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2
p. 1081-1089
LETTRE de M. **** à M. l'Abbé *** Chanoine de l'Eglise de ...... au sujet d'une Legende déclarée fausse et digne de suppression par plusieurs Docteurs de Sorbonne.
Début :
Vous êtes très-occupé, Monsieur, à revoir le Breviaire de l'Eglise [...]
Mots clefs :
Légende, Sorbonne, Église, Docteur, Bréviaire, Évêque, Sainte Hélène, Cas, Sous-chantre, Docteurs
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. **** à M. l'Abbé *** Chanoine de l'Eglise de ...... au sujet d'une Legende déclarée fausse et digne de suppression par plusieurs Docteurs de Sorbonne.
LETTRE de M. **** à M..
l'Abbé✶✶✶ Chanoine de l'Eglise de......
au sujet d'une Legende déclarée fausse ct
digne de suppression par plusieurs Docteurs
de Sorbonne.
V
Ous êtes très- occupé , Monsieur ;
à revoir le Breviaire de l'Eglise
de *** et vous voulez le purger de
quantité de Fables qui se sont glissées
dans les Legendes . C'est aussi par où l'on
doit commencer lorsqu'on procede à la
reformation de ces sortes d'Ouvrages La
1. Vol. close
TO82 MERCURE DE FRANCE
chose a été recommandée dans tant de
Conciles , que j'ai été surpris qu'on eût
attendu si long-tems. Je ne sçai , au reste, si
vous y aurez beaucoup de satisfaction.
Outre que cette étude est assez seche ,
elle est sujette quelquefois à certaines
traverses ; la lumiere ne peut souvent se
faire place dans les tenebres sans quelque
coup d'éclat il y a des assauts à essuyer
et quelquefois même des injures. Je veux
vous divertir à cette occasion d'une Histoire
arrivée il y a quinze ans dans une
Ville que vous connoissez particuliere-
Ment. La premiere atteinte qu'un des
Membres qui composent le Chapitre , osa
donner à un Breviaire qui y servoit depuis
48. ans fut d'attaquer la Legende
d'une Sainte Helene. Ayant proposé en
yain la supposition de cette Legende , il
demanda l'avis à d'habiles Docteurs de
Sorbonne , et leur envoya la Legende
avec l'énoncé des choses dites publiquement
en consequence de la proposition .
Je vous fais part de la feuille trouvée en
Original dans les papiers d'un Curieux,
qui contient la Legende et la resolution
du cas . Ce cas vous frappera par sa singularités
mais quand l'obstination est singuliere
, il semble qu'il faut aussi employer
des remedes singuliers.
,
I. Vol. Copie
JUIN. 1734. 1083
Copie d'une feuille signée par cinq Doc
teurs de Sorbonne l'an 1718.
cùm
Sancta Helena Virginis, illuftri in gratia
genere,nata quanta sanctionis vita integritas
futura esset , apparuit. Episcopus enim matrem
invisens , nescio quid cygneum vicina
jam morte cecinisse fertur , et ventrem ejus
acervum tritici liliis vallatum appellasse ; et
prolata ad latus manu lilii florem videns,
dixisse , sicut lilium inter spinas , sic amica
mea inter filias. In ipso vero partu
mater ad congugem ire juberetur, ex utero vox
filia matrem ire prohibentis audita est.
Emisso partu Episcopus multa secundis om
nibus prastans , Helenam , id est lampadem,
merito dictamsignificavit . Cum populus pluviamjam
sex mensibus optaret , infantulam
incunis sub dio jacere præcipiens totâ nocte
cum populo Dominum precatus , sic pluviam
obtinuit , ut intactas cunas miratus sit. Plebs
tanto miraculo commota , in ipso cunarum
loco
præeunte Episcopo , Ecclefiam certantibus
omnium stu liis brevi construxit , et cujus
bonori dedicaretur ambigentibus , Helenagracili
voce exu'nis matris Maria Virgini
dedicandam esse respondit. Ipso die
Pentecostes jam septennem lustratibus undis
abluente Episcopo , columba toto spectante
I. Vol.
popula
1084 MERCURE DE FRANCE
populo qui confluxerat , annulum aureum
Helene digito inseruit.
Multis aliis miraculis Dominus Helenam
sibi despondisse testatus est. Ipso Palmarum
die , cum de more ramum gestans processisset
, ramus ex floribus mala punica
produxisse stupentibus turbis visus est et
grana puniceo colore rubentia populus universus
cum stupore vidit , deglutiit : quibus
surdi , muti , claudi et alii compluribus
morbis debilitati recuperatâ sanitate gratias
Christo reddiderunt. Prater patrem gravissimo
dentium dolore cruciatum , plures alios
sadem rabie furentes imposito capitis velo sanavit.
Quarto Nonas Maii quibus ad coelestem
sponsum commigravit , tantus liliorum.
atque rosarum imber de coelo in urbem in
qua obierat cecidit , ut Athenas etiam licet
dissitas odore suavissimo compleret. Tanta
Virginis corpus adhuc incorruptum ex Gra
cis circa annum 1209. advectum Ecclesia
Trescensis conservat ; ad cujus cultum singulari
pietate motus ex tota Dioecesi aliisque
locis populi concursus singulis annis fieri
solet.
>
Le Souchantre de l'Eglise où on lit
cette Legende , voyant que l'Evêque du
lieu l'a supprimée par tout le Diocèse ,
l'Evêque de l'Eglise où est le Corps appellé
de Sainte Helene , l'a fait aussi re-
I. Vgl.
tran
JUIN. 1734 1085
que
trancher du Breviaire de cette Eglise , et
les Vicaires Generaux de la Metropole
, dont l'une et l'autre Eglise sont suffragantes
, trouvent fort mauvais que l'on
continue à la lire dans la Cathedrale , lur
donnant même des qualifications quifont
de la peine à entendre , a proposé aux
Chapitres Generaux d'imiter l'exemple de
M. l'Evêque et de la retrancher de la lecture
publique. Mais quoiqu'il fût sûr que
la plupart des Chanoines la trouvoient
insupportable , voire même impudente' ,
il n'a pas réussi , parce qu'on n'a pas voulu
recevoir sa proposition; et ce qui a empêché
de faire opiner du fond , est qu'un
Docteur de Sorbonne et quelques Docteurs
de ..... ont dit , que si on ôtoit
cette Legende,ce ne seroit jamais fait , et
que tous les jours on trouveroit de pareils
défauts dans le Breviaire. Le Docteur
de Sorbonne a même ouvert la voye
d'une excellente défaite . Car quoique le
Souchantre n'eût allegué dans sa proposition
que l'autorité des personnes qui rejettent
cette Legende , et les periodes du
commencement qui blessent les oreilles
chastes , ce Docteur s'étendit fort au long
pour prouver que l'argument negatif est
de peu de poids, et que c'est celui dont se
servent les Calvinistes pour prouver que
I. Vol.
le
1086 MERCURE DE FRANCE
le culte des Images n'avoit pas lieu dans
les premiers siecles . Il ajoûta même , et
en cela il fut appuyé par un Docteur de....
que
5
si l'on retranchoit cette Legende , il
faudroit retrancher par la même raison le
Cantique des Cantiques et tous les endroits
de l'Ecriture , où il est parlé de generation
. Un autre ajoûta ces paroles
comme de la Genese : Et non cognovit
eam , et dit qu'il ne les faudroit plus lire
à l'Eglise si on ôtoit celles de la Legende.
On a donc continué de la dire encore cette
année ; mais le Prêtre qui la lisoit le fit
si rapidement , qu'à peine put - on l'entendre
, ne voulant pas rendre intelligibles
des paroles si indignes de l'Eglise.
Ce qu'il y a de fort étrange dans le
procedé du Docteur qui mene une bonne
partie de cette Compagnie , c'est que
justement c'est lui même qui deux ans auparavant
a empêché par la force de l'argument
negatif, qu'on n'admit pour Reliques
un corps venu de Catacombes de
Rome,à cause que la Legende qui se trouva
dans le coffre envoyé de Rome paroissoit
fabuleuse , n'étant aucunement appuyée
, ni par les Historiens , ni par les
Martyrologes. Cette Sainte Helene est
dans le même cas : Elle vient des Cimetieres
de la Grece , mais elle est incon-
I. Vol. nuë
JUIN. 1734. 1087
nue dans tous les Menées et les Meneloges.
La difference qu'il y a , est que son
culte est reçû depuis cinq cens ans , et
qu'elle a eu le malheur d'avoir des Historieus
peu chastes et peu modestes , au
lieu que la Sainte Alexandra , apportée
depuis peu de Rome , n'a point encore
eu de culte , quoique la Legende qu'on
lui a fabriquée n'ait rien de scandaleux.
Resolution du Cas.
