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1
p. 93-111
LE PERROQUET ET LA GUENUCHE. FABLE. A MADEMOISELLE DE M**
Début :
Il nous arriva hier de Lisbonne une Barque chargée de [...]
Mots clefs :
Perroquet, Guenuche, Amour, Animaux, Galanterie, Berger, Conversation, Belle, Laide, Inconstance, Métamorphose, Portugal, Histoire, Morale
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texteReconnaissance textuelle : LE PERROQUET ET LA GUENUCHE. FABLE. A MADEMOISELLE DE M**
LE
PERROQUET
ET LA GUENUCHE.
7
FABLE.
A MADEMOISELLE DE M**
1
Lnous arriva hier de Lisbonneune
Barque chargéedeSinges &de Per- roquets. Vousjugezbien, Mademoiselle,
GALANT 61
que je n'ay pas perduune si belle occa- fion devous tenirparole. F'aychoisipar- my cegrand nombre un Perroquet d'un plumage tres particulier , &une Gue- nuche d'une petiteſſefort rare. Ce qu'il yade fâcheux , c'est que le Perroquet
neparle point François , que la Guenu- che ne sçait point danser , &que mesme elle est encore habillée à la Portugaise;
mais vous serez peut-estre bien aise d'estre leur Maiſtreſſe en toutes façons.
Vos Leçons leur apprendront la belle maniere. Tous les autres Perroquets ne Sçavent prononcerque des injures grof- fieres , & quand vous aurezinſtruit le voſtre , il sçaura dire des malices inge- nieuses. A voſtre Ecole la Guenuche
apprendra bien- toft la Bourrée & le
Menuët ; &fi vous avezſoin de l'ha biller à la mode & de voſtremain ,je
gage qu'on la trouvera plus propre &
demeilleur air que vostre petite laide Voisine. Cependant comme vous n'en- tendrez point d'abord le jargon ny de la Guenuche ny du Perroquet , je me crois obligé en vous les envoyant, d'estre aupres de vous leur Interprete. SansSça-
62 LE MERCVRE
voir la Langue de leur Pays, j'ay bien- toft compris leurs discours, parce qu'ils estoient tendres &amoureux..
Entendre àdemymotfut toûjoursmon
partage;
Si- toſt que l'on parle d'amour ,
Iln'eſt point pour moy de langage Qui ne foit clair comme le jour.
Pour vous ma , jeune Demoiselle,
Quand memes en François l'amour fertd'entretien ,
Malgré tout voſtre Eſprit , vous ne ré- pondez rien Et vousn'entendez pas la langue ma- ternelle;
Vous voila cependant dans la belle ſaiſon ,
Vous avez quatorze ans, à cet âge, ma Belle,
N'entendre pas l'Amour , mafoy cela s'appelle N'entendre pas raiſon.
Jeveux aujourd'huy tâcher devous rendre raisonnable , en vous faisant comprendre l'Histoire amoureuse de
GALAN T. 63 vostre Guenuche & de vostre Perroquet.
Aufſi- toft que ces deux petits Animauxfurent entre mes mains , ils parle- rent entr'eux certain jargon Moresque,
&j'entendis quele Perroquet reprochoit àla Guenucheſes ſingeries , & la Gue- nuche luy reprochoitſon caquet. Comme leursdiscours meſemblerent aſſez plai- Sans, j'entray dans leur conversation.
Ils enfurent d'abordsurpris , mais en- fin nous devinſmes familiers &fûmes bien toſt ſi grands Amis , que je les obligeay àme conter leurHistoire. Le Perroquet , comme le plus grand Cau- feur , voulut estre l'Historien ; &vo cy en François àpeu pres comme il pliqua en Moresque.. *
LYON
1893-
MaMere me donna le jour
Dans un Climat de la Guinée ,
Où le Soleil joint à l'Amour ,
Enflame tout toute l'année.
L'on n'y voit point de Cœur glacé,
N'yde Bergere indiferente;
Quand unBerger eſt empreſſé LaBergere ſe montre ardente.
