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1
p. 2804-2833
LETTRE de M. Treüillot de Ptoncour, Curé d'Ansacq, à Madame la Princesse de Conty, troisiéme Doüairiere, & Relation d'un Phénomene très extraordinaire, &c.
Début :
MADAME, J'ay crû avoir remarqué dans mes deux Voyages de l'Isle-Adam, que VOTRE ALTESSE [...]
Mots clefs :
Ansacq, Sabbat, Relation, Prince de Conti, Princesse de Conti, Village, Esprit, Campagne, Vallons, Phénomène extraordinaire, Maison, Voix, Bruits, Merveilleux, Voix humaine, Bruit extraordinaire, Phénomènes, Laboureur, Témoins
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. Treüillot de Ptoncour, Curé d'Ansacq, à Madame la Princesse de Conty, troisiéme Doüairiere, & Relation d'un Phénomene très extraordinaire, &c.
LETTRE de M.Treüillot de Ptoncour,
Curé d'Anfacq , à Madame la Princeffe
de Conty , troifiéme Douairiere , &
Relation d'un Phénomene très extraordinaire
, &c.
MADAM ADAME ,
Fay cru avoir remarqué dans mes deux
Voyages de l'Ile-Adam , queVOTRE Altesse
SERENISSIME n'y venoit de tems en tems que
poury gouter les amusemens de la Campagne
; une Ménagerie , la Chaffe , la Pêche ,
les Promenades , les ouvrages de l'aiguille
ou de la Tapiffèrie , & fur tout d'agréables
lectures , font , ce me femble , tout ce qui peut
former l'aimable varieté de vos innocens plaifirs.
Que je ferois heureux , MADAME ,
fi je pouvois y contribuer en quelque³ maniere,
& augmenter cette varieté par la petite
Relation que je prens la liberté de vous
prefenter!
Tout y refpire l'air de la Campagne ; tout
ce qui y eft contenu s'eft paffé à la Campagnes
c'eft fur le témoignage de gens de la Campagne
que le fait dont il s'agit eft appuyé ;
II. Fol. c'eft
DECEMBRE . 1730. 2803
c'est enfin un Curé , mais le Curé de toutes
vos Campagnes , le plus fidele , le plus zelé ,
& le plus refpectueux , qui a l'honneur de
vous la communiquer.
Le fujet de cette Relation , toute effrayant
qu'il ait parn aux gens de la Campagne qui
difent, en avoir été témoins , devient naturellement
pour les efprits folides , & fur tout
pour celui de V. A. S. un vrai divertiffement
& une matiere agréable de recherches ,
de reflexions, fuppofe fa réalité.
Il s'agit d'un bruit extraordinaire dans
Fair, qui a toutes les apparences d'un Prodige
; prefque tous les habitans du lieu où
il s'eft fait, affurent , jurent & protestent l'avoir
bien entendu.
Ces Témoins , comme gens de la Campagne
, appellent cet évenement un Sabbat ; les
efpritsforts l'appelleront comme ils voudront,
pourront raifonner , ou plutôt badiner à
Leur aife.
> Aux
Pour moi , dans la Differtation que j'ay
mife à la fin , je lui donne le nom grec d'Akoulmate
, pour fignifier une chofe extraor
dinaire qui s'entend dans l'air , comme on
donne le nom grec de Phénomene
chofes qui paroiffent extraordinairement
dans
te même Element ; mais je me garde bien de
rien décider fur le fond ni fur les cauſes .
Quoiqu'il en soit , Efprits , Lutins , Sorciers
, Magiciens , Météores , Conflictions
II. Vol .
de
2806 MERCURE DE FRANCË
de vapeurs , Combats d'Elemens ; je laiffe
aux Curieux à choisir ou à trouver d'autres
caufes : ilme fuffit d'affurer V.A.S. que les
Témoins de ce prétendu Prodige , m'ont paru
de bonne foi , & que les ayant interroge
plufieurs fois , & leur ayant donné tout le
tems de fe contredire & d'oublier dans leurs
deux , trois & quatrième dépofitions , ce qu'ils
m'avoient dit dans la premiere , ils se font
néanmoins foutenus à merveilles , & n'ont
point varié dans la moindre circonftance.
C'en eft affez pour mon deffein , qui fe
termine uniquement au divertiffement de
V. A. S. elle a dans fa Cour & à la suite
de Monfeigneur le PRINCE DE CONTY,
des R R. Peres Jefuites , qui font ordinairement
des perfonnes trés-lettrées & trés- verfées
dans les fecrets de la Nature : fi vous voulez
, MADAME , leur communiquer cette
Relation , & qu'ils veuillent bien en dire
leur fentiment, je ferai charmé de profiter de
leurs lumieres, & je m'engagerai même à rendre
publique leur opinion , avec leur permiffion,
s'entend, je ne voudrois pour toute chofe
au monde , jamais rien faire qui pût leur
déplaire.
Au refte , V. A. S. doit prendre d'autant
plus de part à cet évenement , qu'il eft arrivé
dans une de fes Terres.
Si ce font des Efprits de l'Air, comme les
Perdrix & les autres Oifeaux qui habitent
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1730. 2807
le même Element dans l'étenduë du Territoire
d'Amfacq , appartiennent de droit à
V. A. S. fans doute que ces Efprits , pourvn
qu'ils foient familiers & bienfaifants , doivent
vous appartenir par la même raifon ;
en tout cas mon unique but n'eft , encore un
coup , MADAME , que de vous diver
tir, auffi-bien que Monfeigneur LE PRINCE
DE CONTY ; faffe le Ciel quej'y aye réuſſi
aujourd'huy , en attendant que je puiffe donner
des marques plus ferieufes de l'attachement
infini & du refpect profond avec lequel
je fuis de V. A. S. MADAME , & c.
RELATION d'un bruit extraordinaire
comme de voix humaines , entendu dans
l'Airpar plufieurs Particuliers de la Paroiffe
d'Anfacq , Diocéfe de Beauvais
la nuit du 27. au 28. Janvier 1730 .
E Samedi 28. Janvier de la prefente
Lannée , le bruit le répandit dans la
Paroiffe d'Anfacq , près Clermont en
Beauvoifis , que la nuit précédente plufieurs
Particuliers des deux fexes , avoient
entendu dans l'Air une multitude prodigieufe
comme de voix humaines de
differens tons , groffeurs & éclats , de tout
âge , de tout fexe , parlant & criant toutes
enfemble , fans néanmoins que ces Par-
IIV ol.
ticu1808
MERCURE DE FRANCE
ticuliers ayent pu rien diftinguer de ce
que les voix articuloient ; que parmi cette
confufion de voix , on en avoit reconnu
& diftingué un nombre infini qui pouffoit
des cris lugubres & lamentables , comme
de perfonnes affligées , d'autres des cris de
joye & des ris éclatans , comme de perfonnes
qui fe divertiffent ; quelques- uns
ajoûtent qu'ils ont clairement diftingué
parmi ces voix humaines , ſoit- diſant , les
fons de differens inftrumens.
Cette nouvelle vint bientôt jufqu'à
moi , & comme je n'ajoûte pas foi
aifément à ces fortes de bruits populai
res , & que je fuis affez pyrrhonien à l'égard
de tous les contes nocturnes qui fe
débitent fi fouvent dans l'apparition des
Efprits , des Sabbats & de tant d'autres
bagatelles de cette efpece , je me contentai
d'abord de rire de celle-cy & de la regarder
comme un effet ordinaire d'une
Imagination frappée & bleffée de la frayeur
qu'inſpirent ordinairement les tenebres
de la nuit , fur tout à des efprits groffiers
& ignorans , comme ceux de la plupart
gens de la Campagne , qui font nour
ris & élevés par leurs parens dans cette
perfuafion qu'il y a des Sorciers & des
Sabbats , & qui ajoûtent plus de foi aux
contes ridicules qui s'en débitent parmi
eux , qu'aux veritez effentielles de l'Evangile
& de la Religion.
des
DECEMBRE 1730. 2800
Je badinai ainfi jufqu'au lendemain Dimanche
29. dudit mois , me divertiffant
toujours à entendre raconter la chofe par
tous ceux & celles qui difoient l'avoir entenduë.
Entre ceux- là , deux de mes Paroiffiens,
des premiers du lieu , bons Laboureurs ,
gens d'honneur & de probité , beaucoup
plus éclairez & moins crédules que ne
le font ordinairement les gens de la Campagne
, me vinrent faire l'un après l'autre
leur Relation , comme ayant entendu
de près tout ce qui s'étoit paffé .
Ils m'affurerent qu'alors ils étoient dans
un bons fens parfait, qu'ils revenoient de
Senlis , environ à deux heures après minuit
, & qu'ils étoient fùrs d'avoir bien
entendu & fans être trop effrayez , tour
ce qui eft rapporté au commencement de
cette Relation .
Après les avoir bien interrogez & tour.
nez de toutes fortes de manieres , je tâchai
de leur perfuader qu'ils s'étoient trompez,
& que la crainte & la préoccupation leur
avoient fait prendre quelques cris d'Oifeaux
nocturnes pour des voix humaines;
mais leurs réponſes ont toujours été les
mêmes , fans fe les être communiquées
& je n'ai pû y découvrir ni malice , ni
tromperies , ni contradictions .
J'ai eu beau leur faire à chacun en
-II. Vol.
par2810
MERCURE DE FRANCE
particulier toutes les objections qui me
vinrent alors dans l'imagination , ils ont
toujours perfifté& perfiftent encore à affu
rer que lorfqu'en revenant de Senlis ils
s'entretenoient tranquilement d'une affai
re pour laquelle ils avoient été obligez d'aller
en cette Ville ; ils avoient tout à coup
entendu près d'eux un cri horrible d'une
voix lamentable , à laquelle répondit à
fix cens pas delà une voix femblable &
par un même cri , que ces deux cris furent
comme le prélude d'une confuſion
d'autres voix d'hommes , de femmes , de
vieillards , de jeunes gens , d'enfans, qu'ils
entendirent clairement dans l'efpace renfermé
entre les deux premieres voix ,
& que parmi cette confufion ils avoient
diftinctement reconnu les fons de dif
ferens inftrumens comme Violons
Baffes , Trompettes , Flutes , Tambours ,
&c.
Quoique tout cela n'ait pû me tirer
encore de mon pyrrhonifme , je n'ofe
néanmoins traiter de vifionnaires un fi
grand nombre de perfonnes raifonnables ,
entre lefquelles il s'en trouve fur tout
fept ou huit qu'on peut appeller gens
de mérite & de probité pour laCampagne
qui dépofent toutes unanimement la même
chofe , fans fe démentir ni fe contredire
en la moindre circonftance , quoi-,
II. Vol.
qu'elle
DECEMBRE. 1730. 2811
qu'elles ne fe foient ni parlé ni commu❤
niqué , étant logées dans differens quartiers
du Village éloignez l'un de l'autre
& la plupart defunies par des difcusions
d'interêt qui rompent en quelque maniere
entre elles le commerce ordinaire de la
focieté ; enforte que je ne vois nulle apparence
qu'il puiffe s'être formé entre
elles un complot pour me tromper ou
pour fe tromper elles- mêmes.
C'est ce qui m'a déterminé , à tout hazard
, à prendre la dépofition de chaque
Particulier qui dit avoir entendu les bruits
en queſtion , & d'en faire une efpece de
procès verbal , pour le communiquer à
des perfonnes plus éclairées que moi ,
moi , afin
que fuppofé le fait veritable , elles puiffent
exercer leurs efprits & leurs penetrations
à chercher les caufes naturelles
ou furnaturelles d'un évenement fi extraordinaire.
Quoique j'euffe pris d'abord cette réfo
lution , j'avois pourtant négligé de l'executer
, & le procès verbal que j'avois commencé
dès les premiers jours de Fevrier ,
étoit demeuré imparfait. Mais cette efpece
de prodige étant encore arrivé la nuit du
9. au 10. du mois de May , & plufieurs
perfonnes raisonnables en ayant été témoins
, je me fuis enfin déterminé tout à
fait à continuer avec foin cette efpece
d'enquête,
DE2812
MERCURE DE FRANCE
DEPOSITIONS.
Cejourd'hui 17. May 1730. a comparu
pardevant nous, Prêtre, Docteur en Théologie
, Curé d'Anfacq , le nommé Charles
Defcoulleurs , Laboureur , âgé d'environ
48. ans , lequel interrogé par nous ,
s'il étoit vrai qu'il eût entendu le bruit
extraordinaire qu'on difoit s'être fait dans
l'Air la nuit du 27. au 28. Janvier dernier
, & fommé de nous dire la verité
fans détours & fans déguiſemens.
>
A répondu , que cette nuit là , revenant
avec fon frere François Defcoulleurs , de la
Ville de Senlis , & ayant paffé par Mello ,
où ils auroient eu quelques affaires ; ils auroient
été obligez d'y refterjufques bien avant
dans la nuit, mais que voulant neanmoins
revenir coucher chez eux , ils feroient arrivez
environ à deux heures après minuit audeffus
des murs du Parc d'Anfacq , du côté
du Septentrion , & que prêts à defcendre la
Côte par un fentier qui cottoye ces murs , &
conduit au Village , s'entretenant de leurs
affaires , ils auroient été tout à coup interrompus
par une voix terrible , qui leur parut
éloignée d'eux environ de vingt pas ;
qu'une autre voix femblable à la premiere
auroit répondu fur le champ du fond d'une
gorge entre deux Montagnes , à l'autre exremité
du Village , & qu'immédiatement
II. Vol.
aprés
DECEMBRE. 1730. 281 }
leaprés
, une confufion d'autres voix comme
humaines , fe feroient fait entendre dans
Pefpace contenu entre les deux premieres
articulant certain jargon clapiſſant , que
dit Charles Defconlleurs dit n'avoir pû com
prendre , mais qu'il avoit clairement diftinqué
des voix de vieillards , de jeunes hommes
, defemmes ou de filles & d'enfans, &
parmi tout cela les fons de differens Inftru
mens.
Interrogé. Si ce bruit lui avoit paru éloigné
de lui & de fon frere ? A répondu
de quinze on vingt pas. Interrogé , fi ces
voix paroiffoient bien élevées dans l'Air ?
A répondu. A peu près à la hauteur de
vingt ou trente pieds , les unes plus , les autres
moins, & qu'il leur avoit femblé même
que quelques-unes n'étoient qu'à la hauteur
d'un homme ordinaire , & d'autres comme
fi elles fuffent forties de terre.
Interrogé. S'il n'auroit pas pris les cris
de quelques bandes d'Oyes fauvages , de
Canards , de Hyboux , de Renards , ou
les hurlemens de Loups , pour des voix
humaines ? A répondu. Qu'il étoit aufait
de tous ces fortes de cris , & qu'il n'étoit pas
homme ſi aisé à fe frapper , ni fi fufceptible
de crainte, pour prendre ainfi le change .
Interrogé. S'il n'y auroit pas eu un peu
de vin qui lui eut troublé la raiſon , auffibien
qu'à fon frere ? A répondu . Qu'ils
II. Vol étoient
1814 MERCURE DE FRANCE
étoient l'un & l'autre dans leur bon fens
& que bien loin d'avoir trop bû , ils étoient
au contraire dans un besoin preſſant de boire
& de manger, & qu'après le bruit ceffé , il
s'étoit rendu dans la maifon de fon frere , &
là buvant un coup , ils s'étoient entreteaus
de ce qui venoit de fe paffer , fortant de
tems-en-tems dans la cour pour écouter s'ils
'entendroient plus rien.
que
Interrogé. Si le bruit étoit fi grand qu'il
pût s'entendre de bien loin ? A répondu.
Qu'il étoit tel , que fon frere & lui avoient
eu peine à s'entendre l'un & l'autre en parlant
trés-haut.
Interrogé. Combien cela avoit duré ?
A répondu. Environ une demie heure.
Interrogé. Si lui & fon frere s'étoient
arrêtez & n'avoient pas voulu approcher
pour s'éclaircir davantage ? A répondu.
Que fon frere François avoit bien en le def
fein d'avancer & d'examiner dans l'endroit
ce que ce pouvoit être , mais que lui¸ Charles
, l'en avoit empêché.
Interrogé.Comment cela s'étoit terminé ?
Répondu. Que tout avoit fini par des éclats
de rire fenfibles , comme s'il y eût en trois
ou quatre cens perfonnes qui ſe miſſent à rire
de toute leur force.
Ces Articles lûs & relûs audit Charles
Defcoulleurs , a dit iceux contenir tous
verité , que ce n'étoit même qu'une par-
II. Vol. tic
DECEMBRE . 1730. 2815
tie de ce qu'il auroit entendu , qu'il ne
trouvoit point de termes affez forts pour
s'exprimer , qu'il juroit n'avoir rien mis
de fon invention , & que fi fa dépofition
étoit défectueufe , c'étoit plutôt pour n'avoir
pas tout dit , que pour avoir amplifié,
Et a figné à l'Original.
Ce 18. May 1730. a comparu , &c.
François Defcoulleurs , Laboureur d'Anfacq
, âgé de 38. ans, lequel interrogé s'il
auroit entendu le bruit furprenant de la
nuit du 27. au 28. Janvier dernier , a
répondu à chaque demande que nous lui
avons faites , les mêmes chofes , mot pour
mot , que Charles Defcoulleurs fon frere ;
enforte que lui ayant fait la lecture de
tous les articles contenus dans la dépofition
dudit Charles , a dit les reconnoître
pour veritables , n'ayant rien à y ajouter,
finon qu'à la fin de ce tumulte il s'étoit
fait deux bandes. féparées , fe répondant
l'une à l'autre par des cris & des éclats de
rire , que ledit François Defcoulleurs a
imitez devant nous , exprimant les ris des
vieillards par a, a , a , a , a ; tels que font
les ris des perfonnes décrépites à qui les
dents manquent ; les autres ris des jeunes
kommes , femmes & enfans , par ho ,
bo , bo
ho , bo ; hi , hi , hi , hi ; & cela d'une maniere
fi éclatante & avec une fi grande
confufion , que deux hommes auroient eu
...II Vol
•
1
1-
C peine
2816 MERCURE DE FRANCE
peine à le faire entendre dans une converfation
ordinaire ; lecture lui a été faite
de cette dépofition , a dit contenir verité ,
y a perfifté , & l'a fignée , auffi- bien que
celle de fon frere Charles , qu'il a voulu
figner avec la fienne.