Le Conseil soussigné , qui a vû l'exposé
ci- dessus , est d'avis que la Legengende
ci dessus rapportée n'étant nullelement
autorisée , et paroissant fabriquée
à plaisir par un Legendaire , doit être retranchée
de l'Office de l'Eglise en question
; que l'Evêque a très bien fait de la
supprimer,que le Souchantre fait son devoir
en empêchant qu'elle ne soit lûë
dans l'Eglise , et que ceux qui persistent
à la soutenir sont des rebelles ou des ignorans.
Déliberé à Paris ce 13. Juillet 1718.
Signé , Du Pin , Docteur de Sorbonne.
La décision du mois de Septembre
suivant est dans les mêmes termes , sinon
que quelqu'un des quatre Docteurs qui
se joignirent à M. Du Pin , raya le dernier
membre de la déliberation . De sorte
qu'elle est conçûë en ces peu de mots .
I.Vol.
Le
1088 MERCURE DE FRANCE
Le Conseil soussigné qui a vû l'exposé
ci dessus , est d'avis que la Legende
ci - dessus rapportée n'étant nullement autorisée
, et paroissant fabriquée à plaisir
par quelque Legendaire , doit être retranchée
de l'Office en question ; que l'Evêque
a très- bien fait de la supprimer ; que
le Souchantre fait son devoir en empêchant
qu'elle ne soit lûe dans l'Eglise.....
Déliberé à Paris le 9. Septembre 1718.
Signé , Hideux , Sindic , Lambert , Quinot
, L. Ellies du Pin , Auvray.
Vous avec vû , M. bien des questions
historiques traitées dans le cas de M. de
Sainte-Beuve ; mais je suis persuadé que
vous n'en avez jamais vû une semblable.
Celle-ci est originale en son genre. Je
vous divertirois bien davantage, si je vous
rapportois les scénes qui se passerent lorsqu'on
commença à impugner les paroles
d'une Messe de Notre- Dame des Neiges ,
qui est uniquement dans un Graduel écrit
à la main , et qui n'a jamais eu place dans
le Missel. L'Introïte commençoit ainsi :
Placuit divina providentia et le Pseaume
de cet Introïte étoit : Contra naturam temporis
aër nimiafrigoris congelatione constringitur
: et tanta nubium conftipatione dempsatur.
Jugez de la piece par l'échantillon .
Il étoit besoin le jour que cela se chantoit,
I. Vol.
que
JUIN, 1734 1089
que les Choristes s'armassent du serieux
le plus glaçant , pour ne pas blesser la
modestie en prononçant de si beaux textes.
On m'a appris depuis que la confection
d'un nouveau Breviaire a fait retrancher
tout cela , et qu'il n'y a plus de fables
dans l'Office de cette Eglise. Mais
que ceux qui ont travaillé à expulser toutes
les simplicités et tous les mensonges ,
n'ont pas été les maîtres de conserver des
anciens rites tout ce qu'il étoit à propos
de conserver. Je souhaite qu'on puisse dire
bien-tôt de celle pour laquelle vous
travaillez , que non - seulement vous y
avez retabli la verité et la sincerité dans
les Legendes , mais aussi la pureté et l'antiquité
dans les rites . Je suis , &c.
l'Abbé✶✶✶ Chanoine de l'Eglise de......
au sujet d'une Legende déclarée fausse ct
digne de suppression par plusieurs Docteurs
de Sorbonne.
V
Ous êtes très- occupé , Monsieur ;
à revoir le Breviaire de l'Eglise
de *** et vous voulez le purger de
quantité de Fables qui se sont glissées
dans les Legendes . C'est aussi par où l'on
doit commencer lorsqu'on procede à la
reformation de ces sortes d'Ouvrages La
1. Vol. close
TO82 MERCURE DE FRANCE
chose a été recommandée dans tant de
Conciles , que j'ai été surpris qu'on eût
attendu si long-tems. Je ne sçai , au reste, si
vous y aurez beaucoup de satisfaction.
Outre que cette étude est assez seche ,
elle est sujette quelquefois à certaines
traverses ; la lumiere ne peut souvent se
faire place dans les tenebres sans quelque
coup d'éclat il y a des assauts à essuyer
et quelquefois même des injures. Je veux
vous divertir à cette occasion d'une Histoire
arrivée il y a quinze ans dans une
Ville que vous connoissez particuliere-
Ment. La premiere atteinte qu'un des
Membres qui composent le Chapitre , osa
donner à un Breviaire qui y servoit depuis
48. ans fut d'attaquer la Legende
d'une Sainte Helene. Ayant proposé en
yain la supposition de cette Legende , il
demanda l'avis à d'habiles Docteurs de
Sorbonne , et leur envoya la Legende
avec l'énoncé des choses dites publiquement
en consequence de la proposition .
Je vous fais part de la feuille trouvée en
Original dans les papiers d'un Curieux,
qui contient la Legende et la resolution
du cas . Ce cas vous frappera par sa singularités
mais quand l'obstination est singuliere
, il semble qu'il faut aussi employer
des remedes singuliers.
,
I. Vol. Copie
JUIN. 1734. 1083
Copie d'une feuille signée par cinq Doc
teurs de Sorbonne l'an 1718.
cùm
Sancta Helena Virginis, illuftri in gratia
genere,nata quanta sanctionis vita integritas
futura esset , apparuit. Episcopus enim matrem
invisens , nescio quid cygneum vicina
jam morte cecinisse fertur , et ventrem ejus
acervum tritici liliis vallatum appellasse ; et
prolata ad latus manu lilii florem videns,
dixisse , sicut lilium inter spinas , sic amica
mea inter filias. In ipso vero partu
mater ad congugem ire juberetur, ex utero vox
filia matrem ire prohibentis audita est.
Emisso partu Episcopus multa secundis om
nibus prastans , Helenam , id est lampadem,
merito dictamsignificavit . Cum populus pluviamjam
sex mensibus optaret , infantulam
incunis sub dio jacere præcipiens totâ nocte
cum populo Dominum precatus , sic pluviam
obtinuit , ut intactas cunas miratus sit. Plebs
tanto miraculo commota , in ipso cunarum
loco
præeunte Episcopo , Ecclefiam certantibus
omnium stu liis brevi construxit , et cujus
bonori dedicaretur ambigentibus , Helenagracili
voce exu'nis matris Maria Virgini
dedicandam esse respondit. Ipso die
Pentecostes jam septennem lustratibus undis
abluente Episcopo , columba toto spectante
I. Vol.
popula
1084 MERCURE DE FRANCE
populo qui confluxerat , annulum aureum
Helene digito inseruit.
Multis aliis miraculis Dominus Helenam
sibi despondisse testatus est. Ipso Palmarum
die , cum de more ramum gestans processisset
, ramus ex floribus mala punica
produxisse stupentibus turbis visus est et
grana puniceo colore rubentia populus universus
cum stupore vidit , deglutiit : quibus
surdi , muti , claudi et alii compluribus
morbis debilitati recuperatâ sanitate gratias
Christo reddiderunt. Prater patrem gravissimo
dentium dolore cruciatum , plures alios
sadem rabie furentes imposito capitis velo sanavit.
Quarto Nonas Maii quibus ad coelestem
sponsum commigravit , tantus liliorum.
atque rosarum imber de coelo in urbem in
qua obierat cecidit , ut Athenas etiam licet
dissitas odore suavissimo compleret. Tanta
Virginis corpus adhuc incorruptum ex Gra
cis circa annum 1209. advectum Ecclesia
Trescensis conservat ; ad cujus cultum singulari
pietate motus ex tota Dioecesi aliisque
locis populi concursus singulis annis fieri
solet.
>
Le Souchantre de l'Eglise où on lit
cette Legende , voyant que l'Evêque du
lieu l'a supprimée par tout le Diocèse ,
l'Evêque de l'Eglise où est le Corps appellé
de Sainte Helene , l'a fait aussi re-
I. Vgl.
tran
JUIN. 1734 1085
que
trancher du Breviaire de cette Eglise , et
les Vicaires Generaux de la Metropole
, dont l'une et l'autre Eglise sont suffragantes
, trouvent fort mauvais que l'on
continue à la lire dans la Cathedrale , lur
donnant même des qualifications quifont
de la peine à entendre , a proposé aux
Chapitres Generaux d'imiter l'exemple de
M. l'Evêque et de la retrancher de la lecture
publique. Mais quoiqu'il fût sûr que
la plupart des Chanoines la trouvoient
insupportable , voire même impudente' ,
il n'a pas réussi , parce qu'on n'a pas voulu
recevoir sa proposition; et ce qui a empêché
de faire opiner du fond , est qu'un
Docteur de Sorbonne et quelques Docteurs
de ..... ont dit , que si on ôtoit
cette Legende,ce ne seroit jamais fait , et
que tous les jours on trouveroit de pareils
défauts dans le Breviaire. Le Docteur
de Sorbonne a même ouvert la voye
d'une excellente défaite . Car quoique le
Souchantre n'eût allegué dans sa proposition
que l'autorité des personnes qui rejettent
cette Legende , et les periodes du
commencement qui blessent les oreilles
chastes , ce Docteur s'étendit fort au long
pour prouver que l'argument negatif est
de peu de poids, et que c'est celui dont se
servent les Calvinistes pour prouver que
I. Vol.
le
1086 MERCURE DE FRANCE
le culte des Images n'avoit pas lieu dans
les premiers siecles . Il ajoûta même , et
en cela il fut appuyé par un Docteur de....
que
5
si l'on retranchoit cette Legende , il
faudroit retrancher par la même raison le
Cantique des Cantiques et tous les endroits
de l'Ecriture , où il est parlé de generation
. Un autre ajoûta ces paroles
comme de la Genese : Et non cognovit
eam , et dit qu'il ne les faudroit plus lire
à l'Eglise si on ôtoit celles de la Legende.
