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p. 127-144
SEANCES PARTICULIERES De la Société Littéraire de Châlons.
Début :
Si quelques critiques chagrins se sont érigés de nos jours en censeurs des [...]
Mots clefs :
Nature, Dieux, Vessie, Remède, Religion, Pierres humaines, Pierre, Maladie, Chaux, Société littéraire de Châlons
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texteReconnaissance textuelle : SEANCES PARTICULIERES De la Société Littéraire de Châlons.
SEANCES PARTICULIERES
De la Société Linéraire de Châlons.
St
1. quelques critiques chagrins fe font
érigés de nos jours en cenfeurs des
Académies , il s'eft auffi trouvé des défenfeurs
de ces fortes d'établiffemens : leur
utilité a été démontrée dans des écrits. publics
: il a été prouvé d'une maniere victorieufe
que leur multiplicité étoit néceffaire
au progrès des fciences , & que loin
de nuire au corps politique de l'Etat, elle
ne pouvoit lui être qu'avantageufe.
C'eft fous ce point de vue que M. Du-
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE.
pré d'Aulnay , ancien Commiffaire des
Guerres , l'a confidéré. Retiré depuis plufieurs
années dans la ville de Châlons-fur-
Marne , fon amour pour l'étude l'y a fuivi
, & les liaifons qu'il a formées avec des
concitoyens animés du même amour , lui
ont fait concevoir le deffein de les unir
par les noeuds d'une fociété littéraire .
Il en a demandé. l'agrément à M. le
Comte de Saint - Florentin . Ce Miniftre
qui chérit les Lettres , autant qu'il eft cher
aux Sçavans , l'a honoré d'une réponſe
favorable , & a promis une autorifation
plus précife , lorfque les affociés auroient
donné des preuves de leurs talens .
Son A. S. M. le Comte de Clermont ,
Gouverneur des provinces de Champagne
& de Brie , a bien voulu concourit de fon
côté à cet établiffement : illuftre par fon
fang & par la faveur finguliere qu'il a fait
aux Mufes d'entrer dans leur fanctuaire ,
il a donné de nouvelles marques de fon
attachement pour elles , en fe déclarant le
protecteur de cette fociété naiffante.
Les membres d'une fociété qui commence
fous de fi heureux aufpices , ont dé
ja produits quelques fruits de leurs veilles
dans les affemblées particulieres qu'ils ont
tenues pendant le cours de cette année.
M. Culoteau de Velye , Avocat du Roi
MARS. 1755. 129
•
au Préfidial de Châlons en Champagne ,
& l'un des membres de cette fociété , a lû
une differtation fur la confécration des
Empereurs romains , & particulierement
fur celle de Pertinax , juftifiée par une médaille.
Il obferve que la confécration en uſage
chez les Romains étoit différente de l'apothéofe
admife chez les autres peuples ;
que cette derniere cérémonie étoit connue
dès le tems de Belus , premier Roi des
Affyriens , & qu'elle a été continuée depuis
en faveur des Princes , des Rois recommendables
par leur fageffe , & même
de fimples particuliers qui s'étoient fignalés
par leurs vertus & des actions éclatantes
. Il fixe au regne des Céfars l'origine de
la confécration qui , lorfque Romulus fut
admis au rang des Dieux , n'étoit point
encore établie de la maniere dont elle l'a
été dans la fuite.
›. Il fait voir que dans tel tems de la République
, le Sénat n'accorda cet honneur
qu'à la feule Acea Laurentia , comme un
tribut de fa reconnoiffance pour les biens
qu'il en avoit reça que s'il décerna par la
fuite les mêmes honneurs à un grand nom
-bre d'Empereurs , il les refufa néanmoins à
ceux qui s'étoient rendus odieux par leurs
vices.
Fy
130 MERCURE DE FRANCE .
Il rapporte pour exemple la joie générale
qu'excita la mort de Tibere , le decret
qui déclara Neron ennemi de la patrie,
les outrages exercés fur les corps de Vitellius
& d'Héliogabale qui , après avoir
été traînés avec ignominie par les rues de
Rome , furent jertés dans le Tibre ; le long
refus du Sénat d'élever Adrien au rang des
Dieux , la fermeté avec laquelle il йétric
la mémoire de Domitien déifié par les armées
, en faifant brifer fes ftatues , fes portraits
& les infcriptions faites en fon honneur.
Il prouve que la cérémonie de la confé
cration des Empereurs a fubfifté jufqu'an
tems du parfait établiſſement de notre religion
; Jovien ayant encore été mis au
rang des Dieux par les foins de fon fuc
ceffeur Valentinien , vers l'an 364 de l'ere
chrétienne .
A l'égard de l'Empereur Pertinax , dont
-M. de la Baftie prétend dans fon ouvrage
fur le P. Joubert , que l'on n'a point encore
trouvé de médailles , M. de Velye en
produit une , qui femble ne laiffer aucun
doute que l'on a déféré à cet Empereur
-les honneurs de la confécration ." col
< Cette médaille , qui eft de moyen broneze
, préfente d'un côté la tête de Pertinax ,
avec la légende Divus Helvius Pertinax , &
MAR S.: 1755. 131
a pour tipe en fon revers un aigle avec les
aîles déployées , fur lefquelles eft la figure
de l'Empereur à demi- couché , avec la légende
Confecratio. Cette médaille paroît
caracterifer d'une façon particuliere la confécration
de Pertinax , & l'on a lieu de
croire qu'elle eft une de celles qui ont été
re nouvellées par Gallien .
M. de Velye penfe que l'on peut porter
le même jugement d'une médaille de Fauftine
, qui du côté de la tête a pour légende
Diva Fauftina ; & au revers une figure
humaine que l'on peut prendre pour un
Prêtre , faifant une libation fur un autel ,
fur lequel il y a du feu , avec la légende
Confecratio : cependant il ne propofe fon
fentiment à cet égard que comme conjecture
, s'en rapportant aux connoiffances des
fçavans en ce genre.
M. de Velye a fait encore lecture d'une
autre differtation, dont l'objet eft de déterminer
quels étoient les principes de la religion
des anciens Romains , & s'ils étoient
différens de ceux qui conftituoient le culte
religieux des Grecs .
Voici fommairement les preuves qu'il
apporte pour établir cette différence .
Les premiers Romains , preſque tous occupés
à nourrir des troupeaux , en tiroient
les fecours néceffaires pour -fubfifter. Pan
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
étoit leur principale Divinité ; ils cétébroient
en fon honneur des fêtes par des
facrifices , & par des jeux appellés Lupeztaux
; ils honoroient auffi comme des
Dieux , Janus , Saturne , Picus , Hercule ,
&c. Mais indépendamment de ces Dieux
de la patrie ils reconnoifloient encore ceux
des grandes nations ; ils admettoient auffi
les augures , les pénates , les génies , &c.
Romulus effaya de détruire les préjugés
de ceux qui compofoient fa colonie , d'établir
une religion fondée fur des principes
raisonnables , & de fixer un culte conforme
à l'idée qu'il avoit conçue de la Divinité
, qu'il reconnoiſſoit comme un être
parfait & immortel .
Numa qui lui fuccéda , approchoit aſſez
des fentimens de fon prédéceffeur au ſujet
de la religion ; il penfoit qu'on ne pouvoit
donner aucune forme fenfible à la caufe
premiere de tous les êtres créés ; en conféquence
l'on ne vit à Rome pendant près
de deux fiécles aucun monument élevé pour
repréfenter la Divinité .
La religion établie par Romulus fubfiſta
long-tems , comme le fondement inébranlable
de la confervation de la chofe publique
; tout fon fyftême confiftoit à propo
fer pour objet du culte religieux un être
pur , efprit fouverainement parfait , imMARS.
1755. 133
mortel , auteur de tout , & de l'honorer
par un culte digne de fon unité & de fa
grandeur.
Les Grecs , au contraire , s'imaginant
qu'il étoit poffible d'appercevoir , par l'organe
des fens , la divinité telle quelle eft
en elle-même , la fixerent d'abord, dans le
foleil ; ils déïferent les élémens , l'univers
entier , & les différentes parties qui le com →
pofent. Orphée , Mufée , Eumolpe , que
S. Auguftin appelle les théologiens des
Grecs , bien loin d'amener leurs compatriotes
à la connoiffance de la vérité , les
en éloignerent , & les plongerent dans des
erreurs injurieufes à l'être fuprême ; ils
propoferent des Dieux fous des fymboles
& des hieroglyphes , dont ils avoient apris
à faire ufage en Egypte. La trop grande
élévation d'efprit de ces philofophes fit
tomber dans l'égarementceux qu'ils fe pro
pofoient d'éclairer , & qui n'étoient point
capables de comprendre le fens des fables
abfurdes qu'ils employoient pour établir les
vérités les plus importantes.
Ce fut des prétendus fages de l'Egypte
qu'ils avoient appris à diftinguer l'âge , le
fexe , la forme & le nombre des Dieux ;
ils apprirent auffi d'eux à les honorer par
des fêtes & par des jeux folemnels ; mais
il n'arrivoit que trop fouvent que l'on
.
134 MERCURE DE FRANCE.
portoit l'impiété en triomphe dans ces cérémonies
, & qu'elles devenoient un affemblage
monftrueux de defordres & de crimes.
La connoiffance de la nature & l'étude
de la phyfique devint la fource de l'erreur ;
on donnoit à chacune des caufes un des
attributs de la divinité , & les attributs diftingués
, fembloient introduire & préfenter
une multiplicité de Dieux. Plufieurs
fages , comme Diagoras & Socrate , furent
les victimes de leur attachement à la vérité
, telle que l'homme peut la découvrir par
l'étude & la force du raifonnement .
Les Romains , dans leur origine , étoient
des hommes durs , groffiers , fauvages ;
mais ils furent amenés à la connoiffance
de l'être fuprême , autant qu'on peut en
approcher par les lumieres de la raifon ;
ils fe diftinguerent par leur inviolable attachement
à une religion plus fainte que
celle des autres nations..
Les Grecs , au contraire , inconftans &
legers , fe livrerent au torrent d'une aveugle
fuperftition ; leur culte avoit fouvent
l'homme pour objet ; leurs fêtes , & les
jeux qu'ils célébroient , n'étoient inſtitués
que pour exciter ceux qui y étoient admis
à fe furpaffer mutuellement par la force ,
l'adreffe & la légereté : on n'y comptoit
MARS 1755 ”ན
135
prefque pour rien le coeur , les moeurs &
la vertu .
la
De cet expofé , on peut conclure que
religion des anciens Romains étoit plus
parfaite que celle des Grecs , & qu'elle
étoit établie fur des principes différens.
- M. Dupré d'Aulnai a lû auffi une differtation
qui a pour objet l'écoulement magne
tique , Pélectricité , l'afcenfion de la feve
dans les végétaux , & le flux de la mer. Il
croit que la même caufe produit ces différens
effets , que le foleil en eft le premier
& le feul mobile , & que cet aftre eft dans
l'univers ce qu'eft le coeur dans l'animal ,
auquel il donne le mouvement , la chaleur
& la vie.
af-
M. Navier , Docteur en Médecine ,
focié correfpondant de l'Académie royale
des Sciences de Paris , & l'un des mem
bres de la Société , a lu dans différentes
féances des differtations fur plufieurs maladies
populaires qui ont regné dans la
vince de Champagne & ailleurs.
་
pro-
La Faculté de Médecine de Paris , & M.
de Vernage , ayant jugé cet ouvrage fondé
-fur une bonne théorie , conforme à la faine
·pratique , & appuyé de l'autorité des grands
maîtres , l'auteur a cru ne devoir point fe
refufer au bien du public , & s'eft en conféquence
déterminé à le faire imprimer. Il
136 MERCURE DE FRANCE.
fe trouve à Paris , chez Cavelier
Saint Jacques , au Lys d'or.
·
rue
Après de pareils témoignages , il eft
inutile d'infilter fur la nature de ce travail
; le lecteur jugera par lui-même que
l'auteur a fait nombre de recherches utiles
& intéreffantes pour le traitement de différentes
maladies.
M. Navier a auffi lû des obfervations
théoriques & pratiques fur l'amolliffement
des os en général , & en particulier fur
celui qui a caractériſé la maladie extraor
dinaire de la Dame Supior , dont tout le
royaume a été informé.
Il penfe que cette maladie tenoit du rachitis
& du fcorbut. Pour démontrer le caractere
& la véritable caufe de cette maladie
, l'auteur fuit fon objet par la voie
des expériences & des démonftrations , &
conclut que les levains qui occafionnent
l'amolliffement des os , eft de nature acide.
Pour bien conftater cette vérité , il a fait
des recherches infinies , qui toutes ont concouru
à le convaincre que cette maladie ne
pouvoit reconnoître d'autre caufe . La nature
& le caractere de cette fâcheufe maladie
étant bien connue , l'auteur fait voir
qu'il faut néceffairement la combattre par
les moyens qu'il propofe. Cet ouvrage a
été examiné & approuvé par l'Académie
f
MARS. 1755. 137
royale des Sciences de Paris : il va être mis
fous preffe.