Ce 23. May 1730. ont comparu Louis
Duchemin , Marchand Gantier , âgé de
30, ans , & Patrice Toüilly , Maître Maçon
, âgé de 58. ans , demeurant l'un &
L'autre à Anfacq , lefquels interrogez , ont
répondu : Que la nuit du 27. au 28. Fanvier
dernier , ils feraient partis enſemble environ
à deux heures aprés minuit , afin de
Se rendre au point du jour à Beauvais
diftant d'Anfacq de fix lieues ; qu'étant audeffus
de la Côte oppofée à celle où Charles
François Defconlleurs étoient à la même
heure revenant de Senlis , la Vallée d'Anfacq
entre les uns les autres , ils auroient
entendu le même bruit, & en même temps que
lefdits Defcoulleurs qu'eux Louis Duchemin
& Patrice Touilly , fe feroient arrêtez
d'abord pour écouter avec plus d'attention ,
que faifis de crainte , ils auroient déliberé
entre eux de retourner fur leurs pas ;
que comme il auroit fallu paffer dans l'endroit
où ces voixfe faifoient entendre , ils fe
feroient déterminez à s'en éloigner en continuant
leur voyage , toujours en tremblant :
qu'ils auroient entendu le même bruit pendant
mais
II, Vel
-une
DECEMBRE . 1730. 2817
une demie lieuë de chemin , mais foiblement
à mesure qu'ils s'éloignoient. Et ont figné
à
l'Original.
Le même jour a comparu pardevant
nous le fieur Claude Defcoulleurs , ancien
Garde de la Porte , & Penfionnaire de feu
M. le Duc d'Orleans , âgé de 56. ans , lequel
interrogé , a répondu : Que non -feulement
il avoit bien entendu ce bruit du mois de
Janvier , mais encore celui de la nuit du 9.
au 10. du prefent mois de May ; que lors
du premier il étoit bien éveillé & avoit oui
diftinctement tout ce qui s'étoit paffé : que
comme alors il faifoit froid, il ne s'étoit pas
levé pour cette raisons mais que comme la
porte de fa chambre eft vis-à-vis fon lit &
tournée à peu près du côté du Parc d'Anfacq
, il avoit auffi bien entendu que s'il eût
été dans fa cour & dans le lieu même ; que
le bruit étoit fi grand & fi extraordinaire,
que quoiqu'il fut bien enfermé , il n'avoit
pas laiffé d'être effrayé , & de reffentir dans
toutes les parties de fon corps un certain frémiffements
enforte que fes cheveux s'étoient
hériffez. Qu'à la feconde fois étant endormi,
le même bruit l'ayant éveillé en furſaut , il
feroit levé fur le champ ; mais que tandis
qu'il s'habilloit,la Troupe Aërienne avoit en
Le
temps
de s'éloigner; enforte que quand il
fut dans fa cour , il ne l'avoit plus entendrë
que de loin & foiblement , que cependant
11. Vol.
il
Cij
2818 MERCURE DE FRANCE
il en avoit oui affez defon lit & de fa chambre,
pourjuger & reconnoîtrefenfiblement que
ce fecond évenement étoit femblable en toutes
manieres au premier & de même nature.
Interrogé , s'il ne pourroit pas nous
donner une idée plus claire de cet évenement
par la comparaifon de quelque chofe
à peu près femblable , & tirée de
l'ordre ordinaire de la Nature & du Commerce
du Monde ? A répondu de cette.
maniere.
Il n'eft pas , Monfieur , dit-il , que vous
nayez vu plufieurs fois des Foires oufrancs
Marchez vous avez , fans doute, remarqué
que dans ces fortes de lieux deux ou trois
mille perfonnes forment une espece de cabos
ou de confufion de voix d'hommes , de femmes
, de vieillards , de jeunes gens & d'enfans
, où celui qui l'entend d'un peu loin ne
peut abfolument rien comprendre , quoique
chaque Particulier qui fait partie de la confufion
, articule clairement & fe faffe entendre
à ceux avec lesquels il traite de fes affaires
& de fon Commerce . Imaginez- vous donc
être à la porte des Hales à Paris unjour de
grand Marché , ou dans les Sales du Palais
avant l'Audience ; ou enfin à la Foire faint
Germain fur le foir , lorsqu'elle eft remplie
d'un monde infini , n'entend-on pas dans
tous ces lieux, & principalement dans le dernier
un charivari épouvantable , ( ce font fes
II Vol. mêmes
DECEMBRE. 1730. 28 19
›
mêmes termes ) dans lequel on ne comprend
rien en general, quoique chacun en particulier
parle clairement & ſe faſſe diſtinctement entendre?
ajoûtez à tout cela lesfons des Violons ,
des Baffes , Hautbois , Trompettes , Flutes
Tambours & de tous les autres Inftrumens
dont on joue dans les Loges des Spectacles
& qui fe mêlent à cette confufion de voix ,
vous aurez une idée jufte & naturelle des
bruits que j'ai entendus & dans lesquels j'ai
remarqué diftinctement des voix humaines en
nombre prodigieux , auffi - bien que les fons
de differens Inftrumens . Après la lecture
de fa dépofition , a dit , juré & protesté
contenir verité & a figné à l'Original .
ans ,
Le même jour a comparu Alexis Allou ,
. Clerc de la Paroiffe d'Anfacq , âgé de 34.
lequel interrogé &c . a répondu :
...que la même nuit étant couché & endormi,
Sa femme qui ne dormoit pas auroit été frappée
d'un grand bruit , comme d'un nombre
-prodigieux de perfonnes de tout fexe , de tout
age ; que faifie de frayeur , elle auroit éveillé
ledit Allou , fon mari , & qu'alors le même
bruit continuant & augmentant toujours ,
ils auroient crû l'un & l'autre que le feu étoit
à quelque maifon de la Paroiffe , & que les
cris provenoient des habitans accourus an
Secours que lui Allou dans cette perſuaſion
fe feroit levé avec précipitation ; mais qu'étant
prêt à fortir , & avant d'ouvrir fa
II. Vol. Cij porte
2820 MERCURE DE FRANCÉ
porte il auroit entendu paſſer devant fa
maifon une multitude innombrable de perfonnes
, les unes pouffant des cris amers
( ce font fes termes ) les autres des cris de
joye , & parmi tout cela les fons de differens
inftrumens que cette multitude lui avoit femblé
fuivre le long de la rue jufqu'à l'Eglife ,
mais qu'alors unfriſſon l'ayant faifi , il n'auroit
pas ofé écouter plus long- tems , & auroit
étéfe recoucher auffi tôt pour fe raffurer auffi
bien que fa femme qui trembloit de frayeur
dans fon lit. Et a figné à l'original.
Ce 24. May 1730. a comparu Nicolas
de la Place , Laboureur , âgé d'environ
45. ans , demeurant audit Anfacq , lequel
a déclaré : que la nuit du 27 au 28. Janvier
n'étant point encore endormi , il auroit tout
à
coup entendu un bruit extraordinaire , é
que croyant qu'il feroit arrivé quelque accident
dans la Paroiffe , il fe ferait levé nud
en chemife , & qu'après avoir ouvert la porte
de fa chambre , il auroit oùi comme un nombre
prodigieux de perfonnes , de tout âge &
de toutfexe , qui paffoient devant fa maison,
fife proche l'Eglife , & au milieu du Village
, formant un bruit confus , mais éclatant,
de voix comme humaines , mêlées de differens
inftrumens ; qu'alors la crainte & le
froid l'auroient obligé de refermer promtement
fa porte & de fe remettre au lit , d'où
il auroit encore entendu le même bruit & les
II. Vol.
mêmes.
DECEMBRE. 1730. 2821
mêmes voix , comme fi elles euffent monté
la ruë , & paffé devant la Maifon Pres
biterale. Et a figné à l'original.
Le même jour ont comparu Nicolas
Portier , Laboureur , âgé de 25. ans , &
Antoine Le Roi , garçon Marchand Gantier
, âgé d'environ 34. ans , lefquels ont
déposé que ladite nuit & à la même heure
ils auroient entendu paffer le long de la ruë,
dite d'Enbaut , qui conduit à Clermont , &
entre notre Maiſon Presbiterale & la leur,
comme une foule de monde , de tout âge , de
tout fexe , dont une partie pouffoit des cris
affreux , les autres parlant tous ensemble ,
& articulant certain jargon inintelligible s
que le bruit étoit fi grand & fi affreux que
leurs chiens qui étoient couchés dans la
Cour pour lagarde de la maiſon, en avoient
été tellement effrayés , que fans pouffer un
feul aboyement ils s'étoient jettes à la porte
de la chambre de ladite maifon , la mordant
& la rongeant comme pour la forcer , l'ouvrir
& fe mettre à couvert , fuivant l'instinct
naturel de ces animaux. Et ont figné à l'original.
Ce z. Juin 1730. ont comparu Jean
Defcoulleurs , âgé de 40. ans , Jacques
Daim , Etienne Baudart , Chriſtophe Denis
Deftrés , Jean Beugnet , Paul le Roi ,
Jean Caron & un grand nombre d'autres
perfonnes des deux fexes , lefquels ont
II. Vol. Cilj tous
2822 MERCURE DE FRANCÉ
་
tous déclaré d'avoir bien entendu nonfeulement
le bruit aërien du 27 au 28.
Janvier , mais encore celui du 9 au 10.
dé May dernier , fe rapportant tous dans
les mêmes circonftances ; enforte qué
leur ayant fait lecture de toutes les dépofitions
ci-deffus , ont dit icelles contenir
verité , & ont figné l'Original , ceux
qui fçavent écrire , n'ayant pas jugé à
propos de prendre les marques de plus
de vingt perfonnes qui dépofent toutes
les mêmes chofes , mais qui ont declaré
ne fçavoir figner.
Nous fouffigné , Prêtre , Docteur en
Theologie , Curé de S. Lucien d'Anfacq',
Diocèfe de Beauvais , certifions que toutes
les dépofitions ci-deſſus fontfidelles , & telles
qu'on nous les a fournies ; qu'elles font fignées
enforme dans l'Original , & que cette
copie lui eft conforme en toutes fes parties ,
que nous n'avons ajouté ni rien changé dans
Fun & dans l'autre que l'arrangement &
la diction , ayant fcrupuleufement Suivi toutes
les circonftances qui nous ont été données.
Fait à Anfacq , ce 26. Octobre 1730. figné
TREUILLOT DE PTONCOURT , Curé
d'Anfacq.
›
REFLEXIONS.
Avant que de rendre publique cette Relation
, j'ai crû devoir la communiquer à
11. Vol. quelques
DECEMBRE. 1730. 2823
quelques perfonnes éclairées & d'érudition
de mes amis particuliers , leurs ſuffrages
m'ont paru néceffaires pour la rendre
plus autentique , s'agiffant fur tout
d'un évenement qui tient trop du merveilleux
, pour ne pas devenir le fujet
des railleries & du mépris des efprits
forts.
Je fuis bien aife d'avertir ces Meffieurs
que j'ai été jufqu'ici de leur nombre &
leur confrere fidele en ce genre feulement;
mais quoique je ne fois pas encore bien
réfolu de faire faux- bon à leur confrairie
, je les fupplie néanmoins de me permettre
de demeurer neutre entre leur
parti & celui des crédules , jufqu'à ce
que des gens de poids pour la fcience &
pour la pénetration ayent décidé du fait.
dont il s'agit , & m'ayent tiré de la perplexité
où je refterai jufqu'à leur jugement,
Les efprits forts ne peuvent me refuſer
qu'injuftement cette fufpenfion ; je ne
fçai pas bien s'il ne feroit pas auffi injufte
& auffi ridicule de traiter de vifionaires
tant de gens de probité , quoique de
la Campagne , qui conviennent tous du
même fait , que de croire legérement tout
ce que le vulgaire ignorant débite fi fouvent
des fabbats & des autres fottifes de
ce genre.
II. Vol. Cy Quoi
2824 MERCURE DE FRANCE
Quoiqu'il en foit , mes amis , bien loin
de me diffuader de donner au Public cette
relation , avec le procès verbal fait en
conféquence , m'ont prié , au contraire ,
non feulement de ne point héfiter à
le faire , mais d'y joindre encore une
deſcription Topographique du Village
d'Anfacq , afin de donner lieu à ceux
qui croirone pouvoir expliquer cet évenement
par des caufes naturelles d'exercer
toute leur Phyfique & leur Philofophie.
En effet , fi les Phénoménes extraor
dinaires qui ont paru dans l'air depuis
cinq ans ont tant exercé les beaux efprits
& ont fait la matiere de plufieurs affemblées
de Meffieurs de l'Académie des
Sciences , pourquoi un événement qui
tombe fous un autre fens , qui n'eft pas
moins réél , ni moins effentiel à l'homme
le fens de la vûë , ne meritera- t'if
que
pas autant l'attention & la curiofité des
mêmes Sçavans !
>
Tout le monde fçait que Phénoméne
eft un mot Grec, que l'on a francifé comme
beaucoup d'autres , parce qu'il ne fe
trouve point dans notre Langue de termes
d'une fignification affez énergique ,
pour exprimer feul & par lui -même les
objets qui paroiffent extraordinairement
dans l'air. Notre Langue ne nous fournit
II. Vol. pas
DECEMBRE. 1730. 2825
pas non plus d'expreffions pour défigner
fes bruits extraordinaires qui fe font , où
qui pourroient fe faire entendre. Mais.
comme ces derniers font bien moins communs
que les premiers , on ne s'eft point
encore avifé jufqu'ici de francifer un mot
Grec pour les exprimer.
; .
L'évenement dont il s'agit , ne pourroit
il donc pas m'autorifer à le faire moimême
? & de même qu'il a plû à nos
Anciens d'appeller , Phénoménes , les
objets extraordinaires qui paroiffent dans
l'air ne pourroit-on pas , par la même
raifon , défigner le bruit étonnant & prodigieux
qui vient de fe faire entendre par
ce mot , Akoufméne , ou pour parler plus
regulierement Grec en François , Akousmate
? Le premier fignifie une chofe qui
paroît extraordinairement ; le fecond fi
gnifiera une chofe qui fe fait entendre
extraordinairement
.
Ce principe établi , je prétens que fi les
Phénoménes font du reffort de la curio
fité des Sçavans , les Akoufmates , ne le
font pas moins , fuppofé leur réalité . Or,
on ne peut guere douter de celui - ci : trop
de gens
raifonnables en font le rapport ,
& s'accordent trop dans les mêmes circonftances
, pour n'y pas ajouter foi .
On me dira peut être ,qu'il y a une grande
difference pour l'autenticité entre les Phe-
II. Vol. Cavi no
2826 MERCURE DE FRANCE
noménes & mes prétendus Akoufmates :
que lorfque les premiers paroiffent , tous
les hommes qui ont le même horiſon naturel
& même rationel , peuvent les appercevoir;
au lieu que les feconds , fuppofé
leur réalité , ne peuvent être entendus
que de peu de perfonnes , & de celles feulement
qui en font à portée & qui demeurent
dans le même lieu où ces Akoufmates arrivent.
Que par confequent un Phénoméne
qui eft apperçu par tous les Sunorifontaux ,
emporte avec foi une autenticité bien
plus grande , qu'un Akoufmate qui ne peut
être entendu que par un petit nombre de
particuliers habitans d'un même lieu.
A cela je répons : que la Sphère d'activité
de la vûë étant bien plus étenduë
que celle de l'oüie , les Phénoménes & les
Akoufmates , ne requiérent pas le même
nombre de témoins pour les rendre autentiques
: que les premiers pouvant être apperçus
de tous les Sunorifontaux , il eſt
neceffaire que le plus grand nombre des
hommes qui habitent l'horifon fur lequel
un Phénoméne paroît , en rende témoignage
; au lieu que pour les feconds , il .
fuffit , ce me femble , qu'il ayent été entendus
par la plus grande & la plus faine
partie des habitans d'un même lieu , &
renfermés dans la Sphère d'activité de
l'oüie.
II. Vol.
Mais
DECEMBRE. 1730. 2827
le
Mais pour rendre le fait dont il s'agit
plus autentique encore , il fuffit de remarquer
que le fens de la vûë eft ordinairement
plus fujet à l'erreur & à l'illuſion ,
le fens de l'oüie . Il n'y a pour
que
prouver qu'à fe reffouvenir de toutes les
extravagances qui ſe débiterent à l'occafion
des derniers Phénoménes & fur tout
de celui du mois d'Octobre 1726.Combien
de gens cturent voir au milieu de l'efpece
de Dôme de feu qui parut alors , les uns
une Colombe ou S. Efprit , les autres un
Ange , un Autel , un Dragon , &c . toutes
chofes qui n'avoient de réalité que
dans leur imagination frappée , ou dans
leurs yeux fatigués & éblouis ?
Mais ici où il ne s'agit que du fens de
l'oiie , tant de gens raifonnables ont ils
pû fe tromper fi groffiérement , que de
s'imaginer entendre quelque chofe lorfqu'il
n'entendoient rien ? Un prétendu
bruit épouventable dans l'air qui n'auroit
confifté qu'en quelques hurlemens de
Loups fur la terre ? Une multitude infinie
de voix comme humaines mêlées de
differens fons d'inftrumens, qui n'auroient
été que des cris d'Oyes ou de Canards
Sauvages . Des perfonnes à dix pas du
lieu où fe paffoit ce charivari , des perfonnes
en voyages qui font arrêtées par
cet accident , & qui difent les avoir en-
II. Vol.
tendu
2828 MERCURE DE FRANCE
tendu finir par des éclats de rire de toute
efpece , tandis que d'autres pouffoient
des cris horribles ? Seroit-il poffible que
tant d'oreilles euffent été enchantées
pour ainfi dire , pour croire entendre ce
qu'elles n'entendoient pas ? C'eft ce que
je ne fçaurois jamais m'imaginer . Je ne
veux néanmoins m'attacher à aucun fentiment
, qu'autant qu'il fera celui de perfonnes
plus habiles que moi.
Defcription du Village.
ANacq cft fitué dans un Vallonformé par
deux Coteaux ou Montagnes , entre Clermont
en Bauvoifis au Nord - Eft , & le Bourg de
Mouy au Sud - Oueft. A peu près à la même diftance
de l'un & de l'autre; trois Gorges fort étroites
, l'une au Nord- Eft , celle du milieu au Nord,
& la troifiéme au Nord - Oueft , font comme les
racines du principal Vallon , forment une espéce
de patte d'Oye, & fe rapprochant, viennent le réünir
à un quart de lieuë d'Anfacq...
Sur la hauteur environ à fix cens pas communs
de la naiffance de ces Gorges ,, eft le commencement
de la Forêt de Haye , dite communément
la Forêt de la Neuville. La Seigneurie du
Pleffier Bilbault , de la Paroiffe d'Anfacq , eft fi
tuée proche la liziere de ladite Forêt , à 400. pas
ou environ de la naiffance de la Gorge du milieu
ou de celle du Nord..
Le Village commence du côté de Clermont
au Nord - Eft , par une rue affés longue , bâtie le
long de la côte Orientale , fur une douce pente,
& vient fe terminer à l'Eglife , dont le principal
II. Vol.
Portail
DECEMBRE . 1730. 2829'
Portail fait face du côté du Couchant , à une Pla
ce bordée de maiſons de part & d'autre , & terminée
par un petit ruiffeau , au delà duquel d'autres
maifons font face au Portail.
