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1
p. 146-151
Labirinthe & ses Fontaines, [titre d'après la table]
Début :
Tous ces lieux ont chacun leurs noms qui conviennent, ou [...]
Mots clefs :
Labyrinthe, Fontaines, Figures, Allées, Endroits, Eaux, Fable, Jean de La Fontaine, Bassins
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texteReconnaissance textuelle : Labirinthe & ses Fontaines, [titre d'après la table]
Tous ces
lieux ont chacun leurs noms
qui conviennent , ou à ce
que marque leur terrain , ou
à ce que les Figures ou les
Eaux reprefentent. Il y a
outre cela quantité de Fontaines,
ou au bout des allées ,
ou dans le milieu ou qui
aboutiſſent à pluſieurs allées
ou dans les Parterres , & cela
fans compter le Canal , &
trois pieces d'caux preſque
و
auffi grandes , ce qui doit pa
des Amb. de Siam.
133
roiſtre incroyable à ceux qui
feront reflexion qu'il n'y avoit
pas une goute d'eau à
Verſailles quand le Roy a
commencé à y faire faire
des Fontaines. Il faut vous
parler du Labirinthe , puiſque
c'eſt par là que les Ambaſſadeurs
commencerent à voir
joüer les Eaux qu'on vient
admirer de toutes les Parties
du Monde. Ce Boſquet eſt un
des plus grands de Verſailles
puis qu'il renferme 38. Fontaines
, & ces Fontaines un
tres-grand nombre de Jets.
Une Fable d'Eſope fait le ſujet
de chacune ; il n'est pas
Mij
134 Suite du Voyage
neceſſaire de les expliquer
icy , ces Fables n'eſtant ignorées
de perſonne. Chacune a
fon Baffin où elle eſt reprefentée
par des Figures en
relief faites de metal , & le
fujet de la Fable y eſt auſſi
marqué. Je ne parle point
des Coquillages & des ornemens
des Baffins , qui font
en grand nombre , & qui
forment des Figures differentes
non plus que de la
quantité de Iets d'eau qui
accompagnent ces Baffins ,
& qui font proportionnez
aux Sujets qui y font reprefentez
. Ceux qui ſont com
2.
des Amb. de Siam.
135
me dans des Arcades formées
dans des paliſſades , font à
moitié couverts , & environnez
de feuilles & de rofeaux
qui jettent de l'eau. La
pluſpart ſont de fer blanc ,
& d'autre matiere propre à
cet uſage , auffi-bien que les
branches par où paffe T'eau ,
& le tout eſtant peint d'un
(vert qui imite le naturel ,
paffe pourune veritable verdure
, juſqu'à ce qu'on en
voye fortir l'eau . Le mot de
Labirinthe marque affez que
ee lieu eft remply de détours.
& d'allées meflées les unes
trempty
dans les autres , ce qui fait
Miij
136 Suite du Voyage
qu'avant qu'on en puiffe
trouver la porte , il arrive
bien ſouvent que l'on re
vient aux meſmes endroits
dont on croit eſtre fort éloigné.
Le premier Ambaffadeur
dont je vous parle en
pluſieurs endroits ſous le
ſimple nom d'Ambaſſadeur
pour éviter les repetitions du
mot de premier , tourna luymeſme
la pluſpart des Robinets,
qui font dans ce lieu ,
chercha les endroits qui donnent
de l'eau aux autres , & fit
voir que rien n'échappe à la
connoiffance .
lieux ont chacun leurs noms
qui conviennent , ou à ce
que marque leur terrain , ou
à ce que les Figures ou les
Eaux reprefentent. Il y a
outre cela quantité de Fontaines,
ou au bout des allées ,
ou dans le milieu ou qui
aboutiſſent à pluſieurs allées
ou dans les Parterres , & cela
fans compter le Canal , &
trois pieces d'caux preſque
و
auffi grandes , ce qui doit pa
des Amb. de Siam.
133
roiſtre incroyable à ceux qui
feront reflexion qu'il n'y avoit
pas une goute d'eau à
Verſailles quand le Roy a
commencé à y faire faire
des Fontaines. Il faut vous
parler du Labirinthe , puiſque
c'eſt par là que les Ambaſſadeurs
commencerent à voir
joüer les Eaux qu'on vient
admirer de toutes les Parties
du Monde. Ce Boſquet eſt un
des plus grands de Verſailles
puis qu'il renferme 38. Fontaines
, & ces Fontaines un
tres-grand nombre de Jets.
Une Fable d'Eſope fait le ſujet
de chacune ; il n'est pas
Mij
134 Suite du Voyage
neceſſaire de les expliquer
icy , ces Fables n'eſtant ignorées
de perſonne. Chacune a
fon Baffin où elle eſt reprefentée
par des Figures en
relief faites de metal , & le
fujet de la Fable y eſt auſſi
marqué. Je ne parle point
des Coquillages & des ornemens
des Baffins , qui font
en grand nombre , & qui
forment des Figures differentes
non plus que de la
quantité de Iets d'eau qui
accompagnent ces Baffins ,
& qui font proportionnez
aux Sujets qui y font reprefentez
. Ceux qui ſont com
2.
des Amb. de Siam.
135
me dans des Arcades formées
dans des paliſſades , font à
moitié couverts , & environnez
de feuilles & de rofeaux
qui jettent de l'eau. La
pluſpart ſont de fer blanc ,
& d'autre matiere propre à
cet uſage , auffi-bien que les
branches par où paffe T'eau ,
& le tout eſtant peint d'un
(vert qui imite le naturel ,
paffe pourune veritable verdure
, juſqu'à ce qu'on en
voye fortir l'eau . Le mot de
Labirinthe marque affez que
ee lieu eft remply de détours.
& d'allées meflées les unes
trempty
dans les autres , ce qui fait
Miij
136 Suite du Voyage
qu'avant qu'on en puiffe
trouver la porte , il arrive
bien ſouvent que l'on re
vient aux meſmes endroits
dont on croit eſtre fort éloigné.
Le premier Ambaffadeur
dont je vous parle en
pluſieurs endroits ſous le
ſimple nom d'Ambaſſadeur
pour éviter les repetitions du
mot de premier , tourna luymeſme
la pluſpart des Robinets,
qui font dans ce lieu ,
chercha les endroits qui donnent
de l'eau aux autres , & fit
voir que rien n'échappe à la
connoiffance .