Le même a fait encore lecture d'un
autre ouvrage qui a pour titre : Obfervations
médico-phyfiques fur les dangers auxquels
on s'expofe en mangeant des fruits qui
n'ont point encore atteint leur dégré de maturité
, & fur les avantages au contraire qui
résultent de leur ufage lorfqu'ils ont acquis
toute leur perfection.
L'abus trop commun de manger les
fruits avant qu'ils foient murs , & le zéle
de l'auteur pour le bien public , l'ont engagé
à traiter cette matiere .
Après un court expofé des loix générales
de la végétation , il examine la nature des
fruits qui naiffent dans les pays chauds &
dans les pays froids & tempérés ; il fait
voir que la providence a fait naître dans
chaque contrée de la terre des fruits doués
de toutes les propriétés néceffaires pour
garantir les habitans des maladies auxquel
les les expoferoient l'intempérie de l'air
des régions qu'ils habitent. Il reconnoît
d'une part que les fruits aigrelets & acidules
qui naiffent abondamment dans les pays
chauds , contiennent des fucs merveilleux
pour réprimer les effervefcences fougueufes
, & une infinité d'autres accidens que
la chaleur exceffive occafionne dans le fang
13 8 MERCURE DE FRANCE .
de leurs habitans. D'un autre côté , il re
garde les fruits que produifent les pays
froids & tempérés , comme des matieres
favoneufes & délayantes, extrêmement propres
à diffoudre les concrétions & les
épaiffiffemens des liqueurs de ceux qui ha
bitent ces climats. Il entre à cet égard
dans un certain détail fur la nature des
matieres favoneufes , factices & naturelles :
il reconnoît que les favons naturels font
beaucoup plus parfaits que les factices ,
qu'ils font formés d'une union intime de
parties onctueufes extrêmement fines , pénétrées
par un acide végétal , au lieu que les
favons factices ordinaires font les produits
de parties graffes , fort groffieres , unies affez
imparfaitement avec un fel lixiviel , & c.
On voit que l'auteur reconnoît par- tout
un ordre & une fageffe fuprême dans la
formation & la confervation de tous les
êtres. C'eft effectivement en ne perdant
point de vue cet important objet , que les
fçavans fe rapprocheront toujours de la vérité
; au lieu qu'en fe livrant à des fyſtêmes
erronés & dictés par l'efprit d'illufion
, ils ne feront jamais d'accord ni avec
la nature , ni avec eux-mêmes.
M. Navier a auffi fait part d'un travail
qu'il a commencé en 1738 , pour trouver
un lithontriptique , ou diffolvant des pier,
MARS. 1755. 139
1
res humaines ; ouvrage dont il avoit informé
en différens tems MM. de l'Acadé-.
mie royale des Sciences de Paris ; il paroît
avoir conduit fes recherches déja fort loin
il a même fait voir plufieurs de ces pierres
extraordinairement dures, réduites en bouil
lie en fort peu de tems , par le moyen
d'une liqueur fi douce , qu'elle peut être
bûe fans faire aucune impreffion fâcheufe
fur l'eftomac. Il a déja par devers lui des
expériences du bon effet de ce remede ;
mais ,comme il n'a jamais prétendu réuffic
que par la voie des injections , il n'a pû
encore parvenir à autre chofe , finon qu'à
fe rendre certain que ce remede peut être
porté dans la veffie par les injections , fans
y caufer ni douleur ni altération . Si par
un bonheur ineftimable pour l'humanité
on pouvoit parvenir par cette voie à fondre
la pierre dans la veffie , il réfteroit en
core beaucoup à travailler , tant pour fe
perfectionner dans la maniere d'y introduire
la fonde , que dans la matiere & la
forme de cet inftrument ; car il feroit de
la derniere importance de pouvoir l'intro
duire promptement , fûrement & fans dou
leur. M.Navier defireroit que l'on s'exerçât
à fonder avec des alkalis qui n'euffent
prefque point de courbure ; il penfe que
Cette forme feroit plus commode pour ins
140 MERCURE DE FRANCE.
jecter , pour pouvoir tourner la fonde en
rous fens dans la veffie , & pour y pou
voir féjourner long- tems fans bleffer ce
vifcere , & c.
C'est particulierement du génie de nos
grands Chirurgiens que l'on doit efpérer
la perfection dans la forme de cet inftrument
, & dans la maniere de l'infinuer
dans la veffie , ou même de trouver le
moyen de dilater fon fphincter , & d'y
porter un liquide fans avoir recours au
catheter.
On a annoncé cette année deux ouvra
ges imprimés à Edimbourg , dans lesquels
on prétend que l'eau de chaux eft un excellent
diffolvant des pierres humaines pris
intérieurement , ou porté dans la veffic
par les injections .
M. Navier a fait depuis dix-fept à dixhuit
ans un fi grand nombre d'expériences
& de recherches fur les différens lithontriptiques
, qu'il auroit été furprenant que
celui de la chaux lui eût échappé : il a donc
travaillé fur ce diffolvant , comme fur une
infinité d'autres , & il craint qu'il ne réuffiffe
pas autant qu'on le fait efperer ; car
il a reconnu que ce remede avoit peu ou
point d'action fur un très - grand nombre
de pierres humaines . Si M. Whitt a éprouvé
le contraire , cela ne peut venir , ſelon
MA- R S.
1755 141
M. Navier , que de la différence des pierres
qui fe forment chez les Anglois , dont la
boiffon ordinaire eft la bierre , & de celles
qui prennent naiffance chez les François
qui font ufage du vin.
M. Navier n'a eu occafion de travailler
que fur ces dernieres ; peut-être eft- ce cette
différence de boiffon qui a fait que le diffolvant
de Mlle Stephens a été employé
avec fuccès en Angleterre , & qu'il a fi peu
réuffi en France.
M. Navier croit encore être bien fondé
à fe défier de l'eau de chaux : 1 °. parce que
contenant une grande quantité de parties
de feu , ce reméde pris . intérieurement &
à grandes dofes , comme il feroit néceffaire
pour fondre les calculs humains pourroit
intéreffer la fanté des perfonnes délicates.
2 °. Cette eau étant chargée de beaucoup
de parties pierreufes qu'elle tient en
diffolution , ne pourroit - il pas arriver
qu'elles fe dépoferoient dans différens endroits
du corps , peut-être même dans les
reins & dans la veffie ? M. Navier eſt d'aųtant
mieux fondé dans cette opinion , qu'il
a reconnu par l'expérience , qu'un peu d'urine
chaude verfée far de l'eau de chaux ,
la rend laiteufe , & en fait précipiter de
fa fubftance pierreufe. Si donc la même
chofe arrivoit dans les reins ou dans la
142 MERCURE DE FRANCE.
veffie de ceux qui prendroient beaucoup
de ce lithontriptique , comme il y a tout
lieu de le croire , fur- tout chez les pierreux
, qui ont une urine dont l'alkali volatil
eft fort développé , & par conféquent
plus propre à précipiter la partie pierreufe
de l'eau de chaux , ne doit- on pas préfumer
que ce remede pourroit dépofer dans
ces vifceres autant & peut être plus de
fubftance pierreufe qu'ils n'en éleveroient
de calculs qui s'y rencontreroient ? M. Navier
a connoiffance d'un fait qui paroît
bien confirmer cette théorie .
Une perfonne qui avoit une pierre bien
conftatée dans la veffie , s'étoit déterminée
à prendre du lithontriptique de Mlle Stephens
, qui contient , comme l'on fçait
beaucoup de matieres calcaires réduites en
chaux. Après un certain tems de l'uſage
de ce remede , on apperçut dans les urines
du malade beaucoup de parties terreufesblanches
, que l'on croyoit être infailliblement
des débris de la pierre ; mais la
perfonne étant morte , on reconnut avec
furprife , par l'ouverture de la veffie , que
la pierre n'avoit été en aucune façon endommagée.
Donc les portions blanchâtres
& terreufes que l'urine avoit charriées,
venoient des parties de chaux qui entroient
dans le remede anglois. Cela prou오
Y
MARS. 1755. 143
ve qu'on ne peut avoir trop de circonfpection
, même de défiance , dans la vérification
des faits , car ils font fouvent voilés
par des
apparences trompeufes & féduifantes.
M. Whitt a avancé que tout fel lixiviel
eft abfolument incapable de diffoudre la pierre
humaine . M. Navier a remarqué tout le
contraire , ayant conftamment obfervé
dans le nombre des lithontriptiques qu'il a
découvert , que ces fels avoient tous cette
propriété.
Cette différence entre les obfervations
de nos deux auteurs pourroit bien venir
de celle des pierres fur lefquelles ils ont
travaillé , par la raifon rapportée ci -deffus
. En effet M. Navier , d'après qui nous
parlons toujours , a reconnu que ces fels
agiffoient fort différemment , felon la nature
de la pierre ; & il eft perfuadé que
c'eſt cette différence dans les calculs humains
qui mettra toujours le plus d'obftacles
à la découverte d'un lithontriptique
univerfel , c'est-à - dire qui agiffe également
& d'une maniere douce fur toutes les pierres
humaines.
Nous venons de rapporter une partie
des obfervations de M. Navier , que fon
defintéreffement & fon amour pour le
bien public a déterminé à nous communiquer.
#44 MERCURE DE FRANCE.
Quelle louable émulation ! qu'il eft digne
de notre reconnoiffance de voir dans
deux Royaumes auffi floriffans que la France
& l'Angleterre , la Médecine toujours
occupée d'un objet qui tend à délivrer l'hu
manité du plus cruel de tous les maux !
Les affociés fe font féparés le 28 du
mois d'Août , moins pour fe délaffer de
leurs fatigues que pour préparer les mémoires
dont ils rendront compte l'année
prochaine dans leurs féances ; ils font tous
également difpofés à fe rendre dignes de
la protection qu'un grand Prince leur accorde
, à fe mettre en état d'obtenir la
confirmation de leur établiſſement , & à
mériter l'eftime du public.
De la Société Linéraire de Châlons.
St
1. quelques critiques chagrins fe font
érigés de nos jours en cenfeurs des
Académies , il s'eft auffi trouvé des défenfeurs
de ces fortes d'établiffemens : leur
utilité a été démontrée dans des écrits. publics
: il a été prouvé d'une maniere victorieufe
que leur multiplicité étoit néceffaire
au progrès des fciences , & que loin
de nuire au corps politique de l'Etat, elle
ne pouvoit lui être qu'avantageufe.
C'eft fous ce point de vue que M. Du-
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE.
pré d'Aulnay , ancien Commiffaire des
Guerres , l'a confidéré. Retiré depuis plufieurs
années dans la ville de Châlons-fur-
Marne , fon amour pour l'étude l'y a fuivi
, & les liaifons qu'il a formées avec des
concitoyens animés du même amour , lui
ont fait concevoir le deffein de les unir
par les noeuds d'une fociété littéraire .
Il en a demandé. l'agrément à M. le
Comte de Saint - Florentin . Ce Miniftre
qui chérit les Lettres , autant qu'il eft cher
aux Sçavans , l'a honoré d'une réponſe
favorable , & a promis une autorifation
plus précife , lorfque les affociés auroient
donné des preuves de leurs talens .
Son A. S. M. le Comte de Clermont ,
Gouverneur des provinces de Champagne
& de Brie , a bien voulu concourit de fon
côté à cet établiffement : illuftre par fon
fang & par la faveur finguliere qu'il a fait
aux Mufes d'entrer dans leur fanctuaire ,
il a donné de nouvelles marques de fon
attachement pour elles , en fe déclarant le
protecteur de cette fociété naiffante.
Les membres d'une fociété qui commence
fous de fi heureux aufpices , ont dé
ja produits quelques fruits de leurs veilles
dans les affemblées particulieres qu'ils ont
tenues pendant le cours de cette année.
M. Culoteau de Velye , Avocat du Roi
MARS. 1755. 129
•
au Préfidial de Châlons en Champagne ,
& l'un des membres de cette fociété , a lû
une differtation fur la confécration des
Empereurs romains , & particulierement
fur celle de Pertinax , juftifiée par une médaille.
Il obferve que la confécration en uſage
chez les Romains étoit différente de l'apothéofe
admife chez les autres peuples ;
que cette derniere cérémonie étoit connue
dès le tems de Belus , premier Roi des
Affyriens , & qu'elle a été continuée depuis
en faveur des Princes , des Rois recommendables
par leur fageffe , & même
de fimples particuliers qui s'étoient fignalés
par leurs vertus & des actions éclatantes
. Il fixe au regne des Céfars l'origine de
la confécration qui , lorfque Romulus fut
admis au rang des Dieux , n'étoit point
encore établie de la maniere dont elle l'a
été dans la fuite.
›. Il fait voir que dans tel tems de la République
, le Sénat n'accorda cet honneur
qu'à la feule Acea Laurentia , comme un
tribut de fa reconnoiffance pour les biens
qu'il en avoit reça que s'il décerna par la
fuite les mêmes honneurs à un grand nom
-bre d'Empereurs , il les refufa néanmoins à
ceux qui s'étoient rendus odieux par leurs
vices.