De l'Eglife , une autre rue conduit jufqu'aux
murs du Parc vers le Sud- Qüeft : & c'eft au bout
de cette rue , & en dedans du Parc , que les bruits
furprenans dont-il eft ici question , commencent
& le font entendre ordinairement. C'eft auffi audeffus
de l'extrémité de cette ruë , & vers les mêmes
murs , que Charles & François Defcoulleurs,
étoient placés , lorfqu'en revenant de Senlis , ils
furent obligés de s'arrêter , à caufe de ce bruit
étonnant.
>
On fe fouviendra encore de ce qui eft dit dans
la dépofition defdits Defcoulleurs , que deux cris
affreux furent comme le prélude de la confufion
qu'ils entendirent immédiatement après. Le premier
fe fit entendre du fond d'une des Gorges
qui fervent de racines au principal Vallon ,,
c'eft à dire , de la troifiéme qui eft vers le Nord-
Oueft , le fecond cris répondit au premier dans
le Parc , au bout de la rue même dont je viens
de parler , & à quinze ou viage pas de l'endroit
ou lefdits Defcoulleurs étoient. Le Vallon d'Anfacq
ainfi formé , comme je l'ai dit , par la jonc
tion des trois Gorges , continue à peu près de la
même largeur jufqu'au Parc & au Château , éloi
gné du Village environ de huit cent pas.
Le Parc qui peut contenir quatre cens arpens,.
eft un grand quarré long , dont la partie Orien
tale forme dans toute fa longueur du Nord au
Sad un Amphithéatre , ou deux grandes Terraffes
l'une far l'autre qui emportent environ la
moitié de fa largeur , & font ombragées par tout:
d'une petite fotaye de chênes , & en quelques ens
droits de buiffons épais & forts.
11. Vol.
Ꮮ e
2830 MERCURE DE FRANCE
Le Château d'un gout antique avec Tours &
Tourelles eft fitué à cent pas du pied de l'Amphithéatre
, entre deux Cours , dont celle d'entrée
& la principale , regarde le Couchant , l'autre
F'Orient , l'une & l'autre environnées de bâtimens
pour la commodité d'un Laboureur.
Prés du Château on trouve trois Jardins
entourés de Murs , lefquels coupant aflez bifarrement
l'endroit du Parc où ils font placés , forment
trois quarrés & differentes efpeces de chemins
couverts qui les féparent l'un de l'autre , &
conduifent à differentes portes , tant pour entrer
dans la principale Cour que pour ſortir du Parc ;
tout le refte confifte en pâturages , Aulnois ,
plans de faules & Arbres fruitiers.
>
De l'extrémité du Parc , du côté du Sud - Oueſt;
le Vallon continuë pendant une demie lieuë , &
va enfin fe rendre dans la grande Vallée de
Mouy. Il eft partagé dans toute fa longueur par
un petit Ruiffeau , formé par plufieurs fources
qui fortent du pied de la Montagne d'où naiffent
les trois Gorges. Ce Ruiffeau ombragé par
tout de bois aquatiques comme Saules , Peupliers
, Aulnes &c. vient paffer au- deffous des
Jardins de la rue de Clermont , bâtie , comme
je l'ai déja dit , fur la pente de la côte Orientale,
entre enfuite dans le Village par l'extrémité de
la Place qui fait face à l'Eglife , & continuant
fon cours vers le Sud - Oueft , il va fe rendre dans
le Parc ; delà toujours en ferpentant il va arrofer
le principal Jardin , d'où il tombe par une
efpece de petite Caſcade dans les foffez du Châ
teau qu'il parcourt fans les remplir , parceque
les digues en font rompues. Il fort enfuite des
foffez & de la grande Cour pour rentrer dans
l'autre partie du Parc , & cotoyant le pied de
PAmphithéatre il en reffort par le Sud- Ouest, &
II. Vol. va
DECEMBRE. 1730. 2831
a former à fix cens pas delà un petit étang
pour faire moudre un Moulin . En fortant du
Moulin , il fe recourbe un peu vers le Sud ou
Midi , & après une demie lieuë du refte de fon
cours il va fe rendre dans la grande Vallée , &
fe décharger dans la petite Riviere du Terrin ,
entre Mouy & Bury. Le Vallon d'Anfacq depuis
fes racines jufqu'à l'endroit où il fe rend
dans la grande Vallée peut avoir dans toute fa
longueur 3000. pas géometriques, ou une grande
lieuë de France.
༥༤ ་
Outre les trois Gorges dont j'ai parlé, il fe trouve
encore dans toute cette étendue pluſieurs cavées
ou chemins creux de part & d'autre qui
conduisent en differens endroits fur les deux coteaux
oppofés dont le Vallon eft formé.
Il faut obferver que dans toute la longueur da
Vallon il ne fe trouve point d'échos confiderables
qui fe renvoyant les fons les uns aux autres
puiffent fervir de fondement au fentiment de
ceux qui voudroient attribuer les bruits en queftion
à ces cauſes ordinaires & naturelles . C'eft
ce dont j'ai voulu moi - même faire l'experience
pendant une belle nuit & un tems calme , en fai
Tant marcher en même tems que moi plufieurs
perfonnes tant fur les côteaux que dans la Vallée,
& en les faifant crier de tems en tems. J'entêndis
bien les voix de plus de quinze perfonnes ,
hommes & petits garçons qui s'acquiterent parfaitement
de la commiffion que je leur avois donnée
, en criant quelquefois de toutes leurs forces ,
& en parlant de tems en tems , & tous enſemble
à voix haute ; mais cette experience ne produifit
rien qui pût m'éclaircir ; les principaux témoins
de notre prodige que j'avois avec moi , ne
convinrent jamais que ces voix en approchaffent,
& lui reffemblaffent en la moindre circonftance.
II Fol. Il
2832 MERCURE DE FRANCE
Il est vrai , me dirent -ils , que dans le Sabbat
que nous avons entendu , ( ce font leurs mêmes
termes ) il y avoit à peu près des voix ſemblables
mais en bien plus grand nombre , & qui formoient
une confufion horrible de cris lugubres ,
de cris de joye & de fons d'Inftrumens.Celles - cy,
continuoient- ils , font difperfées & à terre, aulieu
que les autres étoient toutes raffemblées , & la
plus grande partie dans l'Air ; nous entendons le
langage de ceux- cy , mais nous ne comprîmes
jamais rien dans le jargon des autres . Et d'ailleurs
quand ce que nous entendons actuellement approcheroit
en quelque forte de ce que nous avons
entendu;quelle apparence qu'un nombre fi prodigieux
de monde fe fût affemblé dans le Pare
d'Anfacq? Il auroit donc fallu pour cela que tous
les habitans , hommes , femmes , enfans & Menetriers
de tous les Villages à deux lieues à la
ronde , euffent formé ce complot ; & à quel ufa
ge : Les uns pour crier , chanter & rire ? Les autres
pour pleurer , fe plaindre & gémir ? Tel fue
le fruit de mon experience : une plus grande in→
certitude.
ADDITION
Le 31. Octobre dernier , veille de la Touffaint,
le même bruit fe fit entendre au- deffus du Parc
d'Anfacq , entre 9. & 10. heures du ſoir ; il fut fi
épouventable , que non- feulement une partie du
Village l'entendit , mais que des moutons parquez
auprés delà en furent fi effrayez , qu'ils forcerent
le Parc & fe répandirent par la Campagne , enforte
que le Berger fut obligé d'aller chercher
quelques Payfans des environs pour l'aider à raſfembler
fon Troupeau. La femme de ce même
Berger couchée avec lui dans fa Cabane , en fut
fépouventée qu'elle en eft tombée malade.
II. Vol. Comme
DECEMBRE. 1730. 283 3°
Comme j'avois ordonné qu'on m'avertit en
cas que ce même bruit fe fit entendre de nouveau,
on ne manqua pas de courir chez moi dans le
moment , mais ma maiſon étant un peu éloignée
du Parc d'Anfacq , quelque diligence que je puffe
faire pour me rendre fur le lieu , j'y arrivai trop
tard & ne puis rien entendre. J'ay chargé une
perfonne de veiller pendant tout l'hyver jufqu'à
minuit , afin de pouvoir être averti s'il arrivoit
que ce bruit fe fit encore entendre.
y
Ayant communiqué à plufieurs de mes amis ce
ce qui s'eft paffé dans ma Paroiffe ; un d'entre'
eux, homme de Lettres, & ayant une Charge dans
la Justice de Clermont en Beauvoifis , me dit qu'il
avoit quinze ans que paffant la nuit par le Village
d'Anfacq pour s'en retourner à Clermont
étant feul à cheval à quelque diftance dudit Vilge
, il entendit un bruit fi épouventable en l'Air
& fi prés de lui , qu'il en fut tranfi de frayeur . Il
fe jetta à bas de fon cheval & fe mit à genoux
en prieres jufques à ce que ce bruit fut paffé ,
aprés quoi il continua fon chemin. Arrivé chez
lui il eut honte de fa peur & n'oſa jamais ſe
vanter de ce qui lui étoit arrivé , de peur qu'on
ne le prêt pour un vifionaire , mais que puifque
cette avanture devenoit fi fréquente , il avoüoit
fans peine ce qu'il lui étoit arrivé.
Curé d'Anfacq , à Madame la Princeffe
de Conty , troifiéme Douairiere , &
Relation d'un Phénomene très extraordinaire
, &c.
MADAM ADAME ,
Fay cru avoir remarqué dans mes deux
Voyages de l'Ile-Adam , queVOTRE Altesse
SERENISSIME n'y venoit de tems en tems que
poury gouter les amusemens de la Campagne
; une Ménagerie , la Chaffe , la Pêche ,
les Promenades , les ouvrages de l'aiguille
ou de la Tapiffèrie , & fur tout d'agréables
lectures , font , ce me femble , tout ce qui peut
former l'aimable varieté de vos innocens plaifirs.
Que je ferois heureux , MADAME ,
fi je pouvois y contribuer en quelque³ maniere,
& augmenter cette varieté par la petite
Relation que je prens la liberté de vous
prefenter!
Tout y refpire l'air de la Campagne ; tout
ce qui y eft contenu s'eft paffé à la Campagnes
c'eft fur le témoignage de gens de la Campagne
que le fait dont il s'agit eft appuyé ;
II. Fol. c'eft
DECEMBRE . 1730. 2803
c'est enfin un Curé , mais le Curé de toutes
vos Campagnes , le plus fidele , le plus zelé ,
& le plus refpectueux , qui a l'honneur de
vous la communiquer.
Le fujet de cette Relation , toute effrayant
qu'il ait parn aux gens de la Campagne qui
difent, en avoir été témoins , devient naturellement
pour les efprits folides , & fur tout
pour celui de V. A. S. un vrai divertiffement
& une matiere agréable de recherches ,
de reflexions, fuppofe fa réalité.
Il s'agit d'un bruit extraordinaire dans
Fair, qui a toutes les apparences d'un Prodige
; prefque tous les habitans du lieu où
il s'eft fait, affurent , jurent & protestent l'avoir
bien entendu.
Ces Témoins , comme gens de la Campagne
, appellent cet évenement un Sabbat ; les
efpritsforts l'appelleront comme ils voudront,
pourront raifonner , ou plutôt badiner à
Leur aife.
> Aux
Pour moi , dans la Differtation que j'ay
mife à la fin , je lui donne le nom grec d'Akoulmate
, pour fignifier une chofe extraor
dinaire qui s'entend dans l'air , comme on
donne le nom grec de Phénomene
chofes qui paroiffent extraordinairement
dans
te même Element ; mais je me garde bien de
rien décider fur le fond ni fur les cauſes .
Quoiqu'il en soit , Efprits , Lutins , Sorciers
, Magiciens , Météores , Conflictions
II. Vol .
de
2806 MERCURE DE FRANCË
de vapeurs , Combats d'Elemens ; je laiffe
aux Curieux à choisir ou à trouver d'autres
caufes : ilme fuffit d'affurer V.A.S. que les
Témoins de ce prétendu Prodige , m'ont paru
de bonne foi , & que les ayant interroge
plufieurs fois , & leur ayant donné tout le
tems de fe contredire & d'oublier dans leurs
deux , trois & quatrième dépofitions , ce qu'ils
m'avoient dit dans la premiere , ils se font
néanmoins foutenus à merveilles , & n'ont
point varié dans la moindre circonftance.
C'en eft affez pour mon deffein , qui fe
termine uniquement au divertiffement de
V. A. S. elle a dans fa Cour & à la suite
de Monfeigneur le PRINCE DE CONTY,
des R R. Peres Jefuites , qui font ordinairement
des perfonnes trés-lettrées & trés- verfées
dans les fecrets de la Nature : fi vous voulez
, MADAME , leur communiquer cette
Relation , & qu'ils veuillent bien en dire
leur fentiment, je ferai charmé de profiter de
leurs lumieres, & je m'engagerai même à rendre
publique leur opinion , avec leur permiffion,
s'entend, je ne voudrois pour toute chofe
au monde , jamais rien faire qui pût leur
déplaire.
Au refte , V. A. S. doit prendre d'autant
plus de part à cet évenement , qu'il eft arrivé
dans une de fes Terres.
Si ce font des Efprits de l'Air, comme les
Perdrix & les autres Oifeaux qui habitent
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1730. 2807
le même Element dans l'étenduë du Territoire
d'Amfacq , appartiennent de droit à
V. A. S. fans doute que ces Efprits , pourvn
qu'ils foient familiers & bienfaifants , doivent
vous appartenir par la même raifon ;
en tout cas mon unique but n'eft , encore un
coup , MADAME , que de vous diver
tir, auffi-bien que Monfeigneur LE PRINCE
DE CONTY ; faffe le Ciel quej'y aye réuſſi
aujourd'huy , en attendant que je puiffe donner
des marques plus ferieufes de l'attachement
infini & du refpect profond avec lequel
je fuis de V. A. S. MADAME , & c.
RELATION d'un bruit extraordinaire
comme de voix humaines , entendu dans
l'Airpar plufieurs Particuliers de la Paroiffe
d'Anfacq , Diocéfe de Beauvais
la nuit du 27. au 28. Janvier 1730 .
E Samedi 28. Janvier de la prefente
Lannée , le bruit le répandit dans la
Paroiffe d'Anfacq , près Clermont en
Beauvoifis , que la nuit précédente plufieurs
Particuliers des deux fexes , avoient
entendu dans l'Air une multitude prodigieufe
comme de voix humaines de
differens tons , groffeurs & éclats , de tout
âge , de tout fexe , parlant & criant toutes
enfemble , fans néanmoins que ces Par-
IIV ol.
ticu1808
MERCURE DE FRANCE
ticuliers ayent pu rien diftinguer de ce
que les voix articuloient ; que parmi cette
confufion de voix , on en avoit reconnu
& diftingué un nombre infini qui pouffoit
des cris lugubres & lamentables , comme
de perfonnes affligées , d'autres des cris de
joye & des ris éclatans , comme de perfonnes
qui fe divertiffent ; quelques- uns
ajoûtent qu'ils ont clairement diftingué
parmi ces voix humaines , ſoit- diſant , les
fons de differens inftrumens.
Cette nouvelle vint bientôt jufqu'à
moi , & comme je n'ajoûte pas foi
aifément à ces fortes de bruits populai
res , & que je fuis affez pyrrhonien à l'égard
de tous les contes nocturnes qui fe
débitent fi fouvent dans l'apparition des
Efprits , des Sabbats & de tant d'autres
bagatelles de cette efpece , je me contentai
d'abord de rire de celle-cy & de la regarder
comme un effet ordinaire d'une
Imagination frappée & bleffée de la frayeur
qu'inſpirent ordinairement les tenebres
de la nuit , fur tout à des efprits groffiers
& ignorans , comme ceux de la plupart
gens de la Campagne , qui font nour
ris & élevés par leurs parens dans cette
perfuafion qu'il y a des Sorciers & des
Sabbats , & qui ajoûtent plus de foi aux
contes ridicules qui s'en débitent parmi
eux , qu'aux veritez effentielles de l'Evangile
& de la Religion.
des
DECEMBRE 1730. 2800
Je badinai ainfi jufqu'au lendemain Dimanche
29. dudit mois , me divertiffant
toujours à entendre raconter la chofe par
tous ceux & celles qui difoient l'avoir entenduë.
Entre ceux- là , deux de mes Paroiffiens,
des premiers du lieu , bons Laboureurs ,
gens d'honneur & de probité , beaucoup
plus éclairez & moins crédules que ne
le font ordinairement les gens de la Campagne
, me vinrent faire l'un après l'autre
leur Relation , comme ayant entendu
de près tout ce qui s'étoit paffé .
Ils m'affurerent qu'alors ils étoient dans
un bons fens parfait, qu'ils revenoient de
Senlis , environ à deux heures après minuit
, & qu'ils étoient fùrs d'avoir bien
entendu & fans être trop effrayez , tour
ce qui eft rapporté au commencement de
cette Relation .
Après les avoir bien interrogez & tour.
nez de toutes fortes de manieres , je tâchai
de leur perfuader qu'ils s'étoient trompez,
& que la crainte & la préoccupation leur
avoient fait prendre quelques cris d'Oifeaux
nocturnes pour des voix humaines;
mais leurs réponſes ont toujours été les
mêmes , fans fe les être communiquées
& je n'ai pû y découvrir ni malice , ni
tromperies , ni contradictions .
J'ai eu beau leur faire à chacun en
-II. Vol.
par2810
MERCURE DE FRANCE
particulier toutes les objections qui me
vinrent alors dans l'imagination , ils ont
toujours perfifté& perfiftent encore à affu
rer que lorfqu'en revenant de Senlis ils
s'entretenoient tranquilement d'une affai
re pour laquelle ils avoient été obligez d'aller
en cette Ville ; ils avoient tout à coup
entendu près d'eux un cri horrible d'une
voix lamentable , à laquelle répondit à
fix cens pas delà une voix femblable &
par un même cri , que ces deux cris furent
comme le prélude d'une confuſion
d'autres voix d'hommes , de femmes , de
vieillards , de jeunes gens , d'enfans, qu'ils
entendirent clairement dans l'efpace renfermé
entre les deux premieres voix ,
& que parmi cette confufion ils avoient
diftinctement reconnu les fons de dif
ferens inftrumens comme Violons
Baffes , Trompettes , Flutes , Tambours ,
&c.
