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1
p. 258-268
Description de la machine de Marly qui conduit la Riviere de Seine à Versailles, [titre d'après la table]
Début :
Ils virent le mesme jour la Machine qui conduit l'eau [...]
Mots clefs :
Machine de Marly, Seine, Versailles, Eau, Balanciers, Tuyaux, Rivière, Colline, Tour, Pieds, Pièces, Digue, Réservoirs, Diamètre, Pistons
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texteReconnaissance textuelle : Description de la machine de Marly qui conduit la Riviere de Seine à Versailles, [titre d'après la table]
Ils virent le meſme jour
la Machine qui conduit l'eau
de la Seine à Verſailles , faite
par Me le Chevalier de Ville ,
& qu'on appelle Machine de
Marly , ou la Machine , ſans
rien adjoûter ; ce qui marque
encore plus une choſe qui
doit eſtre connuë par l'eſtime
où elle eſt.
L'invention de cette Machine
, & les effets qu'elle produit
, ſurprennent tous ceux
qui la voyent , ou qui en entendent
parler. Aufſi a-t-il
fallu des foreſts entieres pour
faire la digue & les galeries
de charpente qui ſont depuis
des Amb. de Siam.
249
17
al
10
0
d
la riviere , le long de la colline
, juſques au haut de la
tour de pierre. Sous ces galeries
ſont par intervales fur
le terrain de la coſte , des reſervoirs
, les uns ſuperieurs
aux autres. Le plus bas ayant
receu immediatement l'eau
de la riviere , contient fon
corps de pompe , qui la repouffe
par des tuyaux couchez
le long de la colline ,
dans les refervoirs ſuperieurs ,
& ainſi par repriſes juſqu'au
refervoir qui eſt ſur la tour
de pierre. Les corps de pomfpes
ont 4 pouces de diamétre
, & quelques- uns 6. & les
X iij
250 Suite du Voyage
piſtons par leur jeu de 4. pieds
aprés avoir puisé l'cay , larefoulent
& la forcent à monter
dans les refervoirs ſuperieurs.
Tous ces mouvemens
ſe font par le moyen de cent
balanciers verticalement poſez
, qui font joints l'un à
l'autre par des tirants , aufquels
d'autres eſpeces de balanciers
fervent de ſupports.
Ainſi lorſque la partie eft fuperieure
des balanciers s'épanchent
vers la riviere , &
leurs parties inferieures
montant vers le haut de la
recolline
,tirent les piſtons , &
puiſent de l'eau dans les corps
des Amb. de Siam .
251
1
C
des pompes , d'où ils la refoulent
lorſque la partie ſupericure
des balanciers vient à
remonter verticalement , &
qu'elle s'incline vers le haut
de la coline. Le premier
mobile de cette Machine eft
' un bras de la riviere de Seine
qu'on a barré par une
digue. Cette digue eſt ouverte
par deux endroits , par
leſquels l'eau eftant retenue
& plus élevée , & coulant avec
rapidité , fait tourner dans
chaque pertuis une rouë de
30. pieds de diametre , & de
55. à 6. pieds de longueur d'aîles.
Les extrémitez des axes
01
X iiij
252 Suite du Voyage
de chaque rouë fortent hors
de leurs appuis , & font tournez
en manivelles. La manivelle
qui eſt du côté de la
montagne , puife & refoule
l'eau dans les premiers corps
de pompe ; & l'autre mani
velle fert à faire mouvoir le
balancier. Il y antreize rouës
neuf deſquelles agiffent ordinairement
, & ſouvent les
treize toutes enſemble , &
fourniffent 200 pouces d'eau
à Verſailles , en faiſant mouvoir
2 500 pieces de bois verticales
, dont il n'y en a que
1000 qui ſoient veritablement
des balanciers , les au-
7
des Amb. de Siam.
253
0
tres pieces ne fervant que de
ſupport à leurs tirants, &toutes
ces pieces ne ſervent qu'à
faire mouvoir les mille balanciers
ou leviers" , leſquels
à chaque tour de rouë , s'inclinent
d'un côté & d'autre ;
& aprés avoir retiré les piftons
des corps des pompes
qui reçoivent une colomne
d'eau de 4 pieds de hauteur ,
& de 4 pouces de diamétre ,
la refoulent auffi- toſt. Treize
de ces balanciers ſont de
front , & par le moyen de 62
autres qui font le long de la
colline , ils ſervent à puiſer
l'eau du plus haut Reſervoir
1
X v
254 Suite du Voyage
dans le corps des Pompes ,
& à la refouler & forcer par
les piſtons à monter dans des
tuyaux verticalement poſez
dans la Tour de pierre , & à
dégorger dans le Reſervoir
qui eſt au plus haut étage ,
d'où l'eau defcendant par
d'autres tuyaux poſez à
plomb , & enfermez dans des
tuyaux enterrez , va fortir par
des tuyaux à plomb , dans le
plus haut refervoir du Château
de Versailles , d'où elle
eſt enſuite diftribuée .
Je ne ſçaurois vous donner
une plus haute idée de
cette Machine , qu'en vous
des Amb. de Siam.
2255
-
diſant , qu'elle éleve l'eau
qu'elle fournit à Versailles ,
prés de 64. toiſes de haut ce
qui devroit étonner toute la
terre , fi le Roy ne nous avoit
point accoutumé à de ſi grandes
choſes que l'on n'eſt plus
furpris que du nombre.co
La curioſté du premier
Ambaſſadeur eſtant auſſi
grande que ſon intelligence
eft vive , il examina autant
qu'il luy fut poffible cette
grande Machine , qui en contient
un millier d'autres. 11
en viſita pluſieurs endroits
&mania pluſieurs pieces ; &
comme on avoit tenu des
,
236 Suite du Voyage
Chevaux preſts afin qu'il pút
fatisfaire pleinement ſa curioſité
, il monta à cheval avec
les deux autres Ambaffadeurs
, & vifita tous les Ouvrages
qui font le long de la
Colline. Enfin aprés que le
premier Ambaſſadeur cut vû
tous les Refervoirs ; & penetré
autant qu'il luy fut poffible
le mouvant cahos d'ouvrages
differens , il dit : Eftce
un Homme , ou un Demon qui
a fait cette Machine ? C'est un
Homme ; mais cependant cét
Homme y a bien moins de part
qu'il ne croit. Cét Ouvrage eft
dû à la grandeur du Roy , à fa
des Amb. de Siam.
: 257
1
reputation qui attire en France
tout ce qu'il y a d'habiles Gens
au Monde pour les Arts , à la
maniere dont il recompense ceux
qui le fervent enfin au plaisir
qu'on a de travailler pour luy.
Voilà ce qui eft cause que nous
voyons aujourd'huy ce grand
Ouvrage,voilà ce qui l'a fait ,
& non pas l'Ouvrier qui le croit
tout de luy , parce qu'il y a travaillé.
la Machine qui conduit l'eau
de la Seine à Verſailles , faite
par Me le Chevalier de Ville ,
& qu'on appelle Machine de
Marly , ou la Machine , ſans
rien adjoûter ; ce qui marque
encore plus une choſe qui
doit eſtre connuë par l'eſtime
où elle eſt.
L'invention de cette Machine
, & les effets qu'elle produit
, ſurprennent tous ceux
qui la voyent , ou qui en entendent
parler. Aufſi a-t-il
fallu des foreſts entieres pour
faire la digue & les galeries
de charpente qui ſont depuis
des Amb. de Siam.
249
17
al
10
0
d
la riviere , le long de la colline
, juſques au haut de la
tour de pierre. Sous ces galeries
ſont par intervales fur
le terrain de la coſte , des reſervoirs
, les uns ſuperieurs
aux autres. Le plus bas ayant
receu immediatement l'eau
de la riviere , contient fon
corps de pompe , qui la repouffe
par des tuyaux couchez
le long de la colline ,
dans les refervoirs ſuperieurs ,
& ainſi par repriſes juſqu'au
refervoir qui eſt ſur la tour
de pierre. Les corps de pomfpes
ont 4 pouces de diamétre
, & quelques- uns 6. & les
X iij
250 Suite du Voyage
piſtons par leur jeu de 4. pieds
aprés avoir puisé l'cay , larefoulent
& la forcent à monter
dans les refervoirs ſuperieurs.
Tous ces mouvemens
ſe font par le moyen de cent
balanciers verticalement poſez
, qui font joints l'un à
l'autre par des tirants , aufquels
d'autres eſpeces de balanciers
fervent de ſupports.
Ainſi lorſque la partie eft fuperieure
des balanciers s'épanchent
vers la riviere , &
leurs parties inferieures
montant vers le haut de la
recolline
,tirent les piſtons , &
puiſent de l'eau dans les corps
des Amb. de Siam .
251
1
C
des pompes , d'où ils la refoulent
lorſque la partie ſupericure
des balanciers vient à
remonter verticalement , &
qu'elle s'incline vers le haut
de la coline. Le premier
mobile de cette Machine eft
' un bras de la riviere de Seine
qu'on a barré par une
digue. Cette digue eſt ouverte
par deux endroits , par
leſquels l'eau eftant retenue
& plus élevée , & coulant avec
rapidité , fait tourner dans
chaque pertuis une rouë de
30. pieds de diametre , & de
55. à 6. pieds de longueur d'aîles.
Les extrémitez des axes
01
X iiij
252 Suite du Voyage
de chaque rouë fortent hors
de leurs appuis , & font tournez
en manivelles. La manivelle
qui eſt du côté de la
montagne , puife & refoule
l'eau dans les premiers corps
de pompe ; & l'autre mani
velle fert à faire mouvoir le
balancier. Il y antreize rouës
neuf deſquelles agiffent ordinairement
, & ſouvent les
treize toutes enſemble , &
fourniffent 200 pouces d'eau
à Verſailles , en faiſant mouvoir
2 500 pieces de bois verticales
, dont il n'y en a que
1000 qui ſoient veritablement
des balanciers , les au-
7
des Amb. de Siam.
253
0
tres pieces ne fervant que de
ſupport à leurs tirants, &toutes
ces pieces ne ſervent qu'à
faire mouvoir les mille balanciers
ou leviers" , leſquels
à chaque tour de rouë , s'inclinent
d'un côté & d'autre ;
& aprés avoir retiré les piftons
des corps des pompes
qui reçoivent une colomne
d'eau de 4 pieds de hauteur ,
& de 4 pouces de diamétre ,
la refoulent auffi- toſt. Treize
de ces balanciers ſont de
front , & par le moyen de 62
autres qui font le long de la
colline , ils ſervent à puiſer
l'eau du plus haut Reſervoir
1
X v
254 Suite du Voyage
dans le corps des Pompes ,
& à la refouler & forcer par
les piſtons à monter dans des
tuyaux verticalement poſez
dans la Tour de pierre , & à
dégorger dans le Reſervoir
qui eſt au plus haut étage ,
d'où l'eau defcendant par
d'autres tuyaux poſez à
plomb , & enfermez dans des
tuyaux enterrez , va fortir par
des tuyaux à plomb , dans le
plus haut refervoir du Château
de Versailles , d'où elle
eſt enſuite diftribuée .
