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1
p. 135-143
ARCHITECTURE. Observations sur la maniere dont sont decorés les extéieurs de nos églises ; par M. Patte, Architecte.
Début :
Quelque libre que paroisse la composition des édifices, il est, pour ainsi [...]
Mots clefs :
Églises, Extérieurs, Décoration, Portail, Ordres, Architectes
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texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE. Observations sur la maniere dont sont decorés les extéieurs de nos églises ; par M. Patte, Architecte.
ARCHITECTURE .
Obfervationsfur la maniere dont font decorés
les extérieurs de nos églifes ; par M. Patte,,
Architecte.
Uelque libre
que paroiffe la compofition
des édifices , il eft , pour ainfi
dire , une forte de coftume de décoration ,
tant intérieure qu'extérieure
, que l'on doit
obferver relativement
à leurs ufages & à
leurs deſtinations
: la décoration qui convient
à une fontaine , ne doit pas convenir
à un retable d'autel , celle d'un Palais à
un Hôpital ; & il ne feroit pas moins ridicule
d'affecter à une maifon ordinaire
la décoration
qui convient
à une égliſe ,
que d'affecter à une égliſe la décoration
d'un bâtiment ordinaire ; cependant il eſt
rare & très- rare qu'un édifice foit compofé
de maniere à annoncer fa deftination
,
de forte qu'on ne puiffe s'y méprendre
.
Cette partie de l'art eft des plus difficiles ,
& il n'appartient qu'aux Architectes du
premier ordre d'y réuffir ..
Nous n'avons point d'édifices publics
où ce défaut foit plus fenfible que dans
l'extérieur de nos églifes ; & il eft étonnant
que nos Architectes françois ayent
136 MERCURE DE FRANCE.
-
été jufqu'ici fi peu attentifs à la convenance
de leurs compofitions. En effet eft il
naturel d'élever , ainfi qu'on le pratique
tous les jours , plufieurs ordres de colonnes
les uns au- deffus des autres pour décorer
leurs portails cette ordonnance ne femble
- t - elle pas donner au dehors de nos
temples l'air d'un édifice fait pour être habité?
car les différens ordres extérieurs ont
toujours coutume d'annoncer les différens
étages de l'intérieur d'un bâtiment , ce
qu'il eft affûrement abfurde de fuppofer
dans une églife .
Pour mieux faire fentir le vice de cette
décoration , oppofons-lui par contraſte la
maniere dont les anciens, nos Maîtres dans
les beaux Arts , décoroient ces fortes d'édifices
; ils penfoient avec raifon devoir
caractériſer les dehors de la demeure de
l'Etre fuprême par un enfemble grand &
majestueux , qui écartât toute idée d'un bâtiment
ordinaire ; ils employoient pourcet
effet un feul ordre coloffal , formant un
periftyle ou porche au pourtour , & cou-.
ronné par un fronton du côté de l'entrée ,
dans le tympan duquel étoit repréſenté
un bas - relief en rapport avec la dédicace
de leurs temples.
C'eft ainfi qu'étoient décorés les plus
beaux temples de la Grece & de l'Italie ,
MA I. 1755. 137
y
dont nous avons , foit des defcriptions ,
foit de précieux reftes, qui font encore aujourd'hui
, jufques dans leurs ruines , l'étonnement
des plus grands Maîtres ; c'eſt
ainfi que Michel Ange & Palladio , les
deux plus habiles Architectes modernes de
l'Italie , ont compofé les différens portails
qu'ils ont fait exécuter à Rome , à Venife
& autres lieux.
Pour quelle raifon les Architectes de
nos jours fe font- ils donc écartés d'une
compofition fi judicieufe aux portails des
églifes de S. Gervais , de la Sorbonne , du
Val-de- Grace , des Invalides , de S. Roch ,
de S. Sulpice , de l'Oratoire , des Petits Pe
de S. Euftache , qu'on conftruit actuellement
, & autres ?On voit par-tout dans
res ,
* Outre le défaut de plufieurs ordres élevés les
uns au - deffus des autres qu'aura ce porrail que
l'on diftribue gravé dans le public , il en aura un
fingulier , & qu'il eft étonnant qu'on n'ait pas prévú
lors de fa compofition . Au fecond ordre ionique
les deux colonnes du milieu qui font retraite
, afin de laiffer profiler les deux tours , paroîtront
par l'optique , tronquées plufieurs pieds au- deffus
de leurs bafes , à caufe de la grande faillie de
l'entablement dorique , qui aura vis- à-vis de ces
colonnes environ neuf à dix pieds ; ce qui fera
un très- mauvais effet en exécution. On commence
à mettre la main à l'oeuvre , & on réfléchit
enfuite ; ne devroit-ce pas toujours être le con
traire ?
