Résultats : 15 texte(s)
Détail
Liste
1
p. 5
VERS Pour mettre au dessous du portrait de M. de Seychelles, Contrôleur Général, Secrétaire & Ministre d'Etat.
Début :
Tel est ce Ministre fidele, [...]
Mots clefs :
Jean Moreau de Séchelles, Ministre
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texteReconnaissance textuelle : VERS Pour mettre au dessous du portrait de M. de Seychelles, Contrôleur Général, Secrétaire & Ministre d'Etat.
VERS
Pour mettre au deffous du portrait de M. de
Seychelles , Contrôleur Général , Sécrétaire
& Miniftre d'Etat.
T EL eft ce Miniftre fidelé ;
Placé par la vertu dans le confeil des Rois :
Son zéle , de Louis , juftifiera le choix :
C'eft Colbert qui revit fous les traits de Seychelle,
Pour mettre au deffous du portrait de M. de
Seychelles , Contrôleur Général , Sécrétaire
& Miniftre d'Etat.
T EL eft ce Miniftre fidelé ;
Placé par la vertu dans le confeil des Rois :
Son zéle , de Louis , juftifiera le choix :
C'eft Colbert qui revit fous les traits de Seychelle,
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2
p. 6
MADRIGAL.
Début :
Au tems heureux où regnoit l'innocence, [...]
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texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL.
MADRIGAL.
U tems heureux où regnoit l'innocence ,
On goûtoit en aimant mille & mille douceurs ;
Et les amours ne faifoient de dépenſe
Qu'en foins & qu'en tendres ardeurs.
Mais aujourd'hui , fans l'opulence
Il faut renoncer aux plaifirs ;
Un amant qui ne peut dépenfer qu'en foupirs
N'eft plus payé qu'en eſpérance.
U tems heureux où regnoit l'innocence ,
On goûtoit en aimant mille & mille douceurs ;
Et les amours ne faifoient de dépenſe
Qu'en foins & qu'en tendres ardeurs.
Mais aujourd'hui , fans l'opulence
Il faut renoncer aux plaifirs ;
Un amant qui ne peut dépenfer qu'en foupirs
N'eft plus payé qu'en eſpérance.
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3
p. 6
A MADAME LA M. DE S....
Début :
Je crains l'Amour, [...]
Mots clefs :
Amour
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texteReconnaissance textuelle : A MADAME LA M. DE S....
A MADAME LA M. DE S ....
J E crains l'Amour ,
Je fuirai fon empire ,
Me difoit l'autre jour
La charmante Thémire.
Eh! pourquoi donc le redouter ainfi ?
Ses avantages font fans nombre ;
Raffurez-vous , ce n'eft pas un efprit ,
Vous vous effrayez de votre ombre.
Par M. de C. D.
J E crains l'Amour ,
Je fuirai fon empire ,
Me difoit l'autre jour
La charmante Thémire.
Eh! pourquoi donc le redouter ainfi ?
Ses avantages font fans nombre ;
Raffurez-vous , ce n'eft pas un efprit ,
Vous vous effrayez de votre ombre.
Par M. de C. D.
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4
p. 7-26
L'ORIGINE DES EVENTAILS, A MADEMOISELLE .....
Début :
J'ai cru long tems, avec vous, Mademoiselle, que les éventails n'étoient [...]
Mots clefs :
Éventail, Éventails, Amour, Flore, Dame, Déesse, Dieux, Homme, Bosquet, Nymphe, Origine, Zéphyr
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texteReconnaissance textuelle : L'ORIGINE DES EVENTAILS, A MADEMOISELLE .....
L'ORIGINE
DES EVENTAILS
A MADEMOISELLE ....
•
J'ai cru long moiſelle , qu-teemlses, aévveenctaviolussn,'éMtaodieen-t
autre chofe que l'invention de quelque artifan
affez habile pour avoir fçu (paffez- moi
la métamorphofe ) renfermer des zéphirs
dans un morceau de papier ou de taffetas.
Je n'y vois point d'autre avantage
Pour les Dames , que l'agrément
D'avoir à leur commandement
Le fouffle que zéphir avoit feul en partage
Avant que l'on eut l'art de captiver le vent.
Vous penfiez la même chofe , Mademoifelle
, mais nous ne connoiffions gueres
, ni l'un ni l'autre , la véritable origine
& les magnifiques propriétés des éventails .
J'ai été tiré d'erreur par l'aventure dont je
vous ai promis la narration ; elle vous paroîtra
merveilleufe , mais fongez que la
vérité même a fes merveilles , & que cette
hiftoire peut être vraie , quoiqu'elle ne
paroiffe pas tout-à-fait vraisemblable .
A iv
8 MERCURE DE FRANCE.
J'aime mieux , après tout , une plaifante fable ,
Qui peut mener l'efprit à quelque vérité ,
Que quelque hiftoire véritable ,
Sans but & fans moralité.
y aura un an l'été prochain , qu'après
m'être promené feul dans le Luxembourg
pendant un affez long tems , je fus me repofer
dans un bofquet de cet agréable jardin
, l'un des ornemens de Paris , quoique
la nature feule en faffe les frais , & que
l'art ne fe mette point en peine de le cultiver.
Il étoit près de huit heures du foir ; je
ne m'apperçus point en entrant dans le
bofquet que je marchois fur quelque chofe
; une efpéce de cri me fit regarder à
terre : un éventail fort joli étoit à mes
pieds ; je le ramaffai ; je ne fçais quel mouvement
fecret me fit defirer alors de connoître
la perfonne à qui cet éventail appartenoit.
Peut-être alors mon coeur étoit- il entraîné
Par ce doux inſtinct qui nous guide ,
Quand , par le moindre objet , l'homme eft déter
miné
A voler d'une aîle rapide
Wers le fexe enchanteur pour lequel il eft né.
Quoiqu'il en foit , je m'écriai fur le
MARS.
champ , & fans y penfer : à qui l'éventail ?
perfonne ne m'ayant répondu , j'allois le
mettre dans ma poche , lorfqu'une voix
me cria ; ami , que ne daignes-tu me demander
à moi -même à qui j'appartiens ?
Vous jugez bien , Mademoifelle , que
cette voix me furprit étrangement. Je regardai
de tous côtés , je ne découvris perfonne
l'épouvante commença à fuccéder
à l'étonnement : étoit- ce un démon ? étoitce
un génie ? les uns & les autres habitent
les bofquets. Cette voix n'avoit point un
corps , ou ce corps étoit invifible : dans
cette étrange conjoncture , je me rappellai
le fens du difcours , & mon étonnement
redoubla ; il paroiffoit même que l'éventail
m'avoit apoftrophé : nouveau fujet d'inquiétude
.
» Je vois ta ſurpriſe ( continua la voix ) ;
» c'eſt une preuve de ton ignorance.
Ami , tulanguis , je le voi ,
Dans les préjugés du vulgaire ;
Ton efprit ne recherche & ne découvre en moi
Qu'un inftrument fort ordinaire.
Je fçais qu'un éventail , pour un eſprit borné ,
N'eft qu'un morceau d'ivoire , un taffetas orné
D'une peinture inanimée :
Tandis qu'aux Dames deſtiné
Ce bijou , d'un zéphif , tient l'ame renfermée.
A v
10 MERCURE DE FRANCE .
Ainfi donc , ô mortels ! à l'écorce attachés ,
Vous voyez tout le refte avec indifférence ;
Etfous nombre d'objets fimples en apparence
Vous ne pénétrez pas quels tréfors font cachés .
La voix pourfuivit , affis -toi fur ce ga
zon , approches l'éventail de ton oreille
& redoubles d'attention .
L'éventail que tu tiens n'eft autre chofe
qu'un malheureux zéphir , à qui fon inconftance
a couté cher.
J'aimois Flore , & j'en étois aimé , lorfque
ma légereté naturelle me fit voler vers
Pomone ; je trouvai fon coeur occupé ,
Vertumne étoit heureux .
Après avoir parcouru les états de quelques
autres divinités , je revins à Flore ;
elle m'aimoit toujours , & elle me pardonna
ma petite infidélité.
En amour la défertion
Nous infpire fouvent une ferveur nouvelle
Pour le premier objet de notre paffion.
Ne craignons point l'impreffion
Qu'une infidelité fera fur une belle ,
Pourvû que le bon goût & la réflexion,
Sçache nous ramener à propos auprès d'elle :
De ne faire jamais qu'un choix ,
Belles, fi vos amans fe faifoient une affaire ;
MARS. II 1755.
Votre gloire y perdroit , c'eft une choſe claire ;
De quatre amans , foumis tour à tour à vos loix ,
Il faudroit en retrancher trois.
Il faut bien , pour vous fatisfaire ,
Que notre coeur ait quelquefois
Des facrifices à vous faire.
Suivant cette maxime , mon retour vers
La Déeffe ne me guérit point de l'inconftance
; on eût dit que j'étois né François .
Lorfque je revins à la cour de Flore , j'y
trouvai une jeune nymphe fort aimable ,
& que je n'avois pas encore vûe ; on la
nommoit Aglaé : la voir & l'aimer fut mon
premier mouvement ; le fecond fut de
chercher à lui plaire. Aglaé avoit un coeur
neuf : conquête flatteufe ! je n'épargnai
rien pour me la procurer ; mais ce n'étoit
pas fans précautions : mon humeur volage
avoit rendu Flore clairvoyante.
Ce n'étoit pas une merveille.
Un amour trop certain de fa félicité ,
S'affoupit dans les bras de la fécurité ;
Mais il s'agite & ſe réveille ,
Dès qu'il entend la voix de l'infidelité .
J'étois obfervé de fi près que je fus
bien huit jours entiers à brûler conftamment
fans pouvoir le déclarer à l'aimable
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
Aglaé ; cependant au bout de ce long ter
me , Flore ayant été appellée au confeil
des Dieux , pour l'ornement d'une fête que
Jupiter vouloit donner , fon abſence me
laiffa la liberté d'entretenir mon adorable
nymphe : je ne fçais fi elle avoit deviné
que j'aurois à lui parler ; elle fe difpenfa ,
fur quelque prétexte , de fuivre la Déeffe.
Quant à moi je trouvai le fecret de m'échapper
de la falle du confeil olympique ,
& je volai vers Aglaé .
Elle fe promenoit dans les jardins del
Flore : eh quoi ! me dit- elle d'un air tout
charmant , vous n'êtes donc pas refté avec
la Déeffe ? croyez- vous , lui dis- je , ô mon
aimable Aglaé , qu'il y ait des fêtes pour
moi où vous n'êtes pas ? alors je me jettai
à fes genoux , & je lui déclarai avec tranfport
l'amour qu'elle m'avoit infpirée.
Que faites-vous ? s'écria-t elle , que deviendrois-
je fi Flore nous furprenoit enfemble
? Ne craignez rien , chere Aglaé ,
Flore eft retenue dans les cieux ; n'ayez
d'attention que pour un amant qui ne voit
que vous.
Ah ! par une crainte frivole
Pourquoi troublerons -nous ces momens fortunés ?
Déja cet heureux tems s'envole ,
Cruelle , & vous l'empoifonnez.
MARS. 1755 : 13
Hélas ! me répondit Aglaé , avec une
fimplicité trifte & naïve , je vous écoutois
il y a quelques jours parler à Flore , vous
fui juriez un amour éternel , & vous m'aimez
, dites-vous ? Oui , répliquai -je auffitôt
en prenant une de fes belles mains :
oui , belle Aglaé , je vous adore , & je
n'adore que vous feule ; êtes - vous déterminée
à m'ôter tout eſpoir , à moi , l'amant
le plus tendre & le plus fidele qui fut
jamais ?
Sur ces fermens , continua l'Eventail ,
en s'interrompant lui - même , vous me
croyez peut- être le plus traître de tous
les zéphirs , vous m'accufez de perfidie . t.
Mais ce feroit me faire injure ;
L'inconftance eft l'effet d'une invincible loi :
Et l'amant volage eſt parjure
Sans être de mauvaiſe foi.
Cependant le ceeur rempli de ma nouvelle
paffion , j'attendois aux pieds d'Aglaé
qu'elle daignât prononcer mon arrêt : Levez
-vous , me dit - elle , je tremble que
Flore ne furvienne . Eh ! quoi , lui répliquai-
je , toujours des craintes , & pas
le
moindre efpoir ! Que voulez- vous que je
vous dife , me répondit Aglaé , en tourmant
vers moi les plus beaux yeux du monde
? .... Ah ! Zephir , vous avez aimé
12 MERCURE DE FRANCE.
Aglaé ; cependant au bout de ce long ter
me , Flore ayant été appellée au confeil
des Dieux , pour l'ornement d'une fête que
Jupiter vouloit donner , fon abfence me
laiffa la liberté d'entretenir mon adorable
nymphe : je ne fçais fi elle avoit deviné
que j'aurois à lui parler ; elle fe difpenfa ,
fur quelque prétexte , de fuivre la Déeſſe.
Quant à moi je trouvai le fecret de m'échapper
de la falle du confeil olympique ,
& je volai vers Aglaé.
Élle ſe promenoit dans les jardins de
Flore : eh quoi ! me dit- elle d'un air tout
charmant , vous n'êtes donc pas refté avec
la Déeffe ? croyez- vous , lui dis- je , ô mon
aimable Aglaé , qu'il y ait des fêtes pour
moi où vous n'êtes pas ? alors je me jettai
à fes genoux , & je lui déclarai avec tranfport
l'amour qu'elle m'avoit infpirée.
Que faites-vous ? s'écria-t elle , que deviendrois-
je fi Flore nous furprenoit enfemble
? Ne craignez rien , chere Aglaé ,
Flore eft retenue dans les cieux ; n'ayez
d'attention que pour un amant qui ne voit
que vous.
Ah ! par une crainte frivole
Pourquoi troublerons-nous ces momens fortunés ?
Déja cet heureux tems s'envole ,
Cruelle , & vous l'empoifonnez.
MARS . 1755: 13
Hélas ! me répondit Aglaé , avec une
fimplicité trifte & naïve , je vous écoutois
il y a quelques jours parler à Flore , vous
fui
juriez un amour éternel , & vous m'aimez
, dites-vous ? Oui , répliquai-je auffitôt
en prenant une de fes belles mains
oui , belle Aglaé , je vous adore , & je
n'adore que vous feule ; êtes- vous déterminée
à m'ôter tout eſpoir , à moi , l'amant
le plus tendre & le plus fidele qui fut
jamais ?
Sur ces fermens , continua l'Eventail ,
en s'interrompant lui - même , vous me
croyez peut-être le plus traître de tous
les zéphirs , vous m'accufez de perfidie.
Mais ce feroit me faire injure ;
L'inconftance eft l'effet d'une invincible loi :
Et l'amant volage eft parjure
Sans être de mauvaiſe foi.
Cependant le ceeur rempli de ma nouvelle
paffion , j'attendois aux pieds d'Aglaé
qu'elle daignât prononcer mon arrêt : Levez
- vous , me dit - elle , je tremble que
Flore ne furvienne . Eh ! quoi , lui répliquai-
je , toujours des craintes , & pas
moindre efpoir ! Que voulez- vous que je
vous dife , me répondit Aglaé , en tourmant
vers moi les plus beaux yeux du monde
? .... Ah ! Zephir , vous avez aimé
le
14 MERCURE DE FRANCE.
1
Flore ..... que je ferois à plaindre fi vous
changiez une feconde fois ! A ces mots
elle difparut.
