Résultats : 4 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 1-15
Prélude, contenant plusieurs Actions de grandeur, de bonté & de libéralité du Roy, & plusieurs Piéces à la gloire de ce Monarque, [titre d'après la table]
Début :
J'AY bien crû, Madame, que ce que je vous ay dit touchant [...]
Mots clefs :
Aqueduc , Roi, Sujets, Bonté, Charges, Aumônier, Troupes, Embellissements, Rivière, Travail, Prince, Seigneur, Royaume, Abbé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Prélude, contenant plusieurs Actions de grandeur, de bonté & de libéralité du Roy, & plusieurs Piéces à la gloire de ce Monarque, [titre d'après la table]
'AY bien crû, Madame,
que ce que je vous ay
dit touchant l'Aqueduc
qui doit conduire la Riviere
d'Eure à Verſailles , vous paroiſtroit
auſſi ſurprenant que
digne d'admiration , & que
vous donneriez mille loüan-
Avril 1685. A
MERCURE
ges aux motifs de bonté qui
ont inſpiré ce deſſein au Roy,
puis que ce qu'il a eu principalement
en veuë dans cette
grande entrepriſe , a eſté de
faire trouver les moyens
de ſubſiſter à ceux d'entre
ſes Sujets , qui avoient
beſoin de quelque ſecours,
pour ne pas mener une vie
entierement malheureuſe , &
de fournir de l'occupation à
ſes Troupes , afin qu'une
longue oyſiveté ne les fift
pas devenir inhabiles au
travail , ſi quelques Puiſſances
jalouſes de la Grandeur,
GALANT.
3
troubloient le repos qu'il a
donné à l'Europe. Aprés avoir
ainſi conſulté ſa bonté
pour ſes Sujets , & l'avantage
que pourroit tirer l'Etat
fſii ſes Troupes eſtoient toûjours
endurcies au travail du
remuement des Terres , qui
eſt le travail le plus néceſfaire
dans le Meſtier de la
Guerre , il a regardé qu'en
exécutant cét admirable projet
, il couvroit la France d'u
ne gloire fans égale , & luy
donnoit lieu de ſe vanter d'être
venuë à bout d'un Ouvrage
plus grand qu'aucun
A ij
4 MERCURE
de
de ceux qui ayent jamais
eſté entrepris par les plus
puiſſans Empereurs Romains
; de forte que l'embelliſſement
que Verſailles
recevra des Eaux que cét
étonnant & miraculeux Aqueduc
y doit conduire , n'a
preſque pas eſté conſideré
par le Roy : ce Monarque
comptant pour rien ce qui
regarde ſes propres plaiſirs.
Ce n'eſt pas que la beauté
de Verſailles ſoit pour luy
ſeul. Il ſe fait une joye de
donner cét ornement à la
France , & de tenir ſa Cour
GALANT S
dans un lieu délicieux , où
elle joüit des plaiſirs de toutes
les belles Saiſons , & de
celuy d'eſtre bien logée,
pendant que les ſoins de la
grandeur & du repos de l'Etat
le tiennent dans un travail
qui a fort peu de relâche.
Mais ce Prince eſt auſſi
content , lors que fa Cour,
ſes Sujets , & les Etrangers
joüiffent des charmes de ce
magnifique lieu , & des divertiſſemens
qu'il y donne,
que s'il les prenoit ſans ceſſe
-luy meſme. L'exemple du
travail de l'Aqueduc , a pro-
A iij
6 MERCURE
د
duit un autre bien pour les
malheureux
qui n'ayant
point d'employ à Paris , n'y
pouvoient trouver les moyés
de vivre . Mrs les Prevolt
des Marchands , & Echevins
de la Ville ont fait publier,
non ſeulement qu'ils em
ployeroient toutes les Pernes
qui voudroient travailler
à remuer la Terre des Ramparts
qu'on fait autour de Paris
; mais auſſi qu'ils donneroient
tous les inftrumens
néceſſaires pour ce travail à
ceux qui n'auroient pas dequoy
en avoir. C'eſt ce qu'ils
A
GALANT.
ont fait le neufiéme de ce
mois ; de ſorte que ſi l'on
voit preſentement des Gens
fans employ , & preſſez de la
neceſſité, on ne le doit imputer
qu'à leur pareſſe , &à leur
faineantiſe. On peut ajoûter
à tout cela que ceux qui ont
voulu s'occuper , en ont toûjours
trouvé les occafions,
le Roy ayant fait travailler il
y a déja long-temps àune Levée
depuis Paris juſqu'au
bord de la Riviere qui regar--
de Seve , afin de rendre le
chemin plus praticable , &
plus commode pour ceux
A iiij
8 MERCURE
qui font obligez d'aller à
Verſailles . C'eſt dans cette
meſme veuë que Sa Majeſté
a cru qu'il falloit qu'il y euſt
un Pont au bout de cette Levée
qui conduiſiſt à Seve,
d'où Elle a fait applanir , élargir
, & paver le chemin
juſqu'à Verſailles ; ce qui le
rendra plus aifé & plus
court. Comme Elle a voulu
que ce Pont fuſt achevé en
peu de temps , Elle en a donné
le revenu pour cinquante
ans à des Particuliers qui l'ont
fait conftruire.
On en commence icy un
1
GALANT. 9 ,
de Pierre qu'on appellera le
e fait a Pont Royal , & on le fait aux
dépens de ce genéreux Monarque
, qui n'épargne rien
pour l'embelliſſement de la
Ville , & pour la commodité
de ſes Sujets. Il ſera un peu
plus proche des Tuilleries,
que celuy qu'on appelloit le
Pont Rouge , & que les Eaux.
ont entraîné depuis quelque
temps..
Quoy que le Roy n'ait
point d'occupation plus forte
que de penſer au general , il
ne laiſſe pas de ſe ſouvenir
du particulier..On le voit
८
10 MERCURE
par les penſions des Dames
du Palais , qu'il a conſervées
,
à Madame la Princeſſe de
Tingry , & à Mesdames les
Comtefles de Granmont , &
de Saint Geran qui les
avoient euës du vivant de la
Reyne. M l'Abbé de Rohan
, ſecond Fils de M le
Prince de Soubiſe a efté د
pourveu de l'Abbaye de Saint
Taurin , Ordre de S. Benoiít,
Diocéſe d'Evreux vacante
par la démiſſion volontaire de
M' l'Abbé du Frénoy , qui ſe
trouvant l'aîné de ſa Maiſon,
a cru devoir ſemettre en état
GALANT. II
de la ſoûtenir. Ces grandes
Abbayes ne devant eſtre pof
fedées que par des Perſonnes
d'une distinction particuliere
, on ne peut que loüer ce
choix du Roy , aufli bienque.
celuy qu'il a fait de M' l'Abbé
de Beuvron qu'il a gratifié
de la Charge de l'un de ſes
Aumôniers , vacante depuis
la mort de M' l'Abbé de Saint
Luc. Il y a déja quelque
temps que M'l'Abbé de Beuvron
avoit offert de l'argent
d'une autre Charge d'Aumônier
, mais l'affaire ne ſe put
conclurre , & il a eu du Roy
12 MERCURE
en pur don , celle dont il
vient d'eſtre pourveu , ſaMa
jeſté ne permettát plusque ſes
Charges d'Aumônier ſe vendent
, &voulant à l'avenir les
remplir Elle-meſme de Perſonnes
de merite. C'eſt par
là qu'Elle a donné à M'l'Abbé
de la Sale , Frere de M'de
la Sale Maiſtre de ſa Garderobe
, une autre Charge
d'Aumônier , vacante par la
démiffion volontaire de M
l'Abbé de Saint Valier , qui
eſt party pour le Canada , où
il doit eſtre Coadjuteur de
M lEveſque de Quebec.
GALANT. 13
- Une grande dévotion & le
zele de convertir des Infidé
1
les , luy font faire ce Voyage.
Il accompagne M' le Marquis
d'Enonvile , Colonel des
Dragons de la Reyne , qui
doit eftre Commandant en
ce Païs- là , dont vous ſçavez
que M' le Maréchal d'Eſtrades
eſt Viceroy.
Dans le meſme temps que
le Roy s'applique aux differens
ſoins que je viens de
vous marquer , il ſonge à donner
moyen à la plus jeune
& la plus qualifiée Nobleſſe
de ſon Royaume , des'entre-
4
14 MERCURE
tenir toûjours dans les exer
cices qui font les plus dignes
d'elle , &qui font qu'elle ferd
l'Etat avec plus de gloire &
plus d'avantage , lors qu'ileft
queſtion, ou de le défendre,
ou de le remettre dans ſes juſtes
bornes. C'eſt pour cela
que ce Prince a la bonté de
contribuer à la plus grande
partie de la dépenſe néceſſaire
, pour faire une Courſe de
Têtes,avec toutl'éclat qu'elle
peut eſtre par les plus grands
Seigneurs d'une Cour , qui
n'eſt pas moins renommée
par la bravoure que par la
GALANT 15
galanterie.
que ce que je vous ay
dit touchant l'Aqueduc
qui doit conduire la Riviere
d'Eure à Verſailles , vous paroiſtroit
auſſi ſurprenant que
digne d'admiration , & que
vous donneriez mille loüan-
Avril 1685. A
MERCURE
ges aux motifs de bonté qui
ont inſpiré ce deſſein au Roy,
puis que ce qu'il a eu principalement
en veuë dans cette
grande entrepriſe , a eſté de
faire trouver les moyens
de ſubſiſter à ceux d'entre
ſes Sujets , qui avoient
beſoin de quelque ſecours,
pour ne pas mener une vie
entierement malheureuſe , &
de fournir de l'occupation à
ſes Troupes , afin qu'une
longue oyſiveté ne les fift
pas devenir inhabiles au
travail , ſi quelques Puiſſances
jalouſes de la Grandeur,
GALANT.
3
troubloient le repos qu'il a
donné à l'Europe. Aprés avoir
ainſi conſulté ſa bonté
pour ſes Sujets , & l'avantage
que pourroit tirer l'Etat
fſii ſes Troupes eſtoient toûjours
endurcies au travail du
remuement des Terres , qui
eſt le travail le plus néceſfaire
dans le Meſtier de la
Guerre , il a regardé qu'en
exécutant cét admirable projet
, il couvroit la France d'u
ne gloire fans égale , & luy
donnoit lieu de ſe vanter d'être
venuë à bout d'un Ouvrage
plus grand qu'aucun
A ij
4 MERCURE
de
de ceux qui ayent jamais
eſté entrepris par les plus
puiſſans Empereurs Romains
; de forte que l'embelliſſement
que Verſailles
recevra des Eaux que cét
étonnant & miraculeux Aqueduc
y doit conduire , n'a
preſque pas eſté conſideré
par le Roy : ce Monarque
comptant pour rien ce qui
regarde ſes propres plaiſirs.
Ce n'eſt pas que la beauté
de Verſailles ſoit pour luy
ſeul. Il ſe fait une joye de
donner cét ornement à la
France , & de tenir ſa Cour
GALANT S
dans un lieu délicieux , où
elle joüit des plaiſirs de toutes
les belles Saiſons , & de
celuy d'eſtre bien logée,
pendant que les ſoins de la
grandeur & du repos de l'Etat
le tiennent dans un travail
qui a fort peu de relâche.
Mais ce Prince eſt auſſi
content , lors que fa Cour,
ſes Sujets , & les Etrangers
joüiffent des charmes de ce
magnifique lieu , & des divertiſſemens
qu'il y donne,
que s'il les prenoit ſans ceſſe
-luy meſme. L'exemple du
travail de l'Aqueduc , a pro-
A iij
6 MERCURE
د
duit un autre bien pour les
malheureux
qui n'ayant
point d'employ à Paris , n'y
pouvoient trouver les moyés
de vivre . Mrs les Prevolt
des Marchands , & Echevins
de la Ville ont fait publier,
non ſeulement qu'ils em
ployeroient toutes les Pernes
qui voudroient travailler
à remuer la Terre des Ramparts
qu'on fait autour de Paris
; mais auſſi qu'ils donneroient
tous les inftrumens
néceſſaires pour ce travail à
ceux qui n'auroient pas dequoy
en avoir. C'eſt ce qu'ils
A
GALANT.
ont fait le neufiéme de ce
mois ; de ſorte que ſi l'on
voit preſentement des Gens
fans employ , & preſſez de la
neceſſité, on ne le doit imputer
qu'à leur pareſſe , &à leur
faineantiſe. On peut ajoûter
à tout cela que ceux qui ont
voulu s'occuper , en ont toûjours
trouvé les occafions,
le Roy ayant fait travailler il
y a déja long-temps àune Levée
depuis Paris juſqu'au
bord de la Riviere qui regar--
de Seve , afin de rendre le
chemin plus praticable , &
plus commode pour ceux
A iiij
8 MERCURE
qui font obligez d'aller à
Verſailles . C'eſt dans cette
meſme veuë que Sa Majeſté
a cru qu'il falloit qu'il y euſt
un Pont au bout de cette Levée
qui conduiſiſt à Seve,
d'où Elle a fait applanir , élargir
, & paver le chemin
juſqu'à Verſailles ; ce qui le
rendra plus aifé & plus
court. Comme Elle a voulu
que ce Pont fuſt achevé en
peu de temps , Elle en a donné
le revenu pour cinquante
ans à des Particuliers qui l'ont
fait conftruire.
On en commence icy un
1
GALANT. 9 ,
de Pierre qu'on appellera le
e fait a Pont Royal , & on le fait aux
dépens de ce genéreux Monarque
, qui n'épargne rien
pour l'embelliſſement de la
Ville , & pour la commodité
de ſes Sujets. Il ſera un peu
plus proche des Tuilleries,
que celuy qu'on appelloit le
Pont Rouge , & que les Eaux.
ont entraîné depuis quelque
temps..