On a donc continué de la dire encore cette
année ; mais le Prêtre qui la lisoit le fit
si rapidement , qu'à peine put - on l'entendre
, ne voulant pas rendre intelligibles
des paroles si indignes de l'Eglise.
Ce qu'il y a de fort étrange dans le
procedé du Docteur qui mene une bonne
partie de cette Compagnie , c'est que
justement c'est lui même qui deux ans auparavant
a empêché par la force de l'argument
negatif, qu'on n'admit pour Reliques
un corps venu de Catacombes de
Rome,à cause que la Legende qui se trouva
dans le coffre envoyé de Rome paroissoit
fabuleuse , n'étant aucunement appuyée
, ni par les Historiens , ni par les
Martyrologes. Cette Sainte Helene est
dans le même cas : Elle vient des Cimetieres
de la Grece , mais elle est incon-
I. Vol. nuë
JUIN. 1734. 1087
nue dans tous les Menées et les Meneloges.
La difference qu'il y a , est que son
culte est reçû depuis cinq cens ans , et
qu'elle a eu le malheur d'avoir des Historieus
peu chastes et peu modestes , au
lieu que la Sainte Alexandra , apportée
depuis peu de Rome , n'a point encore
eu de culte , quoique la Legende qu'on
lui a fabriquée n'ait rien de scandaleux.
Resolution du Cas.
Le Conseil soussigné , qui a vû l'exposé
ci- dessus , est d'avis que la Legengende
ci dessus rapportée n'étant nullelement
autorisée , et paroissant fabriquée
à plaisir par un Legendaire , doit être retranchée
de l'Office de l'Eglise en question
; que l'Evêque a très bien fait de la
supprimer,que le Souchantre fait son devoir
en empêchant qu'elle ne soit lûë
dans l'Eglise , et que ceux qui persistent
à la soutenir sont des rebelles ou des ignorans.
Déliberé à Paris ce 13. Juillet 1718.
Signé , Du Pin , Docteur de Sorbonne.
La décision du mois de Septembre
suivant est dans les mêmes termes , sinon
que quelqu'un des quatre Docteurs qui
se joignirent à M. Du Pin , raya le dernier
membre de la déliberation . De sorte
qu'elle est conçûë en ces peu de mots .
I.Vol.
Le
1088 MERCURE DE FRANCE
Le Conseil soussigné qui a vû l'exposé
ci dessus , est d'avis que la Legende
ci - dessus rapportée n'étant nullement autorisée
, et paroissant fabriquée à plaisir
par quelque Legendaire , doit être retranchée
de l'Office en question ; que l'Evêque
a très- bien fait de la supprimer ; que
le Souchantre fait son devoir en empêchant
qu'elle ne soit lûe dans l'Eglise.....
Déliberé à Paris le 9. Septembre 1718.
Signé , Hideux , Sindic , Lambert , Quinot
, L. Ellies du Pin , Auvray.
Vous avec vû , M. bien des questions
historiques traitées dans le cas de M. de
Sainte-Beuve ; mais je suis persuadé que
vous n'en avez jamais vû une semblable.
Celle-ci est originale en son genre. Je
vous divertirois bien davantage, si je vous
rapportois les scénes qui se passerent lorsqu'on
commença à impugner les paroles
d'une Messe de Notre- Dame des Neiges ,
qui est uniquement dans un Graduel écrit
à la main , et qui n'a jamais eu place dans
le Missel. L'Introïte commençoit ainsi :
Placuit divina providentia et le Pseaume
de cet Introïte étoit : Contra naturam temporis
aër nimiafrigoris congelatione constringitur
: et tanta nubium conftipatione dempsatur.
Jugez de la piece par l'échantillon .
Il étoit besoin le jour que cela se chantoit,
I. Vol.
que
JUIN, 1734 1089
que les Choristes s'armassent du serieux
le plus glaçant , pour ne pas blesser la
modestie en prononçant de si beaux textes.
On m'a appris depuis que la confection
d'un nouveau Breviaire a fait retrancher
tout cela , et qu'il n'y a plus de fables
dans l'Office de cette Eglise. Mais
que ceux qui ont travaillé à expulser toutes
les simplicités et tous les mensonges ,
n'ont pas été les maîtres de conserver des
anciens rites tout ce qu'il étoit à propos
de conserver. Je souhaite qu'on puisse dire
bien-tôt de celle pour laquelle vous
travaillez , que non - seulement vous y
avez retabli la verité et la sincerité dans
les Legendes , mais aussi la pureté et l'antiquité
dans les rites . Je suis , &c.
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Résumé : LETTRE de M. **** à M. l'Abbé *** Chanoine de l'Eglise de ...... au sujet d'une Legende déclarée fausse et digne de suppression par plusieurs Docteurs de Sorbonne.
La lettre de M. **** à M. traite de la révision du Breviaire de l'Église de ***, visant à éliminer les fables et légendes erronées. L'auteur exprime sa surprise face au retard de cette tâche et mentionne les difficultés rencontrées, notamment les résistances et les injures. Il relate un incident survenu quinze ans auparavant dans une ville connue, où un membre du Chapitre avait attaqué la légende de Sainte Hélène, présente dans le Breviaire depuis 48 ans. Cette légende, jugée indécente et fabuleuse, avait été supprimée par l'évêque du diocèse et le souchantre de l'église où se trouvait le corps de Sainte Hélène. Malgré les avis des docteurs de Sorbonne et des vicaires généraux, la légende continuait d'être lue dans la cathédrale en raison de l'opposition de certains chanoines et docteurs. La légende de Sainte Hélène, rapportée dans une feuille signée par cinq docteurs de Sorbonne en 1718, décrivait divers miracles et événements miraculeux associés à Sainte Hélène. La décision finale des docteurs de Sorbonne fut de supprimer cette légende, jugée fabriquée et non autorisée. La lettre se conclut par un souhait que le nouveau Breviaire rétablisse la vérité, la sincérité, la pureté et l'antiquité dans les rites et les légendes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 79-94
RÉPONSE de M. de SAINT- FOIX.
Début :
J'Ignorois qu'on avoit mis une nouvelle inscription au-deffous de la Statue [...]
Mots clefs :
Église, Cheval, Victoire, Archives, Statue, Bréviaire, Fondation, Armes, Reconnaissance, Manuscrits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE de M. de SAINT- FOIX.
RÉPONSE de M. de SAINT - FOIX.
F'ignorois qu'on avoit mis une nou
velle infcription au - deffous de la Statue
Equeftre qui eft à Notre - Dame ; il n'y
a qu'un an que je l'appris par une Brochure
où l'on me reprenoit aigrement
fur ce que j'avois dit , dans mes Effais
Hiftoriques , que cette Statue repréfentoit
Philippe de Valois . L'Auteur de
cette Brochure , pénétré d'admiration
pour M. le Préfident Henault , ne joignoit
pas à ce mérite celui d'être poli ;
ainfi je n'ai jamais pensé à lui répondre ;
mais en faifant des corrections & des
additions à mes Effais Hiftoriques , j'ai
voulu voirfi je m'étois trompé au fujet de
cette Statue ; ma differtation a paru dans
le premier Volume du Mercure de Janvier
dernier ; voici un nouvel Anonyme
qui m'attaque ; il mêle à l'érudition
le fel de la fine plaifanterie , & je ne
doute point que les perfonnes qui dînoient
chez M. le Préfident Henault
n'ayent bien ri lorfqu'il dit qu'il me croit
Div
80 MERCURE DE FRANCE.
trop galant homme pour vouloir faire
defcendre fi malhonnêtement notre grand
Roi Philippe le Bel de deffus fon cheval.
Je ne connoiffois point le Voyage de
Munfter, je l'ai cherché , je l'ai trouvé ,
je l'ai lu , & je protefte que j'aurois
fouhaité de pouvoir dire que je m'étois
trompé ; ma pareffe en eût été flattée
; mais les raifonnemens de Claude
Joly n'ont fervi qu'à me confirmer dans
le fentiment que j'avois embraffé. Il
faut néceffairement rappeller l'état de la
queſtion , & l'on peut compter que je
vais l'expofer avec une entiere impartialité.
