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1
p. 3-45
LA BLONDE BRUNE femme & maistresse.
Début :
Une Dame jolie, enjoüée, & de beaucoup d'esprit, vertueuse [...]
Mots clefs :
Blonde, Brune, Languedoc, Mari absent, Galanterie, Maîtresse, Soupçon, Amant jaloux, Convalescence, Paris, Abbesse, Conseiller, Amour, Carrosse, Abbaye, Veuve, Couvent, Tromperie, Jalousie, Cheveux
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texteReconnaissance textuelle : LA BLONDE BRUNE femme & maistresse.
LA BLONDE BRUNE
femme & maistreffe.
UNeDame jolie , enjouée , & de beaucoup
d'efprit , vertueufe dans
le fond , mais aimant le
Septembre 1712. Aij
4 MERCURE
monde , & les amufe->
ments d'une galanterie
fans vice , ne put s'empefcher de fuivre cette
maniere de vie pendant
l'abfence de fon mary ,
que d'importantes affai
res avoient appellé dans
le Languedoc pour quelque temps. Il eftoit tresnouveau marić , & avoit
épousé la femme par un
accommodement de famille , & ne l'avoit pas
veuë plus de deux outrois
GALANT.
jours avant ſon mariage,
& avoit efté contraint de
partir peu de jours après.
Il aima d'abord cette
femme ; mais foit jaloufic , foit delicateffe fcrupuleufe fur le point
d'honneuril eftoit un
peu trop fevere für fa
conduite ; & il luy recommanda en partant
une regularité devivie
fort efloignée des innocentes libertez qu'elle s'eftoit donnée eftant fille ,
Aiij
6 MERCURE
& qu'elle s'eftoit promis
de continuer après fon
mariage , ainfi fe voyant
maitreffe de fes actions
par ce départ , elle oùblia tous les fcrupules
qu'onlui avoit donnez en
partant , elle eftoit née
pour la vie agréable ,
l'occafion eftoit belle
elle crut qu'il luy eftoit
permis de s'en fervir ,
pourveu qu'elle évitaft
l'éclat ; elle ne vouloit
point recevoir de vifites
GALANT.
7
chez elle , mais elle avoit
des amis & des amies de
fon humeur , on la vit ,
elle plut & n'en fut point
fafchée. On lui fit de tendres déclarations , elle les
reçeut en femme d'efprit
qui veut eftre aimée &
ne point aimer, elle ne fe
faſchoit de rien, pourveu
qu'onne paffaft point les
bornes qu'elles s'eftoit
prefcrites conformément
à un fond de fageffe qui
ne pourroit eftre alteré ,
*
A iiij
8 MERCURE
les plus médifans one
pouvoient avoir que des
foupçons mal fondez , &
ceux qui eftoient les plus
entreprenans s'aperceurent bien - toft qu'il n'y
avoit à efperer d'elle que
l'agrément de la focieté
generale , ils l'en eſtimerent davantage & n'en
curent pas moins d'empreffement à la voir, car
elle plaifoit , mefme aux
femmes qui fe fentoient
un merite inferieur au
GALANT
fien , tout alloit bien jufque là mais un de ces
jeunes conquerants qui
ne veulent des femmes
que la gloire de s'en eſtre
fait aimer , prétendit un
jour eftre aimé d'elle
plus férieufement qu'elle
ne vouloit , elle le regarada fierement , changea
de ftile , prit un air fevere
& rabbatit tellement fa
vanité , qu'elle s'en fit un
ennemi tres- dangereux
il examina de prés toutes
10 MERCURE
fes demarches , la vit de
facile accès à tous ceux
qu'il regardoit comme
fes rivaux , & fans fonger qu'ils ne luy avoient
pas donné les mefmes fujets de plainte que luy , il
les mit tous fur fon compte , il prit confeil de fa
jaloufie , & ne fongea
plus qu'à fe vanger , il en
trouva une occafion toute autre qu'il ne l'efpe
roit.
La Dame eftoit allée à
GALANT.
IF
une Campagne pour
quelques jours avec une
amie;
par malheur pour
elle fon mary revint
justement de Languedoc le lendemain du
départ de fa femme , &
fut fort défagreablement
furpris de nela point
trouver chez elle en arrivant. Le premier homme qu'il vit en fortant
de chez luy ce fut l'amant jaloux , avec qui
il avoit toujours vécu
12 MERCURE
affez familierement , le
mary luy confia le chagrin qu'il avoit contre ſa
femme; il prit cette occafionpour la juftifier de la
maniere dont les prudes
medifent ordinairement
de leurs émules , c'eſtà- dire en excufant malignement les fautes qu'on
ignoreroit fans elle; il entra dans le détail de toutes les connoiffances qu
elleavoit faites depuisfon
départ , & de toutes les
GALANT. 13
parties où elles'étoit trouvée, en louant une vertu
qui pouvoit eftre à l'épreuve de tout cela , mais
cette vertu eftoit ce qui
frappoit moins le mary
les épreuves où elle s'eftoit mife le frappoient
bien davantage , en un
motil l'enviſageacomme
tres-coupable, il s'emporte, il fulmine, & il auroit
pris quelque refolution
violente, fi quelques amis
mieux intentionnez
MERCURE
n'cuffent un peu adouci
le venin que le premier
avoit infinue dans le
cœur de ce pauvre mari ,
cependant tout ce que
ceux- cy purent gagner
ce fut qu'en attendant
un éclairciſſement plus
ample cette femme iroit,
fous quelque prétexte
qu'ils trouverent , paffer
quelques femaines dans
un Couvent à quinze
lieues de Paris , dont par
bonheur l'Abeffe fe trouE
GALANT. S
foeur d'un de ces prudents amis , & la femme
va
executa cette retraite demivolontaire dès qu'elle
fut de retour ; & deux
parentes du maryfechargerent de l'y conduire.
La voila donc dans le
Couvent , fes manieres
engageantes & flateufes
la rendirent bien- toft intime amie de l'Abbeffe ,
elle fe fit aimer de tout le
Couvent, c'eftoit une neceffité pour elle que la
stoleg
16 MERCURE
vie gaye , elle fe fit des
plaifirs de tout ce qui en
peut donner dans la retraite , & elle fit amitié
avec une jeune Provençale, parente de l'Abbeſſe
qui eftoit aufli dans le
Couvent pour paſſer la
premiere année de fon
veuvage, mais elle eftoit
auffi gaye que celle - cy
qui n'eftoit pas veuve
celle - cy eut une fantaifie fi forte d'apprendre
le Provençal qu'elle le
parloit
GALANT. 17
parloit au bout de quelque temps auffi bien que
cette veuve qu'elle ne
quittoit pas d'un moment.
Le temps de cette retraite dura prés d'une an
née au lieu de quelques
femaines › parce que le
mary fut obligé de retourner en Languedoc
& qu'il ne voulut pas la
laiffer feule à Paris une
feconde fois. Pendant ce
temps là elle eut la petite
Septembre 1712. B
18 MERCURE
verole , & n'en fut prefque point marquée, mais
il fe fit un petit changementdans les traits defon
de temps vifage , en peu
la convalefcence joignit
de l'embonpoint à fa taille qui eftoit fort menuë ;
& fon teint s'éclaircit
beaucoup , elle perdit de
beaux cheveux blonds
qu'elle avoit , en forte
que mettant un jour en
badinant une coifure de
la veuve , qui eftoit bru
GALANT 19
ne , elle fe trouva fi jolic
en brun & en mefme
temps fi diférente de ce
qu'elle eftoit en blond
avant fa petite verolo
que joignant à cela le
langage Provençal, qu'el
le s'eftoit rendu naturel ,
ellecrutpouvoir fatisfaire
une fantaiſie qui luyvint;
c'eftoit d'accompagner
fan amie dans un pe
tit voyage qu'elle alloit
faire à Paris , & d'y paſfer
incognito pour une Pra
Bij
20 MERCURE
vençale parente de cette
veuve , elle en obtint la
permiffion de l'Abbeffe
& du frere de cetteAbbef
fe, qui eftoit, commej'ay
dit , le vray ami de confiance du mary , & qui
avoit mefme affez d'af1
cendant fur luy pour ſe
charger de ce qui pourroit arriver , lorſque par
hazard elle feroit reconnuë par quelqu'un. En
unmot , il ne put refuſer
cette petite confolation
GALANT. 28
d'aller voir Paris , à une
femme qu'il fçavoit innocente , & que fon mary qui menaçoit d'eftre
encore trois mois en Lan
guedoc, avoit déja laiffé
un an dans le Couvent ,
il partit donc avec la veritable & la fauffe brune,
qu'il mena en arrivant à
Paris chez unvieux Confeiller dont la femme eftoit tres vertueuse , il ne
pouvoit la placer mieux
pour la fureté du mary.
22 MERCURE
Il fit croire aifément au
vieux Confeiller & à fa
femme qu'elle eftoit Provençale & parente de la
veuve.
Nos deux brunes firent pendant quelques
jours l'admiration du petit nombre de gens que
voyoit la Confeillere , &
elles eftoient un jourtoutes trois avec le Confeiller dans fon Cabinet en
fortant de Table , lorfqu'un Soliciteur impa
}
GALANT. 27
que
tes
tient ne trouvant perfonne pour l'annoncer, parce
gens difnoient
entra dans le Cabinet du
Confeiller. Qui pourroit
imaginer la bizarerie de
cette incident , le mary
jaloux eftoit revenu en
poſté pour un procèsimportant dont ce Confeil
ler venoit d'eftre nommé
Rapporteur , il eſtoit encore aux compliments
avec le Confeiller quand
la parole luy manqua
&
24 MERCURE
tout à coup , par la ref
femblance eftonnante
qui le frappa malgré les
changemens dont j'ay
parlé ; le Conſeiller luy
dit ce qu'il croyoit de
bonne foy , que cette
belle Provençale eftoit
arrivée de Provence depuis deux jours avec la
veuve. Le mary ne put
s'empefcher contre lá
bienséance mefme de s'avancer vers les deux Dames , il leur marqua là
caufe
GALANT.
caufedefoneftonnement,
& il cuftfansdoutereconneu fa femme fans la préfence d'efprit qu'elle cut
de neparler que Provençal , comme fi elle n'euft
pas fceu bien parler
François , ce jargon dépayfa encore le mary qui
s'en tint à l'eftonnement
d'une telle reffemblance
entre une brune & fa
femme qui eftoit blonde.
En ce moment l'ami qui
avoit difné avec les DaSeptembre 1712, C
26 MERCURE
mes, & qui eftoit reſté un
moment dans le Jardin ,
fut eftonnéen remontant
de trouver dans l'antichambre un Laquais de
fon ami qu'il croyoit encore en Languedoc , &
fut bien plus furpris encore quand ce Laquais
lui dit que fon Maiſtre
eftoit dans le Cabinet du
Confeiller , il entra fort
allarmé , mais la fcene
qu'il y trouva l'ayant un
peu raffuré , lui fit naiſtre
GALANT
. 17
en grossune idée qu'il
perfectionna dans la fuite , & aprés avoir appuyé
ta folicitation de fon ami
auprès du Conſeiller , il
fortit avec luy , le fortifia dans l'idée de la
reffemblance , & lui promit pour la rareté dufait
de luy faire voir le lende-
-main cette brune, & dès
le foir mefme il prévint
ola Confeillere en lui contant la verité de tout , &
luy faiſant approuver le
C ij
& MERCURE
deffein qu'il avoit , car
foupçonnoit desja le mary d cftre un peu amoureux de fa femme traveftie. ?
La vifite du lendemain
fe pafla plus gayement
que la premiere entreveuë, car la femme ayant
concertéfon perfonnage,
le fouftint à merveille, &
dit à fon mary en langage Provençal cent jolies
chofes , que la veuve lui
interpretoit à mefure ,
GALANT. 29
elle interpretoit enfuite
la femme ce que fon mary lui difoit bon François : ce jeu donna à l'amyla fene du monde la
en
plus divertiflante , & le
maryfortit delà fì amouBeux , que fon amy n'en
douta plus ; mais il fe
garda bien de lui tefmoi
gner qu'il s'en apperceut,
de peur de le de le contraindre. Le fingulier de cett
avanture , c'eft qu'en certains momens le maryreCij
30 MERCURE
connoiffoit fi fort fa femme, que cela refroidiffoit
un peueu fon amour, toutes les differences qu'il
trouvoit le frappant , enfuite fon amour redoubloit , & les fcrupules lui
prenoient , il vit ainfi plufieurs fois fa femme, mais
le jour de fon départ eftoit arrivé , on dit hautement qu'elle retournoit
en Provence, & elle partit
pour fe rendre au Cou
vent.