64 LE MERCVRE
Là je vivois jadis enBerger fort coquet,
Aujourd'huyje ſuis Perroquet,
Car , helas ! ma Coqueterie ,
Queje nommois Galanterie ,
Choqua le cruel Cupidon ,
Qui ſans m'accorder de pardon ,
Fit de moy la Métamorphoſe ,
Queje vais vous conter en Profe.
Sur les bords du Fleuve Niger on ne fait pas l'amour ainſi que fur les bords de la Seine on du Rhône. On m'a dit
qu'icyla constance paſſe pour une vertu,
là elle paſſeroit pour un vice : En France un Amant bien reglé n'a beſoin que d'une Amante , &ſouvent en ayant une , il en a trop ; mais en Ethiopie les Galans ont beſoin de diverſes Maiſtref.
Ses , &nostre miserable Roy qui mourut ilyaquelque temps dans ce Royaume,
pourroit estre un témoin de cette verité.
Estant Berger je voyois ſuivant noftre coustume diverſesBergeres , &je témoi gnois à toutes beaucoup d'amour,mais àlaveritéje n'en reſſentois queres. Dans ma conversation, dans mes Chansons
GALANT. 65 dans mes Billets , je paroiſſois l' Amant du monde leplus ardent , &dans mon cœur ie mesentois fort tranquille; enfin tout mon amour n'estoit que du caquet.
Mais,helas ! depuis ce temps j'ay bien appris que Cupidon est un Dieu qui pu- nit cruellement le mensonge. Pour com.
mencer àse vanger demoy , il me fit devenir trop veritablement amoureux d'une petite Laide , plus volage &plus.
coquette que je n'estois , &c'est iuste.
ment Dame Guenuche que vous voyez là , qui a esté Bergere dans le temps que i'estois Berger. Apresavoir trompé tant de Perſonnes parmesfaux Sermens , ie ne pûs pas mesine perfuader mapetite Laide par des veritez tres- constantes.
Cependantpour mefaire mieux enrager,
au commencement elle fit mine de m'aimer, elle affecta toutes les petites ma- nieres d'une Perſonnefort paſſionnée, &
quand elle me vit bien ſenſiblement tou- ché , elle me fit cent malices & mequit- ta enfin pour un autre Bergerauffi laid qu'un vieux Singe.
Dieux ! qu'un Berger vivroit content
66 LE MERCVRE
Silchangeoit auffi-toft que changeſon Amante !
Mais,helas ! que de maux nous cauſe
une Inconftante,
Quandon ne peut être inconſtant !
L'amourque ieſentois pour mapetite Ingrate , & la haine que i'avois pour mon laid Rival , me mirent dans untel
deſeſpoir , que ie quitay mes Moutons,
&laſocietédes autres Bergers. Je m'en allay comme un furieux ,errant dans lesDeserts : ie déchiray mes habits , ie me couvris defeüilles d'arbres , &enfin
icdevins tout-à-fait infensé. L'Amour alors me voyantdans une Forest en estat demourir ,voulut meſauver la vie , &
ie nesçay si cefutparpitiéouparven- geance. Il changea mapeau &monha- bit en plumesde la couteur des feüilles
qui me couvroient , ma bouche en bec ,
mes bras en cuiſſes , &ainfi du reſte de
mon Corps. Voila comme ie me trouvay Perroquet , &ie vousiureque ien'en ay point confervé de regret.
Nehaïſſant plus monRival,
GALANT. 67 Etn'aimantplus mon Inconſtante Je ſens monAme plus contente ,
D'animer pour toûjours le Corps d'un Animal ,
Que celuy d'un Berger ,quand l'A- mour le tourmente.
Mapetite Laide ne demeura pas auſſiſans châtiment , parce qu'elle n'a- voit aiméqu'en apparence, & que toute fa tendreſſe n'avoit esté que fingerie ;
l'Amour n'ayant point esté trompépar ſes grimaces , voulut punirfonhipocri fie ,comme il avoit puny mon liberti- nage. Il la changea donc en Guenuche ; &comme c'estoit unepetite Berge- re fort laide &fort malicieuse , il n'eut
pas beaucoup depeine àfaire ce changement.