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Résumé : Labirinthe & ses Fontaines, [titre d'après la table]
Le château de Versailles est célèbre pour ses nombreux éléments aquatiques, chacun portant un nom en fonction de son terrain ou des figures représentées. Les fontaines sont stratégiquement placées au bout des allées, au milieu ou à l'intersection de plusieurs allées, ainsi que dans les parterres. Le canal et trois pièces d'eau impressionnantes, presque aussi grandes que le canal, attirent particulièrement les visiteurs, notamment les ambassadeurs de Siam. À l'origine, Versailles était dépourvu d'eau avant que le roi n'y fasse construire des fontaines. Le labyrinthe, l'un des plus grands bosquets, compte 38 fontaines avec de nombreux jets illustrant des fables d'Ésope. Chaque fontaine est ornée de figures en relief en métal et de bassins décorés de coquillages et d'autres ornements. Certains bassins sont situés dans des arcades partiellement couvertes et entourées de feuilles et de roseaux. Le labyrinthe, avec ses détours et allées complexes, rend la recherche de la sortie difficile. L'ambassadeur de Siam a exploré les mécanismes des fontaines, démontrant une connaissance approfondie du lieu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 27-34
SUR LES CONTES.
Début :
Les contes sont un de ces petits ouvrages d'agrément, où les modernes [...]
Mots clefs :
Contes, Jean de La Fontaine, Jacques Vergier, Imagination
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texteReconnaissance textuelle : SUR LES CONTES.
SUR LES CONTES.
Es contes font un de ces petits ou
vrages
Lvrages d'agrément , où les modernes
ne doivent rien aux anciens ; on ne connoît
dans l'antiquité que peu de choſe de
ce genre là. C'eft aux Italiens à qui l'invention
en est dûe ; Boccace & le Pogge
en firent d'abord en profe ; l'Ariofte fut le
premier qui en mit en vers ceux de la
Reine de Navarre , de La Fontaine , &
de Vergier , font les meilleurs que nous
ayons dans notre langue. Des aventures
galantes , des féductions de filles encore
novices , des intrigues de moines & de
nones , des ftratagêmes plaifans pour
tromper la vigilance d'une mere , d'un jaloux
, d'une duegne ; ce font là les pivots
fur lefquels roulent tous ces contes ; un
ton libre & des images licentieufes en font
l'affaifonnement. Il faut regarder ces pc-
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
tits ouvrages comme des jeux d'une imagination
un peu libertine , qui ne peuvent
fe foutenir qu'à force de gaité , & une extrême
gaité ne va gueres avec une décence
trop exacte. Les Italiens y ont mis beaucoup
d'invention : la contrainte des femmes
dans leur pays , & l'ardeur du climat rendant
l'imagination des amans plus active
& plus fertile en expédiens , les aventures
fingulieres y font beaucoup plus communes
qu'ailleurs , & les faifeurs de contes
ont pû moiffonner en plein champ.
La Fontaine a pris des Italiens le fujet
de la plupart des liens , les autres fe trouvent
dans l'Heptameron de la Reine de
Navarre , dans Rabelais , & il n'y en a
que deux ou trois dont l'idée lui apparrienne
; mais il a une maniere de narrer
qui n'appartient qu'à lui , & c'eft là le
principal mérite de cette forte d'ouvrage :
quelque plaifans que foient les incidens
qui en font le fujet , ils deviendroient
bien infipides fi le récit en étoit froid &
languiffant. Il doit être vif , naturel &
faillant , il doit intéreffer , & perfonne:
n'a porté ce talent plus loin que La Fontaine
: cet homme dont le goût fi fûr pa-.
roiffoit n'être en lui qu'un tact fin & délicat
, & qu'un infinct admirable plutôt
qu'un fentiment éclairé & refléchi , a fçu
ΜΑΙ. 1755. 29
, peu
réunir dans fes contes les graces , la fineffe
, & la naïveté la plus piquante ; une
grande connoiffance du coeur humain dont
il faifit avec précifion les détails les plus
imperceptibles ; des réflexions délicates ,
dont le fens exquis fe cache fous un air de
fimplicité charmante ; une poëfie légere
& animée
d'exactitude dans le ftyle ,
mais beaucoup de feu & d'agrément ; enfin
le plus beau naturel & l'imagination la
plus riante. Tout s'embellit fous fon pinceau
; toujours original nême en imitant ,
il donne aux idées des autres un tour
neuf, en leur faifant prendre la teinte de
fon imagination. Tant de belles parties.
font ternies par quelques défauts ; outre
des négligences trop fréquentes on peut
lui reprocher des longueurs qui refroidiffent
quelquefois l'intérêt fon imagination
abandonnée à elle-même , s'égare
à chaque inftant , ce font quelquefois des
fleurs qu'il veut cueillir en paffant , &
qu'il auroit mieux valu facrifier à la chaleur
de la narration : auffi la plupart de
fes contes , même les mieux faits , Joconde ,
la Fiancée du Roi de Garbes , &c. pourroient
fe réduire à la moitié ; & il n'y a
que l'Hermite , le Berceau , le Comment
l'efprit vient aux filles , & deux ou trois
autres qui foient dans ce point de préci-
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
fion , où l'on ne trouve rien à dire.
La Fontaine eft auffi le moins licentieux
de tous ceux qui ont travaillé dans ce genre
; point d'images dégoûtantes , point
d'expreffions cyniques : chez lui les idées
les plus voluptueufes font toujours enveloppées
; il eft vrai que ce n'eft qu'une
gaze légere , qui ne laiffe rien perdre à l'imagination
, & rend peut-être les objets
plus piquans. Dans les principes du Stoïcifme
, ces detours délicats d'une fauffe
modeftie ne font qu'une coquetterie raffinée
qui fait voir les objets en miniature , &
les préfente fous des traits bien plus féduifans
: les tableaux les plus voluptueux du
·Correge & de B*** font ceux où rien n'eft
préfenté trop à découvert , où ce qu'on ne
-voit pas fait beaucoup plus de plaifir que
ce qu'on voit ; une peinture trop nue ne fait
qu'une impreffion momentanée , l'imagination
fixée à la premiere vûe , s'émouffe
bientôt , il n'y a qu'un feul coup d'oeil
& qu'une feule jouiffance ; elle eft vis- àvis
d'une peinture voilée avec art , ce qu'eft
une courtifanne effrontée qui laiffe voir fes
appas fans draperie ; vis- à- vis d'une femme
adroitement coquette , qui ne montre de fes
charmes que ce qu'il faut pour faire defirer
ceux qu'on ne voit point.L'imagination toujours
au-delà de ce qu'on lui préfente ,
M&A I. 1755. 31
écarte le voile qui lui dérobe les beautés
qu'elle foupçonne ; elle en développe ellemême
tous les détails , & chaque détail eft
une jouiffance complette ; ceux qui connoiffent
le méchanifme de nos plaifirs , fçavent
qu'il n'y en a point de bien vifs que
ceux auxquels l'imagination met la main.
J'ai toujours été perſuadé que les contes
de La Fontaine étoient un des ouvrages les
plus féduifans pour un coeur encore neuf, &
des plus capables d'y faire naître des idées
de volupté bien dangereufes. La Fontaine a
voulu fe juftifier de ce reproche & a prétendu
que la gaité de fes contes ne pouvoit faire
aucune impreffion fur les ames , & qu'elle
étoit bien moins à craindre que cette douce
melancolie où les romans les plus chaftes & les
plus modeftesfont très- capables de nous plongen,
& qui eft une grande préparation à l'amour.