Quoique tout cela n'ait pû me tirer
encore de mon pyrrhonifme , je n'ofe
néanmoins traiter de vifionnaires un fi
grand nombre de perfonnes raifonnables ,
entre lefquelles il s'en trouve fur tout
fept ou huit qu'on peut appeller gens
de mérite & de probité pour laCampagne
qui dépofent toutes unanimement la même
chofe , fans fe démentir ni fe contredire
en la moindre circonftance , quoi-,
II. Vol.
qu'elle
DECEMBRE. 1730. 2811
qu'elles ne fe foient ni parlé ni commu❤
niqué , étant logées dans differens quartiers
du Village éloignez l'un de l'autre
& la plupart defunies par des difcusions
d'interêt qui rompent en quelque maniere
entre elles le commerce ordinaire de la
focieté ; enforte que je ne vois nulle apparence
qu'il puiffe s'être formé entre
elles un complot pour me tromper ou
pour fe tromper elles- mêmes.
C'est ce qui m'a déterminé , à tout hazard
, à prendre la dépofition de chaque
Particulier qui dit avoir entendu les bruits
en queſtion , & d'en faire une efpece de
procès verbal , pour le communiquer à
des perfonnes plus éclairées que moi ,
moi , afin
que fuppofé le fait veritable , elles puiffent
exercer leurs efprits & leurs penetrations
à chercher les caufes naturelles
ou furnaturelles d'un évenement fi extraordinaire.
Quoique j'euffe pris d'abord cette réfo
lution , j'avois pourtant négligé de l'executer
, & le procès verbal que j'avois commencé
dès les premiers jours de Fevrier ,
étoit demeuré imparfait. Mais cette efpece
de prodige étant encore arrivé la nuit du
9. au 10. du mois de May , & plufieurs
perfonnes raisonnables en ayant été témoins
, je me fuis enfin déterminé tout à
fait à continuer avec foin cette efpece
d'enquête,
DE2812
MERCURE DE FRANCE
DEPOSITIONS.
Cejourd'hui 17. May 1730. a comparu
pardevant nous, Prêtre, Docteur en Théologie
, Curé d'Anfacq , le nommé Charles
Defcoulleurs , Laboureur , âgé d'environ
48. ans , lequel interrogé par nous ,
s'il étoit vrai qu'il eût entendu le bruit
extraordinaire qu'on difoit s'être fait dans
l'Air la nuit du 27. au 28. Janvier dernier
, & fommé de nous dire la verité
fans détours & fans déguiſemens.
>
A répondu , que cette nuit là , revenant
avec fon frere François Defcoulleurs , de la
Ville de Senlis , & ayant paffé par Mello ,
où ils auroient eu quelques affaires ; ils auroient
été obligez d'y refterjufques bien avant
dans la nuit, mais que voulant neanmoins
revenir coucher chez eux , ils feroient arrivez
environ à deux heures après minuit audeffus
des murs du Parc d'Anfacq , du côté
du Septentrion , & que prêts à defcendre la
Côte par un fentier qui cottoye ces murs , &
conduit au Village , s'entretenant de leurs
affaires , ils auroient été tout à coup interrompus
par une voix terrible , qui leur parut
éloignée d'eux environ de vingt pas ;
qu'une autre voix femblable à la premiere
auroit répondu fur le champ du fond d'une
gorge entre deux Montagnes , à l'autre exremité
du Village , & qu'immédiatement
II. Vol.
aprés
DECEMBRE. 1730. 281 }
leaprés
, une confufion d'autres voix comme
humaines , fe feroient fait entendre dans
Pefpace contenu entre les deux premieres
articulant certain jargon clapiſſant , que
dit Charles Defconlleurs dit n'avoir pû com
prendre , mais qu'il avoit clairement diftinqué
des voix de vieillards , de jeunes hommes
, defemmes ou de filles & d'enfans, &
parmi tout cela les fons de differens Inftru
mens.
Interrogé. Si ce bruit lui avoit paru éloigné
de lui & de fon frere ? A répondu
de quinze on vingt pas. Interrogé , fi ces
voix paroiffoient bien élevées dans l'Air ?
A répondu. A peu près à la hauteur de
vingt ou trente pieds , les unes plus , les autres
moins, & qu'il leur avoit femblé même
que quelques-unes n'étoient qu'à la hauteur
d'un homme ordinaire , & d'autres comme
fi elles fuffent forties de terre.
Interrogé. S'il n'auroit pas pris les cris
de quelques bandes d'Oyes fauvages , de
Canards , de Hyboux , de Renards , ou
les hurlemens de Loups , pour des voix
humaines ? A répondu. Qu'il étoit aufait
de tous ces fortes de cris , & qu'il n'étoit pas
homme ſi aisé à fe frapper , ni fi fufceptible
de crainte, pour prendre ainfi le change .
Interrogé. S'il n'y auroit pas eu un peu
de vin qui lui eut troublé la raiſon , auffibien
qu'à fon frere ? A répondu . Qu'ils
II. Vol étoient
1814 MERCURE DE FRANCE
étoient l'un & l'autre dans leur bon fens
& que bien loin d'avoir trop bû , ils étoient
au contraire dans un besoin preſſant de boire
& de manger, & qu'après le bruit ceffé , il
s'étoit rendu dans la maifon de fon frere , &
là buvant un coup , ils s'étoient entreteaus
de ce qui venoit de fe paffer , fortant de
tems-en-tems dans la cour pour écouter s'ils
'entendroient plus rien.
que
Interrogé. Si le bruit étoit fi grand qu'il
pût s'entendre de bien loin ? A répondu.
Qu'il étoit tel , que fon frere & lui avoient
eu peine à s'entendre l'un & l'autre en parlant
trés-haut.
Interrogé. Combien cela avoit duré ?
A répondu. Environ une demie heure.
Interrogé. Si lui & fon frere s'étoient
arrêtez & n'avoient pas voulu approcher
pour s'éclaircir davantage ? A répondu.
Que fon frere François avoit bien en le def
fein d'avancer & d'examiner dans l'endroit
ce que ce pouvoit être , mais que lui¸ Charles
, l'en avoit empêché.
Interrogé.Comment cela s'étoit terminé ?
Répondu. Que tout avoit fini par des éclats
de rire fenfibles , comme s'il y eût en trois
ou quatre cens perfonnes qui ſe miſſent à rire
de toute leur force.
Ces Articles lûs & relûs audit Charles
Defcoulleurs , a dit iceux contenir tous
verité , que ce n'étoit même qu'une par-
II. Vol. tic
DECEMBRE . 1730. 2815
tie de ce qu'il auroit entendu , qu'il ne
trouvoit point de termes affez forts pour
s'exprimer , qu'il juroit n'avoir rien mis
de fon invention , & que fi fa dépofition
étoit défectueufe , c'étoit plutôt pour n'avoir
pas tout dit , que pour avoir amplifié,
Et a figné à l'Original.
Ce 18. May 1730. a comparu , &c.
François Defcoulleurs , Laboureur d'Anfacq
, âgé de 38. ans, lequel interrogé s'il
auroit entendu le bruit furprenant de la
nuit du 27. au 28. Janvier dernier , a
répondu à chaque demande que nous lui
avons faites , les mêmes chofes , mot pour
mot , que Charles Defcoulleurs fon frere ;
enforte que lui ayant fait la lecture de
tous les articles contenus dans la dépofition
dudit Charles , a dit les reconnoître
pour veritables , n'ayant rien à y ajouter,
finon qu'à la fin de ce tumulte il s'étoit
fait deux bandes. féparées , fe répondant
l'une à l'autre par des cris & des éclats de
rire , que ledit François Defcoulleurs a
imitez devant nous , exprimant les ris des
vieillards par a, a , a , a , a ; tels que font
les ris des perfonnes décrépites à qui les
dents manquent ; les autres ris des jeunes
kommes , femmes & enfans , par ho ,
bo , bo
ho , bo ; hi , hi , hi , hi ; & cela d'une maniere
fi éclatante & avec une fi grande
confufion , que deux hommes auroient eu
...II Vol
•
1
1-
C peine
2816 MERCURE DE FRANCE
peine à le faire entendre dans une converfation
ordinaire ; lecture lui a été faite
de cette dépofition , a dit contenir verité ,
y a perfifté , & l'a fignée , auffi- bien que
celle de fon frere Charles , qu'il a voulu
figner avec la fienne.
Ce 23. May 1730. ont comparu Louis
Duchemin , Marchand Gantier , âgé de
30, ans , & Patrice Toüilly , Maître Maçon
, âgé de 58. ans , demeurant l'un &
L'autre à Anfacq , lefquels interrogez , ont
répondu : Que la nuit du 27. au 28. Fanvier
dernier , ils feraient partis enſemble environ
à deux heures aprés minuit , afin de
Se rendre au point du jour à Beauvais
diftant d'Anfacq de fix lieues ; qu'étant audeffus
de la Côte oppofée à celle où Charles
François Defconlleurs étoient à la même
heure revenant de Senlis , la Vallée d'Anfacq
entre les uns les autres , ils auroient
entendu le même bruit, & en même temps que
lefdits Defcoulleurs qu'eux Louis Duchemin
& Patrice Touilly , fe feroient arrêtez
d'abord pour écouter avec plus d'attention ,
que faifis de crainte , ils auroient déliberé
entre eux de retourner fur leurs pas ;
que comme il auroit fallu paffer dans l'endroit
où ces voixfe faifoient entendre , ils fe
feroient déterminez à s'en éloigner en continuant
leur voyage , toujours en tremblant :
qu'ils auroient entendu le même bruit pendant
mais
II, Vel
-une
DECEMBRE . 1730. 2817
une demie lieuë de chemin , mais foiblement
à mesure qu'ils s'éloignoient. Et ont figné
à
l'Original.
Le même jour a comparu pardevant
nous le fieur Claude Defcoulleurs , ancien
Garde de la Porte , & Penfionnaire de feu
M. le Duc d'Orleans , âgé de 56. ans , lequel
interrogé , a répondu : Que non -feulement
il avoit bien entendu ce bruit du mois de
Janvier , mais encore celui de la nuit du 9.
au 10. du prefent mois de May ; que lors
du premier il étoit bien éveillé & avoit oui
diftinctement tout ce qui s'étoit paffé : que
comme alors il faifoit froid, il ne s'étoit pas
levé pour cette raisons mais que comme la
porte de fa chambre eft vis-à-vis fon lit &
tournée à peu près du côté du Parc d'Anfacq
, il avoit auffi bien entendu que s'il eût
été dans fa cour & dans le lieu même ; que
le bruit étoit fi grand & fi extraordinaire,
que quoiqu'il fut bien enfermé , il n'avoit
pas laiffé d'être effrayé , & de reffentir dans
toutes les parties de fon corps un certain frémiffements
enforte que fes cheveux s'étoient
hériffez. Qu'à la feconde fois étant endormi,
le même bruit l'ayant éveillé en furſaut , il
feroit levé fur le champ ; mais que tandis
qu'il s'habilloit,la Troupe Aërienne avoit en
Le
temps
de s'éloigner; enforte que quand il
fut dans fa cour , il ne l'avoit plus entendrë
que de loin & foiblement , que cependant
11. Vol.
il
Cij
2818 MERCURE DE FRANCE
il en avoit oui affez defon lit & de fa chambre,
pourjuger & reconnoîtrefenfiblement que
ce fecond évenement étoit femblable en toutes
manieres au premier & de même nature.
Interrogé , s'il ne pourroit pas nous
donner une idée plus claire de cet évenement
par la comparaifon de quelque chofe
à peu près femblable , & tirée de
l'ordre ordinaire de la Nature & du Commerce
du Monde ? A répondu de cette.
maniere.
Il n'eft pas , Monfieur , dit-il , que vous
nayez vu plufieurs fois des Foires oufrancs
Marchez vous avez , fans doute, remarqué
que dans ces fortes de lieux deux ou trois
mille perfonnes forment une espece de cabos
ou de confufion de voix d'hommes , de femmes
, de vieillards , de jeunes gens & d'enfans
, où celui qui l'entend d'un peu loin ne
peut abfolument rien comprendre , quoique
chaque Particulier qui fait partie de la confufion
, articule clairement & fe faffe entendre
à ceux avec lesquels il traite de fes affaires
& de fon Commerce . Imaginez- vous donc
être à la porte des Hales à Paris unjour de
grand Marché , ou dans les Sales du Palais
avant l'Audience ; ou enfin à la Foire faint
Germain fur le foir , lorsqu'elle eft remplie
d'un monde infini , n'entend-on pas dans
tous ces lieux, & principalement dans le dernier
un charivari épouvantable , ( ce font fes
II Vol. mêmes
DECEMBRE. 1730. 28 19
›
mêmes termes ) dans lequel on ne comprend
rien en general, quoique chacun en particulier
parle clairement & ſe faſſe diſtinctement entendre?
ajoûtez à tout cela lesfons des Violons ,
des Baffes , Hautbois , Trompettes , Flutes
Tambours & de tous les autres Inftrumens
dont on joue dans les Loges des Spectacles
& qui fe mêlent à cette confufion de voix ,
vous aurez une idée jufte & naturelle des
bruits que j'ai entendus & dans lesquels j'ai
remarqué diftinctement des voix humaines en
nombre prodigieux , auffi - bien que les fons
de differens Inftrumens . Après la lecture
de fa dépofition , a dit , juré & protesté
contenir verité & a figné à l'Original .
ans ,
Le même jour a comparu Alexis Allou ,
. Clerc de la Paroiffe d'Anfacq , âgé de 34.
lequel interrogé &c . a répondu :
...que la même nuit étant couché & endormi,
Sa femme qui ne dormoit pas auroit été frappée
d'un grand bruit , comme d'un nombre
-prodigieux de perfonnes de tout fexe , de tout
age ; que faifie de frayeur , elle auroit éveillé
ledit Allou , fon mari , & qu'alors le même
bruit continuant & augmentant toujours ,
ils auroient crû l'un & l'autre que le feu étoit
à quelque maifon de la Paroiffe , & que les
cris provenoient des habitans accourus an
Secours que lui Allou dans cette perſuaſion
fe feroit levé avec précipitation ; mais qu'étant
prêt à fortir , & avant d'ouvrir fa
II. Vol. Cij porte
2820 MERCURE DE FRANCÉ
porte il auroit entendu paſſer devant fa
maifon une multitude innombrable de perfonnes
, les unes pouffant des cris amers
( ce font fes termes ) les autres des cris de
joye , & parmi tout cela les fons de differens
inftrumens que cette multitude lui avoit femblé
fuivre le long de la rue jufqu'à l'Eglife ,
mais qu'alors unfriſſon l'ayant faifi , il n'auroit
pas ofé écouter plus long- tems , & auroit
étéfe recoucher auffi tôt pour fe raffurer auffi
bien que fa femme qui trembloit de frayeur
dans fon lit. Et a figné à l'original.
Ce 24. May 1730. a comparu Nicolas
de la Place , Laboureur , âgé d'environ
45. ans , demeurant audit Anfacq , lequel
a déclaré : que la nuit du 27 au 28. Janvier
n'étant point encore endormi , il auroit tout
à
coup entendu un bruit extraordinaire , é
que croyant qu'il feroit arrivé quelque accident
dans la Paroiffe , il fe ferait levé nud
en chemife , & qu'après avoir ouvert la porte
de fa chambre , il auroit oùi comme un nombre
prodigieux de perfonnes , de tout âge &
de toutfexe , qui paffoient devant fa maison,
fife proche l'Eglife , & au milieu du Village
, formant un bruit confus , mais éclatant,
de voix comme humaines , mêlées de differens
inftrumens ; qu'alors la crainte & le
froid l'auroient obligé de refermer promtement
fa porte & de fe remettre au lit , d'où
il auroit encore entendu le même bruit & les
II. Vol.
mêmes.
DECEMBRE. 1730. 2821
mêmes voix , comme fi elles euffent monté
la ruë , & paffé devant la Maifon Pres
biterale. Et a figné à l'original.
Le même jour ont comparu Nicolas
Portier , Laboureur , âgé de 25. ans , &
Antoine Le Roi , garçon Marchand Gantier
, âgé d'environ 34. ans , lefquels ont
déposé que ladite nuit & à la même heure
ils auroient entendu paffer le long de la ruë,
dite d'Enbaut , qui conduit à Clermont , &
entre notre Maiſon Presbiterale & la leur,
comme une foule de monde , de tout âge , de
tout fexe , dont une partie pouffoit des cris
affreux , les autres parlant tous ensemble ,
& articulant certain jargon inintelligible s
que le bruit étoit fi grand & fi affreux que
leurs chiens qui étoient couchés dans la
Cour pour lagarde de la maiſon, en avoient
été tellement effrayés , que fans pouffer un
feul aboyement ils s'étoient jettes à la porte
de la chambre de ladite maifon , la mordant
& la rongeant comme pour la forcer , l'ouvrir
& fe mettre à couvert , fuivant l'instinct
naturel de ces animaux. Et ont figné à l'original.
Ce z. Juin 1730. ont comparu Jean
Defcoulleurs , âgé de 40. ans , Jacques
Daim , Etienne Baudart , Chriſtophe Denis
Deftrés , Jean Beugnet , Paul le Roi ,
Jean Caron & un grand nombre d'autres
perfonnes des deux fexes , lefquels ont
II. Vol. Cilj tous
2822 MERCURE DE FRANCÉ
་
tous déclaré d'avoir bien entendu nonfeulement
le bruit aërien du 27 au 28.
Janvier , mais encore celui du 9 au 10.
dé May dernier , fe rapportant tous dans
les mêmes circonftances ; enforte qué
leur ayant fait lecture de toutes les dépofitions
ci-deffus , ont dit icelles contenir
verité , & ont figné l'Original , ceux
qui fçavent écrire , n'ayant pas jugé à
propos de prendre les marques de plus
de vingt perfonnes qui dépofent toutes
les mêmes chofes , mais qui ont declaré
ne fçavoir figner.
Nous fouffigné , Prêtre , Docteur en
Theologie , Curé de S. Lucien d'Anfacq',
Diocèfe de Beauvais , certifions que toutes
les dépofitions ci-deſſus fontfidelles , & telles
qu'on nous les a fournies ; qu'elles font fignées
enforme dans l'Original , & que cette
copie lui eft conforme en toutes fes parties ,
que nous n'avons ajouté ni rien changé dans
Fun & dans l'autre que l'arrangement &
la diction , ayant fcrupuleufement Suivi toutes
les circonftances qui nous ont été données.
Fait à Anfacq , ce 26. Octobre 1730. figné
TREUILLOT DE PTONCOURT , Curé
d'Anfacq.
›
REFLEXIONS.
Avant que de rendre publique cette Relation
, j'ai crû devoir la communiquer à
11. Vol. quelques
DECEMBRE. 1730. 2823
quelques perfonnes éclairées & d'érudition
de mes amis particuliers , leurs ſuffrages
m'ont paru néceffaires pour la rendre
plus autentique , s'agiffant fur tout
d'un évenement qui tient trop du merveilleux
, pour ne pas devenir le fujet
des railleries & du mépris des efprits
forts.