Depuis ce moment elle m'évitoit , elle
s'obfervoit elle - même , elle fembloit fe repentir
d'une indifcrétion ; enforte que je
fus quelques jours fans pouvoir m'affurer
plus pofitivement de fes difpofitions à mon
égard : peut-être , me répondrez - vous ,
qu'elle m'en avoit affez dit à
Mais quel eft l'aveu favorable
Qui foit , je ne dis pas égal , mais comparable
A ce je vous aime charmant
Que l'on trouve fi defirable ?
Ces trois mots échappés d'une bouche adorable ,
Peuvent feuls contenter la maîtreffe & l'amant .
L'attente d'un aveu fi cher m'avoit rendu
rêveur contre mon ordinaire . Ma rêverie
me conduifit un jour dans une allée
fombre où le promenoit Aglaé. Dès qu'elle
me vit , elle entra , pour m'éviter , dans un
cabinet de rofiers , voifin d'un bofquet de
myrtes , où Flore alloit quelquefois fe repofer.
La jeune Nymphe ne foupçonnoit
pas que je l'euffe apperçue : j'étois à fes
genoux avant qu'elle eût fongé à m'ordonner
de me retirer . Elle voulut fortir ; je
Parrêtai : Ne craignez rien , lui dis-je , belle
Aglaé !
MARS . 1755.
Que mon empreffement ne vous foit point fufpect
:
Ma tendreffe pour vous eft pure & légitime ;
Le véritable amour est fondé fur l'eftime ,
Et l'eftime eft fuivie en tout tems du reſpect.
- Elle parut fe raffurer : une défiance affectée
eft fouvent plus dangereufe dans ces
occafions qu'une noble confiance mêlée
d'une fierté qui en impoſe à l'amant le plus
empreffé.
Je me défierois d'une prude
Qui me quitteroit brufquement ,
Ou me chafferoit d'un air rude ;
La vertu bien fincere agit tout fimplement.
4
Nous nous mîmes à caufer tranquillement.
Aglaé continua de cueillir des rofes
pour s'en faire un bouquet. J'en avois apperçu
une , la plus belle du monde , dans
un coin du cabinet : j'allois la cueillir
lorfqu'une épine me piqua fi vivement
qu'il m'échappa une plainte que la tendre
Aglaé accompagna d'un cri,: tous deux
nous trahirent .
Hélas ! les rofes les plus belles ,
Et qui par leur éclat charment le plus nos yeux ,
Cachent aux regards curieux
Les épines les plus cruelles.
16 MERCURE DE FRANCE.
Le plus fage feroit de n'en point approcher.
Mais , quoi ! de tant d'attraits le ciel les a pour
vûes ,
Que du moment qu'on les a vûes
On rifque tout pour les toucher .
Flore dormoit dans le bofquet demyrte ;
le cri d'Aglaé la réveilla ; elle accourut dans
le cabinet des rofiers : Dieux ! quel fut fon
étonnement ! Aglaé étoit affife fur un banc
de gazon , j'étois à genoux devant elle ,
tandis qu'avec un mouchoir de mouffeline
, l'aimable Nymphe fe hâtoit d'étancher
le fang qui fortoit de la piquûre que
je m'étois faire : la bleffure en elle-même
étoit peu de chofe ; mais eft - il de légers
accidens en amour ? Aglaé découvroit dans
fon action cet empreffement mêlé de crainte
que l'on a dans ces fortes d'occafions
pour les perfonnes que l'on aime.
En amour , le péril eft la pierre de touche :
Alors , quoiqu'une belle ait formé le projet
De tenir en filence & fes yeux & fa bouche ;
Dans le moindre accident qui frappe un cher ob
jet ,
L'ame fe réunit à celle qui la touche , :
Et la beauté la plus farouche
De fes craintes bientôt découvre le fujet.
Cette entrevûe auffi fatale pour nous
MARS. 1755. 17
que pour la Déeffe , ne fit que juftifier des
foupçons qu'elle avoit déja conçus : elle
diffimula cependant , & parut même plus
tranquille fur mon compte ; mais elle méditoit
une vengeance qui devoir m'ôter
pour toujours le defir , ou , fi vous voulez
, le plaifir de changer .
Quelques jours après cet incident , Flore
fit avertir Aglaé de venir lui parler en
particulier la pauvre Nymphe obéit en
tremblant. Raffurez- vous , lui dit -elle , je
ne veux point vous faire de mal ; je fuis
charmée , puifque Zéphir m'abandonne
que ce foit du moins pour une perfonne
qui le mérite. Mais , Aglaé , quand vous
lui avez permis quelque efpérance , avez .
vous bien refléchi fur le caractere de votre
amant ? les fermens qu'il vous a faits fans
doute , ne me les avoit- il pas faits à moi
même ? que dis-je ? ne me les avoit- il pas
mille fois réitérés ? avez - vous plus d'em
pire fur lui que je crois en avoir ? & s'il
change encore quelle fera votre deftinée
?
>
Au commencement de ce difcours
Aglaé n'avoit reffenti que de la confufion :
ces derniers mots lui firent répandre des
larmes ; elles furent fa réponſe.
Je vous plains d'autant plus , continua
la Déeffe , que vous aimez de bonne foi
18 MERCURE DE FRANCE.
le plus volage de tous les amans ; il eft cependant
pour vous un moyen de prévenir
fon infidélité. On vient de me faire préfent
d'une petite baguette d'ivoire qui a
la vertu de fixer les inconftans : je vous
la donne , j'en aurois fait ufage pour moimême
, fi Zéphir ne m'eût point quittée
pour vous : il n'eft plus tems , & peut-être
même que demain il feroit trop tard pour
vous.
Incapable de trahisons ;
La fincere vertu l'eft auffi de foupçons.
Aglaé ne vit dans cette offre de Flore
qu'une marque de protection . Elle fortit
après avoir baifé la main de la Déeffe
avec le témoignage de la plus vive reconnoiſſance
. Hélas ! elle ne prévoyoit pas
combien ce préfent alloit nous être fatal
à tous les deux .
Elle accourut d'un air gai me faire part de
la prétendue clémence de Flore ; mais elle
ne me dit rien de la fatale baguette, dans la
crainte apparemment d'en empêcher l'effet .
Je ne me défiois de rien : la gaité d'Aglaé
me charmoit ; je me mis à folâtrer avec
elle : j'apperçus la petite baguette d'ivoire ,
je la trouvai jolie : je voulus la dérober ' ;
Aglaé la retint , elle m'en donna en badiMARS.
1755 . 19
nant de petits coups fur les ailes : funefte
badinage !
A peine cus-je été frappé du fatal préfent
de Flore , qu'il fe fit en moi une métamorphofe
auffi prompte que prodigieufe.
La baguette enchantée fe fendit en plu
fieurs petites languettes minces qui forment
les bâtons que vous tenez : mes aîles
s'étant réunies auffi - tôt , fe colerent fur
l'ivoire , & formerent ce que l'on appelle
vulgairement un éventail fuis toujours
Zéphir , quoique j'aie perdu mon ancienne
forme.
En fuis-je donc moins eftimable
N'ai- je pas confervé l'heureufe faculté
De répandre dans l'air cette fraîcheur aimable
Qui défend la beauté
Contre les chaleurs de l'été ?
En vain l'aftre du jour veut lui faire la guerre ,
J'ai l'art de l'en débarraffer.
Ce font toujours les fleurs que j'aime à careffer ;
Non celles qu'autrefois j'aimois dans un parterre ,
Mais celles que les Dieux ont pris foin de verfer
Sur le teint éclatant des Reines de la terre.
Mon changement en éventail fut pour
Aglaé le coup le plus terrible . J'ai fçu depuis
qu'elle n'avoit pû furvivre à mon
malheur , & j'ofe ajouter au fien . Pou
20 MERCURE DE FRANCE.
voit elle defirer de me fixer à ce prix ?
J'ai paffé en différentes mains depuis ma
métamorphofe ; les Dieux m'ont laiffé l'ufage
de la parole pour inftruire l'univers
de mon origine & de mes différentes propriétés.
Comment ( dis- je au Zéphir métamor
phofé ) , vous fervez donc à plus d'une
chofe ?
Que tu es novice , me répondit-il , Â
tu ignores en combien de manieres je puiš
être utile au beau fexe !
Vas , crois- moi , ce feroit trop peu pour
les Dames de n'avoir en moi qu'un zéphir
à leurs ordres , il eft des occafions où je
leur fuis d'une toute autre utilité.
Croirois-tu , par exemple , que j'ai bonne
part à certaines converfations ? Il y a
quelque tems que j'appartenois à une jeune
veuve , qui dans ces fortes de cas
fe fervoit de moi merveilleufement bien.
Comme elle a de la beauté , mais peu
d'efprit ,
S'entend-elle agacer par quelque compliment
Elle répond fuccintement ;
Mais elle fçait en récompenſe
Badiner fort éloquemment
Avec fon éventail , dont le jeu la difpenfe
De s'énoncer plus clairement :
MARS. 1755. 21
O! l'agréable truchement !
Sans faire plus grande dépenſe
Et d'efprit & de jugement ,
Dans un cercle , Cloris fe donne adroitement
L'air d'une perfonne qui penſe ;
Et l'évantail alors fert admirablement.
Elle le tient appuyé fur fes levres , à peu
près dans l'attitude du Dieu du filence repréfenté
tenant un cachet ou fon doigt fur
fa bouche. C'eft ainfi qu'une fotte rêverie
paffe pour une fpirituelle méditation .
Que de Dames fort eftimables d'ailleurs , à
qui il n'en a jamais coûté qu'une femblable
attitude , pour fe donner dans le monde
la réputation d'êtres penfans !
yeut-on de l'éventail faire quelqu'autre ufage ?
Que l'on me tienne déployé ,
Et qu'alors je fois employé
A cacher , de côté , la moitié du viſage :
Voilà dans un monde poli-,
Et le voile le plus modeſte ,
Et le mafque le plus joli
Pour en faire accroire de refte ,
Aux oncles , aux tuteurs , aux papas , aux ma
mans ,
Aux maris , & même aux amans, -
C'eft ainfi qu'à fa confidente ,
Ou bien à fon héros , une fille prudente
22 MERCURE DE FRANCE.
Parle à l'abri de l'éventail ;
Car on n'affiche plus l'amour à fon de trompe ,
Et ce n'eft plus en gros , meres , que l'on vous
trompe :
On aime à petit bruit , & l'on dupe en détail.
Cette façon de mafque eft encore à l'ufage
des Dames , qui fe difent à l'oreille
de jolis riens ; elles leur donnent par là
un air d'importance & de myftere. Autre
avantage que l'on retire de l'éventail,
Sur l'objet de fa paſſion ,
L'éloquence d'un homme aimable
Fait-elle quelque impreffion ?
On cache une rougeur ou fauffe ou véritable
Avec un éventail , dont on fçait ſe couvrir ;
Et quelquefois auffi c'eft un tour plein d'adrefle
Pour faire deviner des fignes de tendreffe
Que la bouche balance encore à découvrir.
Un jeune Cavalier , moins fage qu'amoureux ¿
Qu'un tendre aveu rend téméraire ,
Ofe-t-il hazarder quelque gefte contraire
A ce que la décence exige de fes feux
Mieux que par une réprimande ,
Par un coup d'éventail , le tendron irrité
En impofe au galant , qui s'étoit écarté
la raifon commande .
De ce que
Mais j'entends que l'on me demande
Si le coup d'éventail eft donné des plus lourds ;
MARS.
23 1755 .
Je réponds : des amans faifons la différence ,
On bat ceux que l'on voit avec indifférence
Mais on fait patte de velours
Sur le galant de préférence ,
Au furplus , cette partie de mon exer
cice eft celle qui demande le plus de précifion
l'amour eft un enfant bien malin ;
fouvent on l'agace en croyant le rebuter ;
c'eſt aux Dames à ne pas s'y méprendre .
:
Que vous dirai-je encore ? je connois
une vieille Marquife , dont la foibleſſe eſt
de vouloir être regardée : elle y réuffic
quelquefois par la fingularité de fon ajuſtement.
Il y a quelque tems qu'elle fe faufila
dans une compagnie de jeunes perfonnes
de l'un & de l'autre fexe ; elle quête
des regards , à peine y fait- on attention :
la pauvre
Marquife
étoit
ifolée
au milieu
de douze
perfonnes
. Pour
derniere
reffource
, elle laiſſe
tomber
fon éventail
;
un jeune
homme
le ramaffe
, le rend poliment
à la Marquife
, & fe tourne
de l'autre
côté. La formalité
remplie
, il ne fut
pas feulement
queſtion
d'un clin d'oeil
, il
fallut
fortir
fans avoir
eu le bonheur
de fe
faire
regarder.
Une jeune Agnès fe fert plus heureuſement
du même ſtratagême ; fon amant lui
écrit , elle fait une réponse ; l'embarras eft
24 MERCURE DE FRANCE.
de la donner fans que l'on s'en apperçoive
; on attend l'occafion que l'on foit à
côté l'un de l'autre : l'Agnès laiffe adroitement
tomber l'éventail , le jeune Cavalier
le ramaffe , le préfente à fa maîtreffe , qui
faifit l'inftant pour lui gliffer dans la main
le billet qu'elle tehoit tout prêt dans la
fienne .
Eh ! que d'autres beautés en uferoient
ainfi !
Quelquefois
il arrive auffi
Qu'avec un air diftrait & fimple en apparence ,
Mais au fond , avec un air fin ,
En fe mettant au jeu , l'on donne à ſon voiſin
L'éventail à garder : aimable préférence !
Enfuite on feint de l'oublier
Lorfqu'à s'expliquer on héfite ,
Et cet heureux oubli fournit au cavalier
Un pretexte innocent de premiere vifite..
En un mot , je n'aurois jamais fait fi je
voulois vous développer dans toutes fes
parties le fublime exercice de l'éventail :
il répond à ceux du chapeau , de la canne ,
& de la tabatiere ; c'eft tout dire.
Et je ne vous parle que de ce que je
fçais , fans compter les méthodes que je
puis ignorer , mes confreres les ayant imaginées
fans moi . Car il eft bon de vous
dire que plufieurs zéphirs ont été tentés ,
fur
MARS . 1755. 25
fur mon exemple d'être métamorphofés en
éventails ; quelques uns par malice , d'autres
pour réparer de bonne foi la réputation
de légereté qui les avoient perdus
auprès des Dames , par les fervices continuels
qu'ils leur rendent ; & les Dames ,
à leur tour , par un motif de reconnoiffance
ou d'intérêt , ne nous abandonnent
pas même dans la faifon où les zéphyrs
font de trop preuve remarquable de toutes
nos autres propriétés,
Que d'éventails grands & petits ,
Pourroient vous raconter la choſe ;
Si tous les inconftans étoient affujettis
A la même métamorphofe ?
On affure même , continua le zéphyr ,
que les Cavaliers François , & fur-tout les
petits-maîtres , ont imaginé depuis peu
de porter en été des éventails de poche .
Après avoir partagé avec les Dames les .
mouches , le rouge , & les ponpons , je ne
crois pas que ces Meffieurs rifquent de
paroître plus ridicules en partageant auffi
l'exercice de l'éventail.