Bayle qui avoit tant de goût & de talens
pour foutenir des paradoxes , a voulu appuyer
celui-ci ; mais l'autorité de ces deux
hommes célébres ne m'en impofe pas ; its
ont beau dire , je ne vois rien de pernicieux
dans la lecture de la Princeffe de Clea
ves & de Zaïde ; mais je vois tout à craindre
d'un ouvrage où l'amour ne paroît
que comme un befoin machinal qu'il eft
finaturel de fatisfaire , où la vertu eft une
chimere , la fidélité conjugale une dupe-
Biy
32 MERCURE DE FRANCE.
rie , & l'innocence une bêtife . Les occafions
font fi gliffantes , le cri de la nature
eft fi preffant , il eft fi difficile de réſiſter , fi
doux de fuccomber ! les plaifirs font fi vifs
& fi touchans ! voilà la morale de ces contes,
elle n'a fûrement rien de bien édifiant. La
Fontaine fe défend là- deffus affez plai-.
famment au commencement de fon conte
des Oyes de Frere Philippe ; il dit : chaſſez
Les foupirans , belles , prenez mon livre , je réponds
de vous corps pour corps. Cette raiſon
me paroît fort finguliere ; je fens bien que
fon livre fans amans ne leur fera jamais
faire que de légeres fottifes , les amans
fans le livre feroient fans doute plus
dangereux ; mais malheureufement fon livre
ne les difpofe gueres à chaffer les foupirans.
Vergier eft celui qui a le plus approché
de La Fontaine , qu'il a pris pour modele ;
fes contes du Roffignol & du Tonnerre ne
feroient pas indignes de fon maître ; le
premier a été imprimé fous le nom de La
Fontaine dans prefque toutes les éditions
de fes contes. Vergier écrit toujours aſſez
naturellement ; mais quoiqu'il ne perdît
jamais fon modele de vûe , il n'a jamais
pû atteindre à cette naïveté de ſtyle où La
Fontaine eft inimitable ; il y a une diftinction
délicate du naturel & du naïf , qu'il
MA I. 1755. 33
faut bien faifir : le premier eft une copie
de la nature , & l'autre une copie de la belle
nature ; le naturel peut être fade & ennuyeux
, le naïfplaît toujours , parce qu'il
eft toujours gracieux & piquant.
Les contes de Vergier font quelquefois
découfus , & la narration fouvent lâche ;
il s'étend beaucoup fur les détails qu'il n'a
pas l'art d'affaifonner. Les longueurs chez
lui font bien plus fatiguantes que dans La
Fontaine, qui fçavoit les couvrir de fleurs ,
& il eft bien éloigné d'entendre comme lui
la vérité & la naïveté du dialogue : fon
ton eft bien moins décent que celui de fon
maître , mais il l'eft encore plus que celui
de Grécourt , dont nous avons un recueil
de contes où il a répandu beaucoup d'obfcénités
; c'eft peut-être même ce qui en eft
le plus faillant ; le ftyle en eft vif & trèspeu
correct , la narration preffée , & les
contes fort courts ; on les prendroit plutôt
pour des épigrammes ; c'eft prefque toujours
une image cynique terminée par une
faillie ou une répartie plaifante , du
moins qui voudroit l'être . Grécourt eft
bien an-deffous de La Fontaine ; il n'eſt
pas même à côté de Vergier.
Aucun auteur depuis ne s'eft attaché
totalement à ce genre. Nous avons quelques
contes épars , dont la plupart écrits
By
34 MERCURE DE FRANCE.
avec une liberté plus que cynique , ne doivent
pas être tirés de l'obfcurité qui les
couvre ; mais il en eftun qui n'eft pas dans
le cas de ceux- là , & auquel je ne connois
rien de préférable : c'eft le Rajeuniſſement
inutile de M. de Moncrif; il eft écrit fur un
ton un peu plus haut que les autres ; mais
quelle légereté & quelle aifance dans la
narration ! quelle douce harmonie dans les
vers ! & quelle fiction ingénieufe ! Les réflexions
les plus fines , les images les plus
voluptueufes préfentées avec une décence
qui n'ôte rien de ce quelles ont de
féduifant , & le ton de fentiment qui y
regne , en font un petit ouvrage que j'oferois
comparer aux deux meilleurs contes
de La Fontaine , & lui donner peut- être
la préférence.
Es contes font un de ces petits ou
vrages
Lvrages d'agrément , où les modernes
ne doivent rien aux anciens ; on ne connoît
dans l'antiquité que peu de choſe de
ce genre là. C'eft aux Italiens à qui l'invention
en est dûe ; Boccace & le Pogge
en firent d'abord en profe ; l'Ariofte fut le
premier qui en mit en vers ceux de la
Reine de Navarre , de La Fontaine , &
de Vergier , font les meilleurs que nous
ayons dans notre langue. Des aventures
galantes , des féductions de filles encore
novices , des intrigues de moines & de
nones , des ftratagêmes plaifans pour
tromper la vigilance d'une mere , d'un jaloux
, d'une duegne ; ce font là les pivots
fur lefquels roulent tous ces contes ; un
ton libre & des images licentieufes en font
l'affaifonnement. Il faut regarder ces pc-
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
tits ouvrages comme des jeux d'une imagination
un peu libertine , qui ne peuvent
fe foutenir qu'à force de gaité , & une extrême
gaité ne va gueres avec une décence
trop exacte. Les Italiens y ont mis beaucoup
d'invention : la contrainte des femmes
dans leur pays , & l'ardeur du climat rendant
l'imagination des amans plus active
& plus fertile en expédiens , les aventures
fingulieres y font beaucoup plus communes
qu'ailleurs , & les faifeurs de contes
ont pû moiffonner en plein champ.
La Fontaine a pris des Italiens le fujet
de la plupart des liens , les autres fe trouvent
dans l'Heptameron de la Reine de
Navarre , dans Rabelais , & il n'y en a
que deux ou trois dont l'idée lui apparrienne
; mais il a une maniere de narrer
qui n'appartient qu'à lui , & c'eft là le
principal mérite de cette forte d'ouvrage :
quelque plaifans que foient les incidens
qui en font le fujet , ils deviendroient
bien infipides fi le récit en étoit froid &
languiffant. Il doit être vif , naturel &
faillant , il doit intéreffer , & perfonne:
n'a porté ce talent plus loin que La Fontaine
: cet homme dont le goût fi fûr pa-.
roiffoit n'être en lui qu'un tact fin & délicat
, & qu'un infinct admirable plutôt
qu'un fentiment éclairé & refléchi , a fçu
ΜΑΙ. 1755. 29
, peu
réunir dans fes contes les graces , la fineffe
, & la naïveté la plus piquante ; une
grande connoiffance du coeur humain dont
il faifit avec précifion les détails les plus
imperceptibles ; des réflexions délicates ,
dont le fens exquis fe cache fous un air de
fimplicité charmante ; une poëfie légere
& animée
d'exactitude dans le ftyle ,
mais beaucoup de feu & d'agrément ; enfin
le plus beau naturel & l'imagination la
plus riante. Tout s'embellit fous fon pinceau
; toujours original nême en imitant ,
il donne aux idées des autres un tour
neuf, en leur faifant prendre la teinte de
fon imagination. Tant de belles parties.