Je ne ſçaurois vous donner
une plus haute idée de
cette Machine , qu'en vous
des Amb. de Siam.
2255
-
diſant , qu'elle éleve l'eau
qu'elle fournit à Versailles ,
prés de 64. toiſes de haut ce
qui devroit étonner toute la
terre , fi le Roy ne nous avoit
point accoutumé à de ſi grandes
choſes que l'on n'eſt plus
furpris que du nombre.co
La curioſté du premier
Ambaſſadeur eſtant auſſi
grande que ſon intelligence
eft vive , il examina autant
qu'il luy fut poffible cette
grande Machine , qui en contient
un millier d'autres. 11
en viſita pluſieurs endroits
&mania pluſieurs pieces ; &
comme on avoit tenu des
,
236 Suite du Voyage
Chevaux preſts afin qu'il pút
fatisfaire pleinement ſa curioſité
, il monta à cheval avec
les deux autres Ambaffadeurs
, & vifita tous les Ouvrages
qui font le long de la
Colline. Enfin aprés que le
premier Ambaſſadeur cut vû
tous les Refervoirs ; & penetré
autant qu'il luy fut poffible
le mouvant cahos d'ouvrages
differens , il dit : Eftce
un Homme , ou un Demon qui
a fait cette Machine ? C'est un
Homme ; mais cependant cét
Homme y a bien moins de part
qu'il ne croit. Cét Ouvrage eft
dû à la grandeur du Roy , à fa
des Amb. de Siam.
: 257
1
reputation qui attire en France
tout ce qu'il y a d'habiles Gens
au Monde pour les Arts , à la
maniere dont il recompense ceux
qui le fervent enfin au plaisir
qu'on a de travailler pour luy.
Voilà ce qui eft cause que nous
voyons aujourd'huy ce grand
Ouvrage,voilà ce qui l'a fait ,
& non pas l'Ouvrier qui le croit
tout de luy , parce qu'il y a travaillé.
Fermer
Résumé : Description de la machine de Marly qui conduit la Riviere de Seine à Versailles, [titre d'après la table]
Le texte relate la visite de la Machine de Marly, une construction remarquable réalisée par le Chevalier de Ville. Cette machine, située à Marly, a pour fonction de conduire l'eau de la Seine jusqu'au château de Versailles. Elle est particulièrement admirée pour son ingéniosité et son efficacité. La Machine de Marly utilise des quantités considérables de bois pour les digues et les galeries de charpente. Elle comprend plusieurs réservoirs situés à différents niveaux le long d'une colline. L'eau est pompée depuis la rivière et refoulée dans des réservoirs supérieurs grâce à des pistons et des balanciers. Le mouvement est initié par des roues hydrauliques actionnées par l'eau de la Seine, dont le cours est barré par une digue. En général, treize roues sont en fonctionnement simultanément, permettant de fournir 200 pouces d'eau à Versailles. La machine est capable d'élever l'eau à une hauteur proche de 64 toises. Les ambassadeurs de Siam, connus pour leur curiosité et leur intelligence, ont examiné en détail cette machine complexe. Ils ont admiré son fonctionnement et son utilité, attribuant cette réalisation à la grandeur du roi, qui sait attirer et récompenser les meilleurs artisans.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1516-1531
LETTRE de M. Laloüat de Soulaines, écrite à M. L. B. C. D. au sujet de l'Akousmate d'Ansacq, et d'un autre pareil dont il a été le témoin.
Début :
Je ne suis pas surpris, Monsieur, que la Rélation de M. le Curé d'Ansacq [...]
Mots clefs :
Colline, Vallons, Ruelles, Jardins, Occident, Orient, Enquête , Pièce juridique, Acousmate d'Ansacq
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. Laloüat de Soulaines, écrite à M. L. B. C. D. au sujet de l'Akousmate d'Ansacq, et d'un autre pareil dont il a été le témoin.
LETTRE de M. Laloüat de Soulaines ,
écrite à M. L. B. C. D. au sujet de
l'Akousmate d'Ansacq , et d'un autre
pareil dont il a été le témoin.
1
E ne suis pas surpris , Monsieur , que
la Rélation de M. le Curé d'Ansacq
ne passe chez vous que pour un Conte
de Fées , puisqu'il vous faut des temoi
gnages ex visu et auditu , et que cette
Rélation ne se soutient que sur l'un de
ces sens : je la trouverois fort avanturée ,
si elle ne devoit passer qu'entre les mains
de personnes de votre secte . Pour moy ,
puisque vous êtes curieux de sçavoir ce
que j'en pense , je vous avoüerai que je
la traite plus favorablement. A cet aveu
je crois vous entendre rire et feliciter
l'Auteur de ce qu'il est assés heureux pour
trouver des
personnes comme moy , qui
veulent bien croire fermement que c'est
un jeu d'esprit , et vous me demandés
II. Vola déja
JUIN. 1731. 1517
'déja d'un ton railleur , si je n'ai pas quel
que expérience personnelle pour forti
fier la diablerie d'Ansacq ; oui , M. et
en dépit de vôtre pyrrhonisme , je vais
vous donner la Rélation d'un autre
Akousmate ; et dûssiés - vous bâiller cent
fois , j'i joindrai quelques observations
en faveur de celui d'Ansacq. J'y gagne
ray du moins d'y vanger cet agréable
Historien de vôtre incrédulité.
Sezanne , petite Ville de la Brie , est si
tuée au pied d'une Colline qui la cot
toye ( par intervalles néanmoins ) du
Sud- Ouest au Nord , je dis
par inter
valles , c'est-à-dire , que cette Colline est
interrompue et coupée en differens en
droits par des Vallons ou ruelles trés pro
fondes , ( pour parler le langage du Pays )
qui conduisent de ces Côtés- là à la Ville.
Le plus doux de la pente de cette Colli
ne est planté de vignes , le sommet trop
escarpé est inculte , et au dessus on trou
ve des Bruyeres qui se terminent à dif
ferentes pieces de bois , les unes taillis .
les autres de haute futaye , qui font une
Forêt de quelques lieues de long , dans
laquelle il y a trois ou quatre grands:
Etangs.
Au Sud , à quelques lieües de la Ville ,
on trouve de dangereux Marais , qu'on
11. Vol. E v
appelle
1518 MERCURE DE FRANCE
appelle les Marais de S. Gond , lesquels
s'étendent jusqu'au Sud- Ouest.
De l'autre côté de la Ville regne une
Plaine à perte de vie , et qui n'est bor
née d'aucune Montagne , presque jusqu'à
Troye en Champagne . La Ville est ceinte
de murailles , et entourrée de fossés de
tous côtés. En sortant de la Ville à son
midy , il se forme une espece de fer à
Cheval , dont chaque branche fait un
Fauxbourg , l'un au Sud - Est , l'autre
au Sud- Ouest ; le milieu du fer à Che
val , est une Place trés spacieuse , et plan
té d'Arbres , qui sert de promenade aux
Habitans.
Comme ces deux branches sont hors
de la Ville , les maisons ont un terrain
assés étendu , et même il n'y en a point
qui n'ait sur son derriere un Jardin assés
spacieux. Les Jardins surtout de la bran
che qui s'allonge au Sud- Ouest sont si
longs , qu'on auroit peine à distinguer
un homme d'un bout à l'autre ; les pi
gnons de derriere de chique maison leur
serv nt de clôture d'un bout , à l'autre
bout ils sont fermés par un mur com
mun à tous , qui est par consequent
fort
long , et qui n'est separé du pied de la
Colline et des vignes dont je viens de
parler , que par un chemin on ruelle de
11. Vola dix
JUIN. Ì731 . 1519
dix ou douze pieds de large.
Je me promenois dans un de ces Jar
dins au commencement d'Octobre 1724.
environ sur les quatre heures du soir , je
fus interrompu dans une lecture que je fai
sois , par un bruit affreux formé par
une multitude de voix humaines de tou
tes especes , de cris d'Oiseaux et d'Ani
maux. Je vous confesserai , sans en faire
le fin , qu'il m'effraya , et que je pris la
fuite ; mais m'appercevant que ce bruit
' sembloit me suivre , et voyant d'ailleurs
du monde à l'autre bout du Jardin , je
me rassurai ; et picqué d'un peu de hon
te d'avoir eu peur en si grand jour , je
levai la tête , et je vis un nuage fort noir
qui sembloit naître de la pointe de la Col
line , qui s'élevoit au dessus de ma tête
et qui se poussoit sans aucun vent , et
néanmoins avec la derniere impetuosité
de l'Occident à l'Orient ; à mesure que
le nuage s'éloignoit , cette multitude de
voix et de cris se confondoient davan
tage , bientôt je n'entendis plus qu'um
bruit semblable à celui d'un torrent qui
tombe d'une Montagne dans des Ravi
nes , ou d'un Fleuve qui se décharge
dans un autre; et pour vous donner en
core quelque chose de plus sensible ,
persuadez-vous que vous êtes au Pertuis
II. Vol. E vj
de
1520 MERCURE DE FRANCE
de Regeanes ( a ) si terrible à nos Mari
niers ; ce que je veux vous faire conce
voir , étoit encore plus rapide et plus
épouvantable. Enfin le nuage se dissipa
avec tout le tintamarre , je ne vis ni en
tendis plus rien , et nous en fûmes quitte
pour un brouillard trés-épais et trés- puant
qui s'eleva fort peu de tems aprés , et
qui nous incommoda plusieurs jours.
Voilà , M. l'Akousmate dont j'avois
à vous faire le recit , il approche fort ,
comme vous voyez , de celui d'Ansacq ,
à l'exception cependant que les voix
que j'entendis se firent entendre tout
à la fois , au lieu qu'à Ansacq , une seule,
à laquelle une autre ayant répondu d'as
sés loin , commença le charivary , et que
je n'y distinguai aucun son d'instrument.
vous ne manquerês pas de conclure de
là qu'en supposant la verité de cette Réla
tion , elle ne peut pas confirmer celle
d'Ansacq. Il est vray , M. et j'accorderai
sans peine à vôtre prévention , qu'il y a
trop de merveilleux dans celle d'Ansacq ,
et qu'il faudroit trop d'hypothèses pour
y donner une explication un peu proba
ble ; explication par consequent trop
composée , et dès-là trop éloignée de
(a) Lien dangereux de la Riviere d'Yonne ,
à deux lieües d'Auxerre,
1
II. Fola
la
JUIN. 7521 1731.
