pilier qui ne préfentoit
» derriere le Prédicateur qu'une furface
» étroite , feroit contradictoire à ce qu'on
fuppofe , & prouveroit qu'on ne cherchoit
pas même alors le moyen le plus
fimple pour arrêter les ondulations 'fu
"
20
K
1
218 MERCURE DE FRANCE.
"3
?
perflues de la voix , qui eft de préfenter
derriere le Prédicateur la plus grande
» furface poffible , fans gâter la décoration
de l'églife . Les habiles Architectes
» à qui l'on a montré les deffeins faits fur
» cette fuppofition , où l'on a cru fuppléer
» aux parties qu'on n'a pu retrouver , ont
» déclaré qu'il étoit impoffible que dans
» les fiécles où le bon goût a été connu ,
» on ait fuivi une conftruction auffi bizar-
» re pour une tribune aux harangues. Ils
» remarquent que tout architecte dès
qu'il y en a eus de dignes de porter ce
» nom , a infailliblement penfé aux principales
deſtinations pour lefquelles on
» conftruit des églifes. La premiere eft ,
» poury offrir le faint facrifice de la meffe,
» ainfi il a fallu compofer d'abord un au-
» tel , & le placer dans le lieu le plus ap-
» parent. La feconde eft , pour y prêcher
» la parole de Dieu , ainfi la tribune con-
» facrée à cette fonction doit être très- ap-
» parente & très - confidérable , compofée
» avec l'églife , conftruite folidement , ainſi
que le refte , & non pas une machine de
» bois , poftiche , & qui auroit l'air d'y
» avoir été ajoutée après coup ; cet objet
« a toujours dû être lié avec la décoration
générale , de maniere à en augmenter
» la majesté.
39
"
મું
ود
A O UST. 1755 219
» que
J
D'ailleurs , l'efpace eft confidérable-
» ment trop borné pour laiffer la liberté
demandent les grands mouvemens
» de l'art oratoire . Un homme ne pourroit
» ſe remuer là - dedans, qu'il ne parût à tout
inftant prêt à fe jetter dehors ; encore
» moins pourroit-on fuppofer qu'il ait pû
» contenir deux interlocuteurs , ce qui eft
»pourtant néceffaire dans les conférences.
» İls affurent donc que les chaires ont toujours
été ce qu'elles font à préfent , c'eſt-
» à- dire une grande tribune placée au mi-
» lieu de la plus grande arcade de l'églife ,
» ornée d'une baluftrade , terminée de part
» & d'autre par deux efcaliers ; le fond en
» doit préfenter une belle décoration d'ar-
" chitecture , & le couronnement , noble-
» ment élevé à une belle hauteur au- deflus
» des Orateurs chrétiens , les couvre com-
» me d'un dais , mais peu faillant , & non
» point pour réfléchir leur voix , ce qui
» feroit une idée tout -à- fait dépourvûe de
>> raifon , puifqu'ils ne fe tournent pas en
parlant vers la partie de l'églife qui eft
» directement au- deffus de leur tête. »
Pour abréger , M. Diver prouve que c'étoit
un baptiſtère , il en fait remonter l'antiquité
jufqu'au tems où le baptême par immerfion
étoit encore en ufage. Quand on
lui conteſteroit cette date par la difficulté
»
Kij
220 MERCURE DE FRANCE.
il
qu'il y a qu'un ouvrage en bois fe foit
confervé entier pendant tant de fiécles, en
lui fuppofant une date plus récente ,
s'enfuivroit que la forme qui y avoit été
donnée pour leur destination primitive ,
s'eft confervée long-tems après que cet
ufage a été changé. Ce qu'il y a de certain
, c'eſt que cette fuppofition répond
pleinement à tout , & que M. Diver l'appuie
d'argumens irréffiftibles.
Suite du Mercure du mois de Juin de l'année
2355
M. Diver rend compte dans un fecond
un
mémoire , d'une antiquité découverte auprès
de l'églife de Sainte Génevieve de la
Montagne. C'eſt une forte de vafe de bois,
orné de bas reliefs & figures de fculpture
de même matiere , très - délicatement travaillées.
