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1
p. 1732-1738
LETTRE écrite de Pezenas, le 11. Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions sur l'usage interieur de l'Eau-de-Vie, inserées dans le Mercure du mois de May de l'année 1730. Contre la These de M. le Hoc.
Début :
Nous sommes trop sensibles, Monsieur, à tout ce qui peut s'opposer à [...]
Mots clefs :
Eau de vie, Thèse, Fibres, Sang, Liqueur spiritueuse
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Pezenas, le 11. Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions sur l'usage interieur de l'Eau-de-Vie, inserées dans le Mercure du mois de May de l'année 1730. Contre la These de M. le Hoc.
LETTRE écrite de Pezenas , le 11 .
Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions
Sur l'ufage interieur de l'Eau- de-Vie
inferées dans le Mercure du mois de May
de l'année 1730. Contre la Thefe de
M. le Hoc.
Ous
Nficur , à tout ce qui peut s'oppofer à
fommes trop fenfibles , Mon
la confervation de l'homme , pour laiffer
de votre côtê le droit de la queftion pré
fente ; auffi fans craindre d'encourir vos
difgraces , ( vous en étant pris tout le prea
mier à la conclufion & à l'Ouvrage entier
de M. le Hoc ) nous allons nous en
prendre à notre tour à vos Reflexions ,
quelques judicieufes qu'elles paroiffent.
Vous prétendez , contre la conclufion
de la Theſe dont il s'agit , que l'Eau- de-
Vie eft falutaire à l'homme , qu'elle luf
donne de la force, de la vigueur, & prolonge
même la durée de les jours ; vous vous
trompez grandement , & vous en con
viendrez fans peine , fi vous confiderez
que cette Liqueur ne releve d'abord les
forces que pour les abattre peu après ; en
effet l'Eau de vie dans le temps de fon
action fur les organes du corps , réveillant
AOUST . 1730 . 1733
faut toutes les puillances
que
la nature
y
maintient dans une jufte étenduë , les
porte toûjours au - delà ce qui fait que
cette liqueur fpiritueufe ayant cellé d'agir
, ces mêmes puiffances deviennent fanguiffantes
, & fe trouvent alors de beaucoup
plus éloignées de l'état naturel où
elles étoient avant que d'être preffées
d'en fortir . Les bons beuveurs d'Eau de
vie font de très- fideles garants de ce que
nous avançons.
L'effet que cette Liqueur fpiritueufe
produit dans le corps en lui donnant de
fa vigueur & de la force , agit principa
lement en rendant le tiffu des fibres mufculaires
plus compactes , plus robuftes ,
& les muſcles mêmes par confequent plus
puiffants, mais auffi plus rebelles aux caufes
de leur mouvement qu'ils n'ont coûtume
; ce qui arrive à ces fibres en fe procurant
entre elles un contact plus intime
par le jeu de contraction ou de reffort que
les fréquents érethifmes de cette Liqueur
fpiritueule , fur le genre nerveux , follicitent
; cependant l'humide radical ( fi
l'on peut parler ainfi ) ou ce fuc lymphatique
, que la nature a mis à l'entre- deux
des fibrilles & des fibres mêmes , pour
les humecter dans le befoin & conferver
integrité , fe trouve forcé de fortir de
fa place , de prendre de nouvelles routes
&
1734 MERCURE DE FRANCE
& de priver ainfi ces parties d'un ſecours
dont elles ne fçauroient fe paffer , fans que
les caufes d'une longue vie en reffentent
de rudes atteintes. A quelles pertes de
ce fuc lymphatique ne donnent donc pas
lieu ceux qui fe perfuadent de trouver
leur vie dans l'uſage d'une veritable Eau
de mort ? pertes d'autant plus ou moins
confiderables , que l'ufage d'une telle Liqueur
fera plus ou moins moderé ; & delà
vient qu'on aura toûjours droit de dire
que l'Eau de vie , loin d'être falutaire à
l'homme , eft un mortel ennemi qui alfaillit
( malgré l'ancienne prévention de
Les bons effets qui en autorifent l'ufage parmi
les hommes ) les caufes de la vie même.
C'eft ainfi que l'Eau de vie tariffant les
fources des liqueurs limphatiques qui donnent
la foupleffe aux fibres , d'où dépend
le rythme des fonctions , racornit les folides
, fous une trompeufe apparence de
rendre le corps vigoureux.
Vous objectez enfuite contre l'Ouvrage
entier de l'Auteur , que l'Eau de vie ne
fçauroit racornir les folides , fondé précilement
fur ce que notre corps étant
percé de millions de manieres , cette Liqueur
fpiritueufe n'y féjourne point affez
long- temps ; à la verité , l'objection paroît
jufte du premier abord , mais dans le fond
elle eft peu folide ; faites un moment d'attention
A O UST . 1730. 1735
tention , qu'il ne faut pour donner lieu
à l'effet mentionné de l'Eau de vie , que
le paffage de cette Liqueur fpiritueule de
dedans en dehors , ce qui ne fe fait point
fans contredit auffi fubitement que vous
l'avez penfé fubtilement .
que
Nous avons quelque raifon de préfumer
maintenant , Monfieur , qu'ayant autant
d'efprit , de bon's fens , & de bonne
foi , qu'il en eft dans les veritables Sçavans
, vous devez être fenfible aux fortes
preuves que nous venons d'alleguer pour
détruire vos Reflexions ; cependant comme
il reste encore à vous convaincre
l'Eau de vie prife par la bouche , coagule
les humeurs , nous prévoyons bien que
pour vous venger entierement de notre
parti , il faut vous faire voir que l'évidence
s'y trouve , ce que vous découvrirez
vous-même aifément en diftinguant
deux temps qui fe fuccedent dans l'ufage
de cette Liqueur ; dès le premier tout le
réveille , tout s'anime dans la machine ,
les refforts ſe bandent & fe débandent ,
fuivant les loix de la réaction ; les folides
ainfi débridez , effarouchez ( s'il eft permis
de parler de la forte ) fouëttent le fang,
le divifent , l'aténuënt , l'affinent , en un
mot augmentent fes mouvemens , & pendant
le temps de cette agitation , lorique
fon vehicule ou ce qui fe trouve naturellement
1736 MERCURE DE FRANCE
lement dans cette Liqueur rouge de plus
liquide, s'eft diffipé (dans le fecond temps)
les parties les plus maffives, les plus groffieres,
s'approchent, fe touchent par des plus
larges furfaces ou par plufieurs points , la
difficulté dans leurs frotemens réciproques
de liquidité augmente , & pour lors
le mouvement fe ralentit , ou pour mieux
le dire le fang s'épaiffit & fe coagule.Après
quoi vous avez tout ſujet de vous écrier.
Helas ! mes propres traits fe tournent contre moi.
Ainfi vous jugez bien , M. , que notre
imprudence n'ira jamais jufqu'à donner
de l'Eau de vie dans le cas où vous voulez
qu'elle convienne , fuivant notre fentiment
; la durée de l'homme nous touche
de trop près , & notre pratique de Medecine
, toute faine qu'elle eft , s'accorde
trop bien avec notre théorie , pour nous
écarter des routes fi connuës .
Au refte , vous nous faites un crime
fur ce que dans les Experiences nous nous
fommes fervis auffi indifferemment de
'Efprit de vin que de l'Eau de vie , mais
fi vous avez bien penfé que ces deux Liqueurs
ne different entre- elles que du plus
ou du moins d'énergie , vous auriez été ,
fans doute, plus indulgent . Peut-être croirez-
vous avoir plus de droit dans cette
ennuyeuſe fuite de confequencesque vous
fçavez
A O UST . 1730. 1737
fçavez tirer favorablement de nos Experiences
? Détrompez -vous , nous ne te
nons de ſemblables raifonnemens qu'autant
qu'une injufte prévention contre notre
fentiment , nous en fait les Auteurs ;
en effet , vous ne fçauriez foutenir avec
un fondement d'équité , que quoique
l'Eau de vie ne tue pas l'homme auffi
promptement que les bêtes , elle doive
paffer pour une Eau falutaire , puifqu'il
eft certain par tout ce que nous venons
d'avancer , qu'on doit regarder très - férieufement
cette Liqueur fpiritueufe dans
l'ufage que l'on en fait , comme un poiſon
lent qui retranche tout doucement du
temps de cette féduifante efperance de
longue vie.
Il eſt aifé de voir maintenant , fuivant
l'effet que l'Eau de vie produit dans tout
le corps , principalement fur la texture
des vifceres de l'eftomac ( par exemple )
du foye , &c. que cette Liqueur fpiritueufe
doit non-feulement nuire confiderablement
à la digeſtion , mais encore avancer
les derniers momens de la vie , foit
en dépravant l'exercice des fonctions , foit
en interceptant ou ralentiffant les coups
des fecretions , d'où fuit le dérangement
de la diatheſe du fang , la confufion & le
trouble dans toute la maffe . Ces Phlogoſes,
ces Duretés fchireufes qui en font ordi-
C nairement
1738 MERCURE DE FRANCE
>
nairement le terme dans ces fortes de cas ,
ces concretions calculeufes ; en un mot
ce nombre prodigieux de maux qui fe
mettent de la partie , reconnoiffent enfemble
la même caufe ; & delà vient qu'on
peut regarder juftement l'ufage interieur
de cette Liqueur fpiritueufe , comme la
fource & l'origine de mille maladies , attribuées
bien fouvent à toutes autres
cauſes rebelles à celui qui les traite & combattuës
par des remedes qui tourmentent,
qui tuent même plutôt qu'ils ne foulagent
ou ne guériffent. Je m'apperçois que
que je vous tiens déja depuis trop longtemps
, & que je fuis dans l'obligation de
mettre fin à ma Lettre ; excufez , Monfieur
, mon indifcretion , le deffein de
trouver la verité , m'a fi fortement occupé
, que m'étant oublié moi-même , je
n'ai pas pris garde que j'abufois de votre
patience dans la lecture d'une fi longue
Lettre, que j'aurois peut-être même pouffé
plus loin , fi le devoir de ma Profeffion
ne m'eût appellé ailleurs ; perfuadé , Monfieur,
que quoique je me fois montré contraire
à vos Reflexions , je ne fuis pas moins
attaché à votre perfonne que j'eftime infiniment
, étant avec toute la confideration
poffible , &c,
G. BARRE'S , Docteur en Medecine de
la Faculté de Montpellier,
Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions
Sur l'ufage interieur de l'Eau- de-Vie
inferées dans le Mercure du mois de May
de l'année 1730. Contre la Thefe de
M. le Hoc.
Ous
Nficur , à tout ce qui peut s'oppofer à
fommes trop fenfibles , Mon
la confervation de l'homme , pour laiffer
de votre côtê le droit de la queftion pré
fente ; auffi fans craindre d'encourir vos
difgraces , ( vous en étant pris tout le prea
mier à la conclufion & à l'Ouvrage entier
de M. le Hoc ) nous allons nous en
prendre à notre tour à vos Reflexions ,
quelques judicieufes qu'elles paroiffent.
Vous prétendez , contre la conclufion
de la Theſe dont il s'agit , que l'Eau- de-
Vie eft falutaire à l'homme , qu'elle luf
donne de la force, de la vigueur, & prolonge
même la durée de les jours ; vous vous
trompez grandement , & vous en con
viendrez fans peine , fi vous confiderez
que cette Liqueur ne releve d'abord les
forces que pour les abattre peu après ; en
effet l'Eau de vie dans le temps de fon
action fur les organes du corps , réveillant
AOUST . 1730 . 1733
faut toutes les puillances
que
la nature
y
maintient dans une jufte étenduë , les
porte toûjours au - delà ce qui fait que
cette liqueur fpiritueufe ayant cellé d'agir
, ces mêmes puiffances deviennent fanguiffantes
, & fe trouvent alors de beaucoup
plus éloignées de l'état naturel où
elles étoient avant que d'être preffées
d'en fortir . Les bons beuveurs d'Eau de
vie font de très- fideles garants de ce que
nous avançons.
L'effet que cette Liqueur fpiritueufe
produit dans le corps en lui donnant de
fa vigueur & de la force , agit principa
lement en rendant le tiffu des fibres mufculaires
plus compactes , plus robuftes ,
& les muſcles mêmes par confequent plus
puiffants, mais auffi plus rebelles aux caufes
de leur mouvement qu'ils n'ont coûtume
; ce qui arrive à ces fibres en fe procurant
entre elles un contact plus intime
par le jeu de contraction ou de reffort que
les fréquents érethifmes de cette Liqueur
fpiritueule , fur le genre nerveux , follicitent
; cependant l'humide radical ( fi
l'on peut parler ainfi ) ou ce fuc lymphatique
, que la nature a mis à l'entre- deux
des fibrilles & des fibres mêmes , pour
les humecter dans le befoin & conferver
integrité , fe trouve forcé de fortir de
fa place , de prendre de nouvelles routes
&
1734 MERCURE DE FRANCE
& de priver ainfi ces parties d'un ſecours
dont elles ne fçauroient fe paffer , fans que
les caufes d'une longue vie en reffentent
de rudes atteintes. A quelles pertes de
ce fuc lymphatique ne donnent donc pas
lieu ceux qui fe perfuadent de trouver
leur vie dans l'uſage d'une veritable Eau
de mort ? pertes d'autant plus ou moins
confiderables , que l'ufage d'une telle Liqueur
fera plus ou moins moderé ; & delà
vient qu'on aura toûjours droit de dire
que l'Eau de vie , loin d'être falutaire à
l'homme , eft un mortel ennemi qui alfaillit
( malgré l'ancienne prévention de
Les bons effets qui en autorifent l'ufage parmi
les hommes ) les caufes de la vie même.