Quoy que le Roy n'ait
point d'occupation plus forte
que de penſer au general , il
ne laiſſe pas de ſe ſouvenir
du particulier..On le voit
८
10 MERCURE
par les penſions des Dames
du Palais , qu'il a conſervées
,
à Madame la Princeſſe de
Tingry , & à Mesdames les
Comtefles de Granmont , &
de Saint Geran qui les
avoient euës du vivant de la
Reyne. M l'Abbé de Rohan
, ſecond Fils de M le
Prince de Soubiſe a efté د
pourveu de l'Abbaye de Saint
Taurin , Ordre de S. Benoiít,
Diocéſe d'Evreux vacante
par la démiſſion volontaire de
M' l'Abbé du Frénoy , qui ſe
trouvant l'aîné de ſa Maiſon,
a cru devoir ſemettre en état
GALANT. II
de la ſoûtenir. Ces grandes
Abbayes ne devant eſtre pof
fedées que par des Perſonnes
d'une distinction particuliere
, on ne peut que loüer ce
choix du Roy , aufli bienque.
celuy qu'il a fait de M' l'Abbé
de Beuvron qu'il a gratifié
de la Charge de l'un de ſes
Aumôniers , vacante depuis
la mort de M' l'Abbé de Saint
Luc. Il y a déja quelque
temps que M'l'Abbé de Beuvron
avoit offert de l'argent
d'une autre Charge d'Aumônier
, mais l'affaire ne ſe put
conclurre , & il a eu du Roy
12 MERCURE
en pur don , celle dont il
vient d'eſtre pourveu , ſaMa
jeſté ne permettát plusque ſes
Charges d'Aumônier ſe vendent
, &voulant à l'avenir les
remplir Elle-meſme de Perſonnes
de merite. C'eſt par
là qu'Elle a donné à M'l'Abbé
de la Sale , Frere de M'de
la Sale Maiſtre de ſa Garderobe
, une autre Charge
d'Aumônier , vacante par la
démiffion volontaire de M
l'Abbé de Saint Valier , qui
eſt party pour le Canada , où
il doit eſtre Coadjuteur de
M lEveſque de Quebec.
GALANT. 13
- Une grande dévotion & le
zele de convertir des Infidé
1
les , luy font faire ce Voyage.
Il accompagne M' le Marquis
d'Enonvile , Colonel des
Dragons de la Reyne , qui
doit eftre Commandant en
ce Païs- là , dont vous ſçavez
que M' le Maréchal d'Eſtrades
eſt Viceroy.
Dans le meſme temps que
le Roy s'applique aux differens
ſoins que je viens de
vous marquer , il ſonge à donner
moyen à la plus jeune
& la plus qualifiée Nobleſſe
de ſon Royaume , des'entre-
4
14 MERCURE
tenir toûjours dans les exer
cices qui font les plus dignes
d'elle , &qui font qu'elle ferd
l'Etat avec plus de gloire &
plus d'avantage , lors qu'ileft
queſtion, ou de le défendre,
ou de le remettre dans ſes juſtes
bornes. C'eſt pour cela
que ce Prince a la bonté de
contribuer à la plus grande
partie de la dépenſe néceſſaire
, pour faire une Courſe de
Têtes,avec toutl'éclat qu'elle
peut eſtre par les plus grands
Seigneurs d'une Cour , qui
n'eſt pas moins renommée
par la bravoure que par la
GALANT 15
galanterie.
Fermer
Résumé : Prélude, contenant plusieurs Actions de grandeur, de bonté & de libéralité du Roy, & plusieurs Piéces à la gloire de ce Monarque, [titre d'après la table]
Le texte, daté d'avril 1685, discute principalement de l'aqueduc projeté pour acheminer l'eau de la rivière d'Eure à Versailles. L'auteur exprime son admiration pour ce projet, soulignant la bienveillance du roi qui cherche à fournir des moyens de subsistance à ses sujets dans le besoin et à occuper ses troupes pour éviter l'oisiveté. Le roi voit également cet ouvrage comme une source de gloire pour la France, surpassant les réalisations des empereurs romains. L'embellissement de Versailles, bien que notable, n'est pas la principale motivation du roi, qui se préoccupe davantage du bien-être de ses sujets et de la grandeur de l'État. Le texte mentionne également les initiatives prises pour employer les habitants de Paris. Les prévôts des marchands et les échevins offrent des travaux de terrassement et des outils nécessaires. De plus, le roi a entrepris des travaux pour améliorer les routes et les ponts, comme le Pont Royal, afin de faciliter les déplacements vers Versailles. Le roi montre également sa sollicitude envers les particuliers en conservant les pensions des dames du palais et en nommant des abbés à des charges vacantes. Il refuse de vendre les charges d'aumôniers, préférant les attribuer à des personnes de mérite. Il soutient aussi la noblesse en contribuant à l'organisation de courses de têtes, mettant en avant la bravoure et la galanterie de la cour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 237-273
Ils vont voir les travaux que l'on fait à la Riviere d'Eure. Description de cet Ouvrage, avec tout ce qui s'est passé à la reveuë des Troupes qui y travaillent. [titre d'après la table]
Début :
Rien ne marquant mieux la grandeur du Roy, & le [...]
Mots clefs :
Troupes, Maintenon, Pieds, Hauteur, Aqueduc , Terre, Roi, Rivière, Nivellements, Arcades, Maçonnerie, Canal, Talus, Berchères, Rivière d'Eure, Revue des troupes, Travaux, Eaux, Versailles, Louvois, La Hire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ils vont voir les travaux que l'on fait à la Riviere d'Eure. Description de cet Ouvrage, avec tout ce qui s'est passé à la reveuë des Troupes qui y travaillent. [titre d'après la table]
Rien ne marquant
mieux la grandeur du
- Roy , & le glorieux eftat
où eſt la France , que les
travaux qu'on fait pour
conduire laRiviere d'Fure
à Versailles,& les Ambaffadeurs
ſouhaitant avec
ardeur de voir quelques
Troupes de Sa Majesté ,
2
238 Voyage des Amb.
و
on les a menez à Maintenon
pour leur faire
voir en bataille celles qui
travaillent à l'Aqueduc ,
&pour fatisfaire en mefme
temps leur curioſité
fur ce grand Ouvrage.
Comme c'eſt icy une occafion
de vous en parler à
fond, jeprendray la choſe
dés ſon origine .
Toutes les meſures
7
qu'on avoit priſes , & tous
les nivellemens qui avoient
eſté faits ily a plu
de Siam. 239
2
ſieurs années , pour faire
venir des Eaux vives à
Verfailles , fans y employer
des Pompes ou
d'autres Machines femblables
, avoient fait voir
qu'il eſtoit impoffible d'en
avoir que de la Riviere de
Loire , mais pour la conduire
en cette Maiſon
Royale , il auroit fallu la
détourner au deſſus de la
Charité, ce qui avoit paru
d'une fi grande difficulté,
pour la longueur du che
240 Voyage des Amb.
min , & à caufe des lieux
bas par où l'on auroit efté
contraint de paffer , que
Sa Majesté avoit entierement
abandonné ce deffein
, eftant d'ailleurs tresperfuadée
de la juſteſſe
avec laquelle feu M.Picard
de l'Academie des
Sciences , avoit pris tous
les niveaux , quoy qu'on
vouluſt affcurer qu'un
ruiſſeau de cette Riviere
étant dérournéàOrleans ,
,
pouvoit eſtre conduit jufque
de Siam . 241
que fur la Montagne de
Sataury , qui eft de pluſieurs
toiſes plus haute
que le dessus duChaſteau .
Il n'y avoit point d'apparence
qu'on pût trouver
quelqueautre Riviere, ou
quelques eaux vives pour
eſtre conduites à Verſailles
, puis que par ſes nivellemens
on ſçavoit que la
Seine étoit beaucoup plus
baſse que la Loire, & que
par confequent tout le
terrein entre ces deux Ri
X
242 Voyage des Amb.
vieres ne pouvoit fournir
que quelques eaux qui
n'avoient pas assez de
hauteur pour ce qu'on avoit
deſsein de faire ; &
comme il y a de l'apparence
que plus on s'approche
de la Mer, plus les terreins
vont en defcendant,
il ſembloit que c'eſtoit
inutilementqu'on croyoit
trouver des eaux aſsez
hautes dans les terres
qui font au Couchant
à l'égard de Verſailles,
de Siam.
243
puis que c'eſt vers ce côtélà
queles Rivieres de Loire
& de Seine ont leur
cours . Cependant fur la
fin de l'année 1684. M² de
Louvois ayant confideré
que la Riviere d'Eure devoit
avoir beaucoup de
hauteur, puis que tous les
terreins depuis Verſailles
en tirant versMaintenon,
où elle paſſe , estoient extrémement
hauts,& qu'il
y avoit vers ce coſté-là
des eaux que l'on foute
X ij
244 Voyage des Amb.
noit dans des canaux avec
une tres - grande hauteur
, il jugea que cette
Riviere , qui étoit fort rapide
dans ſa courſe , en
pouvoit au moins avoir
aſſez pour eftre élevée
commodement par le fecours
de quelque petite
Machine juſque dans les
Eſtangs de Trape & des
environs , qui ſervoient
de refervoir aux eaux
de ces Quartiers - là. Il
donna ordre à M de la
deSiam.
245
Hire, Profeffeur Royal en
Mathematique , & de
l'Academie des Sciencès ,
à qui il avoit déja confié
pluſieurs nivellemens importans
pour Fontainebleau
&Verfailles , d'aller
reconnoiſtre la hauteur
de la Riviere d'Eure dans
fa courſe en remontant
depuis Maintenon , &
de chercher vers le Perche
quellesen étoient leseaux
& quelles hauteurs elles
avoient. M' de la Hire
r
25
Xij
246 Voyagedes Amb.
partit de Versailles dans
le mois d'Octobre de la
mefme année ; & en nivellant
toûjours juſqu'à
Maintenon , il y trouva
la Riviere d'Eure plus bafſe
que le deſſus du Chafteau
de Versailles d'environ
cent cinquante pieds,
& remontant cette Riviere
, il trouva enfin qu'à
Pontgüoin, qui eft à ſept
lieuës au deffus de Chartres
, elle estoit plus haute
que ce Chaſteau de prés
de Siam. 247
de quatre - vingt pieds.
Cette découverte luy
donna d'abord beaucoup
de joye , mais auffi beaucoup
de crainte de quelque
erreur , qui pouvoit
s'eftre infenfiblement gliffée
dans les operations
quifont tres difficiles dans
des nivellemens de plus
de trente lieues . Il verifia
toutes fes obfervations ,
autant que la ſaiſon le luy
pût permettre , à cauſe du
mauvais remps , & fur
Xinj
248 Voyagedes Amb.
tout des grands vents, qui
nuifent fort aux nivellemens
, & il trouva qu'il
ne pouvoit y avoir que
tres - peu d'erreur. Le Roy
eſtant alors à Fontainebleau
, il apporta cette
nouvelle à M'de Louvois,
qui témoigna en eſtre fort
fatisfait . Cependant M. de
la Hire luy ayant remontré
les difficultez des operarions
pendant l'Hiver ,
M'de Louvois luy donna
ordre de retourner dans
de Siam.
249
ces meſmes lieux vers le
Printemps , pour faire les
verifications des hauteurs
qu'il avoit trouvées dans
tous les points principaux
où il avoit marqué que
l'eau devoit paffer , de la
maniere que l'on comence
à l'executer preſentement
. Il trouva dans la
verification des premiers
nivellemens , un pied ou
deux plus de hauteur que
la premiere fois , & il reconnut
par des nivelle
250 Voyage des Amb.
mens un peu plus longs
queles premiers , que les
eaux des Rivieres qui paffent
à Verneuil & à Breteüil,
pouvoient eftre conduites
dans des canaux
fur terrejuſqu'à l'emboucheure
de l'Aqueduc qui
devoit porter les eaux de
la Riviere d'Eure pardeffus
le valon de Maintenon
. On travaille prefentement
à cette grande
Entrepriſe qui furpaffera
en magnificence tout ce
de Siam.
251
que les Empereurs Romains
ont fait dans l'étenduë
de pluſieurs Siecles..
Tous les canaux fur la fuperficie
de la terre font achevez
; l'eau que l'on y a
fait couler a confirméla
juſteſfedes nivellemens,&
l'Aqueduc qui doit paffer
dans le valon de Maintenon
eft fort avancé. La
partie de cet Aqueduc qui
eſt dans le plus profond
du valon doit eftre de
pierre,& le reſte des deux
252 Voyage des Amb.
C
coftez , où la hauteur est
mediocre , paffera fur de
grandes Terraffes élevées
pour ce ſujet . Voicy les
meſures & le détail de
cetOuvrage.
Ily a environ vingt mille
toiſes de Canal depuis
Pontgoüin, où l'on prend
laRiviere, juſque àBercherelaMangor.
CeCanal, qui
eft conduit fur la fuperficie
de la terre , felon fon
niveau , a par bas quinze
pieds , & plus ou moins
de Siam.
253
de hauteur felon le terrein
;& le Talus des bords
eſt double de la profondeur.
Dans le fond de
Berchere, où devoit commencer
l'Aqueduc de maçonnerie
, on fait une Levée
ou Aqueduc de terre,
rapportée à l'Aqueduc de
maçonnerie pendant trois
mille fix cens ſept toiſes.
- Cet Aqueduc de terre a
comme le Canal quinze
pieds de large par le fond,
de haut fix , ſept, ou huit
هللا
254 Voyage des Amb.
pieds ,&de talus le double
de la hauteur ; les
bords font fortifiez de
chauffées de neuf pieds
de large. Le talus de la
Levée eſt auſſi double de
ſa hauteur , pour empefcher
que les terres ne s'éboulent.
Dans le fond de
Berchere la Levée de terrea
cent pieds, & en d'autres
endroits foixante &
dix, cinquante , quarante
&vingt de hauteur.
A l'endroit où cette lede
Siam.
255
vée de terre joint l'Aqueduc
de Maçonnerie qui
eft vers Maintenon , elle
a 79. pieds de haut. Cét
Aqueduc de Maçonnerie
à 2960. toiſes de longueur
en 242. Arcades qui ont
40. pieds de large. Leurs
piles en ont vingt- quatre,
& de longueur quaranteſepta
quarante-huit pieds ,
avec des pilliers boutans
de onze pieds de large , aprés
les retraites , & de
faillie fix pieds. Il a dans
256 Voyage des Amb.
le plus profond trois Ar
cades l'une fur l'autre .
Du coſté de Berchere,
le nombre des Arcades
ſimples eftde trente- trois.
De doubles foixante-
& onze.
De triples quarante- fix.
Puis de doubles , foixante
& douze .
Et enfin de ſimples ,
vingt.
Leſquelles réjoignent
l'Aqueduc de terre rap.
portée du coſté de Ver
de Siam
257
&
failles afoixante cinq pieds
environ de hauteur , qui
continuë en. diminuant:
pendant fix mille cinquante
cinq , juſqu'à ce qu'il
vienne à la hauteur du
terrain , & depuis la juf
ques à Verfailles , il continue
fur terre de meſme
qu'entre Pontgouin &
Berchere pendant vingtcinq
mille toiſes , horſmis :
qu'en quelques endrois il
y aura dans terre unAque--
duc de Maçonnerie. La
298 Voyage des Amb.
plus grande hauteur de
l'Aqueduc dans le fondde
Maintenon , où paſſent
les Rivieres d'Eure & de
Gallardon , & où font les
triples arcades , eft de216.
pieds 6. pouces , juſqu'au
pavé des Corridors , ſans
les fondemens qui doivent
avoir 15. ou 16. pieds
de profondeur , & fans le
Parapet qui a trois pieds
fix pouces.