Fy
130 MERCURE DE FRANCE .
Il rapporte pour exemple la joie générale
qu'excita la mort de Tibere , le decret
qui déclara Neron ennemi de la patrie,
les outrages exercés fur les corps de Vitellius
& d'Héliogabale qui , après avoir
été traînés avec ignominie par les rues de
Rome , furent jertés dans le Tibre ; le long
refus du Sénat d'élever Adrien au rang des
Dieux , la fermeté avec laquelle il йétric
la mémoire de Domitien déifié par les armées
, en faifant brifer fes ftatues , fes portraits
& les infcriptions faites en fon honneur.
Il prouve que la cérémonie de la confé
cration des Empereurs a fubfifté jufqu'an
tems du parfait établiſſement de notre religion
; Jovien ayant encore été mis au
rang des Dieux par les foins de fon fuc
ceffeur Valentinien , vers l'an 364 de l'ere
chrétienne .
A l'égard de l'Empereur Pertinax , dont
-M. de la Baftie prétend dans fon ouvrage
fur le P. Joubert , que l'on n'a point encore
trouvé de médailles , M. de Velye en
produit une , qui femble ne laiffer aucun
doute que l'on a déféré à cet Empereur
-les honneurs de la confécration ." col
< Cette médaille , qui eft de moyen broneze
, préfente d'un côté la tête de Pertinax ,
avec la légende Divus Helvius Pertinax , &
MAR S.: 1755. 131
a pour tipe en fon revers un aigle avec les
aîles déployées , fur lefquelles eft la figure
de l'Empereur à demi- couché , avec la légende
Confecratio. Cette médaille paroît
caracterifer d'une façon particuliere la confécration
de Pertinax , & l'on a lieu de
croire qu'elle eft une de celles qui ont été
re nouvellées par Gallien .
M. de Velye penfe que l'on peut porter
le même jugement d'une médaille de Fauftine
, qui du côté de la tête a pour légende
Diva Fauftina ; & au revers une figure
humaine que l'on peut prendre pour un
Prêtre , faifant une libation fur un autel ,
fur lequel il y a du feu , avec la légende
Confecratio : cependant il ne propofe fon
fentiment à cet égard que comme conjecture
, s'en rapportant aux connoiffances des
fçavans en ce genre.
M. de Velye a fait encore lecture d'une
autre differtation, dont l'objet eft de déterminer
quels étoient les principes de la religion
des anciens Romains , & s'ils étoient
différens de ceux qui conftituoient le culte
religieux des Grecs .
Voici fommairement les preuves qu'il
apporte pour établir cette différence .
Les premiers Romains , preſque tous occupés
à nourrir des troupeaux , en tiroient
les fecours néceffaires pour -fubfifter. Pan
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
étoit leur principale Divinité ; ils cétébroient
en fon honneur des fêtes par des
facrifices , & par des jeux appellés Lupeztaux
; ils honoroient auffi comme des
Dieux , Janus , Saturne , Picus , Hercule ,
&c. Mais indépendamment de ces Dieux
de la patrie ils reconnoifloient encore ceux
des grandes nations ; ils admettoient auffi
les augures , les pénates , les génies , &c.
Romulus effaya de détruire les préjugés
de ceux qui compofoient fa colonie , d'établir
une religion fondée fur des principes
raisonnables , & de fixer un culte conforme
à l'idée qu'il avoit conçue de la Divinité
, qu'il reconnoiſſoit comme un être
parfait & immortel .
Numa qui lui fuccéda , approchoit aſſez
des fentimens de fon prédéceffeur au ſujet
de la religion ; il penfoit qu'on ne pouvoit
donner aucune forme fenfible à la caufe
premiere de tous les êtres créés ; en conféquence
l'on ne vit à Rome pendant près
de deux fiécles aucun monument élevé pour
repréfenter la Divinité .
La religion établie par Romulus fubfiſta
long-tems , comme le fondement inébranlable
de la confervation de la chofe publique
; tout fon fyftême confiftoit à propo
fer pour objet du culte religieux un être
pur , efprit fouverainement parfait , imMARS.
1755. 133
mortel , auteur de tout , & de l'honorer
par un culte digne de fon unité & de fa
grandeur.
Les Grecs , au contraire , s'imaginant
qu'il étoit poffible d'appercevoir , par l'organe
des fens , la divinité telle quelle eft
en elle-même , la fixerent d'abord, dans le
foleil ; ils déïferent les élémens , l'univers
entier , & les différentes parties qui le com →
pofent. Orphée , Mufée , Eumolpe , que
S. Auguftin appelle les théologiens des
Grecs , bien loin d'amener leurs compatriotes
à la connoiffance de la vérité , les
en éloignerent , & les plongerent dans des
erreurs injurieufes à l'être fuprême ; ils
propoferent des Dieux fous des fymboles
& des hieroglyphes , dont ils avoient apris
à faire ufage en Egypte. La trop grande
élévation d'efprit de ces philofophes fit
tomber dans l'égarementceux qu'ils fe pro
pofoient d'éclairer , & qui n'étoient point
capables de comprendre le fens des fables
abfurdes qu'ils employoient pour établir les
vérités les plus importantes.
Ce fut des prétendus fages de l'Egypte
qu'ils avoient appris à diftinguer l'âge , le
fexe , la forme & le nombre des Dieux ;
ils apprirent auffi d'eux à les honorer par
des fêtes & par des jeux folemnels ; mais
il n'arrivoit que trop fouvent que l'on
.
134 MERCURE DE FRANCE.
portoit l'impiété en triomphe dans ces cérémonies
, & qu'elles devenoient un affemblage
monftrueux de defordres & de crimes.
La connoiffance de la nature & l'étude
de la phyfique devint la fource de l'erreur ;
on donnoit à chacune des caufes un des
attributs de la divinité , & les attributs diftingués
, fembloient introduire & préfenter
une multiplicité de Dieux. Plufieurs
fages , comme Diagoras & Socrate , furent
les victimes de leur attachement à la vérité
, telle que l'homme peut la découvrir par
l'étude & la force du raifonnement .
Les Romains , dans leur origine , étoient
des hommes durs , groffiers , fauvages ;
mais ils furent amenés à la connoiffance
de l'être fuprême , autant qu'on peut en
approcher par les lumieres de la raifon ;
ils fe diftinguerent par leur inviolable attachement
à une religion plus fainte que
celle des autres nations..
Les Grecs , au contraire , inconftans &
legers , fe livrerent au torrent d'une aveugle
fuperftition ; leur culte avoit fouvent
l'homme pour objet ; leurs fêtes , & les
jeux qu'ils célébroient , n'étoient inſtitués
que pour exciter ceux qui y étoient admis
à fe furpaffer mutuellement par la force ,
l'adreffe & la légereté : on n'y comptoit
MARS 1755 ”ན
135
prefque pour rien le coeur , les moeurs &
la vertu .
la
De cet expofé , on peut conclure que
religion des anciens Romains étoit plus
parfaite que celle des Grecs , & qu'elle
étoit établie fur des principes différens.
- M. Dupré d'Aulnai a lû auffi une differtation
qui a pour objet l'écoulement magne
tique , Pélectricité , l'afcenfion de la feve
dans les végétaux , & le flux de la mer. Il
croit que la même caufe produit ces différens
effets , que le foleil en eft le premier
& le feul mobile , & que cet aftre eft dans
l'univers ce qu'eft le coeur dans l'animal ,
auquel il donne le mouvement , la chaleur
& la vie.
af-
M. Navier , Docteur en Médecine ,
focié correfpondant de l'Académie royale
des Sciences de Paris , & l'un des mem
bres de la Société , a lu dans différentes
féances des differtations fur plufieurs maladies
populaires qui ont regné dans la
vince de Champagne & ailleurs.
་
pro-
La Faculté de Médecine de Paris , & M.
de Vernage , ayant jugé cet ouvrage fondé
-fur une bonne théorie , conforme à la faine
·pratique , & appuyé de l'autorité des grands
maîtres , l'auteur a cru ne devoir point fe
refufer au bien du public , & s'eft en conféquence
déterminé à le faire imprimer. Il
136 MERCURE DE FRANCE.
fe trouve à Paris , chez Cavelier
Saint Jacques , au Lys d'or.
·
rue
Après de pareils témoignages , il eft
inutile d'infilter fur la nature de ce travail
; le lecteur jugera par lui-même que
l'auteur a fait nombre de recherches utiles
& intéreffantes pour le traitement de différentes
maladies.
M. Navier a auffi lû des obfervations
théoriques & pratiques fur l'amolliffement
des os en général , & en particulier fur
celui qui a caractériſé la maladie extraor
dinaire de la Dame Supior , dont tout le
royaume a été informé.
Il penfe que cette maladie tenoit du rachitis
& du fcorbut. Pour démontrer le caractere
& la véritable caufe de cette maladie
, l'auteur fuit fon objet par la voie
des expériences & des démonftrations , &
conclut que les levains qui occafionnent
l'amolliffement des os , eft de nature acide.
Pour bien conftater cette vérité , il a fait
des recherches infinies , qui toutes ont concouru
à le convaincre que cette maladie ne
pouvoit reconnoître d'autre caufe . La nature
& le caractere de cette fâcheufe maladie
étant bien connue , l'auteur fait voir
qu'il faut néceffairement la combattre par
les moyens qu'il propofe. Cet ouvrage a
été examiné & approuvé par l'Académie
f
MARS. 1755. 137
royale des Sciences de Paris : il va être mis
fous preffe.
Le même a fait encore lecture d'un
autre ouvrage qui a pour titre : Obfervations
médico-phyfiques fur les dangers auxquels
on s'expofe en mangeant des fruits qui
n'ont point encore atteint leur dégré de maturité
, & fur les avantages au contraire qui
résultent de leur ufage lorfqu'ils ont acquis
toute leur perfection.
L'abus trop commun de manger les
fruits avant qu'ils foient murs , & le zéle
de l'auteur pour le bien public , l'ont engagé
à traiter cette matiere .
Après un court expofé des loix générales
de la végétation , il examine la nature des
fruits qui naiffent dans les pays chauds &
dans les pays froids & tempérés ; il fait
voir que la providence a fait naître dans
chaque contrée de la terre des fruits doués
de toutes les propriétés néceffaires pour
garantir les habitans des maladies auxquel
les les expoferoient l'intempérie de l'air
des régions qu'ils habitent. Il reconnoît
d'une part que les fruits aigrelets & acidules
qui naiffent abondamment dans les pays
chauds , contiennent des fucs merveilleux
pour réprimer les effervefcences fougueufes
, & une infinité d'autres accidens que
la chaleur exceffive occafionne dans le fang
13 8 MERCURE DE FRANCE .
de leurs habitans. D'un autre côté , il re
garde les fruits que produifent les pays
froids & tempérés , comme des matieres
favoneufes & délayantes, extrêmement propres
à diffoudre les concrétions & les
épaiffiffemens des liqueurs de ceux qui ha
bitent ces climats. Il entre à cet égard
dans un certain détail fur la nature des
matieres favoneufes , factices & naturelles :
il reconnoît que les favons naturels font
beaucoup plus parfaits que les factices ,
qu'ils font formés d'une union intime de
parties onctueufes extrêmement fines , pénétrées
par un acide végétal , au lieu que les
favons factices ordinaires font les produits
de parties graffes , fort groffieres , unies affez
imparfaitement avec un fel lixiviel , & c.
On voit que l'auteur reconnoît par- tout
un ordre & une fageffe fuprême dans la
formation & la confervation de tous les
êtres. C'eft effectivement en ne perdant
point de vue cet important objet , que les
fçavans fe rapprocheront toujours de la vérité
; au lieu qu'en fe livrant à des fyſtêmes
erronés & dictés par l'efprit d'illufion
, ils ne feront jamais d'accord ni avec
la nature , ni avec eux-mêmes.
M. Navier a auffi fait part d'un travail
qu'il a commencé en 1738 , pour trouver
un lithontriptique , ou diffolvant des pier,
MARS. 1755. 139
1
res humaines ; ouvrage dont il avoit informé
en différens tems MM. de l'Acadé-.
mie royale des Sciences de Paris ; il paroît
avoir conduit fes recherches déja fort loin
il a même fait voir plufieurs de ces pierres
extraordinairement dures, réduites en bouil
lie en fort peu de tems , par le moyen
d'une liqueur fi douce , qu'elle peut être
bûe fans faire aucune impreffion fâcheufe
fur l'eftomac. Il a déja par devers lui des
expériences du bon effet de ce remede ;
mais ,comme il n'a jamais prétendu réuffic
que par la voie des injections , il n'a pû
encore parvenir à autre chofe , finon qu'à
fe rendre certain que ce remede peut être
porté dans la veffie par les injections , fans
y caufer ni douleur ni altération . Si par
un bonheur ineftimable pour l'humanité
on pouvoit parvenir par cette voie à fondre
la pierre dans la veffie , il réfteroit en
core beaucoup à travailler , tant pour fe
perfectionner dans la maniere d'y introduire
la fonde , que dans la matiere & la
forme de cet inftrument ; car il feroit de
la derniere importance de pouvoir l'intro
duire promptement , fûrement & fans dou
leur. M.Navier defireroit que l'on s'exerçât
à fonder avec des alkalis qui n'euffent
prefque point de courbure ; il penfe que
Cette forme feroit plus commode pour ins
140 MERCURE DE FRANCE.
jecter , pour pouvoir tourner la fonde en
rous fens dans la veffie , & pour y pou
voir féjourner long- tems fans bleffer ce
vifcere , & c.