C'eft ainfi que l'Eau de vie tariffant les
fources des liqueurs limphatiques qui donnent
la foupleffe aux fibres , d'où dépend
le rythme des fonctions , racornit les folides
, fous une trompeufe apparence de
rendre le corps vigoureux.
Vous objectez enfuite contre l'Ouvrage
entier de l'Auteur , que l'Eau de vie ne
fçauroit racornir les folides , fondé précilement
fur ce que notre corps étant
percé de millions de manieres , cette Liqueur
fpiritueufe n'y féjourne point affez
long- temps ; à la verité , l'objection paroît
jufte du premier abord , mais dans le fond
elle eft peu folide ; faites un moment d'attention
A O UST . 1730. 1735
tention , qu'il ne faut pour donner lieu
à l'effet mentionné de l'Eau de vie , que
le paffage de cette Liqueur fpiritueule de
dedans en dehors , ce qui ne fe fait point
fans contredit auffi fubitement que vous
l'avez penfé fubtilement .
que
Nous avons quelque raifon de préfumer
maintenant , Monfieur , qu'ayant autant
d'efprit , de bon's fens , & de bonne
foi , qu'il en eft dans les veritables Sçavans
, vous devez être fenfible aux fortes
preuves que nous venons d'alleguer pour
détruire vos Reflexions ; cependant comme
il reste encore à vous convaincre
l'Eau de vie prife par la bouche , coagule
les humeurs , nous prévoyons bien que
pour vous venger entierement de notre
parti , il faut vous faire voir que l'évidence
s'y trouve , ce que vous découvrirez
vous-même aifément en diftinguant
deux temps qui fe fuccedent dans l'ufage
de cette Liqueur ; dès le premier tout le
réveille , tout s'anime dans la machine ,
les refforts ſe bandent & fe débandent ,
fuivant les loix de la réaction ; les folides
ainfi débridez , effarouchez ( s'il eft permis
de parler de la forte ) fouëttent le fang,
le divifent , l'aténuënt , l'affinent , en un
mot augmentent fes mouvemens , & pendant
le temps de cette agitation , lorique
fon vehicule ou ce qui fe trouve naturellement
1736 MERCURE DE FRANCE
lement dans cette Liqueur rouge de plus
liquide, s'eft diffipé (dans le fecond temps)
les parties les plus maffives, les plus groffieres,
s'approchent, fe touchent par des plus
larges furfaces ou par plufieurs points , la
difficulté dans leurs frotemens réciproques
de liquidité augmente , & pour lors
le mouvement fe ralentit , ou pour mieux
le dire le fang s'épaiffit & fe coagule.Après
quoi vous avez tout ſujet de vous écrier.
Helas ! mes propres traits fe tournent contre moi.
Ainfi vous jugez bien , M. , que notre
imprudence n'ira jamais jufqu'à donner
de l'Eau de vie dans le cas où vous voulez
qu'elle convienne , fuivant notre fentiment
; la durée de l'homme nous touche
de trop près , & notre pratique de Medecine
, toute faine qu'elle eft , s'accorde
trop bien avec notre théorie , pour nous
écarter des routes fi connuës .
Au refte , vous nous faites un crime
fur ce que dans les Experiences nous nous
fommes fervis auffi indifferemment de
'Efprit de vin que de l'Eau de vie , mais
fi vous avez bien penfé que ces deux Liqueurs
ne different entre- elles que du plus
ou du moins d'énergie , vous auriez été ,
fans doute, plus indulgent . Peut-être croirez-
vous avoir plus de droit dans cette
ennuyeuſe fuite de confequencesque vous
fçavez
A O UST . 1730. 1737
fçavez tirer favorablement de nos Experiences
? Détrompez -vous , nous ne te
nons de ſemblables raifonnemens qu'autant
qu'une injufte prévention contre notre
fentiment , nous en fait les Auteurs ;
en effet , vous ne fçauriez foutenir avec
un fondement d'équité , que quoique
l'Eau de vie ne tue pas l'homme auffi
promptement que les bêtes , elle doive
paffer pour une Eau falutaire , puifqu'il
eft certain par tout ce que nous venons
d'avancer , qu'on doit regarder très - férieufement
cette Liqueur fpiritueufe dans
l'ufage que l'on en fait , comme un poiſon
lent qui retranche tout doucement du
temps de cette féduifante efperance de
longue vie.
Il eſt aifé de voir maintenant , fuivant
l'effet que l'Eau de vie produit dans tout
le corps , principalement fur la texture
des vifceres de l'eftomac ( par exemple )
du foye , &c. que cette Liqueur fpiritueufe
doit non-feulement nuire confiderablement
à la digeſtion , mais encore avancer
les derniers momens de la vie , foit
en dépravant l'exercice des fonctions , foit
en interceptant ou ralentiffant les coups
des fecretions , d'où fuit le dérangement
de la diatheſe du fang , la confufion & le
trouble dans toute la maffe . Ces Phlogoſes,
ces Duretés fchireufes qui en font ordi-
C nairement
1738 MERCURE DE FRANCE
>
nairement le terme dans ces fortes de cas ,
ces concretions calculeufes ; en un mot
ce nombre prodigieux de maux qui fe
mettent de la partie , reconnoiffent enfemble
la même caufe ; & delà vient qu'on
peut regarder juftement l'ufage interieur
de cette Liqueur fpiritueufe , comme la
fource & l'origine de mille maladies , attribuées
bien fouvent à toutes autres
cauſes rebelles à celui qui les traite & combattuës
par des remedes qui tourmentent,
qui tuent même plutôt qu'ils ne foulagent
ou ne guériffent. Je m'apperçois que
que je vous tiens déja depuis trop longtemps
, & que je fuis dans l'obligation de
mettre fin à ma Lettre ; excufez , Monfieur
, mon indifcretion , le deffein de
trouver la verité , m'a fi fortement occupé
, que m'étant oublié moi-même , je
n'ai pas pris garde que j'abufois de votre
patience dans la lecture d'une fi longue
Lettre, que j'aurois peut-être même pouffé
plus loin , fi le devoir de ma Profeffion
ne m'eût appellé ailleurs ; perfuadé , Monfieur,
que quoique je me fois montré contraire
à vos Reflexions , je ne fuis pas moins
attaché à votre perfonne que j'eftime infiniment
, étant avec toute la confideration
poffible , &c,
G. BARRE'S , Docteur en Medecine de
la Faculté de Montpellier,
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Résumé : LETTRE écrite de Pezenas, le 11. Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions sur l'usage interieur de l'Eau-de-Vie, inserées dans le Mercure du mois de May de l'année 1730. Contre la These de M. le Hoc.
Le 11 juillet 1730, une lettre est adressée à l'auteur des Réflexions sur l'usage intérieur de l'Eau-de-Vie, publiées dans le Mercure de mai 1730, en réponse à la thèse de M. le Hoc. L'auteur de la lettre conteste les bienfaits de l'Eau-de-Vie, affirmant qu'elle est nuisible à la santé humaine. Il soutient que cette liqueur procure initialement une sensation de force et de vigueur, mais finit par affaiblir les forces du corps. L'Eau-de-Vie stimule les fibres musculaires, les rendant plus compactes et puissantes, mais les rend également plus résistantes aux mouvements naturels. Elle force l'humide radical, essentiel pour l'humectation et la conservation des fibres, à quitter sa place, entraînant des pertes significatives. L'auteur explique que l'Eau-de-Vie tarit les sources des liquides lymphatiques, rendant les solides plus rigides et moins souples, ce qui nuit à la longévité. Il réfute également l'objection selon laquelle l'Eau-de-Vie ne séjourne pas assez longtemps dans le corps pour causer des dommages, en expliquant que son passage suffit à provoquer des effets néfastes. La lettre conclut en affirmant que l'Eau-de-Vie est un poison lent, causant diverses maladies et raccourcissant la durée de vie. L'auteur exprime son attachement à la vérité et à la personne de son destinataire, malgré leurs désaccords.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 2602-2614
REFLEXIONS sur ces paroles d'Hippoctates, Aphorisme XXXIII. Section II. In omni morbo mente valere bonum est ; contrarium vero malum.
Début :
Puisque nous voyons tous les jours que les moindres passions de l'ame [...]
Mots clefs :
Corps, Tension, Passions, Organes, Malade, Maladie, Imagination, Affection, Remède, Médecine, Hippocrate
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REFLEXIONS sur ces paroles d'Hippoctates, Aphorisme XXXIII. Section II. In omni morbo mente valere bonum est ; contrarium vero malum.
REFLEXIONS fur ces paroles
d'Hippoctates , Aphorifme XXXIII.
Section II. In omni morbo mente valere
bonum eft ; contrarium vero malum.
Puifque Uifque nous voyons tous les jours
les moindres paffions de l'ame
occafionnent dans la fanté la mieux établie
mille dérangemens dangereux pour
la vie; pouvons- nous douter que la crainte
ou l'appréhenfion de mourir ne faſſe
de plus grands defordres dans un Malade?
Mais plutôt qui d'entre les hommes , le
plus intrépide même , lorſque le mal eſt
affez férieux , fe fent à l'abri des troubles
qu'une penſée fi affreuſe jette dans
tout le corps ? L'on ne doit donc point
refufer , pour peu que le bien des Malades
tienne à coeur , une attention particuliere
à ces mouvemens de l'ame qui
I. Vol. agiffent
DECEMBRE . 1730. 2603
3.
agiffent fi puiffamment à nos yeux , &
la faine pratique de Medecine ne fçauroit
les abandonner à eux- mêmes fans rendre
les meilleurs remedes de l'Art , ou inutiles
ou pernicieux dans leur ufage. C'eft fur
un fondement fi folide qu'on eft porté à
croire que la plupart des Maladies ne deviennent
ferieufes , intraitables même, que
parce que la crainte , l'abattement , la
frayeur & le defefpoir , font toujours aux
trouffes des pauvres Malades; & que la fermeté
en enleveroit un plus grand nombre à
la Parque, que les Remedes les plus fpecifi
ques,qui ne meritent pas fouvent un nom
fi impofant : de- là vient qu'on a tout fujet
de penfer que dans les moins dangereufes
maladies comme dans celles qui le font
veritablement , on épargneroit plus de
vies au genre humain , fi on s'attachoit
moins àdonner des remedes, qu'à raffures
l'efprit allarmé des Malades.
Pour le convaincre de ce que nous ve
nons d'avancer , il ne faut que jetter les
yeux fur ces mélancoliques hypocondriaques
, fujets à des prétendues vapeurs qui
ne reconnoiffent pour caufe que le vice
de leur imagination ; c'eft ainfi que nous
trouvons quelquefois dans notre pratique
de ces hommes que les biens & les honneurs
inondent de toutes parts , au milieu
des plaifirs , qu'une fanté parfaite-
Cij ment I. Vol.
2604 MERCURE DE FRANCE
&
ment bonne & vigoureufe laiffe gouter
paifiblement à la fleur de leur âge , tomber
tout à coup dans un abattement &
dans une langueur toujours funefte à la
vie , fe rendre infupportables aux autres ,
le devenir à eux mêmes , fe laiffer aller
à des contentions trop longues , à des afflictions
extrêmes ; en un mot , ſe montrer
le jouet de leur imagination par ces récits
ennuyeux des plus legeres circonftances
de leurs maux dont ils accablent ceux
qu'ils engagent férieufement à les entendre
. Des Malades de cette efpece peuventils
trouver du fecours dans l'adminiftration
des remedes , & ne feroit- ce pas pour
lors réfifter à l'experience qui apprend
conftamment au prix de la vie de ceux
qui la confient aux ignorans , que l'abattement
, la langueur de l'efprit , fe guerit
moins par l'ufage des remedes , que par
la diverfité des idées , les converfations ,
les Affemblées des perfonnes enjoüées ,
& fur tout par la fermeté ou le courage
que les bons Medecins ne manquent
jamais de préferer falutairement à tout
autre fecours ? d'ailleurs comme l'oifiveté
leur donne occafion de fe trop écouter
les exercices moderez du corps ne feroient
ils pas pour ces Malades un bon régime.
de vie ? peut être même que la reflexion
fuivante auroit affez de force pour
I. Vol.
préDECEMBRE
. 1730. 2605
prévenir & détourner la foibleffe de leur
imagination .