font ternies par quelques défauts ; outre
des négligences trop fréquentes on peut
lui reprocher des longueurs qui refroidiffent
quelquefois l'intérêt fon imagination
abandonnée à elle-même , s'égare
à chaque inftant , ce font quelquefois des
fleurs qu'il veut cueillir en paffant , &
qu'il auroit mieux valu facrifier à la chaleur
de la narration : auffi la plupart de
fes contes , même les mieux faits , Joconde ,
la Fiancée du Roi de Garbes , &c. pourroient
fe réduire à la moitié ; & il n'y a
que l'Hermite , le Berceau , le Comment
l'efprit vient aux filles , & deux ou trois
autres qui foient dans ce point de préci-
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
fion , où l'on ne trouve rien à dire.
La Fontaine eft auffi le moins licentieux
de tous ceux qui ont travaillé dans ce genre
; point d'images dégoûtantes , point
d'expreffions cyniques : chez lui les idées
les plus voluptueufes font toujours enveloppées
; il eft vrai que ce n'eft qu'une
gaze légere , qui ne laiffe rien perdre à l'imagination
, & rend peut-être les objets
plus piquans. Dans les principes du Stoïcifme
, ces detours délicats d'une fauffe
modeftie ne font qu'une coquetterie raffinée
qui fait voir les objets en miniature , &
les préfente fous des traits bien plus féduifans
: les tableaux les plus voluptueux du
·Correge & de B*** font ceux où rien n'eft
préfenté trop à découvert , où ce qu'on ne
-voit pas fait beaucoup plus de plaifir que
ce qu'on voit ; une peinture trop nue ne fait
qu'une impreffion momentanée , l'imagination
fixée à la premiere vûe , s'émouffe
bientôt , il n'y a qu'un feul coup d'oeil
& qu'une feule jouiffance ; elle eft vis- àvis
d'une peinture voilée avec art , ce qu'eft
une courtifanne effrontée qui laiffe voir fes
appas fans draperie ; vis- à- vis d'une femme
adroitement coquette , qui ne montre de fes
charmes que ce qu'il faut pour faire defirer
ceux qu'on ne voit point.L'imagination toujours
au-delà de ce qu'on lui préfente ,
M&A I. 1755. 31
écarte le voile qui lui dérobe les beautés
qu'elle foupçonne ; elle en développe ellemême
tous les détails , & chaque détail eft
une jouiffance complette ; ceux qui connoiffent
le méchanifme de nos plaifirs , fçavent
qu'il n'y en a point de bien vifs que
ceux auxquels l'imagination met la main.
J'ai toujours été perſuadé que les contes
de La Fontaine étoient un des ouvrages les
plus féduifans pour un coeur encore neuf, &
des plus capables d'y faire naître des idées
de volupté bien dangereufes. La Fontaine a
voulu fe juftifier de ce reproche & a prétendu
que la gaité de fes contes ne pouvoit faire
aucune impreffion fur les ames , & qu'elle
étoit bien moins à craindre que cette douce
melancolie où les romans les plus chaftes & les
plus modeftesfont très- capables de nous plongen,
& qui eft une grande préparation à l'amour.
Bayle qui avoit tant de goût & de talens
pour foutenir des paradoxes , a voulu appuyer
celui-ci ; mais l'autorité de ces deux
hommes célébres ne m'en impofe pas ; its
ont beau dire , je ne vois rien de pernicieux
dans la lecture de la Princeffe de Clea
ves & de Zaïde ; mais je vois tout à craindre
d'un ouvrage où l'amour ne paroît
que comme un befoin machinal qu'il eft
finaturel de fatisfaire , où la vertu eft une
chimere , la fidélité conjugale une dupe-
Biy
32 MERCURE DE FRANCE.
rie , & l'innocence une bêtife . Les occafions
font fi gliffantes , le cri de la nature
eft fi preffant , il eft fi difficile de réſiſter , fi
doux de fuccomber ! les plaifirs font fi vifs
& fi touchans ! voilà la morale de ces contes,
elle n'a fûrement rien de bien édifiant. La
Fontaine fe défend là- deffus affez plai-.
famment au commencement de fon conte
des Oyes de Frere Philippe ; il dit : chaſſez
Les foupirans , belles , prenez mon livre , je réponds
de vous corps pour corps. Cette raiſon
me paroît fort finguliere ; je fens bien que
fon livre fans amans ne leur fera jamais
faire que de légeres fottifes , les amans
fans le livre feroient fans doute plus
dangereux ; mais malheureufement fon livre
ne les difpofe gueres à chaffer les foupirans.
Vergier eft celui qui a le plus approché
de La Fontaine , qu'il a pris pour modele ;
fes contes du Roffignol & du Tonnerre ne
feroient pas indignes de fon maître ; le
premier a été imprimé fous le nom de La
Fontaine dans prefque toutes les éditions
de fes contes. Vergier écrit toujours aſſez
naturellement ; mais quoiqu'il ne perdît
jamais fon modele de vûe , il n'a jamais
pû atteindre à cette naïveté de ſtyle où La
Fontaine eft inimitable ; il y a une diftinction
délicate du naturel & du naïf , qu'il
MA I. 1755. 33
faut bien faifir : le premier eft une copie
de la nature , & l'autre une copie de la belle
nature ; le naturel peut être fade & ennuyeux
, le naïfplaît toujours , parce qu'il
eft toujours gracieux & piquant.
Les contes de Vergier font quelquefois
découfus , & la narration fouvent lâche ;
il s'étend beaucoup fur les détails qu'il n'a
pas l'art d'affaifonner. Les longueurs chez
lui font bien plus fatiguantes que dans La
Fontaine, qui fçavoit les couvrir de fleurs ,
& il eft bien éloigné d'entendre comme lui
la vérité & la naïveté du dialogue : fon
ton eft bien moins décent que celui de fon
maître , mais il l'eft encore plus que celui
de Grécourt , dont nous avons un recueil
de contes où il a répandu beaucoup d'obfcénités
; c'eft peut-être même ce qui en eft
le plus faillant ; le ftyle en eft vif & trèspeu
correct , la narration preffée , & les
contes fort courts ; on les prendroit plutôt
pour des épigrammes ; c'eft prefque toujours
une image cynique terminée par une
faillie ou une répartie plaifante , du
moins qui voudroit l'être . Grécourt eft
bien an-deffous de La Fontaine ; il n'eſt
pas même à côté de Vergier.