C'est particulierement du génie de nos
grands Chirurgiens que l'on doit efpérer
la perfection dans la forme de cet inftrument
, & dans la maniere de l'infinuer
dans la veffie , ou même de trouver le
moyen de dilater fon fphincter , & d'y
porter un liquide fans avoir recours au
catheter.
On a annoncé cette année deux ouvra
ges imprimés à Edimbourg , dans lesquels
on prétend que l'eau de chaux eft un excellent
diffolvant des pierres humaines pris
intérieurement , ou porté dans la veffic
par les injections .
M. Navier a fait depuis dix-fept à dixhuit
ans un fi grand nombre d'expériences
& de recherches fur les différens lithontriptiques
, qu'il auroit été furprenant que
celui de la chaux lui eût échappé : il a donc
travaillé fur ce diffolvant , comme fur une
infinité d'autres , & il craint qu'il ne réuffiffe
pas autant qu'on le fait efperer ; car
il a reconnu que ce remede avoit peu ou
point d'action fur un très - grand nombre
de pierres humaines . Si M. Whitt a éprouvé
le contraire , cela ne peut venir , ſelon
MA- R S.
1755 141
M. Navier , que de la différence des pierres
qui fe forment chez les Anglois , dont la
boiffon ordinaire eft la bierre , & de celles
qui prennent naiffance chez les François
qui font ufage du vin.
M. Navier n'a eu occafion de travailler
que fur ces dernieres ; peut-être eft- ce cette
différence de boiffon qui a fait que le diffolvant
de Mlle Stephens a été employé
avec fuccès en Angleterre , & qu'il a fi peu
réuffi en France.
M. Navier croit encore être bien fondé
à fe défier de l'eau de chaux : 1 °. parce que
contenant une grande quantité de parties
de feu , ce reméde pris . intérieurement &
à grandes dofes , comme il feroit néceffaire
pour fondre les calculs humains pourroit
intéreffer la fanté des perfonnes délicates.
2 °. Cette eau étant chargée de beaucoup
de parties pierreufes qu'elle tient en
diffolution , ne pourroit - il pas arriver
qu'elles fe dépoferoient dans différens endroits
du corps , peut-être même dans les
reins & dans la veffie ? M. Navier eſt d'aųtant
mieux fondé dans cette opinion , qu'il
a reconnu par l'expérience , qu'un peu d'urine
chaude verfée far de l'eau de chaux ,
la rend laiteufe , & en fait précipiter de
fa fubftance pierreufe. Si donc la même
chofe arrivoit dans les reins ou dans la
142 MERCURE DE FRANCE.
veffie de ceux qui prendroient beaucoup
de ce lithontriptique , comme il y a tout
lieu de le croire , fur- tout chez les pierreux
, qui ont une urine dont l'alkali volatil
eft fort développé , & par conféquent
plus propre à précipiter la partie pierreufe
de l'eau de chaux , ne doit- on pas préfumer
que ce remede pourroit dépofer dans
ces vifceres autant & peut être plus de
fubftance pierreufe qu'ils n'en éleveroient
de calculs qui s'y rencontreroient ? M. Navier
a connoiffance d'un fait qui paroît
bien confirmer cette théorie .
Une perfonne qui avoit une pierre bien
conftatée dans la veffie , s'étoit déterminée
à prendre du lithontriptique de Mlle Stephens
, qui contient , comme l'on fçait
beaucoup de matieres calcaires réduites en
chaux. Après un certain tems de l'uſage
de ce remede , on apperçut dans les urines
du malade beaucoup de parties terreufesblanches
, que l'on croyoit être infailliblement
des débris de la pierre ; mais la
perfonne étant morte , on reconnut avec
furprife , par l'ouverture de la veffie , que
la pierre n'avoit été en aucune façon endommagée.
Donc les portions blanchâtres
& terreufes que l'urine avoit charriées,
venoient des parties de chaux qui entroient
dans le remede anglois. Cela prou오
Y
MARS. 1755. 143
ve qu'on ne peut avoir trop de circonfpection
, même de défiance , dans la vérification
des faits , car ils font fouvent voilés
par des
apparences trompeufes & féduifantes.
M. Whitt a avancé que tout fel lixiviel
eft abfolument incapable de diffoudre la pierre
humaine . M. Navier a remarqué tout le
contraire , ayant conftamment obfervé
dans le nombre des lithontriptiques qu'il a
découvert , que ces fels avoient tous cette
propriété.
Cette différence entre les obfervations
de nos deux auteurs pourroit bien venir
de celle des pierres fur lefquelles ils ont
travaillé , par la raifon rapportée ci -deffus
. En effet M. Navier , d'après qui nous
parlons toujours , a reconnu que ces fels
agiffoient fort différemment , felon la nature
de la pierre ; & il eft perfuadé que
c'eſt cette différence dans les calculs humains
qui mettra toujours le plus d'obftacles
à la découverte d'un lithontriptique
univerfel , c'est-à - dire qui agiffe également
& d'une maniere douce fur toutes les pierres
humaines.
Nous venons de rapporter une partie
des obfervations de M. Navier , que fon
defintéreffement & fon amour pour le
bien public a déterminé à nous communiquer.
#44 MERCURE DE FRANCE.
Quelle louable émulation ! qu'il eft digne
de notre reconnoiffance de voir dans
deux Royaumes auffi floriffans que la France
& l'Angleterre , la Médecine toujours
occupée d'un objet qui tend à délivrer l'hu
manité du plus cruel de tous les maux !
Les affociés fe font féparés le 28 du
mois d'Août , moins pour fe délaffer de
leurs fatigues que pour préparer les mémoires
dont ils rendront compte l'année
prochaine dans leurs féances ; ils font tous
également difpofés à fe rendre dignes de
la protection qu'un grand Prince leur accorde
, à fe mettre en état d'obtenir la
confirmation de leur établiſſement , & à
mériter l'eftime du public.
Fermer
Résumé : SEANCES PARTICULIERES De la Société Littéraire de Châlons.
Le texte présente les activités de la Société Linéraire de Châlons, une association littéraire fondée par M. Dupré d'Aulnay, ancien commissaire des Guerres, avec le soutien de M. le Comte de Saint-Florentin et de M. le Comte de Clermont. Cette société vise à promouvoir les sciences et les lettres. Lors de réunions privées, plusieurs membres ont présenté des dissertations. M. Culoteau de Velye a lu une dissertation sur la consécration des empereurs romains, en se concentrant sur Pertinax, et a présenté une médaille attestant de cette consécration. Il a également comparé la religion des anciens Romains à celle des Grecs, soulignant que la religion romaine était plus rationnelle et fondée sur des principes raisonnables. M. Dupré d'Aulnay a présenté une dissertation sur divers phénomènes naturels, comme l'écoulement magnétique et l'électricité, attribuant ces effets à l'influence du soleil. M. Navier, docteur en médecine, a lu des dissertations sur des maladies populaires en Champagne, sur l'amollissement des os, et sur les dangers de consommer des fruits non mûrs. Ses travaux ont été approuvés par l'Académie royale des Sciences de Paris. Le texte détaille également les recherches de M. Navier sur les lithontriptiques, des substances capables de dissoudre les calculs rénaux. Navier reconnaît la supériorité des savons naturels sur les savons artificiels en raison de leur composition plus fine et plus efficace. Il souligne l'importance de l'ordre et de la sagesse divine dans la formation des êtres vivants. Navier a commencé ses travaux en 1738 pour trouver un lithontriptique efficace. Il a présenté plusieurs pierres dures réduites en bouillie grâce à une liqueur douce, pouvant être bue sans effet nocif sur l'estomac. Cependant, il n'a pas encore pu administrer ce remède par voie interne sans causer de douleur ou d'altération. Le texte mentionne des ouvrages imprimés à Edimbourg qui prétendent que l'eau de chaux est un excellent dissolvant des calculs rénaux. Navier, après de nombreuses expériences, doute de l'efficacité de ce remède, estimant qu'il pourrait causer des dépôts de substances pierreuses dans le corps. Navier critique l'eau de chaux pour ses risques potentiels de déposer des particules pierreuses dans les reins et la vessie, et pour son inefficacité constatée sur de nombreux calculs rénaux. Il relate un cas où une personne ayant pris un lithontriptique à base de chaux a vu des particules blanches dans ses urines, mais la pierre rénale n'a pas été dissoute. Enfin, le texte souligne la différence d'observations entre Navier et M. Whitt concernant l'efficacité des lessives sur les calculs rénaux, attribuant ces divergences à la variabilité des types de calculs. Navier conclut que la découverte d'un lithontriptique universel est complexe en raison de cette variabilité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 196-214
SEANCES PARTICULIERES De la Société Littéraire de Châlons sur Marne.
Début :
La Société littéraire ouvrit ses séances par la lecture du remerciement, envoyé [...]
Mots clefs :
Société littéraire de Châlons, Société littéraire, Cadavres, Cimetière, Calomnie, Coeur, Discours, Exhumation, Sciences, Académies
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SEANCES PARTICULIERES De la Société Littéraire de Châlons sur Marne.
SEANCES PARTICULIERES
De la Société Littéraire de Châlons
fur Marne.
A Société littéraire ouvrit fes féances
Lpar la lecture du remerciement , envoyé
par M. Desforges- Maillard , l'un de
fes Allociés externes.
Ce difcours eft le fruit du zéle que le
nouvel afſocié a toujours fait paroître pour
le progrès des Sciences & des Lettres , dont
l'utilité eft attaquée dans certains ouvrages
enfantés de nos jours par l'amour de
la fingularité , & par l'envie de paroître.....
M. D. F. M. examine les différens paradoxes
, qui tour à tour ont occupé la ſcene ,
& il expofe avec jufteffe & préciſion ce que
nous devons aux fciences , dont l'origine
a été celle des Arts & de l'induftrie , & aux
Lettres qui font la clef des fciences ....
En vain , pour foutenir une opinion
bizarre , allegue -t'on les abus occafionnés
par les oeuvres de la dépravation du coeur.
M. D. F. M. répond que des abus particuliers
il n'eft pas permis de tirer des conféquences
générales .... J'aimerois autant
qu'on avançat que la création du feu eft
DECEMBRE 1755. 197
pernicieufe , parce qu'il dépend d'un fou
de fe précipiter dans les flammes , & que
le feu venant à manquer à la malice hu
maine, il n'y auroit plus d'incendiaires, &c .
M. D. F. M. paffe à l'examen d'une autre
thefe. Comme une erreur fe renouvelle
ordinairement dans une autre , j'ai vu ,
dit-il , mettre en problême fi la multipli
cité des Académies ne feroit point un jour
la perte des talens.... N'eft- ce pas la même
chofe que fi l'on s'avifoit de dire qu'il feroit
dangereux peut- être que la plûpare
des hommes recherchâffent la vertu , parce
que la poffeffion en devenant trop commune
, il n'y auroit plus de gloire à devenir
vertueux ?
Après avoir fait fentir que ces chimériques
fyftêmes ont pris naiffance chez les
uns dans l'ambition & le défefpoir de parvenir
à la fupériorité littéraire , & chez
les autres dans l'ennui que leur caufe l'étude,
... il déplore le malheur de ces aveugles
nés , qui ne devant jamais voir la lumiere
, voudroient pouvoir l'éteindre de
leur fouffle pour tout le genre humain.
Pour réfoudre ce fecond problême , M.
D. F. M. avance avec vérité
avec vérité que les
Capitales des Royaumes ne font pas les
feuls endroits du monde où il foit permis
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
d'être fçavant & d'avoir de l'efprit.... Il eſt
de tous les païs , de tous les tems , de tous
les fexes , de toutes les conditions..... I
parle toutes les langues , & fructifie partout
où il eft cultivé.... D'où il conclud
que la multiplicité des Académies , loin
de pouvoir nuire aux talens , les éleve au
contraire , les encourage , & les multiplie....
Combien en voyons- nous éclorre ;
qui fe fuffent ignorés eux - mêmes , s'ils
ne s'étoient réveillés au bruit flateur de l'émulation
excitée par la gloire prochaine !
Combien de fçavans fe fuffent ensevelis
dès leur naiffance , privés par la fortune
des fecours néceffaires pour fe rendre dans
la Capitale, loin de laquelle on s'imaginoit
par un faux préjugé, qu'il n'étoit pas poffible
de mettre au jour quelque chofe qui fûr
digne de paroître ! ..
M. D. F. M. examine quelles étoient
les fources de cette prévention fatale , &
en affigne trois principales ; le chagrin de
manquer , dans la Province , d'équitables &
de fages critiques , que l'on pût familiérement
confulter fur fes effais ; le défagrément
de produire de bonnes chofes , fans
avoir d'approbateurs , dans des lieux où les
hommes capables de juger demeuroient
ifolés dans leurs cabinets , & de ne trouDECEMBRE.