Il n'eft pas poffible que cette foule de
fonctions qui s'exercent par tant de differens
inftrumens dans une machine auffi délicate
que le corps
de l'homme
, ſe faffent
dans
la fanté
même
la plus
parfaite
d'une
égale
jufteffe
, puifque
tout
de même
que
dans
une
Montre
ou dans
des machines
femblables
le peu de folidité
de la matiere
dont
on conſtruit
les differentes
pieces
qui
les compofent
, les frottemens
des roues
de
leurs
arbres
qui
touchent
par
plufieurs
points
à des furfaces
jamais
planes
ou unies
;
en un mot,mille
caufes
, tant
internes
qu'externes
, font
de très- grands
obftacles
à la
perfection
de leurs
mouvemens
; de même
dans
le corps
humain
les roues
qu'on
y
découvre
, ou , pour
mieux
dire, les mouvemens
circulaires
, foit
dans
les folides
foit
dans
les liquides
, les leviers
, les puiffances
& leur
point
d'appui
, dans
le tems
que
tout
eft en jeu , fe trouvent
fujets
aux
mêmes
imperfections
que
les rouës
& les refforts
de la montre
en mouvement
;
& ces obftacles
font
d'autant
plus
fenfibles
à l'homme
,que
ceux
qui vivent
dans
une
fcrupuleufe
attention
fur
ce qui fe
pafle
au dedans
du corps
, ne fe croyent
malades
que
pour les trop
écouter
.
Si ceux qui fe montrent moins occupez
I. Vol. Cy dans
2606 MERCURE DE FRANCE
dans la pratique de Medecine à guerir
l'efprit,fouvent plus allarmé que le corps
n'eft malade , faifoient attention qu'on
doit toujours envifager dans un malade
la guérifon de deux maladies , dont la
violence ou la durée de tous les tems
qu'elles parcourent , fe répondent exactement
, & que chacune d'elles exige des
fecours differens , fuivant la fuperiorité
que l'une gagne fur l'autre , ils fe défabuferoient
avec plaifir de ce grand nombre
inutile ou meurtrier de remedes , que
Pandore a laiffé échaper , que l'avarice
fait employer , que l'honneur de la profeffion
défaprouve , & que la feule fermeté
dont les malades ont befoin ordi
nairement , ne permet jamais qu'on lui
préfere , fans reprocher les funeftes fuites
d'une fi injufte préférence à ceux qui ne
connoiffent point l'union ou la dépendance
mutuelle de ces deux fubftances qui
compofent l'homme.
Quoique l'union de l'ame avec le corps
doive plutôt paffer pour un fecret réfervé
à la Toute puiffance Divine , que pour
une connoiffance dûe aux plus profondes
recherches de l'efprit humain ; l'heureuſe
témerité des fçavans dans leurs découvertes
a fçû nous engager trop avant , pour
pouvoir nous difpenfer maintenant de
propofer nos conjectures . Cependant pour
I.Vol
AC
DECEMBRE . 1730. 2607
ne pas priver de leurs droits ceux qui pré
tendent en avoir fur cette queftion , nous
ne prendrons que ce qu'il nous faut pour
fatisfaire à notre projet.
Les Loix uniformes , & les raports réciproques
que l'Auteur de la nature a établis
dans l'union de l'ame & du corps ,
maintiennent ces deux fubftances dans
une dépendance mutuelle ; ce qui fait que
l'ame a des affections à l'occafion de certains
mouvemens du Corps, & que celui - ci
exécute des mouvemens , à l'occafion de
certaines affections de l'ame. La vivacité
de ces affections dépend de la violence des
impreffions, des objets externes fur les or
ganes du corps , & l'énergie de la puiffance
de l'ame fur le corps , de la vivacité
de fes affections; l'ame fera parconfequent
d'autant plus vivement affectée que le
.corps fera fortement émû; & le corps fera
d'autant plus puiffamment émû , que l'a
me fera vivement affectée ; le fentiment
interieur & l'expérience journaliere ne
nous permettent point de refufer notre
confentement à des véritez fi fenfibles &
fi connues.
C'eft à la faveur du genre nerveux que
les impreffions des objets externes fur les
organes du corps, d'où dépendent les fenfations
, fe tranfmettent dans le cerveau
jufqu'à l'origine des nerfs . C'eft auffi par
C vi I. Vol.
2608 MERCURE DE FRANCE
les mêmes voyes que les paffions de l'ame
agiffent fur la machine .
On peut donc regarder le genre nerveux
, comme un affemblage de petits
cordons difperfez par tout le corps ,
dans
un certain dégré de tenfion que la nature
leur a donné , réünis à la baze du crane ,
dans cet endroit du cerveau , qu'on nomme
moëlle allongée , & que nous appellerons
dans la fuite Emporeum. C'eft- là où
toutes les impreffions faites fur les organes
du corps aboutiffent , qu'on peut
placer le fiége des perceptions de l'âme.
Mais découvre-t- on dans cette parque
tie ? fi ce n'eft un tas de fibrilles fufceptibles
de vibration , capables de fe redreffer
& de fe remettre lorſque la cauſe
qui en a fait perdre la direction , ceſſe
d'agir ? Comment peut- il donc fe faire
que l'ame foit affectée dans les fenfations,
à l'occafion des impreffions faites par les
objets externes fur les organes
du corps ,
ou agir elle-même fur la machine dans,
les paffions ? une fubftance fpirituelle n'eftelle
point à l'abri des atteintes de la matiere
? Et celle - cy fouffrira-t- elle quelque
changement de la part de l'autre ? J'avouë
prefentement , que fi les fçavans fe
payoient moins de raifonnemens ingénieux
, que d'aveus finceres de la foibleffe
du génie , je n'aurois point de hon-
I.Vol
DECEMBRE . 1730. 2609
coup
te de la déclarer à des hommes dans cette
occafion , mais comme elles doivent beauà
la témérité des curieux , elles veulent
encore leur être plus redevables ; ) le
corps ne pouvant donc point agir materiellement
fur l'ame, ni l'ame fur le corps ,
il faut que le Créateur dans l'union de ces
deux fubftances , ait voulu , fuivant les
décrets immuables , qu'à l'occafion d'un
tel mouvement , où bien d'une vibration
plus ou moins forte des fibres de l'Emporeum
, l'ame fut plus ou moins vivement
ébranlée ; & qu'à l'occafion de certaines
perceptions de l'ame , il furvint à ces mêmes
fibres des vibrations dont la force
répondit exactement à la vivacité de ces
perceptions , pour lors le cordon de
nerf continu à la fibre vibrée , fera plus
ou moins tiraillé auffi-bien que les divifions
& les rameaux qui en partent, & qui
vont fe perdre dans les parties du corps.
Ainfi fuppofé maintenant que l'ame foit
vivement affectée ( comme il lui arrive
dans differentes paffions , mais fur tout
dans la crainte ou l'apprehenfion de mourir
) la vibration d'une , ou de plufieurs
fibres de l'Emporeum fera violente, le tiraillement
du cordon de nerf ne le fera
pas
moins, &fes filamens diviſez ,diſperſez dans
a machine , donneront bien - tôt des marques
tres- fenfibles de leur défordre , icy
L. Vol par
2610 MERCURE DE FRANCE
par la tenfion exceffive des membranes ,
par le retréciffement du diametre des
vaiffeaux dont les parois font devenuës
moins dociles aux caufes pulcifiques ; là,
par les douleurs infupportables , les convulfions
d'une ou de plufieurs parties , &
par l'état tonique qui fe prend au reffort
des folides ; d'où fuit le trouble, l'inégalité
de la circulation du fang , de la lymphe ,
leur féjour dans les chairs , ou dans les
vifceres qui s'enflamment , les fécretions
fufpendues , les coctions léfées , abolies
même ; enfin le bouleverfement de tout
le corps , qui fera toujours d'autant plus
puiffant fur les caufes de la vie , que le
moindre effet mentionné fuffit pour la
faire perdre.
il
Il ne fera pas difficile à prefent , de rendre
raifon des differens dégrez de dérangement
& de défordre , qui arrivent au
Corps humain ,à l'occafion des paffions de
l'ame , pour peu qu'on donne fes atten
tions à leur vivacité , à la difpofition des
fibres de l'Emporeum, & à l'état du corps
fain ou malade.
Nous avons déja vû que les affections
de l'ame occafionnent des vibrations dans
les fibres de l'Emporeum , fuivant donc le
different dégré de tenfion , de foupleffe
de rigidité , & de reffort , que la nature
feur a donné , elles font plus ou moins
I. Vol. vibraDECEMBRE
. 1730. 2611
vibratiles. Par exemple : Si l'ame eft vivement
affectée , la vibration que cette affection
occafionnera d'abord dans une ou
plufieurs fibres fera violente ; & fi les
fibres vibrées fe trouvent bien tenduës
naturellement , la force d'une telle fecouffe
produira un double effet. Il en eft à
peu près de même des autres qualitez ,
qu'on attribue à ces fibres qui varient
dans des fujets differens , par rapport au
fexe , à l'âge , au temperamment , & à la
maniere de vivre , & quelquefois dans le
même homme,à raifon de bien des circonftances,
mais fur tout de la frequence des
vibrations , d'où elles ont acquis la difpofition
d'obéir au moindre tremouffement.
Si les organes du corps fe trouvent
dans l'état le plus éloigné de la maladie ,
& que l'imagination ne foit que peu dérangée
, il eft clair que le corps n'en fera
pas fort incommodé ; delà vient qu'on'
voit une foule de mélancoliques , fe
porter d'ailleurs le mieux du monde ;
mais fi dans ce cas l'imagination eft conſiderablement
détraquée, le corps s'appro
chera pour lors de l'état malade , à proportion
que le dérangemeut de l'efprit
fera grand ; je crois même , que ce ne
feroit point fans fondement , fil'on avançoit
que l'imagination vivement frappée
de trifteffe , de crainte , &c . a affez de
I. Vol.
pou2612
MERCURE DE FRANCE
pouvoir fur la machine , pour en occafionner
la ruine.
Si dans un corps peu malade , l'imagination
n'eft que peu allarmée ; ces deux
maladies enſemble ne font point à crain
dre , on s'en releve facilement ; mais fi
dans ce même cas , l'ame eft fortement
agitée , le trouble dans la Machine fera
très -dangereux ; on voit bien fouvent des
malades guériffables par la nature du
mal , devenir incurables , fe défefpérer &
périr malheureuſement par la préférence
qu'on a fait des remedes quelquefois fort
violens , à cette fermeté dont le retour de
la fanté ne pouvoit fe paffer fans la perte
de la vie.
Enfin fi l'imagination & le corps font
tres dérangez , dans un pareil cas le malade
fera défefpéré , pour peu qu'on néglige
de lui donner du courage , ouqu'on
fe ferve des remedes qui le tour
mentent trop.
On voit par toute cetteThéorie que dans
le concours de ces cauſes , l'ame doit agir
fur la Machine , avec un pouvoir inſurmontable
, dont les effets feront par conféquent
très -funeftes.
On reconnoît encore d'où vient que
certaines perfonnes font plus fufceptibles
de chagrin , de trifteffe , d'abattement
de crainte & de defefpoir que bien d'au-
1. Vol. tres
DECEMBRE . 1730. 2613
tres , & en reffentent de plus grands maux
dans l'ufage de la vie.
Puifqu'on ne fçauroit à prefent difconvenir
que la trifteffe & la langueur de
l'efprit, ne dérangent confidérablement la
fanté la plus affurée , & que la crainte &
l'apprehenfion de mourir n'occafionne de
nouveaux défordres dans un malade ;
n'a- t-on pas raifon de penfer que les malades
auroient moins de mal s'ils avoient
moins de peur ? In omni morbo mente valere
bonum eft , contrarium verò malum.
C'eft fur ce principe de la veritable
Médecine , où tout ce que l'avarice de
l'homme a de plus haïffable , & de plus
dangereux dans les moyens qu'elle offre
pour affouvir le défir de groffir fes richeffes
, n'a aucune part , que nous avons
prétendu faire voir :
Premierement , que les gens de notre profeffion
moins ambitieux des biens que jaloux
de leur honneur , doivent s'attirer
des malades de la confiance, plutôt par une
jufte réputation que par une effronterie
odieufe , qui ne peut tourner qu'à leur
confuſion & au malheur de ceux qui ne
diftinguant point le vrai mérite , apprennent
par leur mort violente , à des héritiers
à ne pas les fuivre dans leur funefte
choix .
Secondement , que
I. Vol.
dans les maladies férieu2614
MERCURE DE FRANCE
rieuſes , où les malades craignent fort
pour leur vie , la préfence fréquente ,
mais jamais importune , du Medecin de
confiance , eft plus falutaire qu'un grand
appareil de remedes .
3mt, Et qu'ainfi on ne doit pas faire dif
Aculté de bannir , de retrancher de la
Médecine un grand nombre de remedes ,
non feulement comme inutiles , mais encore
comme très - pernicieux , & le malade
fera guéri pour lors à moins de frais &
plus furement.
Enfin , qu'on n'a confulté , dans le def
fein de mettre au jour ce petit Ouvrage ,
que l'honneur de la profeffion , & le verible
bien des malades.
Par G B. Barrés , de Pezenas , Docteur
en Médecine, de la Faculté de Montpellier.
d'Hippoctates , Aphorifme XXXIII.
Section II. In omni morbo mente valere
bonum eft ; contrarium vero malum.