La hauteur des premieresArcades
juſque ſous la
de Siam. 252
voûte eſt de foixante &
ſeize pieds ,& juſqu'au pavé
des ſecondes quatre--
vingt-un pied fix pouces.
Les fecondes arcades
ont juſque ſous la voûte
foixante&dix pieds ,&jufqu'au
pavédes troiſiemes ,
quatre-vingt- cinq pieds.
Les troifiémes arcades
ont juſque ſous la voure
trente pieds trois pouces,
& juſqu'aux Corridors
neuf pieds neuf pouces,
fur leſquels font les Para
Yij
260 Voyage desAmb.
pets de trois pieds fix pou
ces .
Le Canal à ſept pieds
de large par bas , & s'élargit
juſqu'à ſept pieds fix
pouces , à la hauteur de
quatre pieds où commence
lavoute à plein ceintre.
Il y a de coſté & d'autre
du Canal un Corridor
-de trois pieds , & un Parapet
de dix- fept pouces de
large.
Les piles font à plomb
par le dedans hors de ter
de Siam. 261
re ,& par les coſtez . Il y
a par tout l'Aquedue un
pouce pour toiſe de talus,
mais les piliers bourans
en ont davantage au deffus
des premieres Arcades .
Il ſe fait de part & d'autre
une retraite d'environ
-ſept pieds , & au deffus
des fecondes , de prés de
fix pieds .
Ily a une porte au milieu
de chaque pile pour
pouvoir paffer tout du
long de l'Aqueduc , tant
262 Voyage des Amb.
aux ſecondes Arcades
qu'aux troifiémes. Lesportes
des fecondes ont quatre
pieds de large ,& celles
des troifiémes trois pieds
fix pouces , fur ſept pieds
dehaut.
Il y a des Eſcaliers qui
montent de terre au premier
étage par le dehors.
Ceux qui montent au
ſecond ſont pratiquez
dans l'épaiffeur des piles,
& ceux qui montent au
troifiéme font partie de
de Siam. 263
dans , partie dehors.
Voilà l'eſtat où eftoient
ces Ouvrages il y a fix
mois. Ils doivent eftre prefentement
bien plus avancez,
puisque plus de trente
mille hommes n'ont point
ceffé d'y travailler pendat
ce temps- là. De ces trente
mille hommes, il y en
a une partie de Maçons,
d'Apareilleurs , & d'autres
gens neceſſaires pour
les choſes qui ne peuvent
être faites par lesTroupes.
264 Vyage des Amb.
Elles font employées tant
l'Aqueduc qu'aux CarrieresdeGallardon
&d'Epernon
, & aux Ouvrages de
terre & fe montent à
vingt - deux mille hommes
où environ. Voicy les
noms des Regimens qui
les compoſent. Je ne vous
les envoye pas felon leur
rang.
REGIMENS.
Picardie.
Champagne..point
Royal
de Siam. 265
Royal des Vaiſſeaux.
Languedoc.
Navarre.
Feuquieres.
Cruffol.
La Fare .
Fufiliers du Roy.
Alface.
Vaubecour.
Lyonnois.
Dauphin .
La Reyne .
Anjou.
Vermandois.
Il y a outre cela trois
Z
266 Voyage des Amb.
Efcadrons de Dragons .
Le Logis des Ambaffadeurs
fut gardé par une
Compagnie dont le Capitaine
, le Lieutenant &
1 ' Enſeigne étoient en
Hauſſe - Col , pour leur
faire plus d'honneur. M
le Marquis d'Uxelles qui
commande toutes ces
Troupes , alla luy- meſme
le premier jour demander
le mot aux Ambaſſadeurs ,
&ils donnerent pour mot
Prosperité. Le Major Ge
deSiam. 267
neraly alla le prendre les
deuxjours fuivans , & les
motsqu'ils luy donnerent
furent l'Alliance Royale,
& Deux contre tous . Je
ne vous dis point qu'ils
entendoient parler des
Rois de France & de
Siam Ils admirerent les
Travaux dont je viens
de vous faire la defcription.
Le premier Ambaffadeur
les conçeut fi bien,
& en donna des marques
fi convaincantes , qu'iln'y
Zij
268 Voyage des Amb.
a point d'Architecte ny
d'Ingenieur qui euft pû les
mieux comprendre . Il dit
auffi , Qu'il ne croyoit pas
que tous les Rois de l' Europe
ensemble en puſſentfaire
autant. On leur fit voir
toutes les Troupes qui bátirent
aux Champs , &
falüerent du Drapeau.
Elles firent l'Exercice au
fon du Tambour, & montrerent
la parfaite intelligence
qu'elles ontdu Mêtier
de la Guerre.Il y avoit
de Siam. 269
douze Chevaux de l'Ecurie
du Roy que l'Ambaffadeur
& les Mandarins
monterent. Le premier
Ambaffadeur montra
d'un air fort déliberé ,
de quelle maniere les Siamois
ſe battent avec la
Lance. On luy demanda
s'il trouvoit les Troupes
du Roy belles , & il répondit,
qu'il ne croyoit pas
en avoir veu Cette réponfe
furprit , mais il tira bientoſt
d'embarras ceux qui
Z iij
270 Voyage des Amb.
l'avoient entenduë ,&dit
Qu'il ne croyoit pas avoir
vû des Troupes, maisfeulement
des Officiers , parce
qu'ils en avoient tous l'air,
&& l'adreſſe . M' le Marquis
d'Uxelles luy don.
na un magnifique Repas,
avec les Princes d'Hano
ver
, d'Holſtein , d'Harmeſtein
& d'Hanau. On
y but la Santédu Roy , &
l'on peut dire que c'eſt
la ſcule choſe dont il ait
efté ſurpris en France ,
de Siam.
27
ayant toûjours dit , Que
comme on devoit tout attendre
des François il n'étoit
étonné de rien ; mais
il eut de la peine à ſe perfuader
qu'on puft boire à
la Santé du Roy ſans manquer
de reſpect. On luy
dit que les diftinctions
qu'on faiſoit en la beuvant,
marquoient le refpect
, & qu'enfin le Roy
donnoit cette liberté ,
parce qu'elle faiſoit voir le
zele , & l'amour qu'on a-
Zij
272 Voyage des Amb.
'voit pour luy. Il joüa aprés
leRepas à toute table
avec Mª d'Uxelles , & le
gagna. Il dit lors qu'il eut
vû les Ouvrages , & les
Troupes , Qu'il ne s'éton
noit point de la grandeur,
&de la prosperité du Roy ,
& que beaucoup de choſes
ycontribuoient,Scavoir l'union
de la Famille Royale ,
l'avantage qu'il avoit de
gouverner par luy-mesme,
lafidelité , la ponctualité ,
Pintelligence, &la vigilande
Siam. 273
ce de ſes Ministres , es la
bonté deſes Troupes remplies
de jeuneſfe adroite,
& propre à tout.
mieux la grandeur du
- Roy , & le glorieux eftat
où eſt la France , que les
travaux qu'on fait pour
conduire laRiviere d'Fure
à Versailles,& les Ambaffadeurs
ſouhaitant avec
ardeur de voir quelques
Troupes de Sa Majesté ,
2
238 Voyage des Amb.
و
on les a menez à Maintenon
pour leur faire
voir en bataille celles qui
travaillent à l'Aqueduc ,
&pour fatisfaire en mefme
temps leur curioſité
fur ce grand Ouvrage.
Comme c'eſt icy une occafion
de vous en parler à
fond, jeprendray la choſe
dés ſon origine .
Toutes les meſures
7
qu'on avoit priſes , & tous
les nivellemens qui avoient
eſté faits ily a plu
de Siam. 239
2
ſieurs années , pour faire
venir des Eaux vives à
Verfailles , fans y employer
des Pompes ou
d'autres Machines femblables
, avoient fait voir
qu'il eſtoit impoffible d'en
avoir que de la Riviere de
Loire , mais pour la conduire
en cette Maiſon
Royale , il auroit fallu la
détourner au deſſus de la
Charité, ce qui avoit paru
d'une fi grande difficulté,
pour la longueur du che
240 Voyage des Amb.
min , & à caufe des lieux
bas par où l'on auroit efté
contraint de paffer , que
Sa Majesté avoit entierement
abandonné ce deffein
, eftant d'ailleurs tresperfuadée
de la juſteſſe
avec laquelle feu M.Picard
de l'Academie des
Sciences , avoit pris tous
les niveaux , quoy qu'on
vouluſt affcurer qu'un
ruiſſeau de cette Riviere
étant dérournéàOrleans ,
,
pouvoit eſtre conduit jufque
de Siam . 241
que fur la Montagne de
Sataury , qui eft de pluſieurs
toiſes plus haute
que le dessus duChaſteau .
Il n'y avoit point d'apparence
qu'on pût trouver
quelqueautre Riviere, ou
quelques eaux vives pour
eſtre conduites à Verſailles
, puis que par ſes nivellemens
on ſçavoit que la
Seine étoit beaucoup plus
baſse que la Loire, & que
par confequent tout le
terrein entre ces deux Ri
X
242 Voyage des Amb.
vieres ne pouvoit fournir
que quelques eaux qui
n'avoient pas assez de
hauteur pour ce qu'on avoit
deſsein de faire ; &
comme il y a de l'apparence
que plus on s'approche
de la Mer, plus les terreins
vont en defcendant,
il ſembloit que c'eſtoit
inutilementqu'on croyoit
trouver des eaux aſsez
hautes dans les terres
qui font au Couchant
à l'égard de Verſailles,
de Siam.
243
puis que c'eſt vers ce côtélà
queles Rivieres de Loire
& de Seine ont leur
cours . Cependant fur la
fin de l'année 1684. M² de
Louvois ayant confideré
que la Riviere d'Eure devoit
avoir beaucoup de
hauteur, puis que tous les
terreins depuis Verſailles
en tirant versMaintenon,
où elle paſſe , estoient extrémement
hauts,& qu'il
y avoit vers ce coſté-là
des eaux que l'on foute
X ij
244 Voyage des Amb.
noit dans des canaux avec
une tres - grande hauteur
, il jugea que cette
Riviere , qui étoit fort rapide
dans ſa courſe , en
pouvoit au moins avoir
aſſez pour eftre élevée
commodement par le fecours
de quelque petite
Machine juſque dans les
Eſtangs de Trape & des
environs , qui ſervoient
de refervoir aux eaux
de ces Quartiers - là. Il
donna ordre à M de la
deSiam.
245
Hire, Profeffeur Royal en
Mathematique , & de
l'Academie des Sciencès ,
à qui il avoit déja confié
pluſieurs nivellemens importans
pour Fontainebleau
&Verfailles , d'aller
reconnoiſtre la hauteur
de la Riviere d'Eure dans
fa courſe en remontant
depuis Maintenon , &
de chercher vers le Perche
quellesen étoient leseaux
& quelles hauteurs elles
avoient. M' de la Hire
r
25
Xij
246 Voyagedes Amb.
partit de Versailles dans
le mois d'Octobre de la
mefme année ; & en nivellant
toûjours juſqu'à
Maintenon , il y trouva
la Riviere d'Eure plus bafſe
que le deſſus du Chafteau
de Versailles d'environ
cent cinquante pieds,
& remontant cette Riviere
, il trouva enfin qu'à
Pontgüoin, qui eft à ſept
lieuës au deffus de Chartres
, elle estoit plus haute
que ce Chaſteau de prés
de Siam. 247
de quatre - vingt pieds.
Cette découverte luy
donna d'abord beaucoup
de joye , mais auffi beaucoup
de crainte de quelque
erreur , qui pouvoit
s'eftre infenfiblement gliffée
dans les operations
quifont tres difficiles dans
des nivellemens de plus
de trente lieues . Il verifia
toutes fes obfervations ,
autant que la ſaiſon le luy
pût permettre , à cauſe du
mauvais remps , & fur
Xinj
248 Voyagedes Amb.
tout des grands vents, qui
nuifent fort aux nivellemens
, & il trouva qu'il
ne pouvoit y avoir que
tres - peu d'erreur. Le Roy
eſtant alors à Fontainebleau
, il apporta cette
nouvelle à M'de Louvois,
qui témoigna en eſtre fort
fatisfait . Cependant M. de
la Hire luy ayant remontré
les difficultez des operarions
pendant l'Hiver ,
M'de Louvois luy donna
ordre de retourner dans
de Siam.
249
ces meſmes lieux vers le
Printemps , pour faire les
verifications des hauteurs
qu'il avoit trouvées dans
tous les points principaux
où il avoit marqué que
l'eau devoit paffer , de la
maniere que l'on comence
à l'executer preſentement
. Il trouva dans la
verification des premiers
nivellemens , un pied ou
deux plus de hauteur que
la premiere fois , & il reconnut
par des nivelle
250 Voyage des Amb.
mens un peu plus longs
queles premiers , que les
eaux des Rivieres qui paffent
à Verneuil & à Breteüil,
pouvoient eftre conduites
dans des canaux
fur terrejuſqu'à l'emboucheure
de l'Aqueduc qui
devoit porter les eaux de
la Riviere d'Eure pardeffus
le valon de Maintenon
. On travaille prefentement
à cette grande
Entrepriſe qui furpaffera
en magnificence tout ce
de Siam.
251
que les Empereurs Romains
ont fait dans l'étenduë
de pluſieurs Siecles..
Tous les canaux fur la fuperficie
de la terre font achevez
; l'eau que l'on y a
fait couler a confirméla
juſteſfedes nivellemens,&
l'Aqueduc qui doit paffer
dans le valon de Maintenon
eft fort avancé. La
partie de cet Aqueduc qui
eſt dans le plus profond
du valon doit eftre de
pierre,& le reſte des deux
252 Voyage des Amb.
C
coftez , où la hauteur est
mediocre , paffera fur de
grandes Terraffes élevées
pour ce ſujet . Voicy les
meſures & le détail de
cetOuvrage.
Ily a environ vingt mille
toiſes de Canal depuis
Pontgoüin, où l'on prend
laRiviere, juſque àBercherelaMangor.
CeCanal, qui
eft conduit fur la fuperficie
de la terre , felon fon
niveau , a par bas quinze
pieds , & plus ou moins
de Siam.
253
de hauteur felon le terrein
;& le Talus des bords
eſt double de la profondeur.
Dans le fond de
Berchere, où devoit commencer
l'Aqueduc de maçonnerie
, on fait une Levée
ou Aqueduc de terre,
rapportée à l'Aqueduc de
maçonnerie pendant trois
mille fix cens ſept toiſes.