A peine mon zéphyr hiftorien eut - il
achevé ces mots , que je fus abordé par
un grand jeune homme , qu'il me dit être
de robe : il me demanda fi dans ce même
endroit je n'avois pas trouvé par hazard
B
26 MERCURE DE FRANCE .
l'éventail qu'une Dame avoit égaré. Pendant
qu'il me faifoit une longue defcription
de l'éventail , le zéphyr me dit
à l'oreille : voilà le favori de ma maîtreffe ;
c'est une actrice fort aimable : ce jeune
Confeiller l'avoit accompagnée dans ce
bofquet ; mais dès qu'ils ont apperçu certain
plumet , concurrent redoutable pour
un homme de robe , ils fe font levés avec
tant de précipitation que l'éventail eft reſté
fur la place. Cela m'arrive fouvent dans les
tête-à-têtes. Adieu .
Je rendis au Confeiller l'éventail de fa
Déefle , & je me retirai plein de réflexions
qu'une matiere auffi intéreffante ne doit
pas manquer d'infpirer .
Voilà , Mademoiſelle , l'Origine des éventails.
Et voilà , foit dit entre nous •
Ce que je n'aurois point griffonné pour toute autre.
A propos d'éventail , fi l'Amour d'un air doux
Venoit fe mettre à vos genoux ,
Croyez-moi , fervez - vous du vôtre
Pour le repouffer loin de vous ;
Je le connois , le bon apôtre ,
Le plus fage fait bien des fous.
DES EVENTAILS
A MADEMOISELLE ....
•
J'ai cru long moiſelle , qu-teemlses, aévveenctaviolussn,'éMtaodieen-t
autre chofe que l'invention de quelque artifan
affez habile pour avoir fçu (paffez- moi
la métamorphofe ) renfermer des zéphirs
dans un morceau de papier ou de taffetas.
Je n'y vois point d'autre avantage
Pour les Dames , que l'agrément
D'avoir à leur commandement
Le fouffle que zéphir avoit feul en partage
Avant que l'on eut l'art de captiver le vent.
Vous penfiez la même chofe , Mademoifelle
, mais nous ne connoiffions gueres
, ni l'un ni l'autre , la véritable origine
& les magnifiques propriétés des éventails .
J'ai été tiré d'erreur par l'aventure dont je
vous ai promis la narration ; elle vous paroîtra
merveilleufe , mais fongez que la
vérité même a fes merveilles , & que cette
hiftoire peut être vraie , quoiqu'elle ne
paroiffe pas tout-à-fait vraisemblable .
A iv
8 MERCURE DE FRANCE.
J'aime mieux , après tout , une plaifante fable ,
Qui peut mener l'efprit à quelque vérité ,
Que quelque hiftoire véritable ,
Sans but & fans moralité.
y aura un an l'été prochain , qu'après
m'être promené feul dans le Luxembourg
pendant un affez long tems , je fus me repofer
dans un bofquet de cet agréable jardin
, l'un des ornemens de Paris , quoique
la nature feule en faffe les frais , & que
l'art ne fe mette point en peine de le cultiver.
Il étoit près de huit heures du foir ; je
ne m'apperçus point en entrant dans le
bofquet que je marchois fur quelque chofe
; une efpéce de cri me fit regarder à
terre : un éventail fort joli étoit à mes
pieds ; je le ramaffai ; je ne fçais quel mouvement
fecret me fit defirer alors de connoître
la perfonne à qui cet éventail appartenoit.
Peut-être alors mon coeur étoit- il entraîné
Par ce doux inſtinct qui nous guide ,
Quand , par le moindre objet , l'homme eft déter
miné
A voler d'une aîle rapide
Wers le fexe enchanteur pour lequel il eft né.
Quoiqu'il en foit , je m'écriai fur le
MARS.
champ , & fans y penfer : à qui l'éventail ?
perfonne ne m'ayant répondu , j'allois le
mettre dans ma poche , lorfqu'une voix
me cria ; ami , que ne daignes-tu me demander
à moi -même à qui j'appartiens ?
Vous jugez bien , Mademoifelle , que
cette voix me furprit étrangement. Je regardai
de tous côtés , je ne découvris perfonne
l'épouvante commença à fuccéder
à l'étonnement : étoit- ce un démon ? étoitce
un génie ? les uns & les autres habitent
les bofquets. Cette voix n'avoit point un
corps , ou ce corps étoit invifible : dans
cette étrange conjoncture , je me rappellai
le fens du difcours , & mon étonnement
redoubla ; il paroiffoit même que l'éventail
m'avoit apoftrophé : nouveau fujet d'inquiétude
.
» Je vois ta ſurpriſe ( continua la voix ) ;
» c'eſt une preuve de ton ignorance.
Ami , tulanguis , je le voi ,
Dans les préjugés du vulgaire ;
Ton efprit ne recherche & ne découvre en moi
Qu'un inftrument fort ordinaire.
Je fçais qu'un éventail , pour un eſprit borné ,
N'eft qu'un morceau d'ivoire , un taffetas orné
D'une peinture inanimée :
Tandis qu'aux Dames deſtiné
Ce bijou , d'un zéphif , tient l'ame renfermée.
A v
10 MERCURE DE FRANCE .
Ainfi donc , ô mortels ! à l'écorce attachés ,
Vous voyez tout le refte avec indifférence ;
Etfous nombre d'objets fimples en apparence
Vous ne pénétrez pas quels tréfors font cachés .
La voix pourfuivit , affis -toi fur ce ga
zon , approches l'éventail de ton oreille
& redoubles d'attention .
L'éventail que tu tiens n'eft autre chofe
qu'un malheureux zéphir , à qui fon inconftance
a couté cher.
J'aimois Flore , & j'en étois aimé , lorfque
ma légereté naturelle me fit voler vers
Pomone ; je trouvai fon coeur occupé ,
Vertumne étoit heureux .
Après avoir parcouru les états de quelques
autres divinités , je revins à Flore ;
elle m'aimoit toujours , & elle me pardonna
ma petite infidélité.
En amour la défertion
Nous infpire fouvent une ferveur nouvelle
Pour le premier objet de notre paffion.
Ne craignons point l'impreffion
Qu'une infidelité fera fur une belle ,
Pourvû que le bon goût & la réflexion,
Sçache nous ramener à propos auprès d'elle :
De ne faire jamais qu'un choix ,
Belles, fi vos amans fe faifoient une affaire ;
MARS. II 1755.
Votre gloire y perdroit , c'eft une choſe claire ;
De quatre amans , foumis tour à tour à vos loix ,
Il faudroit en retrancher trois.
Il faut bien , pour vous fatisfaire ,
Que notre coeur ait quelquefois
Des facrifices à vous faire.
Suivant cette maxime , mon retour vers
La Déeffe ne me guérit point de l'inconftance
; on eût dit que j'étois né François .
Lorfque je revins à la cour de Flore , j'y
trouvai une jeune nymphe fort aimable ,
& que je n'avois pas encore vûe ; on la
nommoit Aglaé : la voir & l'aimer fut mon
premier mouvement ; le fecond fut de
chercher à lui plaire. Aglaé avoit un coeur
neuf : conquête flatteufe ! je n'épargnai
rien pour me la procurer ; mais ce n'étoit
pas fans précautions : mon humeur volage
avoit rendu Flore clairvoyante.
Ce n'étoit pas une merveille.
Un amour trop certain de fa félicité ,
S'affoupit dans les bras de la fécurité ;
Mais il s'agite & ſe réveille ,
Dès qu'il entend la voix de l'infidelité .
J'étois obfervé de fi près que je fus
bien huit jours entiers à brûler conftamment
fans pouvoir le déclarer à l'aimable
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
Aglaé ; cependant au bout de ce long ter
me , Flore ayant été appellée au confeil
des Dieux , pour l'ornement d'une fête que
Jupiter vouloit donner , fon abſence me
laiffa la liberté d'entretenir mon adorable
nymphe : je ne fçais fi elle avoit deviné
que j'aurois à lui parler ; elle fe difpenfa ,
fur quelque prétexte , de fuivre la Déeffe.
Quant à moi je trouvai le fecret de m'échapper
de la falle du confeil olympique ,
& je volai vers Aglaé .
Elle fe promenoit dans les jardins del
Flore : eh quoi ! me dit- elle d'un air tout
charmant , vous n'êtes donc pas refté avec
la Déeffe ? croyez- vous , lui dis- je , ô mon
aimable Aglaé , qu'il y ait des fêtes pour
moi où vous n'êtes pas ? alors je me jettai
à fes genoux , & je lui déclarai avec tranfport
l'amour qu'elle m'avoit infpirée.
Que faites-vous ? s'écria-t elle , que deviendrois-
je fi Flore nous furprenoit enfemble
? Ne craignez rien , chere Aglaé ,
Flore eft retenue dans les cieux ; n'ayez
d'attention que pour un amant qui ne voit
que vous.
Ah ! par une crainte frivole
Pourquoi troublerons -nous ces momens fortunés ?
Déja cet heureux tems s'envole ,
Cruelle , & vous l'empoifonnez.
MARS. 1755 : 13
Hélas ! me répondit Aglaé , avec une
fimplicité trifte & naïve , je vous écoutois
il y a quelques jours parler à Flore , vous
fui juriez un amour éternel , & vous m'aimez
, dites-vous ? Oui , répliquai -je auffitôt
en prenant une de fes belles mains :
oui , belle Aglaé , je vous adore , & je
n'adore que vous feule ; êtes - vous déterminée
à m'ôter tout eſpoir , à moi , l'amant
le plus tendre & le plus fidele qui fut
jamais ?
Sur ces fermens , continua l'Eventail ,
en s'interrompant lui - même , vous me
croyez peut- être le plus traître de tous
les zéphirs , vous m'accufez de perfidie . t.
Mais ce feroit me faire injure ;
L'inconftance eft l'effet d'une invincible loi :
Et l'amant volage eſt parjure
Sans être de mauvaiſe foi.
Cependant le ceeur rempli de ma nouvelle
paffion , j'attendois aux pieds d'Aglaé
qu'elle daignât prononcer mon arrêt : Levez
-vous , me dit - elle , je tremble que
Flore ne furvienne . Eh ! quoi , lui répliquai-
je , toujours des craintes , & pas
le
moindre efpoir ! Que voulez- vous que je
vous dife , me répondit Aglaé , en tourmant
vers moi les plus beaux yeux du monde
? .... Ah ! Zephir , vous avez aimé
12 MERCURE DE FRANCE.
Aglaé ; cependant au bout de ce long ter
me , Flore ayant été appellée au confeil
des Dieux , pour l'ornement d'une fête que
Jupiter vouloit donner , fon abfence me
laiffa la liberté d'entretenir mon adorable
nymphe : je ne fçais fi elle avoit deviné
que j'aurois à lui parler ; elle fe difpenfa ,
fur quelque prétexte , de fuivre la Déeſſe.
Quant à moi je trouvai le fecret de m'échapper
de la falle du confeil olympique ,
& je volai vers Aglaé.
Élle ſe promenoit dans les jardins de
Flore : eh quoi ! me dit- elle d'un air tout
charmant , vous n'êtes donc pas refté avec
la Déeffe ? croyez- vous , lui dis- je , ô mon
aimable Aglaé , qu'il y ait des fêtes pour
moi où vous n'êtes pas ? alors je me jettai
à fes genoux , & je lui déclarai avec tranfport
l'amour qu'elle m'avoit infpirée.
Que faites-vous ? s'écria-t elle , que deviendrois-
je fi Flore nous furprenoit enfemble
? Ne craignez rien , chere Aglaé ,
Flore eft retenue dans les cieux ; n'ayez
d'attention que pour un amant qui ne voit
que vous.
Ah ! par une crainte frivole
Pourquoi troublerons-nous ces momens fortunés ?
Déja cet heureux tems s'envole ,
Cruelle , & vous l'empoifonnez.
MARS . 1755: 13
Hélas ! me répondit Aglaé , avec une
fimplicité trifte & naïve , je vous écoutois
il y a quelques jours parler à Flore , vous
fui
juriez un amour éternel , & vous m'aimez
, dites-vous ? Oui , répliquai-je auffitôt
en prenant une de fes belles mains
oui , belle Aglaé , je vous adore , & je
n'adore que vous feule ; êtes- vous déterminée
à m'ôter tout eſpoir , à moi , l'amant
le plus tendre & le plus fidele qui fut
jamais ?
Sur ces fermens , continua l'Eventail ,
en s'interrompant lui - même , vous me
croyez peut-être le plus traître de tous
les zéphirs , vous m'accufez de perfidie.
Mais ce feroit me faire injure ;
L'inconftance eft l'effet d'une invincible loi :
Et l'amant volage eft parjure
Sans être de mauvaiſe foi.
Cependant le ceeur rempli de ma nouvelle
paffion , j'attendois aux pieds d'Aglaé
qu'elle daignât prononcer mon arrêt : Levez
- vous , me dit - elle , je tremble que
Flore ne furvienne . Eh ! quoi , lui répliquai-
je , toujours des craintes , & pas
moindre efpoir ! Que voulez- vous que je
vous dife , me répondit Aglaé , en tourmant
vers moi les plus beaux yeux du monde
? .... Ah ! Zephir , vous avez aimé
le
14 MERCURE DE FRANCE.
1
Flore ..... que je ferois à plaindre fi vous
changiez une feconde fois ! A ces mots
elle difparut.
Depuis ce moment elle m'évitoit , elle
s'obfervoit elle - même , elle fembloit fe repentir
d'une indifcrétion ; enforte que je
fus quelques jours fans pouvoir m'affurer
plus pofitivement de fes difpofitions à mon
égard : peut-être , me répondrez - vous ,
qu'elle m'en avoit affez dit à
Mais quel eft l'aveu favorable
Qui foit , je ne dis pas égal , mais comparable
A ce je vous aime charmant
Que l'on trouve fi defirable ?
Ces trois mots échappés d'une bouche adorable ,
Peuvent feuls contenter la maîtreffe & l'amant .
L'attente d'un aveu fi cher m'avoit rendu
rêveur contre mon ordinaire . Ma rêverie
me conduifit un jour dans une allée
fombre où le promenoit Aglaé. Dès qu'elle
me vit , elle entra , pour m'éviter , dans un
cabinet de rofiers , voifin d'un bofquet de
myrtes , où Flore alloit quelquefois fe repofer.
La jeune Nymphe ne foupçonnoit
pas que je l'euffe apperçue : j'étois à fes
genoux avant qu'elle eût fongé à m'ordonner
de me retirer . Elle voulut fortir ; je
Parrêtai : Ne craignez rien , lui dis-je , belle
Aglaé !
MARS . 1755.
Que mon empreffement ne vous foit point fufpect
:
Ma tendreffe pour vous eft pure & légitime ;
Le véritable amour est fondé fur l'eftime ,
Et l'eftime eft fuivie en tout tems du reſpect.
- Elle parut fe raffurer : une défiance affectée
eft fouvent plus dangereufe dans ces
occafions qu'une noble confiance mêlée
d'une fierté qui en impoſe à l'amant le plus
empreffé.
Je me défierois d'une prude
Qui me quitteroit brufquement ,
Ou me chafferoit d'un air rude ;
La vertu bien fincere agit tout fimplement.