1755. 199
ver dans le refte des Citoyens que des ames
infenfibles aux fruits de leurs veilles ....
L'établiſſement des Sociétés Littéraires
dans les Villes les plus confidérables des
Provinces lui paroît avoir levé tous les obftacles
que la distance de la Capitale oppofoit
au progrès des beaux Arts. Il entre
dans le détail des avantages que l'on retire
tous les jours de ces fortes d'établiſſemens,
ce qui le conduit naturellement à l'éloge
de l'Académie Françoife , qu'il nomme
avec autant de juftice que de vérité , la
Reine des Académies ..... Une comparaifon
délicate , heureufement amenée , fournit
à M. D. F. M. l'occafion de marquer fon attachement
au premier Tribunal du Royaume
par un éloge bien mérité de ce Sénat
par excellence.... Nous voudrions pouvoir
communiquer à nos lecteurs toutes les
beautés de ce morceau . Nous terminerons
cet extrait par l'éloge du Prince , Protec
teur.... » Scipion à la guerre , le laurier de.
» Mars le couronne ; Scipion pendant la
paix , il honore les Térences de fon ef-
" time , de fes confeils & de fon amitié....
Parlant enfuite de la réception de ce Prince
à l'Académie Françoife , M. D. F. M. dit.
que cet événement doit être à jamais écrit .
en lettres d'or ; événement qui comble
ود
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
d'honneur , non feulement les Académiciens
vivans , mais dont l'éclat rétroactif
réjaillir fur ceux mêmes qui ont payé le
fatal tribut à la nature.... & c.
A la fuite de ce difcours étoit une ode ,
tirée du Pleaume 45. Deus nofter refugium
& virtus , adjutor in tribulationibus...
M. l'Abbé Suicer , Licencié ès Loix ,
chargé de répondre à ce difcours , fir l'éloge
du nouveau récipiendaire. Nous allons
tranfcrire les principaux traits de ce
morceau, qui nous a paru vrai &bien frappé.
» Où vit - on un génie plus heureux &
» plus fécond , une imagination plus brillante
& plus ornée ? Beauté dans les
» images ; délicateffe dans les fentimens ;
» finelle dans les expreffions.... Quel genre
savez-vous effayé qui n'ait réuffi entre
» vos mains ? .... Perfonne n'écrivit avec
plus de force , ne badina avec plus d'efprit
, ne conta avec plus de légereté....
» L'empreffement que le public a marqué
pour vos ouvrages , à mefure qu'ils
voyoient le jour , n'a rien qui doive fur-
» prendre : il étoit l'effet de ce goût pour
»la belle nature , qui fe trouve toute en-
» tiere avec fes graces naïves dans ces pro-
→ductions admirables , dignes d'un fiecle
plus équitable ou moins prévenu .
DECEMBRE. 1755. 201.
M. l'Abbé Suicer caractériſe enfuite les
Ouvrages qui ont paru fous le nom de
Mile Malerais Delavigne : « Vos charman-
» tes hirondelles ont pris leur vol en
" 1730 ( 1 ) , & fur leurs aîles legeres ont
porté dans toute l'Europe fçavante la réputation
juftement méritée de celui qui
» leur avoit donné l'être....
M. Culoteau de Velie , Avocat du Roi
au Préfidial , Directeur , a lu un difcours
fur l'abus des talens ; fon ouvrage eft divifé
en deux parties : dans la premiere , if
examine quelle peut être la fource de ces
abus , & croit la trouver dans l'amourpropre
& la cupidité : l'un gâte l'efprit ,
l'autre corrompt le coeur ; le premier diminuant
à fes yeux ( de l'homme ) l'idée
de fes propres défauts , augmente en mê
me-tems celle de fon mérite ; la feconde
le foumet à l'empire des paffions : de l'un
naiffent la folle vanité , l'ambition , Penvie
, &c ; de l'autre l'intempérance , la
diffipation , la débauche , &c ; de toutes
les deux fuit la perte de l'homme entier.
M. D. V. parcourt quelques états de la
vie : il y découvre divers abus des talens .
Comme fon deffein eft moins d'entrer dans
(1 ) L'Idylle des hirondelles a été imprimée dans
le Mercure de France , Décembre 1730 , 1 vol. g.
2577
I iv
202 MERCURE DE FRANCE.
un détail fuivi , que de chercher les moyens
de les prévenir , ou d'y remédier ; il effaye
de les déterminer dans la feconde partie.
D'abord il confidere l'homme dans les premieres
années de fa jeuneffe , dans ces
tems heureux où l'efprit cherche à connoître
, & le coeur commence à défirer : invefti
par une multitude d'objets , également
nouveaux & inconnus , peut - être
dangereux , M. D. V. reconnoît qu'un
guide feroit bien utile à l'homme pour
éclairer fon ignorance , former fon goût ,
diriger fes pas incertains.... Il demande ce
guide rempli de zéle.... Il veut qu'il réuniffe
les qualités du coeur aux dons de l'efprit....
M. D. V. confidere enfuite l'homme plus
avancé en âge : dans la fuppofition que les
paffions auront pris le deffus : il indique
trois moyens pour rétablir tout dans l'ordre
: » Aimer la vérité , étudier la fageffe ,
» & chercher dans la fociété des gens de
» bien les fecours néceffaires pour arriver
plus furement à la connoiffance de l'une
» & de l'autre. »> M. D. V. prouve la néceffité
de ces trois points par des exemples
tirés de l'histoire , & par des autorités ref,
pectables.
M. Dupré d'Aulnay , ancien Commiffaire
des Guerres , Chevalier de l'Ordre
DECEMBRE. 1755. 203
de Chriſt , de la Société Littéraire d'Arras ,
lut un Mémoire fur l'écoulement de la matiere
fubtile dans le fer & dans l'aimant
par lequel il combat le fyftême de Descartes,
& de quelques Phyficiens qui l'ont fuivi ,
& qui attribuent la détermination de cet
écoulement dans le fer à des poils qu'ils
fuppofent exiſter dans ce métal , &c. Il explique
de quelle maniere les émanations
du foleil & de l'air fubtil agiffent fur les
corps mols ou folides ; il réfute la prétention
de ceux qui foutiennent que la ma
tiere magnétique fe meut avec plus de facilité
dans le fer que dans l'air , & rapporte
diverfes propriétés de la matiere univerfelle
connue fous différentes dénominations
d'air fubil , d'éther , de matiere
électrique , &c. Sur tous ces articles , l'Auteur
entre dans une infinité de détails phyfiques
qu'il n'eft guere poffible d'abréger.
M. Navier , Docteur en Médecine , Affocié-
Correfpondant de l'Académie Royale
des Sciences de Paris , toujours occupé de
recherches utiles , a lu une differtation
fur le danger des exhumations en général ,
& en particulier fur celle que Pon fe propofoit
de faire des cadavres qui repofent
dans le cimetiere ( 1 ) de la Paroiffe de
S. Alpin de Châlons.
(1 ) On avoit formé le projet d'agrandir la
1 vi
204 MERCURE DE FRANCE.
Ce Mémoire a deux parties ; dans la
premiere M. N. établit les différens degrés
de corruption que parcourent fucceffivement
les corps des animaux deftitués de
vie , & qui doivent les conduire à une
deftruction totale . De ces principes il conclud
que le monftrueux mêlange qui réfulte
de la putréfaction , venant à s'élever
fous la forme d'exhalaifons infectes ,
& pouvant atteindre jufqu'à l'intérieur
des organes tendres & délicats des corps
animés , il y porteroit infailliblement la
deftruction... Ces exhalaifons fe tranfmettroient
plus ou moins à tous ceux qui ſe
trouveroient dans cette atmoſphere ... Nos
liqueurs une fois imprégnées de ces parties
virulentes,ne s'en dépouilleroient qu'avec
peine , & plufieurs fuccomberoient ,
malgré les efforts redoublés que la nature
Place qui eft devant l'Hôtel de Ville, par le retranchement
du Cimetiere de S. Alpin , qui en occupe
une bonne partie . On devoit transporter incelfamment
les cadavres de ce cimetiere dans un autre
également au coeur de la Ville . M. N averti
des préparations que l'on faifoit à cet effet , & prévoyant
les fâcheux accidens auxquels la Ville alloit
être expofée par une exhumation auffi précipitée
, car il y avoit à peine dix-huit mois que
l'on ceffoit d'y enterrer , fe propofa de faire
connoître les funeftes effets qui alloient en réfalter.
DECEMBRE . 1755. 205
pourroit faire pour fecouer le joug d'un
ennemi auffi redoutable.... Le malheur qui
en réfulteroit , ne fe borneroit pas feulement
au court efpace de temps pendant
lequel l'air fe trouveroit alteré. Une partie
des miafmes corrupteurs
qui fe feroient
gliffés dans les corps vivans , y
pourroient féjourner fort long- temps , en
fe tranfmettant
des uns aux autres , ou
même en s'y tenant comme cachés pendant
un certain temps , avant que d'y exercer
leur fureur....
M. N. obferve qu'en telle circonftance
le poifon fe gliffe dans les corps par plus
d'une voie .... Les pores cutanés , la refpiration
, les nourritures , &c , font autant de
moyens qui en facilitent l'introduction ....
Un intervalle de dix huit à vingt mois ne
lui paroît pas un temps fuffifant pour confumer
tous les cadavres d'un cimetiere ,
& pour laiffer aux parties corrompues
dont la terre eft pénétrée , le loifir de
fe diffiper ou de changer entierement de
nature , en reprenant leurs premieres formes
& principes....
Il le prouve , 1 ° . par l'exhumation des
cadavres d'un cimetiere ( 1 ) de Châlons,
,
(1 ) Le cimetiere , dit De la Madeleine , appartenant
à l'Hôtel-Dieu . Cette exhumation fe fit en
1724.
Z06 MERCURE DE FRANCE.
lefquels , quoiqu'au bout de quatre ans
au moins , ne fe trouverent cependant pas
à beaucoup près confumés , exhalant encore
une odeur fi infecte , que l'on avoit
peine d'y réfifter , malgré la quantité d'encens
que l'on brûloit. 2 °. Par le rapport de
différens foffoyeurs , qui tous affurent ,
d'après l'expérience , qu'il y auroit danger
d'ouvrir les tombeaux avant quatre ans.
Il en eft même , ajoute M. N. qui ont
obfervé que la pluie confervoit les corps
morts. 3 °. Par le récit d'un fait , dont luimême
a été témoin tout récemment. Un
foffoyeur , en creufant une foffe ( 1 ) , lui
a fait voir les débris de trois cadavres qui
étoient l'un fur l'autre , encore tous chargés
de fubftance charnue , de cheveux &
d'entrailles , quoiqu'il y eut vingt ans que
le premier étoit inhumé , le ſecond onze
ans , & le troifieme huit.
Dans la feconde partie , M. N. propoſe
les moyens qu'il juge les plus propres pour
garantir de la contagion prefque inévitable
, ceux qui font exposés au mauvais
air des exhumations . Il confeille de les differer
le plus qu'il eft poffible , comme le
(1 ) Dans l'Eglife Collégiale & Paroiffiale de
Notre Dame en Vaux , le foffoyeur avoit été
obligé de quitter plufieurs fois l'ouvrage pour
aller refpirer un nouvel air.
DECEMBRE. 1755. 207
moyen le plus fûr. Si une néceflité extrê
me ne permet aucun délai , il faut prendre
des précautions . La premiere , & une
des plus effentielles , confifte à faire dans
les cimetieres plufieurs petites tranchées ,
que l'on remplira de chaux- vive , fur laquelle
on aura foin de jetter beaucoup
d'eau . L'eau imprégnée des particules
ignées & abforbantes de la chaux , pénétreront
la terre & les reftes des cadavres dont
elles détruiront les miafmes corrupteurs ,
en tout ou en partie .... Réiterer cette opération
plus ou moins , felon la quantité
& l'état des cadavres.... Employer toujours
de la chaux nouvelle , & fort chargée
de parties de feu... 2 °. Choifir pour
l'exhumation , le temps le plus froid de
l'année , celui où le vent du Nord
regnera
le plus.... 3 ° . Allumer de grands feux autour
du cimetiere .... tirer du canon , ou
faire détonner au moins trois ou quatre
fois par jour , tout autre inftrument chargé
de poudre fulminante.... Ces derniers
moyens , dit M. N. ont la propriété de
corriger & de détruire efficacement les
exhalaifons putrides . dont l'atmoſphere
pourroit encore fe trouver chargée ; d'accélerer
les courans de l'air , &c. ( 1 )
•
J
(1) Meffieurs les Officiers municipaux , fur les
représentations qui leur ont été faites par M. N
208 MERCURE DE FRANCE.
Ceux qui fouhaiteront connoître plus à
fonds l'excellence de ces moyens pour les
temps de contagion , peuvent confulter
un ouvrage que M. N. a donné au Public
en 1753 , où il développe le méchanifme,
par lequel ils operent des effets fi prompts
& fi falutaires. Il fe trouve à Paris , chez
Cavelier , rue faint Jacques , au lys d'or.