Depuis cette double Metamorphose nousavons vescu, maMaiſtreſſe &moy,
dans les Solitudes & dans les Forests.
Cependant nous n'eſtions pas tout -à-fait Sauvages , & cela est si vray que nous noussommes laislé prendre aux premiers Hommes qui ſeſont preſentez. D'abord onnous mena en Portugal , où l'humeur
68 LE MERCVRE
de la Nation ne nous plaiſoit gueres,
parcequele caquet &les fingeriesn'y ont pas tant de coursqu'en France , ou i'ap- prens que nous sommes auiourd'huy.
Nous nousyplaifons ſans doute ,parce que nous avons encoreconfervéquelque choſe de nostre premier caractere. Pour moy quipendantque i'estois Berger di- fois centfleurettesfans penser àce queie difois,iedis encore eftant Perroquet cent parolesfanssçavoir ce que ie dis. Pour ma Maistreffe , qui estant Bergerecon- trefaisoit l' Amante ſansſentird'amour,
&qui de plusfaisoit tous les jours mil- temalices , estant Guenuche elle enfait
encore, & contrefait mille choſesqu'elle voit faire.
Voila , me dit le Perroquet , noſtre Histoireiusques icy : c'est àvous, Mon- fieur, ànous apprendre le reſte. Dites- nous pourquoy nous sommes entre vos mains , &àquoy nousſommes deſtinez,
puis que vous nousfaitespartirpourun SecondVoyage. Acette question i'ay ré- pondude cettemaniere.
Allez trop heureux Animaux ,
GALAN T. 69
Voicy la fin de tous vos maux :
Aprenez que l'on vous deſtine Pour aller faire les plaiſirs D'une belle & jeune Blondine ,
Quidonne mille ardens defirs,
Etqui cauſe mille ſoûpirs Amille Amans qui n'oſent dire ,
Belle, c'est pour vous qu'on ſoûpire;
Vous, Peroquet , & nuit &jour ,
Vous luy pourrez parler d'amour ;
Vous pourrez dire , ie vous aime,
Sans vous attirer ſon courroux.
Que mon bonheur ſeroit extrême
Si j'ofois parler comme vous !
Vous Guenuche, VOS fingeries LYON
Loin de luy donnerdu chagrin,
La charmeront ſoir & matin ;
ODieux ! que'mes Galanteries N'ont-elles le meſmedeſtin !
C'est ainsi , Mademoiselle , que finit la conversation que i'ay cue avecvostre Perroquet & vostre Guenuche. L'ay crû que ie devois vous enfaire part,
quevousferiez bien aiſe deſçavoir leurs
Avantures, le pourrois bien tirer de cette Hiftoire une belle Morale en faveur de
70 LE MERCVRE l'Amour; mais belas ,je n'oferoisavec vous moraliſerſur cette matiere.
De Marſeille.
PERROQUET
ET LA GUENUCHE.
7
FABLE.
A MADEMOISELLE DE M**
1
Lnous arriva hier de Lisbonneune
Barque chargéedeSinges &de Per- roquets. Vousjugezbien, Mademoiselle,
GALANT 61
que je n'ay pas perduune si belle occa- fion devous tenirparole. F'aychoisipar- my cegrand nombre un Perroquet d'un plumage tres particulier , &une Gue- nuche d'une petiteſſefort rare. Ce qu'il yade fâcheux , c'est que le Perroquet
neparle point François , que la Guenu- che ne sçait point danser , &que mesme elle est encore habillée à la Portugaise;
mais vous serez peut-estre bien aise d'estre leur Maiſtreſſe en toutes façons.
Vos Leçons leur apprendront la belle maniere. Tous les autres Perroquets ne Sçavent prononcerque des injures grof- fieres , & quand vous aurezinſtruit le voſtre , il sçaura dire des malices inge- nieuses. A voſtre Ecole la Guenuche
apprendra bien- toft la Bourrée & le
Menuët ; &fi vous avezſoin de l'ha biller à la mode & de voſtremain ,je
gage qu'on la trouvera plus propre &
demeilleur air que vostre petite laide Voisine. Cependant comme vous n'en- tendrez point d'abord le jargon ny de la Guenuche ny du Perroquet , je me crois obligé en vous les envoyant, d'estre aupres de vous leur Interprete. SansSça-
62 LE MERCVRE
voir la Langue de leur Pays, j'ay bien- toft compris leurs discours, parce qu'ils estoient tendres &amoureux..