Puifque Uifque nous voyons tous les jours
les moindres paffions de l'ame
occafionnent dans la fanté la mieux établie
mille dérangemens dangereux pour
la vie; pouvons- nous douter que la crainte
ou l'appréhenfion de mourir ne faſſe
de plus grands defordres dans un Malade?
Mais plutôt qui d'entre les hommes , le
plus intrépide même , lorſque le mal eſt
affez férieux , fe fent à l'abri des troubles
qu'une penſée fi affreuſe jette dans
tout le corps ? L'on ne doit donc point
refufer , pour peu que le bien des Malades
tienne à coeur , une attention particuliere
à ces mouvemens de l'ame qui
I. Vol. agiffent
DECEMBRE . 1730. 2603
3.
agiffent fi puiffamment à nos yeux , &
la faine pratique de Medecine ne fçauroit
les abandonner à eux- mêmes fans rendre
les meilleurs remedes de l'Art , ou inutiles
ou pernicieux dans leur ufage. C'eft fur
un fondement fi folide qu'on eft porté à
croire que la plupart des Maladies ne deviennent
ferieufes , intraitables même, que
parce que la crainte , l'abattement , la
frayeur & le defefpoir , font toujours aux
trouffes des pauvres Malades; & que la fermeté
en enleveroit un plus grand nombre à
la Parque, que les Remedes les plus fpecifi
ques,qui ne meritent pas fouvent un nom
fi impofant : de- là vient qu'on a tout fujet
de penfer que dans les moins dangereufes
maladies comme dans celles qui le font
veritablement , on épargneroit plus de
vies au genre humain , fi on s'attachoit
moins àdonner des remedes, qu'à raffures
l'efprit allarmé des Malades.
Pour le convaincre de ce que nous ve
nons d'avancer , il ne faut que jetter les
yeux fur ces mélancoliques hypocondriaques
, fujets à des prétendues vapeurs qui
ne reconnoiffent pour caufe que le vice
de leur imagination ; c'eft ainfi que nous
trouvons quelquefois dans notre pratique
de ces hommes que les biens & les honneurs
inondent de toutes parts , au milieu
des plaifirs , qu'une fanté parfaite-
Cij ment I. Vol.
2604 MERCURE DE FRANCE
&
ment bonne & vigoureufe laiffe gouter
paifiblement à la fleur de leur âge , tomber
tout à coup dans un abattement &
dans une langueur toujours funefte à la
vie , fe rendre infupportables aux autres ,
le devenir à eux mêmes , fe laiffer aller
à des contentions trop longues , à des afflictions
extrêmes ; en un mot , ſe montrer
le jouet de leur imagination par ces récits
ennuyeux des plus legeres circonftances
de leurs maux dont ils accablent ceux
qu'ils engagent férieufement à les entendre
. Des Malades de cette efpece peuventils
trouver du fecours dans l'adminiftration
des remedes , & ne feroit- ce pas pour
lors réfifter à l'experience qui apprend
conftamment au prix de la vie de ceux
qui la confient aux ignorans , que l'abattement
, la langueur de l'efprit , fe guerit
moins par l'ufage des remedes , que par
la diverfité des idées , les converfations ,
les Affemblées des perfonnes enjoüées ,
& fur tout par la fermeté ou le courage
que les bons Medecins ne manquent
jamais de préferer falutairement à tout
autre fecours ? d'ailleurs comme l'oifiveté
leur donne occafion de fe trop écouter
les exercices moderez du corps ne feroient
ils pas pour ces Malades un bon régime.
de vie ? peut être même que la reflexion
fuivante auroit affez de force pour
I. Vol.
préDECEMBRE
. 1730. 2605
prévenir & détourner la foibleffe de leur
imagination .
Il n'eft pas poffible que cette foule de
fonctions qui s'exercent par tant de differens
inftrumens dans une machine auffi délicate
que le corps
de l'homme
, ſe faffent
dans
la fanté
même
la plus
parfaite
d'une
égale
jufteffe
, puifque
tout
de même
que
dans
une
Montre
ou dans
des machines
femblables
le peu de folidité
de la matiere
dont
on conſtruit
les differentes
pieces
qui
les compofent
, les frottemens
des roues
de
leurs
arbres
qui
touchent
par
plufieurs
points
à des furfaces
jamais
planes
ou unies
;
en un mot,mille
caufes
, tant
internes
qu'externes
, font
de très- grands
obftacles
à la
perfection
de leurs
mouvemens
; de même
dans
le corps
humain
les roues
qu'on
y
découvre
, ou , pour
mieux
dire, les mouvemens
circulaires
, foit
dans
les folides
foit
dans
les liquides
, les leviers
, les puiffances
& leur
point
d'appui
, dans
le tems
que
tout
eft en jeu , fe trouvent
fujets
aux
mêmes
imperfections
que
les rouës
& les refforts
de la montre
en mouvement
;
& ces obftacles
font
d'autant
plus
fenfibles
à l'homme
,que
ceux
qui vivent
dans
une
fcrupuleufe
attention
fur
ce qui fe
pafle
au dedans
du corps
, ne fe croyent
malades
que
pour les trop
écouter
.
Si ceux qui fe montrent moins occupez
I. Vol. Cy dans
2606 MERCURE DE FRANCE
dans la pratique de Medecine à guerir
l'efprit,fouvent plus allarmé que le corps
n'eft malade , faifoient attention qu'on
doit toujours envifager dans un malade
la guérifon de deux maladies , dont la
violence ou la durée de tous les tems
qu'elles parcourent , fe répondent exactement
, & que chacune d'elles exige des
fecours differens , fuivant la fuperiorité
que l'une gagne fur l'autre , ils fe défabuferoient
avec plaifir de ce grand nombre
inutile ou meurtrier de remedes , que
Pandore a laiffé échaper , que l'avarice
fait employer , que l'honneur de la profeffion
défaprouve , & que la feule fermeté
dont les malades ont befoin ordi
nairement , ne permet jamais qu'on lui
préfere , fans reprocher les funeftes fuites
d'une fi injufte préférence à ceux qui ne
connoiffent point l'union ou la dépendance
mutuelle de ces deux fubftances qui
compofent l'homme.
Quoique l'union de l'ame avec le corps
doive plutôt paffer pour un fecret réfervé
à la Toute puiffance Divine , que pour
une connoiffance dûe aux plus profondes
recherches de l'efprit humain ; l'heureuſe
témerité des fçavans dans leurs découvertes
a fçû nous engager trop avant , pour
pouvoir nous difpenfer maintenant de
propofer nos conjectures . Cependant pour
I.Vol
AC
DECEMBRE . 1730. 2607
ne pas priver de leurs droits ceux qui pré
tendent en avoir fur cette queftion , nous
ne prendrons que ce qu'il nous faut pour
fatisfaire à notre projet.
Les Loix uniformes , & les raports réciproques
que l'Auteur de la nature a établis
dans l'union de l'ame & du corps ,
maintiennent ces deux fubftances dans
une dépendance mutuelle ; ce qui fait que
l'ame a des affections à l'occafion de certains
mouvemens du Corps, & que celui - ci
exécute des mouvemens , à l'occafion de
certaines affections de l'ame. La vivacité
de ces affections dépend de la violence des
impreffions, des objets externes fur les or
ganes du corps , & l'énergie de la puiffance
de l'ame fur le corps , de la vivacité
de fes affections; l'ame fera parconfequent
d'autant plus vivement affectée que le
.corps fera fortement émû; & le corps fera
d'autant plus puiffamment émû , que l'a
me fera vivement affectée ; le fentiment
interieur & l'expérience journaliere ne
nous permettent point de refufer notre
confentement à des véritez fi fenfibles &
fi connues.
C'eft à la faveur du genre nerveux que
les impreffions des objets externes fur les
organes du corps, d'où dépendent les fenfations
, fe tranfmettent dans le cerveau
jufqu'à l'origine des nerfs . C'eft auffi par
C vi I. Vol.
2608 MERCURE DE FRANCE
les mêmes voyes que les paffions de l'ame
agiffent fur la machine .
On peut donc regarder le genre nerveux
, comme un affemblage de petits
cordons difperfez par tout le corps ,
dans
un certain dégré de tenfion que la nature
leur a donné , réünis à la baze du crane ,
dans cet endroit du cerveau , qu'on nomme
moëlle allongée , & que nous appellerons
dans la fuite Emporeum. C'eft- là où
toutes les impreffions faites fur les organes
du corps aboutiffent , qu'on peut
placer le fiége des perceptions de l'âme.
Mais découvre-t- on dans cette parque
tie ? fi ce n'eft un tas de fibrilles fufceptibles
de vibration , capables de fe redreffer
& de fe remettre lorſque la cauſe
qui en a fait perdre la direction , ceſſe
d'agir ? Comment peut- il donc fe faire
que l'ame foit affectée dans les fenfations,
à l'occafion des impreffions faites par les
objets externes fur les organes
du corps ,
ou agir elle-même fur la machine dans,
les paffions ? une fubftance fpirituelle n'eftelle
point à l'abri des atteintes de la matiere
? Et celle - cy fouffrira-t- elle quelque
changement de la part de l'autre ? J'avouë
prefentement , que fi les fçavans fe
payoient moins de raifonnemens ingénieux
, que d'aveus finceres de la foibleffe
du génie , je n'aurois point de hon-
I.Vol
DECEMBRE . 1730. 2609
coup
te de la déclarer à des hommes dans cette
occafion , mais comme elles doivent beauà
la témérité des curieux , elles veulent
encore leur être plus redevables ; ) le
corps ne pouvant donc point agir materiellement
fur l'ame, ni l'ame fur le corps ,
il faut que le Créateur dans l'union de ces
deux fubftances , ait voulu , fuivant les
décrets immuables , qu'à l'occafion d'un
tel mouvement , où bien d'une vibration
plus ou moins forte des fibres de l'Emporeum
, l'ame fut plus ou moins vivement
ébranlée ; & qu'à l'occafion de certaines
perceptions de l'ame , il furvint à ces mêmes
fibres des vibrations dont la force
répondit exactement à la vivacité de ces
perceptions , pour lors le cordon de
nerf continu à la fibre vibrée , fera plus
ou moins tiraillé auffi-bien que les divifions
& les rameaux qui en partent, & qui
vont fe perdre dans les parties du corps.
Ainfi fuppofé maintenant que l'ame foit
vivement affectée ( comme il lui arrive
dans differentes paffions , mais fur tout
dans la crainte ou l'apprehenfion de mourir
) la vibration d'une , ou de plufieurs
fibres de l'Emporeum fera violente, le tiraillement
du cordon de nerf ne le fera
pas
moins, &fes filamens diviſez ,diſperſez dans
a machine , donneront bien - tôt des marques
tres- fenfibles de leur défordre , icy
L. Vol par
2610 MERCURE DE FRANCE
par la tenfion exceffive des membranes ,
par le retréciffement du diametre des
vaiffeaux dont les parois font devenuës
moins dociles aux caufes pulcifiques ; là,
par les douleurs infupportables , les convulfions
d'une ou de plufieurs parties , &
par l'état tonique qui fe prend au reffort
des folides ; d'où fuit le trouble, l'inégalité
de la circulation du fang , de la lymphe ,
leur féjour dans les chairs , ou dans les
vifceres qui s'enflamment , les fécretions
fufpendues , les coctions léfées , abolies
même ; enfin le bouleverfement de tout
le corps , qui fera toujours d'autant plus
puiffant fur les caufes de la vie , que le
moindre effet mentionné fuffit pour la
faire perdre.
il
Il ne fera pas difficile à prefent , de rendre
raifon des differens dégrez de dérangement
& de défordre , qui arrivent au
Corps humain ,à l'occafion des paffions de
l'ame , pour peu qu'on donne fes atten
tions à leur vivacité , à la difpofition des
fibres de l'Emporeum, & à l'état du corps
fain ou malade.
Nous avons déja vû que les affections
de l'ame occafionnent des vibrations dans
les fibres de l'Emporeum , fuivant donc le
different dégré de tenfion , de foupleffe
de rigidité , & de reffort , que la nature
feur a donné , elles font plus ou moins
I. Vol. vibraDECEMBRE
. 1730. 2611
vibratiles. Par exemple : Si l'ame eft vivement
affectée , la vibration que cette affection
occafionnera d'abord dans une ou
plufieurs fibres fera violente ; & fi les
fibres vibrées fe trouvent bien tenduës
naturellement , la force d'une telle fecouffe
produira un double effet. Il en eft à
peu près de même des autres qualitez ,
qu'on attribue à ces fibres qui varient
dans des fujets differens , par rapport au
fexe , à l'âge , au temperamment , & à la
maniere de vivre , & quelquefois dans le
même homme,à raifon de bien des circonftances,
mais fur tout de la frequence des
vibrations , d'où elles ont acquis la difpofition
d'obéir au moindre tremouffement.