Aucun auteur depuis ne s'eft attaché
totalement à ce genre. Nous avons quelques
contes épars , dont la plupart écrits
By
34 MERCURE DE FRANCE.
avec une liberté plus que cynique , ne doivent
pas être tirés de l'obfcurité qui les
couvre ; mais il en eftun qui n'eft pas dans
le cas de ceux- là , & auquel je ne connois
rien de préférable : c'eft le Rajeuniſſement
inutile de M. de Moncrif; il eft écrit fur un
ton un peu plus haut que les autres ; mais
quelle légereté & quelle aifance dans la
narration ! quelle douce harmonie dans les
vers ! & quelle fiction ingénieufe ! Les réflexions
les plus fines , les images les plus
voluptueufes préfentées avec une décence
qui n'ôte rien de ce quelles ont de
féduifant , & le ton de fentiment qui y
regne , en font un petit ouvrage que j'oferois
comparer aux deux meilleurs contes
de La Fontaine , & lui donner peut- être
la préférence.
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Résumé : SUR LES CONTES.
Le texte explore le genre littéraire des contes, soulignant qu'il est moderne et distinct des œuvres anciennes. Les Italiens, notamment Boccace et le Pogge, sont reconnus pour avoir inventé les contes en prose, tandis qu'Arioste fut le premier à les mettre en vers. En français, les contes de la Reine de Navarre, de La Fontaine et de Vergier sont particulièrement notables. Ces contes se distinguent par des aventures galantes, des séductions, des intrigues et des stratagèmes pour tromper la vigilance des parents ou des époux. Ils sont marqués par un ton libre et des images licencieuses, reflétant une imagination libertine et une extrême gaieté. La Fontaine, bien qu'inspiré par les Italiens et l'Heptaméron de la Reine de Navarre, possède un style narratif unique. Ses contes se caractérisent par leur vivacité, leur naturel et leur capacité à captiver le lecteur. La Fontaine excelle dans l'art de rendre les incidents plaisants et les détails humains avec précision. Cependant, ses œuvres contiennent des négligences et des longueurs qui peuvent refroidir l'intérêt. Malgré cela, certains de ses contes, comme 'L'Hermite' et 'Le Berceau', sont considérés comme parfaits. La Fontaine est également le moins licencieux des auteurs de contes, enveloppant les idées voluptueuses dans une gaze légère qui stimule l'imagination. Le texte critique les contes de La Fontaine pour leur potentiel à éveiller des idées de volupté dangereuses, contrairement à ce que l'auteur prétendait. Vergier, qui a pris La Fontaine comme modèle, n'a pas atteint la même naïveté de style, bien que ses contes soient naturels. Grécourt, un autre auteur de contes, est jugé obscène et moins talentueux. Le texte mentionne également quelques contes épars, dont le 'Rajeunissement inutile' de Moncrif, qui est loué pour sa légèreté, son harmonie et ses réflexions fines. Ce conte est comparé aux meilleurs de La Fontaine et pourrait même leur être préféré.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 200-202
A L'AUTEUR DU MERCURE.
Début :
Tout ce qui tient à la République des Lettres, Monsieur, doit vous être cher [...]
Mots clefs :
République des Lettres, Mort, Charles-Louis de la Fontaine, Jean de La Fontaine, Maladie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A L'AUTEUR DU MERCURE.
A L'AUTEUR DU MERCURE.
TOUT
OUT ce qui tient à la République des Lettres,
Monfieur , doit vous être cher par tant de titres ,
que quand même M. de la Fontaine n'auroit pas,
cu l'honneur d'être connu de vous perfonnellement
( & je crois qu'il avoit cet avantage ) , je
fuis perfuadé que vous n'apprendriez pas avec indifférence
la mort du petit- fils d'un homme qui
yous a montré le chemin par lequel des génies,
JANVIER. 1758. 201
comme le vôtre & le fien parviennent à l'immortalité.
Charles-Louis de la Fontaine , petit fils unique
de Jean de la Fontaine , de l'Académie Françoi
fe , eft mort à Palmiers , le Is de Novembre ,
dans fa quarantieme année. Quoique la nature
ſui eût donné des talens qui auroient pu le rendre
digne du nom qu'il portoit , s'il avoit voulu les
mettre à profit , & qu'il eût fait dans la Littérature
tous les progrès qu'on peut y faire avec un efprit
vif , jufte & pénétrant , fécondé d'une mémoire
prodigieufe , j'ofe même dire unique , fon goût
pour les plaifirs , & un peu d'indolence naturelle ,
l'avoient empêché d'en faire uſage , & il n'a rien
fait pour le public , non plus que pour la gloire de
fon nom , ni pour fon utilité perfonnelle. Il avoit
été recherché pour l'agrément de fon efprit , & le
brillant de fes faillies , par les gens les plus diftingués
de la Cour & de Paris , dont il a fait les délices
pendant les premieres années de fa jeuneffe.
Son goût pour la vie privée , fon attachement à
une jolie femme , qu'il avoit épousée en ce pays ,,
fui avoient fait accepter la direction des biens que
le Marquis de Bonnac poffede dans cette province,,
après avoir rempli avec diftinction la place de
premier Secretaire de ce Marquis , dans fon ambaffade
de Hollande. Il étoit fait de toute façon
pour une fortune plus honnête & plus brillante ::
mais la tournure de fon efprit , qui déteſtoit également
le travail & l'affujettiffement , lui avoit:
fait négliger les moyens infaillibles qu'il avoit de:
fe la procurer , s'il eût voulu . Il laiffe trois enfans ,,
dont un feul mâle , âgé feulement de quatre mois ,.
unique rejetton d'un nom fi illuftre dans toute:
l'Europe. Sa femme fe nomme Marie le Mercier,.
fille du Maître particulier des Eaux & Forêts d'icis.
Ly
202 MERCURE DE FRANCE.
M. de la Fontaine étoit depuis mon enfance fe
plus cher de mes amis. Le plaifir de vivre avec lui
m'avoit attiré dans ce coin reculé du royaume.
J'ai eu la douleur de le voir expirer dans mes bras,
après une année prefqu'entiere de fouffrances. Sa
maladie étoit une hydropifie de poitrine, mal auquel
la Médecine n'a pas encore connu de remede.
Je dois vous demander mille fois pardon , Monfieur
, de la longueur de ce détail : mais je fuis excufable
de me plaire à parler , le plus qu'il m'eft
poffible , de l'homme que j'ai le plus aimé, & que
je regretterai toute ma vie . Je voudrois pouvoir
obtenir de vous , Monfieur , que vous vouluffiez
bien faire l'honneur à la mémoire de mon ami , de
faire mention de lui dans le premier Mercure. Le
Public doit s'intéreffer au fort de la postérité du
grand homme dont il defcendoit . Je vous demande
cette grace avec l'inftance la plus vive , & j'en conferverai
la plus parfaite reconnoiffance.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Le Marquis DE GUENANDE , Lieutenant- Colonel
de Dragons.