- Cet Aqueduc de terre a
comme le Canal quinze
pieds de large par le fond,
de haut fix , ſept, ou huit
هللا
254 Voyage des Amb.
pieds ,&de talus le double
de la hauteur ; les
bords font fortifiez de
chauffées de neuf pieds
de large. Le talus de la
Levée eſt auſſi double de
ſa hauteur , pour empefcher
que les terres ne s'éboulent.
Dans le fond de
Berchere la Levée de terrea
cent pieds, & en d'autres
endroits foixante &
dix, cinquante , quarante
&vingt de hauteur.
A l'endroit où cette lede
Siam.
255
vée de terre joint l'Aqueduc
de Maçonnerie qui
eft vers Maintenon , elle
a 79. pieds de haut. Cét
Aqueduc de Maçonnerie
à 2960. toiſes de longueur
en 242. Arcades qui ont
40. pieds de large. Leurs
piles en ont vingt- quatre,
& de longueur quaranteſepta
quarante-huit pieds ,
avec des pilliers boutans
de onze pieds de large , aprés
les retraites , & de
faillie fix pieds. Il a dans
256 Voyage des Amb.
le plus profond trois Ar
cades l'une fur l'autre .
Du coſté de Berchere,
le nombre des Arcades
ſimples eftde trente- trois.
De doubles foixante-
& onze.
De triples quarante- fix.
Puis de doubles , foixante
& douze .
Et enfin de ſimples ,
vingt.
Leſquelles réjoignent
l'Aqueduc de terre rap.
portée du coſté de Ver
de Siam
257
&
failles afoixante cinq pieds
environ de hauteur , qui
continuë en. diminuant:
pendant fix mille cinquante
cinq , juſqu'à ce qu'il
vienne à la hauteur du
terrain , & depuis la juf
ques à Verfailles , il continue
fur terre de meſme
qu'entre Pontgouin &
Berchere pendant vingtcinq
mille toiſes , horſmis :
qu'en quelques endrois il
y aura dans terre unAque--
duc de Maçonnerie. La
298 Voyage des Amb.
plus grande hauteur de
l'Aqueduc dans le fondde
Maintenon , où paſſent
les Rivieres d'Eure & de
Gallardon , & où font les
triples arcades , eft de216.
pieds 6. pouces , juſqu'au
pavé des Corridors , ſans
les fondemens qui doivent
avoir 15. ou 16. pieds
de profondeur , & fans le
Parapet qui a trois pieds
fix pouces.
La hauteur des premieresArcades
juſque ſous la
de Siam. 252
voûte eſt de foixante &
ſeize pieds ,& juſqu'au pavé
des ſecondes quatre--
vingt-un pied fix pouces.
Les fecondes arcades
ont juſque ſous la voûte
foixante&dix pieds ,&jufqu'au
pavédes troiſiemes ,
quatre-vingt- cinq pieds.
Les troifiémes arcades
ont juſque ſous la voure
trente pieds trois pouces,
& juſqu'aux Corridors
neuf pieds neuf pouces,
fur leſquels font les Para
Yij
260 Voyage desAmb.
pets de trois pieds fix pou
ces .
Le Canal à ſept pieds
de large par bas , & s'élargit
juſqu'à ſept pieds fix
pouces , à la hauteur de
quatre pieds où commence
lavoute à plein ceintre.
Il y a de coſté & d'autre
du Canal un Corridor
-de trois pieds , & un Parapet
de dix- fept pouces de
large.
Les piles font à plomb
par le dedans hors de ter
de Siam. 261
re ,& par les coſtez . Il y
a par tout l'Aquedue un
pouce pour toiſe de talus,
mais les piliers bourans
en ont davantage au deffus
des premieres Arcades .
Il ſe fait de part & d'autre
une retraite d'environ
-ſept pieds , & au deffus
des fecondes , de prés de
fix pieds .
Ily a une porte au milieu
de chaque pile pour
pouvoir paffer tout du
long de l'Aqueduc , tant
262 Voyage des Amb.
aux ſecondes Arcades
qu'aux troifiémes. Lesportes
des fecondes ont quatre
pieds de large ,& celles
des troifiémes trois pieds
fix pouces , fur ſept pieds
dehaut.
Il y a des Eſcaliers qui
montent de terre au premier
étage par le dehors.
Ceux qui montent au
ſecond ſont pratiquez
dans l'épaiffeur des piles,
& ceux qui montent au
troifiéme font partie de
de Siam. 263
dans , partie dehors.
Voilà l'eſtat où eftoient
ces Ouvrages il y a fix
mois. Ils doivent eftre prefentement
bien plus avancez,
puisque plus de trente
mille hommes n'ont point
ceffé d'y travailler pendat
ce temps- là. De ces trente
mille hommes, il y en
a une partie de Maçons,
d'Apareilleurs , & d'autres
gens neceſſaires pour
les choſes qui ne peuvent
être faites par lesTroupes.
264 Vyage des Amb.
Elles font employées tant
l'Aqueduc qu'aux CarrieresdeGallardon
&d'Epernon
, & aux Ouvrages de
terre & fe montent à
vingt - deux mille hommes
où environ. Voicy les
noms des Regimens qui
les compoſent. Je ne vous
les envoye pas felon leur
rang.
REGIMENS.
Picardie.
Champagne..point
Royal
de Siam. 265
Royal des Vaiſſeaux.
Languedoc.
Navarre.
Feuquieres.
Cruffol.
La Fare .
Fufiliers du Roy.
Alface.
Vaubecour.
Lyonnois.
Dauphin .
La Reyne .
Anjou.
Vermandois.
Il y a outre cela trois
Z
266 Voyage des Amb.
Efcadrons de Dragons .
Le Logis des Ambaffadeurs
fut gardé par une
Compagnie dont le Capitaine
, le Lieutenant &
1 ' Enſeigne étoient en
Hauſſe - Col , pour leur
faire plus d'honneur. M
le Marquis d'Uxelles qui
commande toutes ces
Troupes , alla luy- meſme
le premier jour demander
le mot aux Ambaſſadeurs ,
&ils donnerent pour mot
Prosperité. Le Major Ge
deSiam. 267
neraly alla le prendre les
deuxjours fuivans , & les
motsqu'ils luy donnerent
furent l'Alliance Royale,
& Deux contre tous . Je
ne vous dis point qu'ils
entendoient parler des
Rois de France & de
Siam Ils admirerent les
Travaux dont je viens
de vous faire la defcription.
Le premier Ambaffadeur
les conçeut fi bien,
& en donna des marques
fi convaincantes , qu'iln'y
Zij
268 Voyage des Amb.
a point d'Architecte ny
d'Ingenieur qui euft pû les
mieux comprendre . Il dit
auffi , Qu'il ne croyoit pas
que tous les Rois de l' Europe
ensemble en puſſentfaire
autant. On leur fit voir
toutes les Troupes qui bátirent
aux Champs , &
falüerent du Drapeau.
Elles firent l'Exercice au
fon du Tambour, & montrerent
la parfaite intelligence
qu'elles ontdu Mêtier
de la Guerre.Il y avoit
de Siam. 269
douze Chevaux de l'Ecurie
du Roy que l'Ambaffadeur
& les Mandarins
monterent. Le premier
Ambaffadeur montra
d'un air fort déliberé ,
de quelle maniere les Siamois
ſe battent avec la
Lance. On luy demanda
s'il trouvoit les Troupes
du Roy belles , & il répondit,
qu'il ne croyoit pas
en avoir veu Cette réponfe
furprit , mais il tira bientoſt
d'embarras ceux qui
Z iij
270 Voyage des Amb.
l'avoient entenduë ,&dit
Qu'il ne croyoit pas avoir
vû des Troupes, maisfeulement
des Officiers , parce
qu'ils en avoient tous l'air,
&& l'adreſſe . M' le Marquis
d'Uxelles luy don.
na un magnifique Repas,
avec les Princes d'Hano
ver
, d'Holſtein , d'Harmeſtein
& d'Hanau. On
y but la Santédu Roy , &
l'on peut dire que c'eſt
la ſcule choſe dont il ait
efté ſurpris en France ,
de Siam.
27
ayant toûjours dit , Que
comme on devoit tout attendre
des François il n'étoit
étonné de rien ; mais
il eut de la peine à ſe perfuader
qu'on puft boire à
la Santé du Roy ſans manquer
de reſpect. On luy
dit que les diftinctions
qu'on faiſoit en la beuvant,
marquoient le refpect
, & qu'enfin le Roy
donnoit cette liberté ,
parce qu'elle faiſoit voir le
zele , & l'amour qu'on a-
Zij
272 Voyage des Amb.
'voit pour luy. Il joüa aprés
leRepas à toute table
avec Mª d'Uxelles , & le
gagna. Il dit lors qu'il eut
vû les Ouvrages , & les
Troupes , Qu'il ne s'éton
noit point de la grandeur,
&de la prosperité du Roy ,
& que beaucoup de choſes
ycontribuoient,Scavoir l'union
de la Famille Royale ,
l'avantage qu'il avoit de
gouverner par luy-mesme,
lafidelité , la ponctualité ,
Pintelligence, &la vigilande
Siam. 273
ce de ſes Ministres , es la
bonté deſes Troupes remplies
de jeuneſfe adroite,
& propre à tout.
Fermer
Résumé : Ils vont voir les travaux que l'on fait à la Riviere d'Eure. Description de cet Ouvrage, avec tout ce qui s'est passé à la reveuë des Troupes qui y travaillent. [titre d'après la table]
Le texte décrit les travaux entrepris pour approvisionner en eau le château de Versailles en utilisant la rivière d'Eure. Initialement, des projets visant à utiliser la Loire furent jugés impraticables en raison de la longueur du trajet et des difficultés topographiques. Le roi abandonna cette idée après avoir été convaincu par les relevés de Picard de l'Académie des Sciences. En 1684, Louvois, en considérant la hauteur de la rivière d'Eure et les terrains élevés entre Versailles et Maintenon, ordonna à La Hire, professeur en mathématiques et membre de l'Académie des Sciences, de vérifier la hauteur de cette rivière. La Hire découvrit que l'Eure était suffisamment haute à Pontgouin pour alimenter Versailles. Après vérifications, les travaux commencèrent, incluant la construction de canaux et d'un aqueduc en maçonnerie et en terre. L'aqueduc, long de 2960 toises avec 242 arcades, fut décrit en détail avec des hauteurs variées selon les sections. Les travaux impliquèrent plus de 30 000 hommes, incluant des régiments de troupes et des artisans spécialisés. Les ambassadeurs étrangers, impressionnés par les travaux et les troupes, admirèrent la grandeur du projet et la discipline des soldats français. Par ailleurs, le texte relate la surprise d'un ambassadeur de Siam en France face à une coutume locale. Cet ambassadeur, bien que toujours admiratif des Français, eut du mal à comprendre comment on pouvait porter un toast à la santé du roi sans manquer de respect. On lui expliqua que les distinctions faites en buvant à la santé du roi montraient le respect et que cette liberté était accordée par le roi pour démontrer l'ardeur et l'amour du peuple à son égard. Après le repas, l'ambassadeur joua à des jeux de table avec Madame d'Uxelles et la gagna. Il exprima ensuite son admiration pour les œuvres et les troupes françaises, soulignant que la grandeur et la prospérité du roi étaient dues à plusieurs facteurs, notamment l'union de la famille royale, la capacité du roi à gouverner personnellement, la fidélité, la ponctualité, l'intelligence et la vigilance de ses ministres, ainsi que la qualité des troupes, composées de jeunes gens adroits et compétents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 223-230
Description des cinq Reservoirs de la bute de Monbauron, & de l'Aqueduc de la Montagne de Picardie, [titre d'après la table]
Début :
On leur fit voir le jour même l'Aqueduc du [...]
Mots clefs :
Réservoirs, Aqueduc , Butte Montbauron, Montagne de Picardie, Pieds, Toises, Bassins, Machine de Marly, Petit bassin, Louvois
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Description des cinq Reservoirs de la bute de Monbauron, & de l'Aqueduc de la Montagne de Picardie, [titre d'après la table]
On leur fit
voir le jour même l'Aqueduc
du Buc , les Refervoirs qu'ils.
trouverent tres-profonds , &
l'Etang de Creffé. Ils virent
auffi les Reſervoirs qui font
au lieu que l'on appelloit auparavant
, la Butte de Monbauron.
Elle est en face du
و
des Amb. de Siam. 215
LS
גנ
Château de Versailles , derfriere
le Chenil. Avant que
fle Roy y fift travailler , elle
s'élevoit en pointe , & faifoit
un mauvais aſpect à la veuë
du Château. On en a coupé
la cime environ juſqu'à la
hauteur du comble des Ecuries
, & de la terre qu'on a
répandue à l'entour avec ce
qui reſtoitdu hautde laButte,
on en a fait une grande efplanade
ou plate forme , où
l'on a conſtruit cinq grands
Reſervoirs pour conferver
ait l'eau , tant de la Machine de
Marly , que de la Riviere
d'Eure. Ces cinq baffins con
qu
vir
Sij
216 SaiteduVoyage
fiftent en quatre quarrez
longs à pans par les angles
exterieurs , & au milieu des
quatre eſt un petit baſſin rond
de dix toiſes de diamettre ,
appelle le receptacle des eaux ,
c'est-à-dire l'endroit ou les
canaux & les conduits viennent
fe rendre'; & ce petit
baſſin diſtribuë ſes eaux aux
quatre grands par les coins
échancrez en portion circulaire.
Ces cinq baſſins ſont
ſeparez par des allées de dixhuit
pieds chacune , &à l'en
tour eſt une allée de huit toiſes
qui regne depuis le bord
exterieur des baſſins , jul
des Amb. de Stam. 217
qu'au glacis de terres , qui
au pied de ce glacis & au bas
dela Butte , doivent eftre entourées
d'un mur de clôture.
Les grands baffins ontochacun
85. toiſes de longueur
dans oeuvre , fur 54. de large ;
le pan à l'angle exterieur eſt
de 18. toiſes. Ils ont de profondeur
18. pieds , pour avoir
22. pieds d'eau: de forte que
chaque baffin contient 8000.
toiſes cubes d'eau , qui font
224000. muids d'eau pour
chaque baffin . Ainfiles quatre
contiendront 8.96000.
muids d'eau. La conſtruction
eſt un mur de quatre pieds ,
Siij
218 Suite du Voyage
qui eſt le vray mur du Reſervoir
, & pour retenir l'eau
eſt un coroy de glaiſe de dixhuit
pouces d'épaiffeur , tant
au fondde ces baffins, qu'autour
des bords ;&cette glai
fe des bords eſt retenuë par
un murde quatre pieds par
en haut,&de cinq pieds par
en bas , fondé ſur une grille
de bois ſur la glaife , avec des
plates- formes. Ce mur fait
en talu d'un pied au dedans
du Reſervoir , eſt appellé mur
de douve. Il y a deux de ces
baffins achevez , & remplis
de l'eau de la Machine de
Marly qui eft conduite par
des Amb. de Siam.. 219
Fun Aqueduc depuis la mon-
It tagne de Picardie , juſqu'aux
ed Reſervoirs. Cét Aqueduc eft
long de soo. toiſes , & dans
ut fa plus grande hauteur il en
eg a 14. à 15. il a 24. pieds d'empattement
, qui revient à fix
s -pieds en haut , dont le Cadst
nal en occupe trois. Il doit
ga donner fur cette largeur de
rect trois pieds 648. pouces d'eau.