Il a été trouvé fous des monceaux
de petites pierres , qui paroiffent être les
ruines de quelque bâtiment confidérable.
Dans la defcription qu'il fait de ce vaſe,
il fe fert d'une comparaifon un peu triviale
, que cependant nous ne pouvons nous
difpenfer de rapporter , parce qu'elle donne
une idée précife de la forme de cette
forte de vaſe inconnu jufqu'ici. Il le compare
à l'égrugeoir qui nous fert à broyer
le fel en effet c'est une forte de demi
tonneau , d'un plus grand diametre qu'aucun
de ceux qui font en ufage ; il eft terminé
en cul de lampe. Les figures qui le
décorent , & qui repréfentent des vertus
AOUST. 1755. 215
chrétiennes , donnent lieu de croire qu'il
-étoit deftiné à quelque ufage religieux.
La difficulté eft de deviner cet ufage.
Quelques auteurs qui avoient été inftruits
des premiers de cette découverte , ont
prétendu que c'étoit une chaire à prêcher.
Ils avançoient fans aucune apparence que
cette machine étoit en l'air clouée contre
un pilier , & que l'on y montoit par une
échelle ; en effet on trouve une partie de
la rondeur interrompue , qu'ils prétendent
être l'ouverture par laquelle le Prédicateur
entroit. Ils ont été jufqu'à croire que
quelques reftes fculptés en bois , auffi de
forme ronde & convexe qu'on a trouvés au
même lieu , étoient une forte de couver-
-cle qu'on mettoit deffus , qui fermoit ce
vafe , lorfque le Prédicateur n'y étoit pas ,
& qui pouvoit s'élever par des machines
pour laiffer deffous l'efpace néceffaire à
Ï'Orateur ; alors , difent -ils , il fervoit comme
d'un rabat-voix pour empêcher qu'elle
.ne fe perdit dans l'immensité de l'églife.
Ils avancent encore pour comble d'abfurdité
, qu'une groffe ftatue de bois dont
on a trouvé quelques fragmens dans ce
même lieu , & qui n'a nulle proportion
-avec les figures qui entourent le vafe ,
étoit placée fur ce couvercle, & lui fervoit
comme de bouton .
216 MERCURE DE FRANCE.
"
·
M. Diver refute toutes ces extravagantes
idées , & ne laiffe aucun lieu à la replique
, nous donnerons ici en entier ſes
preuves , parce que c'eft un objet de curiofité
très important. " Remarquez que
quand on fuppoferoit qu'on ne dût faire
» remonter l'antiquité de ce vafe qu'au
» dix feptiéme fiécle. ( il prouve plus, bas
qu'il doit être beaucoup plus ancien, ) il eft
toujours vrai que les François de ces.tems
là pouvoient voir encore affez de reftes
» de l'ancienne Rome , & particulierement
» de la fameufe tribune aux harangues
» pour n'avoir pu adopter une forme auffi
» ridicule pour y placer l'Orateur chrétien :
de plus , comment fe figurer que cette
lourde machine ait été fimplement atta-
» chée à un pilier , & du reſte toute en l'air,
» de maniere à donner à l'Auditeur l'in-
» quiétude de voir tomber la chaire & le
»Prédicateur.
و د
39
و د
» La fuppofition qu'on y foit monté
par
» une échelle , eſt tout-à - fait indécente ,
3 ils devroient du moins fuppofer qu'il y
" avoit un escalier tournoyant autour du
pilier ; il eft vrai qu'un efcalier de cette
»forme paroît affez ridicule à imaginer
» dans une églife où tout doit être de for-
»mes fimples & grandes.
"
» De quelle utilité feroit un couvercle
1
qui
AOUS T. 1755 217
qui dans cette fuppofition ne couvriroit
» le vafe que lorfqu'il n'y a rien dedans .