ALANT 31
Ce départ mit le mary
dans un tel abbatement
qu'il ne put s'empeſcher
de faire confidence àa fon
amy du cruel cftat où
cette feparation l'avoit
que
mis. Alors Famylui confeilla de profiter de la reffemblance, de taſcher
fa femme remplaçaft cette perte dans fon cœur.
Ils partirent tous deux
pour aller au Couvent ,
où la femme redevenue
blonde , prit des ajuſte
C iiij
32 MERCURI
ments if differents de
ceux qu'elle avoit cftant
brune , que le mary crup
voirune autre perfonne ,
il y trouvoit pourtant
quelques uns des mefmes
charmes , mais celle - cy
ne fervoit qu'à lui faire
regreter l'autre , en lus
en reveillant lidée. vio
Sur ces entrefaites un
courier vint apporter une
lettre à l'amy & cette
lettre eftoit de la veuve,
qui de concert avec lui
CALANTI #
cftoit allée à une terre
qu'avoit le Confeiller à
quatre lieues du Cou
vent, cette lettre portoit,
que la belle brune s'erant
trouvée indifposée &
cette femme fe trouvant
fur la route du Langue
doc elle y séjourneroit
deux où trois jours. Il
montra le commencement de cette lettre au
mary , qui en lut en mef.
me temps la fin , où la
veuve marquoit à l'amy
34 MERCURE
comme par une espece de
confidence , que l'indif
pofition de la brune n'eftoit qu'un prétexte pour
taſcher de retournerà Paris , pour revoir fon amy
pour qui elle avoit le
cœur pris. Jugez de l'effet que cette fin de lettre
fit fur le pauvre mary .
l'amy reprit fa lettre fans
lui parler davantage de
la veuve ni de fa compagne , & dit enfuite qu'ef
tant obligé de refter deux
GALANT. 35
ou trois jours avec la
foeur Abbeffe ; il lui
donnoit fon Caroffe pour
s'en retourner à Paris ; le
mary fut charmé de cet
incident & profita du
Caroffe , il gagna le Cocher & marcha droit
vers la terre où il croyoit
trouver la brune , & c'eft
ce que l'amy avoit prévû,
la blonde partit àl'inftant
par un chemin de traverfe avec une Chaife de
pofte , & l'amy à Che-
36 MERCURE
val , ils arriverent une
heure avant le Caroffe
dont le Cocher avoit ordre d'aller fort douce,
ment, & la blonde cut
tout le loifir de le faire
brune ,
avant que fon
maryfuftarrivé, l'amyfe
fit cacher dans le Chaf
teau , & cette entreveuë
fut fi vive qu'il y eut déclaration d'amour depart
&
d'autre , car le mary
eut la tefte fi troublée de
puis la lecture de la lettre,
GALANT. 37-
qu'il fut incapable d'aucune reflexion fur l'infi- .
delitéqu'il faifoit à fa femme dans le moment
qu'ils eftoient dans le fort
de leur tendreffe l'amy
parut , la brune feignit
?
d'eftre furpriſe & troublée , fe retira avec précipitation & laiffa les
deux amis feuls enfemble , alors l'amy prenant
un ton fort fevere , dite
au mary qu'il s'etoit bien
douté de l'infidelité qu'il
38 MERCURE
vouloit faire à fa femme,
& qu'il lui avoit exprés
laiffé fon Carroffe pour
avoir lieu de le furprendre , & de lui faire cent
reproches des mauvais
procedez qu'il avoit eus
avec fa femme fur de
fimples apparences , lorf
qu'il eftoit réellement infidelle. Ce mary fut tres
honteux , fon amy avoit
beaucoupd'afcendant fur
fon efprit , il lui fit promettre qu'il ne reverroit
CALANT. 39
pas
་
jamaistla brune ?, ible
promit , mais ce n'eftoit
là ce qu'on vouloit
de lui , l'amy reprit avec
lui le chemin de l'Abbaye , & le détermina à
reprendre fa femme pour
la remener à Paris , il le
promit , mais il eut befoin de toute fa raiſon &
de toute celle de fon amy
pour faire un tel effort
fur lui-mefme. Il arriva à
l'Abbaye dans un eſtat
qui cuft fait pitié à tout
40 MERCURE
a
autre qu'à cet amy. Ils
prirent leurs mefures en
arrivant à l'Abbaye pour
pouvoir partir le lendemain pour Paris , la femme eftoit à l'Abbaye avant eux , & par le mefme chemin qu'elle avoit
pris pour aller , elle en
eftoit revenue , & reparut en blonde , mais ce
n'eftoit plus cette blonde
foumife , gracieuſe , &
fuppliante que le maryy
avoit laiffée le matin , elle
prit
GALANT 41
prit un autre ton , elle fit
la ferme jaloufe , & en
prétence de l'Abbofle dé
clara qu'elle fçavoit l'in ,
fidelité de fon mary , l'amy & l'Abbele joue
rent fr bien leur perfonnage , & feconderent fi
bien les juftes reproches
de la femme irritée , quo
le mary veritablement
convaincu de fon tort refolut fincerement de tafa
cher debien vivre avec fa
femme & d'oublier la
Septembre 1712.
D.
42 MERCURE
Provençale , il le promit,
mais la femme feignit de
ne fe fier pas à fes promeffes , de vouloir refter
au Couvent , & fe retira
fierement. L'Abbeffe, l'a
my, & le mary difnerent
fort triftement , & on le
fit refter à table autant de
temps qu'il fallut pour
donner le loifir à la blonde de redevenir brune ;
elle n'oublia rien cette
derniere fois pour plaire
à fon amant mary , il fut
GALANT
fort furpris de la voir entrer dans le parloir où ils
mangcoient, l'Abbeffe &
l'amyfeignirent auffi d'eftre furpris , la fcene qui
fe paffa s'imagine mieux
qu'elle ne fe peut écrire ,
jamais mary ne s'eft trou
vé dans un pareil embar
ras , car l'Abbeffe & l'amyne pouvoient traiter
la chofe fi férieuſement
qu'ils ne leur échapaft
quelques éclats de rire ,
ils eftoient dans cette fi
Dij
44 MERCURE
tuation lorfque la Pro
vençale commença à par
ler bon François , & à
déclarer ouvertementfon
amour , fans lui dire encore qu'elle eftoit fa fenrme, & ils firentprudem
ment de tromper le mari
par degrez, car s'ileuft appris tout d'un coup que
celle qu'il aimoit fi pafs
fionnément alloit eftre en
fa poffeffion , il en feroit
mort de joye. Enfin le
dénouement fut mené
GALANT. 45
de maniere , que le mary
fut auffi amoureux aprés
Féclairciffement , & mef
me plus qu'il ne l'avoit
eftéavant & dans la fuitele mary devenant
moins amoureux &
moins jaloux , & la femme devenant plus refervée cela fit un très bon
menage : enfin l'amy fut
remercié de la tromperie
innocente comme du
meilleure office qu'il
pouvoit rendre au mary
& à la femme
femme & maistreffe.
UNeDame jolie , enjouée , & de beaucoup
d'efprit , vertueufe dans
le fond , mais aimant le
Septembre 1712. Aij
4 MERCURE
monde , & les amufe->
ments d'une galanterie
fans vice , ne put s'empefcher de fuivre cette
maniere de vie pendant
l'abfence de fon mary ,
que d'importantes affai
res avoient appellé dans
le Languedoc pour quelque temps. Il eftoit tresnouveau marić , & avoit
épousé la femme par un
accommodement de famille , & ne l'avoit pas
veuë plus de deux outrois
GALANT.
jours avant ſon mariage,
& avoit efté contraint de
partir peu de jours après.
Il aima d'abord cette
femme ; mais foit jaloufic , foit delicateffe fcrupuleufe fur le point
d'honneuril eftoit un
peu trop fevere für fa
conduite ; & il luy recommanda en partant
une regularité devivie
fort efloignée des innocentes libertez qu'elle s'eftoit donnée eftant fille ,
Aiij
6 MERCURE
& qu'elle s'eftoit promis
de continuer après fon
mariage , ainfi fe voyant
maitreffe de fes actions
par ce départ , elle oùblia tous les fcrupules
qu'onlui avoit donnez en
partant , elle eftoit née
pour la vie agréable ,
l'occafion eftoit belle
elle crut qu'il luy eftoit
permis de s'en fervir ,
pourveu qu'elle évitaft
l'éclat ; elle ne vouloit
point recevoir de vifites
GALANT.
7
chez elle , mais elle avoit
des amis & des amies de
fon humeur , on la vit ,
elle plut & n'en fut point
fafchée. On lui fit de tendres déclarations , elle les
reçeut en femme d'efprit
qui veut eftre aimée &
ne point aimer, elle ne fe
faſchoit de rien, pourveu
qu'onne paffaft point les
bornes qu'elles s'eftoit
prefcrites conformément
à un fond de fageffe qui
ne pourroit eftre alteré ,
*
A iiij
8 MERCURE
les plus médifans one
pouvoient avoir que des
foupçons mal fondez , &
ceux qui eftoient les plus
entreprenans s'aperceurent bien - toft qu'il n'y
avoit à efperer d'elle que
l'agrément de la focieté
generale , ils l'en eſtimerent davantage & n'en
curent pas moins d'empreffement à la voir, car
elle plaifoit , mefme aux
femmes qui fe fentoient
un merite inferieur au
GALANT
fien , tout alloit bien jufque là mais un de ces
jeunes conquerants qui
ne veulent des femmes
que la gloire de s'en eſtre
fait aimer , prétendit un
jour eftre aimé d'elle
plus férieufement qu'elle
ne vouloit , elle le regarada fierement , changea
de ftile , prit un air fevere
& rabbatit tellement fa
vanité , qu'elle s'en fit un
ennemi tres- dangereux
il examina de prés toutes
10 MERCURE
fes demarches , la vit de
facile accès à tous ceux
qu'il regardoit comme
fes rivaux , & fans fonger qu'ils ne luy avoient
pas donné les mefmes fujets de plainte que luy , il
les mit tous fur fon compte , il prit confeil de fa
jaloufie , & ne fongea
plus qu'à fe vanger , il en
trouva une occafion toute autre qu'il ne l'efpe
roit.
La Dame eftoit allée à
GALANT.
IF
une Campagne pour
quelques jours avec une
amie;
par malheur pour
elle fon mary revint
justement de Languedoc le lendemain du
départ de fa femme , &
fut fort défagreablement
furpris de nela point
trouver chez elle en arrivant. Le premier homme qu'il vit en fortant
de chez luy ce fut l'amant jaloux , avec qui
il avoit toujours vécu
12 MERCURE
affez familierement , le
mary luy confia le chagrin qu'il avoit contre ſa
femme; il prit cette occafionpour la juftifier de la
maniere dont les prudes
medifent ordinairement
de leurs émules , c'eſtà- dire en excufant malignement les fautes qu'on
ignoreroit fans elle; il entra dans le détail de toutes les connoiffances qu
elleavoit faites depuisfon
départ , & de toutes les
GALANT. 13
parties où elles'étoit trouvée, en louant une vertu
qui pouvoit eftre à l'épreuve de tout cela , mais
cette vertu eftoit ce qui
frappoit moins le mary
les épreuves où elle s'eftoit mife le frappoient
bien davantage , en un
motil l'enviſageacomme
tres-coupable, il s'emporte, il fulmine, & il auroit
pris quelque refolution
violente, fi quelques amis
mieux intentionnez
MERCURE
n'cuffent un peu adouci
le venin que le premier
avoit infinue dans le
cœur de ce pauvre mari ,
cependant tout ce que
ceux- cy purent gagner
ce fut qu'en attendant
un éclairciſſement plus
ample cette femme iroit,
fous quelque prétexte
qu'ils trouverent , paffer
quelques femaines dans
un Couvent à quinze
lieues de Paris , dont par
bonheur l'Abeffe fe trouE
GALANT. S
foeur d'un de ces prudents amis , & la femme
va
executa cette retraite demivolontaire dès qu'elle
fut de retour ; & deux
parentes du maryfechargerent de l'y conduire.