Je fuis bien aife d'avertir ces Meffieurs
que j'ai été jufqu'ici de leur nombre &
leur confrere fidele en ce genre feulement;
mais quoique je ne fois pas encore bien
réfolu de faire faux- bon à leur confrairie
, je les fupplie néanmoins de me permettre
de demeurer neutre entre leur
parti & celui des crédules , jufqu'à ce
que des gens de poids pour la fcience &
pour la pénetration ayent décidé du fait.
dont il s'agit , & m'ayent tiré de la perplexité
où je refterai jufqu'à leur jugement,
Les efprits forts ne peuvent me refuſer
qu'injuftement cette fufpenfion ; je ne
fçai pas bien s'il ne feroit pas auffi injufte
& auffi ridicule de traiter de vifionaires
tant de gens de probité , quoique de
la Campagne , qui conviennent tous du
même fait , que de croire legérement tout
ce que le vulgaire ignorant débite fi fouvent
des fabbats & des autres fottifes de
ce genre.
II. Vol. Cy Quoi
2824 MERCURE DE FRANCE
Quoiqu'il en foit , mes amis , bien loin
de me diffuader de donner au Public cette
relation , avec le procès verbal fait en
conféquence , m'ont prié , au contraire ,
non feulement de ne point héfiter à
le faire , mais d'y joindre encore une
deſcription Topographique du Village
d'Anfacq , afin de donner lieu à ceux
qui croirone pouvoir expliquer cet évenement
par des caufes naturelles d'exercer
toute leur Phyfique & leur Philofophie.
En effet , fi les Phénoménes extraor
dinaires qui ont paru dans l'air depuis
cinq ans ont tant exercé les beaux efprits
& ont fait la matiere de plufieurs affemblées
de Meffieurs de l'Académie des
Sciences , pourquoi un événement qui
tombe fous un autre fens , qui n'eft pas
moins réél , ni moins effentiel à l'homme
le fens de la vûë , ne meritera- t'if
que
pas autant l'attention & la curiofité des
mêmes Sçavans !
>
Tout le monde fçait que Phénoméne
eft un mot Grec, que l'on a francifé comme
beaucoup d'autres , parce qu'il ne fe
trouve point dans notre Langue de termes
d'une fignification affez énergique ,
pour exprimer feul & par lui -même les
objets qui paroiffent extraordinairement
dans l'air. Notre Langue ne nous fournit
II. Vol. pas
DECEMBRE. 1730. 2825
pas non plus d'expreffions pour défigner
fes bruits extraordinaires qui fe font , où
qui pourroient fe faire entendre. Mais.
comme ces derniers font bien moins communs
que les premiers , on ne s'eft point
encore avifé jufqu'ici de francifer un mot
Grec pour les exprimer.
; .
L'évenement dont il s'agit , ne pourroit
il donc pas m'autorifer à le faire moimême
? & de même qu'il a plû à nos
Anciens d'appeller , Phénoménes , les
objets extraordinaires qui paroiffent dans
l'air ne pourroit-on pas , par la même
raifon , défigner le bruit étonnant & prodigieux
qui vient de fe faire entendre par
ce mot , Akoufméne , ou pour parler plus
regulierement Grec en François , Akousmate
? Le premier fignifie une chofe qui
paroît extraordinairement ; le fecond fi
gnifiera une chofe qui fe fait entendre
extraordinairement
.
Ce principe établi , je prétens que fi les
Phénoménes font du reffort de la curio
fité des Sçavans , les Akoufmates , ne le
font pas moins , fuppofé leur réalité . Or,
on ne peut guere douter de celui - ci : trop
de gens
raifonnables en font le rapport ,
& s'accordent trop dans les mêmes circonftances
, pour n'y pas ajouter foi .
On me dira peut être ,qu'il y a une grande
difference pour l'autenticité entre les Phe-
II. Vol. Cavi no
2826 MERCURE DE FRANCE
noménes & mes prétendus Akoufmates :
que lorfque les premiers paroiffent , tous
les hommes qui ont le même horiſon naturel
& même rationel , peuvent les appercevoir;
au lieu que les feconds , fuppofé
leur réalité , ne peuvent être entendus
que de peu de perfonnes , & de celles feulement
qui en font à portée & qui demeurent
dans le même lieu où ces Akoufmates arrivent.
Que par confequent un Phénoméne
qui eft apperçu par tous les Sunorifontaux ,
emporte avec foi une autenticité bien
plus grande , qu'un Akoufmate qui ne peut
être entendu que par un petit nombre de
particuliers habitans d'un même lieu.
A cela je répons : que la Sphère d'activité
de la vûë étant bien plus étenduë
que celle de l'oüie , les Phénoménes & les
Akoufmates , ne requiérent pas le même
nombre de témoins pour les rendre autentiques
: que les premiers pouvant être apperçus
de tous les Sunorifontaux , il eſt
neceffaire que le plus grand nombre des
hommes qui habitent l'horifon fur lequel
un Phénoméne paroît , en rende témoignage
; au lieu que pour les feconds , il .
fuffit , ce me femble , qu'il ayent été entendus
par la plus grande & la plus faine
partie des habitans d'un même lieu , &
renfermés dans la Sphère d'activité de
l'oüie.
II. Vol.
Mais
DECEMBRE. 1730. 2827
le
Mais pour rendre le fait dont il s'agit
plus autentique encore , il fuffit de remarquer
que le fens de la vûë eft ordinairement
plus fujet à l'erreur & à l'illuſion ,
le fens de l'oüie . Il n'y a pour
que
prouver qu'à fe reffouvenir de toutes les
extravagances qui ſe débiterent à l'occafion
des derniers Phénoménes & fur tout
de celui du mois d'Octobre 1726.Combien
de gens cturent voir au milieu de l'efpece
de Dôme de feu qui parut alors , les uns
une Colombe ou S. Efprit , les autres un
Ange , un Autel , un Dragon , &c . toutes
chofes qui n'avoient de réalité que
dans leur imagination frappée , ou dans
leurs yeux fatigués & éblouis ?
Mais ici où il ne s'agit que du fens de
l'oiie , tant de gens raifonnables ont ils
pû fe tromper fi groffiérement , que de
s'imaginer entendre quelque chofe lorfqu'il
n'entendoient rien ? Un prétendu
bruit épouventable dans l'air qui n'auroit
confifté qu'en quelques hurlemens de
Loups fur la terre ? Une multitude infinie
de voix comme humaines mêlées de
differens fons d'inftrumens, qui n'auroient
été que des cris d'Oyes ou de Canards
Sauvages . Des perfonnes à dix pas du
lieu où fe paffoit ce charivari , des perfonnes
en voyages qui font arrêtées par
cet accident , & qui difent les avoir en-
II. Vol.
tendu
2828 MERCURE DE FRANCE
tendu finir par des éclats de rire de toute
efpece , tandis que d'autres pouffoient
des cris horribles ? Seroit-il poffible que
tant d'oreilles euffent été enchantées
pour ainfi dire , pour croire entendre ce
qu'elles n'entendoient pas ? C'eft ce que
je ne fçaurois jamais m'imaginer . Je ne
veux néanmoins m'attacher à aucun fentiment
, qu'autant qu'il fera celui de perfonnes
plus habiles que moi.
Defcription du Village.
ANacq cft fitué dans un Vallonformé par
deux Coteaux ou Montagnes , entre Clermont
en Bauvoifis au Nord - Eft , & le Bourg de
Mouy au Sud - Oueft. A peu près à la même diftance
de l'un & de l'autre; trois Gorges fort étroites
, l'une au Nord- Eft , celle du milieu au Nord,
& la troifiéme au Nord - Oueft , font comme les
racines du principal Vallon , forment une espéce
de patte d'Oye, & fe rapprochant, viennent le réünir
à un quart de lieuë d'Anfacq...
Sur la hauteur environ à fix cens pas communs
de la naiffance de ces Gorges ,, eft le commencement
de la Forêt de Haye , dite communément
la Forêt de la Neuville. La Seigneurie du
Pleffier Bilbault , de la Paroiffe d'Anfacq , eft fi
tuée proche la liziere de ladite Forêt , à 400. pas
ou environ de la naiffance de la Gorge du milieu
ou de celle du Nord..
Le Village commence du côté de Clermont
au Nord - Eft , par une rue affés longue , bâtie le
long de la côte Orientale , fur une douce pente,
& vient fe terminer à l'Eglife , dont le principal
II. Vol.
Portail
DECEMBRE . 1730. 2829'
Portail fait face du côté du Couchant , à une Pla
ce bordée de maiſons de part & d'autre , & terminée
par un petit ruiffeau , au delà duquel d'autres
maifons font face au Portail.
De l'Eglife , une autre rue conduit jufqu'aux
murs du Parc vers le Sud- Qüeft : & c'eft au bout
de cette rue , & en dedans du Parc , que les bruits
furprenans dont-il eft ici question , commencent
& le font entendre ordinairement. C'eft auffi audeffus
de l'extrémité de cette ruë , & vers les mêmes
murs , que Charles & François Defcoulleurs,
étoient placés , lorfqu'en revenant de Senlis , ils
furent obligés de s'arrêter , à caufe de ce bruit
étonnant.
>
On fe fouviendra encore de ce qui eft dit dans
la dépofition defdits Defcoulleurs , que deux cris
affreux furent comme le prélude de la confufion
qu'ils entendirent immédiatement après. Le premier
fe fit entendre du fond d'une des Gorges
qui fervent de racines au principal Vallon ,,
c'eft à dire , de la troifiéme qui eft vers le Nord-
Oueft , le fecond cris répondit au premier dans
le Parc , au bout de la rue même dont je viens
de parler , & à quinze ou viage pas de l'endroit
ou lefdits Defcoulleurs étoient. Le Vallon d'Anfacq
ainfi formé , comme je l'ai dit , par la jonc
tion des trois Gorges , continue à peu près de la
même largeur jufqu'au Parc & au Château , éloi
gné du Village environ de huit cent pas.
Le Parc qui peut contenir quatre cens arpens,.
eft un grand quarré long , dont la partie Orien
tale forme dans toute fa longueur du Nord au
Sad un Amphithéatre , ou deux grandes Terraffes
l'une far l'autre qui emportent environ la
moitié de fa largeur , & font ombragées par tout:
d'une petite fotaye de chênes , & en quelques ens
droits de buiffons épais & forts.
11. Vol.
Ꮮ e
2830 MERCURE DE FRANCE
Le Château d'un gout antique avec Tours &
Tourelles eft fitué à cent pas du pied de l'Amphithéatre
, entre deux Cours , dont celle d'entrée
& la principale , regarde le Couchant , l'autre
F'Orient , l'une & l'autre environnées de bâtimens
pour la commodité d'un Laboureur.
Prés du Château on trouve trois Jardins
entourés de Murs , lefquels coupant aflez bifarrement
l'endroit du Parc où ils font placés , forment
trois quarrés & differentes efpeces de chemins
couverts qui les féparent l'un de l'autre , &
conduifent à differentes portes , tant pour entrer
dans la principale Cour que pour ſortir du Parc ;
tout le refte confifte en pâturages , Aulnois ,
plans de faules & Arbres fruitiers.
>
De l'extrémité du Parc , du côté du Sud - Oueſt;
le Vallon continuë pendant une demie lieuë , &
va enfin fe rendre dans la grande Vallée de
Mouy. Il eft partagé dans toute fa longueur par
un petit Ruiffeau , formé par plufieurs fources
qui fortent du pied de la Montagne d'où naiffent
les trois Gorges. Ce Ruiffeau ombragé par
tout de bois aquatiques comme Saules , Peupliers
, Aulnes &c. vient paffer au- deffous des
Jardins de la rue de Clermont , bâtie , comme
je l'ai déja dit , fur la pente de la côte Orientale,
entre enfuite dans le Village par l'extrémité de
la Place qui fait face à l'Eglife , & continuant
fon cours vers le Sud - Oueft , il va fe rendre dans
le Parc ; delà toujours en ferpentant il va arrofer
le principal Jardin , d'où il tombe par une
efpece de petite Caſcade dans les foffez du Châ
teau qu'il parcourt fans les remplir , parceque
les digues en font rompues. Il fort enfuite des
foffez & de la grande Cour pour rentrer dans
l'autre partie du Parc , & cotoyant le pied de
PAmphithéatre il en reffort par le Sud- Ouest, &
II. Vol. va
DECEMBRE. 1730. 2831
a former à fix cens pas delà un petit étang
pour faire moudre un Moulin . En fortant du
Moulin , il fe recourbe un peu vers le Sud ou
Midi , & après une demie lieuë du refte de fon
cours il va fe rendre dans la grande Vallée , &
fe décharger dans la petite Riviere du Terrin ,
entre Mouy & Bury. Le Vallon d'Anfacq depuis
fes racines jufqu'à l'endroit où il fe rend
dans la grande Vallée peut avoir dans toute fa
longueur 3000. pas géometriques, ou une grande
lieuë de France.
༥༤ ་
Outre les trois Gorges dont j'ai parlé, il fe trouve
encore dans toute cette étendue pluſieurs cavées
ou chemins creux de part & d'autre qui
conduisent en differens endroits fur les deux coteaux
oppofés dont le Vallon eft formé.
Il faut obferver que dans toute la longueur da
Vallon il ne fe trouve point d'échos confiderables
qui fe renvoyant les fons les uns aux autres
puiffent fervir de fondement au fentiment de
ceux qui voudroient attribuer les bruits en queftion
à ces cauſes ordinaires & naturelles . C'eft
ce dont j'ai voulu moi - même faire l'experience
pendant une belle nuit & un tems calme , en fai
Tant marcher en même tems que moi plufieurs
perfonnes tant fur les côteaux que dans la Vallée,
& en les faifant crier de tems en tems. J'entêndis
bien les voix de plus de quinze perfonnes ,
hommes & petits garçons qui s'acquiterent parfaitement
de la commiffion que je leur avois donnée
, en criant quelquefois de toutes leurs forces ,
& en parlant de tems en tems , & tous enſemble
à voix haute ; mais cette experience ne produifit
rien qui pût m'éclaircir ; les principaux témoins
de notre prodige que j'avois avec moi , ne
convinrent jamais que ces voix en approchaffent,
& lui reffemblaffent en la moindre circonftance.
II Fol. Il
2832 MERCURE DE FRANCE
Il est vrai , me dirent -ils , que dans le Sabbat
que nous avons entendu , ( ce font leurs mêmes
termes ) il y avoit à peu près des voix ſemblables
mais en bien plus grand nombre , & qui formoient
une confufion horrible de cris lugubres ,
de cris de joye & de fons d'Inftrumens.Celles - cy,
continuoient- ils , font difperfées & à terre, aulieu
que les autres étoient toutes raffemblées , & la
plus grande partie dans l'Air ; nous entendons le
langage de ceux- cy , mais nous ne comprîmes
jamais rien dans le jargon des autres . Et d'ailleurs
quand ce que nous entendons actuellement approcheroit
en quelque forte de ce que nous avons
entendu;quelle apparence qu'un nombre fi prodigieux
de monde fe fût affemblé dans le Pare
d'Anfacq? Il auroit donc fallu pour cela que tous
les habitans , hommes , femmes , enfans & Menetriers
de tous les Villages à deux lieues à la
ronde , euffent formé ce complot ; & à quel ufa
ge : Les uns pour crier , chanter & rire ? Les autres
pour pleurer , fe plaindre & gémir ? Tel fue
le fruit de mon experience : une plus grande in→
certitude.
ADDITION
Le 31. Octobre dernier , veille de la Touffaint,
le même bruit fe fit entendre au- deffus du Parc
d'Anfacq , entre 9. & 10. heures du ſoir ; il fut fi
épouventable , que non- feulement une partie du
Village l'entendit , mais que des moutons parquez
auprés delà en furent fi effrayez , qu'ils forcerent
le Parc & fe répandirent par la Campagne , enforte
que le Berger fut obligé d'aller chercher
quelques Payfans des environs pour l'aider à raſfembler
fon Troupeau. La femme de ce même
Berger couchée avec lui dans fa Cabane , en fut
fépouventée qu'elle en eft tombée malade.
II. Vol. Comme
DECEMBRE. 1730. 283 3°
Comme j'avois ordonné qu'on m'avertit en
cas que ce même bruit fe fit entendre de nouveau,
on ne manqua pas de courir chez moi dans le
moment , mais ma maiſon étant un peu éloignée
du Parc d'Anfacq , quelque diligence que je puffe
faire pour me rendre fur le lieu , j'y arrivai trop
tard & ne puis rien entendre. J'ay chargé une
perfonne de veiller pendant tout l'hyver jufqu'à
minuit , afin de pouvoir être averti s'il arrivoit
que ce bruit fe fit encore entendre.
y
Ayant communiqué à plufieurs de mes amis ce
ce qui s'eft paffé dans ma Paroiffe ; un d'entre'
eux, homme de Lettres, & ayant une Charge dans
la Justice de Clermont en Beauvoifis , me dit qu'il
avoit quinze ans que paffant la nuit par le Village
d'Anfacq pour s'en retourner à Clermont
étant feul à cheval à quelque diftance dudit Vilge
, il entendit un bruit fi épouventable en l'Air
& fi prés de lui , qu'il en fut tranfi de frayeur . Il
fe jetta à bas de fon cheval & fe mit à genoux
en prieres jufques à ce que ce bruit fut paffé ,
aprés quoi il continua fon chemin. Arrivé chez
lui il eut honte de fa peur & n'oſa jamais ſe
vanter de ce qui lui étoit arrivé , de peur qu'on
ne le prêt pour un vifionaire , mais que puifque
cette avanture devenoit fi fréquente , il avoüoit
fans peine ce qu'il lui étoit arrivé.
Fermer
Résumé : LETTRE de M. Treüillot de Ptoncour, Curé d'Ansacq, à Madame la Princesse de Conty, troisiéme Doüairiere, & Relation d'un Phénomene très extraordinaire, &c.