4
Nous nous mîmes à caufer tranquillement.
Aglaé continua de cueillir des rofes
pour s'en faire un bouquet. J'en avois apperçu
une , la plus belle du monde , dans
un coin du cabinet : j'allois la cueillir
lorfqu'une épine me piqua fi vivement
qu'il m'échappa une plainte que la tendre
Aglaé accompagna d'un cri,: tous deux
nous trahirent .
Hélas ! les rofes les plus belles ,
Et qui par leur éclat charment le plus nos yeux ,
Cachent aux regards curieux
Les épines les plus cruelles.
16 MERCURE DE FRANCE.
Le plus fage feroit de n'en point approcher.
Mais , quoi ! de tant d'attraits le ciel les a pour
vûes ,
Que du moment qu'on les a vûes
On rifque tout pour les toucher .
Flore dormoit dans le bofquet demyrte ;
le cri d'Aglaé la réveilla ; elle accourut dans
le cabinet des rofiers : Dieux ! quel fut fon
étonnement ! Aglaé étoit affife fur un banc
de gazon , j'étois à genoux devant elle ,
tandis qu'avec un mouchoir de mouffeline
, l'aimable Nymphe fe hâtoit d'étancher
le fang qui fortoit de la piquûre que
je m'étois faire : la bleffure en elle-même
étoit peu de chofe ; mais eft - il de légers
accidens en amour ? Aglaé découvroit dans
fon action cet empreffement mêlé de crainte
que l'on a dans ces fortes d'occafions
pour les perfonnes que l'on aime.
En amour , le péril eft la pierre de touche :
Alors , quoiqu'une belle ait formé le projet
De tenir en filence & fes yeux & fa bouche ;
Dans le moindre accident qui frappe un cher ob
jet ,
L'ame fe réunit à celle qui la touche , :
Et la beauté la plus farouche
De fes craintes bientôt découvre le fujet.
Cette entrevûe auffi fatale pour nous
MARS. 1755. 17
que pour la Déeffe , ne fit que juftifier des
foupçons qu'elle avoit déja conçus : elle
diffimula cependant , & parut même plus
tranquille fur mon compte ; mais elle méditoit
une vengeance qui devoir m'ôter
pour toujours le defir , ou , fi vous voulez
, le plaifir de changer .
Quelques jours après cet incident , Flore
fit avertir Aglaé de venir lui parler en
particulier la pauvre Nymphe obéit en
tremblant. Raffurez- vous , lui dit -elle , je
ne veux point vous faire de mal ; je fuis
charmée , puifque Zéphir m'abandonne
que ce foit du moins pour une perfonne
qui le mérite. Mais , Aglaé , quand vous
lui avez permis quelque efpérance , avez .
vous bien refléchi fur le caractere de votre
amant ? les fermens qu'il vous a faits fans
doute , ne me les avoit- il pas faits à moi
même ? que dis-je ? ne me les avoit- il pas
mille fois réitérés ? avez - vous plus d'em
pire fur lui que je crois en avoir ? & s'il
change encore quelle fera votre deftinée
?
>
Au commencement de ce difcours
Aglaé n'avoit reffenti que de la confufion :
ces derniers mots lui firent répandre des
larmes ; elles furent fa réponſe.
Je vous plains d'autant plus , continua
la Déeffe , que vous aimez de bonne foi
18 MERCURE DE FRANCE.
le plus volage de tous les amans ; il eft cependant
pour vous un moyen de prévenir
fon infidélité. On vient de me faire préfent
d'une petite baguette d'ivoire qui a
la vertu de fixer les inconftans : je vous
la donne , j'en aurois fait ufage pour moimême
, fi Zéphir ne m'eût point quittée
pour vous : il n'eft plus tems , & peut-être
même que demain il feroit trop tard pour
vous.
Incapable de trahisons ;
La fincere vertu l'eft auffi de foupçons.
Aglaé ne vit dans cette offre de Flore
qu'une marque de protection . Elle fortit
après avoir baifé la main de la Déeffe
avec le témoignage de la plus vive reconnoiſſance
. Hélas ! elle ne prévoyoit pas
combien ce préfent alloit nous être fatal
à tous les deux .
Elle accourut d'un air gai me faire part de
la prétendue clémence de Flore ; mais elle
ne me dit rien de la fatale baguette, dans la
crainte apparemment d'en empêcher l'effet .
Je ne me défiois de rien : la gaité d'Aglaé
me charmoit ; je me mis à folâtrer avec
elle : j'apperçus la petite baguette d'ivoire ,
je la trouvai jolie : je voulus la dérober ' ;
Aglaé la retint , elle m'en donna en badiMARS.
1755 . 19
nant de petits coups fur les ailes : funefte
badinage !
A peine cus-je été frappé du fatal préfent
de Flore , qu'il fe fit en moi une métamorphofe
auffi prompte que prodigieufe.
La baguette enchantée fe fendit en plu
fieurs petites languettes minces qui forment
les bâtons que vous tenez : mes aîles
s'étant réunies auffi - tôt , fe colerent fur
l'ivoire , & formerent ce que l'on appelle
vulgairement un éventail fuis toujours
Zéphir , quoique j'aie perdu mon ancienne
forme.
En fuis-je donc moins eftimable
N'ai- je pas confervé l'heureufe faculté
De répandre dans l'air cette fraîcheur aimable
Qui défend la beauté
Contre les chaleurs de l'été ?
En vain l'aftre du jour veut lui faire la guerre ,
J'ai l'art de l'en débarraffer.
Ce font toujours les fleurs que j'aime à careffer ;
Non celles qu'autrefois j'aimois dans un parterre ,
Mais celles que les Dieux ont pris foin de verfer
Sur le teint éclatant des Reines de la terre.
Mon changement en éventail fut pour
Aglaé le coup le plus terrible . J'ai fçu depuis
qu'elle n'avoit pû furvivre à mon
malheur , & j'ofe ajouter au fien . Pou
20 MERCURE DE FRANCE.
voit elle defirer de me fixer à ce prix ?
J'ai paffé en différentes mains depuis ma
métamorphofe ; les Dieux m'ont laiffé l'ufage
de la parole pour inftruire l'univers
de mon origine & de mes différentes propriétés.
Comment ( dis- je au Zéphir métamor
phofé ) , vous fervez donc à plus d'une
chofe ?
Que tu es novice , me répondit-il , Â
tu ignores en combien de manieres je puiš
être utile au beau fexe !
Vas , crois- moi , ce feroit trop peu pour
les Dames de n'avoir en moi qu'un zéphir
à leurs ordres , il eft des occafions où je
leur fuis d'une toute autre utilité.
Croirois-tu , par exemple , que j'ai bonne
part à certaines converfations ? Il y a
quelque tems que j'appartenois à une jeune
veuve , qui dans ces fortes de cas
fe fervoit de moi merveilleufement bien.
Comme elle a de la beauté , mais peu
d'efprit ,
S'entend-elle agacer par quelque compliment
Elle répond fuccintement ;
Mais elle fçait en récompenſe
Badiner fort éloquemment
Avec fon éventail , dont le jeu la difpenfe
De s'énoncer plus clairement :
MARS. 1755. 21
O! l'agréable truchement !
Sans faire plus grande dépenſe
Et d'efprit & de jugement ,
Dans un cercle , Cloris fe donne adroitement
L'air d'une perfonne qui penſe ;
Et l'évantail alors fert admirablement.
Elle le tient appuyé fur fes levres , à peu
près dans l'attitude du Dieu du filence repréfenté
tenant un cachet ou fon doigt fur
fa bouche. C'eft ainfi qu'une fotte rêverie
paffe pour une fpirituelle méditation .
Que de Dames fort eftimables d'ailleurs , à
qui il n'en a jamais coûté qu'une femblable
attitude , pour fe donner dans le monde
la réputation d'êtres penfans !
yeut-on de l'éventail faire quelqu'autre ufage ?
Que l'on me tienne déployé ,
Et qu'alors je fois employé
A cacher , de côté , la moitié du viſage :
Voilà dans un monde poli-,
Et le voile le plus modeſte ,
Et le mafque le plus joli
Pour en faire accroire de refte ,
Aux oncles , aux tuteurs , aux papas , aux ma
mans ,
Aux maris , & même aux amans, -
C'eft ainfi qu'à fa confidente ,
Ou bien à fon héros , une fille prudente
22 MERCURE DE FRANCE.
Parle à l'abri de l'éventail ;
Car on n'affiche plus l'amour à fon de trompe ,
Et ce n'eft plus en gros , meres , que l'on vous
trompe :
On aime à petit bruit , & l'on dupe en détail.
Cette façon de mafque eft encore à l'ufage
des Dames , qui fe difent à l'oreille
de jolis riens ; elles leur donnent par là
un air d'importance & de myftere. Autre
avantage que l'on retire de l'éventail,
Sur l'objet de fa paſſion ,
L'éloquence d'un homme aimable
Fait-elle quelque impreffion ?
On cache une rougeur ou fauffe ou véritable
Avec un éventail , dont on fçait ſe couvrir ;
Et quelquefois auffi c'eft un tour plein d'adrefle
Pour faire deviner des fignes de tendreffe
Que la bouche balance encore à découvrir.
Un jeune Cavalier , moins fage qu'amoureux ¿
Qu'un tendre aveu rend téméraire ,
Ofe-t-il hazarder quelque gefte contraire
A ce que la décence exige de fes feux
Mieux que par une réprimande ,
Par un coup d'éventail , le tendron irrité
En impofe au galant , qui s'étoit écarté
la raifon commande .
De ce que
Mais j'entends que l'on me demande
Si le coup d'éventail eft donné des plus lourds ;
MARS.
23 1755 .
Je réponds : des amans faifons la différence ,
On bat ceux que l'on voit avec indifférence
Mais on fait patte de velours
Sur le galant de préférence ,
Au furplus , cette partie de mon exer
cice eft celle qui demande le plus de précifion
l'amour eft un enfant bien malin ;
fouvent on l'agace en croyant le rebuter ;
c'eſt aux Dames à ne pas s'y méprendre .
:
Que vous dirai-je encore ? je connois
une vieille Marquife , dont la foibleſſe eſt
de vouloir être regardée : elle y réuffic
quelquefois par la fingularité de fon ajuſtement.
Il y a quelque tems qu'elle fe faufila
dans une compagnie de jeunes perfonnes
de l'un & de l'autre fexe ; elle quête
des regards , à peine y fait- on attention :
la pauvre
Marquife
étoit
ifolée
au milieu
de douze
perfonnes
. Pour
derniere
reffource
, elle laiſſe
tomber
fon éventail
;
un jeune
homme
le ramaffe
, le rend poliment
à la Marquife
, & fe tourne
de l'autre
côté. La formalité
remplie
, il ne fut
pas feulement
queſtion
d'un clin d'oeil
, il
fallut
fortir
fans avoir
eu le bonheur
de fe
faire
regarder.
Une jeune Agnès fe fert plus heureuſement
du même ſtratagême ; fon amant lui
écrit , elle fait une réponse ; l'embarras eft
24 MERCURE DE FRANCE.
de la donner fans que l'on s'en apperçoive
; on attend l'occafion que l'on foit à
côté l'un de l'autre : l'Agnès laiffe adroitement
tomber l'éventail , le jeune Cavalier
le ramaffe , le préfente à fa maîtreffe , qui
faifit l'inftant pour lui gliffer dans la main
le billet qu'elle tehoit tout prêt dans la
fienne .
Eh ! que d'autres beautés en uferoient
ainfi !
Quelquefois
il arrive auffi
Qu'avec un air diftrait & fimple en apparence ,
Mais au fond , avec un air fin ,
En fe mettant au jeu , l'on donne à ſon voiſin
L'éventail à garder : aimable préférence !
Enfuite on feint de l'oublier
Lorfqu'à s'expliquer on héfite ,
Et cet heureux oubli fournit au cavalier
Un pretexte innocent de premiere vifite..
En un mot , je n'aurois jamais fait fi je
voulois vous développer dans toutes fes
parties le fublime exercice de l'éventail :
il répond à ceux du chapeau , de la canne ,
& de la tabatiere ; c'eft tout dire.
Et je ne vous parle que de ce que je
fçais , fans compter les méthodes que je
puis ignorer , mes confreres les ayant imaginées
fans moi . Car il eft bon de vous
dire que plufieurs zéphirs ont été tentés ,
fur
MARS . 1755. 25
fur mon exemple d'être métamorphofés en
éventails ; quelques uns par malice , d'autres
pour réparer de bonne foi la réputation
de légereté qui les avoient perdus
auprès des Dames , par les fervices continuels
qu'ils leur rendent ; & les Dames ,
à leur tour , par un motif de reconnoiffance
ou d'intérêt , ne nous abandonnent
pas même dans la faifon où les zéphyrs
font de trop preuve remarquable de toutes
nos autres propriétés,
Que d'éventails grands & petits ,
Pourroient vous raconter la choſe ;
Si tous les inconftans étoient affujettis
A la même métamorphofe ?
On affure même , continua le zéphyr ,
que les Cavaliers François , & fur-tout les
petits-maîtres , ont imaginé depuis peu
de porter en été des éventails de poche .
Après avoir partagé avec les Dames les .
mouches , le rouge , & les ponpons , je ne
crois pas que ces Meffieurs rifquent de
paroître plus ridicules en partageant auffi
l'exercice de l'éventail.
A peine mon zéphyr hiftorien eut - il
achevé ces mots , que je fus abordé par
un grand jeune homme , qu'il me dit être
de robe : il me demanda fi dans ce même
endroit je n'avois pas trouvé par hazard
B
26 MERCURE DE FRANCE .
l'éventail qu'une Dame avoit égaré. Pendant
qu'il me faifoit une longue defcription
de l'éventail , le zéphyr me dit
à l'oreille : voilà le favori de ma maîtreffe ;
c'est une actrice fort aimable : ce jeune
Confeiller l'avoit accompagnée dans ce
bofquet ; mais dès qu'ils ont apperçu certain
plumet , concurrent redoutable pour
un homme de robe , ils fe font levés avec
tant de précipitation que l'éventail eft reſté
fur la place. Cela m'arrive fouvent dans les
tête-à-têtes. Adieu .
Je rendis au Confeiller l'éventail de fa
Déefle , & je me retirai plein de réflexions
qu'une matiere auffi intéreffante ne doit
pas manquer d'infpirer .
Voilà , Mademoiſelle , l'Origine des éventails.
Et voilà , foit dit entre nous •
Ce que je n'aurois point griffonné pour toute autre.
A propos d'éventail , fi l'Amour d'un air doux
Venoit fe mettre à vos genoux ,
Croyez-moi , fervez - vous du vôtre
Pour le repouffer loin de vous ;
Je le connois , le bon apôtre ,
Le plus fage fait bien des fous.
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Résumé : L'ORIGINE DES EVENTAILS, A MADEMOISELLE .....