¿
la nature , qui agit toujours par
les plus simples.
les
voyes
Aussi sans m'arrêter à chaque fait , en
particulier , je me contenterai de croire
en faveur de M. le Curé d'Ansacq , que le
fond de la piece est vray , et que les en
jolivemens peuvent êtte de lui ; mais je
ne suis pas moins persuadé que ce qui a
été entendu à Ansacq est à peu près la
même chose que ce que j'entendis moi
même en 1724.
Voilà cependant une Enquête en bon
ne forme, me direz-vous , faite à Ansacq ;
il faut la recevoir ou la rejetter toute
entiere ; à cela je vous reponds , M. que
quand le Curé d'Ansacq a donné sa Ré
lation au Public , il l'a soumise à toute
la severité de son jugement , et n'a pas as
surément prétendu faire passer son En
quête pour une Piece Juridique ; d'ail
leurs il n'est pas toujours vray qu'on
doive rejetter ou recevoir une Enquête
toute entiere , du grand nombre de té
moignages dont une Enquête est com
posée , il s'en trouve à modifier , ou à
rejetter absolument et d'autres qui font
foy.
Mais en considerant celle- ci comme
juridique , combattons-la juridiquement.
Je fais , je le repete , profession de croi
II. Vala IG
1522 MERCURE DE FRANCE
>
re qu'un bruit extraordinaire entendu à
Ansacq , tel à peu-près que celui que j'ai
entendu à Sezanne est la matiere de
la Rélation de M. le Curé d'Ansacq :
je ne conteste que sur les accessoires
tels que sont ces deux voix qui se répon
doient l'une à l'autre en un lieu fixe,
ces éclats de rire , ces mélanges d'instru
ments , je trouve que ces differens pro
diges se ressentent trop des Sabbats et
des Esprits que je n'admets point.
y
>
Les deux premiers témoins qui seuls
attestent les deux premiers faits , nous
font envisager ce bruit comme renfermé
et immobile entre l'endroit où ils ont
entendu la premiere voix , et celui d'où
a répondu la deuxième , et tous les autres
témoins qui déclarent avoir entendu ce
bruit trés distinctement , le font passer
par dessus les maisons et s'éloigner
comme mon nuage s'éloigna . Aucun de
ceux -là ne dépose des éclats de rire , les
deux personnes qui alloient à Beauvais
ne disent rien ni de ces ris ni de ces deux
voix préliminaires , un seul dépose du
partage du sabat en deux bandes ; on
conviendra qu'une foule de personnes
dont les unes sortant dès le matin pour
aller en Campagne , les autres tranquil.
les , ou dans leur lit ou dans leur cham
II. Vol. "
bre
JUIN. 1731. 1523
bre , doivent faire infiniment plus de
foy , que le témoignage de deux person
nes qui varient même dans des faits essen
tiels , et qui probablement ne se seront
pas mis en chemin si tard à jeun ; on
sçait trop que des gens de Campagne sor
tent toujours d'une Ville , d'un marché ou
d'une Foire , plus gays qu'ils n'y entrent.
-
.
En justice bien réglée , on infereroit
donc de ce grand nombre de dépositions
rassemblées par le Curé d'Ansacq , que cet
te nuit-là il se fit entendre en l'air un grand
bruit formé pat une multitude de voix
humaines et de cris , qui passoit le long
du Village du Sud-Ouest au Nord - Est ,
et qui s'évanouit en s'éloignant ; et st
nous lisons quelque chose de plus dans
la Rélation , il faut nous persuader que
M. le Curé la présenta d'abord à M. la
Princesse de Conti , à dessein de divertir
cette Princesse et le Prince son fils , et
d'attirer en même tems leur admiration :
or le fait narré dans sa simplicité a bien
quelque chose de surprenant , mais il ne
divertit pas comme fait la Musique et
les éclats de rire ; il s'en faut de beaucoup
qu'il soit aussi merveilleux qu'unConcert
aërien ; il faloit donc necessairement que
M. le Curé pour parvenir à son but re
touchât la Piece, et qu'il enrichit ce tinta
II. Vol. marre
524 MERCURE DE FRANCE
·
*
*
marre d'éclats de rire , et d'une sympho
nie , à laquelle il a fallu , sélon les règles
de la Musique , donner un prélude.
Ou bien , si vous voulez , disons à la
décharge du Curé , qu'il avoit affaire à
des gens de campagne
, trés- susceptibles
de prévention , qui dans le cahos et la
confusion qu'a pû faire naître ce grand
nombre de diffetens cris , ou sons aigus ,
auront crû entendre tous les Ménétriers
.
ou tous les Bergers du Pays rassemblés
avec leurs instruments . Vous n'ignorés
pas que les Bergers passent pour bien te
nir leur partie au sabbat.
Ajoutons que les Paysans dans ces sor
tes de récits manquent ordinairement de
bonne foy. Combien de fois des Domes
tiques et d'autres semblables gens ne
m'ont-ils pas fait des récits épouvanta
bles de sabbats , d'esprit , de Loups-ga
rous et de mille autres visions noctur
nes , dans lesquelles ils prétendoient mê
me avoir été maltraités , que j'ai forcé
en les suivant de prés et en les interro
geant avec exactitude , de m'avouer ou
que c'étoit leur Pere ou leur Grand
mere qui leur avoient transmis ces His
toires , ou que tous ces sabbats terribles
se terminoient à un bruit entendu dans
la nuit qui avoient pû être causé
par des
chats assemblés & c.
>
Nous
.
JUIN. 1737. 1925
Nous avons donc dans la Rélation
d'Ansacq , deux écueils dangereux à évi
ter : le . est le dessein formé de M. le
Guré de divertir un Prince et une Prin
cesse , et de les faire admirer ; le 2. l'ima
gination frappée et trés foible , unie à
la mauvaise foy , qui se rencontre ordi
nairement dans ces personnes , sur le té
moignage desquelles on nous donne
certe Rélation. Ces inconveniens nous
doivent faire tenir sur nos gardes , et me
font réduire ce prodige à peu prés au
bruit que j'ai entendu moi-même à Se
zanne. Cela posé , je soutiens , M. que
tout le merveilleux qu'on y trouve peut
n'être qu'un effet très naturel , qui n'a
de surprenant que sa rareté. Et j'ajoute
ce raisonnement :
1º. On ne peut nier qu'un air , ou , si
vous voulez , pour éviter toute ambi
guité , une matiere aërienne trop coin
primée dans un espace fermé , ou pous
sée avec trop de violence contre un corps
qui peut lui résister par le penchant na
turel qu'a cette matiere à s'éloigner de
son centre , ou pour continuer le mou
vement qui lui a été imprimé par un corps
étranger , ne fasse tous ses efforts ou
pour s'échapper ou pour pénetrer son
obstacle ; ensorte que si elle trouve une
.
II. Vol. issue
1426 MERCURE DE FRANCE
issue , ou si elle peut parvenir à s'en faire
une , l'impetuosité avec laquelle elle le
fait , et le choc qu'elle reçoit de l'autre
matiere qui veut entrer , ou qui est op
posée à son mouvement , ébranle violem
ment les colonnes voisines qui transmet
tent cette secousse aux autres colonnes
des environs jusqu'à une certaine étenduë,
plus ou moins grande , selon que les se
Cousses qu'elles reçoivent sont plus ou
moins violentes.
Vous avez , sans doute , fait quelque
fois des ricochets , et vous avez re
marqué que l'agitation des parties frap
pées par une pierre , se communique en
un instant aux environs , et que ce mou
vement forme differens tourbillons sur
l'eau , plus ou moins grands , selon que
votre pierre a été plus ou moins grosse ,
et qu'elle a frappé plus ou moins violem
ment sur l'eau.
Considerons l'Univers comme un
grand Etang extrémement rempli et sans
aucun vuide d'une matiere infiniment
plus fluide et plus facile à émouvoir que
l'eau ; que chaque choc que reçoit cette
matiere dans son mouvement reglé , fait
un ricochet dont les tourbillons sont in
finiment plus étendus que ceux qu'une
pierre pourroit produire dans l'eau , et que
II. Vol. tous
E
JUIN
. 1731.
1427
tous les corps qui sont enveloppez dans
le cercle que décrit ce tourbillon , se res
sentent de ce choc, pour peu qu'ils soient
susceptibles d'impression .
12.
Si ce sont quelques parties émanées
d'un corps qui se soient mêlées avec les par
ties de cette matiere fluide,et qui puissent
frapper nos organes , sur le champ elles
excitent en nous quelques sensations ; de
01 là les odeurs que nous sentons ; de- là
même les couleurs que nous voyons , si
les parties de ce corps lui ont résisté.
Enfin si c'est un corps étranger qui a frap
pé cette matiere fluide et que les secous
ses qu'elle a reçûës , ayent pû assez l'é
branler pour qu'elle les communique jus
qu'à mon oreille ; voilà un son qui sera
reglé par la qualité des secousses et des vi
brations qu'aura causées ce corps étfanger.
Ces principes sont prouvez par un
nombre infini d'expériences qui se pre
sentent tous les jours. Qu'on souffle dans
une flute dont on ait bouché tous les
troux , il ne s'y formera aucun son ; n'est
il
V
pas évident que ce n'est que parce que
l'air ne peut en sortir et ébranler les co
lomnes d'air qui sont au - dehors , et qui
puissent refléchir cette secousse jusqu'aux
oreilles Celui qui souffle fatiguera mê
me , parce que l'air trop comprimé trou
II. Vol vant
1428 MERCURE DE FRANCE
vant de tous côtez un obstacle invinci
ble se refléchira à la bouche de celui qui
souffle ; mais qu'on débouche tout à coup
un trou et que l'on mette la main au- dessus
on sentira l'effort de l'air qui sort et l'on
entendra un son très- aigu . Enfin le son
que rendra cette flute sera doux et aigu ,
selon que l'on souflera plus ou moins fort,
grave ou délicat , selon que les trous se
ront plus ou moins larges.
Le vent dans ces Plaines de Champa
gne où il n'y a arbre ni buissonne
fait point du tout , ou très - peu de bruit,
souffle- t'il dans une cheminée , dans des
Croisées qui ayent quelque petite ouver
tures , il siffle d'une maniere très -sensible.
Dernierement j'entrai dans une Chambre,
je fus frappé de deux sons qui imitoient
parfaitement le bourdon d'une Vielle ou
d'une Cornemuse , qui augmentoient et
s'abbaissoient par reprise quelquefois ces
sons étoient aigus , quelquefois doux . Cette
Musique champêtre venoit de deux car
reaux de vître , dont l'un étoit un peu
échancré , et l'autre n'étoit pas joint exac
tement avec le Chassis ; c'étoit le vent qui
faisoit varier les sons que j'entendois ;
c'est qu'il étoit plus ou moins violent.