Entendre àdemymotfut toûjoursmon
partage;
Si- toſt que l'on parle d'amour ,
Iln'eſt point pour moy de langage Qui ne foit clair comme le jour.
Pour vous ma , jeune Demoiselle,
Quand memes en François l'amour fertd'entretien ,
Malgré tout voſtre Eſprit , vous ne ré- pondez rien Et vousn'entendez pas la langue ma- ternelle;
Vous voila cependant dans la belle ſaiſon ,
Vous avez quatorze ans, à cet âge, ma Belle,
N'entendre pas l'Amour , mafoy cela s'appelle N'entendre pas raiſon.
Jeveux aujourd'huy tâcher devous rendre raisonnable , en vous faisant comprendre l'Histoire amoureuse de
GALAN T. 63 vostre Guenuche & de vostre Perroquet.
Aufſi- toft que ces deux petits Animauxfurent entre mes mains , ils parle- rent entr'eux certain jargon Moresque,
&j'entendis quele Perroquet reprochoit àla Guenucheſes ſingeries , & la Gue- nuche luy reprochoitſon caquet. Comme leursdiscours meſemblerent aſſez plai- Sans, j'entray dans leur conversation.
Ils enfurent d'abordsurpris , mais en- fin nous devinſmes familiers &fûmes bien toſt ſi grands Amis , que je les obligeay àme conter leurHistoire. Le Perroquet , comme le plus grand Cau- feur , voulut estre l'Historien ; &vo cy en François àpeu pres comme il pliqua en Moresque.. *
LYON
1893-
MaMere me donna le jour
Dans un Climat de la Guinée ,
Où le Soleil joint à l'Amour ,
Enflame tout toute l'année.
L'on n'y voit point de Cœur glacé,
N'yde Bergere indiferente;
Quand unBerger eſt empreſſé LaBergere ſe montre ardente.
64 LE MERCVRE
Là je vivois jadis enBerger fort coquet,
Aujourd'huyje ſuis Perroquet,
Car , helas ! ma Coqueterie ,
Queje nommois Galanterie ,
Choqua le cruel Cupidon ,
Qui ſans m'accorder de pardon ,
Fit de moy la Métamorphoſe ,
Queje vais vous conter en Profe.
Sur les bords du Fleuve Niger on ne fait pas l'amour ainſi que fur les bords de la Seine on du Rhône. On m'a dit
qu'icyla constance paſſe pour une vertu,
là elle paſſeroit pour un vice : En France un Amant bien reglé n'a beſoin que d'une Amante , &ſouvent en ayant une , il en a trop ; mais en Ethiopie les Galans ont beſoin de diverſes Maiſtref.
Ses , &nostre miserable Roy qui mourut ilyaquelque temps dans ce Royaume,
pourroit estre un témoin de cette verité.
Estant Berger je voyois ſuivant noftre coustume diverſesBergeres , &je témoi gnois à toutes beaucoup d'amour,mais àlaveritéje n'en reſſentois queres. Dans ma conversation, dans mes Chansons
GALANT. 65 dans mes Billets , je paroiſſois l' Amant du monde leplus ardent , &dans mon cœur ie mesentois fort tranquille; enfin tout mon amour n'estoit que du caquet.
Mais,helas ! depuis ce temps j'ay bien appris que Cupidon est un Dieu qui pu- nit cruellement le mensonge. Pour com.
mencer àse vanger demoy , il me fit devenir trop veritablement amoureux d'une petite Laide , plus volage &plus.
coquette que je n'estois , &c'est iuste.
ment Dame Guenuche que vous voyez là , qui a esté Bergere dans le temps que i'estois Berger. Apresavoir trompé tant de Perſonnes parmesfaux Sermens , ie ne pûs pas mesine perfuader mapetite Laide par des veritez tres- constantes.