138 MERCURE DE FRANCE.
leurs élévations deux ou trois ordres , furmontés
les uns au- deffus des autres, contre
toute idée de convenance. Entrons un peu
dans l'examen de ce qui a pu donner lieu
à cette forte de décoration .
L'Architecture fortoit à peine de la barbarie
gothique où elle étoit demeurée
plongée depuis tant de fiécles , que l'on
vit élever par De Broffes le portail de l'églife
de S. Gervais ; la réputation que s'acquit
d'abord ce monument par fa nouveauté
& par la beauté de l'exécution de fes
différens ordres , féduifit au point defaire
illufion au vice radical de l'ordonnance
de fa compofition : les éloges que l'on prodigua
à cet édifice firent croire aux Architectes
qui vinrem enfuite , que c'étoit
un modele qu'ils ne pouvoient fe difpenfer
d'imiter en de femblables occafions ;
de la font venus tous ces portails compofés
, pour ainfi dire , fur le même moule
& tous également repréhenfibles , puifqu'ils
s'écartent d'une fage & judicieufe
convenance qui doit être la baſe des arts
& du goût.
On pourra peut - être objecter que la
grande élévation des couvertures de nos
églifes oblige d'élever ainfi plufieurs ordres
pour pouvoir les cacher. A cela il eft
facile de répondre qu'il n'y a qu'à fuppri
MA I. 1755. 139
mer ces énormes toîts de charpente , qui
ne font qu'un ufage abufif fans aucune néceffité
, la voûte plein- ceintre de la nef
d'une égliſe couverte de dalles de pierre à
recouvrement , & jointoyées avec de la limaille
d'acier & de l'urine , eft le feul toît
qui convienne au fanctuaire de la Divinité
on a une expérience reconnue de
cette conftruction , & c'eft ainfi qu'étoient
couverts la plupart des temples des Grecs
& des Romains.
De plus , à l'aide de la maniere de décorer
des anciens , il eſt toujours poffible
d'atteindre à toutes les hauteurs que l'on
peut defirer fans le fecours de plufieurs
ordres , ainfi qu'on pourra le remarquer
dans un projet * que j'ai compofé à ce
deffein pour le grand portail de l'églife
de S. Euftache , en m'affujettiffant à la
hauteur de la nef , qui eft affurement une
des plus élevées de nos Eglifes de Paris.
La vûe de cette eftampe pourra fervir à
convaincre par comparaifon , combien
* Ce projet , auffi -bien que celui qui a été compofé
par Louis le Vau , célebre Architecte , fous
le miniftere de M. de Colbert , & dont on a vu le
modele expofé pendant quelque tems dans l'églife
de S. Euftache , fe vendent à Paris chez l'auteur
rue des Noyers , la fixieme porte cochere à droite:
en entrant par la rue S. Jacques. Prix 1 liv. 4 £.
140 MERCURE DE FRANCE.
cette maniere de traiter ces fortes d'édifices
eft préférable à tous égards à celle
qui a été ufitée jufqu'ici en France.
Un autre avantage qui réfulteroit de
l'emploi d'un ordre coloffal dans nos portails
, eft qu'en le faiſant regner à l'entour
de nos églifes , leur extérieur qui a
coutume d'être fi fort négligé , feroit décoré
naturellement , & cacheroit les arcsboutans
qui font toujours à l'oeil un effer
defagréable ; & quoique par la même raifon
les croifées de la nef ne s'apperçuffent
pas en dehors , l'intérieur de nos églifes
n'en feroit pas moins éclairé , comme on
peut le remarquer dans celle de S. Pierre
de Rome .