9 :
Philippe le Bel, en reconnoiffance
de la victoire qu'il avoit remportée fur
les Flamands à Mons en Puelle le 18
Août 1304 , fit des fondations à Notre-
Dame de Paris , à Notre - Dame de
Chartres & dans d'autres Eglifes ; mais ,
ni dans ces actes de fondation , ni dans
aucun ancien Breyiaire , ni dans aucun
Hiftorien comtemporain , il n'eft dit
qu'il foit entré à cheval dans l'Eglife de
Notre-Dame de Paris , & qu'il y ait
fait à la Vierge l'offrande de fes armes
& de fon cheval. D'ailleurs , il n'y en a
& il n'y en a jamais eu aucunes preuves
dans les Papiers , Cartulaires , Nécrologe
& Archives de Notre-Dame.
AVRIL. 1763.
81
P
*
Après avoir parlé de la victoire que
Philippe de Valois remporta à Caffel
fur les Flamands le 23 Août 1328 ,
différens manufcrits des grandes Chroniques
de S. Denis , & toutes les anciennes
Editions de ces Chroniques ,
difent , que Philippe de Valois vint à
Saint Denis , & lui rendit fur fon Autel
l'oriflame qu'il avoit pris quand ilpartit
pour aller contre les Flamands , & puis
s'en alla à Notre- Dame de Paris , &
quand il fut là , fe fit armer des armes
qu'il avoit portées dans la bataille contre
les Flamands , & puis monta fur
fon deftrier , & ainfi entra dans l'Eglife
de Notre - Dame , & très- devotement la
remercia , & luipréfenta le cheval fur lequel
il étoit monté & toutes fes armures.
Quelle peut donc être la difcuffion
demandera- t'on ? La voici : on dit que
dans différens manufcrits des grandes
Chroniques de Saint Denis , s'il y a que
Philippe de Valois alla à Notre- Dame
de Paris & y entra monté fur fon def
trier, &c. il y a dans d'autres manufcrits
de ces mêmes Chroniques , qu'il alla à
Notre-Dame de Chartres , & y entra
monté furfon deftrier , &c . & on ajoute
que dans le Continuateur de Nangis
* Edition de 1493 , de 1517 , & autres.
D v
82 MERCURE DE FRANCE.
on peut lire également iniit Parifios
ou iniit Carnotum , parce que Parifios
ou Carnotum font variantes ; & on con
clut de là que Philippe de Valois n'étant
point entré à cheval dans l'Eglife
de Paris , mais dans celle de Chartres
ce n'eft point fa Statue qu'on voit dans
l'Eglife de Paris , mais celle de Philippe
le Bel
Les grandes Chroniques de Saint
Denis , après avoir parlé fort au long
de la bataille de Mons en Puelle , difent
fimplement que Philippe le Bel revint
à Paris environ la Saint Denis à grande
joye ineftimable. Le Continuateur de
Guillaume de Nangis , après avoir parlé
des fondations que ce Prince fit dans
quelques Eglifes & dans celle de Paris
en reconnoiffance de fa victoire , ne dit
pas un mot de fa cavalcade dans cette
Eglife . Eft- il naturel que ces Hiftoriens
n'en euffent pas parlé à l'article de ce
Prince & de fes fondations ? Eft-il naturel
que dans la fuite , lorfqu'ils difent que
Philippe de Valois entra à cheval dans
l'Eglife de Paris , où , fi l'on veut , de
Chartres , ils n'euffent pas ajouté , comme
Philippe le Bel avoit fait après fa
victoire de Mons en Puelle ? Cette ob-.
jection n'eſt - elle pas convaincante 2
AVRIL 1763. 83
Ne faudroit- il pas , pour la combattre ,
préfenter quelque titre authentique où
fut porté que Philippe le Bel entra
dans l'Eglife de Paris à cheval ; or , ni
Claude Joly , ni autres n'en produifent
& n'en ont jamais produit aucun ; au
lieu que dans un manufcrit qui, paroît
être de 1360 , cotté H , numéro 22 ,
& faifant partie des manufcrits que le
Chapitre de Notre Dame a donnés au
Roi , il eft dit que Philippe de Valois ,
après la bataille de Caffel , l'an 1328
entra tout armé fur fon deftrier dans
L'Eglife de Notre- Dame de Paris ...
& que fa repréfentation eft affife fur
deux pilliers devant l'image de ladite
Dame , en la Nefde ladite Eglife.
-
Examinons à préfent la Lettre de Clau
de Joly. Paul Emile , dit-il , attribue la
Statue en queftion à Philippe le Bel ; &
Paul Emile étant Chanoine de Notre-
Dame de Paris il est vraisemblable
qu'il n'auroit pas attribué à ce . Prince
une action fi publique & fi folemnelle ,
s'il n'en eût été bien affuré, ou par
quelqu'écrit authentique. Qu par une :
tradition qui étoit alors tenue pour conftante
& certaine parmi fes Confreres.
Réponse. Sous le regne de Henri II
à côté de cette Statue , on mit des vers
9
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
& une infcription qui y a fubfifté plus
de cent ans , & par laquelle on difoit
que c'étoit la Statue de Philippe de Valois
; la plupart des Chanoines dont
Paul Emile avoit été Confrère , étoient
encore vivans ; eft- il naturel qu'ils ne
fe fuffent pas oppofés à cette infcription ,
& qu'ils l'euffent approuvée , fi elle
avoit été contraire à ce qui étoit porté
dans leurs Archives ?
C'eft fur le témoignage de Nicole
Gilles , dit Claude Joly , que quand on
a commencé de mettre dans les Breviaires
de Paris les Leçons qui font mention de
cette victoire , on a attribué à Philippe
de Valois , non-feulement l'entrée à cheval
dans l'Eglife de Paris , mais auffi
la victoire & la fondation de la fête de
l'année 1304 , quoiqu'il ne fut Roi que
vingt-quatre ans après.
,
Réponse. Dans plufieurs manufcrits
des grandes Chroniques de Saint Denis
bien antérieurs à Nicole Gilles &
dans toutes les anciennes Editions de
ces Chroniques , il eft dit que Philippe
de Valois entra à cheval dans la Cathédrale
de Paris ; c'eft fur ces autorités
que dans les Breviaires on a attribué
cette action folemnelle à ce Prince ;
Claude Joly ne l'ignoroit pas , & il a
AVRIL. 1763. 84
donc tort de dire qu'on ne s'eft fondé
que fur le témoignage de Nicole Gilles.
D'ailleurs , les Breviaires ne confondent
ni les deux Rois , ni les deux victoires ;
il y eft dit , in Ecclefia Parifienfi , propter
commemorationem victoria Philippi
Pulchri , fit duplum ; & après des
Leçons & verfets fur la Vierge , il eft
dit auffi , Philippus Valefius , cum infignem
victoriam de rebellibus Flandris
obtinuiffet , quæ contigit anno 1328 , &c.
Voilà les deux victoires & les deux Rois
bien diftingués ; Philippe le Bel avoit
fait une fondation ; Philippe de Valois
avoit fait une offrande qu'il racheta
par une fomme confidérable , comme
je le prouverai dans la fuite ; d'ailleurs
il avoit fait élever un monument de fa
victoire & de fa reconnoiffance envers
la Vierge ; l'Eglife de Paris faifoit commémoration
de ces deux batailles mémorables
, gagnées l'une & l'autre pendant
l'octave de l'Affomption .
Claude Joli dit qu'il eft encore bon d'obferver
qu'on n'a point mis dans les breviaires
de Paris aucune leçontouchant cela,
avant l'édition de 1584 ; car , ajoutet-
il , il n'y en a aucun qui en parle dans
ceux d'auparavant , de 1479 & 1492.
Réponse. L'Hiftoire de Paul Emile fut
86 MERCURE DE FRANCE.
il
imprimée en 1544 quarante après , eny
1584 , lorfque le Chapitre de Notre
Dame jugea apropos de mettre dans les
breviaires les leçons en queftion , n'eſtpas
vrai femblable qu'il auroit adopté
L'opinion de Paul Emile fon confrère
s'il n'avoit vû dans fes archives qu'elle
n'étoit foutenable. J'ajouterai que
dans ce temps là , il paroiffoit chaque
jour quelque écrit qui traitoit des anciens
droits de nos Rois fur la Flandres
pas
& que même les Provinces unies , cette
même année 1584, avoient offert à Henri
III de fe mettre fous fa domination ;
peut- être que le Chapitre de notre Dame
, attendu ces circonftances , jugea a
propos de joindre a la commémoration
de la victoire de Philippe le Bel , celle
de la victoire de Philippe de Valois ;
on inféroit dans ce temps là , dans les
breviaires & rituels , des prieres & des .
leçons bien moins convenables..