La voila donc dans le
Couvent , fes manieres
engageantes & flateufes
la rendirent bien- toft intime amie de l'Abbeffe ,
elle fe fit aimer de tout le
Couvent, c'eftoit une neceffité pour elle que la
stoleg
16 MERCURE
vie gaye , elle fe fit des
plaifirs de tout ce qui en
peut donner dans la retraite , & elle fit amitié
avec une jeune Provençale, parente de l'Abbeſſe
qui eftoit aufli dans le
Couvent pour paſſer la
premiere année de fon
veuvage, mais elle eftoit
auffi gaye que celle - cy
qui n'eftoit pas veuve
celle - cy eut une fantaifie fi forte d'apprendre
le Provençal qu'elle le
parloit
GALANT. 17
parloit au bout de quelque temps auffi bien que
cette veuve qu'elle ne
quittoit pas d'un moment.
Le temps de cette retraite dura prés d'une an
née au lieu de quelques
femaines › parce que le
mary fut obligé de retourner en Languedoc
& qu'il ne voulut pas la
laiffer feule à Paris une
feconde fois. Pendant ce
temps là elle eut la petite
Septembre 1712. B
18 MERCURE
verole , & n'en fut prefque point marquée, mais
il fe fit un petit changementdans les traits defon
de temps vifage , en peu
la convalefcence joignit
de l'embonpoint à fa taille qui eftoit fort menuë ;
& fon teint s'éclaircit
beaucoup , elle perdit de
beaux cheveux blonds
qu'elle avoit , en forte
que mettant un jour en
badinant une coifure de
la veuve , qui eftoit bru
GALANT 19
ne , elle fe trouva fi jolic
en brun & en mefme
temps fi diférente de ce
qu'elle eftoit en blond
avant fa petite verolo
que joignant à cela le
langage Provençal, qu'el
le s'eftoit rendu naturel ,
ellecrutpouvoir fatisfaire
une fantaiſie qui luyvint;
c'eftoit d'accompagner
fan amie dans un pe
tit voyage qu'elle alloit
faire à Paris , & d'y paſfer
incognito pour une Pra
Bij
20 MERCURE
vençale parente de cette
veuve , elle en obtint la
permiffion de l'Abbeffe
& du frere de cetteAbbef
fe, qui eftoit, commej'ay
dit , le vray ami de confiance du mary , & qui
avoit mefme affez d'af1
cendant fur luy pour ſe
charger de ce qui pourroit arriver , lorſque par
hazard elle feroit reconnuë par quelqu'un. En
unmot , il ne put refuſer
cette petite confolation
GALANT. 28
d'aller voir Paris , à une
femme qu'il fçavoit innocente , & que fon mary qui menaçoit d'eftre
encore trois mois en Lan
guedoc, avoit déja laiffé
un an dans le Couvent ,
il partit donc avec la veritable & la fauffe brune,
qu'il mena en arrivant à
Paris chez unvieux Confeiller dont la femme eftoit tres vertueuse , il ne
pouvoit la placer mieux
pour la fureté du mary.
22 MERCURE
Il fit croire aifément au
vieux Confeiller & à fa
femme qu'elle eftoit Provençale & parente de la
veuve.
Nos deux brunes firent pendant quelques
jours l'admiration du petit nombre de gens que
voyoit la Confeillere , &
elles eftoient un jourtoutes trois avec le Confeiller dans fon Cabinet en
fortant de Table , lorfqu'un Soliciteur impa
}
GALANT. 27
que
tes
tient ne trouvant perfonne pour l'annoncer, parce
gens difnoient
entra dans le Cabinet du
Confeiller. Qui pourroit
imaginer la bizarerie de
cette incident , le mary
jaloux eftoit revenu en
poſté pour un procèsimportant dont ce Confeil
ler venoit d'eftre nommé
Rapporteur , il eſtoit encore aux compliments
avec le Confeiller quand
la parole luy manqua
&
24 MERCURE
tout à coup , par la ref
femblance eftonnante
qui le frappa malgré les
changemens dont j'ay
parlé ; le Conſeiller luy
dit ce qu'il croyoit de
bonne foy , que cette
belle Provençale eftoit
arrivée de Provence depuis deux jours avec la
veuve. Le mary ne put
s'empefcher contre lá
bienséance mefme de s'avancer vers les deux Dames , il leur marqua là
caufe
GALANT.
caufedefoneftonnement,
& il cuftfansdoutereconneu fa femme fans la préfence d'efprit qu'elle cut
de neparler que Provençal , comme fi elle n'euft
pas fceu bien parler
François , ce jargon dépayfa encore le mary qui
s'en tint à l'eftonnement
d'une telle reffemblance
entre une brune & fa
femme qui eftoit blonde.
En ce moment l'ami qui
avoit difné avec les DaSeptembre 1712, C
26 MERCURE
mes, & qui eftoit reſté un
moment dans le Jardin ,
fut eftonnéen remontant
de trouver dans l'antichambre un Laquais de
fon ami qu'il croyoit encore en Languedoc , &
fut bien plus furpris encore quand ce Laquais
lui dit que fon Maiſtre
eftoit dans le Cabinet du
Confeiller , il entra fort
allarmé , mais la fcene
qu'il y trouva l'ayant un
peu raffuré , lui fit naiſtre
GALANT
. 17
en grossune idée qu'il
perfectionna dans la fuite , & aprés avoir appuyé
ta folicitation de fon ami
auprès du Conſeiller , il
fortit avec luy , le fortifia dans l'idée de la
reffemblance , & lui promit pour la rareté dufait
de luy faire voir le lende-
-main cette brune, & dès
le foir mefme il prévint
ola Confeillere en lui contant la verité de tout , &
luy faiſant approuver le
C ij
& MERCURE
deffein qu'il avoit , car
foupçonnoit desja le mary d cftre un peu amoureux de fa femme traveftie. ?
La vifite du lendemain
fe pafla plus gayement
que la premiere entreveuë, car la femme ayant
concertéfon perfonnage,
le fouftint à merveille, &
dit à fon mary en langage Provençal cent jolies
chofes , que la veuve lui
interpretoit à mefure ,
GALANT. 29
elle interpretoit enfuite
la femme ce que fon mary lui difoit bon François : ce jeu donna à l'amyla fene du monde la
en
plus divertiflante , & le
maryfortit delà fì amouBeux , que fon amy n'en
douta plus ; mais il fe
garda bien de lui tefmoi
gner qu'il s'en apperceut,
de peur de le de le contraindre. Le fingulier de cett
avanture , c'eft qu'en certains momens le maryreCij
30 MERCURE
connoiffoit fi fort fa femme, que cela refroidiffoit
un peueu fon amour, toutes les differences qu'il
trouvoit le frappant , enfuite fon amour redoubloit , & les fcrupules lui
prenoient , il vit ainfi plufieurs fois fa femme, mais
le jour de fon départ eftoit arrivé , on dit hautement qu'elle retournoit
en Provence, & elle partit
pour fe rendre au Cou
vent.
ALANT 31
Ce départ mit le mary
dans un tel abbatement
qu'il ne put s'empeſcher
de faire confidence àa fon
amy du cruel cftat où
cette feparation l'avoit
que
mis. Alors Famylui confeilla de profiter de la reffemblance, de taſcher
fa femme remplaçaft cette perte dans fon cœur.
Ils partirent tous deux
pour aller au Couvent ,
où la femme redevenue
blonde , prit des ajuſte
C iiij
32 MERCURI
ments if differents de
ceux qu'elle avoit cftant
brune , que le mary crup
voirune autre perfonne ,
il y trouvoit pourtant
quelques uns des mefmes
charmes , mais celle - cy
ne fervoit qu'à lui faire
regreter l'autre , en lus
en reveillant lidée. vio
Sur ces entrefaites un
courier vint apporter une
lettre à l'amy & cette
lettre eftoit de la veuve,
qui de concert avec lui
CALANTI #
cftoit allée à une terre
qu'avoit le Confeiller à
quatre lieues du Cou
vent, cette lettre portoit,
que la belle brune s'erant
trouvée indifposée &
cette femme fe trouvant
fur la route du Langue
doc elle y séjourneroit
deux où trois jours. Il
montra le commencement de cette lettre au
mary , qui en lut en mef.
me temps la fin , où la
veuve marquoit à l'amy
34 MERCURE
comme par une espece de
confidence , que l'indif
pofition de la brune n'eftoit qu'un prétexte pour
taſcher de retournerà Paris , pour revoir fon amy
pour qui elle avoit le
cœur pris. Jugez de l'effet que cette fin de lettre
fit fur le pauvre mary .
l'amy reprit fa lettre fans
lui parler davantage de
la veuve ni de fa compagne , & dit enfuite qu'ef
tant obligé de refter deux
GALANT. 35
ou trois jours avec la
foeur Abbeffe ; il lui
donnoit fon Caroffe pour
s'en retourner à Paris ; le
mary fut charmé de cet
incident & profita du
Caroffe , il gagna le Cocher & marcha droit
vers la terre où il croyoit
trouver la brune , & c'eft
ce que l'amy avoit prévû,
la blonde partit àl'inftant
par un chemin de traverfe avec une Chaife de
pofte , & l'amy à Che-
36 MERCURE
val , ils arriverent une
heure avant le Caroffe
dont le Cocher avoit ordre d'aller fort douce,
ment, & la blonde cut
tout le loifir de le faire
brune ,
avant que fon
maryfuftarrivé, l'amyfe
fit cacher dans le Chaf
teau , & cette entreveuë
fut fi vive qu'il y eut déclaration d'amour depart
&
d'autre , car le mary
eut la tefte fi troublée de
puis la lecture de la lettre,
GALANT. 37-
qu'il fut incapable d'aucune reflexion fur l'infi- .
delitéqu'il faifoit à fa femme dans le moment
qu'ils eftoient dans le fort
de leur tendreffe l'amy
parut , la brune feignit
?
d'eftre furpriſe & troublée , fe retira avec précipitation & laiffa les
deux amis feuls enfemble , alors l'amy prenant
un ton fort fevere , dite
au mary qu'il s'etoit bien
douté de l'infidelité qu'il
38 MERCURE
vouloit faire à fa femme,
& qu'il lui avoit exprés
laiffé fon Carroffe pour
avoir lieu de le furprendre , & de lui faire cent
reproches des mauvais
procedez qu'il avoit eus
avec fa femme fur de
fimples apparences , lorf
qu'il eftoit réellement infidelle. Ce mary fut tres
honteux , fon amy avoit
beaucoupd'afcendant fur
fon efprit , il lui fit promettre qu'il ne reverroit
CALANT. 39
pas
་
jamaistla brune ?, ible
promit , mais ce n'eftoit
là ce qu'on vouloit
de lui , l'amy reprit avec
lui le chemin de l'Abbaye , & le détermina à
reprendre fa femme pour
la remener à Paris , il le
promit , mais il eut befoin de toute fa raiſon &
de toute celle de fon amy
pour faire un tel effort
fur lui-mefme. Il arriva à
l'Abbaye dans un eſtat
qui cuft fait pitié à tout
40 MERCURE
a
autre qu'à cet amy. Ils
prirent leurs mefures en
arrivant à l'Abbaye pour
pouvoir partir le lendemain pour Paris , la femme eftoit à l'Abbaye avant eux , & par le mefme chemin qu'elle avoit
pris pour aller , elle en
eftoit revenue , & reparut en blonde , mais ce
n'eftoit plus cette blonde
foumife , gracieuſe , &
fuppliante que le maryy
avoit laiffée le matin , elle
prit
GALANT 41
prit un autre ton , elle fit
la ferme jaloufe , & en
prétence de l'Abbofle dé
clara qu'elle fçavoit l'in ,
fidelité de fon mary , l'amy & l'Abbele joue
rent fr bien leur perfonnage , & feconderent fi
bien les juftes reproches
de la femme irritée , quo
le mary veritablement
convaincu de fon tort refolut fincerement de tafa
cher debien vivre avec fa
femme & d'oublier la
Septembre 1712.
D.