Ce défaut de difcernement de nos Architectes
dans la maniere de décorer les
portails , n'eft pas le feul qu'on puiffe leur
reprocher : eft- il décent que la plupart de
nos églifes modernes , ( j'en excepte celle
de S. Sulpice ) ne foient pas toujours précédées
de porches ou veftibules où l'on puiffe
fe préparer au recueillement convenable
avant d'y entrer ? c'eft , ( le dirai - je à notre
honte ) une attention à laquelle les anciens
ne manquoient point ; un réglement
fur la décence de la conftruction de nos
églifes honoreroit affurément la pieté de
nos Magiſtrats.
MA I. 1755. 141
Enfin eft- il convenable de placer les armes
d'un Prince ou d'un homme en place
dans le tympan des frontons de nos portails
, ainfi qu'on le pratique affez fouvent ?
& ne feroit -il pas plus raifonnable de fubftituer
à ces ornemens mondains , & étrangers
à la religion , des bas- reliefs relatifs à
la piété & à la dédicace de nos temples ?
Efperons que le nouveau plan qu'on fe
propofe d'exécuter pour l'églife de fainte
Génevieve nous donnera un modele en
ce genre , & que Paris , l'émule de l'ancienne
Rome , fera décoré d'un temple qui
en fera l'ornement ; l'emplacement
eft des
plus favorables pour exécuter du beau , &
fans doute les voeux du public feront remplis
à cet égard, Dans une grande ville qui
abonde en étrangers & en connoiffeurs
de
toutes les nations , il n'eft rien de plus facile
que d'avoir des confeils éclairés , il
ne faut dans les perfonnes en place que la
bonne volonté de les mettre à profit . Il y
a deux moyens ufités pour réuffir à faire
exécuter du beau en architecture ; l'un de
choifir un Architecte reconnu pour habile ,
l'autre de propofer un concours dont le
public foit juge : le premier n'eft pas toujours
auffi für que le fecond ; on a pour
expérience que les plus habiles gens ne fe
montrent pas toujours tels. Si la réputa142
MERCURE DE FRANCE.
tion eût dû faire préférer un Architecte
pour la conftruction du Louvre , affurément
le Bernin * auroit eu la préférence
fur Perrault ; aucun Artiſte de fon tems ne
jouiffoit d'une réputation auffi brillante
dans l'Europe ; & cependant fi fon projet
qui eft gravé , avoit eu lieu , il ne feroit pas
à la France l'honneur que lui fait celui qui
a été exécuté. On pourroit citer nombre
d'exemples femblables , où de célebres Artiftes
, dans de grandes occafions , fe font
fait voir au -deffous de leur réputation.
Le fecond ( je veux dire un concours ) eft
prefque infaillible ; mais pour qu'il ait fon
efficacité , il faut que l'on foit bien perfuadé
que les perfonnes en place ont une
ferme réfolution de couronner le meilleur
projet par l'exécution ; que les recommendations
& les titres ne feront point admis
en concurrence , c'eſt le moyen d'encourager
le talent ; & plus d'une fois l'on a vû
* Pour attirer le Cavalier Bernin en France
pour la conftruction du Louvre , Louis XIV lui
affûra une penfion de fix mille livres pendant fa
vie , & une gratification de cinquante mille écus ;
il lui envoya en même tems fon portrait orné de
diamans. Outre les frais de fon voyage qui devoient
lui être payés , on lui promit encore cent
livres par jour pendant fon féjour à Paris , tant
étoit grande l'eftime que l'on avoit conçue pour
la haute capacité de cet artiſte.
1
MA I. 1755. 143
en pareil cas l'émulation faire enfanter des
merveilles , qui ne fe feroient jamais produites
fans cette voie. A la fin d'un falon
de MM. les Peintres du Roi , on ſçait , à
n'en pas douter , quels font les meilleurs
tableaux ; on fçauroit pareillement quels
feroient les meilleurs projets. Combien de
monumens embelliroient Paris & nos provinces
, fi l'on s'étoit fouvent fervi de cette
voie ?
Obfervationsfur la maniere dont font decorés
les extérieurs de nos églifes ; par M. Patte,,
Architecte.
Uelque libre
que paroiffe la compofition
des édifices , il eft , pour ainfi
dire , une forte de coftume de décoration ,
tant intérieure qu'extérieure
, que l'on doit
obferver relativement
à leurs ufages & à
leurs deſtinations
: la décoration qui convient
à une fontaine , ne doit pas convenir
à un retable d'autel , celle d'un Palais à
un Hôpital ; & il ne feroit pas moins ridicule
d'affecter à une maifon ordinaire
la décoration
qui convient
à une égliſe ,
que d'affecter à une égliſe la décoration
d'un bâtiment ordinaire ; cependant il eſt
rare & très- rare qu'un édifice foit compofé
de maniere à annoncer fa deftination
,
de forte qu'on ne puiffe s'y méprendre
.