Le son n'est donc produit que par les
secousses d'une matiere aërienne et très
II. Vol. fluide
JUIN. 1731 1429
fluide ; secousses occasionnées ou par le
choc d'un corps étranger avec cette ma
tiere fluide , ou parce que cette matiere
chassée avec trop de violence contre un
corps qui lui résiste , ou concentrée dans
un espace trop étroit , trouve ou se fait
des passages par où elle s'échappe avec
impétuosité et ébranle en fuyant les co
lomnes d'air voisines . La varieté des sons
est causée par la varieté du choc ou des
passages , qui , pouvant être modifiez à
l'infini , peuvent produire une varieté
infinie de sons.
2º. On ne peut raisonnablement dou
ter que , dans les airs comme dans le sein
de la terre , ces principes des sons ne
puissent s'y rencontrer. Dans le sein de
la terre les Experiences en sont, il est vrai,
plus rares , mais il n'est pas moins vrai
qu'il y en ait. On s'en convaincra par la
facilité qu'il y a de concevoir dans le sein
de la terre des matieres trop resserrées ,
er qui tendent à s'échapper ; si elles ne
le peuvent qu'en dilatant tous les obsta
cles , et que le corps terrestre qui les en
vironne ne puisse se dilater que par un
grand effort , il est constant que si ces
matieres se font une fois jour , ce ne
pourra jamais être sans un grand fracas.
En raisonnant par les experiences , on
II. Vol.
n'en
530 MERCURE DE FRANCE
T
n'en peut plus douter ; les brouillards.
qu'on voit sortir à vûë d'oeil des Marais ,
les tremblemens de terre , tout ce qu'on
nous raconte du Mont Etna et du Mont
Vesuve , nous persuade que dans le sein
de la terre il s'y trouve une matiere très
legere , qui peut ébranler pour sortir de
l'espace qui la contient , tous les obsta
cles qui se présentent à sa sortie , et qui
fait plus ou moins de désordre et de bruit ,
selon qu'elle a plus ou moins de peine
à s'évader , ou que l'espace qui la con
tient en est plus ou moins rempli , ou
qu'elle-même est plus ou moins active.
Les Mines que l'Art de la guerre a in
ventées , sont autant d'experiences qui
rendent mon raisonnement sensible . Et
un Quartier de Paris en fit une triste épreu
ve il y a quelques mois. Le feu ayant pris
à un Magazin de Poudre , la matiere ignée
remplit toute la voute, et ne pouvant plus
s'y contenir , la fit sauter en l'air , ainsi
que les Maisons et tout ce qui se trouva
au- dessus , avec un bruit si épouventable
que les Maisons des environs ,je veux dire,
à quelques rues même d'éloignement , en
furent ébranlés et les habitans effrayez.
Mais je m'apperçois , Monsieur , que
je commence d'exceder les bornes d'une
Lettre, et que je pourrois bien abuser de
II. Vol. Votre
JUIN. 1731. 1531
votre patience. Je prens donc le parti de
m'arrêter ici et de renvoyer à une autre
fois ce qui me reste à vous dire sur ce
sujet. Je suis , &c.
A Paris , ce 15. Juin 1731 .
écrite à M. L. B. C. D. au sujet de
l'Akousmate d'Ansacq , et d'un autre
pareil dont il a été le témoin.
1
E ne suis pas surpris , Monsieur , que
la Rélation de M. le Curé d'Ansacq
ne passe chez vous que pour un Conte
de Fées , puisqu'il vous faut des temoi
gnages ex visu et auditu , et que cette
Rélation ne se soutient que sur l'un de
ces sens : je la trouverois fort avanturée ,
si elle ne devoit passer qu'entre les mains
de personnes de votre secte . Pour moy ,
puisque vous êtes curieux de sçavoir ce
que j'en pense , je vous avoüerai que je
la traite plus favorablement. A cet aveu
je crois vous entendre rire et feliciter
l'Auteur de ce qu'il est assés heureux pour
trouver des
personnes comme moy , qui
veulent bien croire fermement que c'est
un jeu d'esprit , et vous me demandés
II. Vola déja
JUIN. 1731. 1517
'déja d'un ton railleur , si je n'ai pas quel
que expérience personnelle pour forti
fier la diablerie d'Ansacq ; oui , M. et
en dépit de vôtre pyrrhonisme , je vais
vous donner la Rélation d'un autre
Akousmate ; et dûssiés - vous bâiller cent
fois , j'i joindrai quelques observations
en faveur de celui d'Ansacq. J'y gagne
ray du moins d'y vanger cet agréable
Historien de vôtre incrédulité.
Sezanne , petite Ville de la Brie , est si
tuée au pied d'une Colline qui la cot
toye ( par intervalles néanmoins ) du
Sud- Ouest au Nord , je dis
par inter
valles , c'est-à-dire , que cette Colline est
interrompue et coupée en differens en
droits par des Vallons ou ruelles trés pro
fondes , ( pour parler le langage du Pays )
qui conduisent de ces Côtés- là à la Ville.
Le plus doux de la pente de cette Colli
ne est planté de vignes , le sommet trop
escarpé est inculte , et au dessus on trou
ve des Bruyeres qui se terminent à dif
ferentes pieces de bois , les unes taillis .
les autres de haute futaye , qui font une
Forêt de quelques lieues de long , dans
laquelle il y a trois ou quatre grands:
Etangs.
Au Sud , à quelques lieües de la Ville ,
on trouve de dangereux Marais , qu'on
11. Vol. E v
appelle
1518 MERCURE DE FRANCE
appelle les Marais de S. Gond , lesquels
s'étendent jusqu'au Sud- Ouest.
De l'autre côté de la Ville regne une
Plaine à perte de vie , et qui n'est bor
née d'aucune Montagne , presque jusqu'à
Troye en Champagne . La Ville est ceinte
de murailles , et entourrée de fossés de
tous côtés. En sortant de la Ville à son
midy , il se forme une espece de fer à
Cheval , dont chaque branche fait un
Fauxbourg , l'un au Sud - Est , l'autre
au Sud- Ouest ; le milieu du fer à Che
val , est une Place trés spacieuse , et plan
té d'Arbres , qui sert de promenade aux
Habitans.
Comme ces deux branches sont hors
de la Ville , les maisons ont un terrain
assés étendu , et même il n'y en a point
qui n'ait sur son derriere un Jardin assés
spacieux. Les Jardins surtout de la bran
che qui s'allonge au Sud- Ouest sont si
longs , qu'on auroit peine à distinguer
un homme d'un bout à l'autre ; les pi
gnons de derriere de chique maison leur
serv nt de clôture d'un bout , à l'autre
bout ils sont fermés par un mur com
mun à tous , qui est par consequent
fort
long , et qui n'est separé du pied de la
Colline et des vignes dont je viens de
parler , que par un chemin on ruelle de
11. Vola dix
JUIN. Ì731 . 1519
dix ou douze pieds de large.
Je me promenois dans un de ces Jar
dins au commencement d'Octobre 1724.
environ sur les quatre heures du soir , je
fus interrompu dans une lecture que je fai
sois , par un bruit affreux formé par
une multitude de voix humaines de tou
tes especes , de cris d'Oiseaux et d'Ani
maux. Je vous confesserai , sans en faire
le fin , qu'il m'effraya , et que je pris la
fuite ; mais m'appercevant que ce bruit
' sembloit me suivre , et voyant d'ailleurs
du monde à l'autre bout du Jardin , je
me rassurai ; et picqué d'un peu de hon
te d'avoir eu peur en si grand jour , je
levai la tête , et je vis un nuage fort noir
qui sembloit naître de la pointe de la Col
line , qui s'élevoit au dessus de ma tête
et qui se poussoit sans aucun vent , et
néanmoins avec la derniere impetuosité
de l'Occident à l'Orient ; à mesure que
le nuage s'éloignoit , cette multitude de
voix et de cris se confondoient davan
tage , bientôt je n'entendis plus qu'um
bruit semblable à celui d'un torrent qui
tombe d'une Montagne dans des Ravi
nes , ou d'un Fleuve qui se décharge
dans un autre; et pour vous donner en
core quelque chose de plus sensible ,
persuadez-vous que vous êtes au Pertuis
II. Vol. E vj
de
1520 MERCURE DE FRANCE
de Regeanes ( a ) si terrible à nos Mari
niers ; ce que je veux vous faire conce
voir , étoit encore plus rapide et plus
épouvantable. Enfin le nuage se dissipa
avec tout le tintamarre , je ne vis ni en
tendis plus rien , et nous en fûmes quitte
pour un brouillard trés-épais et trés- puant
qui s'eleva fort peu de tems aprés , et
qui nous incommoda plusieurs jours.
Voilà , M. l'Akousmate dont j'avois
à vous faire le recit , il approche fort ,
comme vous voyez , de celui d'Ansacq ,
à l'exception cependant que les voix
que j'entendis se firent entendre tout
à la fois , au lieu qu'à Ansacq , une seule,
à laquelle une autre ayant répondu d'as
sés loin , commença le charivary , et que
je n'y distinguai aucun son d'instrument.
vous ne manquerês pas de conclure de
là qu'en supposant la verité de cette Réla
tion , elle ne peut pas confirmer celle
d'Ansacq. Il est vray , M. et j'accorderai
sans peine à vôtre prévention , qu'il y a
trop de merveilleux dans celle d'Ansacq ,
et qu'il faudroit trop d'hypothèses pour
y donner une explication un peu proba
ble ; explication par consequent trop
composée , et dès-là trop éloignée de
(a) Lien dangereux de la Riviere d'Yonne ,
à deux lieües d'Auxerre,
1
II. Fola
la
JUIN. 7521 1731.
¿
la nature , qui agit toujours par
les plus simples.
les
voyes
Aussi sans m'arrêter à chaque fait , en
particulier , je me contenterai de croire
en faveur de M. le Curé d'Ansacq , que le
fond de la piece est vray , et que les en
jolivemens peuvent êtte de lui ; mais je
ne suis pas moins persuadé que ce qui a
été entendu à Ansacq est à peu près la
même chose que ce que j'entendis moi
même en 1724.
Voilà cependant une Enquête en bon
ne forme, me direz-vous , faite à Ansacq ;
il faut la recevoir ou la rejetter toute
entiere ; à cela je vous reponds , M. que
quand le Curé d'Ansacq a donné sa Ré
lation au Public , il l'a soumise à toute
la severité de son jugement , et n'a pas as
surément prétendu faire passer son En
quête pour une Piece Juridique ; d'ail
leurs il n'est pas toujours vray qu'on
doive rejetter ou recevoir une Enquête
toute entiere , du grand nombre de té
moignages dont une Enquête est com
posée , il s'en trouve à modifier , ou à
rejetter absolument et d'autres qui font
foy.