Comme les Ambaſſadeurs,
eds dont je vous décris aujour-
Iles d'huy l'hiſtoire de l'Ambaſſadetde,
s'attachent ſur tout à conempefiderer
les choſes qui marne
#quent particulierement la
ite grande puiſſance du Roy, ils
1
220 Suite du Voyage
examinerent cét Ouvrage ,
qui eſt digne d'être compare
à ceux de l'ancienne Rome ,
& auſquels des Armées enticres
( fi l'on peut parler ainfi )
ont travaillé, puiſqu'outre les
Ouvriers neceffaires pour inftruire
& pour conduire les autres
pluſieurs Regimens y
ont efté employez. Je ne
vous dis rien de ſa beauté
puiſque la ſeule deſcription
que vous en venez de voir ,
doit vous en avoir donné une
idée plus grande que vous ne
P'auriez de tout ce que je vous
en pourrois dire. Cependant
c'eſt le premier Ouvrage que
د
Mon
des Amb, de Siam. 2 221
Mr de Louvóis ait fait faire ,
aprés avoir eſté nommé Sur-
Intendant des Bâtimens. On
pourroit juger par des pareils
#coups d'effay dequoy ce Miniftre
eft capable , fi l'on n'en
ou eſtoit pas déja convaincu par
tout ce qu'ila faireni
voir le jour même l'Aqueduc
du Buc , les Refervoirs qu'ils.
trouverent tres-profonds , &
l'Etang de Creffé. Ils virent
auffi les Reſervoirs qui font
au lieu que l'on appelloit auparavant
, la Butte de Monbauron.
Elle est en face du
و
des Amb. de Siam. 215
LS
גנ
Château de Versailles , derfriere
le Chenil. Avant que
fle Roy y fift travailler , elle
s'élevoit en pointe , & faifoit
un mauvais aſpect à la veuë
du Château. On en a coupé
la cime environ juſqu'à la
hauteur du comble des Ecuries
, & de la terre qu'on a
répandue à l'entour avec ce
qui reſtoitdu hautde laButte,
on en a fait une grande efplanade
ou plate forme , où
l'on a conſtruit cinq grands
Reſervoirs pour conferver
ait l'eau , tant de la Machine de
Marly , que de la Riviere
d'Eure. Ces cinq baffins con
qu
vir
Sij
216 SaiteduVoyage
fiftent en quatre quarrez
longs à pans par les angles
exterieurs , & au milieu des
quatre eſt un petit baſſin rond
de dix toiſes de diamettre ,
appelle le receptacle des eaux ,
c'est-à-dire l'endroit ou les
canaux & les conduits viennent
fe rendre'; & ce petit
baſſin diſtribuë ſes eaux aux
quatre grands par les coins
échancrez en portion circulaire.
Ces cinq baſſins ſont
ſeparez par des allées de dixhuit
pieds chacune , &à l'en
tour eſt une allée de huit toiſes
qui regne depuis le bord
exterieur des baſſins , jul
des Amb. de Stam. 217
qu'au glacis de terres , qui
au pied de ce glacis & au bas
dela Butte , doivent eftre entourées
d'un mur de clôture.
Les grands baffins ontochacun
85. toiſes de longueur
dans oeuvre , fur 54. de large ;
le pan à l'angle exterieur eſt
de 18. toiſes. Ils ont de profondeur
18. pieds , pour avoir
22. pieds d'eau: de forte que
chaque baffin contient 8000.
toiſes cubes d'eau , qui font
224000. muids d'eau pour
chaque baffin . Ainfiles quatre
contiendront 8.96000.
muids d'eau. La conſtruction
eſt un mur de quatre pieds ,
Siij
218 Suite du Voyage
qui eſt le vray mur du Reſervoir
, & pour retenir l'eau
eſt un coroy de glaiſe de dixhuit
pouces d'épaiffeur , tant
au fondde ces baffins, qu'autour
des bords ;&cette glai
fe des bords eſt retenuë par
un murde quatre pieds par
en haut,&de cinq pieds par
en bas , fondé ſur une grille
de bois ſur la glaife , avec des
plates- formes. Ce mur fait
en talu d'un pied au dedans
du Reſervoir , eſt appellé mur
de douve. Il y a deux de ces
baffins achevez , & remplis
de l'eau de la Machine de
Marly qui eft conduite par
des Amb. de Siam.. 219
Fun Aqueduc depuis la mon-
It tagne de Picardie , juſqu'aux
ed Reſervoirs. Cét Aqueduc eft
long de soo. toiſes , & dans
ut fa plus grande hauteur il en
eg a 14. à 15. il a 24. pieds d'empattement
, qui revient à fix
s -pieds en haut , dont le Cadst
nal en occupe trois. Il doit
ga donner fur cette largeur de
rect trois pieds 648. pouces d'eau.
Comme les Ambaſſadeurs,
eds dont je vous décris aujour-
Iles d'huy l'hiſtoire de l'Ambaſſadetde,
s'attachent ſur tout à conempefiderer
les choſes qui marne
#quent particulierement la
ite grande puiſſance du Roy, ils
1
220 Suite du Voyage
examinerent cét Ouvrage ,
qui eſt digne d'être compare
à ceux de l'ancienne Rome ,
& auſquels des Armées enticres
( fi l'on peut parler ainfi )
ont travaillé, puiſqu'outre les
Ouvriers neceffaires pour inftruire
& pour conduire les autres
pluſieurs Regimens y
ont efté employez. Je ne
vous dis rien de ſa beauté
puiſque la ſeule deſcription
que vous en venez de voir ,
doit vous en avoir donné une
idée plus grande que vous ne
P'auriez de tout ce que je vous
en pourrois dire. Cependant
c'eſt le premier Ouvrage que
د
Mon
des Amb, de Siam. 2 221
Mr de Louvóis ait fait faire ,
aprés avoir eſté nommé Sur-
Intendant des Bâtimens. On
pourroit juger par des pareils
#coups d'effay dequoy ce Miniftre
eft capable , fi l'on n'en
ou eſtoit pas déja convaincu par
tout ce qu'ila faireni
Fermer
Résumé : Description des cinq Reservoirs de la bute de Monbauron, & de l'Aqueduc de la Montagne de Picardie, [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam ont visité plusieurs ouvrages hydrauliques près du Château de Versailles, notamment l'Aqueduc du Buc, des réservoirs profonds et l'Étang de Creffé. Ils ont également observé des réservoirs situés sur l'ancienne Butte de Monbauron, transformée en esplanade par le roi. Cinq grands réservoirs y ont été construits pour stocker l'eau de la Machine de Marly et de la rivière d'Eure. Chaque réservoir mesure 85 toises de longueur sur 54 de largeur et contient 8000 toises cubes d'eau, soit 224000 muids. La construction inclut un mur de quatre pieds et un revêtement de glaise pour retenir l'eau. Deux réservoirs étaient achevés et remplis d'eau. Un aqueduc de 500 toises de long, avec une hauteur maximale de 14 à 15 pieds, alimente ces réservoirs. Les ambassadeurs ont comparé cet ouvrage aux réalisations de l'ancienne Rome et ont noté l'implication de plusieurs régiments dans sa construction. Cet aqueduc est le premier grand ouvrage réalisé par Mr de Louvois après sa nomination comme Surintendant des Bâtiments.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 99-117
ACADÉMIES. EXTRAIT du Mémoire lu à l'Assemblée publique de l'Académie Royale des Sciences, le 13 Novembre 1762 par M. DE PARCIEUX, de la même Académie ; sur un moyen de donner une abondante quantité de bonne eau dans tous les Quartiers de PARIS.
Début :
LES Anciens & surtout les Romains furent toujours occupés du soin de procurer [...]
Mots clefs :
Pouces, Eaux , Projet, Mémoire, Rivière, Aqueduc
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ACADÉMIES. EXTRAIT du Mémoire lu à l'Assemblée publique de l'Académie Royale des Sciences, le 13 Novembre 1762 par M. DE PARCIEUX, de la même Académie ; sur un moyen de donner une abondante quantité de bonne eau dans tous les Quartiers de PARIS.
ACADÉMIE S.
EXTRAIT du Mémoire lu à l'Affemblée
publique de l'Académie Royale
des Sciences , le 13 Novembre 1762 23
par M. DE PARCIEUX , de la même
Académie; fur un moyen de donner
une abondante quantité de bonne eau
dans tous les Quartiers de PARIS
LESES Anciens & furtout les Romains
furent toujours occupés du foin de procurer
de l'eau aux Villes de leur domination
. Nous en avons une preuve
dans les monumens qu'ils conftruifoient
pour cet ufage & qui fubfiftent encore
dans plufieurs Villes de France. On en
voit à Lyon , à Nifmes , à Fréjus , à
Joigny proche Metz , & c. Au lieu d'imiter
leur exemple & d'employer les
moyens dont ils fe fervirent autrefois,
nous avons eu jufqu'ici recours à des
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
1
machines pour fournir à la Capitale le
peu d'eau qu'elle a , fi ce n'eſt les eaux
de Rungis que la Reine Marie de Médicis
y fit venir dans le fiécle dernier.
L'infuffifance de ces Machines a fait
naître à M. Dep . l'idée d'un projet qu'il
développe dans le Mémoire que nous
annonçons ; projet d'autant plus utile
qu'il remplit parfaitement fon objet
fans des dépenfes énormes ; pour en
rendre l'éxécution moins éffrayante
M. Dep. remet en peu de mots fous
les yeux les immenfes travaux que fi
rent les Romains dans les Gaules dans
le peu de temps qu'ils les ont poffédées ,
pour la conduite des eaux. Il fait enfuite
voir la néceffité d'adopter fon projet
en prouvant que la plupart des
Quartiers de Paris manquent d'eau ou
n'en ont qu'en très-petites quantité.
Après des Obfervations fort éxactes
& dont on pourra voir le détail dans
le Mémoire , M. D. a trouvé qu'il pouvoit
faire venir les eaux de la Rivière
d'Yvette prifes à Vaugien à la Place de
la Porte S. Michel , d'où fe feroit la
diftribution dans tout le refte de Paris ;
diftribution d'autant plus facile que les
eaux de l'Yvette viendroient à la même
hauteur que celles de Rungis , qu'on
MARS. 1763.
101
comme communement d'Arcueil.
L'Aqueduc propofé parcourra - un
chemin de dix-fept à dix -huit mille
toifes en côtoyant d'abord le lit naturel
de l'Yvette depuis Vaugien jufqu'à Palaifeau.
De la vallée de l'Yvette pour
fe rendre à celle de la Bievres , on lui
pratiquera un paffage fous une partie
de la montagne qui eft entre Palaifeau
& Maffy. Arrivée dans la vallée de la
Bievres , le Canal dans lequel coulera
l'eau de l'Yvette fuivra la côte droite
de la Bievres , viendra paffer la gorge
de Fiernes ou de Tourvoye fur un pont
aqueduc , continuera enfuite fa route
fous Fiernes & fous l'Hay , & arrivera
à Arcueil. Là elle paffera la vallée fur
un autre pont aqueduc joignant celui
de la Reine Marie de Médicis , fur lequel
paffent les eaux de Rungis & elle
fuivra enfuite l'aqueduc actuel jufqu'au
Fauxbourg S. Jacques.
Pour faire connoître d'une manière
plus fenfible les endroits par où doit
paffer ce canal ou cet aqueduc , M.
de Parcieux a joint à fon Mémoire une
carte du lieu où l'on voit le cours de
la rivière d'Yvette depuis fes premieres
fources jufqu'à Paris ; le cours de la
riviere de Biévres , & celui du nouveau
canal, E. iij
102 MERCURE DE FRANCE.
La nature du terrein dont les eaux
pluviales tombent dans l'Yvette avoit
bien fait préffentir à M. D. que l'eau
devoit en être bonne ; néanmoins pour
s'en affurer complettement , il en a fait
porter un certain nombre de bouteilles
pleines & cachetées à MM. Hellot &
Macquer , habiles Chymiftes de la même
Académie , qui l'ont fait paffer par toutes
les épreuves que la Chymie fournit
; & l'on voit par leur examen rapporté
tout au long à la fin du Mémoire ,
que cette eau eft de la plus excellente
qualité.
L'abondance des eaux étoit encore
un point éffentiel dont il falloit s'affurer
, de la quantité de pieds cubes d'eau
que dépenfoient par feconde les moulins
de Vaugien & le dernier du ruiffeau
de Gif dans les temps des plus baffes
eaux , M. D. a conclu qu'il paffoit
plus de 1000 pouces d'eau à Vaugien,
& plus de 200 à Gif
En effet , fi l'on circonfcrit le terrein
qui envoye fes eaux pluviales aux deux
prifes de Vaugien & de Gif , on trouve
, dit M. D. que plus de 36 millions
de toifes quarrées envoyent leurs eaux
à Vaugien ou à Gif & nous croyons
qu'il auroit dire plus de pu
millions ; 40
MARS. 1763 ) 103
mais il aime-mieux annoncer moins ,
afin qu'on ne foit pas trompé dans fon
attente.
Le tiers de l'eau qui tombe fur ce
terrein que M. Mariotte fuppofe s'imbiber
pour fournir les fources , pris
moyennement pour toute l'année , don
neroit plus de trois mille pouces d'eau
continuels . Si on fait les réfervoirs néceffaires
pour conferver le trop de certains
temps pour remplacer le moins
des autres , ou voit qu'il eft aifé de
procurer à la Ville de Paris deux mille
pouces d'eau continuels & davantage.
Après avoir parlé des moyens d'amener
l'eau de l'Yvette à Paris , & de
ce qu'il y aura à faire pour l'avoir toute
l'année pure , belle & limpide , M.