Claude Joli dit que M. de Sponde
Evêque de pamiers , pretend que ceux
qui ont atribué la ftatue en queftion a
Philippe Lebel, ont été refutezpar plufieursperfonnes
, & même par les anciens
Cartulaires de l'Eglife de Paris dont ils
n'avoient pas vu les Archives
ajoute Claude Joli , de quelles Archives
mais
AVRIL 1763.
87
M. de Sponde veut-il parler , puifqu'il
n'y en a point d'autres que la fondation
de Philippe le Bel & les vieux breviaires .
de cette Eglife , qui portent tous le nom
de Philippe le Belfans parler en aucune
façon de Philippe de Valois , lefquelles
Archives Paul Emile avoit pû voir , mais
que certainement Nicole Gilles ni ceuxdefon
opinion n'avoient pas vues , puifque
ce qu'il en écrit leur eft tout contraire.
Reponse , Loin de nous produire quelque
Piéce authentique , dans laquelle il
foit dit que Philippe le Bel entra à cheval
dans l'Eglife de notre Dame , & que
c'eft fa ftatue qu'on y voit , Claude Joli
convient que Paul Emile n'en a point eu
d'autres preuves , & qu'il n'y en a point
d'autres , que la fondation d'une rente
de cent livres,faite par ce Prince , & que.
ce qui eft porté dans les vieux breviaires
; Or, de l'aveu même de Claude Joli,
il n'en eft pas dit un mot dans l'acte de
fondation de cette rente ; & les vieux.
Breviaires difent uniquement , in Ecclefia
Parifienfi , propter commemorationem»
victoria Philippi pulchri , fit duplum.
Le pere Texera & M. de Sponde , qui
avoient eu communication des Archives
de Notre Dame , comme en convient
Claude Joli, ont-ils eu tort de rejetter
88 MERCURE DE FRANCE .
de pareilles preuves ? n'eft-il pas fingu
lier de dire que fi Nicole Gilles les avoit
vues , elles lui auroient fait changer d'opinion
? d'ailleurs M. de Sponde dit que
ceux qui attribuent la ftatue en queftion
à Philippe le Bel, font refutezpar d'anciens
. Cartulaires de l'Eglife de Paris ;
dira-ton que ces anciens Cartulaires
n'ont jamais exifté , & que M. de Sponde
n'en a point vûs ?
Des Prêtres de l'Oratoire ont continué
l'hiftoire particuliere de l'Eglife de Paris
; ils avoient eu en communication
les Archives , le nécrologe , & tous les
titres de cette Cathédrale ; ils avoient
lû la differtation de Claude Joli & les
lettres de M. Jouet , fon ami ; ces hiftoriens
, dans leur ouvrage in-folio , dedié
à M. le Cardinal de Noailles & imprimé
en 1710 , difent , l . 18 , c. 3 , p.
615
qu'il n'eft pas douteux que la ftatue en
queftion eft de Philippe de Valois , &
qu'aucun Roi , avant lui , n'étoit entré
à cheval dans l'Eglife de Notre-Dame ;
& ils ont lû , comme moi , dans le continuateur
de Guillaume de Nangis, qu'ils
citent , iniit Parifios ; ainfi l'anonyme
qui écrit à M. le Prefident Henault , &
qui dit fi poliment ce qui vous divertira ,
doit trouver ces Prêtres de l'Oratoire
très divertiffans. -
AVRIL. 1763. 89
Claude Joly qui tâche d'acrocher des
autorités , cite les Annales de Malingre ,
quoiqu'il n'ignorât pas que Malingre
dans fes Antiqués de Paris , page 10 ,
s'étoit retracté , & qu'il dit que la Statue
en queftion repréfente Philippe de Valois.
Thevet eft du même avis ; cela
n'empêche pas Claude Joly de le citer
en fa faveur .
Je pourrois m'autorifer de la Médaille
qu'on voit dans la France Métallique
, & faire fentir la fauffeté du
raifonnement de Claude Joly ; mais
comme je ne cherche & que je n'employe
que la vérité , j'avoue que cette
Médaille eft fuppofée ; mais on juge
bien que l'Auteur de la France Métallique
, pour fuppofer cette Médaille
alla à Notre-Dame de Paris & copia
bien exactement la Statue en queftion.
Venons à préfent aux Lettres de
M. Jouet. Il dit que Philippe le Bel , en
reconnoiffance de fa victoire de Mons
en Puelle , fit à l'Eglife de Chartres ,
comme à celle Paris , une fondation de
cent livres de rente ; qu'en conféquence
on célébre tous les ans à Chartres , le
17 Août , l'Office de Notre-Dame de
la Victoire , & que ce jour-là on tire
du tréfor & l'on expofe aux yeux du
go MERCURE DE FRANCE ..
public une Armure très- riche , mais
qui ne pouvoit être que d'un jeune
homme de treize à quatorze ans ; il
differte beaucoup fur cette armure , &
prétend que Philippe le Bel envoya
fon fils Charles en faire l'offrande à
Notre-Dame de Chartres ; mais il ne
réfléchit pas que ce fils Charles n'avoit
que neufans lors de la bataille de Mons
en Puelle ; qu'il n'étoit point à cette
bataille ; que ce n'étoient pas fes armes ,
mais celles de fon pere qu'il auroit été
chargé d'offrir ; qu'il n'eft pas douteux
que l'épée & la ceinture font femées
de Dauphins & que ces armes font
donc bien poftérieures au règne de
Philippe le Bel, le Dauphiné n'ayant
été uni à la Couronne qu'en 1349 ;
qu'enfin c'eft l'armure que Charles VI,
qu'on appella long-tems le petit Roi ,
envoya en offrande à Notre -Dame de
Chartres , après avoir battu les Fla
mands à Rofebeque en 1482 ce
Prince n'avoit alors que quatorze ans.
On demandera pourquoi on étale cette
armure le jour qu'on célébre la victoire
de Mons en Puelle ? Parce qu'apparemment
, dans la fuite des tems , on avoit
oublié de qui elle venoit , & qu'on
imagina que c'étoit une offrande de
AVRIL. 1763 91
Philippe le Bel; il eft naturel de penfer
plutôt à ceux qui font des fondations.
qu'aux autres. Ce qu'il y a de trèscertain
, c'est que dans l'acte de fondation
de cent livres de rente & dans
les Archives de l'Eglife de Chartres ,
il n'eft point parlé du tout de cette
armure ni d'aucune offrande de Philippe
le Bel ; il fit , je le répéte , des
fondations à Paris , à Chartres , & dans
d'autres Eglifes , en reconnoiffance de fa
victoire ; mais il n'y offrit jamais ni fes
armes ni fon cheval
M. Jouet produit enfuite une pièce
authentique , tirée des Archives de l'Eglife
de Chartres , dans laquelle il eft
dit , que le Chapitre s'étant aſſemblé , a
délibéré que la fomme de mille livres
que le Roi ( Philippe de Valois ) a donnée
pour le rachapt de fon cheval & de
fes armes , qu'il avoit préfentez lui même
à la Vierge , fera employée à acquerir
des fonds ou des révenus pour ladite.
Eglife de Chartres. Cela confirme ce
que j'ai toujours penfé & dit , & ce qu'a
écrit , il y a plus de cent-ans , M. Souchet
, Secrétaire & Chanoine du chapi-.
tre de Chartres , dans fon hiftoire Manuferite
de ce chapitre & de cette ville
Philippe de Valois alla d'abord à Notre
02 MERCURE DE FRANCE.
1
Dame de Paris ou il offrit à la Vierge fes
armes & fon cheval , & les racheta par
une fomme de mille livres ; il alla enfuite
à Chartres ou il fit précisément la
même cérémonie. C'étoient les anciens
ufages ; dans une tranfaction de l'an
1329 , entre les Curés de Paris & l'Eglife
du S. Sepulchre , il eft dit qu'un
mourant fera libre de choisir fa fepulture
dans cette Fglife , mais que fon corps
fera d'abord porté à la Paroiffe fur laquelle
il fera mort & que le Curé de
cette Paroiffe aura la moitié du luminaire
& de ce qui reviendra des hardes & chevaux
( ex pannis & equis ) qui feront
préfentés , lors de l'inhumation dans
Eglife du S. Sepulcre. Au fervice fait
à S. Denis en 1489 , pour Bertrand Duguefclin
, par l'ordre de Charles VI ,
L'Evêque qui célebroit la Meffe , reçut le
préfent des chevaux qui furent préſentés
à l'offrande , en leur mettant la main fur
la tête ; enfuite on les remena ; mais il
fallut compofer pour le droit de l'Abbaye
à laquelle ils étoient dévolus.