L'ufage d'enterrer dans les Eglifes , &
d'expofer les offemens de corps morts dans
des Charniers , a donné lieu à M. Navier
de faire des obfervations fur ce double
abus. Dans un fecond mémoire qui est une
fuite du précedent , il s'éleve avec raifon
contre les inhumations dans les Eglifes ,
que l'on permet trop fréquemment , furtout
à Châlons , fous le fpécieux prétexte
de quelque profit qui en revient aux Fabriques.
Il obferve que les enterremens
dans les Eglifes n'ont point été permis
avant le neuvieme fiecle ; que depuis
qu'ils ne font plus défendus , ils ont toujours
occafionné des accidens très -fâcheux.
Il en rapporte quelques-uns , tant anciens
que nouveaux, arrivés à Châlons, à Montpellier,
à Paris , dans les Royaumes étrangers
, &c. Les terres que l'on remue , en
creufant de nouvelles foffes dans les Egli-
, ont ordonné fur le champ de difcontinuer le re
muement des terres du cimetiere de S. Alpin.
DECEMBRE. 1755. 209.
fes, fe trouvant imprégnées d'une grande
quantité de parties corrompues que les
cadavres y ont tranfmis ; il n'eft pas étonnant
qu'il en résulte des effets auffi funeftes....
Si les corps des animaux deftitués
de vie , abandonnés en plein air , occafionnent
fouvent des maladies contagieufes
, quoique l'air libre où ils fe trouvent
expofés , enleve & balaye , pour ainfi dire
continuellement les miafmes putrides qui
s'élevent de ces cadavres , à meſure qu'ils
fe corrompent , que n'y- a- t'il pas à craindre
dans les Eglifes où l'on enterre beaucoup
de monde ? .... Ce font ces parties:
empoifonnées , dont la terre fe trouve imprégnée
, qui ont caufé la mort à une in-.
finité de folloyeurs , en ouvrant des terreins
où même il ne fe trouvoit aucuns:
veftiges de cadavres.... C'eft auffi la raiſon
pour laquelle ils ne peuvent creufer une
foffe qu'en plufieurs reprifes. Interrogezles
, dit M. N. ils vous répondront qu'ils
ſe ſentent comme fuffoqués , lorfqu'ils y
reftent long- temps.... Cet Académicien
attribue , avec Ramazzini , la courte du
rée de leur vie, aux vapeurs infectées qu'ils
reſpirent.
Pour remedier à cet abus , le moyen le
plus efficace , felon M. N. feroit de net
point enterrer dans les Eglifes , ou au210
MERCURE DE FRANCE.
moins de le faire très- rarement. Alors il
recommande d'éteindre beaucoup de chaux
fur les corps , n'y ayant pas de méthode
plus fure pour les détruire promptement ,
fans qu'ils paffent , pour ainfi dire , par
aucun degré de corruption ....
Malgré ces précautions , comme l'air
des Eglifes pourroit toujours être un peu
alteré, M. N. propoſe un moyen bien fimple
pour lui rendre toute fa pureté ; moyen
qui a été indiqué dans les Mémoires de
l'Académie Royale des Sciences de Paris ,
vol. 1748 , pour renouveller l'air des Hôpitaux
: ce feroit de pratiquer des jours
vers les voûtes , à certaines diſtances , en
détachant quelques carreaux de vitres les
plus elevés. Ces petites ouvertures , qui ne
pourroient donner beaucoup de froid ,
procureroient à l'air extérieur une libre
communication avec l'intérieur.
M. N. n'approuve point l'établiſſement
des Charniers. Il nous apprend un fait qui
mérite quelque attention . J'ai fouvent été,
dit-il , vifiter les Charniers dans les divers
endroits où j'ai fait quelque réfidence, & j'y
ai toujours vu des os ( 1 ) chargés de parties
(1) Nous fommes en état de confirmer la vérité
de ce récit , par un autre fait , qui a eu pour
témoin une perfonne de grande confidération.
Elle a vu dans un charnier une tête de mort ,
dont la cervelle dégoutoit encore,
DECEMBRE. 1755 .
21T
charnues & corrompues
.... Ne devroit- on
pas remédier à un tel abus , & défendre ,
fous des peines exemplaires
, d'expofer en
plein air les offemens des cadavres , qui
peuvent toujours l'alterer par des exhalaifons
mal-faifantes , quand bien même ils
ne feroient point chargés de parties charnues....
On ne peut veiller avec trop de
foin à entrenir l'air dans toute fa pureté,
puifque la vie & la fanté en dépendent....
M. N. conclud à la fuppreffion
& deftruction
des Charniers , qui lui paroiffent plus
nuifibles qu'utiles : il defireroit qu'on obligeât
les foffoyeurs à remettre en terre tous
les offemens qu'ils pourroient
trouver en
creufant les foffes....
Nous nous fommes un peu étendus fur
cés deux Mémoires , à caufe de l'importance
des matieres qui y font traitées. Il
feroit à fouhaiter , pour le bien de l'humanité,
que le miniftere public entrât dans
les fages vues de l'Auteur .
M. Viallet , l'un des Ingenieurs
de la
Province, & Membre de la Société , lut
des remarques fur la divifibilité de la matiere
, relatives au fyftême de Needham ,
dans fes obfervations
microfcopiques
; cetre
differtation
, qui eft toute en calculs &
dimenfions
, n'eft pas fufceptible d'extrait.
M. Meunier , Avocat en Parlement
212 MERCURE DE FRANCE.
dans une fuite de réflexions fut la mort ,
s'attacha à montrer l'aveuglement des
hommes qui vivent comme s'ils ne devoient
jamais mourir ; & après avoir fait
connoître , par une expofition touchante
de ce que nous voyons arriver tous les
jours , que la force du tempérament & la
bonté de la complexion ne font point des
titres fur lefquels on puiffe fe promettre
une longue vie , il examina ces deux importantes
queſtions : « Pourquoi dans le mon
» de on a tant de foin d'écarter la pensée
» de la mort ; & pourquoi , tandis que
tout paffe dans la nature , l'homme feul
voudroit toujours demeurer. »
M. l'Abbé Suicer a lu des réflexions en
vers fur le peu de fruit qu'operent aujourd'hui
les Prédications. Il en attribue la
caufe , & au Miniftre qui cherche moins
à convertir, qu'à fe faire un nom ; & aux
Auditeurs , que l'habitude & la curiofité
menent fouvent à l'Eglife , plutôt que le
defir de l'inftruction .
Nous terminerons ce Programme par
l'extrait d'un difcours fur la Calomnie ,
envoyé par M. de la Motte-Conflans ,
Avocat , l'un des Affociés externes.
Le fameux Tableau dans lequel Apelle
repréſenta les attributs de la calomnie , a
fourni la matiere & l'idée de ce difcours.
DECEMBRE. 1755. 213
Voici la defcription que M. D. L. M. C.
fait de la calomnie , d'après ce chef- d'oeuvre
de la Peinture : « L'envie eft preſque
toujours fon motif. La flatterie eft un
reffort qu'elle fait jouer avec le plus funefte
fuccès. Elle porte le feu de la difcorde
, & facrifie la trop foible innocence
avec une fureur impitoyable . C'eſt
» à la crédulité qu'elle s'adreffe : la crédulité
eft la fille de l'ignorance , & l'ignorance
fe livre facilement aux impreffions
du foupçon . Cependant la vérité
» cherche à fe faire jour ; elle s'avance à
lents , & fait marcher le trifte repentir
à la fuite de la calomnie...."
و ر
pas
M. D. L. M. C. ne fe borne point à une
ftérile admiration de ce célebre morceau :
la morale lui fournit des traits lumineux ,
& des leçons utiles pour tous les Etats.
Le Sage regarde la calomnie comme un
avis falutaire qui lui indique les vices
qu'il doit éviter , & le mérite calomnié
acquiert un nouveau luftre... Ces deux réflexions
, dit M. D. L. M. C. fuffifent pour
nous mettre au- deffus des traits d'une fatyre
injufte .... Il s'applique à les développer
dans le cours de fon ouvrage. Nous
ne le fuivrons pas dans fa marche , nous
nous contenterons feulement de copier ici
quelques-unes de ces réflexions.
1
214 MERCURE DE FRANCE.
Le Philofophe faifit toutes les inftructions
avec empreffement . L'amertume qui
les accompagne, ne peut l'effrayer , c'eſt à
la perfection qu'il tend : aucun obſtacle
n'eft capable de le détourner de fon objet.
Une prudente diffimulation & la perfévérance
dans le bien ; telles font les armes
qu'il oppofe à la calomnie .... Cette
leçon eft de pratique.
Le fouffle de la calomnie ne peut jamais
éteindre le flambeau de la vérité , qui fans
ceffe éclaire les démarches de la vertu.
Que le menfonge , pour frapper des coups
plus violens , épuile toutes fes odieufes
reffources , ils viendront tôt ou tard ces
temps heureux , où l'impofture fera forcée
de rendre hommage à la vérité.…... Ceci eſt
la confolation de l'innocence.
En finiffant fa differtation , M. de la
Motte-Conflans obſerve qu'il eft furprenant
que parmi tant de Peintres célebres ,
qui ont fleuri depuis deux fiecles , aucun
n'ait tenté de faire revivre le tableau d'Apelle.
De la Société Littéraire de Châlons
fur Marne.
A Société littéraire ouvrit fes féances
Lpar la lecture du remerciement , envoyé
par M. Desforges- Maillard , l'un de
fes Allociés externes.
Ce difcours eft le fruit du zéle que le
nouvel afſocié a toujours fait paroître pour
le progrès des Sciences & des Lettres , dont
l'utilité eft attaquée dans certains ouvrages
enfantés de nos jours par l'amour de
la fingularité , & par l'envie de paroître.....
M. D. F. M. examine les différens paradoxes
, qui tour à tour ont occupé la ſcene ,
& il expofe avec jufteffe & préciſion ce que
nous devons aux fciences , dont l'origine
a été celle des Arts & de l'induftrie , & aux
Lettres qui font la clef des fciences ....
En vain , pour foutenir une opinion
bizarre , allegue -t'on les abus occafionnés
par les oeuvres de la dépravation du coeur.
M. D. F. M. répond que des abus particuliers
il n'eft pas permis de tirer des conféquences
générales .... J'aimerois autant
qu'on avançat que la création du feu eft
DECEMBRE 1755. 197
pernicieufe , parce qu'il dépend d'un fou
de fe précipiter dans les flammes , & que
le feu venant à manquer à la malice hu
maine, il n'y auroit plus d'incendiaires, &c .
M. D. F. M. paffe à l'examen d'une autre
thefe. Comme une erreur fe renouvelle
ordinairement dans une autre , j'ai vu ,
dit-il , mettre en problême fi la multipli
cité des Académies ne feroit point un jour
la perte des talens.... N'eft- ce pas la même
chofe que fi l'on s'avifoit de dire qu'il feroit
dangereux peut- être que la plûpare
des hommes recherchâffent la vertu , parce
que la poffeffion en devenant trop commune
, il n'y auroit plus de gloire à devenir
vertueux ?
Après avoir fait fentir que ces chimériques
fyftêmes ont pris naiffance chez les
uns dans l'ambition & le défefpoir de parvenir
à la fupériorité littéraire , & chez
les autres dans l'ennui que leur caufe l'étude,
... il déplore le malheur de ces aveugles
nés , qui ne devant jamais voir la lumiere
, voudroient pouvoir l'éteindre de
leur fouffle pour tout le genre humain.
Pour réfoudre ce fecond problême , M.
D. F. M. avance avec vérité
avec vérité que les
Capitales des Royaumes ne font pas les
feuls endroits du monde où il foit permis
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
d'être fçavant & d'avoir de l'efprit.... Il eſt
de tous les païs , de tous les tems , de tous
les fexes , de toutes les conditions..... I
parle toutes les langues , & fructifie partout
où il eft cultivé.... D'où il conclud
que la multiplicité des Académies , loin
de pouvoir nuire aux talens , les éleve au
contraire , les encourage , & les multiplie....
Combien en voyons- nous éclorre ;
qui fe fuffent ignorés eux - mêmes , s'ils
ne s'étoient réveillés au bruit flateur de l'émulation
excitée par la gloire prochaine !
Combien de fçavans fe fuffent ensevelis
dès leur naiffance , privés par la fortune
des fecours néceffaires pour fe rendre dans
la Capitale, loin de laquelle on s'imaginoit
par un faux préjugé, qu'il n'étoit pas poffible
de mettre au jour quelque chofe qui fûr
digne de paroître ! ..
M. D. F. M. examine quelles étoient
les fources de cette prévention fatale , &
en affigne trois principales ; le chagrin de
manquer , dans la Province , d'équitables &
de fages critiques , que l'on pût familiérement
confulter fur fes effais ; le défagrément
de produire de bonnes chofes , fans
avoir d'approbateurs , dans des lieux où les
hommes capables de juger demeuroient
ifolés dans leurs cabinets , & de ne trouDECEMBRE.