En décembre 1730, le curé Treüillot de Ptoncour adresse une lettre à Madame la Princesse de Conty pour relater un phénomène extraordinaire survenu dans la paroisse d'Anfacq, près de Clermont-en-Beauvaisis. La nuit du 27 au 28 janvier 1730, plusieurs habitants ont entendu des voix humaines dans l'air, exprimant divers sentiments tels que la joie ou la tristesse. Le curé, initialement sceptique, a interrogé plusieurs témoins, dont deux laboureurs respectés, qui ont confirmé avoir entendu ces bruits. Les témoignages étaient cohérents et les témoins n'ont montré aucun signe de tromperie ou de contradiction. Le phénomène s'est répété la nuit du 9 au 10 mai 1730, incitant le curé à documenter les dépositions des témoins. Parmi les témoins, Charles Descouleurs et son frère François ont déclaré avoir entendu des éclats de rire provenant de centaines de personnes, imitant ceux des vieillards et des jeunes. Louis Duchemin et Patrice Touilly ont également entendu ces bruits en se rendant à Beauvais. Claude Descouleurs a mentionné avoir entendu des bruits similaires en janvier et en mai. Alexis Allou, Nicolas de la Place, Nicolas Portier et Antoine Le Roi ont tous décrit des bruits confus de voix humaines et d'instruments de musique. Le curé de Saint-Lucien d'Anfacq a certifié la fidélité des dépositions. Le texte discute également de la curiosité scientifique suscitée par les phénomènes aériens et propose d'étendre cette curiosité aux bruits extraordinaires, suggérant le terme 'Akoufmates' pour les désigner. L'auteur souligne que, bien que les phénomènes visuels soient plus facilement observables, les Akoufmates, bien que moins communs, méritent également l'attention des savants. Les témoignages sur ces bruits sont nombreux et concordants, rendant leur réalité difficile à nier. Le village d'Anfacq est situé dans un vallon formé par deux coteaux, entre Clermont et Mouy. Les bruits se manifestent principalement dans le parc et sont décrits comme une confusion de cris et de sons d'instruments. Une expérience personnelle visant à vérifier la présence d'échos naturels n'a pas abouti, renforçant ainsi le mystère des Akoufmates. Un incident récent rapporte que les bruits ont effrayé des moutons et une bergère, illustrant l'impact réel de ces phénomènes. L'auteur mentionne avoir entendu un bruit mystérieux près du Parc d'Anfacq et avoir chargé une personne de surveiller jusqu'à minuit durant l'hiver. Un ami, fonctionnaire à Clermont en Beauvoisis, révèle avoir entendu un bruit épouvantable quinze ans auparavant près du village d'Anfacq, alors qu'il passait à cheval. Terrifié, il tomba de son cheval et pria jusqu'à ce que le bruit cesse. Face à la fréquence croissante de tels événements, il avoue enfin ce qui lui est arrivé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1516-1531
LETTRE de M. Laloüat de Soulaines, écrite à M. L. B. C. D. au sujet de l'Akousmate d'Ansacq, et d'un autre pareil dont il a été le témoin.
Début :
Je ne suis pas surpris, Monsieur, que la Rélation de M. le Curé d'Ansacq [...]
Mots clefs :
Colline, Vallons, Ruelles, Jardins, Occident, Orient, Enquête , Pièce juridique, Acousmate d'Ansacq
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. Laloüat de Soulaines, écrite à M. L. B. C. D. au sujet de l'Akousmate d'Ansacq, et d'un autre pareil dont il a été le témoin.
LETTRE de M. Laloüat de Soulaines ,
écrite à M. L. B. C. D. au sujet de
l'Akousmate d'Ansacq , et d'un autre
pareil dont il a été le témoin.
1
E ne suis pas surpris , Monsieur , que
la Rélation de M. le Curé d'Ansacq
ne passe chez vous que pour un Conte
de Fées , puisqu'il vous faut des temoi
gnages ex visu et auditu , et que cette
Rélation ne se soutient que sur l'un de
ces sens : je la trouverois fort avanturée ,
si elle ne devoit passer qu'entre les mains
de personnes de votre secte . Pour moy ,
puisque vous êtes curieux de sçavoir ce
que j'en pense , je vous avoüerai que je
la traite plus favorablement. A cet aveu
je crois vous entendre rire et feliciter
l'Auteur de ce qu'il est assés heureux pour
trouver des
personnes comme moy , qui
veulent bien croire fermement que c'est
un jeu d'esprit , et vous me demandés
II. Vola déja
JUIN. 1731. 1517
'déja d'un ton railleur , si je n'ai pas quel
que expérience personnelle pour forti
fier la diablerie d'Ansacq ; oui , M. et
en dépit de vôtre pyrrhonisme , je vais
vous donner la Rélation d'un autre
Akousmate ; et dûssiés - vous bâiller cent
fois , j'i joindrai quelques observations
en faveur de celui d'Ansacq. J'y gagne
ray du moins d'y vanger cet agréable
Historien de vôtre incrédulité.
Sezanne , petite Ville de la Brie , est si
tuée au pied d'une Colline qui la cot
toye ( par intervalles néanmoins ) du
Sud- Ouest au Nord , je dis
par inter
valles , c'est-à-dire , que cette Colline est
interrompue et coupée en differens en
droits par des Vallons ou ruelles trés pro
fondes , ( pour parler le langage du Pays )
qui conduisent de ces Côtés- là à la Ville.
Le plus doux de la pente de cette Colli
ne est planté de vignes , le sommet trop
escarpé est inculte , et au dessus on trou
ve des Bruyeres qui se terminent à dif
ferentes pieces de bois , les unes taillis .
les autres de haute futaye , qui font une
Forêt de quelques lieues de long , dans
laquelle il y a trois ou quatre grands:
Etangs.
Au Sud , à quelques lieües de la Ville ,
on trouve de dangereux Marais , qu'on
11. Vol. E v
appelle
1518 MERCURE DE FRANCE
appelle les Marais de S. Gond , lesquels
s'étendent jusqu'au Sud- Ouest.
De l'autre côté de la Ville regne une
Plaine à perte de vie , et qui n'est bor
née d'aucune Montagne , presque jusqu'à
Troye en Champagne . La Ville est ceinte
de murailles , et entourrée de fossés de
tous côtés. En sortant de la Ville à son
midy , il se forme une espece de fer à
Cheval , dont chaque branche fait un
Fauxbourg , l'un au Sud - Est , l'autre
au Sud- Ouest ; le milieu du fer à Che
val , est une Place trés spacieuse , et plan
té d'Arbres , qui sert de promenade aux
Habitans.
Comme ces deux branches sont hors
de la Ville , les maisons ont un terrain
assés étendu , et même il n'y en a point
qui n'ait sur son derriere un Jardin assés
spacieux. Les Jardins surtout de la bran
che qui s'allonge au Sud- Ouest sont si
longs , qu'on auroit peine à distinguer
un homme d'un bout à l'autre ; les pi
gnons de derriere de chique maison leur
serv nt de clôture d'un bout , à l'autre
bout ils sont fermés par un mur com
mun à tous , qui est par consequent
fort
long , et qui n'est separé du pied de la
Colline et des vignes dont je viens de
parler , que par un chemin on ruelle de
11. Vola dix
JUIN. Ì731 . 1519
dix ou douze pieds de large.
Je me promenois dans un de ces Jar
dins au commencement d'Octobre 1724.
environ sur les quatre heures du soir , je
fus interrompu dans une lecture que je fai
sois , par un bruit affreux formé par
une multitude de voix humaines de tou
tes especes , de cris d'Oiseaux et d'Ani
maux. Je vous confesserai , sans en faire
le fin , qu'il m'effraya , et que je pris la
fuite ; mais m'appercevant que ce bruit
' sembloit me suivre , et voyant d'ailleurs
du monde à l'autre bout du Jardin , je
me rassurai ; et picqué d'un peu de hon
te d'avoir eu peur en si grand jour , je
levai la tête , et je vis un nuage fort noir
qui sembloit naître de la pointe de la Col
line , qui s'élevoit au dessus de ma tête
et qui se poussoit sans aucun vent , et
néanmoins avec la derniere impetuosité
de l'Occident à l'Orient ; à mesure que
le nuage s'éloignoit , cette multitude de
voix et de cris se confondoient davan
tage , bientôt je n'entendis plus qu'um
bruit semblable à celui d'un torrent qui
tombe d'une Montagne dans des Ravi
nes , ou d'un Fleuve qui se décharge
dans un autre; et pour vous donner en
core quelque chose de plus sensible ,
persuadez-vous que vous êtes au Pertuis
II. Vol. E vj
de
1520 MERCURE DE FRANCE
de Regeanes ( a ) si terrible à nos Mari
niers ; ce que je veux vous faire conce
voir , étoit encore plus rapide et plus
épouvantable. Enfin le nuage se dissipa
avec tout le tintamarre , je ne vis ni en
tendis plus rien , et nous en fûmes quitte
pour un brouillard trés-épais et trés- puant
qui s'eleva fort peu de tems aprés , et
qui nous incommoda plusieurs jours.
Voilà , M. l'Akousmate dont j'avois
à vous faire le recit , il approche fort ,
comme vous voyez , de celui d'Ansacq ,
à l'exception cependant que les voix
que j'entendis se firent entendre tout
à la fois , au lieu qu'à Ansacq , une seule,
à laquelle une autre ayant répondu d'as
sés loin , commença le charivary , et que
je n'y distinguai aucun son d'instrument.
vous ne manquerês pas de conclure de
là qu'en supposant la verité de cette Réla
tion , elle ne peut pas confirmer celle
d'Ansacq. Il est vray , M. et j'accorderai
sans peine à vôtre prévention , qu'il y a
trop de merveilleux dans celle d'Ansacq ,
et qu'il faudroit trop d'hypothèses pour
y donner une explication un peu proba
ble ; explication par consequent trop
composée , et dès-là trop éloignée de
(a) Lien dangereux de la Riviere d'Yonne ,
à deux lieües d'Auxerre,
1
II. Fola
la
JUIN. 7521 1731.
¿
la nature , qui agit toujours par
les plus simples.
les
voyes
Aussi sans m'arrêter à chaque fait , en
particulier , je me contenterai de croire
en faveur de M. le Curé d'Ansacq , que le
fond de la piece est vray , et que les en
jolivemens peuvent êtte de lui ; mais je
ne suis pas moins persuadé que ce qui a
été entendu à Ansacq est à peu près la
même chose que ce que j'entendis moi
même en 1724.
Voilà cependant une Enquête en bon
ne forme, me direz-vous , faite à Ansacq ;
il faut la recevoir ou la rejetter toute
entiere ; à cela je vous reponds , M. que
quand le Curé d'Ansacq a donné sa Ré
lation au Public , il l'a soumise à toute
la severité de son jugement , et n'a pas as
surément prétendu faire passer son En
quête pour une Piece Juridique ; d'ail
leurs il n'est pas toujours vray qu'on
doive rejetter ou recevoir une Enquête
toute entiere , du grand nombre de té
moignages dont une Enquête est com
posée , il s'en trouve à modifier , ou à
rejetter absolument et d'autres qui font
foy.
Mais en considerant celle- ci comme
juridique , combattons-la juridiquement.
Je fais , je le repete , profession de croi
II. Vala IG
1522 MERCURE DE FRANCE
>
re qu'un bruit extraordinaire entendu à
Ansacq , tel à peu-près que celui que j'ai
entendu à Sezanne est la matiere de
la Rélation de M. le Curé d'Ansacq :
je ne conteste que sur les accessoires
tels que sont ces deux voix qui se répon
doient l'une à l'autre en un lieu fixe,
ces éclats de rire , ces mélanges d'instru
ments , je trouve que ces differens pro
diges se ressentent trop des Sabbats et
des Esprits que je n'admets point.
y
>
Les deux premiers témoins qui seuls
attestent les deux premiers faits , nous
font envisager ce bruit comme renfermé
et immobile entre l'endroit où ils ont
entendu la premiere voix , et celui d'où
a répondu la deuxième , et tous les autres
témoins qui déclarent avoir entendu ce
bruit trés distinctement , le font passer
par dessus les maisons et s'éloigner
comme mon nuage s'éloigna . Aucun de
ceux -là ne dépose des éclats de rire , les
deux personnes qui alloient à Beauvais
ne disent rien ni de ces ris ni de ces deux
voix préliminaires , un seul dépose du
partage du sabat en deux bandes ; on
conviendra qu'une foule de personnes
dont les unes sortant dès le matin pour
aller en Campagne , les autres tranquil.
les , ou dans leur lit ou dans leur cham
II. Vol. "
bre
JUIN. 1731. 1523
bre , doivent faire infiniment plus de
foy , que le témoignage de deux person
nes qui varient même dans des faits essen
tiels , et qui probablement ne se seront
pas mis en chemin si tard à jeun ; on
sçait trop que des gens de Campagne sor
tent toujours d'une Ville , d'un marché ou
d'une Foire , plus gays qu'ils n'y entrent.
-
.
En justice bien réglée , on infereroit
donc de ce grand nombre de dépositions
rassemblées par le Curé d'Ansacq , que cet
te nuit-là il se fit entendre en l'air un grand
bruit formé pat une multitude de voix
humaines et de cris , qui passoit le long
du Village du Sud-Ouest au Nord - Est ,
et qui s'évanouit en s'éloignant ; et st
nous lisons quelque chose de plus dans
la Rélation , il faut nous persuader que
M. le Curé la présenta d'abord à M. la
Princesse de Conti , à dessein de divertir
cette Princesse et le Prince son fils , et
d'attirer en même tems leur admiration :
or le fait narré dans sa simplicité a bien
quelque chose de surprenant , mais il ne
divertit pas comme fait la Musique et
les éclats de rire ; il s'en faut de beaucoup
qu'il soit aussi merveilleux qu'unConcert
aërien ; il faloit donc necessairement que
M. le Curé pour parvenir à son but re
touchât la Piece, et qu'il enrichit ce tinta
II. Vol. marre
524 MERCURE DE FRANCE
·
*
*
marre d'éclats de rire , et d'une sympho
nie , à laquelle il a fallu , sélon les règles
de la Musique , donner un prélude.
Ou bien , si vous voulez , disons à la
décharge du Curé , qu'il avoit affaire à
des gens de campagne
, trés- susceptibles
de prévention , qui dans le cahos et la
confusion qu'a pû faire naître ce grand
nombre de diffetens cris , ou sons aigus ,
auront crû entendre tous les Ménétriers
.
ou tous les Bergers du Pays rassemblés
avec leurs instruments . Vous n'ignorés
pas que les Bergers passent pour bien te
nir leur partie au sabbat.
Ajoutons que les Paysans dans ces sor
tes de récits manquent ordinairement de
bonne foy. Combien de fois des Domes
tiques et d'autres semblables gens ne
m'ont-ils pas fait des récits épouvanta
bles de sabbats , d'esprit , de Loups-ga
rous et de mille autres visions noctur
nes , dans lesquelles ils prétendoient mê
me avoir été maltraités , que j'ai forcé
en les suivant de prés et en les interro
geant avec exactitude , de m'avouer ou
que c'étoit leur Pere ou leur Grand
mere qui leur avoient transmis ces His
toires , ou que tous ces sabbats terribles
se terminoient à un bruit entendu dans
la nuit qui avoient pû être causé
par des
chats assemblés & c.
>
Nous
.
JUIN. 1737. 1925
Nous avons donc dans la Rélation
d'Ansacq , deux écueils dangereux à évi
ter : le . est le dessein formé de M. le
Guré de divertir un Prince et une Prin
cesse , et de les faire admirer ; le 2. l'ima
gination frappée et trés foible , unie à
la mauvaise foy , qui se rencontre ordi
nairement dans ces personnes , sur le té
moignage desquelles on nous donne
certe Rélation. Ces inconveniens nous
doivent faire tenir sur nos gardes , et me
font réduire ce prodige à peu prés au
bruit que j'ai entendu moi-même à Se
zanne. Cela posé , je soutiens , M. que
tout le merveilleux qu'on y trouve peut
n'être qu'un effet très naturel , qui n'a
de surprenant que sa rareté. Et j'ajoute
ce raisonnement :
1º. On ne peut nier qu'un air , ou , si
vous voulez , pour éviter toute ambi
guité , une matiere aërienne trop coin
primée dans un espace fermé , ou pous
sée avec trop de violence contre un corps
qui peut lui résister par le penchant na
turel qu'a cette matiere à s'éloigner de
son centre , ou pour continuer le mou
vement qui lui a été imprimé par un corps
étranger , ne fasse tous ses efforts ou
pour s'échapper ou pour pénetrer son
obstacle ; ensorte que si elle trouve une
.
II. Vol. issue
1426 MERCURE DE FRANCE
issue , ou si elle peut parvenir à s'en faire
une , l'impetuosité avec laquelle elle le
fait , et le choc qu'elle reçoit de l'autre
matiere qui veut entrer , ou qui est op
posée à son mouvement , ébranle violem
ment les colonnes voisines qui transmet
tent cette secousse aux autres colonnes
des environs jusqu'à une certaine étenduë,
plus ou moins grande , selon que les se
Cousses qu'elles reçoivent sont plus ou
moins violentes.
Vous avez , sans doute , fait quelque
fois des ricochets , et vous avez re
marqué que l'agitation des parties frap
pées par une pierre , se communique en
un instant aux environs , et que ce mou
vement forme differens tourbillons sur
l'eau , plus ou moins grands , selon que
votre pierre a été plus ou moins grosse ,
et qu'elle a frappé plus ou moins violem
ment sur l'eau.
Considerons l'Univers comme un
grand Etang extrémement rempli et sans
aucun vuide d'une matiere infiniment
plus fluide et plus facile à émouvoir que
l'eau ; que chaque choc que reçoit cette
matiere dans son mouvement reglé , fait
un ricochet dont les tourbillons sont in
finiment plus étendus que ceux qu'une
pierre pourroit produire dans l'eau , et que
II. Vol. tous
E
JUIN
. 1731.
1427
tous les corps qui sont enveloppez dans
le cercle que décrit ce tourbillon , se res
sentent de ce choc, pour peu qu'ils soient
susceptibles d'impression .
12.
Si ce sont quelques parties émanées
d'un corps qui se soient mêlées avec les par
ties de cette matiere fluide,et qui puissent
frapper nos organes , sur le champ elles
excitent en nous quelques sensations ; de
01 là les odeurs que nous sentons ; de- là
même les couleurs que nous voyons , si
les parties de ce corps lui ont résisté.
Enfin si c'est un corps étranger qui a frap
pé cette matiere fluide et que les secous
ses qu'elle a reçûës , ayent pû assez l'é
branler pour qu'elle les communique jus
qu'à mon oreille ; voilà un son qui sera
reglé par la qualité des secousses et des vi
brations qu'aura causées ce corps étfanger.
Ces principes sont prouvez par un
nombre infini d'expériences qui se pre
sentent tous les jours. Qu'on souffle dans
une flute dont on ait bouché tous les
troux , il ne s'y formera aucun son ; n'est
il
V
pas évident que ce n'est que parce que
l'air ne peut en sortir et ébranler les co
lomnes d'air qui sont au - dehors , et qui
puissent refléchir cette secousse jusqu'aux
oreilles Celui qui souffle fatiguera mê
me , parce que l'air trop comprimé trou
II. Vol vant
1428 MERCURE DE FRANCE
vant de tous côtez un obstacle invinci
ble se refléchira à la bouche de celui qui
souffle ; mais qu'on débouche tout à coup
un trou et que l'on mette la main au- dessus
on sentira l'effort de l'air qui sort et l'on
entendra un son très- aigu . Enfin le son
que rendra cette flute sera doux et aigu ,
selon que l'on souflera plus ou moins fort,
grave ou délicat , selon que les trous se
ront plus ou moins larges.
Le vent dans ces Plaines de Champa
gne où il n'y a arbre ni buissonne
fait point du tout , ou très - peu de bruit,
souffle- t'il dans une cheminée , dans des
Croisées qui ayent quelque petite ouver
tures , il siffle d'une maniere très -sensible.
