EXTRAIT d'une Lettre écrite de Clermont
- Ferrand , le7 Août 1733. sur l’Ecroulement
du Terrain de Pardines ;&c,
V
Oici , MONSIEUR , quelques circonstances
que vous pouvez ajouter
à la Relation que je vous ai envoyée sur
l'Evénement de Pardines.Je les tiens d'un
Magistrat tres - digne de foy , témoin oculaire,
et qui a un Château tout auprès de
Pardines. Vous sçavez que cette Paroisse
' est à une lieuë d'Issoire ; mais vous ferez
peut-être bien aise de sçavoir qu'elle dépend
de la Seigneurie de S. Cirgues , que
le Maréchal d'Alégre avoit acheptée du
Marquis de Canillac. Le Château ja été
bâti par les Boyers d'Issoire ; le Cardinal
Antoine , Archevêque de Bourges , êtoit
de cette Maison-
1
L'Ecroulement commença , comme on
l'a dit , le 23 du mois de Juin dernier.
Les Métayers des S" Bouchet et du Broc
s'en apperçûrent étant à table ; leur plus
proche voisin ne croyant pas que cet accident
A O UST. 1733.
1885
cident deviendroit si général , vint leur
aider à déménager ; mais un bruit qu'il
entendit l'ayant obligé de retourner chez
lui , il trouva sa maison de fond en comble
enfoncée dans la terre.
Pendant la nuit quelques autres Maisons
furent ainsi englouties ourenversées ,
mais d'une maniere moins subite, jusques
au lendemain que l'effort du Terrain fut
plus grand. Depuis 7 heures du matin
jusqu'au soir , la Colline se fendit en
deux perpendiculairement , et l'ouverture
étoit de 60 pieds de profondeur. La
violence de ce Torrent ,pour parler ainsi ,
entraîna tout ce qui se présentoit, Arbres ,
Pierres , Maisons , Rochers , rien ne pût
résister à son impétuosité , et ces divers
débris ne s'arrêtérent qu'à plus de 300
toises d'éloignement dans une Prairie, où
une Chaussée leur servit de Digue. Les
Arbres poussez jusqu'à cette Chaussée ,
par l'effort de l'Ecroulement , se rangerent
en maniere de Palissade .
Le Terrain de ce lieu paroît aujourd'hui
comme une Colline qui s'est formée
de tous ces Décombres , qui ferme
entiérement deux grands Chemins , celui
d'Issoire à Clermont , et celui d'Issoire
à Milland ; de sorte que les Voyageurs
sont obligez de se faire un nouveau
I iiij
che1886
MERCURE DE FRANCE
chemin entre la petite Riviere de Couse
et les terres écroulées ; et c'est un bonheur
que ces terres n'ayent pas été poussées
jusqu'au lit de cette Riviere , qui
n'en est éloignée que de so pas ,puisqu'elles
eussent comblé son lit , et tout le
Païs superieur eut été inondé.
Ce qu'il y a de singulier , et qui forme
un point de vûë , qui surprend ceux
qui abotdent la Plaine , ce sont une douzaine
de Piliers ou especes de Colonnes
isolées de différente hauteur , dont quelques
- unes sont extrémement déliées ,
n'ayant qu'un pied de diamètre ; il y en
a qui sont tout à fait rondes , et d'autres
d'un ovale imparfait ; sur l'une on voit
du blé , sur l'autre du chanvre , et sur
quelques autres un sep de vigne , sans
qu'il soit à craindre que les Chèvres l'aillent
brouter. Ces Colonnes sont apparemment
restées sur le Roc , qui leur a
servi de Baze , laquelle n'a pû être ébranlée
à cause de sa solidité. On voit encore
avec surprise , sur la plus large de ces
Colonnes , un Colombier tout entier ,
mais un peu panché ; et l'on a recueilli
sur une autre , une vingtaine de Gerbes
d'Orge.
Cet Ecroulement a duré jusqu'au 29
Juin , mais à différentes reprises . Il y a
même
AOUST. 1733. 1887
même une Maison qui ne s'est écroulée
que le 18 de Juillet , avec une petite
portion de la Colline. Vers le sommet ,
on voit actuellement des ouvertures de
la largeur d'un pied et demi , dans les
quelles si on jette une pierre , on l'entend
tomber avec grand bruit dans le
fond du précipice , que le Rocher a formé
en se détachant. Nouveau sujet de
crainte pour les Pardinois , et d'exercice
pour les Physiciens .
Au reste , si cet Ecroulement ex singulier
et presque general dans le territoire
de Pardines , il n'y est pas tout à fait
nouveau. Il y a plus de 30 ans qu'une
Grange nouvellement bât e , avoit manqué
par le fondement , et que plusieurs
Bâtimens s'étoient crévassez . Il y a environ
5 ans qu'on fut obligé d'étayer une
Maison , la voûte d'en bas , quoique faite
solidement , s'étant fendue. Sept ou huit '
jours avant le dernier Ecroulement , les
bois dont on avoit étayé cette Maison , se
rompirent par l'effort du terrain ; ce qui
engagea le Curé d'exhorter les proprietaires
de quitter une demeure si dangereuse
.
La Grêle a fait aussi de grands ravages
dans la Province d'Auvergne . Plus de
cent Paroisses en ont ressenti de terri-
I v bles
1888 MERCURE DE FRANCE
bles effers , puisque comme jevous l'ai dé
ja marqué elles sont hors d'esperance de
faire aucune récolte cette année Le hâteau
de Fontenilles ppartenant à M de
Ribeyre , premier Président de la Cour
des Aydes de Clermont , et les environs
de Billon et de Maringus ont été les plus
endommagez. Le Feu du Ciel vient de se
joindre à ce dernier accident ; il a brûlé à
Orcet , Prieuré sur le chemin d'Is oire
16 à 18 Maisons et quelques Grange, picines
de Foin et de Blé. Il est aussi tombé
sur l'Hôpital des Fieres de la Charité à
Effiat. On m'a assuré que le Tonnere
étoit gros comme une Boule à jouer
aux Quilles. Ce Globe après avoit consi
dérablement endommagé les Toits de cet.
Hôpital , depuis peu réparez des dé ordres
que la Grêle y venoit de caus r est
ensuite entré dans l'Eglise , où il a brulé
une partie de la Balustrade er de là est
allé porter le feu dans une Chambre où
fla consommé environ cinquante livres
de Chanvre.