42 MERCURE
Provençale , il le promit,
mais la femme feignit de
ne fe fier pas à fes promeffes , de vouloir refter
au Couvent , & fe retira
fierement. L'Abbeffe, l'a
my, & le mary difnerent
fort triftement , & on le
fit refter à table autant de
temps qu'il fallut pour
donner le loifir à la blonde de redevenir brune ;
elle n'oublia rien cette
derniere fois pour plaire
à fon amant mary , il fut
GALANT
fort furpris de la voir entrer dans le parloir où ils
mangcoient, l'Abbeffe &
l'amyfeignirent auffi d'eftre furpris , la fcene qui
fe paffa s'imagine mieux
qu'elle ne fe peut écrire ,
jamais mary ne s'eft trou
vé dans un pareil embar
ras , car l'Abbeffe & l'amyne pouvoient traiter
la chofe fi férieuſement
qu'ils ne leur échapaft
quelques éclats de rire ,
ils eftoient dans cette fi
Dij
44 MERCURE
tuation lorfque la Pro
vençale commença à par
ler bon François , & à
déclarer ouvertementfon
amour , fans lui dire encore qu'elle eftoit fa fenrme, & ils firentprudem
ment de tromper le mari
par degrez, car s'ileuft appris tout d'un coup que
celle qu'il aimoit fi pafs
fionnément alloit eftre en
fa poffeffion , il en feroit
mort de joye. Enfin le
dénouement fut mené
GALANT. 45
de maniere , que le mary
fut auffi amoureux aprés
Féclairciffement , & mef
me plus qu'il ne l'avoit
eftéavant & dans la fuitele mary devenant
moins amoureux &
moins jaloux , & la femme devenant plus refervée cela fit un très bon
menage : enfin l'amy fut
remercié de la tromperie
innocente comme du
meilleure office qu'il
pouvoit rendre au mary
& à la femme
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Résumé : LA BLONDE BRUNE femme & maistresse.
Le texte raconte l'histoire d'une femme mariée, décrite comme jolie, enjouée et spirituelle, mais vertueuse. En septembre 1712, son mari, nouvellement marié et parti pour le Languedoc, lui recommande de mener une vie régulière. Libérée de la surveillance de son mari, la femme oublie les recommandations et profite de sa liberté tout en évitant les scandales. Elle reçoit des déclarations d'amour mais reste maîtresse de ses actions. Un jeune homme, jaloux et offensé par son refus, décide de se venger en révélant au mari les fréquentations de sa femme. Furieux, le mari envoie sa femme dans un couvent. Là, elle se lie d'amitié avec une jeune veuve provençale et apprend le provençal. Après avoir contracté la variole, elle change d'apparence et décide de se faire passer pour une Provençale. Avec l'aide de l'abbé et du frère de l'abbesse, elle retourne à Paris incognito. Par un hasard extraordinaire, son mari la rencontre sans la reconnaître. Grâce à une lettre trompeuse, le mari découvre la supercherie et retrouve sa femme. L'histoire se termine par une réconciliation et une déclaration d'amour entre les époux. Parallèlement, une intrigue complexe implique le mari, sa femme et un ami. Lors d'un moment d'intimité entre le mari et sa femme, cette dernière, déguisée en brune, feint la surprise et se retire, laissant les deux amis seuls. L'ami, prenant un ton sévère, accuse le mari d'infidélité et lui révèle qu'il a laissé son carrosse pour le surprendre. Le mari, honteux, promet de ne plus revoir la brune. L'ami le convainc de reprendre sa femme pour la ramener à Paris. À l'abbaye, la femme, désormais blonde, joue la jalouse et accuse son mari d'infidélité. L'ami et l'abbé jouent leur rôle pour convaincre le mari de son tort. La femme feint de ne pas croire aux promesses du mari et se retire au couvent. Pendant le dîner, la femme redevient brune et surprend son mari. L'ami et l'abbesse parviennent à tromper le mari par degrés, révélant progressivement l'amour de la femme. Finalement, le mari devient encore plus amoureux après l'éclaircissement. La situation évolue vers un ménage harmonieux, avec le mari moins jaloux et la femme plus réservée. L'ami est remercié pour sa tromperie innocente, considérée comme un service précieux rendu au couple.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
s. p.
AVANTURE, ou Historiette nouvelle. LES DÉDITS.
Début :
Comme il ne faut jurer de rien, aussi ne doit-on jamais [...]
Mots clefs :
Dédit, Veuve, Mariage, Conseiller, Cavalier, Inconstance, Caprices, Argent, Tromperie, Amitié
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVANTURE, ou Historiette nouvelle. LES DÉDITS.
AVANTURE,
ou Historiette nouvelle.
LES DEDITS.
Ommc il ne faut
juier de rien
,
aussi
ïlc doit-on jamais faire
ded.édits confiderables. -
Lavolonté des hommes
est trop changeante,celle
des femmes l'est encore
plus ; M de toutes les
femmes que j'ai jamais
connues, la plus sujetta
à changer,c'est certaine
veuve, dont je vais vous
conter l'avanture.
Cette veuve erolttresvive
dans ses desirs
, SC
dans lesaffaires qui dépsndoient
de sa têteelle
ne laissoit aucun intervale.
entre la volonté s
l'execution > en moins
de rien en elle tout devenoit
passion, jusqu'à
ses vertus: en un mot
elle étoit excessive en
tout, hors en confiance.
Un jour cette veuve
capricieuse se prit d'amitié
dés la premicre
vûë pourune autre veuve
qu'ellc rencontra
chez une personne de sa
connoissance. Cette séconde
veuve étoit d'une
humeur gaye, enjoüéc,
ne cherchoit qua se rejoüir,
§£ l'unique chagrin
quelle eûtrepenti,
cetoic la morede son mari,
encore ne dura-t-il
guercs, & n'empêcha;
pas qu'elle ne devinft amoureuse
d'un jeune
homme aimable. Elle en
fut passionnément aimée.
Elle relit bien voulu
époufer : mais elle avoit
si peu de bien, qu'.
elle n'ellc pas pû le mettre
à son aire, lui qui
n'avoit rien du tout. Ils
se plaignoient un jour
l'un à l'autre de l'injustice
de la fortune, qui
ne leur donnoit pas seulement
de quoy contenter
leurs desirs sages &
reglez, pendant que l'autre
veuve étoit assez riche
pour fuivrc à grands
frais ses idées les plus extravagantes.
La veuve
enjouée,mais qui pensoit
serieusement au solide,
imagina un moyen
de mettre à profit les ca;
prices de la riche veuve.
Puil quelle veut lier sicteté
avec moy , dit-elle
à son amant,ilfautque
cesoit elle qui mus marie
Il ses dépens. Hé comment
cela, répondit le
Cavalier? felon le portrait
que vous m'en faites,
elle nest pas femme
à faire plaisir à personne,
que par rapportà ses
fantaisies.C'estpourcela
reprit la veuve, que je
ne serai pas grand férupule
de tirer parti de ses
caprices. Apres avoir rêve
un moment, la veuve
enjoüée fie un projet,
& voici comment elle
commença à executer.
-
Premièrement elle reçut
avec beaucoup de
froideur les avances d'amitié
que lui fie l'autre
veuve, que nous nommerons
Belise, pour cacher
son veritable nom.
Belise donc fit à celle-ci
toutes les avances de l'a- -~
miriéla plus tendre,
L'autre veuve reçut sesj
offres d'amitié avec
unef
indifférence, une froi-j
deur qui eût rebuté Belife,
si elle n'eût pas été
d'un caraétere a s'animer
par les difficultez.
Elle fut d'autant plus
empressée au prèsdecet- -
te nouvelle amie, qu'-
elle la trouva insensible
à Ces empressemens. Enfin
poussee à bout par
son indolence affecte,
elle la conjura de lui diire
pourquoy elle ne répondoit
point,du moins
parpolitesse, aux avances
d'amitié qu'elle lui falfoit. lui répondit
la veuve enjoüée,
parce que je ne veux point
être de ruas amies. L'aveu
est brusque, lui dit
Belife. Et sincere, repartit
la veuve. Qu'avez-
vous donc trouvé
enmoy,répliquaBelise,
qui puisse m'attirer un
pareil mépris? Loin de
vous méprtftr> reprit la
veuve, ce(l parce queje
vous estime trop que je
veux rompre av,c 'vous;
car quand je fais tant
que de m'attacher, ceji
pour long-temps. Je (ça;
que vous rictes pas capable
d'une amitie durable:
mais supposé que vous
Irvous fixassiez, pour moy,
il me resteroit encore une
raison plus forte dene me
point attacher à vousi ceji que vous pensez, diton,
à vousremarier , &
je ne veux point être Camie
d'une femme mariee.
Ce discours parut bigearre
à Belise, qui lui
dit qu'elle ne pensoit
point àCe remarier:mais
que quand elle se remarieroit,
elle ne comprenoit
pas que cela pût
faireobstacle à leur amitié.
C'en est un invincibleyreprit
brusquement
la veuve folâtre; ep-cë
qu'unefemme mariée peut
avoirdes amies ?avec une
femmemariéeplus desocieté,
plus dejoye, son humeur
saigrit9son esprits'émous-
Je3 &soncoeurs'endurcit.
Belise protesta que jamais
un mari ne la feroit
changer d'humeur, &:
qu'elle: en avoit déjà fait
l'experience.
Ilm'importe, continua
; l'autre, st) pour mon reposseul
à moy je ne veux
point m'atacheraunefemmemariée
; il mefaudroit
partager avec elle tous les
soinsde son ménage, j'en
auroti la tête pleine , je
seroispresqueaussi mariée
qu'elle; elle se prendrait à
moy des brusqueries deson
mari , & son mari me
rendroit responsable des
bigearrertes desa femme;
il me faudroit être conswolatrice
perpétuelle de leurs
chagrins, si) pige assiduè
de leurs querelles dome-
(tiques s & en voulant
les remettre bien Funavec
l'autre, je me ferois
hllir de tous les deux.
Cette veuve continua
ainsi en riant de faire à
l'autre un tableau siaffreux
du mariage, quelle
commença à l'en dégoûter,
& lui donna en
deux ou trois jours tant
d'aversion pour les maris
, qu'elle se voüa au
veuvage avec tout le zele
& toute la ferveur
dont elle étoit susceptible
ble dans ses nouveaux
entêtemens. La veuve
rusée feignit d'être de
moitié dans un voeu qui
devoit rendre leur amitié
durable, 8£ proposa
à l'autre de faire entr'elles
un dédit de trente
mille francs pour ce lle
qui voudroit rompre un
voeu si prudent, Le dédit
fut resolu, & elles
choisirent pour dépositaire
un ami commun,
ou-
plutôt un ami tout
dévoué à la veuve, SC
qui ne connoissoit Belife
que parce que l'autre
lui en avoit ménagé la
connoissance pour venir
à bout de ses desseins.
Voila donc le dédit
fait & consigné ; il s'agit
à present de le faire
payer à Belise, & pour
cela elle trouva moyen
de lui faire voir son amant,
dont nous avons
déja parlé. C'etoit un
jeune hommeaimable,
insinuant, & capable de
faire tourner la tête à
toutes les veuves qu'il
entreprenoit.Il trouva
la riche Belife digne d'être
dupée: mais il avoit
peine à se resoudreà
tromper. Il refusa d'abord
lacommission:mais
son amante luidit qu'en
unbesoin elle lui permettroit
de vouloir serieusement
époufer Belise
; qu'il n'avoit qu'à
lui plaire dans cette intention,
pour ôter tout
scrupule.Enfin,sans plus
examiner ce cas de conscience,
il s'attacha à Belise;
il ne fut pas longtemps
sans la faire repentir
du voeu qu'elle
avoit fait de ne se point
remarier. Elle n'osaconfier
son amour à son a,-
mie, jugeant bien qu'-
elle feroit sans quartier
sur le dédit: mais enfin
cet amour devint si violent
, qu'ellepria son
amie de vouloir bien
composer avec elle & la
quitter du dédit pour
moitié. L'amie rusée lui
jura que dans un autre
tems elle n'en auroit pas
rabattu une obole: mais
qu'un procés important,
pour lequel elle avoit befoin
incessamment de
vingt mille francs,l'obligeoitàluienremetre
dix.