Le texte narre l'origine des éventails, racontée par un homme à une demoiselle. Initialement, l'homme pensait que les éventails servaient uniquement à capturer le vent pour le plaisir des dames. Cependant, il découvre la véritable origine des éventails à travers une aventure merveilleuse mais vraisemblable. Un jour, l'homme trouve un éventail dans un bosquet du Luxembourg. Une voix invisible, celle de l'éventail lui-même, lui raconte son histoire. L'éventail était autrefois un zéphyr, un vent léger, qui aimait la déesse Flore. Par inconstance, il tomba amoureux de Pomone, mais revint ensuite à Flore. Plus tard, il s'éprit de la nymphe Aglaé, ce qui provoqua la jalousie de Flore. Lors d'une fête des dieux, le zéphyr déclara son amour à Aglaé, mais celle-ci, craignant la colère de Flore, hésita. Finalement, Aglaé disparut, laissant le zéphyr malheureux. Pour punir son inconstance, le zéphyr fut transformé en éventail, emprisonnant ainsi son esprit volage dans un objet. La déesse Flore, jalouse, découvrit la relation entre Aglaé et Zéphir. Pour se venger, elle offrit à Aglaé une baguette d'ivoire enchantée, censée fixer les inconstants. Aglaé, ignorante des intentions malveillantes de Flore, accepta le présent. Zéphir, attiré par la baguette, la toucha et se métamorphosa en éventail. Cette transformation fut fatale pour Aglaé, qui ne survécut pas à la perte de Zéphir. L'éventail, doté de la parole, explique ses multiples usages et utilités. Il sert à dissimuler des émotions, à communiquer discrètement, et à jouer divers rôles dans les interactions sociales. Les dames l'utilisent pour se protéger des regards indiscrets et pour envoyer des signaux subtils. Le texte se termine par une réflexion sur les éventails et leurs rôles dans la société, illustrée par des anecdotes et des observations sur leur usage.
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5
p. 27-29
A MADEMOISELLE D. L. R.
Début :
Le tendre Dieu qu'on adore à Cythere, [...]
Mots clefs :
Traits, Yeux, Dieu, Amour
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texteReconnaissance textuelle : A MADEMOISELLE D. L. R.
A MADEMOISELLE D. L. R.
LE tendte Dieu qu'on adore à Cythere ,
Des foins du trône un jour ſe trouva las :
Car fur le trône , en dépit du vulgaire ,
Le vrai bonheur ne fe rencontre pas.
L'Amour voyoit de fon heureux empire ,
De jour en jour les bornes s'élargir :
Le pauvre Dieu n'y pouvoit plus fuffire ,
Et ne fçavoit fur quel pied fe tenir.
On dit qu'enfin il fut trouver la mere ,
Qui repofoit , non pas entre deux draps ,
Mais fur un lit de naiffante fougere ;
En larmoyant il lui conte le cas .
Dans les beaux yeux la trifteffe étoit peinte ,
Il ne pouvoit en fupporter le poids.
Il termina fa touchante complainte
En dépofant & fleches & carquois.
Il eſpéroit , dans un rang plus modefte ,
Trouver enfin la fource du bonheur.
Vénus fourit , & fon fouris céleſte
De Cupidon allégea la douleur.
Allez , mon fils , retournez à Cythere ,
Dit la Déeffe , & dans peu mes bienfaits_
Vous apprendront que je fuis votre mere.
En d'autres mains je remettrai vos traits ;
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
Ces traits vainqueurs , dont la trifte puiffance
A de foucis empoisonné vos jours .
2
2
Le Dieu content applaudit en filence ;
Puis embraffant la Reine des amours
Les yeux baiffés , s'envole à tire d'aîle ,
Rempli d'efpoir & de férénité ,
Se repofant fur bonté maternelle,
Vénus alors , avec tranquillité ,
Fit l'examen de l'affaire nouvelle ;
Et tôt après convoqua fon confeil..
Les ris , lesjeux , fon cortege fidele ,
Vinrent en foule en fuperbe appareil .
Enfuite on vit les trois Graces paroître ;
Sur leurs appas on les complimenta :
De la fleurette on eût paflé peut - être
A d'autres faits , quand Vénus arrêta
Les complimens . On fait un grand filence ;
Et la Déeffe expofe en abrégé
Le cas fufdit à toute l'affiftance .
Le fentiment ſe trouve partagé.
1
Nul n'eft d'accord ; on raifonne , on opine ;
Et le defordre alloit toujours croiffant :
Quand tout-à- coup , la fçavante Euphrofine
deux mots ceffer le différend .
Fit
par
Tel on nous peint le Mentor pacifique ,
Qui defarma la rage des foldats ,
Et fit enfin , par un trait politique ,
Naître la paix au milieu des combats.
Donnez , dit- elle , à la jeune Thémire ,
MARS . 29 1755.
De Cup idon les redoutables traits .
De fes beaux yeux , de fon tendre fourire ,
Ja plus d'un coeur a fenti les effets ;
Mais quand ces traits feront en ſa puiſſance ,
L'Amour fera de foins débarraffé .
Sur ce fujet ( foit dit fans conféquence )
C'eſt le parti , je crois , le plus fenfé.
Ainfi finit fon difcours laconique ,
Et de bon coeur tout le monde applaudit ;
Car en ce tems la jaloufe critique
Chez les Amours n'avoit aucun crédit.
On donna donc à l'aimable Thémire
Les traits d'Amour , & bientôt les mortels ,
Soumis aux loix de fon nouvel empire ,
Vinrent en foule encenfer fes autels.
LE tendte Dieu qu'on adore à Cythere ,
Des foins du trône un jour ſe trouva las :
Car fur le trône , en dépit du vulgaire ,
Le vrai bonheur ne fe rencontre pas.
L'Amour voyoit de fon heureux empire ,
De jour en jour les bornes s'élargir :
Le pauvre Dieu n'y pouvoit plus fuffire ,
Et ne fçavoit fur quel pied fe tenir.
On dit qu'enfin il fut trouver la mere ,
Qui repofoit , non pas entre deux draps ,
Mais fur un lit de naiffante fougere ;
En larmoyant il lui conte le cas .
Dans les beaux yeux la trifteffe étoit peinte ,
Il ne pouvoit en fupporter le poids.
Il termina fa touchante complainte
En dépofant & fleches & carquois.
Il eſpéroit , dans un rang plus modefte ,
Trouver enfin la fource du bonheur.
Vénus fourit , & fon fouris céleſte
De Cupidon allégea la douleur.
Allez , mon fils , retournez à Cythere ,
Dit la Déeffe , & dans peu mes bienfaits_
Vous apprendront que je fuis votre mere.
En d'autres mains je remettrai vos traits ;
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
Ces traits vainqueurs , dont la trifte puiffance
A de foucis empoisonné vos jours .
2
2
Le Dieu content applaudit en filence ;
Puis embraffant la Reine des amours
Les yeux baiffés , s'envole à tire d'aîle ,
Rempli d'efpoir & de férénité ,
Se repofant fur bonté maternelle,
Vénus alors , avec tranquillité ,
Fit l'examen de l'affaire nouvelle ;
Et tôt après convoqua fon confeil..
Les ris , lesjeux , fon cortege fidele ,
Vinrent en foule en fuperbe appareil .
Enfuite on vit les trois Graces paroître ;
Sur leurs appas on les complimenta :
De la fleurette on eût paflé peut - être
A d'autres faits , quand Vénus arrêta
Les complimens . On fait un grand filence ;
Et la Déeffe expofe en abrégé
Le cas fufdit à toute l'affiftance .
Le fentiment ſe trouve partagé.
1
Nul n'eft d'accord ; on raifonne , on opine ;
Et le defordre alloit toujours croiffant :
Quand tout-à- coup , la fçavante Euphrofine
deux mots ceffer le différend .
Fit
par
Tel on nous peint le Mentor pacifique ,
Qui defarma la rage des foldats ,
Et fit enfin , par un trait politique ,
Naître la paix au milieu des combats.
Donnez , dit- elle , à la jeune Thémire ,
MARS . 29 1755.
De Cup idon les redoutables traits .
De fes beaux yeux , de fon tendre fourire ,
Ja plus d'un coeur a fenti les effets ;
Mais quand ces traits feront en ſa puiſſance ,
L'Amour fera de foins débarraffé .
Sur ce fujet ( foit dit fans conféquence )
C'eſt le parti , je crois , le plus fenfé.
Ainfi finit fon difcours laconique ,
Et de bon coeur tout le monde applaudit ;
Car en ce tems la jaloufe critique
Chez les Amours n'avoit aucun crédit.
On donna donc à l'aimable Thémire
Les traits d'Amour , & bientôt les mortels ,
Soumis aux loix de fon nouvel empire ,
Vinrent en foule encenfer fes autels.
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Résumé : A MADEMOISELLE D. L. R.
Le texte décrit une conversation entre Cupidon et Vénus. Cupidon, las de son rôle sur le trône de Cythère, exprime son désir de trouver le bonheur et remet ses flèches et son carquois à sa mère. Vénus, compréhensive, lui conseille de retourner à Cythère et lui promet des bienfaits. Elle décide de confier les traits de Cupidon à une jeune femme nommée Thémire, reconnue pour son influence sur les cœurs. Après un débat au sein du conseil de Vénus, la sage Euphrosine propose cette solution, qui est approuvée par tous. Thémire reçoit donc les traits de Cupidon, et les mortels se soumettent à son nouvel empire.
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6
p. 29
ENVOI.
Début :
Beauté pour qui ces vers sont faits, [...]
Mots clefs :
Amant, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENVOI.
E NVO I.
Eauté pour qui ces vers font faits ;
Et que mon coeur connoît pour fouveraine ;
Marquez vos jours par vos bienfaits ,
N'affectez point d'être inhumaine.
Couronnez un fincere amant ,
Qui dès long- tems pour vous foupire ,
Et que de votre aimable empire ,
La bonté foit le fondement.
De Rouen , ce 26 Juin 1754.
Eauté pour qui ces vers font faits ;
Et que mon coeur connoît pour fouveraine ;
Marquez vos jours par vos bienfaits ,
N'affectez point d'être inhumaine.
Couronnez un fincere amant ,
Qui dès long- tems pour vous foupire ,
Et que de votre aimable empire ,
La bonté foit le fondement.
De Rouen , ce 26 Juin 1754.
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7
p. 30-31
PORTRAITS DES QUATRE PREMIERS PEINTRES D'ITALIE.
Début :
Du vol qu'au ciel fit Promethée, [...]
Mots clefs :
Raphaël, Michel-Ange, L'Albane, Le Corrège, Peintres d'Italie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PORTRAITS DES QUATRE PREMIERS PEINTRES D'ITALIE.
PORTRAITS
DES QUATRE PREMIERS PEINTRES
D'ITALIE.
Raphaël d'Urbin.
U vol qu'au ciel fit Promethée ,
Voici le receleur ; c'eft le grand Raphaël.
Des objets qu'il nous peint la vûe eſt enchantée ,
Ils femblent animés par un fouffle immortel.
La nature qui les admire ,
De fes graces y voit le tableau raviffant :
Elle rêve ; auffi- tôt la jaloufe foupire
De trouver un rival dans fon fidele amant.
Michel- Ange des Batailles.
La couleur vigoureuſe , une touche légere ;
Animent ces marchés , ces foires , ces troupeaux
Par tout je fens , du goût , l'empreinte finguliere ;
Le jovial auffi perce dans ces tableaux .
En ce champ la valeur de lauriers fe couronne :
Quel carnage ! quel feu ! je vois le fang couler !
Mars applaudit Michel ; il femble l'appeller
Du nom que l'amateur lui donne.
L'Albane.
Les amours par effains naiffent fous tes pinceaux:
MAR S. 1755. 31
Les Nymphes , Cypris même ont par toi plus de
charmes :
Je préfere à Paphos l'aſpect de tes tableaux ,
Mon coeur vaincu par eux eélebre enfin ces armes .
La nudité s'y montre avec un air décent ,
Et rend plus délicat le plaifir qu'elle inſpire .
L'Albane , je te dois mon unique élement ;
Tes travaux font que je refpire .
Le Correge.
Sur les aîles de ton génie ,
Tu t'élevas à l'immortalité :
La figure , par ta magie ,
Plane au fein de l'air agité."
Un fouffle femble'avoir fait ce miracle ;
Les maîtres même en font furpris ;
Raphaël * n'ofa point hazarder ce ſpectacle ,
Lui feul pouvoit te difputer le prix.
* Raphaël , pour éviter le raccourci des figures
qu'il n'entendoit point parfaitement , feignit de
peindrefes fujets fur des tapifferies attachées au mur.
C'est ainsi que font exécutés les deux morceaux de
Pfiché qui font au petit Farnese , la bataille de
Conftantin , les trois autres traits de la vie de cet
Empereur , enfin les quatre fujets du plafond de la
premiere chambre de la fignature au Vatican. Le
Correge fut plus hardi , fon fuccès mérite les plus
grands éloges : c'est ce qu'en général on ignore en
France, où ce maître n'eft gueres connu que par fes
belles métamorphofes , & par de féduifans tableaux
de chevalet.
DES QUATRE PREMIERS PEINTRES
D'ITALIE.
Raphaël d'Urbin.
U vol qu'au ciel fit Promethée ,
Voici le receleur ; c'eft le grand Raphaël.
Des objets qu'il nous peint la vûe eſt enchantée ,
Ils femblent animés par un fouffle immortel.
La nature qui les admire ,
De fes graces y voit le tableau raviffant :
Elle rêve ; auffi- tôt la jaloufe foupire
De trouver un rival dans fon fidele amant.
Michel- Ange des Batailles.
La couleur vigoureuſe , une touche légere ;
Animent ces marchés , ces foires , ces troupeaux
Par tout je fens , du goût , l'empreinte finguliere ;
Le jovial auffi perce dans ces tableaux .
En ce champ la valeur de lauriers fe couronne :
Quel carnage ! quel feu ! je vois le fang couler !
Mars applaudit Michel ; il femble l'appeller
Du nom que l'amateur lui donne.
L'Albane.
Les amours par effains naiffent fous tes pinceaux:
MAR S. 1755. 31
Les Nymphes , Cypris même ont par toi plus de
charmes :
Je préfere à Paphos l'aſpect de tes tableaux ,
Mon coeur vaincu par eux eélebre enfin ces armes .
La nudité s'y montre avec un air décent ,
Et rend plus délicat le plaifir qu'elle inſpire .
L'Albane , je te dois mon unique élement ;
Tes travaux font que je refpire .
Le Correge.
Sur les aîles de ton génie ,
Tu t'élevas à l'immortalité :
La figure , par ta magie ,
Plane au fein de l'air agité."
Un fouffle femble'avoir fait ce miracle ;
Les maîtres même en font furpris ;
Raphaël * n'ofa point hazarder ce ſpectacle ,
Lui feul pouvoit te difputer le prix.
* Raphaël , pour éviter le raccourci des figures
qu'il n'entendoit point parfaitement , feignit de
peindrefes fujets fur des tapifferies attachées au mur.
C'est ainsi que font exécutés les deux morceaux de
Pfiché qui font au petit Farnese , la bataille de
Conftantin , les trois autres traits de la vie de cet
Empereur , enfin les quatre fujets du plafond de la
premiere chambre de la fignature au Vatican. Le
Correge fut plus hardi , fon fuccès mérite les plus
grands éloges : c'est ce qu'en général on ignore en
France, où ce maître n'eft gueres connu que par fes
belles métamorphofes , & par de féduifans tableaux
de chevalet.
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Résumé : PORTRAITS DES QUATRE PREMIERS PEINTRES D'ITALIE.