Cette partie de l'art eft des plus difficiles ,
& il n'appartient qu'aux Architectes du
premier ordre d'y réuffir ..
Nous n'avons point d'édifices publics
où ce défaut foit plus fenfible que dans
l'extérieur de nos églifes ; & il eft étonnant
que nos Architectes françois ayent
136 MERCURE DE FRANCE.
-
été jufqu'ici fi peu attentifs à la convenance
de leurs compofitions. En effet eft il
naturel d'élever , ainfi qu'on le pratique
tous les jours , plufieurs ordres de colonnes
les uns au- deffus des autres pour décorer
leurs portails cette ordonnance ne femble
- t - elle pas donner au dehors de nos
temples l'air d'un édifice fait pour être habité?
car les différens ordres extérieurs ont
toujours coutume d'annoncer les différens
étages de l'intérieur d'un bâtiment , ce
qu'il eft affûrement abfurde de fuppofer
dans une églife .
Pour mieux faire fentir le vice de cette
décoration , oppofons-lui par contraſte la
maniere dont les anciens, nos Maîtres dans
les beaux Arts , décoroient ces fortes d'édifices
; ils penfoient avec raifon devoir
caractériſer les dehors de la demeure de
l'Etre fuprême par un enfemble grand &
majestueux , qui écartât toute idée d'un bâtiment
ordinaire ; ils employoient pourcet
effet un feul ordre coloffal , formant un
periftyle ou porche au pourtour , & cou-.
ronné par un fronton du côté de l'entrée ,
dans le tympan duquel étoit repréſenté
un bas - relief en rapport avec la dédicace
de leurs temples.
C'eft ainfi qu'étoient décorés les plus
beaux temples de la Grece & de l'Italie ,
MA I. 1755. 137
y
dont nous avons , foit des defcriptions ,
foit de précieux reftes, qui font encore aujourd'hui
, jufques dans leurs ruines , l'étonnement
des plus grands Maîtres ; c'eſt
ainfi que Michel Ange & Palladio , les
deux plus habiles Architectes modernes de
l'Italie , ont compofé les différens portails
qu'ils ont fait exécuter à Rome , à Venife
& autres lieux.
Pour quelle raifon les Architectes de
nos jours fe font- ils donc écartés d'une
compofition fi judicieufe aux portails des
églifes de S. Gervais , de la Sorbonne , du
Val-de- Grace , des Invalides , de S. Roch ,
de S. Sulpice , de l'Oratoire , des Petits Pe
de S. Euftache , qu'on conftruit actuellement
, & autres ?On voit par-tout dans
res ,
* Outre le défaut de plufieurs ordres élevés les
uns au - deffus des autres qu'aura ce porrail que
l'on diftribue gravé dans le public , il en aura un
fingulier , & qu'il eft étonnant qu'on n'ait pas prévú
lors de fa compofition . Au fecond ordre ionique
les deux colonnes du milieu qui font retraite
, afin de laiffer profiler les deux tours , paroîtront
par l'optique , tronquées plufieurs pieds au- deffus
de leurs bafes , à caufe de la grande faillie de
l'entablement dorique , qui aura vis- à-vis de ces
colonnes environ neuf à dix pieds ; ce qui fera
un très- mauvais effet en exécution. On commence
à mettre la main à l'oeuvre , & on réfléchit
enfuite ; ne devroit-ce pas toujours être le con
traire ?
138 MERCURE DE FRANCE.
leurs élévations deux ou trois ordres , furmontés
les uns au- deffus des autres, contre
toute idée de convenance. Entrons un peu
dans l'examen de ce qui a pu donner lieu
à cette forte de décoration .