Mais en considerant celle- ci comme
juridique , combattons-la juridiquement.
Je fais , je le repete , profession de croi
II. Vala IG
1522 MERCURE DE FRANCE
>
re qu'un bruit extraordinaire entendu à
Ansacq , tel à peu-près que celui que j'ai
entendu à Sezanne est la matiere de
la Rélation de M. le Curé d'Ansacq :
je ne conteste que sur les accessoires
tels que sont ces deux voix qui se répon
doient l'une à l'autre en un lieu fixe,
ces éclats de rire , ces mélanges d'instru
ments , je trouve que ces differens pro
diges se ressentent trop des Sabbats et
des Esprits que je n'admets point.
y
>
Les deux premiers témoins qui seuls
attestent les deux premiers faits , nous
font envisager ce bruit comme renfermé
et immobile entre l'endroit où ils ont
entendu la premiere voix , et celui d'où
a répondu la deuxième , et tous les autres
témoins qui déclarent avoir entendu ce
bruit trés distinctement , le font passer
par dessus les maisons et s'éloigner
comme mon nuage s'éloigna . Aucun de
ceux -là ne dépose des éclats de rire , les
deux personnes qui alloient à Beauvais
ne disent rien ni de ces ris ni de ces deux
voix préliminaires , un seul dépose du
partage du sabat en deux bandes ; on
conviendra qu'une foule de personnes
dont les unes sortant dès le matin pour
aller en Campagne , les autres tranquil.
les , ou dans leur lit ou dans leur cham
II. Vol. "
bre
JUIN. 1731. 1523
bre , doivent faire infiniment plus de
foy , que le témoignage de deux person
nes qui varient même dans des faits essen
tiels , et qui probablement ne se seront
pas mis en chemin si tard à jeun ; on
sçait trop que des gens de Campagne sor
tent toujours d'une Ville , d'un marché ou
d'une Foire , plus gays qu'ils n'y entrent.
-
.
En justice bien réglée , on infereroit
donc de ce grand nombre de dépositions
rassemblées par le Curé d'Ansacq , que cet
te nuit-là il se fit entendre en l'air un grand
bruit formé pat une multitude de voix
humaines et de cris , qui passoit le long
du Village du Sud-Ouest au Nord - Est ,
et qui s'évanouit en s'éloignant ; et st
nous lisons quelque chose de plus dans
la Rélation , il faut nous persuader que
M. le Curé la présenta d'abord à M. la
Princesse de Conti , à dessein de divertir
cette Princesse et le Prince son fils , et
d'attirer en même tems leur admiration :
or le fait narré dans sa simplicité a bien
quelque chose de surprenant , mais il ne
divertit pas comme fait la Musique et
les éclats de rire ; il s'en faut de beaucoup
qu'il soit aussi merveilleux qu'unConcert
aërien ; il faloit donc necessairement que
M. le Curé pour parvenir à son but re
touchât la Piece, et qu'il enrichit ce tinta
II. Vol. marre
524 MERCURE DE FRANCE
·
*
*
marre d'éclats de rire , et d'une sympho
nie , à laquelle il a fallu , sélon les règles
de la Musique , donner un prélude.
Ou bien , si vous voulez , disons à la
décharge du Curé , qu'il avoit affaire à
des gens de campagne
, trés- susceptibles
de prévention , qui dans le cahos et la
confusion qu'a pû faire naître ce grand
nombre de diffetens cris , ou sons aigus ,
auront crû entendre tous les Ménétriers
.
ou tous les Bergers du Pays rassemblés
avec leurs instruments . Vous n'ignorés
pas que les Bergers passent pour bien te
nir leur partie au sabbat.
Ajoutons que les Paysans dans ces sor
tes de récits manquent ordinairement de
bonne foy. Combien de fois des Domes
tiques et d'autres semblables gens ne
m'ont-ils pas fait des récits épouvanta
bles de sabbats , d'esprit , de Loups-ga
rous et de mille autres visions noctur
nes , dans lesquelles ils prétendoient mê
me avoir été maltraités , que j'ai forcé
en les suivant de prés et en les interro
geant avec exactitude , de m'avouer ou
que c'étoit leur Pere ou leur Grand
mere qui leur avoient transmis ces His
toires , ou que tous ces sabbats terribles
se terminoient à un bruit entendu dans
la nuit qui avoient pû être causé
par des
chats assemblés & c.
>
Nous
.
JUIN. 1737. 1925
Nous avons donc dans la Rélation
d'Ansacq , deux écueils dangereux à évi
ter : le . est le dessein formé de M. le
Guré de divertir un Prince et une Prin
cesse , et de les faire admirer ; le 2. l'ima
gination frappée et trés foible , unie à
la mauvaise foy , qui se rencontre ordi
nairement dans ces personnes , sur le té
moignage desquelles on nous donne
certe Rélation. Ces inconveniens nous
doivent faire tenir sur nos gardes , et me
font réduire ce prodige à peu prés au
bruit que j'ai entendu moi-même à Se
zanne. Cela posé , je soutiens , M. que
tout le merveilleux qu'on y trouve peut
n'être qu'un effet très naturel , qui n'a
de surprenant que sa rareté. Et j'ajoute
ce raisonnement :
1º. On ne peut nier qu'un air , ou , si
vous voulez , pour éviter toute ambi
guité , une matiere aërienne trop coin
primée dans un espace fermé , ou pous
sée avec trop de violence contre un corps
qui peut lui résister par le penchant na
turel qu'a cette matiere à s'éloigner de
son centre , ou pour continuer le mou
vement qui lui a été imprimé par un corps
étranger , ne fasse tous ses efforts ou
pour s'échapper ou pour pénetrer son
obstacle ; ensorte que si elle trouve une
.
II. Vol. issue
1426 MERCURE DE FRANCE
issue , ou si elle peut parvenir à s'en faire
une , l'impetuosité avec laquelle elle le
fait , et le choc qu'elle reçoit de l'autre
matiere qui veut entrer , ou qui est op
posée à son mouvement , ébranle violem
ment les colonnes voisines qui transmet
tent cette secousse aux autres colonnes
des environs jusqu'à une certaine étenduë,
plus ou moins grande , selon que les se
Cousses qu'elles reçoivent sont plus ou
moins violentes.
Vous avez , sans doute , fait quelque
fois des ricochets , et vous avez re
marqué que l'agitation des parties frap
pées par une pierre , se communique en
un instant aux environs , et que ce mou
vement forme differens tourbillons sur
l'eau , plus ou moins grands , selon que
votre pierre a été plus ou moins grosse ,
et qu'elle a frappé plus ou moins violem
ment sur l'eau.
Considerons l'Univers comme un
grand Etang extrémement rempli et sans
aucun vuide d'une matiere infiniment
plus fluide et plus facile à émouvoir que
l'eau ; que chaque choc que reçoit cette
matiere dans son mouvement reglé , fait
un ricochet dont les tourbillons sont in
finiment plus étendus que ceux qu'une
pierre pourroit produire dans l'eau , et que
II. Vol. tous
E
JUIN
. 1731.
1427
tous les corps qui sont enveloppez dans
le cercle que décrit ce tourbillon , se res
sentent de ce choc, pour peu qu'ils soient
susceptibles d'impression .
12.
Si ce sont quelques parties émanées
d'un corps qui se soient mêlées avec les par
ties de cette matiere fluide,et qui puissent
frapper nos organes , sur le champ elles
excitent en nous quelques sensations ; de
01 là les odeurs que nous sentons ; de- là
même les couleurs que nous voyons , si
les parties de ce corps lui ont résisté.
Enfin si c'est un corps étranger qui a frap
pé cette matiere fluide et que les secous
ses qu'elle a reçûës , ayent pû assez l'é
branler pour qu'elle les communique jus
qu'à mon oreille ; voilà un son qui sera
reglé par la qualité des secousses et des vi
brations qu'aura causées ce corps étfanger.
Ces principes sont prouvez par un
nombre infini d'expériences qui se pre
sentent tous les jours. Qu'on souffle dans
une flute dont on ait bouché tous les
troux , il ne s'y formera aucun son ; n'est
il
V
pas évident que ce n'est que parce que
l'air ne peut en sortir et ébranler les co
lomnes d'air qui sont au - dehors , et qui
puissent refléchir cette secousse jusqu'aux
oreilles Celui qui souffle fatiguera mê
me , parce que l'air trop comprimé trou
II. Vol vant
1428 MERCURE DE FRANCE
vant de tous côtez un obstacle invinci
ble se refléchira à la bouche de celui qui
souffle ; mais qu'on débouche tout à coup
un trou et que l'on mette la main au- dessus
on sentira l'effort de l'air qui sort et l'on
entendra un son très- aigu . Enfin le son
que rendra cette flute sera doux et aigu ,
selon que l'on souflera plus ou moins fort,
grave ou délicat , selon que les trous se
ront plus ou moins larges.
Le vent dans ces Plaines de Champa
gne où il n'y a arbre ni buissonne
fait point du tout , ou très - peu de bruit,
souffle- t'il dans une cheminée , dans des
Croisées qui ayent quelque petite ouver
tures , il siffle d'une maniere très -sensible.
Dernierement j'entrai dans une Chambre,
je fus frappé de deux sons qui imitoient
parfaitement le bourdon d'une Vielle ou
d'une Cornemuse , qui augmentoient et
s'abbaissoient par reprise quelquefois ces
sons étoient aigus , quelquefois doux . Cette
Musique champêtre venoit de deux car
reaux de vître , dont l'un étoit un peu
échancré , et l'autre n'étoit pas joint exac
tement avec le Chassis ; c'étoit le vent qui
faisoit varier les sons que j'entendois ;
c'est qu'il étoit plus ou moins violent.
Le son n'est donc produit que par les
secousses d'une matiere aërienne et très
II. Vol. fluide
JUIN. 1731 1429
fluide ; secousses occasionnées ou par le
choc d'un corps étranger avec cette ma
tiere fluide , ou parce que cette matiere
chassée avec trop de violence contre un
corps qui lui résiste , ou concentrée dans
un espace trop étroit , trouve ou se fait
des passages par où elle s'échappe avec
impétuosité et ébranle en fuyant les co
lomnes d'air voisines . La varieté des sons
est causée par la varieté du choc ou des
passages , qui , pouvant être modifiez à
l'infini , peuvent produire une varieté
infinie de sons.