Si les organes du corps fe trouvent
dans l'état le plus éloigné de la maladie ,
& que l'imagination ne foit que peu dérangée
, il eft clair que le corps n'en fera
pas fort incommodé ; delà vient qu'on'
voit une foule de mélancoliques , fe
porter d'ailleurs le mieux du monde ;
mais fi dans ce cas l'imagination eft conſiderablement
détraquée, le corps s'appro
chera pour lors de l'état malade , à proportion
que le dérangemeut de l'efprit
fera grand ; je crois même , que ce ne
feroit point fans fondement , fil'on avançoit
que l'imagination vivement frappée
de trifteffe , de crainte , &c . a affez de
I. Vol.
pou2612
MERCURE DE FRANCE
pouvoir fur la machine , pour en occafionner
la ruine.
Si dans un corps peu malade , l'imagination
n'eft que peu allarmée ; ces deux
maladies enſemble ne font point à crain
dre , on s'en releve facilement ; mais fi
dans ce même cas , l'ame eft fortement
agitée , le trouble dans la Machine fera
très -dangereux ; on voit bien fouvent des
malades guériffables par la nature du
mal , devenir incurables , fe défefpérer &
périr malheureuſement par la préférence
qu'on a fait des remedes quelquefois fort
violens , à cette fermeté dont le retour de
la fanté ne pouvoit fe paffer fans la perte
de la vie.
Enfin fi l'imagination & le corps font
tres dérangez , dans un pareil cas le malade
fera défefpéré , pour peu qu'on néglige
de lui donner du courage , ouqu'on
fe ferve des remedes qui le tour
mentent trop.
On voit par toute cetteThéorie que dans
le concours de ces cauſes , l'ame doit agir
fur la Machine , avec un pouvoir inſurmontable
, dont les effets feront par conféquent
très -funeftes.
On reconnoît encore d'où vient que
certaines perfonnes font plus fufceptibles
de chagrin , de trifteffe , d'abattement
de crainte & de defefpoir que bien d'au-
1. Vol. tres
DECEMBRE . 1730. 2613
tres , & en reffentent de plus grands maux
dans l'ufage de la vie.
Puifqu'on ne fçauroit à prefent difconvenir
que la trifteffe & la langueur de
l'efprit, ne dérangent confidérablement la
fanté la plus affurée , & que la crainte &
l'apprehenfion de mourir n'occafionne de
nouveaux défordres dans un malade ;
n'a- t-on pas raifon de penfer que les malades
auroient moins de mal s'ils avoient
moins de peur ? In omni morbo mente valere
bonum eft , contrarium verò malum.
C'eft fur ce principe de la veritable
Médecine , où tout ce que l'avarice de
l'homme a de plus haïffable , & de plus
dangereux dans les moyens qu'elle offre
pour affouvir le défir de groffir fes richeffes
, n'a aucune part , que nous avons
prétendu faire voir :
Premierement , que les gens de notre profeffion
moins ambitieux des biens que jaloux
de leur honneur , doivent s'attirer
des malades de la confiance, plutôt par une
jufte réputation que par une effronterie
odieufe , qui ne peut tourner qu'à leur
confuſion & au malheur de ceux qui ne
diftinguant point le vrai mérite , apprennent
par leur mort violente , à des héritiers
à ne pas les fuivre dans leur funefte
choix .
Secondement , que
I. Vol.
dans les maladies férieu2614
MERCURE DE FRANCE
rieuſes , où les malades craignent fort
pour leur vie , la préfence fréquente ,
mais jamais importune , du Medecin de
confiance , eft plus falutaire qu'un grand
appareil de remedes .
3mt, Et qu'ainfi on ne doit pas faire dif
Aculté de bannir , de retrancher de la
Médecine un grand nombre de remedes ,
non feulement comme inutiles , mais encore
comme très - pernicieux , & le malade
fera guéri pour lors à moins de frais &
plus furement.
Enfin , qu'on n'a confulté , dans le def
fein de mettre au jour ce petit Ouvrage ,
que l'honneur de la profeffion , & le verible
bien des malades.
Par G B. Barrés , de Pezenas , Docteur
en Médecine, de la Faculté de Montpellier.
Fermer
Résumé : REFLEXIONS sur ces paroles d'Hippoctates, Aphorisme XXXIII. Section II. In omni morbo mente valere bonum est ; contrarium vero malum.
Le texte explore l'impact des émotions et des pensées sur la santé physique, en s'appuyant sur les réflexions d'Hippocrate. Il met en évidence l'importance de la santé mentale dans toute maladie et souligne que les troubles émotionnels peuvent aggraver l'état du patient. Les passions de l'âme, même mineures, peuvent provoquer des désordres corporels dangereux. La crainte ou l'appréhension de la mort est particulièrement néfaste pour les malades. Même les individus les plus intrépides ne sont pas à l'abri des troubles émotionnels lorsqu'ils sont gravement malades. Les médecins doivent donc prêter attention aux mouvements de l'âme, car ils influencent fortement la santé physique. Les maladies deviennent souvent sérieuses et intraitables en raison de la peur, de l'abattement, de la frayeur et du désespoir qui accompagnent les patients. La fermeté et le courage sont souvent plus efficaces que les remèdes spécifiques pour guérir les malades. Le texte illustre cela avec des exemples de mélancoliques hypocondriaques, dont les troubles sont souvent causés par l'imagination plutôt que par des causes physiques. Pour ces patients, les remèdes médicaux sont moins efficaces que les distractions et les activités physiques modérées. Le texte compare également le corps humain à une machine délicate, où divers facteurs internes et externes peuvent perturber son fonctionnement. Il conclut en soulignant l'importance de traiter à la fois le corps et l'esprit dans la pratique médicale. Le texte traite également des interactions entre l'esprit et le corps dans les maladies, mettant en garde contre les tourments excessifs infligés aux malades, qui peuvent les rendre désespérés. La tristesse et la peur perturbent la santé, et les malades souffriraient moins s'ils avaient moins peur. L'auteur critique l'avarice dans la médecine et prône une approche éthique. Les médecins doivent gagner la confiance des patients par leur réputation plutôt que par des méthodes odieuses. Dans les maladies graves, la présence fréquente mais non importune du médecin est plus bénéfique qu'un grand nombre de remèdes. Le texte recommande de bannir les remèdes inutiles et pernicieux pour soigner les malades de manière plus économique et efficace. L'objectif est de promouvoir l'honneur de la profession médicale et le bien-être des patients. L'auteur est G. B. Barrés, Docteur en Médecine de la Faculté de Montpellier.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 60-75
LETTRE écrite à M. Ziorcal au sujet de sa Réponse à M. Barrés, inserée dans le Mercure du mois d'Octobre 1730. sur l'usage interieur de l'Eau de vie.
Début :
Il n'est pas juste, Monsieur, d'établir sur les [...]
Mots clefs :
Eau-de-vie, Santé, Alcool, Digestion, Critique, Médecine
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à M. Ziorcal au sujet de sa Réponse à M. Barrés, inserée dans le Mercure du mois d'Octobre 1730. sur l'usage interieur de l'Eau de vie.
LETTRE écrite à M. Ziorcal au sujet
de sa Réponse à M. Barrés , inserée dans
le Mercure du mois d'Octobre 1730. sur
l'usage interieur de l'Eau de vie.
L n'est pas juste , Monsieur , d'éta-
I blir sur les débris que vous faites de
nos bons sentimens pour le Public , le
grand air de confiance qu'on découvre
d'abord dans votre Réponse à ma Lettre;
pardon , peut- être ne sçavez vous pas que
les gens raisonnables ne se laissent jamais
prévenir follement , & que le ton imposant
d'un Auteur insipide pour s'assurer
leurs suffrages , est moins capable de les
séduire que de les rendre plus scrupuleux
dans leurs décisions . Cela soit dit néanmoins
sans blesser en aucune maniere
l'honneur que vous avez bien voulu nous
faire , en nous proposant brievement vos
doutes , que vous auriez pû , à la verité,
épargner aux dépens d'une plus sérieuse
attenJANVIER.
1731. 61
attention , si sans doute elle n'eut été
trop penible pour vous , ce qui fait que
sans nous détourner beaucoup des devoirs
de notre profession , nous esperons de
vous ramener de votre pirrhonisme.
En premier lieu , quoiqu'on soit assuré
que tous les raisonnemens vagues ne sçauroient
convaincre les personnes raisonnables
de la verité des propositions qu'on
avance , il n'est pas moins à propos cependant
de s'en servir quelquefois , et de
les placer dès l'entrée de la question , où
on les dévelope ensuite , et qu'on ne fait
devancer uniquement que pour disposer
l'esprit du lecteur à la concevoir plus aisément.
Notre Lettre peut fort bien être
l'exemple d'un pareil cas , d'ailleurs ces
grands mots qui vous choquent si rude--
ment n'ont pourtant point blessé le goût:
ni les oreilles des plus fameux Medecins .
de ce tems qui les ont introduits dans leurs
Ouvrages qu'êtes vous , Monsieur
pour ne pas les souffrir ? et pouvez- vous
penser de bonne foi que ces grands Maîtres
de l'Art s'en rapportent à vous quicondamnez
leurs expressions sans les entendre.
Pour moi , je me tiens à l'abri .
des justes reproches qu'on seroit en droit.
de me faire, si j'osois temerairement rien
entreprendre là- dessus , et il me suffit de
trouver dans leur signification autant
D d'éner
-
62 MERCURE DE FRANCE
ト
d'énergie et de force qu'il m'en faut
dans le besoin , pour ne pas en désaprouver
le
sçavant usage ; ainsi vous nous permettrez
, sans doute , de nous en accommoder
dans toutes les occasions favorables
dont vous profiterez aussi , si vous le
pouvez , par la même licence que nous
vous donnons à notre tour . Je serois
beaucoup moins éloigné de bannir des
questions les raisonnemens dénués d'experience
; mais vous ne nous faites jamais
voir que ceux qui viennent de notre part
méritent la rigueur de cet exil. Au reste,
on n'a pas toujours besoin de raisons
fondées sur des principes mathématiques
pour convaincre , ce seroit faire tort à
bien des gens d'esprit qui ne sont point
dans ce goût , quoique pourtant trèsraisonnables
et très judicieux , que de leur
ravir le droit d'une question qui les interesse
avec tout le reste des hommes.
Maintenant sans perdre notre tems à
disputer des termes qu'on peut apprendre.
à l'Ecole , et à discuter de vains raisonnemens
, venons au fait de la question .
Nous assurons que l'Eau de vie est une
eau de mort sur ce qu'elle ne releve les forcés
que pour les abattre peu après , parceque cette
liqueurport: les puissances ou les ressorts des
solides au delà de leur tonus , ou de cettejuste
étendue que la nature leur a donnée,d'où étant
de
JANVIER. 1731. 63
>
on n'ide
retour sur eux mêmes , ils tombent dans la
langueur. Voyons si ce trait de notre Lettre
doit passer justement pour obscur.
Tout le monde sçait ce qu'on entend
par le tonus des parties solides
gnore pas même qu'il n'aille jusqu'à un
certain point , ou qu'il n'ait une, juste
étenduë ; qu'importe qu'on vous l'assigne?
Keil ( a ) et Borelli ( b ) n'ont pas sçû nous
éclaircir touchant l'étendue de la force du
coeur ; a-t'on moins de raison de se persuader
que les ressorts des solides sont
contraints bien souvent de se porter au
delà ? la vessie trop remplie d'urine se
porte au delà de son tonus , les vaisseaux
engorgés de sang souffrent aussi quelquefois
de semblables distensions , dans ces
violens tiraillemens qu'on pratique pour
remettre les os luxés à leur place les
fibres musculaires revenant ensuite sur
elles mêmes, ont-elles cette force d'un arc
bandé qui se débande ? et les membranes
dont elles composent le tissu joüissentt'elles
d'abord après leur retour de leur
premiere vigueur dans le jeu de leur contraction
? qu'en pensez vous , M. le Doc
teur ? Ainsi les ressorts des solides débridés
, pour ainsi dire , ou portés au delà
›
( a ) Jacques Keil donne au coeur une force
de cinq onces.
(b) Alphonse Borelli de trois mille livres.
Dij
de
64 MERCURE DE FRANCE
de leur juste étenduë , se trouvent dans
la langueur ou l'abattement qu'on se sent
après de violens exercices , et après même
l'usage des liqueurs ardentes. En effet , le
corps ayant souffert de trop rudes travaux
se sent fatigué , languissant , ou
pour éviter de passer chez vous pour
obscur , ses ressorts par le jeu continuel
qu'ils ont exercé pendant un assez lorg
tems , se sont comme relâchés , ensorte
que revenant sur eux-mêmes ils ont perdu
leur premiere vigueur , ce qui se fait
infailliblement par l'effort réïteré que
font les liqueurs contre les parois membraneuses
des vaisseaux qu'elles poussent
en dehors avec violence dans leurs cours
acceleré par la contraction continuelle
des muscles qui les envoye au coeur , et
que le coeur leur renvoye de même. Ce
' est donc point ici un arc qui acquiert
d'autant plus de force à se remettre, qu'on
le resserre jusqu'à un certain point , mais
c'est un arc qui en a d'autant moins , que
sa flexion est portée au delà , ou qu'on
le courbe trop , delà vient que dans les
premiers tems de son jeu il se redresse
avec beaucoup de vitesse et de force , et
que dans les derniers elle se trouve molle,
foible et languissante.