En
1329 Pierre
de
Cugneres
,
Avocat
du Roi au Parlement
, plaida
contre
les ufurpations
des Ecléfiaftiques
fur la juftice
temporelle
; le Jugement
de Philippe
de Valois
parut
favorable
AVRIL. 1763:
93
au Clergé qui tacha de lui marquer fa
réconnoiffance par des honneurs & des
tîtres ; il lui donna celui de Roi Catholique
; & comme la victoire de Caffel
& l'action folemnelle que ce Prince
avoit faite à Paris & à Chartres
étoient affez récentes, je croirois volontiers
que ce fut dans ce temps-là , que
chacune de ces deux Eglifes lui éleva
une ftatue équeftre ; ce qu'il y a de très
certain , c'eſt que l'Eglife de Sens ( 1 )
lui en éleva une dans ce même temps-
-là , femblable , dit D. du Breul , page
21 , à celle de ce Roi dans notre Eglife
de Paris , & au- deffous de laquelle
ftatue de Sens , on lit deux vers où il
eft qualifié défenfeur des droits de l'Eglife.
L'Auteur du Traité des anciennes armes
offenfives & défenfives des François
, imprimé chez Blaife , en 1635 .
dit , p . 113 , que Philippe le Bel ayant
rendu le Parlement fédentaire , les Chcvaliers
qui y préfidoient , pourfe diftinguer
des gens de Loi , firent faire des
bonnets de la forme de leurs cafques , &
( 1 ) Pierre du Roger , Archevêque de Sens ,
parla pour le Clergé , & imagina cette marque
de reconnoiffance envers Philippe de Valois , au
lieu des Décimes que ce Prince eípéroit du Clergé.
94 MERCURE DE FRANCE .
que voilà l'origine des Mortiers des Préfidens
; car ce ne fut , ajoute-t-il , que
fous le regne de Philippe le Long qu'on
imagina les cafques en forme de cone ,
s'élargiffant en defcendant fur les épau
les & comme un fabot renverfé
tel que celui qu'on voit à Philippe de
Valois dans Notre - Dame de Paris ; on
croyoit parer à l'inconvénient des cafques
trop plats , fur lefquels un coup de
maffue bien affené devoit enfoncer la tête
de celui qui le portoit ; mais dans là
fuite on trouva ces cafques fi pefans ,
qu'on changea encore.
F'ignorois qu'on avoit mis une nou
velle infcription au - deffous de la Statue
Equeftre qui eft à Notre - Dame ; il n'y
a qu'un an que je l'appris par une Brochure
où l'on me reprenoit aigrement
fur ce que j'avois dit , dans mes Effais
Hiftoriques , que cette Statue repréfentoit
Philippe de Valois . L'Auteur de
cette Brochure , pénétré d'admiration
pour M. le Préfident Henault , ne joignoit
pas à ce mérite celui d'être poli ;
ainfi je n'ai jamais pensé à lui répondre ;
mais en faifant des corrections & des
additions à mes Effais Hiftoriques , j'ai
voulu voirfi je m'étois trompé au fujet de
cette Statue ; ma differtation a paru dans
le premier Volume du Mercure de Janvier
dernier ; voici un nouvel Anonyme
qui m'attaque ; il mêle à l'érudition
le fel de la fine plaifanterie , & je ne
doute point que les perfonnes qui dînoient
chez M. le Préfident Henault
n'ayent bien ri lorfqu'il dit qu'il me croit
Div
80 MERCURE DE FRANCE.
trop galant homme pour vouloir faire
defcendre fi malhonnêtement notre grand
Roi Philippe le Bel de deffus fon cheval.
Je ne connoiffois point le Voyage de
Munfter, je l'ai cherché , je l'ai trouvé ,
je l'ai lu , & je protefte que j'aurois
fouhaité de pouvoir dire que je m'étois
trompé ; ma pareffe en eût été flattée
; mais les raifonnemens de Claude
Joly n'ont fervi qu'à me confirmer dans
le fentiment que j'avois embraffé. Il
faut néceffairement rappeller l'état de la
queſtion , & l'on peut compter que je
vais l'expofer avec une entiere impartialité.
9 :
Philippe le Bel, en reconnoiffance
de la victoire qu'il avoit remportée fur
les Flamands à Mons en Puelle le 18
Août 1304 , fit des fondations à Notre-
Dame de Paris , à Notre - Dame de
Chartres & dans d'autres Eglifes ; mais ,
ni dans ces actes de fondation , ni dans
aucun ancien Breyiaire , ni dans aucun
Hiftorien comtemporain , il n'eft dit
qu'il foit entré à cheval dans l'Eglife de
Notre-Dame de Paris , & qu'il y ait
fait à la Vierge l'offrande de fes armes
& de fon cheval. D'ailleurs , il n'y en a
& il n'y en a jamais eu aucunes preuves
dans les Papiers , Cartulaires , Nécrologe
& Archives de Notre-Dame.
AVRIL. 1763.
81
P
*
Après avoir parlé de la victoire que
Philippe de Valois remporta à Caffel
fur les Flamands le 23 Août 1328 ,
différens manufcrits des grandes Chroniques
de S. Denis , & toutes les anciennes
Editions de ces Chroniques ,
difent , que Philippe de Valois vint à
Saint Denis , & lui rendit fur fon Autel
l'oriflame qu'il avoit pris quand ilpartit
pour aller contre les Flamands , & puis
s'en alla à Notre- Dame de Paris , &
quand il fut là , fe fit armer des armes
qu'il avoit portées dans la bataille contre
les Flamands , & puis monta fur
fon deftrier , & ainfi entra dans l'Eglife
de Notre - Dame , & très- devotement la
remercia , & luipréfenta le cheval fur lequel
il étoit monté & toutes fes armures.
Quelle peut donc être la difcuffion
demandera- t'on ? La voici : on dit que
dans différens manufcrits des grandes
Chroniques de Saint Denis , s'il y a que
Philippe de Valois alla à Notre- Dame
de Paris & y entra monté fur fon def
trier, &c. il y a dans d'autres manufcrits
de ces mêmes Chroniques , qu'il alla à
Notre-Dame de Chartres , & y entra
monté furfon deftrier , &c . & on ajoute
que dans le Continuateur de Nangis
* Edition de 1493 , de 1517 , & autres.
D v
82 MERCURE DE FRANCE.
on peut lire également iniit Parifios
ou iniit Carnotum , parce que Parifios
ou Carnotum font variantes ; & on con
clut de là que Philippe de Valois n'étant
point entré à cheval dans l'Eglife
de Paris , mais dans celle de Chartres
ce n'eft point fa Statue qu'on voit dans
l'Eglife de Paris , mais celle de Philippe
le Bel
Les grandes Chroniques de Saint
Denis , après avoir parlé fort au long
de la bataille de Mons en Puelle , difent
fimplement que Philippe le Bel revint
à Paris environ la Saint Denis à grande
joye ineftimable. Le Continuateur de
Guillaume de Nangis , après avoir parlé
des fondations que ce Prince fit dans
quelques Eglifes & dans celle de Paris
en reconnoiffance de fa victoire , ne dit
pas un mot de fa cavalcade dans cette
Eglife . Eft- il naturel que ces Hiftoriens
n'en euffent pas parlé à l'article de ce
Prince & de fes fondations ? Eft-il naturel
que dans la fuite , lorfqu'ils difent que
Philippe de Valois entra à cheval dans
l'Eglife de Paris , où , fi l'on veut , de
Chartres , ils n'euffent pas ajouté , comme
Philippe le Bel avoit fait après fa
victoire de Mons en Puelle ? Cette ob-.
jection n'eſt - elle pas convaincante 2
AVRIL 1763. 83
Ne faudroit- il pas , pour la combattre ,
préfenter quelque titre authentique où
fut porté que Philippe le Bel entra
dans l'Eglife de Paris à cheval ; or , ni
Claude Joly , ni autres n'en produifent
& n'en ont jamais produit aucun ; au
lieu que dans un manufcrit qui, paroît
être de 1360 , cotté H , numéro 22 ,
& faifant partie des manufcrits que le
Chapitre de Notre Dame a donnés au
Roi , il eft dit que Philippe de Valois ,
après la bataille de Caffel , l'an 1328
entra tout armé fur fon deftrier dans
L'Eglife de Notre- Dame de Paris ...
& que fa repréfentation eft affife fur
deux pilliers devant l'image de ladite
Dame , en la Nefde ladite Eglife.
-
Examinons à préfent la Lettre de Clau
de Joly. Paul Emile , dit-il , attribue la
Statue en queftion à Philippe le Bel ; &
Paul Emile étant Chanoine de Notre-
Dame de Paris il est vraisemblable
qu'il n'auroit pas attribué à ce . Prince
une action fi publique & fi folemnelle ,
s'il n'en eût été bien affuré, ou par
quelqu'écrit authentique. Qu par une :
tradition qui étoit alors tenue pour conftante
& certaine parmi fes Confreres.