TOUT
OUT ce qui tient à la République des Lettres,
Monfieur , doit vous être cher par tant de titres ,
que quand même M. de la Fontaine n'auroit pas,
cu l'honneur d'être connu de vous perfonnellement
( & je crois qu'il avoit cet avantage ) , je
fuis perfuadé que vous n'apprendriez pas avec indifférence
la mort du petit- fils d'un homme qui
yous a montré le chemin par lequel des génies,
JANVIER. 1758. 201
comme le vôtre & le fien parviennent à l'immortalité.
Charles-Louis de la Fontaine , petit fils unique
de Jean de la Fontaine , de l'Académie Françoi
fe , eft mort à Palmiers , le Is de Novembre ,
dans fa quarantieme année. Quoique la nature
ſui eût donné des talens qui auroient pu le rendre
digne du nom qu'il portoit , s'il avoit voulu les
mettre à profit , & qu'il eût fait dans la Littérature
tous les progrès qu'on peut y faire avec un efprit
vif , jufte & pénétrant , fécondé d'une mémoire
prodigieufe , j'ofe même dire unique , fon goût
pour les plaifirs , & un peu d'indolence naturelle ,
l'avoient empêché d'en faire uſage , & il n'a rien
fait pour le public , non plus que pour la gloire de
fon nom , ni pour fon utilité perfonnelle. Il avoit
été recherché pour l'agrément de fon efprit , & le
brillant de fes faillies , par les gens les plus diftingués
de la Cour & de Paris , dont il a fait les délices
pendant les premieres années de fa jeuneffe.
Son goût pour la vie privée , fon attachement à
une jolie femme , qu'il avoit épousée en ce pays ,,
fui avoient fait accepter la direction des biens que
le Marquis de Bonnac poffede dans cette province,,
après avoir rempli avec diftinction la place de
premier Secretaire de ce Marquis , dans fon ambaffade
de Hollande. Il étoit fait de toute façon
pour une fortune plus honnête & plus brillante ::
mais la tournure de fon efprit , qui déteſtoit également
le travail & l'affujettiffement , lui avoit:
fait négliger les moyens infaillibles qu'il avoit de:
fe la procurer , s'il eût voulu . Il laiffe trois enfans ,,
dont un feul mâle , âgé feulement de quatre mois ,.
unique rejetton d'un nom fi illuftre dans toute:
l'Europe. Sa femme fe nomme Marie le Mercier,.
fille du Maître particulier des Eaux & Forêts d'icis.
Ly
202 MERCURE DE FRANCE.
M. de la Fontaine étoit depuis mon enfance fe
plus cher de mes amis. Le plaifir de vivre avec lui
m'avoit attiré dans ce coin reculé du royaume.
J'ai eu la douleur de le voir expirer dans mes bras,
après une année prefqu'entiere de fouffrances. Sa
maladie étoit une hydropifie de poitrine, mal auquel
la Médecine n'a pas encore connu de remede.
Je dois vous demander mille fois pardon , Monfieur
, de la longueur de ce détail : mais je fuis excufable
de me plaire à parler , le plus qu'il m'eft
poffible , de l'homme que j'ai le plus aimé, & que
je regretterai toute ma vie . Je voudrois pouvoir
obtenir de vous , Monfieur , que vous vouluffiez
bien faire l'honneur à la mémoire de mon ami , de
faire mention de lui dans le premier Mercure. Le
Public doit s'intéreffer au fort de la postérité du
grand homme dont il defcendoit . Je vous demande
cette grace avec l'inftance la plus vive , & j'en conferverai
la plus parfaite reconnoiffance.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Le Marquis DE GUENANDE , Lieutenant- Colonel
de Dragons.
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Résumé : A L'AUTEUR DU MERCURE.
La lettre informe de la mort de Charles-Louis de la Fontaine, petit-fils de Jean de la Fontaine, survenue à Palmiers le 11 novembre 1758 à l'âge de quarante ans. Doté de talents littéraires et d'une mémoire exceptionnelle, Charles-Louis n'a pas exploité ses capacités en raison de son goût pour les plaisirs et de son indolence. Il était apprécié pour son esprit et son charme par des personnalités distinguées de la cour et de Paris. Après avoir servi comme premier secrétaire du Marquis de Bonnac en Hollande, il a dirigé les biens du Marquis en Provence. Charles-Louis laisse derrière lui trois enfants, dont un seul garçon, âgé de quatre mois. Sa femme, Marie le Mercier, est la fille du Maître particulier des Eaux et Forêts. Le Marquis de Guénande, auteur de la lettre, exprime sa douleur et demande que la mémoire de son ami soit honorée dans le Mercure.
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4
p. 211-214
MORTS.
Début :
Messire Florent Jean de Valiere, Lieutenant Général des Armées du Roi, [...]
Mots clefs :
Florent Jean de la Valiere, Lieutenant général des armées du roi, Morts, Talents, Vertus, Artillerie, Siège, Jean de La Fontaine, Vers, Héroïsme, Évêque, Cardinal, Comte, Marquis, Maison Russo
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texteReconnaissance textuelle : MORTS.
MORT S.
>
ESSIRE Florent Jean de Valiere , Lieutenant
Général des Armées du Roi , Grand - Croix
de l'Ordre Royal & Militaire de S. Louis , Gouverneur
de Bergues , ancien Directeur de l'Artil- ·´
lerie , Affocié libre de l'Académie des Sciences
eft mort à Paris le 6 Janvier âgé de 93 ans. La
vieilletle d'un grand homme eft encore utile à fa
patrie , en ce qu'elle eft une leçon vivante ; & à
quelque âge qu'il difparoiffe de la Terre, c'eſt une
perte pour l'humanité. Les vertus & les talents
de cet Officier refpectable , lui avoient acquis une
eftime univerfelle. D'abord , il s'étoit diftingué ,
par les principes fimples qu'il indiqua fur la conduite
des Mines & des Contre-Mines , principes
dont il détermina l'application avec cette rare
fagacité qui feule pouvoit foumettre à une théorie
exacte la bifarrerie des effets de la poudre. C'eft
à lui que la France doit la fupériorité où eft parvenu
le corps de l'Artillerie , le premier de l'Europe
en ce genre , par les établitlemens digne la grandeur
du Roi , que M. de Valiere a formés en
1720. dans cette partie , & qu'il a dirigés depuis
avec tant de fageſſe & de zéle ; mais furtout par
les inftructions qu'il a données fur cet objet , &
l'attention qu'il a mife à diftinguer les fujets ,
& à les placer fuivant leur aptitude aux différentes
fonctions du fervice de l'artillerie. Sa fupériorité
dans l'attaque & la défenfe des Places , eft
212: MERCURE DE FRANCE.
bien connue par les fiéges nombreux où il efi a
donné les preuves les plus fignalées.
C'eft au fiége du Quefnoy que M. de Valiere
acommandé pour la premiere fois l'artillerie en
chef. Il y fit voir ce que peut l'artillerie bien employée.
Il éteignit en 24 heures , avec 38 - piéces
de canon , 84 bouches à feu que l'Ennemi avoit
fur le front de l'attaque de la Place .