Il en est à peu près de même touchant
l'effet que les liqueurs ardentes produisent
JANVIER. 1731. 65
ร
sent dans leur usage interieur ( ce qu'on
reconnoit par le poulx ) d'abord le sang
se gonfle , les parois des vaisseaux sont
repoussées en dehors en tout sens ; les
ressorts des fibres musculaires des tuniques
portés alors au delà de leur tonus ne
pouvant rester constamment dans la même
distension , ni aller plus loin , par l'absence
de la cause qui les a mis en jeu
et qui à force de perdre de son énergie
s'est retirée ( ce qui arrive dans le second
tems de l'action de cette liqueur ) il faut
non seulement que ces puissances revien
nent sur elles- mêmes mais encore que
leur vigueur soit moindre qu'auparavant
pour deux raisons. 1º Parceque les fibres
après cette distension outrée se trouvent
lâches et incapables de repren
dre leur état naturel , si ce n'est après
un certain tems qui est celui de la lan~
gueur.. 20 Que les liqueurs épaissies
étant inhabiles au mouvement , obéïssent
moins à la pression des solides relâ
chés , et leur opposent de plus grandes
résistances à surmonter ; pour lors le sang
ralenti dans son cours passe dans le tissu
des muscles , rend leur contraction laborieuse
qui se force de les en dégager ; delà
ces lassitudes ces langueurs qui ne
manquent jamais de succeder à la force
à la fureur même qu'on observe d'abord
D iij
,
dans
66 MERCURE DE FRANCE
dans ceux qui ont usé des liqueurs ardentes
. Ajoutez à cela que le terme de
tout ce desordre étant le racornissement
des solides et l'épaississement des liquides,
ces langueurs perseverent , augmentent
même tous les jours avec l'usage des eauxde
vie , d'où suit ce nombre prodigieux
de maux qui retranchent une bonne partie
des jours de la durée de l'homme.
L'Eau de vie produit moins cette distension
dont il s'agit par sa quantité que
par sa nature , et vous devriez , Monsieur,
avoir ici plus de honte que dans tout autre
endroit de votre Réponse à ma Lettre,
de sentir mieux que personne qu'un de
mes confreres ne sçache point que ce n'est
pas le seul remede qui pris à petite dose
produit dans le corps de très sensibles
effets. Qu'est - ce qu'un grain d'opium
dans un corps de 160. livres ? Est- ce la
1600 partie de ce même corps ? soyez
surpris après cela , tant qu'il vous plaira ,
qu'on prenne 128. onces d'alimens sans
craindre cette distension qui se fait tou
jours appréhender avec juste raison dans
l'usage de l'Eau de vie qui rarefie le sang,
et qui l'épaissit dans des tems differens.
Le terme des tems que l'Eau de vie parcourt
dans sa maniere d'agir étant surve→
nu , les parties solides se trouvent dépourvues
des sucs lymphatiques qui en
humecJANVIER
. 1731. 67 humectent
le tissu , elles en deviennent
plus seches , plus compactes
, plus fortes,
mais aussi plus rebelles aux causes de leurs
mouvemens
, ou plus difficiles à se mettre
en jeu , ce qui fait voir que la langueur
est une suite de ce qui arrive dans
l'usage des liqueurs ardentes , malgré ces
prétendues
contradictions
dont vous nous
faites un crime , dans le tems que nous
si vous eussiez rapsommes
assurés que
porté plus au long ce trait de notre Lettre
, ou que vous eussiez aimé à méditer
plus attentivement
ce qui se passe dans les differens tems de l'action de l'Eau de
vie , vous auriez été moins scrupuleux
sur vos doutes.
{
Permettez
moi , Monsieur , de vous
dire ici qu'il faut ou que vous n'ayez
jamais pris par excès des liqueurs ardentes
, ou que vous n'ayez jamais vu des
gens
livrés à la débauche de l'Eau de vie
et du vin , pour nier la langueur , l'abattement
qui les ensevelit dans le sommeil,
et qui se fait sentir même quelque tems
après le repos ; sans cela il ne vous seroit
pas difficile par ces grands effets qu'une
quantité considerable
de ces liqueurs peut
produire très sensiblement
, d'inferer ma
thematiquement
par des calculs exacts
que vous faites si bien , quel doit être ce
lui d'une plus petite dose ; que si cepen-
Diiij dant
68
MERCURE DE
FRANCE.
faire
dant l'experience qu'un chacun peut
à ses propres dépens n'est pas un moyen
assuré pour vous convaincre du fait dont
il s'agit, tenez vous en à Regnier qui sçait,
sans doute , mieux que Sidenham & c.
Qu'un jeune Medecin vit moins qu'un vieil yvrogne.
C'est sur ce Vers que le Poëte n'a pas
crû , en le faisant , devoir servir de regle
dans la
Medecine , que vous croyez tout
de bon que le témoignage des buveurs
d'Eau de vie ou de vin ne nous est pas
avantageux , fondé veritablement encore
sur ce que s'ils sont exposés aux maladies
rapportées dans notre Lettre , les buveurs
d'eau n'en sont point exemts . Mais je vous
demande ( à part , s'il vous plaît , votre
grand air de confiance ) lesquels de ces
deux sortes de gens sont plus sujets à ces
mêmes maladies ? parlez sans vous émouvoir.
Quoique vous en disiez , on sçait
fort bien que dans le Pays du Nord ou
l'on se permet trop librement ces sortes
de liqueurs , les habitans se voyent tourmentés
de mille maladies , plus rares dans
tout autre climat où l'on est plus reservé
sur leur usage. Il n'est point question de
l'abus de l'eau simple ou de l'Eau de vie ,
on ne nous apprendra rien là dessus ; il
s'agit seulement de cet usage des Eaux
de
JANVIER. 1731. 69.
de vie qui a scû s'introduire parmi les
hommes , et qui fait voir bien souvent
au prix de la perte de la santé d'un très .
grand nombre , qu'il vaudroit mieux suivre
la saine pratique de Fernel de Sydenham
&c. que toutes les rêveries des
Poëtes que vous pouviez rapporter en,
grand nombre contre de si grands Medecins.
Qu'on ne nous accuse point ici cependant
de desaprouver l'Eau de vie ; nous.
sçavons aussi bien que ceux qui semblent
présomptueusement vouloir nous instruire
sur ce sujet , les bons usages que cette
liqueur spiritueuse remplit dans la Mcdecine
comme remede , soit qu'on l'employe
exterieurement ou interieurement,
nais qu'on la regarde comme necessaire
pour la santé. C'est ce que la Medecine,
ne pardonnera jamais à ceux qui font profession
de suivre sa saine doctrine ; il,
n'est pas possible de penser combien j'ai
été touché de reconnoitre dans un de mes
confreres un si fier ennemi contre un sentiment
qui ne peut qu'être salutaire à
l'homme dans le tems que le sien lui
est très dangereux ; en effet , puisque nous
voyons tous les jours des gens dans l'usage
de l'eau douce route pure joüir d'une
parfaite santé , l'homme ne pourroit-il
pas se passer de l'Eau de vie et se bien
DV porter
70 MERCURE DE FRANCE
porter ? dans les siecles plus reculés où
cette liqueur n'étoit point connue , vivoiton
moins qu'aujourd'hui ? les vieux yvrognes
du tems présent ont-ils une plus
belle vieillesse que ceux qui les ont devancés
loin de l'usage du vin où des liqueurs
ardentes ? que peut- on penser sur
cela ? Enfin doute qui voudra que
la maladie
doive plus à l'Eau de vie que la
santé parfaite dans un doute si dangereux
, il n'y aura que des témeraires et
des insensés qui se livreront au danger.
Malgré toute la sagesse de ces précautions
séduisantes que vous exigez dans l'usage
de l'Eau de vie après des grands repas , sous
le faux prétexte d'aider à la digestion
bien loin d'approuver votre pratique en
pareil cas , nous regardons cette liqueur
comme très contraire à cette fonction ;
et la méchanique que vous faites jouer
dans le secours qu'elle y apporte est toutà
fait ridicule. Cette liqueur acide et spiritueuse
, dites vous , tombant dans l'estomac
, perd son activité dans les parties
graisseuses des alimens , et ne garde qu'une
legere force pour exciter la contraction
de ce viscere affaissé sous leur poids ; comme
s'il se trouvoit dans les alimens divic
sés de petites celulles capables de retenir
ces parties spiritueuses , qu'une bouteille
bien bouchée laissé souvent échaper , et
d'en
JANVIER. 1731 7I
d'en refrener l'énergie. Les rapports vi
neux après une débauche semblent nous
montrer assez vrai semblablement qu'il
doit se passer pour lors dans l'estomac
échauffé en tout sens , farci d'alimens et
de vin , ce qui se passe à peu près dans
un alambic sur le feu , où les parties les
plus volatiles de ce qu'on distile ne sçauroient
se tenir cantonnées , intriquées
bien avant dans la texture du mixte , mais
se trouvent forcées d'obéir aux secousses.
du feu , et de donner lateralement en tout
sens contre ses parois , ou de sortir à la
faveur de la premiere issuë qui se présente.
Maintenant si notre conjecture n'est
pas trop hardie , et si on doit attendre un
semblable effet dans l'estomac après l'usage
du vin , quel sera celui des liqueurs
plus volatiles ? c'est alors que les parois.
de ce viscere continuellement agacées ,
arcelées par un nombre infini de petits
corps rigides effarouchés , qui ne peuvent
que les tourmenter considerablement dans
Feurs rudes et fréquentes atteintes , sont
obligées d'exercer des contractions vio→
lentes et extraordinaires dont la digestion
se passeroit plutôt que d'en recevoir du
secours. Vous direz , sans doute , que lesromac
affaissé sous le poids de trop d'alimens
a besoin d'être reveillé pour s'em
dégager.
D vj
Om
72 MERCURE DE FRANCE
>
On répond à cela que comme cette inhabileté
dans le jeu de ces contractions
ne vient que de trop de résistance qui
s'y oppose il ne faut pour les rendre
plus libres , plus aisées , que la diminuer .
Est- ce par le secours des Liqueurs ardentes
qu'on doit esperer d'y réussir ? Mais
au contraire , elles ne serviroient qu'à
dessecher ou durcir davantage cette masse
d'alimens , soit en interceptant le cours
de la Lymphe stomacale , soit en tarissant
la source de la salive et des autres
sucs lymphatiques qui vaquent à la dijestion
; ce qui augmenteroit la résistance
et rendroit les contractions plus laborieuses
; un bon délayant insipide , propre
à s'insinuer dans la masse des alimens
divisez , à la ramolir , à la détremper ,
à la liquefier et à la rendre ainsi docile
aux pressions de ce Viscere et des parties
voisines , suffit pour l'ouvrage de la digestion
; et comme de tous ceux que la
Nature a toujours offerts à l'homme , il
n'en est point de plus capable de s'acquiter
benignement de cet emploi , que
l'eau douce toute pure ; nous la regardons
comme très - salutaire dans cet usage;
alors les alimens en pâte plus détrempée,
plus mole , résistent moins et cedent aisément
aux contractions de ce Viscere
qui s'en dégage sans peine.
Les:
JANVIER. 1731. 73
·
que la
Les Acides de l'Eau de vie ( continuezvous
) fermentant avec les alimens , se
changent en Sels salez , aident à la division
des viandes , passent dans le sang ,
en accelerent le cours et les sécretions.
Croyez vous de bonne foi
chose se passe de même , et pouvezvous
sur votre même air de confiance
nous proposer publiquement une Méchanique
si mal établie ; de semblables.
raisonnemens ne méritent point de réponse
aux preuves que l'on apporte pour
les soutenir ; car outre qu'il se peut fort.
bien que ces Acides ne rencontrant que
des Acides dans les alimens , vous aurez
beau attendre pour lors de la fermentation
et des changemens en Sels salez
que d'ailleurs le chyle qui résulte après.
la dijestion , étant acide et non point salé,
votre changement est imaginaire , c'est
qu'on ne sçauroit convenir avec vous que
l'Eau de vie est un veritable Acide , et.
que prenant les routes du sang , s'il étoit
vrai que cela fût , loin d'en accelerer le
cours , elle ne dût plutôt le ralentir . Enfin
quand même vous auriez droit d'accuser
votre Sel salé d'augmenter le mouvement
des Liqueurs et des sécretions ,
vous avez oublié, sans doute , qu'on ap-.
prend sur les bancs que le cours des Liqueurs
augmenté , est une maladie dans
leurs
བྱ་
74 MERCURE DE FRANCE
leurs mouvemens que l'Eau de vie occasionne
dans son usage , suivant même
Votre sentiment , qui voudroit la faire
passer pour une Eau de santé.
Puisque vous avez pû vous dispenser
de citer les Auteurs de vos fameuses Experiences
, vous auriez pû aussi beaucoup
mieux vous épargner cette délicatesse affectée
qui vous rend si honteux pour ceux
qui les ignorent , et qui n'en font aucun
cas dans des faits étrangers à notre sujet.