Dernierement j'entrai dans une Chambre,
je fus frappé de deux sons qui imitoient
parfaitement le bourdon d'une Vielle ou
d'une Cornemuse , qui augmentoient et
s'abbaissoient par reprise quelquefois ces
sons étoient aigus , quelquefois doux . Cette
Musique champêtre venoit de deux car
reaux de vître , dont l'un étoit un peu
échancré , et l'autre n'étoit pas joint exac
tement avec le Chassis ; c'étoit le vent qui
faisoit varier les sons que j'entendois ;
c'est qu'il étoit plus ou moins violent.
Le son n'est donc produit que par les
secousses d'une matiere aërienne et très
II. Vol. fluide
JUIN. 1731 1429
fluide ; secousses occasionnées ou par le
choc d'un corps étranger avec cette ma
tiere fluide , ou parce que cette matiere
chassée avec trop de violence contre un
corps qui lui résiste , ou concentrée dans
un espace trop étroit , trouve ou se fait
des passages par où elle s'échappe avec
impétuosité et ébranle en fuyant les co
lomnes d'air voisines . La varieté des sons
est causée par la varieté du choc ou des
passages , qui , pouvant être modifiez à
l'infini , peuvent produire une varieté
infinie de sons.
2º. On ne peut raisonnablement dou
ter que , dans les airs comme dans le sein
de la terre , ces principes des sons ne
puissent s'y rencontrer. Dans le sein de
la terre les Experiences en sont, il est vrai,
plus rares , mais il n'est pas moins vrai
qu'il y en ait. On s'en convaincra par la
facilité qu'il y a de concevoir dans le sein
de la terre des matieres trop resserrées ,
er qui tendent à s'échapper ; si elles ne
le peuvent qu'en dilatant tous les obsta
cles , et que le corps terrestre qui les en
vironne ne puisse se dilater que par un
grand effort , il est constant que si ces
matieres se font une fois jour , ce ne
pourra jamais être sans un grand fracas.
En raisonnant par les experiences , on
II. Vol.
n'en
530 MERCURE DE FRANCE
T
n'en peut plus douter ; les brouillards.
qu'on voit sortir à vûë d'oeil des Marais ,
les tremblemens de terre , tout ce qu'on
nous raconte du Mont Etna et du Mont
Vesuve , nous persuade que dans le sein
de la terre il s'y trouve une matiere très
legere , qui peut ébranler pour sortir de
l'espace qui la contient , tous les obsta
cles qui se présentent à sa sortie , et qui
fait plus ou moins de désordre et de bruit ,
selon qu'elle a plus ou moins de peine
à s'évader , ou que l'espace qui la con
tient en est plus ou moins rempli , ou
qu'elle-même est plus ou moins active.
Les Mines que l'Art de la guerre a in
ventées , sont autant d'experiences qui
rendent mon raisonnement sensible . Et
un Quartier de Paris en fit une triste épreu
ve il y a quelques mois. Le feu ayant pris
à un Magazin de Poudre , la matiere ignée
remplit toute la voute, et ne pouvant plus
s'y contenir , la fit sauter en l'air , ainsi
que les Maisons et tout ce qui se trouva
au- dessus , avec un bruit si épouventable
que les Maisons des environs ,je veux dire,
à quelques rues même d'éloignement , en
furent ébranlés et les habitans effrayez.
Mais je m'apperçois , Monsieur , que
je commence d'exceder les bornes d'une
Lettre, et que je pourrois bien abuser de
II. Vol. Votre
JUIN. 1731. 1531
votre patience. Je prens donc le parti de
m'arrêter ici et de renvoyer à une autre
fois ce qui me reste à vous dire sur ce
sujet. Je suis , &c.
A Paris , ce 15. Juin 1731 .
écrite à M. L. B. C. D. au sujet de
l'Akousmate d'Ansacq , et d'un autre
pareil dont il a été le témoin.
1
E ne suis pas surpris , Monsieur , que
la Rélation de M. le Curé d'Ansacq
ne passe chez vous que pour un Conte
de Fées , puisqu'il vous faut des temoi
gnages ex visu et auditu , et que cette
Rélation ne se soutient que sur l'un de
ces sens : je la trouverois fort avanturée ,
si elle ne devoit passer qu'entre les mains
de personnes de votre secte . Pour moy ,
puisque vous êtes curieux de sçavoir ce
que j'en pense , je vous avoüerai que je
la traite plus favorablement. A cet aveu
je crois vous entendre rire et feliciter
l'Auteur de ce qu'il est assés heureux pour
trouver des
personnes comme moy , qui
veulent bien croire fermement que c'est
un jeu d'esprit , et vous me demandés
II. Vola déja
JUIN. 1731. 1517
'déja d'un ton railleur , si je n'ai pas quel
que expérience personnelle pour forti
fier la diablerie d'Ansacq ; oui , M. et
en dépit de vôtre pyrrhonisme , je vais
vous donner la Rélation d'un autre
Akousmate ; et dûssiés - vous bâiller cent
fois , j'i joindrai quelques observations
en faveur de celui d'Ansacq. J'y gagne
ray du moins d'y vanger cet agréable
Historien de vôtre incrédulité.
Sezanne , petite Ville de la Brie , est si
tuée au pied d'une Colline qui la cot
toye ( par intervalles néanmoins ) du
Sud- Ouest au Nord , je dis
par inter
valles , c'est-à-dire , que cette Colline est
interrompue et coupée en differens en
droits par des Vallons ou ruelles trés pro
fondes , ( pour parler le langage du Pays )
qui conduisent de ces Côtés- là à la Ville.
Le plus doux de la pente de cette Colli
ne est planté de vignes , le sommet trop
escarpé est inculte , et au dessus on trou
ve des Bruyeres qui se terminent à dif
ferentes pieces de bois , les unes taillis .
les autres de haute futaye , qui font une
Forêt de quelques lieues de long , dans
laquelle il y a trois ou quatre grands:
Etangs.
Au Sud , à quelques lieües de la Ville ,
on trouve de dangereux Marais , qu'on
11. Vol. E v
appelle
1518 MERCURE DE FRANCE
appelle les Marais de S. Gond , lesquels
s'étendent jusqu'au Sud- Ouest.
De l'autre côté de la Ville regne une
Plaine à perte de vie , et qui n'est bor
née d'aucune Montagne , presque jusqu'à
Troye en Champagne . La Ville est ceinte
de murailles , et entourrée de fossés de
tous côtés. En sortant de la Ville à son
midy , il se forme une espece de fer à
Cheval , dont chaque branche fait un
Fauxbourg , l'un au Sud - Est , l'autre
au Sud- Ouest ; le milieu du fer à Che
val , est une Place trés spacieuse , et plan
té d'Arbres , qui sert de promenade aux
Habitans.
Comme ces deux branches sont hors
de la Ville , les maisons ont un terrain
assés étendu , et même il n'y en a point
qui n'ait sur son derriere un Jardin assés
spacieux. Les Jardins surtout de la bran
che qui s'allonge au Sud- Ouest sont si
longs , qu'on auroit peine à distinguer
un homme d'un bout à l'autre ; les pi
gnons de derriere de chique maison leur
serv nt de clôture d'un bout , à l'autre
bout ils sont fermés par un mur com
mun à tous , qui est par consequent
fort
long , et qui n'est separé du pied de la
Colline et des vignes dont je viens de
parler , que par un chemin on ruelle de
11. Vola dix
JUIN. Ì731 . 1519
dix ou douze pieds de large.
Je me promenois dans un de ces Jar
dins au commencement d'Octobre 1724.
environ sur les quatre heures du soir , je
fus interrompu dans une lecture que je fai
sois , par un bruit affreux formé par
une multitude de voix humaines de tou
tes especes , de cris d'Oiseaux et d'Ani
maux. Je vous confesserai , sans en faire
le fin , qu'il m'effraya , et que je pris la
fuite ; mais m'appercevant que ce bruit
' sembloit me suivre , et voyant d'ailleurs
du monde à l'autre bout du Jardin , je
me rassurai ; et picqué d'un peu de hon
te d'avoir eu peur en si grand jour , je
levai la tête , et je vis un nuage fort noir
qui sembloit naître de la pointe de la Col
line , qui s'élevoit au dessus de ma tête
et qui se poussoit sans aucun vent , et
néanmoins avec la derniere impetuosité
de l'Occident à l'Orient ; à mesure que
le nuage s'éloignoit , cette multitude de
voix et de cris se confondoient davan
tage , bientôt je n'entendis plus qu'um
bruit semblable à celui d'un torrent qui
tombe d'une Montagne dans des Ravi
nes , ou d'un Fleuve qui se décharge
dans un autre; et pour vous donner en
core quelque chose de plus sensible ,
persuadez-vous que vous êtes au Pertuis
II. Vol. E vj
de
1520 MERCURE DE FRANCE
de Regeanes ( a ) si terrible à nos Mari
niers ; ce que je veux vous faire conce
voir , étoit encore plus rapide et plus
épouvantable. Enfin le nuage se dissipa
avec tout le tintamarre , je ne vis ni en
tendis plus rien , et nous en fûmes quitte
pour un brouillard trés-épais et trés- puant
qui s'eleva fort peu de tems aprés , et
qui nous incommoda plusieurs jours.
Voilà , M. l'Akousmate dont j'avois
à vous faire le recit , il approche fort ,
comme vous voyez , de celui d'Ansacq ,
à l'exception cependant que les voix
que j'entendis se firent entendre tout
à la fois , au lieu qu'à Ansacq , une seule,
à laquelle une autre ayant répondu d'as
sés loin , commença le charivary , et que
je n'y distinguai aucun son d'instrument.
vous ne manquerês pas de conclure de
là qu'en supposant la verité de cette Réla
tion , elle ne peut pas confirmer celle
d'Ansacq. Il est vray , M. et j'accorderai
sans peine à vôtre prévention , qu'il y a
trop de merveilleux dans celle d'Ansacq ,
et qu'il faudroit trop d'hypothèses pour
y donner une explication un peu proba
ble ; explication par consequent trop
composée , et dès-là trop éloignée de
(a) Lien dangereux de la Riviere d'Yonne ,
à deux lieües d'Auxerre,
1
II. Fola
la
JUIN. 7521 1731.
¿
la nature , qui agit toujours par
les plus simples.
les
voyes
Aussi sans m'arrêter à chaque fait , en
particulier , je me contenterai de croire
en faveur de M. le Curé d'Ansacq , que le
fond de la piece est vray , et que les en
jolivemens peuvent êtte de lui ; mais je
ne suis pas moins persuadé que ce qui a
été entendu à Ansacq est à peu près la
même chose que ce que j'entendis moi
même en 1724.
Voilà cependant une Enquête en bon
ne forme, me direz-vous , faite à Ansacq ;
il faut la recevoir ou la rejetter toute
entiere ; à cela je vous reponds , M. que
quand le Curé d'Ansacq a donné sa Ré
lation au Public , il l'a soumise à toute
la severité de son jugement , et n'a pas as
surément prétendu faire passer son En
quête pour une Piece Juridique ; d'ail
leurs il n'est pas toujours vray qu'on
doive rejetter ou recevoir une Enquête
toute entiere , du grand nombre de té
moignages dont une Enquête est com
posée , il s'en trouve à modifier , ou à
rejetter absolument et d'autres qui font
foy.
Mais en considerant celle- ci comme
juridique , combattons-la juridiquement.
Je fais , je le repete , profession de croi
II. Vala IG
1522 MERCURE DE FRANCE
>
re qu'un bruit extraordinaire entendu à
Ansacq , tel à peu-près que celui que j'ai
entendu à Sezanne est la matiere de
la Rélation de M. le Curé d'Ansacq :
je ne conteste que sur les accessoires
tels que sont ces deux voix qui se répon
doient l'une à l'autre en un lieu fixe,
ces éclats de rire , ces mélanges d'instru
ments , je trouve que ces differens pro
diges se ressentent trop des Sabbats et
des Esprits que je n'admets point.
y
>
Les deux premiers témoins qui seuls
attestent les deux premiers faits , nous
font envisager ce bruit comme renfermé
et immobile entre l'endroit où ils ont
entendu la premiere voix , et celui d'où
a répondu la deuxième , et tous les autres
témoins qui déclarent avoir entendu ce
bruit trés distinctement , le font passer
par dessus les maisons et s'éloigner
comme mon nuage s'éloigna . Aucun de
ceux -là ne dépose des éclats de rire , les
deux personnes qui alloient à Beauvais
ne disent rien ni de ces ris ni de ces deux
voix préliminaires , un seul dépose du
partage du sabat en deux bandes ; on
conviendra qu'une foule de personnes
dont les unes sortant dès le matin pour
aller en Campagne , les autres tranquil.
les , ou dans leur lit ou dans leur cham
II. Vol. "
bre
JUIN. 1731. 1523
bre , doivent faire infiniment plus de
foy , que le témoignage de deux person
nes qui varient même dans des faits essen
tiels , et qui probablement ne se seront
pas mis en chemin si tard à jeun ; on
sçait trop que des gens de Campagne sor
tent toujours d'une Ville , d'un marché ou
d'une Foire , plus gays qu'ils n'y entrent.
-
.
En justice bien réglée , on infereroit
donc de ce grand nombre de dépositions
rassemblées par le Curé d'Ansacq , que cet
te nuit-là il se fit entendre en l'air un grand
bruit formé pat une multitude de voix
humaines et de cris , qui passoit le long
du Village du Sud-Ouest au Nord - Est ,
et qui s'évanouit en s'éloignant ; et st
nous lisons quelque chose de plus dans
la Rélation , il faut nous persuader que
M. le Curé la présenta d'abord à M. la
Princesse de Conti , à dessein de divertir
cette Princesse et le Prince son fils , et
d'attirer en même tems leur admiration :
or le fait narré dans sa simplicité a bien
quelque chose de surprenant , mais il ne
divertit pas comme fait la Musique et
les éclats de rire ; il s'en faut de beaucoup
qu'il soit aussi merveilleux qu'unConcert
aërien ; il faloit donc necessairement que
M. le Curé pour parvenir à son but re
touchât la Piece, et qu'il enrichit ce tinta
II. Vol. marre
524 MERCURE DE FRANCE
·
*
*
marre d'éclats de rire , et d'une sympho
nie , à laquelle il a fallu , sélon les règles
de la Musique , donner un prélude.
Ou bien , si vous voulez , disons à la
décharge du Curé , qu'il avoit affaire à
des gens de campagne
, trés- susceptibles
de prévention , qui dans le cahos et la
confusion qu'a pû faire naître ce grand
nombre de diffetens cris , ou sons aigus ,
auront crû entendre tous les Ménétriers
.
ou tous les Bergers du Pays rassemblés
avec leurs instruments . Vous n'ignorés
pas que les Bergers passent pour bien te
nir leur partie au sabbat.
Ajoutons que les Paysans dans ces sor
tes de récits manquent ordinairement de
bonne foy. Combien de fois des Domes
tiques et d'autres semblables gens ne
m'ont-ils pas fait des récits épouvanta
bles de sabbats , d'esprit , de Loups-ga
rous et de mille autres visions noctur
nes , dans lesquelles ils prétendoient mê
me avoir été maltraités , que j'ai forcé
en les suivant de prés et en les interro
geant avec exactitude , de m'avouer ou
que c'étoit leur Pere ou leur Grand
mere qui leur avoient transmis ces His
toires , ou que tous ces sabbats terribles
se terminoient à un bruit entendu dans
la nuit qui avoient pû être causé
par des
chats assemblés & c.
>
Nous
.
JUIN. 1737. 1925
Nous avons donc dans la Rélation
d'Ansacq , deux écueils dangereux à évi
ter : le . est le dessein formé de M. le
Guré de divertir un Prince et une Prin
cesse , et de les faire admirer ; le 2. l'ima
gination frappée et trés foible , unie à
la mauvaise foy , qui se rencontre ordi
nairement dans ces personnes , sur le té
moignage desquelles on nous donne
certe Rélation. Ces inconveniens nous
doivent faire tenir sur nos gardes , et me
font réduire ce prodige à peu prés au
bruit que j'ai entendu moi-même à Se
zanne. Cela posé , je soutiens , M. que
tout le merveilleux qu'on y trouve peut
n'être qu'un effet très naturel , qui n'a
de surprenant que sa rareté. Et j'ajoute
ce raisonnement :
1º. On ne peut nier qu'un air , ou , si
vous voulez , pour éviter toute ambi
guité , une matiere aërienne trop coin
primée dans un espace fermé , ou pous
sée avec trop de violence contre un corps
qui peut lui résister par le penchant na
turel qu'a cette matiere à s'éloigner de
son centre , ou pour continuer le mou
vement qui lui a été imprimé par un corps
étranger , ne fasse tous ses efforts ou
pour s'échapper ou pour pénetrer son
obstacle ; ensorte que si elle trouve une
.
II. Vol. issue
1426 MERCURE DE FRANCE
issue , ou si elle peut parvenir à s'en faire
une , l'impetuosité avec laquelle elle le
fait , et le choc qu'elle reçoit de l'autre
matiere qui veut entrer , ou qui est op
posée à son mouvement , ébranle violem
ment les colonnes voisines qui transmet
tent cette secousse aux autres colonnes
des environs jusqu'à une certaine étenduë,
plus ou moins grande , selon que les se
Cousses qu'elles reçoivent sont plus ou
moins violentes.
Vous avez , sans doute , fait quelque
fois des ricochets , et vous avez re
marqué que l'agitation des parties frap
pées par une pierre , se communique en
un instant aux environs , et que ce mou
vement forme differens tourbillons sur
l'eau , plus ou moins grands , selon que
votre pierre a été plus ou moins grosse ,
et qu'elle a frappé plus ou moins violem
ment sur l'eau.
Considerons l'Univers comme un
grand Etang extrémement rempli et sans
aucun vuide d'une matiere infiniment
plus fluide et plus facile à émouvoir que
l'eau ; que chaque choc que reçoit cette
matiere dans son mouvement reglé , fait
un ricochet dont les tourbillons sont in
finiment plus étendus que ceux qu'une
pierre pourroit produire dans l'eau , et que
II. Vol. tous
E
JUIN
. 1731.
1427
tous les corps qui sont enveloppez dans
le cercle que décrit ce tourbillon , se res
sentent de ce choc, pour peu qu'ils soient
susceptibles d'impression .
12.
Si ce sont quelques parties émanées
d'un corps qui se soient mêlées avec les par
ties de cette matiere fluide,et qui puissent
frapper nos organes , sur le champ elles
excitent en nous quelques sensations ; de
01 là les odeurs que nous sentons ; de- là
même les couleurs que nous voyons , si
les parties de ce corps lui ont résisté.