Réponse. Sous le regne de Henri II
à côté de cette Statue , on mit des vers
9
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
& une infcription qui y a fubfifté plus
de cent ans , & par laquelle on difoit
que c'étoit la Statue de Philippe de Valois
; la plupart des Chanoines dont
Paul Emile avoit été Confrère , étoient
encore vivans ; eft- il naturel qu'ils ne
fe fuffent pas oppofés à cette infcription ,
& qu'ils l'euffent approuvée , fi elle
avoit été contraire à ce qui étoit porté
dans leurs Archives ?
C'eft fur le témoignage de Nicole
Gilles , dit Claude Joly , que quand on
a commencé de mettre dans les Breviaires
de Paris les Leçons qui font mention de
cette victoire , on a attribué à Philippe
de Valois , non-feulement l'entrée à cheval
dans l'Eglife de Paris , mais auffi
la victoire & la fondation de la fête de
l'année 1304 , quoiqu'il ne fut Roi que
vingt-quatre ans après.
,
Réponse. Dans plufieurs manufcrits
des grandes Chroniques de Saint Denis
bien antérieurs à Nicole Gilles &
dans toutes les anciennes Editions de
ces Chroniques , il eft dit que Philippe
de Valois entra à cheval dans la Cathédrale
de Paris ; c'eft fur ces autorités
que dans les Breviaires on a attribué
cette action folemnelle à ce Prince ;
Claude Joly ne l'ignoroit pas , & il a
AVRIL. 1763. 84
donc tort de dire qu'on ne s'eft fondé
que fur le témoignage de Nicole Gilles.
D'ailleurs , les Breviaires ne confondent
ni les deux Rois , ni les deux victoires ;
il y eft dit , in Ecclefia Parifienfi , propter
commemorationem victoria Philippi
Pulchri , fit duplum ; & après des
Leçons & verfets fur la Vierge , il eft
dit auffi , Philippus Valefius , cum infignem
victoriam de rebellibus Flandris
obtinuiffet , quæ contigit anno 1328 , &c.
Voilà les deux victoires & les deux Rois
bien diftingués ; Philippe le Bel avoit
fait une fondation ; Philippe de Valois
avoit fait une offrande qu'il racheta
par une fomme confidérable , comme
je le prouverai dans la fuite ; d'ailleurs
il avoit fait élever un monument de fa
victoire & de fa reconnoiffance envers
la Vierge ; l'Eglife de Paris faifoit commémoration
de ces deux batailles mémorables
, gagnées l'une & l'autre pendant
l'octave de l'Affomption .
Claude Joli dit qu'il eft encore bon d'obferver
qu'on n'a point mis dans les breviaires
de Paris aucune leçontouchant cela,
avant l'édition de 1584 ; car , ajoutet-
il , il n'y en a aucun qui en parle dans
ceux d'auparavant , de 1479 & 1492.
Réponse. L'Hiftoire de Paul Emile fut
86 MERCURE DE FRANCE.
il
imprimée en 1544 quarante après , eny
1584 , lorfque le Chapitre de Notre
Dame jugea apropos de mettre dans les
breviaires les leçons en queftion , n'eſtpas
vrai femblable qu'il auroit adopté
L'opinion de Paul Emile fon confrère
s'il n'avoit vû dans fes archives qu'elle
n'étoit foutenable. J'ajouterai que
dans ce temps là , il paroiffoit chaque
jour quelque écrit qui traitoit des anciens
droits de nos Rois fur la Flandres
pas
& que même les Provinces unies , cette
même année 1584, avoient offert à Henri
III de fe mettre fous fa domination ;
peut- être que le Chapitre de notre Dame
, attendu ces circonftances , jugea a
propos de joindre a la commémoration
de la victoire de Philippe le Bel , celle
de la victoire de Philippe de Valois ;
on inféroit dans ce temps là , dans les
breviaires & rituels , des prieres & des .
leçons bien moins convenables..
Claude Joli dit que M. de Sponde
Evêque de pamiers , pretend que ceux
qui ont atribué la ftatue en queftion a
Philippe Lebel, ont été refutezpar plufieursperfonnes
, & même par les anciens
Cartulaires de l'Eglife de Paris dont ils
n'avoient pas vu les Archives
ajoute Claude Joli , de quelles Archives
mais
AVRIL 1763.
87
M. de Sponde veut-il parler , puifqu'il
n'y en a point d'autres que la fondation
de Philippe le Bel & les vieux breviaires .
de cette Eglife , qui portent tous le nom
de Philippe le Belfans parler en aucune
façon de Philippe de Valois , lefquelles
Archives Paul Emile avoit pû voir , mais
que certainement Nicole Gilles ni ceuxdefon
opinion n'avoient pas vues , puifque
ce qu'il en écrit leur eft tout contraire.
Reponse , Loin de nous produire quelque
Piéce authentique , dans laquelle il
foit dit que Philippe le Bel entra à cheval
dans l'Eglife de notre Dame , & que
c'eft fa ftatue qu'on y voit , Claude Joli
convient que Paul Emile n'en a point eu
d'autres preuves , & qu'il n'y en a point
d'autres , que la fondation d'une rente
de cent livres,faite par ce Prince , & que.
ce qui eft porté dans les vieux breviaires
; Or, de l'aveu même de Claude Joli,
il n'en eft pas dit un mot dans l'acte de
fondation de cette rente ; & les vieux.
Breviaires difent uniquement , in Ecclefia
Parifienfi , propter commemorationem»
victoria Philippi pulchri , fit duplum.
Le pere Texera & M. de Sponde , qui
avoient eu communication des Archives
de Notre Dame , comme en convient
Claude Joli, ont-ils eu tort de rejetter
88 MERCURE DE FRANCE .
de pareilles preuves ? n'eft-il pas fingu
lier de dire que fi Nicole Gilles les avoit
vues , elles lui auroient fait changer d'opinion
? d'ailleurs M. de Sponde dit que
ceux qui attribuent la ftatue en queftion
à Philippe le Bel, font refutezpar d'anciens
. Cartulaires de l'Eglife de Paris ;
dira-ton que ces anciens Cartulaires
n'ont jamais exifté , & que M. de Sponde
n'en a point vûs ?
Des Prêtres de l'Oratoire ont continué
l'hiftoire particuliere de l'Eglife de Paris
; ils avoient eu en communication
les Archives , le nécrologe , & tous les
titres de cette Cathédrale ; ils avoient
lû la differtation de Claude Joli & les
lettres de M. Jouet , fon ami ; ces hiftoriens
, dans leur ouvrage in-folio , dedié
à M. le Cardinal de Noailles & imprimé
en 1710 , difent , l . 18 , c. 3 , p.
615
qu'il n'eft pas douteux que la ftatue en
queftion eft de Philippe de Valois , &
qu'aucun Roi , avant lui , n'étoit entré
à cheval dans l'Eglife de Notre-Dame ;
& ils ont lû , comme moi , dans le continuateur
de Guillaume de Nangis, qu'ils
citent , iniit Parifios ; ainfi l'anonyme
qui écrit à M. le Prefident Henault , &
qui dit fi poliment ce qui vous divertira ,
doit trouver ces Prêtres de l'Oratoire
très divertiffans. -
AVRIL. 1763. 89
Claude Joly qui tâche d'acrocher des
autorités , cite les Annales de Malingre ,
quoiqu'il n'ignorât pas que Malingre
dans fes Antiqués de Paris , page 10 ,
s'étoit retracté , & qu'il dit que la Statue
en queftion repréfente Philippe de Valois.
Thevet eft du même avis ; cela
n'empêche pas Claude Joly de le citer
en fa faveur .
Je pourrois m'autorifer de la Médaille
qu'on voit dans la France Métallique
, & faire fentir la fauffeté du
raifonnement de Claude Joly ; mais
comme je ne cherche & que je n'employe
que la vérité , j'avoue que cette
Médaille eft fuppofée ; mais on juge
bien que l'Auteur de la France Métallique
, pour fuppofer cette Médaille
alla à Notre-Dame de Paris & copia
bien exactement la Statue en queftion.