On marchanda, ôc
l'on convint enfin que
Belise mettroit vingt
mille francs entre les
mains du dépositaire,
pour être remis après le
mariage dans celles de
l'amie;moyennantquoy
Belise prendroit desmesures
avec cet amant
pour le mariage. L'argent
pour le dédit fut
déposé, fous condition
qu'on ledélivreroit dans
huitaine à l'amie
,
aprés
lequel temps elle vouloit
les dix mille écus
entiers; ce fut la convention.
! Belife ne pouvoit avoir
aucun soupçon sur
le jeune amant: elle scavoit
qu'iln'étoit pas riche,
& ne croyoit pas
feulement qu'il connût
son amie. Elle se pressoit
donc de conclure dans la
huitaine prescrite: mais
l'amant lui faisoit naître
d'un jour à l'autre des sujets
de retardement si
vraisemblables
,
qu'elle
nepouvoit se défier de
lui. Enfinlahuitaine étant
échuë, le Cavalier
fit paroître un obstacle
insurmontable, qui differoit
le mariage de quelques
jours. Sur quoy l'amie
feignant d'estre fort
pressée pour son procés,
quitta le dédit pour les
vingt mille francs comptant,
& Belife les fic
livrer, dans la certitude
où elle étoit de son mariage,
pour ne pas donner
les dix mille écus entiers;
& ce fut déja une
partie
partie de la dot que cette
pauvre veuve destinoit
à son jeune amant,
en cas qu'il ne fust pas
obligé d'honneur à tenir
parole à Belife : maison
esperoit qu'elle romproit
la premiere, & ce fut
pour la mettre dans son
tort qu'on lui tendit un
fecond paneau.
Dés que la veuve eut
touché l'argent du premier
dédit, elle ne songea
plus qu'à en tirer
un second;&travaillant
en apparence à presser le
mariage de son amie Be
de son amant,elleleretardoiten
effet. Ceprocedé
n'étoit pas dans la
regle severe des bonnes
moeurs : mais l'amour
& la necessitérelâchent
souvent la morale. Nos
deux amans justifioient
tout ceci par leur intention;
car supposé, disoit
l'amant, que Belife persevere
dans son amour,
je ne puis en honneur
rompre avec elle, & il
faudra bien l'épouser. Et
siau contraire, disoit la
veuve ,
je fais que Belift
change la premiere,
il est juste qu'elle paye le
dédit de soninconstance.
Est-ce trop exiger d'el-
JeJ disoit l'amant, qu'un
mois de confiance? Il
faut absolument que je
fasse un voyage en Province
pour mes affaires:
si vous venez à bout de
la faire changer avant
mon retour, merite-telle
que je lui sacrifie l'amour
que j'aipour vous ?
2Sfon vraiment
,
répondit
la veuve ; voyons
doncsifkcon/lanceest à
l'épreuve, du paneau que
je vais lui tendre.
Aprés qu'ils eurent digeré
leur projet, le Cavalier
alla trouver Belife,
& la fit convenir
de la necessité de son
voyage. Quelques jours
aprés l'amie
,
qui commença
d'être la confidente
de ce mariage,
dit au Cavalier, en presence
de Belife, que puis
qu'il ne pouvoit pas époufer
avant son départ,
il faloitdumoins qu'il
lui signât une promesse
de mariage, avec un dédit.
La proposition fut
goutée par Belise ; on fit
le dédit de dix mil écus,
&leCavalier partit réellement
pour un voyage
necessairescar toute cette
intrigue se traitoit
moitiéfranchise, & moitié
tromperie de la part
des amans. Le Cavalier
vouloit de bonne foy
s'engager par ce dédit à
époufcr Belise, si elle
persistoit dans le dessein
de recevoir sa main. C'étoit
donc ici une véritable
crise pour nos amans
;car la jeune veuve
se voyoit dans la necessité
de rendre Be1
lise inconstante dans un
mois, ou de lui voir
épouser sonamant.
La jeune veuveavoit
été recherchée par un
jeune Conseiller trésaimable,
mais qu'elle n'avoit
jamais pû aimer.
Ce Conseiller étoitassez
mal dans ses affaires,
pour souhaiter de les rétablir
par un riche mariage.
Elle lui fit confidence
de tout ce qui s'étoitpassé,
& lui dit que
s'il vouloir longer serieusement
à se faire aimerde
Belise, elle pourroit
bien la lui faire époufer.
Le Conseiller,
dont l'amour étoit fort
ralenti, con senti t à tout
ce que luiprescrivitcelle
qu'il avoit fort aimée,
& voici le jeu qu'ils
joμüerent.
Un jour la jeune veuve
parut accablée de chagrin;
& Belife lui en demandant
lesujet,ellelui
dit, que quelque force
d'esprit &C quelquegayeté
qu'elle eust toujours
affc&é d'avoir elle ne
pouvoit surmonter une
forte patTion qu'elle avoit
- encore pour un
hommes dont l'indifference
la defoloit ; que
cet homme n'avoit jamais
rien aimé vi vement
, & n'etoit capable
que d'une amitié confiante
qu'il avoit encore
pourelle,inais quinesufsifoit
pas pour un coeur
sensible à Tàmour. Ce qui
m'asstige depuis quelques
joursyContwuxtc\\e>ct/l
qu'ilpenseàsétablir,~&
qHilepouseunefemme bïgearre;
avec qui je ne pourai
jamaisavoir aucune
haifbn ; il faudra que je
rompeaveccetamisolide.
Ensuite cette adroite
veuve fit un si beau portrait
du Conseiller à Belife,
qu'ellelui donna envie
de le voir. Elle ne
l'eut pas vû deux fois,
qu'illui parut plus aimable
que l'absent. Il s'attacha
à elle de meilleure
grace que l'autre, qui
tout occupé de son amour
pour sa veuve, n'avoit
pour Belise qu'une
politesseforcée. En un
mot le Conseiller fut aimé,&
parconsequent le
Cavalier absent fut haï;
car lavivacitédeBelise
la faisoit toûjours passer
d'une extrémité à
-
l'autre. La voila donc
entêtée du Conseiller,
& fort embarassée de
l'absent, quiarriva justement
pour se faire haïr
encore plus, en pressant
ce mariage. Alors Belife
ne peu saplus qu'aux
moyens de s'exempter
du dédit: elle con sulta
son amie, qui feignit
d'abord de croire la chose
impossible. Ce jeune
homme-la, luidit-elle,ne
iejt attachéà VOIN que
par interet : vous JugeZj
bien qu'ilprofitera de votre
inconstance pour gagner
dix mille écus, en se
débarassant d'un mariage
qui lui eut été à charge.
Ilmenafait une fois conjidence,
tt)je n'ose pas
vous dire mes sentimens
sur la folie que vous faites
s car vous êtes trop
occupée de vos entêtemens,
vous rompriez, avec moy. Alaù, continua-t-elle,
ily a bien plus; c'estque
depuis son retour il ma
paru prendre beaucoup de
plaisir à me confier ses
chagrins, &je me trompe
fort çln'a un peu de
goût pourmoy. Ohplust
au Ciel, reprit vivement
Belife, plust au
Ciel qu'il fust amoureux
de vous ; ce feroit
un moyen de l'obliger à
se dédire le premier,&
nous romprions but à
but.
Mais, répliqua la
veuve,faites-vous attention
qu'iln'est pasajftz,
riche pour avoir véritablement
envie de vous - quitter pourmoy? que
gagneroit-il en perdant
vos dixmil ecus ? Cette
conversation ne fut pas
poussée plus loin, & la
jeune veuve se contenta
dedisposerinsensîblement
Belise à payer le
déditavecmoins de peine.
LeConseiller redoubla
ses empressemens
pour elle ; & l'autre en
la pressant d'executer sa
promesse, lui dit qu'il
croyoit ecre engagé
d'honneur à lui declarer
qu'il étoit amoureux de
la jeune veuve; qu'il ne
vouloit pas la tromper
là-dessus: maisqu'en même
temps il lui declaroit
qu'il étoit tout prêt à ligner
un contrat malgré
cet amour. Les choses
resterent quelque temps
dans cet état: mais enfin
Belise
Belise impatiente se resolut
à donner un air de
generosité à la démarche
qu'il lui faloit faire: elle
alla trouver son amie,
& lui dit que si de bonne
foy elle étoit resoluë
d'épouser celui qui étoit
si passionné pour elle,
elle donneroit volontiers
les dixmil écus, non pas
commeun dédit,mais
comme un present de
noce à celle qui lui avoit
procuré la connoissance
de son cher Conseillers
Cette proposition ôta
tout scrupule à nos amans,
parce qu'en effet
ces deux mariages étant
faits, Belise fut si contente
des procédez de
son époux, qu'elle ne
regretta jamais les cinquante
mil francs qu'il
lui coûta pour avoir le
plaisîr de se dédiredeux,
fois.
ou Historiette nouvelle.
LES DEDITS.
Ommc il ne faut
juier de rien
,
aussi
ïlc doit-on jamais faire
ded.édits confiderables. -
Lavolonté des hommes
est trop changeante,celle
des femmes l'est encore
plus ; M de toutes les
femmes que j'ai jamais
connues, la plus sujetta
à changer,c'est certaine
veuve, dont je vais vous
conter l'avanture.
Cette veuve erolttresvive
dans ses desirs
, SC
dans lesaffaires qui dépsndoient
de sa têteelle
ne laissoit aucun intervale.
entre la volonté s
l'execution > en moins
de rien en elle tout devenoit
passion, jusqu'à
ses vertus: en un mot
elle étoit excessive en
tout, hors en confiance.
Un jour cette veuve
capricieuse se prit d'amitié
dés la premicre
vûë pourune autre veuve
qu'ellc rencontra
chez une personne de sa
connoissance. Cette séconde
veuve étoit d'une
humeur gaye, enjoüéc,
ne cherchoit qua se rejoüir,
§£ l'unique chagrin
quelle eûtrepenti,
cetoic la morede son mari,
encore ne dura-t-il
guercs, & n'empêcha;
pas qu'elle ne devinft amoureuse
d'un jeune
homme aimable. Elle en
fut passionnément aimée.
Elle relit bien voulu
époufer : mais elle avoit
si peu de bien, qu'.
elle n'ellc pas pû le mettre
à son aire, lui qui
n'avoit rien du tout. Ils
se plaignoient un jour
l'un à l'autre de l'injustice
de la fortune, qui
ne leur donnoit pas seulement
de quoy contenter
leurs desirs sages &
reglez, pendant que l'autre
veuve étoit assez riche
pour fuivrc à grands
frais ses idées les plus extravagantes.
La veuve
enjouée,mais qui pensoit
serieusement au solide,
imagina un moyen
de mettre à profit les ca;
prices de la riche veuve.
Puil quelle veut lier sicteté
avec moy , dit-elle
à son amant,ilfautque
cesoit elle qui mus marie
Il ses dépens. Hé comment
cela, répondit le
Cavalier? felon le portrait
que vous m'en faites,
elle nest pas femme
à faire plaisir à personne,
que par rapportà ses
fantaisies.C'estpourcela
reprit la veuve, que je
ne serai pas grand férupule
de tirer parti de ses
caprices. Apres avoir rêve
un moment, la veuve
enjoüée fie un projet,
& voici comment elle
commença à executer.
-
Premièrement elle reçut
avec beaucoup de
froideur les avances d'amitié
que lui fie l'autre
veuve, que nous nommerons
Belise, pour cacher
son veritable nom.
Belise donc fit à celle-ci
toutes les avances de l'a- -~
miriéla plus tendre,
L'autre veuve reçut sesj
offres d'amitié avec
unef
indifférence, une froi-j
deur qui eût rebuté Belife,
si elle n'eût pas été
d'un caraétere a s'animer
par les difficultez.