1755. 199
ver dans le refte des Citoyens que des ames
infenfibles aux fruits de leurs veilles ....
L'établiſſement des Sociétés Littéraires
dans les Villes les plus confidérables des
Provinces lui paroît avoir levé tous les obftacles
que la distance de la Capitale oppofoit
au progrès des beaux Arts. Il entre
dans le détail des avantages que l'on retire
tous les jours de ces fortes d'établiſſemens,
ce qui le conduit naturellement à l'éloge
de l'Académie Françoife , qu'il nomme
avec autant de juftice que de vérité , la
Reine des Académies ..... Une comparaifon
délicate , heureufement amenée , fournit
à M. D. F. M. l'occafion de marquer fon attachement
au premier Tribunal du Royaume
par un éloge bien mérité de ce Sénat
par excellence.... Nous voudrions pouvoir
communiquer à nos lecteurs toutes les
beautés de ce morceau . Nous terminerons
cet extrait par l'éloge du Prince , Protec
teur.... » Scipion à la guerre , le laurier de.
» Mars le couronne ; Scipion pendant la
paix , il honore les Térences de fon ef-
" time , de fes confeils & de fon amitié....
Parlant enfuite de la réception de ce Prince
à l'Académie Françoife , M. D. F. M. dit.
que cet événement doit être à jamais écrit .
en lettres d'or ; événement qui comble
ود
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
d'honneur , non feulement les Académiciens
vivans , mais dont l'éclat rétroactif
réjaillir fur ceux mêmes qui ont payé le
fatal tribut à la nature.... & c.
A la fuite de ce difcours étoit une ode ,
tirée du Pleaume 45. Deus nofter refugium
& virtus , adjutor in tribulationibus...
M. l'Abbé Suicer , Licencié ès Loix ,
chargé de répondre à ce difcours , fir l'éloge
du nouveau récipiendaire. Nous allons
tranfcrire les principaux traits de ce
morceau, qui nous a paru vrai &bien frappé.
» Où vit - on un génie plus heureux &
» plus fécond , une imagination plus brillante
& plus ornée ? Beauté dans les
» images ; délicateffe dans les fentimens ;
» finelle dans les expreffions.... Quel genre
savez-vous effayé qui n'ait réuffi entre
» vos mains ? .... Perfonne n'écrivit avec
plus de force , ne badina avec plus d'efprit
, ne conta avec plus de légereté....
» L'empreffement que le public a marqué
pour vos ouvrages , à mefure qu'ils
voyoient le jour , n'a rien qui doive fur-
» prendre : il étoit l'effet de ce goût pour
»la belle nature , qui fe trouve toute en-
» tiere avec fes graces naïves dans ces pro-
→ductions admirables , dignes d'un fiecle
plus équitable ou moins prévenu .
DECEMBRE. 1755. 201.
M. l'Abbé Suicer caractériſe enfuite les
Ouvrages qui ont paru fous le nom de
Mile Malerais Delavigne : « Vos charman-
» tes hirondelles ont pris leur vol en
" 1730 ( 1 ) , & fur leurs aîles legeres ont
porté dans toute l'Europe fçavante la réputation
juftement méritée de celui qui
» leur avoit donné l'être....
M. Culoteau de Velie , Avocat du Roi
au Préfidial , Directeur , a lu un difcours
fur l'abus des talens ; fon ouvrage eft divifé
en deux parties : dans la premiere , if
examine quelle peut être la fource de ces
abus , & croit la trouver dans l'amourpropre
& la cupidité : l'un gâte l'efprit ,
l'autre corrompt le coeur ; le premier diminuant
à fes yeux ( de l'homme ) l'idée
de fes propres défauts , augmente en mê
me-tems celle de fon mérite ; la feconde
le foumet à l'empire des paffions : de l'un
naiffent la folle vanité , l'ambition , Penvie
, &c ; de l'autre l'intempérance , la
diffipation , la débauche , &c ; de toutes
les deux fuit la perte de l'homme entier.
M. D. V. parcourt quelques états de la
vie : il y découvre divers abus des talens .
Comme fon deffein eft moins d'entrer dans
(1 ) L'Idylle des hirondelles a été imprimée dans
le Mercure de France , Décembre 1730 , 1 vol. g.
2577
I iv
202 MERCURE DE FRANCE.
un détail fuivi , que de chercher les moyens
de les prévenir , ou d'y remédier ; il effaye
de les déterminer dans la feconde partie.
D'abord il confidere l'homme dans les premieres
années de fa jeuneffe , dans ces
tems heureux où l'efprit cherche à connoître
, & le coeur commence à défirer : invefti
par une multitude d'objets , également
nouveaux & inconnus , peut - être
dangereux , M. D. V. reconnoît qu'un
guide feroit bien utile à l'homme pour
éclairer fon ignorance , former fon goût ,
diriger fes pas incertains.... Il demande ce
guide rempli de zéle.... Il veut qu'il réuniffe
les qualités du coeur aux dons de l'efprit....
M. D. V. confidere enfuite l'homme plus
avancé en âge : dans la fuppofition que les
paffions auront pris le deffus : il indique
trois moyens pour rétablir tout dans l'ordre
: » Aimer la vérité , étudier la fageffe ,
» & chercher dans la fociété des gens de
» bien les fecours néceffaires pour arriver
plus furement à la connoiffance de l'une
» & de l'autre. »> M. D. V. prouve la néceffité
de ces trois points par des exemples
tirés de l'histoire , & par des autorités ref,
pectables.
M. Dupré d'Aulnay , ancien Commiffaire
des Guerres , Chevalier de l'Ordre
DECEMBRE. 1755. 203
de Chriſt , de la Société Littéraire d'Arras ,
lut un Mémoire fur l'écoulement de la matiere
fubtile dans le fer & dans l'aimant
par lequel il combat le fyftême de Descartes,
& de quelques Phyficiens qui l'ont fuivi ,
& qui attribuent la détermination de cet
écoulement dans le fer à des poils qu'ils
fuppofent exiſter dans ce métal , &c. Il explique
de quelle maniere les émanations
du foleil & de l'air fubtil agiffent fur les
corps mols ou folides ; il réfute la prétention
de ceux qui foutiennent que la ma
tiere magnétique fe meut avec plus de facilité
dans le fer que dans l'air , & rapporte
diverfes propriétés de la matiere univerfelle
connue fous différentes dénominations
d'air fubil , d'éther , de matiere
électrique , &c. Sur tous ces articles , l'Auteur
entre dans une infinité de détails phyfiques
qu'il n'eft guere poffible d'abréger.
M. Navier , Docteur en Médecine , Affocié-
Correfpondant de l'Académie Royale
des Sciences de Paris , toujours occupé de
recherches utiles , a lu une differtation
fur le danger des exhumations en général ,
& en particulier fur celle que Pon fe propofoit
de faire des cadavres qui repofent
dans le cimetiere ( 1 ) de la Paroiffe de
S. Alpin de Châlons.
(1 ) On avoit formé le projet d'agrandir la
1 vi
204 MERCURE DE FRANCE.
Ce Mémoire a deux parties ; dans la
premiere M. N. établit les différens degrés
de corruption que parcourent fucceffivement
les corps des animaux deftitués de
vie , & qui doivent les conduire à une
deftruction totale . De ces principes il conclud
que le monftrueux mêlange qui réfulte
de la putréfaction , venant à s'élever
fous la forme d'exhalaifons infectes ,
& pouvant atteindre jufqu'à l'intérieur
des organes tendres & délicats des corps
animés , il y porteroit infailliblement la
deftruction... Ces exhalaifons fe tranfmettroient
plus ou moins à tous ceux qui ſe
trouveroient dans cette atmoſphere ... Nos
liqueurs une fois imprégnées de ces parties
virulentes,ne s'en dépouilleroient qu'avec
peine , & plufieurs fuccomberoient ,
malgré les efforts redoublés que la nature
Place qui eft devant l'Hôtel de Ville, par le retranchement
du Cimetiere de S. Alpin , qui en occupe
une bonne partie . On devoit transporter incelfamment
les cadavres de ce cimetiere dans un autre
également au coeur de la Ville . M. N averti
des préparations que l'on faifoit à cet effet , & prévoyant
les fâcheux accidens auxquels la Ville alloit
être expofée par une exhumation auffi précipitée
, car il y avoit à peine dix-huit mois que
l'on ceffoit d'y enterrer , fe propofa de faire
connoître les funeftes effets qui alloient en réfalter.
DECEMBRE . 1755. 205
pourroit faire pour fecouer le joug d'un
ennemi auffi redoutable.... Le malheur qui
en réfulteroit , ne fe borneroit pas feulement
au court efpace de temps pendant
lequel l'air fe trouveroit alteré. Une partie
des miafmes corrupteurs
qui fe feroient
gliffés dans les corps vivans , y
pourroient féjourner fort long- temps , en
fe tranfmettant
des uns aux autres , ou
même en s'y tenant comme cachés pendant
un certain temps , avant que d'y exercer
leur fureur....
M. N. obferve qu'en telle circonftance
le poifon fe gliffe dans les corps par plus
d'une voie .... Les pores cutanés , la refpiration
, les nourritures , &c , font autant de
moyens qui en facilitent l'introduction ....
Un intervalle de dix huit à vingt mois ne
lui paroît pas un temps fuffifant pour confumer
tous les cadavres d'un cimetiere ,
& pour laiffer aux parties corrompues
dont la terre eft pénétrée , le loifir de
fe diffiper ou de changer entierement de
nature , en reprenant leurs premieres formes
& principes....
Il le prouve , 1 ° . par l'exhumation des
cadavres d'un cimetiere ( 1 ) de Châlons,
,
(1 ) Le cimetiere , dit De la Madeleine , appartenant
à l'Hôtel-Dieu . Cette exhumation fe fit en
1724.
Z06 MERCURE DE FRANCE.
lefquels , quoiqu'au bout de quatre ans
au moins , ne fe trouverent cependant pas
à beaucoup près confumés , exhalant encore
une odeur fi infecte , que l'on avoit
peine d'y réfifter , malgré la quantité d'encens
que l'on brûloit. 2 °. Par le rapport de
différens foffoyeurs , qui tous affurent ,
d'après l'expérience , qu'il y auroit danger
d'ouvrir les tombeaux avant quatre ans.
Il en eft même , ajoute M. N. qui ont
obfervé que la pluie confervoit les corps
morts. 3 °. Par le récit d'un fait , dont luimême
a été témoin tout récemment. Un
foffoyeur , en creufant une foffe ( 1 ) , lui
a fait voir les débris de trois cadavres qui
étoient l'un fur l'autre , encore tous chargés
de fubftance charnue , de cheveux &
d'entrailles , quoiqu'il y eut vingt ans que
le premier étoit inhumé , le ſecond onze
ans , & le troifieme huit.
Dans la feconde partie , M. N. propoſe
les moyens qu'il juge les plus propres pour
garantir de la contagion prefque inévitable
, ceux qui font exposés au mauvais
air des exhumations . Il confeille de les differer
le plus qu'il eft poffible , comme le
(1 ) Dans l'Eglife Collégiale & Paroiffiale de
Notre Dame en Vaux , le foffoyeur avoit été
obligé de quitter plufieurs fois l'ouvrage pour
aller refpirer un nouvel air.
DECEMBRE. 1755. 207
moyen le plus fûr. Si une néceflité extrê
me ne permet aucun délai , il faut prendre
des précautions . La premiere , & une
des plus effentielles , confifte à faire dans
les cimetieres plufieurs petites tranchées ,
que l'on remplira de chaux- vive , fur laquelle
on aura foin de jetter beaucoup
d'eau . L'eau imprégnée des particules
ignées & abforbantes de la chaux , pénétreront
la terre & les reftes des cadavres dont
elles détruiront les miafmes corrupteurs ,
en tout ou en partie .... Réiterer cette opération
plus ou moins , felon la quantité
& l'état des cadavres.... Employer toujours
de la chaux nouvelle , & fort chargée
de parties de feu... 2 °. Choifir pour
l'exhumation , le temps le plus froid de
l'année , celui où le vent du Nord
regnera
le plus.... 3 ° . Allumer de grands feux autour
du cimetiere .... tirer du canon , ou
faire détonner au moins trois ou quatre
fois par jour , tout autre inftrument chargé
de poudre fulminante.... Ces derniers
moyens , dit M. N. ont la propriété de
corriger & de détruire efficacement les
exhalaifons putrides . dont l'atmoſphere
pourroit encore fe trouver chargée ; d'accélerer
les courans de l'air , &c. ( 1 )
•
J
(1) Meffieurs les Officiers municipaux , fur les
représentations qui leur ont été faites par M. N
208 MERCURE DE FRANCE.
Ceux qui fouhaiteront connoître plus à
fonds l'excellence de ces moyens pour les
temps de contagion , peuvent confulter
un ouvrage que M. N. a donné au Public
en 1753 , où il développe le méchanifme,
par lequel ils operent des effets fi prompts
& fi falutaires. Il fe trouve à Paris , chez
Cavelier , rue faint Jacques , au lys d'or.