» De plus il eft impoffible qu'on fe foit jamais
figuré que ce couvercle pût empêcher
la voix de fe perdre ou la réfléchir.
Le cône de voix qui fort de la bouche
» du Prédicateur ne pourroit jamais frap-
» per ce couvercle , qui n'avanceroit audeffus
de lui que d'un pied au plus , fi ce
n'eft lorfqu'il leveroit la tête d'une maniere
forcée , & dans les apoftrophes &
» exclamations vers le ciel , qui font fort
» rares dans un difcours. Si l'on prétend
33
qu'il arrête les ondulations de la voix
» & augmente leur force du côté où il eft
✯ beſoin d'être entendu , je réponds qu'une
» ſurface de fix ou fept pieds au plus , eft
de nulle valeur par rapport à l'efpace
vuide , & fans obftacle prochain pour
réfléchir la voix , qui refte dans l'églife ,
devant , au - deffus & aux côtés du Prédicateur.
Il est évident qu'on n'a point
» pu lui attribuer cette utilité. La fuppofi-
» tion même qu'on fait que ce vafe ait été
attaché à un pilier qui ne préfentoit
» derriere le Prédicateur qu'une furface
» étroite , feroit contradictoire à ce qu'on
fuppofe , & prouveroit qu'on ne cherchoit
pas même alors le moyen le plus
fimple pour arrêter les ondulations 'fu
"
20
K
1
218 MERCURE DE FRANCE.
"3
?
perflues de la voix , qui eft de préfenter
derriere le Prédicateur la plus grande
» furface poffible , fans gâter la décoration
de l'églife . Les habiles Architectes
» à qui l'on a montré les deffeins faits fur
» cette fuppofition , où l'on a cru fuppléer
» aux parties qu'on n'a pu retrouver , ont
» déclaré qu'il étoit impoffible que dans
» les fiécles où le bon goût a été connu ,
» on ait fuivi une conftruction auffi bizar-
» re pour une tribune aux harangues. Ils
» remarquent que tout architecte dès
qu'il y en a eus de dignes de porter ce
» nom , a infailliblement penfé aux principales
deſtinations pour lefquelles on
» conftruit des églifes. La premiere eft ,
» poury offrir le faint facrifice de la meffe,
» ainfi il a fallu compofer d'abord un au-
» tel , & le placer dans le lieu le plus ap-
» parent. La feconde eft , pour y prêcher
» la parole de Dieu , ainfi la tribune con-
» facrée à cette fonction doit être très- ap-
» parente & très - confidérable , compofée
» avec l'églife , conftruite folidement , ainſi
que le refte , & non pas une machine de
» bois , poftiche , & qui auroit l'air d'y
» avoir été ajoutée après coup ; cet objet
« a toujours dû être lié avec la décoration
générale , de maniere à en augmenter
» la majesté.
39
"
મું
ود
A O UST. 1755 219
» que
J
D'ailleurs , l'efpace eft confidérable-
» ment trop borné pour laiffer la liberté
demandent les grands mouvemens
» de l'art oratoire . Un homme ne pourroit
» ſe remuer là - dedans, qu'il ne parût à tout
inftant prêt à fe jetter dehors ; encore
» moins pourroit-on fuppofer qu'il ait pû
» contenir deux interlocuteurs , ce qui eft
»pourtant néceffaire dans les conférences.
» İls affurent donc que les chaires ont toujours
été ce qu'elles font à préfent , c'eſt-
» à- dire une grande tribune placée au mi-
» lieu de la plus grande arcade de l'églife ,
» ornée d'une baluftrade , terminée de part
» & d'autre par deux efcaliers ; le fond en
» doit préfenter une belle décoration d'ar-
" chitecture , & le couronnement , noble-
» ment élevé à une belle hauteur au- deflus
» des Orateurs chrétiens , les couvre com-
» me d'un dais , mais peu faillant , & non
» point pour réfléchir leur voix , ce qui
» feroit une idée tout -à- fait dépourvûe de
>> raifon , puifqu'ils ne fe tournent pas en
parlant vers la partie de l'églife qui eft
» directement au- deffus de leur tête. »
Pour abréger , M. Diver prouve que c'étoit
un baptiſtère , il en fait remonter l'antiquité
jufqu'au tems où le baptême par immerfion
étoit encore en ufage. Quand on
lui conteſteroit cette date par la difficulté
»