Elle fut d'autant plus
empressée au prèsdecet- -
te nouvelle amie, qu'-
elle la trouva insensible
à Ces empressemens. Enfin
poussee à bout par
son indolence affecte,
elle la conjura de lui diire
pourquoy elle ne répondoit
point,du moins
parpolitesse, aux avances
d'amitié qu'elle lui falfoit. lui répondit
la veuve enjoüée,
parce que je ne veux point
être de ruas amies. L'aveu
est brusque, lui dit
Belife. Et sincere, repartit
la veuve. Qu'avez-
vous donc trouvé
enmoy,répliquaBelise,
qui puisse m'attirer un
pareil mépris? Loin de
vous méprtftr> reprit la
veuve, ce(l parce queje
vous estime trop que je
veux rompre av,c 'vous;
car quand je fais tant
que de m'attacher, ceji
pour long-temps. Je (ça;
que vous rictes pas capable
d'une amitie durable:
mais supposé que vous
Irvous fixassiez, pour moy,
il me resteroit encore une
raison plus forte dene me
point attacher à vousi ceji que vous pensez, diton,
à vousremarier , &
je ne veux point être Camie
d'une femme mariee.
Ce discours parut bigearre
à Belise, qui lui
dit qu'elle ne pensoit
point àCe remarier:mais
que quand elle se remarieroit,
elle ne comprenoit
pas que cela pût
faireobstacle à leur amitié.
C'en est un invincibleyreprit
brusquement
la veuve folâtre; ep-cë
qu'unefemme mariée peut
avoirdes amies ?avec une
femmemariéeplus desocieté,
plus dejoye, son humeur
saigrit9son esprits'émous-
Je3 &soncoeurs'endurcit.
Belise protesta que jamais
un mari ne la feroit
changer d'humeur, &:
qu'elle: en avoit déjà fait
l'experience.
Ilm'importe, continua
; l'autre, st) pour mon reposseul
à moy je ne veux
point m'atacheraunefemmemariée
; il mefaudroit
partager avec elle tous les
soinsde son ménage, j'en
auroti la tête pleine , je
seroispresqueaussi mariée
qu'elle; elle se prendrait à
moy des brusqueries deson
mari , & son mari me
rendroit responsable des
bigearrertes desa femme;
il me faudroit être conswolatrice
perpétuelle de leurs
chagrins, si) pige assiduè
de leurs querelles dome-
(tiques s & en voulant
les remettre bien Funavec
l'autre, je me ferois
hllir de tous les deux.
Cette veuve continua
ainsi en riant de faire à
l'autre un tableau siaffreux
du mariage, quelle
commença à l'en dégoûter,
& lui donna en
deux ou trois jours tant
d'aversion pour les maris
, qu'elle se voüa au
veuvage avec tout le zele
& toute la ferveur
dont elle étoit susceptible
ble dans ses nouveaux
entêtemens. La veuve
rusée feignit d'être de
moitié dans un voeu qui
devoit rendre leur amitié
durable, 8£ proposa
à l'autre de faire entr'elles
un dédit de trente
mille francs pour ce lle
qui voudroit rompre un
voeu si prudent, Le dédit
fut resolu, & elles
choisirent pour dépositaire
un ami commun,
ou-
plutôt un ami tout
dévoué à la veuve, SC
qui ne connoissoit Belife
que parce que l'autre
lui en avoit ménagé la
connoissance pour venir
à bout de ses desseins.
Voila donc le dédit
fait & consigné ; il s'agit
à present de le faire
payer à Belise, & pour
cela elle trouva moyen
de lui faire voir son amant,
dont nous avons
déja parlé. C'etoit un
jeune hommeaimable,
insinuant, & capable de
faire tourner la tête à
toutes les veuves qu'il
entreprenoit.Il trouva
la riche Belife digne d'être
dupée: mais il avoit
peine à se resoudreà
tromper. Il refusa d'abord
lacommission:mais
son amante luidit qu'en
unbesoin elle lui permettroit
de vouloir serieusement
époufer Belise
; qu'il n'avoit qu'à
lui plaire dans cette intention,
pour ôter tout
scrupule.Enfin,sans plus
examiner ce cas de conscience,
il s'attacha à Belise;
il ne fut pas longtemps
sans la faire repentir
du voeu qu'elle
avoit fait de ne se point
remarier. Elle n'osaconfier
son amour à son a,-
mie, jugeant bien qu'-
elle feroit sans quartier
sur le dédit: mais enfin
cet amour devint si violent
, qu'ellepria son
amie de vouloir bien
composer avec elle & la
quitter du dédit pour
moitié. L'amie rusée lui
jura que dans un autre
tems elle n'en auroit pas
rabattu une obole: mais
qu'un procés important,
pour lequel elle avoit befoin
incessamment de
vingt mille francs,l'obligeoitàluienremetre
dix.
On marchanda, ôc
l'on convint enfin que
Belise mettroit vingt
mille francs entre les
mains du dépositaire,
pour être remis après le
mariage dans celles de
l'amie;moyennantquoy
Belise prendroit desmesures
avec cet amant
pour le mariage. L'argent
pour le dédit fut
déposé, fous condition
qu'on ledélivreroit dans
huitaine à l'amie
,
aprés
lequel temps elle vouloit
les dix mille écus
entiers; ce fut la convention.
! Belife ne pouvoit avoir
aucun soupçon sur
le jeune amant: elle scavoit
qu'iln'étoit pas riche,
& ne croyoit pas
feulement qu'il connût
son amie. Elle se pressoit
donc de conclure dans la
huitaine prescrite: mais
l'amant lui faisoit naître
d'un jour à l'autre des sujets
de retardement si
vraisemblables
,
qu'elle
nepouvoit se défier de
lui. Enfinlahuitaine étant
échuë, le Cavalier
fit paroître un obstacle
insurmontable, qui differoit
le mariage de quelques
jours. Sur quoy l'amie
feignant d'estre fort
pressée pour son procés,
quitta le dédit pour les
vingt mille francs comptant,
& Belife les fic
livrer, dans la certitude
où elle étoit de son mariage,
pour ne pas donner
les dix mille écus entiers;
& ce fut déja une
partie
partie de la dot que cette
pauvre veuve destinoit
à son jeune amant,
en cas qu'il ne fust pas
obligé d'honneur à tenir
parole à Belife : maison
esperoit qu'elle romproit
la premiere, & ce fut
pour la mettre dans son
tort qu'on lui tendit un
fecond paneau.
Dés que la veuve eut
touché l'argent du premier
dédit, elle ne songea
plus qu'à en tirer
un second;&travaillant
en apparence à presser le
mariage de son amie Be
de son amant,elleleretardoiten
effet. Ceprocedé
n'étoit pas dans la
regle severe des bonnes
moeurs : mais l'amour
& la necessitérelâchent
souvent la morale. Nos
deux amans justifioient
tout ceci par leur intention;
car supposé, disoit
l'amant, que Belife persevere
dans son amour,
je ne puis en honneur
rompre avec elle, & il
faudra bien l'épouser. Et
siau contraire, disoit la
veuve ,
je fais que Belift
change la premiere,
il est juste qu'elle paye le
dédit de soninconstance.
Est-ce trop exiger d'el-
JeJ disoit l'amant, qu'un
mois de confiance? Il
faut absolument que je
fasse un voyage en Province
pour mes affaires:
si vous venez à bout de
la faire changer avant
mon retour, merite-telle
que je lui sacrifie l'amour
que j'aipour vous ?
2Sfon vraiment
,
répondit
la veuve ; voyons
doncsifkcon/lanceest à
l'épreuve, du paneau que
je vais lui tendre.
Aprés qu'ils eurent digeré
leur projet, le Cavalier
alla trouver Belife,
& la fit convenir
de la necessité de son
voyage. Quelques jours
aprés l'amie
,
qui commença
d'être la confidente
de ce mariage,
dit au Cavalier, en presence
de Belife, que puis
qu'il ne pouvoit pas époufer
avant son départ,
il faloitdumoins qu'il
lui signât une promesse
de mariage, avec un dédit.
La proposition fut
goutée par Belise ; on fit
le dédit de dix mil écus,
&leCavalier partit réellement
pour un voyage
necessairescar toute cette
intrigue se traitoit
moitiéfranchise, & moitié
tromperie de la part
des amans. Le Cavalier
vouloit de bonne foy
s'engager par ce dédit à
époufcr Belise, si elle
persistoit dans le dessein
de recevoir sa main. C'étoit
donc ici une véritable
crise pour nos amans
;car la jeune veuve
se voyoit dans la necessité
de rendre Be1
lise inconstante dans un
mois, ou de lui voir
épouser sonamant.
La jeune veuveavoit
été recherchée par un
jeune Conseiller trésaimable,
mais qu'elle n'avoit
jamais pû aimer.
Ce Conseiller étoitassez
mal dans ses affaires,
pour souhaiter de les rétablir
par un riche mariage.
Elle lui fit confidence
de tout ce qui s'étoitpassé,
& lui dit que
s'il vouloir longer serieusement
à se faire aimerde
Belise, elle pourroit
bien la lui faire époufer.
Le Conseiller,
dont l'amour étoit fort
ralenti, con senti t à tout
ce que luiprescrivitcelle
qu'il avoit fort aimée,
& voici le jeu qu'ils
joμüerent.
Un jour la jeune veuve
parut accablée de chagrin;
& Belife lui en demandant
lesujet,ellelui
dit, que quelque force
d'esprit &C quelquegayeté
qu'elle eust toujours
affc&é d'avoir elle ne
pouvoit surmonter une
forte patTion qu'elle avoit
- encore pour un
hommes dont l'indifference
la defoloit ; que
cet homme n'avoit jamais
rien aimé vi vement
, & n'etoit capable
que d'une amitié confiante
qu'il avoit encore
pourelle,inais quinesufsifoit
pas pour un coeur
sensible à Tàmour. Ce qui
m'asstige depuis quelques
joursyContwuxtc\\e>ct/l
qu'ilpenseàsétablir,~&
qHilepouseunefemme bïgearre;
avec qui je ne pourai
jamaisavoir aucune
haifbn ; il faudra que je
rompeaveccetamisolide.
Ensuite cette adroite
veuve fit un si beau portrait
du Conseiller à Belife,
qu'ellelui donna envie
de le voir. Elle ne
l'eut pas vû deux fois,
qu'illui parut plus aimable
que l'absent. Il s'attacha
à elle de meilleure
grace que l'autre, qui
tout occupé de son amour
pour sa veuve, n'avoit
pour Belise qu'une
politesseforcée. En un
mot le Conseiller fut aimé,&
parconsequent le
Cavalier absent fut haï;
car lavivacitédeBelise
la faisoit toûjours passer
d'une extrémité à
-
l'autre. La voila donc
entêtée du Conseiller,
& fort embarassée de
l'absent, quiarriva justement
pour se faire haïr
encore plus, en pressant
ce mariage. Alors Belife
ne peu saplus qu'aux
moyens de s'exempter
du dédit: elle con sulta
son amie, qui feignit
d'abord de croire la chose
impossible. Ce jeune
homme-la, luidit-elle,ne
iejt attachéà VOIN que
par interet : vous JugeZj
bien qu'ilprofitera de votre
inconstance pour gagner
dix mille écus, en se
débarassant d'un mariage
qui lui eut été à charge.
Ilmenafait une fois conjidence,
tt)je n'ose pas
vous dire mes sentimens
sur la folie que vous faites
s car vous êtes trop
occupée de vos entêtemens,
vous rompriez, avec moy. Alaù, continua-t-elle,
ily a bien plus; c'estque
depuis son retour il ma
paru prendre beaucoup de
plaisir à me confier ses
chagrins, &je me trompe
fort çln'a un peu de
goût pourmoy. Ohplust
au Ciel, reprit vivement
Belife, plust au
Ciel qu'il fust amoureux
de vous ; ce feroit
un moyen de l'obliger à
se dédire le premier,&
nous romprions but à
but.
Mais, répliqua la
veuve,faites-vous attention
qu'iln'est pasajftz,
riche pour avoir véritablement
envie de vous - quitter pourmoy? que
gagneroit-il en perdant
vos dixmil ecus ? Cette
conversation ne fut pas
poussée plus loin, & la
jeune veuve se contenta
dedisposerinsensîblement
Belise à payer le
déditavecmoins de peine.