Venons à préfent aux Lettres de
M. Jouet. Il dit que Philippe le Bel , en
reconnoiffance de fa victoire de Mons
en Puelle , fit à l'Eglife de Chartres ,
comme à celle Paris , une fondation de
cent livres de rente ; qu'en conféquence
on célébre tous les ans à Chartres , le
17 Août , l'Office de Notre-Dame de
la Victoire , & que ce jour-là on tire
du tréfor & l'on expofe aux yeux du
go MERCURE DE FRANCE ..
public une Armure très- riche , mais
qui ne pouvoit être que d'un jeune
homme de treize à quatorze ans ; il
differte beaucoup fur cette armure , &
prétend que Philippe le Bel envoya
fon fils Charles en faire l'offrande à
Notre-Dame de Chartres ; mais il ne
réfléchit pas que ce fils Charles n'avoit
que neufans lors de la bataille de Mons
en Puelle ; qu'il n'étoit point à cette
bataille ; que ce n'étoient pas fes armes ,
mais celles de fon pere qu'il auroit été
chargé d'offrir ; qu'il n'eft pas douteux
que l'épée & la ceinture font femées
de Dauphins & que ces armes font
donc bien poftérieures au règne de
Philippe le Bel, le Dauphiné n'ayant
été uni à la Couronne qu'en 1349 ;
qu'enfin c'eft l'armure que Charles VI,
qu'on appella long-tems le petit Roi ,
envoya en offrande à Notre -Dame de
Chartres , après avoir battu les Fla
mands à Rofebeque en 1482 ce
Prince n'avoit alors que quatorze ans.
On demandera pourquoi on étale cette
armure le jour qu'on célébre la victoire
de Mons en Puelle ? Parce qu'apparemment
, dans la fuite des tems , on avoit
oublié de qui elle venoit , & qu'on
imagina que c'étoit une offrande de
AVRIL. 1763 91
Philippe le Bel; il eft naturel de penfer
plutôt à ceux qui font des fondations.
qu'aux autres. Ce qu'il y a de trèscertain
, c'est que dans l'acte de fondation
de cent livres de rente & dans
les Archives de l'Eglife de Chartres ,
il n'eft point parlé du tout de cette
armure ni d'aucune offrande de Philippe
le Bel ; il fit , je le répéte , des
fondations à Paris , à Chartres , & dans
d'autres Eglifes , en reconnoiffance de fa
victoire ; mais il n'y offrit jamais ni fes
armes ni fon cheval
M. Jouet produit enfuite une pièce
authentique , tirée des Archives de l'Eglife
de Chartres , dans laquelle il eft
dit , que le Chapitre s'étant aſſemblé , a
délibéré que la fomme de mille livres
que le Roi ( Philippe de Valois ) a donnée
pour le rachapt de fon cheval & de
fes armes , qu'il avoit préfentez lui même
à la Vierge , fera employée à acquerir
des fonds ou des révenus pour ladite.
Eglife de Chartres. Cela confirme ce
que j'ai toujours penfé & dit , & ce qu'a
écrit , il y a plus de cent-ans , M. Souchet
, Secrétaire & Chanoine du chapi-.
tre de Chartres , dans fon hiftoire Manuferite
de ce chapitre & de cette ville
Philippe de Valois alla d'abord à Notre
02 MERCURE DE FRANCE.
1
Dame de Paris ou il offrit à la Vierge fes
armes & fon cheval , & les racheta par
une fomme de mille livres ; il alla enfuite
à Chartres ou il fit précisément la
même cérémonie. C'étoient les anciens
ufages ; dans une tranfaction de l'an
1329 , entre les Curés de Paris & l'Eglife
du S. Sepulchre , il eft dit qu'un
mourant fera libre de choisir fa fepulture
dans cette Fglife , mais que fon corps
fera d'abord porté à la Paroiffe fur laquelle
il fera mort & que le Curé de
cette Paroiffe aura la moitié du luminaire
& de ce qui reviendra des hardes & chevaux
( ex pannis & equis ) qui feront
préfentés , lors de l'inhumation dans
Eglife du S. Sepulcre. Au fervice fait
à S. Denis en 1489 , pour Bertrand Duguefclin
, par l'ordre de Charles VI ,
L'Evêque qui célebroit la Meffe , reçut le
préfent des chevaux qui furent préſentés
à l'offrande , en leur mettant la main fur
la tête ; enfuite on les remena ; mais il
fallut compofer pour le droit de l'Abbaye
à laquelle ils étoient dévolus.
En
1329 Pierre
de
Cugneres
,
Avocat
du Roi au Parlement
, plaida
contre
les ufurpations
des Ecléfiaftiques
fur la juftice
temporelle
; le Jugement
de Philippe
de Valois
parut
favorable
AVRIL. 1763:
93
au Clergé qui tacha de lui marquer fa
réconnoiffance par des honneurs & des
tîtres ; il lui donna celui de Roi Catholique
; & comme la victoire de Caffel
& l'action folemnelle que ce Prince
avoit faite à Paris & à Chartres
étoient affez récentes, je croirois volontiers
que ce fut dans ce temps-là , que
chacune de ces deux Eglifes lui éleva
une ftatue équeftre ; ce qu'il y a de très
certain , c'eſt que l'Eglife de Sens ( 1 )
lui en éleva une dans ce même temps-
-là , femblable , dit D. du Breul , page
21 , à celle de ce Roi dans notre Eglife
de Paris , & au- deffous de laquelle
ftatue de Sens , on lit deux vers où il
eft qualifié défenfeur des droits de l'Eglife.
L'Auteur du Traité des anciennes armes
offenfives & défenfives des François
, imprimé chez Blaife , en 1635 .
dit , p . 113 , que Philippe le Bel ayant
rendu le Parlement fédentaire , les Chcvaliers
qui y préfidoient , pourfe diftinguer
des gens de Loi , firent faire des
bonnets de la forme de leurs cafques , &
( 1 ) Pierre du Roger , Archevêque de Sens ,
parla pour le Clergé , & imagina cette marque
de reconnoiffance envers Philippe de Valois , au
lieu des Décimes que ce Prince eípéroit du Clergé.
94 MERCURE DE FRANCE .
que voilà l'origine des Mortiers des Préfidens
; car ce ne fut , ajoute-t-il , que
fous le regne de Philippe le Long qu'on
imagina les cafques en forme de cone ,
s'élargiffant en defcendant fur les épau
les & comme un fabot renverfé
tel que celui qu'on voit à Philippe de
Valois dans Notre - Dame de Paris ; on
croyoit parer à l'inconvénient des cafques
trop plats , fur lefquels un coup de
maffue bien affené devoit enfoncer la tête
de celui qui le portoit ; mais dans là
fuite on trouva ces cafques fi pefans ,
qu'on changea encore.
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Résumé : RÉPONSE de M. de SAINT- FOIX.
M. de Saint-Foix a été critiqué pour avoir attribué une statue équestre à Notre-Dame de Paris à Philippe de Valois. Une brochure anonyme l'accusa d'erreur en mentionnant une nouvelle inscription sous la statue. Saint-Foix vérifia cette information et publia sa réflexion dans le Mercure de Janvier. Un nouvel anonyme, admirateur du Président Henault, le critiqua à nouveau, mais Saint-Foix resta convaincu de son interprétation. Saint-Foix examina les sources historiques. Philippe le Bel, après sa victoire à Mons-en-Puelle en 1304, fit des fondations à Notre-Dame de Paris et à Chartres, mais aucune source contemporaine ne mentionne qu'il soit entré à cheval dans l'église de Notre-Dame de Paris. En revanche, les Grandes Chroniques de Saint-Denis rapportent que Philippe de Valois, après sa victoire à Cassel en 1328, entra à cheval à Notre-Dame de Paris. Saint-Foix contesta les arguments de Claude Joly, qui soutenait que la statue représentait Philippe le Bel. Il souligna que les manuscrits des Grandes Chroniques de Saint-Denis et les anciens breviaires attribuaient cette action à Philippe de Valois. Des prêtres de l'Oratoire, ayant consulté les archives de Notre-Dame, confirmèrent que la statue était bien celle de Philippe de Valois. Saint-Foix réfuta les accusations de Claude Joly en montrant que les preuves avancées par ce dernier étaient insuffisantes et contradictoires. Il conclut que la statue représentait Philippe de Valois, appuyé par les sources historiques et les archives de Notre-Dame. Par ailleurs, le texte discute de l'origine et de l'histoire d'une armure exposée à Notre-Dame de Chartres. Contrairement à une croyance populaire, cette armure n'a pas été offerte par Philippe le Bel. Charles, fils de Philippe le Bel, n'avait que neuf ans lors de la bataille de Mons-en-Puelle et n'était pas présent. L'armure et la ceinture sont des armes de Dauphins, ce qui les situe après 1349, date à laquelle le Dauphiné fut uni à la Couronne. En réalité, l'armure a été offerte par Charles VI après sa victoire contre les Flamands à Rosbecque en 1382, alors qu'il avait quatorze ans. L'armure est exposée le jour de la célébration de la victoire de Mons-en-Puelle en raison d'une confusion historique. Les archives de l'église de Chartres ne mentionnent aucune offrande de Philippe le Bel, mais confirment des fondations faites par Philippe de Valois. Ce dernier, après sa victoire, offrit ses armes et son cheval à Notre-Dame de Paris et de Chartres, suivant des usages anciens.
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p. 41-42
LOGOGRIPHE. Le mot à M. l'Abbé R..., Vic. de B...
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Un mot, un mot, mon cher Abbé. [...]
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