L'Architecture fortoit à peine de la barbarie
gothique où elle étoit demeurée
plongée depuis tant de fiécles , que l'on
vit élever par De Broffes le portail de l'églife
de S. Gervais ; la réputation que s'acquit
d'abord ce monument par fa nouveauté
& par la beauté de l'exécution de fes
différens ordres , féduifit au point defaire
illufion au vice radical de l'ordonnance
de fa compofition : les éloges que l'on prodigua
à cet édifice firent croire aux Architectes
qui vinrem enfuite , que c'étoit
un modele qu'ils ne pouvoient fe difpenfer
d'imiter en de femblables occafions ;
de la font venus tous ces portails compofés
, pour ainfi dire , fur le même moule
& tous également repréhenfibles , puifqu'ils
s'écartent d'une fage & judicieufe
convenance qui doit être la baſe des arts
& du goût.
On pourra peut - être objecter que la
grande élévation des couvertures de nos
églifes oblige d'élever ainfi plufieurs ordres
pour pouvoir les cacher. A cela il eft
facile de répondre qu'il n'y a qu'à fuppri
MA I. 1755. 139
mer ces énormes toîts de charpente , qui
ne font qu'un ufage abufif fans aucune néceffité
, la voûte plein- ceintre de la nef
d'une égliſe couverte de dalles de pierre à
recouvrement , & jointoyées avec de la limaille
d'acier & de l'urine , eft le feul toît
qui convienne au fanctuaire de la Divinité
on a une expérience reconnue de
cette conftruction , & c'eft ainfi qu'étoient
couverts la plupart des temples des Grecs
& des Romains.
De plus , à l'aide de la maniere de décorer
des anciens , il eſt toujours poffible
d'atteindre à toutes les hauteurs que l'on
peut defirer fans le fecours de plufieurs
ordres , ainfi qu'on pourra le remarquer
dans un projet * que j'ai compofé à ce
deffein pour le grand portail de l'églife
de S. Euftache , en m'affujettiffant à la
hauteur de la nef , qui eft affurement une
des plus élevées de nos Eglifes de Paris.
La vûe de cette eftampe pourra fervir à
convaincre par comparaifon , combien
* Ce projet , auffi -bien que celui qui a été compofé
par Louis le Vau , célebre Architecte , fous
le miniftere de M. de Colbert , & dont on a vu le
modele expofé pendant quelque tems dans l'églife
de S. Euftache , fe vendent à Paris chez l'auteur
rue des Noyers , la fixieme porte cochere à droite:
en entrant par la rue S. Jacques. Prix 1 liv. 4 £.
140 MERCURE DE FRANCE.
cette maniere de traiter ces fortes d'édifices
eft préférable à tous égards à celle
qui a été ufitée jufqu'ici en France.
Un autre avantage qui réfulteroit de
l'emploi d'un ordre coloffal dans nos portails
, eft qu'en le faiſant regner à l'entour
de nos églifes , leur extérieur qui a
coutume d'être fi fort négligé , feroit décoré
naturellement , & cacheroit les arcsboutans
qui font toujours à l'oeil un effer
defagréable ; & quoique par la même raifon
les croifées de la nef ne s'apperçuffent
pas en dehors , l'intérieur de nos églifes
n'en feroit pas moins éclairé , comme on
peut le remarquer dans celle de S. Pierre
de Rome .
Ce défaut de difcernement de nos Architectes
dans la maniere de décorer les
portails , n'eft pas le feul qu'on puiffe leur
reprocher : eft- il décent que la plupart de
nos églifes modernes , ( j'en excepte celle
de S. Sulpice ) ne foient pas toujours précédées
de porches ou veftibules où l'on puiffe
fe préparer au recueillement convenable
avant d'y entrer ? c'eft , ( le dirai - je à notre
honte ) une attention à laquelle les anciens
ne manquoient point ; un réglement
fur la décence de la conftruction de nos
églifes honoreroit affurément la pieté de
nos Magiſtrats.
MA I. 1755. 141
Enfin eft- il convenable de placer les armes
d'un Prince ou d'un homme en place
dans le tympan des frontons de nos portails
, ainfi qu'on le pratique affez fouvent ?
& ne feroit -il pas plus raifonnable de fubftituer
à ces ornemens mondains , & étrangers
à la religion , des bas- reliefs relatifs à
la piété & à la dédicace de nos temples ?