LeConseiller redoubla
ses empressemens
pour elle ; & l'autre en
la pressant d'executer sa
promesse, lui dit qu'il
croyoit ecre engagé
d'honneur à lui declarer
qu'il étoit amoureux de
la jeune veuve; qu'il ne
vouloit pas la tromper
là-dessus: maisqu'en même
temps il lui declaroit
qu'il étoit tout prêt à ligner
un contrat malgré
cet amour. Les choses
resterent quelque temps
dans cet état: mais enfin
Belise
Belise impatiente se resolut
à donner un air de
generosité à la démarche
qu'il lui faloit faire: elle
alla trouver son amie,
& lui dit que si de bonne
foy elle étoit resoluë
d'épouser celui qui étoit
si passionné pour elle,
elle donneroit volontiers
les dixmil écus, non pas
commeun dédit,mais
comme un present de
noce à celle qui lui avoit
procuré la connoissance
de son cher Conseillers
Cette proposition ôta
tout scrupule à nos amans,
parce qu'en effet
ces deux mariages étant
faits, Belise fut si contente
des procédez de
son époux, qu'elle ne
regretta jamais les cinquante
mil francs qu'il
lui coûta pour avoir le
plaisîr de se dédiredeux,
fois.
Fermer
Résumé : AVANTURE, ou Historiette nouvelle. LES DÉDITS.
Le texte 'AVANTURE, ou Historiette nouvelle' raconte l'histoire de deux veuves, Belise, riche et capricieuse, et une autre veuve rusée et enjouée. Cette dernière cherche à empêcher Belise de se remarier pour des raisons financières. Elle refuse d'abord les avances d'amitié de Belise, prétextant qu'elle ne veut pas être l'amie d'une femme mariée. Elle convainc ensuite Belise de signer un dédit de trente mille francs, engageant celle qui romprait son vœu de ne pas se remarier à payer cette somme. La veuve rusée organise une rencontre entre Belise et un jeune homme aimable, dont Belise tombe amoureuse. Elle souhaite se remarier, mais l'amant trouve des prétextes pour retarder le mariage. La veuve rusée feint de presser le mariage tout en le retardant en réalité. Elle convainc Belise de signer un second dédit de dix mille écus avec l'amant, qui part ensuite en voyage. Pour empêcher le mariage, la veuve rusée manipule Belise en lui présentant un jeune conseiller aimable. Belise tombe amoureuse du conseiller, ce qui la met dans l'embarras face à l'amant revenu. Elle cherche alors des moyens de se libérer du dédit, mais la veuve rusée la manipule encore en lui faisant croire que l'amant pourrait être amoureux d'elle. Finalement, Belise se retrouve piégée par ses propres caprices et inconstances, devant payer les dédits imposés par la veuve rusée. Dans une conversation ultérieure, une jeune veuve envisage de quitter son fiancé, un conseiller, mais se demande ce qu'il gagnerait en perdant une dot de dix mille écus. Belise est chargée de régler le dédit. Le conseiller, amoureux de la jeune veuve, exprime son désir de l'épouser tout en étant prêt à signer le contrat malgré ses sentiments. Belise décide de faire preuve de générosité en offrant les dix mille écus non pas comme un dédit, mais comme un présent de noces. Cette proposition lève les scrupules des deux amants, et les mariages sont célébrés. Belise est ensuite satisfaite de son époux et ne regrette pas les cinquante mille francs dépensés pour se dédire de deux engagements.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 27-51
LA TABATIERE d'or. NOUVELLE. Par Monsieur de L * *.
Début :
ON a parlé si diversement de la Tabatiere d'or, qu'on [...]
Mots clefs :
Tabatière, Marquis, Provinciale, Comtesse, Tromperie, Jalousie, Amour, Séduction, Rivalité, Duperie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA TABATIERE d'or. NOUVELLE. Par Monsieur de L * *.
LA TABATIERE
d'or.
NOUVELLE.
Par Monsieur de L **, ON a parlé si diversement
de la Tabatiere
d'or, qu'on croit faire
plaisir de rapporter ce
qui peut avoir engagé
beaucoup de railleurs à
plaisanter aux dépens de
la belle Provinciale qui
avoit un procésauGrand
Conseil. Voila du moins
ce quelle a avance aux
personnes qui lui offroient
du secours & des
sollicitations si le pretendu
procés ne s'accommodoit
pas. Labelle
Provinciale, qui a eu
des raisons pour fc dire
de Bordeaux plûtôt que
de Toulouse, où l'on
sçait certainementquelle
estnée, a demeuré
à Paris quatre mois,
chez une femme qu'elle
appelloit sa tante. si:
bonne tante, qui est encore
jeune, & point ennemie
des gens galans &
polis, a trés-bien reçu
pour elle & pour sa niece
toutes les offres de fervices
qu'on leur a faites.
Un jeune Marquis, trèsspirituel
& trés-aimable,
ayant trouvé la niece
fort à son gré, a imaginé
tout ce qu'il a pû pour
lui plaire; parties de Comedie,
d'Opéra&de S.
Clou ont été mises en
usage. On ne marchoit
que fous les étendars de
la tante ,
dont le plus
grand foin paroissoit celui
de lorgner une tabatiere
d'or qui appartenoit
au Marquis, &
de la garder souvent
des deux & trois jours
disant quelle aimoit
beaucoup le tabac. Les
amis du Marquis, qui
voyoient le train qu'on
faisoit prendre à sa tabatiere,
en railloient
avec lui, &C nedoutoient
aucunement qu'elle ne se
perdît, ou qu'el le ne segarât
entre les mains de
la tante ou de la niece.
Une Comtesse, qui aimoit
le Marquis,& qui
en avoit été éperdûment
aimée, ne vit qu'avec
grande peine son attachement
pour la belle
Provinciale. Elle sçavoit
les emprunts de la tabatiere,
8c étoit la première
a dire au Marquis
qu'ellecouroitde grands
risques. Il reparcoit toûjours
qu'il la sacrifieroit
volontiers,s'ilosoit seulementesperer
ce qui
excitoit l'envie de ses
amis, & la jalousie des
Dames qui parloient mal
à propos de la belle Provinciale,
qu'il assuroit
être la plus sage de toutes
les Dames qu'il eût
jamais connues. Les cho
ses en étoient là, quand
la Comtesse, après y avoir
bien pensé, pria un
ami commun d'elle &
du Marquis d'emprunter
pour quelques jours
la tabatiere, fous pretexte
de s'en faire honneur
auprés d'une Dame
à qui il s'étoit vanté
d'en avoir une de qua-
: tre-vingt pistoles. L'ami
du Marquis, à qui
la Comtesse ne demandoit
que le secret de ne
dire jamais à personne
qu'elle eust eu part à (on
emprunt, n'eut pas de
peine à lui promettre
cette grace ; & dés qu'il
eut la tabatiere, ill'apporta
à la Comtesse, qui
avoir un homme tout
prest pour la porter chez
Rondet, avec qui il convint
du prix de cinq pistoles,
pour en avoir une
de tombac qui la contrefift.
L'ouvrier qui l'entreprit
y reüssit si bien,
que la Comtesse charmée
devoir de quoy duper
sa rivale, prit aussi
le train d'em prunter la
ta batiere d'or: & quoique
le Marquis sust fort
aile qu'elle plust à tout
le monde, il se faisoit
néanmoins un mérité
auprés de la belle Provinciale
de ne la laisser
jamais plus d'un jourà
la Comtesse
,
qui ne la
rendoit aussi qu'en disant,
que tous ses amis
étoient surpris qu'il ne
l'eust pas encore donnée
à la belle Provinciale
pour gage de sa grande
passion. Le Marquis ne
recevoir pareilles plaisanteries
qu'avec un air
à faire croire qu'il defesperoit
de se voir bien
traité de sa belle : mais
la supercherie de sa rivale
donna des soupçons
du contraire;car la Comtessefinissant
un jour une
partie d'ombre avec le
Marquis, tira de sa poche
la fausse tabatiere
& la laissa sur la table
où l'on avoit jolie, en
paroissant vouloir donner
des ordres à une
femme de chambre qu'
elle avoit fait venir. Le
Marquis prit la tabatiere
sans rien dire, & sortit
pour se rendre chez la
belle Provinciale, où il
trouva un de ses amis
qui entretenoit la bonne
tante. Il crut, dés en
arrivant, que sa belle lo
recevoit mieux qu'à l'ordinaire
,
&lui montra
gaiment sa tabatiere, disant
qu'il venoit de la
retirer par un heureux
hazard des mains d'une
Dame qui paroissoit en
avoir beaucoup envie:
mais que son intention
étoit de ne la plus prêter
qu'à la feule personne
qu'il aimoit. La belle
Provinciale, qui écoutoit
avec grand plaisir
cette dec laration, affcdta
de ne recevoir la tabatiere
qu'encedant à la
violence dont il usoit
pour la mettre dans sa
poche. Le jeu de la contestation
excita un combat
dont le Marquis eut
tout l'honneur, & la
belle ne se trouva pas
malheureuse d'en remporter
la tabatiere. Elle
nes'en servit plus cependant
depuis comme elle
avoit accoûtumé
, & le
Marquis, qui n'en étoit
pas content, disoit à tous
ceux qui lui demandoient
ce qu'étoit devenuë
sa tabatiere, qu'elle
étoit chez une fort aimable
veuve, qui avoit
la vanité de ne la pas
montrer,de peur apparemment
qu'on le crût
heureux. Ce nom deveuve,
que la Provinciale
entendoit donner par le
Marquis à la Dame qui
avoit sa tabatiere, ne lui
plut
plut pas; elle croyoit lui
avoir montré assez de
quoy pretendre au nom
& à la qualité de fille
dont elle se paroit : mais
il n'en rabattoit rien, &
la veuve étoit devenuë
l'objet éternel de tout ce
qu'il avoit de malin à
débiter. Le Marquis
manquoit là de delicatesse
& de condescendance
pour l'opinion
que toutes les filles veulent
qu'on ait de leur
conduite passée ; car il
n'y en a aucune qui ne
se croye égale aux plus
fages & aux plus reservées.
La belle Provinciale,
qui voyoit le Marquis
pen fer autrement
ou fatiguée de ses discours,
ou par mépris pour
son gage, pria un ami
de lui prester cinquante
pistoles sur sa tabatiere.
L'ami la fie voir à un
orfevre, qui lui rit au
nez, enl'assurant que la
tabatiere n'étoit que de
cuivre. Il la rapporta sur
le champ à la belle Provinciale,
& lui reditce
que l'orfèvre venoit de
lui dire. Sa surprise fut
si grande, qu'elle la renvoya
à l'instant au Marquis,
avec le billet que
voici.
Jefuis hors d'état de Irvous rlen moy-même jremoy-w,-ér4e
njêtre tabatiere de cuivre;
'l)ous avez* eu grand tort
o
de me la faire recevoir
avec violence.Je vois bien
que je fuis votre dupe :
maisje menvangerai
jientôt, ou je mourrai
dans la peine.
Le Marquis reçut sa
tabatiereavec grande
demonstration de joye,
que la lecture dubillet
rendit courte; car en examinant
de prés la tabatiere,
il reconnut que ce
n'etoit pas la sienne, &
indigné du tour qu'il s'imagina
que lui joüoit la
belle Provinciale, illui
écrivit ce qui fuit.
Je comptois bien ne revoir
jamais ma tabatitre
: mais en men envoyant
un modele VOIU
detvieZ ne me l'annoncer
que pour ce qu'il est : je
naurois pas du alors me
vanter que vos presens
riont aucune proportion
avec celui queje vous ai
fait. javois tlulJi defiem
de me corriger, & de ne
vousplus appeller maveuve
: mais je ne mendédirai
jamais, &je vous
conseille de ne mepas obliger
à en dire davantage.
La belle Provinciale
avoit paru moins indignée
à la découverte de
la tabatiere de cuivre,
qu'à la lecture de la réponte
du Marquis, quellelaissa
fort imprudemment
sur un sopha,
où dés le jour mesme
elle fut trouvée par un
jeune fou, qui la mit
dans sa poche, la montra,
Se en donna des copies
à tous les gens de
son espece. Le Marquis,
à qui on se faisoit un
plaisir de les montrer,
ne douta pas que la belle
Provinciale ne l'eût livré
au public, & il ne
crut pas se pouvoir jamais
justifier qu'en montrant
la tabatiere de cuivre
34 le billet qu'elle
luiavoit écrit. La jalouse
Comtesse attentive au
dénoûment de sa piece,
& ravie qu'elle eust
reüssi
, eut encore la malice
de faire de grands
reproches au Marquis
sur les manieres qu'il
avoir pour une belle qu'il
avoit beaucoup aimée;
& avant qu'il la quittât
, elle lui demanda
quel prix il donneroit à
la
la personne qui lui rendroit
sa tabatiere d'or.