L'ufage d'enterrer dans les Eglifes , &
d'expofer les offemens de corps morts dans
des Charniers , a donné lieu à M. Navier
de faire des obfervations fur ce double
abus. Dans un fecond mémoire qui est une
fuite du précedent , il s'éleve avec raifon
contre les inhumations dans les Eglifes ,
que l'on permet trop fréquemment , furtout
à Châlons , fous le fpécieux prétexte
de quelque profit qui en revient aux Fabriques.
Il obferve que les enterremens
dans les Eglifes n'ont point été permis
avant le neuvieme fiecle ; que depuis
qu'ils ne font plus défendus , ils ont toujours
occafionné des accidens très -fâcheux.
Il en rapporte quelques-uns , tant anciens
que nouveaux, arrivés à Châlons, à Montpellier,
à Paris , dans les Royaumes étrangers
, &c. Les terres que l'on remue , en
creufant de nouvelles foffes dans les Egli-
, ont ordonné fur le champ de difcontinuer le re
muement des terres du cimetiere de S. Alpin.
DECEMBRE. 1755. 209.
fes, fe trouvant imprégnées d'une grande
quantité de parties corrompues que les
cadavres y ont tranfmis ; il n'eft pas étonnant
qu'il en résulte des effets auffi funeftes....
Si les corps des animaux deftitués
de vie , abandonnés en plein air , occafionnent
fouvent des maladies contagieufes
, quoique l'air libre où ils fe trouvent
expofés , enleve & balaye , pour ainfi dire
continuellement les miafmes putrides qui
s'élevent de ces cadavres , à meſure qu'ils
fe corrompent , que n'y- a- t'il pas à craindre
dans les Eglifes où l'on enterre beaucoup
de monde ? .... Ce font ces parties:
empoifonnées , dont la terre fe trouve imprégnée
, qui ont caufé la mort à une in-.
finité de folloyeurs , en ouvrant des terreins
où même il ne fe trouvoit aucuns:
veftiges de cadavres.... C'eft auffi la raiſon
pour laquelle ils ne peuvent creufer une
foffe qu'en plufieurs reprifes. Interrogezles
, dit M. N. ils vous répondront qu'ils
ſe ſentent comme fuffoqués , lorfqu'ils y
reftent long- temps.... Cet Académicien
attribue , avec Ramazzini , la courte du
rée de leur vie, aux vapeurs infectées qu'ils
reſpirent.
Pour remedier à cet abus , le moyen le
plus efficace , felon M. N. feroit de net
point enterrer dans les Eglifes , ou au210
MERCURE DE FRANCE.
moins de le faire très- rarement. Alors il
recommande d'éteindre beaucoup de chaux
fur les corps , n'y ayant pas de méthode
plus fure pour les détruire promptement ,
fans qu'ils paffent , pour ainfi dire , par
aucun degré de corruption ....
Malgré ces précautions , comme l'air
des Eglifes pourroit toujours être un peu
alteré, M. N. propoſe un moyen bien fimple
pour lui rendre toute fa pureté ; moyen
qui a été indiqué dans les Mémoires de
l'Académie Royale des Sciences de Paris ,
vol. 1748 , pour renouveller l'air des Hôpitaux
: ce feroit de pratiquer des jours
vers les voûtes , à certaines diſtances , en
détachant quelques carreaux de vitres les
plus elevés. Ces petites ouvertures , qui ne
pourroient donner beaucoup de froid ,
procureroient à l'air extérieur une libre
communication avec l'intérieur.
M. N. n'approuve point l'établiſſement
des Charniers. Il nous apprend un fait qui
mérite quelque attention . J'ai fouvent été,
dit-il , vifiter les Charniers dans les divers
endroits où j'ai fait quelque réfidence, & j'y
ai toujours vu des os ( 1 ) chargés de parties
(1) Nous fommes en état de confirmer la vérité
de ce récit , par un autre fait , qui a eu pour
témoin une perfonne de grande confidération.
Elle a vu dans un charnier une tête de mort ,
dont la cervelle dégoutoit encore,
DECEMBRE. 1755 .
21T
charnues & corrompues
.... Ne devroit- on
pas remédier à un tel abus , & défendre ,
fous des peines exemplaires
, d'expofer en
plein air les offemens des cadavres , qui
peuvent toujours l'alterer par des exhalaifons
mal-faifantes , quand bien même ils
ne feroient point chargés de parties charnues....
On ne peut veiller avec trop de
foin à entrenir l'air dans toute fa pureté,
puifque la vie & la fanté en dépendent....
M. N. conclud à la fuppreffion
& deftruction
des Charniers , qui lui paroiffent plus
nuifibles qu'utiles : il defireroit qu'on obligeât
les foffoyeurs à remettre en terre tous
les offemens qu'ils pourroient
trouver en
creufant les foffes....
Nous nous fommes un peu étendus fur
cés deux Mémoires , à caufe de l'importance
des matieres qui y font traitées. Il
feroit à fouhaiter , pour le bien de l'humanité,
que le miniftere public entrât dans
les fages vues de l'Auteur .
M. Viallet , l'un des Ingenieurs
de la
Province, & Membre de la Société , lut
des remarques fur la divifibilité de la matiere
, relatives au fyftême de Needham ,
dans fes obfervations
microfcopiques
; cetre
differtation
, qui eft toute en calculs &
dimenfions
, n'eft pas fufceptible d'extrait.
M. Meunier , Avocat en Parlement
212 MERCURE DE FRANCE.
dans une fuite de réflexions fut la mort ,
s'attacha à montrer l'aveuglement des
hommes qui vivent comme s'ils ne devoient
jamais mourir ; & après avoir fait
connoître , par une expofition touchante
de ce que nous voyons arriver tous les
jours , que la force du tempérament & la
bonté de la complexion ne font point des
titres fur lefquels on puiffe fe promettre
une longue vie , il examina ces deux importantes
queſtions : « Pourquoi dans le mon
» de on a tant de foin d'écarter la pensée
» de la mort ; & pourquoi , tandis que
tout paffe dans la nature , l'homme feul
voudroit toujours demeurer. »
M. l'Abbé Suicer a lu des réflexions en
vers fur le peu de fruit qu'operent aujourd'hui
les Prédications. Il en attribue la
caufe , & au Miniftre qui cherche moins
à convertir, qu'à fe faire un nom ; & aux
Auditeurs , que l'habitude & la curiofité
menent fouvent à l'Eglife , plutôt que le
defir de l'inftruction .
Nous terminerons ce Programme par
l'extrait d'un difcours fur la Calomnie ,
envoyé par M. de la Motte-Conflans ,
Avocat , l'un des Affociés externes.
Le fameux Tableau dans lequel Apelle
repréſenta les attributs de la calomnie , a
fourni la matiere & l'idée de ce difcours.
DECEMBRE. 1755. 213
Voici la defcription que M. D. L. M. C.
fait de la calomnie , d'après ce chef- d'oeuvre
de la Peinture : « L'envie eft preſque
toujours fon motif. La flatterie eft un
reffort qu'elle fait jouer avec le plus funefte
fuccès. Elle porte le feu de la difcorde
, & facrifie la trop foible innocence
avec une fureur impitoyable . C'eſt
» à la crédulité qu'elle s'adreffe : la crédulité
eft la fille de l'ignorance , & l'ignorance
fe livre facilement aux impreffions
du foupçon . Cependant la vérité
» cherche à fe faire jour ; elle s'avance à
lents , & fait marcher le trifte repentir
à la fuite de la calomnie...."
و ر
pas
M. D. L. M. C. ne fe borne point à une
ftérile admiration de ce célebre morceau :
la morale lui fournit des traits lumineux ,
& des leçons utiles pour tous les Etats.
Le Sage regarde la calomnie comme un
avis falutaire qui lui indique les vices
qu'il doit éviter , & le mérite calomnié
acquiert un nouveau luftre... Ces deux réflexions
, dit M. D. L. M. C. fuffifent pour
nous mettre au- deffus des traits d'une fatyre
injufte .... Il s'applique à les développer
dans le cours de fon ouvrage. Nous
ne le fuivrons pas dans fa marche , nous
nous contenterons feulement de copier ici
quelques-unes de ces réflexions.
1
214 MERCURE DE FRANCE.
Le Philofophe faifit toutes les inftructions
avec empreffement . L'amertume qui
les accompagne, ne peut l'effrayer , c'eſt à
la perfection qu'il tend : aucun obſtacle
n'eft capable de le détourner de fon objet.
Une prudente diffimulation & la perfévérance
dans le bien ; telles font les armes
qu'il oppofe à la calomnie .... Cette
leçon eft de pratique.
Le fouffle de la calomnie ne peut jamais
éteindre le flambeau de la vérité , qui fans
ceffe éclaire les démarches de la vertu.
Que le menfonge , pour frapper des coups
plus violens , épuile toutes fes odieufes
reffources , ils viendront tôt ou tard ces
temps heureux , où l'impofture fera forcée
de rendre hommage à la vérité.…... Ceci eſt
la confolation de l'innocence.
En finiffant fa differtation , M. de la
Motte-Conflans obſerve qu'il eft furprenant
que parmi tant de Peintres célebres ,
qui ont fleuri depuis deux fiecles , aucun
n'ait tenté de faire revivre le tableau d'Apelle.
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Résumé : SEANCES PARTICULIERES De la Société Littéraire de Châlons sur Marne.
La Société Littéraire de Châlons-sur-Marne a débuté ses séances par la lecture d'un remerciement de M. Desforges-Maillard, un associé externe. Ce discours met en avant l'importance des sciences et des lettres, souvent critiquées par des ouvrages contemporains cherchant la singularité et l'apparence. M. Desforges-Maillard défend l'utilité des sciences et des lettres, soulignant qu'elles sont à l'origine des arts et de l'industrie. Il réfute les arguments basés sur les abus occasionnés par la dépravation du cœur, affirmant qu'il ne faut pas tirer de conclusions générales à partir d'abus particuliers. Il compare cette idée à celle de condamner la création du feu parce qu'il peut causer des incendies. Le discours aborde ensuite la question de la multiplicité des académies, qui ne devrait pas être perçue comme une perte pour les talents. Au contraire, les académies encouragent et multiplient les talents. M. Desforges-Maillard déplore les préjugés qui limitent la reconnaissance des talents en dehors des capitales et souligne que les sociétés littéraires dans les provinces aident à surmonter ces obstacles. L'Abbé Suicer, licencié en lois, a répondu au discours en louant le génie et la fécondité de M. Desforges-Maillard, soulignant sa maîtrise de divers genres littéraires et l'accueil favorable du public à ses œuvres. M. Culoteau de Velie, avocat du roi, a lu un discours sur l'abus des talents, divisé en deux parties. La première examine les sources de ces abus, qu'il trouve dans l'amour-propre et la cupidité. La seconde propose des moyens pour prévenir ou remédier à ces abus, notamment en formant le goût et en dirigeant les pas incertains des jeunes esprits. M. Dupré d'Aulnay a présenté un mémoire sur l'écoulement de la matière subtile dans le fer et l'aimant, réfutant le système de Descartes et de certains physiciens. Il explique les interactions entre les émanations du soleil et de l'air subtil avec les corps mols ou solides. Enfin, M. Navier, docteur en médecine, a lu une dissertation sur les dangers des exhumations, en particulier celle prévue pour le cimetière de la paroisse de Saint-Alpin à Châlons. Il détaille les degrés de corruption des corps et les risques sanitaires associés aux exhalaisons infectes, proposant un délai minimum de quatre ans avant toute exhumation pour éviter les dangers pour la santé publique. M. Navier rapporte que dans l'église collégiale de Notre-Dame en Vaux, des fossoyeurs ont dû quitter leur travail en raison de l'air vicié. Pour prévenir la contagion lors des exhumations, il recommande de les différer autant que possible et, si nécessaire, de prendre des précautions telles que creuser des tranchées remplies de chaux vive et d'eau pour détruire les miasmes corrupteurs. Il suggère également de choisir le temps le plus froid de l'année, d'allumer des feux autour du cimetière et de tirer du canon pour purifier l'air. M. Navier critique l'usage d'enterrer dans les églises, pratique qui a causé des accidents fâcheux. Il observe que cette pratique, interdite avant le neuvième siècle, a été réintroduite pour des raisons financières. Les terres des cimetières, imprégnées de particules corrompues, provoquent des maladies contagieuses. Pour remédier à cet abus, il propose de cesser les inhumations dans les églises ou de les rendre très rares, et de brûler de la chaux sur les corps pour les détruire rapidement. Il recommande également de pratiquer des ouvertures dans les voûtes des églises pour renouveler l'air. M. Navier s'oppose aux charniers, notant que des os chargés de parties charnues y sont souvent trouvés. Il propose de supprimer et détruire les charniers et d'obliger les fossoyeurs à réenterrer les ossements trouvés. Le texte mentionne également d'autres contributions, comme celles de M. Viallet sur la divisibilité de la matière, de M. Meunier sur la mortalité humaine, et de l'abbé Suicer sur l'inefficacité des prédications. Enfin, M. de la Motte-Conflans présente un discours sur la calomnie, inspirée par un tableau d'Apelle, soulignant que la vérité finit toujours par triompher.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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