D. fait l'analyse de l'eau de la Seine
telle qu'on la puife prèfque dans tout
Paris . Après avoir montré ce qu'il entre
d'égoûts dans cette rivière par la rive
droite , qui eft beaucoup plus la Marne
que la Seine , il fait remarquer ce que
l'autre rive reçoit , & voici comme il
s'exprime :
La rive gauche de la rivière eft encore
bien pire ; on le concevra aifément
, fi on fe repréſente que tous les
égoûts de la partie méridionale de Pa-
E iij
104 MERCURE DE FRANCE.
ris tombent dans la Seine , dans Paris
même ou au-deffus , par la rivière des
Gobelins , dans laquelle fe rendent les
égoûts de toute efpéce , de Bicêtre &
de l'Hôpital , ceux des Fauxbourgs
Saint-Jacques , Saint-Marceau & Saint-
Victor , lefquels joints à tout ce que
cette rivière reçoit des Blanchiffeufes
dont fon cours eft couvert depuis &
compris le Clos- Payen jufqu'au Pontaux-
tripes , & à tout ce que les Teinturiers
, Mégiffiers , Tanneurs , Amidonniers
, Braffeurs & autres ouvriers y
jettent , la rendent indifpenfablement la
plus vilaine & la plus mal-faine qu'on
puiffe imaginer.
La rive gauche de la Seine reçoit
cette eau à fon entrée dans Paris , vient
laver les trains de bois qui font les trois
quarts de l'année le long du Port de la
Tournelle , rencontre les égoûts des
foffés Saint-Bernard & des Grands-degrés
; celui de la Place Maubert , qui
feul feroit capable de gâter une grande
rivière : ainfi préparée elle vient paffer
fous les ponts de l'Hôtel-Dieu , où elle
reçoit de cet Hôpital immenfe , toutes
les ....... on n'ofe le dire : arrivent
enfuite l'égoût de la rue de la Harpe
ceux du quai des Auguftins , & enfin
t
MARS. 1763. TOS
par les trois qui fortent fous le qua
Malaquais , les immondices d'une grande
partie de Paris ; & c'eſt de l'eau qui
coule le long de cette rive , prife audeffous
du Pont- neuf, dont eft abreuvé
tout le fauxbourg Saint- Germain ,
ou peu s'en faut , & affez généralement
celle qu'on boit dans tout Paris ..
On ne trouvera pas que ce tableau
foit flaté ; mais M. D. n'annonce rien.
qui ne foit connu de tout Paris.
Tout le monde fent aisément que
ce projet eft un des plus grands des
plus utiles , des plus importans,des plus
intéreffans & des plus urgens qu'on puiffe.
propofer pour cette grande Ville , &
M. D. n'oublie rien de tout ce qui peut
faire efpérer aux Citoyens que fon
projet fera éxécuté un jour. Il ne diffimule
pas que tout ce qu'il y a à faire
pour amener l'eau jufqu'à la rue Hyacinthe
& pour la diftribuer dans Pa ---
ris , doit coûter même affez confidérablement
: mais , dit- il , Paris n'en vaut
il pas bien la peine ? pourroit -on fe
perfuader & voudroit-on perfuader aux
autres , que nous.fommes arrivés dans:
un fiécle où l'on n'ofe plus entreprendre
les chofes les plus grandes & les
plus utiles ? Que l'on compare feule
,
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
ment , eu égard au nombre d'habitans,
& qu'on cherche à mettre quelque proportion
, fi on le peut , entre ce que
l'on propofe pour la Capitale de la
France , & ce que l'on vient de faire
pour une ville de province ; alors le
projet n'éffrayera plus.
On compte qu'il y a aux environs
de 800 mille âmes dans dans Paris , &
36 à 40 mille à Montpellier ; ce dernier
nombre n'eft au plus que la vingtiéme
partie du premier.
On vient d'amener à Montpellier les
eaux de plufieurs fources réunies , lefquelles
donnent aux environs de 70
à
So pouces , dans les plus grandes féchereffes
, par un aqueduc de 7409 toifes
de long , voûté dans toute fa lon--
gueur , de trois pieds de largeur fur 6
de hauteur fous clef, dans l'étendue duquel
il a fallu percer une montagne de
200 toifes de longueur , faire plufieurs
ponts - aqueducs pour traverfer les basfonds
, entr'autres un fur la Lironde qui
eft affez confidérable , & celui qui traverfe
le vallon de la Merci fous le Peirou
, lequel eft compofé de deux ponts
l'une fur l'autre ; le premier de 64 arches
de cinq toifes de diamètre , & le fecond
de 140 arches de deux toiſes chacune,&
MARS. 1763. 107
de plus l'épaiffeur des piles & des culées ;
ce dernier a près de 400 toifes de long
fur 60 pieds de hauteur du deffous de
la rigole à l'endroit le plus bas du vallon
C'est tout au plus , fi le projet pour a
mener l'Yvette à Paris , demande trois
ou quatre fois autant d'ouvrage , pour
vingt fois autant d'habitans & pour la
Capitale de la France.
La ville de Carcaffonne , laquelle ,
felon Dom Vaiffette , dans fa Géographie
hiftorique , ne contient que 8000 à
10000 habitans , a trouvé dans la bonne
adminiſtration de fes revenus , auffi-
bien que dans la ville de Montpellier
, le moyen de fe procurer 2 à
300 pouces d'eau , par un petit aqueduc
de 3 pieds de haut , fur 18 pouces
de largeur , & de 4000 toifes de long,
porté fur des arceaux en plufieurs endroits.
Cette eau eft une partie de la
rivière d'Aude , qu'on a dérivée il y a
12 ou 15 ans .
Au refte , il faut attendre , fans défefpérer
, continue M. D. que des Savans
capables de juger de toutes les parties.
d'un pareil projet & d'évaluer le prix
de chacune , que la Cour ou les Magiftrats
commettront , ayent prononcé.
J'ofe affurer , en attendant leur exa-
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
men , qu'il y a eu de nos jours des
monumens commencés & finis , & d'autres
commencés qui marchent à grands
pas à leur perfection , qui couteront
plus que celui-ci Je les crois tous néceffaires
, mais celui de donner de l'eau
à Paris l'eft autant qu'aucun , & l'on
peut trouver des moyens pour celui-ci,
comme on en a trouvé pour ceux-là..
Les grands hommes , & nous en
avons , ont de grandes reffources : pourquoi
ne s'en trouveroit - il pas qui imitaffent
Gérard de Poiffi ce refpe&table
& généreux citoyen , qui a immortalifé
fon nom pour avoir donné onze
mille marcs d'argent , deftinés à faire
paver les rues de Paris. Quelle gloire
ne s'eft-il pas acquife , en employant
une partie de fes richeffes pour l'utili
té de fes concitoyens ? Puifque la mémoire
de cet acte généreux s'eft confervée
jufqu'à nous , elle durera vraifemblablement
auffi long-temps qu'il y
aura des hommes dans Paris.
M. Dép. fait voir dans fon Mémoire
qu'il faudroit 1881000 livres de notre
monnoye pour faire à préfent ce qu'on
faifoit alors avec la valeur de onze mille
marcs d'argent.
Quels éxemples de générofité ne nous
MARS. 1763. 109
donnent pas nos voifins ! un célébre
Médecin Anglois , vient de donner aux
environs de cinq millions de livres de
notre monnoye , pour faire bâtir un
Amphithéâtre anatomique , non compris
les fondations qu'il fe propofe de
faire pour les Profeffeurs. Qu'auroit- il
donné pour faire venir de l'eau à Londres
, fi celle de la nouvelle rivière n'y
avoit déjà été menée ? Efpérons que nos
plus riches Citoyens ne le céderont en
rien à la générofité des Anglois.
On peut trouver de ces grandes actions
dans tous les fiécles ; le quartier
de l'Univerfité eft couvert de monumens
fondés par la générofité de plufieurs
dignes Patriotes , proportionnée
à leur fortune ; & fous le règne de
LOUIS XV il y a des ames auffi généreufes
que fous celui de Philipe- Augufte
; je les crois même en plus grand
nombre : le zéle avec lequel les principaux
Corps & plufieurs dignes & grands
Citoyens fe font empreffés de contribuer
au rétabliffement de la Marine françoiſe
, en eft une preuve.
La ville de Reims n'oublira jamais
le nom & le bienfait de M. Godinot ,
qui après avoir fait des embelliffemens
Coufidérables à la Cathédrale dont il
fio MERCURE DE FRANCE.
étoit Chanoine , a procuré de l'eau à
fes concitoyens par une machine qu'il
a fait conftruire à fes ' dépens ainfi
qu'une grande partie des conduites &
des fontaines qui la diftribuent dans
tous les quartiers ; on lui a encore l'obligation
de plufieurs autres travaux publics.
Il y a certainement dans Paris des
âmes auffi bienfaifantes qu'à Reims ;
mais avec le noble defir d'être utile à
fes concitoyens , il faut l'heureux concours
des facultés .
Quel eft le citoyen zélé pour le bien.
public , dit M. D. qui ne donnât volontiers
fi les autres moyens manquent,
une ou deux années du revenu de fa
maifon pour y faire venir en tout temps
une quantité d'eau fuffifante ? Que ne
donneroit-on pas dans nombre de Châteaux
où l'eau manque, pour avoir une
fource d'un pouce d'eau feulement ?
quelles dépenfes ne fait- on pas quelquefois
pour s'en procurer dans des
maifons qu'on n'habite qu'en paſſant ?
ne feroit-ce pas faire de fon argent un
meilleur ufage que de l'employer en
lambris , en dorures & en autres ornemens
fuperflus & paffagers ? la bonne
eau fera toujours de mode.
En effet , quel avantage d'avoir dans
MAR S. 1763.
III
la maifon qu'on habite le plus longtems ,
une fource de bonne eau , fourniffant
l'office , la falle à manger , coulant fans
ceffe dans la cuifine , entraînant les immondices
fans leur laiffer le temps de
fermenter & d'empuantir & infecter
l'air des endroits où l'on conferve les
viandes & de ceux où on les prépapare.
Quelle fatisfaction de voir laver
fa cuifine & tous fes recoins dix
fois par jour , fi l'on veut fon eft moins
pareffeux à nétoyer partout quand l'eau
ne coute pas à tirer.
Non feulement cette abondance d'eau
tiendra le dedans de la maison propre &
frais , mais auffi les rues qui deviendront
des ruiffeaux formés tant par l'eau
de refte qui fortira des grandes maifons
que par celles qu'on employera à laver.
Ces ruiffeaux entraîneront fans ceffe les
boues , entretiendront le pavé propre &'
mouillé auprès des ruiffeaux pour le foulagement
des chevaux. En Eté on arrofera
, ou pour mieux dire , on lavera
les rues avec cette eau auffi fouvent
qu'on le voudra , au lieu de deux fois
qu'on les humecte à préfent avec fort
peu d'eau & fouvent avec de l'eau vilaine
& puante , qui jettée en petite
112 MERCURE DE FRANCE .
quantité , ne fait que tenir la boue délayée
pendant un peu de temps & infecter
d'autant mieux l'air , l'abondance
de celle-ci le rendra fain & falubre ,
ce qui eft fi important pour la fanté des
citoyens & d'autant plus néceffaire que
le nombre des habitans eft plus confidérable
; tout le monde fent de refte
que le féjour des boues & immondices
contre les murs ou contre les bornes
doit de néceffité rendre l'air bas , infecté
& mal fain & c'est celui que
nous refpirons.
"
"
Quelle tranquillité d'avoir dans fa
maiſon un réſervoir toujours plein d'eau
& fans ceffe renouvellé pour fournir un
fecours prompt & à propos dans un cas
de malheur tant pour foi que pour le
voifinage !
Dans la feconde partie de cet intéreffant
Mémoire , M. Dep. rend compte
de ce qui l'a conduit à former ce
projet , & de ce qu'il a fait pour s'af--
furer d'abord de la poffibilité, & enfuite.
pour dire exactement à quelle hauteur
l'eau pouvoit arriver à Paris. Il a fallu
pour cela rapporter le tout à un point
fixe & immuable , & c'eft au fol de l'Églife
N. D. qu'il a rapporté toutes ſes.
opérations.
MARS. 1763. 113
Faifant abftraction de la pente qui
fait couler l'eau de moulin en moulin
depuis Vaugien jufqu'à Paris , les chutes
des moulins ont fait connoître à M.
D. de combien l'eau de Vaugien étoit
plus élevée que l'eau de la Seine fous le
Pont de l'Hôtel- Dieu , de laquelle déduifant
la quantité de pieds & pouces
dont le fol de N. D. étoit plus élevé
que la Seine le même jour qu'il mefuroit
les chutes des moulins , le refte
donne l'élévation de l'eau de Vaugien
fur le fol de N. D. qui eft de 83 pieds
9 pouces.
Le nivellement que M. D. a fait &
repété plufieurs fois pour parvenir à
connoître de combien l'arrivée des eaux
d'Arcueil eft plus élevée que le même
fol de N. D. fuppofe des opérations
fort intéreffantes pour les perfonnes
qui font au fait de ces matiéres ; mais
comme elles ne font pas à la portée
de tous nos Le&curs , nous nous contenterons
d'en rapporter les principaux
réfultats.
1°. Le haut de la Tour méridionale
de N. D. eft plus élevé que le fol de
l'Eglife pris au bas de l'efcalier des.
Tours de 204 pieds 9 pouces. 2 °. Le haut
du parapet de l'Obfervatoire et plus.
114 MERCURE DE FRANCE .
haut que le même fol de N. D. de
161 pieds d'où il fuit que la Tour
méridionale de N. D. eft plus élevée
que le haut de l'Obfervatoire de 43
pieds 9 pouces. 3° . Le bouillon d'arrivée
des eaux d'Arcueil eft plus élevée
que le le fol de N. D. de 67 pieds 10
pouces & demie , qui ôtés de 83 pieds
9 pouces dont l'eau de Vaugien eft plus
élevée que le même fol de N. D, refte
15 pieds 10 pouces & demi , dont
l'eau de l'Yvette à Vaugien eft plus
élevée que l'arrivée des eaux d'Arcueil
à côté de l'Obfervatoire , non compris
la pente qui la fait couler de moulin
en moulin depuis Vaugien jufqu'à
Paris.
4º Le haut de la Place de l'Eftrapade
eft plus élevé que le fol de N. D. de
81 pieds 3 pouces.
5°. Enfin l'endroit le plus élevé du parapet
du pont de l'Hôtel-Dieu eft plus
élevé que le fol de N. D. de 10 pieds 6
pouces , ce qui donne le moyen de connoitre
de combien la Seine eft plus baffe
que le fol de N. D.
M. D. avec cette modeftie qui
convient aux vrais Sçavans qui n'ont
d'autres vues que celles du bien public,
MARS.
115
veut bien n'être pas cru fur fa parole ,
´'il demande lui-même qu'on faffe examiner
fon projet ; mais il defire que ce
foit par les perfonnes les plus capables
& les plus propres à infpirer la confiance
que l'objet mérite . Comme il
connoît bien la vérité de ce qu'il propofe
, on voit en plufieurs endroits de
fon Mémoire qu'il eft pleinement perfuadé
que fon projet fera exécuté à l'avenir
s'il ne l'eft à préfent. Voici comment
il s'exprime en un endroit.