On doit regarder l'Eau de vie dans son
usage interieur , quelque moderé qu'il
soit , comme un remede qui altere le
corps , Pharmaca sunt venena , et non
comme un aliment. Ainsi on peut , sans
craindre de perdre un secours pour
la santé
, s'en priver totalement ; et je conseille
à ceux qui se portent bien sans son usage ,
de ne point envier de se mieux porter
en la pratiquant ; Ovide n'est point une
regle pour nous dans la Medecine`, nous
consultons moins ses Ecrits dans l'Art
de guérir , que dans l'Art de plaire ; et il
faut , à la verité , ou que vous ne connoissiez
nullement vos Auteurs , dont vous
auriez pû préferer l'autorité , ou que vous
croyez que les Poëtes ont droit sur des
hypotheses comme la vôtre .
On reconnoît assez maintenant , sans
no en avertir vous -même , que tout ce
que
JANVIER. 1731.
75
que vous nous dites sur l'Eau de vie , n'est
pas si démonstratif que vous le donnez ;
mais plutôt , puisque vous avoüez ingénument
qu'il vous reste encore bien des
doutes sur ce sujet , n'a-t'on pas raison
de penser que dans cette incertitude des
choses où vous vous trouvez , les gens
raisonnables ne s'en rapportent plus à
vos belles paroles , ainsi ayant déja perdu
par un aveu si sincere de votre part , unebonne
partie de leur confiance , nos éclaircissemens
sur vos doutes , vous ayant entierement
desabusé de la votre propre ;
sera-t'il surprenant qu'il n'en reste à present
du tout point à personne ?
Au reste , Monsieur , on auroit grand
fort de ne pas vous juger digne d'excuse ,
vos doutes ne nous ont amusés que très-peu
de tems , et nous n'avons dérobé à nos
Malades que quelques momens pour les
éclaircir quelque grand que soit cet air
de confiance que vous voulez vous donner
en les proposant , ils ne nous ont
pas paru plus recommandables ; tout au
plus de semblables productions d'esprit ,
suivies d'un si grand bruit , ont sçu nous
rappeller la Fable dont parle Horace.
Quid dignum tanto feret hic promissor hiatus
Parturient montes , nascetur ridiculus mus.
A Pezenas , ce 24. Decembre 1730 .
de sa Réponse à M. Barrés , inserée dans
le Mercure du mois d'Octobre 1730. sur
l'usage interieur de l'Eau de vie.
L n'est pas juste , Monsieur , d'éta-
I blir sur les débris que vous faites de
nos bons sentimens pour le Public , le
grand air de confiance qu'on découvre
d'abord dans votre Réponse à ma Lettre;
pardon , peut- être ne sçavez vous pas que
les gens raisonnables ne se laissent jamais
prévenir follement , & que le ton imposant
d'un Auteur insipide pour s'assurer
leurs suffrages , est moins capable de les
séduire que de les rendre plus scrupuleux
dans leurs décisions . Cela soit dit néanmoins
sans blesser en aucune maniere
l'honneur que vous avez bien voulu nous
faire , en nous proposant brievement vos
doutes , que vous auriez pû , à la verité,
épargner aux dépens d'une plus sérieuse
attenJANVIER.
1731. 61
attention , si sans doute elle n'eut été
trop penible pour vous , ce qui fait que
sans nous détourner beaucoup des devoirs
de notre profession , nous esperons de
vous ramener de votre pirrhonisme.
En premier lieu , quoiqu'on soit assuré
que tous les raisonnemens vagues ne sçauroient
convaincre les personnes raisonnables
de la verité des propositions qu'on
avance , il n'est pas moins à propos cependant
de s'en servir quelquefois , et de
les placer dès l'entrée de la question , où
on les dévelope ensuite , et qu'on ne fait
devancer uniquement que pour disposer
l'esprit du lecteur à la concevoir plus aisément.
Notre Lettre peut fort bien être
l'exemple d'un pareil cas , d'ailleurs ces
grands mots qui vous choquent si rude--
ment n'ont pourtant point blessé le goût:
ni les oreilles des plus fameux Medecins .
de ce tems qui les ont introduits dans leurs
Ouvrages qu'êtes vous , Monsieur
pour ne pas les souffrir ? et pouvez- vous
penser de bonne foi que ces grands Maîtres
de l'Art s'en rapportent à vous quicondamnez
leurs expressions sans les entendre.
Pour moi , je me tiens à l'abri .
des justes reproches qu'on seroit en droit.
de me faire, si j'osois temerairement rien
entreprendre là- dessus , et il me suffit de
trouver dans leur signification autant
D d'éner
-
62 MERCURE DE FRANCE
ト
d'énergie et de force qu'il m'en faut
dans le besoin , pour ne pas en désaprouver
le
sçavant usage ; ainsi vous nous permettrez
, sans doute , de nous en accommoder
dans toutes les occasions favorables
dont vous profiterez aussi , si vous le
pouvez , par la même licence que nous
vous donnons à notre tour . Je serois
beaucoup moins éloigné de bannir des
questions les raisonnemens dénués d'experience
; mais vous ne nous faites jamais
voir que ceux qui viennent de notre part
méritent la rigueur de cet exil. Au reste,
on n'a pas toujours besoin de raisons
fondées sur des principes mathématiques
pour convaincre , ce seroit faire tort à
bien des gens d'esprit qui ne sont point
dans ce goût , quoique pourtant trèsraisonnables
et très judicieux , que de leur
ravir le droit d'une question qui les interesse
avec tout le reste des hommes.
Maintenant sans perdre notre tems à
disputer des termes qu'on peut apprendre.
à l'Ecole , et à discuter de vains raisonnemens
, venons au fait de la question .
Nous assurons que l'Eau de vie est une
eau de mort sur ce qu'elle ne releve les forcés
que pour les abattre peu après , parceque cette
liqueurport: les puissances ou les ressorts des
solides au delà de leur tonus , ou de cettejuste
étendue que la nature leur a donnée,d'où étant
de
JANVIER. 1731. 63
>
on n'ide
retour sur eux mêmes , ils tombent dans la
langueur. Voyons si ce trait de notre Lettre
doit passer justement pour obscur.
Tout le monde sçait ce qu'on entend
par le tonus des parties solides
gnore pas même qu'il n'aille jusqu'à un
certain point , ou qu'il n'ait une, juste
étenduë ; qu'importe qu'on vous l'assigne?
Keil ( a ) et Borelli ( b ) n'ont pas sçû nous
éclaircir touchant l'étendue de la force du
coeur ; a-t'on moins de raison de se persuader
que les ressorts des solides sont
contraints bien souvent de se porter au
delà ? la vessie trop remplie d'urine se
porte au delà de son tonus , les vaisseaux
engorgés de sang souffrent aussi quelquefois
de semblables distensions , dans ces
violens tiraillemens qu'on pratique pour
remettre les os luxés à leur place les
fibres musculaires revenant ensuite sur
elles mêmes, ont-elles cette force d'un arc
bandé qui se débande ? et les membranes
dont elles composent le tissu joüissentt'elles
d'abord après leur retour de leur
premiere vigueur dans le jeu de leur contraction
? qu'en pensez vous , M. le Doc
teur ? Ainsi les ressorts des solides débridés
, pour ainsi dire , ou portés au delà
›
( a ) Jacques Keil donne au coeur une force
de cinq onces.
(b) Alphonse Borelli de trois mille livres.
Dij
de
64 MERCURE DE FRANCE
de leur juste étenduë , se trouvent dans
la langueur ou l'abattement qu'on se sent
après de violens exercices , et après même
l'usage des liqueurs ardentes. En effet , le
corps ayant souffert de trop rudes travaux
se sent fatigué , languissant , ou
pour éviter de passer chez vous pour
obscur , ses ressorts par le jeu continuel
qu'ils ont exercé pendant un assez lorg
tems , se sont comme relâchés , ensorte
que revenant sur eux-mêmes ils ont perdu
leur premiere vigueur , ce qui se fait
infailliblement par l'effort réïteré que
font les liqueurs contre les parois membraneuses
des vaisseaux qu'elles poussent
en dehors avec violence dans leurs cours
acceleré par la contraction continuelle
des muscles qui les envoye au coeur , et
que le coeur leur renvoye de même. Ce
' est donc point ici un arc qui acquiert
d'autant plus de force à se remettre, qu'on
le resserre jusqu'à un certain point , mais
c'est un arc qui en a d'autant moins , que
sa flexion est portée au delà , ou qu'on
le courbe trop , delà vient que dans les
premiers tems de son jeu il se redresse
avec beaucoup de vitesse et de force , et
que dans les derniers elle se trouve molle,
foible et languissante.
Il en est à peu près de même touchant
l'effet que les liqueurs ardentes produisent
JANVIER. 1731. 65
ร
sent dans leur usage interieur ( ce qu'on
reconnoit par le poulx ) d'abord le sang
se gonfle , les parois des vaisseaux sont
repoussées en dehors en tout sens ; les
ressorts des fibres musculaires des tuniques
portés alors au delà de leur tonus ne
pouvant rester constamment dans la même
distension , ni aller plus loin , par l'absence
de la cause qui les a mis en jeu
et qui à force de perdre de son énergie
s'est retirée ( ce qui arrive dans le second
tems de l'action de cette liqueur ) il faut
non seulement que ces puissances revien
nent sur elles- mêmes mais encore que
leur vigueur soit moindre qu'auparavant
pour deux raisons. 1º Parceque les fibres
après cette distension outrée se trouvent
lâches et incapables de repren
dre leur état naturel , si ce n'est après
un certain tems qui est celui de la lan~
gueur.. 20 Que les liqueurs épaissies
étant inhabiles au mouvement , obéïssent
moins à la pression des solides relâ
chés , et leur opposent de plus grandes
résistances à surmonter ; pour lors le sang
ralenti dans son cours passe dans le tissu
des muscles , rend leur contraction laborieuse
qui se force de les en dégager ; delà
ces lassitudes ces langueurs qui ne
manquent jamais de succeder à la force
à la fureur même qu'on observe d'abord
D iij
,
dans
66 MERCURE DE FRANCE
dans ceux qui ont usé des liqueurs ardentes
. Ajoutez à cela que le terme de
tout ce desordre étant le racornissement
des solides et l'épaississement des liquides,
ces langueurs perseverent , augmentent
même tous les jours avec l'usage des eauxde
vie , d'où suit ce nombre prodigieux
de maux qui retranchent une bonne partie
des jours de la durée de l'homme.
L'Eau de vie produit moins cette distension
dont il s'agit par sa quantité que
par sa nature , et vous devriez , Monsieur,
avoir ici plus de honte que dans tout autre
endroit de votre Réponse à ma Lettre,
de sentir mieux que personne qu'un de
mes confreres ne sçache point que ce n'est
pas le seul remede qui pris à petite dose
produit dans le corps de très sensibles
effets. Qu'est - ce qu'un grain d'opium
dans un corps de 160. livres ? Est- ce la
1600 partie de ce même corps ? soyez
surpris après cela , tant qu'il vous plaira ,
qu'on prenne 128. onces d'alimens sans
craindre cette distension qui se fait tou
jours appréhender avec juste raison dans
l'usage de l'Eau de vie qui rarefie le sang,
et qui l'épaissit dans des tems differens.
Le terme des tems que l'Eau de vie parcourt
dans sa maniere d'agir étant surve→
nu , les parties solides se trouvent dépourvues
des sucs lymphatiques qui en
humecJANVIER
. 1731. 67 humectent
le tissu , elles en deviennent
plus seches , plus compactes
, plus fortes,
mais aussi plus rebelles aux causes de leurs
mouvemens
, ou plus difficiles à se mettre
en jeu , ce qui fait voir que la langueur
est une suite de ce qui arrive dans
l'usage des liqueurs ardentes , malgré ces
prétendues
contradictions
dont vous nous
faites un crime , dans le tems que nous
si vous eussiez rapsommes
assurés que
porté plus au long ce trait de notre Lettre
, ou que vous eussiez aimé à méditer
plus attentivement
ce qui se passe dans les differens tems de l'action de l'Eau de
vie , vous auriez été moins scrupuleux
sur vos doutes.
{
Permettez
moi , Monsieur , de vous
dire ici qu'il faut ou que vous n'ayez
jamais pris par excès des liqueurs ardentes
, ou que vous n'ayez jamais vu des
gens
livrés à la débauche de l'Eau de vie
et du vin , pour nier la langueur , l'abattement
qui les ensevelit dans le sommeil,
et qui se fait sentir même quelque tems
après le repos ; sans cela il ne vous seroit
pas difficile par ces grands effets qu'une
quantité considerable
de ces liqueurs peut
produire très sensiblement
, d'inferer ma
thematiquement
par des calculs exacts
que vous faites si bien , quel doit être ce
lui d'une plus petite dose ; que si cepen-
Diiij dant
68
MERCURE DE
FRANCE.
faire
dant l'experience qu'un chacun peut
à ses propres dépens n'est pas un moyen
assuré pour vous convaincre du fait dont
il s'agit, tenez vous en à Regnier qui sçait,
sans doute , mieux que Sidenham & c.
Qu'un jeune Medecin vit moins qu'un vieil yvrogne.