Enfin si c'est un corps étranger qui a frap
pé cette matiere fluide et que les secous
ses qu'elle a reçûës , ayent pû assez l'é
branler pour qu'elle les communique jus
qu'à mon oreille ; voilà un son qui sera
reglé par la qualité des secousses et des vi
brations qu'aura causées ce corps étfanger.
Ces principes sont prouvez par un
nombre infini d'expériences qui se pre
sentent tous les jours. Qu'on souffle dans
une flute dont on ait bouché tous les
troux , il ne s'y formera aucun son ; n'est
il
V
pas évident que ce n'est que parce que
l'air ne peut en sortir et ébranler les co
lomnes d'air qui sont au - dehors , et qui
puissent refléchir cette secousse jusqu'aux
oreilles Celui qui souffle fatiguera mê
me , parce que l'air trop comprimé trou
II. Vol vant
1428 MERCURE DE FRANCE
vant de tous côtez un obstacle invinci
ble se refléchira à la bouche de celui qui
souffle ; mais qu'on débouche tout à coup
un trou et que l'on mette la main au- dessus
on sentira l'effort de l'air qui sort et l'on
entendra un son très- aigu . Enfin le son
que rendra cette flute sera doux et aigu ,
selon que l'on souflera plus ou moins fort,
grave ou délicat , selon que les trous se
ront plus ou moins larges.
Le vent dans ces Plaines de Champa
gne où il n'y a arbre ni buissonne
fait point du tout , ou très - peu de bruit,
souffle- t'il dans une cheminée , dans des
Croisées qui ayent quelque petite ouver
tures , il siffle d'une maniere très -sensible.
Dernierement j'entrai dans une Chambre,
je fus frappé de deux sons qui imitoient
parfaitement le bourdon d'une Vielle ou
d'une Cornemuse , qui augmentoient et
s'abbaissoient par reprise quelquefois ces
sons étoient aigus , quelquefois doux . Cette
Musique champêtre venoit de deux car
reaux de vître , dont l'un étoit un peu
échancré , et l'autre n'étoit pas joint exac
tement avec le Chassis ; c'étoit le vent qui
faisoit varier les sons que j'entendois ;
c'est qu'il étoit plus ou moins violent.
Le son n'est donc produit que par les
secousses d'une matiere aërienne et très
II. Vol. fluide
JUIN. 1731 1429
fluide ; secousses occasionnées ou par le
choc d'un corps étranger avec cette ma
tiere fluide , ou parce que cette matiere
chassée avec trop de violence contre un
corps qui lui résiste , ou concentrée dans
un espace trop étroit , trouve ou se fait
des passages par où elle s'échappe avec
impétuosité et ébranle en fuyant les co
lomnes d'air voisines . La varieté des sons
est causée par la varieté du choc ou des
passages , qui , pouvant être modifiez à
l'infini , peuvent produire une varieté
infinie de sons.
2º. On ne peut raisonnablement dou
ter que , dans les airs comme dans le sein
de la terre , ces principes des sons ne
puissent s'y rencontrer. Dans le sein de
la terre les Experiences en sont, il est vrai,
plus rares , mais il n'est pas moins vrai
qu'il y en ait. On s'en convaincra par la
facilité qu'il y a de concevoir dans le sein
de la terre des matieres trop resserrées ,
er qui tendent à s'échapper ; si elles ne
le peuvent qu'en dilatant tous les obsta
cles , et que le corps terrestre qui les en
vironne ne puisse se dilater que par un
grand effort , il est constant que si ces
matieres se font une fois jour , ce ne
pourra jamais être sans un grand fracas.
En raisonnant par les experiences , on
II. Vol.
n'en
530 MERCURE DE FRANCE
T
n'en peut plus douter ; les brouillards.
qu'on voit sortir à vûë d'oeil des Marais ,
les tremblemens de terre , tout ce qu'on
nous raconte du Mont Etna et du Mont
Vesuve , nous persuade que dans le sein
de la terre il s'y trouve une matiere très
legere , qui peut ébranler pour sortir de
l'espace qui la contient , tous les obsta
cles qui se présentent à sa sortie , et qui
fait plus ou moins de désordre et de bruit ,
selon qu'elle a plus ou moins de peine
à s'évader , ou que l'espace qui la con
tient en est plus ou moins rempli , ou
qu'elle-même est plus ou moins active.
Les Mines que l'Art de la guerre a in
ventées , sont autant d'experiences qui
rendent mon raisonnement sensible . Et
un Quartier de Paris en fit une triste épreu
ve il y a quelques mois. Le feu ayant pris
à un Magazin de Poudre , la matiere ignée
remplit toute la voute, et ne pouvant plus
s'y contenir , la fit sauter en l'air , ainsi
que les Maisons et tout ce qui se trouva
au- dessus , avec un bruit si épouventable
que les Maisons des environs ,je veux dire,
à quelques rues même d'éloignement , en
furent ébranlés et les habitans effrayez.
Mais je m'apperçois , Monsieur , que
je commence d'exceder les bornes d'une
Lettre, et que je pourrois bien abuser de
II. Vol. Votre
JUIN. 1731. 1531
votre patience. Je prens donc le parti de
m'arrêter ici et de renvoyer à une autre
fois ce qui me reste à vous dire sur ce
sujet. Je suis , &c.
A Paris , ce 15. Juin 1731 .
Fermer
Résumé : LETTRE de M. Laloüat de Soulaines, écrite à M. L. B. C. D. au sujet de l'Akousmate d'Ansacq, et d'un autre pareil dont il a été le témoin.
La lettre de M. Laloüat de Soulaines, adressée à M. L. B. C. D., traite de l'Akousmate d'Ansacq et d'un événement similaire vécu par l'auteur. L'auteur n'est pas étonné que le récit du curé d'Ansacq soit perçu comme un conte de fées, car il repose sur un seul témoignage sensoriel. Il affirme croire fermement à ce récit, contrairement à l'incrédulité de son destinataire. L'auteur décrit un événement survenu à Sezanne en octobre 1724, où il a entendu un bruit affreux composé de voix humaines, de cris d'oiseaux et d'animaux. Ce bruit semblait le suivre et se dissipa en laissant un brouillard épais et puant. Il compare cet événement à celui d'Ansacq, bien que les détails diffèrent légèrement. L'auteur reconnaît le caractère merveilleux du récit d'Ansacq mais suggère que le fond de l'histoire est vrai, les ornements étant ajoutés par le curé. Il critique les témoignages variés et les embellissements du récit d'Ansacq, proposant une explication naturelle basée sur la propagation des sons et des mouvements dans l'air. Il conclut que le phénomène observé à Ansacq pourrait être similaire à celui qu'il a vécu à Sezanne, sans les éléments surnaturels. Par ailleurs, un texte daté de juin 1731 explore les principes de la production des sons à travers divers phénomènes physiques. Il explique que les sons sont générés par les secousses d'une matière aérienne fluide, causées soit par le choc d'un corps étranger, soit par la matière fluide chassée avec violence contre un obstacle ou concentrée dans un espace restreint. La variété des sons dépend de la variété des chocs ou des passages que cette matière fluide emprunte. Des exemples illustrent ces principes : souffler dans une flûte bouchée ne produit pas de son car l'air ne peut s'échapper, mais déboucher un trou permet de créer un son aigu. Le vent dans des environnements ouverts ne fait pas de bruit, mais il siffle lorsqu'il passe par des ouvertures comme des cheminées ou des fenêtres. Le texte étend ces principes à la terre, suggérant que des matières resserrées cherchant à s'échapper peuvent provoquer des tremblements et des bruits, comme ceux observés dans les marais, les volcans ou lors d'explosions de poudre. Les expériences avec des mines et des explosions confirment ces observations. Le texte se conclut par une mention de l'impact d'une explosion de poudre à Paris, qui a ébranlé les maisons environnantes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 2285-2289
FESTE donné à Dampierre.
Début :
Vers les Monts escarpez, près de ces sombres Bois, [...]
Mots clefs :
Fête, Vallons, Jardin, Pavillon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : FESTE donné à Dampierre.
FESTE donné à Dampierre.
Ers les Monts escarpez , près de ces som❤ "VErsbres Bois ,
Que LOUIS de sa vûë honore quelquefois ;
12 * Rambouillet.
Dans
2286 MERCURE DE FRANCE
·
Dans le fond d'un Vallon un superbe Edifice,
Offre aux regards surpris , un riant frontispice.
Charmez de sa beauté , d'impétueux ruisseaux
Y suspendent le cours de leurs rapides eaux ;
Tantôt se promenant dans de vastes Prairies ,
Ils semblent se cacher sous les Herbes fleuries ,
Puis coulant vers les Murs , comme pressez d'a
mour ;
Sans pouvoir les quitter , les baignent nuit e
jour.
De stériles Côteaux , dans un profond silence
Admirent du Jardin la brillante abondance.
La vertu qui se plaît dans ce séjour charmant
En fait , par son éclat , le plus bel ornement.
Un jour qu'elle voulut y donner une Fête ,
Que tout icy , dit-elle , à m'obéir s'apprête.
Il me faut des Soldats, des Tentes , des Hautbois?
Tout s'empresse à l'instant d'obéir à sa voix.
De ses mains elle dresse un Camp sur le Rivage
Et trace de la Guerre une innocente Image.
Ne pensant qu'à former son tendre nourrisson ,
Elle donne à Chevreuse une utile leçon.
Apollon , décris-moi la Fête qu'elle ordonne ,
Je connois peu cet Art , qui nous vient de Bele lonne ;
Feins- nous le Pavillon dans le Centre placé ,
D'un somptueux Festin tout l'appareil dressé.
Les Etendarts flottans , les Soldats sous la tente ;
Auprès
OCTOBRE. 1732. 2287
Auprès du General , la Garde vigilante.
On allume des feux ; l'Herbe au loin en jaunit ,
Le Coursier au Piquet fremit, bondit , hannit.
Icy , dans la Prairie , on s'arrange , on manœu vre ,
Là , contre l'ennemi la ruse est mise en œuvre,
Du foudroïant Canon déja- j'entens le bruit ;
Le Faune se réveille , et la Nymphe s'enfuit.
* Le Chef , le jeune Chef, de sa valeur future ,
Dans ces jeux simulez , donne une preuve sûre
Que de graces en lui ! Quelle naissante ardeur ! {
Que sur son noble front , j'apperçois de gran- deur !
J'y vois peins tous les traits de ses illustres Peres ,
Leur douceur , leur courage , et leurs vertus sinceres ;
Leur haine
Rois ;
pour l'erreur , leur amour pour nos
Comme eux il se rendra fameux par ses Exploits.
*
Il attire en son Camp deux Augustes Duches ses ,
Que la Grece autrefois eut prises pour Déesses.-
Parmi leurs doux attraits , brille la Majesté ,
Caractere certain de la Divinité.
Le Soldat animé par leur présence heureuse ,
Le Duc de Chevreuse.
* Les Duchesses d'Uzès et de Luynes,
Il
2288 MERCURE DE FRANCE
Exerce sous leurs yeux son ardeur valeureuse.
Il attaque , il combat , enleve des Drapeaux ;
Dispute à qui fera les Exploits les plus beaux.
Couronné de Laurier , il vient leur faire ho
mage ,
Des Captifs que leur main tire de l'esclavage.
Un nouveau jeu succede à l'appareil guerrier ;
Notre Chefse transforme en sage Nautonier.
Sur les paisibles eaux , s'avance une Chaloupe,
Et reçoit dans son sein notre brillante Troupe.
Pourquoi craindre en entrant?Nymphes ne trem- blez pas ,
L'Onde va respecter vos aimables appas.
Chevreuse vous conduit , sous ses heureux aus
pices ,
L'Eau , les Vents,,et les Cieux vous deviendront
propices.
* Un Pasteur révéré , la gloire du Hameau
Médite des accords sur son doux Chalumeau.
Du Ciel et de la Terre il chante les merveilles;
Et par sa voix divine , il charme nos oreilles.
Dans les Bois écartez , Echo porte ses sons ,
Et les Bergers , en Choeur , repetent ses chansons
Heureux qui les retient , les médite sans cesse
Il y trouve les fruits d'une haute sagesse.
De nos jeux innocens les Arbres sont jaloux ;
Ils semblent s'agiter , et courir après nous.
L'Evéque de Bayeux,
›
LES
OCTOBRE. 1732. 2289
Les Graces , les Plaisirs , la Concorde fidelle ,
S'empressent à l'envi de remplir la Nacelle.
Fuyez, Fils de Venus , portez ailleurs vos coups ;
Une autre Déïté sçait l'emporter sur vous.
C'est l'Amitié constante, au cœur tendre et sincere ,
Des secrets mutuels sage dépositaire.
De Luynes et d'Uzès, en lui livrant leurs cœurs ,
Goutent dans ses liens ses plus vives douceurs.
Ainsi l'on voltigeoit sur la Plaine liquide ,
On jouoit , on chantoit, on admiroit son Guide:
Quand la nuit importune , enviant notre sort
Avertit les Rameurs de voguer vers le Port.
Ers les Monts escarpez , près de ces som❤ "VErsbres Bois ,
Que LOUIS de sa vûë honore quelquefois ;
12 * Rambouillet.
Dans
2286 MERCURE DE FRANCE
·
Dans le fond d'un Vallon un superbe Edifice,
Offre aux regards surpris , un riant frontispice.
Charmez de sa beauté , d'impétueux ruisseaux
Y suspendent le cours de leurs rapides eaux ;
Tantôt se promenant dans de vastes Prairies ,
Ils semblent se cacher sous les Herbes fleuries ,
Puis coulant vers les Murs , comme pressez d'a
mour ;
Sans pouvoir les quitter , les baignent nuit e
jour.
De stériles Côteaux , dans un profond silence
Admirent du Jardin la brillante abondance.
La vertu qui se plaît dans ce séjour charmant
En fait , par son éclat , le plus bel ornement.
Un jour qu'elle voulut y donner une Fête ,
Que tout icy , dit-elle , à m'obéir s'apprête.
Il me faut des Soldats, des Tentes , des Hautbois?
Tout s'empresse à l'instant d'obéir à sa voix.
De ses mains elle dresse un Camp sur le Rivage
Et trace de la Guerre une innocente Image.
Ne pensant qu'à former son tendre nourrisson ,
Elle donne à Chevreuse une utile leçon.
Apollon , décris-moi la Fête qu'elle ordonne ,
Je connois peu cet Art , qui nous vient de Bele lonne ;
Feins- nous le Pavillon dans le Centre placé ,
D'un somptueux Festin tout l'appareil dressé.
Les Etendarts flottans , les Soldats sous la tente ;
Auprès
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Auprès du General , la Garde vigilante.
On allume des feux ; l'Herbe au loin en jaunit ,
Le Coursier au Piquet fremit, bondit , hannit.
Icy , dans la Prairie , on s'arrange , on manœu vre ,
Là , contre l'ennemi la ruse est mise en œuvre,
Du foudroïant Canon déja- j'entens le bruit ;
Le Faune se réveille , et la Nymphe s'enfuit.
* Le Chef , le jeune Chef, de sa valeur future ,
Dans ces jeux simulez , donne une preuve sûre
Que de graces en lui ! Quelle naissante ardeur ! {
Que sur son noble front , j'apperçois de gran- deur !
J'y vois peins tous les traits de ses illustres Peres ,
Leur douceur , leur courage , et leurs vertus sinceres ;
Leur haine
Rois ;
pour l'erreur , leur amour pour nos
Comme eux il se rendra fameux par ses Exploits.
*
Il attire en son Camp deux Augustes Duches ses ,
Que la Grece autrefois eut prises pour Déesses.-
Parmi leurs doux attraits , brille la Majesté ,
Caractere certain de la Divinité.
Le Soldat animé par leur présence heureuse ,
Le Duc de Chevreuse.
* Les Duchesses d'Uzès et de Luynes,
Il
2288 MERCURE DE FRANCE
Exerce sous leurs yeux son ardeur valeureuse.
Il attaque , il combat , enleve des Drapeaux ;
Dispute à qui fera les Exploits les plus beaux.
Couronné de Laurier , il vient leur faire ho
mage ,
Des Captifs que leur main tire de l'esclavage.
Un nouveau jeu succede à l'appareil guerrier ;
Notre Chefse transforme en sage Nautonier.
Sur les paisibles eaux , s'avance une Chaloupe,
Et reçoit dans son sein notre brillante Troupe.
Pourquoi craindre en entrant?Nymphes ne trem- blez pas ,
L'Onde va respecter vos aimables appas.
Chevreuse vous conduit , sous ses heureux aus
pices ,
L'Eau , les Vents,,et les Cieux vous deviendront
propices.
* Un Pasteur révéré , la gloire du Hameau
Médite des accords sur son doux Chalumeau.
Du Ciel et de la Terre il chante les merveilles;
Et par sa voix divine , il charme nos oreilles.
Dans les Bois écartez , Echo porte ses sons ,
Et les Bergers , en Choeur , repetent ses chansons
Heureux qui les retient , les médite sans cesse
Il y trouve les fruits d'une haute sagesse.
De nos jeux innocens les Arbres sont jaloux ;
Ils semblent s'agiter , et courir après nous.
L'Evéque de Bayeux,
›
LES
OCTOBRE. 1732. 2289
Les Graces , les Plaisirs , la Concorde fidelle ,
S'empressent à l'envi de remplir la Nacelle.
Fuyez, Fils de Venus , portez ailleurs vos coups ;
Une autre Déïté sçait l'emporter sur vous.
C'est l'Amitié constante, au cœur tendre et sincere ,
Des secrets mutuels sage dépositaire.
De Luynes et d'Uzès, en lui livrant leurs cœurs ,
Goutent dans ses liens ses plus vives douceurs.
Ainsi l'on voltigeoit sur la Plaine liquide ,
On jouoit , on chantoit, on admiroit son Guide:
Quand la nuit importune , enviant notre sort
Avertit les Rameurs de voguer vers le Port.
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Résumé : FESTE donné à Dampierre.
Le texte relate une fête organisée à Dampierre, près de Rambouillet, dans un vallon où se trouve un édifice remarquable. Des ruisseaux impétueux traversent des prairies et baignent les murs jour et nuit. Des coteaux stériles contrastent avec la richesse du jardin. La vertu, maîtresse des lieux, organise une fête éducative pour le jeune duc de Chevreuse, simulant une image innocente de la guerre. La fête inclut des soldats, des tentes, des hautbois et des manœuvres militaires simulées. Le jeune duc, futur héros, montre déjà des traits de grandeur et de valeur, attirant l'attention des duchesses d'Uzès et de Luynes, qui observent ses exploits. Après les jeux guerriers, une chaloupe les conduit sur l'eau, où un pasteur joue du chalumeau, chantant les merveilles du ciel et de la terre. Les Grâces, les Plaisirs et la Concorde fidèle remplissent la nacelle, symbolisant l'amitié constante entre les duchesses. La nuit interrompt les réjouissances, invitant les rameurs à retourner au port.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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