Son foixantiéme & dernier Siége a été celui de
Fribourg en 1744. Quoiqu'il eût été expoſé aur
plus grands dangers pendant foixante ans de fervice
où il s'eft trouvé à tant de Siéges & de Batailles;
quoiqu'il n'y ait aucune efpéce d'armes dont
il n'eût été bleffé , exemple unique peut-être dans
l'hiftoire ; il a fini fa longue carriere au milieu de
fa famille , fans douleur , fans impatience, dans
l'accablement du poids des années ; état qui a
précedé fa fin de onze mois & l'a tenu au lit juſ
qu'à la mort qu'il a vu arriver en Héros Chrétien.
C'eft bien- là le couchant de la vie de l'homme
jufte,que la Fontaine a peint par ces mots fublimes,
C'est le foir d'un beau jour
Avec des vértus héroïques & des talens fi fupérieurs
, M. de Valiere étoit l'homme le plus
fimple & le plus modefte. La valeur cette vertu
qui fait violence à la Nature , étoit en lukt
douce & tranquille. Or fçait qu'il a borné toute
fon ambition ´à donner'dans ſes enfans à ſon
Roi & à fa Patrie de dignes héritiers de fes ta
lents & de fes vertus . L'aîné de fes fils , aujour
d'hui fon fucceffeur , opéroit pour la premiere
fois , fous les yeux de fon pere , au dernier fiége
de Philifbourg en 1734. La batterie qu'il commandoit
attiroit tout le feu des ennemis , & cette
grêle de boulets & de bombes caufoit quelquefois
des diftractions au jeune Elève. Son pere , qu
FEVRIER. 1759. 213
l'obſervoit , lui dit du ton de l'amitié : Si vous
étiez bien occupé de ce que vous faites , vous ne
vous appercevriez pas mon fils , de toutes ces
chofes la.
>
Les vertus guerrières de ce Grand- homme
étoient couronnées par un défintéreffementà toute
épreuve ; & du milieu des batailles , il rapportoit
dans la fociété des moeurs douces & pures qui en
faifoient le charme. C'eſt de lui que M. de Fontenelle
a dit :
De rares talens pour la guerre
En lui furent unis au coeur le plus humain
Jupiter le chargea de lancer fon tonnerre :
Minerve conduifit ſa main.
Un fi bon coeur , une ame fi belle , un fi rare
génie , ont honoré l'humanité. Sa mémoire fera
toujours chere à tout homme de bien , & en vénération
à tout bon François.
MESSIRE Antoine- René de la Roche de Fontenilles
Evêque de Meaux , premier Aumônier de
Madame , Abbé Commendataire des Abbayes de
Saint- Faron , Ordre de Saint Benoît , diocèle
de Meaux, & d'Auberive Ordre de Câteaux , diocèfe
de Langres , & Prieur de Saint Pierre d'Abbeville
, Ordre de Clugny , diocèse d'Amiens , eſt
mort le 7 Janvier , dans fon Palais Epifcopal ,
dans la foixantiéme année de fon âge.
LE CARDINAL d'Argenvilliers eft mort à Røme
le 23 Décembre.
MARIE-Charlotte de Pas-Feuquieres , veuve de
Gafpard , Marquis d'Offun , mere du Marquis
d'Offun , Chevalier des Ordres du Roi , & fon
Ambaſſadeur - extraordinaire auprès du Roi des
Deux- Siciles , mourut dans cette Ville le 4 Janvier
, dans la foixante-dixiéme année de fon âge .
Le fieur Brunet de la Vaiffiere , Chevalier de
214 MERCURE DE FRANCE .
l'Ordre-Royal & Militaire de Saint-Louis , mourut
à Saint Didier en Champagne le 24 de Décembre
, dans fa quatre- vingt-treizième année.
Il avoit paffé foixante - douze ans au ſervice du
Roi. Il s'étoit trouvé à la bataille de Stafarde
en 1690.
Anne de Brunſwick d'Hanovre , Gouvernante
des Provinces - Unies , fille aînée du Roi d'Angleterre
, veuve , depuis le 22 Octobre 1751 , de
Guillaume Charles - Henri Friſon de Naffau-
Dieft , Stathouder , mourut à la Haye le 13
Janvier , dans la cinquantiéme année de fon âge.
-
Meffire Paul de Roux , des Comtes de la Rie ,
Marquis de Gaubert & de Courbon , Baron des
Angles , premier Préſident du Parlement de Navarre
, mourut à Montpellier le 21 Décembre.
Il étoit fils d'Alexandre de Roux & de Marianne
de Piolenc. Il avoit fuccédé à fonPere dans la charge
de premierPréſident du Parlement de Navarre.
Il avoit eu de fon premier mariage avec Magdelaine
de Bullion , la Marquiſe de Coriolis d'Elpinoufe
; & de fon fecond mariage avec Louife
de Lons , la Marquife de Mefples & la Marquife
de Gaubert. Il étoit Chef d'une des branches de
la Maiſon Ruffo , qui a paſſé en France à la ſuite
de la Reine Jeanne . Cette Maiſon poſſéde encore
aujourd'hui dans ce Royaume partie des
terres qui leur furent données pour lors par cette
Princeffe en dédommagement de celles qu'elle
perdoit dans le Royaume de Naples.
>
ESSIRE Florent Jean de Valiere , Lieutenant
Général des Armées du Roi , Grand - Croix
de l'Ordre Royal & Militaire de S. Louis , Gouverneur
de Bergues , ancien Directeur de l'Artil- ·´
lerie , Affocié libre de l'Académie des Sciences
eft mort à Paris le 6 Janvier âgé de 93 ans. La
vieilletle d'un grand homme eft encore utile à fa
patrie , en ce qu'elle eft une leçon vivante ; & à
quelque âge qu'il difparoiffe de la Terre, c'eſt une
perte pour l'humanité. Les vertus & les talents
de cet Officier refpectable , lui avoient acquis une
eftime univerfelle. D'abord , il s'étoit diftingué ,
par les principes fimples qu'il indiqua fur la conduite
des Mines & des Contre-Mines , principes
dont il détermina l'application avec cette rare
fagacité qui feule pouvoit foumettre à une théorie
exacte la bifarrerie des effets de la poudre. C'eft
à lui que la France doit la fupériorité où eft parvenu
le corps de l'Artillerie , le premier de l'Europe
en ce genre , par les établitlemens digne la grandeur
du Roi , que M. de Valiere a formés en
1720. dans cette partie , & qu'il a dirigés depuis
avec tant de fageſſe & de zéle ; mais furtout par
les inftructions qu'il a données fur cet objet , &
l'attention qu'il a mife à diftinguer les fujets ,
& à les placer fuivant leur aptitude aux différentes
fonctions du fervice de l'artillerie. Sa fupériorité
dans l'attaque & la défenfe des Places , eft
212: MERCURE DE FRANCE.
bien connue par les fiéges nombreux où il efi a
donné les preuves les plus fignalées.