Kij
220 MERCURE DE FRANCE.
il
qu'il y a qu'un ouvrage en bois fe foit
confervé entier pendant tant de fiécles, en
lui fuppofant une date plus récente ,
s'enfuivroit que la forme qui y avoit été
donnée pour leur destination primitive ,
s'eft confervée long-tems après que cet
ufage a été changé. Ce qu'il y a de certain
, c'eſt que cette fuppofition répond
pleinement à tout , & que M. Diver l'appuie
d'argumens irréffiftibles.
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Résumé : ARCHITECTURE. Suite du Mercure du mois de Juin de l'année 2355.
Le texte du Mercure de juin 2355 rapporte la découverte d'une antiquité près de l'église Sainte-Geneviève de la Montagne par M. Diver. Il s'agit d'un vase en bois de forme semi-cylindrique, orné de bas-reliefs et de sculptures délicates représentant des vertus chrétiennes. Cet objet a été trouvé sous des ruines et est comparé à un égrugeoir, suggérant un usage religieux. Plusieurs hypothèses ont été proposées concernant l'usage de ce vase. Certains auteurs ont suggéré qu'il pourrait s'agir d'une chaire à prêcher, suspendue contre un pilier et accessible par une échelle. Ils ont également avancé que des fragments de bois trouvés sur place pourraient être un couvercle servant de rabat-voix. Cependant, M. Diver réfute ces idées, estimant improbable que les Français aient adopté une telle forme pour une chaire à prêcher. M. Diver argue que la forme du vase et son décor ne correspondent pas à une chaire à prêcher. Il souligne l'inconfort et l'instabilité d'une telle structure, ainsi que l'inutilité d'un couvercle pour réfléchir la voix. Il conclut que le vase est plus probablement un baptistère, utilisé à une époque où le baptême par immersion était pratiqué. Cette hypothèse est appuyée par des arguments solides, bien que la conservation d'un tel objet en bois sur une longue période reste discutable.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 131-134
ARCHITECTURE.
Début :
MESSIEURS les Commissaires dénommés par l'Académie Royale d'Architecture à l'examen [...]
Mots clefs :
Académie royale d'architecture, Commissaires, Sacristie de Notre-Dame de Paris, Contrôleur des bâtiments du roi, Gravures
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texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE.
MESSIEURS ESSIEURS les Commiffaires dénommés
par l'Académie Royale d'Architecture
à l'examen des gravures du
fieur Dumont , ayant marqué par leur
rapport lé defir de voir augmenter la
-collection de cet Artite fur S. Pierre
de Rome, de nombre d'autres détails:
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
de cette Bafilique & continuer cet Ouvrage
autant pour l'utilité des Artiſtes
& Amateurs & la fatisfaction du Public
, que pour l'honneur de cet Architecte
, ont déterminé par leur rapport
-cet Artiſte à nous donner un fupplément
de 7 planches des détails de ce
Monument. La précifion & l'exactitude
de ces dernieres planches répond au
précieux que ces Meffieurs ont reconnu
aux premieres, Cette collection fe trouve
actuellement fixée à 30 planches fur
S. Pierre feul ; le prix en feuilles eft de
71.4 f.
Les portes du chevet de Ste Marie
Majeure ainfi que le profil & l'élévation
de la porte Farméfe qu'il avoit mis
à la fuite de fa collection de S. Pierre ,
font partie d'un fecond Cahier où il
joint une des Campaniles de Sté Agnès
avec fept croifées des plus beaux Palais
de Rome , imprimées deux à deux fur
une même feuille , ce qui fe monte à
12 études particulieres dont le prix en
grand papier eft de 3 l.
En petit papier ,
21. 10 f.