Le texte décrit les caractéristiques des quatre premiers peintres d'Italie : Raphaël, Michel-Ange, L'Albane et Le Correge. Raphaël est reconnu pour son talent à animer les objets peints avec un souffle immortel, admiré même par la nature. Michel-Ange se distingue par ses couleurs vigoureuses et sa touche légère, illustrant des scènes variées avec une intensité rappelant Mars. L'Albane est apprécié pour ses représentations des amours et des nymphes, montrant la nudité avec décence et inspirant un plaisir délicat. Le Correge est loué pour son génie qui l'a conduit à l'immortalité. Ses figures semblent planer dans l'air, créant des miracles artistiques. Contrairement à Raphaël, Le Correge a osé des perspectives audacieuses, méritant ainsi de grands éloges. En France, Le Correge est surtout connu pour ses métamorphoses et ses tableaux de chevalet, bien que son succès et son audace restent méconnus.
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8
p. 32-40
DOUTES SUR L'EXISTENCE D'UN PUBLIC.
Début :
Y a-t-il un public ? n'y en a-t-il point ? C'est un problême qui devient chaque [...]
Mots clefs :
Public, Écrits périodiques, Brochures journalières, Esprit, Talent, Goût
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DOUTES SUR L'EXISTENCE D'UN PUBLIC.
DOUTES SUR L'EXISTENCE
Y
D'UN PUBLIC.
>
a-t-il un public n'y en a- t- il point ?
C'eft un problême qui devient chaque
jour plus difficile à réfoudre. Peut - être il
y a vingt ans qu'il en exiftoit un , & qu'on
pouvoit y croire. On le trouvoit aux fpectacles
; fa vóix alors s'y faifoit entendre
avec ce ton de liberté que donne l'indépendance.
Il prononçoit debout , mais fouverainement
fur les piéces de théatre
dont il faifoit lui feul la deftinée . Il donnoit
même le ton aux fpectateurs affis , &
la Chambre haute n'étoit que l'écho de celle
des Communes. On le trouvoit encore
dans le monde parmi la multitude des
lecteurs , qui décidoit d'un ouvrage d'agré
ment , fans efprit de cabale , d'après le
plaifir ou l'ennui que lui avoit caufé fa
lecture quand il paroiffoit un livre de
fcience , on reconnoiffoit auffi ce public
dans le grand nombre des vrais fcavans
qui feuls jugeoient de fon mérite fans en-
& faifoient fon fuccès avec connoiffance
de caufe. Juge né des arts , des
talens & des emplois , comme il appré-
و
MAR S. 1755. 33
cioit les premiers fans prévention , qu'il
protégeoit les feconds avec difcernement ,
& qu'il nommoit aux derniers fans partialité
, il étoit confulté pour être fuivi ;
tout reffortiffoit à fon tribunal . Mais infenfiblement
il s'eft élevé des jurifdictions
particulieres qui ont ufurpé fes
droits. Chaque fociété a prétendu être le
vrai public comme la bonne compagnie.
Paris s'eft partagé en différens partis. Par
cette divifion le bon goût eft devenu problématique
, la véritable croyance douteufe
, & l'autorité d'un public légitime a
ceffé d'être une . Elle fe trouve aujourd'hui
abforbée par la multiplicité des prétentions
fans titres , au point que les parti
culiers font tout , & que le public n'eft
rien . Chacun s'érige un tribunal qui méconnoît
tous les autres , ou s'il admet un
public , il le borne dans le cercle de fes
amis ou de fes connoiffances . Les fentimens
varient & fe croifent dans chaque
quartier de là vient , fur tout ce qui paroît
, cette diverfité d'opinions , & cette
incertitude de jugemens . Tous ces petits
publics , ou foi - difans tels , fe fuccédent
pour fe contredire . L'un exalte une piéce
ou un livre le matin , l'autre le profcrit
l'après - midi , un troifiéme le rétablit le
foir : ainfi le fuccès des ouvrages demeure
Bv
34 MERCURE DE FRANCE.
indécis , & les divers jugemens qu'on en
porte font nuls. Un arrêt caffe l'autre.
On en doit faire d'autant moins de cas
qu'ils font dictés par la mauvaiſe foi ou
par le mauvais goût , & fouvent par tous
les deux enfemble. Faut - il s'en étonner ?
Chaque juge tient à une fociété rivale
d'une autre ; c'eft dire qu'il eft partial . Le
grand nombre eft auteur par mode , conféquemment
pointilleux , faux bel efprit
& jaloux par état. On craignoit autrefois
d'afficher ce nom , on veut le porter aujourd'hui
en dépit de la nature. On s'eft
corrigé d'une fottife , on donne dans un
travers. L'efprit eft le fanatifme de la nation
: c'eſt un mal épidémique qui a gagné
la capitale , & qui de là s'eft répandu dans
la province ; il fe communique même aux
plus fots. Un homme qui pendant trente
ans aura paffé pour tel fans injuſtice , rentre
chez lui , s'endort fur une tragédie ; il
rêve qu'il eft poëte : ce fonge fe grave fi
profondément dans fon ame , qu'il le
croit en s'éveillant. Il s'étoit couché bête
la veille , il ſe leve bel efprit le lendemain .
Pour réalifer fon rêve , il écrit , il rime
une piéce ; il la fait jouer , qui pis eft , imprimer.
Il est vrai qu'on lui rend juſtice ,
on la fiffle , c'eft - à-dire qu'il fe trouve plus
fot qu'auparavant : il l'étoit obfcurément
MARS . 1755. 35
fans être affiché ; il l'eft alors en titre &
folemnellement. Tel rit de cet homme là ,
qui fait peut-être fon fecond tome.
Une autre caufe de la révolution ou du
renverſement qui s'eft fait dans la littérature
, & qui a donné une nouvelle atteinte
à l'autorité du public , c'eſt * la multitude
de brochures journalieres & des écrits périodiques.
Comme tout le monde lit &
que perfonne n'étudie , qu'on aime à voler
fur toutes les furfaces fans s'attacher à aucune
, & à raifonner de tout fans rien ap
profondir , on parcourt ces feuilles légerement
pour décider de même. On a la fureur
de juger , on eft le Perrin Dandin des
plaideurs on s'affolipit comme lui fur
l'inſtruction , on prononce à demi - endormi
, & on condamne un chien aux galeres .
>
C'eft ainfi que la fievre d'écrire & la
rage de décider partagent les efprits &
forment deux ordres différens dans l'empi
re des Lettres & des Arts : la claffe des
auteurs & des hommes à talens ; celle des
connoiffeurs qui les jugent , & des ama-
L'abus n'eft que dans le grand nombre. If
feroit à fouhaiter qu'on réduifft toutes ces feuiltes
à l'Année Littéraire . Le bon goût y regne avec
Félégance du ftyle ; elles pourroient alors fervir
d'école aux jeunes auteurs , & fouvent d'inftruc
tion aux perſonnes du monde.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE .
teurs qui les protegent . Ces derniers ont la
prééminence ; ils occupent , pour ainfi dire ,
le thrône de l'efprit ; ils en deviennent
quelquefois les tyrans .
Le beau fexe leur difpute le fceptre des
arts ; il étend même fa domination fur tou
te la littérature. S'il fe bornoit à la partie
agréable , on feroit charmé de l'avoir pour
maître & pour modele , même on lui par
donneroit de donner plufieurs heures de fon
loifir à la Phyfique expérimentale. Le plus
bel ornement de la nature eft fait pour en
apprendre tous les fecrets ; mais il veut
aflujettir les graces qui l'accompagnent au
compas de la géométrie , le fentiment qui
l'anime à l'analyſe trop fubtile de la Métaphyfique
, & les talens qu'il embellit au
calcul trop exact de l'Algebre : c'est dénaturer
les dons qu'il tient du ciel ; ils lui
fuffisent pour fubjuguer l'efprit comme le
coeur . Qu'il faffe regner le fentiment , tout
lui fera plus fûrement & plus généralement
affervi. Il eft dangereux de raifonner où il
faut fentir , & l'efprit philofophique propre
à nous éclairer fur tout le refte , doit
arrêter là fa lumiere , ou ne l'employer dans
ce point que pour mieux fuivre un inſtinct
plus fûr qu'elle. S'il veut pénétrer dans le
méchanifme du fentiment, que ce foit dans
un ouvrage à part , qui le décompofe fans
MARS. 1755. 37
le détruire . Tous les arts qui dépendent
de ce fentiment , ne brillent bien que par
les femmes, Ils gagneroient fans doute à
n'être jugés qu'aux tribunaux où elles préfident
, fi la féduction des hommes ne
prévenoient leurs jugemens : ils font prefque
toujours les auteurs fecrets de leurs
erreurs ou de leurs injuftices. C'eft pour les
croire & pour les favorifer qu'elles protégent
une médiocre piéce , ou qu'elles prônent
un mauvais livre , qu'elles en facilitent
le débit , & font coupables du fuccès.
La réuffite n'eft plus l'ouvrage du public
, elle est le fruit du manége des particuliers
. Ils la décident avant l'impreffion
ou la repréfentation : c'eft comme un arrangement
de famille.
Rien n'eft plus refpectable que les vrais
protecteurs. J'entends ceux qui le font
par leur place ou par leurs lumieres ; leurs
bienfaits encouragent les arts , & leurs
confeils les perfectionnent . Mais je ne puis
voir, fans prendre de l'humeur ou fans rire ,
(je choisis ce dernier parti comme le plus
fage ) je ne puis donc voir fans rire fortir
de deffous terre cette foule de petits protecteurs
, qui n'en ont ni l'étoffe ni le rang ,
& qui veulent donner des loix dans une
République où ils n'ont pas même acquis
le droit de bourgeoifie. Il refte encore une
38 MERCURE DE FRANCE.
diftinction à faire parmi les amateurs. Il
en eft plufieurs qui aident en citoyens
éclairés les talens naiffans qui ont besoin
d'appui ; ils leur donnent des maîtres pour
les former , fans autre vûe que celle d'enrichir
le théatre qui manque de fujets , &
je les honore. Il y en a même tels qui
brilleroient dans la claffe des auteurs , fi
les dangers attachés à ce titre n'arrê
toient leur plume , & ne nous privoient
de leurs productions. Mais comme les
meilleurs modeles font tous les jours de
mauvaiſes copies qui fe multiplient , il eft
arrivé qu'en imitation , ou plutôt en contradiction
de cette fage école , il s'en eft
élevé plufieurs autres qui tendent à rui
ner le goût & à décourager les vrais talens.
Elles ont moins le bien général pour objet
que des fantaifies particulieres elles
dégénerent en parodies , elles deviennent
des charges , & ne femblent protéger que
pour rendre l'établiffement ridicule. La
plaifanterie va fi loin qu'il fe forme actuellement
des compagnies qui affurent un
talent comme on affure une maifon ; elles
font les fuccès & les réputations à leur gré.
Il est vrai que malgré leur garantie ces réputations
font ephemeres ; fouvent elles
expirent au bout d'un mois. Une cabale
contraire les détruit pour en établir de nouMARS.
1755 : 39
velles à leurs dépens . Celles- ci font défaites
à leur tour par un troifieme parti , qui
en éleve d'autres fur leurs débris . Quelque
peu que dure le regne de ces talens factices ,
les fuites n'en font pas moins pernicieuſes.
C'est ce qui brouille & renverfe tout ,
c'est ce qui porte enfin le dernier coup à
la puiffance du public . La vénalité des fuffrages
& la tyrannie des particuliers qui
les achetent , l'anéantiffent , en détruifant
fa liberté. Je parcours tous les théatres , où
il a toujours regné d'une façon plus fenfible
; je l'y cherche , & je ne l'y trouve
plus le parterre indépendant qui le compofoit
, n'y donne plus la loi . D'un côté je
n'y vois à fa place qu'une multitude efclave
& vendue à qui veut la foudoyer , & de
l'autre des fpectateurs d'habitude , qui ont
la fureur du fpectacle fans en avoir le goût ,
qui n'y vont avec affiduité que pour en faper
plus vite les fondemens par les faux
jugemens qu'ils y prononcent , par les divifions
qu'ils y font naître & par les
cabales qu'ils y fomentent. Je ne reconnois
plus un public à ces traits , & mes doutes
fur fon existence ne font que trop bien
fondés.
:
Mais les fpectacles , me dira- t- on , n'ont
jamais été plus fréquentés : j'en conviens ,
& ce qu'il y a de merveilleux , ils le font
40 MERCURE DE FRANCE.
fans auteurs qui les foutiennent , fans piéces
qui réuffiffent , fouvent fans acteurs qui
les jouent , & fans public qui les juge. Je
crains qu'ils ne brillent pour s'éteindre.
Quand le public devient nul , le théatre
eft dans un grand danger. Chacun veut
être le maître , fe néglige ou fe déplace .
Le déplacement amene l'anarchie , & l'anarchie
, la deftruction.
J'aurois inféré après ces doutes des réflexions
fur le goût , qui font d'un autre
auteur > & que j'ai reçues plus tard ;
mais comme elles roulent fur la même
matiere , j'ai crû devoir les éloigner &
garder ce dernier morceau pour le Mercure
prochain. Il me paroît venir de bonne
main , & je prie l'auteur de n'être point
fâché du retard : j'y fuis forcé par la variété
qu'exige mon recueil , & dont je me
fuis fait une loi inviolable .
Y
D'UN PUBLIC.
>
a-t-il un public n'y en a- t- il point ?
C'eft un problême qui devient chaque
jour plus difficile à réfoudre. Peut - être il
y a vingt ans qu'il en exiftoit un , & qu'on
pouvoit y croire. On le trouvoit aux fpectacles
; fa vóix alors s'y faifoit entendre
avec ce ton de liberté que donne l'indépendance.
Il prononçoit debout , mais fouverainement
fur les piéces de théatre
dont il faifoit lui feul la deftinée . Il donnoit
même le ton aux fpectateurs affis , &
la Chambre haute n'étoit que l'écho de celle
des Communes. On le trouvoit encore
dans le monde parmi la multitude des
lecteurs , qui décidoit d'un ouvrage d'agré
ment , fans efprit de cabale , d'après le
plaifir ou l'ennui que lui avoit caufé fa
lecture quand il paroiffoit un livre de
fcience , on reconnoiffoit auffi ce public
dans le grand nombre des vrais fcavans
qui feuls jugeoient de fon mérite fans en-
& faifoient fon fuccès avec connoiffance
de caufe. Juge né des arts , des
talens & des emplois , comme il appré-
و
MAR S. 1755. 33
cioit les premiers fans prévention , qu'il
protégeoit les feconds avec difcernement ,
& qu'il nommoit aux derniers fans partialité
, il étoit confulté pour être fuivi ;
tout reffortiffoit à fon tribunal . Mais infenfiblement
il s'eft élevé des jurifdictions
particulieres qui ont ufurpé fes
droits. Chaque fociété a prétendu être le
vrai public comme la bonne compagnie.