Ne connoiffant rien de plus urgent
à
faire pour une grande ville , après la
conftruction des ponts , quand il en
faut que de procurer dans tous les
quartiers une fuffifante quantité de
bonne eau ; & connoiffant affez bien
les environs de Paris , pour pouvoir affurer
qu'il n'y a que la riviére d'Yvette
qui, donnant cette fuffifante quantité
de bonne eau , puiffe y arriver à une
hauteur propre à l'envoyer dans tous
les quartiers , à moins de l'aller prendre
beaucoup plus loin ; je crois être fondé
à me perfuader que ce projet fera
éxécuté à l'avenir , s'il ne l'eft à préfent
, & d'autant plus , comme je l'ai
déja fait obferver , que c'eft la feule
dépense que la Ville puiffe faire dont
116 MERCURE DE FRANCE.
les fonds tui rentrent avec avantage ,
en faifant le bien des citoyens , cette
dépenſe n'étant , à proprement dire
qu'une avance ou de l'argent placé.
Mais quand même cette dépenfe ne
devroitjamais rentrer : pour une grande
ville , capitale d'un grand royaume , il
faut de grandes chofes
Il regarde donc l'éxécution de ce
projet comme indifpenfable , foit dans
peu , foit à l'avenir or dans quelque
temps qu'on l'entreprenne , on doit
faire le tout de manière à pouvoir recevoir
& laiffer couler plus de 2000 pou--
ces d'eau, vû qu'on peut les avoir dèsà-
préfent les trois quarts de l'année
& qu'on pourra fe les procurer pour
toute l'année quand on le voudra , & c..
Quand même M. Dep. n'auroit pas
la fatisfaction de voir éxécuter ſon projet
, il pourra fe flatter d'avoir rendu un
fervice éffentiel à fa patrie , en faisant .
une fi heureufe découverte . Elle intéreffa
tout le monde dès qu'il commença
à en faire
part , & jamais
Mémoire
n'a été écouté
avec plus d'attention
ni
plus applaudi
qu'il le fut lorsqu'il
en fit.
la lecture
à l'Affemblée
de la rentrée
publique
de l'Académie
Royale
des.
Sciences
, du mois de Novembre
derMARS.
1763. 117
>
nicr. Le Miniftre toujours attentif à ce
qui peut contribuer au bien public , a
voulu qu'il fut imprimé à l'Imprimerie
Royale.
Lorfque M. Dep. eut l'honneur de le
préfenter au Roi , il en fut accueilli favorablement
, & Sa Majesté voulut bien
entrer avec lui dans des détails qui marquoient
fort l'intérêt qu'Elle y prenoit.
Ce Mémoire ne fe vend pas ; on n'en
a tiré que le nombre d'exemplaires qu'on
a voulu donner ; mais on le trouvera
dans la fuite des Mémoires de l'Académie
des Sciences , pour l'année 1762.
EXTRAIT du Mémoire lu à l'Affemblée
publique de l'Académie Royale
des Sciences , le 13 Novembre 1762 23
par M. DE PARCIEUX , de la même
Académie; fur un moyen de donner
une abondante quantité de bonne eau
dans tous les Quartiers de PARIS
LESES Anciens & furtout les Romains
furent toujours occupés du foin de procurer
de l'eau aux Villes de leur domination
. Nous en avons une preuve
dans les monumens qu'ils conftruifoient
pour cet ufage & qui fubfiftent encore
dans plufieurs Villes de France. On en
voit à Lyon , à Nifmes , à Fréjus , à
Joigny proche Metz , & c. Au lieu d'imiter
leur exemple & d'employer les
moyens dont ils fe fervirent autrefois,
nous avons eu jufqu'ici recours à des
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
1
machines pour fournir à la Capitale le
peu d'eau qu'elle a , fi ce n'eſt les eaux
de Rungis que la Reine Marie de Médicis
y fit venir dans le fiécle dernier.
L'infuffifance de ces Machines a fait
naître à M. Dep . l'idée d'un projet qu'il
développe dans le Mémoire que nous
annonçons ; projet d'autant plus utile
qu'il remplit parfaitement fon objet
fans des dépenfes énormes ; pour en
rendre l'éxécution moins éffrayante
M. Dep. remet en peu de mots fous
les yeux les immenfes travaux que fi
rent les Romains dans les Gaules dans
le peu de temps qu'ils les ont poffédées ,
pour la conduite des eaux. Il fait enfuite
voir la néceffité d'adopter fon projet
en prouvant que la plupart des
Quartiers de Paris manquent d'eau ou
n'en ont qu'en très-petites quantité.
Après des Obfervations fort éxactes
& dont on pourra voir le détail dans
le Mémoire , M. D. a trouvé qu'il pouvoit
faire venir les eaux de la Rivière
d'Yvette prifes à Vaugien à la Place de
la Porte S. Michel , d'où fe feroit la
diftribution dans tout le refte de Paris ;
diftribution d'autant plus facile que les
eaux de l'Yvette viendroient à la même
hauteur que celles de Rungis , qu'on
MARS. 1763.
101
comme communement d'Arcueil.
L'Aqueduc propofé parcourra - un
chemin de dix-fept à dix -huit mille
toifes en côtoyant d'abord le lit naturel
de l'Yvette depuis Vaugien jufqu'à Palaifeau.
De la vallée de l'Yvette pour
fe rendre à celle de la Bievres , on lui
pratiquera un paffage fous une partie
de la montagne qui eft entre Palaifeau
& Maffy. Arrivée dans la vallée de la
Bievres , le Canal dans lequel coulera
l'eau de l'Yvette fuivra la côte droite
de la Bievres , viendra paffer la gorge
de Fiernes ou de Tourvoye fur un pont
aqueduc , continuera enfuite fa route
fous Fiernes & fous l'Hay , & arrivera
à Arcueil. Là elle paffera la vallée fur
un autre pont aqueduc joignant celui
de la Reine Marie de Médicis , fur lequel
paffent les eaux de Rungis & elle
fuivra enfuite l'aqueduc actuel jufqu'au
Fauxbourg S. Jacques.
Pour faire connoître d'une manière
plus fenfible les endroits par où doit
paffer ce canal ou cet aqueduc , M.
de Parcieux a joint à fon Mémoire une
carte du lieu où l'on voit le cours de
la rivière d'Yvette depuis fes premieres
fources jufqu'à Paris ; le cours de la
riviere de Biévres , & celui du nouveau
canal, E. iij
102 MERCURE DE FRANCE.
La nature du terrein dont les eaux
pluviales tombent dans l'Yvette avoit
bien fait préffentir à M. D. que l'eau
devoit en être bonne ; néanmoins pour
s'en affurer complettement , il en a fait
porter un certain nombre de bouteilles
pleines & cachetées à MM. Hellot &
Macquer , habiles Chymiftes de la même
Académie , qui l'ont fait paffer par toutes
les épreuves que la Chymie fournit
; & l'on voit par leur examen rapporté
tout au long à la fin du Mémoire ,
que cette eau eft de la plus excellente
qualité.
L'abondance des eaux étoit encore
un point éffentiel dont il falloit s'affurer
, de la quantité de pieds cubes d'eau
que dépenfoient par feconde les moulins
de Vaugien & le dernier du ruiffeau
de Gif dans les temps des plus baffes
eaux , M. D. a conclu qu'il paffoit
plus de 1000 pouces d'eau à Vaugien,
& plus de 200 à Gif
En effet , fi l'on circonfcrit le terrein
qui envoye fes eaux pluviales aux deux
prifes de Vaugien & de Gif , on trouve
, dit M. D. que plus de 36 millions
de toifes quarrées envoyent leurs eaux
à Vaugien ou à Gif & nous croyons
qu'il auroit dire plus de pu
millions ; 40
MARS. 1763 ) 103
mais il aime-mieux annoncer moins ,
afin qu'on ne foit pas trompé dans fon
attente.
Le tiers de l'eau qui tombe fur ce
terrein que M. Mariotte fuppofe s'imbiber
pour fournir les fources , pris
moyennement pour toute l'année , don
neroit plus de trois mille pouces d'eau
continuels . Si on fait les réfervoirs néceffaires
pour conferver le trop de certains
temps pour remplacer le moins
des autres , ou voit qu'il eft aifé de
procurer à la Ville de Paris deux mille
pouces d'eau continuels & davantage.
Après avoir parlé des moyens d'amener
l'eau de l'Yvette à Paris , & de
ce qu'il y aura à faire pour l'avoir toute
l'année pure , belle & limpide , M.
D. fait l'analyse de l'eau de la Seine
telle qu'on la puife prèfque dans tout
Paris . Après avoir montré ce qu'il entre
d'égoûts dans cette rivière par la rive
droite , qui eft beaucoup plus la Marne
que la Seine , il fait remarquer ce que
l'autre rive reçoit , & voici comme il
s'exprime :
La rive gauche de la rivière eft encore
bien pire ; on le concevra aifément
, fi on fe repréſente que tous les
égoûts de la partie méridionale de Pa-
E iij
104 MERCURE DE FRANCE.
ris tombent dans la Seine , dans Paris
même ou au-deffus , par la rivière des
Gobelins , dans laquelle fe rendent les
égoûts de toute efpéce , de Bicêtre &
de l'Hôpital , ceux des Fauxbourgs
Saint-Jacques , Saint-Marceau & Saint-
Victor , lefquels joints à tout ce que
cette rivière reçoit des Blanchiffeufes
dont fon cours eft couvert depuis &
compris le Clos- Payen jufqu'au Pontaux-
tripes , & à tout ce que les Teinturiers
, Mégiffiers , Tanneurs , Amidonniers
, Braffeurs & autres ouvriers y
jettent , la rendent indifpenfablement la
plus vilaine & la plus mal-faine qu'on
puiffe imaginer.
La rive gauche de la Seine reçoit
cette eau à fon entrée dans Paris , vient
laver les trains de bois qui font les trois
quarts de l'année le long du Port de la
Tournelle , rencontre les égoûts des
foffés Saint-Bernard & des Grands-degrés
; celui de la Place Maubert , qui
feul feroit capable de gâter une grande
rivière : ainfi préparée elle vient paffer
fous les ponts de l'Hôtel-Dieu , où elle
reçoit de cet Hôpital immenfe , toutes
les ....... on n'ofe le dire : arrivent
enfuite l'égoût de la rue de la Harpe
ceux du quai des Auguftins , & enfin
t
MARS. 1763. TOS
par les trois qui fortent fous le qua
Malaquais , les immondices d'une grande
partie de Paris ; & c'eſt de l'eau qui
coule le long de cette rive , prife audeffous
du Pont- neuf, dont eft abreuvé
tout le fauxbourg Saint- Germain ,
ou peu s'en faut , & affez généralement
celle qu'on boit dans tout Paris ..
On ne trouvera pas que ce tableau
foit flaté ; mais M. D. n'annonce rien.
qui ne foit connu de tout Paris.
Tout le monde fent aisément que
ce projet eft un des plus grands des
plus utiles , des plus importans,des plus
intéreffans & des plus urgens qu'on puiffe.
propofer pour cette grande Ville , &
M. D. n'oublie rien de tout ce qui peut
faire efpérer aux Citoyens que fon
projet fera éxécuté un jour. Il ne diffimule
pas que tout ce qu'il y a à faire
pour amener l'eau jufqu'à la rue Hyacinthe
& pour la diftribuer dans Pa ---
ris , doit coûter même affez confidérablement
: mais , dit- il , Paris n'en vaut
il pas bien la peine ? pourroit -on fe
perfuader & voudroit-on perfuader aux
autres , que nous.fommes arrivés dans:
un fiécle où l'on n'ofe plus entreprendre
les chofes les plus grandes & les
plus utiles ? Que l'on compare feule
,
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
ment , eu égard au nombre d'habitans,
& qu'on cherche à mettre quelque proportion
, fi on le peut , entre ce que
l'on propofe pour la Capitale de la
France , & ce que l'on vient de faire
pour une ville de province ; alors le
projet n'éffrayera plus.
On compte qu'il y a aux environs
de 800 mille âmes dans dans Paris , &
36 à 40 mille à Montpellier ; ce dernier
nombre n'eft au plus que la vingtiéme
partie du premier.
On vient d'amener à Montpellier les
eaux de plufieurs fources réunies , lefquelles
donnent aux environs de 70
à
So pouces , dans les plus grandes féchereffes
, par un aqueduc de 7409 toifes
de long , voûté dans toute fa lon--
gueur , de trois pieds de largeur fur 6
de hauteur fous clef, dans l'étendue duquel
il a fallu percer une montagne de
200 toifes de longueur , faire plufieurs
ponts - aqueducs pour traverfer les basfonds
, entr'autres un fur la Lironde qui
eft affez confidérable , & celui qui traverfe
le vallon de la Merci fous le Peirou
, lequel eft compofé de deux ponts
l'une fur l'autre ; le premier de 64 arches
de cinq toifes de diamètre , & le fecond
de 140 arches de deux toiſes chacune,&
MARS. 1763. 107
de plus l'épaiffeur des piles & des culées ;
ce dernier a près de 400 toifes de long
fur 60 pieds de hauteur du deffous de
la rigole à l'endroit le plus bas du vallon
C'est tout au plus , fi le projet pour a
mener l'Yvette à Paris , demande trois
ou quatre fois autant d'ouvrage , pour
vingt fois autant d'habitans & pour la
Capitale de la France.
La ville de Carcaffonne , laquelle ,
felon Dom Vaiffette , dans fa Géographie
hiftorique , ne contient que 8000 à
10000 habitans , a trouvé dans la bonne
adminiſtration de fes revenus , auffi-
bien que dans la ville de Montpellier
, le moyen de fe procurer 2 à
300 pouces d'eau , par un petit aqueduc
de 3 pieds de haut , fur 18 pouces
de largeur , & de 4000 toifes de long,
porté fur des arceaux en plufieurs endroits.
Cette eau eft une partie de la
rivière d'Aude , qu'on a dérivée il y a
12 ou 15 ans .
Au refte , il faut attendre , fans défefpérer
, continue M. D. que des Savans
capables de juger de toutes les parties.
d'un pareil projet & d'évaluer le prix
de chacune , que la Cour ou les Magiftrats
commettront , ayent prononcé.
J'ofe affurer , en attendant leur exa-
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
men , qu'il y a eu de nos jours des
monumens commencés & finis , & d'autres
commencés qui marchent à grands
pas à leur perfection , qui couteront
plus que celui-ci Je les crois tous néceffaires
, mais celui de donner de l'eau
à Paris l'eft autant qu'aucun , & l'on
peut trouver des moyens pour celui-ci,
comme on en a trouvé pour ceux-là..