Les élévations , profils & détails de
la Sacriftie de Notre- Dame de Paris ,
gravées d'après les deffeins de M. Soufflot
, Architecte & Contrôleur des BâJANVIER.
1763. 133
timens du Roi forment un cahier de 6
planches , le prix en feuilles grand papier
,
Petit papier ,
I l. 10 f.
1 1. 4 f.
Divers projets de l'Auteur , cahier de
9 planches en feuilles , grand papier ,
I l. 10 f.
Une Fontaine de Bernin , exécutée à
la vigne Panphile, jointe au plan géométral
& élévation perfpective d'un Temple
des Arts , compofition de l'Auteur
pour fa réception à l'Académie de Rome,
en feuilles & grand papier , 1 1. 16f.
Petit papier ,
Il. Io f.
Les quatre petits cahiers de diverfes
parties d'Architecture , dont nous avons
ci-devant parlé , fe trouvent chez l'Auteur
également en grand papier à raifon
I l. 10 f
Et de même en petit papier à 1 1.5 f
Il les débite auffi tous quatre reliés
enfemble . Prix , .61.
de
A ces augmentations ci - deffus l'Auteur
met actuellement au jour douze plan .
ches fur les Salles de Spectacle . Ce cahier
renferme quatre plans des plus belles
Salles d'Italie . La cinquiéme eft occupée
par la fameufe Salle de Turin . La fixiéme
nous donne un projet de Salle de
l'Auteur. La feptiéme contient les plans ,
134 MERCURE DE FRANCE.
coupe & profil de la Salle de l'Opéra-
Comique , Foire S. Laurent. La huitiéme
donne tous les détails néceffaires à l'établiffement
des théâtres , & les quatre
dernieres les plans , coupes & profils
d'une petite Salle de machine , très - curieufe
par la fimplicité de fa méchanique
& par le peu de frais qu'elle entraîne
dans fes opérations . Ce cahier n'eft pas
le moins intéreffant des gravures que le
fieur Dumont vient de mettre au jour.
Les notes qu'il a eu foin de faire appofer
autant qu'elles étoient néceffaires
avec une échelle commune à la plus
grande partie de ces plans , donnent
Féclairciffement de leur rapport entre
elles. Le prix de ce cahier eft de 3 liv.
Une nouvelle perfpective repréfentant
l'intérieur d'un Sallon à l'Italienne
, compofition de l'Auteur auffi proprement
gravée que deffinée avec précifion
de perſpective. Prix , 11.4 £
Toutes ces gravures fe debitent toujours
chez l'Auteur, rue neuve S. Merry,
à l'hôtel de Jabac.
par l'Académie Royale d'Architecture
à l'examen des gravures du
fieur Dumont , ayant marqué par leur
rapport lé defir de voir augmenter la
-collection de cet Artite fur S. Pierre
de Rome, de nombre d'autres détails:
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
de cette Bafilique & continuer cet Ouvrage
autant pour l'utilité des Artiſtes
& Amateurs & la fatisfaction du Public
, que pour l'honneur de cet Architecte
, ont déterminé par leur rapport
-cet Artiſte à nous donner un fupplément
de 7 planches des détails de ce
Monument. La précifion & l'exactitude
de ces dernieres planches répond au
précieux que ces Meffieurs ont reconnu
aux premieres, Cette collection fe trouve
actuellement fixée à 30 planches fur
S. Pierre feul ; le prix en feuilles eft de
71.4 f.
Les portes du chevet de Ste Marie
Majeure ainfi que le profil & l'élévation
de la porte Farméfe qu'il avoit mis
à la fuite de fa collection de S. Pierre ,
font partie d'un fecond Cahier où il
joint une des Campaniles de Sté Agnès
avec fept croifées des plus beaux Palais
de Rome , imprimées deux à deux fur
une même feuille , ce qui fe monte à
12 études particulieres dont le prix en
grand papier eft de 3 l.
En petit papier ,
21. 10 f.