Paris s'eft partagé en différens partis. Par
cette divifion le bon goût eft devenu problématique
, la véritable croyance douteufe
, & l'autorité d'un public légitime a
ceffé d'être une . Elle fe trouve aujourd'hui
abforbée par la multiplicité des prétentions
fans titres , au point que les parti
culiers font tout , & que le public n'eft
rien . Chacun s'érige un tribunal qui méconnoît
tous les autres , ou s'il admet un
public , il le borne dans le cercle de fes
amis ou de fes connoiffances . Les fentimens
varient & fe croifent dans chaque
quartier de là vient , fur tout ce qui paroît
, cette diverfité d'opinions , & cette
incertitude de jugemens . Tous ces petits
publics , ou foi - difans tels , fe fuccédent
pour fe contredire . L'un exalte une piéce
ou un livre le matin , l'autre le profcrit
l'après - midi , un troifiéme le rétablit le
foir : ainfi le fuccès des ouvrages demeure
Bv
34 MERCURE DE FRANCE.
indécis , & les divers jugemens qu'on en
porte font nuls. Un arrêt caffe l'autre.
On en doit faire d'autant moins de cas
qu'ils font dictés par la mauvaiſe foi ou
par le mauvais goût , & fouvent par tous
les deux enfemble. Faut - il s'en étonner ?
Chaque juge tient à une fociété rivale
d'une autre ; c'eft dire qu'il eft partial . Le
grand nombre eft auteur par mode , conféquemment
pointilleux , faux bel efprit
& jaloux par état. On craignoit autrefois
d'afficher ce nom , on veut le porter aujourd'hui
en dépit de la nature. On s'eft
corrigé d'une fottife , on donne dans un
travers. L'efprit eft le fanatifme de la nation
: c'eſt un mal épidémique qui a gagné
la capitale , & qui de là s'eft répandu dans
la province ; il fe communique même aux
plus fots. Un homme qui pendant trente
ans aura paffé pour tel fans injuſtice , rentre
chez lui , s'endort fur une tragédie ; il
rêve qu'il eft poëte : ce fonge fe grave fi
profondément dans fon ame , qu'il le
croit en s'éveillant. Il s'étoit couché bête
la veille , il ſe leve bel efprit le lendemain .
Pour réalifer fon rêve , il écrit , il rime
une piéce ; il la fait jouer , qui pis eft , imprimer.
Il est vrai qu'on lui rend juſtice ,
on la fiffle , c'eft - à-dire qu'il fe trouve plus
fot qu'auparavant : il l'étoit obfcurément
MARS . 1755. 35
fans être affiché ; il l'eft alors en titre &
folemnellement. Tel rit de cet homme là ,
qui fait peut-être fon fecond tome.
Une autre caufe de la révolution ou du
renverſement qui s'eft fait dans la littérature
, & qui a donné une nouvelle atteinte
à l'autorité du public , c'eſt * la multitude
de brochures journalieres & des écrits périodiques.
Comme tout le monde lit &
que perfonne n'étudie , qu'on aime à voler
fur toutes les furfaces fans s'attacher à aucune
, & à raifonner de tout fans rien ap
profondir , on parcourt ces feuilles légerement
pour décider de même. On a la fureur
de juger , on eft le Perrin Dandin des
plaideurs on s'affolipit comme lui fur
l'inſtruction , on prononce à demi - endormi
, & on condamne un chien aux galeres .
>
C'eft ainfi que la fievre d'écrire & la
rage de décider partagent les efprits &
forment deux ordres différens dans l'empi
re des Lettres & des Arts : la claffe des
auteurs & des hommes à talens ; celle des
connoiffeurs qui les jugent , & des ama-
L'abus n'eft que dans le grand nombre. If
feroit à fouhaiter qu'on réduifft toutes ces feuiltes
à l'Année Littéraire . Le bon goût y regne avec
Félégance du ftyle ; elles pourroient alors fervir
d'école aux jeunes auteurs , & fouvent d'inftruc
tion aux perſonnes du monde.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE .
teurs qui les protegent . Ces derniers ont la
prééminence ; ils occupent , pour ainfi dire ,
le thrône de l'efprit ; ils en deviennent
quelquefois les tyrans .
Le beau fexe leur difpute le fceptre des
arts ; il étend même fa domination fur tou
te la littérature. S'il fe bornoit à la partie
agréable , on feroit charmé de l'avoir pour
maître & pour modele , même on lui par
donneroit de donner plufieurs heures de fon
loifir à la Phyfique expérimentale. Le plus
bel ornement de la nature eft fait pour en
apprendre tous les fecrets ; mais il veut
aflujettir les graces qui l'accompagnent au
compas de la géométrie , le fentiment qui
l'anime à l'analyſe trop fubtile de la Métaphyfique
, & les talens qu'il embellit au
calcul trop exact de l'Algebre : c'est dénaturer
les dons qu'il tient du ciel ; ils lui
fuffisent pour fubjuguer l'efprit comme le
coeur . Qu'il faffe regner le fentiment , tout
lui fera plus fûrement & plus généralement
affervi. Il eft dangereux de raifonner où il
faut fentir , & l'efprit philofophique propre
à nous éclairer fur tout le refte , doit
arrêter là fa lumiere , ou ne l'employer dans
ce point que pour mieux fuivre un inſtinct
plus fûr qu'elle. S'il veut pénétrer dans le
méchanifme du fentiment, que ce foit dans
un ouvrage à part , qui le décompofe fans
MARS. 1755. 37
le détruire . Tous les arts qui dépendent
de ce fentiment , ne brillent bien que par
les femmes, Ils gagneroient fans doute à
n'être jugés qu'aux tribunaux où elles préfident
, fi la féduction des hommes ne
prévenoient leurs jugemens : ils font prefque
toujours les auteurs fecrets de leurs
erreurs ou de leurs injuftices. C'eft pour les
croire & pour les favorifer qu'elles protégent
une médiocre piéce , ou qu'elles prônent
un mauvais livre , qu'elles en facilitent
le débit , & font coupables du fuccès.
La réuffite n'eft plus l'ouvrage du public
, elle est le fruit du manége des particuliers
. Ils la décident avant l'impreffion
ou la repréfentation : c'eft comme un arrangement
de famille.
Rien n'eft plus refpectable que les vrais
protecteurs. J'entends ceux qui le font
par leur place ou par leurs lumieres ; leurs
bienfaits encouragent les arts , & leurs
confeils les perfectionnent . Mais je ne puis
voir, fans prendre de l'humeur ou fans rire ,
(je choisis ce dernier parti comme le plus
fage ) je ne puis donc voir fans rire fortir
de deffous terre cette foule de petits protecteurs
, qui n'en ont ni l'étoffe ni le rang ,
& qui veulent donner des loix dans une
République où ils n'ont pas même acquis
le droit de bourgeoifie. Il refte encore une
38 MERCURE DE FRANCE.
diftinction à faire parmi les amateurs. Il
en eft plufieurs qui aident en citoyens
éclairés les talens naiffans qui ont besoin
d'appui ; ils leur donnent des maîtres pour
les former , fans autre vûe que celle d'enrichir
le théatre qui manque de fujets , &
je les honore. Il y en a même tels qui
brilleroient dans la claffe des auteurs , fi
les dangers attachés à ce titre n'arrê
toient leur plume , & ne nous privoient
de leurs productions. Mais comme les
meilleurs modeles font tous les jours de
mauvaiſes copies qui fe multiplient , il eft
arrivé qu'en imitation , ou plutôt en contradiction
de cette fage école , il s'en eft
élevé plufieurs autres qui tendent à rui
ner le goût & à décourager les vrais talens.
Elles ont moins le bien général pour objet
que des fantaifies particulieres elles
dégénerent en parodies , elles deviennent
des charges , & ne femblent protéger que
pour rendre l'établiffement ridicule. La
plaifanterie va fi loin qu'il fe forme actuellement
des compagnies qui affurent un
talent comme on affure une maifon ; elles
font les fuccès & les réputations à leur gré.
Il est vrai que malgré leur garantie ces réputations
font ephemeres ; fouvent elles
expirent au bout d'un mois. Une cabale
contraire les détruit pour en établir de nouMARS.
1755 : 39
velles à leurs dépens . Celles- ci font défaites
à leur tour par un troifieme parti , qui
en éleve d'autres fur leurs débris . Quelque
peu que dure le regne de ces talens factices ,
les fuites n'en font pas moins pernicieuſes.
C'est ce qui brouille & renverfe tout ,
c'est ce qui porte enfin le dernier coup à
la puiffance du public . La vénalité des fuffrages
& la tyrannie des particuliers qui
les achetent , l'anéantiffent , en détruifant
fa liberté. Je parcours tous les théatres , où
il a toujours regné d'une façon plus fenfible
; je l'y cherche , & je ne l'y trouve
plus le parterre indépendant qui le compofoit
, n'y donne plus la loi . D'un côté je
n'y vois à fa place qu'une multitude efclave
& vendue à qui veut la foudoyer , & de
l'autre des fpectateurs d'habitude , qui ont
la fureur du fpectacle fans en avoir le goût ,
qui n'y vont avec affiduité que pour en faper
plus vite les fondemens par les faux
jugemens qu'ils y prononcent , par les divifions
qu'ils y font naître & par les
cabales qu'ils y fomentent. Je ne reconnois
plus un public à ces traits , & mes doutes
fur fon existence ne font que trop bien
fondés.
:
Mais les fpectacles , me dira- t- on , n'ont
jamais été plus fréquentés : j'en conviens ,
& ce qu'il y a de merveilleux , ils le font
40 MERCURE DE FRANCE.
fans auteurs qui les foutiennent , fans piéces
qui réuffiffent , fouvent fans acteurs qui
les jouent , & fans public qui les juge. Je
crains qu'ils ne brillent pour s'éteindre.
Quand le public devient nul , le théatre
eft dans un grand danger. Chacun veut
être le maître , fe néglige ou fe déplace .
Le déplacement amene l'anarchie , & l'anarchie
, la deftruction.
J'aurois inféré après ces doutes des réflexions
fur le goût , qui font d'un autre
auteur > & que j'ai reçues plus tard ;
mais comme elles roulent fur la même
matiere , j'ai crû devoir les éloigner &
garder ce dernier morceau pour le Mercure
prochain. Il me paroît venir de bonne
main , & je prie l'auteur de n'être point
fâché du retard : j'y fuis forcé par la variété
qu'exige mon recueil , & dont je me
fuis fait une loi inviolable .
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Résumé : DOUTES SUR L'EXISTENCE D'UN PUBLIC.
Au milieu du XVIIIe siècle, la question de l'existence et de l'influence d'un public unifié dans les domaines littéraire et théâtral devient complexe. Autrefois, le public se manifestait clairement et exerçait une autorité souveraine, notamment lors des spectacles et parmi les lecteurs. Cependant, une fragmentation s'est produite, avec diverses sociétés et factions revendiquant chacune le titre de 'vrai public'. Cette division a rendu problématique la définition du bon goût et de l'autorité publique légitime, remplacée par une multiplicité de jugements partiaux et contradictoires. La prolifération de brochures et d'écrits périodiques a exacerbé ce phénomène. La lecture sans étude approfondie mène à des jugements hâtifs et superficiels. Cette situation a créé deux ordres distincts dans le monde des lettres et des arts : les auteurs et les connaisseurs. Le beau sexe, bien que capable de juger avec élégance et sentiment, est souvent influencé par les hommes, ce qui fausse les jugements. Les véritables protecteurs des arts, ceux qui le font par leur place ou leurs lumières, sont respectables. Cependant, une multitude de petits protecteurs, sans véritable autorité, cherchent à imposer leurs lois, contribuant à la confusion et à la dégradation du goût. Les cabales et les arrangements familiaux décident souvent du succès des œuvres avant même leur publication ou représentation, anéantissant la liberté du public. Les théâtres, autrefois lieux de l'expression publique indépendante, sont maintenant remplis de spectateurs esclaves et vendus, sans véritable goût pour les spectacles. Cette situation met en danger les théâtres et les arts, car l'anarchie et le manque de jugement public conduisent à la destruction.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 41-43
LA NOBLESSE DE L'ÉCOLE MILITAIRE. A M. DU VERNEY. 1755.
Début :
Quel pouvoir créateur nous donne un nouvel être, [...]
Mots clefs :
Zèle, Lauriers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA NOBLESSE DE L'ÉCOLE MILITAIRE. A M. DU VERNEY. 1755.
LA NOBLESSE
DE L'ÉCOLE MILITAIRE.
A M. DU VERNEY. 1755 .
Quel pouvoir créateur nous donne un nouvel
être ,
Et nous fait un berceau de l'école de Mars ?
Sous les traits de Louis , un pere , un Dieu peutêtre
,
Daigne y fixer fur nous les plus tendres regards.
Ses travaux , fes exploits , tracés par la victoire ,
L'éclat des lys & des lauriers ,
Tout développe ici le germe des guerriers ,
Et tout nous annonce fa gloire.
D'un fang pur, toujours prêt à couler pour les Rois,
I ranime l'ardeur & lui fert de modele :
Comblés de fes bienfaits , brûlant du plus beau
zéle ,
Puifions-nous le verfer pour défendre ſes droits !
Couverts d'une noble pouffiere ,
Exercés dans l'art des combats ,
Quand volerons- nous fur les pas
Dans cette brillante carriere ,
Où l'immortalité , qui nous eft déja chere
Fait revivre après le trépas ?
42 MERCURE DE FRANCE.
Applaudis aux tranſports d'une jeune nobleſſe
O paix délices des mortels ,
Louis nous les infpire , & ce trait de fageffe
T'affure de nouveaux autels .
Tu fçais que fon grand coeur , pour te rendre à la
terre
Eût formé d'inutiles voeux ,
Si fon bras , cet appui que t'ont donné les Dieux ;
N'eût jamais lancé le tonnerre.
Eft- ce à nous de chanter la paix ou les combats ?
Sans.crainte à quel écueil s'expofe notre enfance !
Mais eft- il des écueils que ne franchiffent pas
L'amour & la reconnoiffance ?
Tu le fçais , du Verney , toi du meilleur des Rois ;
Sujet le plus rempli de zéle ,
Le plus digne , le plus fidele ,
Dont fa faveur pût faire choix.
Ces champs , en lauriers fi fertiles ;
Ou Louis confondit les projets inutiles
Que forma tant de fois la difcorde en fureur ;
Par tes foins , par ta vigilance ,
Virent toujours une heureufe abondance
Sous les drapeaux de ce vainqueur .
Citoyen , tu n'as pour bouffole
Que les befoins du peuple & le bien de l'Etat ;
Tes travaux dans leur fein font couler en Pactole
Les thréfors de chaque climat ,
Non loin de cet afyle où des héros fans nombre ;
MARS. 1755. 43
Dans le fein des vertus , de gloire environnés ,
Au déclin de leurs jours , fe repofent à l'ombre ,
Des lauriers qu'ils ont moiſſonnés .
Louis , à la Valeur , notre unique déeffe ,
Confacre un nouveau temple , augufte monument
Et chef- d'oeuvre de ſa ſageſſe ;
Sa grandeur , fes bontés en font le fondement.
Il est devenu ton ouvrage ;
Il fuffit pour t'éternifer.
De ton zéle il fera l'image ;
D'un Miniftre que tout doit immortaliſer ,
Et d'un Roi que nos coeurs voudroient divinifer ,
Ce zéle a mérité le glorieux fuffrage .
DE L'ÉCOLE MILITAIRE.
A M. DU VERNEY. 1755 .