C'eft au fiége du Quefnoy que M. de Valiere
acommandé pour la premiere fois l'artillerie en
chef. Il y fit voir ce que peut l'artillerie bien employée.
Il éteignit en 24 heures , avec 38 - piéces
de canon , 84 bouches à feu que l'Ennemi avoit
fur le front de l'attaque de la Place .
Son foixantiéme & dernier Siége a été celui de
Fribourg en 1744. Quoiqu'il eût été expoſé aur
plus grands dangers pendant foixante ans de fervice
où il s'eft trouvé à tant de Siéges & de Batailles;
quoiqu'il n'y ait aucune efpéce d'armes dont
il n'eût été bleffé , exemple unique peut-être dans
l'hiftoire ; il a fini fa longue carriere au milieu de
fa famille , fans douleur , fans impatience, dans
l'accablement du poids des années ; état qui a
précedé fa fin de onze mois & l'a tenu au lit juſ
qu'à la mort qu'il a vu arriver en Héros Chrétien.
C'eft bien- là le couchant de la vie de l'homme
jufte,que la Fontaine a peint par ces mots fublimes,
C'est le foir d'un beau jour
Avec des vértus héroïques & des talens fi fupérieurs
, M. de Valiere étoit l'homme le plus
fimple & le plus modefte. La valeur cette vertu
qui fait violence à la Nature , étoit en lukt
douce & tranquille. Or fçait qu'il a borné toute
fon ambition ´à donner'dans ſes enfans à ſon
Roi & à fa Patrie de dignes héritiers de fes ta
lents & de fes vertus . L'aîné de fes fils , aujour
d'hui fon fucceffeur , opéroit pour la premiere
fois , fous les yeux de fon pere , au dernier fiége
de Philifbourg en 1734. La batterie qu'il commandoit
attiroit tout le feu des ennemis , & cette
grêle de boulets & de bombes caufoit quelquefois
des diftractions au jeune Elève. Son pere , qu
FEVRIER. 1759. 213
l'obſervoit , lui dit du ton de l'amitié : Si vous
étiez bien occupé de ce que vous faites , vous ne
vous appercevriez pas mon fils , de toutes ces
chofes la.
>
Les vertus guerrières de ce Grand- homme
étoient couronnées par un défintéreffementà toute
épreuve ; & du milieu des batailles , il rapportoit
dans la fociété des moeurs douces & pures qui en
faifoient le charme. C'eſt de lui que M. de Fontenelle
a dit :
De rares talens pour la guerre
En lui furent unis au coeur le plus humain
Jupiter le chargea de lancer fon tonnerre :
Minerve conduifit ſa main.
Un fi bon coeur , une ame fi belle , un fi rare
génie , ont honoré l'humanité. Sa mémoire fera
toujours chere à tout homme de bien , & en vénération
à tout bon François.
MESSIRE Antoine- René de la Roche de Fontenilles
Evêque de Meaux , premier Aumônier de
Madame , Abbé Commendataire des Abbayes de
Saint- Faron , Ordre de Saint Benoît , diocèle
de Meaux, & d'Auberive Ordre de Câteaux , diocèfe
de Langres , & Prieur de Saint Pierre d'Abbeville
, Ordre de Clugny , diocèse d'Amiens , eſt
mort le 7 Janvier , dans fon Palais Epifcopal ,
dans la foixantiéme année de fon âge.
LE CARDINAL d'Argenvilliers eft mort à Røme
le 23 Décembre.
MARIE-Charlotte de Pas-Feuquieres , veuve de
Gafpard , Marquis d'Offun , mere du Marquis
d'Offun , Chevalier des Ordres du Roi , & fon
Ambaſſadeur - extraordinaire auprès du Roi des
Deux- Siciles , mourut dans cette Ville le 4 Janvier
, dans la foixante-dixiéme année de fon âge .
Le fieur Brunet de la Vaiffiere , Chevalier de
214 MERCURE DE FRANCE .
l'Ordre-Royal & Militaire de Saint-Louis , mourut
à Saint Didier en Champagne le 24 de Décembre
, dans fa quatre- vingt-treizième année.
Il avoit paffé foixante - douze ans au ſervice du
Roi. Il s'étoit trouvé à la bataille de Stafarde
en 1690.
Anne de Brunſwick d'Hanovre , Gouvernante
des Provinces - Unies , fille aînée du Roi d'Angleterre
, veuve , depuis le 22 Octobre 1751 , de
Guillaume Charles - Henri Friſon de Naffau-
Dieft , Stathouder , mourut à la Haye le 13
Janvier , dans la cinquantiéme année de fon âge.
-
Meffire Paul de Roux , des Comtes de la Rie ,
Marquis de Gaubert & de Courbon , Baron des
Angles , premier Préſident du Parlement de Navarre
, mourut à Montpellier le 21 Décembre.
Il étoit fils d'Alexandre de Roux & de Marianne
de Piolenc. Il avoit fuccédé à fonPere dans la charge
de premierPréſident du Parlement de Navarre.
Il avoit eu de fon premier mariage avec Magdelaine
de Bullion , la Marquiſe de Coriolis d'Elpinoufe
; & de fon fecond mariage avec Louife
de Lons , la Marquife de Mefples & la Marquife
de Gaubert. Il étoit Chef d'une des branches de
la Maiſon Ruffo , qui a paſſé en France à la ſuite
de la Reine Jeanne . Cette Maiſon poſſéde encore
aujourd'hui dans ce Royaume partie des
terres qui leur furent données pour lors par cette
Princeffe en dédommagement de celles qu'elle
perdoit dans le Royaume de Naples.
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Résumé : MORTS.
Le texte relate le décès de plusieurs personnalités notables. Florent Jean de Valiere, Lieutenant Général des Armées du Roi, Grand-Croix de l'Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis, Gouverneur de Bergues, ancien Directeur de l'Artillerie et Associé libre de l'Académie des Sciences, est décédé à Paris le 6 janvier à l'âge de 93 ans. Sa carrière a été marquée par des contributions significatives à l'artillerie, notamment par l'établissement de principes simples pour la conduite des mines et des contre-mines, et par la formation d'un corps d'artillerie supérieur en Europe. Il s'est distingué lors de nombreux sièges, notamment ceux du Quesnoy et de Fribourg en 1744. Malgré les blessures et les dangers encourus, il a terminé sa carrière entouré de sa famille. De Valiere était également connu pour sa simplicité, sa modestie et son désintéressement. Le texte mentionne également le décès de plusieurs autres personnalités : Messire Antoine-René de la Roche de Fontenilles, Évêque de Meaux, le Cardinal d'Argenvilliers, Marie-Charlotte de Pas-Feuquieres, veuve du Marquis d'Offun, le Sieur Brunet de la Vaissière, Chevalier de Saint-Louis, Anne de Brunswick d'Hanovre, Gouvernante des Provinces-Unies, et Meffire Paul de Roux, Marquis de Gaubert et de Courbon, Premier Président du Parlement de Navarre.
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