2º. On ne peut raisonnablement dou
ter que , dans les airs comme dans le sein
de la terre , ces principes des sons ne
puissent s'y rencontrer. Dans le sein de
la terre les Experiences en sont, il est vrai,
plus rares , mais il n'est pas moins vrai
qu'il y en ait. On s'en convaincra par la
facilité qu'il y a de concevoir dans le sein
de la terre des matieres trop resserrées ,
er qui tendent à s'échapper ; si elles ne
le peuvent qu'en dilatant tous les obsta
cles , et que le corps terrestre qui les en
vironne ne puisse se dilater que par un
grand effort , il est constant que si ces
matieres se font une fois jour , ce ne
pourra jamais être sans un grand fracas.
En raisonnant par les experiences , on
II. Vol.
n'en
530 MERCURE DE FRANCE
T
n'en peut plus douter ; les brouillards.
qu'on voit sortir à vûë d'oeil des Marais ,
les tremblemens de terre , tout ce qu'on
nous raconte du Mont Etna et du Mont
Vesuve , nous persuade que dans le sein
de la terre il s'y trouve une matiere très
legere , qui peut ébranler pour sortir de
l'espace qui la contient , tous les obsta
cles qui se présentent à sa sortie , et qui
fait plus ou moins de désordre et de bruit ,
selon qu'elle a plus ou moins de peine
à s'évader , ou que l'espace qui la con
tient en est plus ou moins rempli , ou
qu'elle-même est plus ou moins active.
Les Mines que l'Art de la guerre a in
ventées , sont autant d'experiences qui
rendent mon raisonnement sensible . Et
un Quartier de Paris en fit une triste épreu
ve il y a quelques mois. Le feu ayant pris
à un Magazin de Poudre , la matiere ignée
remplit toute la voute, et ne pouvant plus
s'y contenir , la fit sauter en l'air , ainsi
que les Maisons et tout ce qui se trouva
au- dessus , avec un bruit si épouventable
que les Maisons des environs ,je veux dire,
à quelques rues même d'éloignement , en
furent ébranlés et les habitans effrayez.
Mais je m'apperçois , Monsieur , que
je commence d'exceder les bornes d'une
Lettre, et que je pourrois bien abuser de
II. Vol. Votre
JUIN. 1731. 1531
votre patience. Je prens donc le parti de
m'arrêter ici et de renvoyer à une autre
fois ce qui me reste à vous dire sur ce
sujet. Je suis , &c.
A Paris , ce 15. Juin 1731 .
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Résumé : LETTRE de M. Laloüat de Soulaines, écrite à M. L. B. C. D. au sujet de l'Akousmate d'Ansacq, et d'un autre pareil dont il a été le témoin.
La lettre de M. Laloüat de Soulaines, adressée à M. L. B. C. D., traite de l'Akousmate d'Ansacq et d'un événement similaire vécu par l'auteur. L'auteur n'est pas étonné que le récit du curé d'Ansacq soit perçu comme un conte de fées, car il repose sur un seul témoignage sensoriel. Il affirme croire fermement à ce récit, contrairement à l'incrédulité de son destinataire. L'auteur décrit un événement survenu à Sezanne en octobre 1724, où il a entendu un bruit affreux composé de voix humaines, de cris d'oiseaux et d'animaux. Ce bruit semblait le suivre et se dissipa en laissant un brouillard épais et puant. Il compare cet événement à celui d'Ansacq, bien que les détails diffèrent légèrement. L'auteur reconnaît le caractère merveilleux du récit d'Ansacq mais suggère que le fond de l'histoire est vrai, les ornements étant ajoutés par le curé. Il critique les témoignages variés et les embellissements du récit d'Ansacq, proposant une explication naturelle basée sur la propagation des sons et des mouvements dans l'air. Il conclut que le phénomène observé à Ansacq pourrait être similaire à celui qu'il a vécu à Sezanne, sans les éléments surnaturels. Par ailleurs, un texte daté de juin 1731 explore les principes de la production des sons à travers divers phénomènes physiques. Il explique que les sons sont générés par les secousses d'une matière aérienne fluide, causées soit par le choc d'un corps étranger, soit par la matière fluide chassée avec violence contre un obstacle ou concentrée dans un espace restreint. La variété des sons dépend de la variété des chocs ou des passages que cette matière fluide emprunte. Des exemples illustrent ces principes : souffler dans une flûte bouchée ne produit pas de son car l'air ne peut s'échapper, mais déboucher un trou permet de créer un son aigu. Le vent dans des environnements ouverts ne fait pas de bruit, mais il siffle lorsqu'il passe par des ouvertures comme des cheminées ou des fenêtres. Le texte étend ces principes à la terre, suggérant que des matières resserrées cherchant à s'échapper peuvent provoquer des tremblements et des bruits, comme ceux observés dans les marais, les volcans ou lors d'explosions de poudre. Les expériences avec des mines et des explosions confirment ces observations. Le texte se conclut par une mention de l'impact d'une explosion de poudre à Paris, qui a ébranlé les maisons environnantes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 2330-2339
CONJECTURES sur la formation de Montmartre, et de la Butte de Chaumont, près de Paris.
Début :
Ces Montages, d'une conformation singuliere, ont plus de 12 toises d'élévation [...]
Mots clefs :
Montmartre, Butte de Chaumont, Crément de Rivière, Montagnes, Colline, Formation, Pierres
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texteReconnaissance textuelle : CONJECTURES sur la formation de Montmartre, et de la Butte de Chaumont, près de Paris.
CONJECTURES sur la formation de
Montmartre, et de la Butte de
Chaumont, près Paris.
Es Montagnes , d'une conformation
Csinguliere,ont plus de 12 toises d'élevation dans leur plus grande coupe, qui
est vis- à-vis l'une de l'autre. Elles sont
toutes composées de lits ou de couches
posées les unes sur les autres , à peu près
comme le sont les Couches qui composent le Crément de Riviere. La seule dif
férence sensible qu'il y a entre le Crément de Riviere et cette matiere , c'est
que le Crément de Riviere n'a point de
Pierres , au lieu que dans ces Montagnes
il y a plusieurs lits ou bancs de Pierre.
Ces Montagnes sont divisées en deux,
par des bancs de pierre brûlée. La partie
inférieure est composée de plusieurs bancs
de pierre à plâtre. On a trouvé plusieurs
fois dans cette partie , des Ossemens , et
même un Squelette humain tout entier.
J'ai eu d'un Ouvrier , l'Os d'une côte
enchassée dans une pierre qui en avoit
été tirée.
La Partie supérieure des pierres brû
lées
NOVEMBRE. 1732 (23
$
fées , est composée comme la premiere ,
de plusieurs bancs de pierres à plâtre. On
trouve aussi des Ossemens dans cette par--
tie - cy , au dessus de laquelle il y a des
lits ou feuillets de terre , tout comme
ceux du Crément de Riviere.
Après ce petit détail , on croit pouvoir
proposer quelques conjectures , persuadé
que si on n'a pas pensé juste , on pourra
au moins donner occasion à quelque personne plus habile de découvrir la véritable cause Physique de ces Montagnes ,
qui ne sont certainement point un ouvrage de la création.
L'idée la plus naturelle qui se présente
d'abord sur leur origine , c'est qu'elles
sont un crément ou un atterrissement
,de la Riviere de Seine ; mais l'élevation
de ces Montagnes , et les Pierres qu'on y
découvre, ne favorisent pas cette conjecture.
A l'égard des Pierres , la difficulté paroît d'abord plus grande qu'elle n'est en
effet ; parce que pour peu qu'on fasse réfléxion qu'il se trouve des Ossemens dans
le plus bas banc , on n'aura pas de peine
à se persuader que ces bancs n'y ont pas
toujours été , et qu'ils ne sont qu'une pétrification qui a été faite , non seulement
après la formation du Crément , mais enCore
2332 MERCURE DE FRANCE
core dans un tems où ce terrain étoit fréquenté par des hommes et par des animaux.
Il est bien plus difficile d'expliquer
commentun Crément a pû fe former dans
un endroit où il seroit absurde de supposer que les eaux de la Seine se soient
jamais élevées. Cependant je crois que si
on veut se donner la peine d'examiner
ce que j'ai pensé là- dessus , on y trouve
vera quelque probabilité.
Je suppose d'abord que l'endroit où
sont à présent ces Montagnes , étoit dans
les premiers tems aussi enfoncé dans la
terre qu'il est à present élevée au dessus.
Au moïen de cette supposition assez naturelle , on donnera une explication sensible de tout ce qu'on a remarqué dans
ces Montagnes , qui ne faisoient autrefois
qu'un Corps ou une Colline , qui n'étoit
séparée ( autant qu'on croit pouvoir le
conjecturer) que par une fente ou ouver
ture de la Colline , à l'endroit de Monfaucon.
Il ne sera pas bien difficile ensuite de
concevoir comment s'est formé un Crémentdans un endroit bas, auprès d'une
grande Riviere Quand je dis près, je suppose que le Marais qui étoit entre ce fond
t la Seine, étoit dans ce tems- là bien
moins
NOVEMBRE. 1732 2335
moins élevé , qu'il n'est aujourd'hui. Et
que c'étoit plutôt un Etang ou même un
Lac aussi profond. Or la formation du
Crément de cette Colline, étant supposée
faite naturellement dans un Lac , la difficulté ne consiste plus qu'à faire voir
comment cet endroit a pû s'élever jusqu'à
former des Montagnes , dont on ne voit
aujourd'hui qu'une partie. Il me paroît
que cette élevation a pû se faire par le
feu; les Pierres brûlées le prouvent et font
présumer un Volcan au dessous . L'élevation est tres-singuliere en ce que cette
Colline a été élevée toute d'une piece ,
et a même conservé son Niveau. Ce qui
a pû se faire par un torrent de feu trèsprofond , lequel en soulevant cette masse,
se fit une ouvertute par laquelle il s'éleva jusqu'aux bancs brûlez où il forma un
secondtorrent de feu ; et ce qui empêcha
cette Colline de s'élever davantage , c'est ,
si on peut hazarder cette conjecture , que
ce second torrent de feu se trouvant au
dessus des terres des environs ( comme il
est aisé de le voir ) perdit sa force par les
ouvertures qu'il trouvoit de toutes parts.
D'où l'on peut encore conjecturer que la
Partie Occidentale de cette Colline , n'étant plus soutenue par ce second torrent
de feu , s'affaissa et se sépara ( apparem- B ment
2334 MERCURE DE FRANCE
ment vers Monfaucon) de la Partie Orientale , soûtenuë par le feu qui continuoit
à brûler. Cela paroît vrai-semblable , parce qu'on voit à Chaumont huit bancs de
pierres brûlées , au lieu qu'on n'en voit
que deux , depuis Chaumont jusqu'à Montmartre.