Cependantpour mefaire mieux enrager,
au commencement elle fit mine de m'aimer, elle affecta toutes les petites ma- nieres d'une Perſonnefort paſſionnée, &
quand elle me vit bien ſenſiblement tou- ché , elle me fit cent malices & mequit- ta enfin pour un autre Bergerauffi laid qu'un vieux Singe.
Dieux ! qu'un Berger vivroit content
66 LE MERCVRE
Silchangeoit auffi-toft que changeſon Amante !
Mais,helas ! que de maux nous cauſe
une Inconftante,
Quandon ne peut être inconſtant !
L'amourque ieſentois pour mapetite Ingrate , & la haine que i'avois pour mon laid Rival , me mirent dans untel
deſeſpoir , que ie quitay mes Moutons,
&laſocietédes autres Bergers. Je m'en allay comme un furieux ,errant dans lesDeserts : ie déchiray mes habits , ie me couvris defeüilles d'arbres , &enfin
icdevins tout-à-fait infensé. L'Amour alors me voyantdans une Forest en estat demourir ,voulut meſauver la vie , &
ie nesçay si cefutparpitiéouparven- geance. Il changea mapeau &monha- bit en plumesde la couteur des feüilles
qui me couvroient , ma bouche en bec ,
mes bras en cuiſſes , &ainfi du reſte de
mon Corps. Voila comme ie me trouvay Perroquet , &ie vousiureque ien'en ay point confervé de regret.
Nehaïſſant plus monRival,
GALANT. 67 Etn'aimantplus mon Inconſtante Je ſens monAme plus contente ,
D'animer pour toûjours le Corps d'un Animal ,
Que celuy d'un Berger ,quand l'A- mour le tourmente.
Mapetite Laide ne demeura pas auſſiſans châtiment , parce qu'elle n'a- voit aiméqu'en apparence, & que toute fa tendreſſe n'avoit esté que fingerie ;
l'Amour n'ayant point esté trompépar ſes grimaces , voulut punirfonhipocri fie ,comme il avoit puny mon liberti- nage. Il la changea donc en Guenuche ; &comme c'estoit unepetite Berge- re fort laide &fort malicieuse , il n'eut
pas beaucoup depeine àfaire ce changement.
Depuis cette double Metamorphose nousavons vescu, maMaiſtreſſe &moy,
dans les Solitudes & dans les Forests.
Cependant nous n'eſtions pas tout -à-fait Sauvages , & cela est si vray que nous noussommes laislé prendre aux premiers Hommes qui ſeſont preſentez. D'abord onnous mena en Portugal , où l'humeur
68 LE MERCVRE
de la Nation ne nous plaiſoit gueres,
parcequele caquet &les fingeriesn'y ont pas tant de coursqu'en France , ou i'ap- prens que nous sommes auiourd'huy.
Nous nousyplaifons ſans doute ,parce que nous avons encoreconfervéquelque choſe de nostre premier caractere. Pour moy quipendantque i'estois Berger di- fois centfleurettesfans penser àce queie difois,iedis encore eftant Perroquet cent parolesfanssçavoir ce que ie dis. Pour ma Maistreffe , qui estant Bergerecon- trefaisoit l' Amante ſansſentird'amour,
&qui de plusfaisoit tous les jours mil- temalices , estant Guenuche elle enfait
encore, & contrefait mille choſesqu'elle voit faire.
Voila , me dit le Perroquet , noſtre Histoireiusques icy : c'est àvous, Mon- fieur, ànous apprendre le reſte. Dites- nous pourquoy nous sommes entre vos mains , &àquoy nousſommes deſtinez,
puis que vous nousfaitespartirpourun SecondVoyage. Acette question i'ay ré- pondude cettemaniere.
Allez trop heureux Animaux ,
GALAN T. 69
Voicy la fin de tous vos maux :
Aprenez que l'on vous deſtine Pour aller faire les plaiſirs D'une belle & jeune Blondine ,
Quidonne mille ardens defirs,
Etqui cauſe mille ſoûpirs Amille Amans qui n'oſent dire ,
Belle, c'est pour vous qu'on ſoûpire;
Vous, Peroquet , & nuit &jour ,
Vous luy pourrez parler d'amour ;
Vous pourrez dire , ie vous aime,
Sans vous attirer ſon courroux.