Joüez bien vôtre rolle,
lui die-elle, & venez
souper aujourd'hui avec
moy,vous y trouverez
de quoy vous consoler.
Ce discours fit un veritable
plaisir à lamant
chagrin & inquiet 5 car
faisant reflexion aux effets
que peuvent avoir
l'amour & la jalousie,
il se persuada aisément
que la Comtesse lui avoit
jolie le tour. Il revint
chez elle deux heures
avant son souper, & eut
tête à tête une audiance
si favorable, qu'aprés
avoir bien plaisanté,
il sentit sa tabatiere
dans sa poche.Il publia
dés le lendemain qu'il
l'avoit retrouvée par une
e spece d'enchantement,
& il pria ses amis de lui
trouver des Dames qui
vou lussent avec pareil
rafinement de jalousie
lui friponner sa tabatiere,&
lalui rendre avec
pareil excès d'amour.
d'or.
NOUVELLE.
Par Monsieur de L **, ON a parlé si diversement
de la Tabatiere
d'or, qu'on croit faire
plaisir de rapporter ce
qui peut avoir engagé
beaucoup de railleurs à
plaisanter aux dépens de
la belle Provinciale qui
avoit un procésauGrand
Conseil. Voila du moins
ce quelle a avance aux
personnes qui lui offroient
du secours & des
sollicitations si le pretendu
procés ne s'accommodoit
pas. Labelle
Provinciale, qui a eu
des raisons pour fc dire
de Bordeaux plûtôt que
de Toulouse, où l'on
sçait certainementquelle
estnée, a demeuré
à Paris quatre mois,
chez une femme qu'elle
appelloit sa tante. si:
bonne tante, qui est encore
jeune, & point ennemie
des gens galans &
polis, a trés-bien reçu
pour elle & pour sa niece
toutes les offres de fervices
qu'on leur a faites.
Un jeune Marquis, trèsspirituel
& trés-aimable,
ayant trouvé la niece
fort à son gré, a imaginé
tout ce qu'il a pû pour
lui plaire; parties de Comedie,
d'Opéra&de S.
Clou ont été mises en
usage. On ne marchoit
que fous les étendars de
la tante ,
dont le plus
grand foin paroissoit celui
de lorgner une tabatiere
d'or qui appartenoit
au Marquis, &
de la garder souvent
des deux & trois jours
disant quelle aimoit
beaucoup le tabac. Les
amis du Marquis, qui
voyoient le train qu'on
faisoit prendre à sa tabatiere,
en railloient
avec lui, &C nedoutoient
aucunement qu'elle ne se
perdît, ou qu'el le ne segarât
entre les mains de
la tante ou de la niece.
Une Comtesse, qui aimoit
le Marquis,& qui
en avoit été éperdûment
aimée, ne vit qu'avec
grande peine son attachement
pour la belle
Provinciale. Elle sçavoit
les emprunts de la tabatiere,
8c étoit la première
a dire au Marquis
qu'ellecouroitde grands
risques. Il reparcoit toûjours
qu'il la sacrifieroit
volontiers,s'ilosoit seulementesperer
ce qui
excitoit l'envie de ses
amis, & la jalousie des
Dames qui parloient mal
à propos de la belle Provinciale,
qu'il assuroit
être la plus sage de toutes
les Dames qu'il eût
jamais connues. Les cho
ses en étoient là, quand
la Comtesse, après y avoir
bien pensé, pria un
ami commun d'elle &
du Marquis d'emprunter
pour quelques jours
la tabatiere, fous pretexte
de s'en faire honneur
auprés d'une Dame
à qui il s'étoit vanté
d'en avoir une de qua-
: tre-vingt pistoles. L'ami
du Marquis, à qui
la Comtesse ne demandoit
que le secret de ne
dire jamais à personne
qu'elle eust eu part à (on
emprunt, n'eut pas de
peine à lui promettre
cette grace ; & dés qu'il
eut la tabatiere, ill'apporta
à la Comtesse, qui
avoir un homme tout
prest pour la porter chez
Rondet, avec qui il convint
du prix de cinq pistoles,
pour en avoir une
de tombac qui la contrefift.
L'ouvrier qui l'entreprit
y reüssit si bien,
que la Comtesse charmée
devoir de quoy duper
sa rivale, prit aussi
le train d'em prunter la
ta batiere d'or: & quoique
le Marquis sust fort
aile qu'elle plust à tout
le monde, il se faisoit
néanmoins un mérité
auprés de la belle Provinciale
de ne la laisser
jamais plus d'un jourà
la Comtesse
,
qui ne la
rendoit aussi qu'en disant,
que tous ses amis
étoient surpris qu'il ne
l'eust pas encore donnée
à la belle Provinciale
pour gage de sa grande
passion. Le Marquis ne
recevoir pareilles plaisanteries
qu'avec un air
à faire croire qu'il defesperoit
de se voir bien
traité de sa belle : mais
la supercherie de sa rivale
donna des soupçons
du contraire;car la Comtessefinissant
un jour une
partie d'ombre avec le
Marquis, tira de sa poche
la fausse tabatiere
& la laissa sur la table
où l'on avoit jolie, en
paroissant vouloir donner
des ordres à une
femme de chambre qu'
elle avoit fait venir. Le
Marquis prit la tabatiere
sans rien dire, & sortit
pour se rendre chez la
belle Provinciale, où il
trouva un de ses amis
qui entretenoit la bonne
tante. Il crut, dés en
arrivant, que sa belle lo
recevoit mieux qu'à l'ordinaire
,
&lui montra
gaiment sa tabatiere, disant
qu'il venoit de la
retirer par un heureux
hazard des mains d'une
Dame qui paroissoit en
avoir beaucoup envie:
mais que son intention
étoit de ne la plus prêter
qu'à la feule personne
qu'il aimoit. La belle
Provinciale, qui écoutoit
avec grand plaisir
cette dec laration, affcdta
de ne recevoir la tabatiere
qu'encedant à la
violence dont il usoit
pour la mettre dans sa
poche. Le jeu de la contestation
excita un combat
dont le Marquis eut
tout l'honneur, & la
belle ne se trouva pas
malheureuse d'en remporter
la tabatiere. Elle
nes'en servit plus cependant
depuis comme elle
avoit accoûtumé
, & le
Marquis, qui n'en étoit
pas content, disoit à tous
ceux qui lui demandoient
ce qu'étoit devenuë
sa tabatiere, qu'elle
étoit chez une fort aimable
veuve, qui avoit
la vanité de ne la pas
montrer,de peur apparemment
qu'on le crût
heureux. Ce nom deveuve,
que la Provinciale
entendoit donner par le
Marquis à la Dame qui
avoit sa tabatiere, ne lui
plut
plut pas; elle croyoit lui
avoir montré assez de
quoy pretendre au nom
& à la qualité de fille
dont elle se paroit : mais
il n'en rabattoit rien, &
la veuve étoit devenuë
l'objet éternel de tout ce
qu'il avoit de malin à
débiter. Le Marquis
manquoit là de delicatesse
& de condescendance
pour l'opinion
que toutes les filles veulent
qu'on ait de leur
conduite passée ; car il
n'y en a aucune qui ne
se croye égale aux plus
fages & aux plus reservées.
La belle Provinciale,
qui voyoit le Marquis
pen fer autrement
ou fatiguée de ses discours,
ou par mépris pour
son gage, pria un ami
de lui prester cinquante
pistoles sur sa tabatiere.
L'ami la fie voir à un
orfevre, qui lui rit au
nez, enl'assurant que la
tabatiere n'étoit que de
cuivre. Il la rapporta sur
le champ à la belle Provinciale,
& lui reditce
que l'orfèvre venoit de
lui dire. Sa surprise fut
si grande, qu'elle la renvoya
à l'instant au Marquis,
avec le billet que
voici.
Jefuis hors d'état de Irvous rlen moy-même jremoy-w,-ér4e
njêtre tabatiere de cuivre;
'l)ous avez* eu grand tort
o
de me la faire recevoir
avec violence.Je vois bien
que je fuis votre dupe :
maisje menvangerai
jientôt, ou je mourrai
dans la peine.
Le Marquis reçut sa
tabatiereavec grande
demonstration de joye,
que la lecture dubillet
rendit courte; car en examinant
de prés la tabatiere,
il reconnut que ce
n'etoit pas la sienne, &
indigné du tour qu'il s'imagina
que lui joüoit la
belle Provinciale, illui
écrivit ce qui fuit.
Je comptois bien ne revoir
jamais ma tabatitre
: mais en men envoyant
un modele VOIU
detvieZ ne me l'annoncer
que pour ce qu'il est : je
naurois pas du alors me
vanter que vos presens
riont aucune proportion
avec celui queje vous ai
fait. javois tlulJi defiem
de me corriger, & de ne
vousplus appeller maveuve
: mais je ne mendédirai
jamais, &je vous
conseille de ne mepas obliger
à en dire davantage.
La belle Provinciale
avoit paru moins indignée
à la découverte de
la tabatiere de cuivre,
qu'à la lecture de la réponte
du Marquis, quellelaissa
fort imprudemment
sur un sopha,
où dés le jour mesme
elle fut trouvée par un
jeune fou, qui la mit
dans sa poche, la montra,
Se en donna des copies
à tous les gens de
son espece. Le Marquis,
à qui on se faisoit un
plaisir de les montrer,
ne douta pas que la belle
Provinciale ne l'eût livré
au public, & il ne
crut pas se pouvoir jamais
justifier qu'en montrant
la tabatiere de cuivre
34 le billet qu'elle
luiavoit écrit. La jalouse
Comtesse attentive au
dénoûment de sa piece,
& ravie qu'elle eust
reüssi
, eut encore la malice
de faire de grands
reproches au Marquis
sur les manieres qu'il
avoir pour une belle qu'il
avoit beaucoup aimée;
& avant qu'il la quittât
, elle lui demanda
quel prix il donneroit à
la
la personne qui lui rendroit
sa tabatiere d'or.
Joüez bien vôtre rolle,
lui die-elle, & venez
souper aujourd'hui avec
moy,vous y trouverez
de quoy vous consoler.
Ce discours fit un veritable
plaisir à lamant
chagrin & inquiet 5 car
faisant reflexion aux effets
que peuvent avoir
l'amour & la jalousie,
il se persuada aisément
que la Comtesse lui avoit
jolie le tour. Il revint
chez elle deux heures
avant son souper, & eut
tête à tête une audiance
si favorable, qu'aprés
avoir bien plaisanté,
il sentit sa tabatiere
dans sa poche.Il publia
dés le lendemain qu'il
l'avoit retrouvée par une
e spece d'enchantement,
& il pria ses amis de lui
trouver des Dames qui
vou lussent avec pareil
rafinement de jalousie
lui friponner sa tabatiere,&
lalui rendre avec
pareil excès d'amour.
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Résumé : LA TABATIERE d'or. NOUVELLE. Par Monsieur de L * *.
La nouvelle 'La Tabatière d'or' raconte les aventures d'un jeune Marquis possesseur d'une tabatière en or. Ce dernier est charmé par une belle femme venue de Bordeaux et lui offre diverses attentions, prêtant souvent sa tabatière à sa tante, une femme jeune et galante. Les amis du Marquis s'inquiètent de la sécurité de la tabatière, craignant qu'elle ne soit perdue ou volée. Une Comtesse, jalouse des attentions du Marquis envers la Provinciale, décide de mettre en œuvre un plan. Elle emprunte la tabatière sous prétexte de l'admirer et la remplace par une fausse en cuivre. La Provinciale, ignorant la substitution, découvre la supercherie et renvoie la fausse tabatière au Marquis accompagnée d'un billet indigné. Le Marquis, furieux, répond en l'appelant 'veuve', ce qui offense profondément la Provinciale. La lettre du Marquis est découverte par un jeune homme qui la divulgue, aggravant la situation. La Comtesse, satisfaite de son stratagème, invite le Marquis à souper et lui rend sa véritable tabatière. Le Marquis, reconnaissant, publie qu'il a retrouvé sa tabatière par enchantement et exprime son désir de rencontrer d'autres femmes capables de telles ruses.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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