Quel pouvoir créateur nous donne un nouvel
être ,
Et nous fait un berceau de l'école de Mars ?
Sous les traits de Louis , un pere , un Dieu peutêtre
,
Daigne y fixer fur nous les plus tendres regards.
Ses travaux , fes exploits , tracés par la victoire ,
L'éclat des lys & des lauriers ,
Tout développe ici le germe des guerriers ,
Et tout nous annonce fa gloire.
D'un fang pur, toujours prêt à couler pour les Rois,
I ranime l'ardeur & lui fert de modele :
Comblés de fes bienfaits , brûlant du plus beau
zéle ,
Puifions-nous le verfer pour défendre ſes droits !
Couverts d'une noble pouffiere ,
Exercés dans l'art des combats ,
Quand volerons- nous fur les pas
Dans cette brillante carriere ,
Où l'immortalité , qui nous eft déja chere
Fait revivre après le trépas ?
42 MERCURE DE FRANCE.
Applaudis aux tranſports d'une jeune nobleſſe
O paix délices des mortels ,
Louis nous les infpire , & ce trait de fageffe
T'affure de nouveaux autels .
Tu fçais que fon grand coeur , pour te rendre à la
terre
Eût formé d'inutiles voeux ,
Si fon bras , cet appui que t'ont donné les Dieux ;
N'eût jamais lancé le tonnerre.
Eft- ce à nous de chanter la paix ou les combats ?
Sans.crainte à quel écueil s'expofe notre enfance !
Mais eft- il des écueils que ne franchiffent pas
L'amour & la reconnoiffance ?
Tu le fçais , du Verney , toi du meilleur des Rois ;
Sujet le plus rempli de zéle ,
Le plus digne , le plus fidele ,
Dont fa faveur pût faire choix.
Ces champs , en lauriers fi fertiles ;
Ou Louis confondit les projets inutiles
Que forma tant de fois la difcorde en fureur ;
Par tes foins , par ta vigilance ,
Virent toujours une heureufe abondance
Sous les drapeaux de ce vainqueur .
Citoyen , tu n'as pour bouffole
Que les befoins du peuple & le bien de l'Etat ;
Tes travaux dans leur fein font couler en Pactole
Les thréfors de chaque climat ,
Non loin de cet afyle où des héros fans nombre ;
MARS. 1755. 43
Dans le fein des vertus , de gloire environnés ,
Au déclin de leurs jours , fe repofent à l'ombre ,
Des lauriers qu'ils ont moiſſonnés .
Louis , à la Valeur , notre unique déeffe ,
Confacre un nouveau temple , augufte monument
Et chef- d'oeuvre de ſa ſageſſe ;
Sa grandeur , fes bontés en font le fondement.
Il est devenu ton ouvrage ;
Il fuffit pour t'éternifer.
De ton zéle il fera l'image ;
D'un Miniftre que tout doit immortaliſer ,
Et d'un Roi que nos coeurs voudroient divinifer ,
Ce zéle a mérité le glorieux fuffrage .
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Résumé : LA NOBLESSE DE L'ÉCOLE MILITAIRE. A M. DU VERNEY. 1755.
Le poème de 1755 dédié à M. Du Verney célèbre la noblesse et l'école militaire. Il met en avant le rôle de l'école militaire dans la formation de futurs guerriers sous la protection de Louis, décrit comme un père et presque un dieu. Les exploits des élèves sont guidés par la victoire, cultivant en eux l'esprit guerrier et annonçant leur future gloire. Le texte exalte l'ardeur des élèves, prêts à se battre pour les rois et à défendre leurs droits. La jeune noblesse est encouragée à embrasser une carrière militaire, où l'immortalité est accessible. Le poème évoque également la paix inspirée par Louis et la sagesse de ne pas former de vœux inutiles. Il souligne l'amour et la reconnaissance comme forces capables de surmonter les obstacles. Du Verney est loué pour son zèle, sa fidélité et son dévouement au roi et à l'État. Les victoires, symbolisées par des champs de lauriers, sont le fruit de ses soins et de sa vigilance. Le poème se conclut par la consécration d'un temple à la Valeur, œuvre de la sagesse et de la grandeur de Louis, et par l'éloge du zèle de Du Verney, digne d'immortaliser un ministre et de diviniser un roi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 43
Mots de l'Enigme & du Logogryphe du Mercure de Février, [titre d'après la table]
Début :
Le mot de l'Enigme du Mercure de Février est le Corps de baleine. Le mot du Logogryphe [...]
Mots clefs :
Corps de baleine, Poivre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Mots de l'Enigme & du Logogryphe du Mercure de Février, [titre d'après la table]
LE mot de l'Enigme du Mercure de Février
eft le Corps de baleine . Le mot du Logogryphe
eft Poivre , dans lequel on trouve
or , poire , vie , pores , oie , ire , le pire ,
Roi , ivre , re.
eft le Corps de baleine . Le mot du Logogryphe
eft Poivre , dans lequel on trouve
or , poire , vie , pores , oie , ire , le pire ,
Roi , ivre , re.
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11
p. 44
ENIGME.
Début :
Je goûtois en secret les charmes du repos, [...]
Mots clefs :
Triangle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
E goûtois en fecret les charmes du repos ,
Révéré des mortels , adoré des héros ;
Un aſyle facré m'offroit en apparence
D'un bonheur éternel la flateufe efpérance.
Mais bravant le couroux du fouverain des Rois ,
Un mortel me foumit à de nouvelles loix.
Par une facrilege offenſe ,
Le nom du Tout- puiffant , arraché des autels
Doit-il fe voir aftreint au compas des mortels ?
Mais c'étoit encor peu dégrader ma nobleſſe
Du Géometre à peine une indigne careffe
Eut en vain effayé d'adoucir mon malheur ,
Qu'un affreux cuifinier combla mon deshonneur ,
Sans daigner me toucher me prit dans ſa pincette ;
Sur les fourneaux étincelans
11 m'établit une retraite .
Mais à des traits fi reffemblans ,
Lecteur , peux-tu me méconnoître ?
Je ne t'en dis pas plus , cherche qui je puis être.
Par M.D. L. G.
E goûtois en fecret les charmes du repos ,
Révéré des mortels , adoré des héros ;
Un aſyle facré m'offroit en apparence
D'un bonheur éternel la flateufe efpérance.
Mais bravant le couroux du fouverain des Rois ,
Un mortel me foumit à de nouvelles loix.
Par une facrilege offenſe ,
Le nom du Tout- puiffant , arraché des autels
Doit-il fe voir aftreint au compas des mortels ?
Mais c'étoit encor peu dégrader ma nobleſſe
Du Géometre à peine une indigne careffe
Eut en vain effayé d'adoucir mon malheur ,
Qu'un affreux cuifinier combla mon deshonneur ,
Sans daigner me toucher me prit dans ſa pincette ;
Sur les fourneaux étincelans
11 m'établit une retraite .
Mais à des traits fi reffemblans ,
Lecteur , peux-tu me méconnoître ?
Je ne t'en dis pas plus , cherche qui je puis être.
Par M.D. L. G.
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12
p. 45
LOGOGRYPHE.
Début :
Sous les pieds délicats d'une jeune bergere [...]
Mots clefs :
Poésie
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SoOuuss les pieds délicats d'une jeune bergere
J'ai fouvent opprimé l'innocente fougere ;
Je dois ma naiffance aux Dieux ;
Et mes peintures légeres
Ont fait briller à tes yeux
Mille beautés menfongeres .
Laiffant aujourd'hui l'erreur ;
Vérité , c'est ma devife .
Je vais faire l'analyſe
Des fix pieds d'un tout menteur,
Après un Pape , un Prophéte ,
S'offre un corps tout contrefait ,
Muni d'un efprit bienfait
Dont on ne fait point la fête ,
Ce qui d'un infecte adroit
Fait le domicile étroit.
Un oiſeau dont le plumago
Eft utile aux Ecrivains ,
Et celui dont le ramage
Etourdit tous les humains.
Jeunes mortels , dont le délire
Afpire à l'immortalité ,
Brûlez fur les autels dreffés dans mon empire
Un encens agréable à ma divinité,
SoOuuss les pieds délicats d'une jeune bergere
J'ai fouvent opprimé l'innocente fougere ;
Je dois ma naiffance aux Dieux ;
Et mes peintures légeres
Ont fait briller à tes yeux
Mille beautés menfongeres .
Laiffant aujourd'hui l'erreur ;
Vérité , c'est ma devife .
Je vais faire l'analyſe
Des fix pieds d'un tout menteur,
Après un Pape , un Prophéte ,
S'offre un corps tout contrefait ,
Muni d'un efprit bienfait
Dont on ne fait point la fête ,
Ce qui d'un infecte adroit
Fait le domicile étroit.
Un oiſeau dont le plumago
Eft utile aux Ecrivains ,
Et celui dont le ramage
Etourdit tous les humains.
Jeunes mortels , dont le délire
Afpire à l'immortalité ,
Brûlez fur les autels dreffés dans mon empire
Un encens agréable à ma divinité,
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13
p. 46
ENIGME.
Début :
Nous sommes deux freres jumeaux, [...]
Mots clefs :
Étriers
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ENIGM E.
Nous fommes deux freres jumeaux ;
Souvent plus utiles que beaux ;
Pour voyager ou pour combattre ,
De nous l'uſage eſt très-commun :
Nous ne portons qu'un pied chacun ;
Nous fomines cependant toujours portés fur quatre
.
Nous fommes deux freres jumeaux ;
Souvent plus utiles que beaux ;
Pour voyager ou pour combattre ,
De nous l'uſage eſt très-commun :
Nous ne portons qu'un pied chacun ;
Nous fomines cependant toujours portés fur quatre
.
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14
p. 46-47
LOGOGRYPHE.
Début :
Sans être un animal, j'ai des cornes, Lecteur, [...]
Mots clefs :
Lanterne
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LOGOGRYPHE.
Sans être un animal , j'ai des cornes , Lecteur;
Et mes cornes fouvent guériffent de la peur.
Ce début fingulier fera rire peut- être ,
Et fera fuffifant pour me faire connoître.
Quoiqu'il en foit , je veux te dire encor ,
Qu'au lieu d'être à ma tête elles font à mon
corps.
Cela ne fuffit point : je fuis encore obſcure ,
N'eft- ce pas ? Eh bien , vois , dérange ma ftructure
,
En moi tu trouveras ce que font douze mois ,
L'animal qui jadis porta le Roi des Rois ,
Des bêtes aujourd'hui la demeure ordinaire ,
Mais où s'eft retiré plus d'un faint folitaire .
Ce qu'ici-bas un chacun aime bien ,
Et qui pour un chrétien doit être moins que rien ;
que nous tenons tous de la bonté fuprême ,
Comme un figne certain de fa puiffance extrême.
L'endroit de la maiſon qui me plaît en hyver
La montagne ou Vulcain fait fabriquer le fer ;
Ce qui de tous les tems fit briller la nature ,
Celle à qui Dieu donna la fille la plus puré .
Plus le nom d'une ville , & celui d'un Prélat
Que la ville d'Angers révere avec éclat.
Sans être un animal , j'ai des cornes , Lecteur;
Et mes cornes fouvent guériffent de la peur.
Ce début fingulier fera rire peut- être ,
Et fera fuffifant pour me faire connoître.
Quoiqu'il en foit , je veux te dire encor ,
Qu'au lieu d'être à ma tête elles font à mon
corps.
Cela ne fuffit point : je fuis encore obſcure ,
N'eft- ce pas ? Eh bien , vois , dérange ma ftructure
,
En moi tu trouveras ce que font douze mois ,
L'animal qui jadis porta le Roi des Rois ,
Des bêtes aujourd'hui la demeure ordinaire ,
Mais où s'eft retiré plus d'un faint folitaire .
Ce qu'ici-bas un chacun aime bien ,
Et qui pour un chrétien doit être moins que rien ;
que nous tenons tous de la bonté fuprême ,
Comme un figne certain de fa puiffance extrême.
L'endroit de la maiſon qui me plaît en hyver
La montagne ou Vulcain fait fabriquer le fer ;
Ce qui de tous les tems fit briller la nature ,
Celle à qui Dieu donna la fille la plus puré .
Plus le nom d'une ville , & celui d'un Prélat
Que la ville d'Angers révere avec éclat.
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15
p. 47-48
VAUDEVILLE DE TABLE.
Début :
Aux Dieux les plus charmans, [...]
Mots clefs :
Boire, Aimer
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texteReconnaissance textuelle : VAUDEVILLE DE TABLE.
VAUDEVILLE DE TABLE.
AUx Dieux les plus charmans ,
Amis , rendons hommage ;
Notre bonheur eft leur ouyrage :
Chantons- les dans ces doux inftans.
Et pour mieux celébrer leur gloire
Au gré de nos plus chers dehrs ;
A longs traits goûtons les plaifirs
De bien aimer & de bien boire.
A Bacchus , à l'Amour
Vrais charmes de la vie ,
Que notre ame foit affervie ;
Qu'ils regnent fur nous tour à tour.
De les fuivre , c'eft être fage ;
48 MERCURE DE FRANCE.
Ex le prétendu fage eft fou ,
Qui d'une Iris & du glou glou
Méconnoît le prix & l'ufage,
粥
Nectar , cours en nos coeurs
Te joindre à la tendreffe ,
Tous deux dans une aimable ivreffe
Comblez - nous de mille douceurs.
Des cieux , c'eft là le bien fuprême ,
Et pour en jouir , chacun doit
Sçavoir aimer autant qu'il boit ,
Et fçavoir boire autant qu'il aime.
La musique eft de M. Charriere.
Les parolesfont de M. M....
AUx Dieux les plus charmans ,
Amis , rendons hommage ;
Notre bonheur eft leur ouyrage :
Chantons- les dans ces doux inftans.
Et pour mieux celébrer leur gloire
Au gré de nos plus chers dehrs ;
A longs traits goûtons les plaifirs
De bien aimer & de bien boire.
A Bacchus , à l'Amour
Vrais charmes de la vie ,
Que notre ame foit affervie ;
Qu'ils regnent fur nous tour à tour.
De les fuivre , c'eft être fage ;
48 MERCURE DE FRANCE.
Ex le prétendu fage eft fou ,
Qui d'une Iris & du glou glou
Méconnoît le prix & l'ufage,
粥
Nectar , cours en nos coeurs
Te joindre à la tendreffe ,
Tous deux dans une aimable ivreffe
Comblez - nous de mille douceurs.
Des cieux , c'eft là le bien fuprême ,
Et pour en jouir , chacun doit
Sçavoir aimer autant qu'il boit ,
Et fçavoir boire autant qu'il aime.
La musique eft de M. Charriere.
Les parolesfont de M. M....
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Résumé : VAUDEVILLE DE TABLE.
Le texte est un vaudeville dédié aux dieux et à la célébration du bonheur. Il invite à chanter et à honorer les plaisirs de la vie, notamment l'amour et le vin. Les vers exaltent Bacchus et l'Amour, considérés comme les véritables charmes de l'existence. Le poème souligne que suivre ces plaisirs est sage et que celui qui ignore leur valeur est fou. Il appelle à savourer le nectar et la tendresse, combinés dans une ivresse douce, pour atteindre le bien suprême des cieux. La musique est composée par M. Charrière, tandis que les paroles sont de M. M.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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