Que mon bonheur ſeroit extrême
Si j'ofois parler comme vous !
Vous Guenuche, VOS fingeries LYON
Loin de luy donnerdu chagrin,
La charmeront ſoir & matin ;
ODieux ! que'mes Galanteries N'ont-elles le meſmedeſtin !
C'est ainsi , Mademoiselle , que finit la conversation que i'ay cue avecvostre Perroquet & vostre Guenuche. L'ay crû que ie devois vous enfaire part,
quevousferiez bien aiſe deſçavoir leurs
Avantures, le pourrois bien tirer de cette Hiftoire une belle Morale en faveur de
70 LE MERCVRE l'Amour; mais belas ,je n'oferoisavec vous moraliſerſur cette matiere.
De Marſeille.
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Résumé : LE PERROQUET ET LA GUENUCHE. FABLE. A MADEMOISELLE DE M**
La fable 'Le Perroquet et la Guenuche' est adressée à Mademoiselle de M**. L'auteur décrit l'arrivée d'une barque de Lisbonne transportant des singes et des perroquets. Parmi eux, il choisit un perroquet au plumage particulier et une guenuche de petite taille. Cependant, le perroquet ne parle pas français et la guenuche ne sait pas danser, étant encore vêtue à la portugaise. L'auteur espère que la demoiselle pourra leur apprendre les bonnes manières, la danse et les habits à la mode. L'auteur raconte ensuite l'histoire amoureuse du perroquet et de la guenuche. Originaires de Guinée, ils vivaient autrefois comme bergers. Le perroquet, coquet et galant, séduisait plusieurs bergères sans ressentir de véritable amour. Cupidon le punit en le rendant amoureux d'une laide et volage bergère, la guenuche. Après avoir été trompé, le perroquet tomba dans le désespoir et fut transformé en perroquet. La guenuche, punie pour son hypocrisie, fut transformée en guenuche. Les deux animaux vécurent ensuite dans les solitudes et les forêts avant d'être capturés et emmenés au Portugal, puis en France. L'auteur les destine à la demoiselle, espérant qu'ils pourront lui parler d'amour et la charmer par leurs danses et leurs grimaces.
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2
p. 111-116
A MADAME DE F**
Début :
Je pars pour Marseille, & je vous jure, Madame, que [...]
Mots clefs :
Portrait, Esprit, Charmer, Madame
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texteReconnaissance textuelle : A MADAME DE F**
A MADAME DE F**
Epars pour Marseille ,
jure ,
je vous
Madame , quej'y vais malgré moy. Vous mefiſtes hier un Portrait que j'emporte dans lecœur , &i'ay peun que cefoit untrait empoisonnéquej'emporte.
Mais , dites-moy, ce beau Portrait ,
L'avez- vous fait d'apres nature ?
N'avez- vous point feint quelque trait,
Pour embellir voſtre peinture ?
Ce teint blanc , & ces blonds cheveux,
Cette main , ce bras, cette taille ,
CetEſprit tel que je le veux ,
Qui ſurprend , qui brille, qui raille,
Enfin cet amas ſans égal Debelles qualitez , dont moname eſt
ravie ,
}
GALANT. 71 Seroit- il dans l'Original ,
Tel qu'il eſt dans voſtreCopie ?
Si cela est , Madame,pour mon re- posiene dois iamais revenir à Aix ; ou plutost j'y dois bien-toſt revenir, car ie m'imagine qu'il eſt doux de perdre Son repos pour la Belle dont vous m'avez donné uneſi riche ideé.
Par tout ce que vous m'avez dit Vous avez charmé mon Eſprit ;
Voſtre Comteſſe eſt adorable :
Mais malgré les appas dont vous m'a- vezcharmé ,
Sibientoſt je n'en ſuis aimé,
Je declare d'abord qu'elle n'eſt point aimable.
Je suisd'un Mestier , où l'on n'aime pas à perdreson temps. Vous sçavez,
Madame, que nous autres Gens d'Af- faires nous sommes fort intereſſez ,&
que iamaisnousnefaiſons d'avances fi nous ne voyons un profit prompt afſſure.