C'est sur ce Vers que le Poëte n'a pas
crû , en le faisant , devoir servir de regle
dans la
Medecine , que vous croyez tout
de bon que le témoignage des buveurs
d'Eau de vie ou de vin ne nous est pas
avantageux , fondé veritablement encore
sur ce que s'ils sont exposés aux maladies
rapportées dans notre Lettre , les buveurs
d'eau n'en sont point exemts . Mais je vous
demande ( à part , s'il vous plaît , votre
grand air de confiance ) lesquels de ces
deux sortes de gens sont plus sujets à ces
mêmes maladies ? parlez sans vous émouvoir.
Quoique vous en disiez , on sçait
fort bien que dans le Pays du Nord ou
l'on se permet trop librement ces sortes
de liqueurs , les habitans se voyent tourmentés
de mille maladies , plus rares dans
tout autre climat où l'on est plus reservé
sur leur usage. Il n'est point question de
l'abus de l'eau simple ou de l'Eau de vie ,
on ne nous apprendra rien là dessus ; il
s'agit seulement de cet usage des Eaux
de
JANVIER. 1731. 69.
de vie qui a scû s'introduire parmi les
hommes , et qui fait voir bien souvent
au prix de la perte de la santé d'un très .
grand nombre , qu'il vaudroit mieux suivre
la saine pratique de Fernel de Sydenham
&c. que toutes les rêveries des
Poëtes que vous pouviez rapporter en,
grand nombre contre de si grands Medecins.
Qu'on ne nous accuse point ici cependant
de desaprouver l'Eau de vie ; nous.
sçavons aussi bien que ceux qui semblent
présomptueusement vouloir nous instruire
sur ce sujet , les bons usages que cette
liqueur spiritueuse remplit dans la Mcdecine
comme remede , soit qu'on l'employe
exterieurement ou interieurement,
nais qu'on la regarde comme necessaire
pour la santé. C'est ce que la Medecine,
ne pardonnera jamais à ceux qui font profession
de suivre sa saine doctrine ; il,
n'est pas possible de penser combien j'ai
été touché de reconnoitre dans un de mes
confreres un si fier ennemi contre un sentiment
qui ne peut qu'être salutaire à
l'homme dans le tems que le sien lui
est très dangereux ; en effet , puisque nous
voyons tous les jours des gens dans l'usage
de l'eau douce route pure joüir d'une
parfaite santé , l'homme ne pourroit-il
pas se passer de l'Eau de vie et se bien
DV porter
70 MERCURE DE FRANCE
porter ? dans les siecles plus reculés où
cette liqueur n'étoit point connue , vivoiton
moins qu'aujourd'hui ? les vieux yvrognes
du tems présent ont-ils une plus
belle vieillesse que ceux qui les ont devancés
loin de l'usage du vin où des liqueurs
ardentes ? que peut- on penser sur
cela ? Enfin doute qui voudra que
la maladie
doive plus à l'Eau de vie que la
santé parfaite dans un doute si dangereux
, il n'y aura que des témeraires et
des insensés qui se livreront au danger.
Malgré toute la sagesse de ces précautions
séduisantes que vous exigez dans l'usage
de l'Eau de vie après des grands repas , sous
le faux prétexte d'aider à la digestion
bien loin d'approuver votre pratique en
pareil cas , nous regardons cette liqueur
comme très contraire à cette fonction ;
et la méchanique que vous faites jouer
dans le secours qu'elle y apporte est toutà
fait ridicule. Cette liqueur acide et spiritueuse
, dites vous , tombant dans l'estomac
, perd son activité dans les parties
graisseuses des alimens , et ne garde qu'une
legere force pour exciter la contraction
de ce viscere affaissé sous leur poids ; comme
s'il se trouvoit dans les alimens divic
sés de petites celulles capables de retenir
ces parties spiritueuses , qu'une bouteille
bien bouchée laissé souvent échaper , et
d'en
JANVIER. 1731 7I
d'en refrener l'énergie. Les rapports vi
neux après une débauche semblent nous
montrer assez vrai semblablement qu'il
doit se passer pour lors dans l'estomac
échauffé en tout sens , farci d'alimens et
de vin , ce qui se passe à peu près dans
un alambic sur le feu , où les parties les
plus volatiles de ce qu'on distile ne sçauroient
se tenir cantonnées , intriquées
bien avant dans la texture du mixte , mais
se trouvent forcées d'obéir aux secousses.
du feu , et de donner lateralement en tout
sens contre ses parois , ou de sortir à la
faveur de la premiere issuë qui se présente.
Maintenant si notre conjecture n'est
pas trop hardie , et si on doit attendre un
semblable effet dans l'estomac après l'usage
du vin , quel sera celui des liqueurs
plus volatiles ? c'est alors que les parois.
de ce viscere continuellement agacées ,
arcelées par un nombre infini de petits
corps rigides effarouchés , qui ne peuvent
que les tourmenter considerablement dans
Feurs rudes et fréquentes atteintes , sont
obligées d'exercer des contractions vio→
lentes et extraordinaires dont la digestion
se passeroit plutôt que d'en recevoir du
secours. Vous direz , sans doute , que lesromac
affaissé sous le poids de trop d'alimens
a besoin d'être reveillé pour s'em
dégager.
D vj
Om
72 MERCURE DE FRANCE
>
On répond à cela que comme cette inhabileté
dans le jeu de ces contractions
ne vient que de trop de résistance qui
s'y oppose il ne faut pour les rendre
plus libres , plus aisées , que la diminuer .
Est- ce par le secours des Liqueurs ardentes
qu'on doit esperer d'y réussir ? Mais
au contraire , elles ne serviroient qu'à
dessecher ou durcir davantage cette masse
d'alimens , soit en interceptant le cours
de la Lymphe stomacale , soit en tarissant
la source de la salive et des autres
sucs lymphatiques qui vaquent à la dijestion
; ce qui augmenteroit la résistance
et rendroit les contractions plus laborieuses
; un bon délayant insipide , propre
à s'insinuer dans la masse des alimens
divisez , à la ramolir , à la détremper ,
à la liquefier et à la rendre ainsi docile
aux pressions de ce Viscere et des parties
voisines , suffit pour l'ouvrage de la digestion
; et comme de tous ceux que la
Nature a toujours offerts à l'homme , il
n'en est point de plus capable de s'acquiter
benignement de cet emploi , que
l'eau douce toute pure ; nous la regardons
comme très - salutaire dans cet usage;
alors les alimens en pâte plus détrempée,
plus mole , résistent moins et cedent aisément
aux contractions de ce Viscere
qui s'en dégage sans peine.
Les:
JANVIER. 1731. 73
·
que la
Les Acides de l'Eau de vie ( continuezvous
) fermentant avec les alimens , se
changent en Sels salez , aident à la division
des viandes , passent dans le sang ,
en accelerent le cours et les sécretions.
Croyez vous de bonne foi
chose se passe de même , et pouvezvous
sur votre même air de confiance
nous proposer publiquement une Méchanique
si mal établie ; de semblables.
raisonnemens ne méritent point de réponse
aux preuves que l'on apporte pour
les soutenir ; car outre qu'il se peut fort.
bien que ces Acides ne rencontrant que
des Acides dans les alimens , vous aurez
beau attendre pour lors de la fermentation
et des changemens en Sels salez
que d'ailleurs le chyle qui résulte après.
la dijestion , étant acide et non point salé,
votre changement est imaginaire , c'est
qu'on ne sçauroit convenir avec vous que
l'Eau de vie est un veritable Acide , et.
que prenant les routes du sang , s'il étoit
vrai que cela fût , loin d'en accelerer le
cours , elle ne dût plutôt le ralentir . Enfin
quand même vous auriez droit d'accuser
votre Sel salé d'augmenter le mouvement
des Liqueurs et des sécretions ,
vous avez oublié, sans doute , qu'on ap-.
prend sur les bancs que le cours des Liqueurs
augmenté , est une maladie dans
leurs
བྱ་
74 MERCURE DE FRANCE
leurs mouvemens que l'Eau de vie occasionne
dans son usage , suivant même
Votre sentiment , qui voudroit la faire
passer pour une Eau de santé.
Puisque vous avez pû vous dispenser
de citer les Auteurs de vos fameuses Experiences
, vous auriez pû aussi beaucoup
mieux vous épargner cette délicatesse affectée
qui vous rend si honteux pour ceux
qui les ignorent , et qui n'en font aucun
cas dans des faits étrangers à notre sujet.
On doit regarder l'Eau de vie dans son
usage interieur , quelque moderé qu'il
soit , comme un remede qui altere le
corps , Pharmaca sunt venena , et non
comme un aliment. Ainsi on peut , sans
craindre de perdre un secours pour
la santé
, s'en priver totalement ; et je conseille
à ceux qui se portent bien sans son usage ,
de ne point envier de se mieux porter
en la pratiquant ; Ovide n'est point une
regle pour nous dans la Medecine`, nous
consultons moins ses Ecrits dans l'Art
de guérir , que dans l'Art de plaire ; et il
faut , à la verité , ou que vous ne connoissiez
nullement vos Auteurs , dont vous
auriez pû préferer l'autorité , ou que vous
croyez que les Poëtes ont droit sur des
hypotheses comme la vôtre .
On reconnoît assez maintenant , sans
no en avertir vous -même , que tout ce
que
JANVIER. 1731.
75
que vous nous dites sur l'Eau de vie , n'est
pas si démonstratif que vous le donnez ;
mais plutôt , puisque vous avoüez ingénument
qu'il vous reste encore bien des
doutes sur ce sujet , n'a-t'on pas raison
de penser que dans cette incertitude des
choses où vous vous trouvez , les gens
raisonnables ne s'en rapportent plus à
vos belles paroles , ainsi ayant déja perdu
par un aveu si sincere de votre part , unebonne
partie de leur confiance , nos éclaircissemens
sur vos doutes , vous ayant entierement
desabusé de la votre propre ;
sera-t'il surprenant qu'il n'en reste à present
du tout point à personne ?
Au reste , Monsieur , on auroit grand
fort de ne pas vous juger digne d'excuse ,
vos doutes ne nous ont amusés que très-peu
de tems , et nous n'avons dérobé à nos
Malades que quelques momens pour les
éclaircir quelque grand que soit cet air
de confiance que vous voulez vous donner
en les proposant , ils ne nous ont
pas paru plus recommandables ; tout au
plus de semblables productions d'esprit ,
suivies d'un si grand bruit , ont sçu nous
rappeller la Fable dont parle Horace.
Quid dignum tanto feret hic promissor hiatus
Parturient montes , nascetur ridiculus mus.
A Pezenas , ce 24. Decembre 1730 .
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Résumé : LETTRE écrite à M. Ziorcal au sujet de sa Réponse à M. Barrés, inserée dans le Mercure du mois d'Octobre 1730. sur l'usage interieur de l'Eau de vie.
L'auteur répond à une lettre de M. Ziorcal publiée dans le Mercure d'octobre 1730, qui traitait de l'usage intérieur de l'eau-de-vie. Il critique l'attitude confiante de M. Ziorcal et souligne que les personnes raisonnables ne se laissent pas facilement convaincre par des arguments imposants mais vagues. L'auteur défend l'utilisation de termes techniques, soutenus par des médecins célèbres, et rejette les critiques de M. Ziorcal sur ces expressions. L'auteur explique que l'eau-de-vie, bien qu'elle relève temporairement les forces, les abat ensuite en poussant les ressorts des solides au-delà de leur tonus naturel, entraînant une langueur. Il illustre ce phénomène par des exemples physiologiques et compare les effets de l'eau-de-vie à ceux des exercices violents. Il souligne que même en petites quantités, l'eau-de-vie peut produire des effets significatifs, similaires à ceux d'un grain d'opium. L'auteur critique M. Ziorcal pour son manque de compréhension des effets à long terme de l'eau-de-vie, qui assèche les parties solides et épaissit les liquides, entraînant diverses maladies. L'auteur discute également des effets de l'eau-de-vie après les repas, la qualifiant d'acide et spiritueuse, et décrivant son action dans l'estomac comme ridicule. Il compare l'effet du vin et des liqueurs volatiles dans l'estomac à celui d'un alambic, où les parties volatiles sont forcées de se déplacer ou de sortir. Il soutient que les liqueurs ardentes ne font que dessécher ou durcir la masse des aliments, augmentant ainsi la résistance et rendant les contractions de l'estomac plus laborieuses. Il recommande l'eau douce comme un délayant insipide pour faciliter la digestion. L'auteur critique les arguments selon lesquels les acides de l'eau-de-vie fermentent avec les aliments pour se transformer en sels salés, accélérant ainsi la digestion. Il conclut en déconseillant l'usage de l'eau-de-vie comme remède, la considérant plutôt comme un médicament altérant le corps. Il invite ceux qui se portent bien sans elle à ne pas l'utiliser et critique les arguments présentés comme non démonstratifs et incertains. L'auteur affirme que, bien que l'eau-de-vie ait des usages médicaux, son abus est dangereux et qu'il vaut mieux suivre les pratiques de médecins comme Fernel et Sydenham. Il invite M. Ziorcal à reconnaître les dangers de l'eau-de-vie et à promouvoir une meilleure hygiène de vie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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