Il sembleroit que le nom de cette Butte
de Chaumont , a conservé la memoire de
cet Evenement. Le nom de Montfaucon
ne paroît pas marquer si expressément
cette fente de la Montagne ; cependant il
est vrai de dire que ce Roc étoit bien bas
pour avoir pris son nom des Oyseaux de
Proye qui n'habitent que les Montagnes
les plus élevées.
Au reste , si la Colline ne se remit point
dans la même place qu'elle occupoit avant
son élevation ; il y a apparence que c'est
parce que le Volcan ayant soulevé unbien
plus grand espace que celui qui fût élevé , et qui sortit hors de la terre , les bancs
qui ne furent que soulevez , retomberent
dès qu'ils furent séparez des bancs élevez.
Cette supposition fait conjecturer pourquoi la Colline, en s'affaissant ,n'a pas repris la place qu'elle occupoit auparavant,
et qui suivant les apparences , est restée
vuide.
L'effet de ce Volcan en long , a donné
Occa-
NOVEMBRE. 1732. 2335
occasion à une nouvelle conjecture. C'est
que ce Volcan pourroit bien avoir suivi
le cours de la Seine , et en élevant d'espace en espace de nouvelles Taupinieres ,
avoir engagé cette Riviere à serpenter
comme elle fait. On a remarqué qu'audessus de Séve , sur le chemin de Versailles , le bouleversement de la Montagne ,
paroît sensible dans les endroits où l'on
tire des Pierres. On reconnoît dans le dérangement de cette Montagne un effet
pareilà ceux que causent les Volcans , plutôt qu'un ouvrage de la création. Si cette
nouvelle conjecture est aussi vraie qu'elle
paroît vrai-semblable , on peut dire que
cet accident a procuré deux grands avantages à Paris. Le premier , pour la construction de cette grande Ville par le Platre qu'elle en tire à très grand marché;
et le second , pour la facilité de la navigation ; car il est certain que si le cours de
la Seine étoit plus droit , il seroit plus rapide et moins profond.
>
On ne sçauroit attribuer aux eaux du
Déluge la formation de cette Colline, parce que le Déluge n'ayant duré qu'un an
il n'est pas vrai - semblabl d'admettre
dans un terme si court , la formation de
cette prodigieuse quantité de feüillers ,
qui n'ont pu se former que dans plusieurs
siecies.
Bij Au
2336 MERCURE DE FRANCE
Au reste , on ne doit point croire que
les Ossemens qu'on trouve icy , ayent pû
y avoir été jettez long- tems après la formation et l'élevation de cette Colline ,
comme on pourroit le conjecturer de plusieurs autres endroits des environs de Paris où il y a des Fondrieres dans lesquelles les Ossemens qu'on a jettez , se sont
pétrifiez ; car supposant le fait , tel qu'on
me l'a rapporté , je soutiens que la même
chose n'a pû arriver icy , parce que la
terre qui est au dessus de ces bancs , doit
être regardée comme une terre vierge et
à laquelle on n'a point touché depuis sa
formation , étant impossible qu'elle fut
feuilletée , comme elle est , si ón y avoit
touché. Si on n'est pas entré dans un plus
grand détail au sujet d'une Colline si extraordinaire , c'est parce qu'on ne la connoît que par le rapport des Ouvriers, ou
par ce qu'on en a pû voir soi - même en
passant.
Dans le grand nombre d'exemples que
je pourrois rapporter , pour confirmer
mes conjectures, j'ai choisi celui de Monte
Nuovo, qui fut formé dans le Lac Lucrin
au Royaume de Naples , il y a près de
200 ans. Je me flate que ceux qui voudront comparer la formation de ces Montagnes,ne penseront pas que la difference
qui
NOVEMBRE. 1732 2337
qui s'y trouve, soit suffisante pour faire rejetter mes conjectures. Je ne sçais pas mêmesi les circonstances qu'on a remarquées,
leur paroîtront laisser une entiere liberté
de s'en éloigner.
La nuit du 29 au 30 Septembre , l'an
1538. la terre accoucha d'un Montagne,
» qui depuis a toujours été nommée
» Monte Nuovo. Ceux qui l'ont mesurée
» disent qu'elle a 400 toises de hauteur
» perpendiculaire , et 3000 pas de tour ,
» ou un peu davantage. Les Naturalistes
» ont remarqué plusieurs manieres dont
quelques Montagnes se sont formées
» quelquefois par des tremblemens de ter-
>> re , quelquefois par des vents , quelque-
» fois par des dégorgemens sousterrains ,
»à peu près comme quand une Taupe
» pousse la terre , et fait élever ces peti-
» tes Buttes , qu'on appelle Taupinieres.
» C'est par cette derniere voie que s'est
»forméle Monte Nuovo , aussi bien que
» l'autre Montagne que je vous ai repré-
» sentée au milieu de l'ancienne Fondriere
» du Mont-Vésuve. Le Monte Nuovo a
» dit- on , un Gouffre de so pas de dia-
» metre au milieu de sa cime ; ce qui
» prouve assez sa naissance par irruption ;
» mais il n'a jetté ni feu ni flamme, ni fait
» aucun désordre depuis ceux que causa
›
В iij un
2338 MERCURE DE FRANCE
un si prodigieux et un si douloureux enfantement, la Terre en trembla , la Mer
s'en recula, le Lac Lucrin en fut presque
comblé, des Eglises, des Maisons furent
> embrasées et englouties , plusieurs hom-
» mes périrent et quantité de bêtes. Il se
» fit un bouleversement effroïable dans
tous les environs. Voiage d'Italie , de
Misson, tom. 2. pag, 73. 4º Edit.
Voyez le Cappachio Antichita di Pozzuolo , cap. 20. pag. 164 , qui dit que co
Monte Nuovo couvrit Tripergole , et com
bla le Lac Lucrin presque tout entier ; il
ajoute queGerminioBergio, qui addressa une
Relation en Vers de cet Evenement, dont
il avoit été témoin , au Pape Paul III.
donne de hauteur à cette Montagne 30
Stades, Ce mot Stadium, ne peut désigner
que le Staiolo ou Stadiolo , mesure usitée
en Italie pour l'Arpentage , qui est la dixième partie de la Chaine , et d'environ
5 Palmes. La Palme de Naples * est de
9 pouces 8 lig. , et le Staiolo de Naples
sera de 4 pieds , 10 pouces, 4 lignes et les 30 Staioli font 146 pieds environ , ou
plus de 24 toises. On donne environ trois
mille de tour à cette Montagne.
J'ai appris de bonne part que le même
Mesure de la Terre , de M. Cassini , pag.251.
Bou-
NOVEMBRE. 1732. 2339
Bouleversement se voit dans d'autres Montagnes,qui sont le long de la Seine. De plus
on voit sensiblement un soulevement de
terre entre Montmartre et Séve Ce soulevement est resté à peu près de la maniere qu'il a été fait lors du Volcan. On ne
sera pas surpris qu'il ne se soit pas affaissé après le Volcan , si on suppose qu'il ya
des bancs de pierres , comme par tous les
environs. Ce soulevement est aisé à reconnoître par son élevation , par sa direction entre ces deux endroits , et par
des Allées d'Arbres qu'on y a plantez .
Montmartre, et de la Butte de
Chaumont, près Paris.
Es Montagnes , d'une conformation
Csinguliere,ont plus de 12 toises d'élevation dans leur plus grande coupe, qui
est vis- à-vis l'une de l'autre. Elles sont
toutes composées de lits ou de couches
posées les unes sur les autres , à peu près
comme le sont les Couches qui composent le Crément de Riviere. La seule dif
férence sensible qu'il y a entre le Crément de Riviere et cette matiere , c'est
que le Crément de Riviere n'a point de
Pierres , au lieu que dans ces Montagnes
il y a plusieurs lits ou bancs de Pierre.
Ces Montagnes sont divisées en deux,
par des bancs de pierre brûlée. La partie
inférieure est composée de plusieurs bancs
de pierre à plâtre. On a trouvé plusieurs
fois dans cette partie , des Ossemens , et
même un Squelette humain tout entier.
J'ai eu d'un Ouvrier , l'Os d'une côte
enchassée dans une pierre qui en avoit
été tirée.
La Partie supérieure des pierres brû
lées
NOVEMBRE. 1732 (23
$
fées , est composée comme la premiere ,
de plusieurs bancs de pierres à plâtre. On
trouve aussi des Ossemens dans cette par--
tie - cy , au dessus de laquelle il y a des
lits ou feuillets de terre , tout comme
ceux du Crément de Riviere.
Après ce petit détail , on croit pouvoir
proposer quelques conjectures , persuadé
que si on n'a pas pensé juste , on pourra
au moins donner occasion à quelque personne plus habile de découvrir la véritable cause Physique de ces Montagnes ,
qui ne sont certainement point un ouvrage de la création.
L'idée la plus naturelle qui se présente
d'abord sur leur origine , c'est qu'elles
sont un crément ou un atterrissement
,de la Riviere de Seine ; mais l'élevation
de ces Montagnes , et les Pierres qu'on y
découvre, ne favorisent pas cette conjecture.
A l'égard des Pierres , la difficulté paroît d'abord plus grande qu'elle n'est en
effet ; parce que pour peu qu'on fasse réfléxion qu'il se trouve des Ossemens dans
le plus bas banc , on n'aura pas de peine
à se persuader que ces bancs n'y ont pas
toujours été , et qu'ils ne sont qu'une pétrification qui a été faite , non seulement
après la formation du Crément , mais enCore
2332 MERCURE DE FRANCE
core dans un tems où ce terrain étoit fréquenté par des hommes et par des animaux.
Il est bien plus difficile d'expliquer
commentun Crément a pû fe former dans
un endroit où il seroit absurde de supposer que les eaux de la Seine se soient
jamais élevées. Cependant je crois que si
on veut se donner la peine d'examiner
ce que j'ai pensé là- dessus , on y trouve
vera quelque probabilité.
Je suppose d'abord que l'endroit où
sont à présent ces Montagnes , étoit dans
les premiers tems aussi enfoncé dans la
terre qu'il est à present élevée au dessus.
Au moïen de cette supposition assez naturelle , on donnera une explication sensible de tout ce qu'on a remarqué dans
ces Montagnes , qui ne faisoient autrefois
qu'un Corps ou une Colline , qui n'étoit
séparée ( autant qu'on croit pouvoir le
conjecturer) que par une fente ou ouver
ture de la Colline , à l'endroit de Monfaucon.