72 LE MERCVRE
Jamais à la groſſe avanture Nous ne mettons ſoins ny ſoûpirs;
Nous voulons ſeureté meſme dans noſtre ufure ,
Et pretendons gagner cent pour cent enplaiſirs.
Sansnul ſcrupule en Gens fort ſages,
Nous nous faiſons payer l'intereſt d'un ſeul jour ,
Etcomme un Juifnoſtre amour
Ne preſte que ſur bons gages.
Il est bon , Madame , de donner cet avis àvôtre aimable Comteſſe,afin qu'el le examine ſi mon commerce la peut ac- commoder. Ie reviendray en cette Ville dans quelques jours , &fi elle me veut recevoir malgré mes uſures amoureuſes ,
i'iray chez elle étaler ma marchandise.
AAix,
Epars pour Marseille ,
jure ,
je vous
Madame , quej'y vais malgré moy. Vous mefiſtes hier un Portrait que j'emporte dans lecœur , &i'ay peun que cefoit untrait empoisonnéquej'emporte.
Mais , dites-moy, ce beau Portrait ,
L'avez- vous fait d'apres nature ?
N'avez- vous point feint quelque trait,
Pour embellir voſtre peinture ?
Ce teint blanc , & ces blonds cheveux,
Cette main , ce bras, cette taille ,
CetEſprit tel que je le veux ,
Qui ſurprend , qui brille, qui raille,
Enfin cet amas ſans égal Debelles qualitez , dont moname eſt
ravie ,
}
GALANT. 71 Seroit- il dans l'Original ,
Tel qu'il eſt dans voſtreCopie ?
Si cela est , Madame,pour mon re- posiene dois iamais revenir à Aix ; ou plutost j'y dois bien-toſt revenir, car ie m'imagine qu'il eſt doux de perdre Son repos pour la Belle dont vous m'avez donné uneſi riche ideé.
Par tout ce que vous m'avez dit Vous avez charmé mon Eſprit ;
Voſtre Comteſſe eſt adorable :
Mais malgré les appas dont vous m'a- vezcharmé ,
Sibientoſt je n'en ſuis aimé,
Je declare d'abord qu'elle n'eſt point aimable.
Je suisd'un Mestier , où l'on n'aime pas à perdreson temps. Vous sçavez,
Madame, que nous autres Gens d'Af- faires nous sommes fort intereſſez ,&
que iamaisnousnefaiſons d'avances fi nous ne voyons un profit prompt afſſure.
72 LE MERCVRE
Jamais à la groſſe avanture Nous ne mettons ſoins ny ſoûpirs;
Nous voulons ſeureté meſme dans noſtre ufure ,
Et pretendons gagner cent pour cent enplaiſirs.
Sansnul ſcrupule en Gens fort ſages,
Nous nous faiſons payer l'intereſt d'un ſeul jour ,
Etcomme un Juifnoſtre amour
Ne preſte que ſur bons gages.
Il est bon , Madame , de donner cet avis àvôtre aimable Comteſſe,afin qu'el le examine ſi mon commerce la peut ac- commoder. Ie reviendray en cette Ville dans quelques jours , &fi elle me veut recevoir malgré mes uſures amoureuſes ,
i'iray chez elle étaler ma marchandise.
AAix,
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Résumé : A MADAME DE F**
Dans une lettre adressée à Madame de F**, un homme d'affaires en route pour Marseille exprime son départ malgré lui, emportant un portrait de Madame qui l'a charmé. Il se questionne sur la fidélité de ce portrait et admire les qualités décrites. Prêt à sacrifier son repos pour elle, il mentionne également la comtesse de Madame, qu'il trouve adorable, mais souligne que son affection dépend du retour de ses sentiments. En tant qu'homme d'affaires, il ne fait pas d'avances sans garantie de profit, comparant son amour à un commerce nécessitant des assurances. Il invite la comtesse à évaluer si ce 'commerce' peut lui convenir et annonce son retour à Aix pour lui proposer ses services.
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