Les grands hommes , & nous en
avons , ont de grandes reffources : pourquoi
ne s'en trouveroit - il pas qui imitaffent
Gérard de Poiffi ce refpe&table
& généreux citoyen , qui a immortalifé
fon nom pour avoir donné onze
mille marcs d'argent , deftinés à faire
paver les rues de Paris. Quelle gloire
ne s'eft-il pas acquife , en employant
une partie de fes richeffes pour l'utili
té de fes concitoyens ? Puifque la mémoire
de cet acte généreux s'eft confervée
jufqu'à nous , elle durera vraifemblablement
auffi long-temps qu'il y
aura des hommes dans Paris.
M. Dép. fait voir dans fon Mémoire
qu'il faudroit 1881000 livres de notre
monnoye pour faire à préfent ce qu'on
faifoit alors avec la valeur de onze mille
marcs d'argent.
Quels éxemples de générofité ne nous
MARS. 1763. 109
donnent pas nos voifins ! un célébre
Médecin Anglois , vient de donner aux
environs de cinq millions de livres de
notre monnoye , pour faire bâtir un
Amphithéâtre anatomique , non compris
les fondations qu'il fe propofe de
faire pour les Profeffeurs. Qu'auroit- il
donné pour faire venir de l'eau à Londres
, fi celle de la nouvelle rivière n'y
avoit déjà été menée ? Efpérons que nos
plus riches Citoyens ne le céderont en
rien à la générofité des Anglois.
On peut trouver de ces grandes actions
dans tous les fiécles ; le quartier
de l'Univerfité eft couvert de monumens
fondés par la générofité de plufieurs
dignes Patriotes , proportionnée
à leur fortune ; & fous le règne de
LOUIS XV il y a des ames auffi généreufes
que fous celui de Philipe- Augufte
; je les crois même en plus grand
nombre : le zéle avec lequel les principaux
Corps & plufieurs dignes & grands
Citoyens fe font empreffés de contribuer
au rétabliffement de la Marine françoiſe
, en eft une preuve.
La ville de Reims n'oublira jamais
le nom & le bienfait de M. Godinot ,
qui après avoir fait des embelliffemens
Coufidérables à la Cathédrale dont il
fio MERCURE DE FRANCE.
étoit Chanoine , a procuré de l'eau à
fes concitoyens par une machine qu'il
a fait conftruire à fes ' dépens ainfi
qu'une grande partie des conduites &
des fontaines qui la diftribuent dans
tous les quartiers ; on lui a encore l'obligation
de plufieurs autres travaux publics.
Il y a certainement dans Paris des
âmes auffi bienfaifantes qu'à Reims ;
mais avec le noble defir d'être utile à
fes concitoyens , il faut l'heureux concours
des facultés .
Quel eft le citoyen zélé pour le bien.
public , dit M. D. qui ne donnât volontiers
fi les autres moyens manquent,
une ou deux années du revenu de fa
maifon pour y faire venir en tout temps
une quantité d'eau fuffifante ? Que ne
donneroit-on pas dans nombre de Châteaux
où l'eau manque, pour avoir une
fource d'un pouce d'eau feulement ?
quelles dépenfes ne fait- on pas quelquefois
pour s'en procurer dans des
maifons qu'on n'habite qu'en paſſant ?
ne feroit-ce pas faire de fon argent un
meilleur ufage que de l'employer en
lambris , en dorures & en autres ornemens
fuperflus & paffagers ? la bonne
eau fera toujours de mode.
En effet , quel avantage d'avoir dans
MAR S. 1763.
III
la maifon qu'on habite le plus longtems ,
une fource de bonne eau , fourniffant
l'office , la falle à manger , coulant fans
ceffe dans la cuifine , entraînant les immondices
fans leur laiffer le temps de
fermenter & d'empuantir & infecter
l'air des endroits où l'on conferve les
viandes & de ceux où on les prépapare.
Quelle fatisfaction de voir laver
fa cuifine & tous fes recoins dix
fois par jour , fi l'on veut fon eft moins
pareffeux à nétoyer partout quand l'eau
ne coute pas à tirer.
Non feulement cette abondance d'eau
tiendra le dedans de la maison propre &
frais , mais auffi les rues qui deviendront
des ruiffeaux formés tant par l'eau
de refte qui fortira des grandes maifons
que par celles qu'on employera à laver.
Ces ruiffeaux entraîneront fans ceffe les
boues , entretiendront le pavé propre &'
mouillé auprès des ruiffeaux pour le foulagement
des chevaux. En Eté on arrofera
, ou pour mieux dire , on lavera
les rues avec cette eau auffi fouvent
qu'on le voudra , au lieu de deux fois
qu'on les humecte à préfent avec fort
peu d'eau & fouvent avec de l'eau vilaine
& puante , qui jettée en petite
112 MERCURE DE FRANCE .
quantité , ne fait que tenir la boue délayée
pendant un peu de temps & infecter
d'autant mieux l'air , l'abondance
de celle-ci le rendra fain & falubre ,
ce qui eft fi important pour la fanté des
citoyens & d'autant plus néceffaire que
le nombre des habitans eft plus confidérable
; tout le monde fent de refte
que le féjour des boues & immondices
contre les murs ou contre les bornes
doit de néceffité rendre l'air bas , infecté
& mal fain & c'est celui que
nous refpirons.
"
"
Quelle tranquillité d'avoir dans fa
maiſon un réſervoir toujours plein d'eau
& fans ceffe renouvellé pour fournir un
fecours prompt & à propos dans un cas
de malheur tant pour foi que pour le
voifinage !
Dans la feconde partie de cet intéreffant
Mémoire , M. Dep. rend compte
de ce qui l'a conduit à former ce
projet , & de ce qu'il a fait pour s'af--
furer d'abord de la poffibilité, & enfuite.
pour dire exactement à quelle hauteur
l'eau pouvoit arriver à Paris. Il a fallu
pour cela rapporter le tout à un point
fixe & immuable , & c'eft au fol de l'Églife
N. D. qu'il a rapporté toutes ſes.
opérations.
MARS. 1763. 113
Faifant abftraction de la pente qui
fait couler l'eau de moulin en moulin
depuis Vaugien jufqu'à Paris , les chutes
des moulins ont fait connoître à M.
D. de combien l'eau de Vaugien étoit
plus élevée que l'eau de la Seine fous le
Pont de l'Hôtel- Dieu , de laquelle déduifant
la quantité de pieds & pouces
dont le fol de N. D. étoit plus élevé
que la Seine le même jour qu'il mefuroit
les chutes des moulins , le refte
donne l'élévation de l'eau de Vaugien
fur le fol de N. D. qui eft de 83 pieds
9 pouces.
Le nivellement que M. D. a fait &
repété plufieurs fois pour parvenir à
connoître de combien l'arrivée des eaux
d'Arcueil eft plus élevée que le même
fol de N. D. fuppofe des opérations
fort intéreffantes pour les perfonnes
qui font au fait de ces matiéres ; mais
comme elles ne font pas à la portée
de tous nos Le&curs , nous nous contenterons
d'en rapporter les principaux
réfultats.
1°. Le haut de la Tour méridionale
de N. D. eft plus élevé que le fol de
l'Eglife pris au bas de l'efcalier des.
Tours de 204 pieds 9 pouces. 2 °. Le haut
du parapet de l'Obfervatoire et plus.
114 MERCURE DE FRANCE .
haut que le même fol de N. D. de
161 pieds d'où il fuit que la Tour
méridionale de N. D. eft plus élevée
que le haut de l'Obfervatoire de 43
pieds 9 pouces. 3° . Le bouillon d'arrivée
des eaux d'Arcueil eft plus élevée
que le le fol de N. D. de 67 pieds 10
pouces & demie , qui ôtés de 83 pieds
9 pouces dont l'eau de Vaugien eft plus
élevée que le même fol de N. D, refte
15 pieds 10 pouces & demi , dont
l'eau de l'Yvette à Vaugien eft plus
élevée que l'arrivée des eaux d'Arcueil
à côté de l'Obfervatoire , non compris
la pente qui la fait couler de moulin
en moulin depuis Vaugien jufqu'à
Paris.
4º Le haut de la Place de l'Eftrapade
eft plus élevé que le fol de N. D. de
81 pieds 3 pouces.
5°. Enfin l'endroit le plus élevé du parapet
du pont de l'Hôtel-Dieu eft plus
élevé que le fol de N. D. de 10 pieds 6
pouces , ce qui donne le moyen de connoitre
de combien la Seine eft plus baffe
que le fol de N. D.
M. D. avec cette modeftie qui
convient aux vrais Sçavans qui n'ont
d'autres vues que celles du bien public,
MARS.
115
veut bien n'être pas cru fur fa parole ,
´'il demande lui-même qu'on faffe examiner
fon projet ; mais il defire que ce
foit par les perfonnes les plus capables
& les plus propres à infpirer la confiance
que l'objet mérite . Comme il
connoît bien la vérité de ce qu'il propofe
, on voit en plufieurs endroits de
fon Mémoire qu'il eft pleinement perfuadé
que fon projet fera exécuté à l'avenir
s'il ne l'eft à préfent. Voici comment
il s'exprime en un endroit.
Ne connoiffant rien de plus urgent
à
faire pour une grande ville , après la
conftruction des ponts , quand il en
faut que de procurer dans tous les
quartiers une fuffifante quantité de
bonne eau ; & connoiffant affez bien
les environs de Paris , pour pouvoir affurer
qu'il n'y a que la riviére d'Yvette
qui, donnant cette fuffifante quantité
de bonne eau , puiffe y arriver à une
hauteur propre à l'envoyer dans tous
les quartiers , à moins de l'aller prendre
beaucoup plus loin ; je crois être fondé
à me perfuader que ce projet fera
éxécuté à l'avenir , s'il ne l'eft à préfent
, & d'autant plus , comme je l'ai
déja fait obferver , que c'eft la feule
dépense que la Ville puiffe faire dont
116 MERCURE DE FRANCE.
les fonds tui rentrent avec avantage ,
en faifant le bien des citoyens , cette
dépenſe n'étant , à proprement dire
qu'une avance ou de l'argent placé.
Mais quand même cette dépenfe ne
devroitjamais rentrer : pour une grande
ville , capitale d'un grand royaume , il
faut de grandes chofes
Il regarde donc l'éxécution de ce
projet comme indifpenfable , foit dans
peu , foit à l'avenir or dans quelque
temps qu'on l'entreprenne , on doit
faire le tout de manière à pouvoir recevoir
& laiffer couler plus de 2000 pou--
ces d'eau, vû qu'on peut les avoir dèsà-
préfent les trois quarts de l'année
& qu'on pourra fe les procurer pour
toute l'année quand on le voudra , & c..
Quand même M. Dep. n'auroit pas
la fatisfaction de voir éxécuter ſon projet
, il pourra fe flatter d'avoir rendu un
fervice éffentiel à fa patrie , en faisant .
une fi heureufe découverte . Elle intéreffa
tout le monde dès qu'il commença
à en faire
part , & jamais
Mémoire
n'a été écouté
avec plus d'attention
ni
plus applaudi
qu'il le fut lorsqu'il
en fit.
la lecture
à l'Affemblée
de la rentrée
publique
de l'Académie
Royale
des.
Sciences
, du mois de Novembre
derMARS.
1763. 117
>
nicr. Le Miniftre toujours attentif à ce
qui peut contribuer au bien public , a
voulu qu'il fut imprimé à l'Imprimerie
Royale.
Lorfque M. Dep. eut l'honneur de le
préfenter au Roi , il en fut accueilli favorablement
, & Sa Majesté voulut bien
entrer avec lui dans des détails qui marquoient
fort l'intérêt qu'Elle y prenoit.
Ce Mémoire ne fe vend pas ; on n'en
a tiré que le nombre d'exemplaires qu'on
a voulu donner ; mais on le trouvera
dans la fuite des Mémoires de l'Académie
des Sciences , pour l'année 1762.
Fermer
Résumé : ACADÉMIES. EXTRAIT du Mémoire lu à l'Assemblée publique de l'Académie Royale des Sciences, le 13 Novembre 1762 par M. DE PARCIEUX, de la même Académie ; sur un moyen de donner une abondante quantité de bonne eau dans tous les Quartiers de PARIS.
En 1762, M. de Parcieux présente à l'Académie Royale des Sciences un projet visant à fournir une abondante quantité d'eau potable à Paris. Les Romains et d'autres anciens avaient déjà construit des infrastructures pour acheminer l'eau dans leurs villes. À Paris, les machines utilisées jusqu'alors étaient insuffisantes, à l'exception des eaux de Rungis apportées par Marie de Médicis. Le projet de M. de Parcieux propose de capter les eaux de la rivière d'Yvette à Vaugien et de les acheminer jusqu'à la Porte Saint-Michel, d'où elles seraient distribuées dans toute la ville. L'aqueduc proposé parcourrait environ dix-sept à dix-huit mille toises, suivant le lit naturel de l'Yvette jusqu'à Palaiseau, puis traversant une montagne pour rejoindre la vallée de la Bièvre. L'eau suivrait ensuite la côte droite de la Bièvre, traversant plusieurs ponts aqueducs jusqu'à Arcueil, où elle rejoindrait l'aqueduc actuel. M. de Parcieux a analysé la qualité de l'eau de l'Yvette, confirmée par les chimistes Hellot et Macquer comme étant de la plus excellente qualité. Il a également estimé la quantité d'eau disponible, concluant qu'il était possible de fournir à Paris deux mille pouces d'eau continus. Le projet est présenté comme essentiel et urgent pour Paris, qui manque d'eau ou n'en dispose qu'en petites quantités. M. de Parcieux compare les travaux nécessaires à ceux réalisés dans d'autres villes comme Montpellier et Carcassonne, soulignant que Paris, avec sa population plus importante, mérite un tel investissement. Il espère que des citoyens généreux, inspirés par des exemples historiques de philanthropie, contribueront à la réalisation de ce projet. Le texte discute également des avantages d'une eau courante pour la propreté des cuisines, l'évacuation des immondices, et la salubrité de l'air. Les rues deviendraient des ruisseaux permettant d'évacuer les boues et de maintenir le pavé propre. En été, les rues pourraient être arrosées plus fréquemment avec de l'eau propre, améliorant ainsi la qualité de l'air et la santé des citoyens. Le mémoire de M. Dep. a été bien accueilli lors de sa présentation à l'Académie Royale des Sciences et a suscité un grand intérêt. Le ministre et le roi ont également montré un intérêt favorable pour ce projet. Le mémoire est disponible dans les publications de l'Académie des Sciences pour l'année 1762.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer