Aprés avoir finy la Relation
de leurVoyage de Flandre
, je croy ne devoir point
entrer dans d'autres matieres,
avant que de vous avoir fait
part d'une Harangue dont
je vous ay déja parlé . C'eſt
celle que M de Brifacier, Superieur
du Seminaire des
Miſſions Etrangeres , leur fit
à Fontainebleau , où il alla
au devant d'eux , à cauſe de
l'obligation que les Miffionnaires
ont au Roy de Siam.
Voicy les termes dont il ſe
fervit.
Niiij
152 IV. P. du Voyage
MESSEIGNEURS ,
Dans les honneurs extraordinaires
que nôtre Puiſſant Monarque
veut qu'on rende par tout à vos
Excellences , ne dédaignez pas les
foibles marques de respect que vous
donne par mon miniftere une Maifon
peu confiderable par elle- même,
mais remplie de veneration pour
vôtre Grand Ray, & de consideration
pour vos Illustres personnes.
Les augustes qualitez du Souverain
qui vous envoye , la haute idée
qu'il a conceuë des Grandeurs
رص
des Vertus de Louisle Grand, le
bon traitement qu'il a fait jusqu'à
present à tous les François , la protection
qu'il a toûjours donnée à
nos Vicaires Apostoliques &à leurs
Miſſionnaires, la distinction avec
des Amb. de Siam. 153
laquelle il a receu l'Ambassadeur
de France , la liberté qu'il a fait
publier àses sujets d'embraſſer le
Christianisme , les privileges qu'il
a accordez à ceux qui voudroient
la profeſſer, la disposition où il est
luy-même de s'éclaircir de la profondeurde
nosMysteres,&de laſainteté
de nôtre Morale ; enfin la confiance
finguliere qu'il a bien voulu
marquer aux Directeurs de nôtre
Maison , en les honorant de fes ordres
pour prendre soin , non seulement
des Ouvrages qu'il afait faire
dans ce Royaume, mais aussi defes
Premiers Ambassadeurs , deſes Envoyez,
de vous mêmes ; tout cela,
dis-je, qui vous est mieux connu
qu'à personne du monde, nous met
dans l'heureux engagement de prévenirpar
une députation particu154
IV. P. du Voyage
liere les acclamations publiques qui
vous attendent à la Cour; & nous
fatisfafons autant à notre inclination
qu'à nôtre devoir, lorſque pour
respecter vôtre caractere & vôtre
merite, nous venons quelques journées
au devant de vous.
On ne peut affez vous dire, Meffeigneurs,
combien vous vous eſtes
déja acquis de reputation auprés
de tous ceux qui ont eu lajoye de
vous voir paſſer dans nos Villes ;
le bruitse répand de toutes parts ,
qu'ilferoit difficile d'ajoûter quelque
chose à la politeſſe de vôtre
esprit, à la ſageſſe de vos réponſes,
&à l'agrement de vos manieres ;
& nous avons impatience que nôtre
Monarque couronne parson approbation
Royale , l'applaudiſſement
univerfel de ses Peuples. S'il est
des Amb. de Siam. 155
Satisfait de vous , vous serez encore
plus contents de luy , & vous
avoñerez avec plaisirdésque vous
L'aurez connu , qu'il est digne de
l'estime d'un Prince aussi éclairé
qu'est le vôtre, & qu'il merite bien
qu'on vienne le voir, & l'admirer
des extrémitezde la terre. Quelque
grand qu'ilsoit par l'étendue
de ſes Etats , par la multitude de
SesSujets, par la beauté defes Villes,
parlafeconditédeſes campagnes,
parle nombre deses maisons , par
la magnificence deſes Palais , par
la pompe deſa Cour, par les forces
deſesArmées de Terre &de Mer,
&parles richeſſesdeſes Pierreries,
deses Meubles & de ses Finances
, il vous paroiſtra encore plus
élevéparsa Pieté&parsa Grandeur
d'Ame , que parsa Couronne
756 IV . P. du Voyage
& par son Trône ; & vous serez
ravis de justifier par votre propre
experience , le juſte difcernement de
vôtre Prince qui a sceu distinguerde
fi loinle merite incomparable dunôtre
, & qui luy a donné dans fon
esprit la preference au deſſus des autres
Potentats de l'Vnivers. Ce dif.
cernement & cette preference qui
établiſſent également la gloire des
deux Rois , contribuent avec éclat à
la vostre, Meſſeigneurs ; l'un vouS
áhonoré par la ſageſſe de ſon choix,
l'autre vous honorera bien toſtparſes
carreſſes , & parson eftime ; & le
feul souhait qui me reste à former
pour vous , c'est que jouissant d'une
parfaite santé durant tout le séjour
que vous ferez en nostre France ,
vous puissiez retourner heureuſement
dans vostre Patrie , comblez de grades
Amb de Siam. 157
tes &d'honneurs, remporter avec
vous au fond de l'ame, autant de ref
peit & d'amour pour la Religion
Chreſtinne , que doit en inspirer la
pieté jointe à la Majesté , dans la
personne facrée de Louis le Grand,
qui tout glorieux qu'il est dans la
Paix &dans la Guerre, faitsa principale
gloire, de foûteniravec dignité
l'auguſte Titre de Roy très- Chreftien,
& de Fils aisné de l'Eglife.