Efperons que le nouveau plan qu'on fe
propofe d'exécuter pour l'églife de fainte
Génevieve nous donnera un modele en
ce genre , & que Paris , l'émule de l'ancienne
Rome , fera décoré d'un temple qui
en fera l'ornement ; l'emplacement
eft des
plus favorables pour exécuter du beau , &
fans doute les voeux du public feront remplis
à cet égard, Dans une grande ville qui
abonde en étrangers & en connoiffeurs
de
toutes les nations , il n'eft rien de plus facile
que d'avoir des confeils éclairés , il
ne faut dans les perfonnes en place que la
bonne volonté de les mettre à profit . Il y
a deux moyens ufités pour réuffir à faire
exécuter du beau en architecture ; l'un de
choifir un Architecte reconnu pour habile ,
l'autre de propofer un concours dont le
public foit juge : le premier n'eft pas toujours
auffi für que le fecond ; on a pour
expérience que les plus habiles gens ne fe
montrent pas toujours tels. Si la réputa142
MERCURE DE FRANCE.
tion eût dû faire préférer un Architecte
pour la conftruction du Louvre , affurément
le Bernin * auroit eu la préférence
fur Perrault ; aucun Artiſte de fon tems ne
jouiffoit d'une réputation auffi brillante
dans l'Europe ; & cependant fi fon projet
qui eft gravé , avoit eu lieu , il ne feroit pas
à la France l'honneur que lui fait celui qui
a été exécuté. On pourroit citer nombre
d'exemples femblables , où de célebres Artiftes
, dans de grandes occafions , fe font
fait voir au -deffous de leur réputation.
Le fecond ( je veux dire un concours ) eft
prefque infaillible ; mais pour qu'il ait fon
efficacité , il faut que l'on foit bien perfuadé
que les perfonnes en place ont une
ferme réfolution de couronner le meilleur
projet par l'exécution ; que les recommendations
& les titres ne feront point admis
en concurrence , c'eſt le moyen d'encourager
le talent ; & plus d'une fois l'on a vû
* Pour attirer le Cavalier Bernin en France
pour la conftruction du Louvre , Louis XIV lui
affûra une penfion de fix mille livres pendant fa
vie , & une gratification de cinquante mille écus ;
il lui envoya en même tems fon portrait orné de
diamans. Outre les frais de fon voyage qui devoient
lui être payés , on lui promit encore cent
livres par jour pendant fon féjour à Paris , tant
étoit grande l'eftime que l'on avoit conçue pour
la haute capacité de cet artiſte.
1
MA I. 1755. 143
en pareil cas l'émulation faire enfanter des
merveilles , qui ne fe feroient jamais produites
fans cette voie. A la fin d'un falon
de MM. les Peintres du Roi , on ſçait , à
n'en pas douter , quels font les meilleurs
tableaux ; on fçauroit pareillement quels
feroient les meilleurs projets. Combien de
monumens embelliroient Paris & nos provinces
, fi l'on s'étoit fouvent fervi de cette
voie ?
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Résumé : ARCHITECTURE. Observations sur la maniere dont sont decorés les extéieurs de nos églises ; par M. Patte, Architecte.
Dans son texte 'Observations sur la manière dont font décorés les extérieurs de nos églises', l'architecte M. Patte critique les erreurs courantes dans la décoration des églises françaises. Il insiste sur l'importance de choisir une décoration adaptée à la fonction de chaque type de bâtiment. Patte reproche l'utilisation de plusieurs ordres de colonnes superposés sur les portails des églises, une pratique qui, selon lui, donne l'impression que les églises sont des bâtiments habités. Il compare cette approche à la manière dont les anciens décoraient leurs temples, en utilisant un seul ordre colossal pour créer une apparence majestueuse et grandiose. Patte mentionne que les architectes français ont souvent imité le portail de l'église Saint-Gervais, conçu par De Broffes, malgré ses défauts. Il propose de supprimer les toits de charpente et d'utiliser des voûtes en plein cintre pour les églises, comme le faisaient les Grecs et les Romains. Il suggère également d'utiliser des ordres colossaux pour décorer les extérieurs des églises, ce qui cacherait les arcs-boutants et améliorerait l'esthétique. Le texte critique également l'absence de porches ou de vestibules dans les églises modernes, ainsi que la présence d'armes profanes dans les tympans des frontons. Patte espère que le nouveau plan pour l'église Sainte-Geneviève servira de modèle. Il recommande de choisir des architectes compétents ou d'organiser des concours pour garantir la qualité des projets architecturaux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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