Les élévations , profils & détails de
la Sacriftie de Notre- Dame de Paris ,
gravées d'après les deffeins de M. Soufflot
, Architecte & Contrôleur des BâJANVIER.
1763. 133
timens du Roi forment un cahier de 6
planches , le prix en feuilles grand papier
,
Petit papier ,
I l. 10 f.
1 1. 4 f.
Divers projets de l'Auteur , cahier de
9 planches en feuilles , grand papier ,
I l. 10 f.
Une Fontaine de Bernin , exécutée à
la vigne Panphile, jointe au plan géométral
& élévation perfpective d'un Temple
des Arts , compofition de l'Auteur
pour fa réception à l'Académie de Rome,
en feuilles & grand papier , 1 1. 16f.
Petit papier ,
Il. Io f.
Les quatre petits cahiers de diverfes
parties d'Architecture , dont nous avons
ci-devant parlé , fe trouvent chez l'Auteur
également en grand papier à raifon
I l. 10 f
Et de même en petit papier à 1 1.5 f
Il les débite auffi tous quatre reliés
enfemble . Prix , .61.
de
A ces augmentations ci - deffus l'Auteur
met actuellement au jour douze plan .
ches fur les Salles de Spectacle . Ce cahier
renferme quatre plans des plus belles
Salles d'Italie . La cinquiéme eft occupée
par la fameufe Salle de Turin . La fixiéme
nous donne un projet de Salle de
l'Auteur. La feptiéme contient les plans ,
134 MERCURE DE FRANCE.
coupe & profil de la Salle de l'Opéra-
Comique , Foire S. Laurent. La huitiéme
donne tous les détails néceffaires à l'établiffement
des théâtres , & les quatre
dernieres les plans , coupes & profils
d'une petite Salle de machine , très - curieufe
par la fimplicité de fa méchanique
& par le peu de frais qu'elle entraîne
dans fes opérations . Ce cahier n'eft pas
le moins intéreffant des gravures que le
fieur Dumont vient de mettre au jour.
Les notes qu'il a eu foin de faire appofer
autant qu'elles étoient néceffaires
avec une échelle commune à la plus
grande partie de ces plans , donnent
Féclairciffement de leur rapport entre
elles. Le prix de ce cahier eft de 3 liv.
Une nouvelle perfpective repréfentant
l'intérieur d'un Sallon à l'Italienne
, compofition de l'Auteur auffi proprement
gravée que deffinée avec précifion
de perſpective. Prix , 11.4 £
Toutes ces gravures fe debitent toujours
chez l'Auteur, rue neuve S. Merry,
à l'hôtel de Jabac.
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Résumé : ARCHITECTURE.
Le rapport des commissaires de l'Académie Royale d'Architecture concerne les gravures de l'artiste Dumont. Ils souhaitent enrichir la collection de gravures sur la basilique Saint-Pierre de Rome en ajoutant 7 planches détaillées, portant la collection à 30 planches au total, vendues 71 livres 4 sols en feuilles. Dumont a également réalisé des gravures sur divers sujets architecturaux, comme les portes du chevet de Sainte-Marie-Majeure, des profils et élévations de portes, des campaniles et des croisées de palais romains, regroupés en un second cahier de 12 études particulières, vendu 3 livres en grand papier et 21 livres 10 sols en petit papier. Il a aussi gravé des élévations, profils et détails de la sacristie de Notre-Dame de Paris d'après les dessins de Soufflot, regroupés en un cahier de 6 planches, vendu 1 livre 10 sols en grand papier et 1 livre 4 sols en petit papier. Parmi ses autres travaux, on trouve des projets divers, une fontaine de Bernin et des plans d'un temple des Arts. Dumont propose également un cahier de 12 planches sur les salles de spectacle, vendu 3 livres, et une nouvelle perspective représentant l'intérieur d'un salon à l'italienne, vendue 1 livre 4 sols. Toutes ces gravures sont disponibles chez l'auteur, rue neuve Saint-Merry, à l'hôtel de Jabac.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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