Adreffe de l'Univerfité de
Cambridge à la Reine.
Madame ,
Bien que nous avions eu
fouvent l'honneur d'approcher du Trône avec nos
Adreffes de joye , pour des
victoires remportées en
guerre , nous avons preſentement une occafion plus
convenable & plus confor-
GALANT. 245
de
me à nôtre profeſſion , de
congratuler Vôtre Majeſté
& vos Royaumes fur la vûë
prochaine d'une paix honorable & avantageuſe.
C'eft vôtre prerogative
inconteftable , de conclure
la paix , auffi - bien que
la commencer, & nous avons crû que nos interêts
dans la paix refidoient juftement en vôtre pouvoir ,
& étoient fûrement confiez
à vôtre ſageſle , même pendant que les negociations
étoient tenuës fecretes. Les
artifices même employez à
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246 MERCURE
d'illa traverfer n'ont produit
aucun autre effet , que
luftrer la bonté de V. M.
& de hâter la joye de vos
fujets , lorfque pour arrêter
les fauffes clameur de l'envie & des factions , vous
avez la condeſcendance de
faire part à vos peuples des
conditions glorieuſes fur
lefquelles vous negocież
pour eux.
VospredeceffeursRoïaux
ont fouvent pouffé des guer
res avec fuccés , & la valeur
Angloife a été long - temps
fameuſe par toutes les na-
GALANT. 247
tions du monde : mais alors
les avantages qu'on en pouvoit tirer échapoient ordinairement en perdant le
temps propre de traiter , &
laiffant marcher d'autres
gens devant nous , pour tirer leurs propres avantages
de nôtre fang & de nôtre
argent. Mais à cette heure
nôtre nation tirera un grand
honneur fous la conduite
vigilante de V. M. & la prudence fera une partie de
nôtre caractere , auffi-bien
que le courage &la magnanimité.
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248 MERCURE
le
C'étoit une chofe digne
dujugement &de la fageffe
de V. M. de fçavoir quand
il faudroit arrefter
cours de vos victoires , de
peur de renverser l'équili
bre de vôtre pouvoir , dans
les pays étrangers que vous
avez travaillé à établir , ou
d'épuifer entierement la
fource de la puiffance dans
le Royaume , en la dépenfant trop prodigalement &
trop inégalement , pour faire gagner de vaſtes acquifitions à d'autres gens , &
en tirer peu de profit pour
nous.
GALANT. 249
L'établiſſement que vous
avez fait de la fucceffion à
ces Royaumes dans vos illuftres affinitez de la Maifon d'Hanover , & vôtre
pieux interêt pour les Proteftans d'Allemagne , qui
avoit été negligé dans un
traité fait ci- devant , exigent que vôtre ClergéVous
en remercie avec une particuliere reconnoiffance.
L'affermiffement & l'étenduë de nôtre commerce national dans toutes fes parties , que vous avez pouſſez
plus loin quela Grande Bre-
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tagne n'en a jamais joüi ,
ni à quoy elle n'avoit jamais
auparavant aſpiré , excitent
une reconnoiffance univerfelle dans les cœurs de vôtre peuple , & le foin genereux que vous prenez de
vos alliez , en époufant vigoureuſement leurs juftes
interêts , & en leur procurant une barriere fuffifante,
rendra cette paix prochaifans doute Dieu
vous mettra en état de finir,
auffi generale & d'autant
d'étenduë que les limites
de l'Europe , & auſſi durane , que
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ble que les affaires humaines le peuvent permettre ;
de maniere qu'elle fera deformaisla gloire la plus brillante du regne heureux de
V. M. au-deffus des autres
lauriers que vous avez
cüeillis pendant une longue
guerre , accompagnée de
profperitez.