Il ne sera pas bien difficile ensuite de
concevoir comment s'est formé un Crémentdans un endroit bas, auprès d'une
grande Riviere Quand je dis près, je suppose que le Marais qui étoit entre ce fond
t la Seine, étoit dans ce tems- là bien
moins
NOVEMBRE. 1732 2335
moins élevé , qu'il n'est aujourd'hui. Et
que c'étoit plutôt un Etang ou même un
Lac aussi profond. Or la formation du
Crément de cette Colline, étant supposée
faite naturellement dans un Lac , la difficulté ne consiste plus qu'à faire voir
comment cet endroit a pû s'élever jusqu'à
former des Montagnes , dont on ne voit
aujourd'hui qu'une partie. Il me paroît
que cette élevation a pû se faire par le
feu; les Pierres brûlées le prouvent et font
présumer un Volcan au dessous . L'élevation est tres-singuliere en ce que cette
Colline a été élevée toute d'une piece ,
et a même conservé son Niveau. Ce qui
a pû se faire par un torrent de feu trèsprofond , lequel en soulevant cette masse,
se fit une ouvertute par laquelle il s'éleva jusqu'aux bancs brûlez où il forma un
secondtorrent de feu ; et ce qui empêcha
cette Colline de s'élever davantage , c'est ,
si on peut hazarder cette conjecture , que
ce second torrent de feu se trouvant au
dessus des terres des environs ( comme il
est aisé de le voir ) perdit sa force par les
ouvertures qu'il trouvoit de toutes parts.
D'où l'on peut encore conjecturer que la
Partie Occidentale de cette Colline , n'étant plus soutenue par ce second torrent
de feu , s'affaissa et se sépara ( apparem- B ment
2334 MERCURE DE FRANCE
ment vers Monfaucon) de la Partie Orientale , soûtenuë par le feu qui continuoit
à brûler. Cela paroît vrai-semblable , parce qu'on voit à Chaumont huit bancs de
pierres brûlées , au lieu qu'on n'en voit
que deux , depuis Chaumont jusqu'à Montmartre.
Il sembleroit que le nom de cette Butte
de Chaumont , a conservé la memoire de
cet Evenement. Le nom de Montfaucon
ne paroît pas marquer si expressément
cette fente de la Montagne ; cependant il
est vrai de dire que ce Roc étoit bien bas
pour avoir pris son nom des Oyseaux de
Proye qui n'habitent que les Montagnes
les plus élevées.
Au reste , si la Colline ne se remit point
dans la même place qu'elle occupoit avant
son élevation ; il y a apparence que c'est
parce que le Volcan ayant soulevé unbien
plus grand espace que celui qui fût élevé , et qui sortit hors de la terre , les bancs
qui ne furent que soulevez , retomberent
dès qu'ils furent séparez des bancs élevez.
Cette supposition fait conjecturer pourquoi la Colline, en s'affaissant ,n'a pas repris la place qu'elle occupoit auparavant,
et qui suivant les apparences , est restée
vuide.
L'effet de ce Volcan en long , a donné
Occa-
NOVEMBRE. 1732. 2335
occasion à une nouvelle conjecture. C'est
que ce Volcan pourroit bien avoir suivi
le cours de la Seine , et en élevant d'espace en espace de nouvelles Taupinieres ,
avoir engagé cette Riviere à serpenter
comme elle fait. On a remarqué qu'audessus de Séve , sur le chemin de Versailles , le bouleversement de la Montagne ,
paroît sensible dans les endroits où l'on
tire des Pierres. On reconnoît dans le dérangement de cette Montagne un effet
pareilà ceux que causent les Volcans , plutôt qu'un ouvrage de la création. Si cette
nouvelle conjecture est aussi vraie qu'elle
paroît vrai-semblable , on peut dire que
cet accident a procuré deux grands avantages à Paris. Le premier , pour la construction de cette grande Ville par le Platre qu'elle en tire à très grand marché;
et le second , pour la facilité de la navigation ; car il est certain que si le cours de
la Seine étoit plus droit , il seroit plus rapide et moins profond.
>
On ne sçauroit attribuer aux eaux du
Déluge la formation de cette Colline, parce que le Déluge n'ayant duré qu'un an
il n'est pas vrai - semblabl d'admettre
dans un terme si court , la formation de
cette prodigieuse quantité de feüillers ,
qui n'ont pu se former que dans plusieurs
siecies.
Bij Au
2336 MERCURE DE FRANCE
Au reste , on ne doit point croire que
les Ossemens qu'on trouve icy , ayent pû
y avoir été jettez long- tems après la formation et l'élevation de cette Colline ,
comme on pourroit le conjecturer de plusieurs autres endroits des environs de Paris où il y a des Fondrieres dans lesquelles les Ossemens qu'on a jettez , se sont
pétrifiez ; car supposant le fait , tel qu'on
me l'a rapporté , je soutiens que la même
chose n'a pû arriver icy , parce que la
terre qui est au dessus de ces bancs , doit
être regardée comme une terre vierge et
à laquelle on n'a point touché depuis sa
formation , étant impossible qu'elle fut
feuilletée , comme elle est , si ón y avoit
touché. Si on n'est pas entré dans un plus
grand détail au sujet d'une Colline si extraordinaire , c'est parce qu'on ne la connoît que par le rapport des Ouvriers, ou
par ce qu'on en a pû voir soi - même en
passant.
Dans le grand nombre d'exemples que
je pourrois rapporter , pour confirmer
mes conjectures, j'ai choisi celui de Monte
Nuovo, qui fut formé dans le Lac Lucrin
au Royaume de Naples , il y a près de
200 ans. Je me flate que ceux qui voudront comparer la formation de ces Montagnes,ne penseront pas que la difference
qui
NOVEMBRE. 1732 2337
qui s'y trouve, soit suffisante pour faire rejetter mes conjectures. Je ne sçais pas mêmesi les circonstances qu'on a remarquées,
leur paroîtront laisser une entiere liberté
de s'en éloigner.
La nuit du 29 au 30 Septembre , l'an
1538. la terre accoucha d'un Montagne,
» qui depuis a toujours été nommée
» Monte Nuovo. Ceux qui l'ont mesurée
» disent qu'elle a 400 toises de hauteur
» perpendiculaire , et 3000 pas de tour ,
» ou un peu davantage. Les Naturalistes
» ont remarqué plusieurs manieres dont
quelques Montagnes se sont formées
» quelquefois par des tremblemens de ter-
>> re , quelquefois par des vents , quelque-
» fois par des dégorgemens sousterrains ,
»à peu près comme quand une Taupe
» pousse la terre , et fait élever ces peti-
» tes Buttes , qu'on appelle Taupinieres.
» C'est par cette derniere voie que s'est
»forméle Monte Nuovo , aussi bien que
» l'autre Montagne que je vous ai repré-
» sentée au milieu de l'ancienne Fondriere
» du Mont-Vésuve. Le Monte Nuovo a
» dit- on , un Gouffre de so pas de dia-
» metre au milieu de sa cime ; ce qui
» prouve assez sa naissance par irruption ;
» mais il n'a jetté ni feu ni flamme, ni fait
» aucun désordre depuis ceux que causa
›
В iij un
2338 MERCURE DE FRANCE
un si prodigieux et un si douloureux enfantement, la Terre en trembla , la Mer
s'en recula, le Lac Lucrin en fut presque
comblé, des Eglises, des Maisons furent
> embrasées et englouties , plusieurs hom-
» mes périrent et quantité de bêtes. Il se
» fit un bouleversement effroïable dans
tous les environs. Voiage d'Italie , de
Misson, tom. 2. pag, 73. 4º Edit.
Voyez le Cappachio Antichita di Pozzuolo , cap. 20. pag. 164 , qui dit que co
Monte Nuovo couvrit Tripergole , et com
bla le Lac Lucrin presque tout entier ; il
ajoute queGerminioBergio, qui addressa une
Relation en Vers de cet Evenement, dont
il avoit été témoin , au Pape Paul III.
donne de hauteur à cette Montagne 30
Stades, Ce mot Stadium, ne peut désigner
que le Staiolo ou Stadiolo , mesure usitée
en Italie pour l'Arpentage , qui est la dixième partie de la Chaine , et d'environ
5 Palmes. La Palme de Naples * est de
9 pouces 8 lig. , et le Staiolo de Naples
sera de 4 pieds , 10 pouces, 4 lignes et les 30 Staioli font 146 pieds environ , ou
plus de 24 toises. On donne environ trois
mille de tour à cette Montagne.
J'ai appris de bonne part que le même
Mesure de la Terre , de M. Cassini , pag.251.
Bou-
NOVEMBRE. 1732. 2339
Bouleversement se voit dans d'autres Montagnes,qui sont le long de la Seine. De plus
on voit sensiblement un soulevement de
terre entre Montmartre et Séve Ce soulevement est resté à peu près de la maniere qu'il a été fait lors du Volcan. On ne
sera pas surpris qu'il ne se soit pas affaissé après le Volcan , si on suppose qu'il ya
des bancs de pierres , comme par tous les
environs. Ce soulevement est aisé à reconnoître par son élevation , par sa direction entre ces deux endroits , et par
des Allées d'Arbres qu'on y a plantez .
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Résumé : CONJECTURES sur la formation de Montmartre, et de la Butte de Chaumont, près de Paris.
Le texte examine la formation des montagnes de Montmartre et de la Butte de Chaumont près de Paris, qui s'élèvent de plus de 12 toises. Ces formations géologiques sont constituées de couches superposées similaires à celles du Crément de Riviere, mais elles contiennent également des bancs de pierre. Des ossements humains ont été découverts dans les couches inférieures et supérieures, séparés par des bancs de pierre brûlée. L'auteur propose plusieurs hypothèses sur l'origine de ces montagnes. La première hypothèse, selon laquelle elles seraient un crément ou un atterrissement de la Seine, est rejetée en raison de leur élévation et de la présence de pierres. La pétification des bancs de pierre est notée comme étant postérieure à la formation du crément. L'auteur suggère que la région était initialement enfoncée et que le crément s'est formé dans un lac ou un étang profond. L'élévation des montagnes serait due à un volcan souterrain, comme le prouvent les pierres brûlées. Ce volcan aurait soulevé la colline, créant une ouverture par laquelle un second torrent de feu s'est élevé, séparant la colline en deux parties. Le texte mentionne également des observations similaires sur d'autres montagnes le long de la Seine et compare la formation de Montmartre à celle du Monte Nuovo en Italie, formé il y a près de 200 ans. L'auteur conclut que les ossements trouvés dans les montagnes n'ont pas été déposés après leur formation, car la terre au-dessus des bancs est considérée comme vierge.
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4
p. 187
Du 4 Juillet.
Début :
On a appris de Livourne que les Rebelles avoient élevé une batterie [...]
Mots clefs :
Rebelles, Batterie, Colline
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texteReconnaissance textuelle : Du 4 Juillet.
Du 4 Juillet. f 1
On a appris de Livourne que les Rebelles
avoient élevé une batterie fur une Colline qui
domine le village de Furiani.
On a appris de Livourne que les Rebelles
avoient élevé une batterie fur une Colline qui
domine le village de Furiani.
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